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ABREGE
CHRONOLOGI QU E
D E
L'HISTOIRE
D'ESPAGN E,
Defuis fit Fondation jttfqn'au friftm Règne ;
Par M. DÉSORMEAUX,
TOME III.
A PARIS,
Qitr N. B.DucHESwî, Libraire, ruëS Jactines;
au-delTous de la Fontaine S. Benoit , •
au Temple du Goâc
M Dec L V I I I.
CHRONOLOGIE
DES ROIS,
Contenus dans ce Volume.
FERDINAND V.
XI.I.R(n>dadierde Ta femme liâbellctiimom-
«mes l'un & l'autre les Rois Catholique! ; Ht
parriennent à k Couronne de Cafliîle le it
Décembre i474> Ferdinand cunt âgé de ta
ans 1 & Ifabelie de 14 ; FenHaand devint
Roi d'Arragon eo 147^ j Roi de Grenade
«n 1491 , Roi de Navarre en i^t ' d
deux Prince* portèrent le nom de Rois des
Efpagnes qui furent entièrement foumitêi i
leur empire 1 excepté le Portugal', ils régnè-
rent conjointement en Callille jiifiiu'en 1504
que la Reine Kabelle mourut à l'âge de f 4 atii
après loans de Regne:Ferdinand fê vit alors
<A>Iigc de Te dépouiller de la qualité de Roi âe
Caflilie pour la cédera (k fille Jea fine taFotlei
& i (on gendre l'Archiduc Philippe d'Autri-
che ; Ferdinand vécut Roi d'Arragon & dei
ProTÎnces qui en dépendoîent ju(qu'en r<itf
qu'il mourut à l'âge de 6% ans après 41 de Rè-
gne, fans bïflêr d'enFans de fa féconde femme
Germaine de Fois. Ferdinand 8c Kâbelle font
esterrés dans la Métropolitaine de Grenade.
Feuhes. Ifabelte de Caftille. ,
Germaine de Foix.
Aij
Chbonolôgi e
Enfjlks. D'irabeUe de Caliine;
Jean mou i 19 ans fans laiflet d'enfant de Mar-
guerite d'Autridie fon époufe, fille dé l'Em-
pereur Maximilien-
Dona Ifabelici mariée 1°. il Alforric Prince de
Portugal , fils aîné de Jean II. i". à ^manuel
Roi de Portugal dont elle eut un filj appelle
Michel qu'une mort précipitée empccba d£
parvenir à toutes les Couronnes d'Efpagne.
Dona Jeanne fuinommée la Folle , qui porta la
Monarchie dans la Maifon d'Autriche.
Gona Marie flecondefèiHcied'Eni.inantie], Roi
de Portugal.
Dona Catherine , époufe fiiceefll veinent d'Artjis *
Bfince de Galles, & de fon frère Henri VIII,
Roi d'Angleterre gui la répudia pour placer
fur le Thrône Anne de Eoukn.
De Germaine de Foi?,
Un Sk mort avant lui,
Pe différentes Maitrejfet, .
Un Hï i Archevêque de Sarragoïlè.
ÏJne iille mariée au Connétable de Caflille Vc^
lafcoj & ^'autret enfans moins co/tnus.
Roig de la Maifon d'Autriche.
PHILIPPE I,
^LII. R^# fïiFnonimé le Beau > du chef de fâ
femme Jeanne la Folle > proclamé à Burgos en
^504, mort dans la mfme Ville le !<; Sepr
ptfaiaK I J06 ap/ès avoir vécu »8 ans i 8t rc|iuf
DES Rois e'Éspagne.- f.
deux ans en Caftille , tnànt aa Monaltertf
it MiUaflores de Burgos, Jeanne Ion ^pouTtf
devenue folle de regret de l'avoir perijv, fût
éloignée du Gouvernemem >' quoique recon-
nue Reine : On confia l'adoiiniAracioti i fou
père Ferdinand qui par fâ mort laiflg toutes
tes Couronnes de Ja' Monarchie i (on peiît-fil^
Charles I.
Femme. Jeanne la Folle.
Enmhs, Charle* I. en Erpagneft V. dans rEnf
Ferdinand, né en i^oj Roi de Bohême, d'Hon*
grie.Archiduc d'Autriche &EjBpere«ï aprc»
l'abdication de Charles V,- en 1 5 j fi, '
Dooa Êlconbre , époufe de Jean II. Roi de Por-
tngaljSc de Françoiïl. Roi de France.
Dona Ifabelle , femme de Chriftieme II- Roi de
Dannetnarck , lïirnommé le Néron do Nbrdl-
Dona Marie , épouft cfe tadiflas. Roi d'Hongrie.
Dona Catherine,néepolU]umeépouIè de Jean Illr
Rai de Portugal.
CHARLES I.
XLin. Roi en Efpagne & Charles V dans l'Empi-
re»Roiconjointementayec Jeanne (à mère, né
le 14 Février jour de S. Manhiai, proclamé
Roi le tj Avril iïiSàMadrid,élûEmperein-à
Francfort le i8 Juin ifis ;abdique en fàvevr'
defon fils Philippe à Bcuxclles le 10 Janvier
iîï5, après avoir régné 40 ans moins que!-
SE*inoJs, taon dans là retraite de S^,Ju[{cft
iiamadfftue le > 1 Septembre i^ <8 , âgéde
Aiii "
Chbomologie
^S ans « mois &t7 jours, entené à l'Efcnrial.
Femme. irabellcâJicd'Emmanael, Roi de Por>
lugal.
Enfans. Philippe qui luifucc^da.
Dofia Catherine t femme de Jean» Prince de
Portugal.
Dona Marie, femme de l'Emper. Maximîlien II.
Ferdinand.
Jean , fie un autre fils , morts au berceau.
Enfant naturels.
D. Juan d'Autriche , Gouverneui' des Pays-Bas ï
' quelques Auteurs ont prétendu que Mnrie »
Reine d'Hongrie , fut mère de ce Prince.
Dona Marguente, épouft de Laurent de JAé~
' dicis, Duc de ToTcane, & enfui te d'Oâa via
Famefë , Duc de Parjne.
PHILIPPE U.
XLIV. Roi ,né le ir Mai à Valladolid en i|»7,
reconnu Prince d'Efpagne i Madrid le ip
Avril Mi8 , Roi de Marin te de Sicile par
l'abdication de Charles ion père le if Juillet
1ÏÎ4, Roid'AngleterrelemÈme jour par foti
mariage avec laReine Marie , Roi des Efpa-
S;s &des Indes, par l'abdication <!u même
arles V. le lo Janvier i^^é. Roi de Por-
tugal par conquête en i;8o,mortà l'Efcurial
le I j Septembre i ;<)8 après 41 ans S mois fie
. 1 3 jours de règne ; il vccut 71 ans , j mois Se
lï jours, enterra M'Efcurial.
Çemmes. Marie , Infante de Portugal , lîlle du
Roi Ëmmaciiel le Grand, moite ea i54T>
DES Rois d'Espagne. 7
Marie, Reine d'Angleterre* fille d'Henri VUI*
moneeo 15 {S.
I&belle , lille d'Henri II. Roi de France 1 morte
en i(iî8.
Anne , fille de l'Empereur Maunûlien II. morte
en t^So,
EvTtiiS. De Marie de Portugal;
D. Carlos né le & Janvier 15451 reconnu Prmc9
d'ETpagneàToledeen 1560^ mort le 14 Juil'
leti568.
D'ICibelle de France ;
Dcoa Elifabeih- Claire- Eugénie t Me en i^Sé,
. aiariéeeni5)âàrArcllWuc Albend'AXitnche ■
i qni elle apporta en dot Ici .Fayï-fias b H
Franche- Comté , morte àEruxciUs le i. Dé-
cembre 1^3; à l'âge de £7 ans ; Sa mort arri-
'. rée lâni cnfans , les Pays-Bas & la Fraixli^
Comté retournèrent à l'ErKtgne.
Dmib Catherine , femme de CharletEimnarîieli
Dac de Sevove.
D'Anne d'Autriche ;
D. Ferdinand mort jeune.
D.Carlos, mort jeune.
p. Philippe-, qui lui Âiccéda; —
Deux filles mortes jeur^B»
Quoique PhiHppe II. ait eu plulîenn maiiref^
Jêc,onBe lui eonnoit point d'ntfani lîaturêU. '-
PHILIPPE 1 I I.
XLV.Roi, né àMadrid le 14 Avril I5?5,'nir
connu Princ« d'E^agne i Madrid le 11 Ho-
TCi&bic 1584» Roi par la mort ^ ron,ilere
A îv
Chronologie
te rj Septembre i5p8,monIe ji Marsiâii,
enterré a l'Efcurial ; il régna it ans, 6 mcis
& i7Jours; iWécat 4î a"! moins 17 jourj. ■
Femmes, Marguerite d'Autriche , filie de l'Ar-
chliluc CKailes , Duc de Styrie > moite te y
Oaobre i6ir.,
EHrAHS. D. Philippe, qui ItM-lûccéda-É
D. Cailots, Amiral des Elpagnei, mort Tani al-
liance en 1^3».
t>. Ferdinand , Cardinal , Archevêque ic Toler
de > Gouverneur des Pays-Bas.
Un fils mort jeune.
Dona Anne, époufe de Louis Xni. Roi de France^
Coiia Marie- Atine > époiife de l'Empereu Fer-
■ dinandlll.
■ROIS DE PORTUGAL,
A L F O N s E V.
XII, Roi, règne i438-> meurt «i'i4Si,a[«i»
4$ ans de règne.
J E A N I I.
XJU. Roi 3 fils du précédent,regne en 1 4Siimnirt
en i4^f après un règne de 14 ans.
E MM A N UE L I.
3HV.Roi,fûmomm^ le Grand, connuavant que
de parvenir au Thrône fous 16 nom de Duc de
^e^^regtieen.i49fîmearten iiitaprèsut^
DES Roi s d'Espagne. , f
TCgne de 16 ans ; foui loi les Fomigais & lî-
gnaierent par des exploits immoneU en Afri-
que 8e àatii les Indes : ce font les beaux jonre
du Portugal que la pitmiece moidf de et
ficelé- ci.
JE A N II r.
XV. Roi, filsduprécédetit, monte fu^ le ThrAna
enijii) meurt en i;s7^pTcs}âaiisiie règne;
le Portugal pendant fon règne fut au (C nché
&-auflI SorilTani ç|ue fous le règne de Ton père.
S:EB ASTIE N I.
XVI. Roi, petit- fib du précédent) re^ne en if f 7f
eâ tué à la bataille d'AlcazaijuiviTen Afnque
le 3 Aoâii!78 aprèiun règne de tians : le
Cardinal Henri fon oncle lui fuccéda comme
fcHi plus proche parent.
H E N R I ;.
XVn. Roi, CanJitial Prfitre, lîls d'Emmanuel I.
fuccédè à fon petit-neveu Sebafli en I.eni^rS,
raeunen 1580 aptes l'ans de règne: Philippe
n. enleva alors la Monarchie de' Portugal 1
la Maifon de Bragance qui en'étoit la légitime
héritière : la Maîlon de Bragance eft une bran-
die de U MaifoD Royale de Bourgogne..
At
Chronologie
Rois de Portugal de la Maifon
■ d'Autriche.
PHILIPPE!.
XVni. R<H , enPomignl , IL en Elpagne , Rof
en 1580* meurt en 1^9% après un règne àe
18 ant en Portugal.
PHILIPPE II.
XIX. Roi, en PortugaI;III.enEfpagne, règne
en i5$8, meurt aprçiavoiitrgiKxj ans.
ABRÉGÉ'
CHRONOLOGIQUE
DE
L HISTOIRE
FERDINAND V. ET ISABEf-JLÉ
DJTS tES CATHOLiqU^S*- i
O u S voici arrïv(îs au fiécle le '474*
plus floriHânt de la Monarchie
EfpagnoIe,tpus les Thrônes de
la Feninfule réianis fur une in5-
me tête ; ta Sicile , la Sardaigne , Naples ,
le MiUnez , les 17 provinces des Pays-
Bas, la Franche- Comté , l'Autriche &
les dépendances , l'Empire d'Allemagne^,
les côtes d'Afrique , des. pays iminenfc*
A V)
HrSTO 1 RE
!■ 'dans-les Indes OrietKales, un nouveai^
; Monde enfin forment cet Empire le plu^
j Vâftè qui ait jamais été : le refte de l'U- .
nivers menace long-tems des fers des Ef-
pagnols , Toit avec un étonnement mêlé
de tà^eùi'cet accroiflinient prodJgie.ux ^
mais le fouverain Arbitre des £in[)ires
aveit -fixé ks bornes & la gloire de ceftjî-
d; lôn éclat & fa pui0ance ne durèrent
qu'un flécle, en commençant depuis la
conquête de Grenade en 14^2 jufqti'à la
mortde Philippe IL en I y <j8.
Les fciences , les arts Se les loix culti*
vés avec fuccès', la forma.du.Gouverne-
lœnt la plus belle,, les négociations les
plus heureufes , une politique fupérieure ,
ftceÛedes autres peuples, une roule de
grande Capitaines:, d'habiles Minières,,
de Ma^ftrats éclairés ont rendu les EÇ
pagnols de ce. fiécle auffi fameux que
leurs découvertes , leurs vifloires & leurs
conquêtes. Les principaux iaftrumenï
dont Dieu fe fervit pour la gloire des EA
pagnols , & la fondation de leur vaftè
Monarchie , font Ferdinand & Ifebelle
dont il &'3gU de. raconter les principales,
aflions.
I<a MooarcEie eft comme partagée entre
D* E s P AGNl. IJ
la fœur 6c la fîlle du dernier-Rù ; chacu-
ne de ces Princeffes coip4ite dans fon par-
ti des Provinces , des Grands & de puif-
ÊnsAlliés. Jeanne qui eft entre tesmaîns-
du Marauis de Viliena aufll ambitieux ,
DQ&î vàa.e , Se prefqii'au^i habile que fon
îciCjëtoit reconiHie- à Madrid > a Bue-
nos, à Léon , à Cordoiie. dans prefque
toute L'Andaioufie & la Galice- Elle poUi-
vûit compter au nombre de fes- Alliés
lePortueal& la France ;siais Viliena, le
cfaefdefon parti, étoit toujours prêt àlafa-
crifierà fes intérêts ; Ifabelle reconnue de
Ispiûpart des Seigneurs &.du refle de la
Mwiarchie, fefMtproelHmer àSégovJele
13 Décembre par quelques gentilshonk-
iMs & par les bourgeois de la ville : au-
cun grand ne le trouva à cette cérémo-
lâe, non. plus que Ferdmand fon époux
qui avohr affemblé les états d'Arragoa
pour trouver les moyens de fauverPer-
^gnan prelïé vigoureufement par les
rrançois; André Cabrera lui livre les
tréfors de la Couronne renfermés dans
l'Alcazar deSegovie ; ce^ (èrvice. le plus
eflêmiel. qu'on pût loi lendre , & peut-
.Ètre le feul qui lui affurât le Thrône , fut
^ompenïié par les .difiiDâions & les
14 HiSTOIR E
f races les plus âatteufes. (a) Villena ,
e fon côté , hk proclameF Jeanne à E£-
calona.
MIS' ^ fermentadon gëoérale aDgmente
dans toutes les provinces , les principaux
partifans des deux Keines s'eâbrccnf
d'attirei dans tear parti les Villes & la
Nobleffe ; Ferdinand accourt des Etats
de Sarragofié au fecours de fon époufe ;
il commet pour y pré£der en fa place ,
l'Infante Jeanne fa ibeur; il étoït inouï
qu'une femme eût tenu les Etats de ce
Royaume ; Ferdinand paroît en Caftib-
ie , précédé de l'étendard Royal ; il re-
fufe Ift fervices de D. Louis de ta Cerda ,
Comte de Medina-Celi qui ne les lui of-
fre qu'à condition que ce Frincç l'aide-
ra i conquérir le Royaume de Navarre
ou'il prétendoit appartenir à fa femme ,
hlle naturelle du Pnnce de Vîane ; la Rei>-
ne Ifabelle ^it refter fon époux i Turge>-
vano , Cous prétexte de faire des prépara-
tifs pour fa réception , mais en efièt pour
avoir le tems de régler avec les Grands
(d)La Reine lui fie pijfcntdc U coafti'ot iitaU-
ÏuclLe die but le jourde tiprocUmadon ,AdonD)<un
lécret pir lequel fca rucceflEuD feroient obligéi de
donnci i ceux de Cabrera là coupe d'or Aaat lac[udlc il»
boiisicflt cba^uc tnaét le 13 Pfccmbie.
d'E$P A ONE.
àe Caftille quelle part on lui accorderoit
dans le Gouvernemeat : Ferdinand cotre
enfin à Ségovie le 2 Janvier , mais il n'eft
reconnu Roi qu'en qualité d'époux de la
ReÎDe>II naît une.contefiatioD très-vive
entre ce Prince & cène Priacefle & entre
les Seigneurs CaAiUatis & les Arrago-
nois , pour fçavoir à qui appartenoit eo
propre iafucccffion du Royaume. Ferdi-
nand la réclamoit en qualité de premier
Prince du fang de Canille , attendu que
le Roi d' Arragon Ibriipere lui avoït tram-
mis fes droits ; mais Ifabelle foutenoit
avec raifon b fuccellLon dire^e des en-
has aux pères , & prouvoit qu'elle
étoit la cinquième femme dans les Royau-
mes de Canille , & de Léon qui fût mon-
tée furie Thrône par droit d'héritage :les
efprits s'ai^ffent , on convient que la
Couronne appartient à Ifabeile cb pro-
pre , fuivant les Loix 8c la Coutume ;
mais Ferdinand n'en demande pas moins
que te Gouvernement foit remis entre fes
mains , comme époux devenu Roi ; le»
Grands qui veulent linûter fon autorité ,
s'oppofent de concert avec la Reine
aux prétennons de Ferdtnatid : enfin ,
^ris bien des débats on s'en rapporte k
26 Histoire-
l'arbitrage du Cardinal de Mendcoë &
de l'Archevêque de Tolède qui décident
que dans les Ââes publics Se les Mon-^
noyés on mettra les'deux noms conjoin-*
tement, celui du Roiavant celui de la
Reine., que les Armes de CaAille & de
Léon auront la drmie fur celles d'Arra-p
gon , que les Gouverneurs des Provinces
& des Villes, les-Miniftres&lesTréfo»^
liers prêteraient ferment i la Reine., &
qu'elle nommeroit aux Evêchés & aux-
Bénéfices , & qu'enfin le Roi Se la Reine
i%ndroisntk'juuice enfemble, quand ils
feroient dans les mêmes lieux , & que
chacun d'eux l'adminiAreroit en ion
nom , quand'ilt fetoientxLans des endroits
difiërens.
A la leâure dé cettcfentence qui n'acs
corde à Ferdinand que le vain titre àe
Roi , ce Prince eft fur le point de partir
pour l'Arragon. Maïs Ton épou& le re-
tient par fes earelfes & fon éloquence.
L'accord fiit confirmé le i j Février. Le»
Hifioriens dëfignent le Prince & la Priof
ce& fous le nom de Rois. Mais Ifabelle
le fat feule. En effet , elle tint toujours
fon époux dans la plus étroite dépendaiiF-
ce. luie fut ^e l«jQ^aéj'al Je premier Mi-
d'EsP a ffN E. 17
niftre & le mari de la Reine. 11 étoit tems
que la divifion ceUlt. Jean nepouvoit en
prefiterpour reiiaonter furie Tlirûne. Les
deux Rois , (car c^ell ainfi que j'appelle-
lai déformais Ferdinand &c Ifabelle , ) ré-
tabulent l'ordre autant qu'ils le peuvent
daDs les Provinces qui Us reconnoiflËOt.
Une foule de fcélerats que la foiblefle des
Règnes précédens avoit épargnés , font
punis du dernier Hipplice. Mais ccHDmele
nombre en eft prodigieux , on eft obligé
d'accoEder une amnjuie aux moins crimî-
neb ; Villena négocie ea roênie tems avec
Ferdinand & Ilabetle. 11 leur demande
un époux fortable pour Jeanne , la grande
Maîcrife de S. Jacques pour liii , & pro-
met à ces conditions de les teconnoî-
tre pour fes Souverains. La négociation
écbrâie par la' perfévérance avee laquelle
les P\o)3 demandent qu'on mette en fé-
n[ueftre la Princefle Jeanne.
Villena eft plus heureus du c6té du
Portugal ; Alfbniè V.avoit toujours élu*
dé la propontion d'époufèr Jeanne fa niè-
ce, ou de la donner au Prince Jean fon
^Is , mais il n'étoit pas à s'en repentir :
l'occaiîon de mettre dans fa Maî£bn le
prcmiec Koyaume de l'Efpagne ne lè pré^
fentoitf as tous les jours; fon fiti lui avcôc
fait de vifs reproches fur fon incertitude ;
enfin , il paroît déterminé à aeir contré
laCaftille. C'étovt pendant la vie d'Henri
rimpuîflant qu'il auroit dû prendre ce
parti. Alfonfe n'étoit qu'un Chevalier bra-
ve à la vérité , & fameux par une foule
de vi^oires fur les Mauresqui lui avoient
mérité le fumom d'Africain , & fait pren-
dre la qualité de Roi de deçà & de de-li
les Mers ; mais il étoit naturellement im-
prudent , téméraire , crédule , & d'un gé-
nie très-borné; il ne recueillit que delà
honte d'une entreprife mal concertée , &
pouvoît-il manquer de fuccomber, ayant
aflàire aux deux meilleures têtes de 1 Eu-
rope ? Le Duc de Bnigance lui conftiUa
fonement de ne point fe fier aux Grands
qui lui propofoient le mariage de Jeanne
fa nièce ; en eflêt c'étoient les mêmes qui
quelques années auparavant la deshonore-
tent publiquement en la faifant pafler pour
la fille de la Cuéva : mais la nouvelle que
l'Archevêque dcTolédeembrafloit le pani
de Jeanne , acheva de le décider ; il arrive
à Plazentia k la tête de 20 mille hommes , .
îl y époufe fa nièce Jeanne , 8c y eft pro-
clame avec elle Roi de CallUle Çc de Léon,
t
d'Espagne. 19
Le mariage ne fut point confommé, atten-
du le défaut de dtfpenfe du Papç ; les Rois
après avoir fait de vains efforts pour l'em-
pêcher de fonir de ion Royaume , pren-
nent par repréfailles le titre de Rois de
Portugal. Jeanne pubtie d'abord unmanî-
felle ^nglant par lequel elle établit fes
droits d'une manière inv'mcible , ic ac-
çuiè Ferdinand & ïfabelle d'avcâr fait em-
poifonner Henri IV , les ibmme de s'en
rapporter ainfi qu'elle à la décision des
Etats de Cailille , contente de vivre par-
ticulière ] Il elle ^toit Condamnée , mû»
réfolue à ne ries épargner , &c même i
appeUer les Infidèles à fon fecours pour fe
maintenir fur le Tbrône ofi la Providence
Tavoit fait naître > û les Etats confir-
mo^t fba droit légitime j on en vient
aux mains dans touves les Provinces , on
prend & on perd des Villes de part &
d'autre , les forces paroiflefit i peu près
■ égales. On eft étonné, de voir le Duc
dAlbuquerque fuivre Ferdinand , &
combattre contre Jeanne qui paffoit pour
faille; mais le plus grand fervice qu'il
pouvoit rendre à cette Princeffe , fuppo-
fe qu'elle fut fa fille, n'étoit*ce pas de fe
déclarer contre elle? Uécanoît ou dimi-
Histoire
nuoît du moins les Toupçoos âe fa pater*
nité. Le Mc»iarque Portugais , au lieu de
fondre fur fon rival , lut donne k tems
àe ralTentbler une armée de 40 mille hom-
mes. Mais on lui livre la Ville de Tero ,
-leChÉlteaatenoic touj'ourstiour I&belle j
Zamora fe rend aulîi à Ferdinand } ce
Prince fe trouve dans le plus preflânt em-
barras , il étoit campé à la vue de Toro »
iDiùs les ennemis lulcoupoient- les vivres>
il ne pouvoir plus fubfiuer ; fc rfetirer de^
vantAlfonfe, c'étoit décrier fes armeE&
abandonner la vi<ftoire , & peut-être lé
Royaume aux Portugais : dans celte ex-
trémité l'habile Ferdinand qui-ebnnoît le
caraders de foit enneim , le défie à un-
combat, foit général ou particulier. Al-
fonfe avoit l'Ordre' de la Jarretière , fie
on croyoit généralement qlie ceux qui éit
étoient revêtus ne pouvoient refufer de
le battre. ILaccepte ce due! à condition
Îu'on mettroil entre dès-mains neutres
fabelle & Jeanne pour les livrer au vain*'
queur ; mais Ferdinand n'y veut pas con-
ientir , il fe retire de devant Toro avec
tant de confufîon que fi Alfonfe l'eût at-
taqué dans là retraite , c'en étoit feit de
l'armée Caftillane. Le-défaut de vivres fié
d'Espagne. ti
le mécontentement des troupes la réduilît
dans un u'ifte état. Ferdinand fe trouve
i Médina del Campo avec la Reine fans
Toldats & Tans argent : pour comble de
malheur , l'Archevêque de Tolède joint
les Portugais avec fes troupes ; ce Prêtre
fougueux & empiété ne pouvoit pardon-
ner aux Rois ^'admettre dans lËur con-
fiance le Cardinal de Mendofe, le Duc
d'Albe & l'Amirante j le crédit du pre-
mier lui ëtcàt fur-tout infupportabje.
Je veHx,àit-il çnçinam ,fircer /fahlli
i reprendre la (jumomlU ^»e je lui ai fait
quitterAe^ Rois font obligés de tirer lamoi-
né des vafes d'or & d'argentdç toutes les
Eglifes pour lever une nouveUç armée >
les deux partis commencèrent à fetitir
■ IpurfoiMcu^e :1e Roi dePortugal n'obtient
aucun {ecours des Grands qui , en l'ap"
pellant } ne fongeoient qu'à entretenir la
guerre civile & a en pronter ; la conduite
du Monarque Portugais ébranle fçs psrr
titans ; le Cardinal de Mendofe ayant né-
gocié fecrettement avec lui s en tire par
rple d'évacuer la CalliUe , à condition que
Toro & Zamora lui refteroient , & qu on
le wmbourferoit des frais de la guer-
re î i'^rçitç I&beUe publie ces çondi'
aa Histoire
tioQS en proteftant qu'elle ne confentiroit
iamûs au dëmeiiibrement d'un feul Vil-
lage de la Monarchie , & en promettant
feulement de l'argent. La fortune change
de parti , Ferdinand reprend Zamora , &
IfabeUele ChâteaudeBurgos. Au milieu
de ces trouble meurt la Reine Douairière
de Caftille {a) ; dont la vie fcandaleufe fut
plus fatale à ia fille , que l'imbédllitë
d'Henrifonëpoux. Perpignan cft emporte
par les François après un fiége de 8 mois;
tes affiégës réduits aux plus déplorables
extrémités , avoient été obliges de fe
nourrir de cadavres : ils s*attendoient
tous ï être palTés au €1 de Tépée , mais les
François uierent de la victoire avec clé-
mence : on lailTa ibrtir la garnifon avec
tous les honneurs de la guerre ; on par-
donna aux Bourgeois que la famine avoît
épargnés , & on rendit à !a Ville tous fes
privilèges ; Louis XI. qui avoit fait arrê-
ter les Ambafladeurs d'Arragon , leur
rend la liberté , & fignc avec eux une trê-
ve de 4 mois , par laquelle le RouffiUon
(■) Quel^uei HîAorieni ont avancé qa« le Ko) de
Portugal r«n frerc U fit tnpoifbnDïr pour termiiiCT la
bonté dont elle couvroii b famille par fon libecti.
Hfe; d'autrei F rttcn<ttDt qu'elle mouiiit enccuclie.
D* E s P A G N E.
2J
& la Cerdagne Jui demeurèrent ; avant
que âe les congédier U fit palTer devant
eux ?n revue une arnuée compofée des
feiils Citoyens de Paris * qui montoît à
cent quatre-vingt mille hommes ; on ne
Içauroit croire quel effet fit fiirleur efprit
cette oftentatk>n politique. Jean D*ofà
plus fe meâirer avec la France , fie relia
tranquîUe le refle de fes jours , quoique
Louu XI. lui donnât de fréqueos fujets
de rupture ; k peine le Roi de France:
eut ngaé uH traité, avec les Arrago-
Bois , qu'il en conclut un autre avec Al-
{on{e Roi de Portugal , par lequel il lui
, promettoic de l'appuyer ae toutes fes for-,
ces dans la conquête de la Caftille , k'
condition qu'il lui céderoit la Bifcaye.
Mais Louis infraéleur de tous les traites »
en nëgocioit encore un autre avec les Caf>
tillans , par lequel on étoit convenu de
feire époufer l'Infante Ifabelle de Caftille
au Dauphin qui fut depuis Charles VIII.
Le Roi de Portugal appelle à fon fe-
cours le Prince fou fils qu'il avoit lailTé
Régent du Royaume, Jean accourt avec
]0 mille, bommes * la difette d'argent
étoit t^U qu'il fut obligé d'emprunter
Vsjgeatçm des Ëgfifes : ce nouveau ren-
S4 H18T01KE
fort n'empêche pas les Rois de CaffiUe
de prendre par-tout le deffus , le Mar-
?uuat de Viltena eft conquis & réuni à la
)ouroane. Ferdinand améec le château
de Zamora. Alfonfe voie de Toro pour
lui faire abandonner cette entrepri-
& , il fomme Ferdinand <le livter bataille
ou de "fc retirer en Arragon ; Je Roi de
Caftille tié iaic ni l'un ni l'autre , & lui
répond que s'il avoit envie de combattre ,
il n'avoit qu'à venir lui faire lever le fiége
du château. On négocie de part'âc d'au-
tre ; le PortugMS propofe à fon rival de
le voir ieuls pendant la nuit dans utie-
barque f^r la rivière du Duéro , le Callil-
lan accepte la propofition , mais les deux
barques ne purent fe rencontrer dans
l'obicurité ; Àifonfe fe retire la nuit du
premier de Mars. Ferdinand le paurfuit
Se lui livre bataille à la vue de Toro , l'ar-
mée PoJtugaife n'étoit que de trois mille
cinq cens hommes , & celle de Cadiile de
trois mille : on fe mêla avec une efpece
de fureur caufée par l'antipathie des deuic
Nations : il y awoit dans chaque armée
des Chevaliers quï faifoJent une ef|Sei^
de vœu d'attendra chacun ^oad-ë trine-
jsis fans toucnér le dos , de combatte*
d' E s F A (3 N E. M^
contre trois , de les prendre vifs , s'ils n'ér
toient que deux , de tuer enfin ou de £iire
prifonnier un Chevalier ennemi , lorfqu'il
îeroit feuU Les Prélats des deux ann^ei
combattirent avec beaucoup de courage.
On vit l'Archevêque de Tolède fe préci-
piter dans les plus grands périls. Le Car-
dinal de Mendoze fit des prodiges de va-
leur. Celui-ci fervoit dans l'armée CaÛil-
lane , & l'autre parmi les Portugais. Le
fuccès de la bataille fiit aiTez incertain ;
Ferdinand défit Taîle droite des ennemis
commandée par Alfonfe , mais le Prince
de Portugal eut le même avantage fur le
Cafiillan. On peut dire que le Portugais
laiffa échapper la viôoire en pourfuivant
trop long-tems les fuyards. Ferdinand
relia pendant qurfque tems lui iroifieme
fur le champ de bataille. Il ne voulut pas
permettre aux fiens de pourfuivre ùm ri-
val dans l'obfcurité de la nuit. Après
avoir enlevé l'étendard Royal des Portu-
gais > U revint au fiége du CIràteau d«
Zamora.
Cependant llnfortuné Alfonfe fuyoit
à toute bride vers Caftro-Nugno ; on dit
qu'accablé -di fatigue il s'endormit à ta-
: tic , ce qui le rendit (buverainement mé-
Tomt ///, ' E
aâ Histoire'
prifable aux CaftUlans qui regardèrent ce
l'ommeU comme une marque d'indtfi^ren-
te & de ftupidité ; fon fî& revenu fur le
champ de bataille fur étonné de ne plus
Voir d'amis ni d'eoneinb , il comprit quç
Cor père avoit été vaincu , & ie retira à
Toro après avoif publié qu'il avoit gagné
le champ de bataille ; mais le Comte de
Ouimarens , Gouverneur de Toro * le
chargea d'injures Se d'imprécations pour
avoir, .abandonné le Roi. On crut d'abord
que ce Monarque avoit été tué j mais on
reçut une lettre de lui qui rafliira fon fils
& les débris de Ton armée ; les Portugais
perdirent environ deux mille hommes ; il
en périt la moitié moins du côté des Cas-
tillans. Ceux-ci tirèrent tout l'avantage
du combat , làns pouvoir néanmoins le
flatter d'avoir remporté la viâoire.
Les deux Rois avoient harangué
leurs armées , félon l'ufage , ayant que de
combattre ; on ne i^auroit exprimer juf-
qu'à quel point les deux Nations portè-
rent la valeur dans cette aâion , &c quels
exploits ÎBcro^blep on y fit de part &
d'autre. Edouard d'Almeyda qui por-
toit l'étendard de Portugal )-eut les deux
flDAJns coupées en h (^fçnd^nt: > U 1? f^i
d' E s P A G K 1. 27
enfuhe avec les bras de les dents > juf-
qu'à ce que , percé de coups , il tomba
mon Cir la fJace ; l'ëtendard tut mis
en peces , éc à fon défaut on mit les
armes du brave ^'Aimeyda ^lans l'f^ife
métropolitaine de Tokde. Voilà jufqu'où
alloient les ei^ploits des CaftiUans & de>
Portugais , lorrcjue l'efprtt de Chevalerie
' -étoit en vigueur chez les deux Notions.
On a renwrqaé , dit fort bien le P^tl Or-
Udns , que le ridicule jett^ par Miquel de
Cervantes fur la Chevalerie dans lôa în-
gérïeux Roman de D. Quichotte , a plus
Jiuk à la valeur Efpagnote qu'on ne le
^aurohcrcMre. C*eu alnfî que les beaux
-dfprits ont foovent changés par la famé
les vices & ies vertus des Pcnples. Fer-
-dinand prend le château de Zamora. Ifa»
belle ant par-tout avec une valeur &-une
aftîvhe^ dignes d'une héroïne. iJes fuccis
les plus brillftns font dûs à ' fon habileté.
Les Grands attachés à Jeanne , la quittent
avec des Villes & des provinces entières.
Louis XI. fait en vain dans la Bifcaye
une diverfion en feveur de cette malbeu-
reufe PrînceBfe. Son ana^ affiége deux
fois inurilfflïient TFontarabie. Le Duc de
■BtHirgogne , ét«nei énnaai da Roi de
Bij
28 Histoire
France , l'empêche de s'ititéreffièr vive-
ment aux afraires d'ETpagne. Jeanne fe
relire en Portugal défefperant d'obtenir
une couronne que les taiens de fes enne-
mis lui arrachent plus que leurs droits.
Alfonfe vient en France pour foUiciter
des fecours. Avant fon départ , il offirit-â
Ferdinand de remettre fes droits à l'arbi-
trage du Roid'Arragon & de l'Archevê-
que de Tolède. Le CafUIlan lui répondit
qu'il n'étoit plus tems , Se que d'uUeurs~
on t'infultoit en voulant l'engaig^r à re-
mettre une âflàire de cette importance à
ïa décifion d'un Prélat rebelle. Le Roi de
Portugal arrive à Tours. Il oifre fa nièce
en mariage pour le Dauphin , à^condition
ju'on raiderolt puifTamment à la mettre
-ur un thrône quilui appartenoit légitime-
ment. Lduis liit tente d'accepter cette
propofitiotipour fe venger des Rois de
Caltille qui , moyennant de groITes fom-
mes qu'on leur avoit accordées , vou-
loient faire époufer au Prince de Capoue
leur fille Ifabelle qui avoit été offèrtç au
Dauphin ; mais Loui? XI. trouvant ce
projet chimérique , d^cUte ^ Alfonle
qu'il ne peut le fecourir à çauïe des guer^
Tes continuelles ^uç lui f^^!;itoit U Pue
lu
p' £ s ( A â H e. ap
de Bourgogne. Le Pottugais fe foit fort
d'engager le Duc à la paix. Il va le trou-
ver au Camp de Nanci , ôc ne peut rëulllr
dans fa négociation i il revient couvert
de honte en France , la tête lui tourne , il
écrit auRëgent fon fils de prendre le nom
de Roï , & de ne plus penfer à lui; fon
deffein étoit de s'échapper de France où
îj ctùgnoit qu'cHi ne t'arrêtât , de palier
enfuite à Rome , & de s'y faire Woine ;
en effet , ayant difparu tout i coup , on
le reconnoit & on l'arrête fur les fronùe-
res du Royaume. Louis XI. a pitié de hi,
& le renvoyé honorablement dans fes
Etats.
La Ville de Toro la feute place qui ref-
toit en Caftille à Jeanne e(l prife par les
Généraux Caftillans, Ferc^nand accorde
un fauf-conduit aux Portugais pour re-
tourner dans Leur patrie, & les.comble
de politeCes. Cette humanité politique
porte le dernier coup à {on ennemi ; le
Koi de Caflille fait lever le Hége de Fon-
iSarabie à ime armée Françoife , c'étoit le
troifieme que cette Ville avoit foufièrt
pendant l'année ; Ferdinand marche con-
tre les bandits avec des troupes réglées*
il eo livre à la JuIUce un nombre prodir
Bii]
-30 Hl 5TO I Il£
gieux , fait ralèr les châteaux qui fer-
voiemdafyleàcesbrigands; mais le nom-
bre en ell fi confidérable que les Villes
lenouvellent ks Saintes Hermandades
Eour achever d'en purger le Royaume 5
: Marquis de ViUena chef du part) de
Jeanne Te foumet ; le Roi eA élu Admi-
niflrateur de l'Ordre de S. Jacques ; en-
trevue de ce Prince avec le Roi' d'Arr%-
gon foa père; tous les deux s'efforcent en
vain de rétablir le calme dans la Navarre
toujours divifêe par Usfaâions des Gramr
mont & desBeaumont; on a crû qu'Eléo*
çore j Comteffe de Foix , ^voit voulu li-
vrer ce Royaume à fon frereFerdioand ,
au préjudice du Comte de roix fbn pe-
tit-fils.
1477 Les Rois de Caftille pafifent à Tolède
Se o^ ils font bâtir .un magnifique Monafte-
l^yS.ti (1) pour accomplir un vceu-qv'Us
avoient feit , fuppofé qu'ils devinffent fu-
périeurs à Jeanne Se au Roi de Portugal.
Ils puniffent avec févérité les féditieux &
ks fcélérats dont la Ville étoît remplie.
La Reine part pour animer la guerre con-
tre les Portugws , & de-là pafle en Anda-
(n)^^! appelle ccMonaflere S.'Jiin desKoU. UStg
Uti poor It* CoidtlMih
d'Espagne." 31
ioufie où elle rétablit l'ordre & le calme:
les Guzmans, les Ponces de Léon,les Cof-
doues 8c les d'Aguilars étoient les maîtres
de cette belle Province où depuis 50 ans
il regnoit entr'eux une guerre implaca-
ble. A force d'adreffe & d'éloquence , Ifa-
belle oblige tous ces Seigneurs i lui re^
mettre toutes leurs fortcreffes ; les bri-
gands privés de leur proteâion , tombent
entre les mains de h Reine qui en hit exé-
cuter plus de lyoo dans cette Province :
4000 auffi criminels que les autres ob^
tiennent leur grâce , a condition qu'ils
fortiroient de Seville où. ils fe trouvtrfetrt
pour lors. Ce fut dans cette yûlt que la
Reine accoucha d'un fils'appellé Jean; il
fembloÎE que la Providence n'alfemblotr
tant de couronnes dans fa maifon que
pour en orner fa tête , mais il ne devoit
pas enjouir , elles étoient réfervées à un
jeune Prince (a) qui naifToit en méme-
tems dans les Pays-Bas ; le Roi de Grena- '
de refufe de payer le tribut , Si factage la
Murcie j le M arquis de Villena fe rérolte
de nouveau. Ifabelte obtient par le moyen
de Diegue de Cordoue , Comte de C»-
^3 HlSTOIKE
bra une furpenOon d'armes de trois ans
avec le Roi aeGrenade; Ferdinand ache-
vé de purger le Royaume d'ennemis ; Al-
fonfe aeCardenas eH élu Grand - Maître
de l'Ordre de S. Jacques ; c'eft le dernier
Particulier qui parvint à cette éminente
dignité. Le Roi d'Arragon fait trancher
U tête au Duc de Villa Hermofa , Prince
du fang, pour s'être révolté.
Le Pape , à la fotlicitation de Louis XI,
accorde une difpenfe au Roi de Portugal
qui voutoie époufer fa nièce. Le Monar-
que Portugais étant de retour en fes
-États , le Prince Régent quitte le nom de ■
Roi , quoique fon père le conjurât de le
garder, ne voulant fe réfervcrquelesAl-
garvesi fon arrivée avoit furpris le Portu-
fal, on le croyoit Moine ouprifonnier en
rance ; quand il débarqua a Lifbonne >
le Régent le promenoit fur les rives du
Tage. avec le Duc de Bragance & l*Ar-
chevéque de Lilbonne. Surpris d'un re-
tour aulfi imprévu , il demanda au Duc
& au Prélat («) comment il devok
recevoir Alfonfe : comme votre ptre
& Vitre Roi, lui dirent-îls : le Prince ne
répliqua pas , mais ramalTant une pierre ,
d'E B P A<3 N E. 3J
U U tarifa de ttiai fa foret dans U Ta--
gtî l'Archevêque attentif à ce fi^e ma-
nifefte -de dépit , dit au Duc , ctne pierre
ne me donnera jamais dans la tête : en tSét
'A qmtta le Royaume & fe rerira 4 Rome ;
le Duc de Bra^nce eut fait fagement de
£ûvre cet exemple , il auroit ëvité la
faoQte de mourû- dans U fuite fur un
écbafeut.
Décret des Rois de Caflille par lequel
on condamne les Juges & les Olficiers
de JufHce qui exigeront des Plaideurs
plus qa'il ne leur appanient par les or-
âonnances , à leur rendre fept fois autant
qu'ils auront |»is ; ce décret n'a pu rëpri-
me^ l'avidité des Greffiers , des Procu-
reurs & des Huifllers , ils s'engràiflènt en-
core plus en Efpagne qu'ailleurs du fang
& des larmes des malheureux.
Entrevue du Roi de CaAille , du Roi
d'ArragoQ & de la ComtelTe de Foix à
Vktoria ; en remarque que le vieux Mo-
narque Anjgonois cède par-tout la droi-
te à fon fils.
Traité (^) de S. Jean de Luz entre U
France , la-CaÛille 6c l'Arragon , par le-
'^ Histoire
quel Louis XI. abandonae les intérêts de
la PrinceiTe Jeanne. Les Caftillans t as
kur côté , renoncent à TalUance de l'An-
gleterre &c. à celle de Majùmilien d'Autri-
che , époux de l'héritière de fiourgo^^ ^
l'afi^ire du Roufllllon fut renùfe à un au-
tre teins. Les revenus de l'Archevêque
de Tolède font faifis , on procède contre
iui comme contre un rebelle ; enfin l'opi-
niâtre & vindicatif FréUt> après avoitiniJ-
tilement tenté de livrer Tolède au» Por-,
tugais, & lutté jufqu'à la dernière extré-
mité pour foutenlr la Frince&e Jeanne *
prend le parti de fe foumettre. Il livre,
toutes fes places, & rentre en grâce è la
follicitation du Roi d'Arragon fon protec-.
teur} il faut obferver que jufques-U les.
CaftiUans n'avoient ofé traiter comme cri-.
minels de leze-Majefté les Grands dupac-
ti de Jeanne. Léonard d'Alagon , Mar-
quis d'Oriftan excite une guerre civile en-
Sardaigne i A avoir été condamné à per-
dre la tête pour (tifiërcDs crimes ; il e&
vaincu , pris dans un combat & conduit
en Efpagne avec fcs deux fils & fes troii
frères.
14-79- ^^ Pape Sixte IV. gagné par la Mai-
•■ ibnd'ArragoDifévoqueladifpenfeaccor.-
d' E ( P A G N E. Jf
dée au Hoi de Portugal , conuoe «yant
été fuiprife à la téiâoa de Sa Sairteté ,
& cafl^ le mariage du Monarque Portu-
gais avec fa nièce , fuppofè qu'il eût àéjk
étéconfommé. LeKoi a'Arragon ne jouh
pas du plaillr de voir foD fiU tranquille
poâèJlèur de la Couronne de Caftille. Il
HicuFt le ip Janvier âgé de 8a ans , il
conferva dans une vicilkiTe auffî avancée
une force d'efpiit 6c de corps inctoya-
ble. Il avoit encore des maûrefTes. Qui
croiroit que- ce Prince ne laîfij pas de quoi
kire les trais de in funérailles, quoiqu'el-
les fiiâent fort modiques. Maigre fes tilcns
Supérieurs à la guerre & dans le cabinet >
'A ne fut pasiicureux dans fes entreprilès^
fon inquiétude , fa vivacité & fon ambi-
tion hiretit auiTi fijneftes k la Caftille qu'à
TArragon ; on ne peut lui pardonner fa
iïvérite eiceffive , fes Injuftices envers le
Prince deViaQe& l'In&nie Blancne , feS'
débauches , fon penclrant pour la gtiette
& pour les intrigues ; it ne connut jamais:
iiir un thrène toujours agité &c fouvent
ébranlé la paix & le bpnbeur : il laiflTe par
&n teflament tous fts Etats qui confif*-
coienr dans l'Arragoa , la Catalogne ,.
YalcBcs yles Baléares ,.la Sicile & la Bvcr
Byj,
'^6 . Histoire
daigoe au Roi de Caftille fon Sis , & après
lui a £ès defcendans foit fils , foit fiUes »
même du côté des femmes , en cas qu'U
n'eût pas de poftérité mafculine , contre
les Loix & les Coutumes de la Monar-
cbie : c'efl aînli , dit Mariana , que touc
cède à la volonté des Kois ; la Frinceflè'
Eléonore hérite du thrône de Navarre qui
lui avoit coûté tant de crimes , mais le
Ciel la punit en l'y laifTant à peine un
mois; fon perit-fils François de F oix , fur-
nommé Phœbus à.caufe de fa beauté , lui
accède fous la Régence de Magdelenè
de France , fille de Louis XI. fa mère ;
la Navarre n'en demeure pas moins en
proye aux faflions & aux guerres civiles ,
tellement que ie jeune Roi relia prefque
toute fa vie enFrance ; la maifon de Fois
qui redoute l'ambition du Roi de Cafiilte
s attache înféparablement aux intérêts de
la France ; Ferdinand eft reconnu Ro!
d'Arragon ; combat d'Altuera dans le-
quel Cardeoas , Grand-Maître de S. Jac-
ques défait les Portugais commandés par
l'Ëvêque d'Evora ; quelques Seigneurs
Caftillans attachés au Roi de Ponugal , Se
pris dans le combat, ont la tête coupée ;
cette aâioa Si. les autres fpccès de^ Caf-
d*Es?agne. ^ 37
dllans font fonger les Portu^îs à la paix ;
il eft confiant que Ferdinand enyvré de
fafortune, méaitoit la conquête du Por-
tugal j fa vengeance & (on ambition euf-
fent été comblëes , s'il eût pu précipiter
du thrône un rival qui lui avoit A lon|^
tems difputé la couronne , mais la nou-
velle de la prife de 30 vaifleaux Caftillans
chargés d'or quirevenoientdelaGuinéei
modère fon ardeur. La R«ne Ifabelle &
la DuchelTe de Vifeu Princeâ*e du fang de
Portugal s'abouchent à Alcacebras, &
en moins de trente jours concluent un
traité par lequel Jeanne efl facriflée. Oo
convînt que le Roi de Portugal ne fe ma-
rièrent point avec fa nièce , maïs que cette
Princeuê auroit le choix d'époufer l'In-
iant J^an de Caftille , ou d'entrer dans un
des cinq Couvens de l'Ordre de Sainte
Claire en Portugal ; que fi elle fe déter-
minoit au mariage, elle ne pourroit le con-
iraifter quelorfque l'Infant auroit quator-
ze ans accomplis : il y avoit encore 12
ans à attendre , 8c Jeanne en avoit 1 8 î
que fi le Prince ne vouloit pas l'époufer
il feroit obligé de lui payer cent mille pif-
toles ; qu' Alfonfe , perit-fiis de Portugal ,
fe marieroit ayec Ilofaote^ Callule>
38 Hl STOIR E
Ifabelle ; que ta navigation des Côtes de
PAfirique demeureroit aux Portugais , &
celle des Canaries aux CaftiUans , &
qu'enfin tous les paniGins de Jeanne ie-
TOÎent rétablis dans leurs honneuts &
dans leurs biens ; que cette Frincelle ,.
Alfonfe petit-fils de Portugal , & l'Jnfaa-
te Ifabelle feraient dépofës en otage au
château de Mora. Ce traité fut figné le
24 Septembre , & on ne donnoit que juf-
«ju'au y Novembre à Jeanne pour fe dié-
terminer au cboïx d'titv ëpoux inta^aî-
re , ou de la prifon de Mora , ou d'un^
Monaftere.
Jeanne' fi indignement traitée par des-
Négociateurs qui difpofent Ibuveraine-
inent de fon fceptrc & de fa bberté , prend
uit parti héroïque , & le feul qui lui con-
▼enoit peut-être. Cène Princeffe , fans iè
Êlaindre de perfonne , fans verfer une
!ule larme , fe rend au Monaftere de
Sainte Claire à Conimbre oit elle prend
rhabic de Religieufe. Pendant cette triC-
te cérémonie , eUe fembla triompher de
&s malheurs.
NaiiTance de l'Infante Jeanne fumoro-
mée la Fblle^ qui porta la Monarchie dans
la.Maifon d'Autiichâ..
d'£ s F A GN s. 3P
- Ferdinand & Ifabelte voulurent pren- 14SO'
are le titre de Rois d'Efpagne , mais U
crainte de déplaire au Portugal & à la
Navarre , les empêcha d'exécuter ce pro-
jet. Jjc Marquis de ViUaja prend enfin le
para de fe lounâettre. On conâfque uoe
partie de fes domaines. Son exemple ôc
celui de l'Archevêque de Tolède les deux
plus puilTans Seigneurs d'ËfpagDe con-
tiennent les Grands dans le devoir.
Etats de Tolède : on y rtforme une in-
linitë d'abus , & on y fait des loix très-
làges : Ferdinand d'Alatcon ^vorï de
l'Archevêque de Tolède eft pendu pour
a'vcÂr entretenu li long-tems Ton maître
dans la révolte , & pour d'autres crimes ;
cet homme paffîoncé Alchimie avoit
ruiné l'Archevêque par les dépeofes qu'il
hii avoit fait faire dans i'efpérance de
trouver ie fccret de faire de l'or ; Décret
qui défend aux Seigneurs d'avoir des-
Rtaffiers > des gardes &, des couronnes fur
leurs armes : on ernwye des Comraiffai-
res dans toutes Ita Provinces pourtemr,
ce que nous appelions bs grands jours:
on ne içauroic croire combien ils Hrent
périr dans lesfuppliees de Juges iniques,,
de. Gentilshommes tyrans « &; de biir
40 Histoire
gands àe toute efpecc ; nouveau Décret
qui révoque les grâces indifcrettes accot-
dées par Henri IV. & qui réunit à la Cou-
ronne les domaines immenfes qu'il en
avoit aliénés , les revenus du Royaume
en furent augnsenrés d'un million («) ;
le Prince Jean eft reconnu héritier de la
Caflille, & proclamé Prince des Ailuries ;
renouvellement de la Loi par laquelle
il efl enjoint auY Juifs & aux Maures
' de vivre dans des quartiers f^parés des
Chrétiens , de ne porter ni or ni argent
fur leurs habits, & d'avoir fur eux la
marque jaune qui fervoit à les diftinguer.
