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Full text of "Abrégé chronologique de l'histoire d'Espagne : depuis la fondation jusqu'au présent regne"

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4r 


ABRÉGÉ 

CHRO  N  O  LO  G  I  Q^UE 

D  E 

L'HISTOIRE 

D'ESPAGNE, 

Depuis  fa  Fondation  JHf^H^aû  préfent  Règne; 

Par  M.  Des  ORMEAUX, 


TOME    K 


A    P  A  R  I  S , 

Cher  N.B.DucHESNE^  Libraire,  rue  S.  Jacques^ 

au-defTous  de  la  Fontaine  S.  Benoit^ 

au  Temple  du  Goût. 


m 


MDCC    LVIII. 

■jAvec  AffrolfAtion  &  'Privjikgt  dn  Roi. 


3)? 


.5" 


Û^^^^.r^  9^  '   ^^^ 


CHRONOLOGIE 
DES    ROIS 

Contenus  dans  ce  Volume. 

CHARLES    IL 

XL  Vil.  Roî,  ("Charles- Joftph-Joachîm- An- 
toine-Léonard )  ,né  le  fîx  Novembre  \66i  « 
mort  le  premier  Novembre  1700,  enterré  à 
TEfcurial  ;  en  lui  finit  la  Maifon  d'Autriche 
Efpagnole.  Il  vécut  trente-neuf  ans  moins  fîx 
jours  g  &  régna  trente-cinq  ans ,  un  mois  & 
treize  jours;  enterré  au  Panthéon  de  TEfcu-» 
riaL 

Femmes.  DonaMarie-LouIfed'Odéanst  fille  du 
Duc  d'Orléans ,  frère  de  Louis  XIV.  morte 
en  168^  à  rage  de  vingt- (èpt  ans. 

Dona  Marie-Anne  de  Neubourg ,  fille  de  TE- 
ie<fteuf  Palatin ,  morte  à  Guacraiafcara  le  feize 
Juillet  1740  à  l'âge  de  folxantê  &  douze  ans* 

PHILIPPE     V. 

XLVIII.  Roî ,  né  à  VerfaiUes  le  dix-neuf  Dé- 
cembre 1685 ,  proclamé  en  vertu  des  droits  de 
ion  ayeule  Marie-Thérefè,  Roi  à  Madrid  )^ 
vingt-quatre  Novembre  1700,. mort  le  neuf 

'  Juillet  ji  74^  f^terré  ^dans  l!£gÛ{ê  Roy^jle  da 

Aij 


\ 


Chronologie 


i>amt  Ildefonfe^  il  vécut  foixante-deux  ans, 
^ .  ftc  mois  &  vingt-huit  jours ,  régna  avant  fbti 
abdication  vingt -trois  ans ,  un  mois  >  feize  ' 
jours»  &  après  qu'il  fut  remonté  fur  le  Thrô- 
ne ,  vingt- un  ans ,  dix  mois  &  neuf  jours  ;  en 
tout  quarante-cinq  ans  moins  cinq  jours ,  en»- 
terré  dans  TEglife  Royale  de  Saint  lidefonfe» 
Femmes.  Dona  Marie-Louife  de  Savoye  ,  fé- 
conde fille  de  Viftor  Amedée ,  Duc  de  Sa- 
voye ,  Roi  de  Sicile ,  &  enfuite  de  Sardaigne  > 
morte  le  quatorze  Février  17 14  à  Tâge  de 
vingt-cinq  ans, 
pona  Ëlifabeth  Farnefe  ,  fille  d'Edouard  Far^ 
nefe ,  Duc  de  Parme  &  de  Plaifance ,  née  le 
vingt-cinq Odobre  i6pz* 

Enfans  de  la  Reine  Marie-LoufferGalrielle 

de  Savoyep 

D.  Louis  >  depuis  Roi  fous  le  nom  de  Louis  I« 
"D.  Philippe ,  'mort  jeone.  ' 
D,  Philippe-Pierre-Gabriel ,  mort  jeune. 
D*  Ferdinand ,  aujourd'hui  Roi  d'Efpagne. 

De  h  ^.çine  El'ifybeth  Farn^fç^ 

D.  Carlos  y  me  le  deux  Janvier  1716  ,  Hoi  des 
Deux  Siciles  &  héritier  préfomptif  de  TEipa^ 
■pagne.  " 

D,  Philippe  ^^. mort  jfiune^    , 

D.  Philippe ,'  Duc  cfe  Parme ,  de  Plaifance  &  de 
Guaflalla  ,  ni  le  quinze  Mars  1.7  ip. 

p.  Louis-Àntoîne- Jacques ,  ci-devant  Cardinal 
Archevêque  de  Séville  Çc  de  Tolède. 

.bona  Marie-Anne- Vidoire,  Reine  de  Portugal, 

jpona  Marie  -  Therefe ,  Dauphine  de  France  ^ 

'  piprçfle  vîflgf^  deux  juillet  174^^ 


DES  Rois  d'Espagne*      y 

Dona  Marie  Antoîne-Ferdinande,  née  le  dîx-fept 
Novembre  1719  9  époufe  du  Duc  de  Savoyp. 


L  O  U  I  S    I. 

L.  Roi ,  né  à  Madrid  le  vingt- cinq  Août  1707  $ 
Roi  par  Tabdication  de  Philippe  V*  Ton  père  le 
àix  Janvier  1714  >  mort  le  trente-iin  Août  de 
la  même  année  à  Madrid  >  enterré  à  TEfcu- 
rial  ;  il  vécut  dix-fept  ans  &  fix  jours»  &  ré- 
gna fept  ipois  &  onze  jours* 

Femmes.  Elifabeth  d'Orléans,  motte  à  taris  le 
fêize  Juin  1742  à  l'âge  de  trente-deux  ans  9 
fix  mois  &  cinq  jours.  *    < 


1*.^ 


FERDINANDVI. 

LL  Roi ,  né  à  Madrid  le  vingt-trois  Septembre 
1713,  proclamé  Prince  des  Afturies  à  Madrid 
1725  ,  Roi  par  la  mort.de  Philippe  V*  fon 
pcre  Je  neuf  Juillet  174^. 

Femmes.  Dona  Marie  de  Portugal ,  fille  de  Jean» 
VI.  Roi  de  Portugal ,  née  le  quatre  Déeenv 
bre  I7II, 


ROIS  DE  PORT  [/G  AL, 

« 

ALFONSE    VI. 

Furieux  &  imbécille,  régne  en  i^f<f,eft pri- 
vé de  la  Couronne  &  de  fa  femme  par  fon 

^   •  •  • 

Aiij 


Chronologie  &€. 


ftere  Kerre  II.  en  1667^  &  cooiêrve le thre 
de  Roi  jti^o'eii  16S3 ,  qa'il  nieiiit  apiès  m» 
règne  de  vâigt'fèpc  ans* 


PIERRE    II. 

• 

Lui  Cuccéâ^  en  T  ^8  3 ,  &  meurt  en  170^9  après  un 
règne  de  yingt-trois  ans  :  c'efl  ce  Prince  qui  a 
commencé  à  Ce  mettre  dans  la  dépendance  de 
l'Angleterre  par  des  traités  de  commerce  & 
d'alliance  qui  ont  anéanti  les  manu&âures  % 
Se  la  culture  du  Portugal» 


JEAN     V. 

Son  fîklul  îûccéde  en  170^ ,  8c  meurt  en  17^0  9 
aprS  quarante- quatre  ans  de  règne  ;  grand 
Roi ,  s'il  n*eût  encore  reflèrré  les  chaînes  qyi 
attachent  le  Portugal  à  TAngleterre» 


ABRÉGÉ 

CHRONOLOGIQUE 
D  E 

L'HISTOIRE 

D'ESPAGNE, 


CHARLES    II. 

JA  Reine,  ea  venu  du  tefta-  i$gr, 
ment  de  Philippe  IV.  fut  re- 
connue en  cjoalité  de  Régen-, 
te.  On  avoir  défigné  pour  foa 
confeil ,  avec  voix  feulement  confitlta- 
tive  ,  le  Comte  de  Caftriglio  Préûdent 
du  Confeil  de  Caftille  j  Dom  Chriftoval 
Crépi ,  Vice-Chancelier  d'Arragon  ,  le 
Cardinal  d'Arragon ,  le  Marquis  d'Ay- 
Tomt  f^.  A  iv 


«1 


È  HiSTO  IR  E 

tonne  &  le  Gomte  de  Penneranda  ;  Dom 
Juan  d'Autriche ,  le  feul  homme  capable 
de  gouverner  dignement  FEtat ,  étoit 
oublié  ;  la  Reine  craignoit- elle  que  ce 
Prince  habile  profitant  de  l'amour  de  U 
Nation  n^ufurpât  le  thrône  fur  fon  fils  ? 
Ce  n'eût  pas  été  le  premier  exemple  en 
Efpagne  d'un  bâtard  parvenu  à  la  Cou- 
ronne. 

Le  jgune  Roi  fut  proclamé  à  Madrid 
le  quinze  Oflobre ,  &  enfuite  dans  tou- 
tes les  Villes  de  la  Monarchie  avec  lesi 
cérémonies  ordinaires  ;  on  nomma  le 
Cardinal  d'Arragon  ,  Archevêque  de 
Tolède  &  Grand  Inquifiteur ,  ce  qui  lui 
donnoit  un  pouvoir  &  des  richefles  im.- 
menfes  i  mais  il  ne  garda  pas  ttWt 
dernière  dignité  que  îa  Reîne  conféra 
au  Père  Evrard  Nitard  ,  fon  Confef- 
feur  ,  fon  Miniftre  &  (on  confident.. 
On  s'apperçut  bientôt  à  la  Cour  que  ce 
Jéfuite  Allemand  ,  homme  fier ,  géné- 
reux &  défintéreffé  n'avoit  ni  l'étendue 
d'efprit ,  ni  les  talens  ,  ni  le  manège^  ni 
les  connoiflances  néceflaires  pour  gou- 
verner une  vafte  Monarchie.  Les  Grands 
devenus  puiffans  par  la  foibleife  des  deux 
derniers  Gouvernemens  &  par  une  ml* 


d'  £  S  P  A  G  N  £• 


norité ,  fe  déclarèrent  prefque  tous  coihj 
tre  Nitard ,  &  foutinrent  D.  Juan  d'Au- 
triche fon  ennemi  ;  le  Jéfuite  témoigna 
d'abord  du  courage  &  de  la  grandeur 
d'ame  iCefivous  ^  difoit-il  à  un  Grande 
qui  me  devez»  dié  refpeS ,  a  moi  qui  ai  tous 
les  jours  votre  Dieu  entre  Us  mains ,  &  vo^ 
ire  Reine  à  mes  pieds.  Mais  les  obftacles 

3u'il  ne  put  vaincre  lui  firent  compren- 
re  qu'il  eft  plus  aifé  de  gouverner  une 
femme  dévote  &  bornée ,  qu'une  Cour 
orageufe  ^  &  des  Grands  fiers  &  mutins. 
La  Cour  confentit  que  TAmbafladeur 
d'Angleterre  (  Fanshau  )  s'abouchât  à 
Salvaterra  avec  le  Comte  de  Caftelmel^ 
hor ,  premier  Miniftre  de  Portugal  pour 
conclure  la  paix  entre  les  deux  Couron- 
nes :  la  Reine  donna  d^autant  plus  volon- 
tiers les  mains  à  cette  négociation ,  qud 
l'Efpagne  étoit  menacée  d'un  ennemi 
bien  plus  redoutable  que  l'imbécille  & 
furieux  Alfonfe  VI.  Je  veux  parler  de 
Louis  XIV.  qui  vouloit  faire  valoir  les 
droitsde  ta  Reine  fonépoufe  fur  certai- 
nes Provinces  des  Pays-Bas  que  la  Cou- 
tume &  la  (4)  Jurilprudence  da  Pays^ 

(a)  La  Loi  àe  dévolution  avoir  lieu  ,  fùr-tcuc  cm 
Bfabanpt 


lO  Hl  STO  I  RE    • 

■I         ri——  ■  — — — — ^^— — . 

tranfportoient  aux  filles  du  premier  lit ,. 
au  préjudice  des  mâles  qui  étoient  venus 
d'un  fécond  mariage.  Les  François  éta- 
blirent les  droits  de  leur  Reine  dans  de 
longs  manifeftes.  On  y  répondit  par 
d'autres  écrits ,  &  on  oppofa  fur- tout  la 
renonciation  de  Marie  -  Therefe  ;  mais 
quand  cette  renonciation  n^eût  pas  été 
nulle  en  elle-mêrpe  par  rapport  à  la  Mo- 
narchie ,  ne  rétoit- elle  pas  vîs-à-vis  de 
ce  droit  particulier  ;  d'ailleurs  ,  encore 
une  fois  la  dot  5  au  moyen  de  laquelle 
on  l'avoit  forcé  de  renoncer,  n'^ayant 
pas  été  payée ,  la  reine  rentroit  fans  dif- 
ficulté dans  fes  droits. 

L'efpérance  de  profiter  des  trou- 
bles &  du  mécontentement  que  la  fu- 
reur &  les  excès  du  Roi  de  Portugal  ne 
gôuvoient  manquer  d'exciter  dans  foa 
.oyaume  ,  firent  tirer  la  négociation  en. 
longueur  de  la  part  de  TEfpagne  ;  la  Ré- 
gente fe  fiatta  que  toute  l'Europe  fe  li^ 
gueroit  pour  arrêter  Louis  XIV.  dans  les- 
projets  fur  les  Pays-Bas  :  c'étoit  mal  rai- 
fonner;  l'Empereur n'avoit  ni  argent,  nt 
troupes  ;  l'Angleterre  &  la  Hollande  fe- 
faifoient  une  guerre  implacable  ,  la  moi- 
tié de  TEmpire  étoitdans  Les  intérêts  da 


d' Espagne.  ii 

Roi  de  France  ;  Louis  étoit  feul  en  Eu- 
rope heureux ,  riche  &  puiffant  ;  l*Efpa- 
gne  ne  prit  pomt  départ  aune  guerre  qui 
s'éleva  entre  la  Hollande  &  TEvêque  de 
Munfter  fur  les  frontières  d^  Pays-Bas  ; 
la  France  &  le  Dannemarck  s'étoient 
déclarés  pour  les  Etats- Généraux  contre 
les  Anglois. 

On  ne  put  réfîfter  cette  campagne  à 
Schomberg  qui  eut  plufieurs  fois  l'avanr 
tage  fur  les  Généraux  Efpagnols;  au<» 
cun  d'eux  n'ofa  en  venir  aux  mains  avec 
lui  9  &  on  lui  laiifa  tranquillement  enle- 
ver des  Villes ,  &  ravager  l'Eflramadou^ 
re  ;  le  Prince  de  Parme ,  fur  les  fins  de 
la  campagne  tailla  en  pièces  quatre  Régl-^ 
ments  de  cavalerie  Pdrtujeaife. 

Les  Maures  levèrent  le  fiége  de  Lara* 
che  fur  la  côte  d'Afrique ,  après  avoir 
perdu  deux  mille  hommes  devant  cette  ' 
Ville  défendue  par  deux  cent  cinquante 
Efpagnols. 

La  Reine  Douairière  de  France ,  Anne 
d'Autriche  étoit  morte  le  vingt-cinq  Jan- 
vier ;  fa  mémoire  eft  immortelle  en  France 
où  elle  porta  k  goût ,  la  politeffe ,  &  ce 
talent  charmant  pou*  la  Société  qui  dif- 
tingpe  lei  François  de»  autres  Peuplesl. 

Avj 


12  H  I  S  TO  IRE 

— • 

On  croit  que  fi  cette  Princefle  eût  vécui 
plus  long-tems ,  Louis  XIV.  à  fa  confi- 
dération  n'auroit  pas  attaqué  les  Pays- 
Bas  Efpagnols  ;  la  paix  des  Pyrénées  qui 
/fut  à  la  vérité  l'ouvrage  de  Mazarin ,  n'a- 
voit  été  négociée  que  par  les  ordres  réi- 
térés de  cette  grande  Reine. 

La  Reine  de  Portugal ,  Louife  de  Guz- 
man  ,  dépouillée  du  Gouvernement  par 
fon  fils ,  mourut  dans  un  Couvent  de  Lis- 
bonne le  vingt-huit  Février.  La  Maifon 
de  Bragance  lui  doit  la  Couronne  qu'elle 
porte  aujourd'huL  La  PrinceflTe  dont  je 
viens  de  parler,  foufFrit  fa  difgrace  avec 
le  même  courage  qu'elle  fit  paroître  à  la 
tête  des  affaires. 
^66 j.  Le  Comte  de  Sandvich ,  nouvel  Am^- 
baffadeur  d'Angleterre  ,  fit  renouer  les 
conférences  pour  la  paix  avec  le  Portu- 
gal ;  les  ennemis  furent  repouffés  de  de- 
vant Gurumena  &Albuquerque  ;  raais  le 
Roi  de  France  que  la  cour  de  Madrid  eût 
©û  fatisfaire  par  la  ceflîon  de  quelques. 
Villes  dans  les  Pays-Bas ,  profitoit  habile- 
ment de  rétat  de  FEurope  pour  faire  la 
conquête  prefqu'entïere  des:  Pays-Bas.; 
fuivi  de  Turenne  &  de  foixante  mille. 
iu>mme9^^  il  conquit  Amentieres^  Bec-^ 


D*  Espagne.  ij 


i>* 


gués ,  Furnes ,  Charleroi ,  Ath ,  Tour- 
nai 9  Douai ,  Courcrai  ,  Oudenarde  f 
Aloft ,  Lille;  il  vainquit  le  Général  Mar- 
fin  le  trente-un  Août  :  d^  tels  progrès  * 
auxquels  l'Europe  n'étoit  plus  accoutu- 
mée ,  fufpendirent  l'animofité  de  TAngle- 
terre  &  de  la  Hollande  ,  ces  deux  Puif* 
fànces  également  effrayées  des^  fuctès 
Jbrillans  de  I-ouîs  XIV,  lignèrent  la  paix 
à  Breda  le  trente-un  Juillet  pour  arrêter 
de  concert  la  fortune  de  la  France.  La 
Régente  ne  put  envoyer  te  moindre  fe- 
cours  d'hommes  &  d'argent  d'ans  les 
Pays-Bas  ;  eHe  fé  contentoit  de  faire  dire 
par  le  Roi  fon  fils ,  lorfque  les  Grande 
venoient  lui  faire  la  cour  :.  défendez^-moi ^ 
je  jms  innottm. 

Sur  les  frontières  du  Rouflîllon  H  y 
eut  quelques  hoftilités  qui  n'aboutirent 
à  rien.  Le  Roi  de  France  ne  déclara  point 
la  guerre,  regardant  fon:  entreprife  com- 
me une  fimple  prife  de  poiTefiion  dea 
Etats  qui  étoient  dévolus  a  fon  époufe  r 
mais  l'Êfpagne  la  lui  déclara  avec  les  foi:^ 
malités  ordinaires.  • 

Par  une  révoUitiorr  inouie ,  le  Rof  de 
Portugal  fe  voit  enlever  en  même-tems» 
par  foa  frère  D.  Pedro  &  fon^  époufe-  & 


14  Histoire 

f^  Couronne.  La  Reine  qui  étoitl^rançoi- 
&  {a)  de  nation^prétendit  que  Ton  mariage 
n'avoit  pu  être  confommé  par  Alfonfe  , 
*  &  qu'il  lui  étoit  Ubre  de  fonner  de  nou- 
veaux liens  y  même  avec  le  firere  de  fon 
mari.  Le  Roi  preoôit  toutes  fes  maîtrefles 
qu'il  avoir  eues  en  grand  nombre  pour 
témoins  de  la  fauflfeté  de  l'accufation  , 
&  demaTidoit  à  faire  fes  preuves.  Perfon- 
ne  ne  s'intéreiTa  pour  lui ,  &  il  fut  con* 
traint  de  figner  fon  abdications  après 

auoi  on  le  relégua  aux  Terceres.  Ten- 
ant tout  le  tems  que  vécut  cet  imbé- 
cille  Monarque,  D. Pedro  ne  prit  que  le 
titre  de  Régent.  En  mil  fix  cent  foixan- 
te-quinze  on  tranfporta  Alfonfe  dans  une 
fortereflè  de  Portugal  oii  il  mourut  après 

Ls^oir  pallé  huit  ans.  Le  Chapitre  de 
ifbonne  5  pendant  la  vacance  au  fiége, 
déclara  nul  le  mariage  de  la  Reine ,  & 
cette  Princeffe ,  au  moyen  d'une  difpenfe 
qui  lui  fut  accordée  par  le  Cardinal  de 
Vendôme  fon  oncle  ,  Légat  à  Utere  en 
France,  époufa  le  Régent,  &  conferva 
foiî  titre  dé  Reine. 
008.     Le  Roi  de  France  ajoute  aux  conquê- 

ifi)  Elle  écolt  fille  du  Pue  dé  Nemottrs» 


d'Espagne.  if 

tes  de  Fannée  dernière  celle  de  la  Fran* 
che-Comté  en  quatorze  jours  ;  cette  Pro- 
vince eût  pu  tenir  des  campagnes  entiè- 
res ;  mais  les  armes  &  Tor  de  Louis  XIV- 
avoient  engourdi  le  courage  &  les  mains 
de  tous  les  Gouverneurs  ;  cette  nouvelle* 
confterna  la  cour  d&  Madrid ,  &  la  forçai; 
enfin  de  figner  la  paix  avec  le  Portugal  ^ 
ce  Royaume  fut  reconnu  pour  libre  & 
indépendant  y  &  on  ôta  du  blafon  d'Ëf- 
pagne  les  armes  de  Portugal  ;  la  Ville  de: 
Ceuta  qui  en  mil  fix  cent  quarante  n V 
voit  pas  fufvi  le  torrent  de  la  révolu- 
tion ;  refta  à  TEfpagne  ;  tel  fut  le  fruit 
honteux  du  defpotifme  d'Olivarrès ,  & 
d'une  guerre  de  vingt-huit  ans  qui  ache- 
va d'anéantir  ks  forces  de  la-Monarchie: 
Efpagnole  ;  le  Marquis  de  Liche ,  pri-^ 
ibnnier  de  guerre  à  Lifbonne  depuis  ia> 
bataille  d^Efiremos-,  négocia  ce  traité 
honteux  dé  concert  avec  l'AmbaiTadeur 
Anglois  Sandvich. 

D.  Juan  d'Autriche  refufoit  ©piniâ-^ 
trément  Iç  gouvernement  des  Pays  Basr 
&  fe  plaignoit  que  là  Reine  ne  vouloit 
l'y  envoyer  que  pour  lui  faire  perdre  fa 
réputation ,  attendu  qu'il  ne  sV  trouvoit 
fil  troupes  i  ni  argent  j  depuis  long<^tems: 


%6  Histoire 

ce  Pïînce  Ibaffiok  avec  impatience  de  fe 
voir  exclus  du  GouTernement  oà  Tap-» 
pelloieQt  fa  naiflànce  &  (es  tatens* 

*  L*Angleterre ,  la  Suéde  &  la  Hollan^ 
de  (è  bâtent  de  figner  un  traité  de  ligue 
oiJènfive  &  défenfive  pour  conferver  le 
refte  des  Pays-Bas  à  TEfpagne  ;  le  Che- 
valier Temple ,  Anglob,  mortel  ennemi 
de  la  France ,  fat  Fauteur  du  traité. 

Le  Roi  de  France ,  pour  ne  pas  s'at- 
tirer fur  les  bras  la  meilleure  partie  de 
FEurope  ,  fit  partir  fes  Miniftres  pour 
Aix- la -Chapelle  où  l*on  figna  le  traité 
qui  lui  aiTuroît  f^s  conquêtes  dans  le^" 
Pays-Bas ,  à  condition  qu'il  reftitueroit 
la  Franche- Comté. 

Le  Czar  Alexis  Michaëlowitz  envoya 
à  Madrid  une  célèbre  ambaffade ,  la  Mof- 
covie  n'en  avoit  point  encore  envoyé  en 
Efpagne.  L'Ambaffadeur  propora  urr 
traité  de  Commerce  entre  les  deux  Na- 
tions. Que  pouvoît-on  attendre  d'un  pa- 
reil traité  ?  Les  Mofcovites  plongés  dans 
la  barbarie ,  ne  pouvoieiit  voyager  en 
Europe ,  &  les  Efpagnols ,  Nation  indo- 
lente ,  s'il  en  fut  jamais ,  étoient-ils  gens 
i  commercer  au  fond  du  Nord  ? 
"   D.  Juan,  ofa  blâmer  tout  haut  la  pake 


d'Espagne.  17 


d»> 


d'Aix-là-Chapelle  ;  mais  c'eft  qu'il  étoit 
mécontent  de  la  Cour ,  car  on  devoit  fe 
trouver  heureux  d'avoir  obtenu  la  refti- 
tution  de  la  Franche  -  Comté  ;  le  Duc* 
d'Aremberg  obtînt  le  Gouvernement  de 
cette  Province ,  qui  en  conféquence  de 
fes  privilèges  n'avoit  point  eu  jufqu'alors 
de  Gouverneur ,  &  ne  payoit  point  d'im- 
pôts ;  le  Comte  de  Comerano ,  Vice-Roi 
de  Sardaigne ,  eft  aflafliné  dans  fon  palais 
par  les  amis  du  Marquis  d'Achi  en  repré- 
lailles  de  la  mort  de  ce  dernier  que  Ca- 
œerano  avoit  fait  poignarder;  on  envoya 
dans  l'Ifle  le  Duc  de  S.  Germain  avec  un 
pouvoir  abfolu  pour  punir  les  coupa- 
bles ;  ce  Seigneur  fat  obligé  d'avoir  re- 
cours aux  armes ,  de  livrer  des  combats» 
&  de  prendre  des  Villes  avant  que  de 
pouvoir  réduire  la  moitié  de  la  oardai- 
gne  révoltée  en  faveur  des  amis  du  Mar- 
quis d'Achi. 

Les  Payfans  du  Royaume  de  Valence 
font  taillés  en  pièces  par  des  troupes 
réglées  avet  lefquelles  ils  oferent  en  ve- 
nir aux  mains*  Tous  ces  troubles  en  an- 
nonçoient  de  plus  grands  ;  Dom  Juan  > 
à  la  tête  de  plufieurs  Graifds ,  imputoit 
au  Père  Nitard  les  malheurs  du  Royau* 


l8  Hl  s  T  O  I  R  £ 

me  r  tfc  il  voulut  le  faire  enlever  ;  la  Reine 
înâruke  du  complot ,  relégua  le  Prince  à 
Confuegra,  &  faifit  fes  revenus  &  fes 
penfions  ;  mais  D.  Juan  fe  fauva  en  Arra- 
gon ,  prit  les  armes ,  s'empara  du  châ- 
teau de  Jacca ,  &  menaça  la  Reine  d'une 
guerre  civile  9  à  moins  qu'elle  ne  ren- 
voyât en  Alkmagne  fon  Confeflèur  & 
fon  Oracle* 
^66$.  te  pdf ti  At  ty%  Juan  fe  fortifia  en  peu 
de  terni  au  point  de  faire  trembler  la  Ré- 

Snte*  L'Afrâgon  ,  la  Catalogne  ,  les 
ucs  d^Ortbne  &  de  Tlnfantado ,  le  Mar-* 
quis  de  Liche ,  prefque  tous  les  Grands^ 
fe  déciarcrent  pour  !)•  Juan  ;  ce  Prince 
marcha  droit  à  Madrid  avec  deux  mille 
chevaux  ;  la  Reine  &  fon  Miniftre  qui 
voyoient  l'orage  fe  former  depuis  un  an , 
n'eurent  pas  Tadreffe  de  le  diffiper  ;  le 
Duc  de  l'Infantado  &  le  Marquis  de  Li- 
che montèrent  à  la  chambre  de  la  Reine  , 
&  la  forcèrent  à  confentir  à  l'éloigne- 
ment  du  Père  Nîtard  »  la  Reine  verfa  des 
larmes  avant  que  de  (bufcrire  à  cette 
propofition  ;  mais  le  Jéfuite  partît  de  la 
Cour  la  nuit  du  vingt-cinq  Février  ;  on 
lui  oflfrit  en  vain  de  la  part  de  la  Reine 
des  fommes  confidérables  :  J^le?^ ,  répon- 


/ 


d'  E  s  P  A  G  N  E.  Ip 

dit-il  avec  grandeur  ,  non ,  je  fuis  entré 
fauvre  Religieux  en  Efpagne  ,  fen  fortirai 
de  même.  Il  fe  rendit  à  Rome  oà  la  Reine 

3ui  refpedoit  fa  probité  &  fa  vertu ,  le 
écora  de  la  qualité  d^Ambaffadeur  d'Ef» 
pagne ,  &  le  fit  élever  quelques  années 
après  au  Cardinalat. 

Sur  ia  nouvelle  de  la  difgrace  &  de 
l'exil  de  Nitard  >  D.  Juan  qui  étoit  aux 
portes  de  Madrid  ^  fe  retirai  Guadala- 
xara  ;  il  négocia  de-là  avec  la  Reine  qu'il 
venoit  d'humilier  ;  la  PrinceiTe  accaSlée 
accorda  à  fon  redoutable  ennemi  ^  tout 
ce  qu'il  ofa  exiger  ;  «D,  Juan  obtint  des 
grâces  pour  fes  amis ,  l'éreélion  d'un  nou- 
veau Conièil  qui  devoit  être  uniquement 
occupé  à  chercher  les  moyens  de  fouh- 

fjer  les  Peuples,  &  ne  demanda  rien  pour 
uij  cet  oubli  politique  &  l'ardeur  avec 
laquelle  il  avoit  ftipulé  les  intérêts  des 
Citoyens,  lui  gagna  tous  les  cœurs;  il 
n'y  avoit  pas  un  Efpagnol  qui  ne  le  fût 
facrifié  pour  ce  Prince  ,  qu'on  appelloit 
tout  haut  le  père  de  la  Patrie  :  l'amour 
qu'on  avoit  pour  lui  éclata  bientôt  après. 
La  Reine  n'avoit  cédé  qu'en  frémiflant , 
&  pour  conjurer  l'orage  qui  auroit  pâ 
fondre  fur  elle-même  comme  fur  fon  Mir- 


22  Histoire      ^ 

pour  éclater ,  fentît  qu'elle  étoit  moins 
en  état  que  jamais  de  réfifter  à  une  révol- 
te générale  j  remplie  de  la  jafte  crainte 
qu'un  ennemi  qu'elle  avoit  tant  perfé- 
cuté  ,  ne  profitât  de  la  faveur  publi- 
que pour  l'éloigner  de  la  Cour ,  &  peut*- 
•étre  pour  enlever  la  Couronne  à  fon  fils, 
elle  le  hâta  de  conjurer  l'orage  par  des 
Ibumiffions  ;  elle  confentit  par  un  nou- 
veau traité  à  partager  avec  lui  le  Gou- 
vernement de  la  Monarchie  ;  en  confé- 
quence  D.  Juan  fut  déclaré  Vicaire  Gé- 
néral de  la  Couronne  dansl'Arragon ,  la 
Catalogne  ,  Valence ,  les  Baléares  j  la 
Sardaigne  ;  il  établit  fa  Cour  à  Sarra^ 
goflfe  ;  le  Duc  d'Oflbne  obtint  le  Gou- 
vernement du  Milanez  ;  le  refte  de  la 
Monarchie  qui  comprenoit  la  Caftille, 
l'Amérique ,  les  Pays-Bas  ,  le  Royaume 
de  NaplÉs ,  demeura  à  la  Reîne  qui  con- 
ferva  la  qualité  de  Régente ,  fie  te  nou- 
veau Régiment  des  Gardes  à  pied.  Dom 
Juan  lui  facrifia  auflî  les  intérêts  des  Peu- 
ples qu'il  avoit  paru  embraffer  avec  tant    ' 
d'ardeur  &  de  ^éfintéreffement.  La  Rei- 
îie  profita  de  ce  calme  paflager  pour  dé- 
fendre fous  peine  de  mort  à  tous  les  Q- 
ttoyens  de  Madrid  qu'elle  haiifoit  ,  Ôc 


d'Espagne.  21 

rent  entrevoir  qu'on  fe  méfioit  d'eux ,  &c 
qu'on  v.ouloit  uir-tout  infpirer  au  jeune 
Roi  l'idée  de  régner  par  la  terreur.  Les 
uns  lèc  les  aujtres  fe  rappelloient  avec 
douleur  le  tems  où  leurs  Rois  les  plu3 
çuiffans  de  l'univers  habitoient  un  palais 
acceflible  à  tous  les  Citoyens ,  &  fe  pro- 
/nenoient  dans  la  Capitale ,  comme  de^ 
pères  de  famille  au  milieu  de  leurs  en- 
cans ,  fans  autrje  efcorte  que  l'amour, 
la  tendrelfe  &  le  refpeél  de  leurs  Sujets  5 
on  plaignoît  D.  Juan  que  la  Reine  avoir 
trompe,  &  qu'elle  alloît  accabler ,  &  enfin 
on  eut  recours  à  lui,  comme  au  héros  & 
au  vengeur  de  la  Patrie  immolée  par  unç 
Reine  incapable  de  régner ,  &  par  des 
Miniftres  fans  honneur  ;  D.  Juan  qui  mal* 
gré  fa  feinte  modératiQn  n'afpiroit  qu'à 
dépouiller  fa  belle-mere  ,  ou  ^u  moins  à 
partager  ^vec  elle  le  Gouvernement  , 
ccout/  les  plaintes  des  mécontens ,  fe 
joignij:  à  eux  ',  &  men;aça  la  Reine  des 
horreurs  d'une  guerre  civile ,  fi  le  Régi- 
inent  dp$  Gardes  n'étoit  licencié ,  &  fur? 
tout  fi  p.n  n'adouciflbit  le  fort  des  Ci- 
toyens opprimés  j  la  Régente  qui  s'étoiç 
apperçue  que  les  Grands  &  le  Peuple 
B'^tfe»dpiçnt  (jue  Je  fignal  fiç  p.  Jij^fj 


■  «  * 


1  Lr.- 


•       •  >  . 

:.  ,"-:  ":j  t-.:  — "i  i'i"i  iculeur  les 
^:..ù..:-î  .  .ji  :n:i.-r.:.-s  ic  les  douleurs 
4ù":\-''-----''--  i-  p^ireiis  vainqueurs;  la 
R^p-ibi-V"^-  i^^-ir*^"^e  vers  fa  fin  n'eut 
l|uiir.:s  pi -'S  à  icuirrir  des  Pirates  qui  rem- 
ttlill'oknr  la  Méditerrannce ,  que  TAme- 

riqiî^ 


d'Espagne.  ay 

rique  de  cette  poignéç  de  brigatids';  mais 
Rome  trouva  un  vengeur  dans  Pompée  y 
tandis  que  l'Amérique  en  attendit  un  en 
vain  d'Efpagne.  Il  n'eft  peut-être  pas 
inutile  d'obferver  que  les  enfans  des  con- 
quérans  du  nouveau  Monde  avoient  tel- 
lement dégénéré  de  la  valeur  dç  leurs 
Pères,  qu'à  peine  deux  mille  Américains 
E/pagnols  ofoient  en  venir  auif  mains 
avec  deux  cents  Aventuriers. 
'     Là  Régente  fe  (îgnala  par  une  adlion 
qu'on  n'étoit  pas ,  ce  femble ,  en  droit 
aattendre  d'une  Princefle  foible  &  fu- 
perflitieufe  ;  elle  ofa  fupprirper  dans  le 
Milanez ,  fans  le  concours  du  S.  Siège  , 
une  multitude  de  petits  Côûvens  remplis 
d'hommes  oififs  &  inutiles  à  TEtat.  Le 
Pape  fe  plaignît ,  mais   on  l'appaifa  , 
moyennant  quelques  légères   fatisfac- 
tions;  Clément  Ia.  étoit  trop  fage ,  trop 
éclairé  ,  trop  ami  de  l'ordre  pour  ne  pas 
fentir  l'abus  de  pareili  établiffemens  ,  & 
ne  pas  approuver  leur  fuppreflîon. 

L'Efpagne  accéda  cette  année  au  trai- 
té de  Weumînfter  conclu  l'année  précé- 
dente entre  l'Angleterre ,  la  Suéde  &  la 
JîoUaride  pour  lui  garantir  les  Pays-Bas 
qu'on- craignoit  que  la  France  n'englou- 
Tome  r.  .  B 


7.6  Histoire 

tît  :  ea  recoonoiflânce  des  lècoursrqiiê 
promettoit  la  Suéde  «  la  Cour  s'engagea 
a  lui  payer  chaque  année  un  fûbfidc  d'uo 
million. 

L'amitié  que  la  Régente  confeirvok 
pour  le  Jéfuice  Nitard  qu'on  vencMt  de 
lui  arracher  ^  lui  attira  encore  un  nouvel 
aflfront  ;  elle  avoir  demandé  pour  lui  aa 
Pape  un  chapeau  de  Cardinal  ;  mais  le 
Confeil  d'Etat  l'exigea  en  méme-tems , 
&  Tobtmt  pour  l'Abbé  Portocarrcrcf; 
mais  la  Reine  eut  le  courage  de  braver 
toutes  les  contradictions  qu'elle  eiTuyoit 
au  fujet  de  cet  ancien  favori  ^  &  lui  ob- 
tint enfin  dans  là  fuite  y  comme  nous  l'a- 
vons déjà  dit  5  cette  dignité  éminente* 
iCno*  Cependant  le  cri  des  Peuples  aban-* 
donnés  par  D.  Juan  effirayoit  la  Reine  ; 
ils  fe  plaignoient  qu'on  les  accablât  d'im- 
pôts en  pleine  paix  5  &  qu'on  laiflat  fub- 
Efter  les  abus  qu'on  avoit  promis  de  fup- 
primer  ;  la  Cour ,  pour  ne  pas  les  aigrir 
davantage,  établit .  un  Confeil  9  ou  une 
Junte  9  qui  ne  devoit  être  occupé  qu'à  re- 
trancher les  dépenfes  inutiles  de  la  Cour , 
&  à  rétablir  les  finances  ;  mais  il  eut  fal-* 
lu  de  la  vigueur ,  du  concert  &  de  Th^ 
bil^té  dans  ceux  qui  compofpient  ce  Qou- 


d'  E  s  P  A  G  N  £•  27 


veau  Confeil ,  &  il  en  fut  de  cette  nou- 
velle inftitution  comme  de  toutes  les  au- 
tres ,  elle  devint  inutile ,  ou  plutôt  oné- 
teufe  ;  les  membres  qui  compofoient  It 
Tribunal  tirèrent  de  gros  appointemens, 
reçurent  des  préfens ,  &  fermèrent  les 
yeux  fur  les  brigandages  des  Financiers^ 
fur  les  ufurpations  du  Domaine  Royal  & 
fur  les  abus}  ce  Confeil  &  tous.les  autres 
Confeils  fouverains  étoient  eux  mêmes 
des  abus  ;  ils  étoient  remplis  d'une  foule 
inutile  dç  Magiftrats'  &  d'Officiers  qui 
abfbrboient  des  fommes  immenfes  par 
leurs  appointemens,  &  ne  terminoient 
rien  ;  on  jugera  de  ce  que  ces  CMîciers 
coûtoîent  à  la  Couronne,  quand  on  fçau- 
ra  que  le  feul  Chancelier  du  Confeil  des 
Indes  Occidentales  ,  ou  de  l'Amérlbue 
tiroit  de  fa  charge  plus  de  cent  mille  du- 
cats par  an ,  &  que  chaque  Membre  jouit 
foit  a' proportion  d'un  revenu  confidé^ 
rable  ;  le  Maître  de  l'Amérique  ruiné  en- 
core plus  par  fes  courtifans  ,  fes  Finan-^ 
ciers  &  une  foule  de  gens  inutiles  que 
par  de  longes  guerres ,  ne  jouiflfoit  pas 
de  plus  de  lept  millions ,  toutes  dépenfes 
faites  pour  loutenir  l'éclat  de  fa  Cou- 
ronne ,  &  pour  défendre  fes  Etats  en 
tems  de  guerre.  B  îj 


^S  '  Histoire 

Une  querelle  éclatante  de  D.  Juan 
d'Autriche  avec  le  Comte  d'Âranda  y 
Gouverneur  de  Sarragofle ,  &  créature 
de  la  Reine ,  manqua  de  rallumer  la  guer- 
re civile  ;  le  Prince  fe  plaignit  que  le 
Comte  eût  attenté  à  fes  jours  par  le  poi- 
fon  ;  il  ne  nommoit  pas  la  Reine  ,  mais  il 
n  y  avoit  perfonne  qui  ne  $'apperçût  qu'il 
la  foupçonnoit  d^être  Fauteur  fecret  de 
ce  crime  ;  le  Comte  innocent  fe  défendit 
avec  çQurage  ;  la  vérité  perça ,  &  D.Juan 
s'apperçut  qu'il  avoit  été  trompé  par  D, 
Antoine  de  Cordoue ,  délateur  du  Com- 
te d'Aranda  :  il  abandonna  l'impofteur 
au  reffentiment  de  la  Reine  qui  lui  fit 
couper  la  tcte. 

Le  jeune  Roi  eft  attaqué  d'une  mala- 
die^qui  le  conduit  aux  portes  du  trépas, 
A  la  nouvelle  du  danger  d'une  tête  lî 
préçîeu(e,  l'Efpagne  fut  dan^  les  plus  vi* 
ves  allarmes  ;  l'Europe  trembla ,  elle  ne 
pouvoit  regarder  fans  frayeur  Louis  XIV, 
jeune ,  vainqueur ,  puiflant ,  prêt  à  unir 
^  fes  Etats  la  plus  vafte  Monarchie  dç 
l'Univers,  Oq  n'apprit  par-tout  la  cpn- 
valefcence  du  Roi  qu'avec  tranfport  ;  ai^ 
refte ,  le  retour  de  la  fanté  de  Charles II, 
nç  6t  que  dilférçr  les  malheurs  ^  Içs  guçr^ 


I>'  E  s  P  A  G  N  E.  ±^ 

tes  &  la  révolution  qu'on  prévoyoit  à  la 
mort  du  jeune  Roi. 

Cadix  effuya  cette  année  un  ouragan  16'] 
qui  renverfa  une  multitude  d'Eglifes»  de 
palais  &  de  maifons  ;  un  grand  nombre 
de  Citoyens  périt  accablé  Tous  les  débris 
des  bâtimens  renverfés  ;  60  vaiflfeaux  fu- 
rent engloutis  dans  le  Port  ;  vers  le  mê- 
me tems  le  feu  prit  à  TEfcurial ,  confuma 
une  partie  de  ce  fuperbe  édifice  ,  &  en- 
tr'autres  la  bibliothèque  la  plus  précieufe 
&  la  meilleure  qui  fût  en  Efpagne. 

Il  femble  que  chaque  jour  de  ce  mal- 
heureux règne  devoit  être  funefte  à  quel» 
que  partie  de  la  Monarchie  ;  le  célèbre 
Morgan ,  à  la  tête  de  fes  Flibuftiers , 
s'empara  de  Tlfle  de  Sainte  Catherine , 
furprit  Porto-Bello  pour  la  féconde  fois , 
&  Panama;  dans  cette  dernière  Place  il 
fit  un  butin  de  plufieurs  millions. 

Les  malheurs  de  l'Efpagne  ,  la  foî- 
bleffe  de  la  Régente  ,  la  défunion  &  là 
moUeffe  des  Grands  &  du  Peuple  fai- 
foient  perdre  infenfiblement  aux  Efpa- 
gnols  la  haute  confidération  dont  ifs 
avoient  joui  en  Europe  ,  &  fur-tout  en 
Italie  depuis  près  de  deux  fiécles  ;  les 
Papes  n*avoient  pfé  accoirder  de  Bulles 

B  iij 


30  Histoire 

aux  Evêques  de  Portugal  depuis  la  révo- 
lution de  mil  fix  cent  quarante ,  dans  la 
crainte  de  choquer  la  Maifon  d'Autriche 
qu'on  regardoit  toujours  comme  l'arbi* 
tre  de  l'Italie;  Clément  X.  (  Altieri)  leur 
en  accorda  cette  année  malgré  les  intri- 
gues fecrettes  de  l'Efpagne.  La  Cour 
n'avoit  renoncé  qu'extérieurement  à  fe$ 
droits  fur  le  Portugal,  elle  attendoit  une 
occafion  favorable ,  des  tems  plus  heu- 
reux pour  réunir  une  féconde  fois  ce 
Royaume  à  la  Monarchie  ;  le  Cointe  de 
Gaftel-Melhor  ,  autrefois  premier  Mi- 
nillre  &  favori  du  Roi  déthrôné ,  paffa  à 
Madrid  dans  Tefpérance  d'engager  la 
Régente  à  rétablir  Alfonfe  VI,  mais  Ité- 
rât des  finances ,  la  crainte  des  armes  de 
Louis  XIV.  allié  du  Régent  de  Portu- 

Sal ,  &  l'inquiétude  que  donnoit  D.  Juan, 
ont  les  deffeins  fecrets  étôient  d'ache- 
ver de  dépouiller  la  Reine ,  ne  permirent 
pas  d'écouter  .des  ouvertures  qui  au- 
roient  pu  être  fatales  à  la  Maifon  de  Bra- 
gance. 

/  Louis  Xiy.  négocioît  alors  auprès  de 
la  Reine  pour  la  détacher  de  l'alliance 
de  la  Hollande  dont  il  avoit  médité  la 
conquétç  pour  fe  venger  des  obdacles 


d'Espagne.  51 

que  cette  République  avoir  apportés  à 
(es  fuccès  en  nril  fix  cent  folxante-huît. 
Uéloquclice  du  Marquis  de  Villars ,  Am- 
baffadeur  de  France  ,  ne  perfuada  point 
Anne  d* Autriche  ;  Texemple  de  TEm- 
pereur  5  de  k  Suéde  &  de  l'Angleterre 
quî  avoient  abandonné  cette  Républi- 
que au  reflfen^iment  des  François ,  ne 
Pébranla  point.  Elle  ne  ceiTa  jamais  de 
fépondre  à  toutes  les  inftances  de  Vil- 
lars y  que  rien  au  monde  ne  lui  feroit 
manquer  de  foi  à  fes  Alliés  ;  cette  fer- 
meté coûta  cher  à  la  Monarchie. 

Les  préparatifs  immenfes  de  la  France  1 572* 
înquiétoient  étrangement  la  Régente  ; 
elle  craignoit  que  Louis  XÏV.  irrité  de 
ce  qu'elle  Ji'eût  pas  voulu  abandonner 
les  Hollandois  à  fon  reffentiment ,  ne 
fondît  fur  les  Pays-Bas ,  &  ne  les  enva- 
hît  en  un  feule  campagne.  On  fe  hâta 
d'envoyer  des  ordres  en  Flandres  pour 
fe  préparer  à  une  vigoureufe  défenfe  j  les 
allarmes  cefferéht ,  iorfqu'on  apprit  que 
Louis  XIV.  à  la  tête  de  cent  mille  hom- 
mes ,  &  fuivî  de  fes  Généraux  alors  les 
plus  habiles  de  PUniyers  ,  étoit  entré  en 
Hollande  ;•  mais  la  terreur  fe  répandit 
dans  toutCL  l'Europe  ^  quand  on  fçur 

B  iv 


3a  HlSTOlAB 

qu'en  moins  d'un  mois  le  Rch  de  France 
avoit  pris  quarante  Places  fortes ,  &  coi|- 
quis  les  deux  tiers  des  fept  Provinces  ; 
qu'Amfierdam  n'av<Mt  été  fàuvée  que 
par  Indolence  d'un  Officier  François 

2ui  négligea  de  s'emparer  des  £clu« 
s  de  Muyden  ;  cependant  le  courage 
défefpéré  des  Hollandols  qui  ,  après 
avoir  en  vain  oppofé  au  vainqueur  leurs 
fortercfles ,  leurs  fleuves  &  leurs  armées , 
venoient  d^nonder  eux-mêmes  ce  qui 
leur  reftoit  de  Pays  pour  arrêter  le  vain- 
queur ,  détermina  lEfpagne  à  leur  en- 
voyer les  fecours  qu'ils  réclamoient  avec 
înftance  ;  Marfin  marcha  avec  dix  ou 
douze  mille  hommes ,  &  joignit  le  Prince 
d'Orange  à  qui  un  Pani  puifTant  avoit 
ifiamolé  les  de  Vits ,  les  premiers  Magif- 
uats  de  la  République ,  6c  fes  ennemis  ; 
la  Hollande  accoutumée  à  voir  dans  les 
Princes  d'Orange  fes  Péros  &  fes  ven- 
geurs, venoit  d'élever  à  la  dignité  de 
Stadhouder  Guillaume  qui  n'avoit  que 
vingt-un  ans.  . 

La  puiflance  énorme  de  Louis  XIV. 
qui  en  un  mois  faifoit  plus  de  mal  à  la 
Hollande  que  TEfpagne  ne  lui  en  avoit 
fait  en  loixante  &  dix  ^ns  de  guerre ,  ef- 


d'Espagne.  ^s 

fraya  &  étonna  l'Efpaçne  ;  Charles- 
Quint  n'avoit  pas  paru  plus  formidable 
^  la  liberté  de  la  République  Chrétien^ 
ne  ;  on  fuppofoit  au  Roi  de  France  une 
ambition  plus  ardî^nte  &  plus  profonde 
avec  plus  de  reffources  &  ae  trélors,  une 
meilleure  difcipline  9  &  de  plus  habiles 
Généraux,  La  fierté  avec  laquelle  il  parut 
triompher ,  &  les  conditions  trop  dures 
qu'il  voulut  impofer  aux  vaincus  qui  im- 

floroient  la  paix  en  fupplbns  ,  rendirent 
la  Hollande  des  Alliés  que  l'orgueil  de 
cette  République  avolt  écartés  pendant 
fa  profpérité  j  déjà  l'Eleéleur  deferande- 
bourg ,  d'autres  Souverains  de  l'Empire 
j&  leur  Chef  Léopold  ,  qui  tous  avoient 
fouhaité  Thumiliation  de  la  Hollande ,  & 
non  fa  deftruélion ,  fe  déclaroient  en  fa- 
veur de  la  République  ;  déjà  les  Anglois 
mêmes  qui  avoient  cônfpiré  de  concert 
avec  les  rrançoVs  la  ruine  de  la  Hollande 
dont  ils  dévoient  partager  les  dépouil- 
les ,  jaloux  &  inquiets  des  progrès  rapi- 
des d'un  Allié  plus  heureux  qu'eux  , 
cherchoient  à  fe  détacher  d'une  ligue  à 
l'aide  de  laquelle  Louis  XIV.  auroit  pu 
fe  rendre  maître  de  l'Europe. 
En  attendant  des  fecours  plus  puif- 

Bv 


1 

\ 


34  Histoire 

fans ,  le  Prince  d'Orange  fuivi  des  Efpa- 
gnols  &  de  fes  Hollandois ,  vint  affiéger 
Voerden  ;  mais  le  Duc  de  Luxembourg 
accourut  avec  une  armée  inférieure ,  le 
vainquit ,  8c  lui  fit  lever  le  fiége  ;  l'afcen- 
dant  que  prît  Pimmortel  Luxembourg 
dans  cette  journée  fur  le  Général  des 
Hollandois ,  ne  fè  démentît  jamais  ;  on 
fçait  qu'il  eut  depuis  la  gloire  de  le  vain- 
cre par-tout.  Le  Prince  d'Orange  ,  avec 
de  nouveaux  renforts ,  rétablit  fon  armée 
&  vint  alïîéger  Charleroi ,  mais  le  mal- 
heur le  fuivoit  par-tout  ;  il  fut  obligé  dé 
lever  le  fiége ,  &  de  fuir. 

Ce  Prince  qui  faifoit  un  apprentifla- 
ge  fi  malheureux  de  là  guerre ,  étoit  le 
plus  heureux  négociateur  de  fon  fiécle  ; 
îl  avoit  foulevé  la  moitié  de  l'Europe 
contre  l'ennemi  qu'il  combattoit  ;  il  re- 
çut alors  de  la  Coiir  de  Madrid  un  hon- 
neur perfonnel:  auquel  il  n'avoit  guères 
iîeu  de  s'attendre  ;  ion  Envoyé  fut  traité 
comme  ceux  des  Ducs  de  Savoye  &'  de 
Lorraine,  Si  on  eût  dit  à  Guillaume  le 
Taciturne  profcrit  &  tué  par  les  ordres 
de  Philippe  lï.  que  fa  pofterité  8c  la  Ré- 
publique dont  il  étoit  le  fondateur  ,fe- 
voient  un  fiéde  après  défendus  ^  protêt 


d'Espagmr  jy 

gés  &  honorés  par  rEfpa^ne  ,  quel  eût 
été  fon  étonnement  f  C*eft  ainfî  que  Ui 
intérêts ,  les  vues  &  les  alliances  chan- 
gent avec  le  tems  &  les  circonftances, 
C'eft  ainfi  que  les  Oracles  des  Politiques 
ne  font  prefque  toujours  que  des  men- 
fbnges. 

Cependant  la  protediôn  accordée  à  la 
Hollande  fut,  comme  nous  verrons  ,  fa* 
taie  à  TEfpagne  ;  il  n'avoit  pas  tenu  aux 
-Winiftres  de  Louis  XIV.  qu'elle  ne  lui 
«ût  déjà  été  Funefte  j  quelques-uns  d'eux 
avoient  confeillé  à  leur  Roi  de  donner 
là  paix  aux  Hollandoîs  ,  &  d'envahir, 
les  Pays-Bas.  hé  mont  de  cette  guerre^ 
-eût  été  légitimé ,  &  la'vîélôire  certaine. 
li*laiftoire  qui  ne  pardonne  rien  aux  plus, 
eîands  Rois ,  reproche  cette  inaftion  à 
Loiiiè  XIV.  comme  une  de'fes  plus  gran- 
des fautes. 

L^talie  étc»t  auflî  le  théâtre  de  la 
^guêtre  eBtre  te  Duc  de  Sarpye  &  la  R^- 
publiqàe  de  Gènes  ;  la  France  protégeoit 
te  Duc  :  îl  falloir  <jue  rEfpagnè  fecourût 
la  République  ;  mais  U  en  tut  de  cette 
gueçre  comme  d'une  infinité  d'autres  qui 
lent  oubliées  >  lorfqu'eHes  n'cnt  produk* 
d'autres  éyewme»  caie  la  mort  de  x^utS^' 

Bvj 


3^  HisToims 

qncs  mîIUers  dlxMiiiDes  ;  on  ne  ie  fou- 
TÎent  que  de  celles  qui  ont  changé  la  deP 
tinée  des  Etats  :  au  refte ,  la  paix  fuccéda 
bientôt  à  la  guerre  par  un  traité  conda 
1  année  fuivante. 
%6j}.      La  Régente  (îgna  un  traité  avec  la 
Hollande ,  par  lequel  elle  s^obligeoit  de 
dédarer  la  guerre  à  la  France  toutes  les 
fois  qu'elle  en  feroit  requife  par  les  Etats 
Généraux  ;  la  guerre  fut  en  conféquence 
décbrée  à  b  rrance ,  &  le  Prince  d'O- 
lange  no!niné  Généralifnme  des  années 
Efpagnoles  dans  les  Pays-Bas  ;  la  Flan- 
dres ,  le  Rouflîllon  ,  lAlface  Se  enfuite 
la  Sicile  devinrent  le  théâtre  de  Cj^ue 
guerre  9  une  des  plus  malbeureufesque 
rEfpagne  ^t  eflîi vées;  l'Empereur  ,  l'E- 
teéleur  de  Brandebourg  ,  prefque  tout 
l'Empire  &  la  Hollande  com^attpieot 
avec  rEfpagne;  le  Roi  de  France,. mal* 
gré  ce  nombre  infini  d'ennemis ,  c<»iquit 
en  perfonne  Timporcante  place  de  tJ^èC- 
tricht  ;  mais  il  fut  obligé  a'évacuer  tou- 
tes fes  conquêtes  en  Hollande;  le  Duc 
de  Luxembourg  raifembla  Tannée  fui- 
vante une  armée  difperfée  dans  quarante 
Places ,  &  la  ramena  en  l^jznce ,  malgré 
les  obflac|es  que  tâcha  ^'y  apporter  le 


dEspagne,  37 

Prince  d'Orange  avec  une  armée  infini- 
ment fupérieure  ;  FEleôeur  de  Brande- 
bourg vaincu  en  détail ,  &  pourfuivi  par 
Turenne ,  dont  l'armée  étoit  inférieure 
des  deux  tiers  à  la  Tienne ,  avoit  éii  obli- 
gé de  recevoir  un  traité  de  neutralité 
avec  la  France  9  pour  ne  pas  expofer  Tes 
Etats  ;  mais  voyant  la  moitié  de  l'Euro- 
pe déclarée  contre  la  France  ,  il  fe  joi- 
gnit de  nouveau  aux  ennemis  de  Louis 
XIV.  malgré  la  foi  du  traité  qu'il  venoit 
de  figner. 

La  Franche  -  Comté  étoit  le  théâtre 
des  troubles  ;  cette  Province  qui  Tannée 
précédente  avoit  demandé  &  obtenu  un 
Gouverneur  Efpagnol ,  fe  plaignoit  que 
ce  Gouverneur  avoit  déjà  enfraint  fes 
privilèges  les  plus  grands  qu'aucun  Pays 
ût  jamais  eus;  le  Marquis  de  Difimteuxj 
de  Vïllui&r^  Maifon  de  Beaufremont  5 
étoit  à  la  tête  des  Mécontens ,  &  deman- 
doit  hautement  qu'on  rappellât  le  Gou- 
>erneun  La  Cour  céda  ,  le  Gouverneur 
fiit  rappelle ,  &ç  la  Province  rentra  dans 
le  devoir;  la  foiblefle  du  Gouvernement 
Efpagnol  fi  fenfible  en  cette  occafion  , 
eût  peut-être  moins  déport  à  cette  con- 
defcendance  que  la  jufte  crainte  de  voir 


dMm 


38  Histoire 

la  Franche-Comte  fc  jetter  entre  les  bras 
de  la  France  ;  mws  comment  expliquer 
la  conduite  de  la  Cour ,  elle  paroiflToit 
craindre  que  Louis  XIV.  ne  conquît  cet- 
te Province  ,  &  cependant  elle  ofa  rcjet- 
ter  les  offres  que  ce  Prince  lui  propofoit, 
de  laifler  la  Franche-Comté  neutre  ;  la. 
Keine  demanda  en  vain  aux  SuiflfespaC' 
fage  pour  les  troupes  Efpagnoles  &  A1-* 
lemandes  deftinées  à  la  dérenfe  de  cette 
Province.  Louis  XIV.  avoit  pris  les  de- 
vants ,  &  l'or  de  la  France  rendit  les 
Suifles  fourds  aux  prières  de  la  Maifon 
d'Autriche.  ^ 

Dom  Pedrc ,  Régent  de  Portugal  >  àé^ 
couvrit  à  Liftonne  une  confpîration  for- 
mée contre  lui ,  &  appuyée  par  TEfpa- 
^ne  en  faveur  du  Roi  déthrôné  ;  il  donna 
ordre  à  fon  Ambafladeur  Govea  de  fe 
plaindre  vivement  à  la  Reine  d*Efpagne; 
<jovea  exécuta  avec  fierté  les  ordres  de 
fon  Maître  ,  &  employa  les  menaces  ; 
mais  le  Peuple  de  Madrid  ttouyz  fes 
plaintes  fi  injurieufes  àla  Nation,  qu'elle 
viola  à  fon  égard  le  droit  d«  Gens  ;  on 
î'aflîégea  dans  fon  Palais ,  on  pSla  fes 
^équipages  9  oh  mafTacra  fes  domefliques  9 
&rÂaibafladeur  lui-même  n'évita  unpa- 


d'Es?agne.  39 

■  ■  ■      I  I      »   I    .1  II  II  I  ■  m 

Teil  fort  que  par  une  prompte  iaïtt  ;  U 
(oiblefTe  feule  du  Portugal  1  empêcha  dé 
venger  tant  d'outrages. 

f  impératrice  Jmrguerite   d'Autri-  ' 

che  ,  fœur  du  Roi  &  de  la  Reine  de 
Frat\ce ,  mourut  cette  année  à  Tâge  de 
vingt -trois  ans;  elle  ne  laifla  qu'ufte 
fille ,  époufe  de  TElefteur  de  Bavière  : 
de  Ce  mariage  vint  un  fils  unique ,  le 
Prince  Eleôoral  mort  dans  le  tems  que 
fes  grandes  deftinéeis ,  les  vœux  de  TÈf- 

Ï)agne ,  &  les  convenances  de  TEuropc 
'appelloient  au  thrône  de  Charles  IL 
li'Enapereur  parut  pénétré  de  la  mort 
<le  fon  époufe ,  Princefle  d'un  mérite  fu- 
périeur  ;  fà  douleur  &  fes  regrets  furent^ 
tels  qu'il  protefta  qu'il  auroit  abdiqué 
l'Empire ,  s 'il  avoir  eu  un  fils  fur  qui  il 
p'ûtfe  décharger  du  feirdeau  du  GouverJ- 
ïiement  ;  la  Maifon.d*Autricheétoit  alorè 
réduite  à  Charles  II.  &  à  Léopold. 

Le  Parlement  d' A  njgletérré  força  foii  1 6y^ 
Roi  Charles  II.  Tami  &  le  Penfionnairè 
de  Louis  XIV*  de  faire  un  trai;té  de  paix 
particulier  avec  la  Hollande  ;  i'Efpagne 
^ui  eut  beaucoup  de  part  à  cette  récon- 
ciliation ,  n^oublia  rien  pour  engager  le 
JKoi  Anglois  à  entrer  dans  la  |;rande  a}r 


40  Histoire 

liance,  mais  fes  intrigues  furent  inutir 
les  ;  l*Eledeur  de  Cologne  '&c  l'Evêquç 
de  Miinfter  allié  des  François ,  fuîvirent 
l'exemple  de  FAngleterre.  Le  Roi  de 
France  fut  réduit  à  fes  propres  forces  j 
l'Efpagne  &  fes  Alliés  efpererent  alors 
humilier  à  leur  tour  Louis  XIV,  Les  fol- 
dats,de  T Allemagne ,  l'argent  de  la  Hol- 
lande y  &  fa  marine  qui  n'avoit  point  fuc- 
combé  fous  les  efFons  de  la  marine  An- 
gloife  &  Françpife ,  fortifioient  encore 
les  efpérances  des  Potentats  ligués  ;  mais 
îl  s'en  fallut  que  le  fuccès  répondît  aux 

.  jprojets;  l'Efpagne  fur-tout, éprouva  les 
défaftres  les  plus  grands ,  &  fournit  la 

^matière  des  plus  indgnes  triomphes  à  la 
France.  Au  refte ,  à  voirie  peu  d'efforts 
ue  firent  les  Efpagnols  pour  fe  défen- 
re,  foît  par  une  véritable  impuiflance  y 
foit  plutôt  par  Pindolence  &  l'incapacité 
de  la  Reine  :  on  n'auroit  jamais  cru  qu'ils 
cuflent  la  guerre  avec  le  Roi  le  plus  re- 
doutable de  l'Europe  ;  eux-mêmes  n'au- 
roient  pu  fe  Pimaginer ,  fi  la  conquête 
des  Pays-Bas  ,  celle  de  la  Franche-Com- 
té,  &  de  la  Sicile  prefqu'entiere ,  &  la 
deftruûîon  des  relies  de  leur  marine  ,  ne 
leur  eufTent  appris  que  la  guerre  n'étoit 
que  trop  réelle. 


a 


d'  E  S  P  A  G  N  E.  41 

.    On  avoit  eu  quelque  efpérance  de  la 

Îliux  au  commencement  de  cette  année  ; 
es  Miniftres  des  P.uiflances  belligérantes 
s'étoient  affemblés  à  Cologne  pour  tra- 
vailler aux  moyens  de  la  rétablir  ;  mais 
une  adion  violente  de  TEmpèreur  qui , 
au  mépris  du  droit  des  Gens ,  ofa  faire  en- 
Xetcr  de  Cologne  le  Prince  Guillaume 
dé  Furftemberg ,  Miniftre  de  TElefteur 
de  Cologne ,  renverfa  l'attente  de  l'Eu- 
;  r<^e.  Le  fier  Louis  XIV.  demanda  répa- 
':  fttidn  de  cet  outrage,  l'Empereur  n*y 
répondit  qu'en  faifant  itiftruire  le  procès 
du  Miniftre  de  Cologne  ;  le  Roi  de  Suéde 
dont  on. avoit  accepté  la  médiation,  fe 
déclara  en  faveur  du  Roi  ofFenfé ,  &  oc- 
cupa par  une  puiffante  divérfion  les  ar- 
mes du  Dannemarck   &   du  Brande- 
bourg. Cependant  Louis  XIV.  en  moins 
de  fix  fèmaines  &  pendant  les  rigueurs  de 
rHyver  avoit  conquis  la  Franche- Com- 
té ;  Dom  François  d'Alvey^a  défendit 
avec  quinze  mille  hommes  cette  Provin* 
ce  mieux  qu'elle  ne  Pavoit  été  en  1668  J 
mais  que  pquvoît-il  contre  cinquante 
mille  hommes  commandés  par  Condé  & 
Luxembourg  fous  les  ordres  du  Roi  ;  la 
Comté  de  fiourgoghe,  cette  Province 


4a  HlSTOlKS 

fertile ,  TaccieB  patrimoÎDe  de  la  Maîfon 
de  Bourgogne ,  fut  enlevée  pour  jamais  à 
TEfpagne  ;  elle  étok  y  comme  nous  avons 
dît ,  exempte  de  tout  impôt ,  &  par  con- 
iequent  onéreufe  à  la  Monarchie  Efpa- 
gnole  :  aujourdliui  qu'elle  en  paye  de 
confîdérables  à  ion  Roi ,  elle  efl  plus  heu* 
reufe ,  plus  peuplée  &  plus  riche  qu'elle 
ne  Tavoit  été  fous  la  domination  Autri- 
chienne; c'eft  que  les  Rois  de  France 
ont  fçu  y  faire  naître  les  arts ,  le  com- 
merce ,  &  développer  llnduflrie  &  le 
génie  de  fes  Citoyens. 

On  efpéroit  reparer  ce  défaftre  dans 
les  Pays-Bas  ;  le  Prince  d'Orange  s*a- 
yançoit  plein  de  confiance  avec  une  ar^ 
mée  formidable  compofée  d'Efpagnols , 
d'Allemands  &  d'Hollandois  ;  mais  Con- 
dé  qu'on  lui  avoir  oppofé  avec  des  for- 
ces inégales ,  profita  bientôt  d'une  faute 
du  Prince  d^Crange  qui ,  dans  une  mar- 
che lui  prêta  le  flanc ,  tomba  fur  fon  ar- 
riere-garde  qu'il  tailla  entièrement  en 
pièces.  Ce  grand  fuccès  ne  coûta  pas 

1>lusdecent  hommes  au  vainqueur  ;  il  ne 
c  regardoit  que  comme  un  achemine- 
liient  à  la  deitrudion  des  trois  armées 
réunies  qu'il  attaqua  à  Scncf  &  dans  les 


d'  E  S  P  A  G  N  E.  43 

Villages  voifins.  On  combaftit  de  part 
&  d'autre  avec  un  acharnement  fiiijeux. 
La  nuit  feule  termina  Taôron ,  &  le  fuo- 
cès  fut  indécis  ;  quinze  mille  Alliés  & 
douze  mille  François  relièrent  fur  le 
champ  de  bataille  ;  le  Marquis  d'Affen- 
tar ,  Général  des  Espagnols ,  fut  pris ,  & 
mourut  des  bleffures  reçues  dans  cet  af- 
femblage  de  combats  ;  le  Prince  d'Oran- 
ge fe  montra  par  fa  valeur  digne  adver- 
faire  de  Conaé  dans  cette  journée  dont 
il  ofa  s'arroger  l'honneur  ;  mais  il  fut 
obligé  de  lever  honteufement  le  fiége 
qu'il  étoit  venu  mettre  devant  Oude- 
narde,  comme  une  preuve  de  fa  préten- 
due viftoîre  ;  les  Hollandois  furent  plus 
heureux  au  fiége  dç  Grave  ,  qu'ils  ne 
prirent  pounant  qu'au  prix  du  fang  de 
plus  de  dix  mille  hommes. 

Les  Allemands  en  Alface  éprouvoient 
de  plus  grands  malheurs  que  les  Efoa- 

fiois  &  les  Hollandois  dansées  Pays- 
as  ;  Turenne  triomphoit  avec  éclat  dé 
toutes  leurs  forces  réunies  ;  fa  campagne 
regardée  comme  la  plus  fçavante  &:  la 
plus  heureufe  qui  ait  été  faite  par  un  Gé- 
néral moderne  ,  conferva  à  fa  Patrie  là 
Lorraine ,  les  trois  Ev^chés ,  PAlface 


44  Hl  s  TO  I  K£ 

&  la  Franche  Comté  ;  de  foixante  &  dix 
mille  Allemands  qu'il  combattit  ,  ou 
pourfuivit  avec  vingt  mille  François  ,  il 
n'en  revint  pas  un  tiers  dans  l'Empire  ;  le 
refte  avoit  été  tué  ou  pris  dans  trois 
combats  confécutife  que  gagna  Turenne. 

La  guerre  étoit  auffi  allumée  fur  les 
frontières  du  RouffiUon  &  de  la  Catalo- 
gne ;  une  armée  Efpagnole  pénétra  juf- 
qu'ai^x  environs  du  Perpignan ,  fous  les 
ordres  du  Duc  de  S,  Germain ,  &  prit 
Ceret  &  Bellefi^arde  ;  mais  elle  fut  banue 
près  de  Ceret  le  vingt- cinq  Juin ,  &  con- 
trainte d'évacuer  fes  conquêtes;  les  trou- 
bles qui  éclatèrent  alors  en  Sicile  ne  per- 
mirent de  long'tems  à  la  Cour  d'entre- 
tenir une  armée  du  côté  des  Pyrénées, 

Meffine ,  jufques-là  la  Ville  la  plus  fi- 
idele  &  la  plus  foumife  de  la  Sicile  j  fati- 
guée de  la  dureté  &  du  defpotifme  des 
Gouverneurs  Efpagnols  ,  avoit  envoyé 
pWifieurs  Députés  à  la  Régente  pour  ré- 
clamer {?  protedlion  &  la  coniervation 
de  fes  privilèges  ;  mais  l'éloquence ,  les 
prières  ,  les  foumiflions  des  Envoyés 
n'ayant  pu  i  ien  obtenir  de  la  Cour ,  Met 
fine  choifit  pour  fon  chef  le  Marquis  de 
Trecaftagne  ^  implora  la  proteétion  de  la 


d'Espagne.  47 

France  ,  èc  le  révolta  ;  la  foible  Reine 
offrit  alors  aux  Meffinois  tout  ce  qu'ils 
aboient  demandé  ;  mais  il  n'étoît  pla'> 
tems;  des  deux  fadions  qui  partaeeoient 
la  Ville ,  l'une  appellée  les  Merli  vou- 
loir qu'on  acceptât  les^offres  de  la  Cour; 
mais  l'autre  appellée  les  Malvezzi  préva- 
lut &  introduifit  les  François  dans  la 
Ville  ;  la  Sicile  &  les  Mers  voifmes  de- 
vinrent le  théâtre  dç  la  guerre.  • 

Le  Roi  qui  étoit  entré  dan?  fa  quator- 
zième année  devoit ,  félon  les  Loix  de 
l'Etat ,  être  déclaré  majeur,  $c  chargé  des 
rênes  du  Gouvernement;  n>ais  les  ordres 
du  feu  Roi  qui  a  voit  recommandé  dans 
fôn  teftament  que  la  Reine  ne  quitteroit 
le  titre  de  Régente  que  lorfque  le  jeune 
Prince  auroit  quinze  ans  accomplis  j  fuf- 
pendirent  l'ufage  ordinaire. 

Dom  Juan  n'attendoit  que  la  majo-  l57J 
rite  du  Roi  pour  dépouiller  la  Reine  de 
fon  autorité,  &  la  reléguer  dans  un  Cou- 
vent ;  les  Grands  &  Id  Nation  étoient 
zélés  pour  fes  intérêts;  le  Précepteur  &ç 

.  {a)  Me/fine  fit  battre  une  nouvelle  Monnoye  oîî. 
}'pn  voyoic  d'un  côté  une  Aigle  arec  ce  motj  Lîhtrt 
tas ,  Ôc  de  l'autre  un  Lys  ayec  ces  ;iioçs  ,  Novofragraf 


4(5  Histoire 

le  ConCefleur  de  Charles  II.  trahiflbient  la 
Reine  même  à  qui  ils  etoient  redevables^ 
de  leurs  emplois ,  &  ne  ceffoient  d'ex- 
horter leur  Elevé  de  remettre  le  Gou- 
vernement à  fon  frère.  Dans  le  tems  que 
le  Prince  attendoit  avec  impatience  à 
Sarragoffe  TefFet  de  fes  intrigues  fecret- 
tes ,  il  reçut  ordre  de  la  Reine  de  partir 
pour  la  Sicile  ,  &  d'arracher  Meffine  des 
mains  des  Françpîs  ;  D,  Juan  refufa  avec 
hauteur  cette  commiffion ,  &  demanda 
Qu'on  eût  à  le  reconnoître  pour  Infant 
û'Efpagne  ;  il  ne  cherchoit  qu'à  s'appro- 
cher du  thrône ,  &  à  y  monter  dans  le 
cas  qu'il  devînt  vacant  par  la  mort  du 
jeune  Roi  dont  la  fanté  étoit  languiflan- 
te  ;  la  propofition  de  D,  Juan'qui  fup- 
pofoît  en  lui  une  ambition  profonde  & 
refléchie  ,  effraya  la  Reine  ,  &  fes  refus 
l'indignèrent  ;  elle  ne  chercha  qu'à  le 
perdre  ;  pendant   que  l'un  &  l'autre 
etoient  occupés  de  leurs  funeftes  querel- 
les, les  aflfeires  périclitoient;  le  Vice-Roi 
de  Sicile  Ferrandine  ne  put  réduire  Mef- 
fine après  un  long  fiége  ;  il  décampa  au 
bruit  des  cris  de  joye  des  Meffinoîs  qui 
reçurent  avec  tranfport  uneefcadreFran- 
joife  chargée  dç  vivres  &  dç  munitions } 


d'  E  S  P  A  G  N  E,  47 

ce  fecours  vint  d'autant  plus  à  propos , 

Sue  les  aflîégés  n'avoient  pas  pour  plus 
e  deux  jours  de  vivres  :  une  flotte  de 
quarante  vaiiTeaux  ou  galères  Efpagnols 
qui  bloquoient  Meiline ,  n'eut  pas  le  cou- 
rage d'apporter  le  moindre  obftacle  à 
Tefcadre  Françoife  ;  le  Maréchal  de  Vi-» 
vonne  amena  encore  aux  Rebelles  avec 
la  même  facilité  un  puiflant  fecours  ;  la 
Cuéva ,  Général  de  la  flotte ,  attaqua  en- 
fin les  François  à  la  hauteur  de  MefTine  ; 
mais  malgré  la  fupériorité  du  nombre  il 
fut  vaincu  ,  &  perdit  quatre  vaiflfeaux  : 
la  Reine  indignée  fit  en  vain  arrêter  le 
Général  avec  fes  principaux  Officiers. 
Cette  févérité  ne  rejidit  pas  le  courage 
aux  Soldats ,  &  ceux  qui  fuccéderent  à 
la  Cuéva  furent  encore  plus  malheu- 
reux ;  on  découvrit  en  même-tems  une 
conipiration  à  Palerme  pour  livrer  la 
yiile  aux  François.  Il  eft  confiant  qu'un 
Général  plus  .aâif  que  Vivonne ,  &  des 
Soldats  plus  fages ,  plus  difciplinés  que 
les  Françoîi  auroient  pu  réduire  la  Sicilç 
qui  voloit  au-devant  de  la  domination 
de  Louis  XIV,  On  le  proclama  folem- 
tellement  Roi  de  Sicile  à  Meflîne;  &  fon 
i^énéral  prit  encore  Agoufla, 


48  Hrs  To  I  s  E 

Ln  Catalogne  cm  penBc  qaelqaes  pc* 
tites  Places  ,  Se  dans  Les  Pays  Bas  IX* 
nant ,  Hui  Se  limbourg. 

Les  Alliés  de  TEfpa^ne  étoient  plus 
heureux  ',  TEmperenr  2toîc  enfin  oppo- 
ië  Monfecjculiî  à  Turenne.  Ces  deux 
grands  Capitaines ,  après  des  operatioDS 
qui  feront  toujours  l  objet  de  Tadmin-. 
tion  de  b  pcfîérité ,  étoient  prêts  à  [en 
venir  aux  mains ,  quand Turenne  fut  tué  i 
cette  mcrt  imprévue  qui  concerna  la 
France ,  fut  fuivîe  de  la  bataille  d*Al«» 
tenheim  ,  dont  Tun  &  l'autre  Parti  s'at- 
tribua la  gloire  ;  mais  MontecucuUi  pafla 
le  Khin  ,  pourfuivit  les  François  ,  &  me- 
naça TAllace  ;  Cogdé  digne  de  rempla» 
cer  Turenne ,  accourut ,  lui  fit  lever  les 
fiéges  de  Salerne  &  d  Hagnenau ,  &  ren« 
dit  inutiles  les  fruits^que  l'Empire  s'étoit 
promis  de  la  mort  de  Turenne. 

Une  autre  armée  de  l'Empire  gagna 
la  bataille  de  Confarbfick ,  &  conquit 
Trêves  ;  TEfpagne  déclara  la  guerre  a  la 
Suéde  en  faveur  de  la  caufe  commua 
ne  9  mais  elle  ne  lui  fournit  j^uères  que 
fon  nom  ;  elle  promit  der^  vubfides  au 
Pannemarck  &  a  TEleclear  de  Brande^ 
bourg  qui ,  fur  les  délais  de  la  Cour  à 

les 


d''E  s  p  a  g  N  £.  4P 

les  fatisfaire/e  payèrent,  comme  nous  ver* 
rons  dans  la  fuite ,  de  leurs  propres  mains. 
Le  Roi  prit  pofleflion  du  Gouverne- 
ment  le  (Ix  Novembre  à  quinze  ans  ;  le 
même  jour  Dom  Juan  arriva  à  la  Cour  ; 
cette  apparition  fubite  &  imprévue  ëtoit 
l'arrêt  de  la  difgrace  &  de  l'exil  de  la 
Reine-mere  ;  mais  ce  coup  de  foudre  ne 
l'ébranla  point  :  loin  de  s  abandonner  à 
la  douleur ,  elle  recueillît  tout  fon  cou- 
rage ,  fut  trouver  le  Roi ,  verfa  des  lar- 
mes ,  &  joignant  les  carrefles  les  plus  tou- 
chantes aux  marques  de  fa  douleur ,  elle 
vint  à  bout  de  perdre  fon  ennemi  ;  le  foi- 
ble  Charles  céda  moins  au  défefpoir  de 
fa  mère  >  qu'à  la  défiance  qu'elle  lui  inf- 
pira  contre  un  bâtard  ampitieux  qui  ne 
feroit  pas  plutôt  chargé  de  toute  fon  au- 
torité 9  &  comblé  de  fes  bienfaits ,  qu'il 
les  tourneroit  contre  lui  pour  ne  lui 
laiiTer  que  le  vain  titre  de  Roi.  Dans  le 
tems  que  Dom  Juan  recevoit  de  toutes 
parts  les  complimens  de  fes  amis  &  de  la 
Cour,  quelle  fut  fa  furprife  quand  on 
vint  lui  annoncer  qu'il  eût  à  fe  retirer 
fur  le  champ  à  Sarra^offe  ;  fes  amis ,  Jie 
Comte  de  Monterey ,  François  Ramos  » 
précepteur  du  Roi ,  &  le  Père  Monte- 
Tome  r.  C 


jo  Histoire 

negro,  fon  Confefifeur  furent  envelop- 
pés dans  fa  difgrace ,  &  exilés  ;  mais  l'inr.» 
prudence  de  la  Reine  qui  ofa  mettre  à  la 
tête  du  Gouvernement  Valenzuéla ,  jeu- 
ne ,  pauvre  »  galant ,  bien  fait ,  accufé  par 
le  bruit  public  d'être  fon  amant ,  acheva 
de  lui  aliéner  le  cœur  des  Grands  &  den 
Peuples  :  tous  ceux  qui  environnoient  le 
Roi  ne  fongerent  qu'à  détruire  dans  fon 
efprit  la  dénance  que  la  Reine  lui  avoit 
infpirée  contre  D.  Juan ,  dont  le  Parti  fe 
fojtifia  chaque  jour. 
1 6j6.  Cependant  le  nouveau  Miniftre  n'ou-r 
blioit  rien  pour  gagner  le  copur  des  Peu* 
pies  ;  fon  premier  foin  fut  d'entretenir  l'a- 
bondance des  vivres  dans  le  Royaume^  Sç 
fur-tout  à  Madrid  où  ils  avoient  été  long* 
tems  hors  dç  pKx  par  le  brigandage  des 
Ma^ftrats  prepofes  à  la  police  des  grains; 
à  cet  appas  ,  le  premier  de  tous ,  il  ]ow 

fnoit  celui  des  fpeétacles  pour  lefquels  les 
rpagnols  n'ont  pas  moinsde  fureur  qu'en 
avoieht  çu  les  Grecs  &  les  Romains , 
après  la  chute  jle  la  République.  Jamais 
on  ne  vit  tant  de  combats  de  taureaux  » 
tant  de  jeux  de  cannes  ,  tant  de  fêtes 
^ans  le  goût  de  b  Nation  :  ValçnEuéla  (d) 

Ç(i)  Yilenwih  cfQit  dy  Rp^vime  de  Gtcr 


^ 


s  P  A  G  NE.  5*1 


fit  auifi  repréfenter  les  Comédies  qu'il 
avoit  compofées ,  &  tous  les  Citoyens 
eurent  la  liberté  de  les  voir  fans  rien 

nade ,  il  avoit  été  Page  du  Duc  de  nnfiintado  ; 
après  la  mon  de  (on  maître  9  il  fe  trouva  réduit 
à  une  fi  grande  inifere  qu'il  fut  obligé  de  vivre' 
d'induftne  ;  fa  figure  9  (bn  efprit  &  un  talent  dif* 
tingué  pour  la  Poefie  lui  nrent  quelques  amis* 
Il  eut  occafîon  d'être  connu  du  Père  Nitard 
alors  premier  Miniftre,  dont  il  devint  le  favori» 
Pour  comble  de  bonheur ,  ValenzuéJa  Ce  fît  ai- 
mer d'une  femme  de  chambre  Allemande ,  con- 
fidente de  la  Reine  9  &  Tépoufa  :  lorfque  le  Père 
Nitard  fut  chaifé  du  Royaume  9  la  Reine  ne 
trouva  à  la  Cour  perfbnne  plus  dime  de  fà  con- 
fiance que  le  jeune  Valenzuéla  dont  elle  avoit 
remarqué  Tefprit  &  la  figure  ;  elle  le  fit  fùc- 
ceffivementEcuyer  ordinaire  >  premier  Ecuyer* 
Marquis  9  grand  Ecuyer ,  Grand  de  la  première 
Claue  9  &  enfin  premier  Minifire.  Les  Grands 
d'Efpagne  regardèrent  la  Grandellê  conlme 
pfofbtuée  9  ioifque  le.&vorl  y  fut  admis  ; 
la  perte  de  quelques  Royaumes  leur  eût'  été 
snoins  fênfible  que  la  honte  d'avoir  un  pareil 
camarade  ;  quand  ilsiê  rencontroient  jufques 
chez  la  Reine  9*  ils  ne  pouvoient  s'empêcher  de 
s'écrier  les  larmes  aux  yeux  :  Valenzuéla  efi 
Grand  à^Efpagne  9  6  Tems  9  â  Mœurs  !  Le  fàr 
yori9  de  fon  câté  9  triomphoit  publiquement 
des  bonnes  grâces  de  la  Reine  à  qui  chaque 
jour  il  devenoit  plus  cher.  Dans  une  chalTe  9  le 

Eune  Roi  ayant  voulu  tirer  un  cerf  9  blefla 
Marquis  à  la  cuiflè  ;  lancine  pouflla  un  csi 

Cij 


^^^^■■•■•^^•■^■^iw^r^^BPi*'*^'^^'*"»** 


ys  Histoire 

Çayer  ;  il  donna  ordre  qu'on  rétablît  la 
lace  Mayor  »  dont  le  feu  avoir  confumé 
tous  les  édifices ,  &  qu'on  bâtît  deuit 
ponts  »  l'un  fur  les  Maticanares  qui  coût^ 
un  million  de  ducats ,  iSc  l'autre  fur  H 
lîviere  de  Pardo  ;  fes  foins  çommen- 
çoient  à  être  agréables  au  Peuple  ;  les 
Grapds  qui  s'en  apperçurenp  ,  crurent 
qu'il  étoit  de  leur  intérêt  de  précipite? 
(a  ruine ,  avant  qu'il  fût  plus  aflFermî  ; 
malheureufement  pour  la  Keine  &  fpn 
Minlftre  ,  la  guerre  devenoit  chaque 
campagne  plus  malheureufe ,  &  les  dif- 
graces  de  celle-ci  fournirent:  ^ux  ipé- 
contens  un  préteiçte  plaufible  a'açcufer 
Tun  &  l'autre  de  manquer  de  lumières  3 
4e  reflburces  &  de  zélé. 

On  avoit  obtenu  de  la  Hollande  une 
flotte  pour  chaffer  les  François  de  la  Si- 
cile &  de  la  Méditerrannée.  Ruyter ,  Iç 
plus  grand  homme  de  Mer  qu'il  y  eût  ea 
Europe  »  la  commandoit^  Qn  lui  accor* 
da  la  patente  4e  Duc ,  &  d*^utres  l^on- 

douloureux  9  6c  tomba  évanouie  &  mourante 
entre  les  bra$  dé  fes  femmes  :  cette  marque  tou- 
chante d'intérêt,  certains  traits  hardis  du  Mitiit 
cre  perHiaderent  la  Cour  ôc  la  Nation  que  Vav 
lenzuéla  étoit  amant  de  la  Reine.  Mémoires  ((f 

la  Cour  d'E/pagne  d^Mç^dmc  i'4mu 


y 


o'  E  s  ^  A  G  N  E.  y)  .. 

neurs  dont  le  rigide  Républicain  ne  fit  au- 
cun cas;  mais  on  voulut  Tobliger  à  bai(* 
fer  pavillon  devant  l'Amiral  Ëfpagnol  ; 
on  manqua  à  toutes  les  conditions  du 
traité  :  on  lui  parla  avec  autant  d'empire' 
&  de  fierté ,  que  fi  on  eût  été  au  tems 
heureux  de  Cnarles-Quint  ;  enfin  on  lui 
donna,  tous  les  dé£;oûts  que  la  petiteiTe 
d'efprit  pouvoit  luggérer  à  ceux  qui 
gouvèrnoient  ;  cette  hauteur  fi  déplacée 
ofiènfa  le  défenfeur  de  la  Monarchie  ;  il 
fe  plaignit  à  fon  tour  qu'on  ne  fournifloit 
à  la  caufe  comoiune  qae  des  vaifleaux  & 
des  galères  délabrés ,  Se  voulut  s'en  re- 
tourner dans  fa  Patrie  ;  enfin  on  obtint 
qu'il  combattroit.  Qui  eût  dit  à  rhîlip- 
pe  II.  que  cette  poignée  de  rebelles  ca- 
chée dans  les  marais  de  la  Hollande ,  de- 
venue un  jour  plus  puiiTante  que  tousfes 
vafîes  Etats  enfemble  ,  protégeroit  le 
fceptre  de  fon  arriere-petit-fils  ? 

Les  deux  flottes  réunies  attaquèrent  ^^*^»  7 
le?  François  à  la  hauteur  des  Ifles  Stram-*  ^'^^* 
boli ) fans  que  la  viéloire fe  déclarâtpour 
aucun desaeux  Partis;  de-là  Ruyter&  le 
Prince  de  Montefarchio  fe  préfenterent 
devant  Agoufta  d'où  ils  furent  repouf- 

fés  j  ils  furent  bientôt  après  vaincus  par 

*— •  • •  • 
C  h] 


^  HisToiaE 

1^  *i  XV^ÂMW^  l>»^;9id(M%  un  des  plus  hahi- 
AwK  ^  v>^Sc«  yk  Mittnc  qu'ait  produit  la 
t^Wv>^  ^  RvîXtcr  fiK>urut  dix  jours  après 
>Âe«  ^*4Sm^  ^;^'U  ^^xnt  reloues  dans  le 
v^6^;^s  k>)Miift  «  U  (k>:te  des  HoUandois 
>!t  ^'^'^  >»*^$  ^'SwjTN^^iS  tilt  enùeremenc 
}'^^'  x^^Wèiç^  ji  U  ti^c^j?  PiUrxne  :  dix-huic 
Tt??*K  vjiiîÎMttx  ptis  oa  brûles  *  cinq  mille  hom- 
»?s  tacs ,  lins  qu'il  en  coùràc  un  feul 
vj(id<^iu  aux  François  y  turent  les  mar- 
tres de  la  viâoire  la  plus  grande  que  les 
Irinçois  ayent  jamais  remportée  dans  la 
Méditerranée.  jLa^Cour  s'en  prit  félon 
la  coutume  au  Général  malheureux  ;  le 
Prince  4c  Montefarchio  fut  arrêté  6c  con- 
duit au  château  de  Pampelune  ;  on  fe  vit 
obligé  de  donner  le  commandement  gé- 
néral des  reftes  de  la  Marine  à  Femand 
Carule  y  foldat  de  fonune ,  faute  de 
trouver  dans  les  Grands  le  courage  , 
l'expérience  &  le  génie  néceflàires  pour 
ce  grand  emploi.  A  toutes  ces  difgraces 
fe  joignit  la  défaite  du  Comte  de  Bu- 
quoi  oui  fut  vaincu  &  tué  à  la  tête  de 
fept  smlle  Efpagnols  près  de  Mei&ne.  On 
eft  étonné  que  cette  fuite  de  vidoires 
n*ait  pomt  fait  paifer  la  Sicile  entière  en- 
tre les  mains  des  François  y  ils  durent 


£)^  Ë  S  1^  A  G  N  £.  St 

l'imputer  à  leur  Vice -Roi  Vivonne  , 
qui,  quoique  rempli  d'elprit  &  de  cou- 
rage 9  manquoit  de  la  fermeté  néceflaire 
pour  contenir  des  foldats  fans  difcipli- 
ne ,  &  des  Peuples  qui  fans  ceffe  conf- 
piroient  contre  lui;  l'aftivité ,  &  la  rapi- 
dité d'exécution  ,  une  des  plus  grandes 
qualités  d'un  Général  pour  profiter  de 
la  viâoire  ,  n^étoient  pas  non  plus  au 
nombre  de  fes  taiens. 

Le  Rci  de  France  feifoit  des  conque* 
tes  pliis  grandes  par  lui-même  que  Vi- 
vonne •  il  prit  Condé ,  Bouchain  &  Ai- 
re î  Calvo ,  Catalan  de  Nation ,  &  attaché 
depuis  les  troubles  de  fa  Patrie  aux  inté- 
rêts de  la  France  ,  défendit  Ma^lricht 
contre  le  Prince  d'Orange  qui  toujour* 
malheureux  fut  obligé  d'en  lever  le  fiége. 

De  tous  les  Alliés  l'Empereur  fut  le 
feul  que  la  fortune  couronna  cette  cam- 
pagne ;  il  enleva  par  les  mains  de  fes  Gé- 
néraux Philifbourg  aux  François;  le  Roi 
de  Dannemarck  &  TEleôeur  de  Brande- 
bourg eurent  les  mêmes  fuccès  contre  la 
Suéde ,  que  la  France  contre  l'Efpsgne. 

La  Maifornd'Autriche  dut  regarder 
tomme  un  grand  avantage  l'exaltation 
du  Cardinal  Odefcalchi  qui  fut  élevé 

Gjy 


jtf  HlSTOIJUE 

■  —    • 

ente  «mec  »  (earemn  Fbmificat  iput 
k  fîCf&  d'^Isaoccnt  XL  Ce  Pape  né  à 
ACSan  y  âc  2;:treà>s  C£der  dans  les  ar- 
Mes  dTfpagne  >  porta  fur  le  Thr£ne 
srec  bea;icw:p  de  verra  &  de  définté- 
leflêmenr  uce  panhihc  déddée  pour  Tes 


£a  vertu  d*un  décret  de  I2  Cour  qui 
eojoigiioh  à  tous  les  Commsndeurs  des 
Ordres  nùlh^es  de  fervir  en  Catalo- 
e  j  ou  d'y  entretenir  chacan  trois  ibl- 
ts  i  leurs  dépens  j  on  eut  une  ^mce  i 
les  Commandeurs  fe  plaignirent  amère- 
ment ;  ils  prétendoient  n'être  obligés 
qu'à  (ervir  contre  les  Mufulmans  »  com- 
me fi  llur  qualité  de  Citoyen  &  de  Che- 
valier n'étmt  pas  un  double  titre  pour 
les  engager  à  b  défenfe  de  la  Patrie  ;  au- 
cun d^eux  ne  fe  rendit  à  l'armée  ;  la  mol- 
lefTe  \  les  plaifîrs ,  le  défaut  d'émulation  & 
les  ricfacfiês  avoient  anéanti  le  courage 
de  ces  Gentilshommes  autrefois  fi  redou- 
tables aux  Maures  ;  Us  foldats  qu'ils  en- 
voyèrent en  leur  place ,  mal  vêtus  ,  mal 
payés  j  la  lie  de  la  Nation ,  np  rendirent 
aucuns  fervices ,  &  défeiÉbrent  prefque 
tous  ;  il  arriva  encore  que  les  Cheva- 
liers mécontens  embrafferent  les  intérêts 
de  D.  Juan. 


dEspaône.  î7 

Ce  Prince  qui  fentoit  fon  Parti  le  plus 
fort ,  leva  des  troupes  >  tira  le  Prince  de 
Montefarcbio  de  prifon  ,  &  s'approcha 
de  Madrid  ;  à  la  nouvelle  de  fa  marche , 
la  Reine  qu'on  avoir  perdue  dans  l'efprit 
de  fon  fils  y  manqua  de  courage  &  de 
reffources  j  D.  Juan  témoigna  une  mo- 
dération qui  furprit  :  il  confentit  à  re- 
tourner à  Sarra£;o(re  ,  à  condition  que 
l'adminiflration  des  affaires  feroit  parta- 
gée entre  la  Reine  &  une  Junte  compo- 
fée  du  Cardinal  d'Arragon ,  du  Conné- 
table 9  de  l'Amirante  Se  du  Duc  de  Mé- 
dîna-Celi.  D«  Juan  n'avoit  paru  fi  mo- 
déré ,  que  parce  que  le  Roi  n'étant  pas 
encore  bien  revenu  des  impreflîons  de 
défiance  que  la  Reine  avoir  données  con- 
tre ce  Prince  ,  témoigna  de  la  répugnan- 
ce à  lui  confier  le  gouvernement  de  l'E* 
tat  ;  il  efpéroit  que  les  Créatures  de  la 
Reine  une  fois  écartées ,  il  ne  lui  feroit  pas 
difficile  de  détruire  les  préjugés  du  Roi. 

Charles  II.  dont  Tefpnt  foible  &  borné  1 6'J'] 
ne  voyoit  que  par  les  yeux  de  ceux  qui 
l'environnoient ,  croyant  s'appercevoir 
ue  la  Reine  le  tenoit  dans  une  efpece 
e  fervitude ,  s'enfuit  fcul  pendant  la 
nuit  de  fon  palais  de  Madrid ,  &  fe  reo- 

Cv 


1 


y 8  Histoire. 

dit  à  Buen-Retiro  d'où  il  écrivit  à  la  Reî- 
ne  de  ne  point  fortir  du  palais  ;  en  vain 
le  fit-elle  conjurer  de  lui  pennenre  de  le 
voir  :  on  lui  apprit  bientôt  que  D.  Juan 
étoit  de  retour  à  la  Cour ,  &  que  le  Roi 
venoit  de  le  déclarer  premier  Miniftre  ; 
l'infortunée  Princefle  fe  vit  en  un  mo- 
ment abandonnée  de  fes  courtifans ,  & 
de  Valenzuéla  même  qui  fut  fe  cacher 
dans  le  vafte  palab  de  PEfcurial  :  on  la 
conduidt  à  Tolède  o&  on  l'enferma  dans 
un  Couvent ,  ou  plutôt  dans  «ne  efpece 
de  prifon  d'où  elle  ne  pouvoit  fortir ,  ni 
parler  à  perfonne  ;  le  mariage  du  Roi  qui 
avoit  été  conclu  avec  l'Archiducbefle 
Antoinette  ,  fille  de  l'Empereur  ,  fiit 
rompu.  Cette  Princefle  avoit  déjà  porté 
le  titre  de  Reine  d'Efpagne  ;  elle  épouÊi 
l'Elefteur  de  Bavière  {a)  :  le  Précepteur 

ià)Xe  Comte  de  Montcrej  n'avoît  été  perff* 
Cttté  par  la  Keme  que  parce  qu'il  ayoît  n&St  ie 
répondre  à  la  paffion  qu'elle  avoit  conçue  pour 
lui  ;  on  rapporte  que  rendant  un  jour  compte  i 
cette  Princefle  d'une  commiffion  dont  elle  l'a- 
voit  chargé ,  elle  laîfTa  tomber  un  papier  qu'elle 
le  pria  de  lire ,  8c  qu'il  y  lut  cet  paroles  :  Je 
foffe  toute  la  nuit  fans  dormir  y  feule  y  trifie^  & 
formant  des  defirs  ;  mes  peines jont  un  martjn'e  ; 
mais  un  martyre  où  je  prendsplaîjir .-  Que  fur 
Pair  froid  que  témoigna  le  Conue  ^  la  Reipe 


ritaM 


d'  E  S  p  A  6  N  £•  yp 

&  le  ConfefTeur  du  Roi  furent  rappelles , 
le  Comte  de  Monterey  pafla  de  l'exil  au 
commandement  de  l'armée  ;  la  révolu-* 
tlon  fut  entière ,  &  le  Peuple  y.  applaudit 
avec  tranfport  ;  il  ne  pouvoit  pardonner 
à  la  Reine  difgraciée  d'avoir  dit  qu'elle 
ne  feroit  point  contente  jufqu'à  ce  qu'el- 
le eût  réduit  tous  les  Citoyens  de  Ma- 
drid â  être  vêtus  d'efteras  (  ^  )  ;  cepen* 
dant  D.  Juan  ayant  découvert  la  retraite 
de  Valenzuéla ,  donna  ordre  à  D.  An- 
toine de  Tolède  de  l'enlever  de  fon  afy- 
ie  ;  celui-ci  accompagné  du  Duc  de  Mé- 
dina -  Sydonia ,  du  marquis  de  Valpa-* 
îaifo  &  d'une  foule  de  jeunes  courtifans , 
entra  dans  le  CouVent  des  Hieronîmi- 
tes  «  &  trouva  le  malheureux  favori  dans 

'  if 

indignée  lui  arracha  le  papier  ;  qu'elle  paflà  fut 
le  champ  de  l*amour  à  la  haine ,  &  lui  en  donna 
tant  de  marques  que  le  Ceinte  fut  obligé  de 
chercher  un  proieâeur  en  la  perTonne  de  D* 
Juan.  Le  Comte  de  Monterey,  Héros  de  galan- 
terie) comme  tous  les  E{i)agnols,  aimoit  éper- 
duementune  jeune  Ducbefle  >  &  rien  au  monde 
n'étoît  capable  de  l'engager  à  feindre  pour  la 
Reine  une  paffion  qu^sl  ne  (èntoit  pas.  Vo^e\  les 
Mémoires  a'Êfpagne  de  Madame  aAunoi. 

{a)  L*efteras  eft  une  efî>ece  de  natte  de  jonc 
fon  groflè  qui  ferten  £(pagtie  de  matelas,  âc 
'  ^«  Ik  à  la  populace» 

C  vj 


60  HiSTOI&B 

nne'celliile  d'où  il  Tenleva ,  &  le  con* 
duifit  à  Confuegra ,  &  de-là  au  château 
de  Cadix  oà  on  l'embarqua  pour  les  Phi- 
lippines aux  extrémités  de  l'Afie  ;  on  ne 
le  fit  point  périr  fur  un  échafaut  ,  foie 
qu'on  ne  pût  le  convaincre  d'aucuns  cri- 
mes ,  (bit  pour  ne  pas  aigrir  davantage 
le  Pape  qui ,  choqué  qu'on  eût  violé  Ywor 
jnunité  Écciéfiaftique  en  Tarrachant  du 
Couvent  où  il  s'étoit  réfugié ,  avoit  ex- 
communié tous  les  Seigneurs  qui  eurent 
part  à  l'enlèvement ,  ils  furent  tous  obli- 
gés d*aller  la  corde  au  col  ^  en  chemife 
au  Collège  Impérial  où  ils  reçurent  quel- 
ques coups  de  diicipUne  du  Nonce  qui 
leva  les  cenfures  ;  au  relie  ,  Valenzuéla 
foutint  avec  fermeté  une  di(grace  fi  ac- 
cablante ;  la  Rline  ne  Toublia  point  dans 
fon  exil.  Auffi-tôt  après  la  mort  de  Dom 
Juan ,  &  fon  retour  à  la  Cour  ^  elle  en- 
voya un  vaiifeau  aux  Philippines  pour  le 
ramener  triomphant  à  la  Cour ,  mais  le 
Roi  perfuadé  par  quelques  Minifires  en- 
nemis de  la  Reine  que  Valenzuéla  étoit 
un  homme  dangereux ,  révoqua  les  or- 
dres qu'il  avoit  donnés  en  fafeveur  ^  &  il 
refia  dans  fon  exil. 

Le  nouveau  MiniAre  ne  répondit 


«MAI 


d^Espagns.  6t 


MtetfMhi 


point  aux  vœux  &  aux  efpérances  de  la 
Kation  y  il  parut  plus  occupé  des  diftinc* 
tions  de  fa  place  que  du  bonheur  des 
Peuples  ;  les  difgraces  qu'on  effuya  fur- 
paflerent  celles  qu'on  venoit  d'éprou- 
ver ;  la  fuppreflion  du  Confeil  des  Indes 
dont  lès  Membtes  abforboient  des  fom'- 
mes  immenfes  ,  ^  réforme  de  celui  de 
rHafiendsr  ou  des  finances  dont  la  moi-* 
tié  des  offices  fut  éteint ,  n'étoient  que 
de  légers  abus  au  prix  de  ceux  qu'il  y. 
avoit  à  détruire.  La  célcbre  ordonnance 
qui  prohiboit  l'ufage  des  étoffes  étran- 
gères &  des  carofles ,  à  moins  qu'on  ne 
juftifiât  qu'on  avoit  des  revenus  fuffifans 

1)our  de  telles  dépenfes ,  n'apporta  pas 
e  moindre  obftacle  au  luxe  qui  fembloit 
λrendre  de  nouvelles  foices  à  mefure  que 
a  mifere  publique  augmentoit  ;  le  fcul 
moyîn  d'empêcher  le  tranfport  du  nu- 
méraire dans  les  Pays  étrangers ,  &  de 
rendre  la  Nation  ricne  &  nombreufe ,  eût 
été  d'établir  les  manufaélures ,  de  faire 
naître  les  arts ,  d'encourager  le  commer- 
ce &  l'agriculture ,  d'exciter  Tindj^Clrie 
&  Padivité  des  Efpagnols  ;  c'eft  à  quoi 
le  Miniftre  ne  fit  pas  la  moindre  atten- 
tion :  la  gloire  âc  le  bonheur  de  r£fpa- 


♦^ Histoire      

g^  ràism  ndfervés  au  règne  des  Bout- 


CiT«»!int  on  comfaatuut  avec  un 
n^b^vr  (é^  en  Catalogne  ,  en  Sîdle , 
dus  les  Pays-Bas  de  fur  le  RÛn  ;  le  Com- 
t^  de  Mo£rs:ey  fjit  vaincu  dans  les  plaônes 
dTfOuiile.  £n  Sicile  le  Général  Braca* 
aonte  perdit  un  gr^nd  combat  auprès  de 

*Tuomiina  ;  on  fut  obligé  ,  hâte  de  Gé- 
néraux  de  donner  le  commandement  en 

.  Sicile  au  Cardinal  Porto-Carrero. 

Mais  c'étoît  toujours  dans  les  Pays- 
Bas  qu'on  éprouvoit  les  revers  les  plus 
funeues  ;  on  perdit  Valenciennes ,  Cam- 
brai &  Saint-Omer  ;  le  Prince  d'Orange 
3ui  parut  avec  une  armée  nombreufe 
'Eipagnob  ,  d'Allemands  &  d'Hol- 
landois  pour  faMver  cette  dernière  Pla- 
ce ,  fut  vaincu  par  le  Duc  d'Orléans  & 
le  Maréchal  de  Luxembourg  qui  fyant 
laiflë  une  partie  de  leur  tirmée  devant 
Saint-Omer ,  vinrent  au-devant  du  Prin- 
ce f  &  l'attaquèrent  dans  les  plaines  de 
Caflel  où  ils  remponerent  une  viâoire 
complette  (a)  ;  Luxembourg  fit  enfuite 

(à)  Cette  bataille  mémorable  dont  les  Fran* 
^ois  durent  tout  le  fiiccès  au  Maréchal  de  Lit- 
xfmboufg  9  iê  livra  le  1 1  Avril» 


d'Espagne.  6j 


kver  le  fiége  de  Cbarleroy  au  Prince 
d'Orange  ,  &  les  François  terminèrent 
cette  campagne  fi  glorieufe  pour  eux  par 
la  conquête  de  S.  Guilain. 

C'étoit  le  tems  des  triomphes  de  la 
France  ,  &  de  rhuoûliation  de  la  Maifon 
d'Autriche  ;  Louis  XIV.  vainquit  en  Al* 
face-,  &  détruiiit  deux  armées  Alleman* 
des  par  les  mains  du  Maréchal  de  Créqut. 

JL'ETpagne  afibiblie  mandioit  par  tou- 
te l'Europe  des  fecours  pour  arrêter  la 
fortune  de  Louis  XIV.  Bernard  de  Sali* 
nas  9  un  de  fes  Miniftres,  voyant  que  tou* 
tes  fes  inftances  étoient  inutiles  auprès 
du  Roi  d'Angleterre  »  ofa  lui  reprocher 
en  face  que  l'argent  de  la  France  lui  faifoit 
facrifier  la  liberté  de  l'Europe  j  Charles 
II.  indigné  chaiTa  de  fes  Etat^  le  Minîdre 
Efpagnol;  mais  beureufement  pour  TEf* 
pagne ,  toute  l'Angleterre  penibit  com- 
me elle  ;  le  Comtâ  de  Fuentes*  qui  rem- 
plaça Salihas ,  plus  délié  ,  plus  adroit 
que  fon  prédéceffeur ,  profita  de  l'ému- 
lation des  Anglois  contre  les  François  ^ 
cabala  avec  le  Parlement,  &  contribua 
h  faire  déclarer  cette  Nation  contre  la 
France* 

Le  fèul  événement  quiconfola  les  ££> 


^  HisToins' 

v^cKTik  de  toutes  lc:2rs  dî%raccs ,  fut  la 
fcv-^  àjL  te^  d'Oran  par  les  Maures» 
RieQ  le  prouve  œimx  rinieriorité  du 
ccîxra^  À:  dj:  pîme  des  Ahkains  que 
Kotrofibiilt^i  ie  prendre  Oran  dans  fept 
oa  kjit  6<:^s  qji  durèrent  pris  de  la 
moiôé  de  ce  iiccle  ;  cette  PIsce  n'auroit 
pas  tenu  v:ngt  jours  devant  ncs  trempes 
Européennes  ;  les  faccès  des  Alliés  con- 
tre b  Suéde  3  iuccès  dans  lefquels  la 
Nailbn  d'Autriche  n'eut  aucune  part  >  ne 
balancèrent  point  ceux  de  b  France. 

Les  deux  branches  de  la  Maifon  d'Au* 
triche  manquèrent  de  (è  brouiller  ouver- 
tement ;  l'Empereur  fbuffroit  avec  im- 
patience la  difgrace  de  la  Reine  fa  fœur  ; 
rinfulte  que  venoît  de  lui  faire  le  Minil- 
tcre  Efpagnol  en  rompant  le  mariage  du 
Roi  avec  fa  fille ,  mettoit  le  comble  à  fon 
refiêntiment  ;  mais  la  politique  &  l'inté- 
rêt lui  apprirent  à  diffimuler  toutes  ces 
injures  ;  il  confentit  même  à  râppeller  le 
Comte  d'Harfc.cb  ,  fon  Ambafladeur  & 
Madrid  qui  avoir  (çu  former  un  Pani 
puiifant  en  faveur  de  la  Reine- Mère;  le 
Confefleur  du  Roi  devenu  l'ennemi  de 
Dom  Juan ,  fut  chaifé  honteufement  de  la. 
Cour  pour  avoir  eu  part  à  cette  dernière 


d'Espâgnb.  6f 

intrigue.  L'emploi  de  Confeffeur  don- 
noit  une  puiilance  fans  bornes  à  celui  qui 
en  étoit  revêtu  fous  un  Roi  tel  que  Char- 
les II.  C'efl  pourquoi  les  Miniflres  ne 
manquoient  jamais  de  nommer  à  cette 
fonâion  des  Moines  qui  leur  ^toient  dé* 
voués. 

La  France  menacée  par  TAngletefre  ^.1^7^^ 
évacua  la  Sicile.  Les  Citoyens  de  Meffi- 
ne  éprouvèrent  la  vengeance  d'une  Cour 

3ui  mit  rarement  la  clémence  au  nombre 
e  fes  vertus  ;  mais  on  perdoit  dans  les 
Pays  -  Bas  Garid ,  Ypres  &  Lcvve  ;  le 
Parlement  Anglois  crut  alors  qu'il  étoit 
tems  d'oppofer  toutes  les  forces  de  la 
Grande-Bretagne  à  un  Roi  que  le  relie  . 
de  rEurope  ne  pouvoit  arrêter.  Le  Roi 
d'Angleterre  cédant  aux  cris  &  aux  me- 
naces||ippella  quelques  Régiments  qu'il 
avoit  fogrnis  à  Louis  XIV.  envoya  dix 
mille  Anglois  au  Prince  d'Orange ,  &  fi-. 
gna  un  traité  pour  conferver  les  triftes 
relies  des  Pays  Bas  à  la  Maifon  d'Autri- 
che ,  à  condition  que  la  Cour  d'Efpagne 
lui  livreroit  Oftende  &  Nieuport  pour 
lui  fervîr  d'otages  ;  en  moins  d'un  fiéclé 
le  fyftcme  de  l'Europe  étoit  changé  au 
point  que  l'Angleterre ,  autrefois  l'irré- . 


(^  Hl  STOtKB 


cmieaàe  de  TETpàgne  >  la  dé-^ 
iM^doÀt  de  coiioeR  ayec  la  Hollande  fon 

tlK^uis  XI\\  todSnt  alor»  la  paix  à  feft 
m:sk«ù»  >  ma»  à^  des  conditions  dont  il 
IW'  k«r  iUt.pai;  pensils  de  s^ccaner  ;  pen- 
d^fôt  i^ue  Icj  Miniftres  ETpag^cIs ,  Hol- 
kiidv>^  &  AUemoinds  profitoient  du  ter- 
me que  le  vainqueur  avoit  prefcrit  pour 
examiner  fes  procofitions ,  la  fuerre  con- 
finuoit  en  Rouflillon  &  en  Âlface.  Dans 
la  première  de  ces  deux  Provinces  5  le 
Comte  de  Montercy  vit  enlever  à  fes 
yeux  Puicerda ,  &.  reçut  un  échec  confi- 
dérable.  Cette  difgrace  fut  le  prétexte 
de  l'exil  du  Comte  dont  même  on  inftrui- 
fit  le  procès;  D.  Juan  qui  plus  d'une  fois 
avoit  éprouvé  de  plus  grands  revers  dans 
le  commandement  des  arn^ées ,  a4|bit  ai* 
fément  pardonné  à  un  ami  fes  malheurs  9 
mais  il  ne  pouvoir  lui  pardonner  l'amitié 
que  lui  portoit  le  jeune  Roi  qui  paroif- 
foit  en  vouloir  faire  un  favon  ;  la  diffi- 
culté de  recouvrer  de  Pargent ,  8c  le  mal- 
heureux état  des  affaires  forcèrent  alors 
le  Miniftere  de  tendre  les  charges ,  les 
dignités  &  les  Vice-Royautés  ,  autrefois 
le  prix  du  mérite ,  de  la  nai{rance.&  des 


d'Espagne..  6j 

■■Il  ■ 

fervices  ;  cette  innovation  jointe  à  la 
fierté  de  Dom  Juan  y  à  fon  defpotifme  , 
à  la  cherté  des  vivres ,  à  la  paix  nonteufe 
qu'on  fut  obligé  d'accepter ,  &  aux  in- 
trigues qui  fans  ceiTe  agitoient  la  Cour^ 
commencèrent  à  faire  regretter  la  Reine 
exilée  ;  cependant  D.  Juan  fçut  fe  main- 
tenir jufqu  au  dernier  foupir  par  la  fupé- 
riorité  de  fon  génie  &  de  fon  courage. 

Le  Nonce  du  Pape  ofa  interdire  un 
Evêque  ,  Suffragant  de  Tolède ,  pour 
avoir  conféré  les  Ordres  facrés  dans  la 
Métropole  de  Tolède  ,  en  l'abfence  du 
Cardinal  Porto-Carrero  qui  en  étoit  Ar- 
chevêque ;  le  Confeil  indigné  fit  arra- 
cher les  affiches  de  l'interdit ,  &  le  T^a- 
pe  fe  h&ta  de  défavouer  la  conduite  du 
Nonce. 

Une  armée  nombreufe  de  Maures  qui 
affiégeoit  Oran ,  fut  attaquée  tout  à  coup, 
&  entièrement  vaincue  par  la  garnifon 
d'Oran. 

Cependant  les  HoUandois  à  qui  la   Leio 
France  reftituoit  Maëftricht,  fignerent  A^"'» 
à  Utrecht  la  paix  avec  la  France ,  malgré 
les  intrigues  des  Miniftres  de  la  Maifon 
d'Autriche.  L'afFoibliflement  du  com- 
Btterce ,  &  les  fommes  immenfes  qu'en- 


* 


^S Hi$Toim.B 

dk>aùflbit  une  guerre  qui  leur  étoit 
devenue  prd^cju'etrtngere  ,  étoieiK  de 
pùdans  moûts  fur  une  République  de 
Kégockns  pour  abandonner"  des  Alliés 
dont  ils  avoàent  déjà  oublié  les  fervices  $ 
ils  reprocboient  à  l'Efpagne  &  à  r£mr 
pereur  de  ne  pas  faire  affez  d'efibrts  pour 
la  caufe  commune  ;  de  tous  les  Princes  à 
qui  cette  paix  étoit  odieufe  »  nul  ne  la 
trouva  plus  infupportable  que  le  Prince 
d'Orange  ;  fans  perdre  de  teais  à  de  nou- 
velles plaintes  ,  il  feignit  d^ignorer  le 
traité  y  6c  marcha  droit  au  Maréchal  de 
Luxembourg  qui ,  fur  la  nouvelle  de  la 
paix ,  avoit  fufpendu  les  hoftilités.  Il  ne 
fut  pas  difficile  au  Stadhouder  de  fur- 
prendre  le  Général  François  campé  aux 
.pones  de  Mons.  Le  Prince  d*Orange 
emporta  (a)  des  pofles  >  tailla  en  pièces 
quelques  Régiments  François  ,  porta  le 
Gcfordre  dans  le  refle  de  l^rmée  ,  &  fe 
flatta  de  remporter  une  viâoire  com- 
plette  ;  mais  Luxembourg  revenu  de  (a 
furprife ,  fît  des  prodiges  de  valeur  & 
d^babileté  9  il  rétablit  Tordre  dans  fon 

(a)  Cette  bataille  fiit  appcUée  de  S.  Denis , 
nom  du  Village  où  fe  ponerent  les  plus  grands 
coups. 


tmÊ^m 


d'  E  S  P  A  G  N  £•  69 


Mi*n«i 


armée ,  repouffa  Tenneini  j  &  rendit  inu« 
die  la  perfidie  ;  le  Prince  d'Orange  fe 
retira  avec  une  pêne  égale  :  cette  tentair 
rive  coût^  la  vie  à  dix  mille  François  y 
Ânglois  ,  Ëfpagnols  ou  ^ollandois ,  fans 
opérer  la  rupture  du  traité  que  le  Géné- 
ral HoUandois  avoir  en  vue  ;  peut  être 
même  qu'une  viâoire  complette  n'auioit 
&it  aucun  eâFet  fur  les  Ëtats-Qénéraux  p 
fetJgués  de  cette  guerrç,  ^ 

L'Ëfpagne  plus  épuifée  9  plus  afFôiblie 

que  tous  les  Alliés  enfemble ,  ne  poifvroit 

fe  réfoudre  à  accepter  une  paix  qui  de^ 

voit  lui  coûter  des  Provinces  entières, 

La  hauteur  avec  laquelle  Louis  XIV.  la 

prefcrivoit ,  ne  choquoit  guères  moins  les 

Ëfpagnols  que  la  ceilîon  de  la  plus  gran** 

de  partie  de  l'ancien  patrimoine  de  Içurs 

Rois  ;  mais  abandonnés  de  la  Hollande 

&  de  l'Angleterre ,  il  fallut  enfin  fubir 

}es  conditions  prefcrites. 

Les  François ,  pourjprix  de  leurs  vîcr 
toires ,  gardefent  la  Fr^ncbe-Comté  , 
Valençiennes ,  Bouchaîn ,  Condé ,  Cam* 
brai,  Ypres,  Aire,  Saint- Omer,  Var- 
vick  ,  Vamtcpn  ,  Poperingue  ,  Bayai , 
Califei ,  B?yeul  &  Maqbeuge  ;  la  Cpur 
4'Efpagne  s'obligea  encçrç  d'obtpnir  4ft 


rbkcfaâttr  de  Cc?k^ne  CôrsK  pour  la 
kur  ccmettre  >  &ute  de  qont  dis  s'cnga- 

SÂc  k  leur  céder  CiBanaomir;  Lons 
V.iendtt  te  reâoe  deiès  cfmqpÊxesÇM}, 
Four  déduauBagpmoBC  (ietaot  de  Fbces 
perdues  ^  oa  comptok  fiir  Macfirichc 

£te  la  Hollande  avott  proisife  di3s  le 
rt  de  fès  pertes  ;  nab  cette  Répabii- 
Îue  fé  moqoa  de  la  feounaticxi  qae  la 
'our  lui  fit  de  laî  remettre  cette  Pbce  » 
&  rEfpag;oe  n^olà  ^ore  édater  là  ren- 
gealice  ;  elle  parut  mâne  s'unir  plus 
étroitement  avec  la  Hollande  for  qui  elle 
comptoit  dans  le  cas  d'une  rupture  avec 
Louis  XIV. 

L'Empereur  &  l'Empire  plus  fermes 
que  la  Hollande  &  TEfpagne  reprochè- 
rent it  ces  deux  Puiflances  leur  déteâion , 
6c  coDtmuerent  la  guerre ,  mais  ayec  le 
même  maOïçnr.  Comment  »  aurefie  y  pou* 

(a)  Le  Maïqnis  ife-Las  Balbasès  •  D.  Pedro 
Ronqnlllo  &  M.  Chrîftîo  ,  Flamand  «  puèrent 
en  qualité  de  Mînîftres  Plénipotendaîies  d*Ef' 
pagne  ce  tnké  hooteax  &  tiécel&ÎTe  ;  ce  qmi 
confbla  l'Espagne  »  fût  qn*elle  ciaita  a^ec  ion 
heurcufe  rivale  fur  le  pied  d*ii^  égalité  par- 
feîce.  Louis  XIV*  fe  relâcha  dlave  vaine  pré- 
éminence en  fàYCur  des  avantages  (blsdes  qu*3 
seiifoit^ 


mm^mmi^mmitm'im^tmmi^^mt 


d'E  S  P  A  GN  E.  *    71 


voient-ils  efpérer  de  vaincre  avec  leurs, 
forc^  particulieresr  un  Prince  dont  ils 
n'avoient  pu  arrêter  les,  progrès  dans  le 
teins  qu^ils  étoîent  unis  aux  EfpagnoU 
6c  aux  Hollandois  f  L'armée  Impériale 
commandée  par  le  Duc  de  Lorraine  >  un 
des  grands  Capitaines  de  ce  fiécle  j  fut 
détruite  en  déçail  ^  le  Brifgau  conquis ,  8c 
Je  cœur  de  l'Empire  menacé  i  Leopold 
(î^na  la  paix  en  gémiifant. 

Le  Roi  dç  Dannemarck  &  l'Eleâeuii^ 
de  Brandebourg  luttèrent  encore  quel- 
que tem3  ;  ils  ne  pouvoient  confentir  à 
jreftituer ,  comme  î'exigeoit  Louis  XIV. 
toutes  leur$  conquêtes  fur  la  Suéde  ; 
X»uxembourg  &  Créqui  tombèrent  cha- 
cun de  leur  côté  fur  les  Etats  de  Brande*» 
bourg  ;  VElefteur  &  le  Roi  de  Danne»- 
marck  furent  enfin  obligés  dp  fuivre 
l'exemple  que  venoient  de  leur  donner 
des  Princes  plus  puiflans ,  &  de  recevoir 
}a  paix  aux  conditions  di^ées  par  les 
François. 