Ferdinand & Ifabelle furchargés d'af-
faires par l'étendue de leurs Etats Se par
le nombre de leurs Sujets , établiffent une
forme de Gouvernement admirable :
quoique l'un & l'autre fuflent laborieux
jufqu au point depaifer les nuits & de laf-
fer plufîeurs Secrétaires , ils ne pouvoient
tout expédier , & fuccomboient fous te
poids des affaires : îU érigent f Confeils ,
dans l'un defquets ils travaîUoient aux af-
faires étrangères avec leurs principaux
Miniilres ; le fécond éttnt compofé d'£-
d'Es P A G NE. 41
vêques & de Confeillers chargés d'expé-
dier les aflàires intérieures de la Monar-
chie de Caftiile ; on rendoit juftice dans
\i troisième ; le quatrième où étoient ad-
mis feulement des Seigneurs & des JuriC-
coaHiltes Arragonois, Catalans, Valen-
tiens, Siciliens &c Sardes , prenoit connoif-
(ànce de tout ce qui concernoit le Royau-
me d'Arragon : le cinquième fut établi
pour les faintesHermandades. Ferdinand
Se. Ifabelle aŒftoient à tous ces confeils.
C*eft fur ce plan que Charles V. régla .
la forme du Gouvernement tel qu'il a
fubiîfté long-tems. Traité de paix conclue
avec la République de Gènes , par lequel
les Rois de Caftiile renoncent à l'Ifle de
Corfe ; conquête de l'Ifle Canarie par
Pierre de Vera-, Gentilhomme de Xerez.
Expédition des Turcs en Italie , ils
alemparent de la Ville d'Otrante , & me-
nacent Rome & Naples ; les Caflillans en-
voyent des lècours en ce pays , ils crai-
? noient avec raifon pour la Sicile qui
toit à la bienféance des Turcs , 6c dont
ceux-ci pouvoicnt faire leur place d'ar-
mes pour la conquête d'Italie.
.Jeanne, cette malheureufe Princefle
qu'on avoit fi injuftement privée de la
42 Histoire
Couronne , fait profeffion en préfencc
des Députés de Caflille & de Ponugal. .
Sajeuneffe, faJ>eauté,lefon touchant de
fa voix, fon facrifice arrachèrent des lar-
mes de toute l'affembJée.
ta paix manque d'être rompue entre
la Caffiile & le Portugal. On étoît con-
venu qu'on dépoferoit pour 6tages dans
le château de Mora l'infante Ifabelle Se
l'Infant AHonfe. Les Portugais trouvè-
rent de Inégalité dans eet arrangement j
attendu qu'Ifabelle n'étoit pas héritière
de la Caftille , comme Alfonfe étoit héri-
tier du Portugal. On négocie long-teras ;
enfin le Monarque Portugais envoyé aux
deux Souverains Caftitlans deux dez fur
l'un defquets étoit infcrit le mot ptix^ &
fur l'autre le mot^worr. Ferdinand &fon
époufè obtinrent cependant tout ce qu'ils
vouloient. Les Infants font livrés à la Du-
chefle Douairière de Vifeu , dépofitaire
des otages. Le fils de cette Ducheflfe paf
fè enfuite à la Cour de Caftille pour ré-
pondre de la fidélité de fa mère. LaReine
tait couper la tête & Alfonfe Lugo le
plusgrand Seigneur de Galice pour avur
alTaOuié un Notaire. Elle refufa quarante
- mille piftoles qu'on lui ofirit pour obt4-
gir la grâce du cribiiiiel.
E
d' Espagne. <f4
Ëtabliffemeni de l'Inquilîtion. Le Cai»
dmat Mendoze , Archevêque de SévUle
en fiit le principal auteur. Sixte IV. doo-
na une Bulle , & accorda des privUégea
immeufes pour l'ëreâion de ce redouta-
ble Tribunal. Les Evéques reçurent le
' lug fans hwç la moindre oppoTiiton.
la Jurifdiflion Epifcopale étoit depui»
lone-tems anéantie par rignoratice 8c les
délordres des Prélats. Le but de Ferdi-
nand & d'Ifabelle ëtoit d'empêcher TA-
poflalîe de quantité de Chrétiens qui an»
Drafibient te Judaïftneou le Mahoroétif-
ne. C'étùt fur-tout en Andaloufi» tme
la Religion de Mahomet avoit jette les
plus profondes racines ; & voilà pourquoi
le premier Tiibonat de l'Inquinôon fut
étabU i SévUle. ,^, .
D. Ferdinand d'Acunha&ïeDodeur^**''
Garcie de Chinc^la font envoyés avec .
des troupes en Galice en qualité de Jugea
fouverains pour rétablir l'ordre , la jufti-
ce, l'autorité Royale & la sûreté dans
cette Province tivrée au brigandage âc
aux crimes depuis pluB de 40 ans ; les re-
venus de la Couronne & du Clergé , la
fubfîâance des Peuples , les biens des
.VcuTe«&. dts OrpheUns étoknt u£uipés
ïé
^ Histoire _
Impunément par les GentUshommes : les
Peuples gémilToient fous leur tyrannie ,
fanstefer fe plaifidre ; i j'OO de ces bri-
Snds au nombre defquels fe trouvent
. Pierre Pardo , Maréchal de la Provin-
ce, 6c D. Pierre de Miranda, font exécutés
publiquegient : un plus grand nombre de
ces fcelérats s'enfuit dans les pays étran-
gers , 46 châteaux ou forterefles font ra-
fées ; cette rigueur néceffaire fauve la Pro-
vince défolée , & n'extirpe pas encore les
4é(brdres de la Nobleflê.
Etats de Catalayud dans lefquels çn
reconnoît le Prince Jean en qualité d'hé-^
ritier de la Couronne d'Arraeon ; une
Pefie horrible & les bûchers dépeuplent
Andaloufie ; premier Akto da fe dans le-
quel on brûle vives 7 perfonnes ; plus de
20000 Juifs fortent de la Province , Se
pafiènt en Afrique; les Caf^lans rom-
{lent la trêve avec le Roi de Grenade :
eur but étoit de chalfer les Maures d'Ëf-
lagne : c'eft le projet le plus légirime &
.e plus glorieux (ju'ils ayent jamais con-
{û , attendu que les Maures étoient les
ufurpateUrs de Grenade, & prefque tou-
îours les agerefleurs dans les guerres con-
:ûnuels des deux Nanoni. LesMaures fur-
PI
D*E SP A GN E. 4y
prennent Zabara. Les Turcs font forcés
dans Ocrante par le Duc de Calabre. L'I-
talie fubifToit le joug; des Ottomans, fi la
Providence n'eût arrêté lems progrès , en
mettant Bd à la vie & aux projets de Ma-
bomet H. More d'Alfonfe , Roi de Por-
tugal. Son fils Jean III. un des plus
grands Princes de fon tems lui fuccéde.
Le Pape contre les privilèges de la '4^^-
Caftille nomme un de Ces neveux i l'Evê-
ché is Cuença , les Caftillans indignés
font fortiF tous les EfpaenoU de Rome *
&. menacent le Pape ; Sixte IV. retraâe ' '
d nomination ; la guerre avec les Maures
de Grenade e mêlée de diâërens fuccès ,
les Caâillaos prirent d'abord Alhama , &
ïrent trois fois lever le fiége de cette Vil-
le au Roi de Grenade j-mais Ferdinand
^ui affiégeoit Loja > fe voit contraint de
renoncer à cette entreprifc. Il efhbattu
dans fa retraite. Il perdit le Grand-Maî-
tre de Calatrava & iaillft lui-mômç à être
fué ou pris.
Mort du fameux Carillo d'Açunha ,
Archevêque de Toledç ; avec du coura-
ge & des taltnç il fut funelle à fa patrie;
maiivai$ Citoyen , indigne £vêque , hom-
jnç inquiet > féditieus , £er , tutbulçnf «
^ HlSTOIBE
opiniâtre , né enfin pour renverfèr des
dirônes , & pour faire âes malheureux.
Bulle du Pape qui (tccorde aux Roi«
de Caftitie le pouvoir de nommer k
-toutes les 'jxréUtures & bénéfices d«
leurs Royaumes: avant ce concordat
-c'étoient toujours U> Cathédrales qui
élifoient leurs Prélats , mais la vo]ont^
du Souverân influoit telleoient fur les
âcAioRs , qu'il n'y avoit jamais à'Evê^
i^es-qn'à ion choix; laifque les ëlec-
tiens n'^tcàem pas faites dans un tenas
limité , eUes ëtolent dévolues aax Papes
qui, malgré les régtetnens des Las Cor-
tés, y nommotent louvent des Etrangers-.
Révolution à Grenade , elleporta fur
le thrôae un Prince inapmdcnt & vindica-
tif fut qui les CaMlam conquirent aifé-
j&ent CB Royaurae ; Abul-Ha&en étaat
devenu pafllonnément amoureux malgré
. 'ûvicàUêffe 6c fès infirmités d'une René-
gate Cltrédenvet répudia fon époufe , &
le maria à fa maîtrefTe ; pour lui témoi-
ener plus d'amour , il donna l'ordre bar-
bare d'égorger cous les enfans qu'il avok
eus dç 1^ femme. Celle- à ne putfauver
-que l'aîné & le dernier de fee dis, avet
loquets elle dfi&eBdit d'une, tour par l'af-
D' E s P A G N E. 4.7
ûfhnce des Aliencerrages : le vieux Roi
s'étoit aliéné ces piùJTaiis Seigneurs 3 ça
iaifint mourir un d'entr'eux poui avoir ,
{Ufoit-il, profané Ton palais en y recevant
les dernières faveurs d'une de fes fœurs.
Les AbencerragesintérefTent le Peuple en .
hyear du Prince fugitif , fie chaSeiit de
Grenade Abul-Hafcen qui s'en&iit à Ma-
Uga avec fa femme & fes tréfors : fon fils
nommé Mahomet Boabdîl 41 Abdalla ,
dt appelle Se couronné en fa place. Mais
le père qui avoit du courage ^ de la fierté
& au talent pour la fuerre , furprend l' Al-
hxBbra , fortereâe de Grenade , d'où il fui
encore chajfé par les Abencerrages : c'efl
ce ta^iae Roi qui , quelques années au-
paravant } avoit répondu aux Ambaflâ-
deurs de Caflille qui exigetûent le tr>-
but ordinaire : nous ne battons plus la
monBoye avec laquelle nous payons tri-
but à vps maîtres. Voilà , a)ou»-t-il ,
avec qa(M nous vous payerons doréna<-
vuit , en leur montrant la lance ; le Roi
de Portuffl fait foràr Jeanne du Cou-
vent , -& lui foçmfe une mâiibn ; Ion def-
ian^toit de tenir m bride Ferdinand j
avec qui il avoit découvert que le Bue d*?
Bragance entretçnqit (l$s çorrefpondsn^
48 Histoire
ces fecrettes. D'autres prétendent qu*il
voulok marier la Frinceâe au Roi de Na-
varre , neveu de Louis XI. qui avoic pro-
mis de foutenir les prétentions de Jeanne
avec toutes fes forces. *
1^83. Ferdinand & Ifabelle pacifient l'Italie
par un traité dont ils font les médiateurs
entre le Pape , le Roi de Naples & la Ré-
publique de Florence; le Pape permet
•aux Caftilltns de lever loooôo ducats
fur le Clergé , & de publier une croifade
où les ParticuUers payeroient de leurs
f)erfonnesou de leur argent; cette croî-
àde s'eft confervée j quatitau dernier ar-
ticle , & forme une partie des revenus
des Rois d'ETpagne ^). Les armées fe
mettent en mouvement ; combat près de
Malaga le 2 1 Mars ; le Grand-Maître de
S. Jacques fuivi d'un corps de 6000 hom-
mes eft vaincu par Mahomet El-Zagal , où
le valeureux frère du Roi déthrôné , qw
n'avoit pas 60Q hommes ; près de aooo-
Caftillans y furent tués , & il y en eut
"1000 de pris. Parmi ces derniers, étoient
25'0 Gentilshommes qui furent vendus
comme efclaves ; on attribue ce défaflre
à l'aveugle témérité du Grand-Maître qui
. |«))bn tirait enyiroiiiuiinilltoiid'écDif
s'engage*.
D-'E s P A G M E. , ^
s'engagea dans des rochers qu'il ne con-
«oUlbit pas : Boabdil excilfrpar. les avaiv-
tages de fon oncle, vient aflléger Lucena
jivec loooo hommes, mais le Comte de
Cabra , fon frère Gonfalve de Cordouc ,
depuis il &meux par Tes viâoires , &i Al-
fonfe d'Aguiiar lui font lever le fiége , le
■pourfuivem & lui livrent bataille le 21
Avril. Les Maures fe Uifferent égorger
par une poignée de Caifbllans (a) , Tes In-
fidèles perdirent fooo hommes , l'éten-
dard Royal &L leur jeune Roi qui fut pris
après avoir fait des prodiges de valeur:
deux Ibldats le découvrirent dans des
brouflâilles , le chargèrent de fers , 6c
manquèrent de le mafîacrer: pouï s'em-
parer de fes dépouilles.
■ Ferdinand profite de la viéloire de Lu-
cena , il entre dans la plaine de Grenade,
& ravage le pays afin d'afiàmer la capi-
«le ; &)abdii efl: conduit àPorcuna &
traité en Roi ; ii ne refte pas iong-tems '
en priibn , ta Reine de Grenade £a mère
.obtient fa liberté par mi traité avanta-
geux à la Cailille , on convint que le Roi
piifannier remettroit à Ferdinand lôn £ls
{■) Us n'^toieu pu looo.
Terne ///. C
j'o Histoire
zînéSc i^&igneurs Maures, qullpayê^
-fuit un tribui^cnnuel de 1 2000 pUtoles ,
qu'il fe trouveroit auxLasCortes de Caf-
-tille toutes les fois qu'il en feroit requis
.en qualité de valïàl , & qu'enfin il reiâ-
-cheroit aooo efclaves Chréùens en f
'.ansrrélargiffeinem de fioabdtl prouve Is
politique lupiéncure de Ferdinand, il fça-
-voit jufqu'à quel'pcânt ie pere & le fils fe
-détefloient , il ne doutoit pas qu'ils ne
-coBtinuaâent i fe &ire une guerre Jàn-
glantei & par conféquenti.E'aSbibltr-;
:par ce tcaité il n'àvoit A combattre que
letpere ,■& il comptoit bien , après l'avtrir
Vainouu tôuener les armes contce fan io}-
^rudcntôc malheureux -fila.
Louis de Porto Catrero., Stigneur M
-Pâlnia taille «n pièces un corps de trou-
-pes MauTcfques à Utrera; le masquis dç
CadiK fiupread Zàiazn , & 'il eQ bit
-Dac.« leslnois. prodiguaient 'les xliflÙM:-
-tiolifi , & les -iMOTieurs pour.eaccBter.rle
' courte Se -J'éinalation j&B'Qrands , k
Comte dé Cabra ^après-iàvifloire, avtùt
été reçu en triompneàiacour., fuivi^C
■acéo&ié deS'Graodfition .lui. persaii d'a-
jouter à fes armes une tête de Boi cou-
ronnée & «ne orle^ey-étendards enmé»
D' E s P A G N E. yi
noire de ce qu'il ea avoir pris un pateil
uombce à ÏMceaz.
Décrpt 4w Roi de Cafiille qui s&na-
ciàt ies vsd&ux de Reœtica eu Catalo-
gne des tri^Mts lofâmes & onéreux donc
ils éïoient chargés .eiiïers leurs Sekneurs,
ils ne pouvoient dirpofer d'eux , de leurs
femmes, ai de leurs enfaDS , tout étoit i
-la difcT^tion ,de leurs Tyrans ; le Roi les
réduifîcfurlepied des vaffaux ordinaires,
L'InquiTition établie feulement en An-
tUloulîe , s'étend dans les Royaumes de
CafttUe èc de Xiéon ; on nomme pour
Grand Inquiftteur le . Dominicain Tor'-
quemada qui , enmoins de 4 ans , fit brû'
1er vifs plus de 2000 malheureux; il n'a-
voit pas été le premier Inquilîteur , mais
il réutûc en ù perfbnne le pouvoir dopt
avoieot joui fepacément ceux qui l'a-
voient précédé.
Mort de François de Foîx , Roi de Na-
varre le 30 Janvier À Pau , fa fœur Ca-
dieriae Jiïifuccéde; Ferdinand âclfabelle
ia demandent en vain pour leur fils Jeaq ,
lilagdelene de France là mère lui avoit
infpiré .trop d'averfion potir la roaifon de .
CafttUe, elle époufe Jeand'Âtbret.
Mon de Louis ]iC[.RDi-de France , on
Ci)
ys Hl s T O IRE
dit que S. François de Paul lui avoit per-
fuadé de reftituer le RoUffillon , & qu'en
mourant iravoit chargé de cette reliitu-
tion l'Evéque de Lombes & le Gou-
verneur de -Perpignan : mais que la
Régente , Anne de France , Dame de
Beaujeu fa fille empêcha l'effet des der-
nières volontés du Monarque François.
Révolution à Grenade, les Maures in-
" dignes du traité honteux de Boabdil con- ,
coîvent pour ce Prince autant de mépris
qu'ils lui .avoient témoigné auparavant:
de tendrefie , ils ne le défignoient plus
que fous le nom injucieux dç Zogoybi ,
qui lignifie petit intortuné , tandis qu'ils -
Srodiguoient à foh oncle le furnom de
iagal , qui veut dire vaillant : les Alfa-'
quis plus furieux que les autres'ne peu-
vent lui pardonner les malheurs de la
Nation , & excitent une fédition à Gre-
nade"; Boabdil n'a que le tems de fuir
k Almerie avec fes femmes , fes en-
cfans & fes tréfors ; le vieux Roi eft rap-
, pelle & rétabli-fur le thrône.
Le Duc de Bracance , beau-frere du
Roi de Portugal , à la tête tranchée dans
la place publique d'Evora , il étoit con-
y^ncu d entretenir df s iatelligençes avec
d' E SP A G N E. J3
le Roi de Caftille ; Jean , avant que de le
bitt arrêter , le fomma en particulier de
lui avouer fon crime avec promefle de le
pardonner , mais le Duc nia conftam-
ment tout , ignorant qu'on avoit faid par
fa négligence les lettres do Ferdinand 6c
d'autres pièces qui fervoient à le convain-
cre de trahîTon. Dix Gentilshommes fu-
birent le même fort , la femme, les eni^ns ,
&Jes frères de Bragance qui avoient été
déclarés traîtres , le retirent en Caftille. '
Les Infants détenus au château de Mo'
la entre les mains de U Ducheffe de Vi-
feu, retournent chacun dansleurcour.
Ferdinand &Ifabelle ènvoyent répé-
' ter le Rouflillon à la cour du nouveau
Roi de France Charles VIII ; les Ambaf-
fadeurs de Caftille , fur le refus de la Ré-
genre , avoient ordre de ne pas confir-
mer les anciennes alliances entre les deux
Couronnes.
Ferdinand alTeml^le à Terrazone les 1484.
Certes d'Arragon , de Valence & de Ca-
talogne j afin d'en obtenir des fecours
pour la conquête de Grenade. Les dépu-
tés des deux dernières Provinces protef-
terent hautement contre l'innovation de
les aflembter hors de chez eux , le Roi eut
C iij
f4 Histoire ^^^^
égiid aux proteftanotls , Se chacun ûei
Royaumes contïnaa l'^embl^ dans une
Ville de fon DiUrift ; Ferdinand veut dé-
clarer la'guerre à la Francs pour recou-
vrer le RouffiUon-, mais foi> époufe le
détourne de ce projet , & le confirme
dans celui d'achever la réduftiort de Gre-
nade , avant que de fonger à porter la
guerre ou en Italie , ou en France.
. Les fuccès de cette campéigne contre
les Grenadins furent rajMdes , Ferdinand
prend Alahora, Aloïayna & Setenil; le roi
de Grenade demande en vain la paix ; lei
Caflillans étoient en trop beau chemin
pour la lui accorder j les Maures quoique
très-braves , très-patienrs , très-riches , &
plus habiles que leurs ennemis dans les
coup^de main, & les combats à la lancej ne
poavoient réfifter aux Caftitlans ; ces Bar-
bares avoient négligé , ou même ne con-
noiffoient prefque pas l'ufage de l'Anil- -
lerie. Ferûinand qui s'étoir apperçu de
leur foible , en profita habilement. Leurs
places fortifiées à l'antique tomboient
au feul bruit du canon. Le Roi de Caf-
tille feïvi félon fes vceux par Fran-
çois Ramiré Grand-Maître de l'Artine-
rie, l'homme le plus aétif & le plus expë-
nmenté de l'Europe , s*Btt«ndoit k tti/ota-
pfaer biebtèt des Gretrat^ns.
Le Vdttugal-'étp'it agité par le» pKia
mzès troitmes depuis que le Souveraki
de ce RoyaufBâ aveit publie detrès-féve'
Tes ordonnances Boiir foufltaùe le Péupti
de U tyrannie- de I» NQble& , le Duc
de !&ragance s'^toit tié avec les Caftit-
lans , de cette riaiTofi , comme je vîtns de
tedire, lutavcHt cc^ké-la vie. lies Seî^
gneuFs FortHgais qui le TeeardoiciK coi»
rae lear chef & leur défenfeur , après
avxHT lionne- des tsnaes à fon fort tf »gir
qM , longèrent i h vea^r «n ïflkffînant
leRoî, fit en couronnani leDHcde-V^eit
Ibn coufin germain qui étoit frère de la
Reine. L*Evéque d'Ëvora,(*) , k &ere de
cePréiatÔi fix autres Seigneurs des mai-
fens d'Albuquerqùe , d^Atayde , de Cou-
tmho & de Sylveyra, fo»c bFÏUer la Cou-
renne aUK yeuK du jeune Prince , & Ten-
E(gent à être le vengeur de l'infortuné
ragance. Le Roi intlruit parla maîtreflè
de rEvêque d'Evora du détail de cette
conjuration , fe ^rnit d'une cott« de
maille , & doubla fa garde. Toutes ce«
- (<> U <iait delà UiifliB dt Menti».
Civ
5(5 .Hi s ïp I H E
précautions n'aurpien.t pu le garantir d'uQ
. fort tragique , fiw^uîf évehetpfintfingu-
liei*. II. fe trouve pat jpJip fça^s.qusljia-
fard , lui quatrième au.lnilieu d'une, pav-r
lie des confpirateufs àétfixmné^ à Je faire
périr. Son air intrépide ôc-qiajeft'ueaK, fes
manières polies , affables & çarei^ntes
fufpendirent l'animofité des affaffins. Au-
cun d'eus n'ofe tirer le poignard. Cepen-
dant la gardç d^ Roi accourt , &i le tire de
danger. Quelque .teins après Jean appel-
le le Due de V ifeu , & le poignarde de Ci
propjf! main. Va , fcelérat j dJt-ît, en Iç
gerçant , apprendre à Bragance le fuc-
jcès de fes complots. Pour confoler en
quelque forte la mère de ce. jeune Prin-
ce , le Roi Adopte Emmaniiel , frère de ce-
lui qu'on venoit d'immoler > & lui fait
prendre le titre de Duc de Beja à la place
de celui de Vifeu qui lui étoit devenu
. extrêmement odieux. C'eft ce mèvae
Emmanuel qui lui fuccéda. La fphere
dont il fit le corps de fa devife , fenibla
être un préfage de fon élévation , de
fes conquêtes & des découvertes que les
Portugais firent foi|s fon règne. Les au-
tres confpirateurs périfieni lur des échaf-
&utS} oupaflètit aansl«spay<$-étraDgers.
d'Es pagne. jj
Jean d'Albret époufe la Reine de Na-
varre au grand déplaîGr de Ferdinand &
' d'ifabelle qui , tous diifêrens prétextes > ■
s'emparent de plufîeurs places de cç
Kovaume.
Le Pape Innocent VIII. iiomme le
.Car<final de Bor^ Â l'Archevêché de
SévUle , malgré le nouveau concordat
fait entre le prédéceflèur de ce Pontife
& les Caftiluns. Ceux-ci s'y oppofent
avec une fermeté qui oUige le Pape à
retraâer fa nomination.
Ferdinand entre en campagne avec une 1485* j.
armée de 40000 hommes Se de 50000
fionniers. La Reine & sous les Grands
accompagnent dans cette expédition.
Le Roi & la Reine > avant leuF départ «
entreprirent de borner le luxe de la No-
tlefle , Se par conféquentcelui de laNa-
tioo. Il ne me pas beloin de toi fbmptuai-
re. Une parole de Ferdinand opéra la
plus parfaite réforme. Il déclara que c'é-
tMt le défobliger que de paroître avec
deshabitsfomptueux & une foule de va-
lets , aulTitôt cet attirail inutile qui fuit
les armées , difparut : au. refte , ce Roi
' donnoit l'exemple , & rien dans fes vê-
temeos & dans fcn train ne 1« diilinguois:
Cv
jS HlSTOlRB
d'un iïmple Gentilhomme ; cette cam,-
pagne fut une fuite de victoires , i o pla-
ces font cônquifes , parmi lefquelles
iftoîent Ronda & Marbella , les Caftîl-
lans , pour gagner les Peuples con-
quis , les reçoivent fur un fîmple fer-
ïpént au nombre de leurs fujets , fans pa-
ïoître fe défier de leur tnconftance , on
leur permettoit de vivre félon leur Reli-
gion , leurs Lmx , leurs ufages ■ ou de
s'en retourner en Afrique avec leurs
biens , on ne {buftroit pas qu'on leur fît
la moindre injnftice , on leur laiffa leurs
Juges & leurs tribunaux^ on ne négligea
liai pour les accoutumer à une nouvelle
domination. Cette conduite humaine 8c
adroite contribue plus que la force au
fuccès d'une conquête que les Maures
regardèrent long-tems comme impollî-
ble.
■ Boabdil entraîné par fa vengeance 6c
fon ambition dans tous les pièges que hit
tend. le Roi de Caftille , continue de
combattre fon père & fa patrie aidé des
petits fecours que lui foumifibit fon dan-
gereux allié ; nouvelle révolution à Gre-
nade j le vieux Roi Albohacen aveugle >
goûteux , infinne efl déthrôoé par fba
"d'Espagne. j-j
frère Zagal , & mis à mon ; le nouveau
Roi prépare le même fort à ioa neveu
Boabdil ; Almerie ell livrée par un AUa-
qui à Zagal ; Boabdil Cp fauvâ ; fçD frert
$t fes partiTans font mafacrcs ; lie jeune
RoifufpàiSc fuis reâburce fe jet» entre
les bras de Ferdinand.
L'Inquifition eil introduite dans le
Royaume d'Arragon ; c'ell en vain que
les Douveatix Chriétietis fe plaignent au
Grand-JufUcier & au Roi 4'une noi|-
veauté H. contraire a^x privilèges dit
Royaume. Ils égorgent Pierre d'Ârbu^s
Inquifitcur de i^rragoâe aux 'pieds dss
Autels de ta Cathédrale.
Le Comtcde Lemo&fe révolte en G»- 1485.
lice, prend Ponferrada & bat le Comte
de Benavente. Cette éfpece de guerre ci-
vile n'empêche pas Ferdinand de pour-
fuivre fes conquêtes dass le Royaume dp
Grenade ; les Al&quif ailarmés de ces
fuccès oUJeent l'oncle:& tf^neveu à faire
tia traité lecret par lequel iUpartagent .
les débris du thrône chancelant s la capi-
:talc f Malaga , Aiqterie & Veléa échu-
rent à Zagal , & je rede fut le partage de
'Boabdil ti condition qu'ils k prêteroient
iu fècours, Se qna.c4ui des deux qui
'éb HiSTOlH-E
JurVîvFoit à -l'autre , hériteroît fur te -
-champ de tout le Royaume. Zagal , par
-un trait de pcdît-iqiie admirable-, avoic fait
tomber Loja , ville forte qui couvroie
■Grenade > dans U ponion de Ton neveu ,
^fpérânt ,qàe -Ferdinand n'attaquerolc
, point une yUle appartenante à (on aflié >
-^ qu'il fe raaintiendroit à Grenade ^n at-
-tendant qu'il pfit ufurper le refté de' la.
-Monarchie fur &n neveu 3 mais l'faabir-
ie Ferdinand kiflroit du traité fecret
-des deux Princes Mufulmans , fe moque
^âes prières de Boabdit , & ViSlége dans
'lioja avec-yoooo hommes; Boabdil iè
défend vigoureufement , Se demande ea
" vaîn'des «cours k Zagal; celui-ci _efpé-
tant que la mort ou ta prifon de fon neveu
^rerldroitièul maître du Royausne, n'a
garde de te fecourirî Loja fe rend après
■un fiége de p jours r Boabdit-avoif.reç»
deux bleffures dans une fortie ; Ferdr-
hand j fuivant les principes de fa poHtù-
que , accorde au jeune Koî la liberté-ç A-
n'ignoroit pas fon relTentiment contre fon
onde, & fe âaFtoit d'en tirer Us plus
grands avantages. En effet , Boabdil re*
fufa toujours conlhmment de fe réunir
-avec foo oncle , aimam mieux. ïqIiIï
d'EsP AO N E. 6l
couronne de Grenade entre les mamsdet
knplacabies ermetnis de fa Nation , que
■fut U tête d'unpeïfide;. en-conféquen«e
A renverfe les nœu^s de fon alliance avec
Ferdinand , & combat avec plus de fu-
reur que jamais contre ùt patrie : Guadix
& Bazj) Jnflruits de fes nouveUe» intellti-
gences avec les C^illans fe rangent du
parti de fon rival.
Ferdinand pro6te de ht diicorde des
Maures pQur prendre Ylora , «pi'on ap-
pelloit rCEil droit de Grenade , Se Moclin
qiii en étoit futnoniiné le Bouclier : il fe
rend maître aulli de 6 autres pLacescon-
nues autrefois ,& qui ne (ont aujourd'hui
que des Bourgades ; la Reine encore plus
ardente à U conquête de Grenade que fon
époux , étoit l'âme de fes entreprifes
& de fes viéloiresl tantôt on la voyoit à
l'armée exdter les fûldats , tantôt elle
a^fîbit pour procurer aux trotipet ce qui
leur étoit nécèSaire , empmnunt de l'aP-
gont fiir fes pierreries , comblant les
Grands & les Officiers de carefles & d'é-
loges ; eaûn on peut dire que l'expulfioa
ies Maures eftEtutant dâie a Jà ferraeté &
s fon. génie qu-à la valeur de fon époux :
elle aVûlc mt dédder c^ue le Koyauipe
(Î2 .Histoire
conquis feroit uni k la Caftîlte , auilî dans .
toutes les places qu'on emporcoit : on tr-
boroit trois étendards.en cérémonie,; fur
le premier étoit une croix pour fignifi^
que l'on foumettrat: moins aux Koig^gu'à
la Reli^n Chrétienne les Maures vainr
eus ; le fécond repréfentoit S. Jaci^es,
Patron d'£ipafi;ne ; & le troineme enfin ,
étoit l'étendard de la Caflille , qu'on ne
levoit qu'avec ce cri , Castille , Cas-
-TILLE POU» LES Rois FekPINAND ET
Isabelle : on vouloit apprendre à l'Ef-
pagne que les nouvelles conquêtes étoient
affuietties aux Caftillans ; de retour d'une
a glorieufe campagne , les Caftillans vo-
ient en Galice , ie Comte de I^mos pré-
vient leur juûe vengeance en fe jettant
aux pieds du Roi & de la Reine ; il en fut
quitte pour payer les fnûs de la guerre &
pour être ei^e de la Galice. Cette Pro-
vince inondée du fang de tant de fcélé-
lats par les exécutions féveres de d'A-
cunha t n'étoit pas encore tranquille 4 il
feUut faire périr fur les échaffânts une in-
finité de Gentilshommes » & rafer leurs
fortercftês : an moyen de ces ranédes vie*
lens la Province recouvre lecalme & la
-nanquiUicé j D^rec quidéfendlôas peioe
d' E s P A G M B. 6f
ée mort aux Seigneurs , de s'emparer des
dîmes des Egtilès , & d'ufurper les reve-
nus des Monafteres à titre de commande;
^lerinage de Ferdinand & d'Uâbelle i
S. Jacques ; ils font conllruire dans cette
Wle un magnifique Hôpital pour les Pè-
lerin» qui y abondoient de toutes les par-
ues de l'EurM».
Traité de Florence entre le Pape & le
Roi de Naples , conclu par la médiation
de Ferdinand le 12 Août; découverte
du Cap de Boane-Eipérance le long des
Côtes d' A&ique par les Portugais.
Le Maréchal D. Pedre d^Ayala efl 1487.
condamné à perdre la tête pour avoir l^lt
pendre un Notaire ; telle étoit encore i'ar-
rogance des Grands qu'ils ne pouvoienc
k réfbudre 1 plier fous le jodg de l'auto-
rité Royale , malgté tant d'exemples de
rinflextbUité des Rois de CafBIle. Il ob-
ùeni pourtant fa grâce en confidératioB
du Connétable dont S avoit époufé Is
petite-fille ; mais les Habitans d'Ampu-
dia qui Tavcùent mis en état de réfiller i
h Juflice , font puniii la plupart par i»
c&rde & les autres par le foiiet & K ban-
tuHèment. '
Soabdil détenniflé à régner ièul ou i
6^ HiSTOIEÈ
périr , fuivi d'un petit nombre d'Avenciï-
rjers , furprend un Quartier de prenade. ■
Cette brufque tentative , fes promelTes > -
fes malheurs, fonintrépidité-& le fecours '
des Abencerrages lui forment un puïflant
parti. Cependant il fallut combattre yo
)oursdeiuitc,avant que d'en cbaffwZagal -
& avoir recours à Ferdinand qui lui en-
voya des fecours plutôt pour entretenir le
combat , que pour lui procurer la vifloîre.
On ne fçait qui auroit fuccombé fans le
fiége de Vêlez de Malaga> que Ferdinand
entreprit , à la tête de 60000 hommes ;
Zagal, à cette nouvelle , Indéterminé s'iL
combattroit pour la Capitale , ou s'il vo<-
leroit au fecours du boulevard de fes
Etats } prend enfin un parti digne d'un
Héros 6c d*un Citoyen , il envoyé dire i
fonneveu qu'il confentoït de lui céder la-
Couronne } &C de combattre pour la Be-
li^on & la Patrie fOus Tes étendards , à
condition qu'ils défendroieiit cHièmble les
refies de l'Empire de leurs Amétres, Allez. ,
T^ondit ie jeune Prince aux députés de
Ton rival , diiei À mon encCe ijutje nepeitx mi
^er À la Parole d^un traître , je ne veux de
faix t^ de trêve avec lut <^m par ma mort
au lafienru , vtUÀ mon traité ; ZagjU fe dé-
d' E s P A G N E. 6f
termine à laîlTer une partie de fes troupes
dans Grenade , Se marche lui-même à U
tète de 2JOOO hommes pour faire lever
le fiége de Vêlez ; mais le malheur le fuîp
par-tout : il eft vaincu , il ,femble que fes .
infortunes lui euflent ôté le courage , ainS
qu*à fon armée , ni lui , ni les tiens ne fou-
ttennent la réputation de valeur qu'ils c'é-
.toient acquife ; ce fut plutôt une déroute
qu'un conabat ; pour^orqble de défaftre >
les troupes qu'il avoir à Grenade , fe li-
vrent à ton rival , la capitale de fes Etats
lui échappe , te Vêlez fe rend à Ferdi-
nand , comme alliée de Boabdil.Zagal va
cacher fa honte à Almerie. ,
Les vainqueurs afiiégent Malaga , c'é-
toit un coup déciHf que la prife de cette
Ville , la plus conildérabie qui relloit aux
Maures après Grenade , elle éioît l'entre-
pôt où aboutiifoient U& fecours immeti-
fes d'hommes, d'argent ; de vivres & de
munitions que toute l'Afrique Mufulma-
ne envoyoït en Efpagne j fa garnifon
étoit de jyooo hommes, outre un foit
grand nombre d'habitans déterminés à
vaincre ou à périr ; Ferdinand & la Reine^
avoient une armée de 70000 hommes>
f^ns compter uae Botté con>por(;e de
66 H 1 s T o I a-E
Va'ifleaux CaÂUtans & Flamanâs qu'iU
avoient obtenus de l'Archiduc Maxim)'
lien pour intercepwF les fecour» d'A-
friâue.
' rendant ce ûége , Soabdil confirme «a
ïraité fecret fait avec le Roi fon allié , par
lequel il promettoît aux CaSillans de
leur livrer après la^prile de Loja , ce qu'H
ÇoffédoJt da RoyawB* de ft^nade ,
moyennant yn appanaM , quand ils atr-
roien» enlevé à Ion oncle Aknerie , Beea
& Guadix les feules places qui lur ref-
toient. Auffi-tôt FerdinMdfignifie à ces
^^Ues qu'elles eulïènt à reconntritrp dans
dix' mois Boabdil , linon qu'U s'en eta-'
pareroit pQur la Caiïitte.
Le Prince Maure , par ce traité , Ctwnp^
•toit faire un coup de maître , it efp^rcùt
que ces places très-fwtes & défendues
Ïiar fon oncle , qm tâcherôit de les coa-
êrver comme fa dernière reflburce, ne
fcroientpas fi-tôt emportées, que pen-
dant ce tems-là il trouvermt le moyen
de réunir tous les Maures fous fon einpi<
re , & d'obtenir de puiffafts fecours d'A-
'frique, pour éluder ce traité , maïs il fut
la dupe de là politique: il étmt décidé
-par U Providence que la dooùnatioo des.
d' E s P A G N E. C'y
Mafaométans fêroit éteinte en Efpagne ,
^n'il en fereît le dernier Roi.
Cependant l'attentat d'un Maure h'
ftatique penFa renverfer tous les- projeta
des Caftillans. Cet bomme quipalToit
Kiur un Saint dans fa Reli^oH , rort de
at^a , fe rend au camp , fie démande
fous quelque prétexte d'être préfemé au
Roi de Caftilfe ; ce Prince , heureufe»
ment pour lui faifoit la Sicfte , on intro»
duit le Maure dan* ta tente de la Boba-
dilla , favorite de la Reine : cette Damft
jouoit avec Alvare de Portugal , Marquis
de {*) Moya. Le Mufulman trompé par
la richetTe des habits , prit Alvare pour
le Roi , & la BobadîUa pour la Reine ;
dans cette perfuafion il tire brufqaement
fon fabrê & en frappe le Marquis ; ce Sei-
jneor efmjîve le coup , ic raflaflln eft poi*
enardé mr le champ; Mataga , après une
lorgne réfiftance le rend à difçrétion le
l8 Août î tous lesHabitans & les Etran-
gers font faits (fr) efclaves ; Ferdinand
(4)11 jtohften de ce Duc it'Rnpait quiavoitétj
(() Le nombre dei ETclivei écok (i grand , ^e Fer-
diainil en envoya ui Pape , 4U Roi de Niplei > tt 1
ttlttt de PoitupU
n
I ST O I R B
taxa la rançon de chacun d'eux à 36 àw
cats , 6c celle de tous tes Jui£s à 26000 ,
ce qui lui produifit une fomme «ohfidé-
rabfe ; c'étoient des fonds pour pourfui-
vre fes conquêtes ; on remarque qu'il y
avoit dans fon armée près de 8000 Che-
valiers ; Malaga fi fameuf^ par fon corn-
mecce & l'excellence de,fes vins , avoit
été 760 ans fous la puiffance des Maures :
on y rétablit le fîége Epifcopal.
Les Juife & les Chrétiens Apoftats
pourfuivis par l'Inquifition , paiïent en
foule en Afrique & en Portugal , le Roi
Jean en fait aulH brûler plufîeurs , mais
rappelle aux fentimens d'humanité par les
cris de ces malheureux , il leur fournit
des vailfeaux pour palTer en Orient,
8.. Les Rois de Caftille permettait au
Seigneur d'Albret , partifan des Ducs
d'Orléans & de Bretagne > ligués contre
Charles VIIL Roi de France pendant fa
minorité , de lever des troupes dans leurs
Etats ; mais elles périrent à la bataille de
S. Aubin qui fut perdue par le Duc d'Or-
léans I depuis Louis XIL D. Michel
Jean Gralla qui les commandoit eut le
même fort que le Duc d'Orléans , & fut
pris^ cette campagne efl moins gloheufe
d'E s P A û NE. 6<)
à Ferdinand que les précédentes; U ne
peut prendre que Vera , tandis que Zagal
qui , ainfî que les Généraux Maures , ex-
celloit dans une guerre de rufes, de ftra-"
tagêmes , dp lurprifes & d'rfcarmou-
ches , remporte différçns ava;itages fur
les Cafiniaos , mais il ne iaifoit: que recu-
ler fa mine ; lestffbrts qu'il étoic obligé
de fàre contre fon neveu , partageoienc
trop fes modiques forces , il falloit fuc-
comber.
Traité d'alliance des Caflitlans avec
Maximilien , Roi des Romains , contre
Charles VIII ; Maxîmilien fait prifonnieç
en Flandres par fes Sujets rebelles , &
leUcbé , demande en mariage Ifabelle
pour lui , & Jeanne pour fon fils Philip-
Îe ; cette dernière allianc* eut lieu , mais
fabelle étoit promife à l'Infant de Portu-
galjle Duché de Plazentia extorqué par
la MaiTon de Zuniga à Ilenri IV. eft réu-
ni à la Couronne ; l'aîné de la Maifon de
Zuniga fut décoré du titre de Duc 4*
Bejar. _
IiCS Caflillans font de nouveaux eiïbr^ ï-^S^i
pour accélérer la conquête des Villes ref- "
tées (t Zagal ; liége de Baca, il dura fept
ooisj Ferdinana fut plus d'une fois far
fa
70 Histoire. I
le point d'abandonner une entreprîfe qui j
lui coûta 20000 hommes ; mais l'jotrë- 1
pide Ifabelle ranima fbn époux , Se pour j
:aire voir qu'on avoir defTeîn de continuer
le fiéce , elle fit conflruîre des tnaifons
.dans Te carop ; les Grenadins crient en
vain contre Boabdil qui triomphe des
malheurs de fon pncle , coname s'ils n'euf- '
feni pas entraîné fa chittCi.Zng»l indigné
contre un neveu qui refufe d écouler £ès
véritables intérêts , prend un parii défeC-
^ré pour rendre fon neveu viâime d'une ■
guerre dont il étoit l'auteur : il vend Al-
.merie , Guadïx & les débris de fon ttrô^e
A T'erdinand pour loooo ducats de ren-
,te , & combat contre Boabdil fous les
étendards des CaHillans ; après avoir fait
voir quelque tems à l'A/rique & à l'Efca- •
cne qu'on devoit attribuer Can abdication
.a la vengeance , & non pas à la lâcheté ;
il demande à Ferdinand la liberté de paf-
fer en Afrique. On héfitaiî on lui accor-
deroit cptie perroiffion ; maïs Gonfalve
de Cordoue , & le fameux Ximénes , Cor-
delier , Confeffeur de la Reine , & fon
Oracle , Jnfiftent fortement & avec rai-
fon , pour qu'on fafie.un.pont d'or i un
Pfipce i^errier , inçiuiet , habile & to(j-
d'E sp a g n e. 71
jours prêï à fe mettre à la tête des vain-
cus , en cas Ac révolte. Zi^l paiTa donc
en Âfinque svec 4000 Maures , les plus
nobles & les plus braves de la Nation ,
ptefque totis Chevaliers. Le Roi de Fez
Kfaifkde fa.piérronQe', & lui fît fon pro-
cès. On le déclara auteur des guerres ci- -
viles de Gvesade , -& de la mme de ce^
Emptfe. On ie condamna à perdre la vue
& à être Téleginé à Vêtez de la Goisera >
oi il £axXe jouet & l'opprobre desBarba-
Tes , traînant une vie mifërable. On écri-
vit fur fesbabÎGsengroe caraâeres: P^oîci
h-dipiûrable Sfi 4ti Aitutrt» £ AnÀ^imjit,
Tel fût k fort d'un Frvtce. qui mérita ub
jereil traitement par fes cruautés & lès
Bcaboïl , vifliffie de fa fauffe politique , 14^0;
eftfomnaéjpar Ferdinand de lui remettre
Gtenade_dans ,3e jours, ccaforipément à
fcurtrajté;iecrtt-i ce iflalheureux Prince
Étcù.alorsj^ffiégé' dans fbn pj^aisipar les
MaUtes qui .lui imputweni . avec- nîiifon
les ^tmtUieuxs '.de 2^aeal , -^/ia ;cb&te d«
IXinpire ; )îl fépon^aùit députés Caflil-
lans que c'étôtt s'iespA^er à un re^cer*
nin.&.peiit-êttfià la tBort„que^e!pK)-
pofèr aux Qcenadtaftfli&.iareU jcb^oger
73 H I g T O I R'-E ■
ment de domination. Il n'ignaroit - par ^
que Ferdinand avoit déjà foUiciré fesSu-- ;
jets à l'abandonner, en leur offrant les
mêmes avantages qu'on avOit accordés à
tous les Maures qui s'étoient rendus fans
renflante , & qui Tous le beau nom d'al-
' liés étoien; réellement fujets ; Ferdinand
réitère fes forftmations , offi-Mît à Boabdil
de plus grands ^{nnages ', lie parlant
poiht de lui ôter le' titre de Roi , & fe
contentant de quelques forts dans la Ville
pour y mettre garnifon. Le Prince j pour
toute réponfe ,dcmande'lâ paît, onant
de payer les mêmes tributs, qiie fes pré-
déceflears ; peiidàBt Cette efpece de aé-
gociatiôn , les Maures; fe voyant' fur 1«- ..,
bord du précipice , font un dern^ effort ;
un rayon d'elpoir ptfle au fend du coeur ;
de Boabdil , il levé le mafqiw & fe décla-
re ennemi -des Chrétienj.-le deflèinde pé-
tir Roi ^toit le feul parti glorieux qu'il
pouvait prendre; plein décourage &
d'efpéràade , il fort brufqaeineat da-^îrc-
nade avec une armée de 30000 iiommes ^
prend quelques "forts , fait foulcver les
montagnes des AlpuKarras; déjà tes Mau-
res de Guadix , d Almerie & des autres
Villes nouvellçiHaat fouo^s, Ibngeoienf
4 i
d'Espagne. 7j
iïecouer le joug , 'û écoit à craindre que
le Royaume entier ne fe jettât entre les
bras de Boabdilo lorfque Ferdinand ac-
courut pour arrêter ce torrent. Au fond
il étoit charmé que Boabdileût rompa
avec lui, a£n de juflifier aux yeux de VA.-
&ique 8c del'Europe le Gége de Grenade ,
ic les maux dont il atloit accabler un Al-
lié qui lui avoir fourni l'occafioa de con-
Suérii tant de Villes , & de gagner taat
e batailles ; Ferdinand auflî fupérieur à
fon ennemi en courage qu'en puiffance &
en polinque paroit dans la plame de Gre>
nade , la lavage , remporte de nouvelles
vidoires ^ '& remet les Maures fous le
joug ; tandis que le Marquis de Villena ,
un des Généraux , réduit Guadîx & les
autres Villes rebelles. Ferdinand va triom-
pher à Cordoue où il arme fon fils Jean
Chevalier, & où il conclut le mariage de
Vln&ntelfabetle avec Alfonfe , Prince de
Portugal; la Reine termina cette alliance
avec Âlfbnfe préfërablement avec d'au-
nés Rois , par l'anùtié qu'elle eut tou-
jours pour la Maifon de Portugal dont
étoit la Reine là mère ; cette cérémonie
fut accompagnée de tous les divertifle-
mens que la Chev^erie avoit inventés tels
Ttm III. D
Hl STO I K E
" que les tournois , les joutes , les combats
- à la barrière & à la bague ; Ferdinand re-
fufe dans le même-tems de prendre fous
fa protedion la République de Gênes ,
laflée du joug des Ducs de Milan ; fon
unique butétoit de terminer l'entreprife
qu'il avoit fi glorieufement commencée.
Le fiégc de Grenade eft réfolu j Fer-
■'^-^ ' dinand s'avance devant la Ville avec
40000 hommes de pied& lOOOO hom- "
mes de cavalerie , prefque tous Cheva-
liers ; il lui reftoit autant de troupes à
oppofêr en cas de befoin aux François
de qui il craignoit une invafian à caufe
de les alliances avec la Maifdn d'Autri-
che & d'Angleterre.
L'armée ravage la plaine de Grenade ,"
& campe le j" Avril à deux lieues de cette
Ville. Le Marquis de Villena s'empare
des défilés des Alpuxarras d'où on fai-
foit paifer des vivres & des munitions
dans la Place , & où il y avoit une armée
de ^0000 Maures ; Ferdinand environ-
ne Ion camp de murs & d'ouvrages qui
forment une efpece de ville , le fiége né
fe &it point dans les formes ordinaires ,
potfit oe lignes , point de tranchée , point
0'artiUçriç j tout ie foin de Fçr^aijd
D'E s P A G N E. 77
étoit d'affiimer cette Pl|ace , &^de vain-
cre en détail la garnifon qui failoit de fré-
quentes fbrties; l'efpace entre la Ville
&le camp étoit un champ de bataille oà
on en venoit tous hs jours aux mains
avec diffirens fuccès : les Chevaliers de
part & d'autre faifoient des prodiges de
valeur ; il n'y avoit pas d'autre moyen
de fe rendre maître a'une Ville qui ren-
fermoit 70000 maifons, & le double de
fesCîtc^eiis (<) ordinaires, parce que
les Maures qui n'avoient pas voulu rece-
voir le joug Caftillan , s'écoient repliés
dans Grenade & aux egvirons j a'ail-
leurs , les murs de cette Ville extraordî-
oairement hauts & forts i^toient défen-
dus par plus de 1000 tours & par 2 for-
tereffes appellées l'Alhambra (è) & l'Al-
baycin; enfin, c'étoit fans contredit la
Vule la plus peuplée , la plus riche & la
plus belle de toute l'Efpagne , . fituée
dans une plame de ij" lieues, couverte
de fources & de ruilTeaux qui la fertili-
foient&la rendoientle lieu le plus frais,
(ri) Quel dcroît être le nombre de» HabitlD) , puîft
qu'en t3to il j avoit zoooao Cicoycni,
0) L'AUiambra. Tervoït «a même tems de paUii lui
wî Mauit! , & c'étoit Tan» contredit le plut bel édU
e & le plv> ibrtifié de l'Europe.
Dij
76 Histoire
le plus fain , le plus délicieux & le plus
abondant de toute TEfpagne; aum les
Maures fa vantoient-ik que le Paradis
^toit placé fur leur Zenith.
fioabdil & les Maures qui s'atten-
doieni à être attaqués dans tes règles or-
dinaires , perdent courage en coniidé-
rant le Hegme politique d'uns Nation
qui compte pour rien la longueur du
tems , les travaux & la dépenfe , pourvu
qu'elle ruine fes ennemis peu à peu , &
les fafle enfin périr ; ils tâchent d'attirer
les afiiégeans ^ une bataille déciflve ,
comme leur dernière reffource. Mais ils
avoient afiàire au Prince le plus fa^ de
fbn tems , il n'étoit pas d'humeur a rif^
3uer en un feul jour le fruit de 10 ans
e fuccès. La Reine iè rend au camp
avec Ces enfàns par le confeil fecret de
Gonfalve de Cordoue & de Ximenés ,
qui craignoient que Ferdinand ne diâât
tellement les articles de la capitulation ,
que Grenade fè fournît à l'Arragon plu"-
tôt qu'à la Caftille; !a préfence d'iCa*
belle contint en effet fon avide époux *
mais elle manqua d'être fatale à Vxmés ;
le feu prit pendant la nuit à la tente de
f;»^ FFincelTe^ Sf, fç commuoiqua û loiq
d'Espagne. - 77
que le camp parut entièrement einbra££ ; '
uRûi fortit en chemife , l'épée à la mab t
craignant une furprife des ennemis : le
Duc de Cadix rendit un fervice impor-
tant , en rangeant une partie des troupet
en bataille pour tenir en rdpeâ les MaU'
res qui n'oferent profiter de cet accidents
mais pour le garantir de nonveanx mal-
heurs , & pour faire en même tems en-
tendre aux Maures que rien n'étoJt ca>
{lable de rebuter les Caftillans , on conf^
truilît dans le caiop , par le confeil de U
Reine, une quantité de maifont à l'é"
preuve du feu. On bâtit uik ViHe pour
en prendre une autre , cet ouvrage itn-
menfe fut commencé & achevé en moin»
de foixante jours, tant on y travailla avec
ardeur : cette Ville fubime encore au-
jourd'hui fous le nomdeSantaFtjkt^â'
ne ne voulut fias permettre qu'on l'ap'-
pelUt Ifabdle ; moàument immortel de
la confiance , de la reti^oti & de XVi*-
loï&ne d£ cette Princefle.
L'impcflîbilJté de fe foutenif encore
long-tems , la famine qui fe faifoït fentir,
la v&e des malheurs auxquels on alloît
être expofé , détMmifïereïit les Maure*
i folUciter une veve. Ils en obtietineoe
Diij
78 Histoire
une de 60 jours , le fi^ge avoit déjà duré
6 mois ; fioabdil s'attendoit à quelque
lieureufe occafîon , pendant ce tems-là ,
de.vaîncre ou de mourir r mais enfin les
maux au£;mentereni , l'efpérance s'étei-
gnit , il fallut fubir un joug déteflé ; la
capitulation eft fignée à Santa Fè le 25"
Novembre ; il y eut deux traités , uii
pour le Roi,. & l'autre pour la Nation
vaincue ; on convint que Grenade ou-
vriroit fes portes le 6 Janvier , & qu'en
attendant on Uvreroit aux Cafïillans
400 ôtaees des principales familles ; k
ces conditions on promettoit à Boabdil
un appanage de yoooo ducats de rente ,
^0000 pièces d'or j lorfqu'U rendroit fes
îonereiTes , ta perraiOion de paffer en
Afrique, ou de refter en Efpagne avec
fes biens & fa Camille ; les articles accor-
dés auxMaurea , au nombre de yo , ne
pouvoientj.ltre .plus étendus & plus fa-
vorables , on leur laiflbit le libre exer-
cice de leur Religion , la polTeflion de
leurs biens , leurs loix , leurs Magiftrats ,
leurs habits , leurs coutumes ; on per-
mettoif à ceux qui nc-voudroïent pas tef-
ter en Efpagne , de vendre leurs biens ,
6c de paffer en Afrique; on relâcboie
d'Es pagne. 79
tous les efciaves Maures fans rançon ; on
ne pouvoit leur faire porter une marque
dHlinélive fur leurs habits, comme aux
Juife. On leur laiffoit leurs armes , excep-
té l'artillerie ; on ne pouvoit exiger d'eux
plus d'impôts qu'ils n'en payoient à leurs
Souverains ; on accordoit des Juges mî-
partis dans les procès qui s'élevcroient en-
tr'eux & les Chrétiens ; les Juifs de Gre-
nade & les Renégats Chrétiens étoîent
auSl compris dans la capitulation : ces
traités furent fîgnés par les Rois y le
Prince > les Prélats , les Grands-Maîtres
des Ordres Militaires , les Grands & les
Officiers de la Couronne.
On dit que Boabdil, aulH-tôt après
h fiçnature de la capitulation , s'en re-
pentit , & ne put foutenir l'idée de def-
cendre du Thrône , fans entrer en fu-
reur. Les gens de guerre pafoiiToieat ré-
folus de périr plutôt que de devenir fu-
jets des Chrétiens ; les Habitans cou-
roient en foule aux tombeaux de leurs
ancêtres , rempliflbient les Mofquées ,
Se imploroient avec des cris lamentables
le fecours de Dieu & de Mahomet ; i
cette nouTelle Ferdinand écrit k Boab-
dil une lettre polie , &c en méme-tems
D iv
£o .Histoire
menaçante , lui protellant que s'il s'écar-
toii eo rien de la capituiation , il pafe-
Toit au fil de l'épée les otages {a) , Bc
feroit périr par le fer, le feu & la &ffiîae
tous les Citoyens de Grenade ; cène
bttre fit effet fur le Prince , mais un Al-
faqui fanatique fe met à courir dans bs
jrues pour faire rompre le traité , criant.
Citoyens , vous êtes trahis , BoABDiL & ttf
Grands font Chrétiens dans U cœur , ar- ■
met,-v«Ks de courait & ^efpéranee , Dieu
& Mahoma vous fauveront par mon bras i
iprgeens les traîtres ; 20000 bomnies le
iuivent & reraplilTent Grenade de trou-
ble & d'ef&oi ; Boabdil eut befoin de
toute fon éloquence pour ramener le cal-
me ; il harangua les larmes aux yeux,
'& prouva d'une manière convainquante
que le feul pa^ti qu'on eut. à prendre^
etoit de fè conformer i la capitulation ;
mais en même-tems, dans la crainte d'ê-
tre la viélime'de la douleur ou du défef-
fioir de fes Sujets , il fe hâta de livrer tous
es forts , & palTa dans le camp des vain-
queurs ; Ferdinand ne lui permit pas de
aefcendre de cheval , il le traita pour la
dernière fois en Souverain j &rembrafia j
<a)llf(voiiiiint>i ces ông;* un filt <t«8<»b<lit>
d'E SP A GH E. 8 l
pendant cette entrevue , les CaltiUans
«boroient l'étendard de la Croht & ce-
lui de CaftiUc fur les citadelles de Gre-
' sade ; Boabd^ rentra dam fa capitale
conune fimple Particulier d*où il étoit
Ibrti en Koî : on die qu'il demanda inf^
ftatoment à Ferdinand que perfonne ne
paffât jamais par la porte de l'Albaycin
par oh il étoit forti pour la dernière rois :
demande bizarre que tes CaAillans n'eu-
rent pas de peine a lui accorder.
La Reine dépofe le Préfident & tous
les Confeilters de la Chancellerie de Val-
ladolid pour avoir fouflfèrt un appel au
Pape dans une matière civile.
Le Prince de Portugal Alfonfe eft tué
d'une chute de cheval à l'âge de 16 ans ;
le Roi fon père demeura inconftalable
tâute fa vie d'une perte d'autant plus'
«aftde i que c'étcrit fon fils unique ; la
Prirteeffe Ifabelle , après avoir à peiné
été unie avec lui p mob, revint en Caf-
tille.
Le Koî & la Reine entrent dans Grena- 1^$2,
de, fuivisde la cour& de l'armée , aucun'
Maure n'ofa foutenir leurs regards pai?
un ancien fentiment de haine & de tef-
reitfjBoabdil étoit parti pour les Alpa--
xarras j après, avoir baife la main à fes^
82 Hl s T O IRE
nouveaux maîtres ; on dît qu'en fe reù-.
rant avec toute fa famille , il s'arrêta fur
un coteau pour confidérer encore une
fois cette Ville fuperbe dont la vue lui
arracha des torrens de larmes, ô5«^»<»r^-
s'ëcrioit-il de teins en lems , à Die» dti
Batailles. Tu as raifort , lui répondit fil
mère , Ae pleurer en femmr la perte d'une '■
Couronne que tu n'as fpt défendit en hom~
tnt & en Roi. Ennuyé , comme fon oncle,
de vivre Particulier dans un pays où ii-
s'étoit vu Roi , il ne reda que 4 ans en
Efpagne , il vendit à Ferdinand fon ap-
panage 800000 ducats, & paflâiFez,
où brave à contre-tems il fe fit tuer dans,
une bataille pour les intérêts d'un Prince
Maure qui vouloit détlirôner Le R<û de
Maroc.
Les vainqueurs retient quelque tems
à Grenade pour accoutumer les vaincus,
à leur nouvelle domination ; Grenade cR
érigée en Archevêché en faveur de Fer-
dinand de Talavera Evêque d'Avila, &
auparavant ConfeQeur de la Reine ; oit
y établit une ChanceUerie , &: enfuite
une Univeifité ; on y lailTa Ximeoes pour
convertir les Maures ; enfin on ne négUr -
gea rien pour y affermir l'Ëmpice Ca^
tiUan.
d'E s P A G N E. 83
Ce fut ainii qu'en moins de lO ans fut
conquis un Royaume de 70 Ueues de
largeur fur 30 de longueur , qui contc-
noit 32 grandes Villes ^7 moins conlî-
dérables , & plus de 2000 Bourgs ou
Villages. C'étoit , relativement a fon
étendue , le pays le plus fenîle> le plus
riche & le plus peuplé de l'Europe. On y
comptoit trois millions d'Habltans , les
Souverains en tlroJent chaque année fept
cent mille ducats , fomme prodigieufe
pour un tems où l'or & l'argent étoient
très-rares. Ce. qui contribuoit à rendre
lesHabiians de. Grenade fi riches, c'étoit
le commerce & l'agriculture qui fai-
foient la principale occupation d'un Feu-
pie adroit , laborieux , poU , galant Se
plein de valeur.
I.es Montagnes des Alpuxarras (ont
encore aujourd'hui peuplées des defcen-
dans des Maures, triftes refles d'un Em-
f)ire florilTant ; quoiqu'ils ayent embraffé
a Religion Chrétienne , ils ont confer-
vé les ufages de leurs ancêtres , leurs
loix , leurs habits & leur langue particu-
lière qu'ils ont mêlée avec le Caflillan ,
& dont ils ont formé un jargon bizarre;
le Royaume parriculier de Grenade avoic
D vj
§4 H I s TOI R E
fubfîfté depuis 1 2 f 6 que Mahomet Aben-
Alhamar te fonda jufqu'en 14^2 que.
Boabdil , le dernier Roi de fa race le ren-
dît aux Caftillans : toute cette fertile con-
trée avoît été en tout 760. ans fous U.
puifTance des Mabométans;
Tonte l'Europe , & l'Italie fur-tout;,
célèbre avec traniport l'expulfion des;
Maures & le triomphe de la Religion-
Chrétienne , mais ce n'étoit qu'un foibie.
dédommagement des pertes anciennes Sc
Douvelles que les Chrétiens avoient fai-
tes ; l'Alooran dorainoit dans toute l'A-
fie , l'Afrique , la Grèce , Hc menaçoir
l'Italie. Cette Région fi famcufe par la
floire &c les conquêtes des Romains étoic;
le théâtre des guerres les plus crueJles ,.
des intrigues & des délions; elle pré-
fentpit une proye aifée àiaifir, les Pàpes;
& les Empereurs d'Allemagne s'en dif'
Ïmtoient la conquête; le Roi dcNaplês^
e Duc de Milan , IcsRépubliques de Ve--
nife, deFlorence& de Gênes avec d'au-
tres petits Souverains fe foutenoient , em
s' appuyant tantôt del'autorité des Papes,
untotâe celle des Empereurs; maigre le^
malheurs- publics & lesguerres, le com-
merce» lesartSjlesiettres & les fcienccK
d'Espagn e. Bf
fleuriiToient avec éclat ,. & commen>-
coienc à fe répandre dans toutes les par-
ties de l'Europe ; ces tréfors précieux
échappés des ruines de Condantinople
& de la Grèce dévoient porter dans tous
nos climats l'humanité , la politeÛe , les-
lumières , & de nouvelles mœurs.
La France gouvernée par Charles VÏIT..
& réunie toute entière fous fon Empire ,
étoit plus puilTante que jamais ; la Bour-
gogne , la Bretagae , la Normandie , ces
vaftes Provinces arrachées aux foibles.
enfâns de Charlemagne , & poflédées en
Qualité de fiefs de la Couronne pendant
fis fiécles par des Souverains auffi puif-
fans que le,s Rois de France , ne recory-
noitToient plus qu'une autorité chère &.
léâtime ; les Anglois & les htfs avoieitt
difparus ; la France jettoit les yeux fut
l'Italie , & lui devenojt plus formidable,
que les Turcs & les Empereurs d'Aller
maene.
Il s'en falloh: bien que l'Empire jouît-
du même bonheur ; c'étoit comme au-
jourd'hui une République dé'Souverains
& de Villes libres plus occupés de que-
Telles & de guerres imeflines que de ooii"
quétes; iliavoil pour chefs rEmpereuri
8 6 H I s T O I RE
Frédéric III. & Maxîmilien , Roi des
Romains; depuis i-i'5y qu'Albert axoit
mis la Couronne Impériale dans la Mai-
fon d'Autriche , cette famille heureufe
s'étoit agrandie par fes mariages & non
par fes conquêtes; Maxîmilien, en fc
mariant avec l'héritière de Bourgogne ,
avoit époufé fa haine contre les Fran-
çois , & fa famille fi inférieure en édat 3c
en antiquité à celte de France, comment
çoit à en Être la rivale.
L'Angleterre, fous le pouvoir C^) d'un
Roi heureux, fage &c modéré , refpîroit
enfin après les violentes fecoufles qui l'a-
voient ébranlée pendant les divifions fan-
glantes des Maiions d'Yorck & de Lert-
caftre. La Hongrie & la Pologne défen-
dbient à peine leur liberté contre la puif-
fance formidable des Turcs.
Les Royaumes du Nord étment enco-
re barbares ; tel étoit l'état de FEurope
à la prife de Grenade : aucun Prince ne
paroilToit craindre la .puiffance de l'Ef-
pagne ; c'étoit cependant la plus formi-
dable qu'il y eût alors danï le Mondfr
Chrétien.
Edit du 50 Mars à Grenade, qui obli-
{* Htari VII.
d'Espagne. 87
ge tous les Juifs À fe convenir dans Tix
mois ou à fortir d'Efpagne : depuis long-
tems cette expulfion avoit été agitée
dans les Confeui , & tes Miniflres les plus
fages s'y étoient toujours oppofés vigbu-
reufement , en confidération des avanta-
f:s iramenfes que l'Etat retiroit d'u»
euple nombreux j puifTant , tnduflrieux
Se négociant ; mais enfin , te fêntiment
de laReine prévalut, cette Princeffe crut
pouvoir fuivre , fans conféquence , un
exemple que la France lui avoit donné
plufieurs fiécles auparavant : fon defir le
plus vif étoit de ne commander qu'à des
Chrétiens , d'ailleurs , elle ne pouvoit
voir , fans gémir , le fane des plus grands
Seigneurs fouillé par des alliances fré-
Juentes avec les plus opulentes familles
uives : jamais Princefle ne fut plus ja-
loufe ou Ifabelle de rendre à la Nobléfle
fon éclat & fa pureté j la Nation prof-
crite offre des fommes immenfes , & s'o-
blige i des tributs incroyables pour faire
révoquer PEdit ; la Reine eft inexora-
ble , & il fallut fe foumettre.
Environ cent mille fanûlles fe conver-
tiflênc , ou feignent de fe convertir. Plus-
e £00000 Juifs fe retirent en Portugal»
Histoire
en A&ique & dans l 'Orient oii ilspor*
terent la haine du nom Efpagnol. On
Eermettok à ces malheureux de vendre
:urs biens , mais k condition qu'ils n'em"
porteroient ni or , ni argent , ni pierre-
lîes } mais feulement des marchan(hfes>
Cela ne les empêcha pas de-faire fortir
des fommes prodigieufes. Quant aux fa-
milles qui embrafferent le Chriftianifme ^
L'expérience a fait voir que leur converlîoft
n'étoit qu'extérieure. Elles ont prefque
toutes cpnfervé leur ancienne Beli^n ,
& il n'y a aucune d'elles qui ne retourne
au Judaïfme , quand elle le peut faire
fans danger. La plupart ont fourni à l'In-
quifîtion un nombre infîni de viélimes.
Edit daté de Cordoue , qui permet
aux Gentilshommes, faute d'autres- ti-
tres , de prouver leur noblefle par la
preuve teuimoniale^ La Cour pafle à
Barcelone. Le Roi y eft 6-appé & bleffé
d'un coup de poignard («) par un fou.
qui s'étoit mis dans la tête queFerdînaridî
lui retenoit fa Couronne , Se qu'après la-,
mort de ce Prince , il feroit reconnu in-
(d) Le ftofforroit dii Piliit pour a1I«r nndrc lui-
«me U iuftice, fliirant le looable ufige i;ui n'étoit-
jateoccat aboli ; il ciut d'abord ^uliD couf. ù bu*-
dk JOUI. f«fti. d'une a>alfUi6oii.-
d' E s P A G N E. Sp
conteflablement pour Roi de Caftiile.
Cet homme, malgré fa folie > fut puni
du fupplîce des parricides. La blefla-
le de F'erdinand étoit confîdérable >
fans un collier d'or qu'il portoit fuivant
Tufage, & qui rompit la violence du
coup , il auroit été tué infailliblement.
Il fut en danger pendant 12 jours. Le
Prioce vouloit qu'on fît grâce i VAi~
ûflin.
Exaltaûon du Cardinal Bor^a an
Pontificat. Ce nouveau Pape , qui fc
rendit fi odieux fous le nom d'Alexan-
dre VI. ëtoit fujet de Ferdinand.
£dit du Roi de Portugal, qui oblige
tous les vagabonds , gens fans aveu , 6c
Mendians de fortir de fes Etats , ou de
travailler. Ce Prince fait de vains effona
auprès du Pape pour légitimer D. Geor-
ge fon fils naturel ( *) qu'il vouloit dé-
clarer foti fucceffcur. Emmaniiet , Duc
de Beja , & le Roide CafUlle traverfe-
rent fortement ce projet à la Cour de
Rome.
(t) n l'avoit Ml d'une Dam« de IHUodre Mtifi]«;
Découverte de V Amérique.
La découverte du nouveau Monde
qui a changé le fiftême politique de l'Eu-
rope , qui a déchaîné l'envie de toutes
les Nations contre l'Efpagne , & qui
pourtant eft une des principales caulès
de la dépopulation de ce Royaume , &
par conlequent de fa l'oiblelfe , naérite
que nous nous arrêtions fur cet événe-
ment 1 le plus intéreflant qu'on Ufe dans
les faites du genre humain.
On croit que les Anciens avoienc une
connoiflance confufe , oti plutôt une lé-
gère idée du nouveau Monde ; Platon ,
Ariftote , Théophrafte , Séneque , faint
Grégoire le Grand en parlent fous le
nom de l'Ifle Atlantique. On a écrit
qu'un vaiffeau Carthaginois poné par la
tempête dans ces valîes régions , étant
de retour à Carthage , excita Padmira-
tion & la convràtife de chaque Citoyen ,
lorfqu'il rendit compte de la beauté du
climat , de la fertilité du terroir & de la
prodi^eufe quantité d'or & d'argent ,
d'éraeraudes ,& de perles qu'il y avoit
vue ; l'Auteur qui rapporte cet évene-
d' E s P A G N E. pi
ment , ajoute que le Sénat Carthagi-
nois , craignant que lur ce récit il ne prit
envie aux Citoyens de fe tranfpianter
dans ces régions , fit périr les gens du
vaiflèau , & enfevelit dans un éternel ou-
bli une découverte qui eût pu rendre
Carthage déferte , & anéantir fon Empi-
re dans l'ancien Continent.
Quoiqu'il en foit de ce fait qu'on peut
légitimement révoquer en doute, quand
les Carthaginois ou d'autres Peuples ver-
fés dans ta connniffance delà Marine,
euflent voulu former un commerce > &
établir des Colonies dans le nouveau
Monde , l'auroient-ils p& dans un tems
où le défaut de ta boulTote ne pernaettoit
lanavigaâon que le long des Côtes.
La BoufToIe étoît en ufage depuis
loog-tems , fans qu'aucun Navigateur
e&t ofé vérifier par luï-mme, fi l'opi-
nion- des Anciens fur l'exïflence de l'Ifle
Atlanûque étoit fondée : l'Europe en-
core plongée dans la barbarie & les ténè-
bres , s'imaginoit que ce nouveau Monde
étoh une chimère ; les Philofophes & les
Sçavans, (s'il y en avoit alors qui mé-
ritaflent ce nom)-, croyoiem d'après
*'iint Auguitin.,, quelques autres Fcret
^2 Histoire
de l'Eglife& piufîeurs Papes, que l'opî- ':
nion des Antipodes éioit également ior- ^
fenfée & dangereufe.
Quels obftades n'eut donc pas i vain-
cre Chriftophe Colomb , deftiné pat la
Frov'iddnce à la découverte du nouveau
Monde ! On traita plus d'une fois de fot
ce grand homme à qui, félon Charles V.
on devoir ériger des ftatues d'or.
Colomb joignoit aux connoïllànces
profondes de la Cofmographie , de l'A-t-
troQomie , de la Géométne & de k Na-
vigation , l'expérience , le courage , ta
fermeté , la patience , le défintéreffe-
tnent , la grandeur d'aœe ., l'afCemblage
enfin des qualités &.des t»tens qui an'-
noncent les grands hommes. Après avtw
iong-ienis médité furl'o|iinion des An-
ciens, ôcralTemblé tous les indkes qat
pouvoient le conduire à la connoiffance
du aouveiu Continent , il fe convûn-
quit enfin que cette partie du Monde
exiftoit , & îentit en même tems quec'é-
toit à lui à en faire la découverte.
Plan de cette noble & fiere idée ^
quoiqu'établi à Lifbonne , il offre à Gê-
nes fa patrie , de la menre en pofleflioa
d'un commerce , & peut-êcce d'un Ent-
d'Es P A G NE, pj
pire qui la combleroit de gloire & de
richefiës. Gènes ne daigna pas l'écou-
ter : cette République avoir pourtant
fcus les yeux la découverte du Cap de
Bonne-Ëfpérance , fie U conquête des
Côtes de l'Afrique par les Portugais ,
fource des richeifes de cette Nation alors
la plus opulente de l'Europe.
Mais qui le croiroit ? Le Roi de Por-
tugal lui-même , Jean IV, qui jouilTcHC
de U gloire des découvertes laites par fes
Sujets , grand homme d'ailleurs , & ha-
bile ^litique , ne voulut point accepter
les fervices de Colomb qui ne réuffit pas
mieux auprès des Rois dé France fie
d'Angleterre.
L'Ërpagne devoit feule prc^ter dea
lumières fie des travaux d'un homme qui
avoit conçu le plus hardi projet que l'ef-
prit humain puifle imaginer. L'elpéranca
conduifit Colomb à la cour des Rois de
Caftille occupés alors à la conquête ia
Grenade ; maisll lui fallutlutter nuit ans
entiers contré l'ignorance pour faire ^-
prouver cette grande entreprife. La
guerre de Grenade fe termina , comme
nous l'avons dit , par la chute de l'Em-
pire des Maures ; le Génois étoit enfin i
5;4 Histoire
la veille d'être employé par les CaftiU
lans , lorfque l'ignorance , l'envie , peut-
être l'indigence de la Cour font échouer
le projet ; le défefpoir dans l'anie »
Colomb part pour l'Angleterre où il
avoit déjà envoyé un de (es frères pour
faire par lui-même un dernier effort fur
l'efprit du Roi Henri Vll-lorfqu'un Cor-
delier appelle Jean Ferez de Marchena ,
& deux Particuliers dont l'un fe nom-
moit QumtantUa , & l'autre Santangel ,
noms que l'Hiftoiradoit confacrer à l'im-
mortalité , vinrent à bout de perlilader
la Reine, en lui infinuant que le Ciel la
deftinoit à la gloire d'attirer à la Religioa
Catholique une foule de Nations privées
de cet ineftimable avantage.
Déterminée par ce feul mptif , IfabeU
le , laplus grande Princefle , & en méme-
tems la plus vertueufe de fon fiécle , offrit
avec joye dans l'épuifement où étoient
les finances du Royaume , fes diamans &
fes bijoux pour fournir aux frais de l'ar-
mement; Santangel , un des principaux
auteurs del'entreprî(è,s'oppofa aufacri-
fice de la Reine qui vouloir fe défaire lîe
tout ce qu'elle avoit de plus précieux , &
avance de fon propre bien les fonds né-
d' E s P A G N E. 55"
ceilàires j la Cour accorda à Colomb la
qualité^ d'Amiral des Mers qu'il alloic
parcourir , & celle de Viceroi perpéruel
au Monde dont il efperoit faire la dé-
couverte.
Le hardi Navigateur s'embarque le
5 Août au port de Palos en Andaloulîe
fur trois caravelles montées de 50 hom-
mes que l'Equipage regarda comme au-
tant de viétimes facrinées aux viiîons
d'un Etranger.
C'eft dans l'Hifloire des Voyages qu'il
feui lire le détail de la navigation de t-o-
lomb, fes aventures, les dangers exjrê-
mesauxquels il fut expofé , & ce qu'il eut
à fouffi-if de fes compagnons , & la fer-
meté avec laquelle il triompha des obf-
tacles qu'il avoit prévus , & de ceux
qu'il ne s'étôît pas même imaginés ; le
uiccès couronna fon audacieufe entre-
|Kife ; il découvrit dès la première navi-
gation les Ifles Lucayes , les Antilles ,
6 la Terre - Ferme dans fon quatrième
voyage. Un Aventurier moins illuïire,
appelle Améric Vefpucé , de la Ville dg
Florence , ufurpa une gloire qui n'étoit
due qu'à Colomb , en donnant fon nom
au nouveau Monde: hpnoeur dont n'ont
$6 Histoire
jamais joui tes plus grands Rots ; dans la
fuite des Annales on rendra compte en
{leu de mots des différentes découvertes
& des conquêtes qui , en moins de yo
ans , ont rendu l'Espagne maîtrefTe d'un
Empire dix fois plus étendu que celui
qu'elle polfédoit en Europe : qu'on nous
permette feulement quelques réflexions
fur cet événement.
On doit d'abord regarder la décou-
verte de l'Amérique comme une des
principales caufes du changement de
îyflême dans la politique & dans les
moeurs des Peuples de l'Europe ; & on
peut dire que cette découverte fat pref-
que aufli funefte à l'Elpagne qu'aux mal-
heureufes Nations dont elle détruifit
l'Empire , & ravit la liberté.
La prodigieufe quantité d'or & d'ar-
gent qu'on tiroît de ces riches contrées ,
tourna la politique de tous les Peuples
de l'Europe au Commerce ; chacun
d'eux , à 1 exemple des Efpagnols , s'ef-
força d'établir des Colonies , & de for-
mer un commerce direâ ou indirefl dans
ces régions éloignées ; il falloit bien
que tous les Peuples fixaffent leurs re-
gards vers un objet qui promettoit les
plus
d'Ks? a que.]
97
plus grands avantages : çn fçait aujour-,
d'hui que ta Nation la plus riche eft tou-
jours , proportion gardée , non- feule--
ment la glus nombreufe , mai? encorq la
plus puiflante p^r la fadlité Qu'elle a dV.
cbeter des alliançesSc des tioupes étran-;
gères.
D'ailleurs > le luxe a rendu ce com-
merce néceffairç ; les efpeces imioenfes'
qu'on tire de l'Amérique,, ne. font que;
voyagei* en Europe , Ëc vonts'engloutir.
dans Tes Indes Orioritales > qui çn échan--
ge, nous fournifTent des bagatelles- cu-
rieufes , mais inutiles , peut - être p^rni- .
cieuf^ aux mceurS. J'a.voue pourtant quQ
le nume'raire eft a'ugmepté en Europe ,
mais la.puiflance de chaque Peuple en
çft- elle, plus grande ? Leslipmmes en '
font-ils plus Jieureux? Aîwrçfwsiavçc un.
marc d'arjgent'on faifoit ce.qii pn'ne lâk,
pasapjou^d'h'uiàvecdo.uze.. .,;
, i^. maladies, incpnpues: auparavant,
çn Europe , ces tnaUdies liônteufes qui .
attaqœnt la vie jufques.dans ion princi-
pe , qui ont caufé en Europe un ravage
prodigieux , jufqu'à felre craindre l'a-
ijéantiflgment du, Qej^ce- humain , doi-
vent bien faire regretter «ne découvcriç
Terne /T/. E .
^S Histoire
fi funefîe ; PEfp&gne tut la première pu-
nie de fon prétenou bonheur ; 'Tes Sujets
languiflans au milieu de leurs triomphes
& de leurs conquêtes donnèrent le jour
en Amérique àunegéntiration qui périt
pprfque toute entière , emportée par la
douleur & l'excès du m4- Cette conta-
^ott-fi'-eiCTcepluîtant de ravages. Mais
le fang des Créoles & des Efpagnob eft-
il bèen par? Ce n'eft pas , an refte , Iç
feul malheur qui foit arrivé à l*Efpagnc ;
non -fculetiieîit % foif de l'or la rendit
prefque défcrtt : die fit encore de cha-
cun -des Espagnols qui pafferent pendant
T^ans-çn Atoérique prefqne autant de
monftres déteft^s par des traits dé bar-
batie qui révoltent la Nature , & desho-
■ norent l'htmianité ; chacun d'eux fe per-
fiiad^ ''tja% -ftiltoit détruire des Nations
erttlerei ponii* conferver unEtapiïe qui
leur eut bientôt échappé i^oorpeu quq
Içs -vaimits ftiflénî revenus de Teifr Au-
pid e'pTévéntion pdur les Efpâgnols qu'ils
regardoiènt comjne autant tFe' Dieux ,
maîtres du tonnerre , des déments &
des arrhnauTt 'les plus féroces'; d'ailleurs ,
, quand ' un e pdlifiij^ue cruelle n'eût pai
confpiÔé.lçfacïificrvdçtaHî, de mjlljpns
D* £ s P A G N E. yp
d'hommes , que pouvoit-on attendre des
premiers -Conquérans de l'Amérique',
rens pour la plupart ^ns prindpes , fans
honneur^, fans humanité , fans religion :
en efièt, ce ne font pas les Citoyens ver-
tueux , bien élevés > bien établis qu'on
voit s'expatrier & fe tranfplanter dans
des pays inconnus poui* tenter la fortu-
ne ; ce font pour l'ordinaire des gens de
lalië du Peuple , des Aventuriers, ou des
hommes ruinés parleur mauvaise condui-
te. Amd } il fêroit injufle d'imputer les
crimes , la barbarie de quelques mlféra-
bles Particuliers k une Nation eflîmabte
par mille endroits ; qu'on life Herrera ,
l'on Verra que le fang des Américilins n'i-
nonda fur tout leur pays , rju'après la fa-
meufe Déclaration qui ordonnoit que
tous les criminels qui avoient mérité la
mort en Elpagne , feroient exilés dans
les Colonies de l'Amérique.
Les^lus grands malheurs furent pour
les Américains ; on les priva de la liber-
té; cette difgrace eût été légère , quedïs-
je , elle eût été pour eux la fource du
plus infîgne bonheur , fi on ne les avoir
fournis que pour les arracher aux ténè-
bres de lidoiâtrie , pwr abolir chez eux
Eij
loo Histoire
la coutume barbare de facriHer des hom-
mes à leurs Divinités fanguinaires pour
leur apporter les arts & les vertus de
l'Europe ; pour les rendre à rbumanité ,
Se les inflruire de la véritable Keltgion >
mais qui pouvoit leur procurer de pareils
avantages ? Etoit - ce leurs farouches
vainqueurs quî n'avoîent qu'une légère
teinture du Chriftianifine , &: qui n'en
connoilToient pas les principaux devoirs ?
Ne furent-ils pas aflez follement pré-
fomptueux pour avancer que les Améri-
cains n'avoient point d'ame , ou que s'ils
en avoient une , elle étoit extrêmement
' inférieure à celle des Efpagnols? C'étoit
pour autorifer leur barbarie contre ces
Nations infortunées. Plus cruels & plus
méchans que les Barbares qui inondè-
rent l'Empire Romain , les conquérans
de l'Amérique réuHîrent tellement dans
leur abominable fyftême de dpftruftion ,
que de près de trois cent million^ d'hom-
mes qui pçuploient alors ces vaftes con-
trées , il p'en refle pas maintenant la
quinzième partie. On prétend que ce»
trilles reftes d'un Peuple autrefoiç fi
nombreux , ne refpirent que l'occafion
ÛP brifer un joug détefté- tes ançiçnnçs
d' E s P A G N E.
injures qu'ils ont reçues, rendent cette
opinion vraifeinblabie , mais ce qui pa-
roîtra fans doute fingulîer , c'eft que les
Créoles détellent également la domina-
tion Elpagnole , indignés de fe voir trai-
tés comme des efpeces de Barbares , de
ce que la politique de la Cour de Ma-
drid les écarte avec foin des Gouverne-
mens , des Mag^flratures & des Préhtu-
res d'un Pays que leurs pères ont conquis
avec tant de bonheur & de rapidité : on
fait paiTer continuellement d'Efpagne
en Asiérique les Vicerois , les Gouver-
neurs , les Magiftrats & les Evoques.
JMais fiilloit-ilque l'Efpagne renonçât
i b conquête d'un fi vafle & fi riche Em-
pire ? Elle devoit fe contenter d'établir
quelques Colonies fur les Côtes , s'y for- .
iifier avec foin , fe borner aux avantages
d'un commerce très-lucratif; permettre
feulement à des Miflionnaires zélés &
fagcs de pénétrer dans l'intérieur du Pays
pôurv planter la foi, l'humanité & les
vertus du Chriftianifme ; en fuivant ce"
fyftéme , l'Efpagne n'eût point été dé-
peuplée) elle eût eu une Marine formi-
dable , & feroit devenue la Nation la
plus opulente , la plus puiflante & la plus
Eiij
IG2 H I S'T O I R E
heureufe de l'Europe. Qu'on n'ebjeâe
pasque les-Efpagnols euâent couru rilque
d'éire chaCés de leurs Ëtitblit&mens ; '^
i'exeibple de nos Colonies aux Indes
Orientales fuiEi pour faire voir qu'il n'y
avoit rien à craindre des Américains ^ le
petit nombre de fortereâès qu'on aurott
eu à défendre ) le courage , la patience ,
la fermeté éprouvés des Ërpagnole , leurs
armes fi fupérieures à celles de ces Sauva-
■ges , euHent rendus leurs Ëtithliâerneas
folïdes; d'ailleurs, comme leur voUîna-
«e eût été une (ource de bonheur pour
les Peuples de l'Amérique y on auroit- eu
plus à efpérer de ralliaiice de ces Basba-
res , qu'a craindre de leur jaloufie.
Dans la fituatitm préfente de l'Earo-
. pe , il efl de l'bitérÉt de tous les Peuples
qui l'habitent , que l'Efpagfie conierve
1 Empire de l'Amérique , depuis ^juA
chaque année on envoyé des fooimes iro-
menfes dans les Indes Orientales pour y
acheter les diamans , la porcelaine , les
étoffes , les épiceries : il raut bien que les
mines du Pérou , du Mexique , du Ëre-
fd fuppléent dans nos contrées au vui-
àc du nun^éraire. L'-Efpagne admet à ce
commerce , fous les reftriâioas connues ,
tous IfiS Peuples de l'Europe ; chacun
d'eux n'a qu à fe féliclier de U probité
des Ëfpa^Kds ; j'allois. dire de l'iado-
lence qui rend entre les ioains de. cette
Nation ce vafte Empice prerqu^inutil«.
L'Angleterre feule femble le lui envier;
eh! que n'envie-t-elle pas f On ceuioic
les projets de cenePuiSànce > fon géme,
làmauvaife foi, fbnfyfténe de commer-
ce exdufif ^ dans le cas qu'elle- éclate ,
ou par quelque lùirpcife ,, ou. dai» une
giier» légitime. Od ne fçaaroic k dire
trop haut ; il eft de l'imérét de chaque
Feapte de prêter b main à l'Eiàa^r. '
- FendiBand & IlabeUie fe venant bien i^^ ?
i&nùs dons lotm Etats, jâcvienaenc at-
tenôfe. aux grands éveDcnwn&de l'Euro-
pe. Le RoulBllon avoir été éogagé aux
Rois de France. Il s'agilfoit de leur enle-
ver cette Province. La politique lûpé'
rieiirc de Ferdtnand , & fis manœuvres
fècneues hù fervirent ptus i^ h, force
& les annes pour f exécution de. ce éef- ,
fcin.
Charles. VIIL Prince d'un génie bor-
né , mais brave & ambitieux , fongeoïr à
^ire valoir fur le Royaume de Naples les
aocienncsprétentions.delaMaifon d'An-
Eiv
104 HlSTOIitE
jou. B craignok d'être attaqué pendant
cette expécutioa par Us Rpis des Ro-
maioa , d'An^eterre & de Caftiltè , Ces
jennemis naturds. £n coniëqueoce'j il
donne les matirs à un traité conclu à F1-
gaieres entre les François & les Caflil-
ilans > par lequel il refluuQit le Rouflil-
,lfin j fans répéter les-^ODO^o écas que
-Louis XI., avoit prétîs à Jean, II. Koi
.d'Arragonj le GooTeil .& le Parlement
convaincus que la poiTdlîoh d'une Pro-
vince voifine valoit mieux que , la con-
quête d'un Royaume éloigné , s'oppoJe-
rent fortement , mais en vain , à la con-
ctiinon de ce traité ; Ferdinand avoit fçu
inettre daps fes intérêts le Gonfe&ur du
' Roi , 8c celui de JViadàme de.Beaujeu fa
liceaT ; d'ailleurs Cbiries avoit la manie
des conquêtes.
Cadix ,, le meilleur port de l'Océan , .
ett réuni à la couronne de CaûiUe ; la
■ Maifoti de Ponte de Léon s'en ^toii em-
paré icus le r^ne précédent ; pour la
dédommager on érigea Arcos en Du-
- ché , & on lui acccû'da d'autres avan-
tages.
Le Pape Alexandre VI. doniie À Fcr-
dinand.& àlfabelle h qualité d'illuftres
"d'Espagne. lo;"
Rois d'Efpagne j U leur manquoit pour-
tant encore la Navarre & le Portugal ;
le Roi Jean II. foufirit avec beaucoup
d'impatience cette nouveauté. La Chan*
cellerie de Lisbonne n'accorde encore
préfentement aux Monarques Efpagnols
que le titre de Rois de CaftîUe.
Mert de D. Alfonfe de Cardenas , der-
nier Grand-Maître de S.Jacques. Ferdi-
nand , en vertu d'un Bref du Pape , prend
l'adminiftration de la Grande-Maîtrife. Il
avoit déjà celle de Calatrava, à laquelle U
joignit bientôt après celles d' Alcantara &
-de Montefe. Les Chevaliers de ces diffé-
rens Ordres en faifant profeifion , s'enga-
geoient d'obéir en tout à leurs Grands-
Waîtres qui fe trouvoient par-là en état
de faire trembler le Souverain. Ce fut
donc un grand coup de politique d'avoir
.réuni dans la feule perfonne du Roi dif-
férentes dignités qui donnoieni trop de
puifiance aux Grands du Royaume , &
qui procuroient au Prince le raoyen de
recompenfer fes Sujets (.<) , fens épuifer
les revenus de la Couronne.
Retour de Chriflophe Colomb en Ef-
(<) En di^oruu d'ua frutd nombrt de Commu-
dciki.
Histoire
fagne ; U avoh feutement découvert
an-Salvador Se les lues connues foas le
Dom d'AniiUes , fans toucher à la Terre-
Ferme. On donna à tous ces Pays (e nom
d'Indes Occidentales. Cc^omb entra en
triomphe à Barcelone; Ferdinand ârlfa-
belle le firent affeoïr , te comblèrent de
earefiès, & le nommèrent Anùral & Vi-
ceroi des Indes , avec ordre de cartir
-pour continuer fes découvertes ; il eio-
mena dans fôn lêcond voyage fur i3'
vaifleaux 15*00 hommes de guerre , une
Colonie de 300 Artifans , des Miflîoit-
naircs, les graines, les fruits , & les ani-
■maux domeftiques d'Europe' qui man-
quoiem à ce nouveau McKioe.
FerdinaQd , au comble de fes vœux *.
demande au Pape la Souveraineté des
Pays nouvellement découverts , & de
ceux qu'on découvriroit dans la fuite^
: Une Bulle autorifa Tufurpatien deiËfpa-
gnols. Alexandre VI, ce Pontife fi conna
par fes attemats, fous prétexte d'étendre
la Religion , difpoâ des trsfors & de la.
liberté des mallùureux Américains. Les
. Portugais fe ptaigniient vivement de
cette conceilîon , prétendant qu'elle, étoit
cootraize aux donations atuéneuiesiakes
I>*E » F A G N E.
i leurs Souv^ains par \e% pc^d^c^Oeuits
d'Alexandre VI. Après use longue ft^iie
de négociations > le Pape ôra une Û-
ffne (») du Nord au Sud par le M^ridi^
des Canaries ; mais le Roi de Portu^l
obtint de Ferdinatid qu'op tir^oit uqe
nouvelle ligne qui hii éto'n beaucoup
plus avantageufe. Peut -çnn'êtr* pas'
furpris de voir Ces dem Princes pan»-
ger tranquillement des Pays immenfes
fur lefquds ils n'avoienc aucun droit ?
Lorique le RoV de Fraacç étoit 4^ji à ï4S'4»
Lyon pour fe rendre i Nftples. Ferdinuvl
toi avoit envoyé dire que s'y ne reaepçoic
à la conquête de Naples, il lui d^v^pît
k g?jerre.CePrince craignoit ou fejgnojt
de craindre pour la Skilek vcMË^aee des
François. Il avoit déjà oublié que le Rouf-
£11011 ne lui avoit été rendu qu'à condj*
tion qu'il taifleroit dépouiller la branche
Mtarde d'Arragon , de Naples. Traiiié
d'alliance entre les Cailillags et. le R(h dp
Navarre , Jesn d'Albret ; celui'ci s'enga-
{leoit à réfuter le pitHage aux FraDço>s
parloB Rwaume, Ifrfiàle , fur les ini-
-tances d^ XiioéiKS « jnodere l'isr^6t oné-
,reiix de l'Alcavala; on avoit promis de
. (ffi On L'ippeUe lij^ <k Mpaaiia».
I08 HlsTOIKB
le rupprimer , quand on aurait conquis
■ Grenade (*) ; les Financiers , par leurs
' chicanes 8c leur ayiditë , l'avoient rendu
intolérable : les murmures du Peuple
avoient arraché de la Cour un règle-
ment par lequel les Marchands en
ëtoîent crus à leur ferment fur les décla-
rations des marchandifes. Mais ils ne fe
faifoient aucun fcrupule d'employer le
parjure pour leurs intérêts La bonne foi
fut bientôt bannie de la Nation , tant il
eft vrai qu'il ne faut qu'une caufè parti-:
culiete pour communiquer les veirus ôe
les vices à un Peuple entier; on évalua la
ibmme que produifoit l'AIcavala dans les
coflresau Roi, & les Villes confentirent
■ de la payer par elles-mêmes. On re-
marque que le Peuple gagna plus de moi-
tié , fans qu'il en coûtât un fol au Tréftw
Royal; plus de loooo Citoyens occu-
pés à lever l'impôt , & à s'en engraiffer ,
furent rendus à la République.
Colomb dans fôn fécond voyage décou-
vre de nouvelles Ifles peuplées comme les
premières d'une efpece d hommes Gngu-
liere. Ils étoient nuds , fans'poil , d'un ca-
U) Cet împâi conlïftoit dam le jliîeilw du pm ^e
toucei let ytmtt A fïhioge*.
p' Espagne. -lap
Taâeredoux , humala & bienfaifànt. La
£[gure & la barbe des Efpagnots ne les ~
étonna pas moins que lesvaiueauxj& l'ar-
tUleriede ces Etrangers. Ils les renrde-
rent d'abord comme des hommes. defceQ-
dus du Ciel , & les prirent pour les fils du
Soleil^ mais la cruauté , l'orspaeil & la ty-
rannie des Européens les nrent bientôt
reconnoîil-e pour des Créatures humai-
nes , & pour les pires de toutes. A cha-
que débarquement , Colomb planioit
une croix fur laquelle on gravoit le nom
des Rois de Cailille , & les armes du
Royaume. Cette cérémonie à laquelle les
Américains ne comprenoient rien , s'ap-
pelloit prife de poffeffion. Cet ufage fut
toujours fuivi par tous les conquérans de
l'Amérique. Colomb avoit foin de bâtir
des foncrefles pour la confervation de
fes conquêtes. Il s'en &lloit bien que
" les Caraïbes dont il fit enfuite la décou-
verte , fiiffent auffi humains que lesi au-
tres Indiens dont j'ai parlé. Plongés dans
la plus aâreufe barbarie , ils vivoient fans
loixj fans culte , fans connoi0ances , &
iè nourrilfoient de chair humaine. Au
rcfte, ils étoient pleins de courage ^ &
exceffivement jaloux de leur liberté. A
fon retour dans l'Ifle Efpagnole: ou de
iio Histoire
S. Dominguè , Colomb trouva i^'on
, avoit ruiné lès Ebiterefiès , te aaSacté
tous les EfpagnoU. Il fit cependant al-
liance avec quelques Caciques, ( c'eft
le nom qu'on donne aux Souverains des
Indes , ) & fonda nue Ville qu'on appella
I&belie.Il découvrit les mines d'or de
l'Ifle , qui furent très-célëbresiufqu'à la
conquête du Pérou. Cependant l'envie
s'élève contre Chriftophe Colomb, il
ent plus à fou^&ir des £{paenols animés
Îar FoT^eca , £vêque,de Badajox , &
ntendant de U Marine » que des Caci-
ques qui vouloieot défendre leur Pays éc
leur liberté,
^é9S' Alfonfe j RoideNaplesfefcntant ab-
borré de fes Sujets , abdique la Couron-
ne en feveurde Ton âls Ferdinand II. l'i-
A)le des Na'polstains , & fe cebre lâche-
' ment à Memne ; ceete dànarche n'arrâ- *
ta pas les progrès de la Fralice. Uefprit
de terreur & de verrice répandu daas
toutes Us Cours de rf«alje, ne permet
à aucun Prince d'apporter la moiqdne
réfiflatiee à Chartes Vlii. Déjà le Pape
Jui avoit accordé l'inveftimre àa Rcryau-
jBe deNapWs, AHbnfcdeFoafeca.ÂBi-
fcaffadeur de Ferdinand, fonuBè pour i»
iècoode £i»^ IçMoDarque François deJè
d'£ s P AG N £.
déflfter de fesj)ré[entions ; fur le refus
de Gharies , ronfeea eut la hardieflTe de
déchirer dans une audience publique
les articles du traité de F^^uieres , qui
àvoient fût rentrer fou» les loix de h>n
Maître la Province du Rouflillon ; peu
sVn fallut que rAmbafladmr ne fdt la
viâime de fa téiaërité ; mais Charles le
feuvenant du droit des gens , arrêta la
fureur des CourtîJàni prêts à fe jetter fur
i'Ambaââdeur. Les François s'emparent
du Royaume deNaples en moins de if,
jours ; Charles VIII. après s'être fait U-
TrerZizinj, frère du Sultan Bajaiet II.
■lenace la Turquie , Se forme le projet
de reprendre Conflantiiioplâ ; mais dans
ce tems-là même Ferdinand travailtok i
lui fermer te pallà^e de fes Etats ; déjà
TAmbafladeur Caftillan , Laurent S^a-
rez de Figueroa ^toit veftu i bout dei
conclure une alliance entre fbn maître r
le Pape , le Rot de Na{>les détlirôné , lé
Duc(<«)deMilan,bRépubUquedeVe- -
i^ &e le Marquis de Mantoue ; jamais
négociation ne fut conduite avec un {e^
cret plus impénétrable ; elle fut fjgnée à
Venire fous les yeux du célèbre Fbilîppe
(i) Louii SfoFCF dît le Maure , celuî-lï même qui
112 Histoire
de Coinines , là plus habile Miniflre de:
France, qui se l'apprit que de la bouche
du Doge , quand il la rendit publique.
Charles fe hâte de retourner en France
avec lyoocrhommes , laiffant lé Duc de
Mo&tpenfier& Stuard d'Aubigni avec le
refte de fon armée pour conferver fes
cosquêtes. Bataille de Fomoiie dans la-
quelle Charles VIII. bat les alliés, com-
mandés par le Marquis de Mantoue i
cette viâoire facilita fa retraité ; ce Prin-
ce eût été dans un péril éminent , fi les
Alliés euflènt fçu I3 guerre, & eulTent eu
plus de courage ; le Duc d'Orléans ,
( depuis Louis Xll. ) devoit le dégager
avec 1 3000 hommes , mais il avoit pré- •
férë la conquête de Novarre dans le Mi-
lanez, efperanr de recouvrer fur Louis
Sforce ce Duché qui lui eppartcnoit lé-
' girimement.
GonçaleFernandez , deCordoue, le
plus grand Capitaine d'Efpagne , & mê-
me de l'Europe , pafle avec 6000 hom-
mes dans le Royaume de Naples pour ré-
tablir {a) Ferdinand ; bataille de Semi-
nara dans laquelle les Alliés font tota-
lement défaits par d'Aubigni. Elle fut
jivrée malgré Gonfalve qui s'y oppofa
* (*) Il «'«gil ici de FtrdijMiid , Rçi d« Niplei.
D* Espagne. 115
fortement 5 cette défaite n'empêche pas
les TÙRcus de hire les plus grands pro-
grès. Les Napolitains inquiets & inccnf^
lants d'eux-mêmes,, las d'ailleurs de la
conduite des François , s'intérelTent pour
Ferdinand ;- Gonfalve profite de ce re-
tour de fortune ; il employé les rufes j les
.pièges & les ftratagênwîs. Les troupes
Françoifes , quoique braves &. aguerries,
font battues en détail par la rup^riorité
du Général ennemi. Enfin , les taleos
d'un feul faommË rendent la nouvelle
révolution auflî entière & aufH rapide
que la précédente.
Le Rtà d'Angleterre entre dans la
frande alliance , efpérant marier Ârtus
fon fils aîné à Catherine , XnfanM d'Ar-
ragon.
Mort du Cardinal de Mendoze un des
. plus grands hommes que rEfpagne ait
produits. On voudroit ne pas avoir à lui
reprocher TétabliiTement de J'Inqu^-
itÎQn, & i'expulfion des Juifs. Il fut effà-
, çé par Ximenes fon facceffeur.^
. ■ Alfonfe , Roi de Naples, m^âSt à Mef-
fine, dans le tems qu'il fongeœt à repren-
dre fur fon fils le Koyaume qu'il lui^voit
cédé. Mort du Roi de Portugal JeanlI.
furoommé le Gr^nd rFçi^Q^^^lfK 4e
it'^ Histoire
. l'immortalité pariia grandeur A'ame , ton
amour pour la juâ)ce,&'par la proteâîon
qu'il accorda aux ienres , aux arts , & à
tous tes gens de mérite. Ce fut Ibusfen rè-
gne que Us Portugais commencèrent ces
découvertes qui rendirent leur commerce
& tout le Royaume fi flottant. Le Duô
-deBejaauflt grand & plus aimable q^ue
JeaRU. monta lut te tiic&ne fous le nom
: d'Emmanuel I. Son prédéceffcut- freSé
par les Ecdéfianiques 9c par tes- Rots
d'Efpagne, svoit pisblié un Edit qui or-
donnoit aux Juifs qui ne voudroiettt pas
embralTer le Chriuianifme ,. àe- fortir ^
Fortt^t dans l'efpace de liuk mois ,
fous peine d'être faits ekh-vèi fer le
cbMDp. Emmanëel révoqua cet EAt , &
refufa un préfent conlîaérable que tti
Jui& lui ofirirent par recomioiAiice.
Colomb remporte une viâoire àéd-
lîve fur looooo Indiens rafTerabtés de
toutes les parties de l'Ifle E^atnt^ ;
■ les Caftillana étoient au nombre de 200
fantaBîns , & de 20 cavaliers , maïs Us
■ étoientfbutenusparune multitude de mâ-
tins , nouvelle efpece de Milice dreffée â
ccBBbattre- les Indiens , à les étrangler , &
i les mettre en pièces ; quelle réfiflance
-poavojent apporter des htwnmes nuds.
D*£SPAGNE. . Ii;
£c qui- a'avoient pour d^fenfe que leurs
bras contre les armes à feu , lespiques,
les chevaux , les dc^es , & la difciplinc
de l'Europe f Cette viûoire iàcile , fui-
vie de [duiîeurs autres , foumei toute
l'Iûe ; le vainqueur impofe un tribut aux
vaincus en or & en vivres ; on les alTu-
jetdt atut travaux des mines : ce traite-
BKDt détruit la plus orande partie des
Peuples t & défcipere k refte eu ces maP
teurcnx; 800000 Indiens s'enfiiyentfuc
les montagnes , dans les cavernes où ils
périflënt tous de foim , ou par le fer des
Caftillans , &. par les œorfiires de leurs
dogues.
Le àouUe mariage entre les Mai&iw 145)5,
d'Autriche & d'Arra^on , négocié de-
ptûs7 ans, cft enfin célébré. L'Empc-
reur érigea i cène occafion l'Autnche
«D ArŒjducbé en faveur de fon fils ,
bériiier par fa mcrc , de la Maifbn de
Bourgogne; l'Archiduc Philippe époufa
Jeanne , féconde Irifante d'Arragon 1 &
Jean , Prince d'Efpagoè époulk Marguc-
lite d'Autriche , fœur de l'Archiduc ;
Ferdinand , qui déji avoir conçu le pro-
jet de la Monarchie Univerfelle , s'étoît
flatté que cette double alliance avança-
ii6 Histoire
roit ie fuccès de Ton delTein. En don*
' nant à l'Archiduc la féconde de fes fil-
les , il comptoir bien qu'elle n'hériteroit
pas de fes Etats, au lieu qu'il y avoit à
efpérer que Marguerite! Princeffe d'un
tempéramment vigoureux, pourroit bien
hériter de l'Archiduc fan frère unique ,
& apporter dans la Maifon d'Arragon ,
les Pays-Bas, la Franche - Comté ,; &
les Provinces héréditaires de la Aiaifbn _
d'Autriche. Si le Prince Jean mouroït
lans poftérité , l'Infante Ifabelie fa fœur
& fon héritière qui étoit deflinée à Em-
jnantiel , Roi de Portugal , aurait vu tou-
tes les Couronnes d'Efpagne réunies fur
la tête d'un de fes enfans. Par cette rai-
fon l'Archiduc aimoit mieux époufer Ifa-
b^le que la Prïncefl'e Jeanne qui étoit
plus éloignée du Thrône. Mais pour le
dégoûter dé cette première Prïncefle ,
on lui envoya_Dom Jean Manuel , le
plus habile Négociateur de fon fiécle.