On  efpéroit  en  Efpagnç  jouir  long-  i^jn^ 
tems  d'une  paix  achetée  fi  cher ,  &  fur- 
tout  voir  renaître  Tprdre  &  Ua]?ondan- 
ce  i  mais  ni  l'un  ni  l'autre  n'arriva  :  Doo^ 
^^ai>  étpit  plu$  occupé  à  détruire  les  ci- 


HiSTOI BE 


ne  ££S  fitiiriT  fennQKSt  chaqac 
îciar  G^fKTc  ki .  ^'i  reobik  TEat  des 
iDag3£s  fûonztfes  «fi'H  aïok  cflnyccsde- 
nàs  SIX  Ëéck  ;  ï  fisBgeck  à  icaricr  le  R<n 
orac  h  fené  étok  devenoe  rncBleare 
<|a*ca  EX  r^^rok  cJpf?^.  E  2T€kc  d^abord 
jccré  Lfs  yecx  f jt  i  Intrîàsie  de  Bonogal , 
alors  iseriâere  d:z  dirôiie  ;  mzis  Tactipa- 
due  des  Pomzgais  cGocie  ies  EfpzgGcàs  , 
la  crainre  de  retomber  un  jour  ibus  leur 
domînanon ,  firent  échouer  ce  projet.  L4 
Cour  de  Lifccnne  prêtera  au  Roi  d'Ef- 
pagne  le  Duc  de  Savcve  qui  auroit  vrai- 
fenubiablenient  époufe  Tlnfinte  ,  fans  la 
mort  précipitée  de  la  feune  Princeffe  ;  le 
MLniitere  d'Elpagne  fit  choix  de  la  Prin- 
ceâe  Louife  d'Orléans ,  fille  de  Mon- 
fieur ,  &  nièce  de  Louis  XIV.  La  Cour 
de  France  reçut  avec  joye  cette  propofî-' 
tîon  ;  mais  b  jeune  Princeflê  regarda  le 
tbrône  d'Efpagne  comme  qn  véritable 
axil  :  rétiquette ,  les  mœurs  ,  les  coutu- 
mes ,  la  mvité  trifte  &  fombre  de  la 
Cour  de  Madrid  9  comparées  aux  agré-* 
mens  de  celle  de  Verfailles ,  lui  paroi(^ 
foient  infupportables  ;  elle   panit   de 
fxMÇC  baignée  djp  larmes  ,  éc  comme 


d'E.S  PAGNE.  73 

une  viétime  facrifiée  à  la  politique  (^a)  ; 

le  Roi  qui  avoit  conçu  pour  elle ,  à  la 

vue  de  Ion  ponrait ,  une  paffion  qui  ne 

fe  démentit  jamais  ,  fut  au-devant  d^elle 

jufqu'à  Burgos  où  on  leur  donna  pour  la 

féconde  fois  la  Bénédiftion  nuptiale  {h)  ; 

D.  Juan  n'eut  pas  la  fatisfaélion  de  voir 

ce  mariage  qui  étoit  fon  ouvrage  ;  il  étoit 

mort  à  pareil  jour  que  Philippe  IV.  fon 

père  :  on  foupçonna  au'il  avoit  été  em- 

poifonné j  mais  le  poilon  qui ,  félon  moi, 

mit  fin  à  fa  vie ,  fut  le  chagrin  dont  il 

étoit  dévoré  ;  ce  Prince  perdoit  chaque 

joiïr  de  fon  crédit.  Sa  difgrace  étoit  réfo- 

lue  lorfqu'il  mourut  :  mais  aucun  cour^ 

t'fan  n'avoit  ofé  prendre  fur  lui  da  la  lui 

annoncer ,  tant  on  craignoit  Ics  reflbur- 

ces  de  fon  génie  &  de  fon  courage. 

Au  refte  ,  il   étoit  devenu  tellement 

(a)  Onfçaîtque  cette  Princefle  pleine  d'efprit 
&  de  grâces  afpiroit  au  mariage  avec  le  Dau- 
phin ;  fiir  ùi  répugnance  à  partir ,  Louis  XIV. 
lui  dit ,  mais  je  ns  pourvois  rien  de  mieux  pour 
ma  fille  :  ah  !  répondit  la  Princefle  9  vous  pouT" 
rie^  quelque  ckofe  de  plus  pour  votre  nièce. 

(b)  On  ne  doit  pas  répondre  à  Thorrible  im- 
pofture  de  quelques  ennenriis  de  Louis  XIV.  qui 
ont  o(c  avancer  que  la  Reine  partit  de  France 
inhabile  à  avoir  des  enfans» 

ToTfie  r.  D 


74  Histoire 

odieux  aux  Grands  qu'il  avoit  fçu  conte* 
nir  par  l'exil  &  la  terreur ,  qu'il  n'y  avoit 
preiqu'aucun  d'eux  qui  ne  (e  fût  intrigué 
contre  lui;  D.  Juan  d'Autriche  eft  le  der- 
nier des  grands  hommes  de  TEfpagne 
fous  la  Maifbn  d'Autriche  ;  il  n'avoit  que 
cinquante  ans.  Ses  talensfupérieurs.  Ion 
expérience  confommée  ,  Ion  courage 
l'élévation  de  (on  caraâere  »  Ton  amour 

f)our  la  Patrie  furent  inutiles  à  l'Efpagne 
es  dernières  années  de  fa  vie  ;  il  ne  fut 
pas  aiTez  lonfi;-tems  à  la  tête  des  affaires 
pour  les  rétablir ,  ou  plutôt  il  n'y  avoit 
qu'une  révolution  dans  le  caraftere  6c  le 
génie  de  la  Nation  qui  pût  lui  rendre  l'é- 
clat dont  elle  avoit  joui  le  fiécle  précé^ 
dent.  Le  jour  même  de  fa  mort  le  jeune 
Roi  fut  prendre  la  Reine  Douairière  à  To- 
lède ,  &  la  ramena  en  triomphe  à  la  Cour  ; 
mais  Marie  Anne  d'Autriche  n'infpira 
pas  plus  qu'auparavant  à  fon  (ils  le  goû( 
du  travail ,  la  fermeté ,  le  talent  de  ré- 
gner ;  elle  ne  l'aida  pas  mcipe  à  fuppor- 
Ccr  le  poids  du  Gouvernement  :  l'un  & 
Tautre  en  auroit  été  accablé.  Le  foible 
Roi  fe  livra  à  des  Miniftres  bornés,  indo- 
Icns ,  fans  vues ,  fans  expérience  ;  il  pafla 
Iç  rc.fte  de  fa  vie ,  comme  les  Monarqu$is 


d'Espagne.  77 

^^ __^ *  

de  rOrient,  dans  le  tond  de  fon  palais , 
au  milieu  des  femmes ,  des  Nains  &  d'u- 
ne multitude  d'animaux  ,  fans  s'inftruire 
des  évenemens  publics  de  l'Europe ,  ni 
incme  de  ce  qui  fe  paflbît  dan$  fes  vaftes 
Etats  {a). 

Après  la  mort  de  D.  Juan  ,'la  Monar- 
clîie  le  trouva  fans  Pilotes  ;  car  doit-on 
appeller  de  ce  nom  le  Roi  que  nous  ve- 
nons de  peindre ,  &  un  certain  Jérôme 
d'E^uh  ,  Secrétaire  des  Dépêches  uni- 
verielles ,  jeune  homme  fans  lumières , 
fans  courage ,  &  qui  n'avoit  pour  tout 
mérite  que  l'art  de  plaire  au  jeune  Roi  ; 
les  afiiires  languiffoient  au  point  qu'on 
n'expédioit  rien  ;  tout  étoit  dans  un  dé- 
fordre  &  une  confufion  extrême. 

Quelque  tems  avant  cette  efpece  d'a- 
narchie ,  il  arriva  un  événement  dont  les 
fuites  prouvèrent  combien  le  Gouverne- 
ment étoit  foible  ;  le  Nonce  Mellini  avoir 
reçu  ordre  du  Préfident  de  la  Caftille 

(a)  Il  îgnorpît  jufqu'aux  noms  des  Royaumes 
&  des  Villes  qui  lui  étoîent  fournis  ;  il  arriva 
dans  la  guerre  de  16S8  qu'il  plaignit  l'Empereur 
de  la  perte  d'une  Ville  confîdérable  que  Louis 
XIV.  venoît  de  lui  enlever  à  lui-même  dans  les 
Pays-Bas, 

Dij 


■^N-^  î  ?  ï  5  T  O  l  R  E 


^  !;\  ,\;;.^  ,i,-  ,i  r^cr,:c  Guévarra)  de  hè 
ys,\:.s  ;,^  5  \v>i-rr  iu  Ciwpitre  Général  dç 
^N\%i.-.?o.  N^^^ii '^.VA*  ippdlcs  Clericos  Mi^ 
••**  •  '  X  v+.'  ii  rviVcviiâirîCC  de  Mellini ,  le 
^v'ivf^o.s  ic  s\v\Xî^vr^  i  une  amende  de 
*>.  i .  v,^  ,\  '-  >  ^  V  N  ,\-xv  :  "  iï cr.^  excomnttu- 
■^..t  ,c  rv '^ic^c .  &:  li"  fip^  donna  un 
b\  v:  ,^jT  LsV-^I  u  C;rx^i:  le  -Magîftrat  à 
Mvr?:^  r%*:\v^  coa^.rTt  de  ù  conduite  ï 
Ko-v.;r  ;  li'  Koi  n:  j^r^ce  de  Tamende ,  & 
ecrivh  3;î  So,i venin  Ponùte  pour  le  flé- 
ch'.r  ;  le  Pape  conlcntir  avec  atî'ez  de  pei- 
ne q.i'cn  i-geàt  le  Prtildent  en  Eipagne: 
ure  Junte  extraordinaire  condamna  Tan- 
r.ce  fuivante  D.  Juan  de  la  Puente  à  pei^ 
dre  fa  charge  ,  la  première  de  la  Monar- 
chie après  celle  de  premier  Miniflre ,  & 
a  être  exile. 
l68o.  On  a  raifon  de  dire  qu'une  admi- 
niftration  tyrannique  eft  encore  plus 
favorable  qu'une  efpece  d'anarchie  ;  les 
Miniftres  étrangers ,  les  Grands  ,  Iqs 
Peuples  de  la  Peninfule ,  ceux  du  de- 
hors fournis  à  la  Couronne  fe  plai- 
gnoicnt.  Enfin  le  cri  général  parvins 
au  Thrône  ;  le  Roi  comprit  qu'il  fal- 
loit  remettre  les  rênes  de  PEtat  à  des 
mains  plus  adroites  que  les  fiennes  ^  il 


D*  E  S  P  A  G  N  E.  77 

n'avoir  même  différé  fi  long-tems ,  que 
pour  mieux  choifir  ;  enfin  il  fe  déchar- 
gea du  Gouvernement  fur  le  Duc  de 
M edina-CœU  celui  de  tous  l^s  courtifans 
qui luiétoit  le  plus  agréable;  ce  Miniftre 
joignoit  à  la  lenteur  &  à  la  parefle  ordi-, 
naires  aux  Efpagnols  une  inexpérience 
profonde ,  un  efprit  borné  &  timide  ;  il 
n'avoir  de  recommandable  que  fa  naif- 
fànce  &  fa  probité  ;  tour  le  Royaume  le 
plaignit  d'ofer  fe  charger  d'un  fardeau 
qui  lurpaffoit  fes  foi  ces  ;  la  foiblefle  &  les 
malheurs  de  fon  miniftere  achevèrent 
d'ôter  à  TEfpagne  un  refte  de  confidéra- 
tion  dont  elle  jouiffoit  encore  en  Euro- 
pe :  jamais  Monarchie  ne  courut  plus  ra- 
pidement vers  foîi  déclin  ;  elle  eûr  été  en 
moins  de  deux  ou  trois  campagnes  la 
proye  de  la  France ,  fi  Louis  XIV .  n'a- 
voir eu  d'autres  ennemis  à  combattre 
que  les  Efpagnols. 

Le  nouveau  Miniflre  fit  d'abord  dans 
la  Monnoye  une  opération  qui  ruina  le 
tiers  des  rarticuliers  du  Royaufne ,  & 
dont' les  fuites  appauvrirent  TËfpagne  de 

I)lus  de  cinquante  millions.  Vers  le  mi- 
ieu  du  règne  de  Philippe  IV.  la  rareté  de 
Voï  fie  de  l'argent  avoir  obligé  le  Gouver- 

D  iij 


78  Histoire 

cément  à  donner  k  la  Monnoye  de  Billoa 
uce  valeur  prrfqaVjffi  forte  qu'à  celle 
de  Targent  ,  &  c»  avoit  porté  celle  de 
l'or  &  de  l'argent  une  fois  plus  haut 
<|'je  fa  valeur  întricfeque.  Il  parut  tout 
^À  co-jp  un  édh  qui  dinûnuoit  des  deux 
tiers  les  efpeces  d'or  &  d'argent ,  & 
qui  fjpprimoit  la  Monnoye  de  Billon , 
avec  ordre  aux  Particuliers  de  la  porter 
dans  certains  Bureaux  où  l'on  donneroh 
en  échange  des  billets  de  même  valeur , 

Îayables  en  (ix  mois  ;  ceux  qui  perdoient 
cette  opération ,  fe  plaignirent  avec  ai- 
greur ;  on  fe  fouleva  à  Tolède  &  à  Ma- 
drid ;  le  commerce  çeflà ,  &  les  denrées 
devinrent  d'une  cherté  qui  mit  le  Peuple 
au  dtfefpoir  ;  cependant  les  Etrangers 
achetèrent  à  vil  prix  la  monnoye  de  bil- 
lon dans  laquelle  il  y  avoit  un  alliage 
d'argent  affez  fort ,  &  gagnèrent  jufqu^à 
quinze  ou  vingt  millions  ;  ils  fe  préva- 
lurent aufli  du  rabais  de  la  monnoye  d'or 
&  d'argent  qui  étoit  réduite  à  la  moitié 
de  fa  jufte  valeur ,  &  en  firent  fortir  du 
Royaume  pour  des  fommes  immenfes: 
bientôt ,  faute  d'efpeces ,  on  agit  dans 
plufieurs  Provinces  d'Efpagne ,  comme 
dans  les  Pays  011  l'or  n'a  pas  encore  pé« 


d'  E  s  P  A  G  N  E.  7> 

nétré.  On  échangeok  denrées  pour  den- 
rées ,  on  donnoit  du  drap  peur  des  bef- 
tîaux  ,  du  bois  pour  des  grâns.  Oeft 
aînfi  que  par  le  défaut  d'une  £^  adnâ- 
niflration  les  Efpagnols  étoient  de^'enus 
un  des  Peuples  le  pks  malfaenreur  de 
rUnWers  ;  Quelques  années  de  p'^JK,  une 
œconomie  falutaire,  &  de  rarârt  au- 
roient  pu  rétablir  la  Monardne  gm  ne 
fuccomboit  que  fous  le  poids  des  abus; 
car  enfin  les  gallions  de  r  Amérique  ^  les 
concullions  des  Vice-Rois  &  éa  Gou* 
verneurs  fiaifoient  entrer  cdatjue  année 
des  tréfors  dans  le  RcTvaame-  Il  efc  vrai 
qu'il  n'entroit  dans  les  coSr&  du  Hcâ  que 
la  neuvième  partie  de  ce  qu'oc  leraç  iux 
les  Peuples  ;  mais  enfin  ce  F-s  lîrcevojr 
tous  les  ans  près  de  1 200^0:00  ie  nos 
livres  d'aujourd  huL  Pourquoi  prodîzaer 
les  deux  tiers  de  fês  rerenus  es  uernivisi 
inutiles,  en  appoistexiiens  Tjry  immerf- 
fês  ?  Pourquoi  îouSnx  que  ie  refe  ftt 
la  proye  àts  Miniibts  ,  tandis  orX  ne 

(fly  A  la  mon  ce  MsrouSi  ot  Cersj-t  •wtT.-^^v 
mt  cette  aorne,  le  Ri  f?t«.  fcussinï:  i  '!:/ 
nulle  piafires  oi:'2  ha  ^'jzrzt^jk  -disétfptt  "^irr^^^ 
pour  fe  arpcsîntaserE*  L  ?■  2-^  :«  ahr:  '^isr -^rit- 
Grands  dTijagD»  çr;  pîi'Tr^^'^'^-jfrTr  îîiTî:  ^^n-^  ^. -r 
prc/^ue  tœs  les  ^sxas  cî'â  îtvr"--- i^* 


Histoire 

f)ourvoyoit  ni  à  la  paye  des  armées ,  ni  à 
'entretien  des  flottes ,  ni  à  celui  de  la 
Maifon  Royale  ;  il  arriva  enfin  que  le 
Royaume  fe  trouva  fans  marine  ,  fans  ar- 
ciécs^  &  le  Roi  &  les  Reines ,  pour  ainfi 
clire  9  fans  domefliques  :  il  en  étoit  de 
Charles  II.  comme  d'un  grand  Seigneur 
oui  avec  des  revenus  immenfes  ,  faute 
d'ordre  &c  d'œconomie  ,  eft  fans  cefle  ré- 
duit aux  expédlens  pour  lubfifter. 

Une  fimple  ordonnance  du  Roi  auroit 
pu  rendre  des  efpeces  au  commerce ,  & 
par  conféquent  remédier  à  la  mifere  pu- 
plique.  Il  falloit  forcer  fes  Sujets  de  por- 
ter à  la  Monnoye  une  partie  de  la  prodi- 
gieufe  quantité  d'or  &  d'argent  qui  dé- 
coroit  leurs  buffets  ;  lui  -  même  devoit 
donner  Tjexemple.  Je  ne  crois  rien  dire  de 
trop  (a) ,  en  prétendant  qu'il  y  avoit  alors 
en  Efpagne  pour  plus  d'un  milliard  d'ar- 

(û)  Le  luxe  en  vaiffcUe  étoit  tel  chez  les 
Grands 9  les  Miniftres  &  les  Financiers,  que  plu- 
fieurs  d'entr'eux  comptoient  jufqu'à  douze  cents 
douzaines  d'afliettes  plates  beaucoup  plus  pe- 
santes que  les  nôtres  9  &  jufqu'à  douze  cents 
plats.  Ils  s'eftimoient  pauvres  en  argenterie  9 
quand  ils  n*avoient  que  huit  cents  douzaines 
d'affiettes  &  deux  cents  plats  :  on  avoit  dés 
échelles  d'argent  pour  monter  à  ces  buSèu  ùtr 


D  Espagne.  8i 

genterie  ,-foit  dans  les  Eglifes  ^  foit 
cher  les  Particuliers,  tandis  qu'on  iauroit 
£u  peine  à  compter  deux  cents  millions 
-d'argent  monnoyé  dans  le  commerce  ; 
mais  il  eft  tems  de  reprendre  le  fil  de 
"i'Hiftoire^  ou  plutôt  des  malheurs  de 
TEfpagne. 

En  réjouilTance  du  mariage  du  Roi«  * 
on  célébra  un  Auto  dà  fè  ;  celui  ci  attira 
xl'autant  plus  de  concours,  qu'on  n'ea 
avoir  point  vu  depuis  mil  fix  cent  trente- 
4leux;  vingt-deux  vidimes  périrent  dans 
^4es  flammes  :  il  y  ^ut  plulieurs  de  ces 
malheureux  prefque  tous  Juifs  qui  ie  jet- 
^terent  d'eux-mêmes  dans  le  feu ,  d'autres 
xjui  faifoient  brûler  leurs  liftains  &  puis 
leurs  piedfi,  en  les  avançant  fur  les  flam- 
mes ,  &  en  les  y  tenant  ^vec  un  courage 
.héroïque;  foixante  autres  prifonniers,  foit 
Juifs,  foit  Mufulmans ,  foit  Chrétiens  fu- 
rent condamnés  au  fouet ,  aux  galères., 
ou  à:la  prHbn.  Il  n'y  avoît  guères  ^ue  les 
Juifs  fans  biens  quifuffent  punis  par  Tln- 
•quifition  :  ceux  qui  s'étoient  enrichis  ^ 
ibit  par  le  commerce ,  foit  par  les  em- 

■çerbes.  Ceux  qui  ont  été  en  Efpagne  f^avent 
quelles    richeflès  inefliiuables  renferment  icv 


8:2  Histoire 


F' 

ie 


plois  de  finances  qu'ils  rempliffoient  alorSr 

f>refqu'entierement  ,  fe  rachetoient  dik 
eu  par  les  grofles  fommes  qu'ils  prodi- 
guoient  aux  Miniftres  &  aux  Officiers  da- 
oaint  Office.  Cette  exécution  lànglante 
fut  fuivie  d'un  trembkment  d^  terre  qui 
fe  fit  fentir  dans  toute  la  Peninfule.Dans. 
?*e  p  la  feule  Ville  de  Malaga  on  compta  qiiin- 
Oâob.  2e  Eglifes  &  près  de  deux  mille  maifon» 
renverfées  j  une  infinité  de  Citoyens  pé- 
rirent écraf^s  fous  les  débris  de  leurs: 
.  toits  ;  Seville ,  Cordoue ,  Jaën-  foufFrirent 
auflî  beaucoup  ;  TAndaloufie  fe  voyoit 
en  même-tems  en  proye  à  la  pefte,  fféait 
auffi  redoutable  que  les  tremblemens. 

Les  Provinces  du  dehors  étoient  aufïî 
malheureufes  que  l'intérieur  de  la  Mo^ 
narchie  ;  le  Royaume  de  Naples  fe  vit  ra- 
vagé par  trois  mille  bandits  ramaffés  que? 
ks  forces  du  Vice-Roi  ne  purent  diffiper 
qu'après  pliifieurs  combats;  ils  avoienr 
fufbendii  Tannée  précédente  leurs  hoftî- 
Btes  dans  l'efpérance  que  le  Roi  i  en  fa*- 
veur  de  fon  mariage,  leur accorderoit- 
une  amnîflie. 

En  Amérique  lés  Flibuftiers  furprir 
rent  &  pillèrent  Porto- Bello ,  ils  pafle- 
rent  ds-là  aa  Golfe  de  Darîen  ^  &  arcÂr- 


D^'ESP  A  G  N  E.  85' 

verent  accompajgnés  d'une  troupe  d'In- 
diens ,  ennemis  des  Efpagnols  ,  dans  la* 
Mer  du  Sud  oi  ils  commirent  des  bri- 

fandages  afireux  :  ils  emportèrent  les 
auxbourgs  de  Panama  fans  éprouver  la 
moindre  réfîftance  de  la  part  des  Soldats 
Efpagnols  ;  enfin,  cette  poignée  de  Cor- 
faires  ne  fe  retira  qu'après  avoir  enlevé 
çlufieurs  millions ,  &  s'être  vue  maîtref- 
le  de  la  Mer  du  Sud  pendant  pluHeursr 
jours.  La  Cour  irritée  donna  ordre  au 
Vice-Roi  du  Pérou  de  décimer  les  Offi- 
ciers &  les  Soldats  qui  avoient  fi  mail 
gardé  les  Côtes. 

L'Elefteur  de  Brandebourg  ,  après 
avoir  en  vain  demandé  à  la  Cour  leis  fub- 
fides  qu'on  lui  avoit  promis  dans  la  der- 
nière guerre ,  fe  paya  par  fes  mains ,  & 
£t  enlever  un  vaifipu  Efpagnol  dont  la: 
charge  valoit  deuxtailliôns. 

Le  R^H^  France ,  en  vertu  d'un  ar- 
rêt de  la  Qiarabre  de  Metz  érigée  pour 
réunir  à  fa  Couronne  les  fiefs  autrefois 
éépendans  des  trois  Evcchés ,  enleva  les 
Villes  de  Verton  &  de  S.  Mard  fur  le  re- 
fus du  Roi  de  lui  en  faire  hommage  ;  les 
Princes  cFAUemagne  ,  le  Roi  de  Suéde  9 
le  Duc  de  Savoye  n'étoient  guères  moins» 

D  vx 


84  Histoire 

ntaltraités  par  la  France.  Charles  II.  fut 

obligé  d'ôter  de  fes  tiiT^s  celui  de  Duc& 
deCooîtedeEourgogHe^par-toutlesvatf- 
féaux  François  faiioient  baisTer  pavillon 
à  ceux  de  ce  Prince ,  le  Roi  humilié  priva 
pour  fe  venger  le  Marq^uis  de  \'illars  des 
privilèges  dont  il  jouiiloit  à  fa  Cour ,  en 

Î|ualiré  d'Ambaflâdeur  de  France  ;  mais 
ur  les  menaces  de  Liouis  XIV.  on  fut 
obligé  de  les  lui  rendre  :  chaque  démar- 
che de  la  Cour  étoit  marquée  au  coin  de 
la  foiblelTe. 

Le  Duc  de  Veraguas,  Mce-Roî  de 
Valence,  venoit  decondamner  à  mort,& 
de  faire  exécuter  un  Moine ,  chef  de  ban* 
dits  ,  &  coupable  des  crimes  les  plus 
énormes  ;  après  avoir  eu  néanmoins  la 
précaution  de  confulter  plufieurs  Reli- 
^eux  qui  tous  avoient  opiné  à  la  mort  du 
icélerat;  le  ConfeffAdu  Roi,  du  même 
Ordre  {a)  que  le  criminel,  p|^ndit  que 
le  Duc  avoit  violé  llmmunire  Jtccléfiaf- 
tique  :  en  conféauence  le  Duc  perdît  fon 
emploi ,  &  fut  ooligé  de  recevoir  l'abfo- 
lution  du  Nonce  du  Pape.  Un  Roi  aifez 
foible  pour  facrifier  un  Magiftrat  équita- 
l>le  aux  vains  caprices  de  ceux  qui  Tenvi* 

la)  U  t'toit  Dcxninicaiiu 


d'Espaone.  8y 

roiinent,  doit- il  efpérer  que  ceux  qui  le 
repréfentent ',  auront  aflez  de  courage 
pour  braver  la  difa-ace  &  la  perfécution 
€n  faveur  de  la  juitice  f  • 

On  reçut  vers  la  fin  de  cette  année 
une  nouvelle  agréable ,  c'étoit  la  conclu- 
fion  d'un  traité  d'alliance  ofFcnfive&  dé- 
fenfive  avec  l'Angleterre  ;  les  Anglois 
s'obligeoient  de  fournir  huit  mille  hom- 
mes de  pied ,  &  trente  vaifleaux  de  guer- 
re toutes  les  fois  que  TEfpagne  feroit  at- 
taquée; le  Roi ,  de  (on  côte  ,  s'obligeoit 
à  entretenir  douze  mille  hommes  y  &  à 
payer  cent  mille  écus  par  mois  ,  dans  le 
cas  qu'on  attaquât  les  Anglois.  On  efpé- 
,  roit  que  l'Empereur  &  la  Hollande  pren» 
droient  part  à  cette  alliance  qui  étoit  for- 
mée contre  la  France  ;  mais  ce  traité  ne 
fut  d'aucune  utilité  pour  rEfpagne  j 
Louis  XIV.  neceffa  de  l'humilier.  H  pa- 
xut  dans  la  fuite  que  le  voluptueux  Rot 
d'Angleterre,  en  le  fignant,  n'avoit  eu 
d'autres  vues  que  d'aflurer  le  commerce 
de  fes  Sujets,  uharles  Stuard  étoit  trop 
ami  de  fon  repos  ,  de  fes  plaîfirs  &  de 
Xouis  XIV.  dont  il  tiroit  de  grofles  pen- 
sions-pour. allumer  une  guerre  en  faveur 
d^  Efpa^nols  qu'il  n'aimoitpas^ 


85  Histoire        " 

— — — ^^ I  ■  ■     ■  — — ii^— ^ 

)8l.  Les  Maures  profitoient  4e  la  malheu^ 
reufe  fituation  de  la  Monarchie  pour 
achever  de  chaffer  les  Elpagnols  de  l'Afri- 
que ;  ils  firent  la  conquête  de  la  Mamoi* 
ra,  &  reflerrerent  plus  étroitement  Oran  j 
ils  en  venoient  fans  ceffe  aux  mains  avec 
la  garnifon  Efpagnole  ;  le  Marquis  de  la. 
Ajalva ,  Gouverneur  de  la  Ville  bloquée 
périt  dans  un  de  ces  combats. 

Le  Gouverneur  Efpagnol  de  Buenos- 
Ayres  furprit  &  enleva  quelques  fons  que 
les  Portugais  avoient  confiruits  dans  les* 
IfleS  S,  Gabriel  fituées  à  l'embouchurd^ 
du  Fleuve  de  la  Plata ,  qui  fépare  le  Para- 
gual  du  Bréfîl  :  il  y  avoir  près  de  deux 
«écles  que  les  deux  Couronnes  fe  difpu- 
roient  ces  Ifles ,  &  interprétoient  chacu- 
ne en  leur  faveur  la  fameufe  ligne  de  dé- 
marquation  du  Pape  Alexandre  VI.  Ce^ 
pendant  les  Efpagnols  en  avoient  pref^ 
ue  toujours  eu  la  pofleffion  ;  le  Régent 
e  Portugal  fit  éclater  fon  indignation  , 
&  prépara  la  guerre  ;  la  Cour  d'Efpagne 

Î révint  Torage  ,  en  donnant  à  celle  de 
jfbonne  toutes  les  fatisfaélions  que  cel- 
le-ci avoit  exigées.  Toute  l'Europe  fut 
étonnée  que  l'Efpagne  eût  reçu  la  loi 
d'un  petit  Royaume  qui  venoit  à  peine: 


i 


fe  fouftraîre  à  fbn  joug  ;  les  Miniftres: 
}aghols  traitèrent  eux-mêmes  d'hom- 
fans  jugement  le  Duc  de  Giovenazzo 
Lavoit  conclu  ce  traité  honteux  ;  mais 
r  apparences  de  plaintes  &  de  colère 
cm  données  à  Thonneur  de  la  Nation 
'on  croyoit  flétrie,  &  on  ne  perdit  pas 
inftant  à  ratifier  le  traité  q^ue  Giove* 
ZTQ  n'avoit  après  tout  figné  qu'en  ver- 
des  inftruélions  de  la  Cour. 
On  négocioit  encore  plus  malheureu* 
lent  avec  la  France  à  qui  on  fut  obligé 
céder  le  Comté  de  Chiney ,  dans  Tel- 
'ance  qu'on  n'en  feroit  plus  inquiété  j 
is  dans  Le  même  tems  on  apprit  que 
mis  XIV.  s'étoit  mis  en  pofleflîon  le 
ime  jour  de  Cafal  [a)  ,  la  plus  forte, 
icede  Wtalie,  &  de  Str albourg, Ville- 
ipériak  j  For  &  la  force  des  armes  con- 
ifoient  rapidement  Louis  XIV.  am 
mble  de  la  puiflance  ;  la  terreur  étoit 
ik  en  Italie ,  en  Elpagne  &c  dans  TEm- 
e  ;  cependant  ni  l'Empereur,  ni  le  Roi. 
îfpagne,  ni  celui  d'Angleterre ,  ni  ce- 

1)  Le  Duc  de  Mantoue ,  Prince  voluptueu»^ 
auroit  volontiers  vendu  tous  Tes  Etats  pour 
ir  de  quoi  fatiisfaire à  fes  plaifîrs,  vendit  CaTal 
Qiii&XIV.. 


/ 


S8  Hl s  TOI  RE 

lui  de  Suéde  >  ni  la  Hollande  9  ni  le  Duc 
de  Savoye  ,  ni  les  Princes  de  l'Empire 
jaloux  &  impatients  de  ragrandifTement 
de  Louis  A IV.  n'oFoient  apporter  lé 
moindre  obUacle  aux  pro^près  d'un  Prin- 
ce qu'ils  rcgardoient  comme  leur  ennemi 
commun  :  l'Empereur  avoit  à  combattre 
les  Seigneurs  Hongrois  révoltés;  le  Roi 
d'Angleterre  étoit  occupé  à  maintenir 
fon  autorité  attaquée  parlesParlemenSj 
à  étouffer,  ou  à  punir  des  con(pirations  ; 
la  Hollande  p'afpiroit  qu'à  rétablir  foa 
•commerce  afîbibli  par  la  dernière  guer- 
ire  ;  la  Suéde  étoit  trop  foible  &  trop 
éloignée  ;  les  Princes  de  l'Empire  ,  le 
Duc  de  Savoye  &  l'Elpagne  ne  pou- 
^^oient  que  fe  plaindre  en  fecret  :  telle 
étoit  alors  la  pofition  des  divers  Poten- 
tats de  l'Europe ,  &  voilà  ce  qui  mettoit 
Louis  XIV.  en  état  de  jouer  un  rôle  fi 
Irillant ,  rôle  qui  depuis  a  tant  coûté  à  la 
France. 

Cependant  le  Miniftere  d'ETpagnerece- 
voit  chaque  jour  des  projets  de  réforme  ; 
mais  des  années  entières  s'écouloient  à  les 
-examiner ,  &  enfin  on  finiflbit  par  les  re- 
jetter  :  on  crut  frapper  un.grand  coup  ea 
lupprîmanc  les  Receveurs  des  Provinces 


d'Espagne.  8p 

dont  le  nombre  excédoit  mille  ;  la  fup- 

Î^reflîon  auroit  fans  doute  été  avantageu- 
e ,  fi  le  Peuple  eût  été  foulage ,  mais  les 
impôts  ne  diminuèrent  poijit ,  &  leur 
perception  devint  feulement  plus  diffi- 
cile. Il  femble  qu'il  y  eut  une  certaine 
fatalité  répandue  fur  tout  ce  qu'on  en- 
treprenoit  ;  les  Miniftres  perdoîent  le 
courage  &  Tefpérance  ;  le  Roi  qui  n'é- 
toit  point  inftruit  de  la  mifere  publique  ^ 
paflbit  fon  tems  ou  avec  fes  Nains ,  ou  à  la 
chafle  ,  accompagné  de  la  Rerne ,  en  Fa- 
veur de  qui  il  avoit  adouci  la  rigueur  de 
l'étiquette.  Il  arriva  alors  un  accident  à 
la  Reine,  qui  fert  à  faire  connoître  le  gé- 
nie &  les  mœurs  deé  Efpagnols  ;  le  Roi 
lui  avoit  fait  venir  des  chevaux  d'Anda- 
loufie  ,  elle  en  monta  un  vif  &  fringartt 
qui  fe  cabra  fous  elle ,  la  Reine  tomba  , 
&  fon  pied  fe  trouva  engagé  dans  l'é- 
trier,  le  cheval  redoubla  alors  fes  rua- 
des ,  &c  traîna  la  Reine  dans  la  cour  du 
Palais  avec  un  péril  éminent  pour  fa  vie; 
le  Roi  témoin  du  haut  d'un  balcon  de 
ce  triftefpe(Sacle,pou{roit  les  cris  les  plus 
douloureux  ,  fans  qu'aucun  des  Gardes 
Se  des  Gentilshommes  dont  la  cour  étoit 
remplie  volât  au  Xecours  de  la  Reine  $ 


é,^ 


po  Histoire 

^^-^-M^-^i-^ 

carce  qu'il  étoit  défendu  à  tout  homme , 
fous  peine  de  la  vie ,  de  toucher  la  Reine  j 
&  fur  tout  au  pied  ;  enfip  y  deux  Gentih- 
hommes  plus  généreux  que  les  autres  fe 
déterminèrent  à  la  fauver  aux  dépens  d^ 
leur  propre  vie  ;  l'un  d'eux  arrêta  le  che- 
val ,&  l'autre  dégagea  le  pied  de  Tétrier  ; 
mais  à  peine  lui  eurent- ils  rendu  cet  «im- 
portant fervice ,  qu'ils  s'enfuirent  à  toute 
bride  ;  la  Reine ,  après  être  revenue  à 
elle ,  étonnée  de  ne  point  voir  fes  libéra- 
teurs, apprit  avec  furprife  qu'ils  avoient 
encouru  la  rigueur  des  Loix  ;  cependant 
elle  obtint  leur  grâce  du  Roi. 
^682-     La  Flandre,  le  Brabant ,  la  Hollande 
&  la  Zélande  font  inondés  par  un  débor- 
dement de  k  Mer  qui  caufa  une  perte  de 
plus  de  cent  millions  ;  à  peine  venoit-on 
de  recevoir  cette  trifte  nouvelle  ,  qu.'oa 
apprit  que  la  Ville  de  Tortorice  en  Sicile 
avoit  été  renverfée  par  plufieurs  torrens  i 
&  que  cinq  vaiffeaux  de  la  flotte  des  In- 
des fur  le(quels-oh  eomptoit  quatorze 
cents  perfonnes  ,  &  près  de  vingt  mil- 
lions ,  avoient  été  engloutis  dans  les 
flots  :  la  honte ,  la  foiblefle  &  les  mal- 
heurs de  ce  règne  vengeaient  avec  ufure 
les  Peuples  qui  ,   le  fiécle  précédent 


3 


d'Espagne.  pi 

av  oient  eu  tant  à  fouffirir  de  la  vafte  am- 
bition des  Rois  d'Efpagne. 

La  perte  de  vingt  millions  que  les  vaif- 
féaux  apportoient ,  laiffa  le  Roi  pref- 

ue  fans  reflburce  ;  cependant  îl  fallpit   j; 

t  l'argent  pour  réfifter  au  Roi  de  France 
qui  fans  cette  fe  plaignoit  de  l'inexécu- 
tion du  traité  de  Nimegue,  &  qui  à  cha- 
que plainte  enlevoit  des  Places  dans  les 
Pays-Bas.  Il  en  falloit  pour  fecourir 
l'Empereur  alors  malheureux,  &  menacé 
par  les  Turcs  :  le  premier  Miniftre  ne 
trouva  d'autre  expédient  que  celui  de 
vendre  la  Grandefle  {a) ,  comme  il  avoit 
déjà  vendu  les  Goiivernemens  &  les  Vi- 
ce-Royautés :  Venife ,  dans  des  tems  de 
calamité  ,  a  quelquefois  vendu  la  No- 
bléffe  ,  mais  TEfpagne  avoit  d'autres  ret  '^ 
fources  :  fi  on  eût  fait  rendre  gorge-à  une 
multitude  de  Gouverneurs ,  de  Magif- 
trats  &  de  Financiers  engraiffés  du  fang 
&  desjarmes  des  Peuples  ,  aux  déten- 
teurs du  domaine  Royal ,  à  une  foule  de 
concuflionnaires  ^  il  efl  confiant  que  le 

(a)  Le  Marquis  de  Stepa ,  Génois  9  acheta  la 
dignité  de  Grand  cinq  cent  vîngt-cînq  mille  li- 
vres ,  (|ui  en  vaudroient  aujourd'hui  huit  cent 
siiile» 


^2  Histoire 

Roi  auroit  eu  des  tréfors  immenfes  à  fa 
difpcfition  ;  mais  le  Duc  de  Medina-Cœ- 
]i  n'avoit  pas  alTez  de  fermeté ,  ni  d'a- 
mour pour  la  Patrie  pour  braver  la  haine 
de  ceux  qu'il  auroit  tallu  dépouiller  ;  les 
Grands  fe  contentèrent  de  gémir ,  de  voir 
la  Grandeilê  jufques-là  le  prix  de  la  plut 
haute  naiflance  ,  d^s  fer\'ices  &c  du  cou- 
rage auffi  indignement  proftituée.  Que 
ne  faifoient-ils  eux-mêmes  un  effort  en 
faveur  de  l^Etat  dont  ils  connoifToient  la 
malheureufe  iituation  ?" 

Cependant  l'Empereur  ,  en  recorx- 
noiflancedesfLCOursd'srgentqueleRoi, 
quoiqu'épuifé,  lui  fourniflfoit  généreufe- 
ment ,  agit  en  fa  faveur  dans  les  Court 
étrangères*  La  Suéde  &  la  Hollande  , 
moins  par  amitié  pour  la  Maifon  d'Au- 
triche 9  que  par  la  terreur  du  nom  de 
Louis  XlV.  s'unirent  avec  TEmpereur 
&  l'Efpagne  par  un  traité  iîgné  à  la  Haye. 
Le  motif  principal  de  cette  alliance ,  étoit 
la  garantie  des  Pays-Bas  Efpagnols,  dans 
le  cas  que  Louis  XIV.  continuât  à  les 
entamer  ;  le  Roi  d'Efpagne  commit  en 
même-tems  leur  défenfe  au  Marquis  de 
Grana ,  Ambaffadeur  de  l'Empereur  à 
Madrid  p  fsiute  iàns  doute  de  trouver 


D^Es  PAGNE.  ^5 

<Jans  les  Grands  dont  il  étoic  environné 
le  génie  &  le  courage  néceflaires  pour 
répouffer  un  ennemi  tel  que  le  Monar- 
que François. 

Ce  Prince  ne  fe  laiflfoit  intimider  ni 
par  les  ligues  i  ni  par  les  menaces. 

Dès  qu'il  eut  appris  la  conclufîon  du  1^83, 
nouveau  traité  ,  il  revendiqua  le  Comté 
d'-Aloft  que  fes  Miniftres  ,  difoit  -  il  , 
avoient  oublié  d'inférer  dans  les  articles 
du  traité  de  Nimegue  ;  fur  le  refus  de  la 
cour  de  Madrid  il  fit  bloquer  Luxem- 
bourg; tandis  que  les  Turcs  appelles  par 
fes  intrigues  en  Autriche ,  amégeoient 
Vienne  avec  deux  cent  mille  combat- 
tans  ;  l'Europe  n'ofa  reprocher  à  ce  Prin- 
ce d'avoir  voulu  livrer  une  partie  de  la 
République  Chrétienne  aux  Ottomans } 
mais  elle  l'accufa  d'avoir  conçu  le  projet 
de  faire  élire  fon  fils  Roi  des  Romains , 
pour  prix  des  fervices  qu'il  conaptoit  ren^ 
are  à  l'Allemagne ,  en  çhaflant  lui-même 
l'ennemi  qu'il  y  avoit  appelle  :  quoi  qu'il 
en  foit,  l&  fort  de  la  Maifon  d'Autriche 
ne  pouvoit  êtrç  plus  déplorable  ;  l'Em- 
pereur fuivi  de  toute  fa  famille  fuyoit  de 
Vienne  où  il  n'avoit  guères  d'efpérance 
de  rçatref  i  le  Roi  d'Efpagne  humilié  par 


5)4-  Histoire 

Louis  XIV.  à  qui  il  ne  pouvoit  réfifter  ^ 
languiiToit  dans  le  fond  de  fon  Palais. 

Sur  la  nouvelle  que  le  Grand  Vifir 
étoit  prêt  à  fe  rendre  maître  de  Vienne  , 
Louis  XIV.  leva  le  blocus  de  Luxem- 
bourg ,  &  exhorta  les  Efpagnols  de  voler 
au  fecours  de  l'Empereur;  mais  dès  qu'il 
eut  appris  que  Léopold  ,  par  un  de  ces 
évenemens  imprévus ,.  &  qu'on  appelle 
le  miracle  de  la  Maifon  d'Autriche ,  ve- 
noit  de  triompher  des  Turcs  par  les  mains 
du  Roi  de  Pologne  &  du  Dde  de  Lor- 
raine ,  il  recommença  les  hoftililés.  Cour- 
trai  &  Dixmude  furent  afliégés  &  pris  ; 
Luxembourg  fut  bombardé  ;  PEfpagne 
déclara  enfin  la  guerre  à  la  France ,  mais 
l'efpérance  de  vaincre  étoit  éteinte  dans 
tous  les  cœurs.  Comment  pouvoit- on  ré- 
fifter au  plus  puiifant  &  au  plus  heureux 
de  tous  les  Rois  ,  tandis  qu'on  ne  pou- 
voit pas  mettre  à  l'abri  d!es  infultes  des 
Corfaires  les  vaiffeaux  &  les  forterefles 
de  l'Empire  ?  Un  Pirate  HoUandois  ve- 
noit  d'attaquer  &  d'emporter  la  Vera- 
Cruz  où  il  fit  un  butin  de  dix  millions  : 
le  Miniftre ,  pour  amaffer  quelques  fonds, 
réduifit  de  moitié  les  penfions ,  &  fixa  les 
plus  hautes  à  quatre  mille  ducats.  Il  per- 


!>'  E  s  ?  A  G  y  5. 


^  j 


leDcrceroîr  psr  tlbs-ûiéoies  l=s  iurO  -_i , 
kdcks  poner  a^Tréfar  Rzyil  i-<< 
«te opératicn  q-ji  piroiûbï:  £  rr:trf  i 
Wagcr  les  Peuples  &  à  siiztnên-iT  .=< 
wons  Royaux  •  fit  trc-rlt  irzin::- 
cUt  dans  f  cxéc:tic2- 

UDac  d  An'ca,  itz'rji  Yz:lj.zzt  V. 
Whtau  milieu  des  triczirhes  i=  tcn 
^ 8c des  malheurs  de  TE-.:: îzne  ;  e..e 
"cpréroyoit  pas  alors  que  ce  ;e-ne  Prir.- 
Oofann  jour  lui  donner  des  Lcix ..  êc  îa 
xcaUir  dans  fon  ancien  éclat  ;  elle  r.e  re- 
pdoit  fà  nailTance  que  coxme  une  rrcL- 
j!^ de  plus  pour  îennemi  qui  l'ccra- 
mu 

AlfonfeVL  Roidéthrôr^é  dePortu- 
pl>  meurt  après  avoir  langui  dix-iep t 
?nscn  prifon  ;  le  Régent ,  l'on  trere  ,  lui 
foccéda  fous  le  nom  de  Pierre  II.  La 
Reine  de  Portugal  ne  furvécut  pas  long- 
ttns  i  fon  premier  mari  ;  la  Reine  de 
France  ,   Marie  -  Therefe  d'Autriche  , 
four  &  héritière  du  Roi  d'Efpagne ,  croit 
>norte  quelque  tems  auparavant ,  adorce  ^^^ }^^ 
des  François  ,  comme  Vont  été  toutes  J^^»"^*»- 
les  Reines  que  ce  Peuple  a  reçues  d'EU 
pagne. 


^6  Histoire 

ld84.  La  guerre  étoît  ouverte  en  Catalogne 
&  dans  les  Pays-Bas,  on  follicitoit  pour 
la  foutenir  des  fecours  en  Hollande ,  en 
Angleterre  &  à  Vienne  ;  les  Hollandob 
envoyèrent  garnifon  dans  les  Places  de  la 
Flandre  les  plus  expofées  aux  arities  des 
François  ;  mais  ils  n'oferent  déclarer  la 
guerre  en  faveur  de  TEfpagne  :  le  Roi 
d'Angleterre  qui  quelque  tems  aupara- 
vant avoit  figné  une  ligue  oflfènfive  & 
défenfive  avec  la  Cour  de  Madrid ,  ne 
permit  pas  feulement  qu'on  levât  quel- 
ques Régimens  Anglois  &  Irlandois  pour 
les  faire  agir  dans  les  Pays-Bas  ;  l'Empe- 
reur &  les  Princes ,  quoique  pleins  de 
reflentiment  contre  Louis  XtV.  n'a- 
voient  garde  de  fecourir  PEfpagne  dans 
un  tems  oJi  ils  avoient  fur  les  bras  toutes 
les  forces  de  TEmpire  Ottoman,  L'Efpa- 

fne  réduite  à  fes  propres  forces ,  fuccom- 
a  dans  le  cours  de  cette  campagne  ;  le 
Duc  de  Bournonville  qui  commandoit 
une  armée  fur  les  frontières  du  Rouffil-^ 
Ion ,  fut  défait  à  Pommayor.  Les  Fran- 
çois bombardèrent  Fontarabie ,  &  aîfié* 
gèrent  Gironne  qu'ils  ne  purent  pren* 
dre  ;  dans  les  Pays-Bas  ils  firent  la  con- 
(juête  de  Luxembourg  ,  l'une  des  plus 

forces 


■• 


D^  E  s  P  A  G  N  E.  5^7 


fortes  Places  de  l'Univers.  La  Républi- 
que de  Gènes  qui  feule  dans  la  défeâion 
générale  des  Alliés  de  l'Efpagne  ^  ofa  lui 
refter  attachée ,  éprouva  le  plus  terrible 
bombardement ,  &  fe  vit  bientôt  obligée 
d^implorer  la  clémence  du  Roi  de  Fran- 
ce ;  la  Hollande  figna  un  traité  de  neu« 
trsdité  I  malgré  les  efibrts  de  fon  Stat* 
houder  ;  enfin  on  fut  obligé  de  recourir 
â  la  négociation.  L'Empereur  accepta 
en  fon  nom  &  en  celui  du  Roi  d'Efpa- 
gne  une  trêve  de  vingt  ans  (4) ,  au  moyen 
de  laquelle  les  François  gardèrent  Lu- 
xembourg &  toutes  les  Villes  dont  iU 
s'étoieftt  emparés  auparavant ,  excepté 
Courtraî  &  JDixmude  que  Louis  XIV» 
confenm  de  reftituer  à  rEfpagne  ;  dans 
ia  trifte  fituation  où  étoient  réduits  l'Em- 
pereur &  le  Roi ,  ils  fe  trouvèrent  heu- 
reux de  défarmer  Louis  XIV.  au  prix 
qu^il  exigea.. 

En  reconnoiffance  des  fervîces  aue  la  i6Sj 
Cour  venoit  de  recevoir  de  celle  de 
Vienne,  dlç  permit  au  Pape  de  lever  fur 
fes  Etats  d'Italie  des  décimes  pour  1^ 

(d)  L9  trêve  fiit  conclue  à  la  Dicte  de  Rati^r 
bonne. 

Tome  r,  E 


5^8  Histoire 

guerre  de  Hongrie  »  &  bientôt  après  elle 
entra  dans  la  ligue  formée  entre  l'Empe- 
reur 9  la  Pologne  &  Venifè  contre  les 
Turcs  ;  mais  elle  ne  fournit  guères  à  b 
caufe  commune  que  quelques  galères  i 
quelques  fommes  d'argent  &  quelques 
Volontaires  de  la  première  condition,quî 
excitéspar  une  noble  ardeur  9  furent  com- 
battre lur  les  rives  du  Danube  9  alors  le 
feul  tj^éâtre  de  la  guerre  en  Europe  ;  tout: 
(Ce  qu'il  y  avoit  d  illuftre  &  de  diftingUié 
dans  les  différens  Eoyaumes  de  la  Répu^ 
blique  Chrétienoe  ayoit  donné  l'exem-^ 
pie ,  &  s'étoit  rangé  fous  les  étendardi 
du  Duc  de  Lorraine  9  le  plus  habile  Gé- 
néral de  l'Empereur  ^our  apprendre  I9 
in,étier  de  la  guerre*  Cfe  Prince  prit  dans 
tout  le  cours  de  cette  euerre  un  afcen« 
idant  fur  les  Turcs  j^(ques-là  inçonnii 
aux  Chrétiens. 

On  apprit  avec  joye  &  Madrid  la  noi|« 
y  elle  que  le  Duc  a  ï  ork  (  Jacques  H.  ) 
étoit  monté  fur  le  thrône  de  la  Grande 
Bretagne.  On  efpéroit  avec  toute  l'Eu* 
rope  détacher  ce  Prince  de  l'allia  ncf 
^vec  Louis  XIV.  maisl'Efpagne  &  toutç 
VjEurope  fe  trompa.  Jacques  parut  enco- 

ff  plus  r?w  ^  y  4M  4çX'Puw  XJV,  ^uf 


P^  £  B  P  A  G  N  B.  pp 

ne  TaYolt  jamais  été  fon  prédéceiTeur  ; 
l'attachement  du  nouveau  Roi  )t  h  Reli- 
l^on  Catholique  &  à  T^dliânce  des  Fran- 
çois ,  lui  coûta  dans  la  fuite  trois  Cou- 
Tonnes. 

La  Cour  d'Efpagne  étoit  plus  en 
proye  aux  intrigues  &  aux  révolutions , 

Îue  toutes  les  Cours  de  PEurope.  Le 
hic  de  Medina-Celi ,  après  avoir  diflî« 
pé  plufieurs  cabales  9  (e  vit  enfin  op- 
primé par  celle  aue  forma  le  jeune  Com- 
te d'Oropefa  (  de  la  Maifon  de  Portu* 
£1.  )  H  hit  ^rivé  de  Temoloi  de  premier 
inàfare ,  difgracié  &  exué  dans  fes  ter- 
res ;  on  lui  reprochoit  les  malheurs  delà 
Monarchie  ;  mais  quand  il  eût  eu  le  génie 
aufli  yafte  qu'il  Pavoit  borné  5  auroit-it 
pu  réfifiet  à  Loub  XIV.  &  réformer  des 
abus  qu'on  n'a  pas  pu  fupprimer  en  plus 
d'un  demi-fiécle.  Le  Comte  d'Oropefa  » 
fon  fuccefleur  ne  put  avec  plus  de  fer- 
meté 5  de  lumières  &  d'application  ren- 
dre à  l'Efpagne  fon  premier  éclat  ;  elle 
éprouva  au  contraire  de  plus  grands  re* 
vers  (bus  (on  Mniftere  :  chaque  année 
de  ce  fiéde  devoit  être  pour  l'Efpagne 
un  nouveau  degré  d'humiliation  &  de 

£)ibleflc» 

Eîj 


loo  Histoire 

i68j5»  Cepi^ndant  le  Peuple  applaudinoit  ati 
nouveau  Miniftre  ;  on  étoit  prévenu  en 
faveur  de  fon  zélé  &  de  fa  capacité  :  Icf 
cpmmencemens  de  fon  adminiftration  ré- 
pondirent aux  vœux  des  Peuples  ;  il  rer 
eauffa  d'abord  la  monnoîe  qui  avoic  ét^ 
réduite  par  la  plus  funefte  de  toutes  le^ 
opérations  à  la  moitié  de  (à  valeur  ;  il  fip 
dans  les  Confeils ,  les  offices  inutiles  6c 
les  penfions  une  réforme  qui  épargnoit 
chaque  année  cinq  millions  ;  les  denrées 
diminuèrent  de  prix ,  &  la  fituation  du 
Royaume  devint  plus  fupportable ,  inaif 
en  meme-tems  il  corrompit  le  bien  qu'il 
faifoit  à  TEtat ,  en  permettant  au  Pape 
de  faire  contribuer  de  deux  millions  tous 
les  ans  le  Clergé  d'Efpagne  en  faveur  dç 
l'Empereur  ;  c'étoit  achever  d'appauvrif 
le  Royaume  :  au  relie  Léopold  nt  un  di- 
gne ufage  de  l'argent  qu'il  reçut  desEc* 
cléfiafiiques  Espagnols  &  Italiens  ,  S^ 
du  Pape  qui  lui  prodigua  les  tréfors  de 
la  Chambre  EccléfiaiTique  ;  il  conquit 
par  les  mains  du  Duc  de  Lorraine  l'iniT . 
portante  Place  de  Bude  en  Hongrie. 

La  joye  qu'on  avoit  des fuccès  de  l'Emir 
pereur  &  du  rétabliflement  des  afiàires 
jM^tériçures  ;  fu;  tfoiiblée  par  une  flop;? 


d'E  S  P  A  G  N  £•  lOl    • 

Françoife  qui  vint  bloquer  le  Port  do 
Cadix.  On  ne  put  obtenir  de  Louis  XIV. 
qu'il  retirât  fes  vaiiTeaux ,  qu'en  comp'> 
tant  cinq  cent  mille  écus  qu'on  avoit  faifî 
à  de»  Négocians  François  qui  avoienc 
commercé  aux  Indes  Occidentales  con* 
tre  les  Ordonnances.  On  apprit  en  même 
teihs  avec  tranfport  que  le  Prince  d'O*- 
range  préparoit  des  vengeurs  à  rEfpa* 
gne  ;  la  haine  de  ce  Prince  contre  Louis 
XlV.  échauffée  &  fortifiée  par  celle  des 
François  réfugiés  en  Hollande  depuis  la 
révocation  de  Pédit  de  Nantes ,  embrafa 
bientôt  en  effet  l'Europe  du  Midi  au 
Nord  :  nous  ne  pouvons  nous  empêcher 
d'obferver.  en  paffant  que  les  fuites  im- 
prévues de  la  révocation  de  l'Edit  de 
Nantes ,  affbiblir At  plus  la  France  qu'u- 
ne guerre  de  vingt  ans ,  &  la  perte  de 
dix  batailles;  l'Angleterre ,  la  Hollande  f 
l'Allemagne  enrichies ,  peuplées ,  éclai- 
rées par  lept  à  huit  cent  mille  François 
expatriés  fe  trouvèrent  en  état  de  com- 
battre &  de  vaincre  le  grand  Roi  (m). 
L'Empereur ,  la  Suéde  ^  la  Hollande  , 

(a)  C'efl  aînfî  qu'on  dcfîgnoît  Louis  XIV. 

dans  une  bonne  partie  de  TEurope. 

I«  •< • 


^  102  Histoire 

les  Princes  de  PEmpire ,  le  Duc  de  Sa* 
voye ,  le  Pape  ennnenû  perfonnel  de 
Louis  XIV.  entrèrent  dans  la  ligue 
d'Âugfbourg  dont  le  Prince  d'Orange  » 
fimple  Paniculier  fut  l'auteur ,  Vzmt  & 
le  héros.  Le  Roi  d'Angleterre  ,  pour 
avoir  refufe  d'augtnenter  le  nombre  des 
ennemis  de  la  France ,  fut  la  première  vic- 
time que  s'immola  le  Prince  d^Orangc. 
2^87»  Le  Confeil  de  Caftille  réprima  cette 
année  avec  une  vigueur  inconnue  en  Ef^ 
pagne  une  entreprife  de  l'Archevêque 
de  Séville  qui  ofa  excommunier  tous  tes 
Magiftrats  de  l'Audience  Royale  de  cet«^ 
te  capitale  de  l'Andabufie  pour  avoir ,  fe* 
Ion  lui ,  violé  l'Immunité  Ecclédaftique 
dans  le  jugement  d'une  caufe  qui  regar^ 
doit  quelques  Moines  ^&  où  les  MagiC* 
trats  n'avoient  confulté  que  l'équité  ta 
>  plus  impartiale  :  le  Prélat  fe  vit  obligé 
de  révoquer  fes  cenfures  pour  ne  pas. 
s'expofer  à  voir  fon  temporel  faifî  ;  on 
r^çut  alors  de  diffifrens  endroits  des 
nouvelles  qui  confternerent  les  efprits  : 
on  apprit  d'Afrique  que  Dom  Diegue 
de  âracamonte  venoit  de  perdre  un 
grand  combat  &  la  vie  fous  les  murs  d'0« 
ran  contre  les  troupes  de  l'Empereur' 


i^l^^^mmmm^mmmmtÊÊtm^miÊÊmi^tmtmÊàitmtt^Êà^tÊàtU^mltmm 


ritia*» 


de  Maroc.  Depuis  deux  fiëcles  que  ta 
guerre  étoit  éternelle  furies  côtes  de  l'an- 
cienne Mauritanie  entre  les  Efpagnols  & 
les  Maures ,  la  politique  des  Souverains 
deMaroc  ne  Tavoit  allumée  que  pour  arra* 
cher  d'entré  les  mabs  de  la  Manon  d'Au** 
trVcbe  les  cinq  ou  iix  Villes  conquifes  paf 
lés  Efpagnols  fur  le  Détroit ,  Hc  fur-tout 
pour  occuper  dans  une  guerre  étrangère 
&  lé^time  leurs  Sujets  légers,  inconftans^ 
féditieuxy  &  avides  de  nouveautés ,  mai» 
la  lâcheté ,  le  défaut  de  difcipline ,  l'igno- 
rance des  Maures  les  avoir  empêchés  ée 
triompher  de  la  poignée  d'Efpagnols  que 
la  Cour  de  Madrid  leur  oppofbit  :  cetfe 
année  même ,  après  la  viéloire  dont  nous 
venons  de  parler,  ils  furent  obFigés  de  le- 
ver honteufement  le  fiége  de  Mdila. 

Un  horrible  tremblement  de  terre  fe 
fit  (êndr  dans  toute  PAmérique  Méri- 
dionale ie  vingt  Oélobre  :  quantité  de 
Villes  du  Pérou  furent  abîmées ,  &  en- 
tr'autres  Lima  dont  prefque  tous  les  Ci- 
toyens &  les  richefles  furent  engloutis» 
La  feule  confolatiott  qui  put  adoucir  tant 
de  malheurs ,  fut  la  nouvelle  des  fuccès 
de  l'Empereur  en  Hongrie.  Le  Duc  de 
Lorraine  &  l'Elefteur  &  Bavière  gagne- 

Eiv 


104  HlSTOIKE 

rcnt  une  célèbre  bataille  dans  les  plaines 
de  Mohats  ,  plaines  qu'avoit  aucrdbîs 
inondé  du  fang  des  Clirétiens  le  £uncux 
Solvman.  Ces  viAoires  qui  vengecncnt  b 
Maifon  d'Autriche 5  &  humilioieiit  les 
Ottomans ,  affujettirent  de  plus  en  plus 
les  Hongrois  ^  ce  Peuple  foldat  &  impa- 
tient du  joug  Autrichien  ;  la  gloire  de 
TEmpereur ,  &  le  fruit  de  fes  viâoires 
réjaillit  jufqucs  fur  la  branche  aînée  de 
fa  Maifon  ;  les  Etats  d'Hongrie  ,  par  an 
décret  folemnel  9  rendirent  le  thrône  d'é- 
leâif  héréditaire  dans  la  Maifon  d'Autri- 
che ,  &  y  appelèrent ,  au  défaut  de  la 
branche  Allemande ,  la  branche  Efpa- 
gnole# 

Michel  Molinos ,  Prêtre  Efpagnol  5 
l'un  des  plus  célèbres  &  des  plus  Œinge- 
reux  MyHiques  que  l'Efpagne  ait  pro- 
duit ,  fut  arrêté  a  Rome  où  il  défavoua 
&  abjura  fes  erreurs;  Tlnquifition  ne  Ten 
condamna  pas  moins  à  une  prifon  per- 
pétuelle* On  a  écrit  que  les  fentimens  de 
Quiétifme  de  ce  Théolofi;ien  étoient  les 
mêmes  que  ceux  d'une  infinité  d'autres 
de  fon  Pays  qu'on  n'avoitpa^.jugé  à  pro- 
pos de  flétrir.  Quoi  qu'il  en  foit ,  ce  n'eft 
guères  qu'en  Efpagne  que  le  Quiétifme 


d'Bspagne.  loy 

a  pu  naître  >  c'eft  à-  dire ,  dans  un  Payd 
où  l'on  a  long-tems  négligé  l'étude  des 
SS.  Pères  j  de  l'Ecriture  Sainte ,  &  de  la 
Théologie  pofitive ,  qui  devroient  faire 
fèuls  l'objet  des  travaux  du  Clergé  ^  pour 
s'abandonner  aux  chimères  de  l'imagi-» 
nation. 

Le  Royaume  de  Naples  fut  cette  an-* 
née  en  proye  au  même  malheur  qui  ve- 
noit  d'accabler  le  Pérou  ;  le  tremblement 
de  terre  commença  le  cinq  Juin  >  &  fe  fit 
fentir  quelques  minutes  pendant  plu-» 
fieurs  jours  conlécutifs  ;  il  renverfa  les 
Villes  de  Benevent ,  d'Ariano  ^  de  Mira- 
bella  j  d'Âvellino  ^  de  Vitulano  ^  de  Ge- 
retto  &  deplufîeurs  autres  ;  trente  mille 
âmes  périrent  enfevelies  fous  les  débris 
4e  toutes  ces  Villes. 

Vers  le  même-tems  l'Efpagne  reçut  un 
affront  iignalé  de  la  part  de  la  France  ;  * 
le  Vice- Amiral  Papacbin  avoir  refufé  de 
baifler  ^  félon  les  ordres  de  la  Cour  ^  pa» 
villon  devant  les  vaifleaux  François  y 
bientôt  il  fe  vit  attaqué  &  forcé  après  un 
combat  de  trois  heures  de  fe  fou  mettre  à 
l'humiliante  cérémonie  que  le  plus  fort 
exigeoit  ;  l'intérieur  de  la  Monarchie  n'é- 
toit  pas  moins  à  plaindre  que  les  Nations 

Ev 


jo5  Histoire 


^ 


foumifes  au  dehors  ;  Tindigence  j  k  bn- 

Êueur  ^  &  b  léthargie  étoient  à  leur  com- 
le  dans  la  Capitale  &  les  Provinces  ;  oi> 
fut  obligé  de  (upprimer  b  moitié  des  im- 
pôts f  &  de  remettre  aux  Peuples  les  aF» 
férages  qu'ils  dévoient  au  Tréfor  Royalf 
b  popufatioiz  diminuoît  fenfiblement  ^ 
For  éc  l'argent  paroiflbient  bannis  da 
commerce.  L'e^érance  qui  feule  fou- 
tient  dans  ks  malheurs  publics  >  s'étei-- 
gnoit  y  &  l'on  étoît  à  b  vdlle  d'une 
guerre  dangereu(è« 

Louis  XI V  Pavoit  allumé  cette  guerre^, 
b  plus  fengbnte  de  ce  fiécle  pourpréve- 
ttir  bS'  effets  de  b  ligue  d'Augfbourg: 
dont  le  fecret  avoit  tranfpiré.  Il  vouloir 
tir*tour  fe  venger  dé  PÉmpereur  qui , 
par  une  injuftice  manifefte,venoit  de  conr 
tribuer  à  enlever  l'Eleâorat  de  Cologne 
'  au  Cardinal  de  Furftemberg  ,  créature 
de  b  France ,  &  cwitenir  fi^  Hollandois. 
dont  il  avoit  pénétré  ks  defleins  en  fa- 
veur du  Prince  d'Orange  contre  le  Roi 
d'Anfifleterre  ;  mais  Jacques  II.  trahi  par 
des  Miniftres  infidéks ,  vefufa  les  fecours 
de  fon  v^ant  Allié.  Il  ne  fçut  ni  pré- 
voir i  ni  ceujurer  l'orage  ;  fo  courage  8c 
là  têtt  lui  manquèrent  égalesoent^  Âîafiî 


d'E  s  p  a  6  k  b.  107 

M  ne  dut  s'en  prendre  qu'à  lui-même  de 
la  perte  de  trois  Couronnes  9  que  ni  la 
vaue  ambition  de  fon  gendre ,  ni  les  for- 
ces de  la  Hollande  5  ni  les  intrigues  de  la 
Maifon  d'Autriche  a'auroient  pu  lui  ar- 
racher y  s'il  eût  voulu  ou  ménager  da- 
vantage fes  Sujets  ,  ou  écouter  avec 
plus  de  docilité  ks  généreux  confeils  de 
Louis  XIV. 

Déjà  cent  mille  François^  paroiiToient 
fur  les  bords  du  Rhin  y  conquéroient  Phi- 
lifhourg ,  &  portoientle  fer ,  le  feu  &  les 
contributions  jufques  dans  le  milieu  de 
l'Allemagne.  Le  Corps  Germanique  & 
fon  Gherne purent oppofer  d'armées  au 
formidable  ennemi  qui  leur  étoit  tombé 
fur  les  bras  j  leurs  forces  agiffoient  en 
Hongrie  où  elles  venoient  de  prendre 
Belgrade;  peut-être  euflent-elles  pénétré 
jufqu'à  Conftantinopte ,  û  Léôpold  n'eût 
ztàré  fur  lui  les  armes  de  la  France  dont 
la  piniTante  diverlîon  fauva  les  Turcs. 
*  Telle  étoit  la  grandeur  d'ame  &  la 
fierté  de  Louis  XIV.  que  dans  le  tems 
qu'il  humilîoit  TEfpagne ,  en  donnant  or- 
dre à  (es  vaifleaux  de  faire  baifler  par- 
tout le  pavillon  Efpagnol,  Il  invîtoil 
Charles  IL  à  s'unir  à  lui  pour  venger  \st 

Evj; 


7oiS  Histoire 


c^t^ifv^  <fV«s^muM  de$  Rois ,  trahie  dans  k 
If'ft^N^^K  dcJ^ucsILSans  doute  qu'en 
^^t^px  pktxxwt  M  Roi  d^Efpagne  de  tel- 
V«  fiî\>i\?^tbkw^  »  h  France  efpéroit  qu'el- 
W  (k^>i^  4^7^u^  fit  h  Reine  pour  qui  la 
iv^^tcvKWau  koidu^cntoit  chaque  jour; 
U  tk  y  eut  i^int  d'cifbrts  en  eâèt  que  ne 
fit  cette  Princefle  en  faveur  de  fa  Patrie  & 
du  Roi  de  la  Grande-Bretagne,  ion  oncle; 
mais  elle  avoit  à  combattre  tous  les  Mi- 
nières Efpa^nols  &  les  Ambafladeur^  des 
Allies  9  qui  fans  ceffe  rappelloient  à  Char- 
les II.  le  fouvenir  des  injures  récentes  & 
anciennes  qu'il  avoit  reçues  des  Fran- 
çois :  on  lui  exagéroit  la  puiflance  &  la 
fierté  de  la  ligue  feule  capable  de  le  ven^ 
ger  &c  de  lui  faire  reftituer  tout  ce  qu'il 
avoit  perdu ,  s'il  fe  joignoit  à  la  multitu- 
de des  ennemis  fous  leiquels  Louis  XIV. 
devoit  fuccomber  ;  la  politique ,  la  ven- 
geance ,  l'efooir  entraînoient  de  tems 
en  tems  le  foible  Roi  dans  les  vues  qu'on 
lui  infpiroit;  mais  l'éloquence  de  fon 
époufe  ,  fes  carreiTes  ,  la  crainte  de  lui 
déplaire ,  l'injuftice  qu'il  y  avoit  à  fe  dé- 
clarer pour  un  ufurpateur  ,  pour  un  Hé- 
rétique ,  contre  un  Roi  légitime  &  Ca- 
tholique ,  le  retenoient  :  il  ne  fe  feroit 


d'  E  S  P  A  G  N  E.  lOp 

jamais  vraifemblablement  déclaré  contre 
Jacques  IL  &  la  France  fans  la  mort  de 
la  Reine  qui  mourut  en  trois  jours  lô 
douze  Février  à  Tâge  de  vingt-fept  ans. 

Nous  ne  pouvons  paffer  foui  fitence  i(î8p. 
les  foupçons  qu'on  conçut  fur  cette  mort 
précipitée  j  foupçons  peut-être  auffi  té- 
méraires qu'une  infinité  d'autres  de  cette 
nature  :  tout  ce  qu'il  y  a  de  vrai ,  c'eft 
que  cette  Prînceffe  d'un  mérite  égal  à  ce- 
lui des  plus  grandes  Reines ,  aimoit  ten- 
drement fa  Patrie ,  qu'elle  avoit  fur  VcC' 
prit  du  Roi  Pafçendant  le  plus  décidé  , 
au  point ,  comme  nous  l'avons  obfervé , 
que  Charles  IL  fupprima  en  fa  faveur 
prefque  toute  la  rigueur  de  l'étiquette  , 
&  qu'il  la  preffa  de  faire  venir  à  Madrid 
le  Duc  de  Chartres,  fon  frère ,  pour  l'ér 
lever  dans  la  connoiffance  des  loix  &  des 
ufages  d'Efpagne ,  &  en  faire  fon  héri- 
tier (4).  Il  n'eft  pas  moins  vrai  qu'alors 
le  Miniftere  Efpagnol  étoit  dévoué  aux 
intérêts  de  l'Empereur ,  &  ne  refpiroir 

(à)  Au  défaut  des  enfans  de  Marie-Thereft* 
d'Autriche ,  époufe  de  Louis  XIV.  &  du  Prince 
Eledoral  de  Bavière  >  la  Couronne  appartenoit 
en  cfB&t  à  la  Maifon  d  Orléans» 


110  HrsTorHB 

que  haine  pour  la  France.  En  faut-il  da« 
vancage  pour  autorifer  des  foupçoosf 
Bientôt  après  la  mort  de  la  Reine»  TEno» 

Sereur  domina  dans  le  cabinet  ée  Mar 
rid  ;  le  Roi  s'unit  à  l'Europe  eonjurëe 
contre  la  France ,  &  porta  la  eomplaw 
fance  jufqu'à  accepter  l'année  fuivante 
pour  epoufe  Marie-Anne  de  Neubourg:, 
mie  de  l'Eledleur  Palatin ,  &c  iœur  de 
rimpératrice  &  de  la  Reine  de  Portugal. 
Entre  tant  d'adlions  hardies ,  injuues 
&  fufpe^es  9  le  Miniftere  Efpagnol  en  fit 
une  oui  doit  confondre  à  jamais  certain 
Peuple  accoutumé  à  n'îannoncer  la  guer- 
re que  par  le  brigandage  le  plus  odieux  } 
ta  guerre  étoit  déterminée  contre  la  Fran- 
ce ;  la  déclaration  étoit  même  fous  preiTe  > 
lorfque  des  Négocians  François  le  pré- 
fenterent ,  &  réclamèrent  plafieurs  mil* 
fions  qu'ils  avoient  dans  le  commerce  de 
TAmérique  ;  quoique  les  coffi-es  du  Rot 
fulTent  vuides ,  on  leur  reflitua  fans  le 
moindre  délai  leurs  fonds. 

On  avoit  déjà  reçu  des  troupes  An- 

fFoifes  dans  Us  meilleures  Places  des 
aysr-Bas;  on  figna  un  traité  avec  les 
Holkndois  pour  le  partage  des  contri-» 
bâtions  qu'on  devoit  tirer  des  Pays  enne* 


D'EsPAGNEr  lïW 


E 


mis  ;  il:  en  fut  de  ce  traité ,  comme  de 
tous  ceux  qui  partagent  la  peau  de  l'our$ 
fens  l'avoir  pris  ;  il  excita  le  ridicule  par 
Ion  inutilité  i  les  contributions  qu'oa 
avoit  dévorées  enre^érance  n'enrichirent 
as  les  Alliés  :  il  arriva  au  contraire  que- 
s  François  vécurent  pendant  toute  la: 
guerre  dans  les  Provinces  de  leurs  enne^ 
mis ,  &  fur  tout  dans  celles  d'Eipagne. 
La  guerre  étoit  ouverte  en  Catalogne, 
dans  les  Pays-Bas ,  furie  Kki»,  &  bien*- 
rôt  après  elle  le  fut  fur  le  Pô  ;  les  Fran- 
çois prirent  &  d'émolirent  Campredon  : 
peu  s  en  fallut  qu'a vec  une  guerre  étran- 
gère la  Cour  n  en  eût  une  civile  à  foute- 
nir';  une  grande  partie  de  la  Catalogne  fe 
feuleva  :  te  prétexte  de  la  révolte  étoi» 
Ifinfraâion  prétendue  des  privilèges  de  la 
Province  :  les  véritables  raifons  étoienc 
rinquiétude  naturelle  aux  Catalans,  l'en- 
vie de  fe  fouftraire  à  un  joug  légitime ,  en- 
inl'elpoir  infenfé  de  s'ériger  en  Républis^ 
que  ;  la  révolte  devint  d'autant  plus  dan^^ 
gereufe ,  que  le  chef  des  féditieux ,  ap- 
pelle Dom.  Antoine  Soter ,  compteit  déji: 
fi>us  fes  étendards  trente  irilie  hommes  ^ 
&  qu'il  étoît  sûr  de  recevoir  des  feeours; 
de  France  i  mais  le  Duc  de  Villa-Uer- 


ti2  Histoire 

mofa  &  le  Marquis  de  Cooflaiâ  j  cliacuii 
avec  un  corps  de  troupes ,  eurent  b  gloi- 
re £c  le  bonheur  de  vaincre  Scier  ^  &  de 
di^'truire  jufqu'aux  femcaces  de  la  rébel- 
lion. 
Le  27  Les  Alliés  ayant  raflemblé  en  Flan- 
Août*  dres  une  armée  où  l'on  ne  comptoir  que 
quelques  Régimens  Efpagnols  ^  vainqui- 
rent les  François  fous  les  murs  de  Val- 
court  ,  fans  pouvoir  profiter  de  leur 
avantage  pour  faire  quelques  conquêtes 
Le  Corps  Germanique  alfemblé  à  Ra* 
tifbonne ,  avoit  déclaré  Loub  XIV,  en- 
nemi du  S.  Empire  ,  avec  les  mêmes  cé- 
rémonies que  la  Diète  de  Spire  obferva 
contre  François  L  en  mil  cinq  cent  qua- 
fante-quatrc;  cette  déclaration  fut  fuivie 
de  la  levée  d'une  puiffante  armée  qui  ne 
coûta  rien  à  l'Empereur  relie  reprit  Keifer- 
vert ,  Mayence  &  Bonn;  la  Maifon  d'Au" 
triche  triompha  auffi  en  Hongrie  où  le 
Prince  Louis  de  Bade  lui  gagna  la  célè- 
bre bataille  de  Nyiïa  ;elle  ne  manqua  pas 
aufli  de  mettre  au  nombre  de  fes  triom- 

Ehes  les  malheurs  de  la  Maifon  de  Stuard. 
tt  Roi  d'Angleterre  trahi ,  arrêté  &  re- 
lâché par  la  connivence  fecrette  de  fon 
i;endre  qui  ne  vouloit  pas  fouiller  fes 


D^ÊSPAGISTE.  ÏI5 

maînsdans  le  fang  d'un  Roi  &  d'un  beau*» 
pere^  s'étoit  fauve  avec  fa  femme  &  fon 
fils  en  France.  A  fou  dépare  le  Thrône 
fat  déclaré  vacant ,  &  le  Prince  d'Oran- 
ge le  remplit  par  le  choix  de  la  Nation  f 
tous  le  nom  de  Guillaume  III.  Jacques 
trouva  dans  Louis  XIV.  le  protefteur  le 
plus  roag^nanime  ;  il  retourna  dans  l'Ir- 
lande oui  lui  étoit  demeurée  fidelle  avec 
les  tréiors  &  les  armées  de  la  France  y 
mais  le  bonheur ,  le  courage  &  la  iprvh 
dence  de  Jacques  II.  étoient  éclipfés: 
L'Europe  méconnut  dans  le  Roi  d  An- 

Îrleterre  ,  le  célèbre  Duc  d'Yorck  :  on 
çak  que  les  Anglois  pouffèrent  l'injufti* 
ce  à  fon  égard  jufqu'a  lui  difputer  la  par 
ternité  du  Prince  de  Galles ,  &  à  l'accu- 
ler d'avoir  fuppofé  cet  enfant ,  pour  pri- 
ver de  la  Couronne  le  Prince  d  Orange, 
Mais  cette  calomnie  n'a  point  fait  fortune 
dans  un  fîécle  éclairé  ;  la  vérité  a  diflîpé 
les  nuages  que  l'erreur  &  l'impofture 
avoient  répandus  fur  cette  naiifance.* 

La  mort  du  Pape  Innocent  XI*  priva 
IsL  Maifon  d'Autriche  d'un  Allié  dont 
elle  avoit  tiré  des  fecours  îmmenfes  par 
l'ufage  généreux  qu'il  fit  en  fa  faveur  des 
tréfors  &  de  l'autorité  du  S.  Siège. 


mm 


lÉiÉHMMBHlf 


114  HlsToïKÈ 

La  Cour  de  Madrid  corrigea  cette  an- 
née un  abus  qui  lui  fit  des  ennen^s  de 
tous  les  Cardinaux  ;  chaque  Royaume 
de  la  Monarchie  avoit  auprès  du  Pape  ce 

Îu'on  appelle  fadueufeœent  à  Rome  un 
Cardinal  proteéleur ,  qui  coûtoit  de  groi^ 
fes  penfions  :  on  réduint  tous  ces  préten- 
dus proteôeurs  à  un  feul ,  qui  fut  te  Car» 
dinal  deMédicis. 

Les  fuccès  des  Alliés  connnençoient 
i  faire  renaître  la  confiance  des  Efpa- 
gnols  ;  le  Comte  de  Fuenialida ,  Gouver* 
neur  du  Milanez ,  ofa  donner  ordre  aa 
Duc  de  Mantoue  de  rafer  les  fortifica* 
tions  de  Guafialla  ,  dans  la  crainte  que 
ce  Duc  vendu  à  la  France  ne  mît  Lotiii, 
XIV.  en  pofleifîon  de  cette  Place. 
jid^O»  La  guerre  deyenoit  chaque  campagne 
plus  générale  &  plus  fanglante  ;  mais  les 
luccès  ne  répondirent  point  aut  vaftei; 
efpérances  que  les  AlFiés  avoîent  con* 
çues  ;  maigre  les  efibrts  de  toute  TEuro» 
pe  conjurée ,  les  forces  de  la  France  pa^ 
rurent  {upérieures,lbît  pair  Thabileté  it% 
Généraux  François  »  foit  par  la  fagefle 
du  grand  Roî  qui  les  dirigeoit  :  l'Italie, 
l'Irlande ,  l'Amérique  &  l'Océan  furent 
ks  nouveaux  théâtres,  oà  les  Chrétiens 


D*Es  PAGNE.  llf 


ennemis  les  uns  des  autres  difputerent 

avec  le  plus  d'acharnement  la  viéloire  ; 

les  armées  agirent  aufii  fur   les  rives 

de  i'Efcaut ,  du  Rhin  ,  de  la  Meufe ,  & 

tn  Catalogne  ;  dans  les  Pays-Bas  ks  Al- 

liés  perdirent  la  célèbre  bataille  de  Fleu- 

rus  contre  le  Maréchal  de  Luxembourg ,  Le  i 

alors  le  plus  habile  Capitaine  de  TEuro-  i^httr 

pe  i  le  f  eul  Général  digne  de  lui  être  op- 

pofé  étoit  mort  au  commencement  de  la 

campagne  ;  je  veux  parler  du  Duc  de  Lor- 

lûne  $  qui  après  avoir  rendu  à  la  Maifon 

d'Autriche  les  fervices  lesplusgrands  »  &c 

frayé  par  fes  venus  le  chemb  du  Thrône 

des  Céfars  i  fon  petit-fils  5  François  de 

Lorraine  »  aujourd'hui  Empereur  ^  def* 

cendit  au  tombeau  à  la  fleur  de  fon  âee  ; 

l'Eleâeur  de  Bavière  qui  commandoit 

en  Alfiice  contre  le  Dauphin ,  fon  beau- 

frere  ,  n'eut  aucun  fuccès  ;   mais  on 

étoit  plus  malheureux  en  Italie  :  Louis 

XIV. 'Ji  travers  la  diflimuktion  du  Duc 

de  Savoye  9  avoit  pénétré  la  haine  que 

ce  Prince ,  pouffé  a  bout  par  les  Minif-^ 

très  François ,  brfiloit  de  faire  éclater» 

Il  veooit  d'apprendre  qu'il  avoit  déjà 

contraélé  des  liaifons  très-étroites  avec 

ks  Cours .  de  Vienne  &  de  Madrid  ;  en 


M<i  tftsTOIRE 

H>tt|i?^iurOccî  Ac  CCS  découvertes ,  Lonh 
\IV.  le  ipmmiji  fièrement  de  lui  remec- 
t(v  Uf  ViUc!K  de  Turin  &  de  Vcrceâ 
t»^>>M  <i^uj|{trt  de  \à  neutralité  à  laquelle 
Vi.U>i  Amrvlcc  déclara  vouloir  le  te* 
^li.  M,  de  i'ttùnM  »  i  la  tête  d'une  ar* 
•m\'  lr«n\o)t'c*  parût  aux  portes  de  fes 
t'-iAt»  »  <k  le  prctf^i  de  fatisfaire  aux  inten* 
iA>n$*  ou  uhitoi  4UX  ordres  duRoi;  Vie* 
u>r- Amcdcc  Te  trouva  dans  le  plus  hor* 
riblc  embarras  :  livrer  fa  Capitale  ,  c'é* 
tint  refTcrrcr  les  entraves  dont  il  fe  phi- 
gnoit  :  rcfurer  de  foufcrire  aux  condi* 
lions  de  Louis  XIV.  c'étoit  livrer  le  Pié- 
mont Se  la  Savoye  à  une  ruine  certaine  f 
attendu  quH  n*avoit  ni  troupes ,  ni  ar* 
gent  pour  fe  défendre  ;  il  prit  le.  fag^ 
parti  de  s'bunûber  ,  &  d'entamer  une 
négociation  pour  avoir  le  tems  d'atten- 
dre d'Allemagne  &  de  Naples  les  trou* 
pes  qui  voloient  k  fon  fecours  ;  mais  le 
Roi  de  France  inftruit  que  le  Duc  ne 
cherclioic  qu'à  Tamufer  &  à  le  tromper» 
ordonna  à  Catinat  de  commencer  les  hc^ 
tilités  ;  aufTi-tôt  que  le  Duc  de  Savoye 
eut  été  joint  par  les  troupes  Efpagnoles , 
il  alla  chcrcner  Catinat  ,  &  l'atteignit 
dans  le$  plaines  de  Stafarde  qu'il  rendit 


mmi^mmmatÊmm^fmrvmimmf 


d'Es  P  A  G  NE,  117 

fameufes  par  fa  défaite  :  le  vainqueur  Le  8 
François  ic  rendit  maître  de  Suze  èc  da  Août, 
Carmagnole  ,  tandis   qu^un  Corps  de 
troupes  de  la  même  Nation  réduifoit  tou- 
te la  Savoye* 

Les  Puiifances  maritimes  eurent  part 
aux  malheurs  &  à  la  honte  de  leurs  Al- 
liés; leurs  flottes  combinées  furent  vain-  Le  10 
eues  &  diflîpées  dans  la  Manche  far  celle  J"^u 
de  France  qui  demeura  n^aîtrefle  de  ji'una 
&  de  Tautre  Mer. 

Mais  le  lendemain  de  cette  défaitjs 
dont  les  fuites  épou vantoient  toute  TEu- 
rope ,  (juîllaume  III.  raflura  fon  Para  A?,'^ 
en  gagnant  la  bataille  décifive  de  la  Boy- ^'^      * 
ne  ;  fon  infortuné  beau»-pere  fut  fe  con^* 
foler  en  France  de  la  perte  de  trois  Couf* 
rennes  dans  les  exercices  de  la  plus  fuf 
blime  piété ,  ^  dans  l'amitié  de  Loui§: 
X I V.  on  combattit  encore  pour  lui 
en  Irlande ,  mais  enfin  lorfqu'on  s'ap- 
J>erçut  qu'il  avojt  fait  à  P^eu  le  facrî-f 
fice  de  Tes  Couronnes  9  la  guerre  lanr 

Sait  9  &  fes  principaux  partifans ,  les  . 
deles  Irlandois  9  vinrent  le  joindre  en 
France  »  qui  devint  pour  eux ,  çommç 
pour  lui ,  une  féconde  Patrie  ;  Téleftion  . 
du  Roi  d'Hpn|;riç  à  |a  dignité  dç  Kpi  des 


ii8  Histoire 

koff*2ir>s ,  confob  la  Maîfi>n  d'Antricfae 
des  vidoires  de  ùt  rivale  ;  llieoreiix  Léo- 
pold  eût  pu  voir  fon  lêcond  fils  PAidô- 
duc  Charles  ,  Rcn  d'Efpagiie  9  s^  cfic 
écouté  les  confêils  des  partifâBS  qu^ 
avoit  dans  ce  Royamne  ;  mais  il  cmt  trop 
que  la  fucceffion  de  ChatlesU.  ne  poavoK 
lui  échapper  ;  ce  qui  aida  encore  i  k 
tromper ,  fut  le  crédit  immenfê  qoe  pik 
d'abord  en  Efpagne  Tépoufê  quli  avok 
donnée  au  Roi  ;  il  s'en  ^oit  pourtant 
bien  que  Marie-Anne  de  Neaboars(4)Ac 
autant  aimée  &  refpeâée  qoe  celle  donc 
elle  rempli&jt  la  place.  hc%  Efpagnols  t 
en  la  voyant  ,  regrettèrent  davantage 
leur  dernière  Reine  ;  ils  n'appercevoient  • 
en  celle-ci  ni  le  génie  9  ni  rafiàbilité ,  ni 
les  grâces  oui  leur  avoient  rendu  Louife 
d'jOrléans  u  chère  ;  ils  ne  pouvoient  loi 
pardonner  de  recevoir  comme  des  on* 

(a)  Marie- Aime  de  Neubourg  9  après  zroSt 
éii  long-tems  détenue  par  les  vents  contraiiet 
fvT  les  c6tes  d'Angleterre ,  arriva  le  vîngt'^fêpc 
Mars  à  la  Coroene  (ut  une  efiradre  de  vaiflêanz 
Angloîs  &  Holkndoîs  ;  le  Roi  Se  toute  la  Cour 
furent  au-devant  d'elle  jufqu'â  Valladolid  où  le 
mariage  fut  célébré  avec  aflez  de  trîfieflê  >  at- 
cendu  que  le  Roi  avoit  k  ccnir  plein  de  ùl  chers 
LouKê  d'Orléans^ 


d'Espagne.  up 

clés  les  décilions  d'un  Capucin  &  d'une 
femme  de  chambre  qu'elle  avoit  emme- 
nés de  fa  Patrie ,  &  quicompofoient  tout 
Ion  confeil  dans  lequel  elle  admettoit 
quelquefois  le  Comte  de  M algar ,  (  D. 
Thomas  Enriquez  de  Cabrera  )  ^  qui  par-^ 
vint  depuis  à  la  dignité  de  premier  Ml*^ 
niftre  par  la  proteâion  de  la  Reine.  Ce 
qui  acheva  de  lui  aliéner  les  cœurs ,  fut 
ropiniâtreté  avec  laquelle  elle  foutint  les 
intérêts  de  fon  neveu ,  l'Archiduc  Char- 
les qu'elle  vouloit  porter  fur  le  thrône  » 
au  ueu  d'accoutumer  les  Peuples  à  ce 
|eune  Prince ,  &  de  l'attirer  en Efpagne  ; 
^lle  foufirit  que  l'Empereur ,  en  cela  plus 
condamnable  qu'elle ,  l'élevât  dans  un 
mépris  choquant  &c  injurieux  pour  les 
moeurs  »  les  coutumes  &  les  perfonnes 
des  Efpagnols.  Nous  ne  pouvons  nou$ 
empêcher ,  en  paflant  ,  d'obferver  que 
rien  ne  contribua  plus  à  tranfporter  dans 
ime  maifon  étrangère  les  vingt  -  deux 
Couronne^  qui  compofoient  la  Monar- 
chie Efpagnole  ,  oue  la  connoiffance 
«qu'eurent  les  Peuples,  que  le  maître 
flu'on  leur  deftinpit  ne  les  aimoit ,  ni  ne 
fçs  eilimoit. 

On  verira  dans  la  fuitç  que  ni  les  ver-» 


I20  Histoire 

tus  de  ce  Prince  »  ni  les  forces  de  l'Euro* 
pe ,  ni  les  fuccès  les  plus  imprévus  ne  pu* 
rent  faire  changer  en  fa  faveur  les  (ènd- 
mens  d'uQe  Nation  trop  fiere  &  trop  gé- 
néreufe  pour  pardonner  le  mépris. 
S  6q  I  ^^  ^^^  Guillaume ,  vainqueur  du  mal* 
>  ^beureux  Stuard ,  paiTa  au  commencement 
de  cette  année  a  la  Haye  où  il  jouit  de 
la  gloire  de  voir  les  Âmbafiàdeurs  de  toa«  • 
tes  i:cs  Têtes  couronnées  de  l'Europe,  8c 
prefque  tous  les  Souverains  de  TEmpire 
au  nombre  de  fes  counifans  ;  mais  dans  le 
tems  que  cette  multitude  de  Princes  8c 
de  Minières  ençenfoit  fes  fuccès  &  fes 
talens ,  &  qu'elle  fembloit  attendre  de 
lui  comme  d'un  Dieu  la  foudre  qui  dt* 
voit  les  venger  de  la  France.  Louis  XIV. . 
parut  devant  Mons  avec  cent  mille  hom- 
mes :  le$  m^fures  néceflaires  pour  le  fuc- 
cès dç  cette  entreprife  éclatante  avoient  ; 
été  concertées  avec  une  fageife  fupéricu- 
re  ;  loin  de.s'attendre  à  une  telle  expé» 
dition ,  l'Europe  croyoiique  Louis  XIV. 
feroit  heqreux  de  fe  tenir  fur  la  défeiifi-^ 
ve ,  &  de  ne  perdre  que  quelques  PUh 
ces  i  \c  Rpi  Guillaume  &  tous  les  Mini& 
très  dont  il  étoit  environné  furent  mer» 
ve^Ueufcment  déconcertés  i  cependant  il 

fe 


d'Espagne.  121 

• 

ie  hâta  de  rafTembler  fon  armëe  ,  &  de  la 
mener  vers  Tennemi ,  mais  il  n'approcha 
de  Mons  que  pour  être  témoin  de  la  pri- 
fe  (4)  ;  le  Maréchal  de  Luxembourg  à 
qui  Louis  XIV.  avoit  confié  fon  armée , 
contint  toute  la  campagne  celle  des  Al- 
liés plus  nombreufe ,  &  la  termina  en' 
battant  à  Leuze  avec  vingt- huit  efca- 
drons  foixante  &  douze  elcadrons  An- 
glois ,  HoUandois  ,  Allemands  &  Efpa- 
gnols  foutenus  d'un  grand  Corps  d'inran- 
terie. 

Si  on  ne  fut  pas  plus  heureux  du  côté  Le  if 
des  Alpes ,  ce  n'étoit  ni  faute  de  Gêné-  Sept, 
taux ,  ni  faute  de  troupes  ;  le  Duc  de  Sa- 
voye ,  l'Eleéleur  de  Bavière  ,  le  Prince 
Eugène  &  le  Marquis  de  Leganès  qui , 
tous  enfembie ,  commandoient  l'armée 
compofée  d'Efpagnols  ,  d'Allemands  , 
d'Italiens ,  de  François  réfugiés ,  &  de 
Saiffes ,  ne  purent  empêcher  ks  François 
de  s'emparer  du  Comté  de  Nice  &  du 
Marquilat  de  Saluces  ;  cependant  le  Prin- 
ce Eugène  plus  habile  que  tous  fes  Col- 

(k)  Mons  défendue  par  le  Prince  de  Bergnes 
capitula  le  neuf  Avril  après  feize  jours  de  tran- 
chée ouverte. 

Tome  r.  F 


•««««■■Mp 


1^2  Histoire 

Icgucs  fit  lever  feul  fur  la  fin  de  la  camj 
pagne  le  ficge  de  Coni ,  &  prit  Carma- 
gnole ;  les  François  qui  avoient  à  corn-» 
battre  fur  les  bords  de  la  Sambre ,  de  U 
J\leufe ,  du  Rhin  &  du  Pô  étoient  encore 
fupericurs  à  TEfpagne  en  Catalogne;  Hs 
croient  far-tout  maîtres  de  la  Mer  :  les 
^îcux  ficres  Nations  qui  paroiffent  avoir 
slVcrvi  cet  Elément ,  &  qui  l'ont  compté 
plus  d' une  fois  au  nombre  de  Içurs  do- 
maines ,  fuyoient  par-tout  devant  eux  ; 
les  François  profitèrent  de  la  terreur  gér 
ticrale  pour  bombarder  Alicante  &  Bar^ 
colonne ,  tandis  quç  leur  armée  de  terrç 
commandée  par  le  Duc  de  Noailles  faw 
(bit  la  conquête  du  Seu  d'Urgel ,  &  s  ouy 
vroit  TArragon  ;  le  cri  des  Catalans  & 
des  A  rragonoîs  ,  fe  fit  bientôt  entendre 
à  la  Cour  ;  on  aifembla  fur  le  champ  un 
Confeil  général  pour  découvrir  la  fourcç 
de  la  honte  &  de  la  foiblefle  de  la  Mo- 
narchic  ,  &  pour  chercher  les  moyens 
de  s'oppofer  aux  François  ;  le  Duc  d'Of- 
fonne  ,  un  de  ceux  qui  fut  appelle  à 
ce  Confcîl ,  opina  en  vrai  Efpagnol  qu'il 
falloir  qac  le  Roi  parût  à  la  t(:te  des  ar- 
mées pour  ranimer  Taudace  de  la  Na* 
fipn,  que  fon  exemple  cntrainerpit  }ç| 


rfkMM 


d'Espagne,  123 

Grands ,  les  Chevaliers  militaires  &  la 
Nobleffe  qui  depuis  Philippe  IV'.  n'a- 
voient  paru  dans  aucun  camp  ;  il  ofa  citer 
Louis  XIV.  dont  la  préfence  dans  fei 
armées  faifoit  de  chacun  de  Tes  foldats 
autant  de  héros ,  mais  Topinion  contrai- 
re prévalut  :  quelques  flatteurs  foii tin- 
rent qu'il  valoit  mieux  perdre  la  Cata- 
logne ,  &  même  la  moitié  de  la  Monar- 
chie que  d'expofer  la  vie  &  la  fanté  du 
Roi  ;  le  timide  Charles  fe  rangea  de  cet 
avis.  Quand  un  Peuple  a  le  malheur  d'a- 
voir de  pareils  Rois  &  de  femblables  Mi- 
niftres ,  il  faut  bien  qu'il  foit  malheureux 
&  avili.  Peu  après  le  Roi  donna  une  nou- 
velle marque  de  foiblefle  en  facrifiant  à 
la  haine  de  la  Reine  le  Comte  d'Oropela 
fon  favori  &  fon  Miniftre;  le  Comte  de 
Melgar  depuis  TAmirante ,  homme  plus 
propre  à  conduire  une  intrigue  de  Cour 

?[u'à  gouverner  une  fi  vafte  Monarchie  » 
ut  élevé  fur  les  débris  du  favori  difgra- 
cié  ;  maïs  le  Roi  qui  ne  pouvoit  fe  paffer 
d*Oropefa  pour  qui  il  avoir  une  véri- 
table tendreffe  ,  le  rappella  bientôt ,  &c 
lui  rendit  fa  confiance  &  la  place  de  Pré- 
fident  du  Confeil  de  Caftille.  Melgar  qui 
avoit  vu  chaque  changement  de  Miniftre 

F  ij 


V 


124  Histoire 

lignalé  par  des  rttorines  »  ne  manqua  pas 
de  fuivre  Texemple  de  fès  prédécefleurs; 
il  remit  les  Tribunaux,  les  Secrétariats» 
les  Chambres  des  Comptes  fur  le  pied 
où  ils  étoient  en  1621 ,  mais  ce  qui  lui 
attira  les  applaudififemens  des  gens  de 
bien  9  fut  la  uippreilîon  des  Offices  fur- 
numéraires  ou  héréditaires  ,  des  furvi«> 
vances  pour  une  ou  plufleurs  vies  ;  cène 
réforme  épargnoit  au  Roi  pluiîeurs  mil* 
lions  chaque  année.  Dans  la  néceflîté  de 
trouver  des  fonds  pourréCfter  aux  Fran-, 
.çois ,  on  ne  pouvoit  rien  faire  de  moins 
onéreux  pour  la  Nation  ;  cependant  de 
48  millions  d'écus  qu'on  atiendoit  du 
Pérou  &  du  Mexique ,  tant  pour  le  comp« 
te  du  Roi  que  pour  celui  des  Négocians  , 
on  ne  reçut  que  quafante  millions  d'é- 
cus ;  les  vaifieaux  fur  lefquels  étoient  les 
huit  autres  millions  périrent  dans  le  tra- 
jet. 

On  figna  cette  année  un  cartel  avec 
Ifmaël  Muley  j  Empereur  de  Maroc  , 
pour  l'échange  des  pnfonnicrs  ;  on  s'oblir 
;eoit  à  Jui  rendre  dix.  Maures  pour  un 
Tpagnol  ;  ce  cartel  qui  n'étoit  point 
avantageux  à  la  Nation ,  flatta  au  moinf 
f^  ymiii  î  Iç  C^dml  Pign^teUi ,  Nappr 


\ 


MkM 


d'Espace  NE.  li^ 

iitain  fuccéda  à  Alexandre  VIII.  fous  le 
Àom  d'Innocent  XII.  Prefoue  tous  les 
Papes  étoient  nés  fujets  de  rfefpagne  ;  le 
premier  foin  de  celui-ci  dont  la  «témoire 
doit  être  refpeélée ,  fut  de  s'accoqamoder 
avec  Louis  XIV.  qui  avoit  eu  les  plus 
violens  démêlés  avec  fes  prédécefleurs. 

L'Empereur  gagjna  cette  année  par  les 
mains  du  Prince  de  Bade  la  bataille  de  J^^  ^ 
Salankemen  contre  les  Turcs. 

De  tous  les  millions  venus  Pannée  l6^. 
précédente  en  Efpagne ,  il  n'en  étoit  pas 
refté  dix  entre  les  mains  du  Roi  >  &  vingt 
dans  le  Royaume  :  tout  étoit  paflfé  çb^z 
les  Nations  commerçantes;  le  Roi  fans[ 
argent  fut  obligé  de  fufpendre  le  paye- 
ment de  toutes  les  penfions.  Que  ne  les 
fupprimoit-il  tout  d  un  coup  ?  On  défen- 
diit  aufli  Tufage  des  carroifes  dorés  ;  mais 
malgré  tous  les  projets  de  réforme  on  ne 
put  ramaffer  aflez  d'argent  pour;  fornver 
une  armée  en  Catalogne  ;  heureufement 
Que  les  ennemis  portèrent  toutes  leurs 
forces  fur  le  Rhin ,  dans  les  Pays-Bas  & 
fur  rOcéan.  Louis  XIV.  ouvrit  la  cam- 
pagne par  la  conquête  de  Namur  {a)  , 

(a)  Namur  capitula  le  cinq  Juin ,  &  ks  châ* 

F»»  • 


126  Histoire 

fans  que  le  Roi  d'Angleterre  &  TElec- 
ceur  de  Bavière  avec  plas  de  cent  mille 
hommes  pailent  jecterle  moindre  fecours 
dans  l^  Place  ;  ils  crurent  fe  venger  fur 
le  Maréchal  de  Luxembourg  retté  feul 
chargé  da  commandement  de  raimée 
Françoife  ,  &  le  furprirenr  en  efièt  i 
SteinJcergue ,  mais  ni  le  nombre ,  ni  l'a- 
yantage  deslieux ,  ni  la  furprife  ne  purent 
les  rendre  vidoricux  :  jamais  b  valeur 
des  François  &  la  fcience  profonde  de 
leur  invincible  Général  ne  brillèrent  plus 

Suc  dans  cette  fangbnte  journée  ;  le  Koi 
millaume  ^  comme  s'il  eût  été  de  fa  def- 
tinée  d-âtre  toujours  vaincu  par  Luxem- 
bourg  9  fe  retira  battu  &  pourfuivi;  le 
vainqueur  vînt  bombarder  Charleroy. 

Le  malheur  des  Alliés  les  pourfuivic 
fur  les  bords  du  Rhin  où  le  Duc  de  Wir- 
temberg  fut  vaincu  &  pris  dans  un  grand 
combat  ;  mais  du  côté  d^  Alpes  la  vic- 
toire fe  rangea  fous  leurs  étendards  ;  le 
Duc  de  Savoye  pénétra  avec  une  armée 

teaux  le  trente.  A  cette  tnfte  nouvelle  le  Roi 
ci'Efpagne  plaignit  Guillaume  à  qui  il  croyoic 
que  Namur  appanenoit.  L'année  précédente  il 
f'étoît  attendri  fur  !e  malheur  de  1  Empereur  à 
qui  il  croyoic  que  Mons  étoît  fournis» 


rf^i 


d'Espagne.  ii^f 

fupétieure  en  Dauphîné  oà  il  mît  tout  à 
feu  &  à  fang  ;  it  auroit  porté  plus  loin 
Tes  avantages  &  fon  relTentitnent ,  s'il  ne 
fut  tombé  malade  au  milieu  de  la  cam- 
pagne. 

Ceft  fur-tout  fur  l'Océan  où  les  Alliés 
portèrent  les  coups  les  plus  décififs  j  ils 
remportèrent  près  de  la  Hogue  la  plus 
célèbre  bataille  navale  qui  fe  foit  donnée 
dans  cette  guerre.  Louis  XIV.  perdît 
Terapire  de  la  Mer ,  &  Jacques  IL  pour 
qui  il  avoit  fait  des  efforts  incroyables , 
1  eipérance  d'être  rétabli  fur  fon  Thrône. 

Ces  derniers  fuccès  ranimèrent  la  con-  K^pj 
fiance  des  Alliés  ;  ils  fe  flattoient  de  ré- 
duire Louis  XIV.  aux  dernières  extré- 
mités, &  de  partager  bientôt  les  dépouil- 
les qu'ils  alloient  lui  arracher  ;  maistcette 
campagne  ne  fut  pour  eux  qu'une  longue 
fuites  de  difgraces  plus  accablantes  les 
unes  que  les  autres  ;  malgré  la  haine  qu'on 
portoit  au  grand  Roi ,  on  admira  fon  gé- 
nie &  fes  reflburces  ;  on  fut  confondu  de 
voir  un  Prince  maître  d'un  Empire  quin- 
ze fois  moins  vafle  que  celui  des  Ro- 
mains ,  mettre.de  plus  grandes  forces  fur 
pied. 

Avant  que  de  tracer  les  évenemens  de 

r  IV 


128  HlSTOIKE 

cette  campagne^nousallSns  rendre  comp- 
te de  ce  qui  fe  paffoit  dans  Tîntérieur  de 
TEfpagne  ;  le  Comte  de  Melgar  devenu 
FAmirante ,  fut  déclaré  premier  Minif- 
tre  ;  il  eut  la  modération  de  partager  avec 
le  Connétable  &  le  Duc  de  Montalto  le 
Gouvernement  fuprême  de  toutes  les 
Provinces  fous  le  titre  de  Vicaires  Gêné-  . 
raux  avec  une  autorité  fupérieure  à  celle 
des  Vice  Rois. 

On  ne  tira  pas  plus  d'avantages  de  ce 
nouvel  arrangement  que  des  précédens. 
Les  malheurs  fe  fuivirent  d  auflî  près 
•qu'auparavant  j  la  Sicile  fut  défolée  par 
le  plus  furieux  tremblement  de  terre  («i) 
qu  elle  eut  jamais  effuyé  j  il  dura  depuis 
le  neuf  Janvier  jufqu'au  vingt  ;  onze  Vil- 
les ,  cent  Bourgs  ou  Villages  furent  ren- 
verfes  ou  engloutis  ;  cent  -  cinquante 
mille  âmes ,  c*eft-à-dire  la  huitième  par- 
tie des  Siciliens  ,  périrent  dans  le  même 
tems  j  les  Indiens  du  Mexique  fe  ré- 
voltèrent, mirent  le  feu  dans  la  Capi- 
tale de  ce  vafle  Empire  au  palais  du  Vicé- 
Roi ,  &  peu  s'en  fallut  qu'ils  ne  le  mafla- 
craifent  :  s'ils  a  voient  eu  un  chef ,  la  do- 

(a)  Il  Ce  faifoit  fcntir  pendant  plufieurs  mifiUr 
tes  confécutives  chaque  jour» 


d'  E  s  P  A  G  N  E.  1 2p 

minatîon  Efpagnole  couroit  rifque' d'être 
détruite.  On  prétend  que  les  Créoles» 
plus  ennemis  de  TEfpagne  que  les  In- 
diens mêmes ,  balancèrent  s'ils  fe  join- 
droient  à  eux  >  &  s'ils  éliroient  un  Roi. 
On  croit  fans  doute  que  le  motif  d'une 
révolte  fi  dangereufe  etoit ,  de  la  part  des 
Mexicains,  une  noble  ardeur  de  la  li- 
berté ,  un  defir  généreux  de  venger  leurs 
ancêtres  opprimés  par  les  conquérans 

3ui  leur  étoîent  venus  apporter  aes  fers 
u  fonds  de  l'Europe  :  non ,  il s'agiflbit  du 
droit  de  s'eny  vrer  qu'un  Vice-Roi  fobre  & 
malhabile  avoit  interdit  à  la  Nation ,  en 
profcrivant  Tufage  de  certaines  boîffons 
fortes.  On  réclamoit  la  révocation  de 
l'arrêt  les  armes  à  la  main ,  &  on  ne  les 
mit  bas  que  quand  le  Vice-Roi  eut  per- 
mis par  écrit  &  de  vive  voix  de  perdre 
la  raifon  comme  auparavant. 

Cependant  il  falloit  former  une  armée 

1)0ur  défendre  la  Catalogne  menacée  par 
es  François  ;  on  vendit  Sabionetta  dans 
le  Milanéz  au  Duc  de  S.  Pierre  pour  fub- 
venir  aux  dépenfes  qu'exigeoit  l'entre- 
tien de  l'armée  ,  mais  l'argent  qu'on  en 
tira  ne  fuffifant  point ,  le  F  oi  fe  vit  obli- 
gé de  retrancher  le  tiers  des  dépenfes  de 

Fv 


ijo  Histoire 

fa  maifon  &  tous  les  appointemens  des 
Officiers  tant  civils  que  militaires  ;  les 
Grands,  les  Confeillers  d'Etat,  îesTitu- 
kdos  fe  taxèrent  eux-mêmes  ,  &  enfin^ 
l'armée  affemblée  avec  tant  de  peine  en- 
tra en  campagne  fous  les  ordres  du  Duc 
de  Médina  Sydonia  ;  mais  elle  ne  put  em- 
pêcher que  le  Maréchal  de  Noailles  ne 
fit  la  conquête  de  Rofes  ;  on  s-en  prit  à^ 
Le  9  ^incapacité  du  Général  qu'on  rappella  , 
J^'  &  à  qjui  on  fubftitua  le  Duc  d'Efcalone, 
LesEfpagnols  étoient  dans  le  même- 
tems  témoins  des  malheurs  de  leurs  Al- 
liés ;  ils  virent  de  deflus  leurs  côtes  aux 
environs  de  Lagos  une  efcadre  Françoife 
{a)  attaquer,  enlever  &  détruire  une  flot- 
te marchande  Angloife  &  HoUandoife 
efcortéé  de  quatre  vaifleaux  de  guerre  ; 
quatre-vingt-dix  vaifleaux  furent  la» 
proye  des  flammes ,  de  la  Mer  &  du» 
vainqueur. 

Le  Roi  GuiHaume ,  après  avoir  laiflï- 

frendcedans  les  Pays-Bas  Hui&  le  Fort 
icard ,  s'étoit  retranché  à  Nervinde  avec 
ibixante&  dix  mille  hommes  aux  appro- 
ches  du  Maréchal!  de  Luxembourg^;  mais 

(«)  Sous  les  ordres  du  Maréchal  de  Tourvillek. 


I 


d' Espagne.  131 

fes  François  ne  Fen  attaquèrent  pas  moins 
le  vingt-neuf  Juillet  avec  une  furie  dont 
on  n'avoît  jamais  vu  d'exemple.  Les  Al- 
liés fe  défendirent  de  leur  côté  avec  une 
efpece  de  fureur ,  &c  repouflerent  deux 
fois  Fennemi;  mais  à  une  troifieme  atta- 
que les  François  emportèrent  les  retran- 
chemens ,  &  la  déroute  fut  générale  de 
la  pan  des  vaincus  qui  perdirent  vingt- 
deux  mille  hommes ,  ioixante  &  feize 
pièces  de  canons ,  miatre-vingt-huit  dra- 
•  peaux  ou  étendards  j  la  viSoire  coûta 
douze  mille  hommes  aux  François  qui 
en  profitèrent  pour  conquérir  Charleroy. 

Les-  malheurs  du  Duc  de  Savoye  éga- 
lèrent ceux  du  Roi  Guillaume  ;  il  avoit 
d'abord  pris  aux  ennemis  le  Fort  Sainte 
-Brigitte  &  bombardé  Pignerol  ;  mais 
les  François  ,  fous  les  ordres  du  Maré- 
chal de  Catinat ,  marchèrent  à  lui  fur  la 
fin  de  la  campagne ,  &  le  rencontrèrent 
-le  quatre  Oâobre  dans  tes  plaines  de  la 
Marfailk  ^  lieux  devenus  i&meux  par  la 
Êinglante  bataille  qui  s'y  livra  le  même 
jour  i  les  AHiés  furent  entièrement  dé- 
faits; le  Marquis  de  Solera  qui  comman- 
doît  les  Efpagnols  fut  tué  ;  le  vainqueur 
iftndit  aux  Etats  du  Duc  de  Savoye  ia- 

'  "   "  "  F  vi 


132  Histoire 

cendie  pour  incendie  ;  il  ravagea  le  Pié* 
mont  avec  la  même  atrocité  qu'avoir  fait 
éclater  l'année  précédente  le  Duc  de 
Savoye  en  Dauphiné. 

Les  Allemands  fe  laiiTerent  enlever 
Heidelberg ,  capitale  du  Palatinat  ;  le 
François  vainqueur  exerça  dans  la  Ville 
prife  d'aiTaut  des  cruautés  donc  le  fouve- 
nir  fait  horreur. 

L'Eleélrice  de  Bavière  mourut  en  ac- 
couchant d'un  fils  en  qui  les  Efpagnols 
&  toute  l'Europe  crurent  voir  le  fuccei- 
feur  de  Charles  IL  L'Empereur  Léo- 
pold ,  père  de  l'Eleélrice ,  avoit  exigé  de 
cette  PrinceiTe  j  en  la  mariant  j  une  renon* 
ciatîon  à  Ja  Couronne  d'Ef pagne  ;  il  n'y 
ivoit  que  l'ambition  profonde  de  Léo- 
pold  qui  pût  lui  cacher  l'abfurdité  d'ua 
pareil  aâe  ,  quand  même  le  Roi  d'Efpa- 
gne  eût  confenti  à  cette  prétendue  renon- 
ciation ,  elle  n'eût  pas  été  valide  ,  puis- 
que le  droit  à  la  fucceflion  dans  tout  Etat 
héréditaire  vient  des  Loix  fondamenta- 
les de  l'Etat ,  des  ufages  reçus ,  &  non  de 
la  volonté  ou  du  caprice  -du  Souverain 
qui  n'eft  que  l'ufufruitier  de  la  Cou- 
ronne. 
^  ^9û^    Louis  XIV.  du  fein  de  la  viâoire  ofim 


d'£sPA6N£.  139 


là  paix  aux  mêmes  conditions  qu'elle  fut 
depuis  conclue  à  Rifw  ick  ;  il  obfervoic 
qu'il  avoit  à  combattre  dans  les  Allies 
étroitement  unis  une  hydre  fans  ceiTe  re- 
naifiante;  fes  viâoires  &  Tes  conquête!» 
Pé^uifoîent ,  l'efpece  d'hommes  &  l'ar- 
gent commençoient  à  diminuer  fenfible- 
ment  en  France ,  la  difette  dç  grains  avoit 
été  telle  cette  année  dans  foh  Royaume  , 
que  Tes  Sujets  mouroient  de  faim  au  mi- 
lieu de  fes  triomphes;  mais  le  Roi  d'An^- 
gleterre ,  l'Empereur  &  le  Miniftere  Ef- 
pagnol  alors  dévoués  à  Léopold  ,  refîi- 
ibietit  la  paix  par  les  mêmes  motifs  ;  iU 
efpéroient  achever  d'épuifer  h  France 
en  quelques  campagnes ,  &  avoir  la  gloi* 
re  de  lui  diâer  les  conditions  de  paix  au 
milieu  même  de  fa  profpérité  apparente  ;. 
cette  opiniâtreté  ne  fervit  qu'à  multiplier 
les  malheurs  de  la  République  Chrétien-^ 
ne^  fans  être  utile  aux  chefs  de  la  ligue.. 

Cependant  Louis  XIV.  fe  détermina 
i  faire  les  plus  grands  efforts  du  côté  des 
iPvrénées  aans  Tefpoir  qu'à  force  de  fuc- 
cès  il  détaeheroit  TEfpagne  de  la  ligue  j 
en  conféquence  les  François ,  fous  les  or- 
dres du  Maréchal  de  Noailles ,  paflerent 
le  Ter  en  préfence  de  Tarmée  Efpagnole 


134'  Histoire 

le  *7  commandée  par  le  Duc  d'Efcalonne ,  & 
"'•     remportèrent  une  grande  viftoire  ;  de-là 
ils  marchèrent  à  Palamos  dont  ils  s'em- 
parèrent,  &  en  fuite  à  Gironne^j  qui  mal- 
gré une  forte  garnifon  &  fes  excellentes 
le  z9  ^rtifications ,  le  rendit  lâchement  en  fept 
Juiiu*  jours  de  tranchée  ouverte  j  Oftafric  fut 
forcé  (4) ,  malgré  une  enceinte  de  fept 
retranchemens  ;  Caftel  -  Follit  capitula 
quelques  jours  après  :  cette  longue  fuite 
•       de  dîfgraees  répandit  la  terreur  jufques 
JttiUet  ^^^^  Madrid  &  les  Provinces  les  plus 
*  éloignées  du  théâtre  de  la  guerre  ;  en  Ar- 
ragon ,  en  Navarre  &  ailleurs  fa  popu- 
lace dé{ê(pérée  de  tant  de  malheurs  ,  le$ 
vengea  indignement  en  faifant  mainbaflê 
fur  tous  les  François  domiciliés  depuîf. 
long-tems  dans  ces  Provinces  ;  le  Due 
d'Efcalonne,  le  plus  malheureux  comme 
le  plus  honnête  homme  d'Efpagne ,  ré- 
prima la  fureur  épidémique  du  Peuple 
par  des  exécutions  fanglantes- 

Le  Miniftere  déconcerté  envoya  de- 
mander de  prompts  fecours.  à  Londres  y 

(a)  Au  commencement  Je  fa  campagne  lei 
François  avoient  obligé  quatre  vaiiTeaux  iH 
ftterxe  i  échouer  devant  Tortofe.-  - 


d'  E  s  P  A  G  N  E*  135^ 

à  h  Haye  &  à  Vienne;  une  flotte  puif- 
fante  fe  rendit  des  Ports  d'Angleterre  & 
de  la  Hollande  fur  les  côtes  d'Efpagnc  ; 
TAmiral  Pàpachin  k  joignit  avec  huit 
vaiffeaux  ,  uniques  reftes  de  b  Marine 
Efpagnole  û  floriifante  fous  Philippe  IL 
(a)  L'Empereur  promit  quinze  mille  Al- 
lemands qui  fe  rendirent  en  effet  en  Ca- 
talogne Fannée  fuivante  fous  les  ordres 
du  Prince  d'Armftad ,  pariht  de  la  Rei- 
ne; enfin ,  le  confentement  qu'on  obtint 
des  AlKés  que  leur  flotte  hyverneroit  à 
Cadix  pour  être  à  portée  d'arrêter  au 
Printems  les  progrès  des  François ,  tran- 
quillifà  les  Peuples  qui  craîgnoîent  que 
la  France  ne  conquît  la  moitié  de  l'Êf- 
pagne  en  moins  d'une  campagne  ;  cette 
crainte  étoit  d'autant  mieux  fondée  qu'on» 
avoît  à  combattre  les  Maures  qui  ayanr 
raffemblé  deux  puiffantes  armées  aflîé- 
gcoient  à  la  fois  Ceuta  &  Melila  J  dans: 
une  tellie  fituation  on  n''eut  pas  honte- 
d'implorer  le  fecours  du  Roi  de  Portu- 
gal. Pierre  II.  confentit  à  fournir  quel- 
ques Régîmens ,  à  condition  qu'iUne  ft- 
roient  employés  que  contre  les  Maures. 

f  j)  On  acheta  le  confentement  des  Allies^ 
cinq,  cent  mille  écus.. 


X55  Histoire 

Le  Roi  Guillaume  dont  l'armée  étoit 
fupérieure  à  celle  de  France  de  plus  de 
trente  mille  hommes ,  fe  flatta  de  venger 
TEfpagne;  mais  toutes  fes  entreprifes  fu- 
rent déconcertées  parla  fagefle  du  Maré- 
chal de  Luxembourg  ;  enfin  ,  fur  la  fin 
de  la  campagne,  ayant  trouvé  le  moyen 
de  gagner  deux  jours  de  marche  fur  fon 
ennemi,  il  s'avança  plein  de  confiance 
du  côté  desPAces  maritimes  de  Flandres 
devant  lefquelles  fa  flotte  s^étoit  déji 
rendue  dans  lidée  de  furprendre  Dun- 
kerque&  Gravelines  dénuées  de  troupes; 
mais  quelle  fut  fa  furprife,  quand  il  apper^ 
çut  les  François  qui  Dordoient  TEfcaut  ? 
En  quatre  jours  ils  avoient  fait  40  lieues 
de  marche  (a)  &  pafle  quatre  rivières, 

La  feule  confolation  que  reçurent  les 
Alliés  dans  cette  campagne  &  dans  les* 
autres  fut  le  mal  qu*ils  firent  à  la  France 
en  bombardant  tous  fes  Ports  de  Mer  fi- 
tués  fur  rCcéan.  Il  faut  convenir  qu'on 
n'avoit  vu  depuis  long  tems  en  Europe 

{a)  Un  célèbre  Orateur  fàît  cfîre  au  Prince 
d'Orange  furpris  /  Je  ffaiois  certes  que  les 
François  avoient  des  Iras  ,  mais  je  ne  me  dour 
tcis  pas  qù*ils  eufent  des  aîles.  :  Gallos  lacertit 
quidem  valere  fciebam  j  alatos  eSe  nefciebasw 


D^EsPAGNE.  137 

une  guerre  pouffée  avec  plus  de  fureur 
&  d^animofité. 