Cet AmbalTadeur fit entendre au jeune
Prince que c'étoic par refpeft qu'on ne'
lui oflroit pas Ifabelie en mariage. Il re-
préfenta que cette Infante étoit veuve
d'un Prince Portugais, arrière peiit-fils
du Roi (4) bâtard qui avoir eu pour œere
(a) laa 1, Ko! de Poinigal.
d'Es pagne.- 117
une Juive , iïlle d'un Cordonnier. Dom
Jean Manuel ajouta comme de lui-même
3u^il fçavoit qu'lfabelle n'éleveroit jamais
'eofans. fi ne croyoit pas être fi bon
Prophète. L'Archiduc goûta fes raifons
de 1 AmbaiTadeur , & fe détermina au
grand contentement des Rois de Caftil-
le, à époufer la cadette, préférablement
i i'aînee. Dom Jean Manuel devint le
. plus cher favori du Prince qu'il avoit eu
deflein de tromper , & dont il ièrvit fi
bien la poftérité , fans le vouloir. C'eft
ainfi que la Providence fe jouoit de la
politique & de la fauffe fagetTe du Mo-
narque Caftillan. Il éroit ëcrit dans le
Ciel que la Maifon d'Autriche parvien-
droit a la vafle Monarchie d'Efpagne ,
& que les conquêtes , les travaux &
les ufurpations de Ferdinand feroient le
partage de cette heureufe fie augufte'
Maibsn.
La Sufpenlîon d'armés avec la France
conclue cette année n'interrompit pas
les fuccès de Gonfalve. Ce Général déco-
ré du titre de grand Capitaine par le Roi
^deNaples & par les Italiens étoit, auflff
.peu délicat fur la bonne foi que fon
Roi. Lç Duc de Montpenfier eft aûiégé.
Il8 HlSTOlJtE
dans AtelU avec l'élite àe la >bbletife
Françbife. Il eft bientôt contraint de
caûtuler , & de confèntîr i évaoïer
le Royaume de Naples. Il n'y eut «pie
Gayette & Tarente qui ne lui furent
pas enlevées par la capitulation. D'Au-j
bigni , Gouverneur de la Calabre , n'eS
pas plus heureux que Montpenfier. Le
jeune Roi de Kaples meurt des &iïgues
de- la- campagne , & a pour fucceâibir
Frédéric , fon oncle patemeL Salfès eft
emportée d'afiaut par ies François , &c
enfutte évacuée. Gonfalve affermit le
Thrôce du nouveau Roi par des-fuccès
plus fotides que brillans.
Le Pape donne à Ferdinand & à Isa-
belle > tant pour eux que pour leurs fiic-
ceffeurs , le fumom de Catholiques.
Dam Manuel rappelle fes neveux , les
Bragances & tous ceux qui avoient été
bannis du Portugal par fes prédécefleurs.
Les prenantes fcAlicitations deFerdinand
le forcent à donner un nouveau Décret
qui obligeoit les Juifs à fortir de fesEtats
ious peine d'être réduits en efclavage.
Une multitude de ces malheureux pallè
en Afrique. Ceux qui refient en Portu- ;
gai ) Diit la douleur de fe voix arracher
d'EsPAGKÏ. llj)
d'entre les bras tous leurs enfans qu'on
tWre aux vieux Chrétiens pour les éle-
ver dans la véitabie Religion. Cette vio-
leoce «ictte tcUeoient UTureur des Juiâ
(]fie la plâtre umentnûeuxpoignarder,
eat|>oifonner ^ ^er dans des puits , oa
étoi^r leurs en£ins , que de les remn-
tie auvChrénens'.'
Les viâoirei -de Cfarifit^he Colomb
Se de fei Irercs exciteat la jaiodie
desETpagDols.'On leur impute tous les
■MUT que les ladiens eurent à fonffnr
de la part de leurs Bariiares vain-
oueitrs. Cc^mb , loin d'être coupable
at tous ces excès i, clierdia continuelle^
ment i -adoucir le fort des infortunés
Américains qu'il oppelloit &s enfans. Le
CoiTOÙfliûre que la Reine Ifabelle en-
wn-fui les li^x, pour examiner cène
miav , abufade fou pouvoir , au point
de^âàW'Hlettre ^es fers aux pieds & aux:
lUltQ^^i'AiDirat 6c defes rares. Quel-.
qucEflius après la Cour ayant été inlhui>
te delâVémé > défspprouva la conduits
qu'on avoit' tenue à rérard de Colomb «
fie lefêçttC^omme ua Héros. C^)eRdant
laReitre* ftntpat défiance* foit dans lé
dïffcJD de raâeotw la baÎBCffu'oB jpotrtpif
.,f;.HH.ic
HlSTO IRE
à ce grand homme, J'empêcba pendant
3 ans de repalTer dans le nouveau Monde.
L'Amiral n'obtint qu'avec pdne des £»-
cours pour les Colonies dontil ^toit.le
ginie tutdaiie. La Cour publie d^erfeS"
Déclarations pour afifemar, çee Empôe
noiflant. Otipenitet; à touS) les QaAîliatu^
de paffer en Am^rîqiieaavec promelfé ■
de leiir tailler lé tiers des mines qu'ils
pourroiefit découvrir : mais il n'y eur
que les plus mauvais CiibyeTs qui vour'
lurent entreprendre cet voyage. Les
avantages ne répondoîent. pas :»i\ pé- ■
riis & aux .fatigues qu'il fîUditeOtiyçr-
.D'ailleurs , l'exemple de quelque» ËÎp^
piols revenus de l'Amérique, ,i.vec cette
maladie cruelle & honteùfe-qui:^jt U-.
fruit de leur incontinancCi imifiïiikik-laî
Nation- : peribnne. ne j'embbrquw- Le-
Conlèil s'avife alors dccoiBEitnei^ia p^oe^,
de mort prononcée conûe ks Mt^àtguri^
dans un exil perpétuel qui !«!' |r«t^[QtMti
en dVvérfes ColoniesiiËpioque fatale q\#,
annonça tous les maux que les 'Indiens*'
cureniàlbuffrir dans h flûte. Ifab^Ue fait,
publier le délébreLdtt qui ferpïeir«iitrée',
dé l'Ainériquei tbuS lesPéi^les-d'Ef-'
pagoe, euepié aux CaftiUaos» ,
Trêve
d''E s p a g n e.
Le Prince d'Ëfpagtie époufe à Burgos
Marguerite d'Autriche. Cette Princefle
ivoit été mariée avec Charles Vlil. Roi
de France , & élevée k la Cour de ce
Pmice. La trop grande jeuneffe des par-
ues ne leur avoit pas permis de coniom-
mer le mariage. Ferdinand qui tiroit par-
ti de tout , avoit fçu faire valoir à laMai-
fon d'Autriche ta facilité avec laquelle il
avsit paffé fur cet article délicat ; Mar-
guerite , dans la traverfêe de Flandres
en Efpagne ■ manqua de périr par une
horrible tempête ; on fçait qu'au fort du
danger elle eut le courage de faire d«
jolis vers.
Le mariage fiit célébré le 4 Avril ;
mais le jeune époux mourut le 4 Octo-
bre de la même année. Les excès aux-
quels il fk livra pour remplir les devoirs*
de l-amour conjugal , le conduifirent ail
Wmbeau. Marguerite d'Autriche étoit
pour lors enceinte. Quelqu'un lui ayant
appris , fans aucune précaution , la mort
de {on mari j elle tomba dans des con-
vulftons horribles , 8c accoucha fur le
champ d'une fille morte. La Reine de
CaftiUe , Frincefle d'un courage fupé-
rieur ï foo fexcj avoit be»i répéterions
terne III. F
HlSTOIKE
cefle que les Souverains ne doivent pas
avoir de parens , la perte de fon fils penfa
la biie mourir de douleur. Ferdinand fe
confola par rçfpérance d'avoir de nou-
yeaux enfans d'une nouvelle femme.
L'Infante Ifabelle , fa iîUe aîn^e , qui fe
trouvoît alors héritière de toute la Mo-
narchie d'Ëfpagne , époufa comme mal-
gré elle le Roi de Portugal.
Melila iîtuée fur les Côtes d^Afrique
efl; abandonnée par les Maures > & piilè
par les Espagnols qui y envoient une
Colonie.
: D. Henri Henriques , Gouverneur du
Rouffillon , & coufîn-germain du Roi de
Cadille efl tué d'un coup de pierre dans
une fédition gui s'éteve a Perpignan.
Charles VIII. qui ne pouvoit renon-
cer à fes prétentions fur Naples , propose
à Ferdinand de conquérir ce Royaume à
frais communs , & de le partager enfuite.
La propofitiQn fut acceptée par l'ambi-
tieux Caftillan qui efpéroit garder pour
lui feul toutes leï concjuêtes qu'on feroit
en commui). Peut-on pardonner à Fet"
dinand d'avoir confptré la ruine d*un
Prince de fa Maifon qui le regardoit
comme fou proteélçur 6c fou perç f JX
d'Est A gn e. la;
'fe'^tp céder quel<|ues.Vill« du Royaume
-de Nâples peursâtet^ des fotsDies- qu'il
avoTt prêtées auK prédèceflcurs de Fre-
"deric;
Ferdinand & ZfabeUe » en vercu d'un
'firePdu 'Pape , coafîem à Xhnenei , Ar-
chevé(|ue de Tolède le ibin de réformer
tes Ordres Relifieux dont le défordre
^l<»t extrUme. <^ ne fut pas fans beau-
■foup de difficul^a que les Dotninicains ,
les Auguftins & les Camws fe foumî-
rent à la réforme. Les Cordeliers qui eo
avolenc le plus de berùn , s'y oppofereat
avec une efpece de fimur. Ils eurenc re-
'cours à toutes fortes de moyens pour
perdre Ximenei , jufqu'à mettre un
poignard entre les mains de fbn propre
ntre («) pour le hvc périr. Leur Géné-
ral vînt de Rome pour détruire Ximenet
'iiia Tefprit de la Reine. Le Moine foa-
'gueux , dins une audience qu'il obtint
dlfabelle , ofa nowcir U réputation d'un
Prélat qui «voit été autreibis fon Con-
'frere , & qui étoit le Confeffeur , le Mi-
idfbrc , l'Oracle de ta Reue , & le plus
(à) il ^toit Coidtlictj de l'ippeUoît BenindiB de
Fij
'124 .HlSTQIÏlÉ
:graD<i hoauneque^ l'Êfpaene' eût pror
duit.- La Frinceile étotmée âe Tiinpilr
■dcace da Francifcain:» -le Jaiffa parler ,
fans l'interrompre , & lui adrelTa enfoite
cesfieres paroles. Sçavet-^oni qui vous
êtes, & à tjMf vans parler ? OnijulHAdà-
•mt, répliqua l'infolentCordelier :je-fçMis
■ijtte. jeparlf à IfabeUe qui, cgmifu moi , «"efi
-que tendre & pouffisre. Il diipaKMt aMffir
rôt , & fort du Royaume. Les Corde-
-Uers fuient réformes comme les autres
;Moines. '
fiarthelemi Colomb , frère .4e Cçtui
-qui avoit découvert l'Amérique, tonde
■dans rifle Efpagnole la Ville de S. Do-
-minguc qui, depuis a. donné fon.tiom à
■toute l'Iile. Cette ViUe fut long-tems la
■Métropole du nouveau Monde.
■Ce même Colomb , après avoir vain-
cu & pris le .puifTa^n Cqçique GuarW
-:iioex ) lui rencût géoéreufement U Ub^
'té^BientôtH eut.à combattre une partie
-des Caftillans qui fç révçlterent contre
~lui fous la conduite de Roldan Ximcpea,
: grand Alcalde, qh Prévôt de Wfle. îi eft
bon d'ob{èrver que les ufurpaceurs de
TAmérique furent toujours divins «n*
rr'«ux par des guerres intelUnes ^uii )[ci)i:
d'E sp A GN K. lay
coûtèrent plus de combats & de fang
que ia conquête de tous ces vi&es Pays.
Les Indiens ne fçurent pas profiter de
toutes ces divifiors pour eycermincr leurs
barbares ennemis.
Les Im Corm ■ de CaflUk affembUs à
Tolède > proclament le Roi Se la Reine
de Portugal , Prince des Afturies , & hé-
riaeis de CaAille ; il y eut plus de diffi-
cultés dans les Etats d'Arragon qui Te
tinrent à Sarragofle ; Ferdinand faifoit
naître fous main chaque jour de npu->
veuix obflacles ; il efpéroit' furvivre à
l&bellc , & avoir d'un fécond mariage
des enfans à qui il deftinoit la Couronne
d'Arragon ; les contcAations devinrent
m^e S vives dans TaflèmUée , que la
Reine ne put s'empêcher de dire tout
haut qu'il feroit. plus court & plus glo-
rieux de conquérir l'Arragon que d'eil
affembler les États > & de fou^ir leur
hauteur malfondée ; ces fidc»' paroles
&rent Tclevécs fur le champ par Alfonfe
Foofeca : Madame , lui repliqua-t-^1 , ht
Arragofieis ont raifon de maintenir leurs
frivUéges : il tfeft pas étùHnattt qu'ils té-
mûgnent de Ift difficulté à faire ce qui
nt ^efi jaintii pratiqué, cbet.. eux^Eafta^
Fiij
I3< H 18 OIKK ^
IlàbeUc termina une a&ire qui lui tentât
birt i cttur > & la proclamation fe fit 11
m et Juin. La Reine de Ponugal ne fùr^
vécut pal kwg'^tems à cette cérémonie j
elle mourut à SarragoSê le a 3 Août en
couches d'un fils qu on appella Michel :
ce làxt une PrînceOê digne d'une plui
loneue vie par fà vertu, fa beauté , fii
modeftie , & un géme égal à celui
de fa mère. Le Prince qui venoit de naE^
tre fut reconnu bériticr d'Arragon h
vù)gt-un Septembre ' dans les m^mca
Etats d« SarragoirB ; Ourles VIII. Red
de Fraece , meurt dans le tems qu^il
étpit fur le pcùnt de retourner en la-
Ue; fes projets furent fuivis par foo
fucceflèur Iiouis XII. & par Ferdi-
nand, qui convinrent auffi tous deux de
partager le Royaume de Naplesj Fer£-
«and & Ëmmaniièl tnvoyent une cét^
bre ambaffade au-Pape Alexandre VI.
pour le fommer de mettre fin à fes d^
baucbes fcandaleufes & à fes crimes , de
réformer fa famille & fa cour , & de ref-
tituer au 5. Siège le patrimoine de Saint
Pierre dont il avoît invefïi fes enfans :-
cette ambaflade fut inutile ; le Pape
^ foDËi) le Duc de Valentinois. de-
D*Ë S F A G ME. 127
meurerent toujours les plus fcëlërats dcil
bommes.
Colomb , dans un troifieme voyage ;
découvre le Continent de l'Aménque k
dis degrés de l'Equateur; il apperçut
h Côte de Carthagene ; de retour à
S. Domingue , il paciHe l'Iile, & la par-
tage en d'imrentes portions qu'il amgne
aui CâllillaQs ; il force en mênK-tems
tous les Caciques à faire culnver les ter-
res au profit des conquérans ; ces diilri-
butions fi fembtables à nos fîefs , Ac don-
nées par des chefs de brigands & d'autres
brigands , ont été appellées depuis ré-
partirons. -
Cependant t'Evéque Fonfeca , enne-
mi de Colomb , chiche à lui dérober U
f^oire de la découverte du Continent ;
de fa propre autorité il fah paffcr Alfon-
fe Ojeda en Amérique avec les plans &
leï inéniMres que CtJomb venoît d'en-
Toyer il la Cour ; Ojeda n'eut pas de
pane & réuffir : mais un Aventuner ap-
pelle Àmeric Vefpuce , Géopraphe ou
raotede Florence, lui adérobé la glok-e
de la découverte , & a donné fon nom
à la moitié de notre Globe.
Les Etats de Caftille & de Portugal
Fiy
.128 Histoire
reconnoiflent le Prince Michel pour leur
futur Souverain : maïs cet enfant né
dans refpérance de polTéder une Monar-
chie fi vafte , n'en devoir pas jouir ; les
fceptres de tant de Royaumes que la po-
litique vouloit conferver dans une famiU
le Efpagnole , dévoient pafler à une Mai-
fon étrangère. L'Archiducheffe Margue-
rite qui avoir les mœurs Françoifes , ne
peut fupporter le féjour de l'Efpagne , &
retourne en Flandres. Louis XII. fait la
conquête du Milanez ôt de l'Etat d<j
Gênes.
Ferdinand & Ifa belle préviennent une
révolte générale dans le Royaume de
Grenade, en paroiffant tout à coup avec,
des troupes d'élite. On prend la réfolu-
tion de forcer les Maures à fe faire Chré-
tiens. Une aflemblécdeThëoIog^ens & de
Jurifconfultes décide qu'on peut en ve^
nir à cette violence malgré la foi du plus
folemnel des traités. Les Archevêques
. de Tolède & de Grenade employent tour
à tour les menaces & les prome0es. Ils
débutent dans leur MifTion par donner le
Baptême aux Morabites & aux Alfaquisj
les Doéleurs & les Moines Mufulm^ns :
cepremierfuccèsfuividelaconverfioiide
D*£SP AGN E. 129
" looooo Maures; excite la ^reur des di&
dplts zé\é^ de Màbtnnet cOtitre Ximeties.
Cet Archevêque propofe le Baptême ou
une prifôn perpétuelle à Zegri , defcen-
diint des Rois' de -Greflade. -Le Prince
Mahométan aime mieux facrîfier fa Relï-
gion que de perdre fa liberté. Son chan-
gement parut fincere. Ximenes liû oflrit
jufqu'à cinquante mille écus de rente fur
Ssi revenus particuliers, -
■Les habitans de l'Albaycîn prennent
iei armes , entrent dans ■Grenade , fou-
lévent tous les habitans , parcourent les ,
nés en criant, vvvt Mnh»mtt ^ pirijfe Xi-'
mtnes. On aflîëge ce dernier dans fon Pa-
lais , & on fe difpofe à y mettre le feu ;
mais les rebelles n'avoient point de chefe.
Zégri paroît à la tête d'une troupe de
cavalerie , & arrête la fédirion par fon
autorité & fon éloquence. On met bas
le^ armes. Ximenes obtient une amniftie
pour les féditieux , mais à condition
qu'ils fe conveniroient. Prefque tou»
prirent le parti d'embraffer le Chriftia-
nifine. On fit traduire ep Arabe l'ancien ■
& le ijouveau Tefiament pour en procu-
rer, la iefture aux nouveaux Convertis ;
mais Ximenes qui fe déficit de la Cmcé- ■
Fv.
rU;é'âe.leitr.<Ji3T)£<|i|>¥i>t> fît Tupprimcr -.
cçjifi ^fadui^eo , ie, penr. qu« . nos ^J-h ,
vr_eî faipts nç/^flent ei^c^és ate dérîC^ ^
fecrettç dçq Mufutra»i«f ■ . . •;
. Le Roi èePCçtug^ ibllJWÇ ^ Pàjpe^
de raidîF à léioifatt k Ckrg^ de fçs :
Eiats. Les d^Xordres (^^ËcclçÇalliqvteâ .
Portuf^i^ne pouvpïen^ êirp peufTés plus
loin. Il ffHjii^lej.^u'ijf Si'^tpient moaél^
furUcourdeRo(W'Lafi(aon«»la 4^- ;
bauche_k c^âs r^aéç de la^ plus pu^-
que, U negljf^çe du C.i^he Divin ,.1^ :
niépris de I4 Rçl«3on j Se iî'ignpiWiCjé ',
la.plus profonde mftjneuoietit les gçBS
d'Églife des Séculiers. N'eft-il pas çtMW
nant qu'on s'adrell^t pour la réforme d4
Cierge ï un Pape , tel qu'Alexandre VI ? .
CePontifç,pourtouterëponfe.çaMQy#. ;
au Roi de Portugal te Bonnet , & l'Ëf^
bénits.
C'eft à cette année qu'on -fixe Iséé-
couverte du Continent par Ojed4i 6c
Afmeric Vefpuce. Un nombre infini d'A-
venturiers part tous les jours des pons
d'Efpagne pour ïi'enricliir & fe 6gî>9Jk):
fur les traces de. Colomb.
- Yanez Pinçon, Gaflillan, découvrele
Bréfil. Le fruit de cette décQvvenepâfia .
d'EsP A G N E. 131
auxPcu'tugats qui font aujourd'hui maî-
tres de cette riche & vaAe contre.
Emmaniiel le Grand , en &veur de qui
le célèbre Gama éioit occupa i ccoiquë'
lii les Côtes des erandes Indes ■ envovft
pour le fecourir Alvarez de Cabrai qui «
ayant été écarte par la tempête , aborde
su BréfU l'année fuivante , & en prend
poâeSioQ au nom de fon m^e avec
les mêmes formalités qit'obfenrcuent les
CaAillans dans toutes' leurs décou'
vertes.
NùfTance de Charles V. le 34 Mars ;
jour de S. Màttlùas*j onTçait que ce jour
lui fut heureux toute fa vie. Il porta d'a-
bord le nom de Duc' de L^xembourj;';
quand la Reine apprit la nûflance de cet
enbnt , elle préiut qu'il réusiiioàt fur fa
céte les vafles fuccemons des Maifons de
Bourgogne , d'Autriche , de CaAilIe &
d'Arragon. Par un e^ de l'faeureufâ
deftinée de ce Prince , l'In&nt Michel
de Portugal meurt le 20 Juillet.
Révolte dos AlpuKarras, le monf Aott
rinfraâion dn traité de Grenade , & la
crainte qu'on ne les traitât comme tel
Citoyens de la Capitale ^ l'aélivité & U
valeur de Ferdinand anpêchem ffJt cet-
F vj
1^2 Histoire
te fêditioT) n'ait lesfuites les plus fâcheu-
fes ; en moins de huit jours le Roi rallem'-
ble une armée puiiTaBtç , fe met en cam-
pagne , bat les Maures , Se les force à Gt
foumettre ; ta Reine avoit attiré à Sëvîlle
les Principaux Seigneurs Mahométans ,
afin qu'ils ne fuffent point tentés d'aller
fe mettre k la tête des Rebellés, he traita
qui n'avoit été qu'ébauché l'année pré'
cédcnte entre la rrance & l'Efpagne au
fujet du partage de la Monarchie Napo-
litaine , fiit ngné à Grenade le 22 de
Septembre.
Louis XII. devoit avoir le titre de
Hoi de Naples, la Capitale, & l'Abruzze.
On laiffoit i Ferdinand les Duchés de
Calabre 6c de la Fouille ; l'Infante Ma^
rie , la plus jeune des filles d'Efpagoe
époufe Émmaniiel , Krâ de Portugal qui
avoit perdu fa première femme > raur de
la Princeâe avec laquelle il venoit de Ce
marier.
Le grand Capitaine Gonfalve baffe au -
fecfturs des Vénitiens contre les Turcs ,
avec une flotte dé 5*0 vaiflèaux ; il leur
feil lever le fiége de Zante , & leur en'-
levé l'Ifle de Céphalonie.
- Le VkomtedeNarbonne, de UMai-
d'Espagne. 133
fon de Foix ,'avoit renoncé k fes préten>
tions chimériques fur la Navarre > par
UQ traité conclu (quelques années aupa-
ravant à Tarbes , &c qui fut coniîrmé
alors : mais > fous prétexte que Jean
d'Albret n'avoit pas accompli Les arû—
des auxquels il étoit obligé ^ il reprend
la qualité de Roi de Navarre.
Les Portugais découvrent l'Ifle de
Terre-Neuve & le Nord de l'Amérique ,
tandis que les CafUllans délignent leurs
opérations vers le Sud.
Les ennemis de Chriftophe Colomb
& de fes frères , protégés en fecret par
Ferdinand qui rougilloit d'avoir de fi
grandes obligations à ces illuftres Etran-
gers , viennent à bout de les perdre dans
l'efprit de la Reine -, en leur imputant
de nouveau tous les maux qu'on avoit
&it fouflrir tux Indiens. Ifabelle con-
vaincue qu'cQ effet Chiftophe étoit trop
Êvere dans le Gouvernement d'une Co-
lonie naiffante , lui ôte la qualité de Vice-
roi pour le réduire à celle d'Amiral du
nouveau Monde.
Bovadilla , nommé fuccelTeur de ce
grand homme , le £ùt arrêter avec fes
frères. Se les condamne tous trois à la
154 Histoire
mort ; il n'ofe cependant les faire cx^
CUtçr ^ & le contente de les envoyer
charges de fers en Efpagne,; la Reine ,
bonteufe d'un traitement fi indigne &
fl iitjufte , leur rend h liberté, lAais elle
ne t'unit point leur opprefleur. -
[, ■ Nouvelle révohe dea Alpuxarras ;'
Dom Alfonfe d'Aguilar de Cordoue ,
frère du fameux Gonfalve , après avoir,
remporté de grands avantages fur lesRe-
belW , tombe dans une embufcadc avec
une poignée de foidats , & efl maflacré f-
ainfi- que François de Madrid , (^and-
Maître de l'Artilierie , Kerre de San-'
dovol , &c. Le Roi vient encore en per-
fonne dompter les Rebelles , la for-
tune le fuit par -tout; il obligé tous
les Maures de ces contrées de recevoir
le Baptême, oudefe retirer en Afrique.
Le nombre de ceiix qui prirent le parti
d'abandonner l'Efpagne , montoit à près
de 80000 hommes. Ils n'obtinrent la
liberté de fuir qu'à force d'argent (a).
Décret de Ferdinand & d'IfabeUe .
qui force les Maures , anciennement fou-
rais , ceux mêmes qui avoient rendu les
fa) Chique ftiaUU éloit tixit. i 10 é:ii d'9r.
' Îd'EsF AGN E.
plus sraiicls fervices à l'£tat , <ie fe faire
ftaptiTer, ou de quitter le Royaume dans,
troh mois , fous peine d'être hits elcla-^
1^3 ; ' ces malheureux , appelles Mode-
iires,e[Dbraâerenx le Cfariftianifine pour'
laplûpart > mais iU m rsnooçoient pas,
btérieurement k l'Alcoran ; c'ëtoit au-
tant de viâimes pour l'Inquiûtîon.
. Le Soudan d'Egypte ootré.d'unetel-.
le perfêcution coiitre les Muf^ilfflaHs ,
voulut les veiner eo«xtecminant tous les
Chrétiens de les Etats. Dès le tems de la
conquête de Grenade , il avoit CaU paf-
ferles menaces à la cour de Rome & à
celle de Naples. Le Pape & quelques
Princes de l'Europe employèrent divers
moyens pour empêcher Ferdinand' de
pourfuivre fon entreprife i mais le Roi
n'eut aucun égard à leurs follicitations.
11 envoya pendant le cours de cette an-
née une célèbre ambaflade & des pté-
fens magnifiques au Soudan. qu'on ne.
calma que parce qu'il étoit de l'intérêt
de ce Prince menacé alors par les Turcs ,
de rie pas s'attirer d'autres ennemis.,
D'ailleurs, fes Sujets encore maîtres du
commerce des épiceries , lé feroient op-
136 HiSTOIR E
pofés à une démarche capable d'éloignef
pour jamais de l'Egypte tous lesNégo-
cians Chrétiens.
Le Duc de Nemours , Général dct
François d'un côté,&GpnfalvedeCor-
doue de l'autre , s'emparent de Naples.
Le Souverain de ce Royaume trahi par
fon allié & fon parent , traite avec
Louis 'XII. & lui cëde authentîquement
la partie de fes Etats qui devoir revenir
à la France par le traité de Grenade ,
moyennant de grolTes peniîons , & le
Comt'é du Maine. Son lîls Ferdinand fe
jette dans Tarente j & défend cette ViUê
aVec courage contre lesEfpagnolsi Gon-
falve n'avoit pas lOooo hommes fous
fes ordres. On a toujours prétendu avec
raifon que Ferdinand n'avoit confentî au
partage > que dans l'efpérance d'avoir le
tout. La divifion fe met bientôt entre les
CaftlUans & les François. Gonfalve ré-
clame la Bafihcate comme faifant partie
de la Fouille , &c le Duc de Nemours s'en
empare , comme étant une dépendance
de l'Abruzze.
Les Portugais font vaincus devant
Mafalquivir fur la Côte d'Afrique , dont
ils vouloient s'emparer. Â peine Colomb
D*E IP A GN B. 137
eft-il lorti de l'Iflc Efpagnole , que fon
fuccefleur qui s'éioît donné pour le ven-
geur des Indiens , met le comble'â leurs
maux, en excitant la barbarie desETpa-
r ois , & en leur donnant l'exemple de
plus inflgne cruauté. Sous fon admi-
iiiliTation qui ne dura que peu de tems »
on vit périr près d'un million d'Améri-
cains dans les travaux des mines. Il eft
vrai que Bovadilla , par la dureté de fon
Gouvernement , recueillit un prodigïeuie
quantité d'or. Il eft encore certain qu'à
ia faveur de ce métal qu'il pro<^guoit
aux Courtifans & aux Miniflres , on ne
lui 6t pas rendre compte de tout le fang
qu'il verfa à grands flots.
Gibraltar conquis fur les Maures , &
pofl'édé par les Ducs de Médina Si-
donia ( de la Maifon de Guzman ) , eft
réuni à la Couronne , moyennant un
échange ; les Rois fentoient trop l'im-
portance de cette Place pour ne pas s'en
rendre les maîtres , à quelque prix que ce
fût. L'Archiduc Philippe & Jeanne fon
époufefont proclamés héritiers de la Caf-
lille & de l'Arragon. Ce ne fut qu'avec
line répugnance extrême que Ferdinand
çoofentU à faire venir en Jupagne fa fille
138 HiSfOIBE
& fon gendre. On'prétend qu'il ne dë-
fefpéroit pas de leur enlever h CaAiUe
au moment de la mort de la Reine > tk
flattant que les Caftillans le préfëreroient
à un Etranger & à une Follej il fe tromr
pa beaucoup ; l'Archiduc qui étoît le
Prince le plus franc , le plus a&ble & le
plusgënéreaxde fon fiécle , fc fit adorer
des Grands & du Peuple pendant fon (é*
jour en Efpagne , tandis que fon beau-
pere grave , impérieux , févere , œcono-
me , & fier , étoit dëtefté de prefqoe tous
les Gaftiltans.
L'In&nt» Catherine ,-veuve d'Artus ,
Prince de Galles, époufe moyennant une
difpenfè Henri, frère de fon premier ma'
ri. Ce mariage occafionna dans ta fuite .
le Schifme d Angleterre. Le I^iocé An-
aIois .étant parvenu à la Couronne , fe
dégoûta de fa vertaeufe époufe. Si fâr le
rems que fit Clément Vlli de caflèr ce
tnariage-, Henri VIII. fe fépara , comme
tout Te monde fçait , de TÉglife Romai-
ne. Au refie , la queftion étoii de içavoii
6 le mariage de Catherine avec Artat
avoit été confommé , les fentimens fu-
rent partagés i ce fujet ; Catherine pro-
tefta toujours qu'il ne l'avoït pas été , ce
D Jl s r A G N E. 139
Quî doit £tre d'un grand poids , de U
paît d'une Reine encore plus refpeâa-
blepar fa vertu que par fon rang.
Rupture entre l'Elpagne & la France
an fujet de ta Bafilicate. Ferdinand anire
dans fon alliance l'Empereur Maximi-
lien& les Vénitiens, cependant rArdiî-
duc , ami de Louis XII. demande à né-
gocier la paix avec lui ; Ferdinand qui
voyoit que les François étoieni fupé-
neurs en forces , y cotuenc , & lui donne
tous fes pouvoirs, mais en m^rae-tems U
écrit à Gonfalve de n'avoir aucun égard
au traité que- fon gendre pourroit con-
clure avec la France , Se de pourfuivre-
vigourculêment la guerre i cette perfidie
fui plus fiinefte aux François que les ta-
-lens de Gonfalve ; elle leur coûta fans
retour le Royaume de Naples.
Tarcnte défendue par le Pue de
Calabre , eft contrainte de fe rendre
aux Efpagnots, Le Prince qui avott û
bien défendu cette Place > fit jurer Gon-
falve fur le Saint Sacrement qu'on
n'attenteroit point à fa liberté. Le Gé-
néral Caftillan , par une trahifon qui-
flétrit fes lauriers , arrête le malheu-
reux Prince t ^\e fait conduire en E£i
140 Hist oire
fiagne. La guerre entre tes François 6c
es Efpagnois continue avec ëgaiité de
perces & de fuccès. C'étoït beaucoup
pour tes derniers de pouvoir fe foutenîr.
Gonfalve avoit fçu gagner les Napoli-
tains. Il fait lever te fiege de Tarente aa
Duc de Nemours , & remporte d'autres
avantages; Ferdinand d'Alarcùn , Hu-
gues de Cordoue , Antoine de Levé ,'
Lo^is Porto Carrero , Pierre Navarre ,
tous Généraux habiles , amènent des
renforts à Gonfalve , & fixent ta fortuné
dans leur parti.
André Paleologue , Defpote de Mo-
rée , neveu & feul héritier de Confhin-
tin , dernier Empereur de Conftantino-
ple> inllitue par un teflamcnt du fept
Avril les Rois Catholiques & leurs fuc-
ceffeurs héritiers de fes droits fur la Mo-
rée , & fur l'Empire d'Orient.
Les Portugais font encore vaincus
Îrès deFarga fur les Côtes d'Afrique.
,eur Roi faifoit pendant ce tems-là UQ
pèlerinage à S. Jacques.
Ifabelle apprend avec douleur que Bo-
vadilla avoit éludé les ordres de ta Cour.
Elle lui fubllitue Ovando , & donne en
iBême-tems cette fameuTe ordonnance
d'Espagne. 141
qui accorde b liberté aux malheureux
reftes des Indiens , & qui oblige les Caf-
ûllans de partager avec leur Souverain
Ja moîiië de l'or qu'ils tiroient des mines.
Les Indiens fe' voyant libres , refufent de
travailler , & les Caftillans abandon'
aent les mines fource des tréfors du nou-
veau Monde , parce que la Cour ne vour
ioit poiat entrer dans les frais immenfes
qu'exigent ces forces d'entreprifes ; Ifa-
.bdle fe borna au tiers du proSt ; mais U
Ëiltut encore fe relâcher , & par un rè-
glement qui a toujours fubriné depuis ;
la Keine le contenta du Quint des mé-
taax , des perles & des pierres précieur
fes.- :, _
Cc^pmbfait un.quattieme voyage ea
Amérique. Il découvre la Province d^
Veragua qu'otj érige en Duché çn faveujr
dej^n f.\s. Etalât obligé de relâcher ^
S. Dûotingue , on lehiiz de l'y receypir»
.Dass )ce tçms-l^ même trente-deux yaiC-
fèaux fb^i^g'^^ d'or , fruit des briganda-
!ges dç'Bovadilja , roettoient à la ^«çUç
jiour l'Efpagne- Colotnb les avertit dç
.pe pas pàr^r > «ttçndu <qu'ot) étoit mena*
ce d'une tentpête. On le mocque de fes
(ivifc Vin^-un vaiffçau'jL fur IçfqueU il y
Histoire
^voit leize millions , font engloutis cknS
la Mer , fans qu'on puiffe fauver un feu!
homme, Bovadîlla , ce tyran des Indiens,
iat enveloppé dans cet affi-eux défaftrei
Il fembla que le Ciel avoit voulu tco-
ger les Peuples de l'Amérique.
Tandis que la guerre eft pouffëe avec
■vigueur en Italie , l'Archiduc conclut à
Lyon avec Louis XII. un traité par fe-
3uel on conSrmoTt le mariage du Due
©■(«) Luxembourg avec Madame Claïf
de France. On céifoit aux futurs époux
la ponion du Royaume de Naples .qui
devoit tomber en. partage aux Rois de
France & de CafliHe ; if fat réglé qù*oh
attendroit la confommation du niariàge
pour mettre le jeune Prince & la Prîn-
tefle en poffcmon des Etats qui leur
étoient deftinës. Les Arabaffadeurs de
Ferdinand fe foumettoicnt à- l'excom-
munication , en cas que le traité ne fût
pas^xécuté fidèlement; Le Roi de Càf-
tille n'avoit pas^ érrvie de' s'y cofiformw,
tjuifqu'il écrivît à Gônfalve dé n^Y avcfir
aucun égard , & lui envoya de noQvcauïc
fecours. Louis XII. qui ^iigebif de h
Non it CWltt-Quine' 'f ■ . -«: TV .TT r
D* £ SP A G M E. 143
bonne foi des autres par la fienoe , licen-
tia une nouvelle arm^e prête à eotrer en
Italie. L'Archiduc gui avoit l'aise droi-
te t ne pardonna jamais à fon beau-pere
le déiâveu de ce traité » 6c lui fit len-
tir dans ta fuite par fa défiance , fon éloi-
^ement & le mépris dont il l'accabla >
combien fes procédés lui étoient odieux.
Cependant Gonfalve , après avoir ifoj.
lutté long-tems dans Barlette contre la
difecte , & les François , commence k
devenir fupérieur ; les renforts venus
d'Efpagne , & les ordres gue donne
Louis XII. i fes Généraux de fufpendre
les holtiUtés , lui afltirent le fuccès de la
Campagne & la gloire de chaifer les
François du Royaume de Naples ; cèil%-
d dirent battus dani toutes les rencon-
tres ; Dom Ferdinand d'Andrade débap-
mie en Italie avec loooo Efpagnolsj
Stuart d'Aubignj , après avoir abandon-
né plnfieurs poftes , eft vaincu dans cet
mêmes plaines de Senùnara où U avoit
remporté une vifloire coinplçce 8' aiis
auparavant ; U Marquis de Bitonto at-
taché aujtJFrançois ^ efluye le même fort',
fon vainqueur fut Dom Louis de Her-
fen i cnnn , Gvnfàlve met l« <ombl« i
XV4- Histoire
les avantages en remportant une viôoir^
décifive à Cerignoles fur le Duc de Ne^-
mours , Viceroî de Naples. Jamais fuc?-
cès ne fut plus entier ; le Générât Frati-s-
çoisfuttue, toute l'artillerie, les dra-
peaux & les bagages furent pris , à peine
te fauva-t-Jl l ooo hommes de toute l'ar»-
jnée i toute la Fouille eft foumife , Na-
pïes ouvre fes portes ; Gonfalve emporte
d'aflàut le Château - neuf Se celui de i
r<Suf > par le moyen d'une mine creu-^
fée par Pierre Navarre. On prit dans
•cette dernière Place le Comte de Paîl-
tiars qui , trente - cinq ans auparavant
létoit le chef des Catalans révoltés : il
iiiic conduit en Efpagné , & périt en pri-
fon fans qu'on ait [ça de quelle manière i
d'Aubigni eft forcé & pris dans un cM-
tieauparSenavides; il nerefteauxFran-
:çois que Gayette. Gonfalve l'afliége par
jner & par terre. Louis Xïl. inftruit de
:tant de défaftres , envoyé une flotte &
une pui0ante armée de terre au fecourt
de cetK- Ville* Dom Hugues de Coti-
Àoue t un des Généraux Ëfpagnsls , eft
tué devant la Place , & le fiége chan-
gé en blocus; cependant Gonfidve mar-
*Iie wÂeviniàs knouveUearmécFran.
joife.
d'Espagne. 14.^
^o£c,8c remporte d'aflaut enfâpréfence
Mont-Caflîn ; le Marcjuis de Mantoue eft
vaincu au palTage de la rivière de Gariltan,
le Marquis de Saluées qui lui fucc^de n'eft
ps plus heureux , les François difparoif-
lènt , & le Générai Caftillan revient affië-
ger Gayette ; la Ville ne tint pas trois
purs , les débris de l'armée Frahçoife
commandes par d'Aligre capitulèrent , à
condition qu'on relâcheroit les prifon-
niers de part &c d'autre , que Gayene fe-
roit rendue avec l'artillerie & toutes le»
munitions de guerre qui s'y trouvoient ,
que la cavalerie Françoife le retireroit eh
laiflant fes chevaux , & l'infanterie fans
autre arme que l'épée dont la pointe fe^
roit ëmouflee. De tous les François qui
prirent le panï de fe retirer par terre , il
n'en revint pas cinq cents en France'; Us
furent prefque tous aflbmmés par les Pay-
fans Napolitains. Le Général vainqueur
entra dans Gayette ; le Pape venoit de
mourir , Allié de Louis XII. fon bien-
faiteur , tandis que ce^ Prince fut heu-
reux en Italie : il négocia un traité avec
Ferdinand , depuis que la fortune avoir
abandonné les François. A fa mort , le
Cardinal d'Amboife', qui fe trouvoit à
Tem ///. G
1^6 Histoire
Rome I arrêta dans le voî{Inage àç cette
Ville l'armée de Louis XII. fon maître i
qui il fît manquer l'occalion de recou-
vrer Naples..L'erpërance d'être éluPape
occafionna cette manœuvre de la part du
Cardinal. Gonfalve , avec fon activité or-
dinaire , envoya des troupes qui facilitè-
rent l'éleftion du Cardinal' Ficolomini,
fous le nom de Fie III. Ce Pontife mou-
rut trois femaînes après fon exaltation ;
d'Amboife efpëra encore de parvenir à
la Tiare : mais U fut trompé par le Duc de
Valentinois , fie par la Rovere , Cardipal
d'OAie , qui fe nt élire lui-même fousls
nom de Jules II.
Les Us Cortes de Madrid âélîgnenc
le Roi pour Régent de la Monarchie , en
cas que la Reine vînt ï mourir pendant
l'abftnce de l'Archiduc & de l'Archi-
duchef^ ; nailTaDce de Ferdinand à Alca-
.la de Henares le i o Mars ; ce Prince) de-
puis Archiduc d'Autriche, Roi de Bohê-
me & d'Hongrie > & Empereur, eft la rige
de la branche d'Autriche établie en Ail&-
. magne» dont la podérité mâle manqua
.en 1740 à U mort de l'Empereur Char-
les VL dernier Prince de cette Maifof)
fj féconde en Empereurs Se «n Rois.
d'Es fagn e. 147
FeFdinand,3près s'être alTuré du Roi de
Navarre (a) dont il redoutoit l'alliance
avec Louis XÏI. fait lever lé fi^ge de Sal-
fes aux François commandés par le Ma-
réchal de Rîeux , ce Seigneur ri'avoit que
douze ou qukize mille hommes , l'armée
Caftillane etoit une fois plus nombreu-
fe. Salfes fut défendu pendant près d'un
mois par Dom Sanche de CaftîUe ; le
Seigneur d'Albret tente en vain avec
une armée Françoife de pénétrer en Ar-
ragon ; Ferdinand, dans une învafion en
Languedoc » rend avec ufure auxFran'
çois les maux qu'ils avoient voulu faire
à fes Sujets.
Le Portugal eft défolè par ta Ëimine
&par lapefte.
Il iVmble que la qualité de Gouver-
neur de 5. Domingue , communiquoic
à tous ceux qui en étoient revêtus la bar-
barie , la rapacité , l'injuftice & la perfi-
die. Ovande feit pendre la Reine Ana- ,
coana , l'amie & l'alliée des Efpagnols ,
300 des principaux Vaffaux de cette
Princefle font brûlés vifs , & on mjjTacre
(d) If avoit taei^t J«aQ d'Albrei à lui livrer CQin-
■ me «n fitjge fa fille Magdelene Élevée & morte à'i»
Cour Je la Reine,
Gij
148 Histoire
de lang troid 20000 de fes Sujets , Iiom-
qies , lemmes 6c en&ns, fous le prétexte '
vrai ou faux qu'ils fongeoient à fecouer
te joug de leurs Tyrans.
J JO^. Une trêve de trois ans eft Bgnêe entre
l'Efpagne & la France , à condition que le
Commerce feroit rétabli entre les Sujets
des deux Puiffances , fans que les Franç<»s
puffent le taire dans le Royaume de Na-
plès, & même y entrer; l'Efpagne eft af-
fligée d'un horrible tremblement de terre '
le y Avril , jour du Vendredi Saint entre
neuf & dix heures du matin , l'Andalou-
jtç fouârit plus que l<s autres de ce fléau
3ui renverfa une infinité de injifons Se
'Eglifes, & fit périr une muititude de
Citoyens à Sévilie & à Carmone. L'Ar-
chiducbeffe Jçanne jaloufe de fon époux
jufqu'à la fureur , repafl^ en Flandres '
malgré le Roi Se la Reine ; Ifab«lle de-
mande en vain le Duc de Luxembourg
pour l'élever fuivant les mœurs de laNa-
, tion. L'Archiduc étoit trop irrité contre
Ferdinand pour lui confier un fils qui eût
pu lui fervir d'otage; dans ce tems-là
piême il prenoit des mefures pour fe vçn-
eer du Cafliltan. Il ilgnoit à filois un
iraJté de liguç offenfiye & d^fçnfive avçc
les François & avec l'Empereur fon père.
Par un des articles , te Duc de Luxem-
bourg époufoit Claude de France , ou la
Princefie Renée fa fœur , en 'cas* que la
piemiere vînt à mourir. On dîfpofoit en
raveur des jeunes époux du Royaume de
Naples , & on comptoit bien forcer Fer-
dinand à le leur céder. L'Empereur . '
moyenDanc 200000 écus^ accordoit au
Rorde France l'inveftiture du Mïlanez
qui deroit retourner à la Princeffe Clau-
de > ea cas que 'Louis XII. n'eût point
I d'enfaîfs mâles. Ce traité G ^favorable à
j la Maifon d'Autriche n'eut point d'exé-
' cution.
Gonfalve eft reçu en triomphe à Na-
ples. Quelques Seigneurs du Royaume >
pleins d'admiration pour et grand Capi-
taine, lui oAnrent la Couronne. On aécrit
qu'il fut tenté de l'accepter. Il s'attache
à la Maifon des Urfins ; mais celle de Co-
, lonne, éternellement rivale & ennemie de
1 la première , fe venge en l'accufant au-
près du Roi de Caftille de vouloir ufur-
per le Royaume de Naples , & d'îtvoir
hvorifé l'eleâion de Jules II. au préju-^
. dicê du Cardinal de Carvajal,£fp3gnol
cpii avoic un pûiâànt parti, Frofper Co-
I Giij
lyo .HlSTOlBE
Ipnoe paff^ lui-aiême en Ëfpagne , où U
n'eut pasde peine à perdre Gomalve data
reTprit d>'un Roi déoant ic ingrat. Ferdi-
nand mtjdére tes pouvoirs de ce fameux.
Générai , & lui donne tes plus étranges
mortitîcatîons. SenGble à de fi indignes
traitemens , Gonfalve vouloir retourner
dans fa patrie , mais la Reine Ifabelle
qui croyoit la deftinée de cet Etat atta-
uiée à la perlbnne du grand Capitaine,
lui écrivit avec toute la confiance qull
méritoit , & calma ies reifentimens.
Gonfalveefl regardé comme le Dieu tu-
telaire de toute l'Italie. Gènes , Pifc , Ar-
rezzo lui demandent à être fous la pro-
teftion de l'Efpagne. Les Medicis chaffîs .
de Florence , s'adreffent à lui pour leur
Tétabtiflement. La plupart des Milanois
le Ibllicicent de s'emparer de leur Capi-
tale , & de travailler à l'expulfion entière
, des François de l'Italie. Gonfalve s*af-
iùre par une perfidie de Céfar de Borgîa ,
ce fameux Duc de Valentinois qui étoit
capabJe de mettre toute l'Italie en com-
buAion ] & de la livrer à laFrance. La
puilTance de cet homme achetée par fes
crimes & par ceux du Pape Alexaih
dre VI. fon père , veaoit enfin d'être
d'E s P A G N E. lyi
reaverfée. Jules II. l'avoit forcé de refti-
tuer tout le patrimoine de S. Pierre ; mais
Borgia avoit des tréfors > des amis Se des
talens. Gonfalve l'attire à Naples par de
belles promefles , le fait arrêter & con-
duire en Ëfpagne où il fut renfermé dans
un château. On prétendit qu'il avoit
voulu Ibulever les Ëfpagnols & les Al-
lemands pour fe faire Roi de Naples.
Il-faîloit bien que Gonfalve cherchât
à colorer fa itïauvaife foi : le Duc de
ValentinoJs méritoit de périr fur un '
écbaiïàut ; mais eft-il permis d'employer
la perfidie , même contre les plus grands
fceiérats. CcBorg^qui fut encore plus
méchant que fon père , efl le héros de
Machiavel.
Mort d« Frédéric > Roi de Naples àé-
tliôné; perfonne n'ignore que "fa petite-
fyie Anne de Laval Montmorenci a por-
té dans la Maifon de la TrémouiUe fes
droits Se fes prétentions au Royaume dâ
Naples.
Tdle étoit la fituatJon de l'Italie ,
quand la Reine Ifa belle mourut d'hydro'
Îiifie le 26 Novembre i l'âge de ^4 ans »
on teftament daté du i2 0âobre delà
même année t appelloic à la Couronne
Gïv
i;2
Histoire
Jeanne fa £lle aînée , &c Charles, Duc de
Luxembourg, fon petit -fils; mais at-
tendu le dérangement d'efprit de Jean-
ne , le Ro! Ferdinand étoit inftitué Ré-
gent & Adminiflrateur de la Monarchie
jufqu'à ce que le Duc de Luxembourg -
eût atteint la vingtième année de fon
âge. On laiffoit au Roi les grandes Maî-
trifes des Ordres Militaires, la moitié du
produit des mines de l'Amérique , &
une penilon d'un million d'écus fur tes
revenus de la Couronne. Les Exécuteurs
iTefiamentaires étoient Ferdinand , l'Ar-
chevÈque de Tolède , l'Evêque de Fa-
ïence , Alfonlè de Fonfeca , Jean Velaf-
Îuès , Intendant des Finances , & Jean-
,opès de Lezarra^ , Secrétaire d'I(a-
belle. Cette Princeffe ne faifoit aucune
mention de l'Archiduc fon gendre. On
^t que la Reine, avant que de mourir, fit
jurer Ferdinand qu'il ne pafferoit point
à de fécondes noces. La jaioufie feule ,
paffion dont elle fut toujours extrême-
ment tourmentée , lui fit exiger un pa-
reil ferment.
Ifabelle eft fans contredit la Reine &
la femme la plus accomplie dont il fcût
parlé dans rHiftoire. Aux grâces & aux.
d'E s PA G N E. lyj.
agrémens de fon icxe , elle jo.ignoit U
grandeur d ame d'un Héros, la politique
profonde & adroite d'un j^abile Minif-
ire , les vue? d'un Lég^ateur ^ les qiia—
\kés brillantes d'un Conquérant , la pro-
bité 4' un bpa: .Citoyen, T-exa^itûde du
plus intègre Magîlîrati i4n ^mour tendre;
pour le genre Humain ;; enwi^mot , tou-
tes les vertus qui immortalifent les grands;
Rob. On lui reproche d'avoJr été fiere ,,
dure, ambitieuf^ ^.jaloufe àjL'^Kcès de
fba autoritç:; q^aîqi^'e^le 3iniâfi&>n mari,
eUe «ui avec lui dç fréqpeos .fLémélés au
fiiiec de la CaftilicdoçteUe p'étoit léCa-
xée le Gouvernement. 1a («pul moyen,
cependant de fixer le Roi, & de l'enga-
ger à quitter fes Maîtreffes , eûl été de
lutlaiuer un peu plus d'autorité. Ifabelle
nel'îgnoroit pas; mais telleétoitia no-
bleffe ou la fierté de fes femimens , qu'el-
le ûmokmieujcTou^f tout ce que laja-
loufie caufe d^ fquri^e^ à une feMme
paflîonnée, que d'abandonner fes Juftes
droits au Gouvernement. Au refte,les dé-
fauts mêmes furent aaSi utiles à fa Patrie
que fes vertus & fes talens. Il falloit une
neine de ce car^élere pour humilier les
Grands fans lesrévolter, pour conquérir
Gv
i y4 Hi$T6iRH
Grenade , fans attirer toute l'Afrique
en Efpagne , pour détruire les vices &
les fcélerats ae fon Royaume , fans éx-
Eofer la vie & la fortune des gens de
iens.
Après avoir porté 52 ans le titre de-
Roi de Caflille , Ferdinand le quitte î
regret pour prendre celui d'AdroiniUra-
téur ; perfonne né s'oppofe à l'exécution
du teftament de la Reine i ce n'eft pas
qu'il n'y eôï bien des Grands qui le cru-
rent fuppofé, mais on vouloit voir quel
parti prendroit l'Archiduc ; cependant
Ferdinand fait- proclamer l'Archjdrt*
cheffe Jeanne Reine de GafHlIé à Medioà'
del Campo. '
D*E s F A a N E. ij;
JEANNE LA FOLLE, &
Philippe î. surnommé
LE Beau.
PHILIPPE reçut avec indiâërcRce ifoS
la nouvelle d'une mort qui appona 6c
dans ia Maîfon une fucceâîon immenfe. i ro^*
n parut , dit-on , balancer entre les Pays-
Bas & les Couronnes d'Efpagne. Il ne
s'accommodoit pas des Mœurs & des
Coutumes de la Nation qu'il alloit gou-
verner ; mais le reflentimeot de fê voir
oublié dans le teftameot de fa belle-
mere > l'envie de fe venger de Ferdinand
i qui 'û attribuoit cette înjiiftice , le de-
fir fi naturel de conferver tant d'Etats ;
les confeils de Jean Manuel qui , en wp-
prenant la mort de la Keine , quitte mal-
gré les ordres du Roi la Cour îmvéror
le où il réfîdoit en qualité d'Ambaflà-
deur , pour fe rendre i Bruxelles auprès
du Prince i tous ces motifs ptévalurent
enfin fur îbn indolence > & le déter-
nQnerent ^ ne pas abandonner une û
belle fuccdfion.Il fe moQua même aum
Gvj
1 ytS Hi STo IRE '
ardent pour la recueillir que l'importan'
'Ce de la chofe le méritoit. D'abord il dé-
clara que le Teftament étoit fuppofé , &
menaça publiquement fon beau - père.
Ferdinand fe trouvoit alors dans une
étrange perplexité. H fe déficit égale-
ment de rÂrcbiduc & de Gonfalve. II
craignoit que ce dernier quiavoît à"û
difpofition une armée tant de fois viflo- ,
rieufe , n'cmbraffâtles intérêts du Prince
Autrichien. Il lui écrivit de fe rendre en
Efpagnepour y recevoir ie fruit de fes
travaux , & lui manda qu'il vouloit fe.
défaire en fa faveur de la Grande-Maî-
trife de S. Jacques. Gonfalve le raffura
bientôt , & rejetta les propo(itions du
Pape & de l'Empereur qui ie follicitoient
de livrer à l'Ârchiduc le Royaume et
Naples.
♦"erdinand déterminé à ne point drf-
cendre du Thrône de Caftille , s'avîfa
■d'un expédient fort flngulier. Il entre-
prit d'époufer ta Princene Jeanne , fille
ae Henri l'Impuiflant j, qu'il avoii fa»
déclarer bâtarde, & à qui il enleva la
Couronne ; il comptoit que ce mariage
fjouvoit encor* lui donner des (a) en-
- (i) Feidiiud «Toit alor* 4> an* t ft 1> Pnnceflè.^;.
d'EsP A G N E.
uns. Pour réuffir dans ce projet , il fal-
loit une dWpenfe du Pape , le confente-
ment du Roi de Portu^l dans les Eiacs
duquel ëtoit la Princeffe , & l'aveu de
Jeanne qui avoit toujours regardé Ferdi-
nand comme Ion oppreifeur. Les difS-
cultés n'étonnoient pas l'ambitieux Caf-
tilUn. Il avojt déjà parole du Pape pour
la difpenfe , & il négocioit avec la Prin-
ceffe par le moyen d'un Moine ; mais
Emmanuel > fans qu'on n'en ait jamais
fçu la raifon , s'oppofa aux prétentions de
Ferdinand avec une opiniâtreté qui fit
échouer l'entreprife.
Les Etats de Caftille aflêmblés à
Toro , proclament Jeanne la Folle ,
Reine pour la féconde fois. On y dé-
clare Ferdinand Régent du Royaume
i'ufqu'à la majorité ' du Duc de Luxem-
lourg. Ces Etats font fameux par la pu-
blication des Loix auxquelles Ferdinand
& Ifabelle travailloient depuis près de
vingt-cinq ans. On appella ces Loix,
Jjtgts TaurUts , du nom de la Ville de
Toro. C'eft le Code de la Caftille. Quoi-
que te Régent eût lieu en apparence de
le louer des Etats , il fe déficit avec rai-
fon de tousles Grands quiae luipardon-
ij* Histoire
nerent jamais de les avoir û fort abaïfl'^s.
Ce Prince ne pouyoit guères compter
que fur Ximéoes & le Duc d'Albe qui
ne l'abandonnoient jamais. Le Duc de
Najera & le Marquis de Villena à la tête
de la Noblefle, écrivent à l'Archtduc
de paâer en Caftille , l'aflurant que fon
beau-pere feroit renvoyé à Saragofle auf-
fi-t6t qu'il paroîtroit. Ferdinand , de fon
côté négocie à Bruxelles.
Un de fes Arabafladeurs appelle Con-
chillo , profite adroitement d'un trait de
jaloufie de la Reine Jeanne contre l'Ar-
chiduc fon époux , & tire de cette Piin*
cefTe un écrit par li^quet elle approuve le
Teftament de fa mère , & confent que
fon père refte maître de la Caftille en
qualité d'Adminillrateur jufqu'à ce que
fon fils Charles eût vingt ans. Il n'en fal-
Imt pas davantage pour enlever l'Efpa-
gne a la Maifon d'Autriche. Ferdinand
pduToit s'affermir en Caftille, & difpo-
ter de ce Royaume en faveur des enfans
d'un fécond lit. L'exempte du Prince
de Viane étoit récent. L'Archiduc inf-
truit par Fonfèca , Collègue de Con*
clùllo , hk faifir le fatal Ecrit , 8c jetter
le Négociateur dans uii cachot lî bom-
D* Espagne. ifp
ble que tous les cheveux lui tombèrent
en une nuit , & qu'il manqua de devenir
fou. La Reine fut arrêtée dans fon appar-
tement , avec défenfê de lui laifler parler
i aucun Efpagnol. Cependant Philippe
cnùghuit pour let Ambafladcurs qu il
avoit en Caftille * fendit la libené à Con-'
diillo. Malgré tant d'injarfcs mutuelles on
en vint bientôt à un traité figné à Salaman-
que fous la garantie du Pape , de l'Empe-
reur, desRûÎB de France &c d'Angleterre î
on convint que Ferdinand , l'Archiduc &
Jeanne prendroient tous les trois le nom
de Rois de Caftille , que celui de Ferdi-
nand dans tous les a^es prëcéderoit les
autres > que le Duc de Luxembourg fe-
Toit proclamé Prince des Afturies , que
les revenus du Royaume feroient partagés
également enwe le bcau-pere fie le gen-
dre, que chacun d'eux noflunercût k la
m^ti« des emplois, & qu'ils régiteroîent '
tous deux avec une égale autorité i Phi-
lippe gouverné par Jean Manuel fon Mi-
luttre & fdn Favori trompoit Ferdinand
en prêtant les mains k un traité qu'il
étoit bien éloigné de vouloir teitîr ; ce-
pendant le R<» s'imàginant <|ue fon gen-
dre r^nnt J^Bnnc^s , & liù ibin-
j6o Bi s t o 1 b b
donneroit l'Efpagne , fonge i fe fortifier
par de nouvelles alliances : celle de Fran-
ce lui tenoit à cœur , il craignait les fuî-
tes des liaifohs Intimes de Louis XII. &t
de l'Archiduc , pour s'attacher le Mo-'
liarque François , il lui demande Ger-.
maine de^'oix , Ta niecç , en mariage >. A.
condition quelesenlâns forcis de cette-
union auroient le Kcyaume de Naples
qui retourneroit à la France , en cas quç
les deux époux ne laiâaflent point- de
poftérité ( que Ferdinand donnêroit en-
î'efpace de dix ans cinq cent mille ëcus.
à Louis XII. &. que tous tes Napoli-
tains qui avoient été parti&M tlela
France , feroient rétablis dans leurs
biens. Ce traité fut conclu à Blois le 12
. Oflobre.
- Gopfalve étoitJoujours l'arbitre de
ritafie- Deux fois il fit lever le fiége de
Pife'aux Florentins , Nuno Campo 6uc
la gloire de battre leur armée; .- .
Mazarquivir fur les Côtes d'Afrique
eft conquife par Dom Diegue de Gor-
doue , Alcayde des Damoifeaux ; éta-
bUflètnént du Confeil d^Italie , Thomas
Alalfarit en fut le premier fc^fideot.
Le SoidaQ d'Eg7pt;«,eXc&é par. les.
d'E SP A GN E. l6l
cris des Maures , & des Juifs chalTés
d'Efpaene , menace le Pape de faire main
baffe iur les Chrétiens établis dans fes
Etats , & de détruire les Lieux Saints ,
à moins que les Rois d'Efpagne & de
Portugal ne promilTenc de traiter avec
plus de modération leurs Sujets Muful-
mans.
Colomb retourne en Efpagne après
un voyage malheureux Se inutile j il ef-
fuya tous les maux auxquels l'bumanité
' peut être en proye ; abandonné de fes
gens dans unelflepeuplée d'Indiens aux-
quels la renommée avoit appris les bri-
gandages & la tyrannie desEfpagnols y.
fans vivres , fans reiTources , accablé des
maladies les plusdouloureufes> fon cou-
rage ne parut jamais plus ferme ; il f^ut
eimn fe tirer de cet abyme de maux par
fon induflrie : les Cailillans qui l'avoienc
abandonné , le joignirent, & 11 les rame-
na en Efpagne ; mais pour comble de
malbeurs il trouva la Reme morte , & un
ennemi fecret dans la peifonne de Ferdi-
nand. On exigea de Colomb la démiûion
de fa charge > moyennant quelques terres .
& quelques penfions qu'on lui accorda.
TeUe fut ta récompenfe de fes firvices.
iga Histoire
Il ne pût foutenir un pareil traitement ,
& mourut de douleur à Valiadolid le
AO Mai , à l'âge de 6^ ans.
Depuis la mort d'IfabcUe le fort des
Amëricains devint plus malheureux qu'il
n*avoit jamais été. Des Efpagnols auto-
rifês par le Brigand qai avoir te titre de
Gouverneur, achevèrent de détruire ces
infortuné Infulaires , en les précipitant ,
pour ainfi dire , dans les entrailles de la
terre. Herrera dit qu'on tiroit alors cha-
que année quatre cent mille marcs d'or
des mines de riflej Cotubama, le der-
nier des Souverains de l'ïfle , eft pendu-
à S. Domingue avec les formalités àt
la JuAice.
Philippe & fon époufe s'embarqutiït
le lO Janvier pourpaffer en Efpagtte ;
Ferdinand ne s y attendoit plus , mais il
eft bien fervi par une tempête qui les jet-
te fur les Côtes d'Angleterre ; il écrivit
à Henri VII. fon Allié de les retenir le
plus long tems qu'il pùurroit , efpérant
pendant ce tems-là fe mettre en état de
défenfe , en cas que fon gendre ne vou-
lût pas tenir le traité de Salamanque ; le
Roi d'Angleterre profite du malheur de
l'Archiduc pour exiger de lui Edouard
d'EsP A GN E. l6j
PqIus ) Duc de Suâbick , le dernier des
prétendans à la Couronne^ il ^Uut fouf-
crire à une demande fî injufte : le mal-
heareuK -Sutfbtck détenu depuis long-
tems dans le château de Namur , fut li-
vré à fbn ennemi , & immolé depuis par
Henri VIÏI. L'Archiduc fe rembarque
au commencement d'Avril , & arrive le
26 à la Corogne ; cependant Ferdinand
avoit époufë GermainedeFoix, & pa»
blié la paix avec UFrance , M tenta enco-
re d'attirer dans fon parti- les Grands & le
Peuple j mais tous les cœurs étoient pour
fon gendre, il fallut évacuer la Caftille ;
dans cette extrémité ce Prince devenu
fouple rechercha l'Archiduc , & lui fit
demander une entrev&e , il alla même
au-devant de lui jufqu'à Molina, nîais Phi-
lippe qui vouloii l'éviter , prend par des
Cfiemins détournés la route de Burgos ,
tous les Grands cou roient en foule vers
le nouveau Roi , & Ferdinand n'eut bien-
tôt avec lui que Ximénès , le Connéta-
ble , l'A mirante & le Duc d'Albe , fes pa-
rens, &le MarquisdeDenia, fon Favori;
Jean Manuel » Miniftre de Philippe , Se
ennemi impiacable de Ferdinand, fans
autre rùfon apparente que l'antipathie
i6^ Histoire
ordinaire entre les Caftillans & les Ar-
ragonois , aig^floit fans celTe refprit da
jeune Prince contre fQnbeau-pere;'l 'Ar-
chiduc 6c Jeanne font proctvnés à £ur-
gos , fans qu'on faiTe mention du tefta-
ment d'Ifabelle ; Ferdinand obtient enfin
à force de négocier > une entrevue avec
fon eendre près de Sanabria ^ on le força
de donner des otages , & de venir fe met-
tre au pouvoir de fon gendre , fans autre
^reté que la parole du nouv-eau Roi ;
Philippe parut avec la Cour la plus nom-
"breufe Se avec 2000 hommes bien ar-
més, tandis que Ferdinand accompagné
du feul Duc d'Albe , n'avoit qu'un trÈ.s-
mince cortège ; le perfonnage de fup-
pliant devoit bien coûter à un Prince
aufli fier ; mais l'intérêt , l'efpérance
d'obtenir quelque grâce , Ërent taire en
ce moment fon orgueil. Philippe le reçut
avec la gravité d'un Roi d'tfpagne , &
Ferdinand parut fe comporter avec la
franchife d'un Flamand ; il demanda
beaucoup, & n'obtint rien, il infîAa fur-
tout qu'on lui lailfât le Royaume de Nâ--
pies , mais Philippe interrompit la con-
férence , en difant brufquement que cha-
cun te contentât du fien. Les Grandes- .
d'Es P A G k E. l6f
Maîtrifes refterent à Ferdinand avec une
penfion de cinquante mille ècus. Quel-
que tems après , ce Prince obtint une fé-
conde entrevue auflî humiliante que ]a
première ; il donna à fon gendre les con-
leibles plus fages; tous les deux Ce retirè-
rent contens en apparence , mais dans le
fond très-aigris : on remarque que Fer-
dinand ne demanda point à voir fa lîlle ,
& que Piiilippc ne lui offrit point de la -
lui préfenter ; l'extravagance de cette
Princeffe étoit prefque publique , & Phi-
lippe travaillait à la faire interdire , &
même à lïi renfermer ; on en fit b propo-
fition qui fut re^tt^e par les las Cortés
affemblés à Valladolld : on prêta ferment
à Jeanne , comme à la propriétaire de
la Couronne , à Philippe , comme à fon
. ipoux , & au Duc de Luxembourg, com-
me au Prince des Albries^ les Etats ac-
cordèrent suffi au nouveau Roi un don
xratuit de deux millions cinq cent mille
nvres*-
Cependant Philippe gouverné par Jean
. Manuel dellîrue les Gouverneurs , les
Miniflres & les Magiftrats que Ferdinand
avoit placés ; il ordonne par lin Décret
c|ue le Cfjofeit Roy^ prendra connoUr
t
i66 Hi s T o 1 lUE
fatice des aâàires de l'Inquiiition > & re-
cevra les récufations d'un Criminel con-
tre les Inquiflteurs , & contre leur Tri-
bunal fouverain ; ces innovaùons , les
{>ro&Gons du jeune Roi, refpece de pri-
bn de U Reme qu'on ne permettpit qu'à
'~ieu de perfonnes de voir > le privilège
té aux Grands de fe couvrir i caufe que
la NobleiTe Flamande ne pouvoit jomr
de cette diftinâion , irent bientôt regret-
ter Ferdinand , Prince ft vere à la vérité,
mais judicieux , -équitable , gouventant
par lui-mêffle & pariaitement inflruii du
gënie> du caraâere, des Coutumes & des
Loix de la Nanon ; déjà quelques Qruids
remuoient pour tirer la Reine de prUon ;
on iè plaîgnoit que les fîaances étoieni en
proye k 1 avidiœ des Cournfani, que les
tréiors de la CafliUe ne fûffifùen^ pas aux
prodigalités du nouveau Monarque : cet
état violent ne dura pas ; Fbilippe mou-
rut à Burgos le 2^ Septembre à l'âge
de vingt-huit ans , après une malai^ de -
. lîx jours pour avoir £ût un trop violent
exercice de la paume : c'étoit te -Prince
le mieux fait , le plus beau , le plus gé-
néreux Se. le plusracile de l'Europe; mas
il s'en &lloit DJCQ.qu'il eût le génies l'apr
D*E s P AG N E. 167 .
plkaûon , la prudence fie l'babileté de
ioa beau-pere. On craignok , s'il eût ré-
gné plus îoDg-tems, que rinquifîtion ,'
regardée alors comme nécellâire> n'eût
ttefuppnmée; que les Grands n'euflènt
joui de leur ancienne autorité , & que
les Peuples ne fuflênt devenus aui£ mal-
heureux que fous Henri IV. Philippe <}ui
regardoit le Roi de France comme le
plus honnête homme de TEurope , le
préféra à l'Empereur fon père , & à Fef'
dinaiid , en confiant la tutelle & l'édu-
caùon de fes enfass à Louis XII. Jeanne
étoit alors enceinte de l'In^nte Cathe-
line , depuis Reine de Fbrtugal. La mort
précipitée d'un époux pour qui elle avoit
la pamon la plus violente , achevé de lui >
bire perdre refprit. Son amour fembU
piendre de nouvelles forces. Ce ne fut
pas fans peine qu'elle confentit qu'on en-
lermât le corps de (oti mari dans un cer-
cueil qui la fuïvoit par-toui , Se qu'elle
fcifoit de tems en tems ouvrir pour avoir
la trifte fàtisfaâlon de contempler un fi
cher objet. Enfin , cette Reine défolée
Té retira à Tordefillas avec ce cercueil
qu'elle appelloic fon tréfor , pafTant une
vie qui fut très-loogue à ne fë nourrir^
s
1(58 Histoire •
pour ainfi dire, que de fa douleur, ou i
le btittre avec des chats. La mon de cet
époux qu'elle aimoit fi paflîonnémént ne
lui arracha pas une feule larme. La ja-
loufie en avoir épuifé la fource. Philippe
ayant'un jour été furpris avec une de lès
maîtreffes , cette aventure fit verfer à la
Reine une fi grande abondance de pleurs
u'elle n'en put répandre dans la foitci
iiile continua d'éprouver toutes les hor-
reurs de la jaloufte. On la voyoit entrer'
en fureur , lorfque quelque femme appro-
choit du cercueil de Philippe. Dans un
de fes voyages , elle aima mieux camper
que de loger avec les triftes reftes de ion
époux dans une Abbaye de Filles. Lç
dérangement de fa raifon ne l'empêcha
pas d'être fenfible à la perte de fon au-
torité. Elle fe plaignoit fouvent de fon
père & de Ximéiiès qui lui aVoient enle-
vé le gouvernement : il fallut bien en
priver cette malheureufe Prineefle , &
déférer l'adminiAration des aiïàires , ou
à-Ferdinand , ou à l'Empereur Mixîmi'
lien; tous les- deux avoient des droits &
un parti puifiant en qualité d'Ayeuls du
Prince Charles ; les Lois fçmbloient
parler pour le premier > & la raifon pcnir
l'autre;
d'Es P A GNE, l6p
ï' autre î Ximénès , le meilleur Citoyen ,
comme le plus habile komme <le l'Écat ,
détermine la balance en f»Teur de Fer-
dinand; MaxioMliËn avare , prodigae,'
foible , léger , inappliqué , ignorant les
Loix & les Coutumes de l'fipagne pou-
Toit-il entrer en comparaifon avec Fer-
dinand , le Ffince le plus habite de fon
(iécle f Néanmoins la haine des Grands
étoit telle que la (^âpart propoferent i
Jeanne de fê remarier , & de choiiîr ou
Alfonfe d'AiTagon , ou le Duc de Cala-
bre , -ou Gallon de Foix , ou le Roi d'An-
gleterre : mais la Reine rejetta avec hor-
reur toutes ces propolîtions. Cependant
les<jrandE choial^ent^pour Régents , Xi-
ménès , l'Amifante , le Connétable , le
Duc de l'ïnfantado , ie Duc de Najera ^
Andté-dei Burgo & le SeigRcurde Vere,i
Flamand. Fermnand plein de foupçont
& de défiance contre Gonfalvb > étùt
palfé en Italie avec la Reine , Germains
âe Foix t âc la Reine Douairière de Na-
ples , fa fœur , dans le deffein de le defti-
tuer , ou marne de le faire arrêter ; il eft
conlbnt que ce fameux Général avoic
fefiifé d'obéir aux ordres du Roi quil'ap-
«elloient en Efpagqie foiu prétexte de le
Tarât ///. If
I7Ô H I-S.TO IRE
f^ire Grand-Maître de S* Jacques ; le hrqit
fubliç racçu^it de vouloir réunir Naples
la Couronne de Caftille i d'autres prc-
i^endoient qu& Jules II. l'avoit exborté ï
^ ùMa-, pour lui-même du Thrâne > on
^ait que ce Pape a,voit form^ le projet de
cfeaffeç d'I«dJe les JFrançois , les Alle-
qaapdf^^^ l^Ër|>agnoU qu'il regardoit
«omîçe dçft tsfbareç & les oppreffeurs
«le cç^bgau. pays ; mais Ferdinand, étant
firçE:à:emrw,à Gêpcs avac une.flotte de
Cffîptj-^^ galéies , fut amiéableinent
fitfpriç.dfeMacpptrcr Gûnfalve. qui.ve-
nfliîi fe liyfWi: à-lBi, Il apprend: à Pcrto-
^ÎBQ l«^9(>J't.(k.£9a amdre ,.ScUv vœux
de la C^il^ peur Ion. retour} C4ais il
HÇÇfibtfiàç fi peu. le Parti de Mioimi-
J^ea, qe'yi-cftodnue fa route , & arrive
à'I^pleftoù ji^reçu en triomphe.
■ IwiX)Af(Mnes>le.Gruà&t.àJa main;
pKêdient^£itf]^nor-QQotre les Juifs nott*
vefiwesvconyertb, âcibulevent le Peu-
ple ; plu» de 2000 de ces malheureux;
av.ec leurs femmes & leurs en^ns foot
nialTtçréBdansiesxues, lesmaifons, lei
ÎEglifc^ & jufqucs fiar lesAutds. Le car-,
mge'dtira tnok jours ; on. envoya dtt
$SfiufB».k JJ^bome i 1^ deta^Moioe»
,„. Cookie
d'Es p a g ne. 171
furent brûlés vifs , & la Qapitale perdit
tous ïès privilèges. ,
La folie de la Reine, & l'abfence de 1707,
l'Adjniniflrateur jettent la Cafliile daos
une cfpeçe d'Anarchie. On fe révolte
à. Cordoue contre l'Inquiûtion. Les
ôrands prennent les armes les uns con-
tre les autres. Le Farci de l'Empereur
.C9oapp{ë.du:Duc de:Najera, d.a Mar-
^s-de 'S^Iena , du Comte de Benaven-
tç> &-'de Jean Manuel appj;Ue l'Empe-
reur en ETpagne. Ce Prince qui n'avoic
}amais aiTç^ d'argent pour fes ptaiHrs >
n'étoit pas en état de lever des tToupes»
w'd'^qjiipper upe, flotte. Il n'avoit re-
cjbef-cbé la Kégence que pQur s'enrichir'
des d^gouiUçs d& l'Èfpagtie., L'inquiet
S(, amlutieux VtUena porte inutileoienr ,
fes vues fur le Roi de Portugal , & l'in-
vitei fe faifir de l'adminiflration. Xime-
nes, au milieu. de ces violentes agita-
lions j aie bonheur de fauver la Ga&ile.
Itpromet à tous les Grands du Royaume
' de la part de Ferdinand un oubli parfair
de toutes les injures dont ce Prince
crpycMt avoir lieu de fe plaindre , pro-,
teftant qu'il feroit le pt«nier à prendre
les: armes contretle RoJ> û cçluià env
Hij
17?' Hl S'TO IBE'
trepreooit âe fe venger. Cette alTurancç
Scies maux auxquels la Caflille eft ea
proye , font délirer la préfence de Fer-
oînand. Louis XII. à la prière des Etats
de France , rompt le traité de Bloîs
fi favorable à la Maifon d'Autriche ^
& fe lie avec Ferdinanâ. L'Empereur,
pour détacher celui-ci d'une pareille
alliance , lui ofire le tkre d'Empereur
d'Italie. L'habile CaflHlan «[ui fent la
frivolité de ce qu'on lui propofe , ne
juge pas à (Hropos de fe détacher des
François qui feuls pouvolent l'empêcher
de palfer en Efpagne.
Dans une ent«vûe de Ferdinand & de
Louis XII. à Savone le Roi François
combla d'honneurs & de careffes Goa-
falve qui lui avoit enlevé une Couronne,
Oji dit que ce grand Capitaine regretta
itoute Ja vie de n'être pas né Sujet d'un
Prince fi fendble au mérite ; Ferdinand
arrive en Ë^agna au mois d'Août , il
rend aux Grands d'ETpagne le privilège
de ù couvrir devant lui : cette condefr
tctndance joints à des manières entière*
ment oppofées à celles qu'il avoit du
tsms de la Reine Ifabéllé , le rendent l'i-r
^e dç la Caflille : fous la ûmpl^ qualité
d'Espagne. jyj
d'AdmiBUlrateur , il fut plus Roi qu'il
ne l'avoit jamais été ; Xtménès efl déco-
ré de la pourpre ,■ & fait Grand Isquîfi-
teur , mais cet homme habile qui con-
fioillbit le génie & le caradere de Ferdi-
Sand , qui n'aîmoit pas à voir les perfon-
nes auxquelles il avoir de grandes obli-
gations, fè retire dans fon Archevêché ;
les Seigneurs Flamands retournent dans
les Pays-Bas. Tout efl fournis , excepté
Najera , & Jean Manuel qui fe retirent
eij.Navarreî Ferdinand excite le Comte
de Lerin, Seigneur NavaTtois , à prendre
les armes contre fa patrie ; le fameux
Bue de Valentinois échappé de fà prî-
fon l'amiée précédente i fut tué dans
cette petite guerre au lèrvice du Roi de
Navarre ■; Najera demande grâce , 8c Le-
lins fe fauve en Caftille. Les Portugais
fe rendent maîtres de Safi en Afrique.
Le bruit des cichefCës de S. Domlfl'
fae y attire uire infinité d'.EfpagBols ,
erdinand permet aux Arragonois fes
Sujets d'y pafferj Charles-Quint éten-
dit depuis la permiffion à tous fes Sujets ,
on ne voit cependant guères que les Ef-
pagnols qui en ayent profité ; les plus
grands Sdgoeuis veulent avoir part auz
Hiij
:r74 H I s X O I K E
TicheSês du rouveau' Monde : c'eR il-qtit
obtiendra des répartitions dlndienspWr
les employer aux mines qui dépeaple*t
le Pays de fes habitans. Il n'y aveit pas
foixante mille âmes à S. Somingue , tan-
dis qu'on en compcoit plus de trois i^-
lîons au tems de la, découverte. Les
Grands & les Miniftres envoyoient dans
l'Ifle leurs domelliques qui., en travail-
lant aux affaires de leurs- maîtres, fai-
foient les plus grandes fortunes. Ils dou-
bloient ie travail des Indiens , & les lïai-
toient plus durement que les bêtes de
femme. On enlevé tous les^abitans des
Ifles Lucayes pour les mines j ce -cruel
expédient rend le Pays défert en peu
d'années. Ces malheureux Iiïfulaires
trouvent la fervitude &c la mort ^ S^t
Domingue.
Dias , de Solis , découvre T Yucatan , le
nouveau Monde eft appelle alors com-
munément Amérique. Vefpuce, au com-
ble de la gloire eu décoré du titre de
Pilote Major de la Monarchie.
1708. L'Empereur fait de nouveaux efibrts
pour partager au moins la Régence. Dom
Pcdre Gucvara , un de fes partifans , eft
arrêté & mis à la queâïOQ. On découvnt
par lui qbe-fe -iameilx Goofsh^s & quel-
ques autres Grands du Koyauibie cher-
uioîent^fbiiG le:nom de MndoiHJen à ex-
citer des -trbubles en ETpagne. LeRoi'y
fousfrétcxre de porter la guêtre an Afri-
que, équippeune flotte , ôc^îeve une ar-
mée de quarante mille homtnes. 'Révolte
de la ViUe de Cordoue , & du Marquis
de Priego , neveu de Qonfalve. Ferdi-
nand , avec fon aftivit^ ordinaire^ dé-
concerte les Rebelles , & les obËge Ae
fefoumettre. On fait le procès aux Ci-
toyens de Cordoue. Priego n'évite Ja
mon qu'en conûdération des fervices
de fon oncle. Il eft banni de fAnctàlotH
fie , fes diiteaux font rsfës , &fes parti-
fans punis par la perte de la vie ou de
leurs biens ; cette févérité ne peut con-
tenir le Duc de Médina - Sydonia , ni
Dom Pedre Giron qui fe ^ifoieïitla guer-
re : mais ils font forcés de fuir en Portu-
gal i Ximends ne celToit de repr^ehCâr
fortement au Roi qu'il fallok humilier les
Grands & la Nobleffe , mais Fer^îlnawi
dont l'autorité on Caffille n'éloit-qùe^r^-
caire,-avoit changé toutàiaitde-pTihcî-
pes; après avoir réprimé les plus foc-
tieux » il employé avec fuccès la fou-
Hiv
[17*5 Histoire
■ plefle , les carefles , & l'art de plaire pour
tagner les autres : feo autorité plus ibli-
e que jamais s'aiFermit au point qu'au»
cun Grand n'ofa lui demander la convo-
cation des Las Cartes ; l'Empereur rçfufe
i Feidinand d'envoyer en Efpagne le
Duc de Luxembourg pour l'élever con-
formément aux mœurs de la Nation ; Ro-
drigue de Luzero y Intjuifiteur de Cor-
doue , fameux parfa tyrannie , fes Injui-
tices & fon avidité , eft arrêté , & fon pro-
cès lui eft fait ; toute l'Efpagne com-
niençoit à être fatiguée du joug de l'Io-
quilîtion , cependant toute l'autorité de
ce Tribunal étoit entre les mains de
Ximeiies le plus intègre & le plus hon-
nêtèhomme de tout le RoyauBie.
Le Pape , l'Empereur , les Rois de
France & d'Efpagne , confpirent tous à
là fois la Fuine de. venife dans une L^ue
conclue à Cambrai par les foins de Mai-
fuerite d'Autriche , Veuve de l'Infant
ean , & du Duc de Savoye. La Répu-
blique de Venife devenue neureufe , ri-
che , puilTante & iîere par des conquêtes
confîdérables faites depuis 4.0 ans dans \t
Royaume de Naples , l'Etat Eccléfiafti-
Ijue ^ le Milanez & les Etats de TEmp»-
fi'Ès f AGNE. 177
tkur , excîtoic depuis long-téms la ia-
ioufie & la haine de chacun de ces Mi>
Marques qui efperoit s'enrichir de fes dé-
pouilles ; le célèbre Pierre Navarre pu^gt
le Détroit des CorfaîresMaures , & s'em-
pare de Vêlez , de Gomcra ; Arzilc con-
quilè par les Maures fur les Portugais ,
cft recouvrée par le fecours du même
Navarre qui en chafle le Roi de Fez.
Diegué Colomb , fils dé Chriftophe ;
élev4 «la Cour en qualité de Page , réta*
blit en partie les débris de la fortune de
fon père , en époufant une parente dii
Roi ; cette alliance lui valut la dignité
d'Amiral des Indes qui eft refiée long"
tems à fes defcendan^, & le Gouverne''
ment de l'Ifle de S. Domingue.
Le Cardinal d'Amboife , premier Mi-
niftre de Louis XII. choifi parMaximi-
, lien & par FenSnand- pour arbitre de'
leurs droits à la Régence > prononce en
fiveur dti Roi , à condition que celui-ci
dooiftroît chaque année cinquante mille
ducatsà l'Empereur, & autanfau Prin-
ce des Afluriesqui ne dévoir prendre le-
ritre de Roi qu'après la mort de Jeaftne-
h Folle fa mère. Charles élevéà Bruicel-
JeS'^ avoit pour Gouverneur de Groiii*
H-v-
j"j8 Histoire
de Chievres nommé par Louis XII. foa*
.tuteur.
Le Cardinal Ximenes entreprend k fes
Stiis la conquête d'Oran , ce grand hom-
jne voaloit rendre aux Maures les maux
.qu'Us avDÎetit faits à fa Patrie , & fur-
tout affurer les Côtes d'Ëfpagne jniîil-
xées fans celTe par des efcadres de Cor-
faires forùes du Fort d'Oran ; il eut peine
à obtenir le coorentement du B.oi. Ou.
^i refuià Gonfalve pour Général. II. chei-
& Fiacre Navarre;. L'armée £%agRo1e
n'ét<ùt que de quatorze mUle fiommes j
mais Ximenes avoitdes inteUigencesdans,
)a Place qu'il voubit attaquée. Il ézok.
convenu avec le Roi , qu'en cas d'uit
malheureux fuccès> il en fèroit pour fes.
jlépenfes i mais que iî l'a&ire téuâîilbit >
Oran dépendroit dçï Acctevêques- de:
Tolède jufqu'à ee .qo'on leur eût rem-
bouifé ce qu il en auroit coûtépour l'exé*^
cution de i'entreprife. Ximenes & Na-
varre déharquent en. Afrique-, &Ji*rent
bataille aux Maures qui font vaincus. Le
CartËnat fe contenta de baringuer les;
ïroupes , & alla fe mettre, en prieces tan-
^qu'eUes comhattoient La Villt d'O-
piL eu emponie d'aââue x j^uk de. vit^
d'Espagne. 179
mille Maures périrent en cette occafioD ,-
les Efpagndls ne permirent ^fifque per-
fonne, 8c firent un butin imaienre. I^
fuccès jufiifia à peine Ximeties. dans-
l^fprir des Grands qui avoient regardé
fbn projet comme cnimétiqiic ; daiis le
•tems que ce Prélat fongeolt i pcfiflêr Tes.
conquêtes , il lui tomba tXUfe Itàè mains
une lettre du Roi adfeflïe à Pierre Na-
varre dans laquelle Ferdîn^d manifer-
toit foD caraâere difSiQulé & lugtax. £tn~
fêchet, , c'écricàt-il , ^fàpichti. k iranéom-
me de rtpafftr Ji-tSt -tn Èf^^fK. Jl faut
-ufer , AHtÀnt ^'an te poMrfd , ■fit ptrp>nHf
■& fon argent, Pout rtcoiftptflfe <fc tedt
lesfèrvices' que XîAienes âvoit rendàs &
k Patrie , Ferdinand le preSc à fott; re-
tour , mais en vain de céder à Alfoïjfe
■d'ATragdn fon bâtard le Siège dfe Tôle-
dé , & de prendre 1' Archevêdié-& Sai^
ffi^'fiè , dont le fils naturel da Roi étok
«n poffdïîon.
Cependant tcMte!TesPmflàBcesî%uée9!
contre Venife étoiént tombées fur cette
République. Lbuîs XII. avok v«incii ctï
peribnne à labataiUe d'Aignadel. l'armée
Vénitienoe CDfnmandée par BartBefeaai
fÀEv.iana> aa des^ oéléËns Généraa»
;l8o HiSTOïKE
idu fiecle 5 le Pape profita de cette viâcù?
re en reprenant lui-même les Villes de.
l'Etat EccléfialUque occupées par les-
Vénitiens. DomRayrooDd de Cardonne ,
Viceroi d« Naples > fe faiflt dans ce
Royaume de toutes ks Places évacuées;
Ear les ennemis. L'Empereur Maxîm>-
en fonge à entrer en- Italie , mais le Pape-
& Ferdinand contents d'avoir recouvré
leurs Villes j & de voir Venife hura^ée.-,
JedétachentderaUianceparjalQufiecon-
ue Louis XII. L'Univerfité d'Alcala ,
e(l fondée par le Cardinal Ximenes , od^
se conçoit pas commant ce Prélat .pou:-
■.voit concevoir des entreprifes , & faire-
des fondations qui paroiffent excéder le
pouvoir Si. la volonté des Rois les plus
riches»
Ojeda découvre la Caffille d'or , la
nouvelle Andaloufie' & le_Darien ; les-
Avçmuriers de fa fuite pCM-tent par-toia:
la terreur , le ravage Se la mort ; les la-
diens du Continent les-Fegardoient com-
me des êtres immortels ; mab revenu»:
peu jt peu de cette erreur, ils- défendirent
pendant quelquetems leur liberté avec ufti
coUESge digne d'un meilleur fuccès.
.xj-iO.. Jéâinand enFouragé. gar la, viâok^
de Ximenes , entreprend de conquérir Ik
panie de l'Afrique qui avoit autrefo».
obéi aux Romains; la Caflilleétoit rem-
plie de brigands qu'on pouvoit employer
utilement dans «ette guerre ; Navarrt
fécondé de Vianelli , de Diegue , de Ve-
xa & du G(»me d'AItamira , paioït toiic
àcoupdansle Royaume de Bugie, reni>-
porte une célèbre bataille fut le Souve-
lain de ce petit Etat , & emporte d'af»-
faut la Ville capitale ; l'Afrique eft conf-
ternée des fuccès de Navarre ,. Alger fe
ibumet aux Efpagnols , les'.Rois de Tu-
nis & jJe Tremecen fe rendent vaflau»
& tributaires de l'Efpagne , partout on
rend la liberté aux Éfclaver Chrétiens ;
Navarre remporte ûnenouveHe viéloira
lùr Abdurramel , un des iîls du Roi do
Bugie , toutes les femmes du vaincu Sa
festhréfors tombent au pouvoir du vain-
queur; les Etats d'Arragon accordent
lui fublide de dnq cent mille livres , &
ceux de Caftille deux millions & demi
pour la conquête de l'Afrique. On y en-
voyé Garcie de Tolède avecune nouvel*
le armée : cependatit Pierre Navarre
ïvoit pris d'aCaut TripoH ; mais tant àa.
sûnqiiétes & de vicaires, furent, fuivlesb
l82. HiETOtRE
d'un d^faftre qui éémt les lauriers -
àe la Nation ; l'orgueil Se l'avance de
Navarre en furent caulè , il ëtoit en-
tré avec Garcie de Tolède & <Ëi mille
hommes dans Vlûe des Gerbes : l'Emir
ofiiroit de Te foumcttre à des conditions,
avamageufes àl'Êfpagne, mais la pré-
fbmptioD , le mépris des Barbares , le dé^
lîr de s'enricbir de kurs dépouilles firent
rejetter ces ofires , on en -vint aux mains,
avec le plus malheureux fuceès ; les Ef-
pagnols vaincus moins par la valeur des
ennemis , que par la fatigue , la&if&lea
chaleurs excelHves , perdirent quatre
nulle hommes, & Garae de Tolède leur
Général : on remarque que Navarre ne
fouùnt pas fa réputation de courage dans
cette journée , cependant il fauvala flot-
te & les débris de l'armée ; l'Emir ayant
appris que Tcdede étoit parent du Roi ,
lui renvoya fon cadavre : ce lAalbeiireux
événement &it perdre tomti les coo-
quêtes d'Afrit^e , excepte OràiK
Le P^ei Ferdinand & les Vériitient
s'uniflënt pour chaflër les Françws dl-^
tahe ; Louis XXI. outré dé la conduite
de JiÂes IL convoque de coneert avec
KEingeceuc ua Concile, i Fi& gour dé.'
d'Es p a gn e- i8j
pofer le Pape , & réformer l^TîTe. Fer-
dinand obtient l'iovefUture du Royaume
de Naples , i condition feukmeat de
donner une haquen^e tous les ans au
S. :Si'ége ; le tribut de huit mille onces'
d'orauquels'étoitfouraisCharleSiCoiBT
te d'Anjou , & Roi de Naplei , eâ fup--
rrîmë t niais il a été depuis rétabli & fixé
ymilleDueats, le Duc de Ferrare per-
Ëcutépar le Pape , fe joint aux François^
Jules II. fait la guerre avec Tireur ,
nais il manque d'être pris dans Boulo-
.^e ; Ferdinand tente en vain d'établir
Plnquiiî,tion jans Naples; il s'élève une (é-
dition , & les Juifs font chafl'ëi duRoyau-
me. Les Maures lèvent le ûéas de Safi.
Les Efpagnols ^tabliffent des Evichéf
Îl s. Doraingue i ils commencent â for-
mer des EtablifreniËns~dans les lues dp
Cuba & delà Jamaique.XxsDominicaina
qui pa£ent dans ces Colonies, âgnaleiuD
leur ztle centre l'oppreffion âcia cruau-
té 'des Elpagnols , mais les autres Mif'
fionnaires iè déclarent en faveur des Ty-
lans. Cette affaire fui portée l'année fui^
yants devant ït; Roi qui régla que lés In^
diens dévoient être réputés lûires ^ m^ift:
^e les répactiûcus. lubiUiexmett^ C*£-r
jgf4 Histoire
toit maintenir tout à la fois les Infulairë»
dans leur ancienne fibené , & tes rete-
nir dan; l'efclavage. Pour adoucir le fort
_ de ces ma}heureux , Ferdinand publie
une ordonnance qui défendoit de leur
feire porter aucun fardeau , d'employer
te foliet Se le bâton pour les punir; il
vouloit auffi qu'outre les Fêtes & les Di-
manches ils eulTent un jour dans la femai-
ne pour le repofer , & que leurs femmes
enceintes fuflent exemptes de tout tra-
vail. On nomma des CommifTaires pour'
tenir la main i ces réglcmens , & pour
Erotëger les Indiens ; mais l'or qu'on
lifoit briller aux yeux de ces prétendus
proteéleurs, rendit inutiles les ordres dh
Souverairr.
Ferdinand- fe rend à S^ville j dans lé
dèflèin de paffer efl Afrique , & de ft
conquérir enperfonne ', mais les alfiiires-
de 1 Europe rempêchent d'exécuter ce
noble projet. On affemble en vain un
Congres à Mantoue pour fa pacification
de l'XtaHe. Il devint inutile par l'ani'-
mofïté qui étoit entre le Pape & le Roi
de France. Jules II. fe rend maître dé
la Mirandole , mais il manque d'être
BTisàRayçnne oàiUflpourCijvîparles-
p'Es P A GN E. l8^
François. Ce Footife convoque à Saint
Jean de Latran un Concile général
Ferdinand envoyé une armée au fecours
de Jules , fous les ordres de Pierre Na-
varre. Le Concile de Pife eft transféré à
Milan. L'Empereur fe détache de l'al-
Uance de Louis X2L & Henri VIII. Rot
d'Angkteire fc ligue avec Jules & Fer-
dinand. Le Pape excommunie les Feres
du' Concile de Milan , âc prive de la
poujpre CarvajaJ , Borgia & Briçonnec>
les pics cruels ennemis. Le Roi de Fez
levé fucceffiveinent les fi^ges de Tanger
& d'Arzile.
Diegue de Vetafquez founaet & dé-
truit les Indiens de i'Ifle de Cuba. Un
Cacique qui fe nommoit Hatucy , eut le
malheur de tomber entre les mains des
Efpagnols qui,. félon la coutume , le con-
damnèrent à être brûlé vif i lorfque ce
Prince malheureux fut attaché au po-
teau , uti MiQionnaire vint l'exhortera
fe faire Chrétien , & lj|ffurer que fon
changement de Religion lui procureroic
le Paradis. Z)ans te Paradis dont vohi me
faîtes une fi belle peinture, y' a~t-il dts
Efpagnols , demanda le Cadette ; eni »
Jwi deuil y répondit le Religieux i, mMt
iB6 Histoire
il n'y ta a ■cpa de hns. Le taeili^tr ne
vOMt rkn , Ttf^ifiX Hatuo) -■ }e ne •puis l»e
refondre à ÔHer dans -nn Hen ■tU fattrtis
-À craindre lit en tritaver tm Jeul. jH/ifi-,
nemef4riez.flMs de z^otr* i^igan ^-taif-
fexj-moi mtttrir.
1$^^' Les'Sui&s méçomovs ^ Ixmis Xn.
s'engageiit dans û li^;ue , i la IblUci-
tation du Cardinal de Sion. Xouîs ne
compte pour ^ee AJliés , que îe Roi àe
Navarre & le Duc de Fernte. Ces trois
Princes font excommumiés. ferdinond
profite de cette circonftance jwur enle-
ver la Navarre à Jean d'AIbret. Il pro-
pofe à ce Prince de lui donner paflage
par fes'Et«s pour entrer en Fïance , &
de lui livrer en qualité d'otage le Prince
de Viane , & quatre Villes du Royaume
Jl elTuya un refus auquel il s'attendok.
Aitfli-tôt le Duc d'AJbe entre dans la
Navarre avec vingt mille hommes , &
^t la conquête de ce Royaume qui a
'trente lieues d^Jongueur fur vingt-cinq
de largeur. Jean d'Albrot fe fauve en
France. Il n'avcât pas eu la précaution
de lever aucunes troupes à la vue des
■préparatifs que foifoit Ferdinand. Celui-
ci , pour colorer fisn ufurpaûon , pùblk
d' E g f A 6 y E. 187
qu'il av<»t<obt£Bu une fiuBe f[ui:dépiHâL~
loit le NavaFfÛB âe Ion -Royaune , cod-
me lauteurdti 'Scfai&natiqne Xioois X£I>
C'eft fin" ce trêie Jtnagbniire (jne Jes
Rois d'Efpagne oilt retenu Ix Hute
Navarre, Joas ci'Albvet remse lions
fes Etats avec '^oe :flnnée JFrasiçt^e
cemtnandée Lpaele'Paliae ; innis le'Dbc
d'AIbetroitva le moyen de fakeiererde
fiëge de Pampelune , & d'obliger d'Al-
bret à retourner en France. La conqoâte
de la Navarre fut &tte au nom de la Caf-
tille ; on inftitua un Confetl Souverain >
& on laifia à ce Royaume fes Loix > iks
Coutumes & fes privilèges. Les -Rois
d'Efpagne n'en thent pas plus d'un iml-
Uoo cliaque année, man il leur fournit
de bons -foldats.
Le Roi d'Angleterre trompé par Fer.
dinaod qui lui avoit promis de l'aider à
conquérirl^uyenne , avoit envoyé huit
mille hommes , & une flotte en Bifcaye ;
mais -le Roi de CafliUe trouva le moyen
defefervir de ce fecours contre les-Fran-
Çois, & d'ajçai&rfon gendre qu'il avoit
dupé.
Louis XII. perdes aufiî rapidement
l'Italie que Jean d'Albcet laNavarre. U
JÈè HlSTOlBB
avoit cependant eu au commencem^ltt
de la campagne ht plus .brïHans fuccès.
Son neveu, Gafton ae Foix avoir fepri»
Breffe, forcé les Alliés de lever le fiége
de Boulogne & celui de Ravenne. Dans
une bataille livrée proche cette dernière
Ville, il battit encore les ennemis; mais
la viâoire fut funefte à la France par la
mort de Gafion leur général, jetute FriH'
ce de vingt-trois ans. On eut beau crier
4itx Efpiignoh i c'eji Itfrertdt Votre Rctfit,
' ipargntzAt : îk n'écoutèrent rien. Les
François trop affoiblîs, ne purent pri>-
fiter d'une viéioire qui avoit vépandu la
terreur dans l'Italie. Pierre Navarre qui
avoit étépris dans cette bîitaille , voyant
que les Hpagnols ne fongeoient plus à
lui , embraffa dans la fuite le parti de la
France. Les Suifles commandés par le
Cardinal de Sion , paiïent en Italie , &
rappellent b fortune dans ft Parti du Pa-
pe. Jules II. recouvre fes Places. Venife
en £ait autant. Raymond de Cardonne
femporte une viiîloire complette fur les
Florentins , Alliés des François , & \ez
force d'entrer dans la grande allianse.
Le Milaner repris fur la France , eft ren-
du à Maximilien Sforce. LçDucdeGt?
k'Espagnb. 189
Irfbre , fur la nouveHe des fuccès des ar-
jnécs'Françoifes en Italie , s'étoit échap-
pé de \a Caftille pour tâcher de recou-
vrer le Royaume de Naples que lui of-
^it Louis XII. mais il eil itttté en che-
nlhi) & renferma daos le château de Xa«
ôva.
Ponce de Léon découvre b Floride.
Ce célèbre Aventurier 5 fur une tradi-
tion populaire , qui pkçoit la fontaine de
Jouvence dans une des Ifles Lucayee , fit
toutes les recherches imaginables pour
la trouver. Chriftophe Colomb s'étoit
flatté de trouver le Farads teneftre :
tant il eft vrai que lei plus grande hom-
mes oBt des vinone , comme le ftupide
Vulgaire. Les Dominicains qui avoient
eu le courage de foutenir en Amérique
la caufe de l'bumanité , reçwvent ordre -
de nefiliufe mêler de la police du Gou-
vernement, Le Roi permet par un édk
de réduire en efdavage les Indiens con-
vaincus de manger de la chair humai-
ne. Bientôt les ÉfpagtK>l« accufsrent tous
les Américains d'être Anthropophages,
Le fier Jules II. a pour fuccefleur à fS^3*
la Tiare le Cardinal Jean de Medicds ,
feus le nom 4e Léon X. i} o'étcût gué-;
ig o Ht s T Q r R E ~
res moins ennemi des François que ùm ■
prédéç«l&ur;le deÛEdlavoir desen^s,
afîn de leur laifTer l'Arragon au poéjudï-
cede Charles de Luxembourg , foa petit
fils, epgiige Ferdinand à feire uîage de dif-
fér£ns.fecrets de Çhymie ; mai^ ils ne fi- .
rent qu'épuifer Tes forces naturelles , la
fanté devint kpguiffanip,, &on s'ap-
perçut qu'il ^wit ?tiaqu4 d'une hydro-
piile.; il ligne une, tre^^, pour toute la
campagne fut les Irontier^y d'Ëf^a^e &
de Fïiaeçp^.l'Empereur^^.le Rim î'An-
fletepîe entfij^nt indigM» : .Vegife eœ-
rafle i«b injéréîs da 1»:^ rançe j c'étoic
poii]çwi«!<»fiBe Pùifliincq qui l-jnfwt;nùfe:
àrd^ux dcùgts de fâ perte parlihliig^ de.
Cana;biai, 8t le gakidf la,bjitaiHe d'Ai-
gpadpl : ces nouveaux: Allié» n'empê-
chenicpipiBtrlos ïfraHÇOta de perdre la bar
taille,. de. Noyarrej.G^nes recouvre fa
libené par la pj^te#lon de; rjËfpagne > -
Raymond, ^ Cardflnnç.f«ï«idu Mar-
quis de Pefcaire &:_d)'AcKeioô de, teve,,
remporte les plus grands fugcès' furies
Vénitiens , & canotme Venife ; il rem^
porte à Vicenceune vîâoiEe complette
fur l'Alviatw,
Les. Portugais. barteot iiac-tout let^.
d'Espagn E.
'Maures : Nuno Fetnaoâez d'Atayde a
la gloire de vaincre l^ Roi de Maroc en
|}erfonne.: le Duc de Bra^nce à la tête
ce vingt taille hommes prend Azamor ;
La CaHilte & le Portugal , règlent leurs,
conquêtes en Afrique , par un traité :
les Portugais avoient prétendu qu'eux
feuU étpknt en droit , en vertu d'une
certaipt; conceâîon des Papes , de conr
quérir le Royaume de Fez.