Les  François  évacuèrent  dès  le  com-  16$ ^^ 
mencement  de  cette  campagne  toutes 
leurs  conquêtes  en  Catalogne  à  l'excep- 
tion de  Rofes ,  de  Gironne  &  de  Pala- 
mos  :  on  joignit  quelques  régimens  aux 
quinze  mille  Allemands  queTEmpereur 
ayoit  envoyés ,  &  on  forma  une  armée  à 
la  tête  de  laquelle  le  Marquis  de  Cafta- 
naga  vint  affiégerPalamos;  mais  il  eut  la 
bonté  de  le  lever  :  les  Généraux  Efpa- 
gnols  paroiiToient  dans  ce  (iécle  éclairé 
ignorer  jufqu'aux  élémens  de  l'an  mili- 
taire i  les  Soldats  ni  les  Peuples  n'a  voient 
nulle  confiance  en  eux  :  ajoutons  à  cela 
la  lenteur ,  la  méfintelligence  des  Minif- 
tres ,  le  défaut  de  prévoyance  &  d'ordre  ; 
&  on  ne  fera  plus  furpris  que  toutes  les 
entreprifes  de  la  Cour  toujours  mal  con- 
certées échouaflfent.  On  fut  obligé  pour 
pourvoir  à  la  folde  des  Allemands  d'em« 
prunter  de  l'argent  à  douze  &  à  quinze 

I)0ur  cent ,  &  de  mettre  à  l'enchère  (^) 
es  Vice  -  Royautés  du  Mexique  &  du 
Pérou  i  foible  &  honteufe  rèffource  !  Les 

(a)  On  en  tira  environ  trois  millions  de  notre 
monnoyo» 


lu 


138  Histoire 

Anglois  &  les  Hollandojs  firent  de  plus 

{;rands  &  de  plus  heureux  eflForts;  Guil- 
aume  III.  qui  n'avoit  plus  à  combattre 
le  Maréchal  de  Luxembourg  que  la  mon 
enleva  aux  François  au  commencement 
de  cette  année ,  prit  fur  les  Généraux 
qui  lui  fuccéderent  le  même  afcendaot 
lue  ce  grand  homme  avoit  toujours  eu 
AiV  lui.  Il  fit  la  conquête  de  Namur  (a) 
défendue  par  le  Maréchal  de  Bouflers  & 
par  une  armée  qui  y  tenoit  lieu  de  garni- 
fon.  Cet  exploit ,  le  plus  grand  qu^ait  ja- 
mais fait  le  koi  d'Angleterre ,  rétablit  la 
confiance  parmi  les  Alliés;  cependant  le 
Maréchal  de  Villeroi ,  fucceffeur  de  Lu- 
xembourg bombarda  Bruxelles^  &  s'em- 
para de  Dixmûde  &  de  Beinfe  ;  du  côté~ 
des  Alpes  le  Duc  de6avoye  força  Cafal^h 
clef  de  ritalie  j  de  capituler;  il  ne  fe  pafla 
lien  de  mémorable  fur  les  bords  du  Rhki« 
Les  Parties  belligérantes  fatiguées  & 
épuifées  d'une  guerre  fi  longue  &  fi  fan- 
glante  commençoient  à  foupirer  après  la 
paix  qui  n'étoit  éloignée  que  par  Tambi- 
tion  de  l'Empereur  &  du  Koi  Guillaume* 
i6^6..    Aucun  Général  Efpagnol  ne  comman- 

(a)  La  Ville  de  Namur  capitula  le  fix  Aoât» 
&  les  châteaux  le  cinq  Septembre» 


d'Espagne.  13P 


dok  deux  campagnes  confécutîves  dans 
cette  guerre.  Ce  changement  continuel, 
loin  d'être  avantageux  aux  afFaifes,  y  por- 
ta d'autant  plus  de  préjudice  que  le  nou- 
veau Général  faifoit  toujours  oublier  les 
malheurs  defeS  prédécefleurs  par  de  plus 
grands.  Dom  François  deVelafcoqui  ofa 
cette  année  fe  charger  du  commandement 
de  Parmée ,  fut  détait  près  d'Oftalric  par  Te  i 
le  Duc  de  Vendôme  j  la  fcene  fut  moins -ï"*"» 
ianglante  dans  les  Pays-Bas  &  en  Alfa- 
ce  ;  mais  les  affaires  changèrent  entière- 
ment de  face  en  Italie  par  la  défeéHon 
imprévue  du  Duc  de  Savoye;  ce  Prince 
&  qui  fes  ennemis  reprochoient  de  n'avoir 
rien  de  facré  que  fes  intérêts,  auffi  ambi- 
tieux, aufll  infidèle ,  aufli  profond ,  auffi 
brave  &  plus  grand  homme  que  Charles 
Emnaanuel ,  fon  bifayeul ,  figna  un  traité 
particulier  avec  la  France  le  quatre  Juil- 
let; le  mariage  de  fa  fille  aînée  avec  le 
Duc  de  Bourgogne ,  la  reftitution  entière 
de  fes  Etats,  &  mônoe  de  Pignerol acquis 
foixante  -  quatre  ans  auparavant  par  la 
France,  lui  firent  regarder  ce  traité  com- 
me le  plus  fortuné  qu'eût  jamais  fait  fa 
Maifon  ;  les  Alliés  accuferent  Viftor- 
Amedée  d'avoir  manqué  à  fa  foi  &  à  la 


140  Hl  STO  I  RE 

reconnoitlançe;  le  Prince  de  Vaudemont, 
Général  de  FËmpereur,  l'appella  en  duel; 
cependant  Louis  XIV.  ofnrit  au  Roi  &  à 
l'Empereur  la  neutralité  pour  l'Italie;  le 
Duc  de  Savoye  appuya  la  proportion  en 
menaçant  fièrement  de  joindre  fes  armes 
à  celles  de  Louis  XIV*  Sur  le  refus  de  la 
Maifon  d'Autriche ,  ce  Prince  vint  en 
eftet  affiéger  Valence  à  la  tête  de  ces  mê- 
mes François  qu'il  combattoit  Tannée 
précédente  ;  Valence  &  le  Milanez  en- 
tier prêts  à  tomber  wtre  les  mains  des 
ennemis  déterminèrent  enfin  les  deux 
Princes  à  la  neutralité. 

Les  Maures  dont  la  moitié  de  l'armée 
avoit  péri  devant  Ceuta  vigoureufement 
.défendu  par  le  Marquis  de  Valparaifo  1 
changèrent  le  fiége  de  cette  Place  &  ce- 
lui de  Meiila  en  blocus.  Au  défaut  des 
armées  de  terre  qui  n'agirent  que  faible- 
ment de  part  &  d'autre  >  les  flottes  fe 
cauferent  mutuellement  de  grandes  per** 
tes.  Il  femble  que  la  Mer  fût  devenue  le 
principal  théâtre  de  la  guerre  ;  les  Alliés 
continuèrent  àt  bombarder  les  Ports  de 
Mer  de  France  ;  lesFrançois  de  leur  côté 
couvrirent  l'une  &  l'autre  Mer  d'Arma- 
teurs I  &  enlevèrent  à  leurs  ennemis  une 


d'Espagne.  141 

quantité  prodigieule  de  vaill'eaux ,  ven- 
geance utile  &  glorieufe  :  rien  ne  contri- 
bua plus  à  faire  accepter  la  paix  au  Roi 
Guillaume  que  les  cris  &  les  menaces  des 
Négocians  Anglois  &  HoUandois  ruinés 
par  cette  nouvelle  efpece  de  guerre. 

Le  Roi  cédant  aux  remontrances  fe* 
crettes  de  quelques-uns  de  fes  Miniftres , 
établit  une  Junte  de  dousA  membres 
ch.oifls  dans  les  Confeils  fouverains  pour 
examiner  &  reftreindre  le  pouvoir  &  les 
bornes  de  la  jurifdiâion  du  Saint  Office . 
.  accufé  depuis  long-tems  en  Efpagne  &  en 
Amérique  d'avoir  étendu  fes  droits  aude- 
ià  des  vaftes  conceffions  accordées  par  les 
Souverains  Pontifes  &  les  Rois  :  mais  la 
puiflànce  du  formidable  tribunal  avoit  jet- 
té  de  trop  profondes  racines  pour  qu'on 
ofât  les  couper ,  il  arriva  après  de  longs 
examens  que  la  Junte  ne  put  apporter  les 
remèdes  convenables  aux  abus  dont  on  fe 

Îlaignoit  ;  une  autre  Junte  compofée  des 
^réudens  des  Confeils  de  Caftille  &  des 
Finances ,  d'un  Dominicain ,  Confefleur 
du  Roi ,  &  d'un  Jéfuite ,  pour  trouver  de 
nouveaux  fonds ,  fans  charger  les  Peu- 
ples ,  ne  fut  pas  plus  utile  que  celle  qui 
avoit  été  dertinée  à  i^Q^érer  le  ppuvpir 
4e  rinquifition. 


14-2  Histoire 

Les  Rois  prédéceiTeurs  de  Charles  IL 
avoient  été  plus  heureux  que  ceux  de 
France  à  arrêter  la  fureur  épidémî(Jue 
des  combats  finguliers ,  foit  par  la  fëvé- 
rité  des  peines  décernées  contre  lesDué- 
liftes ,  foit  par  l'effet  du  caraftere  de  la 
Nation  aulu  brave  que  la  Françoife ,  mais 
moins  fougueufe  &  moins  pétulante; 
mais  la  NoBleffe  Efpagnole  depuis  quel- 
ques années  s'accoutumoit  à  braver  les 
Loîx  devenues  fans  force  entre  les  mains 
du  foible  Roi  ;  il  n'ofa  punir  dix  Sei- 
gneurs ;  le  Duc  de  l'Infantado,  le  Comte 
de  Lemos ,  Dom  Manuel  Sylva ,  les  Mar- 
quis d'Alconchel  &  Dom  Rodrigue  de 
Laos  d'une  part,  &  de  l'autre  le  Marquis 
deTenebron ,  d'Antivcros ,  d'Almarza , 
le  Comte  d'Amanzuélas  &  Dom  Juan  de 
Vélafco ,  qui  oferent  fe  battre  prefque 
fous  fes  yeux  à  Madrid  le  quinze  Janvier; 
quatre  de  ces  Seigneurs  furent  bleffés  ; 
ceux  qui  étoient  Grands  d'Efpagne  en 
furent  quitte  pour  garder  les  arrêts  dans 
leiirs  palais ,  &  les  autres  dans  les  prifons 
publiques  :  cette  impunité ,  grâces  au  ca- 
raftere  grave  &  circonfped  de  la  Nation , 
n'eut  pas  de  fâcheufes  fuites.  Telle  étoit 
la  puiâance  des  Grands  &  des  titres  fous 


D   E  S  P  A  G  N  E,  14} 

ce  malheureux  règne ,  qu'on  n'ofoit  les 
châtier  des  infultes  faites  à  la  Majefté 
Royale  &  aux  Loix  j  la  Reine  Marie-An- 
ne d'Autricbe,  qu'on  peut  légitimement 
accufer  des  défordres  des  Peuples ,  &  de 
la  foibleiTe  de  la  Monarchie ,  pour  avoir 
élevé  le  Roi  fon  fils  dans  la  moUeife  6c 
ignorance  la  plus  honteufe ,  mourut  le 
feize  Mai  âgé  de  foixante  &  deux  ans.  Il 
y  avoit  Lojig-tems  qu'elle  étoii  lans  cré- 
dit &  fans  pouvoir  ;  mais  mérita-t-elle  jar 
mais  d'en  avoir  ?  Sans  vues,  fàn<s  génie  » 
fims  application  y  fans  talent  quelconque 
pour  gouverner  les  hommes  ,  comment 
ofa-t-âle  fe  charger  fi  long-tems  du  far^- 
jdeau  de  la  Monarchie  ?  Le  Koi  dénué  de 
fanté  i  de  vigueur  &  de  chaleur ,  en  un 
mot  aufll  languiiTant  que  l'Etat ,  tomba 
dangereufement  malade  Le  huit  Septem^ 
bre.  Il  fît ,  dit-on ,  un  teflament  par  le« 
quel  il  appelioit  à  la  Couronne  fon  ne^ 
yeu  ,  le  Prince  Eleûoral.  Quoi  qu'il  en 
foit ,  il  revint  de  cette  maladie  y  mais  ce 
ne  fut  que  pour  être  en  proye  aux  dou^ 
leurs  &  à  l'inquiétude  le  refte  de  fa  vie. 
Son  premier  loin  à  fa  convalefcence  fut 
d'élargir  tous  les  prifonniers  ,  excepté 
çeu$  qui  ^toiçnt  coupables  des  crimes  les 


1 44*  Histoire 

plus  énormes.  Le  nombre  devoit.en  être 
^rand  dans  un  Royaume  où  à  peine  on 
iaifoit  trois  exécutions  par  an  ^  &  où  on 
fe  contentoit  de  condamner  aux  mines  & 
aux  galères  les  plus  infignes  fcélérats. 
.i5p7.  Pendant  qu'on  négocioit  à  Rifv^ick 
fous  les  aufpices  du  Roi  de  Suéde  dont 
toutes  les  PuiiTances  avoient  accepté  la 
médiation  ,  la  guerre  continuoit  avec 

{>lus  de  fureur  &  la  même  infortune  pour 
'Efpagne  ;  des  Armateurs  François  ap- 
puyés par  les  Flibuftiers  en  pofleflîon  ae 
ravager  depuis  cinquante  ans  les  côtes 
»  de  l'Amérique ,  formèrent  une  des  plus 
grandes  entreprifes  de  cette  guerre  & 
des  plus  func'ftes  à  TEfpagne ,  en  allant 
attaquer  Carthagené ,  la  clef  du  nouveau 
Monde  ;  l'amour  de  la  gloire  les  condui- 
foit  moins  dans  ces  Régions  éloignées 
que  Tappas  du  butin  :  le  fuccès  couronna 
leur  audace  ;  Carthagené  tomba  en  leur 
pouvoir  le  neuf  Mai ,  mais  ils  l'abandon* 
ncrent  après  en  avoir  rafé  les  fortifica- 
tions ,  &  emporté  quinze  millions.  Si  la 
France  eût  pu  conferver  cette  impor- 
tante conquête ,  l'Empire  Efpagnol  croit 
ébranlé  en  Amérique  ;  mais  c'étoit  fur- 
tout  aux  portes  des  Pyrénées  qu'on  faî- 

foic 


d'Espagne.  147 

foit  les  plus  grandes  pertes  ;  les  François 
(bus  les  ordres  du  Duc  de  Vendôme  af- 
iiégerent  Barcelonne  9  il  ne  leur  man- 
quoit  prefque  plus  que  cette  Capitale 
pour  fe  voir  maîtres  de  la  Catalogne  ;  le 
uége  fut  d'autant  plus  long  &  plus  diffi- 
cile  que  le  Prince  d'Ârmftad  fe  jetta  dans 
Parcelonne  avec  douze  mille  hommes  » 
&  qu'il  arma  tous  les  Habitans  de  la 
Ville  ;  il  reçut  aufli  des  vivres ,  des  mu- 
sitions  &  d«s  troupes ,  parce  que  les 
François  n'ayant  pas  plus  de  dix -huit 
mille  hommes ,  n'avoient  pu  faire  la  cir- 
convallation  d'une  Ville  aufli  vafte.  Dom 
François  Vélafco  s'avançoit  en  même- 
tems  vers  Barcelonne  avec  une  armée 
fupérieure  :  on  s'attendoit  que  les  Fran- 
çois recevroient  enfin  un  aflfront  fignalé  ; 
mais  Vélafco  ayant  eu  l'imprudence  de 
jiivifer  fon  armée  en  deux  Corps ,  &  de 
ne  pas  fe  tenir  aflez  fur  fes  gardes  j  fut 
furpris  par  Vendôme  le  quatorze  Juillet 
i  deux  heures  du  matin.  Les  deux  camps 
furent  forcés  &  emportés  en  moins  d'un 

Suart  d'heure  ;  le  premier  foin  du  Vice- 
loi  fut  de  fuir  en  chemifp  j  l'armée  fut 
djflipée:  en  fuite  de  cette  grande  aéfion 
le  vainqueur  força  Barcelonne  de  capi-» 
Tome  r.  G 


I4(J  Histoire 

tuler  après  cinquante-deux  JQurs  de  tran« 
chée  ouverte  ;  le  Royaume  d'Ârragon 
ef&ayé  de  cette  conquête  qu'on  avoic 
£rue  impoilible ,  députa  au  Roi  pour  lui 
demander  des  fecours  ;  il  fallut  que  le 
Prince  moribond  promit  de  fe  rendre  i 
SarragoiTe  la  campagne  fuivante  pout 
empêcher  les  Arragonois  d'abandonnée 
leur  patrie  ;  mais  la  paix  que  Ton  conclût 
la  nuit  du  vingt  au  vingt-un  Septembre  ï 
Rifwick  ,  épargna  cette  expédition  au 
Roi.  Qui  le  croiroit?  Après  tant  de  mal» 
heurs  9  TETpagne  depuis  plus  d'un  fié- 
cle  ne  figna  pas  de  traité  plus  avanta^ 
geux  ;  Louis  aIV.  lui  reftitua  Luxem* 
bourg ,  Charleroî ,  Ath  que  les  Généi» 
raux  François  venoient  de  conquérir  pen« 
dant  les  conférences ,  Mons ,  Courtrai  » 
la  Comté  de  Chjney ,  tout  ce  qu'on  lui 
avoit  cédé  par  la  trêve  de  vingt  ans  en 
mil  fix  cent  quatre-vingt  quatre ,  tout  ce 
qui  avoit  été  envahi  en  vertu  des  arrêta 
de  la  Chambre  de  Metz ,  &  enfin  la  pîu> 
tie  de  la  Catalogne  conquifé  pendant  1« 

(a)  Dom  Bernard  de  Qùîros  &  le  Comte  dd 
Tirimont  négocièrent  en  qualité  de  MiniftrQf 
plénipotentiaires  ce  ^raké  aufl;  ytile  <jue  gfe^ 
rieux* 


d'  E  s  P  A  G  N  E.  147 

cours  de  cette  guerre.  L'Empereur  qui 
n'avoit  ceifé  de  mettre  en  ufage  tous  les 
reiTons  de  la  plus  adroite  politique  pour 
éloigner  ce  traité ,  eut  lieu  d'en  être  utis- 
fait  par  la  reftitution  qu'on  lui  fit  de  Fri- 
bourg  &  du  Brifgau  ^  de  Philifbourg ,  & 
des  l3uchës  de  Lorraine  &  de  Bar  que 
le  Roi  de  France  rendit  à  certaines  conr 
Citions  au  Duc  de  Lorraine ,  neveu  de 
Lëopold;  le  Prince  d'Orange ,  Tame  de 
cette  guerre  ,  fut  reconnu  en  qualité  de 
Roi  d'Angleterre  par  Louis  XlV.  qui  ne 
facrifia  pas  fans  peine  leRoi  Jacaues  fon 
Allié  au  falut  de  l'Etat  >  la  Loi  luprôme 
des  Souverains. 

L'Europe  crut  voir  que  Louis  XIV. 
fkcrifioit  moins  au  repos  de  Tes 'Sujets 
tant  &  de  fi  vaftes  conquêtes  qu'à  la  po- 
litique ;  il  n'avoit  jamais  perdu  de  vue 
Fefpérance  de  mettre  ds^fs  fa  Maifon  , 
ou  au  moins  de  partager  la  Monarchie 
Efpagnole  depuis  que  la  feue  Reine  Lôui- 
fe  d'Orléans  lui  avoit  révélé  que  Char- 
les II*  étoit  incapable  d'avoir  jamais  des 
enfans  :  or  ,  il  étoit  de  fes  intérêts  d'a- 
voir la  paix  avec  l'Efpagne ,  &  de  défar- 
mer  l'Europe  au  moment  de  la  mort  de 
Charles  II.  C'étoit  par  des  motifs  con- 

Gij 


X^S  HlSTOIBE 

traires  que  L^opold  qui  avoit  les  mêmes 
prétentions ,  avoit  fait  fes  efibns  pour 
éloigner  la  paix.  Il  étoit  de  la  polîuque 
de  ce  Prince  d'entretenir  la  haine  des  ɣ* 
pagnols  contre  les  François  9  fie  de  voir 
ces  deux  Nations  brouillées  5  quand  le 
thrône  feroit  vacant.  Quoi  qu'il  en  fbit  j 
le  Roi  dont  la  fanté  défefpérée  annonçoit 
une  fin  prochainç ,  attiroit  fur  lui  les  reif 
prds  de  toute  TEurope;  l'Enopereurt 
le  Roi  de  France ,  TElefteur  de  Bavière , 
(pus  les  trois  au  npm  de  leurs  fils.  afpî«' 
roient  à  llmmenfe  héritage  que  devoit 
lailTer  Charles  1 1.  L'Angleterre  &  I9 
Hollande  ne  cherchoient  qu'à  le  dédiH 
rer  9  à  l'aflbiblir ,  &  peut-être  à  en  enle» 
ver  quelques  débris;  l'Europe  entier^ 
s'émût  &  s'agita  pour  fçavoir  qui  au- 
foit  la  gloire  de  donner  des  Loix  \ 
l'Efpagne  j  Léopold  dont  la  Maiibn  ré* 
gnoit  depuis  deux  lié^s  fiir  les  Efpa* 
gnols  y  les  croyoit  trop  accoutumés  à  toç 
augufte  npm  pour  qu'ils  lui  préfiéraflenf 
un  Etraiig;ef  ;  il  fç  flatta  qu'avec  de  mé- 
diocres (oins  aucun  morceau  de  la  vafie 
fucceflUon  ne  lui  échapperoit  :  il  envoya 
cette  année  le  Comte  a'Harrach  en  qut<* 
UU  d'Açabaifadeur  ik  Madrid  9  au  ))ç<| 


miÊÉÊÊ^ÊàÊ^i^m 


D'EsPAGKEé  1451 

d'envoyer  fon  fils  en  qualité  d'héritier; 
Harrach  n'avoit  d'autres  inflru  Aions  que 
celles  d'engager  Charles  IL  à  nonunef 
FA  rchiduc  Charles  fon  Légataire  univer- 
fel  9  &  à  agir  de  concert  avec  la  Reine 
entièrement  livrée  à  la  Cour  de  Vienne  ; 
mais  ce  n'étoit  pas  a0*ez,  il  falloit  ordon- 
ner à  ce  Minidre  de  gagner  &  de  féduire 
les  Grands  ;  en  effet ,  quelques  efforts 

Sue  fit  la  Reine ,  dont  toutes  les  démar- 
bes  ne  refpiroient  que  l'élévation  de  fon 
neveu  ,  il  s'éleva  un  Parti  qui  prévalut 
llir  elle  :  les  mefures  mêmes  qu  elle  prit 
pourapplanir  les  routes  du  throne  à  l'Ar- 
chiduc^ déplurent  à  la  Nation  &  aux 
Grands  par  la  confiance  qu'elle  témoi- 
gna aux  Etrangers  ;  les  principaux  Sei- 
fneurs  ne  purent  voir  fans  frémir  que  la 
Leînè  eût  procuré  la  Vice-Royauté  de 
Catalogne  au  Prince  d'Armftad,  le  Gou* 
vernement  du  Milanez  au  Prince  de  Vau- 
demont  :  l'Elefteur  de  Bavière  avoît  déjà 
celui  des  Pays-Bas  ;  on  craignoit  que  fi 
l'Archiduc  venoit  à  monter  fur  le  thro- 
ne 9  les  Allemands  n'envahiifent  toutes 
les  dignités ,  comme  les  Flamands  avoient 
iàit  fous  Charles-Quint. 

Au  milieu  de  fa  foibleffe  Charles  laif- 

G**  • 


I/o  Histoire 

fcit  ^iarer  ie  r^aas  ^n  icms  quelques  ac- 
ccns  i  *  violeur ,  il  fît  condanmcr  le 
Cernes  iii  Gdientss ,  de  La  Maifon  de 
St'.v'i  .  à  jvcir  la  tics  ccuçée  pour  avoir 
rsfufé  i'  :c:eir  i  in  ordre  figîié  de  la  main 
di  P*C'. .  q^Lii  I'ex:irir  à  «Tianints  lieaes  de 
la  Ccur .  sr:  puniricn  i  aycir  appelle  en 
due:  TA  xirante ,  premier  Miniitre.  L'ar- 
rh  âe  fur  exécuté  qu'en  effgu  (^^  parla 
procipte  fuite  du  Ctcmre. 

Dès  le  ccmnienceTnent  de  cette  annfc 
Louis  XIV',  évacua  taures  fes  conquê- 
tes '^^ ,  Se  ci&it  une  flotte  pour  cb^sx 
les  Maures  qui  depuis  trente  ans  aflK» 
geoient  Ceuta  ;  mais  la  Reine  5c  les  par* 
tifâns  de  TEmpereur  qui  alors  domi- 
noient  à  la  Cour ,  engagèrent  le  Roi  i 
rejetter  cette  offire  genéreufe  ,  dans  la 
crainte  que  la  MaîTon  de  Bourbon  ne  de- 
vint trop  chcrc  aux  Efpagnols.  Ik  s'ap- 
pcrceyoicnt  déjà  avec  douleur  que  les 
Grands  &  la  plus  (aine  partie  de  la  Na- 


(a)  Nous  ne  ierotts  ]>as  pafTêr  fous  fileoce 
Vilévztion  de  Dom  Raymond  Je  Roccafid  Ar« 
f»f  ofiofs  à  h  dignité  de  Grand-AIaitie  de  Malte. 

(b)  On  remplit  de  eamifons  Hoilandoîies  ft- 
Bavaroifrs  toutes  Je»  Villes  des  Pays-Bas  rdUr 
lu^ct  pai  la  France» 


d'E  sp  a  gn  e.  ijx 

tten  remplis  de  vénération  pour  Louk 
XIV.  Prince  appliqué ,  infatigable ,  fage  , 
généreux ,  habile  ,  &  qui  venoît  de  don- 
ner à  la  paix  de  Rifwick  des  marques 
éclatantes  de  modération  ,  foupiroient 
après  un  Roi  de  fon  fang ,  &  élevé  par 
Tes  mains.  On  commençoit  à  regarder 
comme  facrés  les  droits  de  Marie-Thé- 
refe  d'Autriche ,  &  on  envifageoit  Louis 
XIV.  comme  feul  capable  par  la  vafte 
étendue  de  fa  puiûance  &  de  fon  génie 
d'empêcher  que  la  Monarchie  ne  fût  dé- 
chirée &  partagée  ;  à  la  tête  de  ce  Parti 
étoicnt  le  Cardinal  Porto  -  Carrero  6c 
Dom  Manuel  Arias.  Le  Prince  Eleâoral 
en  faveur  de  qui  le  Roi  inclinoit ,  comp- 
rît pour  chef  de  fes  partîfans  le  Comt€ 
d'Oropefa  rappelle  à  la  plus  haute  fa- 
veur. La  Reine  &  PAmîrante  foutenoient 
TArchiduc:  ils  faifoient  valoir  contre  un 
Prince  François  l'ancienne  haine  des 
deux  Nations  fondée  fur  deux  fiécles 
de  guerre  &  de  rivalité  ,  &  la  crain- 
te du  foulevement  général  de  toute 
l'Europe  ,  fi  la  Maifon  de  Bourbon 
venoît  à  donner  des  loix  à  TEfpagne, 
Tous  les  efprits  étoîent  alors  occupés 
de  celui  qui  devoit  fuccéder  à  Char- 

Giv 


mmÊm 


1J2  Histoire 

les  IL  On  en  parloit  dans  tes  Pay^ 
étrangers ,  à  la  Cour  ^  à  la  Ville ,  &  foas 
les  yeux  du  Roi»  quoiqu^il  ne  pût  enten- 
dre difpofer  de  fon  thrône  fans  frémir  j 
mais  il  fe  vit  bientôt  obligé ,  pour  fatis* 
faire  aux  infiances  des  Grands ,  des  Con^ 
feils  &  des  Miniftres  qui  le  conjuroient 
de  faire  choix  de  Théritier  de  la  Monar- 
chie 9  de  convoquer  un  grand  Confeil 
pour  terminer  cette  afiàire  la  plus  impor^ 
tante  de  l'Univers  ;  on  admit  à  cette 
aflfemblée  D.  Jofeph  Ferez  de  Soto ,  un 
des  célèbres  Jurilconfultes  de  ce  fiécle  ^ 
qui  opina  en  faveur  des  droits  de  Marie- 
Théréfe  d'Autriche  ;  il  foutenoit  que  la 
renonciation  exigée  de  cette  PrincefTe 
étoit  nulle ,  attendu  que  Philippe  IV. 
n'étant  point  le  propriétaire ,  mais  l'ufu- 
fruitîer  de  la  Couronne ,  n'avoit  pu  dif- 
pofer de  ce  qui  ne  lui  appartenoit  pas  ; 
que  le  droit  de  Màrie-Therèfe  ne  venant 
point  d'elle ,  mais  dérivant  par  elle  à  fa 
poftérité ,  elle  n'avoit  pu  l'en  exclure  par 
une  ceflion  forcée  ;  que  d'ailleurs  la  re- 
nonciation n'ayant  point  été  enregiftrée 
aux  las  Cortès ,  elle  ne  pouvoit  être  re- 

fardée  comme  légitime.  Il  ajoutoit  que 
hilippe  Ôc  fes  Miniflres  ne  l'avoient  eux? 


d'Espagne.  ifj 


mém^s  regardée  que  comme  une  vaine 
cérémonie  ;  que  n^ayant  été  ftipulée  que 
pour  empêcher  les  aeux  premières  Cou- 
ronnes ae  rUniven  d'être  réunies  fur 
une  même  tête  y  le  Roi  pouvoit ,  au  dé- 
£uit  du  Duc  de  Bourgogne ,  héritier  de 
ia  Couronne  de  France ,  appeller  un  des 
frères  de  ce  Prince ,  petit  nls  comme  lui 
de  Marie-Thérefe.  On  pouvoit  encore 
dire ,  fuppofé  la  légitimité  de  la  renon^ 
ciation  :  que  la  dot»  au  moyen  de  laquelle 
Marie  -  Thérefe  avoit  renoncé  ,  n'ayant 
point  été  payée ,  fes  petits- enfans  ren** 
troient  fans  difficulté  dans  les  droits  de 
)eur  ayeule  ;  malgré  la  force  ^  la  vérité  6c 
îa  jufhce  de  ces  raifons  appuyées  par  uns 
éloquence  vertueufe  ,  les  convenances 
générales  de  l'Europe ,  &  le  penchant 
particulier  du  Roi  entraînèrent  tous  les 
uffirages  en  faveur  du  Pince  Electoral  V 
légitime  héritier  de  Charles  IL  au  défaut 
du  Dauphin  de  France  &  de  fes  enfans  i 
Charles  fit  un  teftament  par  lequel  il  ap- 
pella  te  jeune  Prince  de  Bavière ,  fon  ne- 
veu à  la  fuccçflion  univerfelle  de  fes 
Etats.  Il  choififToit ,  en  cas  de  minorité 
lors  de  l'avènement  de  fon  fuccefleur, 
Jl'Eleâeur ,  fon  père ,  pour  Régent  de  kr 
Monarchie*  G  v 


1 J4  HiSTOIEB 

Quoi  qu'on  eât  pris  toutes  les  mefu- 
res  poiSbles  pour  que  rien  ne  tranfpirât 
de  ce  choix ,  on  le  pénétra  bientôt ,  & 
on  le  fit  d'abord  parvenir  à  l'Empereur. 
A  cette  nouvelle ,  ce  Prince  naturelle- 
ment grave  &  modéré  écbta;  il  pouflk  le 
reffentiment  jufqu'à  propofer  aux  princi- 
pales Puiflances  de  l'Europe  de  déchirer 
&  de  partager  entr'elles  l'héritage  qui 
lui  échappoit.  Ses  Miniftres  durs  ,  fiers 
&  irréfolus  fe  répandirent  en  menaces , 
en  injures  &  en  plaintes  contre  l'a  Nation 
Efpagnole  ;  l'Evêque  de  Lerida ,  alors 
Ambaffadeur  à  Vienne  rendit  compte  en 
Efpagne  de  Timprudence  des  Miniftref 
Impériaux  ;  mais  TAmbafladeur  de  TEm- 
pereur  à  Vienne ,  le  Comte  d'Harrach  , 
puifit  encore  plus  à  fon  maître  par  foit 
impétuoficé ,  la  hauteur ,  &  fur-tout  par 
la  faute  énorme  qu'il  fit  en  fe  brouillant 
avec  la  Reine  à  qui  il  reprocha  un  choix 
qu'elle  n'avoit  pas  été  maîtreffe  d'empê- 
cher. 

Cependant  on  admiroit  Louis  XIV. 
qui  ayant  d'auflî  grands  intérêts  à  ména- 

{jer  que  l'Empereur ,  fe  conduifoit  avec 
a  fageffe  la  plus  retenue ,  &  la  politique 
h  plus  profonde.  Il  avoit  eu  foin  d'eur 


d'Espagve»  ly;* 

voyer  à  Madrid  en  qualité  de  fon  Am- 
bafladeur ,  le  Marquis  d'Harcourt ,  Sei- 
gneur habile  y  déUé  ,  éloquent  ^  poli  » 
attentif  5  qui  fçut  s'infinuer  dans  les 
bonnes  grâces  des  Grands  &  des  Minis- 
tres. La  différence  de  caraftere  &  de  con- 
duite des  deux  Minîftres  François  &  Al- 
lemand contribua  plus  qu^on  ne  penfe  à 
faire  paiTer  fur  la  tête  du  Duc  d  Anjou 
vingt-deux  Couronnes. 

Mais  Louis  XIV.  foit  pour  endormir 
l'Europe ,  par  rapport  au  deffein  fecret 
qu'on  lui  a  luppofé  de  mettre  toute  la  Mo- 
narchie d'Efpagne  dans  fa  Maifon  ,  foit 
pour  intimider  les  Efpagnols ,  &  les  for- 
cer à  le  prier  à  genoux  de  leur  donner 
pour  Roi  un  de  fes  petits  fils  ^  foit  enfin  9 
ce  qu'il  eft  plus  naturel  de  croire ,  pour 
arracher  quelques  morceaux  de  U  fuc- 
cefilon ,  dans  la  crainte  qu^il  ne  la  man- 

auât  toute  entière ,  avoit  propofé  au  Roi 
'Angleterre  auffi  inquiet  que  lui  de  l'é- 
vénement de  la  fucceffion,  de  la  parta- 
ger entre  ceux  qui  fe  portoient  pour  hé- 
ritiers ;  en  conféquence  de  ces  avances 
on  -figna  à  la  Haye  un  traité  de  partage 
par  lequel  le  Prince  Eleftoral  étoit  défi- 
gné  Roi  des  Efpagnes  &  des  Indes  ;  le 

G  vj 


1^6  Histoire 

Dauphin ,  Roi  de  Naples  &  de  Sicile ,  6c 
de  plus  Souverain  des  Places  de  Tofcaiie  ^ 
dépendantes  de  rEfpagne ,  de  Final  & 
de  la  Province  de  Guipufcoa;  enfin  l'Âr* 
chiduc  devoit  avoir  le  Milanez.  A  la  nou- 
velle de  ce  traité  qui  répandit  rind^;na- 
tion  &c  la  terreur  chez  tous  les  Grands 
attachés  julqu'à  la  fureur  à  l'indivifibilité 
de  TEmpire  >  le  Roi  rendit  publique  le 
choix  fecret  qu'il  avoit  fait  du  Prince 
Eleâoral  pour  fon  Légataire  univerfèl. 

X<îpp.     Ce  jeune  Prince  ne  devoit  pas  jouir 

du  fruit  de  l'amitié  du  Roi  &  des  vœux 

de  toute  ^Europe.  Il  mourut  à  l'âge  ée 

fept  ans  ;  l'Eledeur  fon  père  crut ,  6a 

te  6  parut  croire  que  cette  raort  n'étoit  pas 

F^vr,  naturel*  On  fçait  jufqu'oà  fa  douleur  Itii 
fit  porter  fes  foupçons  ;  cependant  la 
mort  de  fon  fils  renverfoît  le  traité  de 
partage ,  &  détruifoit  les  defleins  de  la 
Cour  où  les  intrigues  ^  la  confufion  , 
les  cabales  augmentoîent  chaque  jour  ; 
tous  les  Grands  étoient  divifés  ,  les 
Peuples  partagés  d'intérêt  &  d'affec- 
tion î  le  Comte  d'Oropefa  gui  feu!  avoit 
la  confiance  du  Roi,  étoit  également  haï 
de  ceux  qui  foutenoîent  les  intérêts  de 
laMaifon  de  Bourbon  j  &  des  partilans 


mrmÊÊmmmfamÊÈÊmiÊmÊmmmiÊÊimmÊÊtmimtmmÊmmmÊiiÈimmÊm^mmÊi^é 

p'EspAGNs.  i;7 

-  de  celle  d'Autriche  ;  les  premiers  eurent 
(a)  recours  aux  reiTorts  de  l'artifice  pour 
le  perdre  ^  &  en  même*tems  pour  enve- 
lopper dans  fa  ruine  la  Reine  &  l'Ami- 
rante  ;  ils  bfînuerent  au  Roi  qu'il  étoir 
rnforcelé  ^  &  que  ceux  qui  l'appra*^ 
choient  le  plus  ,  pouvoient  bie»  avoir 
part  au  maléfice  fous  le  poids  duquel  il 
luccomboit.  Qui  le  croiroit  f  Le  fbible 
Roi  ajouta  foi  à  une  împofture  auflî  grot- 
lîere  ;  il  permit  qu'on  Texorcifât  j  la  Rei- 
ne ,  l'Amirante  d'une  part ,  &  le  Comte 
d'Oropefa  n'oferent  s'y  oppofer ,  dans  la 
crainte  d'être  encore  plus  foupçpn^és  du 

{)rétendu  énforcellement  par  une  popu- 
ace  également  crédule  6c  fuperflitieufe  ^ 
fùais  le  remède  auquel  on  eut  recours  ai- 
grit le  mal  :  le  Roi  épouvanté  fie  la  force 
&  de  l'énergie  des  mots  dont  TEglife  (e 
îert  pour  conjurer  les  Démons  ,  tomba 
dans  la  mélancolie  la  plus  noire  ;  bientôt 
il  fut  réduit  dans  un  état  qui  auroit  ex- 
cité la  compaflîon  des  cruels  Auteurs  de 

(a)  Ceux  qui  entrèrent  dans  cette  intrigue 
abominable ,  forent  le  Cardinal  Porto-Carrero  r 
Rocaberti,  Grand  Inquiitteur^  Dom  Manuet 
Xrias  &  le  Père  Froylan  Dias  j  Dominicain  , 
Confefleur  du  Roi.  Vo^ei  les  Mémoires  dit 
Marciuis  d^  Saiat  Philippe-yTomèl^^ 


irS  filSTOIKE 

-  '    -  _ 

Us  maux  ,fi  b  haine  &la  vengeance  iaif- 
fbient  écouter  la  voix  de  la  raifon  ;  en 
effet  j  ils  ne  s'en  dnrent  pas  là  rie  Con- 
feileur  gaidé  par  Porto-Carrero ,  fit  en- 
tendre au  Roi  qu'il  étoit  à  propos  de  con- 
fulter  fur  fon  état  une  femme  de  Cangas» 
prétendue  pofledée  du  Démon ,  &  en  loh* 
me-tems  fefit  donner  la  miflîon  de  la  voir 
&  de  l'interroger.  A  fon  retour  ce  Moine 
publia  tant  d'impoflures  ^  chargea  tant 
de  perfonnes  refpeébbles  d'avoir  malé- 
ficié  le  Roi  que  tous  les  jeunes  gens  indi- 
gnés de  fa  témérité  fe  réunirent  contre 
lui  i  6c  vinrent  à  bout  de  le  f^ire  chaffer 
de  la  Cour  ;  la  Reine  obtint  fon  einploi 
pour  un  autre  Dominicain ,  appelle  Tor* 
rez;  ainfi  cette  intrigue  criminelle  nuifit 
aux  deifêins  de  ceux  qui  la  conduifirent. 
Mais  il  n'en  fut  pas  de  même  d'une  au-^ 
tre  concertée  par  les  mêmes  perfonnes 
contre  Oropela  ;  elle  réuffit  prefqu'au- 
delà  de  leurs  vœux.  La  récolte  avoit  été 
très-flérile  en  Efpagne  :  on  manqûoit  de 
grains ,  &  les  vivres  devinrent  fi  chers 
qu  j  le  Peuple  aux  abois  fe  fouleva  à  To- 
lède ,  à  Burgos  y  &  enfin  dans  la  capita- 
le oïl  la  fédition  eut  de  grandes  fuites  ;  on 
avoit  feώ  avec  art  dans  tous  les  quar- 


d'Espagnb.  If^ 

tiers  de  la  Ville ,  que  TAuteur  de  la  di- 
fette  étoît  Oropefa ,  qui  avoit  fait  tranf- 
porter  les  grains  en  Portugal,  &  qu'il  s'é- 
toit  emparé  de  toutes  les  huiles  de  TAn* 
dalouiie  pour  les  vendre  au  prix  que  lut 
didteroit  fon  avarice.  A  cette  nouvelle, 
le  Peuple  en  fureur  s'affembla ,  s'arma  & 
courut  au  Palais ,  en  criant  du  pain ,  vive 
i€  Roij  meurent  le  traître  Oropefa,  &  PAmî- 
rante  contre  qui  on  avoit  aufli  eu  foin  de 
l'animer.  Le  Roi  faifi  de  frayeur  ne  fça- 
voit  à  quoi  fe  déterminer  ;  la  Reine  con- 
tre qui  les  féditieux  laiiToient  échapper 
des  menaces  &  des  inveâives ,  fut  fe  ca- 
cher ;  les  Courtifans  fe  difperferent  ;  un 
Seigneur  s'avança  alors  ,  &c  cria  du  haut 
d'un  balcon  que  le  Roi  dormoit  :  il  n^j  a 
que  trop  long  tems  qu^il  dort ,  répondit- 
on  9  il  faut  qu'il  s'éveille  ;  enfin  ,  Charles 
pâle  &  tremblant  parut  à  une  fenêtre  9 
un  de  fes  Courtifans  dit  aux  féditieux 
qu'ils  n'avoient  qu'à  s'adteffer  à  Oro- 
pefa :  fur  cette  parole  que  les  mutins  in-, 
terpréterent ,  comme  un  abandon  que 
leur  faifoit  le  Roi  de  fon  favori ,  ils  volè- 
rent à  fon  palais ,  briferent  les  portes , 
pillèrent  les  meubles  ,  &  le  cherchèrent 
pour  le  maflacrer  3  mais  une  prompte 


V- 


t6o  HisToiRC: 


mÊm 


fuite  le  mit  à  l'abri  de  la  mort  :  peni^nt 
cette  exécution  à  la  fin  de  laquelle  le  fou« 
lévement  s'appaifa,  le  Roi  (igifa  l'arrêt  de 
Feiûl  d'Oropefa  &  de  celui  de  TAmiran- 
te ,  ce  qui  acheva  d'éremdre  jufqa^aux 
étincelles  dune  incendie  qui  paroiflbit 
devoir  tout  ravager;  Dom  Manuel  Arias 
fut  fait  Préfident  du  Confeil  de  Cafblle  f 
Dom  François  Ronquillo  ,  Corrégidor. 
de  Madrid  :  tous  les  deux  étoient  amis 
du  Cardinal  Porto  -  Carrero  devenu  le 
maître  du  Gouvernement  parla  retraite 
de  la  Reine  ,  qui  vivement  frappée  de 
rimpreflîon  du.  danger  qu'elle  croyoit 
avoir  couru  ,  refufa  de  prendre  part  aux 
affaires ,  fous  prétexte  d'employer  tous 
fes  foins  auprès  du  Roi  dont  la  fanté  env- 
piroit  chaque  jour  ;  ce  malheureux  Prin- 
ce fortit  de  Madrid  après  avoir  aban* 
donné  Padminiftration  à  Porto  -  Carre- 
ro ^  &  ie  rendit  à  PEfcurial ,  dans  l'ef* 
pérance  que  la  falubrité  de  Pair  rétabli 
jjToit  fes  forces  épuifées.  C'eft  à  ce  voya- 

Îfe  que  par  une  fuperftition  il  fit  ouvrir 
es  tombeaux  de  la  Keine  fa  mère  y  de  la 
Reine  fa  première  époufe  ,  &  du  Prince 
Baltazar  ,  fon  frère  aîné ,  dont  il  con- 
fidéra  long  tems  les  cadavres  j  le  foi|^ 


d'Espagne,  i6i 

Charles  croyoit  que  la  vue  des  Morts 
prolongeoit  les  jours  des  Vivans  :  en 
plaignant  l'ignorance  de  ce  Roi  na- 
turellement jufte  &  bon,  on  ne  peut 
trop  s'élever  contre  les  malheureux  qui 
ne  diflîpoîent  point  les  ténèbres  de  Ter- 
reur dont  fon  fbible  elprit  étoit  envelop- 
pé, La  confidence  que  lui  fit  alors  la  Reine 
de  la  propofition  qui  lui  avoit  été  infînuée 

Îar  les  partifans  de  la  France  d'époufer  le 
)auphin  après  la  mort  du  Roi ,  à  condi- 
tion qu'elle  fe  joindroit  à  eux ,  redoubla 
l'aigreur  de  Charles  contre  les  François 
à  qui  îl  ne  pouvoit  pardonner  de.difpo- 
fer  de  fon  époufe  &  de  fes  Etats  ;  il  fît 
faire  de  grandes  plaintes  à  Verfailles  fur 
le  traité  de  partage  ,  &  de  plus  grandes 
encore  à  Londres;  le  Marquis  de  Canal- 
les ,  Ambaflfadeur  auprès  de  Guillaume 
les  exprima  avec  tant  de  fierté  que  le  Roi 
d'Angleterre  irrité ,  lui  donna  ordre  de 
fortir  de  fes  Etats  ;  on  fît  en  Efpagne  le 
même  traitement  à  Mylord  Sthanope, 
Ambaflfadeur  de  Guillaume.  On  étoit 
d'autant  moins  difpofé  à  la  Cour  de  Ma- 
drid à  ne  pas  ménager  le  Roi  d'Angle- 
terre qu'il  n'avoit  nul  intérêt  à  la  fuc- 
cefîion ,  &  qu'il  venoit  d'infulter  l'Efpa- 


\ 

162  Histoire 

Êie  en  protégeant  un  établiffement  des 
cofTois  dans  le  Golfe  Darien ,  établiffe- 
ment qui  par  la  fuite  auroit  pu  faire  per-^ 
dre  l'Amérique  aux  Efpagnols  ;  on  eut 
le  bonheur  Tannée  fuivante  de  les  chaf- 
fer  à  Taide  d'une  Bulle  du  Pape  qui  or- 
donna à  toutes  les  Eglifes  d'Amérique 
d'ouvrir  leurs  tréfors  pour  purger  cette 
partie  du  nouveau  Monde  de  rhéréfie. 

La  difettè  d'efpeces  étoit  telle  qu'on 
fut  encore  obligé  de  vendre  la  Grandef- 
fe  ;  le  Comte  de  Caflromonte  l'acheta 
^atre  cent  mille  francs  ^  &  le  Comte 
Vifcomti ,  Italien ,  cent  mille  pièces  de 
huit  ;  mais  dans  le  même-tems  le  Géné^ 
rai  de  la  Merci  l'obtenoit  pour  rien  à 
l'exemple  des  Généraux  des  ordres  dé 
S.  François  &  de  S.  Dominique. 

L'Empereur  fe  plaignoit  autant  da 
traité  de  partage  que  la  Cour  de  Madrid» 
llfemît  cette  année  en  état  d'en  difputer 
les  effets  par  la  paix  qu'il  accorda  aux 
Turcs  j  le  traité  fut  fîgné  à  Carlovits  : 
c'eft  le  plus  glorieux  que  les  Chrétiens 
ayent  jamais  figné  avec  la  Maifon  Otto- 
mane :  leCzar,  la  Pologne  &Venife  Al- 
liés de  l'Empereur  participèrent  à  la 
gloire  &  aux  avantages  de  cette  paix* 


D^Es  PAGNE.  163 


Le  nouveau  Miniftre ,  à  l'exemple  de  i^oc 
tous  ceux  qui  l'avoient  précédé  5  ne  man- 
qua pas  de  détruire  le  plan  de  gouver-  ^ 
nement  qu'avoient  pris  Oropefa  ou  TA- 
*  mirante  ;  les  courtifahs  applaudirent  au 
changement ,  &  traitèrent  d'abus  ce 
qu'ils  avoient  loué  du  tems  de  leur  fa? 
veur  ;  au  refte ,  on  ne  peut  que  rendre 
juftice  à  la  fageffe  avec  laquelle  on  ré- 
voqua la  loi  funefte  qui  permettoit  aux 
^  Etrangers  de  tirer  l'or  &  Pargent  dir 
Royaume  ,  moyennant  un  droit"  dç  troîi 

Eour  cent  qu'on  payoit  au  Roi  :  ce  mince 
énéfice  compenfoit-il  la  ruine  de  FE- 
tat  qu'un  pareil  tranfport  précipitoit  ?  En 
vertu  de  cette  permiflîon  que  la  néceflîté 
avoit  arrachée  depuis  plufieurs  années  9 
Jes  Etrangers  avoient  enlevé  tout  le  nu- 
méraire d'Efpagne;  mais  pour  fe  dédom- 
mager des  profits  ruineux  qu'elle  per- 
doit ,  &  en  même-tems  pour  mettre  la 
monarchie  en  état  d'être  refpeflée  ,  1^ 
Cour  fufpendit  le  payement  de  toutes 
ies  penfions ,  de  tous  les  appointemens 
des  Officiers  tant  civils  que  militaires , 
&  des  rentes  conftituées  fur  le  tréfor 
Royal;  la  Nation  &  le  Roi  lui-même  ne 
tefpiroit  que  la  guerre  contre  le  Roi 


'264  HlSTOIKE 

d'Angleterre  à  qui  ils  ne  pouvoient  par- 
donner d'avoir  par  un  nouveau  traité  de 
partage  avec  Louis  XIV.  déclûré  la  Mo- 
narchie ;  mais  faute  de  mcyecs  pour  Ibu- 
tenir  la  guerre .  il  fallut  fe  contenter  " 
d'exhaler  fa  colère  &  fa  vengeance  par 
des  plaintes  ameres  ficldes  menaces  im- 
puiâantes.  Le  partage  fit  bientôt  après 
fur  Pefprit  des  Efpagnols  un  efièt  auquel 
Guilbume  UI.  ne  s'étoit  pas  attendu  ; 
ils  fe  confirmèrent  dans  Tidée  d'appeller 
au  thrône  un  petit-fils  de  Louis  XIV« 
comme  Tunique  moyen  de  rendre  nulle  la 
mauvaife  volonté  du  Monarque  Angloîs. 
C'efl:  ainfi  que  les  arbitres  de  la  defti- 
née  d'Efpagne  avoient  réglé  le  fort  des 
Provinces  qui  compofoient  la  Monar- 
chie par  le  nouveau  traité  figné  à  Lon^ 
dres  le  treize  Mars;  le  partage  du  Prince 
Eledoral  paflbit  à  l'Archiduc  Charles  ; 
le  Milanez  qu'on  lui  avoit  aflîgné  lors  da 
premier  traité  ,  devoit  pafler  entre  les 
mains  du  Duc  de  Lorraine ,  qui  en  échan- 

Îe  étoit  obligé  de  céder  au  Dauphin  les 
)uchés  de  Lorraine  &  de  Bar ,  fon  patri- 
moine ;  la  Lorraine  &  le  Barrois  joints  aux 
Royaumes  de  Naples.,  de  Sicile ,  deSar* 
daigne  >  aux  Places  d'Ëgli  PrefidiideTof- 


mm 


d'Espagne.  i6y 


cane,  au  Marquifat  de  Final  &  à  la  Provin- 
ce de  Guipufcoa  confirmés  au  Dauphin , 
nuroient  rendu  laFrance  trop  redoutable^ 
ce  qui  a  fait  croire  à  pluûeurs  politiques 
que  le  génie  profond  ciu  Roi  d'Angleterre 
en  fignant  ce  traité  ,  n'avoit  eu  pour  but 
que  d'empêcher  la  Maifon  de  Bourbon 
d'engloutir  toute  h  Monarchie  ^  dans 
J'efpérançq||e  réunir  enfuite  toute  TEu* 
rppe  contrelle ,  &  de  lui  arracher  les 
morceaux  qu'il  avoit  lui-même  ftipulés 
en  fa  faveur.  Cependant  Louis  XIV.  n'ar 
voit  {bufcrit  à  ce  traité  qu'à  condition 
ique  l'Empereur  l'accepterpit  dans  le  tçr-  , 
i)ae  de  trois  mois ,  &  que  le  Prince  à  qui 
Ton  defiinoit  l'Efpagne  &  l'Amérique  t 
pf  ppurroit  parvenir  à  b  Couronne  Im^ 
pénale,  tant  le  fouvçnir  de  la  vafle  puifr 
^nce  de  Charles-Quint  qui  avoit  porté 
Vnn  ^  l'autre  fceptre  ,  enrayoit  encore 
1^8  efprits  ;  en  même- tems ,  cç  grince,  qui 
ne  fe  défioit  guères  moin$  de  fon  nouvel 
Allié  Guillaurpe  que  de  fes  ennemis  nar 
carels  ,  couvroit  les  frontières  d'Efpa- 
§ne  &  de  l'Italie  de  fes  nombreufes  trou* 
pcs  pour  fe  mettre  en  poCpIfion  de  fon 
partage  Iprs  dç  rpuyerturç  de  la  fqccçf^ 


i66  Histoire 


MM 


Mais  l'£mpereur  indigné  qu'on  lui  die* 
tât  des  loix  avec  tant  de  hauteur ,  refu- 
fa  de  les  recevoir  ;  il  fe  fortifioit  dans  fou 
refus  fur  le  reifentiment  que  Charles  II. 
&  toute  la  Nation  Efpagnole  avoient  fait 
éclater  à  la  nouvelle  du  traité  de  parta- 
ge ,  &  fur  ce  qu'il  n'étoit  pas  pofGble  de 
croire  que  le  Roi  d'Efpagneplein  d'a- 
mour pour  une  branche  aeai  Maifon  , 
avec  qui  il  avoir  vécu  dans  la  plus  étroi- 
te intelligence ,  lui  préférât  une  Maifon 
étrangère  qui  ne  paroiflbit  refpirer  que 
le  moment  d'envahir  fon  héritage  :  icf 
fuccès  de  la  guerre  contre  les  Turcs , 
cent  mille  hommes  qu'il  avoit  fur  .pied 
confirmôient  TErtipereur  dans  l'efpéran- 
ce  que  fi  fes  enfans  étoient  appelles  à  la- 
fucceflîon  entière,  rien  dans  l'Univers 
ne  pourroit  leur  en  arracher  une  partie  ; 
mais  il  s'en  falloit  que  les  Grands  &  les 
hommes  éclairés  de  l'Efpagne  penfaflfent 
comme  lui.  Le  réfultat  du  Confeil  d'E- 
tat où  Charles  II.  fit  encore  une  fois 
porter  Taf&ire  de  la  fucceffion  ,  prouva 
combien  les  Efpagnols  mettoient  de  dif- 
tance  entre  les  droits  &  le  pouvoir  du 
Roi  de  France  &  ceux  de  Léopold  j  de  (4) 

jfa)  Le  Cardinal  de  Porto- Carrero  ,  le  Duc 


d'Espagne.  i6j. 

■      '       ■  ■  '■  w 

1 2  perfonnages  illuflres  confultés  y  1 1. 
conclurent  qu^il  falloir  appeller  un  Bour-^ 
bon;  {a)  un  feul  opina  à  déférer  le  choix 
du  fucceflîaur  du  Roi  sTux  las  Certes  qui, 
k  Pexemple  de  raffemblée  de  Cafpé  en 
mil  quatre  cent  dquze  entendroient  le$ 
raiibns  des  prétendans  3  &  décerneroienc 
la  Couronne  à  celui  des  petits  -  fils  de 
Louis  XIV.  ou  ^u  fils  de  TEmpereur  qui 
leur  fembleroit  avoir  le  droit  le  plus  légi* 
time  i  mais  les  circonftances  étoient  biea 
différentes  de  celles  où  on  avoit  vu  des 
Rois  confier  leur  caufe  à  l'éloquence  des. 
Avocats  j  Louis  XIV.  eût  plaidé  la  fien- 
xie  avec  cent  mille  hommes.  Cette  déci- 
fîon  du  Confeil  ne  parut  pas  fuffifante  au 
Roi  ;  il  confulta  toutes  les  Facultés 
de  Théologie  :,  &  le  Droit  dç  fes  vaïles 
Etats ,  fans  qu'aucun  Légifte  ou  Théolo- 
gien fût  d'un  autre  fentiment  que  les  Sei- 
gneurs confultés  ;  enfin ,  pour  réfoudrç 

de  Médîna-Sydonja  ,  le  Comte  de  Fuenfâlîda» 
le  Comte  de  Montijo ,  le  Comte  de  San-Iôe- 
ran,  les  Marquis  deMancera,  d'el  Frefho,  8c  âe 
Villa  Franca  ,  les  Ducs  de  Mohtalto ,  &  d*Ef- 
calone ,  Se  le  Comte  de  Montdlano  furent  Poi;«* 
Alités  féparément. 

ij^a)^  Le  Cpmte  de  Friglian^, 


■i^ 


i6S  Histoire 

tous  fes  doutes ,  ou  plutôt  pour  fe  forti- 
fier contre  la  tentation  de  faire  une  in* 
}t]flice  en  faveur  de  fon  propre  £ing; 
Charles  écrivit  au  Pape  Innocent  Xli. 
(  Pignatelli  )  ;  le  fouverain  Pontife ~1ai 
répondit  que  n'y  ayant  point  de  doute 
que  toute  la  Monarchie  après  lui  n'^p-^ 

i?artînt  au  Dauphin  ,  fon  neveu ,  il  £u- 
oit  appeller  le  Duc  d'Anjou,  fécond  filt 
du  Dauphin  à  fa  fucceffion ,  fous  I9  réfêr* 
ve  qu'il  ne  pourroit  parvenir  à  la  Cou% 
ronne  de  France ,  afin  qu'un  même  Prin* 
ce  ne  réunit  point  fur  fa  tête  les  deux 
premières  Couronnes  de  l'Univers. 

Cependant  malgré  l'uniformité  de 
tant  de  fentimens ,  malgré  les  intérêo 
des  Peuples ,  néceflîtés ,  pour  aînfi  dire  9 
k  avoir  pour  Roi  le  Duc  d'Anjou ,  mal* 

£é  les  vœux  &  la  décifion  des  Grands 
des  lettrés  ;  malgré  la  fage  réponfe  du 
Pape  qui  fut  reçue  comme  celle  d'un 
oracle 5  Charles  IL  inclinoit  pour  fa. 
Maifon  ;  l'idée  de  voir  vingt- deux  Cou- 
ronnes tranfportées  dansceUe  deFrance^ 
rivale  &  ennemie  de  la  fienne  >  lui  arra*> 
choit  des  foupirs  ;  la  Reine ,  le  Çonfef*- 
feur  du  Roi ,  i'Inquifiteur  Général ,  dé- 
VQués  à  TËmperçur;  pénétroient  les  pen- 

fée» 


d'Espagne.  i5p 

fées  fecrettes  du  Roi ,  &  ne  ceffoient  de 
lui  infinuer  que  la  convenance  générale 
étant  fupérieure  aux  Loix  ,  il  pou  voit 
comme  Légiflateur  fuprême  déroger  aux 
Loix.  Déjà  ils  Favoient  ébranlé  &  per- 
fuadé  ,  déjà  ils  avoient  arraché  de  lui  un 
ordre  pour  envoyer  le  Duc  de  Medina- 
Cœli  a  Naples  ,  afin  d'y  recevoir  les 
troupes  de  l'Empereur.  On  négocioit  au- 
près du  Duc  de  Mantoue  pour  le  porter 
a  accepter  dans  fa  capitale  garnifon  Alle- 
mande; on  expédia  par- tout  des  commif- 
fions  pour  armer;  mais  ces  précautions  tar- 
dives de  la  fadion  Autrichienne  n'eurent 
d'autre  effet  que  de  prolonger  les  efpé- 
rances  de  l'Empereur.  Medina-Cœli  con- 
vaincu qu'un  Bourbon  feul  étoit  en  état 
de  conierver  la  Monarchie  en  entier, 
objet  de  la  politique  de  tous  les  Grands , 
éluda  les  ordres  du  Roi  ;  le  Duc  de  Man- 
toue traita  avec  Louis  XIV.  &  enfin  le 
Cardinal  Porto-Carrero  qui  veilloit  avec 
autant  de  vigilance  aux  intérêtis  de  la 
Maifon  de  Bourbon  que  la  Reine  à  ceux 
de  l'Empereur, fçut  introduire  auprès  du 
Roi  de  nouveaux  Théologiens  qui  n'eu- 
rent pas  de  peine  à  confondre  les  vains 
raifonnemens  du  Confefleur  &  de  l'In- 
Tome  V.  H 


170  Histoire 

quifiteur ,  &  à  détruire  dans  l'efprit  d'un 
Roiju(le&  mourant  les  mouvemens  du 
fang  en  faveur  de  Téquité  &  des  Loix. 

Enfin ,  Charles  II.  après  tant  de  com- 
bats &  d'irréfolutions ,  difta  fon  fameux 
I^t;  i  teftament.  (a)  O  Dien ,  s'écria-t-il  en  le 

Oàob.  fignant  les  larrnes  aux  yeux ,  Dieu  iter^ 
nel ,  c*ejl  vous  qui  donnez,  &  otez,  les  Em* 
pires.  La  nature ,  le  fang  &  l'amitié  fouf- 

"--  froient  de  cet  effort  de  juftice  &  de  ma- 
gnanimité ;  comme  fa  maladie  empîroit 
chaque  jour ,  &  qu'il  n'étoit  plus  en  état 
d'entendre  parler  affaire ,  il  confia  la  Ré- 
gence au  Cardinal  Porto-Carrero ,  &  fit 
porter  chez  lui  les  fceaux  du  Royaume. 
Déjà ,  s'écrioit  ce  Roi  infortuné ,  après 
cette  efpece  d'abdication  9  déjà  nous  ne 
Jommes  plus  rien.  En  vain  Porto-Carrero  9 
par  un  fentiment  de  modeftie ,  preflTa-t-il 
le  Roi  de  lui  affocier  la  Reine ,  Charles 
n'y  voulut  jamais  confentir,  danslaçrain- 

(fl)  Dom  Antoine  de  UbiMa ,  Secrétaire  Jes 
dépêches,  fut  revêtu  delà  qualité  de  Notaire  » 
afin  qu'il  ne  manquât  rien  à  l'autenticité  d'un 
pareil  adc  ;  le  Cardinal  Porto-Carrero  &  Dom 
Manuel  Arias  en  furent  feuls  témoins.  On  garda 
un  profond  /îlence  ,  &  Louis  XIV#  ne  fut  pai 
plus  inftruit  que  l'Empereur* 


d'E  s  P  À  GN  E.  171 

te  qu'elle  ne  troublât  le  Royaume  en  fa- 
veur de  TArchiduc  ;  le  Roi  languit  enco- 
re jufqu'au  premier  Novembre  qu'il  ex- 
pira avec  plus  de  courage  qu'on  ne  s'é- 
toit  attendu  ;  ainfî  vécut  ,  ainfî  mou- 
rut Charles  II.  plus  fameux  dans  la  pos- 
térité paf  fon  teftament  que  par  fon  re-^ 
gne  languiiTant  &  malheureux. 

A  l'inftant  même  de  fa  mort  i  le  Cardi- 
nal convoqua  les  Grands ,  les  Préfidens 
des  Confeils ,  &  les  Minières  en  préfen- 
ce  de  qui  on  lut  le  teftament  ;  toute  Taf- 
femblee  fut  agréablement  furprife  de 
voir  que  le  Roi  avoit  foufcrit  aux  vœux 
des  Peuples ,  en  appellant  à  la  Couronne 
le  Duc  d'Anjou  ,  fon  petit-neveu ,  aux 
droits  de  Marie-Thérefe.  Ainfi ,  comme 
l'expliquoit  le  Teftateur ,  la  Reine  de 
France  ,  notre  fœur ,  n'ayant  renoncé  a 
la  fucceffion  qu'afin  que  les  fceptres 
d'Efpagne  &  de  France  ne  fuflent  pas 
portés  par  la  même  main ,  nous  en- 
trons dans  les  vues  de  Philippe  IV.  notre 
père  en  appellant  à  notre  fucceffion  indi- 
vifîble  le  Duc  d'Anjou  ,  &  dans  le  cas 
qu'il  meure  fans  poftérité ,  ou  qu'il  par- 
vienne à  la  Couronne  de  France,  le  Duc 
de  Berri ,  fon  frère ,  &:  au  défaut:  de  ce 


>  r  c- 1  3  î 


:'*'"îiv.'j  .  A  ■•^•.jiuiic  vjjjri.^  £" Autriche 
iu.t  irvir^  i^  >ixr:e-Arc^  d'Autriche  9 
ûicviîiis:  £^^  ij  FiTL-irre  III.  À:  ^veula 
de  1  Arciiiuc  .  ic  er£~  le  D«ic  ce  Sat- 
vc"2  .  crcz-î  ir::i:e-r^::>£îs  de  ITn- 
tirre  Ci:be:'j:î  .  £  J.e  i*  Philippe  H. 

L  îi:  t'r:mr.:  ::-e  Chvirles  II.  ait 
c.rlii  Mcr.iîf-r ..  rriVe  £e  Lc:is  XI\\  & 
k  Duc  £e  Chirres  -  i"c"  £!>  •  qui  dans 
crcre  ue  11  lucc^iucn  Cîvcies:  précé- 
der ,  ccnxe  £.5  Se  reùr-Éis  d'Aase 
c  Auncr.e ,  tl^z  3:nee  ue  Fnuicre  lll, 
L'Arcbiiuc  r.'ctci:  reth-fils  ::ue  de  la 
ficcr.ie  £ae  du  u.i.T.e  Rcl  :  Nioniîeur 


prc:ef:2  ccritre  ce:  oubli ,  &:  Philippe  V. 
dcr.na  U2  décret  qui  le  ccrâfirmoit  dans 
fes  droits. 

En  attendant  l'arrivée  da  nouveau 
Roi ,  Charles  ccnficic  l'autorité  fouve- 
raine  à  une  Junte  compolêe  de  la  Reine  1 
du  Cardinal  Porto -Ôarrero  •  de  Dom 
Manuel  Arias,  du  Duc  de  Montalco^ 
du  Marquis  de  V'illa-Franca  ,  du  Comte 
de  Montcrey  ,  Préfidens  des  Confeils  de 
Caftille ,  d'Arragon ,  d'Italie  &  de  Flan- 
dres ,  à  Plnquifiteur  Général ,  aux  Comp- 
tes de  Benaventé  &  de  Frigliana  ;  la  Rei- 
ne à  qui  le  Roi  laiiToit  une  penfion  de 


d'Espagne,  173 


feize  cent  mille  livres ,  ne  devoit  avoir 
que  fon  fuffrage  :  tout  devoit  être  décidé 
à  la  pluralité  des  voix  ;  mais  Porto-Car- 
rero  étoit  en  efïèt  le  maître ,  6c  le  prouva 
en  empêchant  le  retour  du  Comte  d'O- 
ropefa ,  du  Duc  de  Mont^lto ,  du  Com- 
te de  Monterey  &  du  Comte  de  Banos  , 
6c  des  autres  exilés  à  qui  le  feu  Roi  avoir 
pardonné  3  &  dont  il  avoit  même  admis 
deux  dans  la  Junte. 

'  Cependant  on  envoyoît  à  Louis  XIV, 
la  copie  du  teftament  avec  une  lettre  fi- 
gnée  de  la  Junte  qui  le  conjuroit  d'en- 
voyer fur  le  champ  fon  petit  fils  à  Ma- 
drid. En  même-tems  on  ordonna  des 
prières  publiques  dans  toute  TEfpagne 
pour  demander  à  -Dieu  qu'il  plût  faire 
.accepter  à  Louis  XIV.  le  teftament ,  tant 
dh  craignoit  qu^il  ne  s'en  tînt  au  traité  de 
partage  plus  avantageux  en  apparence' 
aux  intérêts  de  l'Empire  François. 

Mais  Louis  XIV.  étoit  trop  généreux 
pour  ne  pas  répondre  à  la  confiance  de 
tous  les  Ëfpagiiols  ;  il  eft  confiant  que 
ridée  d'avoir  un  Roi  élevé  dans  le  fein 
du  Monarque  François ,  &c  inftruit  par 
lui  dans  le  grand  art  de  gouverner ,  avoit 
contribué  a  l'élévation  du  Duc  d'An- 

H  iij 


Î74  Histoire 

jou ,  auprès  d'une  Nation  qui  regardoit 
Louis  XIV.  comme  le  plus  grand  de  tous 
les  Rois. 

Après  avoir  convoqué  un  Confeil  ex- 
traordinaire dont  le  rétultat  fut  d'accep- 
ter le  teftament ,  le  Roi  de  France  écrivit, 
ainfi  que  le  nouveau  Roi ,  à  la  Junte  dans 
des  termes  remplis  d'eftime ,  d'amitié  & 
de  reconnoiflance  ;  fur  le  champ  on  pro- 
clama à  iMadrid  le  Duc  d'Anjou  fous  le 
nom  de  Philippe  V.  &  toute  la  Monar- 
chie s'empreffa  de  fuivre  l'exemple  de  la 
capitale. 

C'efl:  ainfi  que  les  droits  du  fang  fon- 
dés fur  les  Loix  fondamentales  de  l'Etat 
tranfmircnt  la  Couronne  d'Efpagne  dans 
la  Maifon  de  Bourbon ,  comme  elle  avoit 
paflfc  des  defcendans  de  Raynvond  de. 
Bourgogne  dans  la  Maifon  d'Autriche 
où  elle  refta  cent  quatre- vingt -fix  ans 
fous  fix  Rois ,  Philippe  I ,  Charles  I , 
Philippe  II ,  Philippe  III,  Philippe  IV, 
Charles  II. 

Avant  que  de  rendre  compte  du  règne 
du  premier  des  Bourbons,nous  allons  tra- 
cer les  caufes  de  la  décadence  de  la  Mo- 
narchie ^  &  l'état  des  fciences ,  des  let- 
tres &  des  arts  en  Efpagne  fous  les  Rois 
Autrichiens. 


«MÉmAi 


d'Espagne.  lyy 

Une  des  principales  caufes  de  la  fu* 
nefte  &  rapide  décadence  de  TEmpire 
Efpagnol  fut  la  découverte  de  TAméri- 
que  :  de-là,  comme  de  la  boëte  de  Pando- 
re ,  les  maux  qui  fondirent  fur  PEfpagne , 
tels  que  le  renverfement  des  mœurs  ,  le 
luxe ,  Pextenfion  prodigiéufe  des  Cou- 
vents ,  la  deflruflion  de  Tagriculture  & 
des  arts  néceflaires ,  les  longues  guerres  ^ 
rémigration  perpétuelle  des  Efpagnols , 
les  vices  internes  du  Gouvernement ,  & 
tous  les  abus  deftruéleurs  de  la  popula- 
tion ,  &  par  conféquent  des  Empires. 

La  Monarchie  d'Efpagne  parvenue  en 
peu  d'années  par  les  découvertes  ,  les 
conquêtes  &  les  fucceffions  au  degré  d'é- 
tendue le  plus  vafte  qui  ait  jamais  été  ,  fe 
voyoît  menacée  de  fignes  de  mort ,  au 
moment  même  de  fon  triomphe  ;  en  ou-^ 
vrant  les  mines  de  l'Amérique  ,  elle  s'é- 
toit  creufée  à  elle-même  fon  tombeau  ; 
éblouis  de  la  prodigiéufe  quantité  d'or 
&  d'argent  qui  inondèrent  tout. à  coup 
leur  Patrie,  les  Efpagnols  naturellement 
généreux  ,  fiers ,  nobles  ,  magnanimes 
dédaignèrent  les  reflourcesrde  Tœcono- 
mie  &  les  routes  pénibles  du  travail  qui 
ne  conduifent  ordinairement  qu'à  la  mé- 

Hiv 


....»« 


d'E  s  P  A  G  N  £.  177 

les  Romains  à  la  Grèce  ,  &  Fltalie ,  ef- 
clave  en  partie  de  TEfpagne ,  jouit  d  une 
confidération  égale  à  celle  de  fa  maîtref- 
fe  ;  fes  Citoyens  furent  plus  heureux  ^ 
fes  Villes  plus  peuplées  «  mieux  bâties  » 
plus  civilifées  ;  elle  inftruifit ,  nourrit  & 
défendit  l'Empire  dont  elle  recevoit  des 
Loix  ;  cependant  l'Efpagne  prodiguoît  en 
vains  &  chimériques  projets  Tor ,  fource 
des  malheurs  &  le  fang  de  fes  Citoyens  ; 
leurs  vertus  s'éteignoient  chaque  jour ,  & 
ils  contraéloient  des  vices  inconnus  à  leurs 
Pères  r  déjà  Tadivité ,  Tamour  du  travail, 
la  modeftie,  l'émulation  étoient  difpa- 
rues  ;  la  fierté  de  la  Nation  changée  en 
orgueil  &  en  un  mépris  outrageant  pour 
les  autres  Peuples",  les  lui  faifoit  regar- 
der comme  nés  pour  fervir  à  fa  gloire  ,  à 
fes  plaifirs  ;  elle  auroit  cru  fouiller  fes 
mains  viâorieufes  &  triomphantes  que 
de  les  employer  à  la  culture  des  terres 
&  aux  arts.  Le  luxe ,  fi  fatal  aux  vaftes 
Empire^ ,  ravagea  TEfpagne ,  comme  il 
avoit  ravagé  Rome  &  la  Perfe  ;  mais 
fes  ravages  furent  d'autant  plus  deftruc- 
teurs  qu'on  n'avoit  pas  comme  à  Rome 
&  dans  la  Perfe  les  reflburces  de  la  po- 
pulation ,  de  l'agriculture  &  des  arts 

Hv 


178  Histoire 


pour  remédier  aux  maux  qu'il  apporta» 
Bientôt ,  par  une  fuite  néceffaire  du  luxe , 
les  mœurs  s'amollirent,  les  corps  s'éner- 
vèrent ,  &  il  n'y  eut  que  les  Citoyens  les 
plus  riches  qui  oferent  contrarier  les  doux 
&  facrés  nœuds  du  mariage  ;  les  Grands 
traînoient  à  leur  fuite  des  légions  de 
domefiiques  qui  préférant  une  fervitu- 
de  oifive  à  une  liberté  laborieufè  ,  paf- 
foient  leur  vie  fans  être  utiles  à  la  Pa- 
trie ,  pas  même  en  lui  donnant  des  Ci- 
toyens ;  ceux  qu'une  certaine  élévation 
de  caraftere  empêchoit  de  prendre  ce 
parti ,  fe  précipitoient  en  foule  dans  les 
Cloîtres  pour  y  jouir  d'un  fort  agréa- 
ble fans  travail  &c  d'une  confidération 
qui  leur  feroît  échappée  dans  le  monde 
où  ils  auroieiit  été  obligés  de  vivre  fans 
biens  ;  enfin ,  les  Efpagnols  nés  avec  une 
fortune  honnête ,  vivoient  dans  un  céli- 
bat fu nèfle  à  la  Patrie ,  plutôt  que  d'être 
obligés  de  travailler  à  augmenter  leur 
fortune  pour  élever  &  établir  des  enfans? 
Mais  l'or  &  l'argent  dont  l'Efpagne  abon- 
doit ,  devoit  y  attirer  des  Etrangers ,  & 
réparer  les  vuides  des  guerres ,  du  célibat 
&  de  l'émigration  journalière  ?  les  Etran- 
gers s'y  rendoient  en  effet  en  foule  , 


d'E  s  P  A  GN  E.  ,  I7P 

mais  c'étoit  pour  dépouiller  les  Efpa- 
gnols  de  leurs  richefles  par  le  commerce , 
le  travail  &  les  arts  ,  6c  difparoître  en- 
fuite  avec  elles;  Tlnquifition,  le  mépris  & 
l'orgueil  des  Efpagnols,  les  empêchoîent 
de  s'y  établir. 

Les  Rois  fembloient  d'intelligence 
avec  leurs  Sujets  pour  dépeupler  TEfpa- 
gne  ;  fiers  de  leur  or  ,  ils  entreprirjent 
légèrement  les  guerres  les  plus  longues  ; 
c'eft  fans  doute  fur  les  mines  du  Potofi 
que  s'appuyoit  Philippe  IL  quand  il 
entreprit  de  réduire  fous  un  joug  de 
fer  les  Pays  -  Bas ,  de  conquérir  l'An- 
gleterre ,   &  de  déchirer  la  France  ; 
c'eft  fur  le  même  appui  que  s'étoit  fondé 
Philippe   IV.  quand  il    voulut    aider 
Ferdinand  IL  à  aflervir  l'Allemagne, 
quand  il  troubla  l'Europe  entière.  Voilà 
comme  l'abondance,  de  l'or  amena  en 
Efpagne  le  luxe ,  le  célibat ,  l'orgueil ,  la 
pareue,  les  guerres  &  la  flérilité*  C'eft 
ainfi  que  fa  profpérité  ne  fut  jamais  qu'ap- 
parente ,  &  qu'elle  fut  plus  malheureufe 
que  les  Etats  qui  lui  envioiçnt  fon  faux 
éclat ,  puifque  les  vrais  biens ,  tels  que  la 
paix  ,  l'abondance  des  denrées ,  la  ferti- 
lité ^  la  population ,  les  arts ,  lui  manque- 

Hvj 


iSo  Histoire 

rent.  Une  autre  caufe  de  la  décadence 
de  TEmpire ,  fut  fa  vafte  étendue. 

Par  quel  art  du  fein  de  Madrid  un  Roi 
ou  fon  Miniftre  pouvoit-il  faire  mouvoir 
un  ColoiTe  énorme  &  m?l  conftitué ,  donc 
la  tête  étoit  TEfpagne ,  les  bras  l'Italie , 
&  les  Pays-Bas ,  les  pieds  TAmérique 
&  les  Indes  Orientales  :  comment  pou- 
voir porter  dans  le  degré  fuffifant  la  cha- 
leur &  la  vie  dans  des  parties  (i  éloi- 
gnées 3  mais  la  politique  barbare  desCon- 
quérans  du  Mexique  &  du  Pérou  par- 
venue depuis  long-tems  à  affurer  pour 
toujours  le  nouveau  Monde  à  l'Efpa- 
gne  9  en  maflacrant  la  plus  brave  &  la 
plus  nombreufe  partie  des  Indiens ,  ou 
en  la  condamnant  aux  mines ,  ce  qov 
revient  au  même  ,  donnoit  aux  Rois  la 
facilité  de  veiller  aux  morceaux  déta- 
chés de  leur  Empire  en  Europe. 

Oui  fi  pour  contenir  les  miférables  reftes 
des  Peuples  aflervis  &  les  enfans  des  con- 
quéransqui,  indignés  de  n'avoir  aucune 
part  au  gouvernement  des  Pays  conquis 
par  leurs  Pères,  ne  témoignoient  guères' 
moins  d  impatience  &  de  hainS  contre 
leur  ancienne  Patrie,  que  les  Indiens  ,  il 
n'eût  pas  fallu  confiruire  des  citadelles  , 


d'Espagne.  i8i 

envoyer  à  grands  frais  des  troupes,  des 
vaifleaux ,  des  Colonies ,  des  Magiftrats , 
des  Vice-Rois ,  des  Prélats ,  des  Moines  , 
dont  le  départ  continuel  avec  leur  fuite 
dépeuploit  le  fîége  de  la  Monarchie.  De 
dix  mille  Efpagnols ,  les  plus  robufles 
&  les  plus  hardis  ,  que'chaque  année  l'a- 
varice ou  l'ambition  arrachoit  de  leurs 
foyers  pour  les  extrémités  de  PUnivers , 
à  peine  en  revenoit  -  il  mille  dans  leur 
Patrie  ;  les  autres  périfToient  par  l'intem- 
périe de  l'air ,  par  la  débauche  ,  par  le 
changement  de  climat ,  où  s'établiflbient 
dans  les  Pays  qu'ils  avoient  choifis  pour 
afyle  contre  l'infortuné  :  ajoutez  à  cela 
que  les  Américains  regardant  comme 
leurs  tyrans  cette  multitude  de  Com- 
mandans  ,  de  Magiflrats  &  de  Moines 
qui  ne  s'expatrîoient  que  pour  englou- 
tir leurs  tréfoTS ,  abandonnoient  la  cul- 
ture des  terres  ,  périflbient  accablés 
fous  le  joug  de  Toppreflion ,  ou  fuyoient 
chez  les  Indiens  libres;  on  jugera  des  ra- 
pines ,  des  concuflîons  &  de  l'avidité  de 
ces  hommes  qui  alloient  chercher  la  for- 
tune en  A  mérique  ,  quand  on  fçaura  qu'il 
n'y  avoit  pas  de  Moine  qui  ne  rapponât 
de  fa  caravanne  en  peu  d'années  qua- 


X82  Hl  s  T  O  IRE 

rante  ou  cinquante  mille  écus  ,  que  la 
proye  des  Gouverneurs  8c  des  princi- 
paux Magiftrats  montoit  à  deux  ou  trois 
millions  en  cinq  ans ,  &  celle  des  Vice- 
Koîs  dans  le  même  efpace  à  fix  ou  huit. 
Que  devenoient  tous  ces  tréfors  entre 
les  mains  des  Particuliers  f  Ils  paflbient 
au  pouvoir  des  Nations  induftrieufes  oui 
fabrîquoient  dans  leurs  Manufaftures  les 
,foyes  &  les  laines  d'Efpagne.,  qui  culti- 
voient  le  commerce  &  les  arts ,  qui  al- 
loicnt ,  épargnant  un  travail  jufte  &  né- 
ceflaire  aux  Payfans  Efpagnols ,  enfemen- 
cer  leurs  champs,  &  les  moiffonner  :  le  ref- 
te  décoroit  avec  profufion  les  Eglifes ,  ou 
offrait  un  vain  fpeâacle  chez  les  Grands 
qui  alors  fe  faifoient  gloire  d'étaler  une 
prodigieufe  quantité  d'or  &  d'argent  fur 
leurs  buffets ,  ou  enfin  étoit  prodigué  à 
acheter  des  Soldats  étrangers ,  &  à  cor- 
rompre les  Miniftres  &  les  Grands  des 
Puiflances  voifines. 

Il  falloit  bien  avoir  recours  à  des  trou- 
pes étrangères,  puifque  l'Efpagne  remplie 
d'or  &  de  Moines  ne  pouvoit  fournir  au- 
tant de  Soldats  qu'il  étoit  néceffaire  pour 
contenir  les  morceaux  détachés  de  l'Em- 
pire ,  &  fur-tout  pour  faire  face  à  pref^ 


d' Espagne,  185 

que  toute  l'Europe  ,  qu'on  eut  à  com- 
battre ou  à  la  fois ,  ou  féparément  i  on 
conftruifit  à  la  vérité  des  citadelles  pour 
tenir  en  bride  les  Royaumes  de  Naples 
&  de  Sicile  ,  le  Milanez ,  les  Pays-Bas , 
les  côtes  d'Afrique  ;  mais  à  qui  confier 
la  défenfe  de  ces  forterefles ,  fi  ce  n'étoit 
à  des  Efpagnols  qui  y  vieilliffoient ,  fans 
avoir  vu  rennemie  f  Cpendant  les  levées 
ëtoient  épuifées  par  toutes  ces  garni- 
rons ,  &  à  la  première  guerre  on  étoit 
forcé  d'avoir  recours  à  des  troupes  étran- 
gères parmi  lefquelles  on  faifoit  combat- 
tre huit  ou  dix  mille  Efpagnols  ;  encore 
étoit-ce  un  effort,  quand  on  en  réuniflfoit 
autant  dans  la  même  armée  ;  mais  quel 
danger  ne  réfultoit-il  pas  de  cette  quan- 
tité de  troupes  mercenaires  dont  le  nom- 
bre excédoit  celui  des  Nationales  ;  loin 
que  les  Soldats  Efpagnols  pufTent  les 
contenir,  leur  fidélité  étoit  quelquefois 
altérée  par  leur  commerce  ;  fouvent  ils 
fe  révoltoient  de  concert ,  &  ravagoient 
enfemble  les  Pays  commis  à  leur  défenfe. 
Qu'on  life  l'HifloireMe  la  Guerre  des 
Pays-Bas ,  on  verra  qu'il  n'y  eut  prefque 
point  d'année  qu'il  ne  s'élevât  quelque 
fédition  j  mais  les  Rois  ne  durent  fe 


iS4  Histoire 

prendre  qu  a  cux-mécnes  de  Telprit  de  fé- 
dirion  &  de  révolte  qui  s'entretint  long- 
tems  dans  leurs  armées  ;  que  ne  payoient- 
ils  régulièrement  la  folde  modique  avec 
laquelle  ils  achetoient  le  fang  de  leurs 
Sujets  &  des  Etrangers  ?  Ils  ne  le  pou- 
voiert  pas  ;  non  le  maître  du  Pérou  &  du 
Aîexique ,  &:  iong-tems  celui  des  Ifles 
qui  produifent  les  épiceries  ,  fource  plus 
intariflable  de  tréfors  que  les  mines  de 
l'Amérique  ,  ne  fe  trouva  pas  affez  riche 
pour  payer  fes  troupes.  D'où  venoit  cet- 
te indigînce  f  De  la  trop  vafte  étendue 
de  fes  Etats.  Tout  ce  qu'il  pofledoit  en 
Europe  ,  loin  de  lui  produire  ,  lui  coû-~ 
toit  infiniment.  Les  tréfors  de  l'Amé- 
rique étoient  dîfperfés ,  engloutis  pour 
leur  confervation  ;  avec  un  Empire  dix 
fois  moins  vafte  &  dénué  de  la  reflburce 
des  mines  de  l'Amérique  ,  Philippe  II. 
auroit-il  conçu  le  chimérique  &  ruineux 
projet  de  tout  envahir  ;  les  fucceffeurs 
auroient*ils  négligé  l'ordre  ,  l'œcono- 
mie  9  la  fcience  épineufe  des  finances  qui 
leur  manquèrent  tout  à- fait,  ainfi  qu'à 
leurs  MiniftresfSe  feroient-  ils  laiffés  dévo- 
rer par  une  multitude  prodigieufe  d  Of- 
ficiers qui  abforboient  par  leurs  appoia- 


d'Espagne,  iSy 


temens  &  leurs  brigandages  le  plus  li- 
quide de  leurs  revenus  ?  Auroient  -  ils 
abandonné  leurs  droits  aliénés  à  vil  prix^ 
&  leurs  domaines  envahis  à  force  ouverte 
par  des  ufurpateursf  Auroient-ils  fait  con- 
îîfter  une  vaine  grandeur  à  ne  refufer  au- 
cun de  ceux  qui  leur  demandoient  des 
grâces  &  des  penfions ,  fans  d'autre  titre 
aux  bienfaits  du  Prince  que  leur  inutilité 
&  leur  audace  f  Auroient-ils  diflipé  des 
tréfors  imme'nfes  pour  acheter  par-tout 
des  traîtres  &  des  efpîons  ?  Se  feroient-ils 
privés  par  un  feul  trait  de  plume  d'un 
million  de  Sujets  dont  ils  tiroient  des  fer- 
vicés  utiles  &  de  grands  tributs  ?  Enfin  , 
auroient-ils  porté  fur  l'agriculture  ,  le 
commerce  &  les  arts,  l'aveugle  négligen- 
ce que  nous  fommes  en  droit  de  leur  re- 
procher ? 

Qu'arrîvoit-il  encore  de  la  trop  vafte 
étendue  de  la  Monarchie  f  Une  lenteur 
funefte  dans  toutes  les  opérations ,  caufe 
du  dépérîflement  de  toutes  les  affaires. 
Qu'on  ne  dife  point  que  cette  lenteur 
a  voit  fa  fource  dans  le  caraélere  de  la 
Nation.  On  ne  trouve  aucune  trace  de 
ce  défaut ,  &  de  bien  d'autres  chez  les 
Efpagnols ,  avant  l'accroiffement  de  leur 


i86  Histoire 

Empire  il  &IIcir  bien  pour  ne  pas  être 
trempés  nue  les  E  ois3*alircîgT:iîî'ent  àaa- 
^qu'àviCL^icircGnfpecricr.jdestornia- 
fitts  ,  d::sprccai;ricrs  &  u^e  multirudedc 
Conieils  qji  ce  les  emptchersnc  pas  d'ê- 
tre rrompés  ,  mais  qui  les  empécterent 
de  rien  cxptdier.  La  Nadon  s'accoam- 
ma  à  la  conduite  de  h  Cour ,  &  les  Ci- 
toyens irirent  dans  toutes  leurs  aftions 
autant  de  fiegme ,  de  grsviré  &  de  len- 
teur, q-je  les  Minifîres.  Bien:ct  même  k 
lenteur  fit  toute  la  pclitique  des  Rois^ 
des  Grands  3c  des  Partic-liers.  Un  autre 
dttudZ  non  mcins  f-ineile ,  fur  h  véné- 
ration fùperftirieufe  &  fanatique  des  Ef- 
pagncls  pour  le  ficcIe  de  leurs  conquê- 
tes ;  on  crut  ne  pouvoir  jâir^ais  faillir  en 
foivant  les  maximes  adoptées  par  Fer- 
dinand V  ,  Charles-Quîrt ,  &  Philippe 
n.  On  parla  toujours  f-r  le  ton  de  fier- 
té &  de  grandeur  qu'avcient  pris  ces 
Princes  ,  ton  autorifé  par  leurs  forces , 
leur  génie ,  la  population ,  la  profpérité  ; 
on  ne  voulcît  pas  voir  qu'on  eût  perdu 
les  avantages  qui  les  avoient  enflés  d'une 
jufte  fîené  ;  en  ne  fentoit  pas  que  TEfpa- 
f:ne  depuis  Philippe  IL  n'étoit  que  le 
fquelette  6c  les  oiiemens  du  corps  ro- 


d'Espagne*  187 


buftè  dont  il  avoit  eu  la  conduite  ;  mais  la 
vénération  qu'on  avoit  pour  le  fiécle  de 
Charles-Quint,  ne  fe  bornoit  pas  à  fuivre 
les  maximes  de  fa  politique  j  elle  s'éten- 
doit  jufques  fur  les  ufages ,  les  habits ,  le 
langage. 

Le  règne  de  ce  grand  homme  eft 
le  plus  long  dont  il  loit  mention  dans 
les  Annales  de  l'Europe,  puifqu'il  ne 
régna  pas  feulement  fur  fes  contempo- 
rains ,  mais  encore  près  de  deux  fié- 
cles  après  fur  leur  poftérité  ;  l'exemple 
des  Nations  voifines  qui  à  des  ufages  inu- 
tiles 5  gênans ,  dangereux  en  faifoient  fuc- 
céder  chaque  jour  de  plus  conformes  à 
la  nature  ,  &  de  plus  utiles  à  la  Républi- 
ue ,  ne  faifoit  aucune  impreflîon  fur  un 
euple  qui  mit  long-tems  fon  orgueil  à 
méprifer  fes  voifins. 

Qu'il  me  foit  encore  permis  de  repro- 
cher aux  Efpagnols  de  ce  fiécle  l'excès  de 
négligence  où  ils  portèrent  l'éducation 
de  leurs  enfans  ,  négligence  fatale ,  fuite 
des  défauts  contrariés  par  les  apparences 
d'une  faufle  profpérité  :  on  ne  fçauroit 
exprimer  combien  elle  nuîfit  à  la  gloire 
de  la  Nation  ,  à  l'éclat  de  l'Empire.  J'ofe 
dire  qu'elle  fut  une  des  principales  four- 


î 


m-  ^ 


188  Histoire 


ite^M 


ces  de  fa  décadence  3  après  avoir  donné 
aux  enfans  uné'icgere  teinture  des  fcien- 
ces  qu'on  apprend  dans  les  Collèges, 
on  les  abandonnoit  à  leur  foiàTâgede 
quinze  ou  feize  ans  :  leur  premier  foin 
etoit  d'entretenir  un  commerce  fcanda- 
leux  avec  des  courtifanes  ,  appellées 
Amancebadas;  le  corps  &  l'efprît  fe  ref-  . 
fentoient  bientôt  de  ces  liaîfons  infâ- 
mes, l'un  étoit  fans  vigueur ,  &  l'autre 
fans  lumières  j  devenus  vieillards  à  vingt- 
cinq  ans,  quelle  poftérité  pouvoit-on 
attendre  de  pareils  Citoyens  ?  Ne  feroit- 
on  pas  en  droit  d'imputer  aux  Eipagnols 
accoutumés  au  libertinage ,  &  a  entre- 
tenir ,  quoique  mariés ,  des  maîtreifes 
la  ftérilité  fi  reprochée  à  leurs  femmes  % 
car  enfin  leurs  fécondité  étoit  égale  à 
celle  des  autres  Européennes ,  avant  que 
l'or  eût  corrompu  les  mœurs  :  on  fçait 
qu'il  y  avoit  près  de  vingt  millions  d'â- 
mes dans  la  Peninfule  ,  du  tems  de  Fer- 
dinand ,  &  plus  de  jooooooo  fous  Ju- 
les Céfar  ;  ce  grand  nombre  de  Citoyens 
étoit  réduit  à  environ  huit  millions  à  la 
mort  de  Charles  IL  Quoi  qu'il  en  foit , 
c'étoit  parmi  ces  hommes  ignorans  , 
inappliqués ,  oififs ,  qu'on  choifilfoit  les 


^  D*  E  S  P  A  G  N  E.  I  8p 

Vice -Rois  ,  les  Gouverneurs,  les  Ma- 
giftrats  ,  les  Généraux  j  c'étoit  du  fein 
du  vice  &  de  la  débauche  qu'ils  al- 
loient  donner  des  Loix  dans  toutes  les 
parties  de  TUnivers  ;  ^ue  pouvoient 
attendre  de  pareils  Miniftres ,  les  Peu- 
ples condamnés  à  leur  obéir.  Quel  amour 
pour  le  bien  public  ,  quelles  vues  utiles 
&  réfléchies  ,  quels  projets  favorables 
aux  intérêts  de  Thumanité  f  Une  gravité 
impofante ,  un  orgueil  profond ,  de  l'ef- 
prit  ,  de  la  pénétration ,  fi  l'on  veut , 
pouvoient-lls  fuppléer  à  l'ignorance  des 
Loix  &  des  Coutumes  de  la  Nation  qu'ils 
gouvernoient  ;  aux  lumières ,  à  l'expé- 
rience ,  &  fur-tout  à  ce  tendre  amour 
pour  les  hommes  gui  devroit  caraélé- 
rifer  ceux  qui  ofent  le  charger  de  les  con- 
duire ?  Mais  la  plupart  des  Vice-Rois , 
des  Gouverneurs  &  des  Généraux  Efpa- 
gnols  ne  s'inquiétoient  guères  des  ta- 
lens ,  pourvu  qu'ils  obtinffent  les  digni- 
tés i  leurs  unique  but  étoit  de  s'enri- 
chir avec  excès  pour  venir  enfuite  diflî- 
per  à  Madrid  dans  le  (ein  de  la  volupté  le 
fruit  des  travaux  des  Peuples.  Que  réful- 
toit-il  d'une  telle  conduite  f  des  fédi- 


it,r  K  I  s  r  o  IRE 

c::---î  i:frr.îlles  ,  des  ccûirlors,  des  ré- 
vj.Tis  •  i;s  c^îiipîriiicrLSj&quelciaefois 

ces  r'ivcLricns. 

\  c.u  Ics  prudpales  caufes  de  la  dë- 
ciCcnce  i'j.::  Empire,  que  les  Efpagnols 
avîc  b îi-c.^-r  ie  gtrie  ,  de  courage  ^ 
C2  ^izii-r  i  2.-::e  .  ie  feroieté  &  de  pa- 
tier.ce  iir.s  U  ir-erre.  ne  purent  confer- 
ver  iir.s  ion  tcLi:  ;  il  ê:ck  tems  qu'un 
BcLLrbon  vint  lui  rendre  Ion  ancienne 
répuiatiori ,  Se  rtveiller  le  fommeil  lérhar- 
glq-e  de  la  Narîon.  On  ne  comptoir  de- 
puis la  piix  des  Pyrénées  TEipagne  au 
noâibre  des  Puiflances  de  TEurope  que 
par  habitude  ;  à  la  mort  de  Charles  II. 
les  Por:s  renfermoient  à  peine  dix  ou 
douze  vailTeaux  délabrés ,  les  Places  for- 
tes érolent  ruinées  de  vétufté  ,  trente 
mille  Soldats  fans  difcipline  &  fans  ému- 
lation compofoient  toutes  les  armées  9 
les  Loix  étoient  fans  vigueur ,  les  Peu- 
ples fans  arts  &  fans  induftrie ,  les  Minif- 
tres  fans  lumières  ,  la  puilTance  ,  Tauto* 
rite  ,  la  confidcration  étoient  entre  les 
mains  des  Inquifiteurs,  des  Moines  &  de 
quelques  Cameriftes.  Madrid  étoit  deve- 
nu Tafyle  des  Affaflîns  ,  des  Voleurs  , 


d'Es  P  AG  N  E.  15)1 

des  Empoifonneurs  ,  en  un  mot ,  de  tous 
les  fcelérats  qu'on  y  laiffoit  vivre  en 
paix  ,  pourvu  qu'ils  n'euffent  pas  de 
biens,  La  défunion  des  Grands,  leurs  que- 
relles particulières ,  la  haine  des  Provin- 
ces les  unes  contre  les  autres  ,  les  foup- 
çons ,  les  inquiétudes ,  la  crainte  de  l'a- 
venir j  funeftes  avant-coureurs  des  guer- 
res civiles  &  étrangères  qui  alloient  fon- 
dre fur  l'Efpagne  ,  la  ravager  &  la  dé- 
membrer ,  voilà  le  tableau  qu'offre  l'EC» 
pagne  au  aipment  qu'elle  paiTa  fous  la 
domination  de  Philippe  V. 

Qu'à  ce  tableau  on  fubftitue  celui 
qu'elle  offre  aujourd'hui  fous  le  fage  Roî 
qui  la  gouverne  :  on  verra  quels  biens 
immenfes  a  apporté  le  changement  de 
domination ,  la  valeur,  la  grandeur  d'ar 
me  y  la  fcience  de  la  guerre  &  de  la  Ma^ 
rine,  La  patience ,  la  prudence  ,  l'éléva-  - 
tion ,  vertus  naturelles  à  la  Nation ,  af^ 
foupies  pendant  un  fîécle  ont'  été  réveil- 
lées ,  &  ont  répandu  en  Europe  &  en 
Amérique  un  éclat  aufli  lumineux  que 
fous  Charles- Quint.  On  a  gagné  avec  les 
Bourbons  des  mœurs  plus  douces ,  l'a-^ 
oiour  des  fciences ,  la  politeffe ,  la  con-^ 


I>2  Hl  s  TO  I  B  £ 

DciiVrce  ij  commerce,  des  finances  & 
des  arrs .  une  faine  politique ,  une  admi- 
niilri:::^^  admirable  5  une  émubtîon  in- 
ccnruc  auparavant  ^  les  Peuples ,  réunis 
fous  une  autorité  chère  &refpeaable, 
n'oj:p>rfen:  plus  à  la  Cour  des  privilèges 
£sT:t{i^s  .  &  le  difputcnt  aux  Caftillans 
en  zt!e  &  en  fidélité  ;  enfin ,  la  Monar- 
chie mcir.s  étendue  ,  mais  plus  riche  » 
plus  peuplée ,  affujenie  aux  mêmes  loix, 
ed  redevenue  une  des  premières  Puif-. 
lances  de  l'Europe.  ^ 


De 


d'Espagne,  15^3 


De  HEtat  des  Sciences  .  des  Lettres 
^  des  Arts  en  Efpagne  y  fous  le 
Gouvernement  des  Kx)is  Autri-' 
c/iiens, 

L'Espagne  ,  avant  le  règne  de  Ferdi- 
nand &  d'Ifabelle ,  languifToit  com- 
me le  refte  de  l'Europe  dans  les  ténèbres  ' 
tlé  l'ignorance  ôc  de  la  barbarie  ;  oh  ne 
connoiiToit  dans  ces  Régions  fertiles  en 
•guerriers  ,  en  politiques  &  en  génies  éle- 
vés ,  ni  Artiftes ,  ni  Sçavans,  ni  Philofo- 
phes  ;  car  ce  feroit  abufer  des  termes  que 
de  prodiguer  ce  dernier  nom  à  une  foule 
de  Moines  &  d'Eccléfiaftiques  remplis 
d'une  Philofophie  &   d'une  Théologie 
plus  vaines  &  plus  obfcures  encore  que 
celles  qu'on  enfeignoit  dans  les  autres 
Uniyerfités  j  toutes  les  connoiflances  fe 
réduifoient  à  la  fcience  de  la  guerre  telle 
qu'on  la  pratiquoit  alors  ,  aux  exercices 
qui  y  ont  rapport ,  à  une  galanterie  Ro- 
manefque  &  à  la  philofophie  de  l'Ecole  ; 
la  partie  de  l'Efpagne  foumife  aux  Ara- 
bes avoit  pourtant  été  éclairée  par  les 
Averroès,  les  Avicennes  &  d'autres  per- 
Tme  r.  I 


15>4  HisqroiRE 

fonnages  illuftres^'nîais  les  précieufes  fe- 
mences  de  goût ,  d'humanité  ,  de  poli- 
tdFe  &  de  philofophie  qu'ils  s'étoient  ef- 
forcés de  faire  naître  dans  ces  t:limats  fa- 
vorii2s  des  Cieux  avoîcnt  péri ,  comme 
nous  l'avons  dit  ailleurs,  prefqu'en  naif- 
fant.  Les  Seéles  intolérables  des  nou- 
veaux  Conquérans  fortis  de  l'Afrique 
avaient  fait  fuccéder  la  barbarie  à  l'hu- 
manité «  l'ignorahce  aux  connoîiTances  : 
les  vrais  Arabes  n'étoient  plus  ;  en  adop* 
tant  les -mœurs ,  les  coutMi^s,  les  exer- 
xice«  4  les  jeux ,  les  ufages ,  la  galanterie 
£c  une  partie  de  la  Langue  des  Arabes  5 
les  Efpagtiols  ne  fçurent  jamais  profiter 
de  leur  philofopbie  &c  de  leurs  lumières. 
L'Italie ,  riche  des  dépouilles  de  Conf- 
tantinople ,  éclairée  par  pes  illuftres  fu- 
gitifs échappés  à  la  fureur  des  Turcs  , 
joukTôît  de  la  fupériorité  que  donne  la 
paffeiTion  des  fciences  &  desarts,  quand 
l'Efpagn^  gémiflbit  dans  Toppreflion ,  les 
guerres  cîvUes ,  &  la  fervitudc  des  Grands 
kHis  les  foibles  règnes  de  Jean  IL  & 
d'Henri  IV.  ;  la  partie  de  TEfpagne  la 
plus  éclairée  &  la  plus  polie  ,  étoit  le 
Royaume  de  Grenade  dont  les  Peuples 
conferverent  jufqu'à  h  ruine  de  leur  Em- 


s 


d'Espagne,  15^7 

pire  les  arts  utiles ,  le  commerce  ,  Ta- 
gricukure  ,  la  galanterie  &  une  certaî* 
ne  douceur  de  mœurs ,  fruitde  la  prof* 
périté  &  des  lumières, 

Ferdinand  &  Ifabelle  parurent  enfin  fur 
la  fcene ,  &  de  la  même  main  dont  ils  ré« 
tabliffoient  l'autorité  Royale,  humilioient 
les  Grands ,  détruifoient  la  domination 
Mufulmane ,  &  conquéroient  de  nou- 
veaux  &  immenfes  Royaumes  ;  ils  répan* 
dirent  les  grâces  &c  les  bienfaits  fur  ceux 
qui  s'appliquo\ent  aux  fciences  &  aux 
arts  ;  il  étoit  de  la  deftinée  de  TEfpagne 
de  devoir  à  ces  Princes  immortels  fes 
Loix ,  fa  gloire^  fon  Empire  &  les  fcien- 
ces ;  le  fameux  Ximenès  doit  partager  la 
gloire  de  Ferdinand  ^  d'Ifabelle.  Il  con- 
tribua autant  qu'eux  à  exciter  Témula* 
tion  ,  &  à  faire  naître  cette  foule  de 
Grands  Jurifconfultes  ,  de  profonds 
Théologiens  ,  d'excellens  Humanii^es 
qui  ont  rendu  ce  règne  célèbre  ;  Ferdi- 
nand &  Ifabelle  réuflirent  autant  que  les 
Fondateurs  de  Tlnquifition  pouvoient 
l'efpérer  j  ils  ne  s'attendoient  pas  fans 
doute  que  ce  Tribunal  terrible  inftitué 
dans  les  vues  d'arrêter  les  progrès  du 
Jud^ïfmç  &  du  Mahométifmp  j  dût  nuire 


*— ^^»—^— ■■■>■■■■-■■■■.  I  !..         ■!  a  .         iji    ■     I  nww 

15)0  Histoire 

aux  progrès  de  refprit  humain ,  à  la  véri* 

•  table  phjlofophie,  &  par  conféquent  à  l'é* 
clat  d'un  Empire  leur  ouvrage  &  leur  ido- 
le j  quels  progrès  lesEfpagnols  n'çuflènt- 
ils  point  faits  dans  la  philofophie  &  les 

•  f ciences  qui  en  dérivent ,  avec  la  péné- 
tration pr©digieufe  ,  la  vivacité ,  le  juge- 
ment folide ,  &  la  vafte  mémoire  qu  ils 
pnt  reçus  du  Ciel  en  partage  ! 

Seroit-ce  à  llnquimion  qu^il  faudroit 
attribuer  la  négligence  avec  laquelle  on 
a  cultivé  en  Efpagne  la  peinture,Ja  fculp- 
ture ,  l'architeélure  &  les  arts  agréables 
qui  naifTent  dans  le  fein  de  l'abondance 
êc  de  la  profpérité  ;  ou  bien  la  Naâon 
animée  feulement  de  la  gloire  des  armes 
&  de  la  politique  méprifa  t-elle  ce  qui  a 
fait  la  gloire  a  Athènes  plus  que  la  po- 
litique &  les  armes.  Je  crois  que  ce  n*a 
été  ni  rinquifition  ,  ni  le' mépris  de  la 
Nation  qui  fut  caufe  que  PEfpagne  n'a 
pas  compté  autant  de  Peintres ,  dé  Sculp- 
teurs ,  a'Architeéles  que  d'Hiftoriens, 
de  Légiftes  ,  de  Théologiens  Moraux  9 
de  Poètes  &  de  Politiques  ;  mais  Charles- 
Quint  ,  ce  Prince  occupé  du  projet  de  la 
Monarchie  univerfelle  »  chercha  toujours 
à  tOur;^er  le  ^énk  des  £fpa^o)s  du  ç^xi 


d'Espagne.  i^j 

des  conquêtes  &  des  négociations  ;  ce 
n'eft  pas  qu'il  n'eût  du  goût  pour  les  ta- 
lens  i apprenez. ,  dit-ii  un  jour  au  Marquis 
d'Aftorgue  qui  lui  reprochoit  les  égards 
qu'il  avoit  pour  les  Sçavans ,  les  Artiftes 
&  les  négocians,  Apprêtiez,  que  la  No* 
hlejfe  me  depomlle ,  que  le  commerce  m^en* 
7'îchit ,  &  que  la  littérature  &  les  arts 
m'inftruifent  &  m^  immort  ait fent^  Je  peux  ^ 
dit-il, une  autre  foisià  fes  courtifans  con- 
fondus dé  la  façon  diftinguée  avec  laquel- 
le il  recevoir  THiftorien  Guichardin ,  je 
pettx  en  une  heure  faire  cent  Seigneurs  com^ 
me  vous  y  &  en  vingt  ans  je  ne  pourrais 
faire  un  Hiftorien  comme  lui.  On  fçait 
qu'il  raraaffa  lui-même  le  pinceau  de  Ti- 
tien 3  &  qu'il  alla  lui  rendre  vifite  plu- 
fîeurs  fois  ;  mais  par  une  fmguiarité  qu'on 
auroit  eu  peine  à  comprendre ,  fi  nous 
n'avions  expliqué  ce  qui  le  retenoit  à 
l'égard  des  Espagnols  ,  il  ne  prodi- 
gua fes  bienfaits  &  fes  grâces  qu'aux 
Sçavans ,  aux  Littérateur^  &  aux  Artif- 
tes  Italiens;  il  faut  avouer  que. PItalie' 
étoit  alors ,  par  rapport  à  l'Efpagne ,  ce 
que  TaKienne  Grèce  fut  par  rapport  à  la 
Thrace. 
Cependant ,  malgré  fon  indifFérence 

I  iij 


lp8  HlSfOIRE 

politique ,  fon  règne  (iit  le  berceau  de  la 
Littérature  &  de  la  Poéfîe  Efpagnole. 
"^  On  fçair  quels  progrès  rapides  font  les 
arts  pour  peu  qu'ils  foient  encouragés  ; 
fans  doute  que  TEfpagne  auroit  bientôt 
difputé  la  palme  du  bel  efprit  à  lltalie , 
û  encore  une  fois  Charles  -  Quint  eût 
tourné  les  vues  de  fa  nation  de  ce  côté- 
là  ;  cependant  le  beau  fiécle  de  P£Q)a- 
gne ,  le  iîécle  fécond  en  beaux  gémes  9 
on  le  compte  depuis  la  fin  de  fon  îCgpe 
jufqu'au  milieu  de  celui  de  Philippe  IV. 
C'étoit  à  Philippe  II.  avide  de  pinffim- 
ce  &  de  gloire  qu'étoitdue  celle  de  voir 
fa  Patrie  plus  éclairée  :  on  lui  doit  la  juf- 
tîce  d'avoir  favorifé  de  tout  fon  pouvoir 
les  fciences ,  les  lettres  &  les  ans  ;  c*eft 
fous  lui  &  fous  fon  fils  que  TEfpagne 
compta  le  peu  d'excellens  Artiftes  Q"  el- 
le a  fournis  ;  c'eft  le  fiécle  de  fes  meilleurs 
IBfloriens,  de  les  plus  profonds  Léàf- 
tes ,  de  fes  plus  célèbres  Ecrivains  Alce- 
tiques  y  de  fes  Théologiens  ^  de  fes  plus 
fameux  Poètes ,  d'une  infinité  d'Auteurs 
de  petits  Romans  ,  appelles  nouvelles  , 
genre  dans  lequel  lesElpagnols  fui^affent 
toutes  les  autres  Nations  ;  enfin ,  tous  les 
plus  grands  hommes  de  l'Efpagne  dans  la 


d'  E  s  P  A  G  N  E.  içp 


Guerre ,  la  Marine ,  la  Politique  ^  partir 
rent  en  même*tems  que  fes  écrivams  :  la 
gloire  de  la  Nation  fe  foutiht  j^tfqu'i 
Philippe  IV.  qui  rempli  de  goût  pour  la 
Poéfie  y  coitf  ut  lui-même  la  carrière  des 
beaux  eiprits  ^  &  donna  ta  Tragédie  du 
Comte  d'EiTex.  Sous  lui  le  Peuple  coa- 
roit  en  foule  aux  fpeâaclesdes  Caroufelv 
des  jeux  de  canne  ,  des  combats  de  tau* 
reaux  :  mais  la  Cour ,  &  tout  ce  qui  wtA 
pas  Peuple  jouiiTcÂent  à  l'exemple  du  Rei 
du  plaior  vif  &  délicat  de  voir  les  pièces 
{ay  des  Lopès  de  Vega  f  des  Calderoos  » 
des  Goberas  &  des  Miquels  de  Cev* 
vantes. 

Mais  à  fa  mort  les  Mufes  E^gnoks 
devmrent  muettes  i  on  ceiTa  d^écrire ,  ou 
on  s'écarta  de  la  route  qu'avoient  tracé 
les  bofis  écrivains;  il  femble  que  l'Efpagœ 
eût  cédé  à  la  France ,  fa  rivale  »  tous  tes 
genres  de  gloire  ;  les  commencemens  du 
règne  de  Philippe  V.  fignalés  par  les  com- 

(a)  En  rendant  juitice  à  l'imagination  brit^ 
lante  9  à  la  fécondité  >  à  la  force ,  au  géoie  de 
ces  Poètes  Efpagnols ,  on  ne  prétend  pas  excu* 
ftr  leurs  enflures ,  leurs  hyperboles,  leur  mépris 
pour  le  vrai ,  pour  le  naturel  &  pour  les  règles 
de  la  Dramatique. 

liv 


2CC  HiîTcimi 

res  nercieTTT  pas  i^Tccsiauss  à]£  rotzi&c- 
cc  des  rcrrrrca-  £a  fanes  j  âcsansSc 
da  Gcnxmerc?  ^zas  éfs  qss  la  pm  ciX^ 
trecBcesr  La^  2  ce  Pnooc  b  pu£Iue 
[Cil  d'm  ccrâoc  achctf  par  uzct 
rrzTznx  .  de  d^^gers  &  de  £^y  &a 
pKmîer  €zlii  hz^i.  Texscpk:  ée  loa  ka- 
■Krrei  areol  Locis  XIV.  c'ciLmo  les 
Sajets  en  icfikaact  diflereuas  Aode- 
BÎeSx  &  en  récompeniâot  ks  taJcHS  & 
le  œérke  ;  Ibn  fils^  le  bîeii£ûfàiic FciA- 
und  VI«  joaic  aajoorâliGÎ  de  la  dbiie 
d'aâènnir  les  établîflêmens  da  Roiioiipe- 
re ,  de  les  étendxe ,  Se  d'excîterk  génie& 
Tiâivité  de  fes  Sujets  ;  lesEfpagnoboot 
cefle  d'avoir  pour  les  produâioBs  de  leiin 
Toifîns  j  un  mépris  qui  fut  la  caofe  de  Vir 
gnorance  &  du  peu  de  goût  qu'on  1  re- 
proché en  général  à  leursEcrivainsùIs  iça- 
vent  aujourd'hui  s'enrichir  des  dépouil- 
les littéraires  des  François ,  des  Anglais 
&  des  Italiens  en  traduifant  les  chefs- 
d'œuvres  qu'ont  produit  les  plus  grands 
génies  de  ces  Peuples  éclairés  ;  peut-être 
qu'un  jour  la  Nation  refpeâable  dont  je 
parle ,  effacera  dans  tous  les  genres  la 
gloire  de  celles  auxquelles  elle  ne  ce- 


■■■■•1 


d'E  s  P  A  GNE.  201 

de  ni  en  valeur ,  ni  en  génie  ,  &  qu'el- 
le furpafle  peut-être  en  probité  ,  en 
grandeur  d'ame ,  en  confiance ,  en  amour 
pour  fes  Souverains  >  &  en  d'autres  ver- 
tus. 


■ 


PHILIPPE    V.  fHrmmmi  U 

Courageux. 

TElle  étoit  la  fituarion  de  TEa-  17CO, 
rope ,  lorfque  la  Monarchie  d'Ef- 
{)agne  paifa  dans  la  Maifon  de  Bourbon  ; 
'Empereur  JouifToit  d'une  puiflance  fu- 
périeure  à  celle  de  fes  Ancêtres  ;  il*avoit  * 
reculé  les  bornes  de  fes  Etats ,  humilié 
les  Turcs ,  &  affujetti  les  Hongrois  :  plus 
de  cent  mille  hommes  accoutumés  à  vain- 
cre, &  d'excellens  Généraux  étoient  raf» 
femblés  fous  fes  Aigles  ;  il  pouvoît  efpé- 
rer  un  pareil  nombre  de  Soldats  de  la 
part  des  Elefteurs  &  des  Princes  de  l'Em- 
pire,  La  Maifon  de  Brandebourg,  en 
faveur  de  qui' il  venoit ,  à  l'exemple  des 
anciens  Céfars ,  d'ériger  par  un  diplôme 
la  Pruffe  en  Royaume ,  le  Duc  d'Hano- 
vre admis  par  fa  protedion  dans  le  Col- 

I  v 


202  Hl  S  TOI  R  E 

lége  des  Eleâeurs  ^  lui  promettoient  tou- 
tes leurs  forces  :  fes  tréiors  ne  répoD- 
doient  point  à  la  vérité  à  fes  années ,  mais 
il  comptoit  fur  ceux  des  Anglois  qui  ne 
voyoient  qu'en  frémiflânt  un  pedt-fils 
de  Louis  XIV.  maître  de  TEfpagne ,  de 
l'Amérique ,  de  Tltalie  &  des  rays-Bes  > 
&  les  François  fur  le  point  de  leur  enle- 
ver le  commerce  de  TUnivers.  Ce  Peu- 
ple guerrier  ,  politique  &  négociant  , 
lier  de  fon  commerce  qui  englouûflbit 
celui  de  la  Hollande ,  de  fes  richeflès 
immenfes ,  de  ùl  marine ,  de  fa  liber- 
té vraye  ou  imaginaire ,  excité  par  h 
rivalité ,  l'antipathie  ^  &  fîx  fiécles  de 
guerre^  oppofà  fes  armes  à  la  prospéri- 
té de  Louis  XIV.  moms  par  amitié  pour 
la  Maifon  d'Autriche ,  que  par  envie  con- 
tre les  François;  les  Hollandois  qui  depuis 
28  ans  n^avoient  prefque  ceifé  de  combat- 
tre Louis  XIV.  étoient  entraînés  dans  le 
parti  de  la  Maifon  d'Autriche  par  la  crain- 
te de  voir  les  Efpagnob  foutenus  des 
François  réclamer  un  jour  les  armes  à  la 
main  leurs  anciens  droits  fur  la  HoUan-* 
de  ;  mais  quand  ik  n'auroient  pas  eu  pour 
motifs  de  vaines  allarmes  j  auroient-ils 
pu  refufer  à  Guillaume  IL  regs^rdé  com* 


d'  E  s  P  A  G  N  E.  203 


»m 


me  le  Roi  de  la  Hollande  &  le  Stadhou- 
der  d'Angleterre  de  fe  joindre  à  lui  pour 
arrêter  la  fortune  de  la  France  &  de  l'EC- 
pagne  ;  l'ame  de  Guillaume  dans  un  corps 
ufé  ,  mal-fain  y  &  qui  chaque  jour  étoit 
menacé  d'une  prompte  deftruâion ,  con-v 
fcrvoît  la  vigueur ,  la  fierté,  la  profon- 
deur &  les  reffources  à  l'aide  defquelles 
il  avoit  embrafé  toute  l'Europe ,  &  arra* 
elle  trois  Couronnes  à  fon  beau-pere .;  il 
ne  refpiroit  que  vengeance  contre  Louis 
XIV.  qui  Tavoit  engagé  à  des  t)-aités  de 
partage  qui  venoieat  d'encouri^  la  cen- 
fure  du  Parlement  ;  la  politique  l'empê- 
cha de  fe  décbrer  aufli-tôt  que  rEmpe** 
{)ereur  y  mais  il  ne  diffêra  que  pour  avour 
e  tems  de  rafifembler  des  forces  &  des 
Alliés  capables  d'humilier  la  France  ,  de 
de  brifer  le  fceptre  de  Philippe  Y. 

Ultalie  étoit  partagée  d'intérêt  & 
d'aflfeaion;  le  Pape  Clément  XÏE.  (  Ai- 
bani),  la  République  de  Gènes  >le  Duc 
de  Mantoue  inclinoient  pour  les  Bour- 
bons ;  mais  Venife  ,  les  Diac  de  Savoye 
&  de  Modene  faifoient  des  vœux  pousi 
PEmpereiîr,  fans  ofer  fe  déclarer  pour 
lui.  Le  Duc  de  Savoye  même  déterminé 
par  la  crainte  &  par  l'intérêt  prélient ,  les 

I  V) 


204  Histoire 


deux  feuls  refforts  qui  foîit  mouvoir  la  po- 
litique dé  la  plupart  des  Potentats ,  entra 
dans  le  parti  de  la  Maifon  de  Bourbon  ; 
mais  dès  qu'il  eut  obtenu  le  mariage  de 
fa  féconde  fille  avec  le  Roi  d'Efpagne, 
il  s'en  fëpara  avec  éclat ,  &  fit  au  grand 
étonnement  de  toute  l'Europe  la  guerre 
à  fon  gendre  à  qui  il  n'avoit  été  guères 
moins  fatal  tant  qu'il  fut  fon  allié ,  que 
lorfqu'il  devint  fon  ennemi  ;  le  Roi  de 
Portugal  d'abord  Allié  des  Bourbons 

£ar  des  motifs  femblables  à  ceux  du 
)uc  de  Savoye ,  ceffa  de  Têtre  par  la 
même  politique  ,  &  introduifit  -dans  le 
fein  de  TEfpagne  le  fils  de  l'Empereur 
qui  lui  promit  de  la  partager  avec  lui. 

Les  Rois  du  Nord  dechiroient  àé]k . 
cette  partie  de  l'Europe  par  une  guerre . 
auffi  cruelle  &  auffi  funefie  que  celle  qui 
défola  bientôt  après  le  Midi  ;  l'Immor- 
tel Czar  Pierre  1.  voulant  ajouter  à  la 
gloire  de  Légiflateur  celle  de  Conqué- 
rant ,  s'étoit  ligué  avec  les  Rois  de  ro- 
logne  &  de  Dannemarck  pour  envahir  6c 
partager  entr'eux  une  partie  des  Etats 
du  Roi  de  Suéde ,  Charles  XII.  dont  ils 
méprifoient  la  jeuneife  ;  la  dlfcorde  non 
feulement  fecoua  fon  flambeau  dans  tou- 


•  d'  E  s  P  A  G  N  £•  20y 

te  TEurope  qu'elle  embrafa  du  Tage  au 
Volga  5  mais  elle  fouffla  l'efprit  de  fédi- 
tion ,  de  révblte  &  de  confpiration  en  Ef- 
pagne ,  en  France  &  en  Hongrie ,  &  les 
guerres  inteftines  fe  joignirent  aux  étran- 
gères j  s'il  faut,  pour  fuivre  Tufage ,  ap- 
peller  étrangères  des  guerres  qui  s'éle-* 
vent  dans  lefein  de  la  République  Chré- 
tienne, guerres  dans  lefquelles  on  voit 
les  Peuples  d'une  même  Religion,  d'une 
même  origine ,  ayant  les  mêmes  mœurs  i 
les  mêmes  loix  ,  le  même  gouverne- 
ment ,  conduits  par  des  chefs  qui  fe  trai- 
tent de  frères ,  marcher  les  uns  contre  les 
autres  ,  fe  déchirer  mutuellement ,  & 
porter  fouvent  aux  extrémités  de  l'Uni- 
vers leur  haine  &  leur  fureur ,  comme  fi 
l'Europe  n'étoit  pas  un  champ  aiTez  vafte 
pour  la  mort  &  la  deftrudtion. 