NuRnès de Balboa. découvre la Mer
du Sua dont il prepdpolTelSoa avec dei
cérémonies prefque femblables à celles
qu'obferve le Doge de Venife , lorfqu'il
epoufe la Mçr Adriatique ; cette décou-
verte conduilit dans fa fuite les Ëfpa-
gnols à la conquête du Pérou , du Cbili ,'
qu Faraguai , de l'Aménque Méridio-
nale; pour prix d'un tel Ceryiçe, Bal-
boa eut là tête tranchée au Darien ; cette
ÇxéciiW>n fe fît , il eft vraî , à l'ïnfcû de
û Cour r niais il efi certain aufli qu'elle
demeura fans vengeance. Pediarias ,
Gouverneur du Darien , qui livra aux
bourreauir cet iUuftre Navigateur} feil-
gnala entre le« autree Ëfpagnols par des
cruautés ahoRtinables : il trouva te fer
(rst àç ùàre périr m moins, de. lixj ans
I'p2 HiSTOIflE
toutes les Nations Indiennes qui fe trou-
Toieni dans fon Gouvernemenc dont l'é--
tendue ëtoit de plus de cinq cents lieues.
Ce brigand charge des dépouilles fan-
«lantcs 4es Indiens , fonda la. célèbre
Ville de Panama fur la Mer du Sud , &
ytranfporta la Colonie du Darien;
- La trêve èft prolongée pour un an
«vec laFrance. Quintana, Secrétaire de
Ferdinand négocie un, traité entre les
deux Couronnes , il vouloit difpofér
Louis XII. 4 accorder Madame Renée ,
fe féconde fille , à l'Infant Ferdinand , &
à époufçr lui-même Eléonore d'Autri-
«he. Ce fut à cette occafion que le Mo-
narque François dît à Quintana > mdis
votre Maitrt nt cherchent- il pas À me
tromptr, comme il a déjà fait deux fois f
On prétend que c'efl àcette occaHon que
Ferdinand profera ces paroles fi indé-
centes, &fi indignes d'un grand Roi:
il en a nuati , F ivrogne , je tatattrdppé ■
flm dt dix.
Le Pape , l'Empereur & Ferdinand \
g'iiBJflent pour la défenfe de l'Italie me-
nacée par le Sultan Selim; Dom Rai^'
mond de Cardonne fuivi du Marquis
fis Pcfcaire * de Frofper Colonne ^ de
Ferdinaoj
d' E s P A G M «. _ ,1513
FeAlinand d'Alarçonj venge les Alie-
maïub vaincus par lés Véjittieâs , s'em-
pare de Citadella , fauve Vérone ,-& re-
prend Vicence.
Le-Pape accorde au Roi de Pçriuga!
tant au'iMeroit la guerre aux 'Malires; lé
tiers du rev|nii du Clergé de.fes Etats,
ËoiiDanuel ie contenta d'environ un mil-
6on payable en trois qns j Jean de Mcne-
tès, célèbre Gépéral Portugais remporte
pkifieurs «ftoires' cOrirécatluès fur lés
Rois de Fra & dé-Meqùinfs.
■■ Li'Courfavorife d« teiit fon pouvoir '
le mariage des 'Efpagnols^ avec lesln-
diertnes, pour réparer levuide imn^nfe
qi(e tant de NatitMis immolées à la 3éfiàn-
cè , à l'avarice & à la cruauté des cbnqué-
rans-, laiffoîent dans tes Ifley&ls Conti-
nent ; mais ni ce moyèn^iitique, ni4'liu-'
L tnànité dont éti6h on'a fuivi de{)|iis lei'
L(Mx, n'ont pit'ri^parâren dpux fléctes 8c
deàsie^rigàftdfcgâS'dequelqués années.
Barthelemide lasCafas aiofs Licencié en
droit, & depuis Dohiinicain , Se Evéqué
de Cbiapa ,; fi connu 6c fi 'refpe^é en
Europe &ieiiAhiérique, quqibuè jeune'.
le dévoue génëreufemerit à la d^fenfe
des Indiens opprimés j il vole à la Cour
Tamt///, . I
XSi^ HTs T 6 ÎK É-;
pixirtaîrE'èiifrâdçe U cri de ^ Nic^rc
^outragée avec ^i^: de barbarie d«9s le
nouveau MoBoe j Qx zële & ùm coyia*
gé lui valurent le yain & gloriàjax t^f
4« proroftfwr ijes Ia(UBiw,«iùii H'n^ptu
ces nialkeu^ï ne àevin^cm ^fm^.Ut
yï&.vaes ie (es, bar)}ares Cfplçpii^ôoief
qu'il a Hecns avec tant de raifon: 6ç de jii&
ftce datui l'erprît de, la poft^FÏcé pv d«f
icri^ oi!i,refpl^atl^ beauté j^fcÀsme 4
&la' grandeur de Ces icqtiiltesf. '
t;*!;, ..| JFerd^naodisfure 4e {^«JbiBferU. trê-
ve, avec jFranjDJi I. à [qo%s ^u^ 4'jt>t
Ik n'y fblt cofiipri£e ; ce R'étMt pHit'iV'
^endpo du nouveau B-oi de Fraocft flt4
avoit fur ritalie le^ mêFaes vues que let
4euY e^déce^i^;la,b^^t^ t^rré^
emre:Ie Papç , l'Egat^v^ s : Fendwwwi
îUneiî î MajHpilteç Sf'WÇ^> i' -> l
", t"erd'man4 pt^piM» Uipi^tfif^ icdcé
des PyreBéÈ*;ΣS Aw Cetui de CifftUîe
^flempl^ef à jBucgç^luiaccordbntiundt»
gratuit ieip^ès.dÇiim»îr*.ipiilio**^ •■
jcpnjÇd^ratÏDn. 4? csj: e^ja i» levant
i^ réunie | ^-Çi^iU^i-le.R^ 4qiH là
1 .■.■.■-■- ■;,
d' È s P À G N E. ipj"
mène en faveur de l'Infant Ferdinand,
par lequel il lui lailTe toute la Monar-
cbie ; u avott une tendrefle cxtraordi'
' mire pour ce jeune Friace né &c ^Itf-
vé en Efpagne. Sa baine contre I'Ap-
cbiduc PhUippe fon gendre Tavoic pré-
venu contre les Flamands & contre
le Duc de Luxembourg âeré parmi
eux ; cependant Charles d'Autriche
vencût d'être déclaré majeur , Se fes Su-
jets l'avoicnt forcé à faire la paix avec
François I. à conditioa d'époufer Ma-
dame Renée.
' LesEtats d'Airagonnc veulent rien ac-
corder au Roi , à moins derévoquer l'édk
qui autorifiMt les Vaffaux des Seifneun
& en appeller à ce Monarque. Ferdinand
n'avoit garde de ternir fa mémoire en fa-
crifîant les Peuples &; les gens de campa-
gne à leurs tyrans ; c'étoït à lui qu'ils dé-
voient .une loi fi fage Se fi jufte ; le Chan-
celier d*Arragon eft arrêté : on prétend
que ce fut moins fon oppolîtion aux vo-
lontés du Roi , qu'une déclararion d'a-
mour faite à la Reine , qui fut caufe de
fe difgrace.
La fameufe cloche de Villela, qui a dit
ttralTes de tour , fonna , dît-oo > d'elle*-
îSt6 Histoire
même. Quand ceU arnve , l'Kipagne ,
félon U tradition populaire, ell mena-
cée de quelque malheur ; on conjeéhini
alors qu'elle annonçoit la mort du Roi,
comme fi les infirmités de ce Prince pro-
■venues de fes travaux & de fon inconti-
nence , n'eufient pai indiqué fa fin pro-
chaine. Charles , fur le bruit de la mala-
die de fon ayeul, envoyé en Efpagtw,
pour veiller a fes intérêts , Adrien d'U-
treâ qui avoit été fon Précepteur , & lui
donne ordre de prendre poffeffion dû
Gouvernement , au moment de la mort
du Roi ; le défiant & politique Ferdi- ■
nand s'apperçut des vues de fon petit-fiis
& d'Adrien ; il regarda cçlui-ci comme
Un efpion , & lui commanda de fe retirer
à la Quadeloupç où il le fit garder i
v&e ; l'alliance avec l'Angleterre eft
refferrée par un nouveau traité figné
à Londres. Gonfalve de Cordoue icn-
fible à l'ingratitude de Ferdinand } £c
le voyant fur le point de mourir , pro-
jette d'aller chercher en Flandres 1 Arr
çhiducî mais Ferdinand qui fe déficit
de lui , veut le faire arrêter ; fur ces en-
trefaites Gonfalve tombe malade , &
mçt^rt peu de teais aprè^ ; Pqoi Loot^
D* E s P A G N E. ip7
Ae Requefèns , Vicerot de Sicile , rempot'
te une v»3<Hre compleite fur une flotte
de Corfaires de Barbarie.
Michel d'Urréa fait lever le fi^ de
Bu^e au célèbre Horru Barberoufle, qui
de fimple Corfatre devint dans la fuite
Roi d'Alger.
François I. entre en Italie , bat les
Suiflâs à la jousiiée de Marignan , s'em-
pare du Milanez , prend Maximilien
Sforce , &; oblige le Pape de foire la paix
avec lui ; Raymond de Cardonne retoutr
ne à Naples avec fon armée.
' Les Portugais, après une foule de vic-
toires^ échouent (levant Mafoc> & font
vaincus près de l'embouchure de la Ri-
vière de Mamorra , par les Rois de FeE
& de Mequinès.
: Le« Portueais éioient plus heureux
dans les grandes Indes ;■ c'eft le tems de
leurs plus grands fuccès , depuis que
Vafco de Gama i en doublant la pointe
de l'Afrique vingt ans auparavant , & en
remontant vers l'Equateur par des Mers
inconnues > avoir Tendu fon nom immor-
tel. Une foule de Héros qui lui fuccéde-
rent, &entr'autresAlfonfe d'Albuquer*
que^fignalerent Igur courage par de# vic-
liii
»y8 Hi srorR B
«oires & des exploits qui âenneat du
prodige ; déjà les Ptwm^is maîtres de
près de cinq mille lieues de côtes , avoient
va pafièrfous leur dominatioii Goa , Ma-
kca , AdeB fur la Mer Rouge , Ormus
dans le Golfe PerTique; ils s'établiflbient
dans riflt de Ceyian , découTrùent &
^conqu^roieni tes Moluques, portoienr
kur gloire & leur Cominerce jufqu'à I» ^
Chine & au Japon ; âc cnomphoient des 1
forces du Sukan d'Egypte , animé ccm-
tr'eax par des raifons d'intérêt , & par
les intrigues des Vénitiens- dépouilKS >
linfi que que tui , du cooMiierce le plus
^nd & le plus utile qu'il y eût alors
dans rUaivers : les bocôes do cette Hi&
Boire ne nous permettent pas d'encrer
dans le détail des combats & des négo^
Ôations qui élevèrent alors le Portugal
au comble de ta gloire &tle l'opulence >
& changèrent le commerce de l'anciea
Monde : il fuftt de dire que l'Europe pa-
nt y gBffier, pulfque les Pctftugais y-
^portèrent, i beaucoup mcûos de fraii.
que les Vénitiens , ïes précieufes bagatd-
les & les pioduâions séceffaires que
ces fiches contrées fournillênc.
i| itf. Ferdinand traîne fes inquiétudes & tit
d'E^S > Ad » ET. ïpp
mélancoye dans toutel'Hpagne ; il t'é*
toit toujours attendu à onelongue vie ,il
avott eu ' ht ioibleâè âç coimiker' nn6
Béate d'Ayila fur k dupéd de fts jotiri J
cette V£onnaire ofa réponcfit de la parf
de THea j guele Roi vivroît eneôrfc long-
lems , & le rendroit faraeux par de nou"
▼elles conquêtes ; la Prophétie he «ffa*
Krit gnères-^èe Prince devcrtu fuperftjfc
lieux; tt^tbit avce dà fçin pirtrcti»-
lier la VUIe de Maârinl oA Wf lui Woifc
innoncf , e^ tirant ion hprpfcope, qu'il
tennineroit fcs -jours î en fth , ta tor^
6e de fon mal derint tcHc qt^Tl (iit
ftbrigé ée relier ï Madrigaléjo , fc pl«
toiferabfe Village iTEfpagTiç , près de
Truxî&o; Zapata, Carvajat A: Var|^
fes plus Iiabilts Mîniftres lui ayitn repré-
foité ave,c force l'iniquité âti foh tefta»-
ment de i*année dernière , ilen fit brûler
Korij^nat en fa préfence > mais il vouloh
détacher de la Couronne en faveur de
Ferdinand les trois Grtndes-Màftrifes ,
& lui laîffer la Régence de l'Efpagne ; 0(1
revint encore â la charge , & enfin oft
lui perfiiada qu'il étoit de l'intérêt de l!i
^ille & de ceKii de l'Efpagne de rie lui
laiffer que les ba«es graccs'dfr fixi frert
liv
Tîl'sT 6 I RË
aîné f en effet le Roî lai0â la Mohâf chîè
^nerâ.,i l'Archiduc i téduifani l'Infant
Fe^nand à une penfionidâ cinquaç^e
iqUle écus fur le Royaume de Naptes «
&autant à laKeine Germaine ;l'i<Jée d^
ia Monarchie univerfçllc.ouplui^ Ta^
inour de la Patrie l'emporta fur fon in-
cUnation ; en attendant l'arrivée de l'Ar-
chiduc , il cQnfia la KégencC; de la Caf-
tille àXimenes; ce.i^fut,|^ lËinS pei-
ne : rinRexJMe fëv^rité de ce Cardinallui
laîfoit peur j joais iegénie , la pio^îté Si.
J'amour "dû, bien, public dont ce grand
liomme avoit donné des preuves G. éclâ-
^ntes, raffurereot le Roi. La Régence du
B-oyauBie d'Arragon fut laiffée i l'Ar?
tïievêque de Saraaofle , bâtacd^de J'er-
jcUnancÇ. Il devo)t. eue affilié a'un Coar
feîl .c(Mngû/é du Ducd'Albe , de Ray-
jnond de Cardonne , du Père Thomas
Jflatienço , Dominicain , ConfelTeur du
Roi , du Proto- Notaire Michel Clément ,
& de la DuchelTe de Cardonne : après
iDus CCS arra^gemens , Ferdinand meurt
le, vingt -trois Janvier, revêtu de l'habit
de S. Dominique. ■ i .
Oji ne peut refufer à ce Prince d'avoir
iété leplus grand Roi 4^ foa ûécle : &n.
d'E s P AG N E.
fouple , adroit , délié , laborieux , éclai-
ré, ayant une connoilTance profonde des
honunes & des aâàtres , attentif à faiTir
les conjonétures favorables , fécond en
rfiffources & en expédients , ne donnant
lïen au hafard , aélif , impénétrable, dif-
funulé , prévoyant les évenemens avec
une fagacité admirable , & fçachant en
profiter avec une fupéiiorité inouïe , fai-
fant Ja guerre , non en Paladin , maïs en
Roi ; perfonne n'eut comme lui le talent-
de former de grands Généraux & d'habi-
les Miniftres , .& nul ne le furpalTa dans
l'art de gouverner ies hommes, d'entrer .
dans leurs caraéleres & dans leur génie ,
pour en tirer tous Jqs avantages poiTi-
hles; févere , ferme , inflexible, caref-
fant , doux , modéré , libéral , cecouo-
me , perfévérant dans fes cntreprifes ,
luttant avec une grandeur d'^me înviti-
ôble contre ies obHaclcs , &c fçachant les
■vaincre â force dexoura^c & de patience
doué du génie le plus vafte « le plws pé-
nétrant qu'on ait jamais vu.; enfin , il pa-
roilToit né pour être le maîue & l'arbitre
de l'Univers. Mats toutes ces brillantes
âualités furent défigurées par de^ands
, é&uis. 11 portcât le rafinement de la po^
1-v
Histoire
litique jufqu'i h Courbeiie , cherchant:'
toujoursà'trompcr, 8c nç tenantfa pa-
role qu'autant que fon intérêt l'y obli-
feoit, natureUemenc faupço&neux , dé--
ant,fiiperflitiej«t,ingrat &)aIoux(!etouïs
les grands hommei , parce qu'il vouloic
être le feul ; ambitieux- au point d'avoir
formé le projet chimérique dé la Monar?
chie univerfelle , projet préparé avec art >,
cotnmencé avec fuccès , & dont Ferdi-
nand abandonna l'exécution à un fuccet-
feufquî:, avec tous les talens imagina-'
blés , ne put le faire réuRir. Preuve de-
l*împoffibilité d'une pareille entreprife.
Quoiqu'il y eiït alors en Efpagne une
foule de grands hommes, Ferdinand ne
les employa jamais- qu'à regret , & ne
lêtlr accorda que rarement fa confiance ;
il fe fervoit ordinairement des- Mdinci
fiourfcs. négociations, afin de pouvoir
es défavouer fans conféquence. On re-
marque qu'il ne confia jamais le GouveP'
nement des Ptovinces'qU'à des gens de
Robe. Au refte , jamais l'Efpagne n'étoit
Barvenae,pasHiêmeC3uslesRois-Goihsi
a unpius haut degré de gloire & de puïf^
fance que fousfon règne. Ce Royaume lui:
dut fes conquêtes , fa-glolcef les richef^
fis, fon repos ,fesloix& tout fon éclat;
le plus e;ratid' avfintaxe qoe^ie Monar-
que & fon'ëpoufe IfabeUe procurèrent à
la Monarçhie,dont îh doivent être regar-'
déscommelesf6ndaceur3,n'eftpasl? ai-
couverTC de l'Amérique , ta compte de
GreriaiJe>deNaj)lès,del«NavBtre, d'O-
ran, desCôtes rfè l'Afrique ic'eftl'feumU
liatibn dé lahauteNobtelTe, laforce rtof
due aux Loix , la réformatioB dû Clergé i
h dimimition-deumpôts , le promu^a-
don des plus fegeîordonnancei , la punW
tbn des Mac;iftr»ts-pré*aric**ur9 , It
fi}uhigenientaes'^!?t]()lea', & Ta Ubîfâti di
toutes les parties- de l'Èfp»^. FérdU
raod aoTôft mis la dg^i9er& "perfeflwri i
fiffl ouvrage , s^l eût' ^iu détruire l'-ami*
pathiç. naturelle qui ttgne entre les dif-
feens FeupUs^ui cômpofent cette vélle
Monartfbie, En «îMnce firàc It peft^
ïit^ dit tâtard dfe Trànftamai* ,-titzi àvoït-
•çdipé lè Thréne de Càftille «nt qua-*
ifeiitç-feprani , & «lui d'Arfagon pen*
'éàiït un fiécle. Alfphfe XI, père dè^
■ Trànftamarfe' defcendoit dé Raymonddé
Bourgogne , Prince du Sang de Fraricei
Cette Maifonra régnée foit en Caffllle >■
fcitepAriragpftFfe^acede445®"' ■
aof Hi-sTo i.Ji£
De l' Inquifiùon. ■
ON ne fçauroit nier que le Tribu-
nal Ai rinquifition , ce |»-obléme
étonnant pour toutes les Nations, com-
me rappelle le Père àOrliam ,■ fujet
d'horreur pour les unes j & de vénéra-
tion pour les autres , n'ait été établi con-
ire les véritables prinûpes du Chriflia-
nifme, de l'humanité S de la politique,
par. le faux zélé , l'is^rance & le delpO
tifine'^ U icUgion ge la Reine Ifabelle
iiit fans -doute furprife , quand on la fie
cppféntir à résandre des torrens de fang ,
& i allunter des bûchers dans toutes les -
yilles de fes Etats.
On attribue au «éle impitoyable de
^oiaas Torquemada pu Turre Crema'
fa, PomiiùcaiFt-i le rpnouvelIenDent de
ce.Tribùoal; inventé p ar S. Dominiquç ,
& reçu àisa r£glil£ centre l'efpric cte
charité jque fon 3ivin Fondateur lui «
tranfmb : nais d'abord U~ ne détruifott
point la pu^ance Epi(copa4e , ies droits
furent même confié^ aux Evéques , & «r
à'y YÏo^it ^s'les,rej;les«bf«rvées daos
d'EsP AG NE. ■ 20Î
tous les autres Tribunaux. Ed France ,
en Italie, en Ëfbagne, par^tout où il
étoic éi;abli, perionne ne le plaigtioit d«
fa rigueur & de Tes injuAtces.
Torquemada , conHdeot d'Ifabelle ,
avant qu'elle fût Reine, lui fit jurer que
ii Dieu J'ëlevoit jamais fur le Thrône ,
elle employeroit le fer & le feu pour ex-
terminer de fes Etats les Juifs , les Mu-
fulmans j les Hérétiques & les impies ;
nous avons vu en i joo comment cette
FrincefTe fùivii les confetls du Cardinal
Mendoze que Torquemada avoit fçu
convaincre de la néceffité de cet étabJif-
feneni ; le Pape l'approuva > & fe dé-
pouilla de toute ha autorité en faveur
au Grand Inquifiteur ;- il fe ré(«rva le
feul poavoir de confirmer celui que le
Roi nommeroità cette dignité ; le Domi-
nicain s'étoit trop intrigué dans cette af-
feirc pour n'en pas être récorapenfé-; il
fin mis à la tête du Tribunal qui étoit-
lôn ouvrage , & St voir combien il mé-
litoit d'en être l'auteur , en foifant le
procès de cent mille perfonnes , dont fiK
mille pendant quatre ans périrent au mi-
lieu des flammes, Ses fucceffeurs ïmite-
r£nt foD zélé , ou plutôt fa cruauté. L'In-
s;
ao5 Histoire
IuUition devint en peu de vems un objet
e terreur ^our les Grands & pour k
Peuple. Les fotipçons , la défiance , là
Jiiperflîtion fe communtquoîent à tous
les Citoyens. Les Efpagnols , cette Na-
tion fi vive & fi fptrituellé , devinrent
tout à coup filencicux & réfcrvés par H
crainte des cMtimens que pouvoit leur
attirer une parole indifcrettc.
Le Qrand Inquifiteur dëcor^ dé pri*
viWges immenfes , exerçant une JuriP
difiion générale dans toute l'étendue de-~
h Monarchie , prenant la quafité de
Lieutenant du SonyeraiffPonôfe, ne vît
Bientôt piiis que le^ceptre au-dèffus dt
' lui ; les râpes & les Rois fe dépouifle-
fent à Tenvi de leur autorité pour l'en-
reyétùr; il n'y a point d'appel des feiv*
tences rendues- h Ton tnbunal : il peur
dJfpofer fouvefàinenient des biens-, àt
rhotineur & dé ta vie dé ceux qui hifi Ifr
mslfieiirde tomber entre fts-mains,- ex--
vC^pté dans la caufe desEvê^pes quionf
le pfivil^e de ife ptjuvoir'être ji^;és érf
dernier feflbrt que par le Pape. On s-
Kiuvenr reprôcKe aux Miniflresdu Saintr
©ffice. d'abuicr d'iiil Eouvoir àê)i tropl-
D''È.S PAC h E.. 307'
redoutatile peur fatisfaïreleurirarice ow
&ur vengeance.
Quoi(^u'U en Toit, on ae fçautoït trop
répéter qu'on ne conçoit pas comment
dans leTein du Chriftianîfme, au m'ilieU'.
A'une Nation aufE policée & auflî refpec-
table, on lailTe fublifler un Tribunal dpnt
la procédure inouïe ne peut que fomen-
ter l'hypocrifie, anéantir l'humanité , &.
arrêter les progrès de refprit Bumain Sc-
de la véritable philofophie.
D'un autre côté nous ne devons point'
âldimulèr que cet établilTement auquet
plufieurs Éfpagnols applaudiffent au.
moins en apparence , n'ait banni le Ma-
ïfométifine & le Judaïfme del'Efpagne,.
& n'ait fur-tout écarté ce déluge d'néré-
fles qui au-feizieme flécle inonda l'Euro-
pe , & fit par-tout couler des Seuves de -
fane.
Il n'éft pas inutile d'obferverqae tou-
te la Nation paroît avoir pour le Tribu-
nal une vénération mêlée de terreuf:
qu'elle n'exprime que par un profond &.
myftérieux filencejl'Inquifitioneft conv
ine ce Dieu dont il n'étoit pas permis.
chez les-Anciens > même de prononcer-te^
268 H I s T O I B B '
On n'ignore pas que fur une fîmsle
dénonciation , ou m^me fur les plusV-"
gers indices , les Inquiliteurs fontarrêter
les perfonnes foupçoiuiées âe certains
crimes. On admec le témoignage des
femmes de raauvaife vie , & des plus pro-
clies parens ; ïi oji etl aflez innocent ou
affez lieureux pour être élargi , on n'en
eft pas moins flétri pour Je relie de fes-
jours ; on ne nomme jamais au prifon-
hier ion accufateur j il eft vrai qu'il y a
peine du talion contre les délateurs,
?uaBd ils ont accufé fauflement > tn^s
Inquifit'ton n'a jamais jugé à propos de
faire un exemple de ces Icélërats.
Les accufés ne font pas obligés, com-
me on le croit communément , de devi-
ner le crime dont ilj fontchargés ; mais
on n'oublie rien pour le leur faire avouer
d'eux-mêmes; au moment de leur dé-
tention on inllruit leur procès , & on
leur donne un Avocat & un Procureur
Jiour leur ronfeil. Voici lc« crimes qui
ont de la compétence de l'Inqulfition ,
rAtbéïfme , le Bé'ifme , ridolâtrie , le
Judaïfme , le Mahométifme , l'Apblla-
fie , t'Héréfie , èi. tous les crimes contif
D E s p A G N E. .ao5>
C'ell encore une erreur de croire que
ks dominicains ayent la gouvemenenc
abfolu du confeil de l'Inquifition , ce
n'eft même que depuis Philippe III.
qu^ils ont le privilège d'avoir un 4e leurs
Keligieux. au nombre des QuaMcatedrs ;
les membres qui oomporent te Tribunal
lont choifis parmi tes Ëccldfiailiques , les
Moines Ôc les Magiftrats. Le Confeil Su-
prême établi dans la Capitale eft com-
pofé de l'Inquifiteur Général , de {ix
ConfeiUers & d'un certaïa nombre de
Qualificateurs ; les Tribunaux fubalter-
nes établis dans les dix-huit principales
Villes d'EXpagne & d'Amérique , n'ont
Îias droit de conclure à-la prubn contre
es Grands j les Chevaliers des Ordres
mititaireE , les Gentilshommes & les Eo-
cléfiaftiques tant féculîers que régu-
liers; Us ne peuvent célébrer à^Aitio d*
Fi qu'avec une permiffion eïprefle da
Confeil Suprême ; on jugera du nombre
des Inquifiteurs , des Qualificateurs , des
Confulteurs, des Receveurs ôcdes au-
tres OflSciers de l'Inquifition , par des
Tamiliares , efpece d'E^mpts qui paflè
ïingt mille^ il eft vrai que tous n'eseï-
aiû. Histoire j
cent pas , mais en recherche ces emploifl
poar fe fàat refpeâer éarn un Pays o& \
tout ce qui porte la ferrée de PlTMiuifr- \
non eft ungutiérement eonlidérë & te^ j
douté.
Nous n'entroBl pdlit «ïtns le é&sM -
des cérémonies qu'on obferve , lorique
ïe SaiofOfiice feit brûler qudques y\m-
nés i e'eft tout S k fois an aae de rt^
gion , une fère pclntpeufe , nn fpet^acle
kâreux & inhuniaîn ; le Roi , la Reinfi ,
fcsenfens, toute hCourfe font un de-
voir d'y affifter , & les Grands eir qualité
de parrains conduifent jufqu'au bûcher
les malheureux qu'on leur confie. Eh î
. 'qu'autoh dit Montezurtia , i Qui les £^
■paçnolis feifeient un crime es facrifier'fiy
vnnemis à Tes Dieux^ s'il eût été témoin
de ces cruelles cérémome^; ne (è ptt-
fiiadera - t - on jamais que l'Etre Sw-
prême abhorre de pareUs facrtSccs f La
raifoR feule ne nous diéte-t-elle pas que
cwx qui perfiftent dans ïtut relirioti
^fqu^ braver les fTamraes , ne le ront
que par un refpeft profond" & inrime de
la Divinité f A Dieu ne plaife que je
«onfonde avec ces malheureux dignes
D* £ s F A G N E,
de coropaflîon les fcëliérats qui & jouent
âe la Reli^n , des hoix & deï maurs.
Avouons pourtant que danï ce fiëcle
poli , humain & éclairé on a fagetnent
tempêté la rigueur des maximei de l'In-
quiâtion , & diminué fon pouvoir ex-
ce61fj leslnquifiteurstnêmesiont deve*
nus plus circonrpeâS] moins inflexibles»
& pkis équitables.
HiS TOIBB
Rois de la Maifàn d'Autriche^
JEANNE LA FOLLE, ET SON
FILS ChAB LES 1. S( CONNU SOUS
XE NOH DE l'EmPEEEUR ChABLES-
QuiNT.
Là Miàfon 'SAutrkht , tn cemjirtnam ':
les dtHx années du Règne de Philippe L .
a rxgné en Efpagne t efface décent quM
tre-vingi-jtx ans.
XiHENEs âgé de pris de quatre- ;
vingt ans fe metcn pofiêffion de la
Régence , & y aflbcie le Doyen de Lou-
vain , Précepteur de Charles > comptant
bien être le maître avec un Collègue
pieux & fçavant à la vérité , mais plus
propre à gouverner une Communauté
Rcligi^fe qu'un Peuple dont il ne ccn-
noifloît ni le génie, ni les mœurs, ni les
Lois. Le Grand -Jufticier d'Arragon ,
Dom Jekn-Baptifle de Lanu^a , s'oppo-
fe , en vertu de fa charge , à ce que l'Âr-
cheyéqae de Sarragoffe foit reconnu
d'Espagne. 2iy
en qualité de Régeni dans la Monarchie
d'Arragon ; quoicjue les Députés des
Provinces de ce Royaume eonfentiffent
à le reconnoître , il fallut pourWe bien
public que l'Archevêque fc contentât du
dtre de Curateur de la Reine > & de Lieu-
tenant du Prince Chaftes. Celui-ci inf-
truit de la mort de fon ayeul , prend la
qualité de Roi d'Efpagne ; le Pape Se
l&npereur ta lui avoient déjà donnée
dans leurs lettres particulières; cepen-
dant les Grands tant en CaftiUe qu'en
Arragon«'y oppofoient ; Ximenes porte
cette afiàire d autorité dans les las Cartel
de Caftille , ^iHt proclamer Charles dans
!e tema qu'on délibéroit encore dans l'af-
femblée. Les Arragonois ne l'imitèrent
point , ils ne donnèrent 1» titre de Roi
a Charles qu'en lyffîi Cefutuntraitha-
Me de la part de Charles de fe faire re-
connoître Koi ; il couroit rifque de n'en
avoir jamais le ritre , attendu que Jean-
ne en eflèt ne mourut qu'en i ^ff.
Jean d'Albret , croyant ne pouvoir
E* imais trouver une occaGon plus favora-
Ic de recouvrer fon Royaume que dans
l'abfence de Charles , & pendant les
troubles dont étoit menacée la Caftille i
314 Hl s TO IBE
entre en Navarre avec une année de
vingt miUe hommes , & s^atcache au fié-
gfi de S. Jean de Pied-de-Pon : il avok
]>our luiie parti de Gtwiatotft , mais Xi*
menés renverfe fes efoétances, &envoye
.contre lui le Duc de Najera & Ferdinand
VUlalva : ce dernier furprend le Maré-
chal de Navarre ( Dom Pedro Peraita , )
au pafljge de Roncevaux , ic taille fon
année en pièces ; on .égorgea les Prifon^
niers qui excédùent k nomlffe des vùn-
«ueurs j on éparena les principaux Offi-
ciers , nuits ils périrent tous en prifon de
mifère , ou par leurs propres mains. Pe<
ralta Ce tua d'un coup de, vurean , Jean
d'Albret leva le fiége de S. Jean de Fied-
de-Port , & va mourir de douleur à Pau
dans le Bearn,On fçait que CadJerine de
. Foix,^ fort épovtCelai ait: fi voHifitffùx.
ai Catherine , & moi Dom Jean , nata
n'jfwioni joTnais ftrÂH U Nav*rre ; ^c
ne furvécut *ue de quelques jours i Tes
nouveaux malheurs : leur £ls Henri d'Al*
bretleur fuccéda ; toutes les Places for-
tes de h Navarre font démantelées , t
l'exception de Pampelunej c'eft ce qû
9 rendu le recouvrement de ce Royaume
^pratij:at))e ; ^im^i^ «voit ai^ or-
d' Es F A G NE. aij:
âotuiié â VUlalva en cas^ malbeur, de
mettre le feu daos toat le Royaume , êe
d'ctt Ëùre. lia Tafte défère : comment la
[ntmoueiK^^k ^ srradur de Xifioiea
uB'C^àrefi'barl^ei: ii - .
,. De Madrid k>ù l'on svoii tms^hé.let
ConfâUr , - le géoie paiËitit de Ximena
l^nibe tovtes les féditioiB qui s'élèvent
âsBs le Royaumv: il pairit les Grand*
flù s'iécaitcBt de leur devoir ; ils fe li-
gt^t contre le Cardinal , & lui demaii^
aéntfaaQœnœatiie-qael droit ii gourer-
9t le Rayatune : en vertu du pouvoir qui
.tptu éxé coDÛé , r^ondit-il , par le tefia-
aMDt du feu "Kt } & qui a éc^ confirmé
psf le Roi régnant ; mais Ferdi»*nd ,\m
àuwt'iist^pie JdminifirateMr dtt Rc^Mt-i
pit .fwnM-iltaS^tr in ^tut^é de. Hit
gm f Hm Rmtr Jeûlg a endroit. Eh bun ,
dM^Xînienea,) en les faâf»r approcher '
d'ttb-balconid'éik'on voy^t une-batterie
(le cano» donc U fit faire unefurieufe
ilécbai^ ,*tilÀJtî pouvoirs avec Ufifuels
jt gamaerm & jt go»vtrntTai. Les tnécon*
t^-rdëpuceoc eB'Fiaadrei|iot)j' ^'plria''
çkfi du Régenc. Xiiiie«es^ pour' touts
j,uftjfication , .dfownde au Roi des pqu-
«oirs fan^ bornes > ^ Içs obtient j il-Ven
31(5 HlSTOIBB ^
ierc , & commande avec plus de fierté &
de bauteur que n'avoit- jamais fait Ferdi-
nand ; VaCitge d'ESçsgae n'étoit pnnt
d'entretenir des trempes eh tein&de pùx:
Ximenes , pour humiliej- les Grands St
la NobleÔts , permet à la Bourgeoise
de porter les armes , de ^re des com-
pagnies , & l'exercice les j ours de Fête ^
& lui accorde de grands privilèges:
aînlî fans tirer un fenl Laboureur de lu
charrue, &faQ^qir'iten coûte on fbliB
Roi , il trouve le moyïn d'avoir dans ta
Caftille uo Corps detrenxe mille hommes
Î' irêts à aj^r w premier ordre. Avec ce
ècours il réduit les Giïnds , empëchelcs
Chevaliers de Saint Jacques délire m
Grand-Maître , & la Reine Giermaine de
Foix-d'épouierleDucdeCalabre.
. Charles& François I. conviennentpat
■ un'iraité fignêi Noyon que le^Monar-
ciiieËfpagnoLépoQferoît Loirifè (<■) rWa
àïnéé du Roi de France ; qu'il rd&ne-
roit dans 6 mois la Navure a Henri d'Aï-
bret , & qu'il donneroit à François I.
cent raille écus pour les prétentiont'de
la France au Royaume de Pfaples ;' Ma*
(«) Certe Pripcefle n'iwît lg*e yie i'cmiiim
ximiticR
d'Esp A G N E. ai 7
«iiii0ien accéda à ce traité , & reftitua
Vérone aux Vénitiens. Une. elcadre de
Corfaïres de Barbarie efl prife & coûtée
i fond fur les Côtes de Valence , par D,
fierenger Domns. Les Génois oïent in-
Tulter un vaifTeau Efpagnol dans le port
de Carchagène ; leKégent fait arrêter
ceux de cette Nation qui fe trouvoient
en Ëfpagne , & faifir leurs marchandifes ;
A fiSlnt demander pardon au Roi qui
leur donne main levée.
iforùc BarberoufTe appelle par le Roi
d'Alger i fon fecours contre les E^a-
gnols ii qui il payoit tribut , étrangle le
Monarque Algérien , fe met la couronne
fur la têt< , & aflîége le Pèrton , forte-
reflè occupée par les Efpàgnols ; Diegue
de Vera accourt avec une armée pour
lui &tre lever le fîége , eft vaincu par ce
Roi Corfâire'j plus de quatre mille Efpa-
gni^s furent tués dans cette aâion ; Die-
fae de Vera eft arrêté ', Se mis en priffHi
fpn retour.
' Révolte cle IvSicUecontre D. Huguei
de Mtoncade , Viciîoi de cette Me ,
Dora Jean de Lune y rétablit lécalhie.
Atayde . Gouverneur de Sus pour les
Tome m, k.
'»l8 Hl^TOIEE
Ponugais, ^vaincu & toépar les Mau-
res.
he Cardinal Ximenes qui toujours
dans le Confeil avoit parlé en faveur des
Indiens opprimes , écoute. favc»-able-
meat La¥.Caiàsleurdëfeiireur; il ëcablic
de nouveaux regiepiens en faveur d.ç ces
infortunés ; mais on fçut: las. éluder com-
me les précëdetis ; Rien nç pouvoit vaia-
ipre l'avarice des Ctdons Efpa^ols,fi3UF-
ce de l'opprelEon & de l'ané^atil^ment
cfitier de,touteS'les Natig/ts dont S. po-
jningue & les autres liles de i'Araériquf
^toieat couvertes. Four fatisfaire aux
claintei des récanitionaires quî.deman-
ooient à Las Cafas dç quel bras on fc
lèrviroit poui exploiter les mines , sll ne
vouloit pas qi^'on y employât: ceux des
Indiens,, oit .pjippofa >u Kégenc d'en-
voyer da Hi^es-dans les Cglopies : on
eut recours à cet expédient ; mais ce d«
fut qu'apf es qu'on çift tjE>ut à ^it détruit
les Indiens.
j (■[.'. Crou) de Cbîevre , prÈmEer Miniftre
' d^Roi, &£, le Chancelier Salvagp veo-
àeat ooutes les charges dp la Monarchie.
I>'£5F A G N E. 219
conire la Cour de Bruxelles ; Charles
envoyé Lachaii & Ainfterdorfetr qualité
de Régents de Caflille > pour iDpdérer la
fêvérité & le defpodrme de Ximenes ;
mais celui-ci dédaignant Tes Collègues ,
gouverne toujours feul , foumet I>. Pe-
dro GiroD , & Dom Jean Velafquez,, re-
belles. Les £ls du Connétable , de l'A-
mirante ,. du Duc d'Albuquerque & du
Comte d'Uruenna , font conaaiBnés i
more pour s'être oppofés , les armes à li
main , k l'exécution d'un arrêt de la
Chancellerie de Grenade ; Xinunes leuc
&it grâce delà vie; il retranche lespen-i
(ioiis & iés Officiers inutiles , retire tout
ce qui avoit été ufurpé ou aliéné du do-
ma'uie Royal , & £aît rendre gorge aux
ïuianciers : on en tire des fommes iia->
mentes ayec lefqueltes il acquitte les .àet-
tes de l'Etat , mais il ^avallloic en vain
pour le bonheur de la Patrie.; tous les
oéfors de l'Amérique & de TEfpagne
paflbtent en Flandres entre les mains des
Mioifiresde Charles ; te mécontentement
&c l'efprit de révolte commencent à fouf-
fiêr dam'ronte l'Efpagne ; on crie tout
baut dans ^ufieurs endroits qu'il fauti
élever à la Couronne l'In£iiit Ferdinand:-
Kij
HrsToïKE
Ximenes promet l'afTemblée des Etats ,
& cependant écrit à Charles de venir au
Elutot en Efpagne , s'il ne veut pas voir
>n frère fur le thrône ; les Juîis & les
Maures nouveaux convertis o^ent des
fommes immenfes à Charles pour l'enga-
ger à modérer la rigueur de l'Inquid-
tion. Ils demandoient que, félon l'ufàge
reçu dans tous les Tribunaux , le d^la-
teuT ne fut point compté pour témoin ,
qu'on le nommât à t'accufé , & qu'on
confrontât celui -cî avec les témoins;
JCimenea « Grand Inquifiteuri 6t échouer
kur négociation.
-Léon X. demande au CleFgé d'Efpa-
gne le dixième de fes revenus pours'op-
foCet à uije prétendue invafïon de SelJiD
qui meaaçoit l'Italie ; TArragon refufe
K S. Père , Se Ximenes lui écrit avec
•ant de force que le Pape défavoue foa
Konce ; cependant on publioit la Bulle
en' Italie & en Allemagne , c'eft à cène
accatton queLuther, Moine Auguflin,
prêche contre les Indulgences , ce pré-
pare fon héréfle.
Charles s'embarque fur i^ne floite quç
hii envoyé Ximenes , & arrive en £(pa-
gfler Ob ôîc i i'Jn∋ Fcrdinapîl XHm
d' E s P A G N E.
Peâie de Guzman fon Gourfirnèur , Bc
TEvêque d'Aftorgues fon Précepteur.
On les accufoit tous deux d'avoir fonné
quelques intrigues en faveur de leur
Elevé,
Ximeoes eft eoipoifonné , à ce qu'on
croit , en mangeant un pâté de truite. On
foupçonna les Minières Flamands d'a-
voir fait le coup. Il eft certain que le R^
gent avoit écrit au Roi contr'eutf avec
beaucoup de force , & fur-tout contre
Chievre qui étoit ééteflé en Efpagne.
Xinaenes traîna pendant deux mois une
vie languilTante , & mourut difgracié k
l'âge de quatre-vingt-un ans avec la répu'
lïùon du plus grand homme & du meil-
leur Citoyen qu'eût produit l'Efpagne.
Aufll habile que le Roi Ferdinand dans
l'art de gouverner les lionime» , il le fur-
paffa par les quaKtéa du cœur. On vit en
fa perfonne un fimple Particulier hke
plus de bien à fa Patrie que touslesiBou
qui avoient gouverné. Noble , mïgSiff-
que, grand, généreux, proteâeor de
l'innocence. , de la vertu & du mérite , il
ne conçut ât n'exécuta que desprojetsuti-
les à l'humamté. Pendant 32 ans qu'il&t
Archevêque de Tolède , il employa prè»
'Histoire
de 20 billions pour Us befbins de l'Etat
& au Peuple. Perfonoe nlgnore qu'il
fonoz dans la Ville Archiépifcopal'e en
iaveux des filles de condition un etablif-
lèment que Louis XIV. a imité depuis
CQ grand pour le foulagement de la pau-
vre Noblcfle. Ce fut Ximenes qui fonda ,
comme nous If avons déjà dit , l'Univer-
fité d'Alcala , & qui fit imprimer avec
des frais ioiinenfes la Bible de Complut
«[ui a fervt de modèle i tant d'autres
pour l'imprefiion.
On donna l'ArcbevécW deTokde i
Guillaume de Croui , neveu du Seigneur
de Chievre, & le Doyen de Louvail
qui avoir été Précepteur du Roi fiit dé-
coré de la pourpre Romaine. Son Elevé
fooeeoit des-lois à lui procurer la Tiare.
Confpiratîon et Sicile contre Heâor
Pjgnatelli j Viceroi de cette Ifle. On
força Ton palais , fea amis furent égorgés ,
&'dn le traîna' en prifon. Guillaume d.e
li^n^mHIe appaifa les troubles , & fauva
le Viceroi, en maSacratit pendant la
Mefle le cb^ des Conjurés.
Les découvertes des diflïroites pa^
ties du Continent de l'Amérique Sep-
«eomonale continiteni%vec leplusgxaôd
D'£ap A â N £. aaj
fuccès ; Hernandez de Cordoue pënetre
dans L'Yucatan. Jean de Gcijalva dans te
même teins , & par les fccours de Vebf-
quez , Gouverneur de Cuba , décoav re le
Mexique qu'il nomma la NouvcUe I^pa-
gne ; les connoiflànces qa'il appom à
Velafquezde.lafeniUté> de l'étendue ^
& fur -tout des richeÛes imiBcnres de
cette vafte Région , font concevoir i ce
GouTcmeur le dcffein d'en faire la con-
quête; â punît Grijalva de n'avoir ofé
tenter un éubli&ment fur ies Gâtes ,
& confia cette entrepnfe i Femaod Cor-
tex le plus fameux des Capitaines Efpa-
eaols qui ont sffujetti le nouveau Mon-
Il eft bon d'obTerver que toutes les ex-
péditions qui ont procuré à l'Efpagne
deux Empires Se trente Provinces en
Amiérique, ne coûtèrent jamais un fol
au Roi; des Particuliers tentûent la for-
tune à leurs dépens , un heureux fuccès .
tes mettoit'il en poffeflîon du Gouverne-
ment des Pays conquis ? le fruic de leur»
travaux appanenoit à la Cour; étoient-
ib malheureux f ils perdoient kursbien^
&Q3 obtenir aucun dédommagement de
la part du Miaifier«. Si farnour de lar
Kiv
224 Histoire
Pairie eût feuL snîaié leur courage , on
pourioit les regarder comioe autanx de
Héros.
1/18. Les /<w Cçrrti de Caftille aflemblées à
VaUadoli4 procUmeni Charles Roi foli'
dairemenc avec la Reine & mère . 6c lui
accordent un don sratuit de fix cenc
mille ducats , mais il fallut que le Roi
)urât de ne nacuralifer aucun Ëtrai^r»
de ne point faire fortir d'argent d'ËJpa'
gne , d'exclure les Flamands & fes au-
très Sujets non CaÛilIans des char^ ,
des dignités & des bénéfices de la CaT-
title ; enfin , de ne point faite mettre à
: Vi V l'endiere les revenus de la Couronne :
, ; '■■ mais à peine eut-il fait ce ferment qu'il
rendit publiques la nomination de GuU^
laume de Croui à l'Archevêché de Tolc
de. Le Roi 6te fa f«ur , l'Iofânte Cathe-
rine des mains delà Reine fa mère, mais
cette Princeffe jetta des cris fi pitoya-
bles qu'il fallut la lui rendce; Charles qui
connoilToitl'aflè^ion desEfpagnols pour
fon frerejrenvoye en FJandres : OB dit que
l'Empereur Alaxlmilien prévenu d'une
extrême téndrefle pour Ferdinand , vou-
lut le faire élire Roi des Romains » cèpe»'
49nt le Pape accorde i Charles w Bref
d' E s P A G N E. 22^
d'éligibilité à l'Empire. Le Bref paroif-
foit néceflaire , attendu que les predécef-
feurs de Léon X. avoient défendu au;^
Rois de Naples leurs ValTauxi fous peine
de perdre ïeur couronne , d'aecepfci' Ip
Thrône Impérial; un Monarque 'Nipo^
litain devenu Empereur auroit ànarmô
par fa trop grande puiflance les 3ouve^
rains Pontifes. ' ,
Le Roi conTOque à Sarragoffè ïeï
Etats d'Arragon; on ne voulut 'd^bord
le reconnoître qu'en qualité de Tuteur
de la Reine Jeanne j mais enfin il l'em-
porta , & fat , cQiïMne en Caftille, procla-
mé Roi folidairement avec fa merè. Oiî
tuï accorda un don g;ratuit de deux cent
mille écusi La Reine 'Germaine de Fcâx
lui cède par un afte authentique fes pré-
tentions au Royaume de Navarre. Cette-
Princeffc étoit fille unique & héritière du
Vicomte rfeNarboniïe qui avoit'iSBtre-
fois difputé ta Couronne à Catherine de'
Foix là coufine.
On commence 4 s'appercevoir d'une-
fermentation dans toutes les Villes de'
Caflillequi avoient droit auxEtaw.'La
Nation ne pouvoit pardonner au Rëi, &
fi)i-t«ut i l<s Miïi^res ;- l'éiévafitio^ ^-
a2ë ' Hl s TO IK E
.GuSIautne de Croui à l'Archevêché de
Tolède , ni les autres contraventions auc
Êrome^es que Charles avcût ^iies.à Val-
idodid.
. Charles fe lie écroitenent arec le Rc»
cL'ÂnJïteterre > il avoit daos fes inté-
rêts VolCey , Miniftre 6c. invon d'Henri
Vlll. Vûliey ét^t une ame vénale» qui
fe donnoii a celui des Princes qui lui
pfircùt le plus. La defife de fon maître
étoît un Archer tenant un arc , avec
«ette pifcriptiofi , C»» adherta Drxefi^
D^s petçms-là ieïAnglois chercboient
à entretenir la rivalité des Maifons der
France & d'Autriche , & à tenir la ba-
lance entre hs deux Monarchies ; Foli-
^ue adroite qui a procuré à l*^Angle-
tene l'Empire de la Mer , dés ricbelTes.
immenfes , fie uni confîdéraàon infinie
çn Europe.:
. Ho^ruc Barberouâ&déjà Roi d'Algsr
s'empare *e Tr^mecen. Le Roi détfirô-
né appelle Muley. Aben-Cliemi fe.j'ettfc
entre le» bras àe IfEfpagne, fie en oh-
ti^ne la proteAien ; Martm cfArgote af-
fiéj^^fiarberoulTe dans Tremecen , & 1&-
fçirceifie.fiiiFjon lëpourAiit, &.enfinQiii
tS^j&ne à Zvi i. & e^ iut por^ &
d'^SS A-QHS. 227
Ona : aloft p^rit un CorOiire âeYeouB.oi'
& la .terreur de la Méditerranée > foD
it€T& Chérédin lui iaçcédc k Aiger; D.
Hug^ues de CardoDRC part avec une flot-
te putflânte pour le detfarôner , mais ce
Oeural ayant à^ré pendun huit jours
le:.débai}queiac!t)t »eA furpns dans le Fon
d'Alger d'une temple qui abyme fa
âottc : plus dé quatre loiUe Ëlpagnol»
périreot dans ce deiaftre ; à peine put-on
^ver quelques TaiiTeiux.
,LainortdeManed'ArragDnaToiltelle«
Baent . tou ché le Ktà Ëouaaniid fon épous
qu^^^KÎt fur le point d'abdiquer la Cwi-
■onne , ne fe r^fârvanc que le revenu de
PAlgarve & la Gnnde - Maïtrife de
Cbtifl , afia de pourfuivre fes conquêtes
CQ Afrique^ mais ayant appns que le
Prïoce J«an en.fareui de qui il étoit prêt
à faire un & gmod iàcrifiee i cabaloit &.
iiKHitn»cibeau6oup.id'io^atience d'oc-
caper Je ibrône.) iU c^Dge -de deâein 1 &
^ufe rinfaQttLËl^onwej faur éi Roi
.FÈrnasd Cônes part avec dix v^
. f«aiuii!« & accwnpagné de fix à fept ccits>
E^a|gicd6Jaa)akc)D ticfbrnu pnefinw
de entreprifeavec â peu dé forces. TLeQl
Kvi
-Hl SÏO IRE
vrai que cet habite Capitaine , fêcond ed
reflbuTces>&d'uRCourage opiniâtre dut
fes fuccès à^on adrclTe autant pour le
moins qu'à fon audace. A pane hit- il
pani , que VeUfquez jaloux de la ca-
pacité de foii Lieutenant' , Ce repentir
d'avoir fait vn pareil choix. 2t crai-
gtiit que Certes ne tui' enlevât ta gtoi-
te. Se fuï-toot te profit de cette ex-
pédition : on verra que te Conquérant
du Mexique eut élus d'obftacle à vain-
cre ducôté de Vekfqucz que de celui
des Mexicàiiis. It lèmbloit que iSiFSpt^
gaoli eu0ent entrepris de mettrteux-
Diâmesobfîacleàteursûtccès. Ne hat-ce
pas parmi eux que Colomb & ie& frères
trouvèrent leurs plut cruels ennemis T
X^es Pizarres & tes Almagro & livrèrent
auFérou plusdecombats, & firent cou-
1er ptiis de âng Efpagnal qoctous led'
Indiens enfitmblie ; mais ce qu'on dût re-
. garder oomiDc un prodige , c'en qae Ut
oiTcoràe , ces haines atroces , ces guer-
res inteftines ne retardèrent pas un feub
inftatit te cotiit des- oonquétes; Fêr-
mnd Cortex cberche i, & &ire adcHrer
desibldatSi il y réofiuav&at que de les
débarquer; tous loi jurcrent de ne jamai»
I\baiii3fMlner.