De  tous  les  Monarques  de  l'Europe ,' 
celui  leul  que  les  Chrétiens  auroient  pu 
attaquer  légitimement  afin  de  revendi- 
quer fur  lui  les  immenfes  ufurpations  ac- 
cumulées par  fes  ancêtres  ,  le  Grand  Sei- 
gneur ,  refta  tranquille  ;  il  falloir  que  les' 
vidoires  de  Léopold  l'euflfent  étrange-' 
ment  afFoibli ,  puifque  lui-même  ne  pro- 
fita pas  de  la  folie  des  Chrétiens  pour  re- 


2otf  Histoire  . 

conquérir  ce  qiLÎl  venoic  de  leur  céder 
par  le  traité  de  Carloviis. 

Un  Roi  de  (à  Reli^on  qui  n'étoit  ni  fi 
puiflant ,  ni  fi  ambitieux ,  Ifmaël ,  Empe- 
reur de  Maroc ,  heureux  politique ,  le 
plus  barbare  des  hommes ,  profita  mieux 
de  là  fureur  des  Européens ,  il  fe  joignit 
aux  ennemb  de  TEfpagne  »  &  lui  enleva 
Oran  :  s'il  eût  cédé  aux  infiances  des 
Anglois  qui  le  prêtèrent  d'envoyer 
i  l'Archiduc  une   armée  Mufiilmane  » 

Îuelle  eût  été  la  defiinée  de  l'ETpagne  f 
>es  Maures  égalem^t  ennemb  àçs  deux 
£artis  auroient  au  moins  renouvelle  ks 
orreurs  &  les  ravages  auxquels  cet- 
te contrée  a  été  fi  long-tems  en  proye 
de  la  part  de  leurs  Ancêtres  ;  peut- 
être  en  auroient -iis  arraché  quelques 
Provinces  >  mais  heureufement  que  le  ty« 
xan  de  Maroc  fe  contenta  d'entretenir 
les  efpérances  des  ennemis  del'Efpagne» 
en  leur  fournifTant  des  vivres  &  des  mu- 
nitions. 

Contre  ce  déluge  d'ennemir  déclarés 
ou  prêts  à  fe  dédarer  ,  PEfpagne  ne 
comptoit  d'Allié  que  Louis  X]V«  nais  il 
n'étoit  pas  (ans  vraifemblance  que  cet 
Allié  accoutumé  depuis  long-tems  à  bta^ 


D*  E  s  P  A  G  N  E.  207 

ver  toute  l'Europe ,  &  à  la  vaincre  , 
pût  encore  efpérer  la  vidoire  ;  il  avoit 
trois  cent  mille  hommes  fur  pied ,  il  com- 
mandoit  à  la  Nation  la  plus  fidelle  ^  la 
plus  foumife  y  la  plus  belliqueufe  &  la 
plus  riche  de  l'Europe  ;  fes  Sujets  ne  ref- 
piroient  que  fa  grandeur  ;  la  terreur 
de  fon  nom  contenoit  la  Savoye  ,  le 
Portugal ,  la  Hollande  &  l'Angleterre 
même  j  l'impétueux  Léopold  ofa  feul 
lui  faire  tête ,  mais  c'eft  qu'il  comptoir' 
fur  les  fecours  de  toute  l'Europe  ,  &  fur 
la  trahifon  de  la  plupart  des  Sujets  de 
Philippe  V.  Louis  XIV.  pénétrait  aufli 
bien  que  lui  les  deffeins  fecrets  des  prin- 
cipaux Peuples  de  l'Europe ,  il  aùroit  pu 
dès  lors  commencer  la  guerre  y  &  l'accs^- 
bler  ;  mais  devenu  auili  équitable  &  aufOi 
modéré  qu'on  l'avoir  accufé  de  l'avoir 
été  peu  au  milieu  de  fon  règne  ;  il  crai- 
gnoit  de  palTer  pour  l'infraâeur  de  la' 
paix ,  &  l'auteur  des  maux  qu*il  pré- 
voyoir  ;  il  donna  les  mains  à  une  négo- 
ciation qui  fut  précédée  de  la  reconnoii- 
fance  du  Duc  d'Anjou  »  en  qualité  de 
Roi  d'Efpagne ,  par  l'Angleterre  &  la 
Hollande.  Le  Pape  ,  les  Rois  de  Suéde , 
de  Dannemarck  ^  de  Pologne  ^  le  nou- 


^o8  Histoire 

veau  Roi  dePrufle,  celui  de  Portugal, 
Je  Duc  de  Savoye  ,  la  République  de 
Venife  ,  toute  l'Europe  enfin ,  excepté 
TEmpercur ,  avoient  donné  l'exemple. 

Cependant  Philippe  V.  accompagné 
des  Ducs  de  Bourgogne  &  de  Berri ,  fes 
frères ,  étoit  en  marche  pour  fe  rendre 
dans  fes  Etats ,  une  foule  prodigicufe 
d'Efpagnols ,  &  fur-tout  de  Caftillans  en- 
traînés par  les  fentimens  d'amour  &  de 
vénération  que  la  Nature  a  gravés  dans  le 
cœur  de  cette  Nation  pour  fes  Rois , 
étoit  accourue*en  France  pour  jouir  du 
plaifir  de  le  voir.  Ils  furent  témoins  des 
adieux  tendres  &  touchans  de  Louis 
XIV.  &  de  Philippe  V.  Ils  entendirent  les 
dernières  paroles  que  le  Roi  de  France 
adreffa  à  celui  d'Efpagnè  en  l'embraf^ 
fant  ;  //  ri^j  a  plus  de  Pjrhéts  ^  mon  fils  y 
ik  ces  paroles  arrachèrent  des  larmes  de 
joye  à  tous  les  fpeftateurs  :  dès-lors  les 
deux  Peuples  fe  regardèrent  comme  frè- 
res j  on  fe  rappelloit  de  part  &  d'au- 
tre avec  tranfport  les  tems  heureux  où 
la  France  &  la  Caftille  liées  par  l'allian-  . 
cela  plus  étroite ,  ne  côYifpîroient  qu'à 
leur  bonheur  mutuel  ;  on  béniflToit  le 
jeune  Roi  par  qui  ces  nœuds  (i  précieux:  ' 


»ÊÊÊ»i 


D*  E  S  P  A  G  N  E.  20p 


l«tari»*M«^ift 


étoient  refferrés  :  Philippe  rencontra  fur 
fa  route  le  Connétable  de  Caftille  qui 
lui  préfenta  les  hommages  de  la  Nation , 
&  qui  de-là  fe  rendit  à  Paris  en  qualité 
d'Ambafladeur  extraordinaire  pour  ex- 
primer à  Louis  XIV.  la  reconnoiffanc^p 
de  TEfpagne  fur  Taugufte  préfent  qu'il 
lui  avoit  Fait  en  lui  donnant  fon  petit- 
ffls  9  &  en  facrifîant  les  avantages  llipu- 
lés  pour  lui  dans  le  traité  de  partage  ;  . 
Paris  reçut  le  Connétable  avec  des  hon- 
neurs inouïs. 

Philippe  arrivé  fur  les  bords  de  la  Bi-  Ï70I 
daflba,  congédia  fagement  tous  les  Fran- 
çois qui  l'accompagnoient ,  excepté  le 
Duc  aHarcourt  qui  le  fuivif  en  qualité 
d'Ambafladeur  de  France,  &  entra  en 
Efpagne  le  vingt-deux  Janvier  ;  fon  pre-» 
mier  foin  fut  de  confirmer  la  Junte  ju(- 
qu'à  fon  arrivée  à  Madrid  ;  il  donna  or-?* 
are  en  même-tems  à  la  Reine  Douairière 
de  fe  retirer  à  Tolède  en  lui  confirmant 
fa  penfion  de  feize  cent  mille  livres  ;  le 
Grand  Inquifîteur ,  le  Confeffeur  du  feu 
Roi ,  &  le  Comte  d'Oropefa  s'étoient, 
trop  fignalés  contre  fes  intérêts  pour  ne  , 
pas  encourir  fa  difgrace  :  ils  furent  relé- 
gués en  diflPérens  endroits  j  pendant  qu'on 


ftio  Histoire 

Eréparok  tout  pour  fon  entrée  à  Madrid  » 
i  Koi  fe  retira  à  Baen  -  Retiro  d'où  il 
fe  rendit  le  quatorze  Avril  dans  la  Capi- 
tût  oîk  il  fut  reçu  en  triomphe  :  depuis 
pxufieurs  fiécles  on  n'avoit  vu  une  pa- 
leilie  affluence  de  Peuple  dans:  aucune 
Villcf  d*Efpagne  j  plus  de  fotxante  per- 
fonnes  furent  étounëes  dans  la  foule  ^  les 
Efpagnols  ne  pouvoient  le  la&r  de  vdir 
&  d'admirer  un  Roi  jeune ,  beau ,  bien- 
fait »  vigoureux  y  modéré  ,  bienfaifàm  » 
&  déjà  adoré  par  fa  piété  ,  fon  ^ppll* 
cation  ,  fes  largefles  &  fa  noble  attabi- 
lité  ;  il  ne  tarda  pas  à  récompenfer  laNa* 
tion  de  fes  vœux  &  de  fon  amour  en  tra*' 
vaillant  à  fon  bonheur  ;  il  réforma  avec 
le  fecours  du  Cardinal  Porto-Qurero , 
de  Dom  Manuel  Arias  ,  Préfident  du 
Confeil  de  Caftille  &  du  Duc  d'Har- 
courti  qui  feuls  compofoient  foaConfëil 
fecret,  une  infinité  d'abus.  Les  guerres  & 
les  malheurs  qui  les  fuivent ,  fufpendi* 
rent  dans  la  fuite  les  eflPets  de  fon  amour 
pour  les  Peuples ,  &  Pempécherent  de  les 
rendre  aufli  heureux  qu'ils  le  méritoient  ; 
mais  les  Peuples  ne  s'en  prirent  qu'aux 
cîrconftances  ;  ils  applaudirent  alors  à  la 
fupprefllon  des   offices  dépendans  des 


D'EsPAÔNEé  21 1 

Confeîls  de  THazienda  &  des  In^es^dont 
le  nombre  étoit,malgré  les  réformes ,  pro- 
digieux ;  on  ne  fut  pas  moins  fatisfait  de 
celle  de  toutes  les  charges  civiles  &  mili^ 
taires  dont  les  titulaires  étoient  fans  foric^ 
tion  ;  Fabus  des  charges  étoit  parvenu  à 
un  tel  excès  fous  les  derniers  Rois ,  qu^il 
eût  été  difficile  de  trouver  un  Citoyen 
qui  ne  fût  pourva  de  quelqu'une  j  il  eo-^ 
joignit  auffi  à  tous  les  poflefleurs  de  Corn.- 
manderies  d'Indiens  en  Amérique  >  d'y 
palTer  pour  en  avoir  foin  j  faute  de  quoi 
elles  feroient  réunies  à  la  Couronne  après 
leur  mort.  Mais  le  décret  que  Philippe 
donna  en  faveur  des  Ducs  &  Pairs  de 
France  ii  qui  il  accordoit  le  traitement 
de  Grands  y  en  conféquence  de  Tordon* 
nance  de  Louis  XI V.  qui  déféroit  aux 
Grands  d'Efpagne  les  mêmes  honneurs 
à  fa  Cour  qu  aux  Ducs  &  Pairs  >  blelTa» 
dit-on ,  la  nerté  des  Seigneurs  Efpagnoïs* 
Ces  arrangemens  furent  fuivis  de  plu« 
fieurs  autres  ;  on  confirma  à  l^Eleâeur 
de  Bavière  le  Gouvernement  général  des 
tays-Bas  ;  ce  Prince  le  méritoit  à  plus 
d'un  titre.  Il  venoît  de  figner  un  traité 
d'alliance  ofFenfive  &  défenfive  avec  les 
deux  Couronnes ,  dans  lequel  fon  frère , 


irfÉiMkMB 


mi  Hl  s  TO  IR  E 

TElefteur  de  Cologne ,  entra  ;  il  avoir 
rendu  l'impottant  fervice  d'introduire 
dans  toutes  les  Places  fortes  des  Pays- 
Bas  des  garnirons  Françoifes  ;  on  admira' 
à  cette  occafion  la  délicateflfe  de  Louis 
XIV,  qui  ne  voulut  pas  faire  arrêter  dix- 
huit  bataillons  HoUandois  à  qui  on  avoit 
confié  la  garde  de  ces  fortereiTes  à  la  paix 
de  Rifwick ,  quoiqu'il  fçût  que  là  Hol- 
lande étoit  fur  le  point  de  le  déclarer 
contre  lui  ;  le  Prince  de  Vaudemont  re* 
çut  par  rapport  au  Gouvernement  du 
Milanez  la  même  grâce  que  TEleôeur  de 
Bavière  ;  mais  la  Cour  ne  jugea  pas  à  " 

f)ropos  d'étendre  fes  faveurs  jufques  fur 
e  Prince  d'Armftad  qui  demandoit  avec 
ardeur  la  confirmation  delà  Vice-Royau- 
té de  Catalogne  ;  elle  fe  défioit  fans  rai- 
fon  de  ce  Prince  brave  &  adoré  des  Ca- 
talans ,  qui  en  partant  jura  tout  haut  fur 
le  Port  ae  Barcelone ,  qu'il  reviendroit 
bientôt  avec  un  autre  Roi, 

Cependant  Philippe  figna  »  de  concert 
avec  Ion  ayeul ,  un  traité  d'alliance  oflfen- 
fîve  &  défenfîve  avec  le  Roi  de  Portu- 
gal ,  le  Duc  de  Mantoue  &  le  Duc  de  Sa- 
voye  :  ce  dernier  Prince  n'y  avoit  donné 


d'Espagne,  213 

les  tnaios  cj^mq  pour  faire  fa  féconde  fille 
Reine  d'Elpagne  ;  le  mariage  ^e  la  Prin- 
ceffe  Marie-Louife-Gabrielle  de  Savoye 
avec  Philippe  fut  célébré  le  onze  Sep- 
tembre à  Turin  ;  de-là  elle  fe  rendit  à  Fi- 
guieres  en  Catalogne  oà  le  Roi  Tatten-r 
doit  :  cette  Princefle ,  jeune ,  belle  , 
douce,  pleine  d'efprit  Se  de  couragg^» 
régna  toujours  fur  le  cœur  dç  Ion  époux 
&  fur  celui  de  fes  Sujets  ;  l'Efpagne  ne 
lui  a  jamais  reproché  que  de  s'être  trop 
livrée  à  fa  Camerera  Mayor ,  la  Prinr 
ceife  des  Urfins ,  Fr^nçoife ,  &  de  Td- 
luftre  Maifon  de  la  Trémouille  ;  cette 
femme  née  avec  la  plus  belle  figure , 
de  grands  talens  &  une  v^fte  ambition , 
fut   açcufée    d'avoir   abufé   du   crédit 
#noui  qu'elle  eut  fur  l'efprit  du  Roi  &  de 
la  Reine. 

Le  Roi  ne  s'étoit  pas  rendu  en  Ca-- 
talogne  feulement  pour  fon  mariage  ; 
il  y  étoit  venu  donner  aux  Catalans  la 
fatisfa6tioQ  de  préfider  à  leurs  Etats  : 
on  lui  fit  préfent  d'un  don  mtv^ 
quatre  millions  &  demi  ;  le  Roi  coi 
&  augmenta  les  privilégç*  ^ 
ce  ;  il  combla  de  grâces^ 
|e^  Ciit^anç  5  msds  lob  qu 


*- 1 


^14  Histoire 

excita  iTent  la  reconnoi£[ânce  &  rattache- 
ment de  ce  Peuple  inquiet  ,  indocile  ^ 
impatient  du  joug ,  aviae  de  nouveautés 
&  de  (éditions,  ils  firent  un  efièt  tout  con- 
traire ;  les  Catalans  crurent  qu^  ne  les 
ménageoittant  qu'à  caufe  qu'Û  lestedou- 
toît«  Dès-lors  ils  ne  mirent  plus  de  hcr- 
nés  à  leurs  demandes  &  à  leurs  plaintes  ; 
bailleurs ,  c^étoit  affez  que  le  Roi  fiât 
cher  auxCaflillans  pour  qu'ils  eu&nt  de 
l'averiîon  pour  lui ,  tant  eft  grande  la 
liaine  &  l'antipathie  qui  ont  toujours  dl- 
TÎfé  ces  deux  Peuples  :  qu'on  le  doo- 
ne  bien  de  garde  de  croire  que  ce  bt 
par  attachement  pour  la  Mailon  d'Au- 
triche qu'ils  reçurent  à  genoux  l'Ârcid*- 
duc  ;  u  ce  Prince  eut  été  appelle  au 
throne  d'Efpagne ,  ils  auroient  foute^ 
avec  la  même  confiance  Ton  rival ,  &  as- 
roient  de  mcme  prodigué  pour  lui  leurs 
tréfors  &  leur  fang. 

L'efprit  de  fédition  qui  germent  déjà 
en  Catalogne ,  étrât  entretenu  par  les  jb^ 
trigues  fecrettes  de  quelaues  Grands  9  ^ 
fur- tout  de  l'Amirante  de  CafiiUe  ,  que 
raufiérité  du  Gouvernement  de  P0H9- 
Carrero  6c  d'Arias  révoltoit  moins  que  ^ 
l'epnui  Çc  la  douhur  de  n'avoir  mtcsM  ^ 


d'Espagne.  217 

part  à  la  faveur  ;  &  U  étoit  encouragé 
par  la  nouvelle  qu'on  reçut  d'une  ligue 
conclue  entre  l'Empereur ,  TAngleterrt 
&  la  Hollande. 

La  coflclufion  de  cette  ligue  avoit  été 
précipitée  en  conféquence  des  avis  fe- 
crets  que  l'Amirante  envoyoît  au  Duc 
Moles  ,  Ambaflàdeur  d*Efpagne  à  Vien* 
ne ,  &  traître  dans  Famé  comme  fon  cor- 
refpondant  ;  il  lui  avoit  fait  entendre  que 
iaCatalogne,domtous  les  Peuples  étoient 
mécontens ,  ne  refpiroit  que  la  révolte  ; 
ces  nouvelles  portées  de  Vienne  à  Lon- 
dres., firent  Tefièt  qu'on  avoit  prévu  ;  le 
parti  généreux  que  prit  Louis  XIV.  de 
reconnoîtrc  le  Prince  de  Galles  en  qua-^ 
lité  de  Roi  d' A  ngleterre  9  à  la  mort  de  Jac* 
ques  IL  fon  père  ,  contribua  aufli  à  U 
ligue  ;  les  Anglois  indignés  contre  Louis 
XIV.  qui  fembloit  leur  reprocher  d'à» 
voir  abjuré  leur  Roi  légitime ,  entrèrent 
dans  toutes  les  vues  de  Guillaume  per- 
fbnnellement  iirité  ,    &  prodiguèrent 
leurs  tréfbrs  &  leur  iàng  pour  une  quer 
relie  qui  leur  étoit  étrangère  :  peut-cître 
craignoient-ils  auffi  qu'en  la'mnt  Phi* 
lippe  V.  s'affermir  fur  le  thrône  d^Efpa- 
^ne,  il  nefe  joignît  un  jourâ^oviisXIV, 


2i6  Histoire 

pour  rétablir  les  Stuarts  dans  leur  héri* 
tage  ;  l'objet  principal  de  la  lioie  n'étoit 
alors  que  d'enlever  l'Italie  à  rhilippe  V. 
mais  la  profpérité  inouie  dont  les  armes 
des  Alliés  furent  accompagnées ,  les  fît 
changer  dans  la  fuite  de  vues:  ils  portèrent 
leurs  efforts  jufqu'à  précipiter  Philippe 
du  thrône ,  &c  jufqu'à  accabler  la  France , 
comme  fi  ce  n'eût  pas  été  forger  des  fers 
à  l'Europe  ,  que  de  rendre  la  Maifon 
d'Autriche  plus  puiffante  qu'elle  ne  l'a- 
voit  été  fous  Charles-Quint, 

Les  fuccès  de  l'Empereur  en  Italie  où 
il  avoit  envoyé  une  armée,  fans  déclarer 
la  guerre  ,  étonnèrent  l'Europe  ;  l'Ef» 
pagne  s'étoit  attendue  à  une  rupture  pro- 
chaine fur  la  réponfe  de  l'Empereur  au 
Duc  Moles  qui  lui  ayant  demandé  au  nom 
de  Philippe  l'invefliture  du  Milanez , .  re- 
çut pour  toute  réponfe  que  non-feulement 
le  Milanez,  mais  toute  la  Monarchie  lui 
appartenoit,  fur  les  bruits  fourds  que  les 
partifans  de  l'Empereur  femoient  eA  Efpa- 
•  gne ,  que  le  teflament  de  Charles  IL  avoit 
?té  fuppofé  ou  fuggéré  par  Porto-Carré^ 
ro ,  &  que  Charles  mourant  l'avoit  fîgnë 
fans  aucune  connoiffance  ;  on  a  vu  qu'il 
n'y  en  eut  jamais  dç  plus  authentiqué. 

Mm 


d'E  s  P  A  G  N  E.  2.x  J 

Mais  on  n'avoir  pas  prévu  les  iuccès 
du  Prince  Eugène  ;  ce  Général ,  l*un  des 
plus  grands  de  ce  fiécle,n'avoit  que  trente 
mille  hommes  >  il  eut  à  combattre  foi- 
xante  mille  François ,  Efpagnols  &  Ita- 
liens commandés  tout  à  la  fois  ^  ou  fuc- 
ceflivement  par  le  Duc  de  Savoye,  le 
Prince  de  Vaudemont ,  les  Maréchaux 
de  Catinat  &  de  Villeroi  ;  on  lui  laiflfa 
pafler  quatre  rivières ,  &  occuper  une 
grande  étendue  de  terrein ,  fans  le  com- 
battre ;  on  l'attaqua  enfuite  téméraire- 
ment à  Carpi  &  à  Chiari  où  l'on  fut  bat- 
tu ;  la  fcience  de  la  guerre ,  le  courage  & 
Taudace  ne  turent  pas  les  feules  arme; 
auxquelles  on  attribua  les  viâoires  du 
Général  de  l'Empereur.  La  vérité  de 
l'Hiftoire^e  permet  pas  de  diffimuler 
que  le  Duc  de  Savoye  anaché  par  des 
liens  fi  étroits  aux  Bourbons  5  fut  accufé 
de  trahir  la  caufe  de  fes  gendres ,  &  Tar- 
mée  dont  il  étoit  leGéneraliffime  ;  la  mê- 
me vérité  nous  oblige  â  rapporter  que  ce 
même  Prince  combattoit  avec  la  valeur 
la  plus  héroïque  dans  toutes  les  occa- 
fions  ;  peu  s^en  fallut  que  les  avantages 
du  Prince  Eugène  ne  fuflent  décififs ,  & 
a'ientraînaflent  la  perte  de  l'Italie  ;  déjà 
Tome  F.  K 


3i8  Histoire 

les  partifans  de  la  Maifon  d'Autriche  à 
Naples  9  éblouis  de  la  rapidité  du  vain» 
queur  dçs  Alpes ,  confpiroient  pour  lui 
livrer  la  Capijtale  ;  la  confpiration ,  quoip 
que  découverte!  éclata  le  vingt -aeux 
Septembre  ;  on  combattit  dan$  toutes  les 
rues  ,  mais  enfin  le  Duc  de  Médina* 
Cœli ,  Vice-Roi ,  vint  à  bout  avec  le  fçi- 
cours  du  Duc  de  Popoli ,  de  vaincre  lei 
conjurés  dont  les  chefs  périrent  les  ar** 
mes  à  la  main ,  ou  fur  les  éçbafauts. 
1702^  ^^  danger  qu'avoit  encouru  Naples^^ 
détermina  le  Roi  à  s'y  rendre  i  fon  défi- 
fein ,  après  y  avoir  affermi  fon  pouvoir , 
étoit  de  pafler  en  Lombardie ,  dans  Teft 

f gérance  de  chafTer  les  Allemands  d'Ita- 
ie  :  il  confia  pendant  fon  abfence  la  Ré- 
gence k  la  Rçine  9  afliftée  d'une  Junte 
compofëe  du  Cardinal  Porto-Carrero  8ç 
de  fix  autres  Seigneurs  ;  fes  bien&its  an- 
noncèrent fà  préfence  dans  la  Capitale 
du  Royaume  oh  il  fut  reçu  en  triomphe 
depuis  Charles-Quint.  Les  NapoUtains 
si'avoient  jamais  joui  de  la  douce  fatis^ 
faéBon  de  voir  leur  Roi ,  mais  leur  joye 
n'eut  point  de  bornes ,  quand  ils  enten- 
dirent de  la  bouche  de  Philippe  qu'il  leur 

remettoii:  fbpt  k  b^it.  n^illjupnji  c^u'ijk  if^. 


;'.   k 


d'E  s  P  A  G  N  £•  219 

voient  au  tréfor  Royal  ,  &  quils  fe  vi- 
rent comblés  de  fes  grâces  &  ae  fes  bien*» 
faits  ;  le  Peuple  (ignala  fa  reconnoilTance 
en  lui  élevant  une  ftatue  équeflre  :  U  par<(x 
cic  comblé  de  vœux  &  de  bénédiétions. 

On  dit  que  l'allegreâe  publique  fu€ 
troublée  par  quelques  fcélérats  qui  conf* 
pirerent  contre  les  jours  du  Roi  :  on  arrê- 
ta pluiieurs  de  ceux  qu'on  foupçonnoit> 
mais  (bit  que  les  indices  de  l'attentat  ne 
parurent  pas  fuififans  9  foit  plutôt  que  le 
Roi  ne  voulût  écouter  que  la  voix  de  ta 
clémence  ^  ils  furent  élargis ,  &  l'aâàire 
refta  enfevelie  dans  un  profond  oubli. 

Cependant  Philippe  étoit  déjj^  à  Gênes 
oà  il  reçut  les  Ambafiadeurs  de  toutes  les 
FuifTances  de  l'Italie  ^  &  la  vifite  du  Duc 
de  Savoye  qui  fe  retira  mécontent  pour 
n'avoir  pas  obtenu  le  traitement  qu'il  cf- 
péroic;  tel  eft  le  fuccés  de  la  plupart  des 
entrevues  des  Princes  ;  de  Grands  inté- 
rêts les  raflemblent  quelquefois ,  une  for- 
malité négligée  9  un  vab  cérémonial ,  des 
prétentions  frivoles  les  défuniiTent  à  ja- 
mais ;  de  Gènes  Philippe  fe  rendit  à  Mi- 
lan au  milieu  des  fêtes  &  de  la  joye  que  & 
préfence  faîfcut  naître  firas  fes  pas  9  mais  il 
CQ'Paràt bîeiM^  nmm  fi»  fendre  Jk  l'armée 

^  U 


220  Histoire 


où  il  arriva  le  26  Juillet  dans  le  tems. 
qu'elle  combattoit  auprès  de  Santa- Vit- 
toria  un  Corps  de  cinq  mille  Allemands; 
quoique  l'aélion  fût  mr  fa  fin  ,  Philippe 
trouva  encore  le  tepns  d'y  fignaler  fa  va- 
leur ;  les  ennemis  furent  défaits  ;  c'étoit 
le  Duc  de  Vendôme ,  Général  fameux 
par  fes  exploits  dans  la  dernière  guerre 
^n  Catalogne  ,  qui.  commandoit  alors 
l'armée  ;  Louis  XIV.  l'avoit  fubititué  ai| 
Maréchal  de  Villeroi ,  enlevé  dane  Cré- 
mone furprife  par  le  Prince  Eugène  dès 
le  commencement  de  THyver.  On  fçait 
que  les  fruits  de  l'audace ,  de  l'habileté 
éc  du  projet  le  mieux  concerté  fe  réduifi- 
rent  à  la  prife  du  Maréchal ,  &  que  les 
Allemands  furent  ehaflés  de  Crémone 
par  la  garnifon  après  un  combat  de  onze 
heures.  Vendôme  avoit  rappelle  la  vic- 
toire fous  les  étendards  des  deux  Cou- 
ronnes ;  la  levée  du  blocus  de  Mantoue 
&  la  conquête  de  Caftig^ione  £ûfoieiit 
efpérer  de  nouveaux  fuccès  y  lorfque  le 
Roi  parut  à  l'ar noée  dont  il  augmenta  le 
courage  ;  le  plan  de  ce  Prince  "'  "  "  • 
profiter  de  les  fuccès  pour  cl 
Allemands  d'Italie,  il  avoit  d^ji 
lé  le  Duc  de  ModcM». 


/ 


d'Espagne.  221. 

reur,  de  fes  Etats ,  &  il  réfolut  d'en  venir, 
à  une  bataille  générale  pour  accabler  le 
Prince  Eugène  ;  en  conféquence  il  atta- 
qua ce  Prince  le  quinze  Août  dans  les 
plaines  de  Luzara;  la  viéloire  balança 
long-tems  >  enfin  elle,  fe  déclara  pour  le 
Roi  qui  fit  des  prodiges  de  valeur;  en 
vain  le  Prince  Eugène  par  un  fentimenc 
trop  au-deflbus  d'un  Héros  fe  l'attribua- 
t-lL  La  preuve  que  le  Roi  fut  vainqueur ^ 
c'eft  qu'il  prit  le  lendemain  Luzara  à  di(^ 
crétion  j  &  quelques  jours  après  Guaftal- 
la.  Il  eft  confiant  qu'il  auroit  rempli  fes 
projets  3  &  forcé  les  ennemis  de  s'enfuir 
en  Allemagne  >  fi  les  fâcheufes  nouvelles 
reçues  de  l'Efpagne  ne  l'avoient  oblige 
de  brufquer  fon  retour  à  Madrid. 

L'Empereur ,  l'Angleterre  &  la  Hol- 
lande ,  en  conféquence  d'un  traité  fîgné 
à  Londres  j  avoient  déclaré  la  guerre  aux 
deux  Couronnes  ;  l'Angleterre  devoir 
fournir  les  deux  tiers  des  armemens  ma- 
ritimes 9  &  la  Hollande  l'autre  tiers  ;  le 
tiers  des  armées  de  terre  devoit  être 
compofé  d'Anglob ,  ou  de  troupes  à  leur 

Kj  mab  la  Maifon  d'Autriche  ,  quel- 
"  (fuccès  de  la  guerre  ,  promet- 
iàfes  Alliés  les  frais  de  leurs 
••  • 
iij 


ai 


à  Histoire 


dépenfes  au  traité  de  paix  ;  dans  le  cas 

Sue  la  fortune  favorisât  leurs  armes ,  on 
evoit  déthrôner  le  Roi  ;  démembrer  la 
Monarchie  ,  donner  l'Efpagne  &  les  In* 
des  à  l'Archiduc ,  l'Italie  à  l'Empereur , 
les  Pays-Bas  à  la  Hollande;  tous  les  Pons 
de  Mer  dont  s'empareroient  les  Anglois  f 
dévoient  leur  refter ,  avec  le  commerce 
exclufif  de  l'Amérique  ;  mais  nulle  de  ces 
Fuiflances  n'efpéroit  dans  le  fond  de  fî 
grands  avantages  :  on  cherchoit  à  éblouir 
les  Peuples  qui  portoient  le  fardeau  de  la 
guerre  ;  Guillaume  III.  l'auteur  de  ce 
traité  ,  Timplacable  ennemi  de  Louis 
XIV.  n'eut  pas  la  confolation  de  voir  les 
fuccès  qui  dévoient  humilier  la  France; 
il  mourut  le  dix  neuf  Mats  à  l'âge  de 
cinquante-deux  ans  ;  l'année  précédente 
le  Parlement  d'Angleterre  avoit  cxhéré- 
dé  à  jamais  par  un  aéle  authentique  les 
Stuarts  ,  en  appellant ,  au  défaut  de 
Guillaume  III.  &  d'Anne  Stuart ,  Prin- 
cefle  de  Dannemarck ,  la  Maiibn  d'Ha- 
novre aux  thrônes  de  la  Grande*Breta- 
fne  :  cet  afte  étoit  funefle  à  la  Maifon  de 
avoye  plus  proche  héritière  des  Stuarts 
que  la  Maifon  de  Brunfwick  ;  le  fils  de 
Jacques  II.  connu  fous  le  nom  de  Pré? 


^nM 


tendant ,  &  le  Duc  de  Savoye  étoient 
Catholiques  :  voilà  le  motif  de  leur  ex* 
clufion  à  des  Couronnes  qui  avoient  tou* 
jours  été  héréditaires. 

Anne  Stuart  fuccéda  à  Guillaume  III. 
dans  les  projets  duquel  elle  entra  avec 
ardeur  ;  cependant  la  guerre  devint  gét 
nérale ,  on  combattit  dans  les  Pays-Bas^ 
en  Alface^  en  Italie  ,  dans  le  fein  de 
l'Empire  &  fur  les  Côtes  d'Efpagne  que 
les  Anglois  &  les  Hollandois  attaque-* 
fent  avec  des  forces  redoutables  :  leuri 

Î)remiers  efforts  tombèrent  fur  FAnda- 
oufie  dont  TAmirante  les  avoir  enga* 
;é  de  tenter  la  conquête  ;  ils  prirent 
lainte-Marie ,  petit  Port  où  ils  exercè- 
rent les  plus  af&eufes  profanations ,  mais 
aucun  Efpagnol  ne  fe  joignît  à  eux  com-  ' 
me  leur  avoît  fait  efpérer  TAmirante  ! 
la  Noblefle ,  lés  Citoyens  &  les  Mili- 
ces accourus  en  foule  fous  les  éten- 
dards du  Marquis  de  Villadarias ,  forcè- 
rent les  ennemis  de  fe  rembarquer';  la 
jeune  Reine  ,  à  la  première  nouvelle  de 
l'invafion  de  TAndaloufie  ,  voulut  ven- 
dre fes  pierreries  ^  &  voler  elle  mCme  au 
fecours  de  la  Province  :  mais  on  apprit 
bientôt  que  le  Duc  d'Ormond  ,  Gcné- 

Kiv 


224  Histoire 


rai  des  Anglois  &  des  HoUandois ,  avoit 
tourné  du  côté  de  la  Galice  j  &  qu'il  avoit 
réparé  fa  difgrace  en  Andaloùfie  par  le 
plus  brillant  fuccès.  Les  galions  de  TA- 
mérique  efcoxtés  par  vingt -trois  vaif- 
féaux  de  guerre  hfpagnols  &  François 
fe  virent  attaqués  le  vingt -trois  Septem- 
bre par  quatre  -  vingt  vaiifeaux  ennenûs 
dans  le  fort  de  Vigo  ;  après  un  combat 
opiniâtre  il  fallut  céder ,  les  vaiifeaux  de 
Pefcorte  furent  bruits  ou  enlevés  ,  un 
butin  de  douze  millions  tomba  entre  les 
rtiains  du  vainqueur;  la  Marine  Efpa- 
gnole  acheva  d  être  anéantie  ;  à  peine 
refta-t-il  un  vailfeau  au  Roi ,  &  l'on  fut 
obligé  d'employer  des  vaiffeaux  Frai>: 
çois  pour  le  commerce  de  rAmérique. 

A  ce  malheur  il  faut  ajouter  celui  de 
la  défeélion  de  l'A  mirante  de  Caftîlle 
dont  l'exemple  devint  contagieux  ;  ce 
Seigneur  puiifant  par  fa  naiuance«  fon 
créait  >  fes  richélfes  &  fes  alliances  avdt 
été  nommé  pour  l'Ambaflade  de  France, 
fa  fierté ,  révoltée  d'un  emploi  auquel  de- 
puis long-tems  on  n^appelloit  que  des 
Seigneurs  moins  diftingués  que  lui ,  lui 
fournit  un  prétexte  de  fuite  ;  maïs  la  dou- 
leur de  n'avoir  pas  la  principale  part  à  la 


D*  E  s  P  A  G  N  Ev  22^ 

confiance   d'un  Roi  qu'il  avoir  voulu 
écarter  du  thrône ,  l'entraîna  feule  dans 
la  révolte ,  il  choifitpour  afyie  Lilbonne, 
Le  Marquis  de  la  Corzana ,  &  le  Duc 
Moles  ,Ambafladeur  à  Vienne ,  levèrent 
en  même-tems  le  mafque ,  &  fe  déclare- 
vtent  pour  la  Maifon  d'Autriche,  Il  fal- 
loir à  Philippe  de  l'argent  pour  réfifter 
aux  ennemis  publics*  &  fecretsquî  s'ële- 
voient  de  toutes  parts  pour  lui  arracher 
la  Couronne.  Etablir  de  nouveaux  im- 
pôts ,  c'étoit  foulever  une  partie  de  l'Ef- 
pagne  déjà  mécontente  ;  il  réfolut  de  réu- 
nir au  domaine  les  droits  de  la  Couronne 
ufurpés  depuis  Henri  III.  mais  faute  de 
trouver  en  Efpagne  un  homme  profond 
dans  la  partie  des  finances  ,  partie  fi  né*» 
celfaire  a  la  grandeur  des  Rois  &  au  bon- 
heur des  Peuples  ,  il  appella  de  France 
M.  Orri ,  d'un  génie  yafte ,  d'un  travail 
infatigable  &  d^une  intelligence  fupé- 
rieure  :  ce  Miniftre  déclaré  Surintendant 
Général  débrouilla  bientôt  cette  partie 
de  l'adminiftration  ,  vrai  cahos  depuis 
Philippe  II.  Le  Roi ,  par  un  décret  plein 
de  clémence  ,  rétablit  cette  année  dans 
leur  Patrie  &  leurs  bîena  les  Meffifloîf 
bannb  6c  dép wîUéa  dcpÀr***  .troubles 


220  Histoire 

de  Sicile  en  mil  fix  cent  foixante  &  quinzcr 
j-^5^  Louis  XIV.  foutenoit  la  guerre  avec 
^  '^*  un  mélange  de  bons  &  de  mauvais  fuc- 
ces  ;  il  ne  put  empêcher  que  le  eëfcbre 
Marlboroug  n'enlevât  Venlo ,  Ruremon- 
de ,  Stevenlvert  &  la  citadelle  de  Liège  > 
&  que  le  Roi  des  Romains  ne  conquît 
Keyfervert  &  Landau  ;  mais  Villars  ven- 
gea ces  pertes  par  la  vidoîre  de  Fride- 
lingue  ;  TEleôeur  de  Bavière ,  par  des 
fuccès  plus  décifîfs  :  l'Allemagne  étoit 
remplie  de  terreur,  les  Bavarois  Tat- 
taquoient  d'un  côté  tandis  que  le  Prin- 
ce Ragotzki ,  avec  une  arrnée  d'Hon- 
grois  révoljés,  portoit  le  fer  &  le  feu 
jufques:  fous  les  murs  de  Vienne  j  l'Em- 
pereur qui  s'étoit  flatté  de  fuccès  rapi- 
des &  faciles ,  trembloit  déjà  dans  fa  Ca- 
Î>itale  :  il  n'avoit  pas  prévu  qu'en  vou- 
ant renverfer  le  thrône  d'Efpagne ,  le 
fien  feroit  ébranlé,  peut-être  auroit-iï 
été  contraint  de  fuir  encore  une  fois  de 
fa  Capitale  fans  la  défeélion  imprévue 
du  Duc  de  Savoye  j  l'Eleéleur  de  Baviè- 
re ,  vainqueur  d'une  armée  Impériale  à 
Faflau  ,  avoit  été  joint  par  les^  François 
fous  les  ordres  du  Maréchal  de  Villàr» 
qui ,  chemin  faifant  s'était  emparé  dit 


d'Espagne,  227 

Fort  de  Kell  ;  le  Duc  de  Vendôme  étoic 
en  même-tems  parti  pour  joindre  l'Elec- 
teur par  le  Tirol;  ces  Généraux  réunis 
dévoient  enfuite  marcher  à  Vienne  :  ce 

f)rojet  hardi  &  fage  pouvoit  terminer 
a  guerre  ;*  comment  l'Empereur  dénué 
de  troupes  &  d'argent  àuroit-il  réfifté  à 
trois  armées  conduites  par  d'excellens 
^Généraux  &  à  Ragotzki ,  mais  ce  qu*on 
appelle  le  miracle  d'Autriche ,  combat- 
tit encore  une  fois  pour  Léopold  ;  TE- 
leâeur  de  Bavière  ne  put  fe  rendre  maî- 
tre des  paflages  du  Tirol ,  &  le  Duc  de 
Vendôme  fut  rappelle  dans  le  Piémont 
par  la  défeôion  imprévue  du  Duc  de 
Savoye  ;  cependant  l'Eleâeur  de  Baviè- 
re retourné  dans  fes  Etats  ,   vainquit 
l'armée  Autrichienne  dans  les  plaines 
d'Hocftet  le  vingtSeptembre;maisim- 
roédiatenvent  après  ce  fuccès  il  fut  alfez 
malheureux  pour  demander  &  obtenir 
le  rappel  de  Villars  qui  lui  avoir  confer- 
vé  fes  Etats ,  &  qui  venoit  de  l'aider  à 
vaincre  ;  Villars  &  la  victoire  dîfparu- 
rent  en  même-tems  de  fon  armée. 

L'Alface  fut  le  théâtre  des  plus  grands 
fuccès  pour  la  France  »  le  l^uc  de  Bour- 
gogne empora  la  fortereflTe  de  BriiTack  , 

Kvj 


228  Histoire 

le  Maréchal  de  Tallard  fit  lever  lé  fiége 
de  Traerbach  aux  ennemis ,  remporta 
une  vidoire  complette  auprès  de  Spire  , 
&  reconquit  Landau. 

Dans  les  Pays-Bas  le  Maréchal  de  Vil- 
leroi  fe  rendit  maître  de  Tongres ,  le  Ma- 
réchal de  BoufBers  &  le  Marquis  de  Bed- 
mar  défirent  les  Alliés  au  combat  d'Ec- 
keren  ;  mais  Marlboroug  conquît  Bonn 
&Huy. 

En  Italie ,  le  Duc  de  Vendôme  défer- 
ma &  arrêta  cinq  ou  fix  mille  hommes 
des  troupes  de  Savoye  ,  &  fondit  fiir  le 
Piémont  qu'il  ravagea  ,  tandis  que  le 
Prince  de  Vaudemont  prenoit  la  forte- 
refle  de  Berfello ,  le  dernier  afyle  duDuc 
de  Modene  ;  Tltalie  en  proye  à  trqîs  ou 
quatre  armées ,  éprouva  encore  de  nou- 
veaux malheurs  j  la  Ville  d'Aquila  aa 
Royaume  de  Naples  fut  détruite  par  un 
tremblement  de  terre  qui  coûta  la  yie  i 
fept  mille  perfonnes.  Le  Pape  fenfible 
aux  maux  de  la  République  Chrétienne 
invita  les  PuiiTances  belligérantes  à  lui 
rendre  la  paix,  L'Empereur  plus  preflë 
que  les  Bourbons ,  la  rejettoit  avec  fier- 
té ;  il  ne  vouloit  point  de  paix  y  à  moins 
qu'elle  ne  procurât  une  Couronne  à  fon 


d'  E  s  P  A  G  N  E.  :2l2p 

fécond  fils  à  qui  lui  ôc  le  Roi  des  Ro- 
mains tranfporterent  authentiquement 
cette  année  leurs  droits  au  thrône  d'Ef- 
pagne  ;  l'Archiduc  fut  fur  le  champ 
proclamé  Roi  à  Vienne  fous  le  nom  de 
Charles  III.  l'Angleterre ,  la  Hollande  , 
le  Portugal ,  les  Rois  dePrufle,  de  Polo- 
gne ,  de  Dannemarck ,  le  Duc  de  Sa* 
voye  &  plufîeurs  Princes  de  l'Empire 
qui  pour  lors  entrèrent  dans  la  grande 
alliance,  le  reconnurent  en  cette  qualité  : 
le  jeune  Prince  partit  de  Vienne ,  pafla 
à  la  Haye  &  de-là  à  Londres  pour  fe 
rendre  en  Portugal  dont  le  Roi,  à  l'exem- 
ple du  Duc  de  Savoye ,  s'étoit  détaché 
de  l'alliance  des  deux  Couronnes  ;  la  dé- 
fection de  Pierre  !!•  celle  de  Viftor- 
Amedée  furent  h  véritable  caufe  des 
malheurs  que  l'un  &  l'autre  Roi  éprou- 
vèrent dans  cette  guerre  ;  le  premier  in- 
troduifit  par  fes  Etats  les  ennemis  juf^ 
ques  dans  le  fein  de  la  Monarchie  ,  &  le 
maître  des  Alpes  par  fa  vigoureufe  réfif- 
tance  opéra  en  faveur  des  Alliés  une  di- 
verfion  qui  les  fit  triompher  ailleurs. 

Les  deux  Rois  regardèrent  comme 
une  viéloire  aufli  glorieufe  que  celles 
dont  nous  venons  de  parler  ^  l'inutilité 


2^o  Histoire 


des  effbrts  des  Puiffances  maritimes  pour 
tenter  une  invafion  en  Efpagne  ,  à  Na- 
ples  &  dans  les  Ifles  de  la  Méditerranée  j 
ils  fe  confumerent  en  dépenfes  incroya- 
bles ,  &  équipèrent  cent  cinquante  vaif* 
féaux  de  guerre ,  mais  ce  terrible  appa- 
reil ne  promena  fur  l'une  &  l'autre  Mer 
qu'un  vain  fpeftacle  ,  &  fe  retira  fans 
avoir  même  pu  empêcher  la  prife  d'une 
infinité  de  vaiffeaux  marchands  par  les 
Armateurs  François. 

Mais  la  profpérité  des  deux  Rois  n'ë- 
toit  qu'apparente  ,  l'efprit  de  révolte  & 
de  fédition  fouffloit  dans  les  Provinces 
de  l'un  &  de  l'autre  ;  les  Payfans  Calvi- 
niftes  des  Cevenes  &  du  Bas-.Langjuedoc 
il  connus  fous  le  nom  de  Fanatiques  & 
&  de  Camifards ,  furent  les  premiers  i 
prendre  les  armes  ;  ils  reçurent  des  mu- 
nitions &  de  l'argent  des  Alliés  à  qui 
cette  diverfîon  fut  avantageufe. 

Cependant  Philippe  V.  pour  fe  ven- 
ger du  défaftre  de  Vigo,  fe  faifit  de  qua- 
tre millions  fur  les  effets  de  l'Amérique  , 
appartenans  aux  Négocians  Anglois  & 
Hollandois.  A  la  nouvelle  du  traité  du 
Roi  de  Portugal  avec  l'Archiduc  qui  lui 
avoit  promis  l'Eflramadoure  6c  la  Gali- 


d'Espagne.  ^231 

ce ,  rindignation  des  Caftillans  ne  put 
fe  contenir  ;  ils  ne  pouvoient  entendre 
fans  douleur  qu'un  Roi  de  Portugal  osât 
déchirer  leur  Monarchie  ,  &  contribuer 
à  leur  donner  un  Roi  :  toute  la  Nation 
applaudit  à  la  Cour  qui ,  en  décbrant  la 

fuerre  à  ce  Prince  ,  ne  le  mita  que  de 
)uc  de  Bragance.  L'arrêt  qui  condam- 
noit  l'A  mirante  de  Caflille  à  perdre  la  tê- 
te en  effigie,  ne  fit  pas  moins  de  plaifir  à 
cette  Nation  fidelle;  c'étoit  aux  intrigues 
de  l'Amirante  qu'on  attrîbuoit  l'inconf- 
tance  des  Portugais;  mais  les  changemens 
du  Minîftere ,  &  le  crédit  des  François 
excitoient  le  chagrin  &  les  murmures  ;  ce 
n'eft  pas  qu'on  plaignît  le  Cardinal  Por- 
to-Garrero  &  D.  Manuel  Arias  dépouil- 
lés cette  année  de  leurs  emplois  :  leur  hu-' 
meur  fombre ,  auftere ,  fiere  &  impérieufe 
avoir  déplu  à  la  Nation ,  mais  on  ne 
voyoit  qu'avec  déplaîfir  te  Cardinal  d'Ei- 
trées  dominer  à  la  Cour ,  &  tout  le  pou- 
voir entre  les  mains  de  la  Princefle  des 
Urïîns  d'autant  plus  haïe  &  plus  enviée 
qu'elle  jouiffoit  de  la  faveur  avec  fafte  8c 
avec  orgueil  ;  elle  n'honoroit  de  fa  con- 
fiance que  M.  Orrî,  un  des  premiers 
hommes  de  l'Europe  ;  à  la  vérité  pour  la 


2^2  Histoire 


partie  des  finances  ,  mais  peu  propre  à 
gouverner  une  Nation  dont  le  caraftere  , 
les  Loix  &  les  ufages  lui  étoient  pref- 
qu'inconnus. 
1704.      Ce  Miniftre  accoutumé  à  la  fplen- 
deur  de  la   cour  de  France  ,  voulut 
donner  le  même  éclat  à  celle  de  Madrid  : 
l'ancienne  garde  des  Rois  d'Efpagne  ne 
répondoit  ni  à  leur  grandeur ,  ni  à  la  ma- 
jeué  du  thrône  :  il  confeilla  au  Roi  d'é- 
tablir quatre  Compagnies  de  Gardes  du 
Corps  {a)  dont  deux  Efpagnoles ,  une 
Italienne  )  &  une  Flamande  ,  compofées. 
chacune  de  deux  cents  Gentilshommes 
jeunes  &  bienfaits  ;  à  cette  garde  à  che- 
val le  Roi  joignit  une  garde  à  pied  ^  en 
créant  deux  Régimens  compofés,  le  pre- 
mier de  trois  mille  Efpagnols  ,  &  le  fé- 
cond de  trois  mille  Wallons  ;  mais  Orri 
ne  s'apperçut  pas  que  par  cette  innova- 
tion il  bleflbit  la  délicateffe  des  Caftil- 
lans  accoutumés  à  voir  leur  Roi  fe  pro- 
mener au  milieu  de  Madrid  fans  pompe 
&  prefque  fans  Gardes ,  comme  un  père 
de  famille  au  milieu  de  fes  enfans  ';  fi  l'at- 
tachement opiniâtre  des  Efpagnols  à  Tan- 

(û)  Le  Comte  de  Lemos ,  le  Duc  Je  Sefla  > 
le  Duc  de  PopoH  &  le  Prince  de  Trerclaès  Tilli 
en  furent  les  quatre  premiers  Capitaines» 


«MMMMlMMMMMHiak^iha^^Mll^Mi^ 


cienne  étiquette  de  la  Cour  ,  leur  fit 
regarder  de  mauvais  œil  le  changement  ^ 
dont  Orri  fut  Tauteur,  ils  furent  au 
moins  forcés  d'applaudir  à  la  fagefle  & 
au  fuccès  des  mefures  quil  prit  pour 
augmenter  les  forces  du  Royaume ,  fans 
fouler  les  Peuples ,  heureux  effet  du  ré- 
tabiiflement  des  finances  :  le  Roi ,  par  fei 
foins  comptoit  déjii  fous  Tes  étendards 
quatre-vingt  mille  hommes  ^  dont  dix 
mille  dans  les  Pays>Bas  &  en  Alface» 
autant  dans  le  Milanez ,  vingt  mille  dif- 
perfés  dans  le  Royaume  de  Naples  ,  eu 
Sicile  5  en  Sardaigne  ^  fur  les  côtes  de 
Tofcanè ,  &  environ  quarante  mille  eii 
Efpagne  :  mais  ce  nombre  ne  fuffifant  pas 
pour  conferver  le  Corps  de  la  Monar- 
chie attaqué  de  toutes  parts  ,  on  créa 
cent  Régimens  de  Milice  9  de  cinq 
cents  hommes  chacun  ,  &  on  obtint  de 
la  France  un  fecours  de  vingt  mille  hom- 
mes qui  fe  ^endiren^en  Efpagne  fous  les 
ordres  du  Duc  de  Berwick ,  fils  naturel 
duRoi  Jacques  IL  (^) 

UArchiduc  étoit  enfin  arrivé  à  Lif^ 
bonne  fur   une  flotte   formidable  ,   & 

(a)  Ceft  alors  qu'on  frappa  cette  médaille 
curieufè  ;  Charles  lll.  Roi  Catholique  par  la 
grâce  des  Hérétiques. 


iî34  Histoire 


fuivisjde  huit  mille  Angloîs  ;  Tappro- 
.  che  de  ce  rival  ne  fit  qu'animer  le  cou- 
rage du  Roi  qui  s'avança  fur  les  fron- 
tières du  Portugal  pour  le  recevoir  à  la 
tête  de  trente  mille  hommes;  l'Archidut 
lie  parut  pas  ;  la  campagne  du  Roi  fut 
brillante  par  la  conquête  de  dix  ou  douze 
J?laces ,  &  entr'autres  par  celle  de  la  for- 
tereffe  de  Portalegre ,  par  là  défaîte  de 
fix  mille  Portugais ,  &  par  la  prife  de  dfai 
mille  ennemis  ,  &  enfin  par  le  ravage  de 
la  meilleure  partie  du  Portugal  j  le  Roi 
Pierre  trembla  pour  fa  Capitale  ,  il  n'é^ 
toit  pas  à  fe  repentir  de  s'être  engagé 
dans  cette  guerre  ;  la  fierté  &  le  mépris 
des  Généraux  Angloîs ,  Fautorîté  qu'ils 
s'arrogeoient  dans  fa  Capitale  où  ils  agif» 
foient  en  Souverains ,  le  révoltoîent  en 
vain.  Ilfalloit  ufer  de  diflîmulation  à  l'é- 
gard de  ces  terribles  Alliés;  la  douleur 
de  s'être  livré  à  leur  difcrétion ,  Tinquié- 
tude ,  la  crainte  de  fuccomber  fous  les 
efforts  de  Philippe  ,  conduifircnt  peu  à 
peu  l'infortuné  Roi  à  une  mélancolie 
noire  &  profonde  dont  la  fuite  fut  l'éga- 
rement a'efprit  {a)  :  mais  l'Eté  étant  ar- 

(a)  Mémoires  du  Marquis  de  Saint  Philippe, 


D^E  SP  A  GN  £•  2^f 

■  ■ 

rivé ,  faifon  où  il  n'eu  pas  permis  de  faire 
la  guère  en  Efpagne ,  attendu  l'excès  des 
chaleurs ,  le  Roi  fe  retira  ,  &  établit  fon 
armée  en  quartier  de  rafraichiflement. 

La  flotte  ennemie  Ibrtie  du  Port. de 
Lilbonne  parut  fur  les  côtes  de  Catalo- 
gne &  à  la  vue  de  Barcelone  qu'une  conf- 
f)iration  des  principaux  Habitans  devoit 
ui  livrer  ;  mais  le  Vice-Roi,  Dom  Fran- 
çois de  Vélafco  donna  de  fi  bons  ordres, 
les  conjurés  furent  fi  déconcertés  d'ap- 
prendre que  les  Anglois  ne  leur  ame- 
noient  ni  TArchiduc ,  ni  les  vingt  mille 
hommes  promis,qu'ils  n'oferent  lever  Té- 
tendard  de  la  révolte  :  au  lieu  d'arrêter 
les  conjurés  ,  &  de  livrer  les  principaux 
d'entr'eun  aux  fupplices*,  Vélafco  inf- 
truit  de  la  confpiration ,  prit  le  parti  de 
diflîmuler,  foit  qu'il  n'eût  pas  aflez  de  " 
courage  pour  faire  tête  aux  clameurs  de 
la  populace ,  foit  qu'il  ne  voulût  pas  ai- 
grir les  efprits  dans  de  (i  fâcbeules  cir- 
confiances  ;  mais  les  conjurés  imputè- 
rent à  foiblefle  &  à  crainte  les  effets  de 
la  modération  &  de  la  fageffe  de  Vélafco , 
ils  fe  confirmèrent  dans  le  deffein  de  li  - 
vrer  leur  Patrie  à  PArchiduc  pour  ne  ja- 
mais être  recherchés  par  la  Cour  d'un  cri- 


«ww 


2^6  Histoire 

^— ^i— ^—M — — — ■  Il  I  I  — — ^1— — «r 

me  que  fon  Miniftre  avoir  pénétré  ;  des 
côtes  de  Catalogne ,  les  Alliés  voguèrent 
à  celles  de  Cadix  que  des  Citoyens  per- 
fides dévoient  leur  livrer ,  mais  les  traî- 
tres furent  contenus  par  le  courage  du 
Gouverneur  ;  ces  mauvais  fuccès  dimi- 
nuoient  les  vafles  efpérances  des  enne- 
mis; leurs  Généraux  fe  voyant  fur  le 
poitit  de  faire  une  campagne  aufii  rui* 
neufe  &  aufli  inutile  que  la  dernière ,  s'en 
pre noient  les  uns  aux  autres  :  la  difcorde 
etoit  fur  le  point  d'éclater  parmi  eux  j 
lorfque  le  mauvais  génie  de  TEfpagne, 
les  confeils  de  TAroirante ,  &  peut-être 
le  hafard  les  conduifîrent  devant  Gibral- 
tar où  il  n'y  avoit  ni  garnifon  ,  ni  vivres , 
tï\  munitions  :  aux  premières  bombes  les 
Citoyens  effrayés  demandèrent  à  capi- 
tuler ,  &  fortirent  tous  de  la  Place  où  les 
Angloîs  proclamèrent  leur  Reine  Anne  ^ 
malgré  le  Prince  deDarmftadqui  foutint 
en  vain  les  intérêts  de  TArchiduc.  Les 
Anglois  oppoferent  à  fes  plaintes  Tani- 
cle  du  traite  de  la  grande  alliance  par  le- 
quel il  étoit  ftipule  qu'outre  le  coipmer- 
ce  exclufif  de  PAmérique  les  Anglois 
refteroient  en  pofteflîon  des  Ports  dont 
ils  pourroient  fe  faifir  j  c'eft  aïnfi  que  Gi- 


r 


^im» 


D*  E  S  P  A  G  N-lï,  257 

braltar,  la  clef  du  Royaume,  tomba  entra 
les  mains  d'un  Peuple  à  qui  la  forcç  &  H 
juftice  n'ont  pu  Tarracher ,  ils  Tont  rendis 
imprenable  ;  les  fuites  de  cette  conquête 
perdue  fi  honteufement  par  les  Ëlpa-*- 

Piols  ,  auroient  pu  coûter  le  thrône  k 
hîlippe»  fi  les  Alliés  ^uffent  fiiivi  }e  con- 
feil  de  l'Aipirante  qui  les  ^chortoit  à 
porter  la  guerre  dans  TAndaloufîe ,  vafte 
&  fertile  Province  dontia  réduéHon  ^nr 
traînott  celle  de  Madrid  &  des  deux  Cal- 
tilles  qui  ne  fubfiftoient  que  par  elle  ;  il 
£  redit  que  fi  on  fuivoit  le  confèil  de 
)arm{lad  ,  qui  s'ôpiniatroit  à  s'emparer 
de  la  Catalogne  &  de  l'Arragon ,  les  CaC- 
tillans  refuferoient  de  rceevpir  pn  Roi  de 
la  main  d'un  Peuple  qu'ils  déteftent  :  la 
prédiftion  de  l' Amjrante  fut  un  véritable 
oracle  :  heureufement  que  l'horreur  8ç 
le  mépris  qui  fuivent  les  traîtres  empêr 
cherent  l'Archiduc  &  les  Anglois  de  fe 
rendre  à  la  fagefle  dç  fes  raifons.  On  re- 
mit à  la  can^pagne  fuivante  rinvaHon  dp 
ia  Catalo^è  >  &  on  fe  préfènta  devant 
Ceuta  ,  an^  de  fe  faifir  du  détroit  :  mais 
l'Evêque  dé  cette  Ville ,  Dom  Vidal  Ma- 
rin ,  Prélat  célèbre  par  fa  piété ,  fon  cou- 
rage &  fon  f  oBtOur  pour  U  Patrie  ^  r^ndif 


2^0 


Histoire 


Philippe  profita  de  la  retrait 
flotte  des  Alliés  pour  aflîéger 
tar,  dont  il  femble  qu'on  ne  n 
l'importance ,  que  depuis  qu'el 

fierdue  ;  le  Marquis  de  Villada 
a  tête  de  l'armée  deflinée  d'abc 
tre  le  Portugal  ,  fe  [jréfenta  dev 
braitar  qui  n'ctoit  ni  fc  tifiée ,  ni 
viilonnée  comme  elle  l'a  été  dep 

fiGuvoit  la  réduire  en  peu  de  tem 
es  fautes  énormes  du  Général, 
rance  des  Ingénieurs  ,  la  lenteu 
Nation,prolongerent  trop  le  Hége 
levé  à  la  vue  d'une  nouvelle  floi 
gloife ,  à  laquelle  le  Baron  de  Foi 
bloquoit  le  Port  avec  quelques  Vï 
François ,  ne  put  réfifter. 

Cette  difgrace  ,  &  l'agitation 
nuelle  de  la  Cour  qui  changea  pi 
fois  de  face  dans  le  cours  de  cette 
portoient  la  terreur  &  le  découraj 
dans  tous  les  efprits  j  &  fortilÎL 
Parti  des  mécontens.  Au  Cardin: 
trées  ,  auteur  de  la  difgrace  de 
Carrero  &  de  Dom  Manuel  Arii 
fubflitué  l'Abbé  d'Etrées  ,  nev 
Cardinal ,  qui  de  concert  avec  1 
f  effe  des  UrfiiM  l'avoit  perdu  par 


■^•■•' 


d'E.S  PAGNE.  24.1 

trigues  auprès  des  deux  Rois  ;  mais  la 
PrinceflTe  ne  s'étoit  fervie  de  TAbbé  que 
comme  d'un  inftrument  pour  éloigner 
te  Cardinal  :  elle  rendit  bientôt  TAbbé 
odieux  au  Roi  &  à  la  Reine  ;  enfin  Louis 
XIV.  inftruit  de  la  toute-puiflfance ,  des 
intrigues  éternelles,  &  de  l'excès  de  la 
haine  des  Grands  contre  la  favorite ,  la 
rappella  elle-même  eh  France,  &  le  Duc 
de  Graramont  &  le  DùcMe  Montellano 
furent  mis  à  la  tête  du  Minifterc.  * 

En  rappellant  la  Princeffe  des  Urfins , 
le  Roi  de  France  ne  cherchoit  qu'à  plaire 
aux  Efpagpols  ,  &  à  leur  ôter  le  moin- 
dre prétexte  de  mécontentement;  U  s'ap- 
ùercevoït  qu'il  n'y  a  voit  que  l'amitié  de 
la  Nation  Efpagnole  qui  pût  conferver 
le  thrône  à  fon  petit-fils  depuis  fur-tout 
u'il  venoit  d'éprouver  en  Allemagne  la 
iigrace  b  plus  accablante  en  perdant  la 
bataille  fi  connue  fous  le  nom  de  Blea- 
héliïl  ou  d^Hochftet  :  perfohne  n'ignbre 

3 ue  cette  bataille  fi  fatale  à  la  grandeur 
es  Bourbons ,  fut  livrée  le  treize  Août  ^ 
que  les  fuites  de  c«  défaftre  entraînèrent 
la  Iperte  de  l'Allemagne ,  la  ruine  des 
Eleifteurs  de  Bavière  &  de  Cologne  dont 
les  Etats  furent  conquis  &  pillés  par 
Tome  r.  L 


2 


^^^■^^nMM>^«M«l 


24:Z  '  '       Histoire 

l'Empereur^  &  (ju'enfîn  des  rives  àl^, 
Danube  la  guerre  fut  tranfportée  fur 
celles  (Hu  Rhin  ourles  vainqueur);  prirent 
la  fortçrefle  At  Landau ,  les  VÂlli^s  de 
Traerbach  &  de  Trêves.  Tant  de  fiiccèi 
ihefpérés  flattèrent  les  Alliés  de  refpë- 
rance  d'accabler  bientôt  la  France  ;  mai$ 
JLouis  Xiy.  avoit  de3  reiTources  incon^ 
fiues  ou  înjuftement  noépriféeç^ 

Dans  ce  tems-là  même  la  fortune  le 
fayorifoit  en  Italie  où  Ig  Duc  de  Ven- 
dôme battit  confécutivement  les.  Alle- 
mands à  Stradelja  &  à  Caftel-Novo  ;  i} 
eft  vrai  cjue  malgré  fes  avantages  il  ne  t^ut 
pas  empêcher  lajonâion  de  1  habile  Star 
rembprg  a ve<:  le  Duc  de  Savoye  ^qui  corn* 
mençoit  à  être  réduit  aux  plus  déplort- 
râbles  extrémitéjs  ;  m^is  Vendôme  n'ea 
conquit  pas  moins  Révéré  5  Verceil  ^ 
y vree ,  &c  le  Duc  de  la  Feuilla4e ,  la  Sa- 
voye Se  Suze  ;  l'Italie  vit  encore  le  Due 
delà  Mirandole^  un  defe^  Souverain^i  dé- 
jthrôné  par  les^urmes  i^es  Impériaux  i  il 
paiTa  auprès  de  Philippe  en  fa^yeur  de  qui 
il  avoit  fait  un  (î  grand  facrifice  ;  le  D^c 
àc  Mantoue  dont  les  Etats  étoîent  Iç 
théâtre  de  la  guerre ,  fe  rendit  à  Paris  » 

i^  le  Dw  àf  Mpdepe  dépoûUé  de»  fîçM 


d'  E  s  P  A  G  N  E.  24.J 

par  les  François  ,  fe  fauva  à  Vienne. 

La  fortune  étaloit  alors  dans  le  Nord 
un  fpeâacle  qui  fait  encore  mieux  fèntir 
le  néant  des  grandeurs  humaines  que  les 
malheurs  des  Princes  dont  nous  venons 
de  parler.  Charles  XII.  né  pour  changer 
la  face  de  l'Univers ,  fi  à  des  vertus  plus 
qu'humaines  il  n'eût  joint  l'inflexibilité  de 
la  hauteur  &  de  la  haine ,  vainqueur  des 
Danois  >  des  Rafles  &  des  Saxons ,  brifa 
le  fceptre  du  Roi  de  Pologne  ;  Augufte 
digne  d'un  meilleur  fort ,  eut  la  dou' 
leur  de  voir  concourir  la  meilleure  partie 
de  la  Pologne  avec  {on  ennemi  pour  pla- 
cer fur  foi)  tbrône  Staniflas  Leckzinsfcî , 
fbn  Sujet  i  la  vérité  >  mais  un  des  hommes 
de  ce  iiéde  le  plus  digne  d'une  Cou- 
ronne. 

La  cour  d'Efpagne  fiit  encore  cette  1707. 
année  le  théâtre  des  intrigues  &  des  ré- 
voluâons  ;  il  n'y  en  avoir  point  en  Euro- 
pe  de  plus  orageufes  :  la  Reine  qui  aimoic 
uniquement  la  Princefle  des  Urfins  »  était 
ea  proye  à  la  douleur  depuis  que  Louis 
XIV.  1  avoit  arrachée  de  les  bras.  Ses  inf- 
tances  &  fes  larmes  attendrirent  le  Rqi 
dcFrance  qui  la  lui  rendit,  à  condition 
^ueja  Princeffe  n'     ' 


244  Histoire 


^■li^ 


dération  »  &  rendroic  rAmbafladeur  de 
France  $  dépofitaire  de  toute  l'adminif- 
tration;ia Reine  &  le  Roiraçurent  avee 
deà  tranfports  de  joye  &  de  tendreft 
cette  femme  c[ui  leyr  étoit  fi.  chère  :  fi 

Î^réfènce  fut  l'arrêt  de  la  dii^race  &  dç 
'exil  de  fes  ennemis  ;  le  Duc  de  Gram- 
mont  dont  le  cara^ere  contraftoit  pa^  [ 
faitêment  avec  celui  de  la  favorite ,  fut  | 
rappelle  en  France*  M.  Ameloi  lui  fuc- 
céda ,  &l  la  Princeffe  partagea  avec  lui 
de  bonne- foi  le  pouvoir  &  Tautorité  ;  le 
Duc  de  Montellano  fut  privé  de  h  Pïéfi- 
4çnce  du  Confeil  de  Caftille ,  &  rem- 
placé par  Dom  François  Ronquillo;  fc 
IWiniftere  des  Dépêches  univerfelles  foi 
confié  conjointement  au  Marquis  de  Me- 
jorada  ,  &  à  Dom  Jofeph  Grimaldi  qui 
dès  lors  parvint  auprès  du  Roi  à  une  fa- 
veur qu'il  conferva  jufqu'à  la  mort  :  cette 
révolution  continuelle  dans  le  Minifiere 
faifoît  des  Miniftres  difgraçîés ,  de  leurs 
parens  &  de  leurs  amis,autant  de  mécon- 
cens  ;  le  retour  de  la  Princeffe  des  y^ 
fins ,  le  pouvoir  attribué  aux  François , 
la  prifon  du  Marquis  de  Leganès  qui  ar« 
jfêté  fur  quelques  foupçons  fe  vit  tranf- 
po#té  en  Françç  5.ennn  l'innovation  q\K 


D^  E  s  P  A  G  N  E.  245" 

k  Roi  dans  un  tems  où  la  Majefté  Roya- 
le n'étoic  pas  à  l'abri  des  entreprifes  8c 
des  infultes,  jugea  à  propos  de  faire,pour 
une  plus  grande  sûreté  de  fa  perfonne,  en 
attribuant  dans  fa  Chapelle  un  tabouret 
en  avant  du  banc  des  Grands,  à  fon  Capi- 
taîne  des  Gardes  du  Corps  en  quartier  ^ 
aigrirent  les  Grands  ;  ils  ne  pouvoient 
fur^tout  fouffrir  qu'aucun  fujet  du  Roi  ap- 
prochât de  fa  penbnne  plus  près  qu'eux; 
ils  fe  plaignirent  fièrement  qu'on  don- 
Qoit  atteinte  aux  privilèges  de  la  Gran- 
defle  ;  le  Comte  de  Lémos  &  le  Duc  de 
Seifa^Grands  enj[iiêmetems&  Capitaines 
des  Gardes  »  abandonnèrent  leur  orillant 
emploi  pour  foutenir  les  privilèges  de  la 
Grandeife  ;  mais  les  murmures  &  les  ca* 
baies  ne  firent  aucune  impreffion  fur  Pef- 
prit  )Sta  RoL  U  confèrva  à  fes  Capitaines 
le  traitement  qu'il  leur  avoit  accordé. 

Cette  fuite  de  divifîons  ,  d'intrigues 
&  de  cfaangemens  contribuoit  aux  fuc* 
-ces  des  ennemis  ;  les  CaAillans  &  les 
Grands  »  fans  cefler  d'être  fidèles  ,  ne 
Ibutenoient  pas  avec  les  efibrts  qu'on 
itoit  en  droit  d'attendre  de  leur  magna - 
n  mtté  3  l'Etat  au  Gouvernement  duquel 
ils  fe  phigooient  de  n'avcûr  aucune  part  ; 


sut6  Histoire 

ils  voyoient  avec  plaifir  tout  le  fardeau 
de  la  guerre  tomber  fur  ks  François,  dé- 
pofitaires  de  la  confiance  du  Roi  ;  Tin- 
diiFérence  marquée  des  Grands  fut  la 
caufe  de  la  perte  de  trois  Royaumes  ;  elle 
auroit  pu  entraîner  la  ruine  entière  de  la 
Monarchie  ,  fi  la  Cour  de  TArchiduc 
n'eût  été  en  proye  aux  mêmes  dîvifions 
&  aux  mêmes  intrigues  ;  les  Allemands  > 
les  Anglois  y  les  Éfpagnols  déferteurs  j 
les  Portugais  vivoient  dans  k  plus  étraiy- 
ge  diflenfion  ;  ks  premiers  youloknt 
qu'on  entamât  la  conquête  del-Efpagne 
par  la  Catalogne  ;  TAmirante  &  (es  amis> 
par  l'Andaloufie  :  les  Portugais  refu- 
ibient  de  rien  hafarder  ;  mais  la  maladie 
duJRoi  Pierre  ayant  fait  paiTer  entre  les 
mains  du  Prince  de  Bréfil  la  Rén&ce  du 
Royaume,  ce  Prince  entra  dans; toutes 
les  vues  des  Allemands  ;  les  Andois 
s'y  prêtèrent  avec  peine  :  quant  à  l'Ami- 
rante ,  à  peine  daignoit-on  Técouter^ 
l'Archiduc,  avec  une  franchifetGerma- 
fiique  ,^  ne  le  déûmoit  que  fous  lenom  de 
premier  traître  i  les  Généraux  Anglois 
ne  le  nommoient  jamais  fans  ajouter  quel- 

?u'épithete  outrageante  à  fon  nom:  k 
euple  Pinfultoit  dans  les  rues  j  digne 


■ruiTililTi 


^^  ■m  h 


d'Espagne.  247 

falaire  de  la  trahifon  :  il  mourut  bientôt 
après  d'ennui  &  de  défefpoir  ;  mort 
trop  douce  pour  Fauteur  des  maux  aux- 
quels fa  Patrie  fut  en  proye. 

Cependant  les  armées  agiffoîent  dé 
part  &  d'autre  fur  les  frontières  de  Por- 
tugal,  en  Andaloufie  &  en  Catalogne  : 
les  ennemis  prirent  en  Eftramadoure  Sal- 
vatiérra ,  Valence  ,  Alcantara  &  Albu- 
querque  ;  ils  profitoient  du  malheur  ar* 
rivé  aux  Espagnols  &  aux  François  en 
Andaloufie  où  dès  le  commencement  de 
Pannée  ils  aToient  été  obligés  de  lever  le 
fiége  de  Gibraltar  ;  la  caule  de  ce  défaf^ 
tre ,  comme  de  la  plupart  de  ceux  qui 
.arrivèrent ,  fut  la  foibiefle  de  la  Marine 
Frariçoife  ;  Louis  XIV.  avoit  envoyé  le 
Baron  de  Pointis  avec  vingt  vaiiieaux 
tloqudr  le  Port  de  Gibraltar ,  mais  bien- 
tôt rointîs  attaqué  par  cinquante  vaif- 
fearâ  Angloiisr^  leur  céda  h  viftoîre; 
les  ennemis'  profitèrent  de  fa  fuite  pout 
jetterdes  fecourtfdans. fa  Place j  le  Ma- 
réchal de  Teflé ,  obligé  de  lever  le  fiége , 
répara  fa  difèràce  vers  la  fin  de  la  cam- 
pâme , .  en  forçant  le»  ennemis  qui  lui 
etoientïtipérieurs  de  lever  bonieùiement 
lefiége  de  Batfojoaù  '-  ' 


0^6  Histoire 


Hs  voyoient  avec  plaifir  tout  le  fardeau 
de  la  guerre  tomber  fur  ks  François ,  dé- 
pofitaires  de  la  confiance  du  Roi  ;  Tin-» 
différence  marquée  des  Grands  fut  la 
caufe  de  la  perte  de  trois  Royaumes  ;  elle 
auroit  pu  entraîner  la  ruine  entière  de  la 
Monarchie  ^  fi  la  Cour  de  rArchidue 
n'eût  été  en  proye  aux  mêmes  divifions 
&  aux  mêmes  intrigues  ;  les  Allemands  > 
les  Anglois ,  les  Éfpagnols  défeneurs  3 
les  Portugais  vivoient  dans  k  pluff  étran^ 
ge  diflenfion  y  ks  premiers  roaloient 
qu'on  èntaiiiâtla  conquête  de  P£(î>agne 
par  la  Catalogne  ;  TAmirante  &  Tes  amîs> 
par  TAndaloufie  :  les  Portugais  refii- 
ibient  de  rien  hafarder  ;  mais  la  maladie 
du  JRoi  Pierre  ayant  fait  paiTer  entre  les 
mains  du  Prince  de  Bréfii  la  Régence  da 
Royaume ,  ce  Prince  entra  dans-  tontes 
les  vues  des  Allemands  ;  les  Andois 
s'y  prêtèrent  avec  peine  :  quant  à  FAmi- 
rante,  à  peine  daignoit-pn  Técouterj 
l'Archiduc  9  avec  unç  franchiiè 'Germa- 
nique^ ne  le  défîmoit  que  fous  le  nom  de 
premier  traître  ï  les  Généraux  Ax^lois 
ne  le  nommoient  jamais  fans  ajouter  quel- 

?u'épithete  outrageante  à  fon  nom:  k 
euple  l'infultoit  dans  les  rues  3  digne 


i^afc^a^tfliWiiftT^"     ■* 


d'Espagne.  247 

Salaire  de  la  trahifon  :  il  mourut  bientôt 
après  d'ennui  &  de  défefpoùr  ';  mort 
trop  douce  pour  Fauteur  des  maux  aux- 
quels fà  Patrie  fut  en  proye. 

Cependant  les  armées  agiffoîent  dé 
part  &  d'autre  fur  les  frontières  de  Por- 
tugal ^  en  Andalousie  &  en  Catalogne  : 
les  ennemis  prirent  en  Efiràmadoure  Sal- 
vatîeita  y  Valence  ,  Alcantara  &  Albu- 
querque  j  ils  profitoient  du  malheur  ar^ 
rivé  aux  Efpagnols  &  aux  François  en 
Andaloufie  où  dès  le  commencement  de 
Pannée  ils  aToient  été  obligés  de  lever  le 
fiége*  de  Gibraltar  ;  la  caule  de  ce  défaf^ 
tre  y  comme  de  la  plupart  de  ceux  qui 
.arrivèrent. >  fut  la  foibieife  de  la  Marine 
Frariçoife  ;  Louis  XIV.  avoit  envoyé  le 
£aron  de  Pointis  avec  vingt  vaifTeaux 
tloqudr  lé  Port  de  Gibraltar ,  mais  bien- 
tôt rointi^  attaqué  par  cinquante  vaif- 
fearà  Aiiglplusf  /  leur  céda  îa  viéloîre; 
fes  ehiiemis^  profitèrent  de  fa  fuite  pout 
jietterdes  fei^kirtfdanç  fa  Pfilce  j  le  Ma*- 
iréchal  de  Teffé ,  obligé  dè^  lever  le  fiége , 
répara  fa  dif^ràcé  vers  là  fin  de  la  cam- 
pante,, en  forçant  les  ennemis  qui  lui 
ctoiéntïûpérîeurs  de  lever  honteùieraent 
Iefié|;e  de  B»(fejois;  ^-  •-' 

Liv 


«M^F-wnBWR^fci* 


548  Histoire 


Mais  FArcbiduc  fut  plus  heureux  que 
Hs  Portugais  :  U  s'embaraua  fur  une  ftot- 
te  Angloiiè^  ayant  fous  .lui  le  Prince  4^ 
Darmuad  &  Mylord  Peterborough,,avec 
douze  mille  hommes  de  troupes  réglées , 
fon  deffein  étoit  de  profiter  d'une  hqu- 
velle  conjuration  tramée  en  fa  faveur,  par 
les  Catalans  ;  fa  fortune  furp^i^s^  Tes  efr 
{)érances  :  i^  débarqua^  chemin  f^ifaQtjiur 
les  côte;  de  Valenpe  un  çertaifi-jB^^tp-) 
homme  obfcur>  hardi  &  nôirpjdfs.na^f^ 
crimes  ;  ce  perfonnage  fuivi  d'uft^ipoi- 
gnée  de  bandits  fupprima  de  foiiautefi}:é 
tous  les  impôts^  &  proclama ^('.A^^^C 
Roi  d'£fpagne  ;  la  iuppreffi9^;4es.i9Qr 
pots  i  appas  groflier.  &  uié^  aug^^f  l^e^eur 
le  fe  laiâe  toujours  prendre  sl'^i^Qttr  de* 
a  nouveauté  »  la  haine  contre  Jes  Caftil^ 
lans  entraînèrent  bientôt  touçe-Ja  Prp* 
vince  dans  la  révolte,;  dans  cet;e  défecr 
tion  générâjle.i^  ^^n^y  ^ept,  qy^:  la  .^laSba 
de  Borgia ,;  u^e  ç(^  d^qx  .y  iPçs  ic^ue^ 

3uesGentà8b< 
eles  ;  la  vue 
encore  plus  rapides  en  Catalogne  ;  les 
conjurés  lui livjrerent y,dès  qu')y^ari|it>le# 
forterèiles  de  jLérida  &  àfi  iTortoîè  ; 
il  s'avança  etiluite  ^YUt;|3arce|onfie> 


i 


d'Espagne,  249 

idont  il  ne  daîj^na  pas  faire  le  fîége  dans 
les  formes  ;  eipérant  à  chaque  infiant 
que  les  traîtres,  fupérieurs  en  nombre 
&  £n  audace  aux  Sujets  fidèles  du  Roi 
légitime  ,lui  ouvriroient  les  portes  ;  mais 
ils  itoient  contœus  moins  à  la  vérité 
par  la  préfence  du  Vice-Roi  9  homme 
ibible ,  que  par  celle  du  Duc  de  Popoli 
qui  par  hafard  fe  trouvoit  à  Barcelonne 
avec  fa  compagnie  des  Gardes  Italiennes 
&  avec  les  Marquis  d'Aytocme  &  de 
Riibourg,  braves  Se  fidèles  Officiers  ;  Pe- 
terborough  qui  n'avxflt  pas  été  de  l'avis 
de  ceue  entrepr lie  ^  impatient  de  la  voir 
traîner  en  longueur ,  donnoit  déjà  ordre 
à  fes  Anglois  de  iè  rembarquer  «  ktrfqu'il 
apprit  que  le  Prince  de  DarmÂad  ,  fort 
-rival  ;  -venoit  d'être  tué  devant  le  Fort 
Montjoui  :  à  cette  vouvelle  il  changea 
toutàc-oup  de  fentiment;  il  preiTa  avec 
ardeur,  la  conqoête  d'une  JPlace  dont  pei;- 
fonne  ne  devoit  partagea  avec  lui  la  gloi- 
re; bientôt  il  fe  logea  fuï  la  brèche ,  uii 
ennemi  puii&nt&  acharné  au  dehors^des 
traîtres  au-dedans  ;  les  cris  &  les  mena- 
ces du  Peuple  étonnent  le  Vic«-Rcti, 
&  l'obligent  à  capitùlei: ,  mais  tandis  q«x^j| 
cooÊare  avec  le  vainqueur ,  il  appren^ 

L  V 


mi^'mmmim»  il  n    .        IJ 


3fO  HlSTaiRE 


«ta 


que  les  traîtres  ouvroient  les  portes  àtHÇ 
ennemis^  que  les  AUemaculs  fe  précipitant 
enfouie  les  uns  fur  les'autres>  s'étbienr 
faifîs  des  principaux  poftes ,  ôc  que  de-Ur 
ils  portoient  dans  toutes  les  rues  Le  fer  6c 
le  feut;  Peterboroughpréfent  à  ce  récita 
s'avança  lui-même  dans  la  ViUe  pour  Ïtl 
fauver  de  la  fureur  de  fes  propres  Sot- 
dats  y  il  arracha  la  Ducheile  de  Popoli 
d'entre  les  mains  des  Allemands  ^  les 
chaflTa  de  la  Ville  o4  il  rétablit  Tordre ,  & 
cnfuite  fè  rendit  oà  le  Vice-Roi  Tatten- 
doitpour  (ignerla  capkulation.  Auflî-tôt 

3ue  L  Archiduc  fut  entré  dans  la  Capitale 
e  la  Catalogne  ^  on  le  proclama  Roi.  Ses, 
iiouveaux  Sujets  (ignalerent  leur  zèle  en 
&  faveur  par  les  plus  indignes  extrava- 

gances  ;  ils  mirent  en  pièces  les  fia  tues  dit 
.oi ,  &  brûlèrent  parla  main  du  bourreau 
les  nouveaux  privilèges  dont  \ï  les  avoir 
honorés;  dèsqueBarcelonnefutprife,  it 
y  eut  deux  Rois  dans  l'£fpagne,deux  Ca- 
fiitales ,  deux  Cours ,  deuk  FisuplespLus 
acharnés  Pu  n  contre  1  autre  aue  ceux  qui 
venoicnt  les  détruire.  La  vérité  del'Hif^ 
toife  ne  permet  pas  de  diffimuler  que 
dians  toutes  les  ProvinceS'infeâéês  de  là 
jpëtfidîe  &  de  la  rébeUiûii>  IttMoiMfttt 


.      .  .  i..    .  .  ..        .  '  ■        ■■!      ■  ■■  ■    .       ' 

ks  Eçcléficidiques  du  fecoAd  O'rdrç  ,  ex* 
cepté  les  Jéfuites  Se  les  Bénédiâîns ,  qui 
feuls  réfterent. fidiéles. au  Roi  légitime, 
fignalérent  les  premiers  leur  fureur  &  leur 
haineiqu'ils  furent  les  principaux  auteurs, 
des  maux  auxquels  leur  Patrie  fut  en 
p.roye;  on  découvrit  alors  >  &  on  ^touâk 
une  nouvelle  confpiration  tramée  par  des 
Moines ,  pour  livrer  Gtenade  aux  AUe- 
Qiands. 

Les  fuccès  de  la  France  adoucirent  îz 
douleur  que  conçut  Philippe  de  tant  de 
pertes  ;  le  Maréchal  :  de  Villars  ,-  après 
avoir  éteint  la  révolte  des  Cevenes ,  avoit 
été  rendu  aux  armées  ^  &  la  viâoire  le 
fuivoit  par-tout  :  d'abord  il  détruifit  par 
f  on  habileté  le  magnifique  projet  de  Mari- 
boroug ,  de  pénétrer  dans  le  cœur  de  la 
France  pai!  la  Lorraine  ;  de-  là  Villars  fut 
en  AUace  anéantir  les  efforts  des  enne- 
mis fur  cette  Province;  la  fortune  ne  hr 
vorifa  âutun  Parti  dans  les  Pays-Bas  ^ 
mais  en  Italie  ce  ne  fut  qu'une  fuite  de 
vidèoires  fous  Vendôme  :  il  livra  une  fan"-^ 
glante  bataille  le  feize  Août  au  Prince 
Eugène  ài^rès  deÇaflano ,  le  vainquit  y 
Se  ôu^  au  iUuc  de  Sayoye  tôut^efpoir  dt 
iceodra  j.  ee  Prince  fuccomboît  de  jour 

L  vj 


^m^ 


04^  HiSTOIRB 

en  jour  fous  k  poids  de  fes  malheurs  9 
fims  perdre  le  courage  par  lequel  les 
mnas  hommes  fe  fignafent  jufqu^iux 
derniers  momens. 

Verrue ,  Villef ranche ,  Nice ,  Chîvas^ 
Montméiian  furent  réduits  par  les  Fran- 
çois &  les  Efpagnois;  il  ne  reftoit  guères  à 
l^or-Amedée  que  Turin  fous  les  mors 
de  laquelle  Place  il  paroiflfoit  vouloir  s'en^ 
fevelir  ;  les  Potentats  voifins ,  efirayés  du 
fort  du  Duc  j  craignant  ou  feimant  de 
craindre  pour  la  liberté  de  ritaUe ,  pré* 
paroient  déjà  une  ligue  pour  arrêter  les 
progrès  des  deux  Rois  ;  mais  ces  mêmes 
Pbtentats ,  quelques  années  après ,  lorf- 
que  les  forces  de  la  France  eurent  été 
oétruites  dans  les  plaines  de  Turin ,  lors- 
que TEmpereur  Jofeph  les  accabloitfous 
le  poids  des  contributions  &  du  defpotif^ 
me ,  n'oferent  jamais  fiaire  un  digne  ef- 
fort en  faveur  de  leur  Patrie. 

Léopold,  cet  Empereur  fi  heureux 

Î)ar  fes  Généraux  &  fes  Alliés,  n'eut  pas 
a  fatisfaâion  de  voir  les  fuccès  de  ion 
fils  ;  il  mourut  le  (ix  Maij  laiflant  letbrô* 
ne  à  Jofeph ,  jeune  Prince  plein  d'acdeiUTt 
dlmpétuoHté  Se   d'ambition  ;  tel 
jBÎêrs  jours  de  fon  regtie  furent  a 


^^17 


2;  3 


ce  tl 


à  la  vengeance  6c  à  la  rigueur  ;  il  mit  de 
fon  autorité  privtîe  les  Eleileurs  de  Ba-r- 
viere&deCologneau  Bande  l'Empire,- 
&  traita  les  Sujets  du  premier  avec  unô- 
~  "tareté  qui  les  réduifit  au  défefpoîr. 

k-Les  viiïloires  de  laFrance ,  les  fecours  I70<î. 
fe-'les  promeifes  de  Louis  XIV.  ranime- 
"reni  l'efpérance  de  Philippe  ;  les  Fran- 
çois n'avoient  pas  encore  fait  depuis  le 
commencement  de  la  guerre  de  fi  prodi- 
gieux efforts  que  ceux  qui  cette  année 
eurent  un  Ct  trifte  fuccès  :  il  s'agiiToit  dé 
chaffer  les  Allemands  del'Efpagne  Ôc  de 
^^Itatie ,  &  de  forcer  la  Hollande   par 
HBlielque  viéloire  éclatante  à  fe  détacher 
^Pn  la  grande  alliance  ;  mais  la  fortune 
^TTafait  de  toute  part  le  grand  cœur  de 
Louis  XIV.  Jamais  année  ne  fut  fi  funef- 
te  aux  Bourbons  que  celle  oïl  nous  tou- 
illons. 

a  guerre  civile  &  étrangère  exerçoic 
:uneftes  ravages  en  Catalogne ,  en  Ar- 
gon, dans  le  Royaume  de  Valence, en 
ttramadoure  &c  en  Gallice;  le  Roi  fe  mit 
j-même  à  iatcte  d'une  armée  pour  péné- 
r  en  Catalogne  ;  il  avoit  fous  Icr  or- 
s  le  Mariichal  de  Teffé ,  &  environ 
|gt  mille  hommes  î  il  fe  6i  précéder 


^^4  Histoire  , 

par  unç  ^mnUlie  en  f^v^ut  des, Catalans; «. 
^î n'opéra  auwn  eff^t  fttrVefpfit  d«  ce- 
reupk  inflexible.  Après  un^ç  çoutç^çéflW 
bie^  le  Roi  parvint  acuc  portes'djs  fiàzsçer' 
lonne  qu'il  aflîégeà  dans  le3  formes  ?.l'Ar-- 
-chiduc  était  renfermé  dans  ia- Vaille  ,*  & 
la  guerre  finiflbît>  s'it<tpmbQit  enfre  1q9> 
mains  du  Roi;  cet  tib|ét  >  digne  Irait; d& 
h  viâoire  animoit  égalen^nç  1^  Catsin 
tans.&  lesjfvoupe&^e'JPjùtippe;  maisrceln 
les- Cl  prirent  le  deiÈis  :  déjà  le  Fort- 
Montjôuî  évacué  par  les  en>Demis  ,  an«^ 
nonçoit  ta  prompte  reddition  de.Bacce^: 
lonne;  ;dé)a  les  rebelles;  tenoient  invefti 
te  Palais  dîe  TArcbiduc  »  afin   qu'il  ne 
pût  rfe  fautrer  par  Mer,  &  qu'il  parta- 
geât avec  eux  le  fort  qui  les  attend  oit  ;: 
plufieurs  Catalanis  propofoiént  d'arrêter 
ce  Prince ,  &  dtile  livrer  au.  Roi  Philip-, 
pe ,  afin  de  mériter  leur  grâce  par  une 
nouvelle  perfidie  i  quand  tout  à  couple 
Comte  de  Toaloufe  qutbloquoit  lePod 
aivec  la  Àbtte  de  France,  débarque  ppé- 
cîpitammëhtles^  vivres  &  les  miinitions  ^ 
&  prend  le  large  pour  ne  paa  êtreiObKgé. 
deGonibattrt^  une  flotte  tvoi^'lblsii&pe- 
rieum  à  la  fienhé.  A  ce  bnifque  d^P^^Etiàb^ 
Atjàvb>vaejàc$ABglois:i  l'aiiniéè  du  Rù^ 


d'Espagne.  j^y;: 

eft  faifie  de  frayeur.  En  vaia  Philippe 
propofe-t-il  de  dormer  un  nouvel»  atout 
à  la  Ville  j  il  n'apperçoit  fur  tous'^Ui  vi- 
fages  que  Tinipreffion  de  la  terreur  :  cé- 
dant alors  à  fa  mauv^e  fortune  ^  il  aban- 
donna ,  en  frémiffant ,  la  proye  qu'il  fai- 
fiffoit ,  &  ordonna  Ja  retraite  qui  fut  ac- 
compagnée des  plus  funefles  circoxiflan- 
cesj  les  vivres,  les  munitions ,  Fartîlle- 
rie ,  les  malades  &  les  blefifés  tombèrent 
entre  les  mains  des  Anglois ,  vainqueurs: 
iàns  tirer  l'épée  ;  le  Roi  dirigea  fa  fuite 
vers  le  Roumibn ,  parce  que  les  Payfana 
de  Catalogne  revotes,  ceux  de  FArra^ 
on  chancelans^,  auroient  pu  te  couper 
['avec  la  Caftiile ,  &  le  mettre  dans  la^ 
Blême  fituation  dont  les  Anglois  venoient 
de  tirer  Ion  rivaL  Ce  jour  j(i  funefte  étoit 
l-onziemeMai  :  une  édipfe  de  Soleil  cou- 
vrit pendant  trois  beures  la  terre  des  plus- 
ëpaifTes  ténèbres ,  Teflroi  augmenta  d^ns 
toute  l'armée  ;  le  Soldat  aecufoit  le  Ciel 
d*être  d'intelligence  avec  l'enne toi  pour 
le  perdre  ;  les  animaux  fembloient  parti-. 
ciper  à  Thoireur  commune  ;  le  cheval 
du  Roi ,  épouvanté  r  sVrêta  plufieurs 
£ob  ;mais  enfin  ^  le  courage  d-e  Fhilippq> 
(anaontd,  tous  ces  ohfiacles':  il  franchiti 


f 


mM 


tij6  Histoire 

les  Pyrénées ,  &  arriva  à  Perpignan  d'où 
si  prit  la  pofte  pour  rentrer  dans  fes  Etats 
par  bJNavarre. 

Dans  le  tenxs  qu'il  étdt  à  Perpignan  s 
le  Maréchal  de  TefTé  le  prefla  en  vain  de 
profiter  de  fon  féjour  en  France  pcMir  fe 
rendre  à  Verfailies  ,  &  pour  conférer 
avec  fon  ayeul  ;  le  Roi  répondit  à  toutes 
les  inftances  du  MaFéchal ,  qu^it  ne  ver-^ 
mt>  jamais  Paris  ,  Se  qu^il  mourroit  en 
Efpagne.  Philippe  craignoit  que  Louis 
XI  V.  accablé ,  ne  l'engageât  à  abandon- 
^onner  PEfpagne  &  TAmérique ,  &  à  le 
contenter  aes  Etats  de  la  Monarchie  en 
Italie ,  de  la  Sicile  &  de  la  Sardaigne,  que 
les  ennemis  confentoient  de  lui  laifler  ;  il 
Cçavoit  qu'un  Parti  puiflant  à  la  cour  de 
France  écoit  d'avis  d'accepter  la  paix  ; 
les  Efpagnols  ponoient  rinjuftice  juf- 
qu'à  accufer  Tefle  de  s'erre  laifTé  gagner 
par  ce  Parti ,  ,&de  n'avoir  Ipas  montré 
au  fiégje  de  fiarcélonne.  le  même  zélé 
ic  la  même  aélivité  qu'il  avoic  fait  pa- 
roître  en  d^autres  occafions  ;  mais  l'u« 
^iûque  &  véritable  caufe  de  cette  difgrace 

(a)  Quoi  qu'il  enfcrît  de  cette  tïneqdote ,  les 
ei<!fnemf$  augmentèrent  bieti  dans  la  Àiite  -lèiix» 
ftétentxonsA  leur  dux^^      ..:...> 


^fti^ 


d'  E  s  P  A  G  N  È.  25'7. 

vîht  de  ce  que  l'un  &  l'autre  Roi  n'a-, 
voient  pas  une  marine  capable  de  faire 
tête  à  celle  des  ennemis. 

Cependant  ^  Philippe  ,  en  rentrant  à 
Madrid ,  apprit  las  plus  fâcheufes  nou- 
velles; l'Archiduc  &  Peterborough  avec 
vingt  mille  hommes,  s'étoient  avancés 
dans  TArra^on ,  &  Pavoient  réduit  plus 
par  la  trabifon  des  principaux  Officiers  9 
^ les. intrigues  des  Moines,  que  par  laT 
jforc^  des  armes  ;•  il  ne  reCbît  plus  au  Roi 
dans  ce  Royauoïe  que  laifortérefle  de 
Xaça  9  ep.  Catalogne  celle  de  Rofes ,  & 
dans  la  Province  de  Valence ,  Penifcola; 
ma'^:un  orage  plustexrible.le  menaçok 
di^  côté  du  Portugal  :  quarante  mille'Ànt 
gjpis  &  Portugais,  fous  lés  ordres  die 
Gallowai  &  de  las  Minas^  ,•  entroient,  en 
£ftramadoure  ppur  pénétrer  à  Madrid,  & 
achever  de  dépouiller  ce  Monarque  ;:Bar- 
wî^H  pourfpivi  avec  dix  mille  hommes  ij 
aprè^  avoir  vu  prendre  à  fesyeux  Alcan- 
tara  floAt  la  garnifpn  Efpagnole  de  yooo 
hommes,  fut  faite  priÇpnniere  de  ruerrc  ; 
Ciud^dB^odrigo  ,Salamanque  &Te  pofte 
dfEfpirar;  avertirent  le  Roi  du  danjger 
doAA  ^t<^  xtfin^K^^^^  Capitale* 
•J^tliitteftvFhaippe  aflcmbla  un 


2^8  Histoire 

^rand  Confeil  dans  lequel  l'Âmbafia*- 
deur  François ,  Amelot ,  le  conjura  de  fe 
fauver  en  Navarre ,  aux  pones  de  fa  Pa- 
trie ;  pluûeurs  Grands  t'exhortoieilt  à  fe 
rendre  en  Aiidaloufie  où  il  aurcic  k  temè 
de  rafTembler  une  armée  ',  &  d'attendre 
des  fecours  de  France  ;  mais  Philippe 
prit  un  pani  digne  de  fon  courage  eii  fé 
déterminamt  à  combaftcre  &  à  s'eliféteUf 
fous  les  débris  de  fofi  thirône.  Son  départ 
&t  précédé  d'un  Débret  par  lequel  3 
transféroit  la^Riise  &  t«Mis  les  triblihaitit 
i  Burgos ,  lapflant  aufurplus  à  tous  ceux 
qui  n^voient  point  d'emploi  à  là  Cour  i 
m  à  l'armée ,  deî«boUif  leurs  âfrlei-cft^ 
Yoadfoient  ;  prefque  tous  les  urânâsf  té* 
moins  des  adieux  tendre$;&:  touc]iâi10s;dfi 
h  jeune  Reiftei&  dû  Roi  ne  'pureht  *^^ 
nir  leurs  larmes  à  la  vue  des  malheur^ 
de  oe;te  famille  fugitive  3  lai  Cou^r'tî'avbit 
pas:  encore  thisrl^'f^ds-  keM^iieltfsÉi^i 
çie  x^ueiques^Sei^ètfrsi  i^ttafctiés^'è  V^Ar^ 
chiduc  Mciïv\ptt(t  â  Géi^ltewâi  i'^cifeHiw 
danstaj;apitaletrbahÂ<^t)ééi  GàttoW^^  Se 
(oh  Çollè^rue  9  au  lieu  dc/pourJTiîivre  k 
Kcif&  de  lé  chaiTer^  la  nouvélteCaf- 
tille,  dont  la  conquête  eMyatRoit  fà  ruîn^ 
cmiere  y  mitchcfii  S^MadHd^  itls  ehtf^nt 


l^i^W^i^™^^^^^"^^^^— ^^^^— ■^■^™^^— ^^i— — — ^— ^i^Mi^it 

d'Espagne.         ^5p 

en  triomphe  le  vingc-cinq  Juin  ;  mais  ils 
lurent  fur  les  vifa^es  de  tous  les  Ci- 
toyens la  haine ,  la  tùreur  &  la  vengean* 
ce  ;  les  CaftiUans  ne  pouvoienc  diifimuler 
Texcès  de  leur  douleur ,  en  voyant  les 
Portugais  à  peine  libres  du  joug  &  des 
fers  EÎpagnols  donner  un  Roi  à  TEfpa- 
gne  ;  les  vainqueurs  s'apperçurent  bientôt 
qu'ils  n'avoientde  Madrid  que  les  mur$, 
lorfqu'ils  firent  proclamer  Koi  rArchi* 
duc;  aucun  Citoyen  ne  répondit  aux  crift 
àt  leurs  Soldats ,  ou  touscrioient ,  viveU 
Roi  Philippe.  Les  Pay fans  des  environs,  les 
Bourgeois ,  fur  le  toir  aflbmmoient  tous 
Içs  Soldats  qu'ils  rencontroient  ;  les  Mé* 
decîns  empoifonnoient  lei  mataâes  de 
leurs  hôpitaux  3  &  les  courtifanes  pra4 
diguant  à  ceux  qui  feporcoieht  bieitieun 

f>erfides  carreites  5  répandoîent  .exprès 
es  maladies  ,  la  douleur  &  la  mort 
dans  leurs,  armées-;  enfin  Pinaâion  dans 
laquelle  les  Généraux  la  tinrent  %  ache- 
va de  -la  ruiner  ii  cependant  T Archi- 
duc alôr^iSariragoCe  y  ignptoit  ^'i)  Fë^ 
\ç  màttte  de  Afadrid  ;  PhiHppe',  s'e- 
tant  faifi  des  paffages  <[ui  conauifent  de 
VArragon  en  CaUille^  arrêtoit  tous  les 


sl6o  Histoire 

couriers  ;  mais  enfin ,  cette  nouvelle  par- 
vint à  fes  oreilles ,  &  il  s'avança  fur  le 
champ  pour  fe  joindre  à  GalloVai  :  la  nou- 
velle de  fbn  approche  jointe  à  la  défec- 
tioiï  du,  Comte  de  Santa-Cruz  Ca)  qui  lu 
vra  Carthagene  &  les  galères  aux  enne<* 
mis  9  ôt  à  l'ignorance  oà  étoît  le  Roi  dé 
Textrême  attachement  de  la  Capitale  à 
fes  intérêts  ,  le  jetterent  dans  la  plus 
étrange  perplexité;  Comment  efperer 
faite  Face  à  x  deux  armées  avec  moins  de 
dix  milb  hommes  découragés  par 'les 
mauvaifes  nouvelles  qu'on  recevôit  cha- 

3ue  jour  ?  Comment  arrêter  le  torrent 
e  la  défeétion  f  Amelot  croyant  Philippe 
ebfolument  déthrôné,  fe  jetta  à  fes  ge-; 
©oux  pour  ie  conjurer  de  fuir  en  Nayar^ 
rc  5  &  de-là  en  France  ;  k  bruit  cpurac 
fur  le  champ  dans  l'arnriée  que  Philippe» 
las  de  lutter  contre  la  fortune ,  abandon- 
coit  la  Couronne  à  fon  heureux  rival  ;  il 

.il.?'  •  •     .    .    I 


•  (à)  Un  frère' da  Comté  >  Atthiâhcie 
Jo^ie.fDJieîn, d'horreur  pour  •IViâÎQfinbonwâ'^ 
ble  iu  Comte  de  Santa- Cniz  9  alla  pseitdw  à  la 
Paroifiè  leregStre  des  Baptêmes»  &  arnicha  la 
fcvLiïîé  où  le  nom  de  fon  mre  étoit  îhfcrit,  afin  % 
difoit-il  qu*il  ne  reftât  parmi  leshommft  aucu^ 
ne  trace  d'un  homme  auifi  méprifable* 


d'Espagne.  261 

n'en  falioit  pas  tant  dans  de  fi  trifles  cir* 
confiances  pour  achever  d'abattre  le  cou- 
rage de  la  poignée  de  Soldats  qui  refloit 
au  Roi  :  Philippe  inflrult  du  fêcbeux  efiet 
de  ee  faux  bruit ,  fort  de  fa  tente ,  aflem* 
ble  Tannée ,  la  barangae ,  &  jure  qu'il 
périra  à  la  tête  de  fon  dernier  efcadron  9 
plutôt  que  d'abandonner  fes  fidèles  Caf^^ 
tillans  ;  ces  derniers  mots  l'attendrirent  ^ 
&  lui  arrachèrent  des  larmes  :'on  ne  lui 
répondit  qu'avec  des  cris  de  joye  mélét 
de  pleurs;  chacun  lui  jura  à  fon  tour  qu'il 
verfera  jufqu'à  la  dernière  goutte  de  fon 
fang  pour  lui  conferver  un  fceptre  dont 
fa  grandeur  d'ame  le  rend  fi  digne  ;  peut- 
être  que  la  harangue  du  Roi  lui  fauva  la 
Couronne  ;  dès-lors  les  ETpagnols  furent 
métamorphofes  en  d'autres  hommes  ;  les 
défertîons  ceflerent,on  adcourut  de  toutes 
les  Provinces  à  l'armée ,  forts  ou  foibles  ; 
les  Soldats  attaquèrent  les  détachement 
ennemis ,  &  les  détruifirent  ï  le  bruit  de 
cette  heureufe  révolution  fe  répandit  dans 
tout  le  Royaume ,  &  infpira  aux  Evéques 
&  aux  Curés  un  courage  héroïque  :  les 
Evêques  de  Murcie  ,  d'Orihuéla  &  de 
Calahorra  marchèrent  à  la  tête  de  tjue^ 
^ues  Régimens  dé  Chanoines >  de.Moi^ 


■»M» 


262  Histoire 


nés ,  de  Prêtres ,  de  Gentïshommes  &  de 
Payfans  mélis  enfemble  ;  les  Curés  fe 
faiipient  fuivre  de  leurs  Paroiffiens ,  8c 
foadoient  en  déterminés  fur  les  Portugais^ 
les  Allemands  &  les  Anglois;  cet  enthou-* 
(iafme  de  courage  &  de  fidélité  fe  com^ 
muniqua  jufqu'aux  femmes  &  aux  enfans^ 
qui  en  plufieurs  endroits  combattirent 
pour,  le  Roi  &  la  Patrie. 
'  G^Uowai  &  las  Minas,quî  voyoîent  avec 
douleur  leur  armée  diminuée  de  plus  de 
moitié  depuis  leur  funefte  féjour  à  Ma*^ 
drid ,  révacuerent  alors ,  8c  s'avancèrent 
au-devant  deiTArchiduc;  auffi-tôt  le 
Rpi  fe  pofta  entre  leur  armée  &  Madrid  ; 
à  la  vue  du  .premier  détachement  des 
troupes  Caftilianes  p  Madrid  retentit  des 
cris  de  vive  le  Roi.  Tolède  &  Salaman- 
que  n'avoient  pas  attendu  la  préfence  des 
troupes  pour  fe  déclarer  contre  un  enne^ 
mji  auquel  leurs  forces  ne  leur  avoient 
*p9S  permis  d'abord  de  réfîfter.  Le  Rpi  nç 
put  empêcher  la  jonâibn  des  deux  ar- 
mées ennemies  ;  mais  il  ne  les  en  pour- 
fuivit  pas  avec  moins  de  courage»  ù  leur 
enleva  Alcala  dans  lequet  ils  avoient 
f^enfermé  leurs  magafisis  6c  leurs  hôpl* 
(iauxs4'Ari:hiduc  $'eiifuîti.£btn  lour  dans 


p'  E  S  P  A  G  N  E.  26  J 

le  Royaume  de  Valence  ,  &  acheva  de 
perdre  foA  armée  .par  une  retraite  rui- 

nçîrfe,  ,'     '     ' 

^   Cependant  ïMipp^*  iir pouvant  fe  r&- 
fufer  z\x%:  vœux  &c  a  l'impatience  de  la 
Capital^  qui  demandoit  à  grands  cris  fa 
préfençe ,  fe  rendit  à  Madrid  :  Paffluence 
du  Peuple,  la  jpyç*  les  tranfports  d'à- 
nxour  &  de  tendreflè  qu'on  Jui  prodigua 
ne  fe  peuvent  exprimer.  Le  Peuple  mit 
en  pièces  un  Tailleu/  qui  feul  3  lors  dé  la 
proielamation  de  l'Archiduc ,  avoit  crié  » 
vive  le  Roi  Charles  j  de-ià  il  fut  mettre  le 
feu  aux  maifbns  de  ceux  qu^il  foupçon*^ 
noit  d'avoir  appelle  le^  Généraux  de 
l'Archiduc  j  le:  retour  de  la  fortune  dé 
Philippe  fut  funefte  au  Duc  de  l'Infanta- 
do ,  ;au  Patriarche  des  Indes  ,  à  Mendo^ 
ftt  y  ancien  Inquifîteur  géniéral ,  au  Comte 
de  Lémon  qui ,  croyant  Philippe  accablé 
&  déthrôp/i  avoiç^ptêtéifermçm  à  ion 
rival  :  iU'furent  arrêtés  âc.difperi^sieli 
diâtreiKés  prifoos  ;  le  Cbmtç  d^Oktxpéf 
Ùl  f  le  Duc  de  Najera ,  les  Comtes  df 
Haro  &  de  Ga}yez  redoutant  un  fort  plus 
fâcheux,  fuivirent  l'Archiduc  qui  étoit 
)e  premier  à  fe  moquer.de  leur  trjihifojlV 
On.fù$>  (juelp  ;C;>rdinalPorto-e;>!rpef0'^ 


^iriMdtaaAriHIiMkdBaMB 


2^4  Histoire 

entraîné  par  le  tourbillon  général ,  dë- 
flaentit Ton  ancien  zélé ,  en  recoiinoîSanc 
lui-même  l'Archiduc  ;  mais  Philippe  lui 
pardonna  çn  jconfidéjraiion  de  fa  vieil* 
leiTe ,  &  par  reconnoiiTance  pouY  iês'  âtt* 
ciens  fervices.  Le  Roi  n'ùia  pas  de  la 
même  clémence  à  l'égardi  de  la  Reine 
Douairière  qui  fignala  parades  traniports 
prématurés  la  joyç  de  voir  enfin  ion  ne"* 
veu  fur  le  thiiône  où  fès  intriguas  n'a- 
yôiént  pu  l'appèller  ;  elle  fut  rdéguée  jk 
Bayonne  ;  U  Roi  fupprima  en  niéme 
jCems  les  Dames  du  Palais  <3ui  n'avoient 
pas  eu  le  courage  de  fuivre  la  Reine. 

rM«  Orxi  /facrifié  à  la  haine  de  quelques 
Grands ,  refta  à  Paris  oiïi  le  Roi  Pavoit 
enYoyé'avaht  l'învafion  de  la  Caftijle  fol- 
liciter  de  puiffans  fecours  ;  les  Efpagnols 
nefentirent  pas  .la  perte  que  la  Patrie  fai- 
(oitxn  ce  François  dont  le  génie  puiflant 
avioii  débcoâillé  les  finai|css  :  celles  tom* 
JbereDt  biëncdc  dans'leur'ancieii  chaos  » 
&  leRoi ,  priyé  de  fes  ferv]ce;s>&  vit  dans 
rimpuiifance  d'entretenir  les  icént  trente 
mille  homoies  où  ce  Miniftre  avoit  fait 
monter  les:focces  dii  Royaume-;  la  Mo* 
Darcbte  d-Arrâgon  pafioit  rapidement 
^Otrcies  mains  >de.rArchicbz07  plu»  les 

Caftillans 


d'  E  s  P  A  G  N  E.  26^ 

CaftUlans  témoîgnoîent  de  tendrefle  &c 
d'attachement  à  Philippe  »  plus  les  Arra- 
gonois  &  les  Provinces  attachées  ancien- 
nement à  leur  Monarchie  paroiiTpient  de 
Î'our  en  jour  dévoués  à  l'Archiduc.  Les 
[fies  de  Majorque ,  de  Minorque ,  à  l'ex- 
ception du  Fort  Saint  Philippe ,  Ivica- 
Fromentera  tombèrent  entre  fes  mains* 
Mais  Philippe  faifoit  bien  d'autres  per- 
tesi  au-dehors  ;  la  bataille  de  Ramillies 
livrée  &  perdue  le  fix  Mai  par  les  Fran- 
çois 9  eut  des  fuites  plus  funeftes  encore 
que  celle  d'Hochftet  :  la  poftérité  fera 
long'tems  à  comprendre  comment  la  cour 
de  Verfailles  abandonna  prefque  tous  les 
Pays-Bas  Efpagnols  ,  &  vingt  forteref- 
fes  capables  d'arrêter  pendant  pluficurs 
campagnes  les  vainqueurs.  La  perte  des 
Pays-Bas  entraîna  celle  d'Italie  ;  Louis 
XlV.  au  lieu  d'oppofer  Villars  à  Mari* 
boroug ,  rappella  Vendôme  (a)  que  la 
viâoire  avoit  toujours  couronné  en  Ita- 
lie. Pour  foutenir  la  fortune  de  la  Fran-^ 

(a)  Ce  grand  homme  avoit  g«ignc  cette  an- 
née le  dix-neuf  Avril  la  bataille  de  CalcinacQ 
fur  le  General  Reventlau  ;  il  ne  reftoît  plus  au 
Duc  de  Savoye  que  Turin  dont  les  François  faî- 
fàient.lé  ficge. 

Tome  F.  M 


a66  Histoire 

ce  fiir  les  frontières  de  Flandres  »  qu'ar- 
riva-t-U  f  Le  Duc  d'Orléans  fubititué  à 
Vendôme  en  Italie  j  fut  entièrement  dé- 
fait dans  fes  lignes  devant  Turin  le  fent 
Septembre  ;  le  Fiémont ,  le  Miianez ,  le 
Modenois  9  le  Mantouafi ,  le  Montferrac^ 
la  Savoye  ^  &  depuis  le  Royaume  de  Na«- 
ples  &  la  Sardaîgfie  tombèrent  entre  les 
mains  du  Prince  Eugène ,  vainqueur;  le» 
véritable^  caufes  de  ce  revers  ilnôui ,  fo- 
rent les  ordres  imprudens  diâés  à  Ver^ 
failles  d'attendre  les  Allemands  dans  les 
lignes  ^  au  lieu  de  marcher  droit  à  Voi^ 
Bemi  M  comme  le  Duc  d'Orléans  en  avoit 
ouvert  l'avis  :  les  François  animés  par 
le  courage  de  ce  Prince  &  par  la  (iipér 
riorifé  de  fbn  armée  auroient  vaincu  ;  le 
Comte  de  Mçdavi  remporta  9  deux  jours 
après  le  déf^ftre  de  Turin ,  une  viâoirc 
complette  &  inutile  dans  les  plaines  de 
Caftig^one  ;  le  Duc  de  Vicndôme  ne 
rappi^a  pioinit  b  fonune  dansTarmée  dç 
Flandres  j  ^  U%  Françds  fk  craienc  en 
droit  d'imputer  cet  enchaînement  éton-> 
oant  de  difgraces  au  mauvais  dioîx  des 
Généraux  9  &  à  l'incapacité  des  Min&Er 
très. 

Au  rede ,  touîs  XIV .  ac  FWnppc  If* 


d'  E  s  P  À  G  N  E.  26y 

n'étoîent  pas  les  feuls  Rois  humiliés  en 
Europe  ;  Augufte  ,  Roi  de  Pologne  , 
éprouvoit  de  plus  grands  revers.  Il  le  vit 
obligé  pour  conferver  TEledlorat,  fon  pa« 
trimoine ,  &  le  vain  titre  de  Roi ,  d'abdi- 
querla  Couronne  de  Pologne ,  ôcde  re- 
connoitre  l'heureux  rival  que  les  viâoi- 
res  de  Charles  XH.avoit  couronné;  il 
ne  tenoit  alors  qu'au  Roi  de  Suéde  de 
donner  la  paix  à  la  République  Chré- 
tienne ;  la  Af  aifon  de  Bourbon  fembloit 
être  en  droit  de  l'attendre  d'un  vain- 
queur qui  avoit  reçu  d'elle  des  fubfîdes  , 
&  dont  le  père  avoit  trouvé  un  Allié  fi 
mamanlme  dans  la  perfonne  de  Louis 
XI V.  à  la  paix  de  Nimegue  ;  mais  au  ti- 
tre de  pacificateur  del'Éirope ,  Tlmpé- 
tueux  Charles  préféra  d'en  être  le  def- 
truAeur  :  la  haine  ^  la  vengeance  ,  un 
amour  infenfé  de  la  gloire  le  conduifî- 
rent  dans  les  forêts  de  la  RulTie ,  ou  dès- 
lors  la  fortune^  ou  plutôt  la  Providence 
l'abandonna  pour  n  avoir  pas  voulu  être 
l'inilrument  du  bonheur  des  Peuples  ;  fes 
malheurs  égalèrent,  fa  profpérité  :  cette 
guerre  lui  coûta  enfin  la  vie ,  &  il  laKÎa 
en  mourant  une  réputation  plus  grande 
que  bellet 

Un 


26S  Histoire 

1 707,  Une  fuite  fi  accablante  de  difgraces  pré- 
cédée ou  fuivie  de  la  défection  des  Cata* 
lans  j  des  Arragonois  &  des  Valenciens , 
de  la  trahifon  de  pluficurs  Efpagnols  di& 
tingués  par  leur  naiitânce  ou  leurs  em- 
plois ,  commençoit  à  faire  naître  dans  le 
cœur  de  Louis  XIV.  des  fentimens  de 
défiance  contre  les  Efpagnols  ,  &  fur- 
tout  contre  les  Grands  qui  ne  lui  paroif- 
foient  pas  aiTez  zélés  pour  les  intérêts  de 
Philippe  ;  avant  aue  de  faire  de  nouveaux 
cfibrts  pour  conlerver  à  fon  petit-fils  un 
thrône  attaqué  par  tant  d'ennemis  fecret$ 
&  publics ,  il  fit  préifentir  les  Grands 
pour  Içavoir  jufqu'à  quel  point  il  devoit 
compter  fur  leur  attachement  à  leur  Roi; 
mais  il  n'y  eut  aucun  des  Grands  qui  ne 
jurât  entre  les  mains  de  l'Ambafladeur 
François  de  périr  plutôt  que  d'obéir  à  un 
autre  Roi  ;  tous  les  Caflillans  firent  écla« 
ter  les  mêmes  fentimens.  C'eft  en  efièt  à 
fe  Peuple  généreux  ^  confiant  &  magna-^ 
nime  que  la  branche  de  Bourbon  £Ô>a- 
gnole  doit  tous  les  tbrônes  qu'elle  occo* 
pe  ;  le  Clergé  donna  deux  millions  d'év 
fcus ,  |e  Mexique  un  million  dea 
les  feules  Villes  de  Séville  9  de  Gi 
jde  Cprdoue  {Se  dp  Jaeo  eotretitifei} 


d'  E  s  P  A  G  K  Ê. 


2(rp 


ze  mille  hommes  à  leurs  dépens  ;  ia  No- 
bleflcipeu  guerrière  Ions  lesRois  précé- 
dens,  combattit  dans  toutes  les  Provin- 
ces, &  l'Inquifition  fit  enfin  en  faveur  du 
Roi  Se  de  la  Patrie  le  plus  digne  ufage  de 
fon  pouvoir ,  en  ordonnant  fous  peine 
d'excommunication  à  tous  les  Penitens 
de  dénoncer  à  fon  terrible  Tribunal  tous 
les  Confefleurs  qui  leur  infinueroient  de 
manquer  de  foi  au  Roi  :  on  ne  fçauroit 
croire  combien  ce  décret  affermit  la  Cou- 
ronne fur  la  tête  de  Philippe  donc  plu- 
fieurs Moines  vendus  à  l'Archiduc,  n  o- 
ferent  plus  attaquer  en  fecret  les  droits 
légitimes  &  facrés  ;  à  la  vue  de  ce  con- 
cert unanime  Peterboroug  écrivit  à  Lon- 
dres que  toutes  les  forces  de  l'Europe 
réunies  enfemble  n'étoient  pas  capables 
de  déthrôner Philippe.  Cet  Angloisavoit 
raifon  ,  fur-tout  depuis  que  la  groifefle 
de  la  (a)  Reine ,  en  mettant  le  comble  k 
la  joye  publique  ,  avoit  refferré  les  liens 
qui  tenoient  les  Caflillans  attachi/s  à  un 
Bourbon  ;  les  ennemis  fentoient  quel 
)  alloît  porter  àl'Arcliiduc  la  n.iif- 
!  d'un  enlanr  Ae  Philippe  fur  une 


I 


JB,,, 


270  Histoire 

Narion  qui  aimé  Tes  Rois  jufqu'à  l'idolâ* 
trie  ;  pour  prévenir ,  s'ils  pouvaient  »  les 
fuites  qu'ils  prévoyoient  y  ils  fe  hâtè- 
rent de  répandre  le  bruit  que  la  ffrotkSt 
de  la  Reine  étoit  feinte  ;  mais  Philippe 
qui  avoit  fous  les  yeux  l'exemple  de  Jac- 
ques II.  à  qui  on  avoit  difpute  la  naiflân- 
ce  du  Prince  de  Galles ,  nt  évanouir  les 
doutes  que  Timpoifaire  &  la  calomnie  fe* 
rooient  en  appellant  dans  l'apparteinent 
de  la  Reine ,  au  moment  qu'elle  accou- 
choit  le  Cardinal  Porto  -  Carrero  9  les 
Confeillers  d'Etat ,  les  Préfidens  des 
Confeils ,  le  Nonce  du  Pape  &  les  Da- 
mes de  la  Cour  ;  la  Reine  mit  au  monde 
le  vingt -cinq  Août  le  Prince  Louis  qui 
dès  ce  moment  jufqu'à  fa  mort  fut  1  a- 
mour  &  les  délices  de  TEfpagne. 
Sa  naîiTance  avoit  été  précédée  des 

S  las  grands  fuccès  ;  le  Marquis  de  Bay  > 
lamand  ,  Général  de  l'armée  d'Eftra- 
madoure  enleva  aux  Portugais  Ciudad*- 
Rodrigo ,  &  le  Duc  d'Oifone ,  Serpa  :  la 
principale  armée  étoit  deftinée  au  Duc 
d'Orléans  qui  reçut  à  Madrid  le  traite- 
ment d'Infant  ;  en  attendant  la  préfence 
de  ce  Prince  y  elle  agiflbit  dans  le  Royau- 
me de  Valence  fous  les  ordres  du  Mare- 


d'Espagne.  271 

chai  de  Barvpick;  Bafv/ick  faHbit  des  ^ 
progrès  rapides  y  quand  il  apprit  que  Tar-  ' 
mée  des  Alliés  commandée  par  Mylerd 
Gallovsi  {a)  èc  le  Mar<î[ûîs  de  las  Minas 
prelToîtv'^oureufemem  lé  fiége  de  Villé- 
na ,  il  accourut  au  fècôUf s-  de  la  Place  j 
déterminé  à  rifquer  une  bataille  pour  la 
fauver  ;  Gallowai ,  It  féUl  Génér&l  des 
Alliés  qui  n'eût  point  gagné  dé  batsùUè , 
étoit  impatient  dé  colnbàtti^  9c  de  fe  &- 

fnaler  par  quelque  vi^ftoire  éclatante  : 
ans  ce  defiein  il  vôloit  au-devam  de 
Barvrick ,  lorfqu'îl  le  rencontra  dan^  les 
plaines  d'Almanfa  qui  ne  dévoient  pas 
Être  moins  fameufes  dans  Thiftoire  que 
celles  d'Hochftet;  les  deux  armées  ert  vîrt- 
rent  aux  mains  le  vingt -cinq  Avril,  on 
fit  de  part  &  d'autre  des  prodiges  de  Va- 
leur ,  la  viâoire  balança  long-tems ,  elle 
parut  même  vouloir  fe  ranger  fous  les 
étendards  des  Alliés  ;  mais  Barwick  aidé 
du  Marquis  d'Avarey  &  du  Chevalier 
d'Asfeld',  qui  après  le  Général  eurent  la 

(a)  Le  Comte  de  Gallowai  >  Général  des  An* 
glois  9  étoit  un  Gentilhomme  François  connu 
Tong-^ms  fous  le  nom  de  Mnrquis  de  Ruvigny. 
Penonnc  n'ignore  que  le  Général  des  Fraïkr 
fois^Baiwick,  étoit  Anglois* 

M  iv 


272  Histoire 

principale  part  à  la  gloire  de  cette  ac- 
tion ,  la  força  de  fe  déclarer  pour  lui  ;  de 
trente- cinq  mille  Anglois,  Allemands, 
Portugais  &  HoUandois  dont  étoit  com- 
pofce  l'armée  ennemie,  à  peine  s'enfauva- 
t-il  fix  mille ,  le  reile  fut  tué  ou  pris  avec 
Fartillerie  ,  les  bagages,  &  112  dra- 
peaux ou  étendards  3  Gallowai  blelTé  au 
vifage  de  deux  coups  de  fabre  eut  peine 
à  fe  fauver  à  Tortole  :  c'eft  la  viâoire  la 
plus  complette  &  la  plus  décifîve  que  les 
François  &  les  Efpagnols  ayent  rempor- 
tée dans  cette  guerre. 

Le  Duc  d'Orléans  qui  arrivai  l'armée 
le  lendemain  de  la  bataille,  profita  en 
grand  Capitaine  d'une  viâoire  à  laquelle 
n  n'eut  aucune  part  ;  il  fournit  prefque 
en  les  parcourant  les  Royaumes  de  Va* 
lence  (^)  &  d'Arragon  dont  les  privilè- 
ges furent  fupprimés,  lesHabitans  punis 

(a)  Il  n'y  eut  dans  cette  belle  contrée  que  les 
Villes  de  Xativa ,  d' Al  cira  &  d'Alcoi  qui  o(è- 
rent  (ê  défendre  ;  le  défefpoir  tînt  lieu  de  cou- 
rage aux  Citoyens  de  ces  Villes  dont  la  première 
fut  prifè  d'afTaut,  brûlée  &  détruite  iufqu'aux  fon- 
demens  :  on  fema  du  (êl  fur  le  foi  qu  elle  occu- 
poit  j  &  on  éleva  une  pyramide  qui  infinùfoit  la 
poflérité  du  nom  de  cette  Ville ,  de  fbn  crime  & 
de  Ton  châtiment.  Philippe  V.  la  rebâtît  depuif  # 
&  Tappelia  de  fon  nom  9  PhilippcTille:  Ici  Ci- 


d'  E  s  P  A  G  N  E.  ^75. 


par  d'énormes  contributions  ,&.  fournis 
aux  loix  de  la  Caftille  ;  le  Confeîl  d'Ar- 
ragon  établi  par  Ferdinand  V.  fut  caffé , 
&  fa  jurifdidion  attribuée  à  celui  de  Caf- 
tille ;  le  Roi  régna  enfin  dans  un  Pays 
où  fes  prédéceiTeurs  n'avoient  jamais  eu. 
qu'une  autorité  précaire.  .        \. 

Cependant  le  Duc  d'Orléans  ayoit 
déjà  pénétré  en  Catalogne  où  il  conquit* 
la  fortereffe  de  Lerida^  l'écueil  des. plus 
grands  Capitaines;  le  Duc  de  Noailles 
reiferroit  de  fon  côté  l'Archiduc  à  qui  il 
enleva  la  Cerdagne  ;  le  Comte  de  Villars 
reconquit  auflî  Minorque. 

Il  ne  falloir  pas  moins  que  toutes  ces 

toyens  d'Alcîra  &  d'Alcoi  forent  mafïâcrés  pour 
la  plupart  y  alnfî  que  ceux  de  Xativa  :  CPt  exeni'* 
pie  terrible  ne  fit  prefqu'aucune  impreflion  fur 
les  Valenciens  qui  prefque  tous  fournirent  au 
vriinqueur  un  prétexte  légitime  d'nbufer  de  la 
viftoire  en  témoignant  un  arachement  opiniâ- 
tre &  inutile  à  TArchiduc  ;  le  Chevalier  d'Ac- 
feld  ,  qui  commanda  long-  tems  dans  ce  Royjfi:- 
me^  défendit  aux  Habicans  le  port  des  armes 
avec  tant  de  févérité  qu'un  feul  couteau  entraîna 
plufieurs  centaines  d'hommes  au  fuppfice  ;  ceite 
fertile  &  délicieufp  contréo  «  dévaftrc  par  le  bri- 
gandage, l'avarice  &  la  cruauté,  offrit  iong-tenn 
'le  fpeôncle  le  plus  affi-eux»  11  frinl-'lc*  que  les 
Caftillans  &  les  François  ne  l'cufr'-nt  rcconqui- 
fes  que  pour  en  foire  une  vaff''^'-  H^-iV-. 


^74  Histoire 

viâoires  pour  adoucir  râmertume  d^  I^ 
perte  du  Koyaume  de  Naples  moins  conr 
quis  par  la  force  des  armes  que  livré  par 
la  trahifon. 

Les  Princes  de  Montefarcho  ,  d'AveU 
lino ,  de  Bariati  &  le  Duc  de  Monteléoa 
étoient  à  la  tête  de  la  conjuration  ;  ih  in-^ 
finuërent  d'abord  aux  Napolitains  que 
Philippe  avoit  cédé  le  Royaume  de  m* 
pies  a  la  France  :  auffi-tôt  ce  Peuple  de- 
manda à  grands  cris  au  Vice-Roi  de  ren- 
voyer fept  à  huit  mille  François  dont  le 
courage  auroit  confervé  le  Royaume  ;  le 
Duc  (TEfcalonne ,  Vice-Roî ,  craignant 
un  foulévement  général ,  céda  aux  inf- 
tances  du  Royaume  ,  &  fit  partir  le& 
François  ;  ce  fut  la  feule  faute  qu'il  eut 
à  fe  reprocher  ^  mais  les  François  ne  fu- 
rent pas  plutôt  partis  que  les  Conjurés 
écrivirent  aux  Miniftres  de  ^Empereur 
de  fe  préfenter  ;  le  Comte  de  Thaiin ,  c4- 
tet)re  parla  défenfe  de  Turin ,  parut  avec 
neufn^lte  hommes  fans  vivres ,  fanianil- 
lerk  :  àfon  approche  Naples  lui  ouvrit  fè» 

Îortésr,  &  ies  lâches  Citoyens  coururent 
riferlia  f|atue  qu'ils  a  voient  érigée  A  F^ 
lippe  en  reconnoiflance  de  fes  $iien£iits  s  "^ 
k  fcoyaunie  eotier  enti^né  par  rcMON* J| 


d'Espagne.  2J^ 

pie  de  la  Capitale  ,  fuîvit  en  moins  de 
deux  mois  le  torrent  de  la  révolution  ; 
dans  cette  défeâion  c;énérale  il  nV  eut 
d*hommes  de  qualité  ndeles  que  lesDucs 
de  fiifaccia  ,  de  Caftillon  ,  d'Atri  &  le 
Prince  de  Cellamare  j  Atri  s'enfuît  à 
Rome  j  &  les  trois  autres  fuivirent  Efca- 
lonne  dans  Gayette ,  mais  Efcalonne  eut 
la  douleur  de  voir  Gayette  emportée 
d'aflfaut  f  &  de  tomber  lui-même  entre 
tes  mains  des  ennemis  qui  le  conduifîrent 
ï  Naples  où  ils  lui  firent  les  traitemens  les 

{)1  ;s  injuftes  &  les  plus  barbares;  on  vou- 
oit  à  force  de  cruautés  ébranler  fa  coni^ 
tance ,  &  le  forcer  d'etnbraflTer  le  parti 
de  FArchiduc  ;  mais  ce  Seigneur  éter- 
nellement mémorable  par  (a  grandeur 
d'ame ,  fon  équité  &  la  vafte  étendue  de 
fes  connoiffances ,  conferva  au  milieu  des 
infultes  de  la  populace  auicquelles  on 
FexpoTa ,  toute  la  dignité  d'un  héros  ,  & 
H  ne  revint  de  tant  d'indignités  que  de  la 
honte  &  de  ta  confufion  ï  Tbaiin« 

L'Empereur  ufa  de  la  viflroire  en  Ita- 
lie avec  auffi  peu  de  modératioti  qu'il  en 
avoit  ofé  en  Bavière;  il  réunit  à  PÈmpire 
le  Mîbnez ,  aprë*  en  avoir  détaché  t'A- 
lé«mdria,  la  LomeBme  &  ta  Valfefia  tn 

Mvi 


27^  Histoire 

faveur  du  Duc  de  Savoye  à  qui  ces  fier* 
tUes  contrées  avoient  été  promifes  lors 
de  fon  acceflion  à  la  grande  alliance  ; 
mais  il  lui  manqua  de  foi  à  l'égard  du  Yh^ 

Î;evenaique  qui  lui  avoît  été  aufli  defiiné. 
1  confiiqua  le  Mantouan  &  le  Montfer- 
rac  fur  le  Duc  de  Mantoue ,  Allié  des 
deux  Couronnes ,  il  dépouilla  quelques 
autres  Princes  de  leurs  Etats ,  impofa  de 
«roffes  contributions  fur  toutes  les  Puif- 
lances  d'Italie  neutres  ;  enfin ,  il  fit  revi- 
vre fur  cette  délicieufe  partie  de  l'Euro- 
pe les  anciens  droits  de  l'Empire  regar^ 
aés  comme  éteints  depuis  Charles-Quint*. 
iVenife ,  Gènes  ,  le  Grand  Duc  de  Tof- 
cane  ,  le  Duc  de  Parme  n'eurent  pas  le 
courage  de  combattre  en  faveur  de  la  li- 
berté commune. 

Dans  cet  accablement  univerfel  le  feul 
Clément  XII.  ofâ  tenter  de  fe  faifîr  de 
la  balance  entre  les  Maifons  d'Autriche 
&  de  jBourbon ,  mais  il  y  avoit  long- 
tems  que  la  balance  de  l'Europe  étoit 
échappée  à  la  Cour  de  Rome  ;  elle  ne 
tarda  pas  à  ctre  brifée  entre  les  foiblcs 
mains  du  Pape.  Il  auroit  fallu  le  coa- 
cours  de  tous  les  Potentats  Italiens  pour 
chaâer  les  Allemands.  Le  Pape,. après 


D'  E  s  P  A  G  N  E. 


277 


avoir  levé  avec  le  fecours  des  Cardinaux 
&  des  Prélats  une  armée  que  la  terreur 
dunoai  AUemanddifnpa  avantque d'être 
formée ,  fe  vît  l'année  fuivante  obligé  de 
fe  foumetcre  aux  conditions  dures  que 
lui  impofa  l'Empereur  :  l'une  des  plus 
uiflcs  pour  le  Pape,  celle  qui  lui  coûta  le 
plus  fut  de  reconnoîire  l'Archiduc  en  qua- 
lité de  Roi  d'Efpagne  ,  c'e'l-à  dire  d'un 
Pays  où  ilpoffédoit  à  peine  la  Catalogne. 
Pendant  ce  tems-ià  le  Duc  deSavoye 
fuivi  du  Prince  Eugène  entroit  en  Pro- 
vence ,  &  faifoit  le  fiége  de  Toulon  dont 
"»  conquête  eût  porté  un  coup  mortel  à 
'Empire  François;  déjà  laCourdeVer- 
iiles  allarmée  envoyoit  à  la  défenfe  de 
■  Provence  les  Ducs  de  Bourgogne  &  de 
Terri,  loriqu'elle  appritque  le  Maréchal 
fcTefle  avoit fait  échouerle  projet  des  en- 
"îi&lesavoi:  chSesdc  la  Provence. 
I  On  a  écrit ,  &  rien  n'empêcbe  de  le 
aroire  ,  que  le  Duc  de  Savoye  ,  Prince 
iélié  &  plus  politique  que  les  Anglois 
&  les  ilollandois ,  ne  voulut  point  pren- 
dre Toulon  pour  ne  pas  trop  aftoiblir  lc« 
a  baUn- 


pdel'F 


i.pCcfecr  d'itrc 
ptriiur  qui  Dc 


Histoire 


mettoit  point  de  bornes  à  fon  ambition. 
La  politique  des  prédéceflfeurs  du  Duc 
avoit  toujours  été  de  contribuer  à  foute- 
nîr  entre  les  deux  Maifons  Téquilibre 
dont  dépendoient  leur  sûreté  éc  leur 
agrandiuement.  La  feule  idée  de  voir  la 
France  trop  fupérieure  au  commence- 
ment de  la  guerre,  avoit  précipité  Vic- 
tor-Amedée  dans  le  parti  des  Alliés. 

La  fortune  favorifa  encore  la  France 
dans  les  Pays-Bas  où  Vendôme  arrêta 
les  progrès  de  Marlboroug ,  &  en  Alle- 
magne dont  Villars  mit  la  moitié  à  con- 
tribution ,  après  avoir  forcé  les  lignes  de 
Stolophen. 

Ces  careffes  de  la  fortune  n'étoîcnt 
que  des  pièges  ;  en  vain  tes  deux  Rois 
entreprirent-ils  de  h  fixer  en  leur  faveur 
1708.  par  des  efforts  ru iMux  :  leurs  projets  ma- 
gnifiques de  chad^r  les  ennemis  de  TEf- 
pagne ,  de  reconquérir  les  Pays-Bas  Ef- 

Î>agnols ,  &  d'établir  le  Prétendant  fur 
es  thiônes  de  fbn  père ,  ou  du  moins  fur 
celui  de  l'Ecoffe  ,  échouèrent.  La*Provî- 
dence  avoit  déterminé  que  rEmpire  de 
Louis  XIV.&  celui  dePfcilîppe  V-feroîent- 
ébranlés;  elle  fema  l'efprit  de  vertige  8c 
it  diAiorde  parmî^  les.  Généraux  y  &  coBh 


d'E  s  P  A  G  N  E. 


27? 


fondit  Us  defleins  le  mieux  concertés. 

Les  évenemens  arrivés  en  Efpagne  fu- 
rent à  la  vérité  mêles  de  bons  &  de  mau- 
vais fuccès  ,  mais  le  contre-coup  des  dît 
grâces  de  la  France  retomboit  fur  l'Ef- 
pagne  ;  plus  la  France  étoic  affôiblie  ,  & 
plus  on  devoir  craindre  de  voir  la  Mo-' 
narchie  Efpagnole  dtmembrée. 

Philippe  perdit  la  Sardaigne  ,  commf 
il  avoit  perdu  l'année  précédente  le 
Royaume  de  Naples  ,  c'eft-à-éire  par 
la  rrahifon  &  la  perfidie  ;  il  n'y  eut  de 
Seigneurs  fidehs  dans  cette  lue  dont  la 
pofleiîîon  avoit  coûté  tant  de  fang  &  de 
tréfors  aux  anciens  Rois  d'Arragcm  ,  que 
le  Marquis  de  la  Jamaïque  ,  Vice-Roi, 
l'iliuftre  Mailbn  de  Ma(oni.'s,  le  Comte 
del  Caftillo  &c  Dom  Vincent  Bocallar  fi 
célèbre  depuis  fous  le  nom  du  A'arquis 
de  S.  Philippe.  La  perte  de  Minorque 
eut  des  fuites  plus  fîcheufes  pour  la  Mo- 
narchie; à  l'approche  de  deux  mille  Ma- 
telots Anglois  qui  fe  préfentereut  de- 
vant Port-Mahon  :  une  terreur  panique 
fe  faifit  de  Don  Diegue  d'Avila  ,  Gou- 
verneur C")  du  '^°'î'  ^"  Philippe  »  &  le 

(a)  D'AvïT».  ttttfu  i  lui,  conçi't  tam  il« 
JoMieat  S  it  )Uf*|.4i)  l'f  f:  !ii  IiP|/  qu'il  fc  Çti- 


a8o  Histoire 

communiqua  à  fept  ou  huit  cents  Fran-- 
çois  qui  rendirent  la  Place  ;  en  vain  les 
Mîniftres  de  TArchiduc  preflerent-ils  les 
A  nglois  de  fe  deflaifir  de  PIfle  Minor- 
que  entre  leurs  mains  :  le  Port-Aîahon  , 
le  plus  beau  ,  le  plus  vafte  &  le  plus  sûr 
de  la  Méditerranée  étoit  trop  à  la  bien- 
féance  des  Anglois  :  ils  oppoferent  les 
articles  du  traité  de  la  grande  alliance  ; 
Minorque  leur  refta  donc  avec  l'Empi- 
re de  la  Méditerranée  jufgu'en  1776, 
eue  ces  Infulaires  ayant  fait  ,  fans  la 
déclarer  ,  une  guerre  aufli  injufle  que 
cruelle  à  la  France ,  Louis  XV.  conquit 
ar  les  mains  du  Maréchal  de  Richelieu 
e  Fort  S.  Philippe  devenu  fous  la  domi- 
nation Angloife  la  plus  forte  Place  de 
l'Europe  ;  cet  exploit  à  peine  crû  des 
contemporains  ne  feroit  pas  regardé 
comme  vraifemblable  par  la  pofléri- 
té ,  fi  THifloire  de  Louis  X  V.  fenile 
en  prodiges  n'ofFroit  quelques  années 
auparavant  la  prîfe  de  Berg-op-Zoom. 
Les  Maures  dans  le  même-tems  s'empa- 
rèrent d'Oran ,  cette  conquête  du  Car- 
dinal Ximenès  y  fi  utile  à  l'Efpagne  f 
dont  elle  éloignoît  les  Afrîquaîns.  Les 
Grands  ne  voyoient  qu'avec  une  cfpeci( 


r, 


D^ESPAGNJE.  281 


de  fureur  la  Monarchie  démembrée  pièce 
à  pièce  ;  ils  remarquoient  avec  douleur 
que  de  Tavant-mur  de  la  Monarchie  con- 
fiftant  dans  les  Royaumes  de  Naples  ,  de 
Sicile ,  de  Sardaigne ,  dans  le  Milanez , 
dans  les  côtes  de  l'ancienne  Mauritanie  , 
dans  les  Pays-Bas,  il  ne  reftoit  plus  que 
la  Sicile  que  le  courage  du  Marquis  de 
los  Balbarès ,  fon  Vîce-Roi ,  &  la  pré- 
fence  de  fept  à  huit  mille  François  fau- 
verent  cette  année  d'une  invafion,  & 
dans  les  Pays-Bas  Luxembourg ,  Namur^ 
Mons ,  Charleroi  &  Nieuport  ;  la  meil- 
leure partie  de  la  Catalogne  étoit  entre 
les  mains  de  l'Archiduc  ;  ils  imputoient 
.  cette  longue  fuite  de  difgraces  à  la  Prin- 
cefle  des  Urfins  &  à  rAmbaffadeur  Fran- 
çois Amelot  revêtu  du  pouvoir  de  pre- 
mier Miniftre.  Il  eft  confiant  que  ces 
deux  perfonnes  donnèrent  lieu  cette  an- 
née aux  plaintes  des  Efpagnols ,  en  met- 
tant en  ufage  tous  les  reiiorts  de  la  plus 
artificieufe  politique  pour  faire  recevoir 
un  afiront  fignalé  au  Duc  d'Orléans  » 
Prince  trop  fîer  &  trop  élevé  pour  plier 
fous  eux  ;  il  aflîégeoit  la  forte  Place  de 
Tortofe  défendue  par  les  débris  de  Tar- 
mic  vaincue  à  Almanfa  :  le  Duc  eut 


i82  Histoire 

plus  d'obftacles  à  vaincre  dans  cette  con* 
quête  de  la  part  du  Mîniftre  &  de  la  fa" 
vorite  que  de  celle  de  l'habile  Starem- 
berg  que  TArchiduc  lui  avoit  oppofézfans 
Findigne  jaloufie  de  ces  deux  puiflans  en- 
nemis 9  le  Duc  d'Orléans  auroit  chaffé 
l'Archiduc  de  la  Catalogne. 

Le  Chevalier  d'Asfeld  reprit  les  Vfl- 
les  de  Dénia  &  d'Alicante  après  des  fié- 

fes  fort  meurtriers  j  au  milieu  des  cm- 
arras  de  cette  guerre  cruelle  ,  Philippe 
cherchant  à  adoucir  la  trifle  fîtuation  des 
Peuples ,  conclut  un  traité  avec  le  Roi  de 
Portugal  pour  empêcher  les  hoflilités 
contre  les  Laboureurs  &  les  Vignerons 
de  Tune  &  de  Tautre  frontière  j  r  Archi- 
duc refferra  les  nœuds  qui  l'attachoient 
avec  le  même  Prince,en  lui  donnant  pour 
époufe  fa  fœur ,  TArchiducheffe  Marie- 
Antoinette.  Lui-même  époufa  à  Barce- 
lonne  la  Princeffe  de  Brunfwick  Wolfen- 
buttel. 

Les  Ducs  de  Bourgogne  &  de  Vendô- 
me ouvrirent  la  campagne  dans  les  Pays- 
Bas  par  la  réduction  de  Gand  ,  de  Bru- 
ges &  de  Plaflendal  ;  mais  la  perte  du 
combat  d'Oudenarde,  celle  de  la  Ville 
de  Lille  que  le  Prince  Eugène  acheta  au 


d'Espagne.  283 

prix  du  fang  de  trente  mille  hommes  ;  k 
déroute  de  Plaflèndal  ^  &  la  levée  du  (iége 
de  Bruxelles  fuivirent  bientôt  ces  pre- 
miers fuccès  ;  revers  d'autant  plus  af- 
freux qu'ils  n'arrivèrent  que  par  la  dif- 
corde  &  les  fautes  des  Généraux. 

Le  troifîeme  projet  de  Louis  XIV. 
n'eut  pas  plus  de  fuccès  que  ceux  dont 
nous  venons  de  parler.  L'Êcoffe  mécon- 
tente de  la  Reine  Anne ,  qui  en  unifiant 
fon  Parlement  à  celui  d'Angleterre  , 
avoit  réduit  ce  Royaume  ^  l'un  des  plus 
anciens  de  l'Europe  ^  à  la  condition  d'une 

Î)rovince  de  l'Angleterre ,  avoit  appelle 
on  Roi  légitime  le  Prétendant  ;  ce  Prin- 
ce s'embarqua  en  vain  fur  une  flotte  de 
France  pour  fe  rendre  aux  vœux  des 
Ecoflbis  ;  les  Anglois  maîtres  de  la  Mer 
donnèrent  de  fi  bons  ordres  que  Jacques 
m.  n'ofa  pas  même  tenter  un  débarque- 
ment ;  les  François  fe  retirèrent  à  la  vue 
des  Anglois  dont  le  nombre  des  vaif- 
ftaux  excédoit  le  leur  de  plus  de  la  moi- 
tié. Cette  difgrace  eut  donc  encore  fa 
fource  comme  la  plupart  des  précéden- 
tes dans  l'infériorité  des  forces  navales 
de  Louis  XIV. 
La  France  toucboit  à  fa  ruine  >  Louis  ^7^S^' 


mt 


-284  Histoire 

XIV.  dont  le  grand  cœur  avoit  réfifté 
jufqu'alors  ,  attendri  fur  la  trifte  fitua- 
tion  de  fcs  Sujets  ^  demanda  enfin  la  paix 
prefqu'en  fuppliant.  Perfonne  n'ignore 
avec  quelle  nerté  les  Alliés  reçurent  les 
Miniffrcs  de  France ,  avec  quelle  dureté 
ils  diderent  les  conditions,  au  prix  def* 
quelles  il  devoit  acheter  une  paix  igno- 
minieufe  ;  on  fçait  qu'ils  oferent  exiger 
qu'il  déthrônât  lui-même  le  Roi  fon  pe- 
tit-fils ;  Louis  XIV.  fe  réduifit  en  vain  à 
demander  comme  une  grâce  qu'on  laiffît 
à  ce  Prince  qui  régnoit  depuis  neuf  ans, 
les  Etats  que  TElpagne  avoit  autrefois 
poflfédés  en  Italie  ;  fur  le  refus  des  Minif- 
tres  HoUandois  qui ,  dans  cette  négo- 
ciation jouèrent  le  perfonnage  le  plus 
odieux,  Louis  XIV,  préféra  de  périr 
fous  les  débris  de  fon  thrône  plutôt  que 
de  faire  une  guerre  impie  à  fon  propre 
fang  :  la  guerre  recommença  avec  plus 
de  fureur  ,  &  la  même  infortune  pour  les 
François  &  les  Efpagnols. 

Cependant  le  bruit  de  la  négociation 
de  la  France  avec  la  Hollande  répandu 
en  Efpagne ,  nuifit  aux  intérêts  de  Phi- 
lippe :  les  Peuples  croyant  être  abandon* 
nés  par  les  François ,  &  même  par  leur 


d'  E  s  P  A  G  N  E.  2Sf 

Roi ,  fentirent  réveiller  contre  les  pre- 
miers la  vieille  haine  plutôt  affoupie  qu'é* 
teinte  ;  le  Duc  de  Medina-Cœli  ofa  pro- 
pofer  au  Roi  de  fe  joindre  lui-même  aux 
ennemis  de  la  France  qui  ,  à  ce  prix 
lui  laifferoient  TEfpagne  &  TAmérique  : 
mais  Philippe  qui  rendoit  à  fa  Patrie  les 
fentimens  qu'elle  avoit  pour  lui ,  répon- 
dit avec  inaignatîon ,  Non ,  fe  ne  tirerai 
jamais  Cépèe  contre  une  Nation  a  qui  après 
Dieu  je  dois  le  throne*  Le  Duc  d'Orléans 
alors  en  Efpagne  inftruit  par  la  voix  pu- 
blique que  Louis  XIV.  alloit  abandon- 
ner fon  petit-fils ,  fongea  à  faire  valoir 
fes  juftes  droits  fur  TEfpagne  qui  lui  ap- 
partenoit ,  au  défaut  des  enfans  du  Dau- 
phin ;  11  croyoitavec  fondement  que  les 
Anglois  &  les  Hollandois  verroient  la 
Couronne  d'Efpagne  avec  moins  dé  ré- 

{)ugnance  fur  fa  tête  que  fur  celle  de  Phi-? 
ippe  dont  le  Roi  de  France  difpofoit 
trop  à  leur  gré.  Il  étoit  naturel  de  croire 
que  les  Eipagnols  pleins  de  refpeâ  pour 
le  génie ,  la  valeur ,  l'élévation ,  rattàbir 
lite  &  les  grands  talens  de  ce  Prince  leur 
défenfeur  ,  le  foutiendroient  de  toutes 
leurs  forces  ;  enfin  Philippe  V.  &  Louis 
XIV.  forcéis  de  renoncer  a  un  thrâne  que 
l'Europe  enticrç  difputoit  au  prçmiçr , 


l 


2.S6  Histoire 

ne  devoient-iis  pas  fe  confoler  que  le  pre- 
mier Prince  de  leur  fang  profitât  de  leur 
infortune  f  Déjà  le  Duc  d'Orléans  avoit 
ris  des  mefures  pour  difputer  à  rArchi- 
uc  la  couronne  au  moment  qu'elle  échap* 

Çeroit  à  Philippe V.lorfque  laPrincefle  des 
Jrfins  les  pénétra ,  &  les  préfenta  aux 
deux  Rois  lous  la  forme  de  la  plus  odieuf  e 
confpiration  :  deux  Agens  du  Prince  ap« 
pelles  Flotte  &  Renaut  furent  arrêtés; 
trois  Seigneurs  Efpagnols  9  amis  du  Duc  9 
cffuyerent  le  même  lort ,  &  ne  furent  re- 
lâchés que  lorfqu'ils  eurent  fait  connoî- 
tre  leur  innocence  ;  Louis  XIV.  ne  par- 
donna qu'avec  une  peiné  extrême  à  fbo 
neveu  le  defir  ambitieux  y  mais  peut-être 
légitime ,  de  parvenir  à  un  thrône  dont  il 
étoit  digne ,  &  qu'il  ne  recherchoit  après 
tout  qu'au  défaut  de  fon  petit-fils;  la  dif- 
grace  de  M.  Amelot  que  le  Roi  accorda 
aux  cris  des  Grands ,  fuivit  cette  aâàire 
qui  fit  le  plus  grand  éclat  dans  l'Europe  ^ 
malgré  la  fageflè  avec  laquelle  Louli 
XIV.  s'efibrça  de  l'enfevelir  dans  le  plai 
profond  oubli. 

Dès  que  le  traité  du  Pape  avec  TEai- 
p*reur  eut  été  rendu  public,  l^article  par 
le^uçl  le  Spuyeraîa  Pootife  tççQUDçiffok 


d'  E  s  P  A  G  N  E.  287 

rchiduc  en  qualité  de  Roi  d'Efpagne^ 
uilla  les  deux  Cours.  Philippe  rap* 
.a  de  Rome  fon  AmbaiTadeur ,  le  Duc 
fceda ,  renvoya  le  Nonce  Zondodar- 
&  fit  fermer  a  Madrid  le  Tribunal  de 
Nonciature  fi  utile  &  fi  lucratif  au 
iiége  ;  le  Pape ,  de  Ton  côtéf  refufa  des 
lies  à  TArchevêque  de  Sarragoflc  , 
md  Inquifiteur ,  nommé  Archevêque 
Tolède  en  la  place  du  Cardinal  Porto- 
rrero  que  la  mort  enleva  cette  année; 
;:hofes  demeurèrent  fur  le  même  pied 
brouillerie  entre  les  deux  Princes  juC- 
à  la  fin  de  la  guerre  :  Philippe  n'en 
t  à  cette  extrémité  contre  le  Pape  que 
Igré  lui ,  &c  pour  venger  l'atteinte  que 
iment  fembloit  avoir  donnée  à  fes 
its  en  reconnoiflant  ceux  de  fon  rî- 
:  il  n'ignoroit  pas  que  )e  Souverain 
nife  confervoit  pour  lui  les  mêmes 
cimens  de  tendreté  qu'il  avoit  fait 
iter  tant  de  fois  ;  qu'il  n'avoit  donné 
titre  de  Roi  d'Êpagne  à  TArchir 
:  9  qu'après  s'être  vu  abandonné  de 
s  les  Potentats  de  l'Italie ,  &  réduit 
di&rétion  de  rEmppreur ,  &  qu'ep- 
11  avoit  fHpulé  que  ce  n'étoit  qu'une 
K  6)rmaiité  qu^  nç  po^ypi;  çaufer  de 


2.^8  Histoire 

préjudice  aux  droits  de  Philippe.  C'eft 
ainfi  que  la  Politique  force  quelquefois 
les  Princes  d'agir  contre  leurs  propres  in- 
clinations. 

Le  Marquis  de  Baî  gagna  cette,  année 
en  Eftramadoure  la  célèbre  bataille  de 
la  Gudina  dans  laquelle  les  Anglois  & 
les  Portugais  perdirent  fix  mille  hom- 
mes ;  la  vicSoire  ne  fut  due  qu'à  la  cava- 
lerie Efpagnole  qui  s'abandonnant  à  tou- 
te Timpétuofité  de  fon  courage  ,  fondit 
fur  Pennemi ,  &  le  mit  en  déroute  :  fi  Tar- 
deur  de  cette  cavalerie  lui  eût  permis 
d'attendre  l'infanterie  ,  il  ne  feroit  peut- 
être  pas  échappé  deux  mille  hommes  de 
toute  l'armée  ennemie.  On  découvrit 
dans  le  même-tems ,  &  on  diflipa  une 
confpiration  tramée  pour  livrer  la  Sicile 
à  l'Archiduc.  Dans  tout  le  cours  de  cet- 
te guerre  les  confpirations  furent  pref- 
que  les  feules  armes  qui  réuffirent  aux 
ennemis  de  l'Efpagne  ;  les  Efpagnols  ga«" 
gnerent  prefque  toutes  les  batailles  $  ex- 
cepté celle  ae  Sarragoflfe  ;  le  Maréchal 
de  Befons  &  le  Comte  d'Aguilar  com- 
mandoient  la  principale  armée  du  Roi 
en  Catalogne  ,  mais  il  femble  que  la  diC- 
corde  eûcpaffé  dipTairnjiée  deFlandics 

en 


D*  E  s  P  A  G  N  E.  28p 

en  celle  d'Efpagne  :  la  défunion  des  Gé- 
néraux ,  leur  querelle ,  l'antipathie  des 
François  &  des  Efpagnols  qui  fouvent 
en  venoient  aux  mains ,  mirent  l'armée 
dans  un  tel  défordre  que  fi  Staremberg  fe 
fût  préfenté,  il  Tauroit  vaincue  &  diflîpée» 
fans  tirer  l'épée  ;  mais  Staremberg  réduit 
à  des  troupes  diminuées  &  afïbiblies  ,  fe 
trouva  heureux  qu'on  ne  l'attaquât  pas 
lui-même ,  &  qu'on  lui  laiflat  prendre  Ba- 
laguier;  peut  -  être  auroit-il  fait  de  plus 
grands  progrès  fans  la  réfolution  du  Roi 
qui  fut  lui-même  commander  l'armée 
pour  prévenir  les  fuites  fâcheufes  de  la 
divifion  de  fes  Généraux  ;  Louis  XIV. 
rappella  d'Efpagne  tous  les  François  9 
excepté  douze  mille  pour  défendre  fes 
Etats  entamés  par  la  prife  de  Tournai  ; 
la  perte  de  cette  Place  fut  fuivie  de  celle 
de  la  bataille  de  Malplaquet  que  Mari- 
borough  &  Eugène,  ces  Généraux  pro- 
digues du  fang  humain  ,  achetèrent  par 
la  vie  de  trente  mille  hommes  ;  Mons 
tomba  enfuite  entre  les  mains  du  vain- 
queur. 

La  viâoire  de  Rumersheim  gagnée 
par  le  Comte  du  Bourgs  fauva  à  la  Fran- 
ce la  Haute  Alface  &  laFranche-Com- 

Tome  F.  N 


2ÇO  Histoire 

té  ;  Berwick  défendit  le  Dauphiné. 

L'Hyver  le  plus  grand  dont  il  foît 
mention  dans  les  faftes  humains ,  la  fa- 
mine ,  les  maladies ,  les  ravages  &  les 
défaftres  de  cette  guerre  fi  longue ,  mi- 
rent cette  année  le  comble  aux  malheurs 
de  la  France ,  de  TEfpagne  &c  de  toute 
la  République  Chrétienne, 

La  face  du  Nord  changea  ;  le  Roi  de 
Suéde ,  perdit  en  moins  de  deux  heures 
la  bataille  de  Pultawa  dans  l'Ukraine  & 
avec  elle  le  fruit  de  neuf  ans  de  vîdoires 
&:  de  conquêtes ,  toute  fon  armée  &  la 
confidération  dontil  jouiflbit  en  EuropCt 
Tandis  qu'il  alloit ,  pour  éviter  de  tom- 
ber entre  les  mains  du  Czar  fon  vain- 
queur ,  préfenter  aux  Turcs  &  aux  Tar- 
tares  un  Roi  fugitif  &  vaincu,  le  Roi  de 
Pannemarck ,  le  Roi  de  Pologne  déthrô- 
né  ,  le  Roi  de  Pruffe  ,  l'Eleéleur  d'Ha- 
novre s'unirent  fucceffivement  aux  Ruf- 
fes ,  tombèrent  fur  fes  Etats ,  &  détrui- 
•firent  toutes  fes  reflburces. 
J710.  Chaque  campagne  afFoibliffoît- Louis 
XIV.  dont  les  reflources  épuifées  ne  lui 
laifferent  plus  entrevoir  que  Ie$  plus  ter^- 
ribles  malheurs;  pour  les  prévenir, il  en- 
voya à  la  Haye  ion  Miniftrc  Torci  avec 


l 


d'Espagne.  api 

ordre  d'obtenir  la  paix  à  quelque  prix 
ue  ce  fut.  On  ouvrit  à  Gertruydenberg 
es  conférences  qui  n'aboutirent  à  rien 
par  les  artifices  du  Prince  Eugène ,  de 
Marlboroug  &  d'Heinfius.  On  propofa 
des  conditions  plus  dures  que  l'année 
précédente  ;  Louis  XIV,  fe  loumettoit  à 
toutes ,  excepté  à  celle  de  déthrôner  fon 
petit- fils  dans  le  court  efpace  de  deux 
■mois.  Cette  paix ,  au  refte  n'étoit  qu'un 
pîége  pour  achever  d'accabler  les  Fran- 
çois ;  (^)  les  Triumvirs ,  auteurs  de  ces 
loix  barbares  &  dénaturées,  qui  ne  comp- 
toient  pour  rien  le  fang  &  le  malheur  des 
hommes ,  pourvu  qu'ils  confervaffent  la 
puiffance  &  le  crédit ,  vouloient  préci- 
piter du  thrône  l'ayeul  &  le  petit-fils , 
démembrer  &  partager  leur  Empire  : 
toute  la  France  applaudit  àLouis  iCIV, 
qui  lui  fit  part  des  juftes  motifis  qui  l'em- 
pi3choient  d'accepter  une  paix  illufoire 
plus  funefle  que  la  guerre  même. 

Cependant  il  ne  défefpéroit  pas  de 
détacher  la  Hollande  du  parti  des  Alliés  » 

m 

(a)  Eugène,  Marlborough  &  Heinfius,maitref 
en  quelque  forte  de  rEmpire,derAnglcrcrre& 
de  Ja  Hollande ,  formoient  une  efpece  de  Trium- 
virat. 

Nij 


^5^2  Histoire 


en  lui  offrant  tous  les  Pays-Bas  &  le  com- 
merce exclufif  de  ^Amérique  ;  mais  le 
Duc  de  Médina- Cœli  revêtu  du  pouvoir 
de  premier  Miniftre  depuis  que  TAm- 
bafTadeur  Amelot  avoit  été  rappelle  en 
France  ,  trahit  les  deux  Rois  ;  il  apprit 
à  la  Cour  d'Angleterre  le  fecret  de  la 
^négociation  ,  &  la  Reine  Anne  la  fit 
échouer  :  Philippe  ne  tarda  pas  à  être  inf- 
truit  de  la  perfidie  de  fon  Miniftre  qui 
fut  arrêté ,  conduit  à  la  tour  de  Ségovie» 
jugé  &c  condamné  à  mort;  mais  le  Roi 
n'écoutant  que  fa  clémence  ,  ne  permit 
pas  qu'on  exécutât  l'arrêt  ;  le  Duc  mou- 
rut l'année  fuivante  à  Fontarabie  où  il 
avoit  été  transféré  :  l'Empereur ,  fur  la 
nouvelle  du  procès  &  de  la  Sentence  qui 
condamnoit  le  Duc  à  perdre  la  tête ,  me- 
naça d'ufer  de  reprélailles  à  l'égard  du 
Duc  d'Efcalonne ,  comme  s'il  y  avoit 
quelque  rapport  entre  un  Seigneur  pris 
les  armes  à  la  main  pour  fon  Roi  &  fa 
Patrie ,  &  un  premier  Miniftre  convain-^ 
eu  de  la  plus  lâche  trahifon. 

Philippe  abandonné  par  Louis  XlVt 
n'eut  recours  qu'à  fes  propres  reflburces 
pour  fe  conferver  le  thrône  j  d'abord  il 
rappella  de  Flandres  &  d'Alface  quel- 


d'  E  s  P  A  e  N  E,  25>3 

ques  Régimens  Efpagnols  qui  y  fer- 
voient  depuis  le  commencement  de  la 
guerre  ^  afin  de  remplacer  les  François 
qui  tous  fortirent  d'Efpagne.  Il  envoya 
enfuite  des  Commilfaires  dans  toutes 
les  Provinces  dépendantes  de  rancien 
Royaume  de  Caftille ,  chargés  de  prodi- 
guer les  privilèges,  les  grâces  &  les  hon- 
neurs pour  ceux  qui  s'enrôleroient ,  ou 
qui  contribueroient  volontairement  aux 
mis  de  la  guerre.  On  ne  fçauroit  expri- 
mer combien  cet  expédient  puiflant  fur 
une  Nation  fenfible  à  la  gloire  &  aux  dif- 
tindtions ,  fut  utile  à  Philippe  qui  par-là 
trouva  les  movens  d'avoir  deux  armées 
coniidérables  fur  pied ,  Tune  en  Catalo- 
gne, &  l'autre  en  Eftramadoure ,  fans 
compter  deux  Corps  en  Gailice  8c  en 
Andaloufie;  Tefpérance  de  vaincre  re- 
naiilbit  de  toutes  parts  :  le  Royaume  de 
Naples ,  le  Milanez ,  la  Sardaigne  déjà 
fatigués  du  defpotifme  &  de  l'avarice  des 
Allemands  foupiroient  après  la  domina* 
tion  Efpagnole ,  &  ne  demandoient  que 
la  préfence  d'une  efcadre  de  cette  Na- 
tion ,  ou  d'un  Corps  d'armée  pour  faire 
main-baffe  fur  les  Allemands  ;  mais  faute 
d'argent  &  de  marine  9  on  ne  pouvoit 

N  iij 


l» 


^5)4  Histoire 


qu'entretenir  ces  Peuples  dans  leur  bon- 
ne'volonté  j  on  fe  prêta  cependant  aux 
defîrs  des  Sardes  ;  mais  la  trahifon  d\i 
Duc  d'Ucéda  fit  manquer  cette  expédi- 
tiop ,  dont  le  fuccès  étoit  infaillible  :  cet- 
te année  devoit  être  fignalée  par  de  plus 
grands  malheurs;  le  Koi ,  après  avoir 
laiflé  la  Reine  à  Madrid  en  qualité  de  Ré- 
gente ,  s'étoit  rendu  à  l'armée  de  Cata- 
Ic^e ,  mais  battu  à  Almenara  le  vingt- 
fept  Juillet,  à  Penalva  le  quinze  Août», 
pourfuivi  jufqu'à  SarragoiTe  par  Starcm- 
berg ,  n'ayant  aucune  confiance  dans  les 
talens  des  Généraux  qui  fervoient  (bus 
lui  9  il  rappella  d'Eftramadoure  le  Mar- 
quis de  Bay ,  qui  déjà  avoir  pris  Miranda 
de  Duero ,  &  lui  confia  le  commande- 
ment de  l'armée.  La  manœuvre  du  nou- 
veau Général  qui  refufa  la  bataille  ^.quand 
il  pouvoit  efpérer  de  vaincre  j  &  qui  l'ac- 
cepta le  vingt  Août  fous  les  murs  de  Sar- 
ragoiTe y  quand  il  n'y  avoit  aucun  moyen 
de  la  gagner ,  fit  les  plus  funeflie&impref- 
fions  fur  les  Efpagnols  ;  les  Officiers  cru  < 
rent  appercevoir  qu'on  facrifioit  l'armée 
de  concen  avec  la  France  >  pour  fournir 
à  Philippe  un  prétexte  honnête  d'aban- 
donner r£fpagne  i  les  Soldats  frappés  da 


d'  E  s  P  A  G  N  E.  29/ 


même  foupçon  injufte  &  injurieux  à  la 
grandeur  a'ame  cfcs  deux  Rois ,  ne  ren- 
dirent pas  le  moindre  combat ,  l'armée  fe 
diflîpa ,  &  la  déroute  fut  complette ,  quoi- 
qu'on n'eût  pas  perdu  trois  mille  gom- 
mes dans  l'aâion  ;  l'Archiduc  vainqueur 
entra  triomphant  à  Sarragofle  ,  &  mar-* 
cha  à  Madrid ,  fans  écouter  Staremberg 
qui  l'exhortoit  à  conquérir  la  Navarre  ,  , 
&  à  prendre  des  quartiers  fur  les  fron- 
tières de  Caflille ,  afin  de  couper  tout 
efpoir  de  fecours  à  fon  rivai  ;  mais  le 
Deftin  des  Empires  ne  permit  pas  que  ce- 
lui d'Ëfpagne  fuccombât  :  aux  nouvelles 
de  l'approche  de  l'Archiduc,  les  tribu- 
naux turent  transférés  à  Valladolid  ;  la 
Roi  9  la  Reine  fuivis  de  trente  mille  Ci- 
toyens s'enfuirent  une  féconde  fois  de  la 
Capitale;  de -là,  la  Reine  fut  avec  le 
Prince  des  Afturies  chercher  un  afyle  jut 
ques  dans  le  fond,  de  la  Navarre  ,  pouff 
être  à  portée  de  fauver  fon  fils  en  Fran- 
ce ;  pendant  ce  tems-là  le  Marquis  de 
Bay  raflembloir  à  Soria  dans  la  vieîllb 
Caftille ,  les  débris  de  l'armée  ;  le  0uc 
de  Noailles  attaquoit  la  Catalogne  avea 
une  armée  de  quatorze  mille  hoi 
&  Philippe  qui  attribuoit  toutes  f< 

Niv 


a^6  Histoire 

grâces  à  l'incapacité  de  fes  Généraux  , 
dont  aucun  n'étoit  en  état  de  faire  tête  à 
Staremberg ,  demanda  à  Louis  XIV. 
pour  tout  fecours  le  Duc  de  Vendôme 
avec  qui' il  avoit  vaincu  à  Luzara  :  fa  de- 
mande appuyée  par  trente  Grands,  qui 
écrivirent  au  Roi  de  France  qu'ils  pérî- 
roient  jufqu'au  dernier ,  plutôt  que  d'a- 
bandonner fon  petit-fils  ,  toucha  Louis 
XIV.  qui  ordonna  à  Vendôme  de  partir. 
Les  François  &  toute  l'Europe  ne  pou- 
voient  croire  qu'un  feul  homme  rétabli- 
roit  un  thrône  auili  ébranlé  que  celui 
d'Efpagne. 

Cependant  l'Archiduc ,  fuivi  de  tren- 
te mille  hommes ,  étoit  entré  dans  la 
Capitale  d'Efpagne  où  il  fe  fit  procla- 
mer j  mais  il  n'apperçut  chez  tous  les  Ci- 
toyens de  Madrid  que  la  même  haine 
dont  ils  avoient  donné  tant  de  preuves 
à  fes  Généraux  quatre  ans  auparavant  : 
Fhorreur  pubUque  excitée  par  les  profa* 
nations  »  les  facriiéges  &  le  brigan- 
dage des  Anglois  &  des  HoUandois 
fe  joignant  à  la  tendrefle  particulière 
qu'on  portoit  au  Roi ,  fit  fentir  à  l'Ar- 
chiduc que  les  viâoires  &  la  force  ne 
pouvoient  rien  fur  une  Nation  pleine 


d'  E  s  P  A  G  N  E. 


2P7 


degénéroiité  ,  de  conilance  &  de  fidé- 
lité. La  folitude  de  la  Ville  ,  la  triftefle  , 
&  l'audace  de  la  plupart  des  Citoyens 
qui  fe  reriroienc  d^ms  leurs  maifons; 
quand  ils  l'appercevoicnt  dans  les  rues  ,■ 
ou  qui  ofoient  faire  retentir  à  fes  oreilles 
les  cris  de  vive  le  Roi  Philippe ,  étonnè- 
rent ce  Prince  qui  dès-lors  défefpéra  de 
régner  jamais  fur  lesCaftiUans  ;  il  appre- 
noit  que  chaque  jour  on  lui  tuoic  des 
Soldais  en  trahifon ,  que  les  Chirurgiens 
de  Madrid  empoifonnoient  les  playes  de 
ceux  que  leurs  bleffures  forçoient  de  dé- 
pofer  dans  les  hôpitaux.  La  dilette  ,  les 
maladies ,  la  débauche  ,  les  Partis  Caftil- 
lans  dtiruifoient  fenfiblement  fon  ar- 
mée :  l'Archiduc  lui-même  manqua  d'ê- 
tre enlevé  dans  les  Bois  du  Pardo ,  en  pre- 
nant le  plaifir  de  la  chaffe.  L'armée  Por- 
tugaife  qui  devoit  le  joindre  à  Madrid  * 
fut  arrêtée  par  le  Marquis  de  Bay  ,  maî- 
tre des  paiTages  ;  le  Duc  de  NoaiUes  af- 
fiégeoit  Gironne ,  &  Philippe  fe  trouvoit 
déjà  à  la  tcte  d'une  armée  de  trente  mille 
hommes  que  le  Comte  d'Aguiiar  te  Dom 
_galtharar  Pai'.niio  ,  Marquis  de  Caftcl- 
"  stalens, 


4 


iurla  Patrie,, 

Nv 


Histoire 


avoient  aflemblés  en  jo  jours  dans  la  Cal- 
tille  ravagée.  Le  Duc  de  Vendôme  fe  por- 
ta avec  cette  armée  au  Pont  d'Almaras. 
Toutes  ces  nouvelles  reçues  en  même- 
tems  à  Madrid  ,  jetterent  TArchiduc 
dans  b  plus  étrange  perplexité.  Il  affem- 
bla  un  grand  Confeil  dont  le  réfultat  fut 
de  fortir  de  Madrid  ;  les  Catalans  ,  les 
Portugais  ,  les  Allemands  demandoient 
à-  grands  cris  qu'on  livrât  cette  Capitale 
au  pillage  &  à  l'incendie  pour  punir  fes 
Citoyens  de  leur  zélé  pour  PniHppe  > 
Sthanhope ,  le  généreux  othanbope  s  op- 

£ofa  feul  à  cette  indigne  violence  ;  Eh  ! 
îen ,  s'écria  TArchiduc  dont  la  colère  & 
la  honte  avoient  fans  doute  altéré  la  clé- 
mence naturelle,  eh  !  bien ,  puifque  nous  nt 
-pouvons  la  piller  y   abandonnons  ^la^  £it 
même-tems  il  s'enfuit  à  Barcelonne  avec 
deux  mille  chevaux ,  laiiTant  la  conduire 
d'une  armée  diminuée  &  découragée  ii 
des  Généraux  divifés  &  jaloux  les  uns 
des  autres.  Tout  le  fruit  qu'il  retira  «fe 
cette  expédition  fi  malheureufe ,  fat  d'ê- 
tre reconnu  par  le  Comte  de  Pafana  9  le 
Bue  d  Hijar ,  le  Marquis  de  la  Laguna  ,. 
&  quelques  autres  Gentilshommes'  ^ue 
ce Pflnce >  exmenûde laperfidie , appeîMI 


d'  E  s  P  A  G  N  E.  2p5y 


loit  lui-même  des  MijerabUs ,  ÎSthanhc- 
pe  des  traîtres ,  &  Staremberg,  des  nou* 
veaux  Chrétiens.  Mais  fi  quelq[Ues  Sei- 
gneurs flétrirent  leur  vertu  &  leur  naiC- 
iànce  >  en  manquant  de  foi  au  Roi  &  à  la 
Patrie ,  tous  les  autres  fignalerent  leur 
confiance  &  leur  fermeté  ;  on  admira 
fur-toùt  les  Marquis  de  Mancera  &  del 
Frefno  qui,  à  l'âge  de  plus  de  cent  ans 
ne  pouvant  fuivre  Philippe ,  étoient  ref- 
tés  dans  la  Capitale  ;  ils  refuferent  de 
rendre  un  hommage  paffager  à  l'Archi- 
duc :  Non ,  s'écria  Mancera  que  TAr*- 
chiduc  faifoit  prefler  vivement  de  lui 
donner  cette  fatisfaftion  :  Non ,  je  ne  ter^ 
nirai  pas  ma  gloire  à  (âge  ou  je  fais  par^' 
venu;  je  remporterai  entière  au  tombeau^ 

Cependant  Parmée  ennemie  partoit 
de  Madrid ,  chargée  d'infultes  &  d'im^ 
précations  ;  elle  évacua  en  même-tems 
Tolède  dont  elle  réduifit  en  cendres 
TAlcazar ,  ouvrage  fuperbe  de  Charles- 
Quint.  Philippe  rentr?4  dans  Madrid  le 
trois  Décembre,  ai\  milieu  des  tranf- 
ports  de  joye  qui  i;enoient  de  la  démen- 
ce ;  mais  il  s'arracha  bientôt  aux  fêtes 
auc  fon  retour  t  voit  préparées  pour  pour- 
wivfc  les  eaar.nois  ;  il  arriva  a  Tarmée  le 

N  v] 


îjoo  Histoire 


jour  même  que  le  Général  Sthanhope  fut 
enlevé  dans  Brihuega  avec  cinq  mille  An- 
glois  qui  faifoient  rarriere-garde  de  l'ar- 
mée ennemie  ;  Staremberg  accourut  au 
fecours  de  Sthanhope,  fut  vaincu  le  len- 
demain dans  les  plaines  de  Villa- Viciofa 
oh  le  Roi  fit  des  prodiges  de  valeur  : 
Thabileté  avec  laquelle  Staremberg  dif- 
puta  la  viéloire  ;  fa  retraite  admirable  lui 
acquirent  autant  de  gloire  qu'à  Vendôme: 
mais  fon  armée  étoit  détruite  ,  à  peine 
fauva-t-il  fix  mille  hommes;  le  butin  im- 
menfe  ,  fruit  du  pillage  des  Eglifes ,  les 
bagages ,  l'artillerie  tombèrent  entre  les 
mains  du  Roi  qui  entra  en  triomphe  dans 
Sarragofle  avec  Vendôme  que  les  Peu- 
ples faluoient  par-tout  du  nom  de  libé- 
rateur de  la  Patrie. 

La  France  ne  devoir  recouvrer  la  vic- 
toire qu'au  moment  de  fa  ruine  ;  elle  per- 
dit dans  les  Pays-Bas  Douai ,  Bethune , 
S.  Venant  &  Aire  ;  la  conquête  de  ces 
Places  coûta  des  armées  &  des  tréfors 
aux  Alliés  ;  mais  les  perfonnages  qui 
compofoient  le  Triumvirat  dont  nous 
avons  parlé,  ne  comptoient  pour  rien  le 
fang  des  hommes,  les  malheursdela  Rér 
;i  71 1  •  publique  Chrétienne ,  pourvu  qu'ils  p^^ 


d'  E  s  ]?  A  <î  N  E.  "fîOÏ 

longeaflent  une  guerre  qui  les  enrichiflbitf 
les  combloit  de  gloire ,  &  leur  donnoic 
le  principal  crédit  dans  leur  Patrie. 

La  Reine  d'Angleterre  ouvrit  enfin  les 
yeux  fur  la  conduite  &  les  vues  de  Marl- 
borough  ;  peut-être  les  auroit-elle  fermés 
plus  long-tems  fans  une  intrigue  de  Cour 
ménagée  par  les  Toris ,  l'un  des  deux 
Partis  qui  divifent  la  Grande-Bretagne  ; 
les  Toris  ne  voyoient  pas  fans  douleur 
les  Vighs  dont  Marlborough  étoit  le 
chef>  dominer  depuis  long-tems  à  la 
Cour,  envahir  tous  les  emplois,  &  fur- 
tout  écarter  du  thrône  le  Prétendant  frè- 
re de  la  Reine  ;  une  nouvelle  favorite 
qu'on  donna  à  Anne ,  la  dégoûta  de  Mi- 
ladi  Marlboroug ,  qui  jufqu'alors  avoit 
eu  la  confiance  intime  de  la  Reine ,  au 
point  que  cette  Prîncefle  lui  paroiflbit 
entièrement  foumife  :  la  fierté  &  la  ven- 
geance de  la  Ducheffe  de  Marlborough 
achevèrent  d'aigrir  &  de  révolter  Anne 
qui  lui  donna  ordre  de  fe  retirer  ;  les  To- 
ris profitèrent  de  la  diffi^race  de  la  favo- 
rite pour  faire  comprendre  à  la  Reine  que 
le  feul  moyen  de  rétablir  fon  frcrc ,  ét</it 
de  conclure  avec  les  deux  Rois  une  yAx 
nourroitlui  être  que  gloricur;.  La 
A  qui  la  nature  &  le  fang  {/arloiciit 


i-tti» 


302  Histoire 

pour  fan  malheureux  frère ,  &  pour  fa  fa-  ' 
mille  ,  goûta  ces  raifons,  renvoya  les 
Créatures  de  Marlboroiigh  ,  fans  ofer 
encore  le  priver  lui-même  du  comman- 
dement des  armées ,  &  prépara  la  paix 
en  fecret.  Elle  fut  encore  confirmée  dans 
fa  fage  réfolution  par  la  mort  précipitée 
de  l'Empereur  Jofeph  qui  mourut  le  dix- 
fept  Avril ,  ne  laifTant  que  deux  filles; 
par  cette  mort  ,  l'Archiduc  paryint  à 
l'Empire  auquel  il  fut  élu  le  douze  Oélo- 
bre,  aux  thrones  de  Bohême ,  d'Horigrie,_ 
aux  Provinces  héréditaires  &  au  Mila- 
nez.  Si  aux  Pays  Bas  ,  au  Royaume  de 
Naples  ,  à  la  Sardaigne  qu'il  poffédoit 
déjà ,  il  eût  joint  l'Efpagne  ,  P Améri- 
que &  la  Sicile ,  que  devenoit  cette  ba- 
lance en  faveur  de  qui  l'Angleterre  ve- 
Boit  de  prodiguer  plus  d'un  milliard? 
L'exemple  de  CharlesrQuint  qui ,  avec 
une  puîflance  moins  vafte  ,  avoit  fait 
trembler  plus  d'une  fois  l'Europe  pour 
fa  liberté ,  étoit  trop  récent  pour  ne  pas 
frapper  ta  Reine  &  les  Anglois  que  leur 
Iiaine  contre  la  France  ,  ou  d'autres  paf- 
fions  n'aveugloient  point.  Anne ,  effrayée 
du  danger  auquel  Timprudence ,  Pim- 
pétuofité  &  Penthoufialme  de  fa  Nationt 
pour  la  Maifbn  d'Autriche  avoîent  coor 


d'E  s  PA  GN  E. 


30? 


,  riuit  la  République  Chrétienne  ,  fe  hâia 
^ç  ligner  avec  Louis  XIV.  les  prélimi- 
Bnires  de  la  paix  qui  alTuroient  Tuffagnâ' 
6c  l'Amérique  à  Philippe  V. 

Ce  Prince  perdit  le  Dauphin  (on  pcre, 
qu'une  mort  préci]: it(!e  enleva  aux  vœux 
des  François  ;  les  regrets  de  Philippe  fu- 
rent d'autant  pluj  amers  que  le  Dauphin 
avoit  toujours  eu  pour  lui  la  tendreue  la. 
plus  grande.  Cependant  la  guerre  contî- 
loitavec  fuccès  ;  le  Duc  de  Noailles- 
mquit  dûs  le  mois  de  Janvier  Gironne^ 
lalgré  les  obftades  les  plus  étonnansr 
tte  conquête  à  jamais  mémorable  le 
luvrit  de  gloire  ,  &  lui  valut  la  Gran- 
kSs  ;  en  Elîramadoure  ,  le  Marquis 
de  Bay  ne  put  empêcher  que  les  Por- 
tugais ne  fe  rendinent  maîtres  de  Mi- 
randa  de  Duero  ;  il  vengea  cette  per- 
te en  bombardant  Elvas  ;  mais  le» 
François,  fous  les  ordres  du  brave  du 
Gué  Trouin  ,  vengèrent  mieux  l'Efpa- 
gae  en  prenant  Rio- Janeiro  au  Bréfil  o{l' 
Us  cauferent  une  perte  de  vingt -cÎD<)i 
millions  à  la  Ccloni;  ?aTiugaife. 

LeDuci' 
fefiiGtd.  i 
cjcs  par  !■.■ 


I 


i 


^04  Histoire 


?' 

10 


donne.  Staremberg  échoua  devant  Ter* 
tofe.  Tous  ces  avantages  affermirent 
moins  la  Couronne  fur  la  tête  de  Philippe 
que  la  retraite  de  TArchiduc  ,  fon  rival , 
oui  alla  recueillir  Timmenfe  fucceflion  de 
ton  frère ,  le  départ  de  ce  Prince  ne  ra- 
lentit point  la  fombre  &  aveugle  fureur 
des  Catalans  contre  Philippe.  L'Archi- 
duc leur  avoit  laiiTé  pour  otages  fon 
époufe  &  fon  Général  Staremberg  ;  il  fut 
reconnu  dans  fon  paffage  en  qualité  de 
Roi  d'Efpagne  par  tous  les  Potentats  de 
l'Italie. 

Marlborough  conquit  Bouchain  en 
Flandres,  ce  fut  la  dernière  conquête  de 
ce  Général  dont  les  exploits  furent  fi  far 
tais  à  la  Maifon  de  Bourbon. 
^Ji2.  Cette  Maifon  fi  infortunée  depuis  dix 
ans  y  touchoit  enfin  à  la  paix  ;  en  vain 
l'Empereur ,  à  la  nouvelle  d'un  congrès 
indiqué  à  Utrecht ,  fit-il  éclater  fon  in- 
dignation ;  en  vain  en voya-t- il  le  Prince 
Eugène  en  Angleterre  pour  ranimer  la 
haine  nationale  contre  laFratice;la  mort 
du  Dauphin  &  de  fon  fils  aîné ,  le  Duc 
de  Bretagne  qui  ne  laiflbit  plus  entre  le 
thrône  de  France ,  &  le  Koi  Philippe 
qu'un  enfant  de  deux  ans  ,foible  &  mou- 
rant^ auroit  pu  faire  plus  d'imprellion 


Mil 


d'EspacxNE.  505 

fur  la  Reine  Anne ,  que  les  intrigues  & 
l'éloquence  du  Prince  Eugène  :  mais  An- 
ne ne  refpiroit  que  la  paix  ;  elle  ordonna 
au  Duc  d'Ormond  qui  avoit  remplacé 
Marlborough  dans  le  commandement  de 
fes  troupes  en  Flandres ,  de  fe  féparer  de 
l'armée  des  Alliés:  Ormond  fe  retira  en 
efFet  après  la  prife  du  Quefnoi,  &c  fit  pu- 
blier une  fulpenfion  d'armes  de  deux 
mois  avec  les  François. 

Cependant  la  retraite  des  Anglois  ne 
fauvoit  pas  la  France  ;  les  François  dé- 
couragés ,  fans  argent ,  fans  troupes ,  fans 
reflburces  quelconques  ne  préfageoient 
que  de  nouveaux  malheurs  &  la  chute  de 
leur  Empire.  Le  Prince  Eugène ,  fuivi  de 
cent  mille  hommes  de  vieilles  &  excel- 
lentes troupes ,  fier  de  dix  ans  de  viéloi- 
res ,  ébloui  de  l'efpérance  de  ne  partager 
avec  perfonne  la  conquête  du  plus  an- 
cien &  du  plus  puiffant  Royaume  de 
l'Europe  ,  marcha  devant  Landrecies  , 
dont  la  prife  lui  ouvroit  le  chemin  de  Pa- 
ris ;  Louis  XIV,  âgé  de  foîxante-  qua- 
torze ans  ,  n'avoit  a  autre  reflburce  que 
celle  de  raifembler  fa  Nobleile ,  &  d'aller 
à  fa  tcte  chercher  la  mort  oii  la  vîftoire  : 
mais  la  Providence  veilloit  à  fa  conferva- 


'%u 


^06  Histoire 

tion  &  à  celle  de  fes  Sujets,  C'étoit  de- 
vant Landrecies  que  dévoient  aboutir  les 
fuccès  de  fes  ennemis  ;  pendant  qu'Eu- 
gène preflbit  vivement  cette  Place ,  le 
Maréchal  de  Villars  qu'on  lui  avoit  op- 
pofé  avec  une  armée  infiniment  infé- 
rieure ,  profita  de  l'imprudente  fécu- 
rité  des  ennemis  qui  avoient  poflé  un 

fros  Corps  de  troupes  dans  le  camp  de 
)enain  trop  éloigné  de  la  grande  armée  : 
il  l'attaqua  brufquement  le  vingt-quatre 
Juillet ,  &  le  détruifit  ;  de-là  il  emporta 
le  pofte  de  Marchiennes  où  étoient  ren- 
fermés les  magafins  des  Alliés  ;  Eugène 
leva  le  fiége ,  &  ne  put  empêcher  que 
S.  Amand  ,  Douai ,  le  Quefnoi  &  Boa* 
chain  ne  tombaifent  entre  les  mains  de 
Villars  qui  fit  trente  mille  prifonniers 
dans  toutes  ces  conquêtes  :  jamais  Géné- 
rât ne  vainquit  avec  plus  d'éclat ,  plus 
de  rapidité  &  plus  de  fruit  pour  la  Pa- 
trie :  la  voîx  publique ,  h  reconnoiffance 
&  la  Poftérité  lui  alignèrent  fa  place  i 
côté  des  Camilles^  des  Dunois  6c  des 
Vendomes. 

Ce  libéï^teur  de  l'Efpagne  n^étoit 
plus ,  il  avoit  terminé  fa  carrière  à  Vina- 
ros3  Philippe  V.  lui  donna  ^  en  pleurant^ 


p'  E  S  P  A  G  N  E.  307 

la  fépulture  à  PEfcurial  au  milieu  des 
Rois  fes  prédécefleurs  ;  mais  il  n*avoit 
pas  attendu  la  mort  de  ce  grand  homme 
pour  faire  éclater  à  fon  égard  Jes  fenti- 
mens  de  fa  reconnoilTance  &  de  fon  ami- 
tié ;  Vendôme  fut  pendant  fa  vie  décoré 
du  titre  &  des  honneurs  de  premier  Prin- 
ce du  Sang  d'Efpagne, 

La  guerre  devenue  moins  vive  en  Es- 
pagne i  fut  mêlée  de  bons  &  de  mauvais 
fuccès  ;  le  Marquis  de  Bay  leva  le  fiégé 
de  Campo-Mayor  j  les  Impériaux  s'em- 
parèrent de  prefque  toutes^  les  Places  des 
côtes  de  Tofcane  ;  mais  le  Comte  de 
Brancas  (ignala  contr'eux  fa  confiance  & 
fa  valeur  dans  Gironne  qu'ils  bloquèrent 
pendant  huit  mois  ;  ils  ne  furent  pas 
plus  heureux  dans  leurs  entreprifes  fur 
Vénafque,  Cervéra  &  Rofes. 

La  Reine  Anne  devenue  l'arbitre  de 
l'Europe ,  donna  pour  alternative  à  Phi- 
lippe de  garder  rEfpagne  de  l'Améri- 
que ,  en  renonçant  au  thrône  de  fes  Pè- 
res ,  ou  de  les  échanger  contre  les  Etats 
du  Duc  de  Savoye ,  en  confervant  fes 
droits  fur  la  France.  L'honneur  ,  la  re- 
connoiffance  guidèrent  le  Roi  dans  fon 
eboix^  &  l'événement  Ta  juûifié  j  il  pré- 


308  Histoire 


féra  à  refpérance  incertaine  de  régner 
dans  fa  Patrie  la  pofTeflion  paifible  de 
l'Efpagne  &  de  rÂmérique.  Sa  renon- 
ciation fut  reçue  aux  l^ts  Cônes  ,  &  celle 
des  Ducs  de  Berrî  8c  d'Orléans  au  tbrô- 
ne  d'Efpagne,  enregiftrée  en  même  tems 
au  Parlement  de  Paris. 
7^3*  Le  Duc  d'Oflbnne,  le  Comte  de  Ber- 
geik  &  le  Marquis  de  Monteléon  ,  Plé- 
nipotentiaires du  Roi  3  ne  furent  admis  au 
congrès  d'Utrecht  que  lorfque  Philippe 
eut  été  reconnu  par  les  Alliés  en  qualité 
de  Roi  d'Efpagne.  Louis  XlV.fijgna  aux 
conditions  que  tout  le  monde  fçait ,  la 

faix  avec  l'Angleterre  ,  la  Savoye ,  le 
ortugal  &  la  Hollande  ;  l'Efpagne  figna 
la  fienne  avec  l'Angleterre  le  treize  Juil- 
let :  les  principaux  articles  de  ce  traité 
qui  en  contient  vingt-fix ,  font  favorables 
aux  Anglois  à  qui ,  outre  la  cefGon  de 
Gibraltar  &c  de  Minorque ,  on  permet- 
toit  la  traite  des  Nègres  dans  les  Colo- 
nies Efpagnoles  ;  l'Efpagne  leur  cédoit 
le  commerce  exclufif  de  l'Amérique  1 
commerce  qui ,  entre  les  mains  des  Fraor  * 
çois  depuis  mil  fept  cent ,  leur  avoit  ^mIM 
des  fommes  prodigieufes  ;  fans  cette  ref-"^ 
fource  j  Louis  XIV.  n'eût  pu  continuel. 


d'Espagnec  ^op 

fi  long-tems  une  guerre  fi  funefte  ;  enfin , 
Philippe  reconnoiflbit  la  fucceffion  éta- 
blie en  faveur  de  la  Maifon  de  Brunf- 
wick-Hanovre  par  Vzâe  du  Parlement 
d'Angleterre  de  1701. 

Le  même  jour ,  les  Miniftres  d'ETpa- 
gne  fignerent  avec  ceux  de  Savoye  un 
traité  par  lequel  Philippe  V.  cédoit  l'Ifle 
de  Sicile  au  Duc  de  Savoye  :  ce  facrifîce 
fut  plus  fenfible  à  la  Nation  que  les  avan^ 
tagçs  accordés  aux  Anglois.  On  n'avoit 

fas  oublié  que  le  Duc  de  Savoye  étoît 
auteur  des  malheurs ,  fous  le  poids  des- 
quels l'une  &  l'autre  Couronne  avoient 
couru  rifque  de  fuccomber;  mais  la  Rei- 
ne Anne  avoir  exigé  un  Royaume  pour 
ce  Prince ,  &  la  Reine  Anne  diéta  des 
loix  à  toutes  les  Puiffances  dans  ce  fa- 
meuxtraitéi  Philippe,avant  que  d'évacuer 
la  Sicile ,  impofa  au  Duc  de  Savoye  des 
conditions  qui  le  réduifoient  prefqu'à 
l'état  de  Vaffal  ;  il  l'obligea  de  conferver 
tous  les  privilèges  de  l'Ifle  ;  de  fouffirir  à 
Palerme  un  tribunal  indépendant  au  fu- 
jet  des  biens  confifqués ,  dont  Philippe 
fe  réfervoit  la  difpofition  ;  d'être  éter- 
nellement l'Allié  de  l'EfpagnCjfans  quoi 
ja  ceffion  épit  QuUe  j  &  la  Sicile  dévo- 


310  Histoire 


lue  de  plein  droit  à  la  Couronne  ;  elle 
de  voit  aufli  retourner  à  TEfpagne  à  Fex- 
tinâion  des  hoirs  mâles  du  Duc.  Il  n'y 
eut  point  de  refforts  que  ne  firent  arir 
les  Siciliens  pour  ne  pas  changer  de  do- 
mination ;  mais  les  convenances  de  l'Eu- 
rope ,  &  la  volonté  des  Anglois  l'empor- 
tèrent fur  leurs  vœux.  On  Içait  par  com- 
bien d'inquiétudes  &  de  chagrins  Vidor- 
Amedée  acheta  unthrône  oul'Efpagne, 
l'Empereur ,  le  Pape  &  les  Siciliens  ne  le 
virent  affis  qu'avec  beaucoup  de  chagrin 
&  d'impatience,  Philippe  confentoit  de 
plus  que  le  Duc  de  Savoy e  &  la  poflérité 
fuflent  appelles  à  la  Monarchie  d'Efpa- 
gne  ,  au  défaut  de  la  fienne. 

Le  traité  de  l'Efpagne  avec  la  Hol- 
lande ne  fut  figné  que  le  vingt-fix  Juin 
mil  fept  cent  quatorze.  Ce  traité  n'avoit 
été  différé  que  par  la  vafte  ambition  de 
la  Princefle  des  Urfins  qui,  afpirant  à 
ctre  Souveraine ,  avoit  obtenu  du  Roi , 
qu'il  ne  conclueroit  point  avec  la  Hol- 
lande que  cette  République  n'eût  remis 
à  la  Princefle  un  domaine  confîdérable  . 
dans  les  Pays-Bas  dont  çlle  jouiroît  ertM 
toute  fouveraineté.  On  fc  moqua  à  Paris , 
à  Londres  >  à  Vienne  &  à  la  Haye  des 


d' Espagne,  311 

prétentions  fuperbes  de  la  favorite  ;  les 
HoUandois  répondirent  qu'étant  fimples 
dépofitaires  des  Places  qui  forment  leurs 
barrières ,  ils  ne  pouvoient  difpofer  d'un 
bien  que  le  confenteînent  de  l'Europe 
avoit  tranfporté  à  l'Empereur  :  Philippe, 
las  de  lutter  contre  les  obftacles ,  aban- 
donna les  intérêts  de  la  Princeffe ,  &  la 
paix  fut  fîgnée  fur  le  pied  de  celle  de 
Munfter,  Celle  avec  le  Portugal  fut  en- 
core plus  différée ,  puifqu'on  ne  la  figna 
Îue  le  fix  Février  mil  fept  cent  quinze, 
ie  Roi  Jean  ,  au  premier  bruit  des  pré- 
liminaires de  l'Angleterre  avec  la  Mai- 
fon  de  Bou Aon ,  s'étoit  hâté  d'entamer 
une  négociation  avec  PEfpagne ,  au  ref- 
fentiment  de  oui  il  craignoit  d'être  aban- 
donné ;  mais  lur  l'aiTurance  que  la  Reine 
Anne  lui  donna  dç  le  faire  comprendre 
dans  le  traité  général ,  il  renonça  à  un 
traité  particulier  :  on  fe  reftitua  de  part 
Se  d'autre  ce  qu'on  s'étoît  enlevé ,  &  le 
Portugal  céda  la  Colonie  du  S.  Sacrer 
ment ,  moyennant  un  équivalent. 

Il  n'y  eut  qu'avec  l'Empereur  qu^on 
ne  put  accorder  avec  Philippe  ;  celui-ci 
réclamoit  toute  l'Italie ,  &  Charles  l'El- 
p;a|;ne  &  les  Indes  s  m^is  au  nioyen  du 


512  Hl  S  T  O  I  R  E 

traité  d  évacuation  de  la  Catalogne  9  & 
de  la  neutralité  de  l'Italie ,  figné^  le  qua- 
torze Mars  à  Utrecht ,  toute  TEurope 
crut  avoir  lié  les  mains  à  l'un  &  à  l'autre 
rival.  Ces  deux  Princes  ne  laifferent  pas 
que  de  s'inquiéter  l'un  &  l'autre ,  &  enfin 
de  fe  faire  la  guerre  jufqu'en  mil  fept 
cent  vingt-cinq  ,  que  le  HoUandois  Ri- 
perda  vint  à  bout  de  les  réunir  par  un 
traité  à  la  conclufion  duquel  la  politique 
des  plus  habiles  Miniftres  étoit  venue  fc 
brifer  :  c'eft  ainfî  qu'après  un  violent  ora- 
ge ,  la  foudre  gronde  encore  de  tems  en 
tcms  dans  les  airs. 

Mais  Philippe ,  en  renonçant  à  Teipé- 
rance  de  parvenir  à  la  Couronne  de  fes 
Pères  &  à  cinq  ou  fîx  Provinces,  Tavant- 
mur  de  fa  Monarchie ,  eut  la  confolation 
de  voir  le  thrône  affermi  pour  jamais 
dans  fa  poflérité  mafculine  par  la  loi  la 
plus  fage  que  les  las  Cor  tes  ayent  jamais 
promulguée  :  cette  loi  folemnelle  & 
fondamentale  régie  que  les  Princes  def- 
cendans  de  Philippe  en  quelque  degré 
qu'ils  foient ,  parviendront  à  la  Couron- 
ne avant  les  Princeffes  ,  fuflent-elles  fil- 
les du  Roi  régnant.  Toute  l'Efpagne  ap-"* 
plaudit  à  une  loi  qui  la  délivre  de  h 

craint» 


/ 


D'Es  P  A  GN  E. 


513 


S'être  foumife  à  un  Prince  étrai»- 
J,  lant  qu'elle  aura  des  defcendans 
bilippe  :  fi  les  anciens  Rois  d'Efpa- 
euflent  eu  les  yeux  auflî  ouverts  que 
ippe  fur  les  véritables  intértts  de 
pofttrité,  f /i)  toutes  les  Provinces 
^tiennes  d'Efpagne  n'auroient  guè- 
;u  d'autres  Rois  que  leurs  Citoyens. 
Cependant  il  n'y  avoit  qu'une  par- 
le l'Europe  qui  eût  mis  bas  les  a/- 
par  le  traitfS  d'Utrecht  ;  Loub 
'.  &  TEmpereur  n'avoienr  pu  s'ac- 
.er  j  ce  dernier  Prince  (évacua  la 
tlogoe  î  l'Impératrice  &  Starcm- 
[,  en  s'cmbarquant  pour  l'Italie, 

Ient  Iblemnellement  aux  Catabns 
ppereur  ne  les  abandonneroic  ja- 
B  qu'il  ne  figneroit  jamais  de  pair 
nippe  ne  leur  h'itCk  la  liberté, 
•l'autre  les  exhorta  k  fe  défendre 
courage,  &  les  flatta  de refp(:ran- 
les  plus  puillans  fecours  ;  pour  leur 


3'4- 


Histoire 


faire  voir  que  ces  promefîes  n'étoîeïif  ' 
point  illufoires  ,  on  leur  laîlTa  une  infi- 
nité de  Soldats  Se  d'Officiers  ,  des  Ingd- 
nieurs  &  des  munitions  prodigteufes  ; 
Barcelonne  éblouie  par  refpérancc  de  11 
liberté ,  fe  livra  aux  trani'ports  les  plus 
fanatiques  :  elle  eut  l'audace  de  dccla- 
-  rer la  guerre  aux  deux  Rois,  d'envoyer 
des  Emiflaires  à  Marfeîlles  pour  foUiciter 
cette  Ville  fidelle  à  fuivre  fon  pcrnidcor 
exemple  ;  elle  dépécha  jufqu'à  Confiante' 
nople  des  députés  foiliciter  la  protedion 
du  Grand  Seigneur  à  qui  cette  prétendas 
République  offroit  un  tribut  confidén- 
ble;  les  Généraux  de  Philippe  qui  s'avau* 
çoient  pour  recevoir  Barcelone  ,  furent 
(étonne's  d'encrer  dans  une  terre  ennenùe 
&  femée  de  pièges  ;  le  plat  Pays  de  11 
Catalogne  ,  Cardone  ,  les  Iflcs  de  Wi* 
jorque  8c  d'Ivîca  fuiyirent  l'exemple  de 
la  Capitale.  Il  fallut  recommencer  la 
guerre  ,  livrer  de  furieux  combats  ,  & 

farter  le  fer  èc  le  feu  dans  cette  rîclie 
rovince  pour  la  Ibumettre  :  le  Marquis 
de  Thodi  &  le  Comte  de  Montcmar  ft 
(Ignalercnr  par  d'éclatans  exploits  dans 
cette  trille  èc  fanglante  cxpL-dîtion  i  cd- 


d'  E  s  P  A  G  N  E . 


i^s 


le  Duc  de  Popoli ,  après  des  obfla- 
étonnans  ,  vint  à  bout  de  bloquer 
:  Ville  fi  obtlinée. 

es  perces  que  Barcelone  fit  cette 
pagne  f  &  celles  de  l'Empereur  en 
ce  contre  les  François  ,  ne  faifoienc 
ugmenter  l'inflexibilité  naturelle  des 
alatrt  J  ils  apprirent  ,  lâns  être  ef-  ■ 
es,  que  le  Maréchal  deViUars,  par 
vii51oire&  rapides  &c  des  conquêtes 
jrtantes  avoir  enfin  forcé  l'Empe- 
à  accepter  la  paix.  Us  étoîent  confir- 
dans  leur  révolte  par  les  fréquens  fe- 
rs qu'Us  cecevoienc  des  Ports  de  l'Ita- 
par  un  nouveau  foulevemeni  des  Pay- 
di!  la  Province  ,  par  l'inquiétude  de! 
agonois  &  des  Valenciens  qui  cher- 
ient  à  fecouer  te  joue  légitime  ;  enfin , 
:cMnptoieBi  fis  ou  huit  mille  hommes 
Toupes  réglées  ,  douze  mille  Mique- 
&  quarante  mille  Citoyens  armes  & 


ppe  dont  les  forces  montoicnt  i 

Ue  hommes,  à  trente  viiifleaiix  de 


Câtini  ;  le  eùoix  de  Louis  XIV .  t 

«ir  1=  Si^r^cisl  M  B.,-'ici  ;   le 

gl,- 

terr 

temiaDi  tes  i^uafanc-'  . 

duifii:  !.;l-tnîiiTie  i;-   . 

fcsr 


iirfûhes:  cer-2\  i!le  - 
lous  les  rebelles  Se  ■ 
s'y  étoieni  jettes  ;  d. 
d^Erpagne,  Us  Prétr. 
prirent  les  «nses  ,  : 
Compagnies, 2c  6rer.i:  ^. 
de  tous  1»  Citoycrts  leur 
paons  combatiirem^^ 

Jom  U  coni 


d'  E  s  F  A  G  N  E. 


517 


Radiers  ;  cette  nouvelle  Milice  s'ar- 
fra  toute  l'amoritt  dans  la  Ville  ,  elle 
ma  un  Conleil  fous  le  nom  deCon- 
:nce  ,  uniquement  compoft  de  Supé- 
irs  des  Communautfïs,  de  Chanoines 
ic  Curt-s.  Ce  Confdl  qu'on  peut  ap- 
IcrdcTang,  jugeoit  fans  appel  &  mi- 
iremear  tous  les  Citoyens  t.|ui,  arreo- 
(  fur  le  fort  de  leurs  femmes  ,  de  leurs 
ins&  de  leur  Patrie,  partoteni  de  ca- 
ilacion  ,  &  les  envoyolc  fur  le  champ 
mort  ;  une  Compagnie  de  Matamors , 
d'aflafilns  ,  dignes  Miniftrcs  du  bri- 
dage  Se  du  fanatifrae ,  exécatoit  furie 
mp  les  arrêts  des  Tyrans  {d). 
Cependant  Barwick  ,  après  ioixante- 
ours  de  tranchée  ouverte ,  &  au  prix 
fang  de  vingt  mille  hommes  ,  ("toit 
i-enu  â  faire  une  brèche  confidérablc; 
/^in  fomma-t-il  alors  la  Ville  :  la  fu- 
'  &  le  défeTpcir  des  Moines  firent  re- 
r  ces  offres;  il  commanda  l  alTiiut 
ura  quarante-huit  heures  ,  &  coûta 
|£x  mille  hommes  ;  mais  il  empor- 
tai 1  du  nm%  Ae  Tinif ,  P.-irïe,  4a 
'lA^Vent  pai  plui  d'iiorrcurque 
fcncfle  Wge. 

O  iij 


I 


Histoire 
ta  la  Jiatle- Ville  i  les  Catalans  arl 
reni  alors  le  drapeau  blanc  ,  ôc  de 
ciercnt  fiiîretiieni  la  confervation  de. 
priviWges;  pour  toute  réponfe,  Bac 
indigné  ,  donna  ordre  qu'on  mît  le 
la  Ville  ,  on  ne  l'éteignit  que  lorfqi 
rebelles  eurent  promis  de  livrer  le 
Monrjoui,  le  Château  de  Cardoiwi 
autres  portes  qu'Us  occupoient  ;  le 
queur  leur  promit  la  vie  Se  les  bien 
Bsrwick  entra  en  con{ju{:ranc 
Barcelone  ,  ion  premier  foin  fut  de 
arrêter  foîxante  des  principaux  cbi 
la  r(^bcllion  ,  parmi  IcCqucU  on  i 
toit  desMoini:s,  dt  faire  brûler  i 
main  du  Bourreau  les  drapeaux  ,  H 
bes  des  Magiftrats  de  \»  dcputaiioi 
les  autres  (ignés  du  crime  &  de  laf 
lion  ;  la  Ville  &  la  Province  furen 
v^es  i  jamais  de  leurs  privilèges  funi 
traitées  en  Pays  de  conquC-tc  ,  &  H 
fès  aux  loix  de  la  Callillc  ;  les  Rois  : 
qui  jufqu'alors  elle  avoit  été  inuû 
même  dangereufe ,  ont  tiré  de  cetti 
vince  des  fecoiirs  proportionna 
forces  8c  à  fcs  richefl'es  :  jufte  &  15, 
fruit  de  tant  de  tréfors  &  de  fanj 
gués  pour  ta  r^diju^e. 


o'E 


s  P  A  G  N  E. 


Jip 


BariiFick  ,  dont  le  nom  fera  éternelle- 
mem  cher  à  l'Eipagne  &  à  la  France , 
'  ,t  reçu  à  Madrid ,  comme  les  Confuh  Té- 
toiencàHrome,  après  avoir  terminé  par  U 
vjâoirc  les  guerres  les  plus  difficiles  ;  Iç 
Roi  Se  la  Nation  fïgnalerent  envers  lui 
,eur  rcconnoiffance  ;  la  Reine  ne  lut  pas 
i^nioin  de  la  réduction  de  la  Cataio- 
elle  étoit  morte  le  quatorze  Fiî- 
vrier  à  l'âge  de  vingt-cinq  ans,  &  à  la 
ircille  de  jouir  paifiblement  d'un  thrône 
lir  lequel  elle  n'avoît  connu  que  les  al- 
larmes,  l'inquiétude ,  la  fatigue  &  les 
difgraces;  fon  courage  Se  ion  beurcufe 
fécondité  ce  contribuèrent  pas  peu  à 
foutenir  U  fermeté  d'un  époux  dont  eU. 
le  avoir  partagé  les  malheurs  en  Hé- 
joïne,  en  y  remédiant  en  Reine  :  elle 
compta  au  nombre  de  fes  plus  grande» 
infortunes,  ct-ilede  voir.par  un  exemple 
inouï ,  fon  pcre  uni  avec  fes  ennemis  pour 
ïui  arracher  la  Couronne  ;  les  Caftillans 
donnèrent  des  larmes  i,  fa  mort ,  mais  Phi- 
lippe en  fut  accablé  au  point  que  ne  pou- 
vant plus  fouffVir  la  vue  du  palais  qui 
DC  lui  ofÎToir  pliis  la  Reine  ,  il  fc  retira 
[vec  fes  cnrans&  la  PrincL-ITe  des  Urlîni 
I  THÔiel  du  Duc  de  MédinaCœli  ovi  U 
Oiv 


320 


Histoire 


v^cut  prefqu'en  particulier ,  le  déchar- 
geant des  foitis  du  Gouvernement  fur  le 
Cardinal  del  Giudice  :  comme  l'Hôtel 
de  Médina -Cœli  ne  pouvoit  contenir 
toute  la  Cour ,  il  fut  obligé  d'y  joindre 
le  Couvent  des  Capucins  ,  &  d'afiîgner 
à  CCS  Religieux  une  autre  habitation;  ta 
piiîté  des  Efpagnols  Tut  effarouchëc  de 
cette  émigr^ition  :  ce  n'étoii  qu'un  cri  h 
Madrid  contre  la  Princefl'e  des  Urlinï 
accufée  d'entretenir  le  Roi  dans  fa  dou- 
leur &  dans  la  retraite;  elle  feule  l'ap- 
frochoit,  mangeoitavec  lui;  bientôt  on 
accufa  de  porter  fes  vues  jufques  fur 
le  thrône  d'Efpagne  ;  elle  avoit  le  crédit) 
la  puiiTance  &:  le  fafte  de  la  Reine  ,  il  ne 
lui  en  manquoit  que  le  nom.  De  beaux 
refies ,  un  efprlt  fin  &  délicat ,  des  ma- 
nières inftnuantes ,  un  manège  adroit ,  un 
parti  puiiTant ,  l'habitude ,  des  raifons  de 

folitique  &  de  religion  fennJesavec  art , 
intérêt  des  Princes  ,  enfans  duRci,  qui 
dévoient  trouver  en  elle  une  autre  merc> 
l'exemple  de  Madame  de  Maintenon  ne 
pouvoienr-ils  pas  porter  Philippe  jeuoe , 
ardent ,  robuue  &  fcrupuleux  a  ^Oufer 
une  femme  dont  lafocieté  faifoit  toute  (à 
confolatioD  ?  Quoi  qu'il  en  fo' 


ment  confondit  les  efptrances  de  la  Pnn-  ' 
rcflc  i  clic  devoir  bientôt ,  par  une  dif- 
^rjcc  cclatanie  >  éprouver  combien  peu 
OQ  doit  compter  fur  U  &vcur  Si  la  tor- 


d'  E  s  P  A  G  K  E. 


3=1  . 


Cependant  M.  Orri  rappelle  ih  l'an- 
pée  dernière  en  Efpagnc  par  fâ  protec- 
irice ,  rétablit  pour  h  féconde  fois  l'or- 
dre dans  les  finances  ,  il  pouffa  les  reve- 
us  du  Roi  iuf^u'à  cent  millions ,  &  Ic 
lit  en  état  a  cmrercnir  cent  mille  hom- 
mes de  troupes  rigides  ,  &  une  armée 
navale,  fans  (]iic  le  PeupL-  fût  foulé  par 
ie  nouveaux  tribLUs.  Cette  révolution  fi 
■vantageufe  3U  Prince  &  k  l'Etat ,  fut 
due  au  courage  avec  lequel  il  acheva  de 
nïunir  au  dotnnine  tcut  ce  qui  en  avoit 
été  ofurpé.  11  fit  dts  réformes  utiles ,  & 
Tcndhl'iifpagnt  r;(peflable:  lesDéten- 
lenra  du  domaine  Royal  ,  les  Officiers 
fdoniil  avoit  écbiré  les  concuffions  ,  les 
'FînftDCiers  dont  il  réprima  le  brigandage 
£c  l'avidité ,  tous  ces  êtres  enfin  inutiles 
è  ta  RépubI  q^ie  qui ,  (ans  les  avoir  mé- 
méi  ,  ne  fublillent  que  des  bienfaits  du 
Prince ,  fc  réunirent  contre  lui  ;  mais 
ieur  claiseuT  n'eût  été  qu'un  vaîn  fort 
iqui  fc  fcroU  perdu  dans  les  airs ,  û  Oni 
Ov 


332 


Histoire 


n'eût  entrepris  de  reformer  toutes  les  au- 
tres parties  de  radrainiitration  ,  te  s'il  ne 
fc  fût  attribué  le  pouvoir  de  premier  Mi- 
nîftre  cheï  une  Nation  dont  il  ne  con- 
noifTolt  pas  aficz  le  caradere ,  les  loix  Sc 
Icsufages.  Il  porta ,  au  lieu  de  la  nfforme  • 
b  confjlîon  dans  les  Confeîls;  U  détrui* 
fit  l'aflcien  Tyllême  du  Gouvernement; 
bientôt  lesEfpagnols  ne  fe  reconnurenc 
plus  dans  leur  propre  Patrie  j  ce  change- 
ment qui  devoit  être  amené  par  degrés  , 
fut  précipité  brufquement.  Orri  devint 
de  jour  en  jour  odieux  à  un  Peuple  à  qui 
U  voulut  infpirer  tout  d'un  coup  une  4C-- 
nvité  qui  ne  lui  étoit  pas  naturelle  ;  le 
Confeif  de  Caftille  reçut  ordre  de  s'aC- 
fêmbler  depuis  fept  heures  du  matin  ju^ 
<ju'i  midi ,  Se  le  foir  depuis  (luatre  juC 
qu'à  fcpt  pour  l'expédition  plus  rapide 
des  affaires  ;  au  lieu  d'un  Prdfident ,  oQ 
lui  en  donna  cinq  ;  trois  à  celui  des  In- 
des ,  quatre  à  celui  de  l'Hazicnda ,  Cita 
comptcrun  Contrôleur  Général. 

Orri  étendit  fes  vues  jufqucs  fur  l'ia>- 
muniié  Eccléfiaftique  tlont  il  voulu:  ré- 
former les  abus  pon.'- 
idiciable  ii  l'autoriri:  i 
JciMonaftere»,  le*  l'. 


l 


d'  E  s  P  A.  GN  E.  323 

des  afyles  pour  les  voleurs  ,  pour  les  aC- 
fafTins  6c  les  autres  fcélérats  ;  la  juftice 
gémiffoit  en  vain  d'un  établiffement  qui 
d'abord  avoit  été  falutaire  pour  des  homr 
mes  plus,  malheureux  que  coupables  » 
mais  qui  devenoît  funeile  à  la  sûreté 
des  Citoyens  par  Timpunité. 

Orri  etoit  loutenu  par  le  Père  Robi- 
net y  Jéfuite  ,  Confefleur  de  Philippe , 
ar  Macanas,Procureur  Général  du  Con* 
eil  de  Caftille ,  par  la  Princefle  des  Ur- 
fins  ,  &  par  le  Roi  même  dont  le  cœur 
droit  &  vertueux  ne  recherchoit  que  le 
plus  grand  bien  ;  mais  le  mémoire  pré- 
ienté  à  ce  fujet  au  Confeil  de  Caftille  9 
&  dont  Macanas  étoit  l'auteur ,  déplut  à 
l'Inquifition  qui  le  condamna ,  &  qui  en- 
veloppa dans  la  même  condamnation  Bar- 
clai  &  le  Préfident  Talon  ,  célèbres  Jii- 
rifconfulres  qui  avoient  écrit  en  France  , 
&  conformément  aux  principes  &  aux 
libertés  de  TEglife  Gallicane  ;  le  décret 
de  rinquifitîon  fut  figné  à  Marli  dans  le 
palais  même  du  Roi  de  France  par  le 
Cardinal  del  Giudice  ,  Grand  Inquifi- 
teur  ,  &  alors  Ambaffadcur  ex^raurdi- 
içaire  auprès  de  Louis  XIV.  F/j  Hoi  fut 
du  décret  de  rinquirit'î^r>  :  Orri 

C-'  vi 


3=4 


Histoire 


n'eut  pas  de  peine  à  lui  perfuader  j 
éioit  également  injurieux  à  lut  &.)' 
ayeul  par  la  flétrifllire  qu'il  imprini 
fon  Procureur  Général  Macanaz  , 
Préfident  Talon. 

Philippe  irrité,  difgracîa  le  Cardinal 
del  Gîudice  ,  &  voulue  )e  dépouiller  de 
b  dignité  de  Grand  Jrnjuifiteur  ,  mais  ie 
Pape  s"y  oppofa  ,  &  llnquilitiotï  que  te 
Hoi  tScha  d'engager  ^  t'upprimcr  fon 
décret ,  répondit  que  le  Roi  cioit  te  maî- 
tre de  la  fupprimer,  mais  qu'il  ne  pou- 
voît  lui  ôter  les  vafles  conceffions  doni 
les  Papes  &  les  Rois  fes  prédécelTêuTS 
l'avoient  favorifée  ,  tant  qu'elle  fubfif- 
teroit. 

On  ne  fçavoit  quelle  feroit  Tiffue  de 
cette  affaire  qui  rempliflbit  la  Cour  Si.  h 
Ville  de  confufion  ,  d'intrigues  &c  de  ca- 
bales, lorfqu'un  homme  inconnu  en£f- 
pagne  ouvrit  une  vove  qui  ch^ingea  h 
lace  de  la  Cour  &  du  Gouvernement , 
&  qui  en  même-tems  termina  cciie  gran- 
de affaire.  Cet  homme  dont  le  génie .  f  au- 
dace &  la  fortune  ont  étonné  l'Un' 
éiok  l'Abbé  Alberoni,  Sis  d'u 
Italien  :  il  poiTtdoit  une  Cure  a 
FlailaDce  j  fa  Patrie  t  'o>i^ 


d'  E  s  P  A  G  M  F. 

noitre  du  Uuc  uc   v  tiidi^mc  ,  Otiicral 
des  François  ,&d(.  s  Ëlp:^gnols  en  Italie  , 
"Il  qui  il  devint  utile  par  la  corroîiTancc 
ïxa&e  des  lieux  où  étoit  le  tliÉiurc  de  la  i 
guerre,  &  cher  par  l'enjoueincni  de  fcn  | 
araflere  ;  le  Duc  fe  l'attacha  ,  &  l'cra- 
lena  eti  France  &  en  Lrpagne  où  il  rcHa  I 
Çrès  la  mort  de  fon  proteâeur;  Albcr  * 
fflni  s'éttnt  apperçu  que  la  Princefle  des  1 
[Jrfinsavoit  perdu  lefp^rance  d'^foufcr 
jPJùIippe ,  lui  propofa  le  msrtage  de  ce  I 
prince  avec  Elilabcth   Farrcfc  ,    Wrt- 

:  de  Parme  ,  de  Plaifance  &  de  la  ] 
ï'ofcarje , qu'il  lui  dépeignit  cotriine  une  ] 
rinC'.0e  fans  efprît ,  fans  talens  ,  fans  i 
mbition ,  &  fur  qui  elle  regncroit  avec  [ 
D  Fmpire  abfolu  ;  fa  prupoSiion  plut  à  i 
1  favorice,  &  encore  plus  au  Poi  qui  I 
l'ayant  jamais  perdu  l'cff  trancc  de  réu- 
nira la  Monarchie  les  Etats  d'It^ilie  ,  ju-  1 
gea  que  cette  sllience  lui  en  l'acilitcroit  \ 
le  moyen  i  il  demanda  fur  le  cfaimp  U  | 
FriDcefTe;  ceptndsni  Madame  dcj  Ur- 
fins    apprit    bientôt  qu'ElJfabeth  ^toit 
un  g^nie  fup^iîcur  ,   une  aiTiC  lîcre  &  ] 
^dc  fon  ictr.t  la  plus 
%  entreprenante  ■,  elle 

eReioe  o'^toit  foiDcJ 


femme  à  fe  laiCcr  gouverner  ,  &  elle  ne 
perdit  pas  un  moment  pour  faire  éctîoucr 
le. mariage;  m^is  il  n'étoit  plus  tcms  ,  U 
avoit  déjà  été  célébré  à  Parme  par  Pro- 
cureur j  Si  la  nouvelle  Reine  accouroit 
il  grandes  journées  en  Efpagne  ;  clic  s'a- 
boucha fur  fa  route  à  Bayonne  avec  I» 
TËiive  de  Charles  II.  fa  tame  qui  lui  ren- 
dît compte  de  la  Gtuation  de  ]a  Cour 
d'Efpagnc ,  &  qui  lui  peignit  le  caraâere 
de  la  PrinceiTe  fous  d^s  traiis  qui  la  ré* 
volterent  contre  la  favorite  ;  la  Reine 
avoit  déjà  reçu  des  leçons  de  l'Abbé  AI- 
beroni  qui ,  décoré  de  la  quaUté  de  Cotn- 
te  par  le  Duc  de  Parme ,  la  fuîvoic  en 
Efpagne  ,  &  du  Cardinal  del  Giudice 
qui  avoit  eu  li;  fecret  d'obtenir  quelques 
audiences  d'elle  ;  ces  trois  perfonnes  fi- 
rent entendre  à  Elifabeth  qu'elle  ne  re- 
gneroit  en  Efpagne  avec  éclat  ,  qu'elle 
n'y  feroit  confidérée  ,  refpeftée  &  ado- 
fée  qu'autant  q'j  elle  chafferoîi  une  fiivo- 
rite  fiere ,  ambitîeufe  &c  accoutumée  à 
régner;  cependant  le  Poî,  fuivi  de  toute 
là  Cour,  s'avança  jufqu'à  Guadalaxara 

tour  recevoir  la  Reine;  la  rrinccHe  de» 
'rfins  pouffa  jufqu'à  Xadraouc  oà  elle 
Joigaû  EUfabttb  j   mais  aprcs 


d'Espagne.  327 

rs  complimens  ,  ayant  ofé  blâmer  la 
ne  d'avoir  marche  pendant  une  nuit 
[y ver ,  &  lui  reprccbant  qu'elle  n'é- 
pas  coëiFée  à  la  mode  ;  Utfoft  iirra^ 
cette  fille  de  ma,  préjence ,  s'écria  fie- 
ent  la  Reine ,  &  qu^on  la  condHifcfar  le 
mp  hofs  dn  Royaume  (^a).  A  ces  mots 
»arut  d'Efpagne  une  favorite  qui  àvoit 
n'y  ceffer  de  régner  qu'en  ceflant  de 
•e;  avec  elle  tombèrent  fes  créatures  ; 
î  fut  renvoyé  en  France ,  Macanaz 
fuit  en  Béarn  pour  ne  pas  être  la  vic- 
;  du  redoutable  Tribunal  qu'il  avoit 
iré  ;  le  Père  d'Aubenton  ,  Jcfuite 
nçois ,  plus  agréable  aux  Efpagnols  9. 
iplaça  aans  1  important  emploi  de 
ifefleur ,  le  Père  Robinet  ;  llnquifi- 
I  triompha  ,  le  Cardinal  delGiudice 
pelle  avec  honneur ,  fut  fait  Gouvcr- 
r  du  Prince  des  Afturies  ,  &  eut  la 
icipale  part  au  Miniftere  ;  mais  Albe- 
i  devenu  le  favori  &  l'oracle  de  la  Rei- 
ne lui  fit  confier  le  Miniftere  que 
ime  un  dépôt  :  il  (e  le  réfervoit  à  lui- 
ne  ;  enfin ,  la  forme  du  Gouverne- 

)  Il  eft  vraifcmblable  que  la  Reine  avoît 
fecrettement  obtenu  la  difgrace  iîc  la  Frin- 
dcs  Ufiins» 


322 


HriTC  i»E 


axât  le  éa  Coaiàs  îx  sajbae 
le  mtoK  pied  «4  dfe  ^he  x^ks 

Ccng  févonooMî  la^Bdcvooci 

réobliffcaeiK  de  r  Aod^c  Ra^sÉc  A 
Madrrd  ioArii^  fin*  le  BÊBe  ^bJ  ft 
avec  la  mimes  vôcs  qae  rAodnôr 

Fnnçmfi:  pcjr  perfeétionef'  b  1  ■"g^ 
de  la  Patrie  ;  le  Kw  voslos  sarcler  ia 
Ici  tnccs  de  fon  ayeul  q^e  & 
cmce .  b  prcrteâion  3Ccotd£e  i 
1res ,  aux  srrt  &  >ux  icicoces ,  n'occ  gi& 
rcs  moifts  immortal'ifé  que  ies  riâoCRS. 
La  fdCe  6c  l'AfiEleiËrre  chacgea  en- 
core plus  (juc  celle  aETp^^cpârU  otoa 
de  U  Rcini.-  Anne  ;  1«  efpenncej  \cpô- 
mes  de  la  Maifon  de  Smart  turent  enfe* 
relies  dans  le  m»3me  rombe i  m   ■-"  r  <-'.-': 
PrincclTe,  rEle^îieur  de  Br_ 
vre,  GeorM,  fut  itonné  de  ■- 
le  ihrâne  des  A  nglois  ;  Ge(  r 
nu  par  les  trois  Kovaurocs 
de  Brciai^nc  &  pzr  louic  I 


louis  XIV.  &  Phili 


l'c 
par  (, 


inpio 


ippe 


\-. 


lodtration  5t  pac 


«ompa  les  efptJfincéÉ'ri 


li 


d'Es  P  AGN  E.  339 

des  Vighs  qui  Texhortoiem  à  rompre  le 
traité  d'Utrecht,  &  à  recommencer  U 
guère  contre  la  Maifon  de  Bourbon. 

Le  Roi  furprii  au  commencement  de  '7 
cette  annt'e  toute  l'Europe  par  un  décret 
dont  le  (lyle  n'eil  gutres  ordinaire  aux 
Souverains  ;  d'abord  il  dtjGvouoit  l'an- 
dcn  Minidere  ,  &  prioit  les  ConCciU  àc 
i  repréTenter  ce  qu'ils  jugeroient  con- 
ipablc  au  bien  de  la  Religion  &  de  l'Er- 
t,  ajoutant  que  les  Minières  dont  U 
avoit  été  environné,  pouvoicnt  l'avoir 
trompé  &  engagé  à  des  dL-marches  con- 
traires aux  avantages  de  la  Patrie  &  de 
la  Religion  ;  cet  aveu  rare  &  magnani- 
me ,uouva  des  cenfeurs;  on  accufâ  le 
Cardinal  del  Giudice  d'avoir  abufé  de  U 
candeur  &  de  la  droiture  du  Roi  en  lui 
faiCant  fignerun  décret  dans  lequel  il  Im- 
moloit  la  dignité  Royale  à  fon  orgueil  ; 
Alberoni  rendit  en  m£rae-tems  ce  Car- 
dinal odieux  à  La  Reine ,  en  lui  înrmuant 
qu'ii  inrpiroit  contre  iW-^  &  conire  fcs 
"ncnt 
.rof- 
I;  la 
'lk:;i  i'n'AVjU'i  dont 
1  îz  failir  en  entrant  ca  HX- 


530 


Hl  s  T  O  I B  E 


pagne ,  n'eut  pas  de  peine  à  perdre  le 
Cardinal  dont  la  difgrace  échta  l'année 
ftiivante. 

La  guerre  n'avoir  point  été  cntk're- 
ment  terminée  par  la  conquête  de  Bar- 
celone; les  CaflillansavoieDtînfpirélftir 
fureur  aux  Majorquains  &  aux  Iviciens 
ijui  d'ailleurs  fe  voyoient  ibutenus  par 
un  Corps  de  troupes  Autrichiennes,  & 
par  l'eipérance  d'une  nouvelle  révolte 
en  Catalogne.  Il  y  avoir  en  efi-et  une  con- 
juration prtte  à  éclater  dans  cetie  P/o* 
vince  ,  mais  elle  fut  découverte  ;  Mara- 
gas  Se  quelques  autres  chefs,  fameux  par 
leurs  crimes  dans  la  dernière  rébellion , 
convaincus  d'être  entrés  dans  la  conjura- 
tion, reçurent  enfin  fur  l'échafaut  ta  iufle 
récompenle  de  leur  audace  ,  &  le  Clie- 
valier  d'Asfeld  réduifir  Majorque  6;îvi* 
ca  en  moins  de  quinKs  jours  :  le  Roi  per- 
mit aux  Impériaux  qm  di!fendoicnt  ces 
Tfles  de  fe  retirer  en  Sardsignc. 

L'opiniâtreté  de  l'Empereur  à  lui  djf- 
puter  une  Couronne  que  le  confeme- 
meni  de  l'Europe  avoit  affermie  fur  fk 
tête ,  remplifibit  Philippe  d'indignadon  ; 
il  n'ignoroit  pas  que  ce  rival  (e  flatioit 
toujours  de  refpérancc  de  le  détbrôHÉrj 


qu'il  fe  faifoit  traiter  de  Majcfit  Impé- 
riale Ôc  Catholique  par  tous  les  Souve- 
rains de  l'Allemagne  &  de  l'Italie  ;  qu'il 
crt'oit  des  Grands  d'Efpagne,  des  Che- 
valiers de  la  loifon  d'Or;  qu'il  venoic 
d'établir  à  Vienne  un  Tribunal  fous  le 
nom  de  Confeil  d'Efpagne ,  compofé  du 
Duc  dUzeda ,  de  l'Archevcque  de  Va- 
lence &;  des  autres  traîtres  à  leur  Patrie  ; 
qu'il  confifquoit  les  biens  de  ceux  qui , 
dans  les  Pays-Bas  &  en  Italie,  étoient  dc- 
meurtîs  fidèles  au  Roi  ;  que  contre  la  foi 
du  traité  de  Bade  il  retenoic  les  Etats  des 
Ducs  de  la  Mirandole  Se  de  Guaftalle, 
desPrincesdeCaftigiione&deSabJonet- 
ta  .alliés  del'Efpagne;  &  qu'enfin  Louis 
XlV.avcit  fait  de  vains  efforts  pour  en- 
gager Charles  VI.  à  reconnoître  Pbilip- 
~  enqualité  deRoi  d'EPpagne,  jufqu'i 
"arantir  l'Italie ,  &  à  lui  onrir  de 
ins  fecours  contre  les  Turcs  avec 
qui  il  ctoit  à  la  veille  d'avoir  la  guerre  ; 
toutes  CCS  confidt-rations  dtierniiiirrcne 
le  Roi  i  pri'vcnir  l'Empereur  ,  &  à  lui 


1« 


552 


Histoire 


Savoye ,  parce  qu'il  étoit  las  des  menaccâ 
de  la  Cour  de  Vienne  qui  ne  pouvoit  Id 
pardonner  d'avoir  accepté  la  Sicile  ;  \i 
Pape ,  le  Grand  DucMeTofcane ,  le  DtK 
de  Parme  ,  les  Républiques  de  Gènes  Se 
de  Lucques,  parce  qu'ils  étoient  acca» 
bk's  de  contributions  ,  &  traitas  pïet 
qu'en  Sujets  psr  Charles  Vl.  qui  failoîl 
revivre  les  anciens  droiis  de  l£ttipirc  fu) 
l'Italie.  Le  Royaume  de  Naples  ,  l'Ifl 
I  de  Sardaigne  ,  le  Milanez  rendoicnc  pu 
I  bliquement  les  bras  aux  ËfpBgnolt)  dot 
ils  cbérillbient  autant  la  dominaiion: 
qu'ils  detefioienr  celle  des  Allemands' 
Alberoni  prétendoit  qu'à  la  vue  de  1 
première  efcadre  Efpagnole  ,  tous  ce 
Peuples  proclameroient  de  nouveau  Pbï 
lippe  qui  fe  verroit  maître  de  l'Italie 
fans  combattre  ;  l'Empereur  qui  n'igna 
roii  ni  les  fentimens  des  Potentats  la 
liens  ,  ni  la  haine  des  Peuples  qui  II 
étoient  fournis  j  ne  lailToit  pas  que  d'Étr 
inquiet  fur  l'avenir;  l'Empire  de  l'Italï 
lui  étoit  d'autant  plus  cher  qu'il  le  tt 
gardoit  comme  fon  Potofi  „  &  qu'il  ç 
tiroit,  foit  par  les  impôts  ordinaires  ,  (u 
par  tes  taxes  impofées  fur  les  Souverain] 
foie  par  les  conhfcanons ,  des  revenus id 


d'Espagne.  333 


njenfes  ;  c'eft  pourquoi  l'Empereur  re- 
cherchoit  des  Alliés  à  quelque  prix  que 
ce  fût  pour  fe le  conferver ;  il  faifit  loc- 
cafion  de  s'appuyer  des  Vénitiens  atta- 
ques par  les  Turcs  dans  la  Morée ,  en  leur 
offrant  toutes  fes  forces ,  à  condition 
qu'ils  lui  garantiroi«nt  fes  Etats  d'Italie  ; 
le  Pape  fut  dès-lors  moins  contraire  aux 
intérêts  de  l'Empereur  dont  Pheureule 
&  puifTante  diverfion  en  Hongrie  garan- 
tit l'Italie  d'une  invafion  ;  mais  Alberonî 
regardoit  cette  guerre  qui  alloit  occuper 
toutes  les  forces  de  l'Empereur ,  comme 
un  moyen  de  plus  qu'onroit  la  fortune 
pour  vaincre;  au  refte>  quand  Charles  VI. 
n'auroit  pas  eu  fur  les  bras  autant  d'en* 
neanis  fecrets  &  publics,  Philippe  ne  l'en 
auroit  pas  moins  attaqué  avec  fuccès  ; 
FEfpagne  que  toute  l'Europe  croyoit  af- 
foiblie  &  ruinée  pour  long-tems ,  n'avoir 
jamais  été  fi  puinante  :  près  de  cent  mille 
hommes  de  vieilles  troupes,  foixantc  ou 
foixante  &  dix  vaiffeaux  de  guerre ,  des 
tréfors  ,  un  Gouvernement  ferme  &c  vi- 

Soureux ,  la  Nation  aguerrie  ,  le  génie 
'Alberoni  vont  bientôt  lui  fi\irc  jouer 
fiir  la  fcene  de  l'Univers  l'un  des  princi- 
paux rôles  p  les  Etats  de  l'I^-a^ic-  fcrMîcur 


334 


Histoire 


retournes  rapidement  fous  la  domina- 
tion Efpagnole ,  fi  la  France ,  TAnde- 
terre  &  la  Hollande  qui  intervinrent  dans 
la  querelle ,  n'euflent  di(£lé  aux  deux  ri- 
vaux des  conditions  que  PEfpagne  nç 
reçut  qu'en  frémiflfant. 

Sur  ces  entrefaites  mourut  Louis XIV. 
le  Roi  le  plus  Roi  qui  ait  jamais  été  j  fon 
fceptre  pafla  entre  les  mains  de  fon  arriè- 
re petit-fils ,  Louis  XV.  âgé  de  cinq  ans 
&  demi.  On  fçait  que ,  fans  avoir  égard 
au  teftament  de  Louis  XIV.  le  Parle- 
ment de  Paris  déféra  la  Régence  entière 
&  abfolue  au  Duc  d'Orléans.  Philippe , 
ou  plutôt  Alberoni  fous  fon  nom ,  l'auroit 
réclamée  ,  s'il  n'eût  craint  de  bleifer  la 
jaloufie  de  l'Angleterre  &  de  la  Hollan- 
de qui  n'auroient  pas  vu  d'un  œil  tran- 
quille les  TÙncs  des  deux  Royaumes  dans 
la  mcme  main  ;  d'ailleurs  c'eût  été  four- 
nir à  l'Empereur  &  aux  ennemis  fecrets 
de  TEfpa^ne  &  de  la  France  un  prétexte 
légitime  de  guerre,  attendu  que  fi  le  Roi 
eût  obtenu  comme  premier  Prince  du 
Sang  la  Régence ,  il  auroit  révoqué  indi- 
reftement  la  renonciation  folemnelle  que 
toute  l'Europe  avoit  exigée  de  lui  fur  le 
fceptre  de  fes  Pères.  Philippe  ne  fit  donc 


d'E  s  P  A  G  N  E. 


?3f 


pas  la  raoindre  démarche  pour  être  révé- 
la de  la  qualité  de  Régent  ;  mais  il  vou- 
luit  que  le  Duc  d'Ork'ans  regardât  fou 
défilïenient  comme  un  véritable  facrifl- 
ce  ,  &  que  par  reconnoîllancc  U  entrât 
dans  toutes  les  vues.  Nous  verrons  que 
le  Duc  d'Orléans  j  loin  de  s'y  prêter, 
fut  le  principal  auteur  de  la  ruine  des 
projets  d'Alberoni  :  ce  n'eft  pas  que  ce 
Prince  réconcilié  avec  Philippe  V.  l'an- 
née précédente  par  les  foins  de  Louis 
XI V -  fût  infenfible  aux  intérêts  de  l'Ef- 
pagne  ;  mais  c'ell  que  les  intérêts  de  la 
France  ëpuifée  d'hommes  &  d'argent , 
accablée  de  dettes ,  dénuée  d'Alliés ,  lui 
Ploient  plus  chers  que  ceux  de  Philippe 
V.  c'eft  qu'en  effet  la  paix  étoit  nécef- 
faire  aux  François  pour  fermer  les  playçs 
de  la  dernière  guerre. 

En  attendant  l'inftant  d'éclater,  Al- 
beroni  crut  qu'il  étoit  de  la  politique 
d'endormir  l'Empereur  &  toute  TEuro- 
pe  fur  les  defleins  fecrets  de  l'Efpagne.  II 
afpîroit  À  la  dignité  de  Cardinal  à  la- 
quelle le  Pape  ne  l'auroit  jamais  nommé  p 
|_^Ueût  app.-i .  -  -I' '  ''  '■""■.■  'jralb- 
'     r  la  )?■  >i   n'en 


I 


Oûci  f 


liOUIt 


tromper  le  Sooveraio  Pcntile  :  d'abunl 
il  paru:  entrer  dans  tous  Iesint<îr5ts  de 
la  Cour  de  Rome  i  il  obcini  du  Roi  qu'il 
rcndroic  au  Nonce  AHrovandi  la  cid  & 
les  papiers  de  la  Nonciature  que  Vale- 
iQHnnl  |etta  fur  l'Autel,  quand  il  eut 
ordre  de  fortir  d'Efpagne  en  i/Oj. 
En  mtînie  tcms  il  fit  cfperer  à  0(!meat 
qu'on  termincroit  â  fa  fatisiàdion  la  négo- 
ciation ouverte  entre  les  deux  Cours  fur 
les  abus  de  la  Daterie  dont  i'Efpagnc  gc* 
raiiToit  depuis  long-tcms  ,  &  fur  l'im- 
roenfe  Jurifdiiîîion  que  s'artribuoic  en  Ef- 

f ligne  le  Tribunal  de  la  Nonciature  ()iu 
ui-mi-me  éroit  le  plus  grand  des  abus; 
mais  ce  qui  toucha  le  plus  le  Pape  ,  fu- 
rent les  efcadres  envoyées  par  les  con- 
fcils  d'Aiberoni  au  fecours  de  l'Italie  me- 
nacée par  les  Turcs  ;  ils  avoîcnt  conquis 
la  canipagrc  précédente  toute  laMor^i 
ils  afliégcoicnt  Corfou  avec  une  vnt^c 
redoutable  j  fitleurfioitemaîtreffe  deU 
Mer,  fermoir  toute  efpérance  aux  affié- 
gés  ;  le  célèbre  Général  Schulctobourg 
aéfendoit  à  la  vérité  Corfou  ,  mai ^■*— 

I (Cuvent  le  courage  &c  l'habileté  c 
a  faim  &  lafoif  :  il  i 
eau  dans  la  Placf  j  fon  défcoTc 


avoit  m  vivra 


fur  le  poinc  de  capituler  ;  de  là  les  Turcï 
i.  indolent  fur  l'Italie  ,  lorfque  Dom  Bal- 
[iiafar  Guévarra  forti  des  Porcs  d'Efpa- 
^■iie  avec  cinq  gjlercs  &  (ix  vaïlTeauK  de 
j^tietre,  parut  fuivi  d'une  flotte  de  plus 
de  cent  voiles  ;  à  ion  afpe(5l  les  Turcs 
s'enfuirent,  cédant  lâchement  la  victoi- 
re ,  fans  combattre  ,  &  le  iiége  fut  levé 
le  vingt-quatre  Août.  La  terreur  pani^ 
que  des  ennemis  fut  l'effet  d'un  heureux 
l'ratagême  ;Guévarra,avoit  amené  avec 
lui  tous  les  vaifleaux  Marchands  qu'il  ren- 
contra fur  fa  route  ,  6c  au  moment  de  fa 
ionflion  avec  la  flotte  Vénitienne ,  les 
Turcs  qui  obfervoient  &  comptoient 
fcs  vailTeaux  effrayés  de  la  fupériorité  du 
nombre  ,  ne  fe  crurent  en  sûreté  que 
lorfqu'ils  eurent  regagné  leurs  Ports. 

L'Empereur  triomphoit  des  mêmes 
ennemis  en  Hongrie  par  les  mains  du 
Prince  Eugène  qui  lui  gagna  le  cinq 
Août  la  bataille  de  Petervaradin  dans  la- 

Îielle  le  Grand  Vifir  &  trente  mille 
urcs  pc"'-  ■  I  ■  ■■  '\c-l^  le  vain- 
queur ma-  :  qu'il  foumic  , 
&  ri'D^i'-'                         '  l'-i'i  Andrlno- 


^^S  Hl  s  TO  IRE 


&  donnoit  des  amis  fecrets  à  rEfpagne  ; 
Charles  négocioit  alors  avec  le  Roi  de 
Sicile  pour  rengager  à  lui  céder  cete  Ifle, 
moyennant  un  équivalent  dans  le  Mila* 
nez  :  mais  que  les  vues  des  politiques  font 
bornées.  L'Empereur  ne  devoir  pas  jouir 
long-tems  de  cette  Ifle  qu'il  obtint ,  ni 
même  du  Royaume  de  Naples  :  la  Provi* 
dence  deftinoit  l'un  &  l'autre  fceptre  i 
un  jeune  Prince  qui  naîflbit  alors  en  Ef- 
pagne  ;  c'eft  D.  Carlos ,  aujourd'hui  Roi 
des  deux  Siciles ,  &c  héritier  préfomptif 
de  TEfpa^ne. 