Le Roi tient les Etats de Catalogne ^
& en obtient un don gratuit. François I*
te lomme de reflituer la Navarre ii Henrt
d'Albret , conferniémem au traité de
KoyoB. Gouffier àe BoiSy & Cblevrc
s'aboucbent i Montpenier pour finir ce-
'-'^différend , mais ils ne purent rien tcr-
mioer. Il s'en faiWit bien que Charleseur
envie de faire une pareille reftitution,
U marie att Marqnis de Brandebourg
GeriDaÎRe de Foix qui lui avoit cédé
toutes fcs prétentions fur la Navarre, Les
Arragonois indignésd'une alliance ^'ils
regardoient comme injurieufe (o) à Fer-
dioacd , refnfereot à leur ancienne Rei-
ne la titre d'Altefle qu'on ne donnott
alorï qu'aux ' têtes coufonnées j mais
Charles le lui fit rendre* ^S^9'
Mort de Maximilien. Le Rm d'E^a-
gne ell élu En^ereur fous le nom de
Charles V. François I. qui fut fon con-
«uneBt ne luipai'doDna jamais cette pré-
férence; les Èleâeurs reftiferent leurs
ftiÂages au Mraarque François dont il»
230 H l'ST O 1 B E
^imoient le mérite ; mais îh crsjgooient
d'être alTujettis coaune L'avoietft été les-
grands VaQàux de la Couronne de Fran-
ce. Ne devoient-ils pas avoir les mêmes,
fujets de crainte en cboiTiifaDt le Roi
d'Efpagne f Ils. firent ùgaef à Charte»
une capitulation qu'ils crurent capable
d'aflurer leur Tiberté. L'Eleveur Palatiiv
député par la Diète de Francfort ap-
porte au Monarque £(pagnol le di^dôme
, de Ton éleétion à l'Empire.
La Cadille refiife à Ton SeniTerain les
décimes fur le Clei^é , qui lui avcnent
été aceordées parla Cour de Rtune pour*
feire la guerre auxTufcs-Lcnouvel Em-
pereur a recours au Pape qui jette utk
mterdit fur toute l'Ei^agne ; mais aucune
Eglife ne te garda. Toutes les perfonhe»
fenfêes , dit ferrerai , étolent persuadée»
que des cenllire^ n'obligent en aucune
éçon > lorfqu'elles n'ont pas pour baie la
îuftice ; de forte que Léon X;>fut 00a-
tnùnt de lever u»inter£t inutile.
Le Sultan SeDm , à la prière de l'Em--
pereur, accorde aur CBréttms la per-
miflion de vifiter les fiûms Lieux. Ce fur
alors que l'Empereurprit fe titre de Ma-
]t&é , au W de celui d'Akeflè. Fxaik-
d'Esfagkb. 25X
fois I. & les autres Rois de l'Europe fui-
virent cet exemple.
Chereddin Baibefduflet aullî grand
Bomme que fon frère , s'empare du
Royaume de Tunis. Le Roi déthrôti^ Ce.
fauve en Efpagne peur y folUciter l'api
pui de l'Empereur. Hugues de Moitcadc
chai^ du foin de le rétablir , défait une-
flotte de Barberouffe , & une armée de::
fEmir de l'Ifie des Gerbes. Le Princc:
vaincu fe fournit à uo tribut envers l'EJf-
pagne.
Les principales Villes deCaftilles'unîf^
&nt pour la confervarion des privilèges
du Royaume , les Cafiillans ne pouvoient.
. voir fans douleur les tréfors de l'Efpagne:
tranfportés en Allemagne Se en rlan-
dres. On prétend que Chîévre &ul fîï
paffer un miUion aécus dans fa patrie ,
ibmme immenfe alors, & qu'il avoir ac-
3uife par les moyens les plus injuftes >
'ailleurs l'autorité , le miniftere , les di-
gnités étoient entre les mains des Flar
mands pour qui le Roi avdie une prédis-
kAion linguliere)
Un Prédicateur CordelieF excite un
tsouble aifireux dans la Ville de Valence
qjil étoie QQur lors affligée de la ^efie. 1£
a^a Histoire
&ît entendre au Peuple que ce fléau eft
un efïèt de la colère Célefte qui avoir eiï-
ttepris de punir \hs dëfordres de certains
Particuliers. Auflî-iôt la poputace fe fai-
fit de pluiieurs Citoyens Soupçonnés , 6c
les fait brûler vifs; pourfè fouflraire aux
chârimens que mériroit urw pareille édi-
tion , elle prend les armes fous prétexte
SueleRoyaume efl menacé d'une invalion
e la part des Maures. Tousles Corps ds
métier s'affocient fou« le nom de Gerœa-
nat , ou fraternité , & déclarent enfin hau-
tement que c'eft pour fe défendre contre-
la tyrannie' de ta Nobleffe j en effet , le»
Gentilshommes étoient alors en poffef-
fîon de ne point payer leurs dettes , de
vicier les femmes & les filles des ftm-
pies- Ckoyenfi, de tuer leurs Créanciers ,
& de fe moquer des LcÀx '& Àts Maeif"
trats: le Roi inftruit de la conduite des
Nobles , approuva , oû feignit d'approu-
ver les Germanats ; un CoramifTaiFe nom*
mé par le Roi , préfide à l'éleflion des
Syndics, & leur permet ds refter ap*
mes.
liCS Indiens de Tabafco ibnf vaincu»
par Femand Corter. Il prend leur ViU
le j & répand la terreui ausenvJtoDs. Ly
1
d' E s P A G N E.
vue des chevaux fur lelquels combat-
toient les Efpagjic^a , le bruit de l'artille-
rie qu'on prenait pour le tooDcrre., les
vaiiTeaux qui refîenibloieot à des forte-
reflês mouvantes ; tous ces objets eau-
fôieot aux lodiens un ^tonnement mêlé
d'admirarioD. Ils regardoient Cortea
comme un Dieu , conune le Fils du Soleil.
Deux Généraux du Souverain de ces
vaftes Répons , viennent trouver le Ca-
pitaine Ëfpaxnol , le comblent de pré-
îèns , & le iomment de la part de leur
maître de fortir du Pays. Cortez ap-
prit d'eux que le Monarque Indien fe
nomme Montezuma , qu'il réenoit fut
un Empire fort étendu , & fondé depuis
cent trente ans ; qu'il commandoit à jq.
Princes fes Vaâaux appelles Caciques *
dont chacun étoit en état de mettre cent
mille hommes fur pied ; que les richeifes
du Souverain furpaâoient le nombre de
fes Sujets >& quefon pouvoir étcùt def-
poiique. Les Efpagnols eurent bientôt
lieu de s'appercevoir que les Mexicains
n'avoient nen de barbare qi;e l'ufaee de
(àcrifier leurs ennemis vaincus à Vizî-
putfli , le Dieu de U guerre i & de s'eo
Bouwir ; que ce Peuple furpaffoit en coa-
254 îï' s TotRfi
noiâanees & en lumières, en înduftrie&
en polttdïè la pl&put des Nations de
l'Europe.
L'éducation tïe la Jeuneffe fonnok
parmi eux le principal objet du Gou-
vemement. Les Sujets attachés iufqu'i
fadoration à leur Souverain étoient bra-
ves , difciplinés ^ & connoiflbient ce
que nous appelions l'honneur & les fetH
umens. Us avoient réduit la guerre en
arc , & leurs finances étoient mieux ad-
miniftrées que dans les Etats de ï'Euro-
pe. Pour preuve qu'ils avoient quelque!
connoilTances aflronomtones, c^eft que
leur année éioit diftribuée en trois cent
foixante cinq jours.
Fernand Cortez étant inftniit «îe toat
ce qui concernok les Mexiquains , r^-
iblut de fubjuguer leur Empire. H corn-
Prit qu'il falloir employer la politique Se
adrejfe autant que la force & l'audace.
- II £t d'abord entendre aux Envoyés de
Montezuma que la réputation de leur
maître, l'avoit attiré au> Mexique en quali-
té d'Ambaffadeur d'un grand Priffcequni
ai^nonçoit comme le Monarque de 1 0-
rientri Montezuma efirayé par une infi-
aité d'oracles vrùs ou faux , & par de
d'EsF A GN £. 235-
S rétendus prodiges qui annonçoient la
eflruâion de fa Monarchie , envoya de
nouveaux préfens , & eut recours aux
prières pour enga^r Cortez i partir. Sa
crainte le perdit. Il fe crut vaincu avant
que de combattre; cependant la vûe>de Tes
riches préfens excite de plus en plus l'a-
varice & la cupidité des Espagnols. Tous
fe fentent tranlportés du defir de faire la
conquête d'un Empire fi opulent. Corte£
cfaanné de les voir en de pareilles dirpo-
fitionsjfonge à former desétabliflemens,
& bâtît la Ville de Vera-Crùz. Pour n'ê-
tre plus dans la dépendance de Vetaf-
qa« t il fe feit élire Général par la Colo- '
nie naiffante , & envoyé en Ëfpagae tout
Por qu'il avoit recueilli. Il demande lis
Goavemement du Mexique , & de nou-
veaux fecours.Enfuite il brûle fes vaif-
feaux à l'exemple d'AgathocIes > pour
faire entendre a fes foldats qu'il falloit
vaincre ou périr.
De là il s'avance dans le pa^ Se
fait alfiance avec (4ufîeurs Caciquet
qui ne pouvolent fouârîr l'orgueil & la
n^raonie de Montezuma. Chaoue jour
fur la route il découvre de belles Vil-
les. , ane graode quantité d'or > un payt
flj(S Histoire
délicieux &c bien -cultivé , de l'ordre,
de la police , de rhumanité. Par -tout
on le reçoit comme un Dieu. Les Peur
pies fe 'proflertit^nt à la vue du moûi- .
dre Efpagupl. Il n'y eut qu'une Répu-
blique qu'on appelloit Tlafcala qui >
ayant fçu conferver fa liberté contre tou-
tes les forces de l'Empire Mexicain , eut
la hardiefle de lefiifer le palTaee fiu: fei
terres aux Efpagnols , & de les traiter
comme des brigands. Les TlaTcalteques
prefque nuds , armés feulement de flè-
ches & de pierres tranchantes qui leur
tenoient lieu de fer , furent vaincus troit
fois confëçutivemenrtLa guerre. fe ter*
mba par un traité qui unit ces Républi-
caitM avec les Efpagnols. Ce fut par It
iecours desTlafcalteques q^e Cortezre»
verfa le Xhrône du Mexique. U eft boB
d'obferver que cet homme beufeux dani
fon expédition contre Tabafco>s'attacbi
une Indienne qu'on appelloit Marine, qiù
devint la maîtreflè du Général > & fon
interprète , dès qu'elle eut appris la Lan-
gue Èfpagnole. Cette femme lui rendit
les plus grands fervîces. Pourcombteie
bonheur , le Pays qu'on venoit de cou-
jç^uérlr éioit rempli de volcans qui four
fe'
d'Es P AGN El 237
BÏrent du fouffre & du falpÉtre pour rem-
placer la poudre qu'on avoit dépenfé
dans les combats.
Monteïuma |^us effraye que jamais de-
puis la défaite des Tlafcakeques , trem-
ble en voyant approcher de fa Capitale
cet EtrsDgier qui , en moins de quinze
■ jours, venoit de dompter uneRépub^que
que toutes les forces de l'Em^re n'a-
voient pu aflujettir pendant un fiécle,
Cortez fuivi d'jfne poignée d'Elpagnols ,
6c de fix mille Tlafcaltcques , furmonte
les obftacles que Montczuma lui oppofe.
U arrive fur le bord de ce Lac immenfe
au milieu duquel Mexique eft bâtie*
L'Empereur vient le recevoir auK por-
tes de la ville avec tous les honneurs
imac^nabies. Cortez logé & fonifié dans
un oes plus beaux palais du Prince , ap-
prend bientôt que Montezuma avoit fait
attaquer la CcHonie de la Vera-Crue, &
que la mon de quelques Elpagnols ve-
noit de détromper tes Mexicûns de l'i-
dée qu'ils avoient que ces Etrangers
étoient immortels. Sentaft alors la gran*
deur du péril auquel il étwt expofé ,
p'^yâiit ayec lui qu'un irèB-petit note-
238 Ttl STOIB E
bre de foldats , &c fe trouvant au mi-
lieu d'une Vitle. peuplée d'un millioD
de Citoyens , & environnée de quatre
armées ennemies i il forme le projet le
flus audacieux qui foit jamais venu dans
efpiit humain. Suivi de fet Officiers ,
Cortez fe rend au palab de l'Empe-
reur; & lui déclare fièrement qu'il faut
le fuivre , ou fe réfoudxe à périr. Monte-
zuma> après avoir pi&rt en vain de livrer
le Général qui , par fes ordres fecrers ,
avoit attaqiié la Ville de la Vera-Cruz ,
&df^donner fes eo&ins en ôtagË« fuit lâ-
chement le Capitaine Elpagnol dans la
prifon qu'il Ijji ûe0ine,
Auiu-tôt Cortez exige qu'on lui li-
vre le Général & tous les Officiers qui
avoient attaqué la Colonie , & les fait
brûler vt& aux portes du Palais Impé-
rial. Pendant cette horrible exécution ,
il entre dans l'apartanent de l'Empe-
reur , lui met les fers aux pieds & aux
mains pour réparation du prétendu en*'
me que fes Sujets avoient commis en
Attaquant des «furpateurs. Montezuisa
enfuite de cet outrage- met le comble i
ihn aviliflèmeat , en rendant hommage
D* £ s P A G N E. A39
de fa Cpuronae à Charles-Quint. Cette
cétémoaie humUiame fut fuivie d'un pré-
feot de £x cent mille marcs d'or pur ,
d'une quantité prodigieufe de pierreries',
£c de [^fleurs autres ouvrages des çlu»
précieux métaux que. le luxe des £i)^e-
feurs avoic pris plaiTir k rafîembler de-
puis deux iiécles. Çortez. en réCeTvaAt
cinquième p^ir^e pour le Roi d'Hpa-
ffte, en garda autant pour lui-méjne-^
& abandoona le i^efle à Tes foldats. Alors
il chercha de. nouveaux prétextes pour
diâereribn départ, c^ue Mpntezufta li4
clemaB4oit avec ioftance ; il anendoit les
fecours Qu'il comptoic recevoir d'Efpa-
gne^U ne mt p» loag-tems fans apprendre
que dix-huit chevaux de fa Nation étoient
anivés ayeç douze cens hommes. Cette
□ouvetie.ltù caufa d'abord les plus vift
tranTports de ']oye, mais ils furent fuivït
des plas Cruelles isquiétudes , quaflà ij
appnt qife cette armée - étoU onvoyéf '
par VelïTquez pour le contraindre k
renoncer au Géréralat. Cortez prend
fan parti en Héros. ïl laifle deux cens
homines i Mexique.fous les ordres d'AI-
yaredo, <pù .t& cbar|^ ^v roia iJe ^ï'
i^O HlSTOIB-E
ésT FËmpereur & la Capitale. £nfuÎK
"il part pour aller combattre un eQneim-
jaibux ae fa gloire.
1 j'20. Sur les remontrances de la Nobleflfe ,
!e Roi donne un nouveau décret par le-
"quel il interdît les armes aux Germanats j
il il'étoit plus teras. Charles , fur le point
■de'tiartir pourTAÎlemagneoùla néceffi-
té de fes affiiiresTappeHe, demande d'ê-
tre difpenfë de préfider aux Etats de
■Vaiencej !e Clergé & laNobleflè lui dé-
clarent qu'ils ne le proclameroient que
^orfqw'ïl fer»it préfcnt. Pour fe venger,
léRoi confirme aux Gérmajû^ts le privi-
lège dt refter armés , & va tenir les Etats
de Caflîlleà Saint Jacques : les Caftîl-
lans mécontens du lieu de l'affemblée Se
des deffeins du Roi qui ne ihérçhoit qu'à
Tîrér de l'argent dés /Sw Crfrf», s'éfaran-
letit de toutes parts. L'Efpagne n*api^u?
diCoit pas à l'éleffion de Chartes à- l'Em-
pire. Elle voyoit déjà qiie ce Prince feroit
forcé par la nécelïîté de fes affaires de ré-
fider en Allemagne ou dans les Pays-Bas,
& que tous les tréfors du nouveau Mon-
de &; del'EfpagnecontinneroÎCTtd'eiï-
TÏdiîr les 'Etrangers : Tolède & d'autres
ViJlw
t
D*Es P A (î K E. ^41
.Villes députefit à Œarles, pour luifabe
des remontrances fur le,urs griefs ; a la
nouvelle que le Koi alloû partir, & qu'il
emmenoit avec lui £à mère il s'éleva une
furieufe fédltion àValladolid qù étoic U
Cour ; riatention des féditieux ^toit de
mafliâçrer Cbievre , le Chancelier Gaà-
itara & tous les Etrangers , & d'arrêter
eofuite le Roi ; mais Cfaatles s'ouvre un
paflage ^u travers des mutins avec fagar-
oe & fa Cour , & fe fauve à TordemUs
où ëtoit fa mère , de-là il fe rend aux
Etats à Saiat Jacques. Il exile les Dépu-
lés^e Tolède & de plufieurs Villes qui
js'oppofoient à fes demandes , & transfère
les JÉtats à la Corogne ; là il arrache des
Etats un âon gratuit de fix cens mil-
JionsX'*) de Maravedis , payables en trois
ans. On n'avoit jamais accordé à fe£
préd^cgfTeurs au-delà du tiers de cette
ibnuntu
Les Wles de Tolède , de Madrid, de Sa-
Jamanque > de Toro, de M urcie & de Cor-
doue n'y voulurent jamais foufcrire. Les
jautres Villes exigèrent que . Charles pro'
mît de revenir au plutôt en Efpagne , de
(a) Quî&se mtlUcnu de notre Monaofei
Ttme ///. L
A4-2 HiS TO« R E
s'y marier, de réforiner&inaifon, deptv
verde leurs pensions & de leurs emplois
cous lesEtrangers, de défendre jTouspdne
de la vie qu'on-fît fortir du Rpyaume de
Vot & de l'argent j Se enfin de ne nommer
à la RégWKC que des Seigneurs du Payj.
L'Empereur ne tint aucune de Ces promet
■fes , te Cardinal Adrien £bn Préccpteurftiï
Régent dé la CaftiDe , & on là donns
pour Cotifeil la Chancellerie de Valla-
dolid. J«an de Lannza eut la ^égcaçt
id'Arragon.
Ayastfon départ, le Cotdèil de CafiHr
le , engagea Chartes à déclarer par aif dé-
cret authentique quel'Efpagne étoit indé?
fiendante de i'Em^se , tant on craigno^
es vieiBes prétentions du Cc»^ Genna-
tiique quife prétend fubftitué au pouvoir
de rEmpire Romain. L'Empereur débar-
■que en Angleterre oit it s'arrête phifîeurf
jours. Il conclut à Can^orberi avec Hen-
ri VlII.-un traité contre la France,
L'Empereur combltnt ie Mimftre Vol-
feydepréfens&depcnfionsi &l'appel-
ïoit fon père; par ce moyen il gouyer-
iMMt la Cour de Londres. De-Ià itpafle eb
Flandres , & va fe faire couronner k
^ç-fei-Cïiapeïtf le 21 Ofto^rç, Cç ip^
d' Espagne. 24.J
me jour on proclamoit i Conftantînoplè
Soliman II. quUnnt pour Caries V.'un
rival de glràre , de putQance & de me-
nte.
Sur le re&s que firent les Etefteurs
de fe trouver au Couronnement de TËn^
pereur , fï les Grands d'Efpagne y affiF-
t<rient couverts , Charles obtint de ceux-
CL qu'Us fe découvriroient ; inûs quand 3 '
n'y eiuplustieu à taconcurrence,tl ne ren-
dit le privilège de fe couvrir qu*^ un trem-
pent nombre de Sâgseurs EfpagnoU »
& le fit vbeter aux autres par de longs
fervîces. Avant que d'itre couronné
Eoipereuf , il'jura a'obferver tes capitu-
^aÏFcs drefl^s pour It liberté du CSrps
GentfafttqiK.
La révolte éclate danstoute laCaftih
te.'Lies principales VUtes de ce Royaume
s'aâbcient eniemble pour la réfbnne dtt
Gouveraement. On appella cette ligue
Comm»nam'e! du mot cvmmuneni , qui fi-
gnifie ^ens du commun. Prefque toute
£1 NoUeâè refta fiddle au Roi. Il fe trou-
va cependant quelques Seigneurs parmi
les chefs des rebelles ; mais il y en âvoit
d'autres qui furent tirés de la He du. Peu-
-{de.'X^ CfHifédéiés au' nombre de plus
■Lij
i244' Histoire
^e trok cent mille hommes armés fonir
jnentje Cardinal Adrien d'abdiquer U
Régence. £n attendand fa r^ôoafe *
■ib fe portent à toutes fortes d'excès,
X<es'd^utés des derniers Etats fufpeâs
^'avoir été fayorablçs h l.a Cour > fbnc
jégorgés_o^j fendiw. Lp Rëgeot wdon-
ne à R^nquillo & à Foi^^ de maf'
icher pOAtre Jes Rebelles. Ce denjier met
le feu à Aledina del Caœpo , &, brûle
prefquMpute cette grande Ville. Adrien
fe voyant pQurfuîyi par le$ Citoyens de
Valladol^ , dë^^voue lâchenynt Fon-
feça <)ui eu contraint de fe fauver da
Royaume. Rçinqui)!^ eA b;ittu. On fait
faun baCe fux tousKreux qui ne fp décla-
rent pas en faveur des Communautés.
Les habitans de Jodar , au nombre de
'jTois paille , font rçalTacrés , &l on réduit
Jleur Ville en cendres. Jean de Fadilla qui
pouvoir être regardé jromme le chef de
J.9 ligue , obtient de Jeanne la Folle des
Retires patente; qui le conftituent Ca{4-
jaine Général de la Caftille. he^ Com-
munautés tiennent leur aflemblée à Tor-
HefiUas , & gouvernent l'Etat fous le
jibnci de i'imbecjlle Princefle qui les pro-
d'EspagNS. 24^
roui ks membfw de la ChancelleriçV
L'Evêcjue de Zamora , à la tête. 3'un Ré-^
«ment de qaatre cens Ecdéfiaftiques ',
le figrrale eaffès cniaùtés.
' Cependant l'Empereur inftruit des
malheurs de la Caftirle alTocie â la Ré''
gence le Connétable & l'Amirante ; ort
lui confeille en vain de fetourneren Ef-
pagne , il fe conrente d'écrire qu'il rc-'
ifonce AU don gratuit actordé par leff
Etats de la Corogne , qu'il modère les
impôts , & gromet de n'élever jamais'
aucun Etranger aux dignités de la Caf-
tille. Les Dudiofles- de Médina- Sydonia"
empêcheiit Sévilïe <ïe fe déclarer en fa-
veur des Communautés. Le Connétable' -
eft chaffé de Burgos ; l'afTemblée de Tor-
defdlas fomme en vain les trois Régerits'
de renoncer au Gouvernement de l'Etat.
Le- Duc de Najei^ , Vfteroi de Navarre'
Itur envoyé unt artnéej& le Roi de Por-
tugal- leur prÉte cinquante mille ducats.
Alors on voit changer la face des affei-
res ; Burgos rentre dans le devojr , le
Connétable & l'Amirante fe trouvent
. bientôt à la tête de cinquante mille hom-
mes-; Tes ReBelles demandentdu fecour'*
au Roi de Portugal-, mais ce Prince leur
L iij.
a^^é Histoire
. offre {èulement fa médiation auprès de
L'Empereur ; ils veulent marier la Reine
avec le Duc de Calabre qui étoit pri-
fonnier à Xativa ; mais cette PrmceC-
fe/ quoique folle , ny voulut jamaii
confentir. Le Comte de Haro , 61^
du Connétable prend TcrdefiUas d'af-
faut » arrache la Reioe des mains des Re-
belles , & enlevé prefque tous leurs dé-
putés. Dom Pedre Giron , un de leur»
Généraux {& foumet ; les 3tSJàK$ de
^Empereur fe réiablilfent.
Le Royaume de Valence étoit en proye
aux m^mes maux que lai^aftille , toutes
ks Villes entrent dans b Germanie , & te
Peuple £alt main bafle par-tout fur la No-
blefle ; le Comte de Melito qui étoit Vt-
ceroi , voulant protéger lerGentikhomi-
mes , achevé de foulever contre lui tout
le Royaume. On commet les mêmes cri-
mes & les mêmes excès qu'en Caâille ; la
Nobleffe met à fa tête le Due de Segorbe.
de la Maifon d'Arragon. Jean de LanuZA
, eut le bonheur ou l'habileté de contcDir
l'Arri^n.
Fernand.Conez a la fans&âioii de
voir paffer fous fes étendards les troupes
que Veiafqueï fon rival avoit envoyées
D'Esf'AONB^ - a^f
pour le comSattré. Svt un bnàt que le»
Seigneurs Mexi<;ains coofpiroient pour^
brifer les fers de leur Empereur , un Of-
ficier £fpagnol nommtf Alvaredo , prc''
fite du momeni où les prétendus coiipa-'
blés s'étoient plongés dans U débauche
Sendant un jour de Fête , èc «n OM^ftCre
eux mille. Il leur arrache les pierreries'
& tout Tor qui ferVoient k leur parure ï
ee trait de cftiauté & d'awlce rend le
Peuple furieux. Deux «ac mîUe Me-
ûcains alË^gent Alvaredo dans fk mai-
foo. Cortez rieot le joindra > & fe trou-'
ve expofë aux plus erandi périls. Mat-
gré le carnage que îont les Efpagnols
en diâërentes iorties^ , ils craignent-
^être bientôt 9CCi&lét. ta perte d^un
léul' bldat ne pouvolc être reparée par
kl mort die mille ennemis. Monteztim»
nier de Corteï propofe de fè mon'
trEr«fes Sujets pour, les engagera ferc
tirer. Maft les Mexicains ne reconnoi&
feientplus dans leur Empereur qn'un U-
ehe & vil efclave des Eoimgers. Monte-*
2uma , au milieu de fa harangue» reçoit
au front un coup de^ierre qui le blefle
mortellement II expire tnentôt dans les
coDvuliioos de ta rage & dU défefpoir.
Liv
34^ Histoire
On élit en ik place le Cacique Quetlava-
ca. Le nouvel Empereur feint de con-
femir à la retraite de»£fpagiiok', dans le
ëefleii) de tesfurfvendre , & de le» acca-
blera En effet il taïlte en pièces leur arrie-
re-earde. Cortez ne fauve fa vie & le-
refte de fon armée que par des prodiges
de valeur. Il perdit , en (e retirant , la
pUiS grande partie de fes tréfbrs. Arrivé i
Tlafcab oil il efi- reçu comme un I^eu ,
U raflembie" bientôt une armée de- 80
mille Indiens , i la tête defquels^ il vient
. afliéger la capitale de l'Empire Mexicain.
Nous verrons ailleurs quel fut le fuc-
cès- de cette entreprife. Revenons aux
aâàires de la Chiite.
'^5^^' Marie Pacheco époufe de PadUIa fbu?-
tient par fon courage celui des RebeUes.
La guerre civile continue avec fureuR
Les deux Partis fe traitent mutuellégaent
de traîtres à la Patrie , & de criminels de
Leze - Majefté. PadiUa , cher des f?di-
tieux , perd une bataille , eft pris & dé'
capicé.'Jean Bravo i & François Maldo-
nado fubiflent le même fort. Valtadolid >
Médina del Campa , Ségovle , Avila ,
Salamanque Sc'Zamora fe foutnettenr.
la. feule ville de Tolède animée par rit>-
d'Es P A G N Et 3451c
ttéfid&Maiie de Pacheco & par Antoi-
ne d'Acunha , Evéque de Zamora , per->
fiftedansla révolte. Le féditieux Prélat;'
<{ue je viens de nommer, marche contre
lesKoyaliftes , eft vaincu , Se fe retire à^
Tolède dont il eH élu Archevêque pae
ks gens de fon parti. Il veut encore ten-
ter les hafards de la guerre, & perd une-
féconde bataille. Il Te fauve de Tolède.'
Le château de cette Ville tombe au pou- '
voir de Marlft Pacheco qui lâche de-
ibutenir le parti des révoltéSi
Le Vice-Roi de Valence convoque Ift
ban & l'arrierc-ban contre tes Germa-
Dats. Il eft vaincu à Gandie. Le Duc de
Segorba le venge en^ remportant plu- ,
fleurs viftoires , & en forçant les Rebel-
les à le iôumenre ; dans le cours de cette
guette , les féditieuif avoient pris le cbâ*
^ teau de Xativaoit^toit le Duc de Cala*'
bre dui refufa la liberté qu'on lui oâïir. -
Un- Caftillan impolleur qui fe donnoit
pour le iîls' de l'Infant Jean d'Armgon y
onclede Charles- Quint , fut reconnu en
qualité-de Roi par la populace. On l'apr
pelloit le Roi travefti. Soa'-iinpofture le-
eooduillc au g^bet.-
i-v
aso Histoire
L'efprit de revoit» fe communique i
Flfle de Majorque. Le Vice-Roi efl cbaf-
Sé & remplace parunTondëurde drap..
Celui-ci cft battu par les habitans d'Al-
cudia , l'unique Ville qui fut reflée fi~
deile i fon Souverain.
Henri d'Albret veut profiter de»-
cîrconlbnces pour rentrer en- polTefliotr
de fes Etats. Il envoyé André de Foix ,.
Seipieurde l'Efparre avec une puiffante
arm^e qui pénétre dans ff Navarre. Le
Générai' Françoifi fait en quinze jours la
conquête de ce Royaume. S'il' s'en filr
tenu là , d'Albret étoit rétabli fur le.
Thrône. L'Efpagne avoit vu avec aflcE-
d'indifiérence les fuccès d'André de.
Foijc ; mais ce Général s'étant attachéj
au fîége de Logrogno, les Efpagnols crai-
gnant qu'il ne parvînt jufqu au c<Eur de
la CafbUe, fe réveillent & forment une
puiffante armée. L'Efparre level* fiége,
eft vaincu & pri»dans les plaines d'Ef-
quiros. SixmiÛeFrtnçoiS'reftereDtfur te
champ de bataille , & ta Navarre repaie
fous la domination des Espagnols. On fe
trouva bien alors du confeil de Ximenes-
qui ayoit fait démolk. toutes les places
~ D*ESPAGNE, 2Sl
fortes de ce Royaume ufurpé. Ce qui
. entpâcha les François de s'y défiecdre t
Se de le conferver.
Roberc de la Marck , Souverain de.
Sedan , animé fous ntaïn par le Roi de
France , avoir eu l'audace de déclarer U'
guerre à r£mpereur; mais il ne tarda pas
à s'en repentir. On lui enleva prefque
toutes fes places , & il fe vit forcé i de-
mander une trêve.
Les Miniftres de l'Empereur 6c du
Roi de France , s'aflemblcnc en vain à
Calais poi^r étouffer dant fa naiifance la
Êietre, qui venoit d'être déclarée entre
ur^ maîtres. L'opiniâtreté de l'Empt-
reur à retenir la Navarre rendît le con-
. grès itiutile. Les François prennent Ba-
paume , Landrecies > Boùcnain & Hel-
dm*X<esIix^ériaux de. leur côté s'env-
ient de Tournai. L'Amiral Bonnivet f«
rend mettre de Fontarabie,
Charles V. avoit entendu àja diète de
WormB le célèbre Luther, & publié
contre lui & fes erreurs un é^t {blemnel.
Le Papeà l'Empereur fe Ugwent pour
rétablir François Sforce dans le mila-i
nez,. Les Vénitiens alliés de. la Frj^iuw.
font forcés dàos^icentino. Frofper Co?
•Lvj
2^.2 H I S T O I B E
ïonne , Se les Marquis de Pèfcaire & de-
Mantoue qui commandoient l'année de
rEmpereur Se du Pape , font la conquête-
du Milanez.
' Léon X. meurt le deux Décembre de-
la joye que liii cauferent les malbeiuï de-
là France.
EmmanueMë Grand, Roi dé Portn-
gal meurt le lo de Décembre. Son fiis'
aîné lui Tuccéde fous h nom de Jean IIIi
Ferdinand , frère de l'Empereur époufe
Anne Jagellon , fœur de Louis , Roi dé-
Bohême & d'Hongrie. Charles V. ve-
noit de céder à Ferdinand fon frère.
l'Autriche & toutes les Provinces, pro-'
venantes de iâfucceffion-de l'Empereur
Maximilien , à condition. qu'au défaut
d'hoirs- mâlès^ dans la peflénté de FerdU
nand- , toutes' ces Provinces- retoume-
roient auxdefceBdans'mâlesoufemeUes-
deCharlcsV.Lecaseftarrïvé', &aoc-
eafîonoë upe guerre fànglànte qui fe ter-,
mina eîi 1748 par-lrtraité d'Aix-la-Cha-
pelle. La céffion dé l'Autriche à Ferdi-
nand eu regardée comme une dés plus
grande» 6u.te» dé Charles V. qui &mbUr
alors perdre de vfie foti CyûêtoE de lai
Mojumiie unirericUe..*
d'Esp a g ne. ajj:
LiOrfque FernaodCortez vtntaffiégcr
h Ville du Mexique , TEmpire avoit ei^
core changé de maître, & etoitpoùr lors-
fous h doniinatton d'un jeune Prince
rempli de courage, qu'on nommoiEGua-
timozin-, St qui étoh gendre ^ Monte-
zuma. Ce' nouvel Empereur défendit fa
Couronne pendant trois mois ; mais qur-'
pouvoit tenir çn Amérique contre l'ar-
tillerie & ta difcipline de l'Europe ? En-
fin Cortez , après plufieurs combats li-
vrés fur le Lac & fur la terre ferme ,
prend la capitale de l'Empire. Sur la fin
"du fiége plus de deux-cent mille Indierts
^étoient rangés du pani des Efpagnols.
L'Empereur , fon-époufe, fesMiniures&
fes courtifans.tornberem entre les mains
du vainqueur; Guatimoztn fut d'abord
traité en Roi; mais nous verront com-
ment une poPitique fanguinaire déter-
mina Gortez à changer de conduite k
l'égard de ce Prince mfôrru né. lf22,
Charles-Quint qi» étoit alors maître
abfolu de l'Italie, procure ta-Tiare à fon
Précepteur , le Cardinal Adrien. Le .
nouveau Pape ne fut dans ce hautj-ang
qu'un ftmple Miniâre dx l'Empereur :
qjiQiqu!il' dût fa. fiprtuw auK'lettres , ib
Sfj-^ HiSTOlSE
les oublia dès qji'ïl fut monté fur le tHtfr-
ne Pontifical. Envoyant le mépris qu'il
fembloit avoir pour les fciences. & le»
açts , on l'eût pris' pour-un Roi Goth. II.
fçmble qu'Adrien n'etoit parvenu à la
Papauté ju^e pour contrauer avec Ibn-
'- pr^écel^r Léon X. qui fiii
le proteâeur desSçavans^
Benrand de la Cueva bat les Fran-
çois fur le bord' de Ja Bidaâba.
Charles V. après avoir arrangé fes af-
faires en Allemagne , part des Pays-Bas ,-
& pafTe à Douvres oà il voit le Roi d'An-
fleterre. Ces deux Princes mettent le
ernier fceau à leur alliance contre les
François. L'Empereur eut de la peine à
regagner le MiniAre Volley qu'il avoit'
flatte de l'efpérafice d'être Pape. Charles
s'engagea époufer la PrinceETe Marie,fi]le
de Henri VTlL & à donner chaque année
30000 é€us d'or au Roi d'Angleterre juf-
qu'à la conclulîon du mariage. En atteif
aant > l'Empereur eniprunta du Monar-
que Angipis des fommes confidérables",
. reçut l'Ordre de là Jarretière , s'embar-
qua avec cinq ou fix mille Allemands ou
Flamands , & aborda à Santader. Il li-
g^ti^e. £) cléioence ea faifant pubtieil
D' E s P" A i3"N B. 2^y
S Valladoiidune amnUlie générale dbnr
il n'exclut que quatre -vingt perfon-
nes , Japlûpaft Moines 6c auteurs de»'
troubleSr Pierre Pimentel , & fept âé-
Î)utés des Villes confédérées ktlTeoF
Eur tête fur un échaâàut. Le confeili
d'Ëfpagne demandoît encore des- exem-
ples de fëvërité. Je tfj coajtniirai jdnutis , .
répondit Charles , "voili ajfe^ dt fang ré-
ftmdu. Il dit à quelqu'un qui vint !iiî dé-
clarer la retraite d'un chef des Rebelles >
tt'aHriez,-vous pas mituxfait dt lut dire que
fétoîi ici , que de rifÀfprendre ck il efi ? L E--
vique de Zamora en voulanrfe retirer en
France avec des fommes confidérables ,
fhiit de fa rébellion & de lès briganda-
ges , efl arrêté. & conduit au cnâteau
de Siinaiicas.Ce Prélat, quelques années
après , ayant allbmmé le Gouverneur de
là fortereflè où il étoit enfermé, dans,
reffférance de fe fàuver de fa prifon »
l'Empereur le fit pendre fans aucune for-
me de procès aui^crénaux. de cette mê-
me fortereflè. D. Pedre d' Avala , Comte
it 5alvatierra eut auffî la téce tranchée..
Le Duc de Segorbe achevé de paei-'
fier le Royaume de Valence> en coitr
ajfi HiS T O I B B
tinuant de battre les. Rebelles. L'Iile
de-Majorque , & celle d'Ivica fe fouroet-
tent à leur Souverain. L& Duc de Cala-
bre eft élargi par ordre de l'Empereur >
& traité avec la, diftinflion qye méri'-
toientTesinfortunes'& fa candeur d'ame.
L'Empereur accorde à François Sforce
rinveftiture dii Milanez , & gagoe par.
cette modération toutes les PuifTance»
d'Italie. Les François rentrent' dans U
Lombardie , prennent Novarre d'a0aut ^
-& affîégent ravie vigoureufement dé-
fendue par Antoine de Levé. Profper
Colonne , Général de l'Empereur dé-
fait enriérement l'armée Françoife à la
ipuoiée de la Bicoque , & tue plus d&
dix mille hommes. Ce-défâilce fait pet'-
dre à la- France Gènes & tout le Mita*
nez , à l'exception de deux ou trois Pla-
ces; Venife » la feule Fuiffance- Alliée des
François, acheté lapaiX'dei'Emp^ercurj
moyennant de.gro(ïes Tommes.
Rhodes défendue- pendant Cix mois
par Villieis de l'IfleAdam qui y fit pé-
-rir près de deux cent mille Turcs , fe rend
à Sdyman. La poflérité n'a. pu pardon-
ner jk Adrien & à Cbarles-Q^int d'avoir
b' EsS AGN E. . 2J7
IMé perdre ce 'boulevard de la Cbré-
ùenié pour làtis&ire leur anîmolîté con-
tre la r'rance.
Magellan , GentilhomnLe Portugais at-.
taché a l'Efpagae , découvre le détroit
qui porte aujourd'hui le nom de celui
qui en a &it la découverte. Il ei^ra le
premier dans la Mer du Sud , & en vo-
guant de l'Occident à l'Orient , il trouva
les lues Marianes Se les Philippines dans
Tune defquelles il perdit la vie. Les Por*
tugais Êireat étonnés d'y voir les £fpa-
gnoh , & ne pouvoient comprendre
comment, ceux-ci y avoient abordé par
la Mer Orientale j ils étoient bien éloi-
gnés de comprendre que tesEfpagnoU
euflènt. parcouru la plus grande partie
du Globe. Cet incident fit réformer l'ar^
tèt que ta Cour de Rome ayoït porté
iur les limites des Pays découverts par-
les deux Nations.
Cortez- achevé de (bumettre dans le
cours die cette année l'Empire du Mexi-
que,& en^ft le prepùe t ViceroL La Répu-
blique de TlalcaU fut aflervie fans qM on
tirât répée. On ladédommagea de la per-
te de fa liberté par quelques.vains privi-
bfges. Les conquérais du- Mexique em^
a|8 . H is ToiB E .^
ployerfeni les moyens que peut fuggérer'
tine barbare poétique pouflà deftniâion
d'un Peuple nombreux , & dont on ^i-
ttiagine avoir tout à craindre. Guatimo-'
»n efTuya un fort encoce plus cruel que
fes Sujets. Pour lui faïrt avonet en quel
Keu étoient cachés ks trëfors de l'Empi-
re , on l'étendit fur un Ut de cbarboni
ardens. Tandis qu'on le torturoit d'une
manière fi cruelle , il entendit un cri que;
la douleur arrachoit à Ton favori con-
eondamné au même fupplice. Et mof ^
dit ce Prince intrépide , fitis-je cenchifitr
nnUt de nfts f On le tira à moitié mort '
de cette aflïeufe queftion : troisatts après
il fut pendu publiquement dans la capî^
Cale de Tes Et^t^ avec un granj nombre
de Caciques , fous prétexte qu'ils avoïent
confpirë contre les Elpaenols.-
'^S^3' ^=* ''** ^'"^" ,^e Caftille affemblés ï
Palence accordent un don gratuit de'
quatre cent mille ducats. L'Empereur,
permet à tous les Efpagnols de porter Vé- '
pée. Le meurtre de pmficurs perfonnes
qui avoient été affaflinées , faute d'àvoîf
de quoi fe défendre, donna lieu à cette
» permiffion qpi fut extrêmement prëjudi-
. ciable à ragriculturé. Les Efpagnols na-
-7^
S F A G M E.
^ tureUemeet fiers & glorieux > voyant
,; ffi'oR leur accordoit une prérogative
~* qui fert à diflinguer la Nobiefle , aime'
rent mieux promener babïtueltemenr
,^ pendant tout le jour une longue épëe ,
^7 fjoe d'employer leurs main» a des arts-
A utiles , & à la culture des terres.
J Cli»les^uint fe rend dans la Navar^
^ le , & le Connétable de CafHlle pénetre-
j en France avec une armée de vingt-cintj
J mille hommes , fans faire aucun progrès,
1 NouveUe ligue du Pape , de l'Empereur »
j de Venife , de Florence , de Sienne , de-
Gén^ & du Duché de Milan contre 4es^
François. Traité fccret de l'Empereur"
avec le Connétable de Bourbon. Celuir
I ci promettoit de &ire révolter une partiér
ic la France , & de la livrer aux Impé-
riaux âcauxAnglois qui en £eroient le
Eartage , à condition qu'on lui laiiTeroïc
! Royaume d'Arles. Le Thrône des-
François éwit rcnverfé j fi la.confpira-
ÔOQ n'eût pas* été découverte. Bour-
bon efi contraint de &ir , & n'àppor»-
te à Charles-Quint qucfcs talens & fa'
baine contre fa patrie. L'Empereur lui.
promit en mariage ûi- foeur Éléonore f
veuve duRoiderortugal, & lui donnât
â^o Histoire
le commandement de fon armée en Ita-
lie. Bannivet , favori de Françws I. en-
tre en Lombardiç avec une puiffante ap-
tttéfy II eut d'abord ^lelques fuccès }
maië ëtoic il en état de take tête au Con-
séljable de Bourbon , au Marquis déPe&
cai^e , à Frofpep Colonbe , à Ancoine de
Levé & à tant d'autres- habiles Géné-
raux de Charles-Quint. Les Impériaux
& les Anglois joints enfemble prennent
Roye , Montdidier , & par cette divet-
fion empêchent François L de pafler eit
Italie.
Le Pape Adrien meure après avotf"
confirmé- i Charles- Quint & i iês (ïic-
cefTeurs en Efpagne l'admlniflration des
Grandes - Maîtnles de tous les Ordres
militaires , le droit de .nommer à tous les
bénéfices , l'exemptkin i^ tribut de huit
mille onces d'or que le&Rois de Naplc)
dévoient au S. Siège. Enfin, il ne vécut j
& ne fut Pape que pour Charles-Quîm.
Il efl remplacé par Clément VII. de la
Maifon de Medicis.
Cortez rebâtît Mexique dans le goût
des Villes de l'Europe. Les Efpagnols y
éiabliffent leur Gouvernement Civil ,
Militaire- âcEccléfiaftique. C'eflle Siège
d'£s P A GN E. 26t
â'un ÂH:hevêque , & d'une audience
Royale , Tribunal affez femblable i nos
Parlemens. Le Vice-Koi fait Ton féjour
dans cette capitale qui eft la plus riche.,
la plus peuplée , & ta- plus belle Ville du
nouveau Monde. On jugçra de- fes ri-
chefTes quand on fçaura qu'il entre cha-
que année dans fon Hôtel des Monnoyes
deux millions de marcs d'argenc. Outré
la capitale , ofl compte cent trente-cinq
Villes dans cet Empire qui a cinq cens
lieues de longueur du Levant au Cou-
chantjfur dçuxcensUeues de largeur da
Midi au Nord. Pour récdmpenfer Conez
de tant de fervices, ta Courte créa Mar-
qua DelU ydlt j terre de cent mille écus
ae rente. Sa poftérité fubfifte eacore
avec jédat a\i Mexique , & efl mêlée
avec les defceodans aç Montezuma- qui
portent le titre de Comte , & dont on
redoute G |>eu les droits & l'ambition ,
qu'A la fin dp règne de Charles IL On
confia la Vice-Royauté du Mexique au
chef de cette lUuftre famille.
Le Sophi deferfe foUicite l'Empereur ^S^''
jd'attaquer Soliman enpromettant défaire
jine puilTante dîverfion , mais Charles V.
Pfçafi de fes projets çootre ia France ,
302 Histoire
fongeoit â tirer parti de la révolte du
Connëîable de Bourbon : la guerre fe
foit vivement du côté des Pyrénées, en |
Italie & fur les frontières de la Flandre.
Xa Connétable de Caftille [»^nd Fob>
tarabte mal ^fendue par tes Françoii.
Ils veulent reparer leur perte en pé-
nétrant dans l'Arragon , mais ce fiit faiu
fuccès. Clément VII. fignaie les com-
jnçncemens de fon Fonàâcat par exlior-
ter à la paix les Fuiffahces Chrétien-
nes : l'Empereur déclare hautement qu'il
n'y confenttroit point que l'Italie nt
fôt évacuée par les François. Le Pape
relevé l'Empereur du ferment feit par lui
ou par (ts prédéceffeurs , de pennectre
aux Maures le libre exercice de leur Rc-
ligic»! ;'ill'exhorte à tbalfer de PEfpagne
tous, ceux tfui refuferoient d'embraiTer
le Cbriftianilme.'
■ La campagne d'Italie eft une fuite de
fuccès Se de viiftoires pour l'Empereur,
Botmivet, quoique fect>ndé par le Che-
valier Bayard , efl toujours battu par
Bourbon , Pefcaire , Launoi , & Antoine
de Levé ; le Qjevalier Bayard , que fâ
probité & fon courage ont rendu immor-
te], ne fut pas une des moindres pertes
d'Es P-AG N E, U^
l
■que fit la France daos cette expédition.
p Le Milanez eft encore 'une fgia «rracbé
1 4es mains ^ François I.
' L'ardent Bourbon pénètre en Pro-
vence avec ToB jumée yiâorieufe j Hu<
gués de Moncade devoit le foutenir avec
' une Botte. Chariot V. fongeoU auflî à en-
trer en Guyenne > & Henri VUI* ea Pi-
cardie ; mats l'Ëmpo^tu* ne put agir^
! èute d'argent , & le Roi d'Ang^eterrç
I renonça à {ba projet par ]a crainte d'une
I invafîoQ de la part du Roi d'EcoQe ;
Bourbon & Fe&ûre s'attachent ^u Tiëg*
de MarfeiUe qu'ils lèvent a^às 40 jout<
. d'attaqae;tef^ldireÂndréX)oria,Ieplu«
! grand homme de Mer que la Méditerra-
née ait jan^aû vu 1 rendit inutUc la flotte
de Moncade , Se aux approches de Fran-
çob I. Qui ^étoit rendu à Avignon ave«
40000 homme), Bourbon fe retire à Nicç
I avec la douleur d'avoir perdi» toute foa
armée. Le Rt^ de France veut pro&terd^
ce retoitf de fortune pour rentrer dans ie
Milanez ; Bonnivet te détermina i cette
entrepiife, malgré leconfeil defesplus
ItaUlcf Généraux qui vouloient la lui hir
re différer jnfqu'au prîatnos .prochain^
^totoed« Lçveiaturelp MilaoeVi piir f*
264 ' HiSTOTRK'
dét'enfe héroïque dans Pavie , tandis que
Bourbon va chercher une armée en Al-
lemagne pour venir défendre l'Italie. Il
faut obferver que toutes les Puiflanees
liguées avec l'Empereur n.e lui accordè-
rent pas le moindre iecours , & qu'on le
, laiffa feul combattre fon rival ; on pré-
tend même que te Pape & la République!
de Venife conclurent une ligue fecrette
avec François I.
Le confeil d'Ëfpagne déclare que les
Maures bapcifës ae force par les fédi-
tieux durantles guerres civilesferoient te-
nus de perfëvérer dans la Religion Chré-
tienne , Coai peine d'être recherchés pat
i'Inquifition.
L Empereur & le Roî de Portugal font
furie point de rompre au fujet de la poffef-
fion des Molucques découvertes par Ma-
gellan au nom des Ëfpagnols. Charles
qui craignoit que Jean ne prît le parn
de François I. & qui d'ailleurs avoit on
grand befoin d'argent , céàz fes prétenr
tions pour un million de ducats.
Trois Fanicuiiers éiablis à Panama
fur la Mer du Sud équipent k leurs h»»
une flotte pour poufler les découvertes
su MidS. Ce« trois Efpagools dont l'en- ;
treprife
I C'E s P A G N E. 26j
I treprife eut un Ci brillant fuccès , qui
l conquirent à l'Efpagne un Empire plus
I vafte & plus riche que le Mexique , font
[ François Pizarre , Diege d'Almagro , &
un Prêtre appelle Ferdinand de Luques.
Pizarre déjà fameux par fon courage ,
, fa fermeté & Ces fuccès dans les guerres
I contre les Indiens , le plus célèbre des
conquérans de l'Amérique après Cortez ,
I ne (çavoit ni lire , ni écrire. Il tommença
j cette entreprife avec un feul vaiffeau &
deux canots ; il eut d'abord plus à fouf-
ftir que tous les autres auteurs de dé-
couvertes. Il ne trouva que des terres
j aâreufes , des anthropophages, la fami-
i ne , les maladies & la réfiftance la plus
1 opiniâtre. ^ j-^j.^
Tandis que Charles V. affèrmiffoit en
Efpagne l'autorité Royale fortement
ébranlée par les guerres civiles , Bour-
bon & l'i'ibrtune combattoient pour ce
Prince en Italie. François I. fon rival fait
la faute d'aïïîéger Pavie pendant les ri-
Sueurs de l'hiver, avoit fait auflî celle
e détacher dix nâlle hommes de fon
armée fous la conduite du Duc d'Al-
banie pour la conquête de Naples. L'ar-
mée Françoife fut encore affbiblie par U
Tme///. M
0.66 Histoire j
défertion imprévue de fîx mille Orifoni '
rappelles par leurs Supéheui^. Il tR vrai
que la iltuatîon des ennemis étoit en-
core plus criùque. Antoine de Levé dé-
nué d'argent, àe njunitions Se de vivres,
pt enfin îçavoir aux Généraux de l'Em-
pereur qu'il ne pouvoit plus tenir. L'ar»-
mée Impériale compofée d'environ vingt-
cinq ou trente mille hommes s'approclit
de ravie , l'efpérance de U vi^oire ne
foutenoit point Bourbon , qui chaqu«
jour voyoit Tes troupes diminuées par la
famine & la défertion , les circonflan-
ces d'ailleurs étoient funçAes ; Veni-
fe armoit puifTamment pn faveur des
François. On fe déficit du Pape , on con-
juroit à Naples ; enfin l'Italie fembloïc
perdue pour l'Empereur : la première rf-
pérance de falut vint du courage & de
l'ardeur des fôldats Efpagnols, qui fi*
rent alors pour leur Roi ce qi^^'à peine
les anciçns foldats Romains auroieni iak
pour la Patrie. Ils donnerenttout ce qu'ils
avoient d'argent & de bijoux pour re-
tenir les Allemands qui menaçoient d'^
bandonner l'armée j après un grand con-
leil , les Généraux encourais j fe déteiv -
d' E s P A G N E. 267
fois le jcur de Saint Matthias , vingt-
quatre Février , jour regardé comme
heureux par la naiflance de TEmpereur ;
le Duc de Bourbon , George d'Autri-
che > Général des Alleman£ , Iç Mar-
quis de Pe{caire , Launoi, le Marquis du
Guat , Ferdinand d'Alarcon s'avancent
fièrement vers les François & attaquent
leurs retranchemens fur les huit heures du
matin ; on avoir confeitté à François I.
de ne point donner bataille, attendu que
la tbfettc & la défertion détruîfoient 1 ar-
toée ennemie ; mais ce Prince emporté
rar ton courage & par les confeils de
Bonnivet , fort de Ton camp , & fond fur
les Impériaux. Cette faute mit le com-
ble à toutes celles qu'il eut à fe repro-
cher pendant cette campagne ; en effet,
fon artillerie parfaitement bien fervie em-
portoit des files entières d'ennemis : il ne
tenoit qu'à lui de vaincre , fans tirer l'é*
pée^ La fortune fe déclara pour Bour-
bon, lesFrançois furent entièrement vain-
cus; Antoine de Levé acheva leur dé-
faflre dans une vigoureufe fortie, LeRoi,
après mille prodiges de valeur fut pria
cniveri de bleflures . Fe&aJre > avant Vic-
Mij
a68 Histoire,
ùon avoit fait courir le bruit que Fran-
' 40JS I. étoit réfolu à ne point accorder
ee quartier à fes ennemis ; cette nt-
fê excita le courage des Efpagnols an
point qu'ils Se furpalTerent eux-mêmes.