UEurope  fut  cette  année  témoin  d*un 
nouveau  malheur  arrivé  à  la  Maifon  de 
Stuart  ;  le  Prétendant  étoit  paffé  en 
Ecofle  où  un  puiiTant  Parti  vouloir  lui 
mettre  fur  la  tête  la  Couronne  de  ce 
Royaume  la  Patrie  &  l'ancien  héritage 
de  ia  Maifon  ;  mais  le  malheur  de  fes  an- 
cêtres l'y  fuivit  ;  fes  malheureux  amis  fo- 
rent vaincus  ;  quelaues-uns  tombèrent 
entre  les  mains  des  Ânglois  qui  leur  fi- 
rent expier  fur  un  écharaut  leur  anache* 
ment  héroïque  au  fang  de  leurs  RoiSf 
La  fortune  ne  s'eft  pas  encore  déi 
à  l'égard  de  cette  Maifon  fugitive  ^^ 
ne  ceiTe  de  perfécutcn 


d'Espagne.  35P 


.e  traité  de  la  triple  alliance  entre  la  ^7'7' 
ice  ,  l'Angleterre  &  la  Hollande  fi- 
le quatre  Janvier  à  la  Haye ,  &  rendu 
lie  ,  furprit  l'Europe  qui  ne  s'atten- 
pas  que  les  François  &  les  Anglois 
;nt  être  unis  par  les  liens  les  plus 
its  :  le  but  de  cette  alliance  étoic 
îirer  la  paix  &  la  tranquillité  au 
i  de  l'Europe  qu'on  prévoyoit  de- 
bientôt  être  déchiré  par  la  querelle 
loi  d'Efpagne  &  de  l'Empereur  ;  Al- 
mi  ne  pardonna  jamais  au  Duc  d'Or- 
i  de  s'être  arraché  à  l'alliance  de 
}agne  ;  il  comptoit  {ur  les  fecours 
François^  &  fur  la  neutralité  des 
fances  maritimes ,  lorfqu'il  attaque- 
l'Empereur  ;  mais  le  traité  ne  lui  fie 
t  changer  de  vues ,  il  fe  contenta  de 
loUvrir  d'un  voile  impénétrable  ,  & 
léditer  en  filence  les  moyens  dont  il 
rroît  fe  fervir  pour  £e  venger  du  Ré- 
:  &  du  Roi  d'Angleterre. 
iZ  nouvelle  qu'il  reçue  de  fa  pro- 
ion  au  Cardinalat ,  &  les  fecours 
D  obtint  duQergé  que  le  Pape  auto- 
par  uncBulle  à  accorder  de  puiffans 
ides  au  Roi ,  afin  ,  difoit  le  Pape  tou- 
s  trompé  parAibcroni,  de  mettre  le 


340  Histoire 

Roi  en  état  de  protéger  Venife ,  lui  firent 
bientôt  lever  le  mafque  ;  l'injure  faite  J 
TEfpagne  en  la  perfonne  de  Dom  Jofeph 
Molinez,  Inquifiteur  général ,  arrêté  lorfr 
qu'il  traverfoit  le  Milanez ,  fur  la  foi  d'un 
paiTeport ,  fournit  au  Roi  un  motif  plau- 
iible  de  recommencer  la  guerre. 

Une  flotte  confidérable   partît  des 
Ports  d'Efpagne  fous  les  ordres  du  Mar- 

3uis  de  Leyde  {a)  ,  &c  débarqua  en  Sar- 
aigne  lyooo  hommes  à  la  tête  def* 
quels  ce  Général  réduifit  Tlfle  en  moins 
de  deux  mois  ;  les  Sardes  combatnrent 
pour  lui ,  &  il  n'en  coûta  pour  cette  con- 
quête que  fîx  cents  hommes  prefque  tous 
emportés  par  la  malignité  du  climat  ; 
toute  l'Europe  n'apprit  cette  expédition 
que  par  le  fuccès  ;  cinq  perfonnes  feules 
avoient  été  initiées  au  lecrét ,  le  Roi ,  la 
Reine  >  Alberoni  »  le  Duc  de  Popoli»  D. 
Jofeph  Patinho ,  Miniftre  de  la'  Mari- 
ne ;  le  Marquis  de  Leyde  ignoroit  lui- 
même  oh  il  alloit  porter  les  armes  de  fon 
maître.  Il  ne  le  fçut  qu'à  une  certaioe 
hauteur  oh  il  lui  fut  permis  d'ouVrir 
prdres  de  la  Cour  ;  l  Empereur  étoît 

00  Jean  Fran^pif  .de  V^w»  ».  :      •    • 


d'E  s  P  A  G  N  E. 


comble  de  la  gloire  par  la  vtctuirt;  tx.  ia 
prife  de  Belgrade ,  lorfqu'il  apprit  avec 
toute  l'Europe  qu'il  venoit  de  perdre  un 
Royaume  ,  il  en  auroit  perdu  deux  fi 
Leyde  fut  parti  plutôt ,  &  qu'il  eut  eu  le 
tems  de  marcher  de  la  Saidaîgne  à  Na- 
ples  dégarni  de  troupes  ,  &  rempli  des 
panifans  de  l'Efpagne  ;  Alberoni  perdit 
un  tems  précieux  à  attendre  le  chapeau 
de  Cardinal ,  faute  énorme,  mais  la  feule 
peut-être  que  cet  homme  profond  ait  eu 
à  Te  reprocher. 

La  Marine  Efpagnole  tricrophoït  alors 
par-tout  ;  D.  Alfonfe-Philippe  d'Andra- 
do  fe  faifit  de  vingt  vailïeaux  de  Pirates 
dans  les  Mers  du  Mexique  fur  lefgueb 
ilyavoit  plufieurs  millions  de  piaftres  : 
fix  autres  auQi  riches  que  les  précédens 
furent  enlevés  au  Porc  d'Arica  dans  le 
Péi'ou  ;  deux  vaiffeaux  Algériens  furent 
fia  à  ta  hauteur  de  Majorque,  deux  vail- 
ÎBux  de  guerre  d'Oftende  à  celle  de 
"igo  :  l'Ifle  de  Crabe ,  Colonie  Angloi- 
fe,  dit  dévadée  ik  ruinée  par  les  EÏpa- 
gnols  de  Porco-Rico  que  les  Anglois 
■  "  ■  '  th  fermeté  Hc  la  vigueur 
iqué  au  dct- 
'  noient  cas 


rEg< 


54? 


Hl  ST  O  IRE 


i^m^ 


moins  dans  l'intérieur  du  Royaume  qu'au 
dehors  ;  on  écartoit  les  Grands  des  em- 

£lois  &  de  la  faveur  ,  on  les  humilioit  ; 
îs  Ordres  militaires  fe  fentirent  de  la 
foumiflion  qu'on  vouloit  infpirer  aux  dif- 
férentes claiTes  des  Citoyens  ;  ils  furent 
obligés  de  recevoir  la  vifitc  des  Commif- 
faires  que  le  Roi ,  en  qualité  de  Grand- 
Maître  ,  leur  nomma  :  en  même-tems  tou- 
tes les  Univerfités  de  Catalogne  furent 
fupprimées  ,  &  leurs  revenus  appliqués  à 
celle  que  Philippe  établit  à  Cervera  la 
feule  Ville  de  la  Province  qui  lui  eût  été 
fidelle.  Le  Tribunal  de  la  Contraâion 
ou  du  commerce  deTAmériquefut  tranf- 
féré  deSéville  à  Cadix  ;  enfin,  on  établit 
le  militaire  fur  le  même  pied  qu'il  eft  en 
France  ,  en  déclarant  l'emploi  de  Colo- 
nel incompatible  avec  celui  d'Officier 
général. 
171 8,      Le  Pape  furieux  d'avoir  été  (î  long- 
tems  le  jouet  de  la  politique  d'AIberoni, 
Paccufa  dans  un  difcours  prononcé  en 
plein  Confiftoire  d*ctre  l'auteur  d'une 

{guerre   dont  l'incendie  alloit  embrafèr 
'Italie ,  &  lui  refufa  publiquement  dct^ 
Bulles  pour  le  riche  Archevêché  de  Sé'll 
ville  auquel  le  Roi  l'avoit  nommé  ;  TEob 


d'  E  s  P  A  G  N  E.  343 

pereur  exigeoit  plus ,  ïl  demandoil  au 
Pape  qu'il  le  dépouillât  de  la  dignité  de 
Cardinal  ;  l'Empereur  étoit  foutenu  par 
le  Cardinal  dëlGiudice,  qui  après  avoir 
été  honoré  de  la  confiance  de  Pbijippe  i 
venoit  de  fe  jetter  entre  les  bias  de  la  Mai- 
Ibn  d'Autriche ,  moins  par  inclinatioo 
que  pour  fe  metire  à  i'abri  des  perftcu- 
tions  d'Alberoni  qui ,  non  content  de  l'a- 
voir fait  dépouiller  de  fes  emplois ,  & 
renvoyer  d'Êfpagne  ,  lui  avoit  ordonné 
au  nom  du  Roi  a'orer  de  deifus  fon  pa- 
lais les  armes  d'Efpagne;  mais  le  Sacré 
Collège  voyant  Alberoni  appuyé  de  tou- 
te la  proteélion  d'un  grand  Roi,  fe  fec- 
tant  d'ailleurs  intéreffc  à  ne  pas  lailTer  in- 
troduire un  exemple  qui  auroit  pu  deve- 
nir un  jour  fatal  à  chac:in  des  membres 
qui  le  compofent  ,  s'oppofa  au  rcffenti- 
ment  de  Clément.  Ce  Pape  foubeea  (â 
colère ,  en  écrivant  au  Roi  un  Bref  dans 
ieauel  il  lui  rappelloît  combien  U  étoit 
inaîgoe  d'un  Roi  Catholique  d'attaquer 
' -1  Prince  Chrétien  occupé  à  combattre 
ennemi  de  la  Religion;  ce  Bret  conçu 
en  termes  très  vifs  ne  parvînt  pas  cnirç 
^^^~*~  'ai  Roi  ;  cependant  l'Auditeur 
terrera  ,  après  avoir  prouflé 


I 


344.  Histoire 

contre  le  refus  des  Bulles  fait  à  Âlbero*- 
m,fortit  de  Rome,  emmenant  avec  lui  le 
Cardinal  Aquaviva  ,  protefteur  de  l'Ef- 
pagne,  &  de  tous  les  Efpagnols  ;  en  même 
tems  on  donna  ordre  au  Nonce  Aldro- 
vandi  de  fortir  d'Efpagne ,  &  on  ferma 
pour  la  féconde  fois  le  Tribunal  de  la 
TJonciature  ;  enfin  ,  TEfpagne  fourint 
avec  plus  de  force  que  jamais  la  Mojiar- 
chie  Ipirituelle  de  Sicile  que  le  Pape  vou- 
loir lupprimer ,  tandis  que  PIfle  étoit 
entre  les  mains  d'un  Prince  peu  redouta- 
ble par  fes  forces;  mais  ce  n'étoit  pas 
■pour  les  intérêts  du  Duc  de  Savoye 
■qu'Alberoni  travailloit  en  s'oppofant  i 
Pabolition  de  la  Monarchie  fpirituelle; 
c'étoit  pour  Philippe  à  qui  il  comptoit 
donner  cette  Ifle  dans  le  cours  de  cette 
campagne  j  déjà  le  Miniftre  fur  qui  le 
Roi  s'étoit  déchargé  du  fardeau  du  Gou- 
vernement ,  avoit ,  à  Paide  de  Dom  Jo- 
feph  Patinho ,  le  Colbert  &  le  Louvois 
d'Efpagne  ,  préparé  une  flotte  de  cin- 
quante vaîfTeaux  de  guerre ,  de  dix  ga- 
lères &  une  armée  ae  trente- cinq  mîHe 
hommes  de  vieilles  &  excellentes  trou- 
pes de  débarquement,avec  des  munitions 
immenfes  ;  FEurope  n*avoit  pasr  vu  de- 


d'  £  s  p  A  6  N  E.  34.y 

|}u\s  la  flotte  de  Philippe  II.  furnommée 
V  invincible  ,  un  fi  terrible  armement  : 
c'eft  alors  qu'on  connut  combien  les  der- 
niers Rois  Autrichiens  avoient  été  éloi^ 
ânes  de  tirer  du  courage  des  Efpagnols , 
e  leur  amour  pour  la  gloire  >  &  de  leurs 
richefles  ,  toutes  les  reiTourcespoilibles» 
Le  Marquis  de  Leyde  chargé  de  cette 
expédition  y  dont  la  connoiÛànce  fut  dé- 
robée au  Public  avec  le  mêmeXecret  que 
celle  de  Sardaigne ,  débarqua  le  premier 
Juillet  à  quatre  lieues  de  Palerme  ;  ni 
l'Empereur ,  ni  le  Pape  y  ni  les  Siciliens , 
ni  leurRoî  même ,  Viftor-Amedée,  donc 
la  haute  pénétration  étoit  rarement  en 
dé&ut,  n'avoient  prévu  cet  orage  ;  Albe- 
roni  avoit  propofé  à  ce  Prince  mécon- 
tent de  l'Empereur  de  céder  fon  Ifle  à 
Philippe  qui ,  en  échange  j  promettoit  de 
l'aider  à  conquérir  le  M3anez  ;  Viélor- 
Amedée  étoit  naturellement  porté  à  ac- 
cepter cette  oiFre  tant  pour  fe  venger  de 
l'Empereur,  que  pour  n'avoir  plus  à  lut- 
ter contre  le  Pape  &  contre  les  Siciliens 
qui  déteftoîent  la  domination  ,  &  parce 
u*en  effet  le  Milanez  étoit  autrement  à 
1  bienféance  que  la  Sicile  ;  il  fe  défioit 
d^Âlberoni>  qui  de  £bn  côté  n'a  voit  guè- 

Pv 


i 


34^  Histoire 


res  de  confiance  en  lui  ;  ces  deux  habiles 
&  profonds  Politiaues  avoient  railbn 
l'un  &  l'autre;mais  Viûor-Amédée  trom- 
pé j  ie  trouva  dans  le  plus  extrême  em- 
barras; il  n'avoit  que  7000  hommes  dans 
rifle,  qui  >  aux  approches  desEfpagnols» 
fe  difperferent  dans  la  citadelle  de  Meffi- 
ne  ,  dans  Syracufe ,  Melazzo  &  Trapa- 
ni  ;  les  galères  s'enfuirent  à  Malte  :  ce* 
pendant  l'Empereur  l'accufoit  d'agir  de 
connivence  avec  l'Eipagne  ;  la  France  , 
l'Angleterre  &  la  Hollande  avoient  le 
même  foupçon.  Il  n'y  eut  que  le  parti 
que  prit  Viâor-Amedée  de  réclamer  la 
proteâion  de  l'Empereur,  &  de  rece- 
voir des  feçours  de  fa  part ,  qui  fit  con- 
noître  à  toute  l'Europe  que  ce  Prince 
^voît  été  trompé  par  Àlberoni. 

A  la  nouvelle  de  l'invaiion  de  la  Sici- 
le, l'Empereur  fe  hâta  de  conclure  une 
trêve  de  vingt  ans  avec  les  Turcs ,  &  de 
faire  pafler  cinquante  mille  hommes  en 
Italie  :  en  même-tems  il  accéda  au  traité 
de  la  triple  alliance ,  à  condition  qu'il  au- 
roit  la  oicile  en  échange  de  la  Sardaî- 
gne  qu'on  tranfportoit  au  Duc  de  Sa*- 
voye  ;  que  les  Etats  de  Tofcane  j  &  celui  il 
fur- tout  de  Parme  ^feroîent  réputés  fieis 


d'  E  s  P  A  G  N  E, 


3i7 


de  l'Empire  ;  à  ce  prix  il  s'engaseoit  à 

jecannoitre  enfin fon  rival  en  qualiié'de 

^upi  d'Efpagne  &  des  Indes  ,  &  à  dopner 

toveftiture  de  laTofcane  &  de  Parme  à 

tom  Carlos  ,  héritier  de  ces  Princîpau- 

s  par  la  Reîne  fa  mère,  fous  la  réierve 

velles  ne  feroient  jamais  réunies  à  l'Ef^ 

igne  ',  il  confentoit  aulTi  que  l'Efpagnè 

:  le  même  droit  de  réverfion  iur  la 

^daigne  qu'elle  avoir  eu  fur  la  Sicile; 

■s  François  &  les  Anglois  s'oblîgeoienc 

i  engager  l'Efpagne  à  accéder  à  ce  trair 

té  ,&  à  reconnoitre  l'Empereur  en  qua- 

Iké  de  Roi  de  Naples  &  de  Sicile ,  de 

^^c  de  Milan  ,  de  Souverain  des  Pays- 

;&  fur  le  refus  de  l'Efpagne  ils  de- 

Kent  joindre  leurs  forces  à  celles  de 

mpereur.- 

Kjl  n'y  eut  qu'un  cri  en  Efpagne  con- 
pce  iraité  &  contre  le  Duc  a  OrWjji» 
mC  de  livrer  TEfpagne  à  la  difcrétjoo 
(  ennemis  de  la  Maifoa  de  Bouibon. 
p  Prince  étoit  en  bute  à  la  Cfllomaîe 
&  aux  fgupçons  les  plus  înjuftcs  Se  les 
plus  oumgeans  en  Efpagne  &  mcme  ca 
france  ;  nuis  Alberoaî ,  fans  avoir  ce- 
cvaines  plaintes ,  creufoii  en  fr- 
^nfcipice  dam  lequel  il  voulçnf 


I 


348  Histoire 

le  précipiter  lui  &  fon  Allie  le  Roi  d'An- 
gleterre. 

Cependant  une  flotte  puiiTante  par- 
toit  des  Ports  de  l'Angleterre  fous  les 
ordres  de  l'Amiral  Bings  ,  nsoins  pour 
porter  des  fecours  à  FJEmpereur,  que 
pour  détruire  la  Marine  d'Ëfpagne  qui 
déjà  excitoit  les  ombrages  &  la  ]alou(ie 
des  Anglois  ;  depuis  la  conquête  de  Mi- 
horque ,  ce  Peuple  qui  jouiffoit  de  l'Em- 
pire de  Tune  &  de  l'autre  Mer,  étoit  ré- 
lolu  d'employer  indifRreimnent  l'intri- 
gue ,  la  rufe  ,  Pinjuflice  &  la  force  pour 
te  le  conferver  ;  on  voit  que  la  politique 
des  Anglois  ne  s'efl  pas  encore  démen* 
tie  ;  à  peine  daignent-ils  déguifer  fous 
quelques  couleurs  fpécieufes  leurs  vaftes 
prétentions  &  leurs  brigandages.  Rome 
marchoit  moins  à  découvert  à  la  conquê- 
te de  l'Univers ,  que  Londres  à  celle  dit 
commerce  unîverfel.  Bings  commença 

f)ar  tranfporter  en  Sicile  vingt  mille  Al- 
emands ,  &  enfuite ,  fuivant  les  ordres 
fecrets  de  fa  Cour ,  il  trompa  les  Géné- 
raux Efpagnols  fous  des  apparences  de 
neutralité ,  &  dans  le  tems  qu'ih  fe  dé- 
voient le  moins  de  lui ,  il  les  attaqua^jlM 
onze  Août  j  il  s'attendoit  à  une  yiftoif^ 


d'Espagne.  54^ 

facile  ;  les  Efpagnols  étoîent  furpris  & 
afFoiblis  par  te  détachement  de  Tefcadre 
de  Guévarra  envoyé  à  Malte  pour  répé- 
ter les  galères  de  Sicile  qui  avoient  été 
chercher  un  afyle  fous  le  pavillon  de 
rOrdre  de  S.  Jean  de  Jérufalem  (^)  ;  ce- 
pendant les.  Efpagnols  firent  des  prodi- 
ges de  valeur  ;  mais  enfin ,  la  perfidie  , 
la  fcience  de  la  Marme,  la  fupériorité  des 
manœuvres  l'emportèrent  fur  te  courage 
dénué  de  tous  ces  avantages  ;  les  Efpa- 
gnols  furent  vaincus  ^  ils  perdirent  fix 
mille  hommes,  vingt -trois  vaiifeaux  ^ 
une  galiote  à  bombes  &  un  brûlot  ;  la 
plus  grande  partie  de  ces  vaifleaux  tom- 
ba entre  les  mains  des  ennemis ,  &  l'au'- 
tre  fut  brûlée.  Bkigs  comblé  de  joye  d'a- 
voir détruit  en  moins  de  fix  heures  lés 
forces  maritimes  de  TEfpagne  à  qui  il  né 
refioit  pks  que  des  galères  &  quinze  vaHP 
féaux  de  ligne ,  envoya  avec  un  fang 
froid  qui  tenjoit  de  rbfulte  un  Ofiîciec 

(a) Le  Grand-Maître (fe  Malte  Ferelîos,  pour 

se  point  commettre  fon  Ordre ,  ni  avec  le  Roi 

■i  avec  l'Empereur ,  ni  avec  le  Duc  de  Savoyc  » 

S^Dondît  à  Guévarra  qu'il  Jivreroit  les  ga'.crcs  à 

*  »•  Princes  qui ,  après  la  guerre  >  rcflcroit 

la  Sicile,. 


^yo  Histoire 

au  Marquis  4e  Leyde  pour  s'excui^r  de 
fa  viftoire  ,  comme  d'une  afiàirè  in^pré- 
vùe  à  laquelle  lesEfpagnols  avoient  aon- 
né  lieu  en  tirant  les  premiers;  PAmiral 
Anglois  vouloit  fans  doute  enlever  toute 
la  flotte  9  fans  effuyer  un  coup  de  canon. 
Loin  d'être  découragé  par  une  fi  ter- 
rible cataftrophe ,  Alberoni  n'en  pour* 
fuivit  qu'avec  plus  de  fierté  fes  deiTeins 
publics  &  fecrets  ;  il  fit  féqueftrer  tous 
les  eflFets  des  Négocians  Anglois  en  Ef- 

{)agne  &  en  Amérique  jufqu'à  ce  que 
eur  Nation  reflituâç  les  vaiiTeaux  dont 
elle  venoit  de  s'emparer  au  combat  du 
onze  Août  ;  en  même-tems  il  écriviî  au 
Marquis  de  Leyde  de  continuer  avec 
plus  de  vifi;ueur  la  conquête  de  la  Sicile; 
elle  étoit  devenue  plus  difiîcile  depuis  le 
défaftre  de  la  flotte  ;  les  forces  des  Alle- 
mands égaloient  celles  des  Efpagnols; 
ils  receyoient  d'ailleurs  chaque  jour  de 
nouveaux  renfons  ,  des  vivres  &  des 
munitions  de  l'Italie  par  l'Amiral  Bings » 
maître  de  la  Mer  ;  les  £f  pagrrols  n'avoicnt 
pour  eux  que  leur  courage  &  Tamitié  des 
Peuples  :  mais  avec  ces  fecours  ils  dé- 
truifirent  le  quinze  Octobre  à  Melazza 
un  Corps  de  huit  mille  Allemands  com- 


d'Espagne»  ^-i 

mandés  par  le  Général  Veteranî  qui  fut 
fait  priibnnier. 

Il  eft  tems  d'expofer  les  defleins  pro- 
fonds  du  Cardinal  Alberoni  i  fon  plan  p 
le  plus  vaile  que  refprit  humain  ait  con- 
çu y  conduit  avec  un  fecret  impénétra- 
ble, ménagé  avec  Tadrefle  la  plus  déliée , 
devoît  en  même-tems  venger ,  agrandir 
&  délivrer  TEfpagne  de  fes  ennemis. 

La  France ,  l'Angleterre  &  la  Hon- 
grie dévoient  en  même  -  tems  être  en 
proye  à  des  guerres  civiles  allumées  par 
les  mains  du  Miniftre  d'Efpagne  ;  mais  la 
Providence  veilloit  au  falut  des  trois 
Empires  menacés.  Le  Parti  puiflant  qui 
s'étoit  obligé  en  France  d'arrêter  le  Ré- 
gent 9  d'anembler  lès  Etats-Généraux  ^ 
lie  déférer  la  Régence  à  Philippe  V,  qui 
maître  des  deux  .Royaumes  auroit  lait 
larembler  à  fon  tour  l'Europe  ,  n'at- 
tendoit  plus  que  les  derniers  ordres  de 
Madrid  pour  pa^er  à  l'exécution  de  ce 
jdeflein ,  lorfque  la  conjuration  fut  dé- 
couverte par  les  moyens  que  (a)  per&n^ 

(a)  On  ^alt  que  le  Secrétaire  du  Prince  âer 
Celkmare  fréquentoit  un  lieu  de  dcbauche  dont- 
le  principal  perfonnage  étoit  connu  fous  le  nom: 
de  IsL  Fillon.  Cette  fille  >  efpioniic  du  Rcgem> 


3^2  Histoire 


ne  n'ignore  ;  le  Duc  d'Orléans  étonné 
du  nombre ,  de  la  qualité  &  du  mérite 
des  conjurés,  tomba  dans  l'abattement: 
il  fut  fur  le  point  d'abdiquer  le  malheu- 
reux pouvoir  qui  lui  attiroît  tant  d'en- 
nemis ;  mais  rappellanr  bientôt  toute  la 
fermeté  de  fon  ame,  il  fit  arrêter  le  Prin- 
ce Cellamare ,  AmbafTadeur  d'Efpagne 
en  France ,  &  le  principal  infiniment  des 
deflfeins  d'Alberoni  ,  &  quelque  tems 
après  déclara  la  guerre  à  l'Êfpagne. 

Ce  Prince  délivré  avec  tant  de  bon* 
heur  des  pièges  que  Taudace  &  la  ven* 
geance  lui  avoient  préparés ,  éclaira  de 
près  les  démarches  de  fon  dangereux  en^ 
nemi  ;  fon  génie  devoit  prévaloir  fur  ce- 
lui d'Alberoni  :  la  conjuration-  tramée 
contre  le  Roi  d'Angleterre  parvint  bien- 
tôt à  ià  connoitfance  :  des  Rois  entroienc 
dans  les  delTeins  d'Alberoni  ;  ces  Roi»> 
les  plus  grands  de  leurs  fîécles  étoieot  Je 

.ayant  obfervé  fur  le  vifage  du  Secrétaire  desîn- 
quiénides ,  des  nuages  de  trifteflcf .,  détacha  une 
de  Ces  plus  joHes  filles  pour  lut  tirer  (on  (êcrer: 
cette  fille  fit  boire  avec  excès  le  Secrétaire  ,  qui 
bientôt  s'endormit  ;  elle  profita  de  fon'fonr 
meîl  pour  lui  dérober  des  papiers  qu'elle  porta 
à  la  Fillon  qui  en  ayant  connu  toute  Timpoi- 
tsuace i  les  envoya fiir le champau  Régenu 


Wt0' 


D*  E  s  P  A  G  N  E.  3/5 

Czar  Pierre  I.  &  Charles  XII.  qui  depuis 
vingt  ans  rempli (Toient  le  Nord  de  leurs 
combats ,  &  TUnivers  de  leurs  noms  : 
déjà  par  les  foins  d'Alberoni  ces  Prince» 
fi  inflexibles  dans  leur  haine  s'étoient  ré- 
conciliés en  fecret  ;  l'un  &  l'autre  avoient 
à  fe  plaindre  du  Roi  d^ Angleterre  qui  re- 
tenoit  à  Charles  des  Provinces  entières , 
&  qui  avoit  donné  au  Czar  des  fujets  de 
mécontentement  qu'un  Prince  ne  par- 
donne guères  ;  réunis  par  leur  haine  & 
par  la  politique  d'Alberoni ,  ils  dévoient, 
a  l'aide  du  Parti  puiflant  que  conferve  la 
Maifon  de  Stuart  dans  les  trois  Jfles,  ré- 
tablir le  Prétendant  fur  le  thrône  de  fes 
ancêtres,  &  tomber  enfuiteYur  les  Etats 
de  l'Empereur  contre  qui  ils  avoient 
épouféla  haine  d'Alberoni,  pendant  que 
le  Prince  Ragotski  encouragé  par  l'ar- 
gent &  par  les  promefles  du  Miniftre  EC- 
pagnol ,  exciteroît  une  guerre  civile  en 
Hongrie  avec  le  fecours  des  Turcs.  At- 
taqué par  des  guerres  étrangères  &  civi' 
les,  l'Empereur  eût  été  obligé  de  céder , 
fans  combattre  ,  l'Italie  aux  Efpagnoîs  ; 
mais  Georges  inflruit  de  la  conjuration , 
la  diffipa  ,  en  faifant  arrêter  à  Londres  fie 
à  la  Haye  le  Baron  de  Goërts  3  &  k  Com- 


374  Histoire 

te  de  Gyllembourg ,  l'un  premier  Minif- 
tre  ,  &  Tautre  ÂmbafTadeur  de  Char- 
les XII. 

Ce  Prince  alla  lui  même  fe  faire  tuer 
devant  une  fortereffe  de  la  Norvège  que 

Fridcric-  f^  mort  a  iUuftrée  ;  Alberonî  perdit  pv 
cet  accident  refpérance  d'une  diverfion 
contre  l'Empereur  ;  les  Turcs  à  qui  le 
Prince  Eugène  étoit  trop  fatal  ^  n'olerenc 
.  recommencer  une  guerre  funefte  ,  &  Ra- 
gotski  né  fut  pas  aflez  téméraire  pour 
braver  feul  les  forces  de  l'Empereur. 

Tel  fut  le  fuccès  des  entreprifes  d*un 
homme  né  pour  ébranler  l'Univers;  l'Eu- 
rope les  admira  en  frémiflant  ;  le  Roi 
d'Angleterfe  &  le  Duc  d'Orléans  pour- 
fuivirent  en  lui,  non  le  Miniftre  d'un  Roi 
avec  qui  ils  étoient  brouillés  ,  mais  leur 
ennemi  perfonnel;  cependant  Alberoni» 
loin  de  fe  laifTer  abattre  par  des  revers 
qu'il  n'avoit  pas  prévus ,  fuivît  avec  cou- 
rage le  projet  de  dûhrôner  George»  8c 
d'exciter  une  f;uerre  civile  en  France. 

17 15.  Déjà  le  Prétendant,  accompagné  du 
Duc  d'Ormond  ,  étoit  arrivé  en  Efpagne 
pour  monter  la  flotte  qui  devoit  le  con- 
duire en  Angleterre  ;  mais  Alberoni  ne 
jugea  pas  à  propos  d'expofer  la  perfomie 


mm 


d'Es  P  A  GN  E.  5fC* 

de  ce  Prince  ;  le  feul  Duc  d'Ormond  s'em- 
barqua fur  la  flotte  à  la  vue  de  laquelle  les 
mëcontens  d'Ecofle ,  d'Irlande  &  d'An- 
gleterre dévoient  prendre  les  armes ,  mais 
la  flotte  eut  la  même  deftinée  que  toutes 
celles  que  rEfpagne  a  préparées  contre 
les  Anglois  ;  elle  fut  difperjlée  par  la  tem- 
pête >  il  n'y  eut  que  quelques  vaifTeaux 
de  tranfport  qui  abordèrent  en  Ecoflei  5 
&  débarquèrent  un  Régiment  Efpagnol 
auquel  il  y  eut  environ  deux  mille  Ecof- 
Xois  qui  fe  joignirent ,  mais  ce  foible 
Corps  fut  bientôt  battu  &  diiSpé  :  en 
Angleterre  &  en  Irlande  on  attendoit  le 
Prétendant  &  le  Duc  d'Ormond  pour 
éclater  ;  le  Prétendant  ne  vint  point  j 
&  le  Duc  d'Ormond  ne  put  aborder. 

L'autre  flotte  deftinée  à  exciter  une 
guerre  civile  en  France  ;  &  à  foutcnir 
lur-tout  un  foulevement  général  en  Bre- 
tagne ,  n'ofa  fe  rendre  fur  les  côtes  de 
cette  Province  ;  le  Régent  étoit  fur  fes 
gardes ,  il  avoit  fait  arrêter  &  exécuter 
quelcjues  Gentilshommes  Bretons  con- 
vaincus de  s'être  laiflé  féduire  pas  l'or 
d'Alberoni. 

Mais  le  Régent  firappoît  des  coups 
plus  sûrs  &  plus  mortels  3  déjà  le  Mâic- 


^$6  Histoire   . 

chai  de  Barwick ,  cet  illuftre  défenfeur 
de  PEfpagne ,  approcboit  de»  Pyrénées 
avec  une  armée  rormîdable  :  fi  on  a  ja*- 
mais  regardé  comme  civiles  {a)  les  gue^ 
r es  qui  s'élèvent  entre  les  Princes  Chré^ 
tientf,  c'eft  fur-tout  celle  dont  nous  par^ 
loDÂ  entre  deux  Rois  d'une  même  Jvfai- 
fon  ,  entre  deux  Peuples  unis  jufqu'alon 
par  l'alliance  la  plus  étroite  &  par  les  mê- 
mes intérêts  9  Barwick  avoit  à  combattre 
fon  filsle  Duc  de  Lyria ,  l'un  des  prenûen 
Officiers  Généraux  de  l'armée  Ëfpagno- 
le  9  à  qui  il  écrivit  pour  l'aâFermir  oansuA . 
devoir  bien  cruel. 

On  ne  pouvoit  croire  qu'on  fût  en 
^erre  :  les  Efpagnols  avoient  pour 
Louis  XV.  la  même  tendreffe  que  ks 
François  ;  les  François  refpeâoîent  en 
Philippe  V.  le  fang  de  leurs  Rois ,  un 
héros  dont  ils  avoient  partagé  les  bu- 
riers ,  &  dont  ils  avoient  affermi  la  Cou- 
ronne ;  l'Europe  ,  &  fur-tout  l'Angle- 
terre n'avoient  point  foi  à  cette  guerre 

(a)  On  regardoit  fî  bien  en  France  cette  ex- 
pédition comme  ime  efpece  de  guerre  civile 
que  le  Maréchal  de  Villars  refufà  de  Ct  charger 
du  commandement  :  le  feul  objet  du  Régeu 
étoit  d'obtenir  Texpuliion  dWlberoni. 


d'Es  P  A  G  N  E. 


îf? 


ï  regardoient  comme  ilmulée;  Gcor- 
nvoya  Sthanhope  pour  Otre  témoin 
opérations  des  François  ;  mais  quel 
Biphe  pour  les  fiers  Ànglois  de  voir 
yiiSoîres  rapides  des  François  ,  un 
■  Bourbon  affbibli  par  le  dépofitaire 
■Ebrcesda  chef  des  Bourbons;  la  con- 
me  du  Port  du  PaiVage  ,  celle  de  San- 
gna  don:  les  magafins  furent  briile's 
ec  feize  vaiffeaux  de  guerre  encore  fur 
t.'Chantters  ;  enfin  la  rédudlion  de  Fon- 
n^ie  Se  de  S.  Sébaflien  ,  les  clefs  de 
"'  lagne. 

i  Anglois  joignirent  bientôt  leurs 
es  mains  à  celles  des  François  pour 
tir  les  miférables  reiles  de  la  Mari- 
pagnole  ;ils  emportèrent  le  Ponde 
d'où  ils  emmenèrent  fix  vaiffeaux  , 
avoir  eu  la  précaution  de  brûler 
nitions  aflemblées  dans  cette  Ville , 
;inées  à  l'expédirion  d'Ecoffe. 
Roi  s'étoîr  avancé  jpfques^ans  la 
■e  >  conduifant  lui-même  une  divî- 
fpn  armée  :  la  Reine  Ôi  Alberonî 
livoieni ,  chacun  à  la  tête  d'un  Corps 
'    "  '  ■  'contre 


3j'8  Histoire 

que  pour  les  attirer  fous  fes  drapeaux  ; 
mais  ni  la  prcfence  de  ce  Prince  ,  ni  les 
déclarations  répandues  dans  le  camp  des 
François  dans  lefquelles  le  Roi  prenoit 
la  qualité  de  Régent  de  France  »  &  les 
invitoit  à  pafler  à  fon  fervice  ,  ne  firent 
dans  Tarmée  de  Barwick  l'effet  auquel 
Alberoni  s'étoit  attendu  ;  les  Officiers  & 
les  Soldats  François  combattirent  en  fou- 
pirant ,  mais  ils  combattirent  ;  cette  vai- 
ne tentative  &  les  nouvelles  qu'on  reçut 
de  Sicile  commencèrent  à  indlfpofer  le 
Roi  contre  Alberoni ,  auteur  de  la  guer- 
re &  des  difgraces  qui  là  fuivoient  ;  le 
Comte  de  Merci  avoir  débarqué  dans 
cette  Ifle  avec  une  nouvelle-  arnmée  de 
dix-huit  mille  hommes  j  le  premier  foin 
de  ce  Général  qui  n'ignoroit  pas  com- 
bien la  domination  Efpagnole  étoit  cherc 
aux  Siciliens ,  fut  de  promettre  folemnel-* 
lementla  fuppreffion  de  tous  les  impôts 
pendant  quatorze  ans',  à  cotidirion  qu'ils 
reconnoîtroient  rÉm|:lereur  en  qualité 
de  Roi  de  Sicile  ;  mais  toutes  ces  pro- 
mefféS  ne  produifirent  aucun  firuk  fur 
i'efprit  des  Habitans  ;  il  conçut  alors  que 
le  feul  moyen  de  les  réduire  y  étoit  la 
force  i  en  ccnféquence  il  marcha  aux  £f- 


4' 


\ 


d'Espagne.  ^yp 

pagnols  qui,  à  fon  approche,  avoient  levé 
le  fiége  de  Melazzo ,  &  s'étoient  retran- 
chés dans  le  pofte  de  Franca- Villa  ;  les 
£fpagnols  attaqués  le  dix-neu£Juin  firent 
des  prodiges  de  valeur ,  repoulférent  les 
Allemands  dont  ils  tuèrent  plus  de  fisc 
mille ,  &  bleflerent  le  Général  :  cet  échec 
n'empêcha  pas  Merci  infiniment  fupé- 
rieur  de  réduire  la  Ville  &  la  citadelle  de 
Meflîne. 

Tant  de  pertes  arrivées  coup  fur  coup , 
la  crainte  de  voir  les  ennemis  percer  dans 
le  coeur  de  la  Monarchie ,  &  Paccabler 
des  mêmes  maux  fous  lefquels  elle  avoit 
manqué  de  fuccomber ,  dégoûtèrent  en- 
tièrement le  Roi  &c  la  Reme  même  du 
Miniftre  ;  mais  ce  qui  acheva  de  le  per« 
dre ,  fut  le  parti  que  prit  le  Duc  d'Or- 
léans qui  n'employoit  qu'à  regret  la  for* 
ce  contre  l'Efpagne ,  de  combattre  AJ- 
beroni  avec  fes  propres  armes ,  c'çfl-à- 
dire ,  avec  les  intrigues  ;  il  fit  agir  le  Perc 
d'Aubenton  qui  infinua  à  Philippe  au'il 
n'y  avoit  éfe  paix  à  efpérer  que  lorfqu^Al- 
beroni  auroit  été  cbaflié  ;  (e  Marquis 
Scotti  envoyé  de  Parmç  conjuroît  de 
fon  côté  la  Reine  au  nom  de  fon  ma'rr» 
(i'abdo4onner  up  Miiitflr^  m 


^6o  Histoire 

Philippe  &  Elifabeth  cédèrent  enfin ,  & 
facrinerent  Alberoni  au  falut  de  l'Etat: 
on  lui  donna  ordre  de  fortir  d*Efpagne 
en  huit  jours ,  &  de  fe  retirer  en  Italie) 
les  courtifans  applaudirent  à  la  chute  de 
cet  homme  extraordinaire  dont  ils  blâ- 
moient  l'audace  ^  la  fierté ,  l'inquiétude 
&  les  projets  :  mais  quels  vœux  ,  quek 
hommages  ne  lui  auroient  Us  pas  ojfiFertSi 
fi  la  fortune  ,  qui  feule  lui  manqua ,  eut 
couronné  fes  entreprifes.  Dans  l'efpace 
de  quelques  années  de  miniflere  j  Albe- 
roni rendit  à  la  Monarchie  une  partie  de 
ion  ancien  éclat;  la  multitude  &  la  gran- 
deur de  fes  defleins  n'occupèrent  pas  tel- 
lement fon  génie  ,  qui  d'un  coup  d'ail 
embraffoit  tous  les  genres  de  l'adminif- 
t ration  ,  qu'il  ne  trouvât  le  moyen  de 
drefl'er  des  réglemens  favorables  à  l'a- 
griculture )  aux  arts  &  au  commerce^  il 
établit  des  manufaélures ,  &  n'oublia  rien 
pour  infpirer  aux  Efpagnols  l'aélivité  Se 
l'amour  du  travail ,  tandis  qu'au  dehors 
il  s'efForçoit  de  leur  rendre  Taficienne  ré- 
putation de  valeur  &  de  puifTance  pcr»- 
due  depuis  la  paix  des  Pyrénées, 

Telle  étoit  la  fituation  de  ce  Mîniftre 
i  foa  départ  de  TEfpagne ,  qu'il  ne  pour- 
voit 


4MM. 


d'Espagne.  361 

■        »^^—— ^— ■  — ■— *ii<piw— 1— .—^ 

voit  compter  fur  aucun  afyle  dans  l'Eu- 
rope dont  il  avoit  offenfé  tous  les  Souve- 
r..ins;  Rome  y  la  retraite  ordbaire  d'un 
Cardinal  »  lui  étoit  interdite  ;  le  Pape  ^ 
fon  plus  cruel  ennemi,menaçoit  tout  haut 
de  lui  faire  fon  procès  j  la  Cour  d'Efpa- 
gne  fe  joignit  à  fes  ennemis  mêmes  9  &  le 
perfécuta  ;  le  Cardinal  plein  de  gran- 
deur d'àme  oublia  les  injures  de  Philip- 
pe pour  ne  fe  fouvenir  que  de  fes  bien- 
faits y  il  foutint  toujours  avec  zélé  les  in- 
térêts d^une  Nation  chez  qui  il  avoit  trou- 
vé la  grandeur  &  la  fortune*  II  erra  4'a* 
bord  quelques  années  fous  un  nom  in- 
connu dans  la  Ligurie  &  le  Milanez  oili 
TEmpereur  daigna  le  fouffirir.  Les  Gé- 
nois l'arrêtèrent  à  la  prière  du  Pape  &  de 
Philippe  y.  mais  bientôt  ils  s'en  repen- 
tirent y  &  lui  donnèrent  la  liberté.  Les 
Cardinaux  refuferent  au  Pape  de  con- 
courir à  fon  procès  ,  &  de  le  dépouiller 
du  chapeau  de  Cardinal  :  enfin  Alberoni 
cefla  aêtre  perfécuté  à  la  mort  de  Clé- 
ment XL  II  parut  de  nouveau  fur  là  fcenç 
de  l'Univers  dont  il  fut  fur  le  pciM  àe 
remplir  la  première  place  (d)  • 

'  (a)  Il  ne  lui  manqua  dans  iliA  i* 
ve  quepeu  de  voix  pour  être  Papet 
Tome  r» 


I 


*^*w 


3^2  Histoire 

feul  ambitieux  de  notre  iiécle  fi  fécond 
en  fortunes  extraordinaires  qui  fe  foit  re- 
levé après  une  chute  éclatante  :  le  Baron 
de  Goërts ,  premier  Miniftr^jde^&iéd^ 
eut  la  tête  coupée  à  Stockholm  ^  fur  l'ac- 
cufation  vague  d'avoir  calomnié  la  Na- 
tion auprès  de  Charles  XII«  Menzicoff 
mourut  relégué  en  Sibérie  ;  Law  dans 
l'indigence  en  Italie  p  &  Ripperda  dans 
l'opprobre ,  en  Afrique. 

La  difgrace  d' Alberoni  étoit  uq  grand 
acheminement  vers  la  paix  ;  les  Marquis 
de  Bedmar  &  de  Grimaldo  ^  &  le  Fere 
d'Aubenton  qui  fuccéderent  à  (on  auto* 
rite  y  ne  cefToient  d'y  exhorter  le  Roi  qui 
enfin ,  après  de  longs  combats  &  une  ré- 
fiflance  opiniâtre ,  accéda  au  traité  de  la 
triple  alliance ,  &  abandonna  tous  fes 
intérêts  au  Duc  d'Orléans  qui  j  flatté  de 
l'expulfion  d' Alberoni ,  &  qe  la  confian- 
ce de  Philippe ,  parut  toujours  flepuis 
fincérement  attaché  à  l'£fpagne  ;  fon 
premier  foin  fut  de  négocier  auprès  de 
Georgç  I.  pour  l'engager  à  reftttuer  à 
Philippe  V.  Gibraltar  fie  MinoCq^Ti  îl 
a^voit  déjà  tiré  du  Roi  di'Angkt^riîtltVyi 
des  Princes  les  plus  fages  ^.les  p|î$lBCH 
dérés  de  foq.  Wde , .  ime. 


/ 


d'Espagne.  565 

thentique.  de  readre  des  places  fur  lelV 
quelles  les  Angloîs  n'ont  d'autre  droit 
que  ceux  que  donnent  la  force  &  Tufiirr 
pation  ;  mais  le  Parlement  d'Angleterre 
auflî  ambitieux  &  auiïi  éclairé  fur  fes  in- 
térêts 9  que  le  Sénat  d=e  Rome»  pénétra  la 
négociation ,  ât  la  fit  échouer  ;  r£mpire 
de  la  Mer  ou  la  forcé  ,  l'artifice  5  les  cir- 
conftances  l'avoient  conduit ,  lui  étoit 
trop  cher  pour  fe  mettre  au  hafard  de  le 
perdre. 

Cependant ,  en  vertu  de  fon  acceflîon 
à  la  triple  alliance,  la  .Cour  évacua  la 
Sardaigne  y  &  rappella  de  la  Sicile  le 
Marquis  de  Leyde  ;  il  étoit  tems  que  ce 
Général  reçût  les  ordres  du  Roi  ;  l'armée 
£fpagnole  &  l'armée  Impériale  rangées 
^n  bataille  )  n'attendoient  plus  que  le  (i- 
-^alxia  combat  dont  la  SicHe  de  voit  être 
le  prix  :  le  Marquis  de  Leyde  ramena  en 
Efpagne  vingt  -  quatre  mille.  homYnes 
-ou  on  deftina  fecrêttement  à  une  expédi* 
tion  en  Afrique  ;  mais  les  préparatié  im- 
menfes  de  cette  entreprife  dont  l'Europe 
-ignorent  l'objet^  répandisens  de  nouveau 

-fOJàesleîNàttonsîvQiliiie&lla  France  & 
^  AinâetsnttQi'^*       '  ^mt  raifurées  pat 


554  H  I  s  TO  I.R  E 


i'acceffion  du  Roi  au  traité  de  la  -triple 
alliance,  &  par  le  confentement  qu'il 
avoit  apporte  au  congrès  de  Cambrai 
dans  lequel  les  PuifTances  Chrétiennes 
•étoient  convenues  de  terminer  toutes 
les  guerres  qui  avoient  agité  l'Europe 
depuisJe  traité  d'Utrecht ,  &  de  préve- 
nir celles  dont  les  intérêts  de  rSipagne 
&  de  la  Maifon  d'Autriche  menaçbiem 
ritàlie  au  fujet  de  la  fucceifion  de  Panne 
&  de  Tofcane. 

:  Le  Duc  d'Orléans  avoit  des  fujets  de 
crainte  d'autaiit  mieus  fondés  qu'il  nV 
Voit  pas  encore  reftkuéles  conquêtes  de 
la  campagne  précédemcL» .que  Sk  Frao: 
ce  en  proye  au  fyftêmé  de  Lav  ^  k  h 

Ïefte ,  6c  aux  difputes nées  audijet delà 
iulle  Unigenitns ,  étoit  remplie,  de  fflé^ 
contens  jqui  tendoient  les  bras  aux  £|p^ 
.'gnols.  •   .  .  .  •  À  ::'- 

George  I.  n'avoit  guères  .'moânf  dln? 
•  quiétude  9  lé  Parlement  l'àvoit  ifôt-man*- 
quer  de  parole  par  rapport  i  la  reftitu* 
'.  lion  de  Gibraltar  &  de  Minorauc  ;  U  étoit 
.'toujours /en. bute  au.. Çactî  duiPtéten- 
dflint  fortifié  d'uhelitfimtfl  d^AbglbisIrQÎ- 
:jiés:parla  Compa^ie  du  Sud..  liÇ  Fm- 
'tugai  i  avec  de  momdircinatfhw;^*i9 


Ê 


D^Es  PAGNE.  5^7 

ar  une  mort  honteufe  leurs  aflaiTins^  on 
e  contenta  de  les  condamner  à  de  grofles 
amendes.  ' 

Dans  le  même-tems  on  brûloit  à  Ma^* 
drid  (ix  hommes  &  fix  femmes  trop  opi- 
niâtrement attachés  à  la  Loi  de  Moyie  > 
ou  aux  dogmes  de  Mahomet  ;  c'efl  le 
premier  At^to  dà  fè  que  Philippe  V.  eût 
permis  depuis  vingt  ans  qu  il  regnoit. 
Ilfutfuivi^  dune  maladie  épidémique 
au  Pérou  qui  emporta  trois  cent  mille  In- 
diens en  moins  de  trois  mois.  Le  congrès . 
de  Brunf^ick  rétablit  cette  année  la  paix 
dans  le  Nord  de  l'Europe. 

Il  ne  tenoit  pas  à  Philippe  que  le  Midi  1*721 
-ne  jouît  du  même  bonheur  ;  il  avoît  rem- 
pli toutes  les  conditions  auxquelles  il 
8*étoit  fournis  en  accédant  au  traité  de  la 
triple  alliance ,  fans  qu'aucune  des  Puif- 
fances  qu'il  avoit  combattues  eflFeéluât 
celles  auxquelles  elle  s'étoit  enga- 
ge ;  l'Empereur  continuoit  de  pren- 
le  titre  de  Roi  d'Efpagne ,  il  venoit 
en  cette  qualité  d'obtenir  pour  le  Père 
Cifuengos  ,  le  feulJéfuite Éfpagnol  qui  ' 
eût  fuivi  fon  parti ,  un  chapeau  de  Car- 
dinal ,  en  même-tems  que  Philippe  en  ob- 
tenoit  un  pour  D.  Carlos  Borgia ,  Patriar- 

Qiv 


^66  Histoire 

rcs  fur  qui  il  emporte  une  viftoire  com- 
plette  j  leur  artillerie ,  leur  camp  tomb^ 
rent  entre  fes  maïns  ;  lei  Maure» ',  pour 
venger  leur  défàftre-,  fe  préfenterem  à 
lui  le  neuf  Décembre;  mais  ils  furent 
vaincus  j  ils  efluyerent  la  même  difgracc 
le  vingt-un  du  même  mois  ;  Leyde  deve- 
nu redoutable  par  des  viûoîres  fi  rapi- 
des ,  fe  préjparoit'àlS<:dnai|€te  de  toutes 
les  côtes  aAfnd[vLé' ,  loriqu^il  reçut  de 
la  Cour  des  ordrei  qui  rarrêterent  au 
milieu  de  fa  carrière  ;  Philippe  n'avcrit 
donné  de  tels  ordres  que  poiir  prévenir 
une  nouvelle  guerreen  Europe  ;  les  An- 
glois  jaloux  de  fes  progrès^ ,  craignant 
que  la  conquête  dés  Places  du  Détroit 
n'entraînât  la  perte  de  leur  commerce  en 
Afrique ,  fe  hâtoient  déjà  de  porter  des 
fccours  aux  Maures ,  &  menaçoicnt  Phi- 
lippe de  faire  une  puiflante  diverfîon  en 
leur  faveur. 

Leyde  ramena  fon .  armée  en-Sipagne 
moins  diminuée  par  le  fer  des  ennemis 
que  par  le  brigandaj?e  de  Mumdonnài- 
res  qui  coûta  la  vie  a  quatre  mille  Sol- 
dats par  la  mauvaife  qualité  des  vivres 
qu'on  leur  diflribua  ;  au  lieu  de  venger 
les  défenfeurs  de  la  Patrie  y  en  jpufftlfilî} 


p^Esi^AQNE.  ^6y 

Il  II     «i—i—i ^1  ■■■  I  ^— — a—— — ^^ 

par  une  mort  honteufe  leurs  affaflins,  on 
le  contenta  de  les  condamner  à  de  grofles 
amendes.  ' 

Dans  lemême-tems  on  brûloir  à  Ma* 
drid  fix  hommes  &  fix  femmes  trop  opi- 
niâtrement attachés  à  la  Loi  de  Moyie  > 
ou  aux  dogmes  de  Mahomet  ;  c*eft  le 
premier  Auto  dà  fè  que  Philippe  V.  eût 
permis  depuis  vingt  ans  qu'il  regnoit. 

Il  fut  faivi>  d*une  maladie  épidémique 
au  Pérou  qui  emporta  trois  cent  mille  In- 
diens en  moins  de  trois  mois.  Le  congrès . 
de  Brunfo^ick  rétablit  cette  année  la  paix 
dans  le  Nord  de  PEurope. 

Il  ne  tenoit  pas  à  Philippe  que  le  Midi  1 72 1 . 
-ne  jouît  du  même  bonheur  j  il  avoir  rem- 
pli toutes  les  conditions  auxquelles  il 
s'étoit  foumis  en  accédant  au  traité  de  la 
triple  alliance ,  fans  qu'aucune  des  Puif- 
fances  qu'il  avoit  combattues  eflFeéluât 
celles  auxquelles  elle  s'étoit  enga- 
gée ;  l'Empereur  continuoît  de  pren- 
dre le  titre  de  Roi  d'Efpagne ,  il  venoit 
en  cette  qualité  d'obtenir  pour  le  Père 
Cifi?engos  ,  le  feul  Jéfuite  Èfpagnol  qui 
eût  fuivi  fon  parti ,  un  chapeau  de  Car- 
dinal 9  en  même-tems  que  Philippe  en  ob- 
tenoît  un  pour  D.  Carlos  Borgia  y  Patriar- 

Qiv 


^tf  8  Histoire 

cbe  des  Indes  5  l'inveftiture  &  l'expeâa* 
tiye  des  Duchés  de  Tofcane  &  de  rarme 
en  faveur  de  l'Infant  D.  Carlos ,  n'arri- 
yoit  point  de  Vienne; l'Empereur  ne  ref- 
tituoit  ni  le  Mantouan  ,  ni  le  Montferrat 
ni  Sabionetta  ^  ni  la  Mirandole  y  ni  dont 
il  avoit  dépouillé  les  Souverains  ^  alliés 
de  l'Efpa^ne  :  on  s'adreil'a  à  la  France  &  à 
rAngleterre  ;  mais  George  &  le  Rëgent 
remettoient  au  congrès  de  Cambrai  la 
décifion  de  totis  ces  difFérendsscependant 
le  congrès  ne  s'ouvroit  point ,  la  poliû» 
que  des  principales  PuifTances  de  l'Eu- 
rope ne  tendoit  qu'à  le  différer  j  l'Empe- 
reur ,  parce  qu'il  craignoit  qu'on  ne  l'o- 
bligeât à  modérer  la  fierté  avec  laquelle 
îl  traitoit  les  Souverains  de  l'Italie  j  le 
Roi  d'Angleterre ,  par  complaifancepour 
l'Enapereur  dont  il  attendoit  l'invefliture 
des  Duchés  de  Bremen  &  de  Verden  ac- 
quis fur  la  Suéde  ;  &  enfin  le  Régent  i 
parce  qu'il  vouloit  auparavant  que  Afef- 
demoifelles  de  Montpenfier  &  de  Beau* 
jolois  fes  filles  époulaffent  9  comme  on 
enétoit  convenu  l'année  précédente  t  le 
Prince  des  Afturics  &  Dom  Carlos  ;'è 
ce  prix  Louis  XV.  de  voit  époufer  Wn- 
fante  d'Efpagne.  us 


TI*EsP  A  GN  É. 


Le  Miniiiere  voulant  abColument  terr 
miner  un  état  aufli  incertain  que  celui 
du  Roi,  (igna  une  convention  aveci'An- 
gletecre  par  bquelle ,  fans  parler  de  la 
■  ■xâEIitutiondeMinorque  &  de  Gibraltar, 
1  confinnoit  le  traité  de  l'Afliento ,  & 
1  fe  refîituoit  mutuellcmjent  ce  qu'on 
îtmt  enlevé  de  part  &  d'autre  ,  mais  la 
flitution  tut  îmagiRaire  de  la  part  des 
jiglois  :  ils  avoîent  en  confëquence  de 
tieurs  wincipes  qui  tendent  à  détruire 
toute  Marine  étrangère  brûlé  ou  gâté,, 
au  point  qu'il  fut  împofîîble  d'en  tirçr 
aucun  fervice  ,  les  vaiûeaux  pris  au  com- 
hzx  de  Sidle ,  &  au  Poin  de  Vigo. 

On  foufcrivit  en  même-tems  aux  dé- 
_;£rs  du  Régent  ;  l'Infante  qui  n'avoit  pas 
flcore  quatre  ans ,  palTa  en  France  pour 
tre  élevée  fous  les  yeux  de  Louis  XY. 
BÛ  alors  en  avoit  douze  ;  MademoifcUc 
c  Montpenfier  époufa  le  Prince  deiiAf- 
iries ,  èc  Mademoilelle  de  Beaujoloi» 
BÎvit  bientôt  après  fa  fœur  en  Efpagne. 

Le  Roi  ordonne  p^r  un  édit  picjn  àc 
fagBfleitou^le»  mendians  de  fp  rcndie 


370  .HïSToiny 

cravaillef  ;-mdis  on  employé  les  autres 
aux  ouvrages  publics  &  aux  manufac* 
tures. 

On  céWbra  cBCore  cette- année  un 
Atitf^  àkf-l  dans  lequel  cinq  AaËklHnrètax 
convaincus  d'avoifjudaïië  >  furent  livrés 
aux  flammes'. 

Lé  Pape  Clëment  XI.  mourut  le  dix* 
neuf  Mars  après  un  long  &  malheureux 
Pontificat  :  la  fîtuation  de  ce  Pape  fut 
prefqu^  toujours  cruelte ,  en  voulant  mé- 
nager également 'It^Maifons  de  Boup» 
bon  &  d  Autriche  qui  tomibat|;i(»ent  pour 
VEmpire  d'Italie  y  il  les  ofiènfâ  prdfque 
toujours  ;  la  foibleile  de  fon  caraâere 
doux ,  modéré  >  pacifique ,  modefte ,  & 
ià  qualité  de  père  commun ,  I^empêche* 
rent  defe  décider  emietfflientpour  hiixe 
de  ces  deux  Maifons  ;i  e'efl  de  hii  qu^eii 
dUbit  qu'il  n'y  avoit  jamais  ea.  dd  rapt 
plus  femblable  à  i§.  Pierre  y' panée  qa^ 

I)rbmettoit ,  fe  retraftoit  >  &  pleurdt  ; 
e  Cardinal  Michel-Ange  CoDti  lui  fuG- 
céda  fous  le  nom  d'Innocent  XIIL 
L'Empereur  fit  donner  l'excluiiosi  M 
Cardinat  Paulùcci  qu'il .  re^farîôiC':  Mm* 
mé  un  partifan  trop  zélé  de  t^£f{9a[|^. 
1 722*     Les  Mâures^^  d^pliis pius  9à%jk^  fA\ 


d'E  s  P  A  G  NE. 


.J7f 


paroient  une  invafion  en  Andaloufîepour 
venger  les  défaftres  qu'ils  avoient  eiluyés 
trois  ans  auparavant;  leurs  forces  croient 
formidables;  l'Afrique  entière  fembloit 
s'ébranler  pour  fe  iranfporcer  en  Ef- 
pagne  :  l'Andaloufie  menacée  étoit  rem- 
plie de  terreur,  lorfque  la  tempête  qui 
tant  de  fois  avoic  été  fatale  aux  arme- 
mens  de  l'Efpagne ,  le  fut  cette  fois  à 
celui  de  fes  ennemis  ;  la  flotte  des  Barba- 
res fut  dirperfée&  détruite. 
T  AufTi-tôt  que  le  Roi  eut  été  délivré  de  la 
Waînte  de  voir  l'Efpagne  inondée  par  les 
piifulmans,  il  promit  un  fecoursde  12 
bùffeaax  de  guerre  &  de  fix  mîUe  hom- 
Bes  de  débarquement  à  l'Ordre  de  MzU 
[inquiété  par  les  Turcs  ,  à  conditîop 
hie  l'Empereur  permettroitque  leS^aif- 
aux  d'Elpagne  reiicheroîent  dans  fe^ 
prts  d'Italie  ;  Charles  VI.  eut  pcwie  i 
mfentirà  cette  demande, &  il  laccom- 
jna  de  tant  de  conditions,  de  réfcrve 

de  défiance  qu'on  voyoit  combien  il 

redoutoi:  jufqu'à  l'ombre  des  Efpagrioh 
en  Italie;  on  reçut  enfin  de  Vienne  J'aélc 
chéiâe  Parme  Scie 


572  Histoire 

ii'exemptoit  pas  Dom  Carlos  d'aller  prê- 
ter ferment  de  fidélité  à  Vienne  j  ennn  il 
étoit  fi  peu  conforme  au  traité  de  la  tri- 
ple alliance  9  il  parut  fi  injurieux ,  que  la 
.Gour  le  rejetta. 

Le  chagrin  ,  les  -infirmités ,  la  mé- 
lancolie ,  la  retraite  aufi:ere  dû  Roi  i 
fan  éloignement  extrême  pour  la  focié- 
té  9  avoient  afFoibli  fes  forces ,  au  point 
qu!il  ne  pouvoit  plus  abfolument  vaquer 
aux  affaires  ;  le  Duc  d'Orléans  le  voyant 
en  ce  trifte  état ,  lui  propofa  d'abdiquer 
la  Couronne  en  faveur  du  Prince  des 
Afiuries  ;  Philippe  reçut  ce  cohfeil  avec 
avidité  ;  mais  la  Reine  &  le  Père  d'Au- 
benton  s'y  oppoferent  avec  tant  d'élo- 

SVience  que  le  Roi  n'ofa  palTer  outre;  la 
.elnê^  ne  L'abandonna  plus ,  tant  pour 
l'empêcher  de  fuivre  le  penchant  qui  Je 
cônduifoit  à  la  retraite  ,  eue  pour  vdllet 
â.iàfanté;  le  Marquis  de  Grimaldo& 
le  Fere  d'Aubenton  furent  feuls  chargés 
du  détail  des  afiàires  ;  mais  les  forces  de 
pe&.d^ux  hommes  n'étoient  pas  pjroppr- 
tîonaées  a  l'énorme  fardeau  qui  leitf  Ctoi^ 
Jboipdfé  ;  les  Mlniflres  précéaéns  -  avoîéift 
eu  le  (ecours  du  Conleil  d'Etat  fi  célç< 
Vc  aiitirefois  &  compofé  des  Gràndà  qui 


d' Espagne.  573 

avoient  vieilli  dans  les  Vice-Royautés  , 
les  AmbalTades  &l  le  commandement 
des  armées  :  ce  Confeil  regardé  comme 
le  Sénat  de  la  Nation  étoit  anéanti;  à 
peine  comptoit-on  dans  la  Monarchie; 
trois  Seigneurs  revêtus  de  la  dignité  de 
Confeiller  d'Etat  :  les  Grands  étoieiit 
écanés  avec  foin  de  l'adminiUratlon  des 
aflfeires  ;  on  les  humiliait  chaque  jom 
avec  d'autant  plus  de  raifon  que  fous  les 
derniers  Rois  Autrichiens  ,  ils  avoient 
abufé  de  leur  autorité  :  Philippe  vouloît 
qu'ils  fuflent  les  premiers  de  la  Nation, 
te  non  des  Rois. 

La  mort  du  Père  d'Aubenion ,  Jéfuïte 
François,  le  Confeffeur,  le  Min ifireôil'o- 
racle  de  Philippe  qui  feul  avoit  trouvé  le 
moyen  de  guérir  les  fcrupules  éternels  , 
les  irréfolutions  &  l'extrême  défiance 
que  le  Roi  avoit  de  lui-même  ,  confirma 
Philippe  qui  ne  trouva  dans  le  Père  Ber- 
raudez,  fucceffeurde  d'Aubenton ,  ni  les 
mêmes  talens,  ni  les  mêmesfecours,  dans 
le  deifein  d'abdiquer  la  couronne  ;  maïs  U 
renfermoit  en  lui-même  fà  réfolution  juC- 
qu'à  ce  que k  Prince  des  Aflurieseût  ac- 
quis plus  d'expérience  ;"'"■■     • 


^74  HistoirTe 

ce  fe  diftingua  par  fon  application  ^  fon 
intelligence,  des  vertus  &  des  talensfu- 
périeurs  à  fon  âge.  Le  Roi  étoit  d'autant 
plus  fenfible  au  mérite  naiflant  de  foD 
fils  qu'il  fe  voyait  par-là  dans  la  fitua- 
tion  de  fuir  dans  la  retraite  plutôt  qu'il 
ne  Tavoit  efpéré  j  peut-  être  auroit  -  il 
paiTé  à  l'exécution  de  fon  defifein  cette 
^née  9  fî  la  retraite  délicieufe  qu'il  fe 
préparoit  à  Balfaïm  ,  plus  connu  fous  le 
nom  de  S.  Ildefonfe,  ou  il  faîfoit  conilrui- 
it  un  palais ,  une  Eglife ,  de  vaftes  &  ma- 
gnifiques jardins ,  eût  été  prête. 
723.  Cependant  rien  n'avançoit  au  traité 
de  Cambrai;  la  France  &  l'Angleterre 
'  médiatrices  entre  l'Efpagne  &  l'Empe- 
reur ,  ne  pouvoient  obtenir  de  ce  dernier 
^u'il  reilituât  les  Etats  dont  nous  avons 
parlé  :  l'Empereur  de  fon  c6té  exigeoit 
que  Philippe  rendît  à  l'Arragon  &  à  k  Ca^ 
talogne leurs  privilèges,  qu'il  renonçât i 
l'Ordre  de  la Toifon  d'Or,  attendu  qu'il 
ne  poiTédoit  pas  un  feu!  Village  desftats 
quiavoient  appartenu  aux  anciens  IXici 
dfe  Bourijogne ,  Inftituteurs  de  cet  Ordre 
célèbre . 

La  mort  du  Duc  d'Orléans,  auflî  mat 
tre  de  la  France  depuis  la  majorité  de 


d'Espagne.  37^ 


î 


Louis  XV.  qu'il  Tayoît  été  pendant  1^ 
minorité,  ne  changea  rien  au  fyftême  ap- 
parent des  affaires  de  PEurope  ;  le  Duc 
de  Bourbon  ^ui  lui  fliccéda  dans  l'biii*^ 
loi  de  premier  Miniftre ,  parut  fuGéëde*- 

toutes  les  vues* de  fon  prëdéceffeurV& 
avoir  péùr  TEfpagne  les  mêmes  égards -J 
mais  il  travailloît  en  fecret  à  renvoyelr 
rinfante  qui  de  neuf  à  dix  aAs  ne  pouvoit 
donner  d^béritiers  au  Roi  de  France  pour 
Ipî  faire  épouferunePrinceiTe  capable  de 
retçplîr  à  cet  égard  les  vœux  des  Fran- 
çois &  de  toute  l'Europe ,  dont  l'intérêt 
èxîgeoît  que  Louis  X V,  eût  un  fils. 

La  mort  du  Grand  Duc  de  Tofcane 
Côme  IIL  approcha  Dom  Carlos  dé 
I^éritage  des  Médicîs  qu'on  regardoit 
'cbitiine  ur^  dépôt  entrt  les  mains  &  Jean* 
*]l&àfibii  y  Sis  de  Çètàé;  Gaflon  afiR>ibfi 
"par  les  débauches  dé  Û  jeuneffe  ,  &  p^ 
Axii  genre,  de  vie  bifarré ,  ne  pouvoft  eé? 
pérer  d'enfans  j  ni  de  longs  jours. 

Le  Pape  que  TEmpereur  &  le  confen- 
tement  ^i^FÈurope  aépouiHoît  du  droit 
dç'Suieraîncté.fur  les  Duchés  de  Parme 
&  de  Plaifance ,  droit  dont  fes  prédécef- 
feurs  jouiflbient  depuis  près  de  deux  fie- 
cUs^  fe  hâta  de  donner  Tinvediture  des 


37^  Pis  TOI  RE 

deux  Duchés  à  Dom  Carlos  pour'con- 
ferver  fes  droits» 

Le  Portugal  étoit  alors  en  proye  ji  une 
mfiladie  épidémique  oui  emporta  Qua- . 
rante  mille  perfonnes  dans  la  feule  Ville 
deLifbonne  :  on  attribua  cette  maladie 
à  la  malignité  de  Tair  qui  ne  fut  rafraicU 
-dans  la  Peninfule  par  aucune  pluye  ;  cet- 
te fëcherefle  extraordinaire  brûla  la  ré- 
colte ;  rEfpagne  parugea  avec  le  Pprta- 
gai  ce  dernier  fléau  :  fans  l'induâneiifc 
avidité  des  Négocians  Italiens  qui  ik  iàr 
terent  d'apporter  dans  les  Ports  des  deux 
Royaumes  les  bleds  de  France ,  de  Sicile 
&  d'Afrique ,  le  Royaume  eût  été  ca 
proye  à  la  plus  horrible  famine^ 

Ce  malheur  public  fut  fuivi  d'un  (K- 
iaftre  particulier^ qui.  coûta  la  vie  à  plu- 
sieurs perfonnes  de  h  plushaute  difluic*' 
tion;  il  s'éleva  le  quinze  Septembre  i 
JMadrid  &  aux  environs  un  orage  teni- 
blemêlé  d'une  pluye  fi  abondante  &fi 
continuelle  que  la  campagne  fubmergée 
préfenroit  Timage  de  la  Mer  ;  une  mai- 
lon  de  plaifance  dans  laquelle  le  Duc  de 
Ja  Mirandoie  donnoit  une  fêre  à  plufieurs 
perfonnes  de  la  Cour  fut  inondée  ;  laDu- 
chefle  fon  époufe  ^  le  Marquis  de  Caflel- 


D^ESPAGNE.  377 

Rodrigo  5  Capitaine  général ,  D.  Tibère 
Carafine ,  &  d'autres  perfonnes  confidéra- 
bles  lurent  noyées  dans  cette  efpece  de 
déluge. 

La  face  de  l'Efpagne  changea  tout  à 
coup  au  commencement  de  cette  année  ^7^4 
par  un  événement  qui  étonna  TEurope , 
&  confondit  les  politiques.  Cet  évene-^ 
ment  fi  imprévu ,  &  dont  THiftoire  four- 
nit peu  d'exemples ,  fut  l'abdication  du 
Roi  rendue  publique  par  un  décret  .da< 
dix  Janvier  ;  les  uns  admirèrent  cette 
réfolutîon ,  d'autres  la  blâmèrent  :  elle 
doit  être  regardée  comme  héroïque  dans 
un  Prince  qui  n'avoit  pas  quarante  ans,  & 
qui  à  peme  tranquille  pofleffeur  d'un 
tnrône  qui  lui  avoit  coûté  tant  de  tra- 
vaux ,  d'inquiétudes  &  d'allarmes ,  s'en 
dépouilloit  avec  tant  de  grandeur  d'ame 
qu'il  fit  même  un  vœu  folemnel  de  n'y 
jamais  remonter. 

Ceux  qui  fe  piquent  de  démêler  le 
motif  fecret  des  aâions  des  Rois,  ont 
prétendu  que  Philippe  n'abdiqua  que 
pour  fe  rendre  habile  à  fucc^aer  à  la 
Couronne  de  France ,  dans  le  cas  que 
J^ouis  XV.  dont  le  tempérament  n'étoit 
pas  encore  formé ,  vînt  à  mourir  ;  ils  ap- 


^ 


Hl  STO  ^AB 


puyoient  leur  fentiment  fur  le  caraâere 
de  la  Reine  dont  l'élévation ,  l'amour 


de  la  gloire ,  le  génie  aâif  ne  lui  au- 
roient  point  permis  de  paffer  à  une  vie 
privée  ,  fi  elle  n'eût  eu  la  perfpeéHve 
qu'ils  donnent  \  Philippe;  mais  outre 
que  ce  Prince  auroit  pu  échapper  à  la 
vi^lance  de  la  Reine  >  on  lui  fuppofe 
bien  peu  de  lumières ,  ainfi  qu'a  fon 
époufe  j  s'il  n'eût  pas  apperçu  les  obfia- 
clés  qui  s'oppofoient  à  une  e(pérance  fi 
vaine.  L'Europe  en  feu  pour  empêcher 
Louis  XIV.  d'établir  en  fa  perfonne  une 
branche  de  la  Maifon  de  Bourbon  fur  le 
thrône  d'Efpagne ,  les  torrens  de  fanjf 
qu'il  avoir  fallu  verfer  ^  le  danger  immi- 
nent des  deux  Peuples  prêts  a  fuccom- 
ber,  la  divifion  fanglante  de  la  Monar* 
chie  Efpagnole ,  la  querelle  avec  l'Em- 
pereur qui  n'étoit  pas  encore  ternoînée  ; 
tous  ces  terribles  objets  étoient  trop  pré- 
fens  à  Philippe  pour  facrifier  une  Coq- 
ronne  à  l'efpoir  incertain  d'un  héritage 
auquel  il  avoit  renoncé. 

L'unique  motif  de  l'abdication  de  Phi- 
lippe fut ,  comme  nous  l'avons  infinuéi 
la  perfuafion  du  néant  des  grandeurs  hu« 
maines  >  une  confcience  timorée  »  Teonui 


d'Espagne*  375^ 

des  aiïkires  ,  l'amour  du  repos ,  le  foin 
de  fon  falut  qu'il  croyoit  plus  fiacile  dans 
la  retraite  que  fur  un  thrône  femé  d'é- 
cueils.  Le  premier  foin  de  tt  Roi  fi 
pieux  fut  de  faire  parvenir  à  l'Empereur 
Charles  VI.  fon  abdication  ;  en  affurant 
ce  Prince ,  fon  rival  &  fon  ennemi  qull 
-alloit  demander  à  Dieu  pour  lui  ufi  fils 
qui  pût  être  un  jour  à  fon  exemple  le  dé- 
tenteur des  Chrétiens  contre  les  Turcs. 

Charles-Quint ,  après  un  rejçne  plus 
brillant  &  non  moins  tumultueux  j  abdi- 
qua la  même  Couronne;  Charles  étonna 
.davantage  ,  parce  qu'il  avoit  fait  éclater 
pendant  quarante  ans  l'ambition  la  plus 
vafie  9  parce  que  les  honneurs  ^  l'éclat  f 
les  viéteires ,  l'autorité  avoient  toujours 
paru  avoir  les  attraits  les  plus  touchans 
pour  ce  Prince  plein  de  génie  ,  d'adlivité 
&  d'ardeur.  Avec  autant  de  courage , 
>e  avoit  toujours  témoigné  plus  de 
tic ,  de  défintéreflement  &  d'éloî- 
.gnemerit  des  affaires. 

Au  refle  il  y  a  à  certains  égards  de  la 
fimilitude  dans  l'une  &  Tautre  abdica^* 
tîon;  Charles  &  Philippe  dtoient  tous  les 
deux  étrangers  à  TEfpagne  :  tous  deux 
épuifés  par  les  travaux  de  la  gUcfm 


380  Histoire 


les  foins  ,  les  inquiétudes  du  rOouverne- 
ment  &  par  une  vieillefTe  prématurée  9 
avoient  un  fils  adoré  des  Ëlp^gnols.  Ne 
voulurent-ils  pas  Tun  &  Tautre  récom- 
penfer  une  Nation  fidelle^  géncreufe, at- 
tachée, en  lui  donnant  pour  Roi  l'objet 
de  fon  amour  &  de  fes  déUces  f  L'éclat 

3a'un  facrifice  inoui  devoit  lui  donner 
ans  la  pofiéricé ,  peut  avoir  influé  éins 
la  réfolution  d^un  Prince  auili  paffiofr 
né  pour  la  gloire  que  Charles-  Qùint; 
au  lieu  que  Philippe  ne  fîit  guidé  dans 
la  Tienne  que  par  le  dégoût  des  gran- 
deurs humaines  :  mais  ce  qu'on  n^auroit 
S  eut  être  pas  attendu  de  deux  Princes 
'un  caraélere  fi  différent  ,  c'eft  que 
Charles  vécut  en  Moine  dans  fa  retraite, 
&  Philippe  en  Prince. 

La  ledure  de  Tade  touchant  par  le- 
quel Philippe  reeonçoit  à  la  fleur  de  fon 
âge  à  tant  de  Couronnes  ,   fit  fondre 
en  larmes  le  Prince  en  faveur  de  qui 
il  faifoit  un  tel  facrifice;  les  Grands, 
quoique  prévenus  contre  Philippe  qui 
les  avoir   humiliés ,  ne  purent  s  empê- 
cher d'adnyrer  Théroïfme  &  la  piété  de 
fa  réfolution  :  avant  que  de  partir  pour 
Smt  Jldefonfe ,  le  .Koi  duliibua  \g% 


d'Espagne.  381 

prîncîpflittx  emplois  de  la  Monarchie  à 
ceux  qu'il  en  crût  le  plus  dignes  i  &  pour 
fiippleér  à  Pinexpériénce  d'un  jeune  Roi  9 
il  lui  forma  un  Confeil  privé  compofé  du 
Alarquls  de  Mirabal ,  Préfident  du  Con- 
seil de  Caftille  j  de  l'Archevêque  de  To- 
kde  (4») ,  du  Grand  Inquifiteur  (^)  ,'4es 
Marquis  de  Leyde  >  de  V  alero  ^  du  Com- 
te de  Sari* Ifte van  del  Puerto ,  &  de  Dâ 
Michel -François  Guerra:  il  fè  réferva 
une  penflon  de  trois  millions  qui  y  après 
fa  mort ,  deyoit  pafler  fur  la  tête  de  la 
I^eine  ;  ea.-^iSgna  uoe  de  fept  cent  cin* 
quante  mille  livres  à  chacun  des  Infants  y 
éc  une  de  deux  cent  cinquante  mille  aux 
Infantes.  Après  tous  ces  arrangemens  9 
Philippe  partît  enfin  pour  la  retraite  , 
après  laquelle  il   avoit  tant  foupiré  9 
fuivi  de  la  Reine ,  de  la  Princefle  de  Ro- 
beque,  de  la  Marquifè  de  lasNielvas^ 
des  Marquis  de  Grimaldo  &;  de  Valoufe* 
Les  gens  fenfés  regardoïent  fon  ab'- 
dication  comme  nulle  3  attendu  qu'au- 
cun Roi  ne  peut  rompre  le  contrat  mu- 
tuel qui  eft  entre  fon  Peuple  &  lui  » 

(a)  Dom  Dîegue  d'Aftorgue  y  Cefpides. 

(b)  Dom  Juan  de  Camargo ,  Evêque  de  Pamr 
pelune« 


38o 


Hl  s  T  O I RE 


leâ  foins  ,  les  inquiétudes  du. Gouverné- 
ment  &  par  une  vieillefle  prétnaturée , 
avoient  un  fils  adoré  des  Êlpagnols.  Ne 
voulurent-ils  pas  l'un  &  TaTitre  récom- 
penfer  une  Nation  fidelle,  généreufe, at- 
tachée, en  lui  donnant  pour  Roi  l'objet 
de  fon  amour  &  de  fes  déUces  f  L'écUt 

Sa'un  facrifîce  inoui  devoit  lui  donner 
ans  la  pofiéricé ,  peut  avoir  influé  éans 
U  réfolution  d'un  Prince  auffi  pailîofr 
né  pour  la  gloire  que  Charles^- Quint; 
au  lieu  que  Philippe  ne  fîit  guidé  dans 
la  Tienne  que  par  le  dégoût  des  gran- 
deurs humaines  :  mais  ce  qu'on  n^auroit 
S  eut  être  pas  attendu  de  deux  Pnnces 
'un  caraélere  fi  différent  ,  c'eft  que 
Chsrles  vécut  en  Moine  dans  fa  retraite» 
&  Philippe  en  Prince. 

La  leéiure  de  Taéle  touchant  par  le- 
.quel  Philippe  reeonçoit  à  la  fleur  de  fon 
âge  à  tant  de  Couronnes  ,   fit  fondre 
en  larmes  le  Prince  en  faveur  de  qui 
il  faifoit  un  tel  facrifîce  ;  les  iGranos^ 
quoique  prévenus  contre  Philippe  qui 
les  avoir   humiliés ,  ne  purent  s  empê' 
cher  d'adnyrer  ThéroiTme  &  la  piété  de 
fa  réfolution  :  avant  que  de  partir  pour 
$mt  iUdefonfe  ,  le  .Koi  diftnbua  \s% 


d'Es:P  JLGNEf.  jSt 


principflSttX  emplois  de  la  Monarchie  à 
ceux  qu'il  eo  criitle  plus  dignes  i  &  pour 
fuppleér  à  l'inexpérience  d'un  jeune  Roi  y 
U  lui  jbrma  un  Confeil  privé  compofé  du> 
Marquis  de  Mirabal ,  Préiîdent  du  Con-, 
feil  de  Cailille  j  de  l'Archevêque  de  Tq* 
kdé  (4) ,  du  Grand  Inquifiteur  (^)  ,-des 
Marquis  de  iieyde ,  de  V  alero ,  du  Com-^ 
te  de  Sari-làevan  del  Puerto ,  &  de  Dé 
Michel  -  François  Guerra  :  il  fe  réferva 
une  penflon  de  trois  millions  qui ,  après 
fa  mort  »  deyoit  pafler  fur  la  tête  de  la 
I^eîne;.ef^:9i5gnauôe  de.fept  cent  cin*« 
quante  mille  livres  à  chacun  4e$  Infants  >« 
&  une  de  deux  cent  cinquante  mille  aux 
Infantes.  Après  tous  ces  arrangemens  » 
Philippe  panit  enfin  pour  la  retraite  ^ 
après  laquelle  il  avoit  tant  foupiré  9 
fuivi  de  la  Reine ,  de'  la  Princefle  de  Ro- 
beque  »  de  la  Marquife  dt  las  Nielvas  , 
des  Marquis  de  Grimaldp  âç'de  Valoufe* 
Les  gens  fenfés  regardbÎN^nt  fon  ab- 
dication comme  nulle  1  attendu  qu'au- 
cun Roi  ne  peut  rompre  le  contrat  mu- 
tuel qui  eft  entre  fon  Peuple  &  lui  , 

(a)  Dom  Dîegue  d'Aftorgue  y  Cefpides. 

(b)  Dom  Juan  de  Camargo ,  Evêque  de  Pamr 
pelune* 


^82  Histoire 


qu'en  vertu  du  cônfentement  du  Peu-i 
pie  :  or  j  les  las  Cartes  qui  en  Ef^agne  re- 
préfentent  le  Peuple  ,  n'avoienc  ëté  ni 
convoquées,  ni  aiTemblées,  niconfultëes} 
elles  n'avoient  pas  enfin  reçu  la  renoncia- 
tion que  leur  cônfentement  feul  pfouvoit 
légitimer  ;  cependant  le  nouveau  Roi  fut 
proclamé  à  Madrid  &  dans  toutes  les 
Villes  de  la  Monarchie  avec  des  tranf- 
ports  de  joye  éclatans  ;  les  Efpagnols  ja- 
loux de  l'amitié  de  leur  maître  »  ne  pou* 
voient  s'empêcher  d'applaudir  à  un  Roi 
dont  ils  ne^artageoient  le  cœur  avec  au* 
cune  autre  Nation. 


*m 


t     ■  ■  ■  .  —— — — i— — — ^Wi— M— 

d'Espagne.      "     585 


LOUIS  !•  furnommé  le  Sien^aimé. 

LOUIS  fignala  les  premiers  jours  j  ^24 
de  fon  règne  en  comblant  de  grâces 
&  de  bienfaits  tous  ceux  qui  l'appro- 
choient  ;  mais  la  générofité  de  ce  jeune 
Prince  fut  telle  aue  le  Confeil  fe  vit  ré- 
duit à  en  modérer  l'excès.  Le  tréfor 
Royal  étoi  endetté  de  quinze  millions , 
parce  que  depuis  la  paix  d'Utrecht  olti 
n'avoit  ceffé  d'entretenir  cent  mille  hom- 
mes &  une  flotte  ,à^  quarante  vaiflèaux  ; 
les  Marquis'de  Mirabal  &  de  Leyde  ofe^ 
rent  alors  propofer  de  retrancher  la  moi- 
tié de  la  penfion  de  Pex-Roi ,  &  fur-tout 
de  fecouer  le  joug  de  fa  dépendance  ; 
Louis  pleifi  de  reconnôiifance  &  de  ten-? 
drefle ,  i?ejwtft  ayec  indignation  un  con- 
feil dont  il'fei¥:<»t  toute Tingratitude  j  il 
«ima  nmitiféélvàît  fa  dépenfe  particu- 
lière y  &  lireiferra.  de  lui-même  les  nœuds; 
qui  le  tenotént  attachés  à  S.  Udefonfè  ^ 
en  ne  feifant  rien  d'important  fans  con- 
fulter  un  père  qu'il  regardoit  comme  fon  ' 
oracle;  Philippe > de  la  retraite  ^  çon^up 
ibit ,  à  l'aide  de  là  Reine  &  du  IVlarqivij 
jdb  Grimaldo ,  la  Monarçhiç  dont  le  Oçûs 


Histoire 


HMH* 


vernement  ne  changea  point  de  face. 

L'avènement  de  Louis  fut  célébré  i 
l'exemple  de  ceux  de  fes  prédéceffeurs  i 
par  un  Auto  dàfè,  regardé  en  Efpagne 
par  la  pompe ,  Tappareil  &  les  cérémo- 
nies qui  l'accompagnent ,  comme  une  fê- 
te, comme  un  facrifice  fait  à  la.Divinité| 
tandis  que  toute  l'Europe  n'y  voit  que 
le  fupplice  aflfreux  de  quelques  malheu- 
reux, cinq  viâimes  périrent  dans  les  flam- 
mes î  fpeftacle  pea  digne  d'un  Roi  & 
d'une  Nation  fi  relpeélables. 

Cependant  le  Roi  marchant  fur  les 
traces  de  Philippe  qui  n'avoit  ceffé  de 
prodiguer  Içs  grâces  aux  Militaires  j 
ordonna  par  un  décret  que  les  -Capi- 
taines Généraux  &  les  Lieutenans  Gé- 
néraux auroient  à  la  Cour  les  mêmes 
entrées  que  les  Grands  ;  on  vouloit  fai- 
re renaître  en  Efpagne  les  vertus  guer- 
fieres ,  &  tourner  la  Noblêfle  oifîve  du 
côté  de  la  guerre  ;  c'efl  dans  ces  vues 
que  Philippe  V.  avoir  toujours  préféré 
pour  les  vice  -  Royautés  &  les  Gou- 
v.ernemens  généraux  les  Militaires  aux 
Grands  &  aux  courtifans  qui  n'avoient 
de  inérite  qu'un  grand-  nom  &  de  gran* 
4es  richefles  |  les  Officiers  '  fubaltdmes 

Itrouyerent 


d'Espagne,  ^Sf 

trouvèrent  aufli  dans  le  nouveau  Roi, 
comme  dans  Ton  père ,  le  bienfaiteur  le 
plus  généreux. 

Le  Cardinal  de  Belluga ,  cet  Evêque 
de  Murcie  qui  avoit  combattu  avec  tant 
de  courage  pour  la  querelle  de  Philippe 
V.  procéda  cette  année  en  vertu  d'une 
Bulle  du  Pape ,  &  du  confentement  du 
Roi  à  la  réforme  du  Clergé  d'Efpagne 
devenu  méconnoiflfabk  par  la  licence  des 
guerres  civiles  ;  Innocent 'XII  F,  de  qui 
le  zélé  Belluga  avoit  obtenu  la  Bulle  ^ 
n'étoit  plus.  Le  Cardinal  des  Urdns ,  le 
plus  vertueux  Prélat  de  la  République 
Chrétienne ,  lui  avoit  fuccédé  fous  le 
nom  de  Benoît  XIIL 

Onreçut  enfin  de  Vienne  les  lettres  d'in- 
veftiture  de  Florence  &  de  Parme  avec 
les  claufes  les  plus  étendues  &  les  plus 
favorables  ;  elles  s'étendoient  non-feule- 
ment à  Dom  Carlos ,  mais  à  tous  fes  fre-* 
tes  du  mêm^  lit ,  &  à  leur  poftérité  maf- 
culine  ;  cependant  on  n*o{a  envoyer  D. 
Carlos  en  Italie  avec  les  fix.  mille  Suif- 
fes  (  ^  )  dont  l'Empereur  avoit  permit 
qu'il  fût  accompagné  ;  on  n'olâ  rn^me 

(d)  On  n'avoît  jamais  voul^ 
Carlos  fût  accompagné  d'un  I 
Tom£  r. 


388  Histoire 

rent  à  touç  les  politiques  que  la  Fi 
&  rEfpagne  étoient  à  la  veille  d'une 
tare  ;  la  Reine  régnante  jeune  &  pi 
de  feu  avoit  foulé  aux  pieds  les  loiife 
res  de  l'étiquette  qui  condamnent  bl 
Souveraines  d'Efpagne  à  une  retraiteaot 
tere  &  à  des  ufages  très-gênans  ;  leKoi 
donna  ordre  qu'on  renfermât  cette  FA* 
ceiTe  dans  Ton  appartement  oh  elle  Bl 
pouvoit  voir  que  la  Comteflè  d'Akanûn 
Ta  Camarera-Mayor  &  quelques  auuts 
Dames  très-graves  :  la  publicité  de  cette 
efpece  de  châtiment  fit  ejSèt  fur  Yégà 
de  la  jeune  Reine  qui  enfin  fe  fournit  ans 
ufages  de  la  Nation  chez  qui  elle  rcgnà^ 
Le  Roi  qui  l'aimoit  avec  tendreflè»  lehâa 
de  lui  faire  perdre  le  fouvenir  de  cette 
mortification  par  fes  careiTes  lie  par  fes 
complaifances  ;  mais  il  chaffa  du^^hh 
une  Dame  d'honneur  &  plufîeurs  (îame- 
riftes,  dont  les  confeils  avoient  porté  la 
jeune  Reine  à  méprifer  l'Etiquette. 

Le  Roi  ne  furvécut  pas  long-tems  à 
cet  événement  dont  on  parla  beaucoup 
en  Europe ,  il  mourut  le  trente-un  Août 
entre  les  bras  de  la  Reine ,  d'une  petite 
vérole  maligne  ;  il  n'avoit  que  dix-fept 
ans  &c  fix  jours;  il  n'y  avoit  pas  huitmoil 


d'Espagne.  387 

tendue  comme  inconteftable ,  fut  delà* 
voué  de  fon  maître ,  &  rappelle  à  la  fol^ 
licitation  des  Rois  de  France  &  d'An- 
^leterre. 

Sur  ces  entrefaîtes  ,  le  Maréchal  de 
Teffé  arriva  à  Madrid  chargé  de  la  né- 
gociation la  plus  délicate  ;  il  s'agiflbit 
de  faire  confentir  la  Cour  à  rappeller  de 
VerfaîUes  l'Infente  traitée  en  France 
comme  Reine  depuis  trois  ans  ;  mais  le 
Maréchal  échoua  ,  le  Roi  Philippe  &  fon 
^poufe  ne  pouvoieot  feulement  foutenir 

.  l'idée  de  voir  le.  thrône  de  France  occu- 
pé par  une  autre  Frinceife  que  par  leur 
fille. 

Il  eft  confiant  encore  une  fois  que  le 
Duc  de  Bourbon ,  auteur  du  confeil  de 
renvoyer  Tln&nte ,  ne  £iifoit  que  céder 
âux  vœux  de  b.  France  &  de  toute  TEu- 
rope ,  dont  Fintérêt  étoit  de  voir  un  fils 
à  Louis  XV*  Ce  Prince  n'en  pouvoic  eC- 
pérer  de  huit  ans  de  PInfante  qui  pour 
ïors  n'en  avoit  que  fix  :  à  quels  orages  la 

[République  Chrétienne  ne  devoit-elle 

Sas  s'attendre ,  fi  la  mort  eût  enlevé  le 
Lûi  de  France  avant  qu'il  eût  un  fils  ? 
,      Cette  négociation  dont  le  fecret  traD& 
j>îra,  &  un  incident  Cngulier  perfuade-. 


388  Histoire 

rent  à  touç  les  politiques  que  la  France 
&  TËfpagne  étoient  à  la  veille  d'une  rup* 
tare  ;  la  Reine  régnante  jeune  &  pleine 
de  feu  avoit  foulé  aux  pieds  les  loix  ièvé- 
tes  de  l'étiquette  qui  condamnent  les 
Souveraines  d'Efpagne  à  une  retraite  aof- 
tere  &  à  des  ufages  très-gênans  ;  le  Roi 
donna  ordre  qu'on  renfermât  cette  Prilh 
ceiTe  dans  Ton  appartement  oh  elle  oc 
pouvok  voir  que  la  Comtefle  d'Akamin 
Ta  Camarera-Mayor  &  quelques  autres 
Dames  très-graves  :  la  publicité  de  cette 
efpece  de  châtiment  fit  efièt  fur  refpiit 
de  la  jeune  Reine  qui. enfin  fe  (bumit  am 
ufages  de  la  Nation  chez  qui  elle  refipou 
Le  Roi  qui  l'aimoit  avec  tendreflè^  lehâta 
de  lui  faire  perdre  le  fouvenir  de  cette 
mortification  par  fes  carefies  Ôc  par  fes 
complaifaBces  ;  mais  il  chài&  du  palah 
une  Dame  d'honneur  &  plufieurs  Canx^ 
rides ,  dont  les  confeils  avoient  porté  b 
jeune  Reine  à  méprifer  l'Etiquette. 

Le  Roi  ne  furvécut  pas  long-tems  à 
cet  événement  dont  on  parla  beaucoup 
en  Europe ,  il  mourut  le  trente-un  Août 
entre  les  bras  de  la  Reine  9  d'une  petite 
vérole  maligne  ;  il  n'avoit  que  dix-fept 
ans  &c  Cm  jours  i  il  n'y  avoir  pas  huit  moii 


D*Es  P  A  GN  Erf  585;^ 

qu'il  portoit  une  couronne  dont  il  étoit  fi 
digne  r^m^is  PEfpagne  ne  fut  plusfen- 
fible  à  la  mort  d'aucun  de  fes  Rois  ;  elle 
croyoît  voir  en  lui  fon  Titus.  Louis  L 
avoit  en  eâPet- ta*  beauté  du  corps  &  de 
l'ame ,  le  génie  ,  la  douceur ,  la  libéra- 
lité ,  la  clémence  &  les  vertus  de  cet 
Empereur  Romain.  Il  regrettoit  comme 
lui  un  jour  écoulé  fans  avoir  fait  des  heu- 
reux :  avant  que  d'expirer  ^  il  fit  un  aâe 
de  rétroceflioD  de  la  Couronne  en  faveur 
de  fon  père  à  qui  il  ne  recommanda  que 
la  Reine  fon  époufe ,  qui  avoit  eu  le  cou- 
rage de  ne  pas  l'abandonner  un  inflanc 
pendant  fa  maladie ,  &  qui  alors  confu-* 
Diée  du  même  poifon  ^  étoit  mourante 


R  il  j 


3jpO  HlSTOIJlE 

Interrègne  de  fept  jours. 

PHILIPPE  fut  tout  ce  tems  fans 
vouloir  remonter  iur  k  thrône  ;  il 
oppofoit  fon  vœu  aux  fuppliques  &  aux 
inuances  des  confcils  ^  aux  déflrs  de  la 
Nation  &  aux  prières  du  Maréchal  de 
Tefifé  qui  le  conjura  en  vain  au  nom  du 
Roi  de  France  (on  neveu  »  de  fe  rendre 
aux  befoins  de  fes  Sujets  &  à  ceux  de  Tes 
enfans  qui ,  pendant  la  longue  minorité 
de  Ferdinand ,  pourroîent  perdre  Théri- 
tage  des  Médicis  &  des  Farnefès.  L'élo- 
quence du  Nonce  du  Pape  fut  aufli  inu- 
tile que  celle  de  Teffé  auprès  d'un  Prin- 
ce véritablement  détrompé  de  Téclat  & 
de  la  grandeur  :  les  larmes  ,  la  douleur 
&  les  raifons  de  la  Reine  ne  firent  pa$ 
plus  d'effet  ;  enfin  la  décilion  d'une  aP- 
lemblée  de  Théologiens  qui  déclara  que 
le  vœu  étoit  nul  de  toute  nullité ,  &  que 
le  Roî  donnoit  atteinte  à  la  juftice  en  s'o- 
piniâtrant  à  l'obferver  ;  les  menaces  du 
refus  de  l'abfolution  que  lui  faifoit  fon 
Confefleur ,  forcèrent  Philippe  de  facri- 
fier  fon  goût  pour  la  retraite  3  il  déclara 


V^K  SP  A  tf  I^  E^  5pl 

^  ■  I    -■  ■  - ■  ■ 

par  un  décret  du  fix  Septembre  qulï 
confentoit  à  remonter  fur  le  thrône  com- 
me Roi  &  Seigneur  naturel ,  à  condition 
de  le  remettre  à  fon  fik  aîné,  quand  il  lui* 
auroît  trouvé  Page  &  rexpérienec  n^- 
cefiaires  ,  «i  moins ,  ajoutoit:il,  (jhc  cjnel'^ 
que  raifon  importante  ne  mien  empêche^  Eli 
même  -  tems  il  convoqua  les  Us^  Corte$ 
pour  faire  reconnoître  Tlnfant  Ferdir- 
nançt  en  qualité  de  Prince  de^s  Afturies. 
Les  las  Cortes  n'avoient  point  été  con- 
voquées fous  le  dernier  règne  contre  Tu- 
fage  obfervé  depiiîs  la  fondation  de  la 
Monarchie ,  de  les  aifembler  à  chaque 
avènement ,  pour  rendre  hommage  au 
nouveau  Roi.  On  s'étoit  contenté  ,  afin 
d'épargner  les  frais  immenfes  qu^entraî- 
n^nt  ces  fortes  d'affemblées  ,  d'exïgef 
des  Villes  qui  ont  droit  d^  députer  un 
sde  par  lequel  elles  reconnoinoient  le 
Ivoi ,  &  lui  prétoient  ferment  de  fidélitCr 


'^sK'uSf^ 


*^\r 


1  • 


5P2  Histoire 


1* 


PHILIPPE    V. 

LE  premier  foin  du  Roi  y  apFès  avoir > 
fuivant  l'ufage ,  palTé  quarante  joun 
dans  la  retraite ,  fut  de  fe  rendre  à  l'Ef- 
curial  où  tous  les  Grands  vinrent  lui  bai- 
fer  la  main.  Il  difgracia  le  Marquis'  de 
Mirabal  qui  avoit  donné  au  feu  Roî  le 
confeil  de  diminuer  la'  penfion  qu'il  s^ 
toit  réfçrvée  dans  fa  retraite^  &  de  fecooer 
le  joug  de  la  Cour  de  S.  Ildefonfe  ;  l'E- 
vêque  de  Siguença  remplaça  Mirabal 
dans  la  Préfidence  du  Confeil  de  CaflU- 
k  ;  le  Marquis  de  Leyde ,  Préfident  du 
Confeil  de  guerre ,  &  le  plus  grand  Ca- 
pitaine d^Efpagne  qui  ayoit  appuyé  le 
fentiment  de  Mirabal,  ne  fut  pas  traité  fi 
durement;  le  Roi  fe  contenta  de  lui  dire, 
Aïarqîtis  de  Leyde  j  je  n  aurais  jamais  cr» 
cela  de  vous.'^  mais  ce  reproche  percale 
cœur  du  Marquis  qui  fe  rappellant  alors 
la  confiance  &  les  bienfaits  de  Philippe, 
défefpére  de  lui  avoir  manqué  j  tomba 
malade ,  &  mourut  de  douleur. 

Le  Roi  exila  en  même-tems  pla- 
ceurs jeunes  Seigneurs  qui  avoient  fait 
ciaîtrc  au  feu  Roi  le  goût  des  exercl- 


I 


D- Espagne.         *  35)3 

ces  violens  auxquels  il  fe  livra  trop  ,  & 
j[u'on  regarda  comme  la  caufe  de  fa  mort» 
tl  n'épargna  pas  plus  ceux  qui  avoient  eu 
la  complaifance  de  l'accompagner ,  loif- 
qu'ii  fortoit  la  nuit  fans  fuite  &:  à  pied 
pour  (è  promener  dans  les  rues  de  Ma- 
drid f  &  pour  fatiaiiire  une  vaine  curio- 
fité. 

Cependant  les  las  Certes  aflemblées^ 
dans  FEglife  des  Hiéronimites  5  procla- 
mèrent le  vingt-cinq  Novembre  Tlnfant 
Ferdinand ,  Pnnce  des  Afluries. 

La  Gour  fouffroit  avec  impatience  lai72j*, 
lenteur  &:  l'indécifion  du  congrès  de 
Cambrai ,  l-étabtifTement  de  Dom  Car- 
Ibs  lui  paroiiToic  fort  incertain ,  &:  la  paix 
orès-éloignée  ;  mais  l'arbitre  des  Royau- 
mes en  avoit  deftiné  un  en  Italie  au  Prince 
£fpagnol-9  de  fixé  à  Tannée  que  nous  par- 
couions  la  fin  d'une  querelle  qui  depuis 
^y  ansagitoit  la  République  Chrétienne  ; 
îl-fe  (èrvit  pour  réconcilier  le  Roi  &  TEmi* 
pereur.  de  rinftrumwt  qu'on  auroit  cru  le 
moins-propre  à  une  fi  grande  afiàire. 

Il  y  avoir  alors  à  Madrid  un  Hollan- 
dais iconnu  fous  le  nom  de  Baron  de  Rip-^ 
Enrda  ;  cet^omme  avoit  d'abord  paru  i' 
iCour  ^Efpagnes^rès  le  t faite  d'U*- 

R  v 


^P4.  HtSTOIKB 

trecht,  en  qualité  d'Envoyé  d'Hollande r 
fa  commîflion  remplie ,  il  retourna  dans, 
fa  Patrie  d'où  après  avoir  mis  ordre  à  fes 
aifàires ,  il  revint  en  Efpagnq  dans  Tef- 

{)érance  d'y  faire  une  grande  fortune  j 
'exemple,*  d'Alberoni  ,  de  Law  &  de- 
plufieurs  autres  parvoiius  dans  des.  Pays 
étrangers  au  comble  de  ^élévation ,  ani- 
moitRiperda  :  la  Cour  dont  les  vues: 
commençoient  à  embrafler  le  commerce fi 
employa  en  effet  cet  Etranger  pour  éta- 
blir des  manufaélures  de  drap  ;  elle  lui 
donna  avec  de  gros  appointemens  l'em- 
ploi de  Direéleur  Général  de  ces.nou-^ 
veaux  EtabliiTemens  ;  Rippcrda  abjurai 
alors  la  Religion  réformée ,  fe  fit  natura- 
lifer  Efpagnol ,  &c  fe  maria  dans  fa  nou- 
velle PatriCé  Cet  homme  hardi  ,  intri^i^ 
gant  fens  génie ,  &  qui  n'avoit  d'au- 
tres connoiuances  que  celles  du  commer- 
ce, pénétra  bientôt  le  dégoût  de  la  Copp* 
fur  la  médiation  de  la  France  Se  de  l'An- 
gleterre qui  ne  paroiiToient  pas  aifez  a^ 
dentés  pour  lés  intérêts  de  rE^agne;il< 
oâritauRoi  d'amener  l'Empereur  à  un: 
traité  particulier  par  le  canal  du  Prince . 
Eugène  dont  il  étoit  connu  depuis  lônç- 
iem&  Philippe,  reçut  avec  avldué.  lés  oS^ 


d'Es  P  ÀGN  £. 


39f 


de  rAventurier ,  qui  déguifé  &  ca^ 
dans  un  des  Fauxbourgà  de  Vienne 
en  eflFet  le  bonheur  de  conclure  feul. 
paix,  à  la  conclufipn  de  laquelle* 
ient  échoué  depuis  treize  ans  les  meil-*-, 
es  têtes  de  l'Europe. 
>e  traité  figné  le  trente  Avril  ne  con* 
>it  rien  de  contraire  à  celui  de  Lon-ï 
i  ;  Philippe  renonçoit  aux  Royaumes 
Naples  &  de  Sicile ,  aux  Pays-£as> 
lU  Milanez ,  &  l'Empereur  à  l'Efpa- 
&  aux  Jndes  ;  tous  les  deux  fe  garan-^ 
ient  mutuellement  Pordre  de  iuccef-i 
établi  dans  leur  Maifon ,  fçavoir  l%i 
le%las  Cortes  de  mil  fept  cent  treize  ^i 
exclut  du  thrône  d'Efpagne  les  filles 
rendues  de  Philippe,  tant  qu'il  y  aura: 
mâles  iiTus  de  lui ,  &  la  fameufe  Prag-^; 
ique-Sanâion  de  Charles  VI.  par  la^^ 
Uc  il  appelle  à  la  fucceflion  indivifif; 
le  fbs  vaftes  Etats  fes  filles ,  &  à  leur» 
L«t  celles  de  l'Empereur  Jofepfa ,  &} 
ti  celles  de  l'Empereur  Léopold. 
li*Empereur  &  le  Roi  con  fer  voient = 
u^  lejLir  mort  les  titres  qu'ils  avaient: 
,  mais  leurs  fucce0eurs  ne  devoienti 
:er  que  ceux  des  Etats  dont.ils^leil 
dt  fédfembntjeo  poffiiffioojidbes^dBài» 

Rvj 


^P4  HtSTOIKB 


trecht ,  en  qualité  d'Envoyé  d'Hollande: 
fa  commîflion  remplie ,  il  retourna  dans 
fa  Patrie  d'où  après  avoir  mis  ordre  à  fes 
aiFaires ,  il  revint  en  Efpagne  dans  l'ef- 

{)érance  d'y  faire  une  grande  fortune; 
'exemple.»  d'Alberoni  ,  de  Law  &  de 
plufieurs  autres  parvQlius  dans  des  Pays 
étrangers  au  comble  de  l'élévation ,  ani- 
moit  Riperda  :  la  Cour  dont  les  vues- 
commençoientà  embralTer  le  commerce 9. 
employa  en  effet  cet  Etranger  pour  éta- 
blir des  manufaélures  de  drap  ;  elle  lui 
donna  avec  de  gros  appointemens  l'em- 
ploi de  Direéleur  Général  de  ces  nou- 
veaux EtabliiTemens  ;  Rippcrda  abjura, 
alors  la  Religion  réformée ,  fe  fit  natura- 
lifer  Efpagnol ,  &c  fe  maria  dans  fa  nou-- 
velle  Patrie.  Cet  homme  hardi  ,  intri^ 
gant  &ns  génie ,  &  qui  n'avcùt  d'au- 
tres connoifiances  que  celles  du  commer- 
ce,  pénétra  bientôt  le  dégoût  de  la  Cofir- 
fur  la  médiation  de  la  France  &  dé  TAn* 
gleterre  qui  ne  paroiifoient  pas  aflèz  s^r* 
dentespour  lès  intérêts  de  VEl^j^^gpei  il^ 
oâritauRoi  d'amener  Pfjnpereurà  uns 
traité  particulier  par  le  canal  du  Prince'^ 
Eugène  dont  il  étoit  connu  diepuis  lônç 
lems^.Fhilippe.  reçut  avec  avidité.  Ic3ufl£ 


ri**a^ 


D'  E  S  P  À  G  N  £.  jpjf^ 


Ir  fres  de  rAventurier ,  qui  déguifé  &  ca- 
u  ché  dans  un  des  Fauxbourgs  de  Vienne 
eut  en  effet  le  bonheur  de  conclure  feul- 
une  paix,  à  la  conclufipn  de  laquelle, 
aboient  échoué  depuis  treize  ans  les  meil< 
léures  têtes  de  l'Europe. 
■  Ce  traité  figné  le  trente  Avril  ne  con* 
tenoit  rien  de  contraire  à  celui  de  Lon-' 
dres  ;  Philippe  renonçoit  aux  Royaumer 
de  Naples  &  de  Sicile,  aux  Pays^£as> 
&xau  Milanez ,  &  l'Empereur  à  l'Efpa-* 
gne  &  aux  Jndes  ;  tous  les  deux  le  garan-' 
nfibient  mutuellement  Tordre  de  iuccef-i 
iion  établi  dans  leur  Maifon ,  fçavoir  ia^ 
loi  des  las  Cortés  de  mil  fept  cent  treize ,; 

3ui  exclut  du  thrône  d^Efpagne  les  filles 
efcendues  de  Philippe,  tant  qu'il  y  aura*. 
des  mâles  iiTus  delui,&  lafameufe  Prag-^ 
roatique-Sanâion  de  Charles  VI.  par  la^: 
quelle  il  appelle  à  la  fucceffion  indivifif^ 
ble'de  (es  vaftes  Etats  fes  filles ,  &  si  leur; 
dé&ut  celles  de  l'Empereur  Jofepfa ,  &: 
enfin  celles  de  l'Empereur  Léopold. 

L'Empereur  &  le  Roi  con  fer  voient- 
Jiifqu^  leur  mort  les  titres  qu'ils  avaient; 
pris ,  mais  leurs  fucce0eurs  ne  dévoient: 
porter  que  ceux  des  Etats  dont.ilsvieil 
xKÛsnt  féeUembn^eo  poffiiffioojiles'djBàio 

Rvi 


5  c;6  Histoire 

Princes  confentoient  à  une  amnîftie  gé- 
nérale &  refpedive  pourleurs  Sujets  qui 
dès  lors  furent  rétablis  dans  la  poflbflion 
des  biens  que  les  uns  avoient  perdus  par 
amitié  pour  Philippe ,  &  les  autres  par 
attachement  pour  Charles;  TEmpereuP 

Eromettoit  un  décret  d'expeftative  pour 
L  fucceflîon  aux  Duchés  de  Tofcane  & 
de  Parme ,  &  l'inveftiture  dans  la  forme- 

Su'exîgeoit  Philippe;  mais  Philippe  aban^ 
onnôit  la  proteftioa  des-  Princes  d*Ita* 
lie  déthrônés  ;  il  donnoit  un  niilliôn-d'é- 
cus  ,  &  s'engag^oit  à  défendre  de  toutes-- 
fbs  forces  la  Compagnie  de  comnierce 
que  ^Empereur  avoit  établie  à  Oft^nde*. 
Tels  furent  les  principaux  articles  de* 
ce  fameux  traité  qui  mit  fin  à  une  guerre- 
qui  ébranloit  la  République  Chréuenne* 
depuis  tant  d'années  ;  Philippe  eut  enfin* 
k  iatisfaâion  d'être  reconnu  Roid'Efpa- 
gne  par  un  rival  qui  plus  d'une  fois  avoir 
été  prêt  à  le  renverfer  du  thrône  :  mais: 
c'eft  prefque  le  feul  avantage  qu'il  re* 
tira  d  un  traité  dont  l'Empereur-  paroît 
avoir  didlé  les  conditions.  Toute  i  Eu- 
xope  aflemblée  dépuis  plufieur»  années; 
it  Cambrai  pour  cette  grande  afiàire? 
«fétoit  encore  convenue  de  rie».j  lufe- 


D*^E  s  r  r 

^  cnfuke  dt  i:  . 
rivù-il  deux  foi^  ô1u.-l  w.tii;  u.uî 
>ei:on  vint  pounsntàboutcci^- 
fUlippc  à  une  négociation,  nuit 

il  exîgeoit  pour  cnlUnùru'iTc  U 
;:  du  Duc  de  Bourbon  ,  ilon  ait~ 
ûnUlre ,  la  négociamn  Uhotti  « 
iDce  fe  ligua  avec  l'AnKlctentfit 
cpar  un  traité  (igné  i  Hanovre  j, 
;jnles  intérêts  ctoient  doncç 

I  te  f\(lême  d'une  aUiaoer  A 
■*  France  &c.  t'Ëfpagu,  ~ 

<:«,  auquel  étoim    '^ 
-lis  for  la  fin  def<  , 

tt  en  France  ,  w 
Hliftcre  Erp' 


5p8  Histoire 

rupture  occafionnée  par  le  renvoi  de 
rinfante  f 

Le  reflentiment  du  Roi  fut  tel  à  cet- 
te nouvelle  qu'il  fit  fortir  de  fes  Etats 
FAbbé  de  Livri  ,  Miniftre  de  Fran- 
ce» &  tous  les  Confuls  François;  Mar 
demoifelle  de  Beaujolois  deflinée  à  Don 
Carlos  y  &  la  Keine ,  veuve  de  Louis  L 
qui  depuis  la  mort  de  fon  époux  ne  pou- 
vant foutenir  la  vue  dû  Palais  &  le  iejour 
de  TEfpagne  »  avoit  obtenu  de  retouiner 
dans  fa  Patrie ,  furent  renvoyées  ;  la  Cour 
fit  entendre  à  cette  dernière  qu'elle  oe 
devoit  plus  compter  fur  la  penuon  de  Sx 
cent  mille  livres  qui  lui  avoit  été  aifi* 
ghée  ;  Philippe  oraonna  à  fes  Miniflres 
de  n'avoir  aucune  communication  data 
les  Cours  étrangères ,  avec  ceux  deFran- 
ce ,  &  en  même-tems  figna  (/i)  un  traité 
de  ligue  ofiènfive  &  défenfive  avec  la 
Cour  de  Vienne  dans  lequel  la  Ruffie  cfr 
tra  ;  enfin  ,  ce  ne  fut  que  l'impuiffancc 
qui  empêcha  le  Roi  de  poner  fa  ven- 
geance a  de  plus  grandes  extrémités.  En 
vain  le  Roi  de  France  qui  venoit  d'é* 
poufer  là  Princefle  Marie  Leczinski  , 

(à)  Ce  traité  fut  précédé  d'un  traité  de  com- 
«icrçe  avec  la  Cour  de  Vienne*.   . 


d'E  s  F  a  g  N  Ei  5P5' 

Slle  de  Staniflas,  Roide Pologne  dë- 
^né^  enfuite  de  la  chute  de  Charles; 
!.  écrivit- il  deux  fois  à  fon  oncle  pour 
aimer  :  on  vint  pourtant  à  tout  aen- 
er  Philippe  à  une  négociation ,  mais; 
une  il  exîgeoit  pour  préliminaire  la« 
race  du  Duc  de  Bou  Aon ,  alçrs  pre- 
r  Miniftre ,  la  négociation  échoua  y. 
iTraneefe  ligua  avec  l'Angleterre  &. 
rufle  par  un  traité  fîgné  à  Hanovre  ;. 
'^ritables  intérêts  étoient  donc  con- 
luSk  Le  fyftême  d'une  alliance  étroite, 
e  la  France  &  l'Efpagne,  fj^ftême 
t  fage ,  auquel  étoit  revenu  le  Duo 
rléans  ^u^la  fin  de  fa  vie  y  n'étoit  pas. 
Qnnu  en  France ,  mais  la  paillon  éga- 
le Miniftere  Ëfpagnol  ;  enfin  la  rai-v 
,  l!intérêt  des  Peuples  diflîperent  ceè: 
^9  8c  on  retourna  de  part  &  d'aun 
aux  juftes  fentimens  qu'exigent  les; 
I  du  rang. 

lependànt  il  s'élevoit  dans  Tintérieur  v 
loyaume  ^  &  fur-tout  dans  les  Pro-    \ 
es  d- Arragon  &  de  Valence  des  fédU 
i  dangereufes  ;  les  Arragonois  &  les  ; 

f. Cette  digne  Reine  occupe  encore  aujour- 
le  thr6oe  oà  la  Providence  Ta  appellée  ». 
Ait  Tornement  f^rla  piété  9  fes  vertus  Sc^ 
iniérefi*. 


5p8  Histoire 

^     — P— ■— — yi—  I        I  ■■!■  111.  — — — -■ 

rupture  occafionnée  par  le  renvoi  de 
rinfante  f 

Le  reflentiment  du  Roi  fut  tel  à  cet- 
te nouvelle  qu'il  fit  fortir  de  fes  Etats 
FAbbé  de  Dvri  ,  Miniftrc  de  Fran- 
ce, &  tous  les  Confuls  François;  Aïa- 
demoifelle  de  Beaujolois  deflinée  à  Dom^ 
Carlos ,  &  la  Reine ,  veuve  de  Louis  L 
qui  depuis  la  mort  de  fon  époux  ne  pou* 
vant  foutenir  la  vue  dû  Palais  &  le  féjour 
de  TEfpagne ,  avoit  obtenu  de  retourner 
dans  fa  Patrie ,  furent  renvoyées  ;  la  Cour 
fit  entendre  à  cette  dernière  qu'elle  oe 
Revoit  plus  compter  fur  la  penuon  de  fii 
cent  mille  livres  qui  lui  avoit  été  afli' 

friée  ;  Philippe  ordonna  à  fes  Mîniftres 
t  n'avoir  aucune  communication  daitf 
les  Cours  étrangères ,  avec  ceux  deFran- 
ce ,  &  en  même-tems  figna  {d)  un  traite 
de  ligue  ofiènfive  &  défenfive  avec  la 
Cour  de  Vienne  dans  lequel  la  Ruflievn- 
tra  ;  enfin  ,  ce  ne  fut  que  PimpuiiSince 
qui  empêcha  le  Roi  de  poner  (a  ven- 
geance a  de  plus  grandes  extrémités.  En 
vain  le  Roi  de  France  qui  venoit  d'é- 
poufer  là  Princefle  Marie  Leczinski  , 

(fl)  Ce  traité  fut  précédé  d*un  traité  de  coin- 
ai^rçe  avec  la  Cour  de  Vienne*,   ,    , 


D*'E  s  P  A  G  N  E.  5P5' 

{h)  fille  de  Staniflas ,  Roi  de  Pologne  dé-- 
thrôné,  enfuite  de  la  chute  de  Charles; 
Xn.  écrivit-il  deux  fois  à  fon  oncle  pour 
le  calmer  :  on  vint  pourtant  à  bout  d*en-; 
gager  Philippe  à  une  négociation  ,  mais; 
comme  il  exigeoit  pour  préliminaire  la» 
difgrace  du  Duc  de  Bou  Aon ,  alors  pre- 
mier Miniftre  >  la  négociation  échoua  ,. 
&  laTranee  fe  ligua  avec  l'Angleterre  &. 
la  Prufle  par  un  traité  figné  à  Hanovre  ;. 
les  véritables  intérêts  étoient  donc  con^ 
fondus.  Le  fyftême  d'une  alliance  étroite, 
entre  la  France  &  l'Efpagne,  ^ftême 
vrai  9  fage ,  auquel  étoit  revenu  le  Duo 
d'Orléans  fu^la  fin  de  fa  vie ,  h'étoit  pas. 
roéconnu  en  France ,  mais  la  paflîon  éga- 
roit  le  Miniftere  Efpagnol  ;  enfin  la  rai-r 
fûn  ,  l!intérêt  des  Peuples  diffiperent  ceè: 
nuages.  Se  on  retourna  de  part  &  d'aun 
tre  aux  juftes  fentimens  qu'exigent  les; 
liens  du  lang. 

Cependant  il.s'élevoit  dans  l'intérieur.  \ 
du  Royaume  ^  &  fùr^tour  dans  les  Pro^    \ 
vinces  d'Arragon  &  de  Valence  desfédiT 
dons  dangereufes  ;  les  Arragonois  &  les; 

(fl).  Cette  digne  Reine  occupe  encore  aujour- 
d'hui le  thrône  oà  la  Providence  l'a  appellée  , . 
&  en  fait  l'ornement  par  fa  piété  ,  fes  vertus  & 
fesJumierefi*. 


400  H  r  s  T  o  I  RE 

Valenciens  avoient  toujours  efpéré  que 
FEmpereur  ne  figneroit  de  paix  qu'il  nt 
leur  eût  au  préalable  obtenir  là  re(litu« 
tion  de  leurs  privilèges  ;  la  plupart  voyant 
leurs  efjpérances  trompées  ,  parurent 
ne  point  vouloir  furvivre  à  des  droits 
auxquels  ils  tiennent  autant  qu'à  la  vie  ; 
Hs  prirent  les  atmes^  mais  Taélivité  ,  la 
vigilance  &  la  fermeté  de  la-  Reine  qur 
feule  alors  gouvernoit  la  Monarchie ,  les 
réduifit  l^ientôt  à  implorer  là  clémence 
du  Roi. 

L'Europe  applaudïffoit  aFors  au- Pa- 
pe Benoît  XIIi.  qui  fie  éclater  le  véri' 
table  efprit  de  TEglife  dans  lé  Concile 
National  de  Latran  où  il  fit  rendre  uir 
décret  par  lequel  il  eft  ordonné  qpe  Pin*- 
quifîtion  foit  en  Efpagne ,  foit  en  Portu- 
gal ne  pourra  faire  le  procès'  aux  maK 
heureux,  détenus  dans  fes  prifons'»  qu'a- 
près leur  avoir  communiqué'  les  che6 
d'accufation  pour  lefquels  ils^font  arrê- 
tés ,  afin  qu'ils  y  puiflent  répondre  parle 
miniftere  aun  Avocat  j  un  autre  décret 
aufli'  fage  ordonne  que  lé  S,  Office  ne 
pourra  procéder  à  Fexécution  dos  crimi- 
nels ,  qu'après  que  leurs  •  arrêts  auront 
été  examinés  &  confirmés  dans,  le  Cout 
feil  du  Roi- 


d'Espagne^  401 

I/Efpagne  perdit  cette  année  un  Allié 
qui  fut  l'ornement  de  fon  fiécle  &  de  fa 
Patrie  ;  on  voit  que  je  veux  parler  du 
Czar  Pierre  le  Grand  en  qui  les  Rufles; 
eurent  à  regretter  kur  père ,  kur  légifla- 
teur  ;  tranchons  le  mot ,  leur  créateur» 
Perfonne  n'ignore  que  ce  Prince  immor- 
tel dans  Tefpace  de  quelques  années  trou- 
blées par  les  guerres ,  opéra  des  prodi- 
ges qu'on  ne  feroit  en  droit  d'attendre 
Sue  de  phifîeurs  fîecks  ;  il  introduiiit 
ans  fes  vaftes  Etats  les  fciences^  les  arts , 
le  commerce  y  k  marine  >  la  fociété  >  ks 
vertus  &  l'amour  de  la  gloire.  D'un  Peu- 
ple barbare  &  inconnu  >  il  ât  une  NatioB 
guerrière ,  éclairée  ,  puiflante  &  refpec- 
table  ;  malheureux  en  ce  qu'il  lui  fallut 
ouelquefois  acheter  le  bonheur  de  fes 
oujets  par  l'eflFufion  du  fang  le  plus  pré- 
cieux (a)  :  la  Czarine  Catherine ,  fon 
époufe  dont  l'hiftoire  paroîtroit  un  Ro- 
man à  la  Poftérité  ,  fi  la  Ruffie  &  TUni- 
vers  pouvoient  ceffer  de  retentir  de  faa 

(a)  Elîfabeth  Petrowna  »  héntiere  du  thrâite» 
des  talens  &.  des  vues  du  Czar  Pierre  I.  fon-j 
gouverne  aujourd'hui  la  RufGe  avec  une 
mence  dons  Ces  prédécefleurs  ne  J 
faille  d'exemple,.  * 


402  ÏÏISXOIRE 

nom ,  de  fon  génie  &  de  fa  gloire  y  fuccéda 
au  Czar  fon  époux  en  vertu  du  choix  de 
ce  Prince  autorifé  par  une  déclaration  des 
Etats  de  TEmpire  qui  en  faveur  des  tra- 
vaux &  des  bienfaits  de  Pierre,  lui  permet- 
toientdechoifirfonfucceffeur.La  Czari- 
ne  entra  feion  les  vues  de  fon  époux  dans 
Talliance  de  Philippe  V.  &  de  Charles  VI 
Cependant  TËfpagne  s'applaudifloit 
de  jour  en  jour  du  traité  de  Vienne;  déji 
on  parloit  du  mariage  de  Tlnfant  Dom 
Carlos  avec  rArchiducheffe  Marie-Thé- 
■refe ,  héritière  de  l'Empereur;  les  Minif 
très  de  ce  Prince  comblés  de  faveurs  & 
de  diflinétiôns  à  la  Cour  de  Madrid» 
avoient  fuccédé  à  l'autorité  dont  les  Am- 
baffadeurs  de  France  avoient  été  fi  long- 
tems  en  poffeffion  ;  Louis  XIV.  ne  fe 
fut  jamais  douté  d^une  telle  métamor- 
phofe  :  Ripperda  ,  l'auteur  du  traité  par- 
vînt au  faîte  de  la  grandeur  ;  on  le  fit 
Duc  &  Grand  ;  on  lui  confia  le  détail  de 
la  guerre ,  de  la  marine  ,  des  finances  Se 
des  Indes  ;  il  avoit  le  pouvoir  de  premier 
Miniftre;  Dom  Jean-Baptifte  Orendain, 
Secrétaire  d'Etat ,  qui  feul  avec  Ripper- 
da avoit  eu  le  fecret  de  la  négociation , 
fut  revêtu  d'un  titre  de  Caftille  fous. le 


>  nt  11.  ■  ■  i> 

d'Espagne.  403 

corn  de  Marquis  de  la  Paz ,  tant  la  Cour 
chériffoit  une  paix  dont  l'avantage  étoir 
cependant  demeuré  à  Charles  VI. 

Mais  on  s'apperçut  bientôt  qu'on  avoit 
accablé  Ripperda  d'un  fardeau  trop  au- 
deffus  de  les  forces  ;  fon  incapacité  , 
fource  du  trouble  &  du  dérangement 
des  affaires ,  éclata  bientôt.  Le  Roi  le  fa- 
crifia  au  bonheur  d'un  Peuple  dont  il 
ignoroit  les  loix  &  les  ufages  ;  il  fut  éloi- 
gné tout  à  coup  des  affaires  &  de  la 
Cour  :  cette  difgrace  acheva  de  lui  faire 
perdre  la  tête  déjà  affbiblie  par  fon  élé- 
vation rapide  ;  il  fut  chercher  un  afyle 
chez  l'Ambafladeur  Anglois  Sthanhope 
d'où  le  Roi ,  en  vertu  d'un  décret  du 
Confeil  de  Caftille  qui  déclare  qu'aux 
cun  Miniftre  étranger  ne  peut  ufer  de  fes 
privilèges  pour  fbuftraire  aux  pourfuites 
îàvL  Roi  un  Miniftre  chargé  du  fccret  de 
l'Etat  ,  le  fit  enlever.  Sthanhope  pro- 
teffa  contre  cette  prétendue  infraâion 
du  droit  des  gens  ;  il  întérefla  les  Minif- 
tres  étrangers  dans  fa  querelle  ,  &  partit 
d'Efpagne  ;  mais  on  le  laifla  protcfier  6c 
partir  ;  Ripperda  fut  conduit  au  château- 
de  Ségovie ,  &  le  Confeil  de  Caftille  inf- 
uuifit  fon  procès  i  leRoî  <^; 


40^  Histoire 


aflàire  à  fon  Confeii  privé  :  le  prifonnier 
fe  fauva  deux  ans  après  de  Ségovie  ,  & 
s'enfuit  à  la  Cour  de  Maroc  où  il  efpéroifi 
faire  la  même  fortune  qu'en  Efpagne; 
mais  les  Barbares  le  prirent  pour  ce  qu'il 
étoit ,  c'eft-à-dire  pour  ubp  Aventurier 
fans  génie  &  fans  takns  :  à  peine  dai« 
gnerent  -  ils  lui  confier  quelque  légeï 
commandement  dans  leurs  troupes  ;.  la 
tête  de  Ripperda  fe  dérangea  tout-à-&ii  ; 
il  voulut  9  ait-on  ,  établir  une  nouvelle 
Religion;  on  le  traita  comme  un  infenfêi 
&  il  mourut  bientêrt  après  dans  rindi- 
gence  &  Topprobre. 

Cependant  le  Rôr  rétabEt  les  anciens 
Miniftres  dans  les  emplois  dont  il  les 
avoir  privés  en  faveur  de  cet  Etranger , 
Se  annonça  dans  toute  l'Efpagne  par  un 
décret  conçu  dans  les  termes  les  plus 
tendres  &  les  plus  touchans  qu'il  n'avoir 
recherché  la  paix  avec  tant  d'ardeur  que 
pour  travailler  avec  fuccès  au  bonheur 
d^un  Peuple  dont  je  ne  feux  y.  difbit  ie 
Roi ,  trop  exalter  h  z.éle  y  les  fervices  y  U 
fidélité  &  le  courage.  En  conféquence  de 
ce  décret ,  le  Roi  en  donna  un  autre  pour 
que  les  loix  du  Royaume  fuilent  obfer- 
vees  avec  exaélitude  :  il.  invitoit^  en  cas 


d'Espagne.  40;* 

de  déni  de  juftice ,  le  moindre  de  fes  Su- 
jets à  s'adrefler  à  lui-même  ou  à  fes  prin* 
cipaux  Miniftres  ^  &  menaçoit  de  toute 
ion  indignation  &  des  châtimens  les  plus 
rigoureux  les  Juges  prévaricateurs  ;  en 
même  tems  U  enjoignit  aux  Tribunaux 
d'expédier  promptement  les  procès  ci- 
vils &  criminels  qui  quelquefois  n'étoient 
pas  terminés  dans  le  >  cours  d'un  fiecie  | 
&  d'envoyer  chaque  mois  à  la  Cour  un 
état  des  procès  jugés ,  afin  qu'elle  £çût 
de  quelle  manière  la  juftice  etoit  admi- 
niftrée  ;  le  Roi  afli^ina  au0i  des  appoinr 
temens  fixes  aux  Miniftres  fubalrernes  Se 
aux  Magift rats ,  afin  de  les  empêcher  de 
connnucr  leurs  brigandages  &  leur3  con* 
cuflîon;. 

A  ces  foins  (î  capables  d'affurer  la 
tranquillité  des  Peuples ,  dont  une  juftice 
impartiale  eft  le  viritable  fondement  y  il 
ajouta  ceux  de  l'enrichir  en  invitant  les 
Etrangers  fous  l^^PPas  des  récompenfes 
à  venir  établir  en  Èipagne  des  manufac- 
tures de  fils ,  de  toiles  &  de  papiers  fins  : 
on  rechercha  aufti  à  encourager  celles  qui 
étoient  déjà  établies  ,  en  ordonnant  aux 
Efpagnols  de  ne  faire  ufage  que  desfoyes 
^  4cs  drap$  fabriqués  dan$  le  Royaume  i 


4c5  Histoire 

mais  lancienne  habitude ,  la  néceffitc  {a) 
même  prévalurent  fur  ce  règlement  ; 
dans  le  même  temps  parut  une  ordon- 
nance qui  hauflbit  d'un  huitième  les  ef- 
peces  d'or ,  &  d'un  neuvième  celles  d'ar* 
gent ,  afin  d'en  empccher  le  fréquent 
tranfport  dans  les  Pays  étrangers  ;  cène 
ordonnance  fut  précédée  d'une  autre  qui 
ordonnoit  aux  Officiers  du  Roi  de  ven- 
dre le  fel  aux  Séculiers  au  même  prix 
qu'aux  Eccléfiaftiques  &c  aux  Commu- 
nautés Religieufes  jufqu'alors  favorifés. 
Les  dignités  de  Connétable  &  d'Ami- 
rante  fi  long-tems  héréditaires  dans  la 
Maifons  de  Velafco  &  d'Henriquez  fo- 
rent fupprimées  ;  enfin ,  le  Roi  rétablit 
par  des  ordonnances  très-fages  la  difci- 
pline  dans  les  armées  de  terre  y  ôc  dansU 
marinje;il  porta  fon  attention  jqfqu'â or- 
donner par  des  édits  pleins  d'une  juftc 
févérité  a  tous  fes  Sujets ,  de  fe  compor* 
ter  dans  les  Eglifes  avec  le  refpedè  pro- 
fond dû  à  la  Divinité  (h).  C'eft  ainfî  quff 

(a)  Parce  que  les  fabriques  â*E{p^gnt  ne  four- 
fiîfToient  point  afTez  de  dmps  &  de  iSyes  »  &  que 
les  ouvrages  des  manufaâures  de  France!  & 
<i* Angleterre  remportoicnt  par  la  bonié  6c  !• 
goût.  .  ■ 

(b)  Rien  n^approche  du  £candale  qui  rcgnoi^  ] 


d'  E  s  P  A  G  N  E.  407 

îa  fagefle  de  Philippe  re;médioit  à  tou. s  les 
abus  gliffés  dans  les  défordres  d'une  lon- 
gue guerre  ;  il  couronna  fes  bienfaits  en 
fondant  à  Ségovîe  un  Monaftere  de  TOr*» 
Are  de  TAnnonciade ,  dam  lequel  il  n'y 
a  qjrfe  des  Dames  nobles  qui  peuvent  en- 
trer ;  leur  nombre  eft  fixé  à  trente ,  &  on 
les  reçoit  fans  dot ,  &  en  établîflant  un 
Collège  ou  Séminaire  Royal  pour  l'édu*- 
cation  gratuite  de  la  jeune  Nobleffe. 

L'Empereur  ,  plein  de  reflentiment  i7a7# 

contre  les  Anglois  qui  depuis  long-tems 

avoient  recours  au^  menaces  &  aux  in* 

trigues  pour  le  forcer  de  fupprimer  la 

Compagnie  de  commerce  d^Oftende  f 

ne  cherchoit  qu'à  faire  naître  entr'eux  & 

l'Efpagne  une  guerre  ouverte  ;  il  infinua 

par  le  canal  de  (on  AmbaiTadeur  le  Comte 

de  Kognifeck  plus  puiflant  à  la  Cour  de 

"  Madrid  que  les  Miniftres  Efpagnols  mt  f 

mes  ,  d'entreprendre  le  fiége  de  Gibral- 

j    car  :  mais  il  ne  fourniflbit  que  de  vains 

.    ^onfeils  pour  cette  expédition  dont  Kog- 

nifçç){.  exa^éroit  la  facilité.  Quelques  Géi» 

I  jàzns  les  Eglîfes  regardées  comme  des  prome- 
I  ïindes  ou  des  rendez-vous  publics ,  par  une  foule 
^   4e  jeunes  geiis  de  Tiin  &  de  Tautre  fcxc» 

m- 


4o8  Histoire 

céraux  Eipagnols  ne  fe  laiflbient  point 
éblouir  par  l'éloquence  du  Miniftre  Al- 
lemand ;  ils  regardoient  Gibraltar  com- 
me imprenable ,  tant  que  TEfpagne  ne 
feroit  pas  maîtrefle  de  la  Mer  :  l'un  d'eux, 
le  Marquis  de  Villadarias  qui  vin^-troii 
ans  auparavant  avoit  été  chargé  du  fiége 
de  cette  forterefle  ,  choifi  par  le  Rd 
pour  commander  l'armée  qui  avoit  ordre 
de  partir ,  ofa  prédire  au  Roi  que  TETpa* 
gne  recevroit  un  nouvel  af&ont  devant 
cette  Place ,  &  en  conféquence  refu/à  le 
commandement.  Il  aima  mieux  perdre 
toutes  fes  dignités ,  &  fouflfHr  Pexil  que 
de  voir  encore  une  fois  la  gloire  de  la 
Nation  flétrie  entre  fes  mains  ;  la.prédic* 
tion  qu'il  avoit  eu  le  courage  de  fairf  # 
fut  un  véritable  oracle  ;  après  quatre 
mois  de  tranchée  ouverte ,  le  Comte  de 
las  Torrès  qui  commandoit  à  ce  fiége  >  fe 
vit  obligé  de  le  lever  avec  beaucoup  de 
honte. 

Cependant  la  face  de  la  Cour  de 
France  changea  par  la  difgrace  du  Duc 
de  Bourbon  ;  TEvêque  de  Fréjus  fi  con- 
nu depuis  fous  le  nom  de  Cardinal  de 
Fleuri ,  fuccéda  à  fa  faveur  &  à  fa  puif- 
fance;  ce  Minifire  modefte ^  adroit,  pai- 

fible. 


D*  E  s  P  A  G  N  E.  409 


K 


fible ,  liumain ,  défintéreffé  &  timide ,  fit 
toujours  de  la  paix  le  principal  objet  de 
fa  politique  ;  il  chercha  à  rendre  fon  maî- 
tre l'arbitre  de  l'Europe ,  non  par  la  for- 
ce des  armes  y  mais  par  la  négociation  : 
fon  premier  foin  fut  de  rétablir  entre 
Louis  XV.  &  Philippe  V.  la  concorde 
étrangement  altérée  depuis  quelques  an- 
nées ;  il  chercha  enfuite  à  concilier  tou- 
tes les  Puiffances  Chrétiennes  partagées 
en  deux  grands  Panis  prêts  à  en  venir 
aux  mains  depuis  les  traités  de  Vienne 
&  d'Hanovre  :  le  fuccès  répondit  à  fes 
vœux  :  l'Efpagne  ,  l'Empereur ,  la  Ruf- 
fie  d'une  part  ;  la  France ,  l'Angleterre  9 
la  Hollande ,  la  Prufle  de  l'autre  figne- 
*  rent  à  Paris  des  articles  préliminaires  ten- 
dans  au  rétabliflement  de  la  concorde  ; 
les  intérêts  refpeélifs  dévoient  être  dif- 
cutés  à  fond  ^  &  réglés  dans  un  congrès 
qu'on  indiqua  à  Soiifons. 

Le  Roi  d'Angleterre  ne  fut  pas  té- 
moin du  congrès  ;  il  mourut  le  vingt- 
deux  Juin  y  &  eut  pour  fucceifeur  ion 
fils  George  IL  fans  que  le  Prétendant 
pûç  apporter  le  moindre  obftacle  à  cette 
fucceuion. 

La  mon  de  Fraa(<»s  j  Duc  de  Parme , 
Tome  r.  S 


fa  mort  comme  très-prochaine. 
1 728.  Pendant  qu'on  négocioit  à  Soi 
le  Roi  envoya  en  qualité  de  IV 
Plénipotentiaires  le  Duc  de  Bc 
ville  ,  le  Marquis  de  Sainte-Croi: 
Ignace  Barrenochea  ;  le  Baron  i 
&c  D.  Antoine  deSartines,  Inten 
Catalogne  ,  conclurent  en  quj 
Commiflaires  d'Efpagne  avec  ae 
ihiffaires  François  un  traité  pour 
ge  des  Déferteurs  des  deuic  Nati 

Î)our  terminer  les  dîfférens  fur 
'occafîon  des  lignes  que  h  Cour 
drid  avoit  fait  tracer  en  mil  fe 
vingt-un  fur  les  frontières  pour  j 
la  communication  de  la  maladie 
gîeufe  qui  ravageoit  le  Midi  de  la  '. 
Le  Roi  envoya  cette  année  en 
d'Ambaflfadeur  à  Peteribourg  Iç  ! 


d'Espagne.  411 

La  Cour  cherchoit  par  toutes  fortes 
de  moyens  à  étendre  &  à  favorifer  cette 
précieufe  partie  de  Tadminiflration  ;  elle 
accorda  des  lettres  de  noblelTe  à  tous  les 
Négocians  de  la  Province  de  Guipuf- 
coa  qui  voudroicnt  s'intérefler  dans  une 
.    Compagnie  de  Commerce  dont  le  but 
I    étoit  la  culture  du  fucre  &  du  cacao 
.    à  la  côte  des  Caraques.  1 72^. 

I        Les  Cours  de  Madrid  &  de  Lifbonne 
r   fe  rendirent  au  commencement  de  cette 
^   année  fur  les  bords  de  la  rivière  de  Caya, 
-    qui  fépare  l'Eftramadoure  de  TAlentejo , 
pour  l'échange  des  deux  Infantes ,  dont 
L  ie  mariage  avoit  été  conclu  &  célébré 
Tannée  précédente  entre  les  héritiers  des 
deux  Monarchies.  Les  deux  Rois  eurent 
i,^  trois  entrevues. 

!*  Delà  la  Cour  d'Efpagne  paUkàCadix 
^  oii  elle  vît  arriver  les  galions  de  l'Amé- 
^  rique  chargés  de  vingt  millions  de  piaf- 
y  très  ;  elle  revint  enfuite  à  Séville  où  elle 
,  conclut  un  traité  avec  la  France  &  TAn- 
s  «leterre ,  la  Hollande  y  accéda  dans  la 
r  îuîte  ;  Philippe  V.  abandonna  la  protec- 
I  TÎon  de  la  Compagnie  d'Oftenae  ;  la 
;  France ,  l'Angleterre  &  la  Hollande ,  en 
f   ^econnc^âanœ ,  Im^gammrcnt  de  la  ma- 


m^f^mm^H0 


»   ■••  ■ ■ ■  •  -I — 

412  Histoire 

niere  la  plus  forte  &c  la  plus  fblemnelle , 
les  Duchés  de-  Tofcane  ,  de  Parme  &  iî 
Plaifance.  Par  ce  traité  appelle  de  paiX) 
d'union ,  d'amitié  àc  d'alliance  défenfi- 
ve }  Philippe  brifa  les  liens  qui  l'avoiem 
mis  pendant  .quatre  ans  dans  la  dépe» 
dance  de  la  Cour  de  Vienne  ;  dès  lors  k 
congrès  de  SoiiTons  devint  inutile  j  & 
ceffa  :  le  Roi  dans  fon  voyage  d'Aih 
daloufie  ,  confidérant  l'importance  da 
Port  de  Sainte  Marie ,  de  l'ifle  de  Léoa 
,&  de  la  Ville  de  San-Lucar  de  Ban> 
meda  appartenans  aux  Ducs  de  Méêir 
na-Céli ,  d'Arcos  8c  de  Médina-Sydonia* 
les  acheta  de  ces  Ducs ,  6c  les  réunit  i  la 
Couronne ,  moyennant  des  équivalens. 
f  730.  De  Séville ,  la  Cour  fe  renait  à  Grena- 
de ,  l'un  des  plus  délicieux  féjours  de 
rEfpagne  ;  c*eft-là  qu'elle  apprit  la  mort 
de  Benoît  XIII.  auquel  fucceda  le  Car- 
dinal Corfini  fous  le  nom  de  Clément 
XIII. 

Viélor-Amedée  qui  depuis  cinquante 
'  ans  rempliflbit  le  thrône  avec  la  réputa- 
tion du  plus  profond  politique  de  l'Eu- 
rope ,  abdiqua  la  Couronne  en  fiaveur  de 
fon  fils  Charles-Emmanuel ,  &  auffi-tôt 
9prè$  époufa  dans  fa  retraite  la  ComteHb 


-it  >l 


D  Espagne.  '413 

<le  S.  Sébaftien  ;  mais  il  s'en  fallut  qu'il 
foutînt  la  vie  privée  avec  la  même  ma- 

Snanimité  que  Philippe  V.  qui  lui  avoit 
onné  l'exemple  d'abdiquer;  inquiet  ^ 
vif ,  agiflant  ,  accoutumé  aux  aâ^i- 
res,  à  la  pompe  &  à  l'éclat,  ViÔor- 
Amedée  s'ennuya  bientôt  d'une  retraite 
pour  laquelle  il  n'étoit  pas  né  ;  il  fit  des 
efibrts  pour  recouvrer  un  tbrône  dont  il 
a  voit  fait  le  facrifice;  mais  fes  efforts  le 
conduifirent  dans  une  prifon  où  il  mourut 
deux  ans  après.  On  dit  que  Charles-Em- 
manuel n'étoit  pas  éloigné  de  rendre .  la 
Couronne  à  fon  père ,  mais  que  fes  Sujets 
s*y.  oppofereht  :  quoi  qu'il  en  foit ,  cet 
événement  qui  n'influa  en  rien  fur  les  af- 
£iires  de  l'Italie ,  coûta  l'exil  à  un  ordre 
célèbre  qui  avoit  paru  embraffer  les  inté- 
rêts du  père  contre  le  fils. 

Cette  année  fut  fatale  à  bien  des  Têtes 
couronnées  ;  le  jeune  Czar  Pierre  1 1. 
mourut  &  fut  renujlacé  fur  le  thrône  de 
Rullie  par  Anne  Iwanowna  ,  DucheflTe 
Douairière  de  Couriande  ;  Frédéric  IV. 
Roi  de  Dannemarck  termina  auiTi  fa  car- 
rière 9  &  eut  pour  fucceffeur  fon  fils 
Chriftian  VI. 

Adunet  III.  Empereur  de  Conflanti- 

011] 


^14  HiSTOIRB 


viiople  fe  laifTa  dépouiller  du  thrône  par 
nn  miférable  appelle  Patrona  ;  ion  ne^ 
Mahmoud  fut  tiré  du  ferrail  par  les  fédi- 
tièux  pour  occuper  le  thrône  vacant  par 
h  dépofitîon  d^Âchmet  :  le  premier  ioin 
du  nouvel  Empereur  fut  de  facrifier  i  la 
vengeance  publique  &  à  fa  sûreté  pam- 
culiere  Taudacieux  Patrona  fouillé  de 
mille  crimes. 

L'Ifle  de  Corfe  fatiguée  du  Gouvct- 
îiement  Républicain  ,  le  révolta  con- 
tre Gènes ,   &  fe  choifit  pour  Roi  un 
Aventurier  Allemand  ,  connu  fous  le 
nom  de  Baron  de  Neuhof  ;  la  Rép- 
blique  implora  la  proteftion  de  TEm- 
pereur  qui  lui  donna  des  fecours^  mais 
foit  que  les  Génois  regardaiïènt  ces  fe- 
cours  comme  inutiles,  foit  qu'ils  crai- 
gniffent  que  l'Empereur  ne  les  leur  fît 
payer  trop  cher ,  ils  firent  fuccéder  la 
proteélion  de  la  France  à  celle  de  TEm- 
pire  ;  les  François  leurs  fournirent  en  ef- 
fet cette  Ifle  par  la  force  des  armes. 
TOI,      L'objet  qui  depuis  feize  ans  rempBf- 
foit  la  politique  ,  les  vues  j  les  négocia- 
tions &  les  traités  de  prefque  toute  l'Eu- 
rope ;  Théritage  des  Farnèfes  &  des  Mé- 
dicis  étoit  enfin  prêt  à  tomber  entre  Us 


1lu_i^  iiiiiii_  "     -— ^ 


Ï)'ËSPAGNE.  41 5* 


^» 


mains  de  D.  Carlos  ;  le  Duc  de  Parme  , 
Antoine  Farnèfe,  mourut  au  commen- 
cement de  l'année  ;   ce  Prince  s'étoh 
marié  par  les  confeBs  de  l'Empereur  :  fa 
veuve  feigmt,  de  concert  avec  la  Coinr 
de  Vienne  une  groffefle  :  c'étok  pour 
donner  à  la  Cour  de  Vienne  un  prétex- 
te plaufible  de  s'emparer  des  Etats  du 
Duc  ;  Charles  VI.  fit  en  effet  paflTer  des 
rroupes  à  Parme  &'  à  Plaifance  au  nom 
de  la  Ducheife  xîe  Parme  ;  mais  en  mê- 
me-tems  il  déclara  à  toute  FEurope  qu'il 
étoit  prêt ,  fuppofé  que  la  Duchefle  de 
Parme  n'accouchât  pas  d'un  fils ,  de  re- 
mettre les  deux  Duchés  à  Dom  Carlos  > 
à  condition  que  ce  Prince  fe  rendroit  enr 
Italie  fans  armée  ;  l'Empereur ,  malgré 
toutes  fes  promeffes  &  tous  les  traités  , 
ne  pouvoit  foutenir  l'idée  de  voir  des 
troupes  Efpagnoles  en  Italie  ;  il  femble 
qu'il  prévoyoit  que  cette  Nation  alloit 
lui  enlever  la  meilleure  partie  de  ce  qu'il 
poffédoit  dans  ce  beau  Pays  ,  mais  enfin 
voyant  qu'il  ne  pouvoit  s'opiniâtrer  à 
garder  le  thrône  des  Famèfcs  ,  fans  atti- 
rer fur  lui  avec  les  armes  d'Efpagne  cel- 
les de  la  France  ,  de  l'Angleterre  &  de 
la  Hollande  garantes  du  traité  de  Sévil- 


4i5  Histoire 

— • 

le  :  il  fe  détermina  à  lâcher  fa  proyc ,  cène 
fut  pourtant  qu'après  avoir  obtenu  des 
Anglois  qu'ils  lui  garantiroient  fes  Etats 
d'Italie  ^  a  cette  condition  il  permit  à  D. 
Carlos  de  fe  rendre  à  Parme  ,  accompa- 
gné de  fix  mille  EfpagnoFs ,  &c  facrifia  la 
Compagnie  des  Indes  d'Oftende  ;  quel- 
ques mois  après  Philippe  figna  avec  l'An- 
gleterre un  traité  par  lequel ,  moyennant 
la  confirmation  de  tous  les  avantages 
qu'il  av oit  accordés  dans  le  commerce  de 
l'Amérique  aux  Anglois;  ce  Peuple  s'o- 
bligeoit  à  tranfporter  les  troupes  d'Efpa- 
gne  en  Italie ,  &  à  mettre  Dom  Carlos 
en  pofleffion  de  Parme  &  de  Plaifance; 
en  méme-tems  le  Grand  Duc  de  Tofca- 
ne  perfuadé  par  le  Père  Anfelme  ,  Do* 
micain  &  Miniftre  d'Efpagne  à  Floren- 
ce ,  promit  de  reconnoître  Dom  Carlos 
en  qualité  de  Grand  Prince  de  Tofcane» 
&  de  fon  héritier;  mais  il  ftipula  que  l'E- 
Ie(flrîce  Palatine  fa  fœur  conferveroit  \^ 
Régence  de  la  Tofcane  jufqu'à  ce  que 
Dom  Carlos  eût  atteint  l'âge  de  dix-huit 
ans ,  &  que  ce  Prince  feroît  chargé  des 
dettes  &  des  penfions  de  l'Etat, 

A  la  faveur  de  tous  ces  traités  ,  l'In- 
fant pafla  en  Italie ,  fuivi  de  fix  mille  El- 


D   JLSP.  AGNE.  417 

pagnols  &  du  Comte  de  San  Iftevan  p 
fon  Gouverneur,  qui étoit en  même-tems 
Général  de  l'armée  ,  &  Miniftre  pléni- 
potentiaire de  la  Couronne  en  Italie  j 
quatorze  vaifleaux  de  guerre  Anglois 
prirent  ce  Prince  à  Antibes  ,  &  le  io»* 
duifirent  à  Livourne  ;  Dom  Carlos  nVut 
pas  été  plutôt  reconnu  Grand  Prince  de 
ïofcane  à  Florence ,  qu'il  alla  tenir  fa 
Cour  à  Parme  évacuée  par  les  troupes 
Impériales ,  au  moment  que  la  Ducheffe 
Douairière  de  Parme  eut  déclaré  que  fa. 
grofTeâe  étoit  fimulée. 
.    Cependant  le  Pape  ,  pour  conferver 
les  droits  de  Suzeraineté  fur  les  Duchés 
de  Parme  &  de  Plaifance  ,  faifoit  afficher 
dans  les  Vilks  de  cet  Etat  qu^elles  euf- 
fent  à  ne  point  reconnoître  d'autre  Sou- 
verain que  lui  ;  mais  cette  démarche  da 
S.  Père  etoit  une  formalité  dont  TEffia- 
gne   ne   lui  fçut  aucun   mauvais  gré; 
L'intelligence  des  deux  Cours  en  fut  û 
peu  altérée  que  celle  de  Madrid  obtint 
du  Pape  le  dixième  des  revenus  du  Cler- 
gé pour  l'aider  à  une  expédition  qu'elle 
médîtoit  en  Afrique.  La  grâce  du  Péi 
fe  ctoit  d'autant  plus  confidérable  qu^ 
trc  ks  groffes  contributions  qu'elle 


4i8  Hi  s  TO  I  R  E 

porta  dans  les  coflres  du  Roi  ^  elle  ne  de- 
voir cefler  qu'avec  la  guerre  ,  oui  depuis 
cft  devenue  éternelle  contre  les  Mau- 
res. Il  eft  vrai  qu'elle  perd  en  vivacité  ce 
qu'elle  gagne  en  durée ,  elle  fe  réduit  ii 
quelques  efcarmouches. 

L'expédition  que  la  Cour  mëditoit , 
étoit  la  conquête  d'Oran  ;  Philippe  n'a- 
voir pas  oublié  que  cette  Place  impor- 
tante avoit  été  perdue  fous  fon  règne; 
il  n'avoit  jamais  perdu  de  vue  le  deflein 
de  la  réunir  à  la  Couronne;  mais  les  trou- 
bles perpétuels  de  fon  règne  ,  l'inquié- 
tude que  l'Empereur  ne  ceiTa  de  lui  don- 
ner; les  démêlés  avec  la  France  ,  l'An- 
gleterre &  la  Hollande  ne  lui  a  voient  pas 
encore  permis  d'exécuter  cette  réfolu- 
tioh  utile  &  glorieufe  :  voyant  enfin  que 
Dom  Carlos  étoit  établi  en  Italie  ,  il  ré- 
fblut  de  ne  pas  différer  plus  long-temi 
une  conquête  qu'un  fimple  Citoyen  avdt 
eu  le  courage  d'entreprendre  :  un  an  au- 
paravant Muiey  Hamet,  prétendant  à  l» 
Couronne  de  Maroc  ,  étoit  paflfé  à  Ma- 
drid pour  implorer  la  proteflion  du  Roi 
à  qui  il  promettoit  de  rendre  Oran ,  Tan- 

{fer  &  d'autres  Places ,  au  cas  qu'il  vou- 
ut  employer  la  force  de  fes  armes  pour 


d'Espagne.  41^ 

rétablir  fur  le  thrône  de  Maroc  ,  la  Cour 
écouta  le  Prince  Maure ,  mais  elle  ne 
jugea  pas  à  propos  d'agir  en  fa  faveur  ;  le 
malheureux  fuccès  de  Tentreprife  de  Se- 
baftien  ,  Roi  de  Portugal ,  étoit  trop  ré- 
cent pour  que  l'Efpagne  fc  mêlât  des  af- 
faires de  ces  Barbares. 

Cependant  l'armée  ,  les  vaiffeaux  , 
les  vivres  &  les  munitions  deftinés  pour 
Texpédition  d*Oran  étoient  déjà  prôts^, 
que  l'Europe  en  ignoroit  Pobjet  ;  TEm- 
pereur  n^étoit  pas  fans  inquiétude  ,  mais^ 
il  cefla  de  craindre  quand  il  apprit  que 
Porage  étoit  allé  fondre  fur  l'Afrique  : 
quarante  -  cinq  tant  vaiffeaux  de  guerre 
que  frégates ,  galères  &  galiotcs  efcor- 
toient    cinq  cents   navires   Marchanda 
irhargés  de  vingt -cinq  mille  hommes; 
le  Comte  de  Montemar  ,  Général  de 
Parmée  defcendit  en  Afrique  le  vingts 
huit  Juin  aux  environs  d^Oran ,  &  deux 
jours  après  attaqua  dans  la  plaine  de  Ma^ 
«arquivir  Parmee  des  Maures  forte  de 
quarante  mille  hommes,  fur  laquelle  H 
remporta  une  victoire  complette  :  de-là 
H"  fut*  âlïBéger  en  même-tems  Mazarqui»- 
V  ir  &  Oran  que  défendoît  une  gamifon 
de  dix  ixûUe  hoffit         '    ^^^fnu'autant 


420  HiSTOIRB 


de  Bourgeois  ;  la  Ville  &  la  Forterefle 
furent  prifes  après  trois  jours  d'atta- 
que ;  Montemar  laifla  dans  cette  conquê- 
te huit  mille  hommes  fous  les  ordres  du 
Marquis  de  San^ta-Cruz^  &  fut  jouir  de 
£bn  triomphe  à  Madrid ,  n'ayant  pas  em- 
ployé un  mois  à  une  expédition  fi  écla- 
tante ;  Dom  Jofeph  Patinho  ,  Mimflrc 
de  la  Marine  9  partagea  la  gloire  de  cette 
conquête  avec  Montemar  :  Paétivité ,  la 
prévoyance  &  l'ordre  de  ce  Miniftre  coa- 
tribuerent  pour  le  moins  autant  à  la  vie- 
•  toire  que  la  valeur  &  les  talejis  du  Gé- 
néral. 

Mais  les  Maures,  revenus  de  leur  ter- 
reur y  afliégeoient  à  leur  tour  avec  deux 
Îuiffantes  armées ,  Ceuta  &  Oran.  Le 
)uc   de   Saint  Blas  ,  Grand   d'Efpa- 
gne ,  enveloppé  avec  un  détachement 
confidérable ,  fut  pris  &  paCé  au  fil.  de 
répée  avec  tous  ceux  qui  l'accompa- 
gnoient  ;  le*  Comte  de  Cecil  vengea  ce 
dcfaftre  en  taillant  en  pièces  un  Coips 
de  troupes  ennemies ,  &  en  leur  enle- 
vant un  convoi  de  mille  chameaux;  la 
garnifon  de  Ceuta  ,  après  avoir  reçu  dea 
renforts ,  fît  une  fortie  générale  le  dix^ 
fept  Oélobre  fur  les  auiégeans  qti'elle 


tm- 


d'Espagne,  421 

vainquît  &  chafla  de  leur  camp  ;  le  Mar- 
quis de  Santa-Cruz  ne  fe  défendoit  pas 
avec  moins  de  valeur  &  de  fuccès  dans 
Oran;  Tarmée  qui  Fattaquoît ,  compo- 
fée  de  Félite  des.Maures,  étoit  très-nom- 
breufe  ;  d'abord  il  lui  tua  dix  mille  hom- 
mes dans  les  commencemens  du  flége  > 
le  quatorze  Odobre  il  fortit  de  là  Place 
avec  trois  bataillons  j.  combattit  dix  huit 
mille  ennemis  ',  &  ne  rentra  dans  Oran 
qu'après  leur  avoir  tué  trois  mille  hom- 
mes ,  &  nettoyé  la  tranchée  ;  le  vingt- 
trois  du  même  mois  le  brave  Gouver- 
neui-fit  une  nouvelle  fortie  dans  laquelle 
il  attaqua  tous  les  pofles  des  afllégeans  i 
le  combat  fut  long  &  fanglant  ;  le  Mar- 
quis fut  tué  avec  Meffieurs  de  Valdeca- 
gnas  &  Pînel;  les  Efpagnols ,  après  des- 
■^prodiges  de  valeur,  epuifés  d'une  aftiooi 
qui  duroit  depuis  douze  heures-,  rentrè- 
rent dans  la  Place  ;  mais  à  peine  avoient- 
fls  pris  quelques  heures  de  repos  que 
POlEcier  Général  qui  avoit  rempli  la 
place  du  Marquis  ae  Santa-Crux ,  les 
ramena  au  combat;  les  Maures  qui  ne 
s'attcndoicnt  pas  à  une  attaque  fi  bruf- 
que  &  fi  iin|)rc vue,  furent  chaffés  de  touaî 
feuri  pofl.fi  ^  Ôc  mis  en   fuite  ,  après 


■& 


4^2  Histoire 

avoir  perdu  dix  mille  hommes. 

Tous  ces  revers  ne  laflbient  point  l'o- 
piniâtreté des  Barbares  auxquels  TEm- 
pereur  de  Maroc  envoyoit  chaque  jour 
de  nouvelles  troupes  ;  les  Efpagnols  fe- 
tigués  de  fe  voir  inveftis  par  des  ennemis 
tant  de  fois  vaincus  ,  les  attaquèrent  le 
fîx  Février ,  &  les  battirent  ;  mais  la  vic- 
toire ne  fut  pas  afifez  décifive  pour  les 
obliger  à  fe  retirer  :  il  fallut  encore  en 
venir  aux  mains  avec  eux  le  vingt  Avril  ; 
les  Maures  furent  plus  maltraités  que 
dans  la  précédente  aâion  ;  mais  quoi- 
qu'ils eunent  perdu  trois  mille  hommes  9 
loin  de  fe  décourager  ,  ils  s'approchè- 
rent de  plus  près  de  la  Place  ;  enfin  le 
Marquis  de  iWiromefnil ,  Colonel  Fratt- 
çois  au  fervice  d'Efpagne,  étant  ford 
d'Oran  le  dix  Juin,  les  attaqua  avec  tant 
d'ordre  &  de  valeur  qu'il  remporta  fnr 
eux  une  viftoire  fignalée  :  maïs  un  coup 
de  moufquet  tiré  au  hafard  ,  bleifa  mor- 
tellement le  vainqueur  dans  le  feîn  de  la 
victoire  j  il  mourut  deux  jours  après  ;  les 
Maures  concernés  de  cette  dernière  dé- 
faite ,  levèrent  le  blocus  d'Oran  ,  &  re- 
noncèrent à  Tefpérahce  de  reprendre 
cette  Ville  importante* 


D*  E  s  P  A  G  N  E.  425 


La  Cour ,  après  un  féjour  de  quatre 
ans  en  A  nda^Hifie  )  retourna  à  Aranjuès  ; 
c'eft-là  que  le  Roi  perdit  le  Marquis  de 
Grimaldo  ;  la  douceur ,  la  piété ,  la  beau- 
té de  l'ame  ,  les  vertus ,  les  talens  de  ce 
Miniftre  le  rendirent  dignes  de  la  faveur 
dont  Philippe  l'honora  jufqu^au  dernier 
jour  de  fa  vie.  I7Î?« 

Cependant  l'Europe  dont  le  reposfl'a- 
voit  été  troublé  depuis  le  traité  d'U- 
trecht  que  par  des  guerres  auffi-tôt  étein- 
tes qu'eclofes ,  fe  vit  déchirée  par  la  que- 
Telle  qui  s'éleva  entre  l'Empereur  ,  li 
Maifon  de  Bourbon  &  le  Roi  de  Sar- 
daigne  ;  le  fuccès  en  fut  fatal  à  l'Empe- 
pereur  qui  en  moins  de  deux  ans  fe  trou- 
va déchu  du  comble  du  bonheur  &  de  la 
puiifance.  Depuis  long-tems  on  pré- 
voyoît  que  tôt  ou  tard  Charles  VI.  & 
Thilippe  V.  rg:ommenceroient  la  guer- 
re :  leurs  anciennes  divisions  avoient  plu- 
tôt été  aflbupies  qu'éteintes  par  les  trai- 
tés de  Vienne  &  de  Séville  ;  depuis  que 
Dom  Carlos  étoit  établi  en  Italie ,  l'Em- 
pereur ne  pouvoit  diffimuler  les  inquié* 
tudes  &les  allarmes  que  la  préfencc  des 
Efpagnols  lui  caufoit  ;  il  ne  doutoit  pasr 
qu'à  la  faveur  de  la  première  guerre  qu'il 


424  Histoire 


auroit  fur  les  bras,  TEfpagne  ne  lui 
enlevât  ce  (ju'il  poffédc^  en  Italie  ; 
avec  d'autant  plus  de  rapiditë  que  le 
Peuples  de  Naples  &  de  Sicile  lui  ten- 
doient  continuellement  les  mains.  Phi- 
lippe ,  de  fon  côté  i,  ne  regardoit  point 
comme  folide  l'établifTement  de  fon  fils 
en  Italie ,  tant  que  l'Empereur  pcffédc* 
roit  la  plus  belle  partie  de  ce  Pays ,  & 
conferveroit  la  Suzerenaité  de  Pautre; 
il  n^avoit  confenti  à  reconnoître  TEid' 
pereur  en  qualité  de  Roi  de  Naples  & 
de  Sicile  que  malgré  lui,  &  Pefpérancc 
de  réunir  à  la  Alonarchie  deux  Cou- 
ronnes qui  lui  avoient  été  foumifes  pen- 
dant plus  de  deux  fiécles ,  ou  du  moins 
de  les  faire  paiTer  fur  la  tête  de  quelqu'un 
de  fes  fils ,  n'étoit  point  éteinte  dans 
fon  cœur.  Il  comptoit  fur  Talliance  du 
Roi  de  Sardaigne  dont  jcrop  refferréc 
par  les  Alpes  ,  ne  pouvoir  être  rem- 
plie que  par  la  conquête  du  Milaner^ 
outre  les  anciennes  prétentions  de  ^ 
Maifon  fur  cette  belle  &  fertile  Provin- 
ce ;  Charles-Emmanuel  n'avoit  pas  ou- 
blié que  la  Cour  de  Vienne  avoit  man- 
qué à  la  pron>efle  qu'elle  avoit  faite  à  Vie* 
tor-Amedée  du  Vigevenafque  ,  lorfque 


d'  E  s  P  A  G  N  E.  42/ 

ce  Prince  expofantfes  Etats  au  plus  grand 
danger,  étoit  entré  dans  la  grande  allian- 
ce j  il  fe  fouvenoit  de  Tinjure  de  l'Em- 
pereur régnant  qui  ayoit  forcé  Viftor- 
Amedée  d'échanger  la  Sicile  contre  la 
Sardaigne;  enfin  la  Cour  de  Turin  ne 
cherchoit  qu'une  occafion  de  fe  venger' 
&  de  s'agrandir, 

Philippe  V.  &  Charles-Emmanuel  réu- 
nis  n'étoient  pas  affez   puiflans  pour 
enlever  l'Italie  au  Prince  le  plus  redou- 
table de  l'Europe  ;  le  concours  de  la 
France  étoit  néceffaire  pour  le  fuccès  de 
cette  expédition  ;  mais  le  Miniftre  qui  là 
gouvernoit ,  circonfpeél ,  pacifique  & 
iage  refufa  toujours  d'entrer  dans  les 
vues  ambitîeufes  de  la  Cour  de  Madrid  i 
le  Cardinal  Fleuri  auroït  vraifemblable- 
ment  toujours  perfifté  dans  fon  fyflcme 
d'écarter  la  guerre  de  l'Europe  ,  &  de 
terminer  par  la  voye  des  Négociations 
coûtes  les  querelles  qui  s'éîevent  entre 
les  Potentats  Chrétiens ,  fi  l'Empereur 
n'eût  forcé  par  l'abus  de  fa  puiffance  &c 
3ar  une  injure  fanglante ,  la  France  de  fe 
prêter  aux  defirs  de  TEfpagne ,  &  de  lui 
iéclarer  à  lui-mcme  la  guerre. 

Le  Roi  de  Pologne  Frederic-Augufle 


425  Histoire 

ëtoit  mort  le  premier  Février  à  la  veillrf 
de  rendre  le  thrône  de  Pologne  hérédir» 
taire  dans  fa  Mailon  ;  les  Puiflances  voi- 
(înes  ,  l'Empereur  &  le  Roi  de  Pruflfe  , 
loin  de  fe  prêter  aux  defleins  d^Augufte, 
avoient  déjà  préparé  une  ligue  pour  lui 
arracher  une  féconde  fois  la  Couron- 
ne de  Pologne  ,  .&  pour  la  donner  aa 
Prince  Emmanuel  de  Portugal  ;  mais 
la  mort  de  ce  Roi  les  fit  changer  de 
deffein  :  le  premier  fur-tout  devint  auffi 
favorable  au  fils  qu'il  avoit  été  fur  le 
point  d'être  funefte  au  père. 

Cependant  les  Polonois  alfemblés  en 
dîette  ,  avoient  appelle  à  la  Couron- 
ne par  Péledion  la  plus  légitime  Staniflas 
Leczinski ,  beau-Pere  du  Roi  de  France 
qui  déjà  élu  en  mil  fept  cent  quatre  par 
les  foins  de  Charles  XII.  s'étoit  vu  pré- 
cipité du  thrône  en  même-tems  que  Té- 
toile  de  fon  proteéleur  avoit  pâli  :  Sta- 
niflas y  fi  digne  de  commander  à  des  hom- 
mes ,vîvoit  alors  en  France  dans  le  feîn 
de  la  retraite  ;  il  accourut  bientôt  pour 
prendre  pofleflîon  d'une  Couronne  que 
les  vœux  unanimeis  des  Polonois  lui  def- 
tinoient  depuis  long-tems ,  mais  la  fo^ 
tune  trahit  encore  une  fois  fà  grandeame  ; 


d'Espagne.  427 

il  fe  vit  accablé  par  les  forces  fupérieures 
de  l'Empereur  &  de  la  Ruflle  qui  firent 
élire  par  une  petite  partie  des  Palatins  le 
fils  de  Frédéric- A  ugufte;  Staniflas  qui 
ne  peuvent  recevoir  de  la  France  trop 
éloignée ,  &  de  la  Pologne  divifée  que  ûc 
foibles  fecours ,  fut  contraint  de  fuir  à 
Dantzick  où  bientôt  ilfe  vitaffiégé  par  le 
Général  Munich  à  la  tête  d'une  puiflâme 
armée  de  Rufles  &  de  Saxons  ;  trois  ba* 
taillons  François  envoyés  à  fon  fecours 
furent  pris  par  les  ennemis  ^  &  ce  Prince 
après  quatre  mois  de  fiége  9  fe  fauva  dé* 
guifé  la  veille  que  Dantzick  capitula  ; 
perfonne  n'ignore  à  combien  de  dangers 
la  vie  de  ce  Héros  fut  expoÊe  dans  la 
fuite  ;  mais  la  Providence  qui  le  réfer •- 
voit  pour  faire  le  bonheur  de$  Lorrains^ 
le  iàuva  de  tous  les  pièges  Ib&és  fur  ù 
route. 

A  la  nouvelle  d'une  telle  opjprcft^rf;  p 
Louis  XV\  humilié  dans  la  perlonne  de 
fon  beao-pere ,  fe  hâta  et  (îgner  un  traité 
de  ligne  o&nfive  Se  défenf.ve  avec  \%C- 
pa^-  &  la  Sardî'i^'î*:  orr.rt  î'hii.^f*:  -r; 
le  Marécfai  de  Mll<r$  p^r.îr  ivtf,  uit 
arasée,  jcigrit  le  nLai're  c^.  A. y,,  ,  O. 
coo^uk  a»'ec  l:d  le  Mil^ntz  ^  .;  y,^/-;- 


428  Hl^STOIRE 


chai  de  Barwick  à  la  tête  d'une  armée 
Françoife  prit  le  Fort  de  Rell  ;  TEfpa- 
gne ,  de  fon  côté  envoyoit  une  armée  de 
trente  mille  hommes  en  Italie  fous  les  or* 
dres  du  vainqueur  d'Oran  ;  la  rapidité 
de  ces  mouvemens  ne  fut  point  arrêtée 
par  les  Puiffances  maritimes ,  qui  con- 
vaincues de  la  modération  &  de  l'équité 
de  Louis  XV.  lui  laiiferent  démêler  fa 
querelle  avec  l'Empereur  ;  leurs  vœux 
l^creis  tendoient  à  voir  la  fierté  de  Char- 
les VI.  humiliée  ;  mais  les  fuccès  des  Al- 
j         liés  furpaflerent  leurs  defirs. 
^^'^*-    En  effet  TEfpagne  n'eut  pas  DÏutôt  dé^ 
claré  la  guerre ,  que  Tlnfant  Dom  Car- 
los marcha  vers  le  Royaume  de  Naples, 
ayant  fous  fes  ordres  Montemar  &  trente 
mille  hommes  ;  il  entra  dans  ce  Royau- 
me le  vingt-neuf  Mars,  fa  marche  fut  un 
véritable  triomphe  ,  ce  Prince  reflem- 
bloit  moins  à  un  Conquérant  qu'à  un 
Roi  qui  prenoit  pofleflion  pour  la  pre- 
mière fois  de  fes  Etats  ;  chaque  jour  il 
xecevoit  les  Députés  de  quelques  Villes 
qui  venoient  lui  rendre  hommage;  enfin , 
la  révolution  fut  aufli  rapide  &  aufli  en- 
tière qu'en  mil  fept  cent  huit  ;  le  Comte 
de  Viicojntî ,  Vice-Roi  de  Naples ,  avoit 


D'  E  s  P  A  G  N  E 


42P 


Îourtant  une  fois  plus  de  troupes  que  le 
)uc  d'Efcalonne  :  mais  quel  obllacle 
pouvoit-îl  aDporter  aux  vœux  d'un  Peu- 
ple fatigué  de  la  dominaticn  Allemande  ? 
Après  avoir  balancé  quelque  tems  fur  Tu- 
tàg^  qpTil  devoit  faire  de  les  forces ,  Vif- 
comti  en  jetta  la  plus  grande  partie  dans 
Gayette ,  Capoue ,  Bayes  Se  les  châteaux 
de  Kaples  ,  &  tint  la  campagne  avec  le 
reftc  qui  pouvoit  monter  à  dix  mille 
hommes  en  anendant  des  fecours  du  Duc 
de  Wurtemberg  qui  commandoit  une  ar- 
mée de  foixante  mille  hommes  en  Lcm- 
hardie  ;  mais  Dom  Carlos  ne  lui  donna 
pas  le  tems  de  les  recevoir.  Aufli-tôt 
Cîrtl  eut  appris  le  projet  auquel  s^etoit 
détermine  l'ennemi  ;  il  partagea  fôn 
année  en  trçis  Corps  dont  deux  fu- 
rent deftinés  pour  faire  en  même-tems  les 
ééges  de  Gayette  &  de  Capoue  ;  il  le 
réferva  à  lui  -  même  le  troifîeme  pour 
combattre  Vifcomti ,  mais  l'impatience 
de  la  Ville  de  Naples  qui  appellolt  ce 
jeune  Prince  à  grands  cris ,  ne  lui  per- 
mir  pas  de  fatistaire  fa  noble  ardeur  ; 
ii.  fê  vit  obl5iv;é  de  fe  rendre  aux  xosajL- 
des  N;ipolituitK^  qiû  le  reçurent  le  dix 
avec  dc$  .)('pbudifleffiens  vùq}^  i 


430  Histoire 


plufieurs  le  proclamoient  déjà  Roi. 

Cependant  Montemar  pourluivoit  Vif- 
comti  en  la  place  de  Dom  Carlos  ;  il  l'at- 
teignit bientôt  dans  le  camp  de  Bitonto 
où  il  s'étoit  retranché  ;  le  Général  Efpa- 
gnol  l'attaqua  fur  le  champ,  &  le  força 
après  un  combat  de  trois  heures  :  à  peine 
échappa- t-il  deux  mille  ennemis  au  fer 
du  vainqueur  ^  ou  à  la  prifon  :  les  dra« 
peaux,  les  étendards ,  Tartillerie ,  les  ba- 
gages ,  la  caiife  militaire  tombèrent  en- 
tre fes  mains  :  cette  viétoîre  remportée 
le  vingt^cinq  Mai  décida  à  jamais  de  la 
deftinée  du  Royaume  de  Naples  qui  re- 
tomba entre  les  mains  des  Efpagnols 
vingt- (îx  ans  après  qu'il  leur  eut  été 
eiîlevé. 

Dès  que  Philippe  eut  appris  les  fuccès 
de  fon  fils ,  il  lui  envoya  un  diplôme  par 
lequel  il  le  créoit  Roi  de  Naples  ;  les  Na- 
politains qui  depuis  plus  de  deux  fiécles 
n'a  voient  joui  de  la  gloire  &  de  la  fatis- 
faélion  d'obéir  à  un  Roi  particulier ,  pro- 
clamèrent Dom  Carlos  avec  des  tranf- 
-ports  proportionnés  au  bienfait  de  î'Ef- 
pagne.  En  même-tems  Philippe  fit  écla- 
ter fa  reconnoiflance  à  Tégard  de'  Mon- 
semar  entre  les  mains  de  qui  les  armtes  £f* 


d'Espagse.  431 

pagDoles  zvokm  tnooapke  9  3  le  créa 
Grand  d'EfpagDe  &  Dec  de  Bkonto , 
iCDOiivdlaDC  en  fâ  £i¥ear  la  ccatazic 
^onta£c  établie  chez  les  Romains  de 
dcmner  asKGéoénmx  le  fiiniom  de  lears 
casxgnctts  &  de  lears  riSUmes  :  ecfia  » 
pQor  fTîTTBâfer  k  fbarenîr  d'une  acbtf33 
qm  leadocr  im  Royasme  à  la  MaHbn 
a'EIpagse ,  3  &  âner  (ar  le  diansp  de 
tairiBif  de  Biscmo  32X)e  pfnamîde  trian- 
^^alsr*  de  KpsrssiTt  ji^os  de  hs::2ze:2T^ 
csaœ  d'^fisiMÉSi^es  &  d'sïiciîpôcc.s  tn 

Ut*  ^  b  T^âioâse  dôs  des  CJszéâeis;  les 
Grecs  B^én^pDâcar  q:«  des  troçitcj  de 
bsDs  9  rFh  -zp^  ii  tenu  rcaaist  a  fcs  coo- 
fnrr»^ .  £t  bic=:x:5r  f erir*  k  focrreiiîr  ce 

dr^g::^^  tk  iîa  CocTCoae  pSuT  f {ra  sâi^^  d 
s'^^TTUfca  Z3LX  apg)^F;a;?iH&a*îrs  &  six 
pV'y?  £^  la  OyÂraikf  poor  ife  iCJiLeds- 
ixrt  Grrer-f  qz^il  pri  i  âSsnéiaa ;  ila 
^B!:xâ%bai  ALcacÎEBie  -3^  <(j::acrs  scikiaDGiif- 
mes  -  -aaabs  e»  îbm  TOiLTcér  ;  j*  C::œ:3 


452  Histoire 

Pendant  ce  tems-là  le  vainqueur  de 
Bitonto  étoit  paflTé  en  Sicile  avec  vingt 
mille  hommes  ;  à  fon  approche  le  Mar- 
quis de  Saftago ,  Vice-Roi  de  Tlfle ,  jetta 
toutes  fes  troupes  dans  Meflîne  >  Syracu- 
fe  &  Trapani ,  &  s'enfuit  à  Malte  fur  les 
galères  de  Naples  ;  lé  Duc  de  Montemar 
reçut  à  Palerme  au  nom  de  Dom  Carlos 
les  hommages  de  Tlfle ,  &  de-là  fut  affli- 
ger ces  trois  Places  à  la  dëfenfe  defqùel- 
les  les  Autrichiens  avoient  confacré  tou- 
tes leurs  forces  ;  toutes  trois  fe  défendi- 
rent avec  vigueur ,  &  fur  tout  Mefline 
que  le  Prince  de  Lobkowits,  fon  Gouver* 
neur ,  ne  rendit  que  Tannéç  fuivante  à 
D.  Carlos, 

Dom  Gabriel  d'Alderette,  Chef  d'Ef- 
cadre ,  vainquit  une  armée  navale  Algé- 
rienne: il  prit  deux  vaiffeaux  ;  les  flottes 
du  Pérou  &  du  Mexique  apportèrent 
dans  les  Ports  d'Efpagne  plus  de  cent 
vingt  millions ,  dont  la  moitié  appartc- 
noit  au.Rdî. 

Toutes  ces  profpérités  furent  trou- 
blées par  l'incendie  du  palais  de  Madrid, 
'  arrive  le  vingt-cinq  Décembre;  un  nom- 
bre prodigieux  de  tableaux  des  plus 
granas  maîtres  ^  de  riches  meubles  furent 

la 


d'Espagne.  433 

la  proye  de  Tincendiç;  mais  ce  qu'on  re- 
gretta le  plus  fut  la  meilleure  partie  des 
archives  de  la  Couronne  ,  &  fur-tout 
celles  qui  regardent  l'Amérique. 

Les  fuccès  des  Allies  étoient  auffi  ra- 
pides &  auflii  décififs  que  ceux  de  Dom 
Carlos  ;  le  Marquis  de  Maillebois  qui 
s'étoit  infiniment  diftingué  dans  la  con-j 
,  Guête  du  Milanez ,  Tacheva  par  la  pri- 
te  de  Tortone  ;  il  vainquit  dans  un 
combat  livré  à  Colorno  les  ennemis  ;  ce- 

f>endant  fes  fuccès  n'empêchèrent  point 
e  Duc  de  Wirtemberg ,  Général  de  l'Em- 
pereur de  pafler  le  Pô ,  &  de  refferrer 
étroitement  les  Alliés  ;  le  Maréchal  de 
Villars  que  fa  vieillefle  &  fes  infirmités 
ce  permettoient  plus  d'agir  avec  la  mê- 
me aftivité  qu'autrefois  ,  quitta  le  com- 
mandement de  l'armée ,  &  vint  mourir 
à  Turin  dans  la  même  chambre  où  il  étoit 
né  quatre-vingt-trois  ans  auparavant  ; 
les  François ,  fous  les  ordres  des  Maré- 
chaux de  Coigni  &  de  Broglio  fuivirent 
les  Autrichiens  commandés  par  le  Com- 
te de  Merci ,  &  les  atteignirent  aupn^ 
de  Parme  ;  ce  fut  fous  les  murs  de  cette 
Ville  que  fe  livra  le  vingt- neuf  Juin  1^ 
bataille  qui  en  porte  k  nom  ;  W 
Tome  F.  T 


454  Histoire 


brave ,  habile  &  malheureux  comme  tous 
ceux  qui  ont  porté  fon  nom  ,  la  perdit 
avec  la  vie  ;  les  vaincus  laiflerent  dix 
mille  hommes  fur  le  champ  de  bataille  / 
&  Guaftalle  fut  pris  le  cinq  Juillet  à  dif- 
crétion  par  le  Roi  de  Sardaigne  qui  n'a- 
voit  pu  fe  rendre  à  Tarmée  alliée  qu€  le 
lendemain  de  la  vidoire. 

Tous  ces  avantages  furent  fuivîs  d'u- 
ne difgrace  à  laquelle  on  n'auroit  pas  dû 
s'attendre  ;  l'armée  Autrichienne  vain- 
cue paffa  la  Sechia  le  quinze  Septembre  i 
furprit  le  Maréchal  de  Broglie  dans  fon 
camp ,  lui  enleva  plufieurs  quartiers  5  lui 
fit  3000  prifonniers ,  &  Tobligea  de 
fuir  dans  le  plus  étrange  défordre  ;  mais 
ce  Général  ne  tarda  pas  à  réparer  iz  fau- 
te ;  quatre  jours  après  il  contribua  infi- 
niment au  gain  de  la  bataille  que  le  Roi 
de  Sardaigne  &  le  Maréchal  de  Coigni 
remportèrent  à  la  vue  de  Guaftalle  fur  iç 
Comte  deKognifeck. 

Kognifeck  vaincu  fit  lever  le  fiége  de 
la  Mirandole  ^ux  vainqueurs;  mais  les 
fuccès  des  Alliés  étoient  trop  décififs 
pour  ofer  fe  flatter  de  co^ferver  l'Italie. 

Les  François  combattoient  avec  au- 
tant de  valeur  ^de  fortune  fur  hs  rive$ 


rt    ^ 


d'Espagn.£.  45^ 


du  Rhin  qu'au  delà  des  Alpes  ;  le  Maré- 
chal de  Barwick  força  les  lignes  d'Ettin- 
gue  le  quatre^Mai  ,  &  fut  aflîéger  Phi- 
Ulbourg  ;  le  Prince  Eugène ,  après  avoir 
quelque  tems  refté  dans  rinaélion  à  Heil- 
bron ,  vint  à  Vifethal  reconnoître  le  camp 
des  François  ,  ce  grand  homme  devenu 
auffi  circonfpeél  qu'il  avoit  paru  autre- 
fois plein  de  feu  &  d'audace  ne  profita 
point  de  la  pofition  du  camp  des  Fran- 
çois,dontles  rctranchemens  à  peine  ébau" 
chés  lui  ofFroient  une  vidloire  facile  Se 
décifive  ;  le  moment  précieux  de  vaincre 
n'ayant  point  été  faiu,  il  falloit  que  Phi- 
lifbourg  fuccombât  ;  la  mort  déroba  à 
Barwick  la  gloire  de  cette  conquête  ;  il 
fut  tué  le  douze  Juin.  Le  vainqueur  d' A 1- 
manfa  &  de  Barcelone ,  auffi  illuftre  par 
fa  probité  ,  fa  grandeur  d  ame ,  fon  dé*- 
fintéreflement  &  fa  piété  que  par  fcs  ta- 
lens  &  fes  exploits , .  laififa  dans  fes  fih  de 
'.dignes  héritiers  de  fa  vertu  ;  Taîné  de 
tous  établi  en  Efpagne  y  &  connu  foLS 
le  titre  de  Duc  de  Liria ,  prit  le  nom  de 
BarvTick ,  6c  le  foutint  dignement  ;  il 
mourut  quelques  années  après  ï  la  fleur 
de  fon  âge  à  Naples  où  il  étôit  Ambafl* 
deur  extraordinaire  d'Efpagi 


43<5  Hl  s  TO  IRE 

Le  Maréchal  d'Asfeldt  ,  fucceffeur 
.de  Barwick  prit  Philifbourg  le  dix-huit 
Juillet  ,  conquête  à  jamais  mémorable 
par  les  obftacle^  étonnans  que  les  Fran- 
çois eurent  à  vaincre  de  la  part  des  inon- 
dations du  Rkin. 
lyjj,  UEfpagne  envifageoit  dans  tous  fes 
fuccès  la  gloire  de  chaffer  pour  jamais  les 
Allemands  de  Tltalie  ;  c*eft  dans  ces 
vues  qu'après  avoir  envoyé  à  Dom  Car- 
los un  diplôme  par  lequel  il  le  conftituoif: 
Roi  de  Sicile ,  Philippe  donna  ordre  au 
Duc  de  Montemar  de  pafler  avec  trente 
mille  hommes  en  Lombardie.  Pendant 
que  Dom  Carlos  achevoit  de  conquérir 
la  Sicile ,  &  fe  failbit  couronner  Roi  à 
Palerme ,  Montemar ,  d'un  côté ,  le  Roi 
de  Sardaigne  &  le  Maréchal  de  Noailles 
•  de  i'autre  ,  pourfuivoient  dans  toute  la 
Lombardie  les  Généraux  Autrichiens  ; 
Kognifeck  £è  faiîva  dans  le  Trentin , 
abandonnant  l'Italie  où  TEmpereur  ne 
poffédoit  plus  que  Mantoue  ,  la  Miran- 
dole  &  les  côtes  de  Tofcanç  (^îi)  ;  ces  der- 
nières Places  lui  furent  bientôt  enlevées 

4 

(a)  Il  faut  obferver  que  TEfpagnç  conferv^, 
toujours  fiir  les  cotes  de  Tolcane  Porto-tp,^ 
j^one  Se  ^uel^ue^  autves  po:Qe^     .  v  .  ^ 


d'  E  S  P  A  G  N  E.  43'^ 

1— —  1 

par  k  Marquis  de  la  Mina  ;  le  Général 
Maceda  prit  la  Mirandole  ;  l'Empereur 
accablé  par  cette  longue  fuite  de  difgra- 
ces ,  avoit  lieu  de  fe  repentir  d'avoir  don- 
né un  Royaume  à  la  Maifon  de  Saxe.  L'I- 
talie dont  il  tiroit  prefque  tous  fes  tré- 
fors  perdue  en  moins  de  deux  ans  ^  Phi- 
lifbourg,  le  rempart  de  l'Empire,  em- 
.  porté  5  les  armées  Impériales  ruinées ,  les 
finances  épuifées  ne  lui  laiflbient  plus  en» 
trevoir  de  reflburces  :  dans  cette  extré- 
mité ce  Prince  eut  recours  à  la  médiation 
des  Puiflances  maritimes ,  afin  d'obtenir 

{:ar  leur  canal  une  paix  nécefTaire  ,  ou 
'appui  de  leurs  armes. 

L'Angleterre  &c  la  Hollande  qui  n*a- 
voient  pas  vu  fans  une  fecrette  joye ,  les 
commencemens  de  cette  guerre,  dans 
l'efpérance  que  la  fîené  de  l'Empereur 
feroit  humiliée,  ne  s'étoient  pas  atten- 
dues aux  vidloires  rapides  de  la  Maifon 
de  Bourbon,  Elles  rie  pouvoient  plus  dit 
Cmuler  l'inquiétude  qu'elles  en  conce- 
voient  ;  leur  ancienne  jaloufie  contre  la 
France  fe  réveilla,  j  elles  firent  enten- 
dre à  Louis  XV.  qu'il  £iUoic  donner  la 
paix  à  l'Empereur ,  ou  s'attendre ,  fqr 
un  refus ,  à  les  voir  qw^^'  '*'     '  '- 


438  Histoire 

le  du  Prince  vaincu  ;  le  Roi  de  Fran- 
ce qui  ne  s'eft  jamais  écarté  de  la  mo^ 
dération  &  de  l'équité  qui  convien- 
nent à  un  Prince  Chrétien  ,  prêta  To- 
reille  à  des  propofitions  fi  conformes^  à 
l'hamanité  de  fcs  fentimens  ;  d'ailleurs , 
due  pouvoit-il  efpérer  de  mieux  que  de* 
dï&Qt  la  paix  au  milieu  de  fes  triom- 
phes ? 

Les  articles  préliminaires  furent  bien- 
tôt fignés  ;  en  conféquence  il  y  eut  une 
fufpenfion  d'armes  qui  conduifit  à  la  paix 
dont  nous  rendrons  cdmpte ,  après  avoir 
expofé  les  démêlés  de  l'Êrpagne  avec  le 
Portugal  &  la  Cour  de  Rome. 

La  jaloufie  ,  l'ancienne  rivalité  des 
Caftillans  &  des  Portugais  ,  les  diméJés 
inévitables  entre  deux  Puîflances  voifi- 
nes  en  Europe  ^.  en  Amérique,  les  con- 
teftations  nées  au  fujet  des  limites  du 
Paraguai  &  du  Bréfil ,  qui  n'ont  jamais 
été  déterminées  d'une  manière  fixe ,  enfin 
l'opiniâtreté  des  deux  Cours  à  ne  rien 
céder  de  leurs  prétentions ,  menaçoient 
d'une  prochaine  &  fanglante  rupture  ;  le 
Roi  de  Portugal  dont  les  forces  ne  peu- 
Vent  foutehir  aucune  comparaifon  avec 
celles  d'Efpagne,  prévoyant  d'ailleurs 


d'Espagne.  45P 

qu'une  multitude  de  François  accoutu- 
més à  chercher  la  guerre  dans  les  Pays 
étrangers  y  quand  leur  Patrie  jouit  de  la 
paix,  viendroient  fe  ranger  fous  les  éten- 
darts  d'un  Roi  Bourbon ,  eut  recours  à 
fes  tréfors  pour  enlever  à  fon  ennemi  des 
bras  toujours  prêts  à  le  fervir  ;  il  donna 
un  décret  par  laquelle  il  ofitoit  la  paye 
double  aux  Officiers  &  aux  Soldats  r  ran- 
çois  qui  prendroient  du  fervîce  en  Ponu- 
gai  ;  mais  là  politique  du  Roi  Jean  fut  vai- 
ne  &  inutile  :  les  nuages  qui  annonçoient 
un  prompt  &  violent  orage ,  fe  diflipe- 
rent  par  la  médiation  de  l'Angleterre  ; 
on  fe  rapprocha  de  part  &  d'autre  9  6c 
on  fît  ce  que  fouvent  les  Princes  ne  font 
qu'après  avoir  perdu  leur  plus  brillante 
jeunefle  &  leurs  tréfors. 

La  querelle  avec  la  Cour  de  Rome  eut 
fa  fource  dans  l'indifcipline  de  b  popu«- 
lace  Romaine.  Quelques  Ofiîiciers  Efpa- 
gnols  faifoient  des  recrues  dans  Rome  f 
regardée  conune  la  Patrie  commune  de 
toutes  les  Nations  Catholiques  ;  mais  le 
Peuple  fe  fouleva  contre  ces  Officiers , 
&  en  maflacra  plusieurs  ;  le  Gouverne- 
ment ferma  les  yeux  fur  cet  attentat  9  ce 
qui  furprit  d'autant  plus  ^"  ^       -^'Ef- 


440  Histoire 

pagne ,  que  depuis  long-tems  elle  n'a- 
voit  été  fi  étroitement  unie  avec  le  Saint 
Siège  ;  Clément  XII.  venoit  d'envoyer 
le  chapeau  de  Cardinal  à  l'Infant  Dom 
Louis  {a)  âgé  de  dix  ans ,  avec  une  Bulle 
qui  le  conftituoit  Adminiftrateur  des  Ar- 
chevêchés de  Tolède  &  de  Séville  dont 
les  revenus  joints  enfemble ,  montent  à 
près  de  deux  millions  :  en  reconnoiflance 
de  ce  bienfait ,  le  Roi  avoit  permis  qu'on 
ouvrît  le  Tribunal  de  la  Nonciature  fer- 
mé depuis  près  de  vingt  ans  ;  Philippe  in- 
digné ,  donna  ordre  au  Cardinal  Aqua- 
viva>  Proteéleur  d'Efpagne  de  deman- 
der en  en  fon  nom  une  latisfaélion  pro- 
portionnée à  Pinfulte  ;  le  Pape  la  refufa  : 
llir  ce  refus  le  Tribunal  de  la  Nonciature 
fut  de  nouveau  fermé  ;  l'entrée  de  l'Ef- 
îpagne  fut  interdite  au  Nonce  Valenti 
Gonzaga  qui  s'y  rendoit  à  grandes  jour- 
nées ;  &  enfin  le  Duc  de  Momemar  re- 
çut ordre  d'envoyer  des  troupes  à  Ro- 
me. A  la  nouvelle  de  la  marche  des  Ef- 
pagnols ,  le  Pape  effrayé  acquiefça  à  tou» 
tes  les  demandes  d'Aquaviva ,  &  donna 

(a)  Ce  Prince  a  depuis  renvoyé  le  chapeau  « 
&  renoncé  à  ces  deux  Archevêchés  fur  le(^ucîs 
il  conferve  de  groITes  penfions. 


D'£  5  F  A  GN  E.  441 

la  ratis&élton  exigée  ;  en  conféquence 
les  chofes  furent  rétablies  fur  L'anciea 
pied  ;  la  gloire  de  fupprîiner  pour  jamais 
le  Tribunal  de  la  Nonciature  avec  l'aerd- 
ment  du  S.  Siège ,  étoit  réfervée  i  Fer- 
dinand VI. 

Les  Rois  d'Efpagne  &  de  Sardaigne  175e. 
accédèrent  au  commencement  de  cette 
année  aux  articles  préliminaires  iîgnëf 
entre  la  France  Se  l'Empereur;  Louis  XV. 
fe  chargea  pendant  route  la  négociation 
jufqu'au  traité  de  paix  qui  fut  Cgné  à 
Vienne  le  dix.huit  Novembte  1731*  des 
intérêts  de  fes  deux  AUiés  :  Voici  les 
principaux  articles  de  celte  paix  qui 
changea  la  face  de  l'Italie. 

L'Empereur  céda  à  Dom  Carlos  lef 
Boyaumes  de  Naples  Se  de  Sicile,  & 
les  côtes  de  TolcanCa  &  Donv  Carlos 
donna  à  ce  Prince  pout  équivalent 
tes  Duchés  de  Parme  &  de  Flaifaa* 
ce  ;  U  Fraece  reftitua  le  Mantouaa , 
le  JMontferrat ,  le  Milanez  ,  fes  conq^uê- 
tes  fur  le  Fhin-,  &  garantit  U  Fragfnatk* 
que  de  Charles  VI.  en  faveur  de  u  fille 
ainée  qui  venoit  d'époufcr  le  Duc  de 
Lorraine  Ôc  de  Bar  ;  mais  ce  dernier  Prin- 
ce céda,  c^idcux  Duchés  à  la  France  > 


442  Histoire 

— — *  - 

rufufruit  réfervé  à  Staniflas  avec  le  titre 
de  Roi  ;  le  Duc  de  Lorraine  obtint 
l'expedlative  de  la  Tofcane ,  en  dédom- 
magement de  fon  patrimoine. 

Enfin  TEmpereur  détacha  du  Milanez 
en  faveur  du  Roi  de  Sardaigne  le  Tor- 
tonois  &  ie  Novarrois» 

L'Efpagne  &  le  Roi  de  Sardaigne  dont 
la  valeur  avoit  fi  fort  contribué  aux  vic- 
toires de  la  Maifon  de  Bourbon ,  mur- 
murèrent long-tems  d'un  traité  dont  ik 
n'avoient  pas  recueilli  tous  les  avanta- 
ges qu'ils  avoient  efpérés  j  la  Cour  de 
Madrid  ne  regardoit  comme  un  digne 
fruit  de  la  viéloire  la  ceflîon  des  Royau- 
mes de  Naples  &  de  Sicile  qu'autant 
qu'elle  auroit  confervé  la  Tofcane  y  Par- 
me &  Plaîfance.  Charles- Emmanuel  ne 
pouvoît  fe  confoler  de  n'avoir  dans  les 
dépouilles  de  l'Empereur  d'autre  part 
queleVigevenafque;  il  avoit  efpéré^ainé 
que  l'Efpagne ,  que  l'Empereur  perdroit 
tous  fes  Etats  de  l'Italie ,  &  que  le  Mi- 
lanez entier ,  le  Mantouan  &  le  Mont- 
ierrat  deviendroient  fon  partage. 

Mais  la  France  plus  modérée  n*a{pî- 
roît  ni  pour  elle ,  ni  pour  fes  Alliés  à  cfe 
telles  prétentions  s  fon  but  n'avoit  été 


"que  de  venger  le  Roi  Stanillas,  Se  d'ob- 
îenir  quelques  Provinces  pour  les  Al- 
liés :  l'acquifitîon  de  la  Lorraine  &i  du 
Barrois  fut  plutôc  un  efièt  des  conve- 
nances générales  de  l'Europe  que  de  fon 
ambition;  il  faltoic  dédommager  le  Roi 
deJPologne  de  la  perte  d'un  Royaume; 
û  Louis  XV.  eût  infiflé  fur  de  plus  grands 
avantages,  la  guerre  fût  devenue  géné- 
rale, &  le  fuccès  en  eût  pu  être  tel  que 
les  Alliés  auroient  été  moins  favorifés 
qu'ils  le  furent  par  le  traité  de  Vienne. 
Nous  ne  pouvons  nous  empccber 
d'obferver  que  de  tous  les  Princes  de 
l'Empire  engagés  dans  cette  guerre  par 
Charles  VL  le  feu!  qui  n'y  prit  point  de 
parc  ,  fut  l'Eleéteur  de  Bavière  qui  n'en- 
voya pas  même  fon  contingent  ;  ce  mé- 
nagement fage  Se  politique  ,  joint  auic 
fervices  de  fon  père,  value  à  t'Eleéleur 
l'amitié  de  la  Maifon  de  Bourbon  qui  de- 
puis l'éleva  à  l'Empire. 

Le  traité  de  Vienne  n'affermidbit  pas 
tellement  la  paix  en  Europe  que  les  Po- 
litiqu  '  " 

plante  &  \ 
venoit  d'être  ' 


I 


444  Histoire 

— 

verte  ;  c'étoît  pour  la  prévemr  que  les 
Puiflfances  maritimes  négocièrent  la  te- 
nue d'un  cortgrès;  mais  les  Princes  pré- 
tendans  à  Théritage  de  Charles  VI,  l'Em- 
pereur lui-nvême  &  la  France  n'y  voulue 
rent  point  confentir. 

L'Efpagne  rappella  fes  troupes  d'Ita- 
Be  ,  après  avoir  fait  préfetit  au  Roi  de 
Naples  de  huit  Régimens  &  de  huit  vaif- 
feaux  de  guerre. 

Dom  Jofepb  Patinho ,  Marquis  de  CaC 
tellar ,  le  plus  grand  homme  qu'ait  eu? 
l'Efpagne  depuis  le  Cardinal  Xinaenès , 
mourut  cette  année  ;  ce  Miniftre  qui  fat 
tout  à  la  fois  le  Colbêrt  &  le  Louvois  de 
l'Efpagne ,  avoit  lé  département  des  af- 
faires étrangères,  celui  de  ta  Guerre ,  de 
la  Marine  &  des  Indes ,  la  Surintendant 
ce  de  tous  les  revenus  de  la  Couronne  & 
!e  Gouvernement  de  lafalle  des  millions; 
tous  ces  emplois  auxquels  feul  il  fuffi^ 
foit ,  furent  partagés  après  fa  mort  entre 
plufieurs  Miniftres  éclairés  ;  une  aftivité 
prodigieufe ,  la  plus  vafte  prévoyance  > 
le  jugement  le  plusfolide  &  le  plus  luipî- 
îveux  ,  Tefprit  de  détail  ^  de  reflburces  & 
de  combinaifons ,  le  fecret ,  1  ordre  ,  la 
fenxieté  >  U  grandeur  d^ame  ,  le.  àé&skr- 


I 


I 


téreflèmenc,  l'amour  le  plus  ardent  pour 
la  Patrie  forraoieni  le  caraflere  du  Mar- 
quis de  Caftellar-  On  ne  fçait  à  qui  du 
Roi  ou  de  ta  Nation  il  fut  le  plus  chef 
par  les  fuccès  &c  la  glowe  de  fon  minillc- 
re  ;  le  Peuple  arrola  Ion  tombeau  de  fcs 

i larmes  ,  &  le  Roi  qui  pendant  fa  vie  l'a- 
Sfoit  honoré  de  la  Grandefl'e  &  de  la 
Toifon  d"Or ,  lui  fit  faire  de  magnifiquei 
obféques  aux  dépens  du  tr(;(or  Royal  ; 
digne  &  jufte  récompenfe  des  vertus  ici 
plus  fublimes,  des  talens  Us  plus  tmi- 
.aens  ,  &  des  plus  grands  fervices  rendus 
""  la  Patrie. 

A  ce  Minière  immortel  fuccéda  dans  lyjj 
Tadminiflration  de  la  guerre  le  G(înéral 
entre  les  mains  de  qui  les  armes  de  Vd 
Nation  avoient  toujours  triomphé.  On 
voit  que  je  veux  parler  du  Duc  de  Mon- 
temar  ,qui  à  fon  retour  d'Italie  fut  tait 
JWiniflre  de  la  Guerre  ,  ayant  fous  fcs  or- 
dres un  Secrétaire  d'Etat. 

Cependant  le  Roi  profiroitde  la  paix 

lour  faire  rebâtir  te  palais  de  Madrid ,  Si 

iformer  Us  abus;  entre  pluHcurs 

"    ir  publia , 

fi. 


446  Histoire 

n'acquitte  les  droits  d^amortilfement  , 
la  proportion  de  l'argent  à  l'or  n'étant 
point  exaéle  :  un  édit  porta  l'écu  de  dix- 
huit  réaies  vingt- huit  Maravedis,  à  vingt 
réaies  ;  les  loix  fomptuaires  furent  auffi 
révoquées  ,  parce  qu'elles  gênoient  le 
commerce ,  &  anéantiffoient  les  Manu- 
faélures ,  fan«  quelles  Citoyens  paruffent 
en  retirer  quelqu'utilité. 

Dans  le  même-tems  le  Roi  ordonna 
un  camp  de  dix  mille  hommes  auprès  de 
Ségovie  lous  le  commandement  du  Mar- 
quis de  Caftel-Fuene  >  afin  de  donner  à 
farCour  une  image  de  la  guerre. 

Le  Grand  Duc  de  Tofcane,  Jean-Gaf- 
ton  de  Médicis ,  mourut  cette  année  ;  en 
lui  finit  la  célèbre  Maifon  de  Médicis 
dont  tous  les  Princes  furent  à  Tenvi  les 
protedleurs  les  plus  magnifiques  &  les 
plus  éclairés  des  fciences  &  des  arts; 
elle  avoit  régné  environ  deux  fîecles  dans 
la  Tofcane;  en  vertu  des  convenanc-es 
de  l'Europe ,  le  Duc  de  Lorraine  lui  fuc- 
céda  fans  difficulté  ;  il  n'en  fut  pas  de 
même  des  biens  allodiaux  de  cette  Mai- 
fon dont  le  Roi  de  Naples  lui  difputa 
la  poiTefiion. 

Les  extrémités  de  l'Europe  étoiene 


D^ESPAGNE.  447 

)rs  déchirées  par  une  guerre  cruelle 
i  s'éleva  entre  les  Rufles  d'une  part , 
I  Turcs  &  les  Tartares  de  l'autre  ;  la 
iffie  voloit  de  vidloire  en  viftoire ,  lorf- 
e  l'Empereur  fe  joignit  à  elle  ;  Charles 
at  que  le  moment  d'accabler  les  Turcs 
)it  arrivé;  il  leur  déclara  la  guerre  dans 
fpérance  de  fe  dédommager  à  leurs  dé- 
ns  de  ce  qu'il  venoit  de  perdre  contre 
Maifon  de  Bourbon  ;  mais  le  fuccès 
>mpa  fes  efpérances  ;  cette  guerre  ne 

pour  lui  qu'une  fuite  d'infortunes  ôc 
lumiliations  ;  TEurope  ne  vit  pas  fans 
prife  Charles  VI.  qui  comme  Léo- 
Id  fon  père  avoit  eu  la  fupériorité  la 
is  décidée  fur  les  Mufulnâans  y  n'é- 
)uver  que  des  défaftres  ;  c'eft  que  le 
nqueur  de  Belgrade ,  par  les  mains  de 
i  le  père  &  le  fils  avoient  toujours 
)mphé ,  n'exiftoit  plus. 
Le  Sud  de  l'Europe  n'étoit  pas  encore  173^' 
:ifié ,  puifque  le  traité  de  Vienne  ne 

figné  cette  année  que  le  dix-huit  No- 
abre  ;  &  déjà  il  étoit  menacé  d'une 
ivelle  guerre  :  PEfpagne  &  TAngle- 
re  avoient  au  fujet  du  commerce  de 
mérique  des  intérêts  qu'il  eût  été  fa- 
:  de  concilier  j  û  cette  dernière  Puii^ 


448  Histoire  - 

fance  eût  voulu  fe  prêter  à  un  accomnio- 
dément  équitable;  maisdans la  négocia- 
tion qui  fut  entamée  à  ce  fujet ,  &  fuivie 
très- loin  ,  elle  ne  cberchoit  qu*à  endor- 
mir TEfpagne ,  &c  à  lui  enlever  l'Em- 
pire de  TAmérique. 

Les  traités  d' Utrecht  &  de  Séville  f 
outre  la  traite  des  Nègres ,  accordoit  aux 
Anglois  le  pouvoir  d*envoyer  chaque 
année  en  Amérique  un  valfleau  chargé 
de  marchandifes  ;  les  Anglois  n'en  fai- 
foient  paroître  à  la  vérité  qu'on  ,  mais  il 
étoit  Kiivi  de  loin  par  plufîeurs  autres 
qui ,  à  melure  qu'il  débitoit  fa  cargai- 
fon  ,  lui  envoyoient  de  nouveaux  effets.. 
Par  ce  moyen  &  par  celui  du  commer- 
ce ctandeftin  &  illicite  que  ce  Peuple 
avoit  établi  fur  les  côtes  dé  FAméri^ 
que ,  il  avoit  trouvé  le  fècret  de  four- 
nir feul  les  Colonies  Efpagnoles  de^ 
denrées  de  l'Europe,  &  d'attirer  à  lui 
le  commerce  de  l'Amérique  ;  la  Foire  de 
Pananw ,  la  pbs  riche  de  l'Univers ,  dans 
laquelle  les  Négocians  Efpagnols:  échan- 
gentpour  de  l'or  &  de  l'argent  Les  mar- 
chandifes de  tous  les  Européens ,  étoit 
tombée^  tels  étoient  les  griefides  Efgar 
gaols«. 


d'  E  s  P  A  G  N  E.  44P 

Les  Anglois ,  de  leur  côté ,  fe  plai- 
gnoient  que  dans  ces  Mers  éloignées  les 
vaifleaux  Elpagnols  exerçoient  contr'eux 
les  plus  affreux  brigandages  ;  que  fous  le 
vain  prétexta  de  contrebande ,  ils  vifi- 
toîent  leurs  navires  ,  confilquoient  les 
marchandifes ,  &  jettoient  dans  d'obfcu- 
res  prifons  ,  les  Marchands  &  les  Mate- 
lots de  leur  Nation.  Un  de  ces  derniers, 
dans  le  tems  qu^on  en  étoit  encore  aux 
voyes  de  conciliation  ,  échappé  des  fers 
des  Efpagnols ,  fe  préfenta  au  Parlement 
de  Londres  ,  exagéra  les  cruautés  pré« 
tendues  dont  il  accufoit  les  E^agnols 
d^être  coupables  envers  les  Anglois ,  & 
réclama  la  vengeance  de  la  Nation  ;  la 
populace  de  Londres  prit  feu  y  demanda 
la  guerre  à  grands  cris ,  6c  le  Sénat  de  la 
Nation  entra  dans  les  vues  du  Peuple  , 
non  pour  venger  des  infultcs  imaginai- 
res ,  mais  pour  enlever  l'Amérique  qu'il 
ne  voyoit  qu'avec  douleur  entre  les  mains 
de  TEfpagne ,  depuis  que  la  vigilance  des 
Efpagnols  empechoit  les  Anglois  de  pro- 
fiter (euls  des  tréforsdu  nftuvcau  Monde. 

Cependant  la  Cour  de  Londres  9  pour 
avoir  le  tems  de  faire  fe$  préparatifs ,  & 
pour  furprendre  1'/  xt ,  jugea  à  ' 


4^0  Histoire 

jrof  es  d  entretenir  la  négociation  :  il  v 
eut  mcme  des  articles  préliminaiies  u* 
gnts  Ôc  une  convention  arrêtée  au  com- 
mencement de  Tannée  fuivante  au  Pardo. 
Pendant  ce  tems-là  le  Roi  des  deux 
Siciies  époufoit  la  Princefle  aînée  de  Sa- 
xe, inftituoit  l'Ordre  de  S.  Janvier,  & 
recevoit  du  Pape  Pinveftiture  du  Royau- 
me de  Naples. 
^139*     ^^^  ^^  convention  du  Pardo,  le  Roi 
s'étoit  obligé  de  donner  aux  Anglois  en- 
viron cent  mille  livres  fterlings  pour  les 
dédommager  de  la  perte  de  Icur^  vaift 
féaux  confifqués  :  en  même-tems  il  nom- 
ma des  Minières  pour  conclure  avec 
ceux  de  George  II.  lie  traité  définitif; 
mais  quelle  fut  fa  furprife  lorfqu^il  apprit 
que  le  Parlement  Anglois,fi  femblableau 
Sénat  de  Carthage ,  avoit  cenfuré  la  con- 
vention du  Pafdo  ,  &  qu'il  avoit  donné 
ordre  qu'on  faisît  tous  les  vaiffeaux  Es- 
pagnols !  Les  Anglois  n'avoient  levé  le 
mafque  que  lorfqu'ils  jugèrent  que  deux 
flottes  envoyées  en  Amérique ,  &  l'efca- 
dre  qui  cruifoît  fur  les  côtes  d'Efpagne , 
dévoient  avoir  enlevé  quelques  Villes  ou 
les  galions  du  nouveau  Monde.  L'Ami- 
ral Vernon  s'étoit  en  effet  rendu  maître 


d'Espagne.  45-1 


de  la  torterelie  de  Porto-Bello  dont  le 
Gouverneur  fut  punî  pour  ne  s'être  pas 
défendu  en  homme  de  cœur  ;  la  décL;rar 
tion  de  guerre  de  l'Angleterre  ne  prccé- 
da  la  prife  de  Porto-Belio  que  de  cinq  fe- 
inaines  ;  la  Cour  d'£f  pagne  ne  tarda  pas  à 
ufér  derepréfailles;d  abord  elle  ordonna 
à  tous  les  Anglois  établis  en  Ëfpagne  d'en 
fonir  dans  le  terme  de  huit  jours,  fous 
peiné  d'être  arrêtés  &  traités  en  prlfon- 
niers  de  guerre  ;  enfuite  parut  une  ordon- 
nance qui  défendoit  fous  peine  de  mort 
d'introduire  en  Efpagne  &c  en  Amérique 
des  marchandifes  du  crû ,  ou  des  fabri- 
ques d'Angleterre  ;  la  même  peine  étoit 
décernée  contre  ceux  qui  en  vendroient 
aux  Anglois  du  crû  de  1  Ëfpagne  ou  des 
Indes!  Cette  Loi  (a)  doit  être  regardée 
comme  trop  févere  :  pourquoi  faire  un 
crime  d'Etat  de  ce  qui  n'eft  qu'une  vio- 
lation de  police  f  En  même-tems  les  Ar- 
mateurs fe  mirent  en  mouvement ,  &  en- 
levèrent en  moins  de  fix  femaines  près 
de  cinquante  vailTeaux  aux  ennemis  ; 
mais  les  prifes  des  Efpagnols,  quoique 
♦rès-nombreufes  dans  le  cours  de  cette 
guerre ,  ne  peuvent  entrer  en  comparai- 

(a)  E/prit  des  Loix  j  Ckap.  xiii. 


4jr2  Histoire 


fon  avec  celles  que  les  Anglois  leur  ont 
faites  ,  finon  pour  le  nombre ,  du  moins 
pour  la  richeue. 

L^Efpagne  n'avoît  pas  feulement  à 
trembler  pour  TAmérique  de  la  part  des 
Anglois  :  un  ennemi  domeftique  d'autant 
plus  à  craindre  qu'on  ne  s'en  défioit  pas , 
manqua  d'enlever  le  Pérou ,  la  plus  riche 
partie  du  domaine  Efpagnol  ;  cet  ennend 
appelle  Cordoua  fe  prétendoit  iffu  des 
anciens  Yncas  ;  il  avoit  attiré  dans  fes  in- 
térêts les  principaux  Péruviens  :  le  deffein 
de  Cordoua  étoit  de  maifacrer  les  Efpa- 
gnols ,  &  de  rétablir  l'Empire  de  fes  an- 
cêtres ;  mais  la  conjuration  fut  décou- 
verte, &  Cordoua  expira  dans  lesfupplL- 
ces  avec  les  autres  conjurés. 

Les  côtes  de  Catalogne,  de  Valence, 
de  Murcie  &  de  Grenade  furent  en 
proye  aux  brigandages  des  Corfaires  de 
Barbarie  qui  firent  plufieurs  defcen- 
tes ,  &  emmenèrent  une  infinité  de  Ci- 
toyens en  efclavage  :  ce  défaftre  fut  at- 
tribué à  la  négligence  des  Capitaines  des 
vaiflfeaux  deftinés  à  la  défenfe  de  ces  cô- 
tes ,  &  on  les  punit  avec  moins  de  fé vé- 
rité qu'ils  ne  méritoîent. 

L'alliance  avec  la  France  fut  reflerréc 


^3££  di  Sji  if  Frzrc:  s  ^  Ccc 

13C  sie  îar  saie  i  fcn  cpccjt  ii  TÎr<>- 

:  îe  Rci  2TCC  zn  pei  s;:^^*- 


as  b  Frsic*  Iz  giiïsrr:  fr^e^  cp^sr 


j 


3  <près  2Tcsr  rsxpocté  zme  loois  âe 
lîfeîra  focs  ks  cx^^res  des  Onres  de 
M-r-^iT*! ,  ds  Lafii  &  de  Loircadil  ?  fe 
wzirssz  ^^isioamcs  psr  CIiitVs  VL  ib 
tÊi^r^îsr  a:rS  de  cooairre  li  paix  avec  Je 
EriOie  ca^eaà ; luiponame  K»ce  d*A- 
TC'^h  fir  b  mer  N<Àe  Lear  x^4ti ,  mm 


osne  s^  rjifl^at  ixé  des  tndrres  &  des 


«peiKiiEt  les  A&glcâs  qpù  ne  croTXÔcot  1 740^1 
acheter  trop  cber  b  coaqicre  de  TA- 
aaénq^e .  érorîDoîent  TEarope  par  b  tor- 
^  &  le  n,>inbre  de  leurs  armemens  ;  TA- 
jBsnl  Vemon .  célèbre  par  U  cooquêM 


■  p — — — ■ 

45*^  Histoire 


facile  de  Porto-Bello ,  fe  préfenta  devant 
Carthagene  qu'il  bombarda;  il  fit  la  con- 
quête du  Fort  de  Chagre  ;  le  Général 
Ogleihorpe  entroit  de  Ion  côté  dans  la 
Floride  qu'il  croyoît  foumettre  rapide- 
ment. 

Toutes  les  Nations  de  rEurope  înté- 
reffées  dans  le  commerce  de  l'Amérique 
tie  redoutoient  guères  moins  le  fuccès  des 
armes  Angloifes  que  l'Efpagne  même, 
tandis  qu'elles  faifoient  des  vœux  fecrets 
en  faveur  desEfpagnols  ;  le  Roi  de  Fran- 
ce envoyoit  deux  efcadres  fous  les  ordres 
des  Marquis  d'Antin  &  de  la  Roche- 
Alard  qui  continrent  les  Anglois:  leurs 
av?nt?.ges  fe  réduifirent  à  la  prife  de 
quelques  Forts  &  au  pillage  de  quelques 
vaifleaux  ;  l'expédition  d'Oglethorpe 
dans  la  Floride  échoua  :  il  ne  put  pren- 
dre en  trente  huit  jours  de  tranchée  ou- 
verte le  Fort  de  S.  Auguftin  vaillamment 
défendu  par  Dom  Manuel  Montiano. 

Une  puiflante  efcadre  partit  des  Ports 
d'Efpagne  pour  tenter  une  diverfion  dans 
la  Jamaïque  ,  &  le  Pape  ,  afin  de  mettre 
le  Fol  en  état  de  défendre  l'Amérique 
contre  les  dangereux  ennemis  qui  en  ten- 
toknt  la  jcojnquête  >  lui  accorda  pour  cinq 


d'E  s  p  a  g  n  e.  4<rr 


ans  les  décimes  du  Clergé  de  c^s  Kegions 
éloi^ées.  On  peut  dire  que  jamais lOr- 
dre  Eccléfiaftique  ne  contribua  dans  au- 
cun  Etat  avec  plus  de  zèle  aux  befolns 
de  la  Patrie.,  que  le  Clergé  de  PAmé- 
rique. 

Mais  loin  que  les  fecours  de  la  France 
&  l'aftivité  des  Efpagnols  déconcertafr 
fent  les  Anglois ,  chaque  jour  ils  faifoient 
de  nouveaux  efforts  pour  s'emparer  au 
moins  de  quelques  Places  capables  de  les 
dédommager  de  leurs  frais  immenfes  i  ils 
tenvoyerent  jufqu'à  cent  vingt -, quatre 
vaiiTeaux  de  toute  grandeur ,  &  environ 
trente  mille  hommes  à  TAmiral  Vernon* 
Nous  verrons  bientôt  quel  fuccès  eut  cet 
armtment ,  le  plus  puiUant  qui  ait  jamais 
vogué  fur  les  Mers  de  l'Amérique.  Ce»- 
.  pendant ,  pour  fe  venger  des  François  , 
ils  infultoient  par -tout  où  ils  étoient 
.les  plus  forts  le  pavillon  de  cette  Nation , 
ils  portèrent  depuis  à  fon  égard  le  mépris 
du  droit  des  gens  jufqu'à  brûler  les  ga- 
lères d'Efpagne  réfugiées  dans  un  Port 
de  Provence. 

,  La  mort  fît  cette  année  une  ample 
moîfTon  de  Têtes  couronnées  ;  la  Reine 
Ppgtairiçre  >  veu^ye  de  Charles  II.  mour 


4j5  Histoire 

-  —  — 

rut  le  feize  Juillet  à  Guadalaxara  où  de- 
puis quelques  années  elle  vivoit  dans  la 
retraite. 

Le  Pape  Clément  XII.  avoît  payé  le 
tribut  à  la  Nature  quelques  mois  aupa- 
ravant cette  Princefle  ;  il  eut  pour  (uc- 
cefleur  le  Cardinal  Profper  Lambertini, 
l'un  des  plus  grands  hommes  de  ce(iecl& 
Ce  Pontife  vertueux  ,  éclairé  ,  bienfai- 
fant  &  modéré  vient  d'être  enlevé  à  la 
Képublique  Chrétienne  dont  il  faifoit  les 
délices. 

Frédéric-Guillaume,  Roi  de  Pruffci 
qui  doit  être  regardé  comme  leFonda- 
teur  de  la  puiflance  de  fa  Maifdf^  mou- 
rut le  trente-un  Mai ,  laiflant  dans  foa 
■fils  Frédéric  II.  un  fuccefleur  qui  a  eâàcé 
tous  fes  ancêtres  :  l'Europe  retentit  de- 
puis dix-huit  an^  des  talens ,  des  vidoî- 
res  &  de  la  vafte  ambition  de  ce  Prince. 

La  mort  de  l'Empereur  Charles  VI. 
en  qui  finit  la  poftérité  mafculine  de  l'au^ 
guftë  Maifon  d'Autriche  qui  a  domié 
ftize  Empereurs  à  rAllemafi;ne  ,  &  «fix 
Rois  à  TLfpagne,  fut  fatale  a  l'Europe, 
dans  le  fein  de  laquelle  elle  alluma  la 
guerre  la  plus  fanglante. 

La  Czarine  Anne  Iw^nowiia  n^  fur- 

vécut 


L       ."»      I         «     V>     > 


.     .  .... 

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lePîi"ce  Jc.-n  ,  iiis  a  .k.*  <..  i    ;../.  : 
Erunivick  lÎlv^î  .. ,  ■.«  c \; .  . 

Pierre  î.  vtj'pin''  ■•  !*..-....    ,.  i:  :.  .r 

içut  biL-riî  .  '  ;  ;•  »••*•••  • ...  •-^....    ^ 
génie  ei»I»  v  ::  .•  :  •,  .....^  '  —  ^ . 

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Gll  CiiC    >-♦/•    V    «..^.••-  ..    .  •    fc     ,4. 

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en  ritt^ndo:*!  .  ^viniL^eu-dv;  c 


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er  /•vmtTiciu..  nl.,3  dar.f  i'icîco  ce  d(.{<:* 
dre  i.s  aurr:Â  î-i.^v-:..  .  oi.f  cî-r  >  î'cJix- 
rancc  c- ir'.iv  ;  v.r.rî.-ia,-.*- .' -In  •_  (  r;  re- 
gr.rdc.::  .î:  u:r  c  rcn^r  '■  ir.î'.:.::ih.  i  :  ,v.ais 


4^8  Histoire 

^.^.^^  Il  ■  I ■    If I         I    III I        111 


prévoyant ,  plein  de  ce  courage  &  de  ce 
zélé  pour  la  Patrie  qui  ont  fi  fort  diftin- 
gué  les  Grecs  &  les  Romains  des  autres 
Kations ,  veilloit  à  la  sûreté  du  boule-*^ 
vardde  T Amérique;  quoiqu'il  vît  pref- 
que  tous  les  Forts  qui  dérendent  Car- 
thagene  réduits  en  poudre  >  ou  enleva 
par  rennemî ,  quoiqu'il  n'attendît  au- 
cuns fecours  de  TEurope  )  il  ne  défd- 
péra  jamais  du  falut  de  ui  Place  ;  il  étoit 
déterminé  à  s'enfevelir  fous  Tes  ruines 
plutôt  que  de  la  rendre  à  un  Peuple  qui 
pouvoir  s'en  fervir  pour  enlever  le  nou- 
veau  Monde  à  fa  Patrie  :  il  fçut   faire 

f)airer  fa  fierté  &  fa  grandeur  d'ame  dans 
e  cœur  des  Soldats  de  fa  garnifon,  & 
jufques  dans  celui  des  Citoyens  &  des 
Nègres  mêmes  qui  tous  combattirent  en 
Héros  ;  Vernon  fut  repoufle  le  vingt. 
Avril  à  l'affaut  du  Fort  S.  Lazare  devant 
lequel  il  perdit  quinze  cents  hommes  ; 
pendant  ce  tems-la  le  brave  Gouverneur 
fît  une  fortie  qui  coûta  plus  de  cinq  cent$ 
hommes  à  l'ennemi ,  &  qui  rendit  libre 
la  communication  de  la  Ville  à  la  Mer, 
Peu  après  les  maladies  fe  répandirent- 
dans  l'armée  &  fur  la  flotte  de  Vernon 
^ui  s'emfuw  en  frémiflknt  devoir  mapqu^ 


D*  E  S  P  A  G  N  E.  4.5-^ 

Ùl  proye  ;  ce  fiége  qui  dura  deux  mois  , 
coûta  dix  mille  hommes  &  des  fommes 
immenfes  aux  Anglois  :  PEurope  &  T A- 
mérique  applaudirent  au  courage  d'Efla- 
ba  que  le  Roi ,  le  plus  reconnoiflant  des 
Princes ,  éleva  aux  dignités  de  Capitaine 
Général ,  &  de  Vice-Roi  du  Pérou» 

Cependant  l'Europe  étoit  en  proye 
aux  mouvemens  les  plus  corivulfits  de- 
puis la  mort  de  Charles  VI.  On  négo- 
cîoit ,  &  on  fe  préparoit  de  toute  part  à 
la  guerre  ;  Charles  ^  comme  nous  l'avons 
bbfervé,  a  voit  travaillé  toute  fa  vie  à  af- 
forer  la  pofleflîon  indivifible  de  tous  fes 
Etats  à  la  fille  Marie-Thérefe  ;  les  deux 
Archiduchefles ,  filles  de  l'Empereur  Jo- 
feph  n'avoient  été  mariées ,  l'une  au  Roi 
de  Pologne ,  Eledeur  de  Saxe ,  &  l'autre 
à  TElefteur  de  Bavière  ,  qu'après  avoir 
renoncé  folemnellenient  à  l'héritage  de 
la  Maifon  d'Autriche  ;  l'Eleéleur  de  Saxe 
avant  que  d'être  élevé  au  thrône  par  les 
armes  de  l'Empereur  &  delà  Ruflîe^avoit 

faranti  la  loi  domeftique  de  Charles.  Ce' 
rince  avoit  tiré  de  la  France  &  de  pres- 
que tous  les  Potentats  Chrétiens  la  même 
garantie  ;  mais  Louis  XV.  &  les  autres 
Rois  pouvoient  ils  anéantir  les  prétçn-, 

Vij 


460  Histoire 


m0mm 


0m 


tioDs  des  Princes  intéreifés  à  la  fucçeflion 
de  la  Maifon  d^ Autriche. 

L'Eleâeur  de  Bayiere  la  réclamoh 
prefqu'éntiere  ,  non  en  vertu  des  droite 
de  fgn  époufe ,  mais  fondé  fur  une  Prag- 
ipatique  longrtems  antérieure  à  celle  dç 
Charles  VI.  L'Empereur  Ferdinand  L 
ftrere  de  Charles-Quint  avoit  ftatué  par 
cette  Pragmatique ,  qu'au  défaut  de  fa 
poftéirité  mafculine ,  tout  le  patrimoine 
de  la  Maifon  d'Autriche ,  c^u-à-dire  les 
Provinces  héréditaires  ,  la  Hongrie  &  la 
Bohême  pafTeroient  à  fa  fille  aînée  Anne 
4' Autriche ,  époufe  du  Duc  de  Bavière} 
pr  i  FEleéleur étoit  defcendu  d'Anne, & 
C' eft  en  cette  qualité  qu'il  fe  portoit  pour 
héritier  de  Charles  VI.  Ç'eft  ainfi  que 
les  paâes  de  famille  font  fouvent  desfeT 
fnences  de  guerre  &  de  difcorde. 

Philippe  V.  répétoit  aufli  tout  Phérîr 
icage  de  l'Empereur  en  qualité  d'héritier 
de  Cl^arles  Quint  &  de  Philippe  III.  Il 
établiflbitfon  droit,  peut-être  le  mieux 
fondé  de  tous,fur  les  claufes  ftipulées  danff 
Tafte  par  lequel  Charles-Quint  céda  les 
Provinces  héréditaires  à  fon  frère  Ferdi- 
nand; Charles  s'étoit  réfervé  à  lui  ou  ^ 

6  ppftérin.é  foit  o^^ifçuline ,  fok  féoûnine , 


d'Espagne,  461 

la  réveriion  aux  Provinces  cédées  en  cas 
que  la  poftérité  mâle  de  Ferdinand  vînt 
à  s'éteindre  :  à  ce  titre  ,  le  Roi  ajoutoîc 
celui  que  lui  donne  le  paéle  de  famille 
entre  le  Roi  d'Efpagne  Philippe  III.  & 
Ferdinand II.  Le  premier  de  ces  Princes, 
unique  héritier  par  fa  mère  de  la  Hon- 
grie ,  de  la  Bohême  &c  des  Provinces  hé- 
réditaires ,  ne  les  trapfponoit  à  Ferdi- 
nand qu'à  condition  que  la  poftérité  maf- 
culine  de  Ferdinand  venant  à  s'éteindre, 
les  Etats  cédés  reviendroient  à  la  bran- 
che d'Efpagne ,  &  que  les  filles  de  Phi- 
lippe III  feroient  préférées  à  celles  qui 
feroient  iflues  de  Ferdinand  II. 

Dans  le  fond  PEfpagne  n'efpéroit  point 
foute  la  fucceffion  de  Châties VI  mais  elle 
vouloit  en  dédommagement  la  Lombar- 
die  ;  elle  exigeoit  fur-tout  que  la  Rei- 
ne d'Hongrie  cefsât  de  prendre  parmi  fes 
titres  celui  de  Grand-Maître  de  la  Toi- 
fon  d'or  ;  le  Comte  de  Montijo ,  Minif- 
tre  d'Efpagne  à  Francfort ,  pour  appuyer 
de  concert  avec  la  France  l'éledion  de 
TEleôeur  de  Bavière  à  la  dignité  Impé- 
riale ,  préfenta  à  la  Dicte  le  mémoire 
les  droits  de  Philippe  V.  "étoient  déduit! 

Le  Roi  de  Pologne  fe  mit  auflTi  ^ 

V  u 


Hl  s  TO  IR  E 


nombre  des  prétendans  à  la  fucceflîon 
de  rhéritage  de  la  Maifon  d'Autriche, 
en  vertu  des  dtoîts  de  la  Reine  fon  épour 
fe  qu'il  vouloit  faire  revivre. 

JLe  Roi  de  Pruffe  &  le  Roi  de  Sardav- 
gne ,  fur  des  titres  moins  fpécieux ,  afpi- 
roit  le  premier  à  la  Siléfie ,  &  le  fécond 
^li  Milanez. 

La  France  ne.demandoit  rien  pour 
elle  ,  elle  refufa  même  les  Pays-Bas  que 
la  Reine  lui  offrit  pour  prix  de  fes  fe- 
cours  ;  Louis  XV.  vouloit  jouir  de  la 
gloire  de  faire  un  Empereur ,  &  de  dé- 
membrer en  faveur  de  TEleéleur  de  Ba- 
vière l'héritage  d'une  Maifon  rivale  & 
«nnemie. 

Contre  ce  déluge  d'ennemis  prêts 
à  fondre  fur  elh  ,  la  Reine  d'Hongrie 
comptoît  pour  Alliés  la  Ruffie ,  l'Angle- 
terre &  la  Hollande  ;  mais  la  première  de 
ces  Puiflances  étoit  engagée  dans  une 
guerre  avec  la  Suéde  ,  guerre  ménagée 
par  la  politique  dé  la  France  pour  occu» 
per  les  forces  d'un  Allié  qui  feul  pou- 
voit  plus  que  tous  les  autres  en  faveur  de 
la  Reine  d'Hongrie;  le  Roi  d'Angleter- 
re ,  dont  TEleftorat  étoit  menacé  par 
les  François  ,  fe  hâta  de  iig:ner  avec 


JT? 


d' £.5  PAGNE.  46^ 


Louis  XV.  un  traité  par  lequel  il  s'enga- 
geait à  ne  fournir  aucuns  fecours  à  Ma^ 
rie-Thérefe  ^  &  à  ne  point  traverfer  Té- 
leâion  de  PEledeur  de  Bavière  à  l'Em- 
pire ;  mais  le  danger  ne  fut  pas  plutôt 
pafle ,  que  George  II.  oublia  ce  traité  ^ 
&  qu'il  devint  le  plus  zélé  des  Alliés  de 
la  Reine  d'Hongrie  ;  la  Hollande  n'étoit 

Î>as  aflfez  puiflânte  pour  braver  (bule  les 
brces  de  la  France  en  faveur  de  la  Cour 
de  Vienne  ;  elle  n'auroit  même  pris  au- 
cune part  dans  ceue  querelle  làns  les  in- 
trigues des  Anglois. 

Au  dé£iut  de  ces  Alliés  fur  lefquels 
die  avoir  compté ,  la  Reine  tenta  d'a- 
cheter l'alliance  des  Rois  de  Pruflfe  &  de 
Sardaigne ,  elle  ne  réuffit  qu'auprès  de 
ce  dernier  dont  les  fecours  &  la  valeur 
lui  conferverent  l'Italie  ;  pour  Frédéric, 
loin  de  répondre  aux  empre&mens  de  la 
Reine ,  il  fiit  le  preimer  à  prendre  les  ar- 
mes contre  elle.  Ses  fuccès  encouragè- 
rent tous  les  ennemis  de  b  Maifon  d'Au- 
triche àr  venir  partager  avec  lui  les  dé- 
pouilles. 

Après  de  vaines  &  infrudhieules  1 
gociations ,  les  Rois  de  France  ,  d'Efj 
gne,  de  Naples,  de  Pologne,  IT' 

Vi 


-^^—~—^—'~~-—^ 


4.54  Histoire 


de  Bavière  fondirent  de  toutes  parts  fut 
les  Etats  de  la  Reme  d^Hongrie ,  dans 
refpérance  de  les  conquérir ,  de  les  dé- 
membrer ,  &  de  ne  lui  laiffer  que  le 
Royaume  dont  elle  portoit  le  nom. 

C'en  écoit  fait  de Vimmenfe  fucceflîon 
de  la  Maifon  d'Autriche ,  elle  devenoit 
la  proye  de  cette  foule  d'ennemis ,  fi  Ma- 
rie-Tnérefe  n'eût  trouvé  dans  la  gran- 
deur de  fon  courage  &  de  Ton  génie  des 
reflburces  qui  l'égaleront  dans  l'efprit  de 
la  poftérité  aux  Sémiramis ,  aux  Zéno* 
bies  &  aux  Elifabeths.  Jamais  ce  qu'on 
appelle  le  Miracle  de  la  Maifon  d'Autri- 
che ne  parut  avec  plus  d'éclat  que  dans 
cette  guêtre  ;  d'abord  les  Hongrois ,  ce 
Peuple  fier  &  indocile  dont  les  fréquen- 
tes rébellions  avoient  coûté  aux  Empe- 
reurs des  torrens  defang,  &  rempli  Vien- 
ne de  terreur ,  changèrent  en  faveur  d'u- 
ne Reîne  jeune ,  aimable ,  &  qui  fembloit 
opprimée  >  au  point  qu'ils  prodiguèrent 
avec  joye  leurs  biens  &  leur  vie  pour  la 
défendre  :  ce  fentiment  de  zélé  &  d'en- 
thoufiafme  pafla  des  Hongrois  aux  autres 
Sujets  de  la  Reine  ,  &  les  rendit  invinci- 
bles ;  les  premiers  malheurs^  que  Marie- 
Thérefe  éprouva ,  trouvèrent  dans  £es 


d'  £  s  P  A  G  K  £.  Ji6f 

S-ijers  autant  de  grandeur ,  de  fermeré 
&  de  confiance  que  chez  la  Reine  mê- 
me; &  lorfque  la  fortune ^par  des  évene- 
mens  imprévus  ,  eut  confondu  les  pro- 
jets des  Alliés  j  les  Hongrois  fécondè- 
rent ceux  de  la  Reine ,  en  prenant  avec 
le  même  courage  qu'elle  une  guerre  qui 
fit  plus  d'une  fois  trembler  la  France. 

Il  £rut  avouer  que  les  fautes  que  les 
Alliés  eurent  à  fe  reprocher ,  ne  contri- 
buèrent pas  peu  auxfuccès  des  ennemis; 
le  R(H  de  Pologne  agit  foiblement ,  l'E* 
ledeur  de  Bavière  manqua  d'adivité  j  de 
bonheur ,  de  Généraux  habiles  ^  Se  peut- 
être  de  fidèles. 

La  France  dirigée  par  le  Cardinal  de 
Fleuri  devenu  plus  timide  &  plus  irrélo- 
lu ,  à  mefure  qu'il  yieilliflbit^  le  contenta 
par  ménagement  pour  la  République 
Germanique  d'envoyer  fuccefliveneoc 
en  Bohême  &  en  Bavière  diâerens  Ccrps 
qui ,  après  des  prodiges  de  valeur  &  de 
confiance ,  après  des  fuccès  mêmes  tu- 
rent anéantis  par  la  faim ,  le  froid  &  la 
miière  plus  que  par  le  fer  des  ennemis  ; 
quelle  autre  deftinée  pou  voient  efptsor 
ks  François  à  trois  cents  lieues  de  l^ur 
.Patrie  ^  &l  dans  des  Régions  où  ils  corn;-  • 


^66  Histoire 

toient  autant  d'ennemis  que  d'habitans. 

L^Efpagne  n'eut  point  de  fautes  à  fe 
reprocher ,  elle  n'eut  même  qu'à  s'ap- 
plaudir du  courage ,  de  la  confiance  hé- 
roïque ,  de  l'excellente  difcipline  de  fe$ 
troupes  &  de l  habileté  defes Généraux: 
cependant  fes  fuccès  né  répondirent 
point  à  fes  efpérances  ,  parce  que  la 
France  fut  long-tems  à  vouloir  qu'elle 
refpeélât  l'Italie  ,  parce  que  les  Anglois>. 
maîtres  de  la  Méditerranée ,  empêchoient 
que  les  munition^,  les  recrues,  lesconvoiSv 
deftinés  à  l'armée  arrivaifentà  tems  ,  pai^ 
ce  que  le  Roi  de  Naples  fe  vit  forcé  d'em- 
braffer  pendant  quelque  tems  la  neutra- 
lité i  &  enfin  parce  qu'on  eut  à  combat- 
tre le  ihaître  des  Alpes ,  Pun  des  plu^ 
*grands  Capitaines  de  l'Europe. 

De  tous  les  Alliés ,  le  feu!  Roi  de  Pruf 
fe  fat  heureux  &  vamqueur ,  lui  feul  fit 
la  guerre  en  politiauc  ;  il  profita  de  Pal- 
iiance  &  des  fubfiaes  de  Ëi  France ,  &  la 
iàcrifîa  quand  fes  intérêts  l'exigèrent ,  fè 
fbfvant  de  la  jaloufie  des  IVfaifons  de 
Bourbon  &  d'Autriche  pour  établir  dan» 
lé  fein  de  ^Allemagne  une  Puiflance  for- 
BHdable» 

Marie-Tliérelè  courû&née  par  des  fucr 


«rfp 


d'  E  s  P  A  G  N  £•  467 


ces  cm'elle  n'avoit  pas  prévus  ,  n'ayant 
plus  a  combattre  les  Rois  de  Prufle  &  de 
Pologne ,  comptant  pour  fes  Alliés  TAn- 
gleterre ,  la  Hollande  &  la  Savoye ,  fut 
éblouie  à  fon  tour  par  la  profpérité  ;  à  la 

Eerfuafion  des  Anglois  elle  refufa  à  la 
*rance  &  à  l'Empereur  Charles  VII. 
une  paix  équitable  :  fon  projet  étoit  de 
déthrôner  Cbaries,  d'humilier  Louis  XV# 
&  d'enlever  à  la  Maîfon  de  Bourbon  les 
Royaumes  de  Naples,  de  Sicile ,  la  Lor- 
raine ,  le  Barrois  &;  T Alface* 

Le  Roi  de  France  parut  alors  i  la  tête 
de  fes  armées  où  il  fixa  la  viâoire  ;  mais 
après  quatre  ans  de  conquêtes  &  de 
triompf^s ,  ce  Prince  n'écoutant  que  la 
voix  de  la  modération  &  de  l'humanité 
Gui  le  diftinguent  entre  tous  les  Rois  de 
fon  fiécie ,  dionna  h  paix  à  l'Europe;  plus 
grand ,  plus  cher  à  U  République  Chré- 
tienne par  le  facrifice  de  fes  conquêtes» 
que  par  (es  conquêtes  mêmes. 

TeUes  font  rori|;ine ,  les  progrès ,  1er 
Ticiffitudes  &  ta  nn  d'une  guerre  qu'il 
s'agit  de  tracer  en  peu  de  mots. 

Le  Roi  de  Prufle  fe  mit  le  premier  en 
mouvement ,  conquit  h  Siléfie ,  &  vain^ 
quit  les  Autrichiens  le  fetze  Avril  dai» 
ks  plaines  de  Molwits-  V  vî 


^ -»  . 

468  Histoire 

Les  fuecès  de  ce  Prince  excitèrent  l'é- 
mulation de  TElefteur  de  Bavière  à  qui  la 
'  France  &  le  Roi  de  Pologne  fournirent 
des  troupes  qui,  jointes  à  fes  Bavarois,  for- 
moient  une  armée  confidérable  ;  la  Bohê- 
me prefqu'entiere ,  &  Prague  furent  con*- 
.  quîfes  ;  l'Eleâeur  fe  hâta  de  fe  faire  cou- 
ronner Roi  de  fa  nouvelle  conquête  :  la- 
Haute  Autriche  tomba  fous  fon  pouvoir  j 
Vienne  fut  menacée ,  &  la  Reine  con- 
trainte de  chercher  avec  fon  fils  un  afyle 
dans  la  Hongrie.. 

L^Efpagne  augmentoît  le  nombre  des; 
ennemis  de  la  Reine  en  Italie  ;  déjà  le 
J)uc  de  Montcmar  étoit  pafle  à  Naples: 
avec  une  armée  qui  devoit  être  fortHîée 
par  celle  de  Dom  Carlos  :  on  comptoir 
pour  Allié  k  Duc  de  Modene  ;  Mônte- 
""  mar  avoir  ordre  de  la  Cour  de  traverfer 
PEtat  Eccléfiaftique ,  de  fondre  fur  la 
Xombardie ,  &  de  la  conquérir,  fans  don- 
ner le  tems  à  la  Reine  accablée  en  Alle- 
magne de  fe  reconnoître  ;  mais  le  Roi  de 
Sardaîgne  veilloit  au  falut  delaLon)bar» 
die  ;  ce  Prince  déthrôna  le  Duc.  de  Mo- 
dene ,  &  anéantit  les  eflfbrts  de  Monte* 
mar  qui  fe  trouva  trop  foible  pour  riC- 
<jUQr  une  bataille». 


D*  E  s  P  A  G  N  E.  4651 

De  tous  les  Alliés  de  la  Maifon  de 
Bourbon ,  la  Suéde  feule  fut  malheureu- 
fe  contre  la  Ruffie  devenue  la  Puiflance 
la  plus  redoutable  du  Nord  ;  la  révolu- 
tion arrivée  le  cinq  Décembre  à  PeterG 
bourg  ne  changea  rien  au  fyftême  poil- 
rique  de  cet  Empire  ;  la  Suéde  n'en  re- 
cueillit aucun  fruit» 

Cette  révolution ,  l'une  des  plus  cele^ 
bres  de  nos  jours  ,  fut  Touvrage  d'une 
nuit  relie  ne  coûta  pas  une  goutte  defang 
a  la  Nation  ;  Tordre  public  &  le  calme  de 
ia  Ville  Impériale  n'en  furent  pas  même 
altérés  ;  la  Princeffé  Elifabeth ,  fous  le 
inafque  des  jeux  &  des  grâces  diflîmur 
loit  la  douleur  de  voir  Théritage  de  fes. 
pères  entre  des  mains  étrangères  ,  &  le 
defifein  qu'elle  méditoit  de  le  leur  enle- 
ver ;  Tair  ferein  &  riant  de  la  PrinceiTe  en- 
impofa  à  la  Régente  y  qui  loin  de  prêter 
Toreille  aux  foupçons  qu'on  lui  faifoit 
jiaître  contre  Elilabeth ,  lui  en  fit  même 
confidence  dès  la  nuit  même.  Elifabetlr 
sûre  des  iéudmens  des  Rufles  oui  ne 
voyoîênt  qu'avec  indignation  la  nlle  de 
Pierre  I.  écartée  du  thrône ,  fortit  avec 
ièsamis  ,  fe  rendit  aux  cafernes ,  haraiir 
^;iia  ks  foldats  y  &  les  dctermLna  à  la  fuL- 


i; 


470  HiSTO  IRB 

vre  :  fon  premier  foin  ,  après  avoir  blo- 

Iué  le  palais ,  &  défarmé  la  garde  y  fut 
e  monter  dans  Tappartement  du  Czar^ 
qu'elle  arrêta  elle-même  avec  ta  Régente 
&  toute  fa  famille.  Pendant  ce  tems-là 
un  détachement  de  Grenadiers  fe  faifif- 
foit  des  Miniflres  &  àe%  Généraux  par 
les  confeîls  de  qui  la  feiie  Czarine  avoit 
exclu  Elifabeth  du  thrène.  Sur  les  fix 
beures  du  matin  la^  nouvelle  Impéra- 
trice, affembla  tous  les  Ordres  de  l'E- 
tat, leur  expofa  fon  droit  à  la  Cou- 
ronne^,  &  leur  rendit  compte  de  la  ré- 
volution ;  tous  applaudirent  àr  fon  cou* 
rage  ,  à  l'équité  de  fa  caufe  &  à  fesfuc- 
cès  ;  tous  h  proclamèrent  avec  tranf- 
ports  :  le  jour  même  Peterflbourg  jouit 
a  un  cahne  aufli  profond  que  s'il  n'eût 
jété  queftion  que  de  l'exil  d'un  Miaiflrey 
la  Czarine  renvoya  quelque  tems  après 
k  Maifon  de  Bevem  en  Allemagne» 
174^  En  faveur  de  la  naiffance  de  laPrin»^ 
celTe  Elifabeth  ,  fille  de  l'Infant  D.  Phir 
lippe ,  née  le  dernier  jour  de  l'année  pré^ 
cedente ,  la  Cour  accorda  une  amnifUe 
aux  Déserteurs ,  à  conditios  qu'ils  mé- 
jriteroient  leur  grâce  ,  en  fervdnt  fix  an& 
I^s  Àngloisavoient  cfpéré  fe  déd^isir 


d'Espagne.  471 

ager  de  leur  défâftre  devant  Cartha- 
me  par  la  conquête  de  l'Ifle  de  Cuba  ; 
iûs  après  avoir  demeuré  fix  mois  dans 
tte  Ifle ,  &  y  avoir  conftruit  un  Fort , 

furent  obligés  de  l'évacuer  ;  les  Efpa* 
lols  plus  heureux  portèrent  le  fer  &  le 
Il  dans  la  nouvelle  Géorgie  qu'ils  dé- 
jifirent. 
Tous  ces  fuccès  rendoient  FAngteter- 

moins  redoutable  >  &  mettoient  la 
Dur  en  état  de  conquérir  en  Italie  un 
ibliiTement  pour  Dom  PhiËppe  ;  ce 
ûice  panit  cette  année  d'Efpagne  avec 
le  nouvelle  armée  commandée  fous  Tes: 
dres  par  le  Comte  de  Glymes ,  traver- 
les  Provinces  Méridionales  de  France  y 
parvint  aux  portes  de  la  Savoye  ;  te 
:ours  des  François  lui  eût  été  néceiTai- 

pour  vaincre  ,  mais  le  Cardmal  de 
euri  étoit  tellement  porté  à  laifler  jouir 
talie  de  la  neutralité ,  qu'il  avoit  lonc;- 
ns  réfufé  à  la  Cour  d.'Elpagne  le  paiÏ2^ 

par  la  France  ;  D.  Philippe  fe  faifît  de 
Savoye  dénuée  de  troupes  &  de  forte-^ 
Tes  ;  il  fe  préparoit  à  franchir  les  Alpes^ 
fqu'il  apprît  que  £e  Rordé  Saidi  -'^ 
noit  fonare  fur  lui  avec  une-  zmU 
rieures  alors  il  fut  obligé  defe  rc] 


4-72  Histoire 

fur  le  Dauphiné  ;  la  Cour  de  MaJrid 
fut  d'autant  plus  affligée  de  cette  retrai- 
te qu'elle  avoit  efpéré  que  le  Duc  de 
Montemar  à  la  tête  des  Efpagjiols  &  des 
Napolitains ,  occuperoit  par  une  puiflan- 
te  diverfion  le  Roi  deSardaigne  ,  &  que 
Dom  Philippe  pénétreroit  ailement  dans 
le  Piémont  ;  mais  le  Duc  de  Montemar^ 
loin  de  remplir  les  objets  qu'on  s'étoit 
propofés ,  avoit4aiffé ,  comme  nous  avons 
dit ,  déthr&ner  le  Duc  de  Modene ,  &  n'a- 
voit  pas  paffé  Boulogne  d'où  il  s'étoit  enr 
fui  dans  le  Royaume  de  Naples  à  TapproK 
che  des  Autrichiens  ;  la  Cour  indignée 
contre  Montemar  qu'elle  accufoit  d'être 
devenu  lent ,  timide  &  circonfpeél ,  lui 
fubftitua  le  Comte  de  Gages* 

Ces  nouvelles  fâcheufes  caufêrent 
moins  d'inquiétude  que  celles  qu'on  ap- 
prit de  Naples;  les  Anglois  dominoient 
dans  laMéditerranée.DXaulos  avoit  d'au- 
tant moins  lieu  de  rien  ci'aindre  de  leur 
part ,  que  dès  le  commencement  de  la  rup- 
ture de  l'Efpagne  &  de  l'Angleterre  il 
avoit,  facrifiantfes  plus  chers  intérets,em' 
braffé  la  neutralité  entre fon  père  &  eux; 
cependant  on  vit  bientôt  paroître  devant 
Naples  la  flotte  d^Angléterce  qui  fe  difpo- 


D*  E  S  P  A  G  N  E.  475 


foità  bombarder  la  Ville.  Naples  fut  rem- 
plie de  terreur ,  on  ne  fçavoit  à  quoi  (c 
réfoudre ,  lorfqu'un  Capitaine  Anglois  fe 
préfenta  au  Roi ,  ôc  lui  fignifia  qu^il  eût 
a  ligner  fur  le  champ  la  neutralité  avec 
la  Reine  d'Hongrie ,  ou  à  voir  fa  Capir 
taie  réduite  en  cendres.  Dom  Carlos  fe 
vît  obligé  de  recevoir  les  ordres  de  cette 
fiere  Nation  ;  trifte  effet  de  la  néceflité^ 
la  capitulation  fut  fîgnée ,  les  troupes 
Napolitaines  fe  féparerent  des  Efpagno- 
les  qui ,  devenues  trop  foibles ,  n'ofèrent 
rien  entreprendre. 

La  France  gouvernée  par  le  Cardinal 
de  Fleuri  n'avoit  pris  de  part  à  cette 
guerre ,  comme  nous  l'avons  obfervé  , 
que  pour  faire  PElefteur  de  Bavière  Emr 
pereur ,  &  pour  lui  faire  obtenir  quelque 
morceau  de  la  fucceffion  de  Charles  Vl* 
le  premier  objet  étoit  rempli ,  le  fécond 
ne  le  fut  jamais. 

L'Elefteur  de  Bavière  élu  à  Francfort 
le  vingt- quatre  Février  {a)  fous  le  nom 
de  Charles  VII.  trouva  fur  le  thrône  Im- 
périal  l'infortune  &  Thumiliation.  La 

(a)  La  Reîtie  d'Hongrie  avoît  conféré  dans 
cette  éledion  le  fiiffrnge  de  Bohême  au  Grand 
Duc  Ton  époux  qui  ne  le  put  faire  valoir» 


474  Histoire 


veille  même  de  fon  éleélion ,  Kevenhul- 
1er ,  aux  talens  de  gui  la  Reine  dut  fes 
plus  grands  fuccès ,  força  dix  mille  Fran- 
çois a  fortir  de  Lîntz ,  à  condition  de  ne 
porter  les  armes  d'un  an  contre  la  Cour 
de  Vienne;  de-là  le  vainqueur  marcha 
dans  la  Bavière  qu'il  fournit  rapidement; 
mais  ces  difgrkces  étoient  réparées  par  la 
conquête  d'Egra,&  par  la  fuite  de  Keven- 
huiler  qui  3  à  l'approche  d'une  nouvelle 
armée  Françoife,  avoir  évacué  la  Ba-  . 
viere  :"toùt  annonçoit  de  nouveau  fuc- 
cès; l'Autriche  étoit  encore  menacée, 
lorfque  la  défedion  imprévue  du  Roi  de 
Prufle  caufa  dans  les  affaires  une  révolu- 
tion dont  l'Empereur  &  la  France  furent 
les  viélimes.  Frédéric ,  après  avoir  con- 

2uis  la  Moravie  >  &  gagné  la  bataille  de 
)zailau  ,  conclut  par  la  médiation  de 
l'Angleterre  une  paix  particulière  avec 
la' Reine  d'Hongrie  :  par  ce  traité  fîgné  it 
Breflau  la  Reine  céda  la  plus  belle  par- 
tie de  la  Siléfie  &  le  Comté  de  Glatz  1 
mais  délivrée  de  l'ennemi  qui  lui  avoit 
fait  le  plus  de  mal ,  elle  fe  trouva  en  état 
d'accabler  l'Empereur  &  les  François 
qui  peu  après  furent  abandonnés  par  le 
Roi  de  Pologne, 


d'  E  s  P  A  G  N  E.  47^ 

Toutes  les  forces  Autrichiennes  fe 
réunirent  alors  y  &  vinrent  fondre  en 
Bohême  fur  les  François  qui  n'y  avoient 
guères  plus  de  trente  mille  hommes  com- 
mandés par  le  Maréchal  de  Broglio  ;  ce 
Général  qui  venoit  de  gagner  le  combat 
de  Sahai ,  fe  retira  par  la  plus  belle  des 
retraites  à  Prague  ^  mais  plufîeurs  Corps 
François  difperfés   dans  la  Bohême  s 
avoient  été  coupés ,  enlevés  ou  détruits  > 
l'armée  réduite  à  vingt- cinq  mille  hom- 
mes fe  vit  bientôt  amégée  dans  Prague 
par  quatre- vingt  mille  Autnchiens  ;  les 
François  avoient  à  luner  contre  la  faim  f 
h  contenir  les  Citoyens  de  Prague ,  &  à 
défendre  une  Ville  vafle  &  peu  fortifiée  : 
dans  cette  pofitîon  leurs  Généraux  ofiri- 
rent  de  l'évacuer  avec  toute  la  Bohême  ; 
mais  la  Reine ,  à  la  perfuafion  des  An- 
glois ,  exigea  que  les  Maréchaux  de  Brc- 
glie  &  deBelle-Ifle  fe  rendiffent  prifon- 
niers  de  guerre  avec  toute  leur  armée  ;  il 
n'y  eut  pas  un  François  qui  n'aimât  mieux 
périr  que  de  fubirdes  conditions  fi  hon- 
teufes  :  jamais  les  troupes  de  cette  Nation 
ne  fignalerent  davantage  leur  courage  & 
leur  confiance  aue  dan^  '^^  ' 
ble:ilsétoientroutei 


Histoire 


deux  Maréchaux  &  de  l'élite  de  la  No- 
blefle  Françoife  j  enfin  ces  braves  Sol- 
dats eurent  le  fort  qu'ils  mëritoient  ;  les 
Autrichiens  changèrent  le  fiége  de  Pra- 
gue en  blocus  aux  approches  d'une  armée 
commandée  par  le  Maréchal  de  Maille- 
bois  ,  &  le  Maréchal  de  Belle- Ifle  fauva 
Tarmée  par  une  retraite  comparable  à 
celle  des  dix  huit  mille ,  &  il  n'y  eut  pas 
jufqu'aux  convalefcens  reftés  dajis  Pra- 
gue qui  5  fous  les  ordres  de  l'intrépide 
Chevèrt ,  n'obtinrent  une  capitulation 
honorable. 

i  Le  Marquis  de  la  Enfenada  fut  rap- 
pelle d'auprès  de  D.  Philippe  pour  être 
fait  Secrétaire  del  Delpafcho  Univer- 
fal  9  &  Surintendant  Général  des  finan- 
ces ,  ce  qui  lui  donnoit  prelque  le  pou- 
yoir  de  premier  Miniftre. 

Les  foins  de  la  guerre  qui  devenoit  de 
jour  en  jour  plus  vive,  n'empêchèrent 
point  Philippe  d'établir  une  école  de  Ma- 
rine à  Balbao. 

Les  efforts  des  Anglois  contre  l'Amé- 
rique devenoient  chaque  année  plus  foi- 
blés  &  plus  malheureux  ;  leur  Général 
Knowles  échoua  dans  une  entreprife  fur 
les  Caraques  ^  il  regut  un  échec  devatt 


1« 


d'E  s  P  A  G  N  E. 


477 


t 

^Bli  Ville  de  Guerra  ;  peu  apus  il  clTuya  le 

même  affront  devant  PortoCavallo  ;  une 

autre  crcadre  de  cette  Nation  débarqua 

des  troupes  dans  Tlfle  de  Gomcra  ,  mail 

^tfUes  furent  vaincues  àc  pourfuivic»  jui- 

^Kues  dans  leurs  vaiJi'eaux  par  les  Milîcef 

■e  ride. 

^^  L'expédition  de  l'Amiral  Anfon  fur 
les  côtes  du  Pérou  fut  plus  hcurcufê  ;  il 
détruiGt  la  Ville  de  Payta  ,  &  enleva  une 
infinité  de  vaifleaux  rjcbcment  charg^'i- 

L'Amiral  Matth^us,  qui  depuis  unan   . 
infeftoit  la  Méditerrant^e  avec  une  t'otca 
redoutable ,  étoit  plus  funcflc  aux  EJpa* 
gnols  ,  en  arrêtant  leurs  progrèi  en  Ita- 
Se  où  on  ne  pouvoit  envoyer  ni  renforts  *  | 
BÏ  convois,  fans  les  cxpofer  au  dannr 
de  tooaber  encre  les  mains  des  Anglois  $  i 
un  convoi  immenfe  forti  du  Port  de  Bar-  j 
celone  trompa  pourtant  la  vigilance  d«  j 
Matthéus ,  &  fc  rendit  à  G^nei  o(i  il  nç  j 
fut  pas  plutôt  ar/ivé  que  le»  Anglois  ac-  1 
courus  a  fa  pourfuitc  ,  fe  prcjjarçrcnt  i  1 
le  brûler  dans  te  Port  même  ,  au  méprit  | 
du  droit  des  gens  ik  de  la  neutralité  aon  j 


jouifliMi  la  K6 


e  de  (j< 


478  Histoire 


pot  jufqu'à  la  fin  de  la  guerre  les  muni* 
tions  Elpagnoles. 

Cependant  le  Comte  de  Gages  (igna* 
ioit  en  Italie  Ton  habileté  fans  parvenir  i 
des  fuccès  qui  feuls  pou  voient  dédomma* 
ger  TEfpagne  des  frais  de  cette  guerre  : 
il  fe  mit  en  mouvement  au  milieu  des  rin 

fLieurs  de  THy ver,  paflâ  le  Panaro  le  cinq 
évrier ,  s'empara  de  Buondeno  où  étoit 
un  magafîn  des  Autrichiens  9  &  trois 
jours  après  attaqua  le  Comte  de  Thaun 
à  Campo-Santo  ;  le  combat  fut  fànglant 
&  opiniâtre,  &  la  viâoire  refta  indécife : 
s'il  y  eut  de  l'avantage ,  il  fut  du  côté  des 
Efpagnols  qui  enlevèrent  huit  étendards 
&  un  drapeau.  Cependant  le  Comte  de 
Gages  ayant ,  faute  de  fubfiflances ,  re- 

f>aflé  le  ranaro  le  lendemain  de  l'adtion  i 
es  Autrichiens  regardèrent  fa  retraite 
comme  un  aveu  de  leur  victoire. 

Le  refie  de  la  campagne  fe  pafla  fans 
évenemens  ;  le  principal  théâtijs  de  la 
guerre  étoit  l'Allemagne.  C'efl  des  fuc- 
cès de  la  France  &  de  l'Empereur  que 
dépendoient  les  progrès  des  Efpagnols 
en  Italie. 

Louis  XV.  après  la  mort  du  Cardinal 
de  Fleuri  arrivée  le  dix-neuf  Février  j 


d'Es  P  A  GN  E. 


47? 


avoit  pris  lui-tDcme  entre  fes  mains  les 
rênes  de  l'Etat,  Se  le  gouvernoit  par  des 
maximes  plus  fermes  &  plus  vigouri-u- 
fes.  A  la  nouvelle  que  le  Roi  d'Angle- 
terre marcfaoît  au  fecours  de  la  Reine 
d'Hongrie  avec  une  puiffante  armée  com- 
pofée  d'Angtois ,  d'Hanovriens  &  d'Hef- 
fois,  ii  en  envoya  une  aufT!  nombreufe 
fous  les  ordres  du  Maréchal  de  Noailtes  ; 
ce  Général ,  de  l'aveu  de  toute  l'Europe , 
fit  une  manoeuvre  digne  de  Turenne, 
pour  Éaire  périr  les  Anglois  par  la  faim  , 
ou  pour  les  forcer  à  fe  rendre  prîfonniers 
de  guerre  ;  le  Maréchal  étoit  prêt  à 
jouir  du  fruit  de  fes  travaux  ;  déjà  les  An- 
glois ,  en  proye  à  la  difette ,  décampoient 
de  leur  pofte  d'Afchaffenbourg  pour  ga- 
gner Hanau  ;  le  Général  François  qui 
avoit  prévu  ce  mouvement ,  avoit  telle- 
ment difpofé  fes  forces  ,  &c  s'étoit  pré- 
valu de  la  fituation  des  lieux  avec  tant 
d'art ,  que  des  trois  colonnes  de  l'armée 
Angloife,  la  première  compofée  de  dou- 
ze mille  hommes,  ayant  à  ia  lêce  leRtâ* 
d'Angleterre,  ne  poiaroit manquer  d'è 
tre  enlevée.  La  gue^ 
cet  exploit  ;  mais  l^BJ 
iropétuofué  t  " 


4S0  Histoire 

des  François  dans  tous  les  fîëcles  déro- 
bèrent au  Maréchal  de  Noailles  la  viftoire 
la  plus  éclatante.  Le  Duc  de  Gratnmonti 
Lieutenant  Général  de  l'armée  Françoife 
>  avoit  reçu  ordre  du  Général  de  fe  faifîr 
du  Village  d'Ettingue ,  &  de  n'en  fortif 
pour  attaquer  Pennemi ,  que  quand  le 
Maréchal  Pen  feroifavertir.  Mais  à  peine 
arrivé  à  ce  pofte ,  Grammont  emponé 
par  le  defir  fougueux  de  combattre ,  & 
de  fe  fignaler ,  paffa  un  ravin ,  &  attaqua 
l'ennemi;  le  Maréchal  dç  Noailles  ap^ 
prit  avec  doulem:  la  malheureufe  manœu- 
vre du  Duc  ,  mais  la  bataille  étoit  enga- 
gée ,  &c  il  falloit  faire  tous  fes  efforts  pour 
la  gagner  :  le  terrein  qui ,  fans  la  témé- 
rité de  Grammont ,  eût  été  favorable  aux 
François ,  leur  devint  contraire  ;  leur  ar- 
tillerie qui  feule  auroit  fuffi  ppur  fou- 
droyer Pennemi  l  leur  fut  inutile  j  enfin , 
après  des  efforts  prodigieux  ne  pouvant 
percer  les   trois  lignes   fur  lefquelles 
étoient  rangés  les  ennemis ,  ils  cédèrent 
le  champ  de  bataille  ,  &  repafferent  le 
Mein.  Le  Roi  d'Angleterre  dont  la  perte 
étoit  égale  à  celle  des  François ,  fe  hât^ 
de  gagner  Hanau  en  bénîffant  le  Ciel  de 
ji*avoir  tiré  du  plus  grand  dang;er  $iiique|. 
U  ait  jamais  été  expofé.  Pendant 


p'Es  P  A  G  NE.  481 


Pendant  ce  tems-là  le  Prince  Char-^- 
les,  battoit  en  détail  les  François  & 
les  Bavarois  ,   par  la    méfîntelîigence 
de   leuts  Généraux  ,   pour   la  "défenfe 
de  la  Bavière ,  prenoit  Ingolftadj  for- 
terefle  qui  lui  fut  rendue  lâchement ,  Se 
Egra,  la  feule  Place  qui  reftoit  eix  Bohêr 
Hie  à  TEmpereur.  Après  avoir  dépouillé, 
ce  Prince ,  il  avoit  pénétré  julques  for 
les  bords  du   Rhin  ,  à   la  tête  d'une 
armée  de  quatre-vingt  mille  hommes, 
avec  lefquels  il  menaçoit  la  France.  Le 
théâtre  de  la  guerre  tranfporté  en  moins 
de  deux  ans  des  rives  de  la  Moldaw 
&  du  Danube  aux  firoatieres  de  l'Al- 
face  9  le  gain  de  la  bataille  d^Ettingue  ,, 
une    armée    formidable  d'Anglois    & 
d'HoUandois  aux  portes  de  la:  Flandre 
Françoife  dégarnie  de  troupes;  tous  ces 
objets  diminuoîent  la  confiance  desFran- 
çois ;  Louis  Xy.  &  ^Empereur  deman-r. 
derent  la  paix  à  des  conditions  équita-. 
Iles  ;  mais  la  Reîne.  :p<^ru.adée ,  par  les 
Àn^Ioîs,  fit  la  faute  de  la  refufer,  elle 
n'alpiroît  pas  à  moins  .qu'à  dépouiller  la 
Maifon  de  Bourbon  des  Royaumes  de 
Tïaples  &  de  Sicile  9  de  la  Lorraine  y  du 
Barroîs  ,  de  FAlface  «  de  la  Fra;iche- 
Tome  /^  X 


482  Histoire 

Comté  &  des  trois  Evêchés  :  quant  à 
l'Empereur,  elle  confentoit  de  traiter 
avec  lui ,  à  condition  qu'il  lui  céderoit 
la  Bavière ,  fon  patrimoine ,  en  dédom- 
magement de  laquelle  elle  lui  offroit 
quelques  Provinces  dans  les  Pays-Bas 
ou  en  Italie  ;  elle  exigeoit  de  plus  que 
fon  époux  le  Grand  Duc ,  ou  fon  fils 
l'Archiduc  feroit  élevé  à  la  dignité  de 
Roi  des  Romains ,  &  que  le  Confeil  Au- 
lique  &  les  archives  de  FEmpire  refte* 
roient  à  Vienne.  Après  avoir  en  vain  of- 
fert de  fe  réduire  à  la  neutralité  ,  TEm** 
pereur  aima  mieux  combattre  que  d*ac- 
liepter  des  conditions  fi  dures  :  il  étoic 
encouragé  par  Pexemple  de  Louis  XV. 
qui  ne  cfae;rcka  plus  que  dans  fon  cou«> 
rage  &  dans  celui  des.  François  TeTpé'- 
rance  d^une  paîx  gldrieufe  &  équitable. 

Dès^Iors  la  guerre  changea  de  face ,  le 
Prince  Charles  perdit  une  partie  dç  fon 
arratée  en  tentant  lé  paffage  du  Rhin  ;  les 
AHiés  4^  la  Reine  négligèrent  4'arir 
dans  les  Pays-Bas ,  &  la  compagne  wî- 
fante  Louis  XV.  alla  lui-même  les  y  at> 
taquçr  avec  dfts  ïuçcès  déçififs. 

Cependant  h  Reine  s'attachoit  par  la 

fin  des  tpités  un  Alfié  qui  ne  lui  fut  $^ 


MM 


d'Espagne.  483 

res  moins  utile  que  les  Anglois  ,  je  veux 

Sarler  du  Roi  de  Sardaigne  entre  qui ,  le 
Loi  d'Angl^nterre  &  la^eine ,  il  y  eut  un 
traité  d'alliance  fi^é  à  Worms  ;  la  Reine 
cédoit  au  premier  de  ces  Princes  la  par- 
tie du  Vigevenafoue  refiée  à  Charles  VI* 
après  le  rraité  de  Vienne ,  le  Payeiàn  eti^ 
deçà  du  Pô  ,  Plûfance  âc  le  Flaifuitio 
jufqu'à  la  rivière  de  Nura;  le  Comté 
d'AngUera ,&  enfin  le  Marquifat  deFi- 
naL  Cette  dernière  ceillon  parut  d'au- 
tant plus  f jrprenante ,  que  la  Reme  dif- 
pdbit  d'un  bien  qui  ne  lai  appartenoic 
point  :  le  Marquifat  de  Final  étoit  entre 
les  mains  des  Génois  qui  Favoîent  acheté 
fix  millions  du  feu  Empereur  :  cène  in« 
judiK  augmenta  le  nombre  des  ennemie 
-ic  VsL  Cour  de  Vienne  ;  Gènes  £e  jetta  en- 
tre ks  bras  de  la  Maifbn  de  Bourbon 
poÉor  confèrver  par  fa  proteâion  un  Etat 
^ont  elle  étoit  en  pofieifion.  A  tous  ces 
avantages  reçus  de  la  Reine  d'Hongrie  , 
(  avantages  dcmt  cette  Princefle  efpéroic 
fe  dédommager  aux  dépens  de  b  Maifcn 
de  Bontboo9]rHS«:é9Sardai^e  en 
joignk:  irai]ffî^.  <  JUf^^^^  de  la  part 
dcsAnrfoisî^  i  comp- 

ter un  inl  Ile 


4S4  Histoire 

livres  fterlings , '&;  d'entretenir  une  puif- 
iante  ^cadre  dans  la  Méditerranée.  Nous 
jie  pouvons  noi»  empêcher  d*obferver 
que  ce  Peuple  >  dans  le  même  tems ,  don*- 
noit  un  (ublide  de  cinq  cent  mille  livres 
ilerlings  à  la  Cour  de  Vienne  ;  qu'il  en 
donna  un  autre  de  deux  x:ent  mille  au 
Roi  de  Pologne ,  Eléiîleur  de  Saxe  ;  la 
Czarine ,  fur  la  fin  de  la  guerre ,  en  tira 
-un  de  trois  cent  mille  ;  o^autres  Princes 
de  l'Empire  en  reçurent  de  proportion- 
-nés  aux  forces  qu'ils  entretinrent.  On  ne 
peut  évaluer  ies  millions  que  cette  guef" 
xt  a  coûté  aux  Anglois  :  pour  prix  de 
tant  de  tréfors  prodigués  fi  inutilement , 
ils  obtinrent  de  la  Reine  Oftende  &  Nieu- 
port ,  objet  oui  remplîflbit  leur  ambition 
<}epuifs  plus -d'un  flecie;  mabils  ne  joui- 
rent pas  de  la  confolatîon^de  les  cûii£in> 
ver  ;  la  France  les  leur  enleva ,  &  il  ne 
leur  revint  de  cette  guerre  devemic  gé- 
«nérale  par  leur  politique  que  la  honte  & 
ie  regret  de  s'y  être  ruinés. 

La  Suéde  vaincue  par  la  Ruffie ,  figna 
à  Abo  le  vingt-fept  Juin  un  traité  diâté 
ar  la  Clarine.  Ge  traité  afibiblit  encone 
es  Suédois  qui  cédèrent 'quelques-unes 
lip  Içurs  Provinces. au  vainqueur  >; -ief 


f. 


Suédois  fe  foumirehi  auffi  à  élire  pour 
fuccefleut  à  leurs  couronnes  Ftt^dcric- 
AdolphedeHoUîein  protégé  par  la  Cza- 
rine  ;  ce  Prince  remplit  aiijoud'bui  le, 
thrône  de  Suéde. 

Louis  XV.  aprî^s  avoir  CQ  vaîndcman-  Ï744' 
dé  la  paix  à  la  Keinc  d'Hongrie,  qui  ani- 
mée par  les  Anglois,  ne  vouloir  la  lui  ac- 
corder qu'à  d€s  conditions  iiiifnilianieï, 
déclara  la  guerre  à  cette  Princefle.  C'ell 
ainfi  que  la  France  qui  d'abord  n'a- 
voit  été  qu'auxiliaire  dans  cette  fameu- 
fe  querelle,  devint  partie  principale; 
dans  le  mcnje-ienrs  parut  de  la  part 
de  Louis  X.V.  une  déclaration  contre  les 
Anglois  qui,  depuis  quelques  années, 
n'avoient  ceffé  dinfiilcer  le  pavillon 
François ,  &  de  chercher  par  toute  l'Eu- 
rope des  ennemis  à  la  France  ;  ce  fuc 
alors  que  l'alliance  de  l'Efpagne  &  de  la 
France  fut  reflerrée.fous  les  aufpiccs  les 
plus  ht^ureux.  Quelque;  tems  auparavant 
î^s  deux  Cours  avpîent  fornié  le  projet 
de  difpuier  l'Empire  de  la  Méditerranée 
aux  Angloii, 
de  fuccès  rital  . 
joignit  fur  les  j 
d'Lfpagne  çpp' 


^S6  Histoire 

^   I  — — — *— ^  III  —^1—     I     I  ■  ■     ■  ■    ■■ 

Jofeph  Navarro  ;on  attaqua  les  Angloij 
le  vingt- deux  Février  à  la  hauteur  de 
Toulon  ;  mais  il  en  fut  de  cette  bataille 
comme  de  prefque  toutes  celles  qui  fe 
Mvrent  fur  mer,  elle  ne  fut  rien  moins 
que  décifive  :  les  Efpagnols  firent  des 
prodiges  de  valeur  ,  ils  ne  furent  pas  fé- 
condés par  les  François ,  dont  il  n'y  eut 
?u'un  feul  vaiffeau  commandé  par  le 
Chevalier  de  Court ,  leur  Général ,.  qui 
combattit  j  8e  qui  faiiva  le  yaiffeau  Éf- 
pagnol  le  5.  Philippe  ;  quoique  les  An- 
glois  euflent  pris  un  vaiueau ,  ils  furent 
plus  maltraites  que  les  Efpagnols  ;  ils  fe 
retirèrent  à  P^rt-Mahon ,'  &  l'avantage 
refta  indécis  j  rAmital'Matthéus ,  pour 
n-'avôir  pas.vaincu ,,  fut  rappelle,  &  fon 
procès  inftruît;  maî?  Tobjet  des  Alliés 
ne  fut  point  rempli ,  les  Anglois  dont  les 
forces  navales  étoient  fujtérieures  à  cel- 
les  des  deux  Couronnes  ,  demeurèrent 
les  maîtres  de  la^MëHiterranée  :  de^Utlet 
avantages  que  les;'  chnehïîs  obtinrent  en 
Italie.'  '■  '■  :'*■' 

Pendant^  ce  téms^^là  une  armée  Fran- 
çoife  commandée  par  le  Prince  de  Conti 
fe  joignit  eti' Provence  à  celle  de  D.  Phi- 
lippe î  ces  deuxPnficcf  pafferçnt  le  Vat 


d'Es  P  AG  N  E.  487 

le  premier  Avril ,  prirent  Nice  ,  taillè- 
rent en  pièces  dix  mille  Piémontois  r((- 
tranchés  à  Montalbati  &  à  VillefrandjCj, 
s'emparèrent  de  ces  deux  Places  :  vingc 
raille  ennemis  pris  avec  le  Comte  delà 
Suze  ,  leur  General  j  &  cent  fepi  piccta 
de  canon  ,  &  1?.  conquLte  du  CoiEtC  ce 
Nice  furent  Us  fruits  de  cette  belle  & 
rapide  expédition;  apr^s  avoir  accorda 
quelques  jours  de  repcs  à  feur  arroge  vic- 
lorieufe  ,  les  deux  Généraux  fe  remirent 
en  campagne  ,  forcèrent  le  dix-huit  Juil- 
let les  retranchemens  des  Pi<:niontoisdan« 
la  vallée  de  Sture.,  &  s'emparèrent  du 
Cbkeau-Daupbin  ;  delà  ilsmarcbercnt 
au  Fort  de  Démont  qu'ils  emportèrent 
le  dix-fept  Août ,  non  fans  avoir  perdu 
beaucoup  ;  mais  on  ne  pouvoit  pénétrer 
dans  ritalie  qu'en  ne  fe  fur  rendu  maître 
de  cette  chaîne  de  forcerelles  que  la  na- 
ture &  Tart  faifoient  regarder  comm« 
imprenables  ;  à  peine  la  viéloire  eut  elle 
ouvert  le  pallage  des  Alpes  que  tes  Alliât 
fe  répandirent  dans  la  plaine  du  Fiémoni  « 
&  s'attachèrent  au  fiége  de  Coni ,  la  plus 
forte  Place  du  Roi  de  Satdaigne  ;  loin 
d'être  déconcen^dccudîf^ceSiChar- 
IfS  ■  Emmatiiicl 


488  Histoire 

'combinée  >  &  Tàttaqua  le  treiue  Septem- 
'Bre  5  lefocçès  né  répondit  ni  à  fon  cou- 
Tslgé ,  ni  à  fon  haKleté  ,  il  Fut  repouflé 
aprfes  avoir  pètdu  cinq  jïiille  hommes; 
mais  au  défaut  de  ïes  Soldats ,  les  élé- 
mèns.  combattirent  pour  lui  ;  les  vain- 
queurs rebutés  par  les  pluyes ,  le  froid  & 
les  autres  obftacles  de  la  faifon ,  levèrent 
le  fiége  de  Coni  le  22  Odobre  ;  le  Mar- 
quîs-de  Ofteflar  termina  la  campagne  du 
t:ôté  des' Alpes^par  la  conquête  d'Oneille* 
Pendant  çétems-là  te  Duc  de  Modè- 
le &  le  Comte  de  Gages ,  dont  Tarmée 
ëtoit  inférieure  à  celle  de  la  Reine  d'Hon- 

friè ,  commandée  par  le  Prince  de  Lob- 
owits  ,  évacuèrent  l'Etat  Eccléfiaftxr 
que ,  &  fe  replièrent  fur  les  frontières  du 
Royaume  de  Naples  oii  ils  furent  pour- 
fuivis  par  les  ennemis  qui  mirent  à  con- 
tribution la  Province  de  l'Abruzze  :  c'é- 
toit  violer  la  neutralité  à  laquelle  le  Roî 
de  Naples  s'étoit  foumis  deux  ans  aupa- 
ravant; mais  le  projet  des  Autrichiens  ne 
fe  réduifoit  pas  à  lever  quelques  vaines 
contributions  :  ils  n'afpiroieht  pas  à  moins 
au'i  déthrôner  Dom  Carlos  ;  ce  Prince 
dont  la  Couronne  devênok-^^hancelante 
for  fa  tête  j  pour  peu  qu'il  n'eût  pas  pris 


d'  E  S  P  À  G  K  B.  480 

•iVné  génér<;ufe  rtfolution,  fe  dctcrmina  à 
repoufler  la  force  par  la  force  ;  bientôt  il 
joignit  avec  fes  troupes  Tarmée  Efpa- 
gnole  ,  s'aipança  vers  Lotkowits ,  &c  le 
pourfuivit  à  fon  tour  jufqu'aux  environs 
de  Rome  ;  il  dtfit  le  vingt-fept  Mai  à 
Veletrifept  à  huit  mille  Alfem?nd&,  & 
cfrmpa  dars  ce  porte  jufqu'afu  onze  Août 

3ue  le  Prince  de  Lobkovvits  le  furprit; 
'abord  les  Autrichiens   remporrercm: 
•l'es  plus  grands  avantages:  msiis  le  Roi'^ 
'à  Taide  du  Comte  de  Gages ,  ayant  r^*ta- 
bli  l'ordre  dans  fon  armée  qui  m  dc<  pro- 
diges de  valeur  3  repoufla  l'ennemi  &  de- 
meura maître  du  champ  de  bataille  au 
•prix  du  fang  d'environ  cinq  mille  hom- 
mes :  aprts  s'être  vu  arr3cher  une  victoire 
dont  il  avoit»  déjà  goûté  les  prémices, 
•Lobkowirs  ,  dont  la  peite  égaloit  au 
inoins  celle  du  Roi ,  retourna  à  fon  c^mp 
u'il  ne  quitta  que  le  trente-un  Câobre* 
e- Comte  de  Gages  le  pourluivit  juf- 
ques  dans  le  Milanez  ,  &  lui  enleva  huit 
cents  hommes  dans  Kocera. 

Le  chef  des  Bourbons  fe  fi^nalcît  par 
des  fuccts  plus  décii^fs  d?ns  les  Piiys- 
Bas  ;  ce  Prince  s-étoit  déterminé  à  com- 
xnandeï  lui-mcme  la  princijcij  de  fcs  tr- 


=.'^. 


î 


:^<fo  Histoire 

méeSf  a6n  de  pouiTer  la  fi;uerre  avec  plus 
de  vigueur  ;  déjà  fa  préfence  &  fon  cou- 
ra^  avoient  ramené  la  viéloire  fous  fe^ 
jéteodards  ;  tl  avoit  coiK]4iis  Men^n  ^ 
îYpres ,.  k  Fort  de  la  Rnoques  &  Fur- 
^  ties  ;  il  marcfaoii  à  de  nouvelles  conquê- 
tes >  torfqull!  apprit  que;k  Prince  Char- 
les avoit  furpris  la  vigilance  de,  fes  Géné- 
raux en  Alface ,  qu'il  avoit  paffé  le  Rbin.» 
&  qu^il  inondoit  cette.  Province  de  fe^ 
trpupes  ;  il  vola  auâi-tôt  à  ta  défenfe  de 
l'Aliace  menacée ,  mai5^  il  fut  arrêté  dan]^ 
&  COucTe  par  une  maladie  dangereufê  qui 
le.conduilie  ai^x  portes  du  tombeau^  A  la 
nouvelle  du  dang^er  de  Loub  XV.  FEf- 

Sagoe  parut  aufli  enrayée  que  b  France 
ont  elle  partagea  la  épuleur^elle  apprit& 
.  célébra  avec  les  mêmesVanfports  de  joye 
fa  convalefcence  (<«).  Il  y  Tptrrif  Madrid- 
pendant  trois  jours  6c  trois^^  nuits  eùùCér' 
.cutifs  des  fêtes  publiques  :  jamais  les  ££- 

Eagnols  ne  firent  plus  pour  aucun  de 
îurs  Rois. 

(a)  <^vi  eût  ofé  prévoir  qu*un  monSare^  tre!z# 
uns  après ,  ^itenteroit  à  la  vie  d'un  Roi  fi  cher 
à  Ces  Sujets  &  à  fes  Alliés  f  Cromwel  meurt  dlaot 
fon  lit;  HçnriIV»£c  Louis XV»  (ont  aflà^ 


d'E  s  P  AGN  £. 

4ii  I     B 

fin  J 

m 


Cependant  les  Généraux!  ran^ois  fau- 
voient  l'Alface ,  &  furçoient  le  Prince 
Charles  à  repaOer  le  Rhin  ;  à  ptine  rt^ta- 
bli ,  Louis  XV.  fit  voir  combien  il  ttoit 
digne  de  l'amour  &.  de  la  vént^ration  de 
fes  Sujets  &  de  fes  Alliés ,  en  prenant  lui* 
jnême  Fribourg  ,  malgré  les  rigucurï.fic 
les  obftacles  de  l'Hyver;  pendant  çeac 
«cpédition  le  Comte  de  CÎermont  l'çmr 
para  de  l'Auiricbe  antérieure. 

Le  Maréchal  de  Saxe  qui  depuis  s' ctl 
acquis  la  réputation  d'un  des  plus  habikv 
Généraux  de  ce  fiecle  ,  conlerva  avec 
une  armée  inférieure  les  conquêtes  de 
Louis  XV.  dans  les  Pays-Bas  ;  cette 
campagne  l'eût  immortalifé  ,  indépea- 
dantoient  de  fcs  autres  exploits. 

La  joye  que  répandirent  en  Ëfpagne  & 
enPrance  les  fuccts  de  cette c;iin pagne* 
'  X  augmentée  par  la  nouvelle  gu.rre  in- 

fline  qui  s'cUva  en  Allemagne  ;  dcpui& 

bataille  d'Ettingue,  1  empereur  accablé 
s'éioit  tenu  à  une  erpece  de  neuimlité 
pendant  laquelle  il  n  omit  rien  pour  ob- 
tenir la  paix  di:  la  Çw  ^  V(ean«  ;  naît 

"eine  n  '       '         '       '         ' 


45>2  Histoire 


delà  Bavière ,  fon  patrimoine ,  en  dédom- 
magement dé  laquelle  elle  lui  propofoit. 
quelques  Provinces  dans  les  Pays-Bas  ou. 
en  Italie ,  &  qu'il  cônfentît  à  réle(îtion  du- 
Grand  DuctieTofcaneà  la  dignité  de  Roi- 
dtS'Romains.  La  dureté  desloix  qu'on  im- 
pofoit  au  chef'de l'Empire.,  &  Air-tout  le* 
traité  de  Worms  par  lequel  il  fe  croyoit? 
menacé  ^  révoltoient  le  Roi  de  Pruffe  ;  il* 
réfolut  de  profiter  des  fuccès  de  la  Mai^ 
en  de  Bi>urbon  pour  achever  d'accabler- 
là  Reînej  dîabord  il  oppofa  au  traité  de- 
Worms  un  nouveau  traité  qu'il  ftgna  k 
Francfort  le  :27  Juin  avec  l'Empereur,rE- 
feâeiir  Palatin  &  le  Landgrave  de  Hefle- 
Caffel  ;  le  but  de  c^  traité  étoît  de  préve- 
nir les  effets  de  celui  de  Worms ,  &  de 
rétabUr  l'Empereur  dans  fon  patrimoi- 
ne ;  lé. fuccès  de  cette  nouvelle  guerre 
du  Roi  de  Pruffe  furpaffa  celui  de  la  pré- 
cédente; il  entra  dans  la  Bohême  a  la: 
tête  de  quatre-vingt  mille  hommes-,  8c 
prit  Prague  dans  laquelle  il  fit  prifonnie- 
ré  une  armée  de  feize  mille  bommesw 

A  la  faveur  des  viéloires  des  Rois  dé 
France  &  de  Pruffe ,  TEmpereurrecon- 
quit  la  Bavière  ;  alors  la  Re:ÏHe  d'Hon^ 
grie  fe  trouva  dans  une  fituatîon  •  prèf-. 


il  lycheulc  que  celle  où  elleétoic 
3  ans  auparavant.  Telles  ont  été  Itsviçîf- 
fitudes  de  celte  longue  &  fanglante  guefJ 
re  :  jamais  la  fortune  ne  balança  davan-^ 
tage ,  elle  ne  fe  lafla  point  de  favorifer 
alternativement  les  deux  Partis,  fans  le 
fixer  dans  aucun.  Le  Roi  de  Pologne 
fournit  une-armée  de  quarante  mille  hom- 
mes à  la  Reine  ;  cette  diverfion  fut  moins 
utile  à  cette  Princefle  que  la  mort  de 
l'Empereur  Charles  VJI.  arrivée  au  com-  1 745*. 
(nencemcnt  de  l'année  où  nous  entrons. 
Cet  événement  plaça  fbus  de  plus  heu-  Le  xi. 
reux  aufpices  la  Maifon  de  Lorraine  A  u-  Fi-vt. 
triche  fur  le  thrôtie  de  l'Empire,  thrône 
qui  svoit  été  pour  Charles  V  It ..  pour  fes 
Sujets  &:  pour  Tes  Alliés  la  fource  de» 
plus  accablantes  dîlgraces.  L'Hiftoïre 
fournit  peu  d'exemple?  aulïi  frappana  et 
l'illufion  des  grandeurs  &  de  la  fortune  « 
que  celui  de  ce  Prince  accablé  de  mala- 
dies ,  trahi,  malheureux  &nu}urani,  à I3 
veille  d'un  meilleur  fort.  Le  premier  foiir 
du  jeune  Elefleur  de  Bavière  ntal  confeil- 
lë  par  fes  Généraux  &  par  fes  Mintftrcs , 
fut  d'abandonner  h 
Se   de  figncr   uni 


1— i— — ■— M^— ■^— —» ^— — i— —■— —^^i^— — ■^■^— 

4^4  Hl  s  TOTR  E 

.  Il      ———I  I  ■■  I  ^— — ^M— — M< 

tentions  de  fa  Maifon  fur  la  fucceflîon  de 
Charles  VI.  &c  pronût  fa  voix  pour  Pé- 
leélion  du  Grand  Duc  de  Tofcane  à 
l'Empire. 

Cependant  les  deux  branches  de  t» 
Maifon  de  Bourbon ,  après  avoir  reiferré 
les  nœuds  du  fang  6c  de  l'alliance  par  le 
mariage  de  l'Infante  Marie-Thérefe  avec 
le  Dauphin ,  formoient  les  magnifiques 
projets  d'enlever  la  Lombardle  &  les 
Pays-Bas  à  la  Reine  d'Hongrie  :  la  con- 
quête de  la  Lombardie  dépendoit  de  la 
réunion  de  toutes  les  forces  Efpagnoles» 
Françojfes  &  Napolitaines  ;  mais  quels 
obftacles  ne  falloit-il  pas  vaincre  avant 
d'exécuter  un  pareil  prpjetf  Une  étendue 
de  plus  de  cent  lieues  ^  des  fonereifes  y 
des  montagnes ,  des  fleuves  &  des  ar* 
mées  confidé râbles  étoient  les  barrières 

?ui  féparoient  le  Comte  de  Gageis ,  de  D» 
hilippe  9  barrières  fans  doute  infurmon* 
tables ,  s'il  y  en  avoit  pour  le  génie  ,  le 
courage  &  la  confiance  !  Le  Comte^  de 
Gages  arrêté  au  milieu  de  l'Etat  Ecclé* 
fiauique  par  le  Prince  de  Lobkowîtsn'euli 

Sas  plutôt  reçu  les  ordres  de  la  Cour  de 
ladrid  pour  fe  ioindre  à  Dom  Philippe 
qui  étoit  aux  porcis  du  Piémont ,  qu'il 


d'Espagve.  j|35p 

pot  avec  râgi  dnq  iiMlk  bbœmes  ,  œ- 
le^e  fept  cccts  Aoinciu^i»  près  de  Ri- 
floitoi ,  pa&  le  Pasaro ,  pourfuk  le  Piincc 
as,  LfobJLOwks ,  s*eoùpare  du  Fort  de 
JMosQce-Alf oniê  ^  &  après  avoir  dtMiD^le 
ciaasge  a  TenDeoû ,  tourne-  tout  à  coup 
:TCfs  k  Grand  Ihicfaé  de  Tofcane  qvyfl 
iS3¥€iiê  rapidei&eot ,  aisfi  que  la  Répit- 
bfique  de  Lucques;  de-U  il  fraDcfaîtL'^j' 
pCDski  par  les  teins  les  plus  a£reux ,  & 
avec  les  rnéna^  travaux  qu'Aonibal  ^  les 
iklpes;  fonibe  iîir  cinq  ou  £x  luiUe Croa- 
tes que  Lc4>]u3vnts  avoh  ecTcyts  pour 
l^qèiiéter  daos  cette  marche  admizable  » 
Ac  ks  taîUe  en  pièces.  Enfin  ,  il  arrive 
^ns  la  Ligurie  ;  la  République  de  Gènes 
^i?i  n'anendok  que  Êi  piéi^nce  pour  fe 
déclarer  en  £ai  veur  des  Bourbons ,  rendk 
ak)rs  public  fe  txaité  d'Âranjuès  par  le* 
^xiel  elk  s'étok  engagée  de  fortifier  Par* 
oée  Eipagnole  d'un  Corps  de  dix  nûUe 
liomnaes ,  &  d' xm  train  confidérable  d'ar- 
cllesie  ;  à  ces  conditions  Philippe  V. 
loi  avoit  affigqé  un  fLbfide  d'environ 
dkKîze  cem  milk  livres  ,  &  ce  Pxinc^ 
«rantifloit  avec  Lolk  XV-  fie  Dcm  Cafr 
ks  les  Etsis  de  b  République ,  ^.  fptcîaf 
lement  le  Mârcuifai  de  Final  dont  la  coa-> 


'fervariori  lui  mettoit  le^  arnies  à  la  mainr- 

L'Infant  ne  tarda  pas  à  joindre  le 

Gomte  de  Gages  ;  il  comptoît  alors  fous 

ip^  ordres  une  armée  de  foixante  &  dht 

Tûflle  Efjpagnols  ,  François ,  Napolitains: 

^  Génois  çbnimandés  par  k  Duc  de 

^fedene,  l'é  Mkrechal  dé  Mailleboii  & 

IfiTComte  de  GsrgeB,  LieS  VÛes  du  Prince 

*Aoient  d'attirer  l'ènnemià  une  batsfilfe 

dont  le  fuccès  luV  livroit  toute  k  Lom- 

^ardie;  mais  le  Roi  de  Sarrdaîgne  &  W 

'Généraux  Autrichiens  Vévitoient  avec: 

beaucoup  de  foin  ;  ils'  oppofoient  aux^ 

Alliés  les  fleuves,  les  rivières  &  lesfor- 

téreffes  auprès  defquelles  ik  câmpoient 

idans-des  portes  inacceffiblês  ;  cependant 

Dom  Philippe  dont  les  forces  étoient  fur- 

Çérieures  i  Vempara  de  Serravalîe ,  de 
'ortone,  d'Acqiii ,  de  Pavie,  pafla  fe 
"Tanaro  en  préfence  de  Farmée  ennemie, 
4ih  vainquit  auprès  de  BafTignana  ,  9c 
Vempara  i.  enfuite  de  cette  viôoire,  d'A- 
lexandrie j  de  Valence ,  de  Cafal  &  d*Af- 
ti;  dès  qu'it  eurpaffé  le  Teflîn ,  Milan  lui; 
ttivoya  fes  defsj  en  conféquénce  du  pri- 
vilège qiï'c4le  i  de  fe  rendre' à  la  première 
"armée  qui  a  paifé  ce  fleuve  ;  le  Prince  s*y 
rendit,  fe  m  prêter  ferment  de fidélit^v 


f 


D'E  s  P  A  G  N  E. 


497 


par  le  Sénat ,  &  de-Ià  fut  s'emparer  de 
Plaifance  &  de  Parme;  dens  le  mfme 
tems  le  Comte  de  Lautrec  («)  gagna  le 
combat  de  JoiTeau  dans  lequel  il  tailla  en 
pièces  fîx  mille  Rémontoîs.  LesAnglois 
vengèrent  fur  les  Génois  les  difgraces  de 
leurs  Alliés;  ils  bombardc-renc  Gènes, 
Final  ,  Savone  ,  San-Remo  ,  ÔC  prirent 
la  Bafiie  en  Corfe. 

I^e  Roi  de  Sardaigne  effrayé  de  la  ra- 

f'idité  de  ces  fuccès ,  négocioit  déjà  avec 
s  vainqueur  ;  mais  la  nouvelle  du  traité 
de  Drcfde  le  rafinra  ;  il  rompit  la  négo* 
ciation ,  &  combattit  avec  une  nouvelle 
arrîcur  pour  la  Reine  d'Hongrie  qui  dé- 
livrée du  Roi  de  Pruffe,  enyoya  à  la  dé- 
fenfe  de  l'Italie  fes  meilleures  troupes. 

Dans  le  courr  efpace  de  la  nouvelle 
guerre  allumée  dans  le  fein  de  l'Allema- 
gne ,  le  Roi  de  Pruffe  avoir  gagné  les  ba- 
tailles de  Friedherg  ,  de  Praudmis  &  de 
Keffeldorfs ,  contjuis  &  dépouille  la  Saxe 
&  la  Loface;  c'cfl  dans  h  Capitale  ,  & 
!e  palâisméme  de  1  i-      ■  -L-urdc 

Saxe  qu'il  diclalcs  ,  faix; 

y  confentit  â  rend:  ,  à  M- 


I 
i 


4-^8  Histoire 


mma 


connoître  le  Grand  Duc  de  Tofcane  en 
qualité  d'Empereur ,  à  foufcrire  à  Taâï- 
vite  de  la  voix  Eleélorale  de  Bohême  : 
mais  il  obtint  la  confirmation  de  la  cei* 
iion  de  la  Siléfie  &  du  Comté  de  Glatz , 
une  indemnité  pour  PEledeur  Palatin  « 
fon  Allié ,  &  plufieurs  millions  que  la 
Saxe  lui  compta  ;  Tapproche  d'une  ar- 
mée  Rufle  qui  venoit  fondre  fur  (ç% 
Etats ,  le  juftifîa  auprès  de  la  Maifon  de 
Bourbon  de  ce  traité  particulier, 

Louis  XV.  fuivi  du  Dauphin  qui  s'ar« 
tacha  des  bras^  de  fon  époufe  pour  voler 
à  la  gloire  fur  les  traces  de  fon  augufte 
père  ^  eâàca  dans  les  Pays-Bas  les  ex* 
ploits  de  les  Généraux  en  Italie  :  il  ou* 
vrit  la  campagne  par  le  flége  de  Tour- 
nai  ;  le  Duc  de  Cumberland  ,  à  la  tête 
d'une  armée  d^Anglois ,  d'Autrichiens 
&  d'Hollandois  >  accourut  bientôt  pour 
le  lui  foire  lever  ;  mais  le  Roi  de  France 
ayant  laiifé  une  partie  de  fon  armée  de- 
vant Tournai ,  tut  avec  l'autre  au-de-» 
vant  de  l'ennemi  qui  l'attaqua  le  onze 
Mai  dans  les  plaines  de  Fontenoi  :  la  vic- 
toire qui  d'abord  avoit  paru  vouloir  fe 
ranger  fous  les  étendards  des  Anglois» 
fe  déclara  enfin  pour  les  François^;  Cuai- 


berUnd  fe  retira  après  avoir  yeria  plus 
de  quinze  mille  hommes ,  mais  cette  iner- 
te e(i  légère  en  comparaifun  du  celles  aui 
(iiivireot;  la  journée  deFontenoï  ;ie  wo- 
queur  prit  Tournai  ,  Gand  auprès  de 
laquelle  Place  ftx  mille  Angloii  furent 
taillés  en  nièces  i  Oudenârde  ,  Brades  » 
Dendertnonde ,  hc  enfin  Oftcndc  Se  Nicu- 
port  donc  la  conquête  fut  un  coup  de 
foudre  pour  les  Angbts  qui  l'ctoienc 
flattés  que  ces  deux  Forts  leur  reilcrotvnt 
en  récompenfe  de  leurs  ctTorts  en  faveur 
de  la  Reine  d'Hongrie  ;  Oflende  dont  la 
rédudion  dans  le  fiecle  précédent  avoit 
coûté  aux  Erpagnolt  quatre-v'mgt  mille 
hommes  i  trois  ans  ,  trcis  mcU  &  uott 
jours  de  rems ,  n'en  coûta  que  huit  de 
irancbée  ouverte  aux  François  comcjin- 
dés  par  le  Comte  de  Lo^endai ,  Ôc  moin* 
de  mille  hommes.  Cette  campagne  ,  la 
plus  belle  &  la  plus  fortunée  ^ue  la  Fran- 
ce ait  faite  depuis  celle  de  m;l  iix  cenc 
foixance  &  douze  ,  fut  terminée  par  U 
prife  d'Aib. 

Le  Prince  Edouard ,  fils  aîné  du  Pré- 
tcnâant  aux  Couronnes  de  la  Grande- 
Bretagne  ,  conoAnnnUE  TÎAoiret  de  la 
,  Wailbn  de  Bourbi 


« 


coo  Histoire 

If I         III  I         I  II    ■    ■ 

verfion  qu'il  fit  en  Eeoffe  ;  ce  Prince ,  l' un 
des  Héros  de  notre  fiécle,  n'eat  pas  plutôt 
paru  dans  l'ancien  patrimoine*  de  ia  Mafc 
ion  avec  fept  Gentilshommes  y  qtf  ii'ie  vit 
reconnu  &  fuivi  pap  les  Montjagnards 
Ecoiïbis,  plus  redoutables  par  leur  zélé 
&  leur  courage  que  par  leur  nombre  & 
leur  difciplinei  Edouard ,  à  kur  tête ,  fit 
voir  par  des  exploits  à  peine  croyables 
4:ombien  il  étoit  digne  du  thrône  de  fes 
ancêtres  ;  il  s'empara  d'Edimbourg ,  ré- 
duifit  prefijue  toute  TEcoffe ,  remporta 
plufieurs  vidoîres,  pénétra  en  Angle- 
terre ,  &c  fit  trembler  la  Maifon  de  Brunt 
wick-Hanovre  qui  eut  recours  à  la  Hol- 
lande dont  elle  reçut  un  fecours  de  fix 
mille  hommes.  / 

Les  feuls  évenemens  heureux  qui  cont- 
rôlèrent la  Reine  d'Hongrie  &  le  Roi 
d'Angleterre  d'une  telie  fuite  de  difgra- 
ces ,  Turent  l'éleétion  du  Grand  Due  de 
Tofcane  à  la  Couronne  Impériale  ;  le 
traité  de  Drefde  qui  pacifia  l'Allema- 
gne ,  &  enfin  la  conquête  que  firent  les 
Angloîs  dé  l'importante  Place  de  Louif- 
bourg  fur  la  France. 

Les  Rufles  furent  fur  te  point  de  fe 
néler  à  la  querelle  qui  déchiroit  laRépur 


d'Espagne,  /oi 

blique  Chrétienne  :  nous  avons  obfervé 
que  le  plus  grand  motif  qui  détermina  le 
Roi  de  Pruffe  à  donner  les  mains  à  la  né- 
gociation offerte  par  le  Roi  d'Angleter- 
re ,  fat  rapproche  d'une  armée  de  la  Cza- 
rine  qui  accouroitau  fecoursdelaSaxe 
&  de  r  Autriche. 

.  Au  lieu  de  profiter ,  à  l'exemple  de 
fes  ancêtres ,  des  guerres  fanglantes  des 
Chrétiens  pour  s'agrandir,  le  Grand  Sei- 
*  gneur  Mahmoud ,  Tun  des  meilleurs  Prin- 
ces de  la  Maifon  Ottomane ,  eut  la  gé-^ 
nérofité  d'offrir  fa  médiation  aux  Poten- 
tats divifésj  mais  ni  les  uns,  ni  les  au- 
tres n'eurent  garde  de  l'accepter  :  cette 
.guerre  devoit  encore  coûter  des  torrens  * 
-de  fang. 

.  On  croyoît  toucher  à  la  conquête  de  la  1 74^- 
'Lômbardie  &  duPiémontj  de-là  on  comp- 
toir porter  la  guerre  dans  l'Autriche  par 
le  Trehtin ,  &  forcer  l'Impératrice  Reine 
à  recevoir  Les  conditions  que  lui  impo- 
ferpient  les  Rois  Bourbons  ,  lorfqu'eçi 
43ioins  d'un  jan  la  face  des  affaires  chan- 
igea  au  point  qu'on  fe  trouva  heureux  de 
dauvér  h  Provence  de  l'iwraflbifJte 
•aietaîs  ;  la  caufede  cette  révolution" 
•  fîx^  attribuée  au  |;éiiièiJelaRei"''  '^ 


5-02  Histoire 

grie  f  &  aux  talens  du  Roi  de  Sardaigne 
&  du  Comte  de  Browne.  Marie-Thérefe 
lie  s'étoit  hâtée  de  fou  fcrireau  traité  de 
Drefde  que  pour  défendre  avec  plus  de 
fuccès  fes  Etats  de  l'Italie  dont  elle  tiroit 
la  meilleure  partie  de  fes  revenus  ;  leur 
falut  la  toachoit  davantage  que  celui  des 
Pays  -  Bas  conquis  en  partie  par  Louis 
X  V  •  &  défendus  par  les  Ânglois  &  les 
HoUandois  plus  intéreifés  qu'elle  à  em- 
pêcher le  vainqueur  de  les  réduire  fous 
fa  puiffance.  L'événement  juftifia  la  fk« 
geut  de  la  Reine. 

C'eft  au  Roi  de  Sardaigne ,  qui  a  tou- 
jours fait  pencher  la  balance  dans  les 
guerres  de  l'Italie  du  côté  du  Parti  qu'il 
a  embraffé ,  que  la  Reine  dut  principa- 
lement les  fuccès  rapides  &  décififs  de 
cette  campagne;  ce  Prince  ayant  à  peine 
dix  à  douze  mille  hommes,  força  le  cinq 
Mars  par  une  manoeuvre  admirable  fîx  â 
fept  mille  François  dans  Aftl  à  fe  rendre 

f)rîfonniers  de  guerre  :  quelquetems après 
e  Comte  de  Browne ,  digne  de  comoat- 
tre  avec  le  Roi  de  Sardaigne ,  s'empara 
de  Guaftaila  que  le  Marquis  d^Cafiellar 
Bvoit  pris  un  mois  auparavant  ;  Cailetlar 
wcpuni  trop,  itatd  ^  fiscours  ^e  fa  con- 


d'  E  5  P  A  G  N  E.  5*05 


quête,  reçut  un  échec  conCdérable  » 
&  fe  réfugia  à  Parme  où  bientôt  le 
Comte  de  Rrovne  vint  Finveftir  ;  déjà 
le  château  étoit  pris ,  &  le  Général  Au*- 
trichien  defiinoit  à  Caflellar  &  à  cio<| 
mille  Efpagnols  qu'il  conmiandoit ,  le 
inême  fort  qu^aux  François  d'Afii  ;  mais 
le  Marquis  &  les  Efpagnols  aimeront 
mieux  périr  que  de  recevoir  de  telles 
ioîx  du  vainqueur  ;  ils  fortirent  de  Par^ 
me  la  bayonnette  au  bout  du  fiifil ,  fe  fi- 
rent jour  à  travers  Tannée  ennemie  qui 
lespourfuivit,  &  fou  tinrent  un  combat  dç 
vingt  heures  ;  ils  ne  fe  repoferent  qu'a- 
près une  marche  de  «vingt-fept  heures  ; 
enfin ,  après  une  retraite  de  fix  jours  pen** 
dant  laquelle  ils  eurent  fans  ceile  à  com- 
battre l'armée  ennemie ,  ils  arrivèrent  à 
Plaifance  :  cette  aétion  admirée  des  en- 
nemis mêmes  valut  au  Marquis  de  Ca& 
tellar  la  dignité  de  Capitaine  Général. 

Cependant  Parme  ,  Cafal ,  Novi  & 
Valence  que  le  Maréchal  de  Maillebois 
ne  put  fecourir  ,  tombèrent  entre  les 
mains  des  ennemis.  Lex:ombac  de  CocJa- 
gno  dans  lequel  le  Marquis  dePîgnati 
défit  fix  mille  Autrichiens  >  & 
autres  avantages  n'ét(^ent  pas  s 


J04  Histoire 

I  _    II"    ■  I  I  I      •  l^l^M^M^— ^P^l  II      ■■ 

ats  "pour  rétablir  les  affaires ,  qui  chaque 
jour  devenoient-plus  défefpérées  j  déjà 
l'Infant ,  après  s'être  vu  maître  de  toute 
la'Lonibardie,  &  avoir  fait  contribuer 
jufqu'aux  portes  de  Turin  j  étoit  harcelé 
Se  çefferré  dans  le  Plaifantin  j  il  prit  le 
parti  d'évacuer  Milan ,  Alexandrie  ,  & 
â'appeller  auprès  de  lui  le  Maréchal  de 
Maillebois  dans  l'intention  de  fe  replier 
dans  la  Ligurie  ;  mab  les  ennemis ,  maî- 
tres de  la  campagne  ,  Cupérieurs  par  le 
nombre  &  par  la  viéloire ,  lui  coupoient 
la  communicatioade  cette  Province  &lui 
-enlevoient  fes  convois  j  leurs  vues  étoienc 
de  le  forcer  lui  &  fon  armée  à  fe  rendre 
fans  combattre  :  jamais  fituation  ne  fut 
plus  déplorable  que  celle  de  ce  Prince  ; 
il  réfolut   de  s'en  tirer  par  fon  cou- 
rage y  il  attaqua  le  feize  Juin  aux  envi- 
rons de  Plaifance  l'armée  ennemie  re- 
tranchée dans  un  pofte  avantageux,  mais 
après  des  prodiges  de  valeur  les  Efpa- 
gnols  &  les  François  furent  repouffés 
avec  perte  de  plu$  dje  fix  mille  hommes  ; 
cette  défaite  réduifit  l'Infant  à  ide  plus 
grandes  extrémités;  il  ne  lui  refloit  d'au- 
tre voye  de  fàlut  que  de  pafler  le  Pô  &  k 
Xûioo  i  jmai^  coAnuent:  ofer  nenter  ce 

paflage 


f 


d'Es  pagne.  yoy 

paifage  en  prélènce  de  deux  armées  fu- 
périeuresi  il  le  tenta  pourtant,  &  Texc- 
cuta  le  dix  Août  après  un  fanglant  com- 
bat dans  lequel  il  perdit  fix  mille  hom- 
mes. Cette  perte  doit  être  regardée  com- 
me légère  ,  puifque  par  cet  exploit ,  l'un 
des  plus  beaux  de  <:ette  guerre  il  eut  la 
gloire  de  repouffer  l'ennemi ,  &  de  fau- 
ver  les  débris  d'une  armée  réduite  à  pei- 
ne à  vingt  mille  hommes. 

La  révolution  de  laLombardie  ne  par« 
vint  point  aux  oreilles  de  Philippe  V.  Ce 
Princfe  accablé  d'infirmités  ^toit  mort  le 
neuf  Juillet  à  deux  heures  après  midi. 

La  piété ,  la  candeur ,  la  bonté ,  la  mo- 
dération y  l'équité ,  la  tendreffe  pour  fes 
Sujets ,  le  courage  le  plus  héroïque ,  la 
fermeté  formoient  le  caraélerç  de  rhilip- 
pe  V.  Les  di(graces  auxquelles  il  oppofa 
tant  de  grandeur  d'ame ,  le  facrifice  de 
la  Couronne  à  la  fleur  de  fon  âge ,  la  fa- 
gefle  des  loix  &  des  réglemens  qu'il  don-» 
na  à  l'Efpagne ,  fes  nombreux  étaljlîfle- 
mens  en  faveur  du  commerce ,  des  fcien- 
ces  &  des  arts  ,  le  rétabliflement  de  la 
Marine  &:  de  la  difcipline  miliuire ,  les 
viéloires  enfin  de  la  Nation  redevenue 
fous  fes  aufpices  guerrière  ^  puiiTante  ôc 
Terne  r. 


y  06  HisToijvE 

»       ■  I  M  ■  I  f      •  .     ■ 

aâive ,  rendront  à  jamais  fon  nom  cher 
&  vénérable  aux  Eipajgnois. 

Auflî-tôt  après  la  mort  du  Roi  on  ou- 
vrît un  teftament  qu'il  avoit  fait  vingt- 
deux  ans  auparavant  j  il  lalflcHt  la  jouif- 
fance  de  S.  Ildçfotife  à  la  Reine  fon  épou- 
le  i  avec  une  penfion  de  dix  huit  cent 
mille  livres^  indépendamment  de  celle 
de  feize  cent  mille  attribuée  en  Efpagne 
aux  Reines  Douairières  j  il  ordonnoit  de 
plus  que  cette  Princefle  auroit  la  liberté 
de  relier  en  Efpagne ,  ou  de  fe  retirer 
fdaiïs  les  Pays  étrangers.  Elifabeth  de*^ 
meura  en  Elpagne  ^  &  fixa  fon  féjour  à 
S.  Ild^forife  :  c'eft  dans  lé  fçin  d'une  re- 
traite fi  délicieufe  que  cette  Reine  donc 
le  génie ,  l'élévation  ,  la  fermeté  &  Ici 
travaux  ont  étonné  PEurope ,  ne  s'oç^ 
cupe  plus  que  à\x  foin  de  fairip  des  heu* 


A' 


^41 


mmÊÊÊKÊÊmmÊtmmÊtÊmKmmmÊmÊmmmmÊmmÊÊmïm 

FERDINAND    V  I.  fur^omme 

le  Sagc-»  '  - 1  • 

LE  nouveau Roî  âgéd*^nviron  trente-  ^1^^ 
trois  ans ,  commença  Ton  règne  avec 
la  bienfaîfance  de  Titus  ^  &  la  fagefie  de 
Marc-Aurele;  il  donna  ordre  qu'on  ou- 
vrît les  prifons  à  tous  ceux  qui  y  étoiant 
détenus  pour  des  crimes  qui  ne  les  ren- 
doient  pas  dignes. de  mort ,  &  iî;  publier 
une  amniftie  en  faveur  des  Dëferteurs  & 
des  Contrebandiers  ,  à  condition  qu'ils 
fe  rendroient  en  Efpagne  dans  le  terme 
de  fîx  mois.  A  ces  bienfaits  Ferdinand  en 
ajouta  de  plus  grands ,  en  aflignant  deux 
jours  de  là  femaine  pour  recevoir  lui- 
même  les  requêtes  &  les  remontrances 
de  fes  Sujets  ;  (  ces  jours  -  là  mêmes  ce 
Prince  affable  &  populaire  donne  des  au- 
diences particulières  aux  Citoyens  pour 
peu  qu'Us  foient  connus ,  )  &  en  choiHf* 
lant  pour  premier  Minifire  Dom  Jofeph 
de  Carvajal  y  Lancaftre.X.'Efpac;ne  don- 
ne encore  des  larmes  à  b  mort  de  ce  Mi« 
lûibe  qne  fia  lonwres^  fon  di:fint^rcfT^'- 
— ^V  *         ^Àxéf  ia  fagelTc ,  fon  zclc 


w^mmmmmm^'^mm'mmmmm 


J'OS  Hl  ST  O  II^E 

— — — — i^—^i— — — —      I  I     I  w— — — iMi»^— r-^— ^sp 

pour  laFàtrîe»  fcs  travaux  en  faveur  di^ 
pien  public,  &f,  l'univerfalité  des  cpn- 
noiffançes  gu'il  avoit  acquifes  par  rëtu<ie 
des  lettres  feront  toujours  regarder  comr 
pie  un  des  plus  grands  hommes  de  ce  fie- 
cle  ;  le  premier  foin  du  premier  Miiaift'rç 
fat  d'engager  le  Roi  à  donner  un  décret 
par  lequel  il  déclara  qu^il  rempUroit  les 
engagement  de  fon  prédécpffeur  avec  les 
Alliés. 

* 

Il  eft  tems  de  reprendre  le  fil  des  éver 
nemens ,  ou  plutôt  àcs  di%races  de  Yh 
|:alie. 

Dom  Philippe  ne  fe  fut  pas  plutôt  dé- 
livré par  fon  courage  du  danger  auquel 
il  étoit  expofé ,  qu^il  fe  retira  dans  la  Li-- 
gurie  où  il  fut  pourfuivi  par  toutes  les 
forces  des  ennemis  ;  Novi ,  Serravalle , 
Gayi  ,  Voltaggio  furent  réduits  par  le 
Roi  de  Sardaigne  ;  t)ientôt  ce  Prince  pé- 
nétra dans  l'intérieur  des  Etats  de  Gênes 
par  la  vallée  4e  Bormida  ,  tandis  que  le 
Comte  de  Browne  forçoit  le  paffage  im- 

f)raticable  avant  lui  de  la  Bochetta.  A 
'approche  de  deux.armées  dont  la  moinr 
dre  étoit  fupérieure  à  la  fienne  -,  Dom 
Philippe  abandonna  les  terres  de  la  Ré- 
publique i  §c  fe  bâta  d^  fe  réfu|;ier  Ji  An*» 


/ 


D^ÊS  PAGNE.  JOj? 

tibes.  C'eft  ainfi  que  la  Lombardie  fut 
perdue  avec  autant  de  rapidité  qu'elle 
a  voit  été  conquife  :  à  cette  perte  il  faut 
ajouter  celle  d^l^la  Ligurie  qui  par  la  rer 
traite  des  François  &  des  Efpagnols' , 
d-cvint  la  proye  des  Autrichiens  &  des 
Piéraontois. 

La  Cour  d'Efpagne  étonnée  de  cette 
fuite  de  revers,  rappella  le  Comte  de 
Gages  &  le  Marquis  de  Caftellar  aux- 
quels elle  fubditua  le  Marquis  de  la  Mi« 
na  ;  le  Roi  de  France  fuivit  Texenoplc  de 
Ferdinand  >  en  faifant  paffer  le  comman- 
dement de  fes  troupes- des  mains  du  Ma- 
réchal de  Maillebois  en  celles  du  Maré- 
chal de  BelleJfle. 

Cependant  Gênes^  dénuée  de  troupes, 
&  abandonnée  au  reiTentiment  des  enne-* 
mis ,  fe  rendit  à  difcrétion  au  Comte  de 
Browne  ;  en  méme-tems  elle  envoya 
quelques  Sénateurs  implorer  la  clémence 
de  la  Cour  de  Vienne ,  mais  ils  ne  trou- 
vèrent qu'un  vainqueur  irrité  fen  la  per-* 
fonne  de  l'Impératrice  Reine  :  cette  Prin-^ 
ceiTe  chargea  du  foin  de  fa  vengeance  le 
Marquk  de  Botta  qui  s'acquitta  de  fcs 
ordres  avec  une  inflexibilité  qui  ajouta 
encore    aux    malheurs     des    Génois  ; 

Yii] 


îr  '"      --"^ 


^)0  Histoire 

— - — ■ — " 

d'abord  3  exigea  vingt-quatre  millions 
de  contributions  ^  dont  huit  lui  furent 
payés  fiiip-lc  cbaing  ;  il  ordonna  qu'on 
lui  rendîi  les  di^mans  que  la  Reine  avoit 
engagés  aux  Génois  pour  des  fommes 
très-confîdérables;  qu'on  lui  livrât  la 
Ville  &  le  château  de  Gavi ,  &  qu'enfir> 
la  République  habillât  à  fes  dépens  trente 
mille  Soldats  Autrichiens.  En  vain  le  Sé- 
nat àe  Gênes  enyoya-t-it  à  Londres  &  à 
la  Haye  fupplier  le  Roi  George  &  les 
Etats  Généraux  -de  lètir  dbtenir  quel- 
ques adouciffemens  à  cesloix  féveres. 
Gênes  trouva  tous  les  cdfeurs  fermés  à  la 
compaffion  ;  pour  comble  de  malheur  Fi- 
nal dont  la  confervation  avoit  attiré  fur 
la  République  un  fi  terrible  orage ,  Sa- 
vohe  fe  rendirent  au  Roi  de  Sardaîgne  ; 
Tortone  ,  la  feule  Place  qui  refta  aux 
Bourbons  dans  toute  la  Lombàrdie ,  fu- 
bit  le  même  fort. 

Fiere  de  tant  de  vidloires ,  la  Reîne 
balança  fî  elle  erileveroit  les  deux  Sîciles 
à  Dom  Carlos ,  ou  fi  elle  fonderoit  fur 
la.  Provence  ;  fî.  le  projet  de  déthrôner 
Dom  Carlos  eût  été  rempli ,  c'eft  alors 
que  cette  Princeffe  eût  régné  avec  un 
empire  abfolu  e^  Italie;  deux  puiffans^ 


d'Espagne.  fit 

motifs  l'empêchèrent  de  tenter  cette  ex-^ 
pédition  ,  le  premier ,  parce  que  les  Ait:^ 
glois  inauiets  des  préparatifs  de  la  FraiH 
ce  9  n'oierent  défi;arnir  leurs  côtes  %  &  HQ 
purent  envoyer  devant  Naples  une  flotte 
capable  de  féconder  Tentreprifè  des  Au- 
trichiens )  le  fécond  fut  ta  reconnoiiTance 
dueau«Eoi  de  Pologne  qui^  pour  prix 
de  s'être  facrifié  l'année  précédente  eo 
faveur  de  la  Reine ,  la  conjura  de  ne  point 
attaquer  le  Roi,  fon  gendre* 

Marie  -  Thérefe  fe  détermina  donc  è 
une  invafion  en  Provence  ,  fans  que 
l'exemple  de  Charles-Quint ,  l'exemple 
plus  récent  du  Duc  de  Savoye  qui  avoienc 
perdu  leurs  armées  en  tentant  la  conque* 
te  de  cette  Province ,  pût  la  détourner 
de  fa  réCblution  ;  le  Comte  de  Bro^ne 
reçut  ordre  de  paffer  le  Var  j  ce  Général 
exécuta  cette  entreprife  ,  il  paiTa  cette 
rivière  ,  fe  répandit  en  Provence ,  &  y 
occupa  plufieurs  poftes^ 
•  Mais  la  viâoîre  (4)  qui  ne  varia  jamaif 
davantage  que  dans  cette  guerre ,  devoit 
bientôt  abandonner  la  Reine  ;  ce  fut  la 

(a)  Le  feul  Louîs  XV.  en  perfonne  ,  &  le  Roî 
(fe  Pruilè  furent  confiamment  heureux  &  vain- 
queurs» 


Yî 


\f 


JI2  Hl  S  T  O  I  I^E 

révolution  à  jamais  furprenante  de  Gênes 
qui  mit  la  première  digue  au  torrent  des 
profpéritéî  de  cette  Princeffe  rie  hafard, 
ou  plutôt  l^abus  de  la  viâoire ,  &  Famour 
de  la  liberté  donnèrent  lieu  à  cet  évene- 
njent  dont  les  fuites  auroient  pu  être  fata- 
les à  Gênes  ,  fans  le  courage  de  fes  Ci- 
toyens &  la  puiflanttî  proteâion-des  Rois 
Bourbons. 

Sur  le  refus  magnanîirfe  que^  le  Sénat 
fidèle  aux  traités  avec  l'Efpagne  ,  la 
France  &  Naples  fit  de  joindre  les  armes 
à  celles  de  la  Reine  contre  la  Maifon  de 
Bourbon ,  le  Marquis  de  Botta  croyant 
avoir  un  prétexte  plaufible  de  ruiner  fans 
retour  une  Puiffance  fi  conftamment  unie 
aux  ennemis  dô  fa  Souveraine ,  accabloit 
de  plus  en'plus  lés  Génois  :  chaque  jour 
éclairoit  un  nouveau  trait  d'oppreflSon , 
indépendamment  des  contributions  , 
Fartillerîe  ,  les  munitions  ,  l'argent  & 
les  fubfiftances  étoient  arrachés  aux  mal- 
heureux Citoyens  de  Gênes  ;  les  Grands 
gardoient  un  morne  &  profond  filence , 
&  le  Peuple  fe  contentoit  de  gémir ,  lors- 
que tout  à  coup  il  paffa  des  larmes  &  de 
U  douleur  à  la  fureur  Ôc  à  la  vengean^ 
ce  5  le  Marquis  de  Botta  avoit  donné  oc'* 


dre,  qu'on,  enfcvât,  quelques  mortieirç 
pour  les  envoyer  en  Provence  au  Comtç 
de  Browne  ;  comme  ces  mortiers  efcor^ 
tés  par  quelques   Officiers  Allemands 
étoient    conduits  par    une    rue    affe^ 
étroite ,  il  arriva  un  accident  à-  l'iaffut 
fur  lequel  étob pofé  l'un  d'eux,  Ja  popu- 
lace du  quartier  s'aiTembla  auflitôt ,  les 
uns  pour  contenter  une  vaini  curiQfîîé , 
les  autres  pour  aider  à  le  rétablir;  un 
Officier  Allemand   remarquant   qu'un 
Ouvrier  ne  fe  portoit  pas  avec  aflez  de 
zélé  au  travail  >  lui  appliqua  quelques 
coups  de  canne, /afin  de  réveille?  fon  ar- 
deur ;  mais  lés  coups  de  canne  furenjE 
payés  fur  le  champ  par  un  coup  de  cour 
teau  ;  ce  coup  fembla  être  le  fignal  de  la 
révolte  ;  le  Peuple  furieux  fond  fur  les 
Officiers  Allemandis ,  les  égorge  ;  la  fu- 
reur devient  épidémique  ,.  &  le  çompiu- 
nique  de  rue  en  rue  ;  on  enfonce  les  bou- 
tiques- des  Armuriers  ,  celles  de  l'Arfe- 
nal  pour  fe  faifir  des  premières  armes^ 
que  le  hafard  offre  j  on  maffacre  fans 
quartier  les  Autrichiens,  le  carnage  dure 
toute  la  nuit  &  le  jour  fuivant  ;  le  Sénat 
éperdu  ,   effrayé  d'une  révolte  qui  al- 
ïoit  fournir  au  vainqueur  une  raifon  fpc- 

Yv. 


Vï4  Hi  s  roi  RE 


cieufe  ][)our  détnjirfe  Gênes  ' ,  s^oppofa. 
ivec'vigùeur  à  'Peiriportement  da  Peu- 
ple ;  îl'  fit  même  pendre  q^uel^ues  Ci- 
toyens des  plus  mutins  ;  mais  enfin  , 
vqyant  que  ni  les  prières  ^  ni  la  fé vérité 
tie  p'oiivoîent  contenir  le  Peuple ,  qu'il  ne 
refoiroit.'qbe  la  liberté  ,  le  Sénat  fe  joi- 
^it  à  lui,  &  fe  conduifit  le  refte  de  la 

§■  uerrè  cbidiîïe'  celui  de  Rome  du  tems 
''Annibal  ;  après  un  combat  de  cinq 
jours,  le  Marquis  de  Botta  fut  chaffé  de 
Gênes ,  laiffant  dans  les  murs  de  cette 
Ville  trois  mille  hommes  tués,  ou  pris,foa 
artillerie  &  tous  les  équipais  de  fon  ar- 
ïnée  j  lesPayfans  falfis  du  même  enthou- 
fiafme  que  les  Bourgeois  fondirent  de 
leur  côté  fur  les  troupes  Autrichiennes  à 
qui  on  avoit  donné  des  quartiers  dans  le 
plat  Pays,  &  en  firent  encore  une  plus 
grande  boucherie  que  le  Peuple  de 
Gênes, 

Les  François  n'éprouvoîent  point  cet- 
te alternative  de  fuccès  dans  les  Pays- 
Bas,  ils  ouvroient  &  terminoîent  la  camr 
pagne  par  des  viftoires  &  des  conquêtes; 
éclatantes;  dès  fe  vingt  de  Février  le 
Maréchal  de  Saxe  avoit  pris  paf  une  ma- 
nœuvré admirable  Bruxelles^.  &  une  a&- 


DliSPAGNE.  5'TJ 

-hiée  entière  qui  lui  tenoit  lieu  de  gàrnï- 
fon;  l'éclat  de  cette  expédition  ajouta 
encore  à  la  haute  idée  qu'on  avoit  con- 
çue de  ce  grand  homme  :  peu  après 
■Louis  XV.  marcha  dans  les  Pays-Bas  , 
conquit  Louvain  ,  M  a  Unes  ,  Anvers, 
Mons ,  mais  il  fut  rappelle  à  Verfailles 
au  milieu  de  fes  conquêtes  par  la  mort 

déplorable  de  la  Dauphine  qui  ne  furvé- 

■cut  que  de  treize  jours  au  Roi  d'E.fpa- 
gne  ,  fon  père.  Elle  venoit  d'accoucher 

"d'une  Princeffe  qui  a  vécu  peu  d'années. 
Si  les  talens  «fminens ,  les  vertus  ,  la  jeu- 
ncffe  &  les  grâces  mettoient  à  l'abri  du 
tombeau  ,  la  Dauphine  eût  été  immor- 
telle ;  la  France  &  l'Efpagne  donnèrent 
des  larmes  à  la  mort  de  cette  digne 
Princefle.  On  fçait  que  la  douleur  de 
fon  augufle  époux  n'eut  point  de  bornes, 
Le  Maréchal  de  Saxe  i  le.  Comte  de, 
Ciermonc  ,  le  Prince  de  Conti  verç 
geoient  le  deuil  de  la  France  fur  les  en- 
nemis auxquels  ils  enlevèrent  Saint  Gui- 
îain  ,  Charleroy  Se  Napnn  ï  ettte  Ç^i^' 
■pagne  fut  teri 
Raucoux  que  11 
ïe  on7e  OftoT  ' 
Lorraine. 


I 


fi5  Histoire 

tes  François  firent  quarante  mille  prifoor 
aiers. 

^  Les  François. ,  dans- les  Indes  Oriem- 
talts ,  enlevèrent  Madras  aux  Anglois.; 
ks  HoUandois  de  Batavia  tentèrent  fur 
k  côte  Méridionale  du  Mexique  une  enr 
treprifé  qui  n'ieut  aucun  fucces.  Le  pre- 
,  KÛer  die  ces  Peuples  iè  confola  de  toutes; 
fes  difgraces  par  le  fuccè&de  la  ^erre 
contre  le  Prince  Edouard,  Ce  Héros., 
après  avoir  gagné  plufieucs  batailles,  ac- 
cablé par  les  forces  fupérieures  de  TAn- 
|;leterre  &.  de  la  Hollande  y  pourfuivi  par* 
le  Duc  de  Cumberland  jufqu'aupii^S'des 
.montagnes  d*Ecofre,.fe  déternaina  à  lir 
vrer  bataille  le  ftize  Avril  ;  les  deux  acr^ 
mées  en  vinrent  a^ux  mains  dans  la  plaine 
de  CuUoden  ;  l'infortuné  Stuart,fi  digne 
de  la  vi<ftoire  par  fon  courage  &  l'équité, 
de  fa  caufç  ,  fut  vaincu  décifivement  ; 
ion  Parti  fut  diffipé  &  détruit,  fes  amis 
pris  les  armes  à  la  njain  arroferent  de  leur 
. lang  les  échafauts  de  Londres;  lui  même 
.  erra  long:tems  dans  les  montagnes  &  les 
forêts  gEcofle,  déguifé,  profcrit,  ex- 
pofé  à  la  faim ,  à  la  foif  &  à  des  maux 
înouis  ;  après  avoir  été  mille  fois  fur  le 
jpQiat  d'être  livré  à  fes  cruels  ennemis  i 


d'^Espagne.  517 

le  gçnîe  qui  veille  au  làlut  des  Rois  le 
tira  de  ces  aâreux  dangers  pour  le  conr 
duire  en  France. 

Le  Pérou  qui  rarement  éprouve  le 
fléau  des.  gjiierres  cruelles  qui  défolent 
FEurope ,  fut  en  proye  cette  année  à  uti 
fléau  plus  redoutable  ;  un  horrible  trem- 
blement de  terre  fe  fit  fentir  le  vingt-fix 
Oélobre  k  dix  heures  &  demie  du  folr^ 
fur-tout  à  Lima  &  dans  les  environs  :  il 
dura  cinq  minutes  ;  les  édifices  publics 
&  particuliers  furent  renverfés ,  &c  acca- 
blèrent fix  mille  hommes  fous  leurs  dé- 
bris; quatre -vingt  mille  Citoyens  au- 
roient  ea  k  niéme  fort ,  s'ils  ne  s'étoient 
hâtés  de  chercher  un  afyle  dans  le  fein 
de  la  campagne  ;  treize  vaiiTeaux  qui. 
étoient  dans  le  Port  furent  engloutis, 
&  fix  autres  jettes  fort  loin  dans  les  ter- 
res ,  une  Ville  voifine  fubmergée  par  les 
eaux  de  la  Mer^  difparut  avec  fix  mille 
âmes  qui  Thabitoient.  Les  infortunés  Ci- 
toyens de  Lima  trouvèrent  le  père  le  plus 
ienfible  dans  le  Roi  qui.,  à  lafreu  ' 
nouvelle  de  leurs  défaflres  ,  « 
•qu'on  leur  donnât  tpus  ^* 
gjnables;  &  qu'on  réédif 

Quûiq^ue  toutes  les  Pl 


*^^. 


518  Histoire 

tiehncs  épuifées  euflent  convenu  dès 
rannée  dernière  d'envoyer  des  Miniftres 
à  Bréda ,  dans  le  deflèin  de  terminer  la 
querelle  qui  depuis  tant  d^années  déehi- 
loit  l'Europe;  quoiqu'on  eût  fubftitué 
à- Bréda  trop  voifine  du  théâtre  de  la 
guerre ,  Aix-la-Chapelle  ,1e  Roi  de  Por- 
tugal qui  n'en  regardoit  pas  moins  la  paix 
comme  fort  éloignée  entre  des  Poten- 
tats dont  les  intérêts  étoient  difficiles  à 
concilier,  entreprit  de  rétablir  par  un 
traité  particulier  la  concorde  entre  TEf- 
pagne  &  l^Angleterrc  auxquelks  il  oUrît 
fa  médiation  j  mais  Ferdinand  ne  voulut 
jamais  féparer  fa  caufe  d'avec  celle  de 
fcs  Alliés  ;  il  prévoyoit  que  les  fuccès  de 
Louis  XV.  vaincroient  les  obftacles  qui 
s'élevoient  chaque  jour  dans  la  négocia- 
tion ;  d'ailleurs  les  ai&ires  commençoient 
à  fe  rétablir  en  Provence  &  en  Italie. 

Les  Autrichiens  ne  purent  prendre 
Antibes  avec  le  fecours  de  la  flotte  An- 
gloife  qui  la  bombarda  ;  le  Comte  de 
Maulevrier  &  le  Marquis  deTaubin  for- 
cèrent le  vingt-un  Janvier  dans  Cartel- 
lanehuit  mille  Autrichiens  après  un  com- 
bat de  trois  heures  ;  M.  de  Chevert  re- 
prit les  Ifles  Sainte  Marguerite  6c  Saiat 


Honorât  ;  enfin  k  Maréchal  de  Bdlc- 
Me  &  le  Marquis  de  la  Mina  forcèrent 
le  Comte  de  Browne  de  repaflcr  le  Var 
avec  une  armée  afibiblie  ,  Se  prefque 
ruinée. 

Pendant  ce  tems-là  Gènes  afliégée  par 
une  armée  de  foixante  mille  hommes  fe 
défendoit  arec  courage ,  à  Faide  des  foi* 
blés  fecours  que  les  Rois  de  France  , 
d'Efpagne  Se  de  Naples  faifoient  couler 
dans  la  Ville ,  malgré  la* vigilance  de  la 
flotte  Angloife  qui  la  bloquoit*  Mais 
Gênes  épuifée  d'argent ,  dénuée  de  vivres 
&  de  Soldats,  auroit  enfin  fuccombé  r 
ans  la  préfence  du  Duc  de  BouiBers  qui 
par  fon  courage ,  fon  aftivité  &  fes  talens^ 
ranima  les  efpérances  de  b  République  ;. 
tous  les  Citoyens ,  les  femmes ,  les  en- 
fans  5  les  Religieux  ,  les  Eccléfîaftiques: 
phins  du  courage  que  leur  infpira  le  Duc. 
de  Boufflers  ,  devinrent  Soldats. 

Deux  régimens  de  ces  derniers  »  l'ai» 
de  huit  cents  hommes  ,  l'autre  de  fix 
cents  firent  le  même  fervice  que  lesGn^ 
nadiers  ;  après  plufieurs  combats  kf  ai 
nemis  s'appercevant  que  Gênes  était  d 
"venue  invincible  fous  les  aufpxes  do 
Général  Franç^xis  ^  &  f^achan:  r-t  le 


HWHMB 


J20  Histoire 

Maréchal  defielle-Ifle^  après  avoir  à  fon 
tour  pafiK  le  Var  y  s'étoit  emparé  da 
Comté  de  Nice  ,  de  Montalban  &  de 
Villefranche ,  qye  llnfant  avoit  pris  le  , 
château  de  Vintimille ,  &  qu'il  menaçoit 
k  Piémont ,  levèrent  ie  fiége  le  trois  JuiU 
let  ;  le  Duc  de  Boufilers  ne  jouît  point 
de  fi^n  triomphe  i  il  mourut  la  veille  de  h 
retraite  des  ennemis^  à  la  fleur  de  fon 
âge  ,  &  confumé  par  les  travaux  &  les 
fatigues  d'un  fiége  qui  Ta  immortalifé; 
les  Génois  arroferent  de  leurs  larmes  le 
tombeau  de  leur  libérateur  ,  &  fignale'- 
rent  leur  reconnoiflance  envers  lui ,  en 
infcrivant  fes  enfans  dans  le  livre  d'orj 
le  premier  foin  du  Sénat  fut  d'envoyer 
fes  plus  illuftres  membres ,  à  Verfailles, 
à  Madrid  &  à  Naples  pour  remercier  les 
Rois  Bourbons  d'avoir  conferv^  la  liber- 
té à  Gênes. 

On  s'atrendoit  à  voir  bientôt  les  ar- 
mes de  France  &  d'Efpagne  dans  le  fein 
du  Piémont  ;  mais,  dans  cett^  guerre , 
comme  nous  Tavons  obfervé  y  les  plus 
belles  efpérances  furent^  pr^fque  tou- 
jours détruites  par  des  revers  imprévus; 
le  Maréchal  de  Belle-lfle  avoit  détacha 
une  partie  de  fon  armée  fous  les  ordres» 


d'Espagne.  y^i 

da Clie\^lier fon  frercpour  pénétrer  en 
IHemoQC  du  côté  du  Fort  aEidles;  il 
fidjoit»  avant  que  de  réufCr  dans  ce  pro- 
jet battre  les  Piémontois  qui  avoîent  un 
camp  retranclié  fur  la  montagne  appel- 
lée  rAfiîette;  mais  ces  difficultés  n'étoo- 
noient  point  le  chevalier  de  Belle-Iile  , 
fameux  par  fcn  courage ,  iês  talens  &  fes 
eiEpIoîrs  ;  il  s*avânça  versTememi  le  dix- 
neuf  Juillet  dans  l'efp-érarce  de  le  for- 
cer; mais  il  ignoroitque  le  Roi  de  Sar- 
daigr.e  eut  fortifié  la  veille  ce  camp  de  fâ 
préferce  &  de  FtEre  de  fes  troupes-  Les 
François  repoufles  trois  fois  avec  un  hor- 
rible carnage ,  4îarciffoient  rebutés  ;  leur 
Général,  l'un  des lioinme$Iei*plusintré- 
pides  de  FEurope ,  fc  lâifit  alors  d'un 
drapeau  j  rampa  la  montagne ,  &  le 
planta  fur  le  premier  retranchement  5 
mais  dans  llnftant  même  il  tomba  percé 
de  pluEeurs  coup^  monels  ;  c'eft  ainfi 
qu'au  lieu  du  bâton  de  Maréchal  de 
France  »  Tobjet  de  ià  noble  ambition 
qull  cherchoit  dans  le  combat ,  il  trouvf 
b  mort  &  la  deftruclion  de  (on  armée. 

Cette  défaite  ramena  les  Autrichiens 
devant  Gtnes  à  qui  h  France  &  TEfpa- 
g::e  vendent  de  noiumcr  pour  dcfen- 


522  Histoire 


feurs  le  Duc  de  Richelieu  &  le  Marquis 
d'Ahumada. 

Louis  XV.  entra  cette  campagne  dans 
la  Flandre  HoUandoife  ;  les  Etats  Géné- 
raux preffés  par  un  ennemi  fi  redouta- 
ble ,  eurent  recours  aux  reflburces  qu'ik 
n'employent  que  dan«  les  plus  preflantes 
extrémités  ;  ils  élurent  pour  Stathouder 
le  Prince  deNaffau  Dîeft ,  gendre  du  Roi 
d'Angleterre  ;  mais  le  nouveau  Stathou- 
der avec  tous  fes  Alliés  ne  mit  point  d'obf" 
tacles  aux  fuccès  du  vainqueur  ;  il  ne  put 
empêcher  que  le  Fort  de  TEclufe  ,  le  Sas 
de  Gand ,  le  Fon  Philippe ,  Huft  ,  Axel 
forterefles  dont  la  moindre  arrêtoit  au- 
trefois des  armées  un  mois  entier  y  ne 
tombaffent  toutes  en  moins  de  trois  le- 
maines  entre  les  mains  du  Roi  de  France. 

Les  Alliés  effrayés  de  ces  profpérités 
fî  rapides  eurent  recours  à  la  proteftion 
de  la  Czarine  qui,  moyennant  un  fub- 
fîde  de  trois  cent  mille  livres  flerlin» 
leur  promit  uçe  armée  de  quarante  mille 
ftommes  ;  mais  avant  que  les  Ruffes  euC- 
fent  franchi  Pefpace  iramenfe  qui  efl  en- 
tre leur  Empire  &  la  Hollande ,  les  Hol- 
landois  ne  devoient-ils  pas  craindre  que 


d'Espagne.  ^2J 

leur  Patrie  ne  fût  la  proye  du  conqué- 
rant. 

En  eflfet,  Louis  XV.  avoit  déjà  gagné 
fur  le  Duc  de  Cumbérland  la  bataille  de 
Laufeldt  j  douze  mille  hommes  tués  ou 

Îris,  &  parmi  ces  derniers  le  Général 
*igonier  qui  fe  facrifia  pour  donner  le 
tems  au  Duc  de  Cumbérland  de  fe  fau- 
ver ,  (îgnalerent  cette  viéloire  qui  coûta 
beaucoup  aux  François.  Berg-op-Zoom , 
la  clef  de  la  Hollande  devant  laquelle 
âvoient  échoué  le  Duc  de  Parme  &  Am- 
broife  Spinola  ,  les  plus  grands  Capi- 
taines de  leur  fiecle ,  fut  prife  d'aC- 
fàut  le  feize  Septembre  par  le  Comte 
de  Lovcndal;  on  a  peine  encore  aujour- 
d'hui à  comprendre  cet  exploit ,  le  plus 
grand  de  cette  guerre  j  à  peine  le  tiers  de 
Berg-op'Zoom  étoif-il  invefti ,  une  ar- 
mée  puiflante  campoit  à  fes  portes ,  la 
garnifon  très-nombreufe  étoit  rafraîchie 
tous  les  vingt-quatre  heures  ;  enfin  une 
multitude  prodigieufe  de  mines  rendoit 
les  approches  prefqu'impofllbles  :  il  n'y  a 
que  les  François  capables  de  vaincre  tant 
û'obftacleis.  '- 

Les  Efpagnols&  les  Français  fi  '"♦ 
étoicnt  au0i  malheurei 


^t^mmmmmmmmÊitÊm 


^24  Histoire 


^*M 


reux  lur  terre;  les  deux  Nations  réunies  , 
ne  pouvoient  alors ,  malfi;rë  leurs  efforts, 
oppofer  une  Marine  égale  à  celle  des  An- 
gjois  î  les  reftes  de  celle  de  France  fii^ 
rent  anéantis  par  la  pert«  d'une  efcadre 
qui,  après  un  furieux  combat  près  du 
Cap  de  Finiftere  ,  tomba  le  quatorze 
Juin  entre  les  mains  de  ^Amiral  Anfon 
qui  l'attaqua  avec  un  nombre  de  vaif- 
féaux  fupérieurs  de  plus  de  la  moitié;  ce 
^  défafire  tut  fuivi  d'un  nouveau  malheur, 
fix  vaiffeaux  de  guerre  de  la  même  Na- 
tion furent  enkvés  le  vingt-trois  Ofto* 
bre  ;  le  commerce  de  la  France  étoit  dé- 
truit ,  à  peine  r^ftoit-ii  à  cette  Puifl%ice 
un  feul  vaiffeau  ;  les*Provincés  Méridio- 
nales fouffiroient  infiniment  de  la  difette 
des  bleds. 

Les  Efpagnols  partageoient  ces  dif^ 
grâces;  le  vailTeau  le  Glorieux  commandé 
par  Dom  Pedre  de  la  Cerda ,  après  deux 
combats  qui  épuiferent  toutes  fes  mu- 
nitions contre  deux  vaiflèaux  &  deux 
frégates  Angl'oifes  ,  fut  pris  ;  mais  cette 
vidoire  coûta  aux  ennemis  un  vaifleau 
que  le  Glorieux  fît  périr  dans  le  premier 
de  ces  combats. 

Quelque  tems  après  l'Amiral  Know* 


!d'Esp.agne,  ^2f 

les  attaqua  ^umç  eicadre  £lpagnoie  ,  prit 
un  des  vaiiTeaux  qui  la  compofoient  ^  en 
coula  un  a  fond  ^  &  força  les  autres  de 
chercher  leur  falut  dans  J^  fuite  :  ces 
avantages  joints  aux  prifes  faites  fur  les 
Efpagnolc  ,  &  évaluées  à  plus  de  fblxan- 
jte  millions  de  piaftres  y  éloignoient  les 
Anglois  de  la  paix. 

11  ne  falloit  pas  moins  que  toutes  les  1 748, 
viâoires  de  Louis  XV.  pour  les  y  déter- 
miner ;  dès  l'ouverture  de  la  campagne 
le  Maréchal  de  Saxe,  après  avoir  trompé 
l'ennemi  par  les  plus  belles  marches  ^ 
vint  mettre  le  fiége  devant  Ma^ftricht  ; 
la  perte  de  cette  rbce  ne  laiflbit  plus  de 
rempart  à  la  -Hollande  ;  il  falloit  fouf- 
crire  aux  conditions  de  la  paix  oiFertes 
par  la  France ,  ou  s'attendre  à  voir  bien- 
tôt Louis  X!,V.  la  diôer  dans  Amfter^ 
dam  ;  la  Hollande  confternée  menaça 
l'Angleterre  d'un  traité  particulier  ;  en- 
fin les  An^ois  touchés  du  danger  de 
leurs  Alliés  confentirent  à  la  paix  avant 
même  que  Maëftricht  capitulât.  Il  y  eut 
des  articles  préliminaires  dgnés  le  trente 
Avril  entre  la  France  d'une  part ,  l'An* 
^eterre  &  la  HoUandç  de  Vwtvçi  ç:ç% 


le 


^26  HiSTOIRJi 

mêmes  Peuples  convinrent  aufli  entr*eux 
d'une  fufpenCon  d'armes ,  fans  confulter 
leurs  Alliés  :  mais  quelle  Puiflance  dans 
l'Europe  eût  pu  continuer  cette  fîinefte 
guerre  ,  lorfque  la  France  &  PAnglc- 
terre  étoient  d'accord  f 

Cependant  on  continùoit  de  combat- 
tre en  Amérique ,  en  Afie  &  en  Italie. 

Dom  Alfonfe  d'Arcos  Moreno  fauva 
^ar  fa  valeur  l'Ifle  de  Cuba  attaquée  par 
[es  Anglois ,  &  coula  un  de  leur$  va^- 
feaux  à  fond. 

Une  entreprife  non  moins  importante 
de  ce  Peuple  fur  Pondichery  n'eut  pas 
plus  de  fuccès. 

Enfin  en  Italie  le  Duc  de  Richelieu  & 
le  Marquis  d'Ahumada  fe  fignalerert 
tout  l'Hy  ver  par  des  fuccès  qui  ne  furent 
rien  moins  que  décififs  ;  Gênes  étoit  tou- 
^  jours  menacée ,  mais  le  huit  Juin.,  après 
avoir  battu  les  ennemis  près  de  Borgo- 
Novo  3  le  Duc  de  Richelieu  apprh:  ^^ar 
un  exprès  qu'il  reçut  du  Comte  de 
Browne  ,  que  la  Reine  (à  maîtreflfe  avoît 
accédé  aux  articles  préliminaires  du  tren- 
te Avril  ;  l'Efpagne ,  Naples ,  le  Roi  de 
Sardaigne ,  la  République  de  Gênes ,  le 


d'E  s  P  A  GN  E.  J27 


Duc  de  Modene  y  avoient  aufli  accédé. 

Ainfi  fut  terminée  cette  longue  &  fu- 
nefte  guerre  dans  laquelle  les  Efpagnols 
de  l'aveu  de  toute  ^Europe  fe  fignale* 
f  ent  par  des  prodiges  de  valeur ,  de  çonC- 
tance  &  de  diftipline  militaire. 

Le  traité  définitif  de  la  paix  fm  figné 
à  Aix  la- Chapelle  le  dix-huît  Odlobre  ; 
il  contient  vingt- quatre  articles  dont  les 
traités  de  Weftpnalie ,  de  Madrid ,  de 
Nimegue ,  de  Kifwîck ,  d'Utreçht ,  de 
Bade  ,  de  Londres  &  de  Vienne  font  la 
bafe. 

Toutes  les  Puiffances  fe  reftituerent 
de  part  &  d'autre  ce  qu'elles  s'étoient 
enlevé  depuis  le  commencement  de  la 
guerre ,  tant  en  Europe  qu'en  Afrique  & 
aux  Indes  Orientales. 

La  Reine  d'Hongrie  céda  à  l'Infant 
Dom  Philippe  les  Duchés  de  Parme ,  de 
Plaifance  &  de  Guaftalle  ,  à  conditioa 
que  fi  ce  Prince  vient  à  mourk  fans  en- 
ÏFans  mâles  ,  ou  que  lui  &  fa  poftérité 
parviennent  aux  thrônes  d'Efpagne  oi* 
de  Napies,  ces  Duchés  feront  reverfi- 
Hesà  la  Reine. 

JLp  Grand  Duc  de  Tofcane  fut  rceon-^ 


•oiew  1»  T^'    '„f„s  ,  comme  >1.^H 
tîntes  (es  """eEutopcpat  i«?W 

no™  »""f ,  f„n\ficaoor,s  de  B« 
deftruftioi.  des  »  ^^,5  p,rH 

les  Eta"  1°'  '°     „  (aveM  de  foi" Il 

l';=Do.îwg;;f;„ïûsEucb| 

pj  de  toute  ItiiwP'i'  Loi* 


'«!,dtr'".*""'»wS 


jaS  HisTo  mis 

îîu  en  qualité  d'Empereur  par  les  PuiC 
finrces  qui  ne  lui  avoient  pas  encore  ac- 
cordé ce  titre. 

La  Pragmatique-Sandtbn  de  Charles 
VI.  qui  aflure  à  PImpératrice  Reine  la 
(jiccefGon  indivifible  de  tous  les  Etats  de 
la  Maifon  d'Autriche  ,  fut  garantie  par 
toute  l'Europe ,  excepté  la  Siléfie  &  le 
Comté  de  Glatz  céxlés  au  Roi  de  Prufle  ; 
les  Duchés  de  Parme  &  de  Plaifknce 
accordés  à  Dom  Philippe  j  Se  ce  que  la 
•Reine  av oit  démembré  du  Milanez  en 
faveur  du  Roi  de  Sardaigne  par  le  traité 
de  Worms. 

Louis  XV.  dont  les  viftoires  avoient 
amené  la  paix  ,  facrifia  généreufement 
toutes  fcs  conquêtes ,  comme  il  l'avoit 
promis  à  toute  rEurope  par  des  déclara* 
tions  folemnelles  ;  il  conlentit  même  à  la 
deftrudion  des  fortifications  de  Dunker- 
que  du  côté  de  la  Mer  ;  mais  par  ce  fa- 
crifice  il  obtint  pour  Gênes  &  le  Duc  de 
Modene  fes  Alliés  la  refUtution  dje.  tous 
les  Etats  qui  leur  avoient  été'enlevésj 
un  établiflement  en  faveur  de  £bn  gen- 
dre Dom  Philippe  en  Italie ,  &  la  garan- 
tk  de  toute  TEuTJope  pour  les  Duchés  de 

Lorraine 


d'Espagne.  ^2^ 


Lorraine  &  de  Bar  qu'il  avoit  acquis  par 
le  traité  de  Vienne  ;  fans  doute  que  ce 
Prince  couronné  tant  de  fois  par  la  vic- 
aire eût  pu  prétendre  à  de  plus  grands 
avantages  (^)  ;  mais  il  aimoit  mieux  voir 
l'Europe  heureufe  par  la  paix ,  que  fou- 
mife  à  fon  empire  par  la  force  des  armes.- 
Le  traité  de.  l'Aflîento  pour  la  traite 
des  Nègres  figné  avec  l'Angleterre  en- 
mil  fept  cent  treize  ,  fut  confirmé  pour 
quatre  ans  pendant  lequel  tems  la  Com- 
pagnie Angloife  de  la  Mer  du  Sud  peut 
envoyer  aux  Colonies  Efpagnoles  uif 
vaiffeau  chargé  de  marchandifes. 
.    Telles  furent  les  principaux  articles 
du  tmitë.  qui  mit  fin  a  cette  guerre  dont' 
fes:pl?y«s  faignent  encore^  il  ne  fut  quef* 
tftQÀAÛ-dans  le  traité  ,  ni  dans  les  articles' 
préliminaires,  de  la  Grande-Maîtrifede  la* 
Toifon  d'Or  que  s'attribuoit  Tlmpéra- 
tfice  Reine  ;  le  Plénipotentiaire  d'Efpa- 

SRe  protefta  le  vingt  Novembre  au  fujet 
u  filence  gardé  à  cet  égard  ;  le  Pape 
prbt^fta.  pour  conferver  (es  droits  fur  la 
Sufserainet^  des  Duchés  de  Parme  &  de 

•  1  ' 

(a)  Maluit  Europam  ejje  paciferam  quamfuam^ 
Eçnamici^^  Bello  Italico.  TomeXlII. 

Tome  r.  Z 


f^o  Histoire 

Wl^î^njzèi  d  autres  Puiflances  proteue* 
§eA^  ç^^cQrefvdyanx  Tufage.  Jamais  TEu- 
^op^  Qe  vjit  fô$  Roîs  &  fignaler  dayaR« 
^^e  <|i>f  i^ns  cetf^e  guivre.  Les  Rois  d^ 
if apjçs  ,  4e  SîHrdaigae  ,  d'Anglçtprre , 
i'£mp&F€ur  jçoip^uifir^t  eu3c  ^  même^ 
j[^urs  troupes. 

Mais  cei^x  devant  qui  l'éclat  dUparoît 
^nt  rin^pératrice  Re^ne  (jui  à  Quelque; 
llér^eix^^emeAs  près  »  içut  contervcr  le 
fr^fte  hjéritage  d^  Ç^Q  pete  >  &  mettre  1^ 
Çq^ros^nç  Impérial^  £ir  la  tête  de  ib9 
4ppux  s  FrinçeflTe  4gale  par  la  iupério« 
f  ité  de  fpn  génie ,  la  j^andeur  &  la  fer-» 
ipneté  de  font  aov^  &  ^s  aââons  immor- 
ftelles  QUi^  pli^  grands  Rois  de  l'Hiftoire 
Ancienne  &  Moderne;  Charles-Qqipt 
i^  elle  font  les  d^ux  Héros  4^  U.M^î£o% 
j^'Autriçhe  : 

Le  Kqi  de  Pruile  qui  gagt^  cinq  ba- 
jtaille^ ,  cpnquît  des  Provinces ,  éclaira 
€^s  Sujets ,  &  joignit  à  la  gloire  de  coa^ 
nju^raïKi  celle  de  légiflateur  ;   ■ 

Le  Rai  defrance  enfin  qui  neteetiff 
ii^yi^fU^re  t^nt  quM  combattit >i.&.qui 
couronna  fes  exploits  par  une  paix  ea 
;oêm<^tems-  équitable  &c  glorieùfe. 

Il  nouent  pas  à  ce  Prince  jufte ,  mof 


UA< 


D*  E  s  P  A  G  N  E.  f^t 

déré  &  bientaiiant  qae  toute  l'Europe^ 
ne  jouiâe  encore  de  cette  paix  ;  les  An- 
glois  l'ont  troublée  par  des  brigandage^ 
ÎQOuîs  :  une  pc^tîque  hijûfte  &  craellb 
lenr  a  perfuade  d'anéantir  k  marine  de 
ta  Fratlce ,  afin  d'attarer  à  cnx  le  eon^ 
merce  &  les  ricbe&s  de  VUnivers  ^ 
[u'eft-il  arrivé  ?  Les  Maîfons  de  Bour- 
bon &  d'Autriche  fi  long-tems  rivale* 
&  divifées  fc  font  réunies  par  un  ttzixé 
fi^lemnel  pour  réprimer  la  fierté  d'u» 
Peuple  qui  n'a  établi  fa  puiâance  qu'àlâ^ 
fiaveur  des  querelles  qu'il  a  fait  naître  de^ 
puis  un  fiede  entré  les  Cours  (£â  VerÊiilk 
les  &  de  Vienne. 

Un  Roi  dont  la  Tafte  aiûbîtîoi!  Ae  ï^ 
cède  point  à  celle  des  Angloîs ,  encou^ 
ragé  par  leurs  promefles  y  a  de  nouveau 
ramené  la  gufcrre  &  toutes  fès  horreurs' 
dans  le  fein  de  l'Allemagne  ;  la  Ruffie  & 
la  Suéde  fe  font  jointes  à  l'Empire  &  à  là 
France  pour  venger  la  cauiè  commune 
des  Rois ,  trahie  en  la  perfonne  du  R<^ 
de  Pologne,  Elcfteur  dfe  Sa» ,  dépouillé 
de  fes  Etats  par  un  Prince  avec  qui  il 
étoit  en  paix.  La  guerre  eft  devettuc  gé*  . 
nérale  par  les  intrigues  des  Angîois  $ 
msà&  q.uels  avantages  ont-ils  retirés  deÉ 

Zij 


y ^2  Histoire    * 

T-T — ^^ "'^ 

malheurs  de  l'Europe  &  de  leurs  brigand  \ 
dagesf  Déjà  Louis  XV.  leur  a  enlevé 
Port-Mahon  ;  TAmérique  fume  encore 
du  fang  de  leurs  Citoyens  vaincus,  & 
tous  l96  gens  de  bien  reprochent  au  Mi** 
niftere  de  Londres  Tes  injuilices ,  fon  an> 
iition  effrénée ,  fes  fautes  énormes ,  &  le 
fang  d'un  des  plus  grands  hommes  de 
l'Angleterre  immolé  à  la  fureur  &  à  l'or- 
gueil de  la  populace  de  Londres. 

L'Efpagne  n'a  point  encore  pris  part 
à  cette  guerre.  Uniquement  occupé  du 
Jbonheur  de  fes  Sujets ,  Ferdinand  VL 
fait  fuccéder  le  règne  de  Salomon  à  ce- 
lui de  David  ;  les  Peuples  délivrés  des 
monopoles  des  Financiers ,  les  manufac- 
lures.en  tout  genre  établies  ,  fuivies  , 
protégées  avec  éclat ,  Textinélian  du  tri- 
bunal de  la  Nonciature  ,  la  réforme  du 
Clergé  régulier  ,  l'accroiffement  de  la 
marine  ,  de  l'agriculture  8c  du  commer- 
ce j  les  tréfors  prodigués  à  creufer  dans 
toutes  les  Provinces  de  vaftes  réfervoirs 
pour  conferver  les  eaux ,  &  les  porter 
par  de  longs  canaux  dans  les  terres  ,  re- 
mède unique  aux  féchereffes  qui  défo- 
Icnt  l'Efpagne  ,  les  fecours  généreufe- 
ment  accordés  aux  Portugais  accablée 


^ 


D^K  s  P  A  G  N  Er  /  J5 

par  les  défaftrès  arrivés  en  mirfept  cent 
cinquante -cinq  ,  prefque  tous  les  abus 
corrigés ,  la  profpérité  de  l'Etat  établie 
fur  des  fondemens  inébranlables  ;,  voili 
les  exploits  par  où  Ferdinand  VI.  mar- 
che à  l'Immortalité  fur  les  traces  d'Au<- 
gufte ,  de  Titus,  de  Marc-Aurele  >  &:  de 
Louis  XIV.  fon  bifayeuL 


FIN. 


APPROBATION. 

1[  'a  I  16  par  VÔtirc  dt  Monfeîgpeirf  le  Gha»- 
J  ceiïef ,  un  Manufcrk  qdi  a  pour  titre  :  Abrégé 
Chronologique  de  l'Hiftoire  ttEJpàgne  ;  je  n'y  ai 
rien  trouvé  qui  doive  en  ertipeAer  rhnpreffion^ 
&  j*aî  cm  q«c  le  Public  lirbit  awc  plâl/îr  un  Ou- 
vrage dans  lequel  l'Auteur  a  peifrt  d'uAe  manière 
forte  âc  ihtcrefîantc  les  principaux-  évenemcw 
d'une  Hiftoire  très- célèbre.  A  Paris ,  ce  4  Août 

LA   PALME.. 
P  R  IVILE'GE   DV   ROL 

LO  U I  s ,  par  la  grâce  de  Dieu ,  Roi  de  France  à 
de  Navarre ,  A:  nos  Ames  &  féaux  Confeillers  Ici 
Gens  tfenans  nos  Cours  de  Parlement  j  Maîtres  des  R^ 
quêtes  ordinaires  de  notre  Hôtel  ,  grand  -  Confeil  , 
PrevÂt  de  Paris,  B'aillifs  ,  Sénéchaux  ,  leurs Lieutenani 
Civils  ,  &  autres  nos  Jufliciers  qu'il  appartiendra  » 
9Ai:t7T  ,  Notre  bien  amé  NlCOlAS  -  BoKAVENXUKr 
DUCHHSNE ,  Libraire  à  Paris ,  Nous  a  fait  expofer  quHl 
défîreroit  ^ire  imprimer  &  donner  au  Public  des  Ou- 
vrages qui  ont  pour  titres^  Hiftoîre  de  la  République  dé 
Venife;  Abrégé  Chronologique  de  l*Hifioire  d'Ejpa^ne; 
Mémoires  fur  la  Chevalerie  ,  s'il  Nous  plaifoit  lui  ac* 
corder  nés  Lettres  de  Privilège  pour  ce  néceflfaires  : 
A  CES  CAUSES ,  voulant  favorablement  traiter  TEx* 

Sofant ,  Nous  lui  avons  permis  &.  permettons  par  ces 
'réfentes  de  fàiit  imprimer  &  -réimprimer  lefdics  Oif 
vrages  auunt  de  fois  que  bon  lui  femblera  ^  &  de  let 
vendre^  faire  vendre  St  débiter  par  tout  notre  Royaume 
fendant  le  tem»  de  fîx  années  coniécutives  ,  à  compter 
du  jour  dé  la  date  des  Préfentes.  Faifons  défenfes  à 
tous  Imprimeurs ,  Libraires  ,  &  autres  perfonnes  ,  de 
çttlque  ^ualiti&^condition  ^*eUc«  Ibient  i  d'en  intt^ 


jl^ire  d'iaprciRpa  6ifMi%ért  dan»  aiicofi  {len  de  notre 
-çbéifTance  ;  comme  aMiïi  d'imprimer  ou  faire  imprimer^»  ' 
.yendre ,  /aire  vendre  ,  débiter  ni  contrefaire  lefdits 
^Ouvrages ,  ni  d'en  faire  aiycun  extrait  ,.  fous  quelque 
préte^e  que  ce  puiffe  ptre ,  fanf  la,  permiffioo  expreflê 
&  par  écrit  dudlt  Êxpofant  ,  ou  de  ceuic  qui  auronjp 
droit  de- lui  ,  j^^  pci^e  de  coofifcation  des  exemplaire^ 
çoqrr^fâits ,  de  trois  mille  livres  d'amende  contre  char 
«un  des  contrevenans  «  dont -un  tiers  ^  Nous  ,  un  tiert 
ii'Hotel-Dieu  de  Paris,  êc  l'autre  tiers  audit  Expo^- 
i^t  4  ou  à  celui  qui  aura  droit  de  lui ,  ^  de  tous  dé» 
f>ens ,  dommages  &  intérêts  ;  à  jla  charge  que  ces  Pr^ 
lentes  feroi\f  enregiftrées  tout  au  long  fur  le  Regiftre 
>de  la  Communauté  des  Libraires  &  Imprimeurs  de  Par 
iris ,  dans^ois  mpi$  dç  ^a  date  d'icelles  :  Que  l'impreC^ 
^on  dudît  Qfiyragfe  fera  faite  dans  notre  Royaume ,  d: 
Jion  ailleurs ,  en  .bon  papier  &  beaux  caraâeres ,  con- 
/ormément  à.  la  feuille  imprimée  attachée  pour  modèle 
fous  le  contre-fçel  des  Préfentes  ;  que  l'Impétrant  fe 
conformera  en  tout  aux  Reglemens  de  la  Librairie ,  die 
notamment  à  celui  du  i  o  Avril  <  7  2  5  ;  qu'avant  de  les  ex- 
^ofer  en  vente ,  le  Manuf(;rît  ou  Imprimé  qui  aura  feryi 
jâù  copie  à  l'impre£Fîon  dcfdits  Ouvrages  ,  fera  remit 
,<dans  ïe  même  état  où  l'Approbation  y  aura  été  donnée > 
^  mains  de  notre  très-cher  &  fëal  Chevalier ,  Chance^ 
lier  de  France ,  le  fîeur  PE  Lamoi<3NON  ,  &  qu'il  eo 
/era  enfuite  remis  deux  Exemplaires  dé  chacun  d^ms  no^ 
icre  Bibliothèque  publique^un  d^s  celle  de  notre  Chiteay 
Au  Louvre ,  un  dans  celle  de  notredit  très-cher  de  féal 
Chevalier,  Chancelier  de  France,  le  Sieur  DE  LAMX)Ir 
iCviOH  ,  le  tout  ^  peine  de  nullité  des  Préfentes  :  du  coq^ 
jcenu  defquelles  vous  mandons  de  enjoignons  de  faire 
jouir  ledit  Expofant  &  fes  ayant  caufe ,  pleinement  ^ 
saifiblement  ,  fans  fouffrir  qu'il  leur  (bit  fait  aucun 
trouble  ou  empêchement.  Voulons  que  la  copie  des 
Préfentes ,  qui  fera  impHmée  au  commencement  ou  jL 
|a  fin  defdits  Ouvrages ,  foit  tenue  pour  dikement  figni« 
jfiée ,  &  qu'aux  copies  collationnées  par  l'un  de  «of 
i^més  &  féîïux  ConfeiUers-Secrétaircs  ,  foi  foit  ajouté^* 
/comme  à  l'Original.  Commandons  au  premier  jçiotre 
Huiffier  ,  ou  Sergent  fur  ce  requis ,  de  faire  pour  l» 
;cution  d'icelles  tous  Aftes  requis  Se  nécerTairet, 
^en»ander  autre  pcrmi/Tion ,  ^  nonobftaiit  çUi^e^ 


Haro ,  Charte  Normande  ,  ^  tttxtt»  à  ce  oontnhec; 
Car  tel  eft  notre  pùiiir.  Donne'  à  Verfailles  le 
4leuxiéme  )our  du  mois  de  Septembre  ^  l'an  de  Grâce 
mil  fepc  cent  cinquante-huit  «  À  de  notre  Règne  le  qoa*  : 
xante-qu^eme*  Par  le  lloi  en  ^on  Confeil. 

LE  BEGUE. 


Hegîfiré  fur  k  Bfgîfire  XIF.  de  la  Chambre  Royak 

ies  Libraires  6»  Imprimeurs  de  Paris  ,  N*»  392*  FoL 

345*  conformément  aux  anciens  Réglemens  »  confirmés 

par  celui  du  li  Février  1723»  A  Paris  le  5  Septembr$ 

'75  «•