La France perdit dans cette malhenreufe
iournée plus de loooo honuncs parmi
lefqueis on comptoît Louis de la Tre-
mouille , la Falice , d'Aubîgni, Sonni*
vet > & enfin la fleur de la Nobleflë
Françoife 3 le Rpi.de Navarre , Henri
d'Albret , Anne de Montmorenci , le
Comte de S. Paul eui^nt le même fort
que le Roi ; les vainqueurs ne percèrent
Xue mille ou douze cens hommes. Lf
larquis de S. Ange , petit-fils du f^-
nieux Scandcrberg fut tué , dit-on , de
la main de François I. Les Généraux de
l'Empereur admirèrent là grandeur d'à-
me du Roi prifonnier ; après lui svoïr
rendu les honneurs dus à fbn rwg .& i
fa vertu ils le conduifirent à Pizzigitonr
ne fous la garde dç Ferdinand d'Ala^
COQ ; le Koi. dp Nayarre Cç faiiva de &
prifoB.
Le bruit de la viûoirc de Pavie^tpnD»
l'Europe, & répandit la terreiirdançioii>
%p J'Iiajie. Au Jieu de profiter dp la for»
d' E s P A G N E. 2(5 j»
tuoe qui fembloh le coBduire à FEni'^
pire de l'Univers , & de paroître en con-
qu^ant & en vainqueur daâ$ le fein de
la France où ïl n'y avoit ni troupes , m
Généraux , Charle» refla dans une inacr
tion plus honteufe que celle du vain-
queur des Romains , après la bataille
de Cannes ; fans doute qu'ébloui par fba
bonheur f il crut la France accablée fans
retour. Mais il ne connoiflbit ni les reP-
fburces des François, ni celles que la
ialoulie des autres Puiffances contre liû
leur fournit ; déjà le Pape plein de la
jufte crainte d'être réduit à devenir l'A u-
■ mônier de l'Empereur j déjà le Roid'Atï-
^leterre que h ruine de ta France ein:
livré k la dôTerétion d'un. Allié trop puïf-
faut , prenotent dss mefures conjointe-
ment avec la République de Venife & le
Duc de Milan pour arrêter le torrent qin
menaçoit d'inonder l'Europe. Les nou-
veaux alliés reiKerent en vain de cor-
rompre Alarcon pour laiflèr échapper
le RfM. On offrit à Pefcaire le Royaume
de Naples , & on affure que cette offre
Tébranfe. It découvrit pounant hii-mê-
me i Charles les proportions du Pape.
Frat^ois I. éioit déjà transféré à Nfipler,
Mii|
270 HlsTOIKE I
quand l'Empereur donnx un décret par
lequel il décendoit les rëjouilTances an
fujet de la vïâoire de Pavie. Oa m d*>t,
difoit ît ,/f réjouir ^ue det avofriages rem-
fortes fur Us Infidèles ^ (è" non fur Us Chré-
tiens : en même tems il fit fufpendre les
hollilitës contre la France : k quel def-
fein î quelle étoît fa politique f Le Roi
qui ignoroit tout ce qiie fes anois enire-
prenoient pour fa liberté', demandaàétre
conduit en Efpagne dans l'efpérance de
gagner l'Empereur. Il jugeoit de la géné-
rofité de fon rival pat k tienne ; mais ^
.pàneitoit-il arrive à Madrid qu'il s'ap-
ferçut combien il s'étoit trompé. On
enferma étroitement dans l'Alcazar*,
Ôi on le traita prefque comme un prt-
Ibnnier d'Etat. Avant fon arrivée en Ef-
pagne ] Charles avoit a^Telnblé fon Coih
fat, & demandé comment il dévoie traiter
ion prifonnier. Comme votre Jrere & votre
Mmi, lui avoit dit l'Evéque d'Ofma , &
lui rendre la liberté, fans antre conditioa
que celle de devenir votre Alité. L'impî-
■ toyable Duc d'AIba opina qu'il falloit le
retenir en prifon , & conquérir la Fran^
ce qui fe trouvoit deftituée du fecours
de ion Souverûo.
d'Espagne. 27Ï
Charles ne luivit aucun de ces deux
Confeils. II fe comporta avec un Roi ,
comme fait un Corfare à l'égard d'un ri-
che efclave. Il mit la rançon de fon pri-
fonnier au plus haut prix , & le força paf
de mauvais traitemens à la payer au plu-
tôt. L'Empereur ne fe déreftiina à voir
le Roi que quand celui-ci attaqué d'une
maladie dangereufe ocealîonnee par le
chagrin & l^nnui fut aux portes de la
morcjCharlescraignantalors de perdre le
fruit de la viftoire fe rendit dans lacliam-
bre do Roi. Dans l'entrevÛe de ces deux
Princes , le Roi die, rons voyez, -votre
frifonnur. Je vois , répondit l'Empe-
reur > menjrere & mon ami , & je nejoK-
haîte rit» tant tjue de vous voir libre & en
boHne jant'e. Les fuites répondirent mal à
\ ces belles proteflations , mais au moins
elles rendirent alors l'efpérance & la vie
au Roi.
La Ducheflè d'Alençon , fœur du Roi ,
qui ^toit paffée en Efpagne fur la foi d'un "
fauf-conduii , pour confoler fon frère , &:
tâcher de lui procurer la liberté , manqua
elle m^me de perdre la fienne. On l'eût
fait arrêter , fi elle fût reftée un inftanr
de plus que ne lui permettoit le fauf-
Miv
fl72 Histoire
conduit. On dit q^ue François I. déiefp^-
rantde fê voir fibre à des conditions juf-
tes> donna à là fœu^un écrit par lei^ael
il- àutorUbit les Etats du Royaume à cou- "
ronnér le Dauphin.
Le héros de Rhodes , ViDiers de l'Ifle
'Adam , vint alors fcliiciter à la Cour un-
nouvel établiffement pour fon Ordre.
Bourbon fercnditauHî dans le mêmetems
en Efpagne afin d'obtenir le fruit de Ces.
fervices. On refpeâa le défenfeur de la.
foi , le malheureux. l'Ifle Adam» & oa
ne témoigna que de l'horreur pour l'heu-
reux Bourbon. L'Empereur feul lui pro-
digua les marques d'amitié *& d'ellime ,
&alla au-devant de luijJ"uivi de tome fa
Cour ; mais les Grands ne vh'ent qu'un
traître dans la perfonne du Connétable.
On fçait que Charles-Quint ayant pro-
pofé au Marquis de Villena de céder ibft
palais à ce transfuge ,]£ n'ai rien à rtfu-
fir à P^otre Majefié , répoadit le Seigneur
Eipagnol, maii fçachcT^ que quand U féru
Jorti de ma m&tfon , fy mettrai le feu com-
me À un lieu devenn infantt par la^perfi-
die, <è' indiQnt£art habixé var un S»]n
§ieU.
Qiarles par un édlt folemineL ordcume
^
d'Espagne. 27J
aux Maures du Royaume de Valence de
ibrttr de l'Efpagne dans l'efpace de trois
mois , ou de recevoir le Baptême. Ce
qui donna fieu à cette ordonnance ; c*e{t
que les Maures attiroient les Corfaires
d'Afrique fur les côtes , & partageoient
avec eux le fruit de feurs brigandages.
Le Duc d'Albanie eft entièrement dé-
lùt près de Rome par D. Ferdinand de
Cordoue, Duc de Scffà. L'Empereur
dépouilïe Sforee d'une partie du Mila-
nez par' les mains du Marquis de Pefcai-
re. Celui-ci mourut quelque teins après*
avec la réputation d'un cies plus grands
hommes de fon fiécle. ,
Pizarre & Almagro , touî'deux pleins"
de ce courage «piniStre & déterminé qur
Caraâérifoit.tésconquérans de yAméri-
que } s'avancent dans la Mer du Sud y
uns que 1^ vue de leurs compatriotes qui
eXpiroieni chaque- jour de faim '& de'
ntCere , pûc ralentir leur'ardeur. L'or ,
ce précieux métal que la terre produi-
foit , pour ainfi (Kre fous kurs pas ,
les Ibufenoi^ beaucoup plus que l'amour'
dfe la gloire; Aknagro retourna deux fois
iPanama pour y chercher de nouveaux
fecourst Les aobn que là découverte
574 Hl STO IR B
de l'Amérique proctiroit à VEÇptigaeSc
au Portugal, ât aufll naître aux François
& enfuite aux Anelois l'idée de fonner
des établiUêmens dans le nouveau Mon-
de. Mais ils ne firent que glaner dans le
valle Champ , ou les £fpagnols & les
Portugais avoient moifConné. François !•
ibus les aulpices duquel Verrazani &
Jacques Cartier découvrirent peu-à-peu
le Canada, & les parties Septentriona-
les de l'Amérique , difoit plaifamment :
> Quoi , le Roi d'Ëfpagne & celui de
■ Portugal partagent tranquillement en-
* tr'eux le nouveau Monde , fans m'en
■ feire part ! Je voudroisi bien voir l'ar-
>ttcle du'teftament d'Adam qui leur
» lègue l'Amérique. « ,
Le Roi de France recouvre fa Eberté
par te moyen d'un traité qu'il figae à
Madrid j il renonçoit à fes prétentions fur
Kaples, le Milanez, Gènes & A&:, àfa
fouveraineté fur la Flandre ôcTArtoi»,
il devoit céder le Duché de Boureo§?ie >
& il promettoit d'époufer la ReineDouat-
ïiere de Portugal, Eléonore d'Autriche.
Il aima mieux donner en otage fes deux
. fils aînésqu'un certain nombre de Tes plus
]iabUes Genér^vx aue rÇoipeieur lui de-
d'Espagne. njf
manda. On dit qu'il protefta fccreite-
meat contre ce traité. Feu de tems après
Launol vint en demander l'exécution.
François I: pourtoute réponfe le fit aflif-
ter à une audience des Députés de Bour*
gogne qui déclarèrent au Roi qu'il n'a-
voit pas le pouvoir de démembrer aucun
ne Province de la MonarcMe. Launoi '
eut encore la mortification d'entendre
publier la Ligue Sainte. G'étoit une al-
uance entre le Pape , le Roi de France ,
la République de Venife , François Siot-
ce Duc de.Milan & toutes les Puiflance»
de l'Italie pour arrêter les progrès de
l'Empereur. On donna à cette alliance
le nom de Sainte , parce que le Pape en
étoit le chef; le Roi d'Angleterre ea
fut déclaré le proteâeur. Dans un autre
Pays que l'Europe , & en certains fiécles
l'inexécution du traité de Madrid eût pft
coûter la vie aux deux Princes François..
Le. 'Cardinal Volfey avoh' détenmné
Henri VIII. à favorifer la France. Le reP
fêntiment eut plus de part que la politi-'
que à la conduite du Miniure Anglois.»
Depiiis la viâoire de Pavie Charles a'é>*
envoie plus de fa ptopre main au uvorir
du Roi d'Angletésre , -& im iîgnaît phis:
orjS ■ Histoire
en lui envoyant des. lettres , votre FtU &
Conftn, Il feut obïêrver que Volsey étoit
Ëis d'un Boucher,
- L'Empereur époufe f Infente Ilàbelle
âe Portugal, la plus belle Frinceflë de
^Europe , & donne une forme durable
anx ConîeUs d'Efpagne âcà l'étiquette
de fa. Cour. Les Maurcs-de Valence re-
Çoîvettt le Beptérae plutôt que dâ con-
-fentir à quitter leur délicieufe patrie. Vi
parut enfuite un édit qui pardonnott aux
Maurifques-, c'eâ-à-oire, aux Maure»
conTt^iïtous lei erimes. commis depuis
27 ans contre b Rebgkn» Chrëtien-
ite:e'étc»t pour fouftraire aux. flamme»
de rinqtûiiïion la plupart de ces mal-
heureux qui étoient feccettement atta-
chés à l'Alcoran. Mais en m^me-tems 0»
leurîntetdifoit la Langue Arabe, le pou-
voir de porter de^ noins Maures , les an*
ciensufages de leur Nation , le port-de»
armes:, la ti^nflation de dlemeuric fous-
peine d'être recherchés par l'I'nquifition.
On établit alors, ce Tribunal odieux à
Grenade. Cet édit confterna les Maurif-
■êpes prodigieufement attachés, i leurs
u£ic;c^ ! lia. Cour reçut d'ettx huit cenc
nùlu ducats ^ur orodéter la rigueiw
^s édita*'
BourBon part pour PItalie avecrin-
vefttture du Milanez dont S£cM:ce eft dé-
claré déchu pour avoir accédé à ta Ligue
Sainte. Les Pùi&nces ennemies vou-
toient obKger l'Empereur i relâcher les
deux Princes François, moyennant- une
rançon, i renoncer au Royaume dé Na-
ples , à fe défifter de l'article qm tur eé-
doit la Bourgome , à tirer fes troupe»
du Milanez, an' en point faire entrer eir
Italie , à payer au' Roi d'Aneleterre leï
fbmmes confeiërables qu'il lui devoir.
Avant que de pouvoir réduire Gharlcs-
Quint à accepter de pareilles conditions ,'
il falloit lui faire éprouver les mêmer
(Ufgraccs qu'à François I. L'Empereur
noenaca le Pape- d'aunobUr uq Concile-
pour le dépofer.
Le» Atauvifques du Royaume de Va-
lence perféootes par l-'Inquilîtion ; k fou-
levent ^ Se éM&nt uh Roi qui le &it ap*
pellet SeTim' Almanzor. he^ Due de Se*
gorbe eut la gloire de les vaincre , & de-
pacifierceRoyaumeiGepeTidantlesirou-
pes ElpagnoKS qui ïnondoient le Mila-
nez exeroiîeBt les plus afireux ravages.
Les cbâteami de Milan & de- Lôcfi oa^
^[ncenc leurs portes- au Doc- d-'l^Uà ^
378 Histoire
Général des Puillances Italiesnes ;
'maïs une poignée d'ETpagnols & d'Al-
lemands le fit échouer dans fes au-
tres, entrepriies. Après avoir en vain
rfTayé de détacher le Pape dé la lî-
rie , Dom Hugues de Moncade entre
Rome avec des troupes pour enlever
le Pape , Clément n'eut que ^e tems de
fe fauver dans ie château Saint Ange
où il fouifiit un fiége j il obtint une
fufpinrion d'armes de trois mois par
l'entremife de l'Ambafladeur de Portu-
tugal ; lei troupes de la l^igae Sainte
n'ofent paroître où font diflipées par-
tout ; Bourbon à la tête de cinquante mil-
le hommes devient ta terreur de l'Italie.
Florence , engagée dans la Ligue , lui
demande grâce , & lui offre cinq cem
mille ducats , il en ex^a uft miOion.
Le Roi d'Hongrie LadJâas^eft vaincu*'
& périt dans la rameufè bàtiille de Mo*
bats , livrée contre Solyman. L'ArchiduQ
Ferdinand lui fucCéda. dans. lés Royau-
mçff d^Hongrie & de Bohçme , ia chef
de.fon éppufe AnneJagetlon, £eur du
malheureux LadiUaSp Ainfi lés alUances-
c& les.armçirëndoient enAioina de dix
ansUJVla4rqii.d'Aati3cbema£crefie deb
D* E s P A G N E. 279
moitié de l'Europe , de l'Amérique &
des Côtes d'Afrique.
LesPortugaisétabliflênt des ColtHiies
dans leBremune des contrée; les plus
fertiles de l'Amérique. On ne connoif-
fott pas alors les mines d'or & de dia-
mans qui furent découvertes vers I700t
les mines d'or feules foumiCent traque
année quarante millions , mau ces focw-
mes immenfes pa0ent toutes en Angle-
terre qui s'eft emparée de tout le com-
merce de Portugal ; on ne conçoit pas
comment les derniers Rois de la Maifon
de Bragance ont pu fîgner des traités qui
les rendent dépendans d'une Puiflance
étrangère ; qu'eft-U arrivé de ces traités
diélés , d'un, côté par l'avidité & la pluS-
fine politique , reçus de l'autre par l'io-
dolence ? La culture des terres , l'exerci-
ce des ans a été preiqu*abandonné en
Portugal. Le Gouverneur de la Ca^illft
d'Or, au lieu d'envoyer des iecoursià
Fizarre ^dépêche un v^iffeau pour. I9 ^
mener 1^1 & fes compagnons y taai; qi*
trouvoit Ton projet tnfenfê & imprati-'
cable; l'intrépide PizaiM^fufa de rçr
touïtier^i, Pansœ?; j^^;4çh* .PÇaW .£<->
pagnols quiravoientruivi,. il o,'i)^,«j^ei^
Histoire
oue ttéts Qui ne l'abandonnèrent point }
il attendit aans \'îûe de Oorgonne d'air-
tres fecoors^ : enfin- il reçut un vaiffeau
de fes a&ciës fur tequet il gagna le Pott
de Tumbez. lÀ il apprit qu'il étoit aux
Fortes du Pérou le plus riche pays de
Uïùverï.
L'Empereur attaqué par toutes les
;i5'27.PuiffancesderEurope,&nors d'état d'ê^
tre fecoupU par Ferdinand'qui étoit alors
en guerre contre les Turcs, demande de
puiifans récours aux laj Cortei de CaftîIIe
aflemblës à Valladolif; tous les diflë*
rens Ordres kiîen i;efu{èretir; le Cler-
gé ,- parce /ju^il nrpimvoit , dHbit-ir, dip
pofer dii bitm conftieris k la Séligùn ; h(
Koblefle parce qu'elle (Sérogcrok if«
ptivUéges- en payant un tribut , & 1^
Tiers-Etar parce que n'ayant pas en-
core payéun don gratuft de-quatre-centf
-mille micEits accordé' au Roi' pourfon-
«arîage , it hiiétoit impofliMe dcfouP-
iili< ^ nouvel Ibmmes ; l'Empereur»
■ quoique très-m^çootent j ftignit de^trou-
vér boBnes-le8raifensdeï&-Sû|etr. Ccff
pouria' ^VeitiftH: Ibis ^e Tes diffëreitj
ÔrdfésfarmeirÇtifâwGorps'^éarë-ifai*
fei^Etatft;- - il' '-in- ■ ■"' •■>r'^'- '^'"-
d'EsP A G WE. 281
Cependant ks troupes n'étoient point
payées en Italie , & il y avoit lieu de
craindre un foulevement ; dans cette ex-
trémité , peut-être pour le les attachera
luifeul, Bourbon leurpromit le pillage de
Florence & de Rome ; il paffe en Tofca-
ne avec trente mille hommes , laiiTant
Antoine de Levé dans le Milanez pour
s'oppofer au Duc d'Urbin; les confédé-
rés avoient encore une autre armée fous.
les ordres du Cardinal de Trivulce ; Do-
ria menaçoit le RoyaBme de Naples , &
le Roi de France devoit envoyer des
troupes commandées par Lautrec. Mai»
toutes ces forces mal conduites , éloi-
gnées ou mal difcjplinées ne raffuroient
point le Pape qui, foit pour gagner du
tems , foit dans la crainte ennn que les
Puifiances Italiennes ne pufleni fauver
Rome , négocioit avec Launoi , & fîgnar
une trêve Te quinze Mars par laquelle
U promettoit de l'argent & fes bons offi-'
ces pour la paix générale. On fignifia
cette trêve ï Bourbon qui n'y eut aucun
égard. Les Allemaniis manquèrent mê-
me de maffacrer Launoi , porteur de cet-
te nouvelle. Aprts avoir infolté en vain
Vumz , PUifance & Floi^oca , Bourbon
âSi Ht STO IRE
tourne tout à coup vers Rome , trompant
le Duc d'Urbin qui le fuivoit , 6c ga'
gnant fur lui trois Jours de marche. A
Seine fut-il arriré devant la Capitale du
londe Chrétien , qu'il Tefcalada enplein
jour ; mais c'étoit aux murs de Rome
que la mort l'attendoit , il reçut un coup
mortel en pofant lui même une échelle.
Il n'en coûta guères que le fang de ce
grand Capiuine pour vaincre. Quelle
rénftance au refle les vainqueurs de Pa-
wie pouvoient-ils attendre d'une multi-
tude de Citoyens , qui n'oppofoîent â
leurs courage emporté que des coupt
mal alTurës , & des cris confus ? Les Im-
périaux fans artillerie , emportèrent donc
en peu de temsRome d'aflaut. Le Pape fe
fauva au château S. Ange avec 1 3 Cardi-
naux, fie avec tes AmbalTadeurs deFrao'
ce Se de Venife. Les Efpagnols & les Al-
lemands fe fignalerent par toutes fortes
d'excès. Ces derniers qui étoient pref-
que tous Luthériens tournèrent en ridi-
cule les cérémonies de l'Ëglife 1 & tra>-
terent avec une infolence inouïe les Pr^
lats, les Eccléfiafliques & les femmes.
Le pillage & la défolation ne durèrent
pas un jour ou deux*, comme à l'ortU*
d'E s P AGN E. 28 J
naîre , mais pendant neut mois entiers.
Le butin fut eftimé plus de cinquante
millions y ce qui en ferok aujourd'hui
près de trois cents. Rome , la plus riche
Ville de l'Italie renfermoit dans Ton en-
ceinte des tréfors immeirfes , fruit de
plufîeurs flécles d'abondance , de la libé'
ralité des Rois , & de la piété des Peu-
ples Chrétiens. Le Pape fut obligé de iè
rendre i difcrétion. Le Duc d'iJrbin qui
campoit à quelques lieues de Rome , vit
le fac réitéré de cette Ville , fans en être
ému. Il £atlutque le Pape promit de payer
400000 ducats , d'abandonner à l'armée
viftorieufe les meilleures Places de l'E-
tat Eccléfîaflique , & de livrer pour ota-
ges tous les Cardinaux pour obtenir fa li-
berté. Ceux-cîi& le f ouveraîn Pontife kife-
même, furent traités indignement. Ferdi-
nand d'AIarcon , homme dur & £éroce \
qui on avoir confié quelques années au-
paravant la garde de Françoisl. fut char-
gé de la même commiflîon à l'égard du
Pape- La famine &: la pefle , fuites d'une
guerre fi cruelle achevèrent d'extermi-
ner les malheureux habiians de Rome.
Les vainqueurs devinrent auflï pour la,
plApan les vidimes de ces deux funefle»
aS^ Hi s T o I K B
fléaux. Launoi mourut au lieu de Tes
fuccès. Hugues de Jiiloncade qui lui fîic-
céda dans la dignité de! Vice r Roi , rs
pouvoit coiiMoic ks AUemaads & les
Efpagnols qui chaque jour en Tënoiefit
aux mains. Charles -; Quint apprit avec
une )oye fecrette qu'il ne pue pour-
tant diffimuler la prifedeKome & cel-
le du Pape. . Il poufla l'hypocrifie an
point d'ordonner des prières publiques
pour la délivrance de Clément , com-
me 11 ce Pontife eût été détenu à Con^
tantinople ou à Alger. Il défendit qu'oa ^
célébrât la naifTance de fon fils Philippe,
mpemiam, difoit-U., ceiifemir à de} Aé-
monfinaicni de joye , landn tfne l'Egliù
itoit dans la deultur par ta captivité a$
fin Chef.
Lautrec entre en Italie avec 50000
hommes, tout plia d'abord ffHisfes armiesi;
■fl emporta Pavie d'alTaut , Tes foldats ven-
«erem en ro.^me- tems le Roi , U P^e fit
.ome,en faifant éprouver à cette Ville les
mêmes maux que Rome venoit d'efluyerj
il s'avança jufqii'à Boulogne pour délivrer
le Pape. Mais Clément ennuyé de la pri-
fon , avoit déjà figné le traité fwiefte , aa
moyen duquel il recouvra la liberté. Pic
..J
d'E s P AG N E. 28f
'Xarre pafle en Efpagne , & obtient de la
Cour le Gouvernement des Pays qu'il
avoit découverts , 8c qu'U pouvoir dé-
couvrir dans la fuite aux conditions or-
diocûres , ^e faire à Tes dépens les frais de
Tiexpédicion. Ses quatre frères 6c plu-
lieurs Efpagnols le fuivirent à Panama ;
mais il fe pafla quatre ans entiers avant
que cet ïUuflre Aventurier pût raflembler
des forces fuAilàntes pour tenter la con-
quête du Pérou.
Cependant les EfpaKnols s'aficrmi^*^
.ioient de plus ea plus dans leurs vaftes
pofîe^DS 4e l'Amérique , malgré les
brigandages des François & des Anglots
qui commençoient à infefter ces Mers;
maïs ces Corfaires ne faiibient tort qu'au
Commerce & à quelques Particuliers , en
enlevant de tems en tems des vaiffeaux
nchement diargés : ce ne fut que plus de
cinquante ans après que les AJiglois ofe«
lent attaquer les Colonies mêmes.
Ijes Rfâs de France & d'Angleterre IT^S.
déclarent la guerre i i'Empereur avec les
cérémonies Us plus folemnelies ; l'Empe-
rcur irrité fit retentir l'Elurtme d'injures
j& d'inveflives contre François I. &: le Hé«-
fia à un combat fm^lier i le Kot de Fiaiu
285 Histoire
ce Téponc^t par des injures & un défi. Les
Héros d'Homère dans leurs querelles ,
Antoine & .Cicéron fe traïtoienc aîlïfi
au aiûiea du S^nat de Rome , mais ni les
uns ni les autres ne Te provoquoient en
duel; les Rois joignoient donc alors à la
dureté des mœurs des Anciens les défis
nés dans le fein de la Chevalerie fie de la
barbarie. Au relie , cette fcene étonna &
fcandalifa moins l'Europe qu'elle ne la
prévint peut-être en faveur des deux ri-
vaûxi la Chevalerie confervoit foo éclat,
&leshonuiiesn'adniîroientrîen tant alors
dans les Rois qu'un courage de Soldat.
- Lies Jas Corui aflemblés i Madrid re-
connoUTent le Prince Philippe héritier de
la Monarchie; on renonvella auflî dans
ces Ut Cartes la Loi qui excluoit les
Etrangers des dignités , des bénéfices &
des penfions EccléflaHiques ; on ne
croyoit pouvoir prendre trop de précau-
tions contre la prédileftionfmguliere de
l'Empereur pour les Flamands fes Com-
patriotes à qui il auroit voulu confier
tous les emplois de fes vaftes Etats.
Lautrec uiivi de y oooo hommes entre
dansle Royaume de Naples dans l'efpé-
rance d'en &ire rapidement la conque te j
D* £ s P A G N E. 287
U eut en effet d'abord les fuccès brillaoc
qui fignaloîent alors tous les comnieB-
cemens de campagne des François. Le
Royaume entterfut fournis, excepté la ca-
pitale qu'il affi^ge. Le Prince d'Orange ,
MoDcade , Alarcon , du Guat , Gonzague
& les refies de l'armée du Connétable de
Bourbon la défèndoient. Philippin Doria
bloqucût cette Ville par mer avec la flot-
te de France. De ce -fiége dépendoit la
deftinée de l'Italie ; il s'agi0pit de fçavoir
fi Charles V. ou François I. en auroîc
l'empirei D'abord les François k flatte*
rent avec raifon de vaincre ; Philippin
Poria défit entiércmeat la flottp de Hu.-
gués de Moncade. Le Vice-Roi fut tué
dans le combat. Les Allemands fe foule-
verent dans Napics ; le Duc de Brunf-
Tick venu en Italie avoc; une armée au
fecours de l'Empereur , fe vit contraint
de fe retirer. Les aâaires de -l'Empereur
Saroi^oient défefpéiées , mais la fortune
e Charles combat encore pour lui. An-
dré Dpria abandonne le parti de la Fran-
ce » & fauve par fa fatale défertion le
MUanez \ fon nouveau mai^e. La peQç
fe iQet dans l'armée FrançoUe , Se achevé
4^ ftoçwçf UD tjiompiit; comp)» i TET»
288 Histoire
pagne ; Lautrec mourut attaqué de la
.coniagion , le Marquis de Saluces qui lui
iîiccéda, leva le f^ége quinze jours après.
Pour comble d'hifortune il fut vaincu
dans ùi retraite, & contraint de fc ren-
dre avec toute fon armée. Ce Général ,
Pierre Navarre Se les Officiers prind-
paux dévoient relier prifonmers jufqo'i
xe qu'on eût rendu les Villes du Roya-
me de Naples qu'on avoit conquifes au
■commencement de la campagne. On pré-
tend qu'il ne retourna pas un feul Fran-
çois dans fa patrie ; Pierre Navarre fiit
exécuté en prifon comme traître & dé-
ierteur , peHbnnage digne d'un meil-
leur fort par fes talens & fes viétoires ; il
eft confiant qu'il n'embraflà le parti de
ia France que lorfqu'il vit que le Rw
d'Efpagne ne voutoit point le- racheter;
d'ailleurs étant né en Navarre avant que
ce Royaume fût fubjugué par Ferdi-
nand , comment Charles V. pouvoit-il
le regarder pour fon Sujet ? André Doria
a l'habileté d'enlever Gènes fa patrie aux
François, & la gloire de lui rendre la
libéré fous la proteflîon de l'Empereur.
Antoine de Levé défendoit toujours le
Milanez avec fuccès contre la France &
Venife, Pizarre,
d'Es P A GN E. 285
Fizarré'j pour animer les Efpagnols
à la conquête du Péroupublie fur la foi
des Indiens que c'eft la Réejon la plus ri-
che de l'Univers. En effet , Por & 1 argent
s'y trouvoient en fi^r^nde quantité qu'on
lesemployoitauxmânesuiagesquelefer
jSc^é cuivre en Europe ; les pierreries y
^toient extrémen^eni conununeSj & n
fertifité-de la terre , foufce des Véritables
richeffes, répondoitenplufieurs endroits
i l'abondance de ces précieux métaux ;
.Tiza^e ajpuioit que cet Empira , quoi-
.qù'^tendu deprès de trente d^rés, pou-
voir ^tre concis facilement , parce que
.deux frères, î^ls du dernier Empereur,
s'en .(lifputoicni la poffeffion par des
gaerrés[ cruelles; ■
L-Empereur fe rend à Barcelonne où IJ'^p.
il conclut un traité avec le Souverain
Pontife dont içs principau:^ articles por-
toient qu'Alexandre de Medicis , neveu
jdu pape ëpouleroit Marguerite , fîjle na-
turelle del'Empereur,& qu|ilauroit Flo-
rence à titre de fouvçraineté ; que tout
ce qui avoit appartenu au S. Siège lui fe-
.roit xeflitué;. que Sforce feroit rétabli
.daiis le-Milanez. Le Pape enfin confir-
mott ai Chartes le 'drok dp nommer à tous
ayo Histoire
les bénéfices de l'Efpagne & du nouveau
Monde , confentoit à le couronner Em-
pereur j à lui donner llnveftiture de Na-
ples , fie it accorder le pafTage par l'Etat
Ecclefiaftique aux troupes Impériales
toutes les rois qu'il en feroit requis.
Antoine de Levé toormènte par la
•goutte, & porté fur un brancard > fur-
prend» àiLandrianne, flccombatl'aroiée
Frànçfwfé commandée par le Comte de
S. Paul i le Général François y fut pris .
& toute fon armée détruite. Tant «e re-
vers joints à la nouvelle de la néëocii-
tion du Pipe avec^l'Émpereur','& ^ '>
dureté avec' laquelle oii traitoit en Efpa-
gne les deux Princes'qui étoient in 6ta-
Êe , déterminent enfin François I. à faire
1 pàx. Après un mois de conférences,
elle 'fut coftclué à Cambrai , le traité
de Madrid en fut la bafc. On n'y dérogea
■que par rapport à la ceflîon de la Bour-
gogne qui refta à François I. avec la
claufe que s'il avoir des enfans d'EIéo-
nore d'Autriche , le Duché leur feroit
dévolu. Le Roi payoit deux millions d'é-
' eus pour la rançon de fes fils. Toutes le»
Puiflances de l'Europe furent comprife
dans ce traité , excepté Venife Si. fh-
Et' E s P A G N E.
rence que l'Empereur ne voulut point y '
admettre..
L'Empereur s'embarque le vîngt-fept
de Juillet pour Gènes , fuivi de l'élite de
la Nobleffe de tous fes Etats. Il avoît
laiffé la Régence de l'Efpagrie à l'Impé-
ratrice fon époufe. On dit que le Pape
lui avoit ofFert de paffer enElpagnç pour
s'aboucher avec lui, mais Charles pré-
féra de fe rendre en Italie , afin d'y rece-
voir la Couronne des mains de Clément,
Cent vingt-neuf Députés de différentes
Villes l'attendoient à' Gènes; il avoit en-»
viron foixante mille hommes dans l'Ita-
lie que les François venoient d'évacuer ,
de iorte que tout le Pays étoit à fa dif^
crétion. De Gènes il fe rendit à Plaifan-
ce. Avant que de mettre le pied dans
l'Etat Ecclefiaftique , il jura entre les
mains d'un Légat de ne rien entrepren-
dre contre le S. Siège , faufs les droits de
l'Empire; il entra en triomphe dans Bou-
logne , il pouvoir entrer de même à Ro-
me , & y rétablir le thrône des Céfars. Le
Pape & l'Empereur eurent une entrevue
dans laquelle ce.dernierjfuivantl'ufage,
baifa ' les pieds 6c les mains du Pontife
qu'il avoit f; fort humilié. Celui-ci obcitit
Nij
Histoire
^ paix pour les Vénitiens, mais lï leur
en coûta cinq cent mille ducats i Sforc?
£ut rétabli dans le MiUnez , ^près avoir
demandé à gçnoux pardon a l'Ennpe^
reur, & s'étpe ibumis a un tribut de deuiç
cent mille ducais. Le Duc de F^rrare
teçùt suflî grâce de l'Empereur ; la feule
République de Florence n'eut point de
fart à fa clémence, elle fuc-faciifiée à
ambition de la Mailbnde Médicis, &
au befoin que Chjtrles croyoit avoir du
Tandis que Charles donnoït ainfi des
loix à l'Italif , & rempliSbic l'Univers
de fan nom , le célèbre Barberoufle rar
yageoic les côtes du Royaume de Va-
lence , & rempprtoit une vîtftoire comr
plette près de Tldç de Fromentçra fur
Rodrigue Fortondo , Général de la flot-
te de l'Empereur i mais la nouvelle de
ia, levée du fîégp de Vienne après quar
rànte jouis de tranchée ouverte par So-
iyman , expédition qui coûta, aux Turcs
plus de cent mille hommes , teippéra le
chagrin que J'Empereur avojt conçu dç
la défaice de Porcondo j & fit évanouir
fes inquiétudes au fujet defon frère ^ORt
le ïbr^oe p»roi(ibit|tiçf pI^,
û'Es P A G N E. 2j?3
Avant que de parler de la conquête
du Pérou, il eftbon d'obferver que cet
Empire fournis à une race de conquérans
appelles Incas , étoit habité par des hom-
mes d'un caraflere fort doux, & civilîfés ,
depuis quatre (iécles par plufieurs Souve-
rains, qui, quoique derpoiiques, avoient
tous travaillé à les rendre heureux Se
puiflans ; perfonne n'ignore qu'ils avoient
iuppléë à l'ari décrire par des nœuds ap-
pelles Quipos, qui par leur arrangement
oépofoient à la poftéritë les aftions de
leurs ancêtres. Leurs Loix pleines d'hu-
manité & de fageffe étoient refpeflées
parmi eux comme émanées de la Divi-
nité même. On puniflbit de mon le vol ,
l'homicide , l'adultère & la polygamie.
Leur idolâtrie étoit moins grolfiere que
celle des autres Nations , ils n'adoroient
3ue le Soleil & la Lune , Us confacroîent
ans les temples de ces deux Divinités
une infinité de filles du fang Royal ; mai*
ils ne facrifioient point de viftiraes hu-
maines , pas même des animaux. Le ma-
riage du irere avec la lœur n'étoit point
regardé comme un crime. Leurs moeurs
& leurs coutumes relTembloient alTez i
celles des anciens Ferfes. Le Souverain
Niij
254 Histoire
avoit feul le droit de cholOr quelques
Concubines parmi les plus belles filles de
l'Empire. Les monumens qui nous res-
tent de la l^gillarion , de la magnificence
Se des exploits des Incas comparés k la
ftupidité des Péruviens d'aujourd'hui ,
font voir combien ce Peuple a dégénéré
depuis qu'il a été fournis à une PuilTance
étrangère.
traO' L^ P^i^ d'Italie , concertée entre le
Pape & l'Empereur , eft publiée à Bou-
logne le premier de Janvier. Outre les
Rois de France , d'Angleterre , de Hon-
grie, de Pologne, de Portugal & d'E-
cofle , on y avoit compris les Ducs de
Milan , de Ferrare , de Savoye , de Maa-
coae & ji'Urbin , les Républiques de Ve-
nife , de Gènes , de Sienne & de Luc-
2ues ; en un mot l'Europe étoit pacifiée.
>n ne craignoit plus que Solyman & le»
Luthériens connus depuis l'année précé-
dente fous le nom de Protefians , pour
avoir protefté contre un décret de la
Dietede Spire quileurinterdifoit l'exer-
cice de leur Religion.
Depuis Charlemagne on n*avoit pa5
TU de Prince auiTt puiCant en Europe
>çLue l'étcât Cliarles-Quiac , dief de l'Eu-
d'Es f a g ne. 2gy
S 'ire , pafleffeur de l'Efpagne , de Naples,
e Sicile , de Sardaîgne, des Pays-BaSj du
Comt^ de Bourgcig;oe , de deux Empires
& de TÎDft Royaumes qu'on luiconqué-
roit dansle nouveau Monde , des côtes
d'Afrique, appuyé par fon frère qui étok
maître de la Hongrie , de la Bofaême &
de l'Autriche. On peut dire que Charles
marchoic à grands pas à la Monarchie
univerfelle. Il n'y avoit dan* le refte de
l'Europe que des Rois &)itiles ou mal-
heureux. La France ^oit épurée d'hom-
mes & d'argent , l'Aneieterre fans mari-
ne , l'Allemagne divilee , les Royaumes
du Nord en proye aux guerres les plu»
fâng^antes , la Ruflîe & la Pologne plon-
gées dans la bailiarie. Ce qu'il y a de fin-
l^ulier, c'eil que Charles^Suint n'avoit
presque coHtrïbué en rien a l'accroilTe-
ment prodigieux de fa puiflànce. Il dé-
voie tout à les MiniAres (4) & à fes Gé-
{ài Void Its nonu le fei MiniAm, le Cbancdier
Gianari , le Duc d'Albe , le Contt de NalTau , le
. Duc de Bc]ar, l'ArcbcvéquE de Tolède^ les Evjquei
de J'en 3t d'Ofmi. Se> G£n£raax étoisnt le Coonf t^,
ble de Bourbon , le Mirquii de Pefcaire . te Prinie
d'Orange , AntoÏDe de Levé , Le Mits»" ^" -(■uiic ,
Ferdinand d« Gonxague , MoQude , Launoi , Andrî
D9rU,Ie Dgc d'Albe , Ferdinand d'AUrcon, Philip.
pc Doo», *c, Qaelquei-un! dé cej Généraux étoiclK
moiO dau le temt ioat jt piile.
Niv
2p6 HlSTOIBB
néraux les plus habiles Iquî fulTent dans
l'Univers.
On lui reproche comme une faute.eP-
fentielle d'avoir donné alors l'ioveÔiturê'
de Florence à Alexandre de Médicis , au
Heu de la donner à fon fils Philippe. Char-
les eft couronné Roi de Lombardie avec
la couronne de- fer, & Empereur des
Romains avec la 'couronne d'or. Cette
cérémonie qui fe fit à Boulogne auroit dû
fe faire à- Milan. Jamais on ne vie tant de
Souverains , de Princes , d'Ambaffa-
deurs & de Grands Seigneurs réunis en-
femble. L'Allemagne , l'Efpagne, l'Ita-
lie , les Pays-Bas , en un mot , l'Europe
entière avoit les yeux fixés fur Charles-
Quint; mais au milieu de tant d'éclat &
de grandeur , il fallut que ce Prince tint
i'étrier & la bride du cheval du Pape. Un
accident fâcheux manqua de troubler la
fête. A peine l'Empereur étoit-il paffé
dans l'Eglife- Métropolitaine par une ga-
lerie de communication, quç cette galerie ,
tomba , tuâ & bletfa plufieurs perfonnes>
Charles cède par une donation folem-
nelle à l'Ordre de S. Jean de Jéru&leat
les Mes de Malthe , de Goze , & la Ville
de Tripoli , fous 1^ condidon de lui en-'
d'Es PA GN E.
voyer tous les ans ua taucon. Une Colo-
nie de ces braves ChevaUers étoit une
barrière pour Naples &c la Sicile contre
les Africains. L'fjnpereur , après avoir
établi folidement fa puifTaace enitaliepar
fes armes, fes bienfaits &: des traités ,
|)art enBD pour l'Alleiq^gne , & rencon-
ueàlnfpruckfonfrcre, le Roi de Hon-
grie.
D'abord il convoqua une dtete à Auf-
bourg dans laquelle les Luthériens lui
préfemerent leur confeUion de foi qui
ellfî fameufe dans l'Hiftoire fous le nom
^e Confeffion d'Aulbourg. L'Empereur
comprit que le feul moyen de les rame-
ner a l'EgUfe Romaine , étoit de convo-
quer uB Concile général ; mais il y avoit
bien des obftacles à vaincre fur-tout du
côté de la Cour de Rome. Les Princes
' Froteftans d'Allemagne qui avoient pour
. chefs , le Duc de Saxe & le Landgrave
de Hefe-Caffel pénétrèrent le deffein de
l'Empereur qui fongeoit à employer la
force pour leur faire reftituer les. biens
, de l'Eglige , & pour les contraindre de
' re tourner à la Religion de leurs ancêtres.
E n conféquence ils s'alTemblerent à Smal-
calde , Se fisnerent entr'eux une ligue Le
Nv
apS HtSTO IR E
vingt-deux Décembre pour la liberté Ae
«onfcience. Ils déférèrent aux Rois de
îFrance & d'Angleterre la qualité de pro-
teâeurs de leur affociation. Ces Princet
l'acceptèrent avidement. Il etl: bond'ob-
tèrver que chacun d'eux Ëiïtôit brûler
îiBpiioya'blemeB&dans fes Ëtats tous let
'Seâateurs du Lutbéranif[D&. Mais il al-
lait arrêter le cours des profpérités de
i'Erapereur dont la puiffance excitoit 11
jaloulle & l'inquiétude des -deux Rois,
ajjl. Ferdinand eft élu Roi des Romains i
Cologne > & couronné -à Aix-la-Cha-
pelle. L'Empereur lui avoit donné l'an-
née ■précédente 'i'invèditure de l'Auiri-
-rfie 8c des Provinces héréditaires. La
•ceffion ^ie cet Atchiduché , le plus an-
"cien patrimoine de fa MaJfon eft mife m
' nomoTe des plus grandes fautes de Cbaf-
'les V. Mais en étoit-<e une moditscoolî-
dérable d'avoir élevé Ferdinand à la di-
ignité de Roi des Romains ? On croit que
l'Empereuf ne lui procura «ette dignité
îquecomme un dépôt, "& qu'U fe Satta
"toujouTs d'engager ïon frère à la céder,
auand il ferdït tems , à Philippe , Tiériiier
u ^r&ne d'EIpagne ; mais Charles k
iBUntpa -àMa ies apérances : fftrdmanj
b'EsP A G N É,
;fe trotiyoit trop bien de Vexpeôarive dç
l'Empire pour y renoncer; n'a illeurs les
Allemands efïrayis de la puiflance dont
Philippe devoir louir un jour, n'euffent
jamais confend a l'édiangetr avec FerdiT
-nand qui fe. trouvoit aulU pui^Tani qu'il
ialloit l'érre pour défçndre- l'Alleipa-
;gne contre les Turcs, & qui ne l'étwt
^s alTez pour afTervir le Corps Germa-
^que ; quoiqu'il en foit , i'Ëixipereur fis
repentit de la précipitation dç fes mefu- -
tes , lorfque dans la fuite i) prodigua -^tl
tvain les careiles , l'éloqqence & les pro-
mellès pour faire estrer ^tns Ces vûes^le
Bouyeau Roi des Romains.'
Charles V. ferend dans les Pays-Bas ojl
îleftreçupar-toutentnomphejniaisàpci-
qe ëtoit-it parti de. l'Allemagne , que les
iiutb^riens pi^cefl,» ent contre rélet5tion
ie Fier^nand s i}svCompt<Ment fur les fe-
(Oursdelajiaaceâc de l'Angleterre, en
cas que l'Eapereur .eipployât contr'eux
la force des armes. Déjà les François &
les Anglois en s'umifant par une allianice
étroite ,paroîâbieBt aienacer l'Empereur
"d'une nouvelle guerre. Henri VIII. qui
avoit Ëarmé en fecret le delTdn de cauec
€(m mariage avec Cg^criae d'ArragoiL
300 Histoire
pour époufer Anne de Boulen , cbèr-
cboît un alli^ & un défenfeur éans U
peHbnne de François I. contre !e reffen-
timent de Charles V. qui ne lui pardon*
neroit pasfàdleftientl'outrage qu'il allonf
iitre à fa tante , en la répudiant.
Le Pape j ajlrès avoir éludé en fccreï
Jes prieris- âc toutes les Têtes coaron»
nées pour ta convocation d'un Concile
général , te refufe ouvertement aux cris
Se la République Chrétienne , & au»
inftances réitérées de Charles , fou*
prétexte que" les erreurs de Luther
avoîent «îëjà ^té condamnées. Charles
menacé également par les Turcs , ki
Luthériens & les François , fe déter-
mine à njénagfer les féconds; il- leur ac»
corde la liberté- de confciencë jufqu'aa
lutur Concile ; en- faveur de' èêtte con-
defcendance politiqile- , les'Protëftans'
*econnurent Ferdinand en qualité de
Roi des Romains , & pronJirent des' fe-
cours-extraordSnaires contre le redouta-
ble Solyman.
Cependant la guerre entre les deux
Empires contînuoit avec dîfférens fuccès
fur Mer ; Doria détruit les galères de
Barberoufie près de SaiPgel ^h reâeim-
p' E s P A G N E. 3OT
ment de cette perte porta ie cruel Cor-
faire aux plus horribles extrémités con-
tre une multitude d'Efpagnols & d'Ita-
liens qu'il tenoit dans les Ters & quSl fit
empaler; au nombre de ces infortunées
TÏftiraes étoit le Général Portondo vain-
cu & pris l'année précédente.
La RépubFique àe Florence livrée par
FEmpereur à la domination des Medt-
cis, défend fa liberté , comme faifoienir
autrefois les Villes fibres de la Grèce &
de l'Itahe. Mais après des combats mal-'
heureux , après des efforts héroïques ,
dénuée d'alliés Se de reffources , Floren-
ce fiiccomb^ fous Peflfort de h plus vafte-
Puilfance de l'Univers ; la viftoire coûta
cher aux vainqueurs qui perdirent le-
Prince d'Orange , un de leurs meilleurs-
Généraux ; Fernand Gonzague & le
Marquis du Gûit qui lui fiiccederent au
commandement, eurent la gloire dcfou-
mettre cette fiere République ; les Flo-
rentins n'eurent pas combattu avec tanr
de courage pour leur liberté , s'ils eul^
fent prévu quelesMedicis n'afpiroient à
la domination que pour les rendre heu-
reux , & pourrecueillir dans leur Patrie
lies arts , le cdrnmetce , kr fcieuces , léî
302 Hi s T o laE
lettres &l'urbabiié,qiùp£ndaniâeuxïié-
des ont fait de U T-ofcane le pays le plus
■fortuné âe l'Europe. A la mort du der-
nier Grand Duc de la Matfon de Medi-
cis , cette Maîlbn 11 fécoode en Souve-
rains généreux, bien^iûns , éclairés &
humains , la Tofcane pa£a à Charles de
Bourbon , Infant d'Elpagne , &. légitime
héritier , par la Reine la mère , de ce beau-
Pays ; oruisle courage de ce Prince rayant
conduit peu après lur le thiâne des deux
Siciles , le grand Duché de Tofcane fut
•cédé k François de Lorraine , aujour-
d'hui Empereur > en échangé des Duchét
-de Lorraine Ôc de Bar qui ont palTë à la
-France. Le Connétable de Ciftille renvet
fur les frontières d'E^a^e au Maréchal
âe Montmorenci le Dauphin & le Duc
- d'Orléans depuis long-tems en otage à
Madrid. La Kejne Douairière de Portu-
^l,Eiéonore, mariée tlès lyaé àFran-
çois L acconipagnoic les Princes, & 1»
'Conduifit cUe-meme à la Cour ; le Roi de
France paya douze cent-mille écus des
aoooooo promis par le traité de Caœ-
Irai, ■& s'obUgca adonner à Henri VIIL
iles huit cent mUle autres ^écus. L'Eœpe-
xeur -devait à i'Âoglois xetie .fomin&
D^E STAGNE. 303
Henri n'avait pourtant prêté x^ue troh
■cents-niiHe écus à CliM-les , mais celui-ci
s'étoit fournis à un dédit de- «inq cent
-mille écus , au .ca« qu'il n'épounii point
Marie , fille d'Henri ; le cas étoît arrivé ,
■&. le -vaincu paya les dettes & le dédk
du vainqueur.
Marguerite d'Autriclie fomeuieparfon
•courage, fbn géme,fes veTtus.& fesmaria-
ges , meurt après avoir gouverné long-
items les Pays-Bas dont elle étoit adorée;
i'Eropereur donna k là fœur favorite Mar
rie , Reine douairière de Hongrie , le mê-
me gouvemeniem.CeTte Prînceffe avec le
•courage & Jes tal ns de Marguerite ren-
<dit les mêmes fervîces i l'Empereur, &
'défendit toujours avec fucc^ les Pays-
Bas contre toutes tes forces de laFrance.
Le confeîl d'Etat refufederecevoircer-
taines Bulles de ta Cour de Rume, comme
-attentatoires aux droits du Hoi & aux
'libertés de l'ETpaene ; certains Prédica-
teurs dévoués au râpe oferent en pleine
■chair*»inveétiver contre lè Couverne-
-ment ;€éiâ tePeubte féduit par la faufle
•éloquence de-ces CTéatures de RomeV^
aneutoit : on craignoitle renouvellement
4es -troubles i -il -^dlux -toute Tadreflê -d«
304 -Histoire
Cardinal Fonfeca , Archevêque de To-
lède , & Préfident du Cpnfeil pour mo-
dérer le zélé emporté des Prédicateurs,
& étouffer les fédîtions nai0antes.
Le Portugal efl: affligé du pluïhorrible
tremUement de terre dont on eût jamais
entendu parler en Efpagne , il commen-
ça le dix Février , & fe fit fentir pendant
huit jours confécutifs : fes effets furent
aflfreux ; dans Liftonne feule près de
deux mille maifons , fan* compter les
Eglifes & les Palais , enfevelirent fous
leurs ruines plus de trente mille Ci-
toyens. Sanflarcn , Almerin , d'autres
Villes avec plufieurs Bourgs & Vill*-
ges furent abîmés avec leurs habitans ;
le Roi , la Reine , les Infants , toute b
Cour fauves à peine des débris de Lif-
bonne cherchèrent un afyle en pleine
campagne , & campèrent plufieurs jours
fous des tentes : ce fléau en produifit
bientôt un autre qui ne fut guères moins
redoutable ; les eaux du Tage enflées fu-
bitement par le refoulement de celles de
la Mer inondèrent la moitié du Pomi-
gal; l'infortunée Lifbonne prefqu'entie-
remenc fubmergée relîembitùt à une Ifle.
On ne peut évaluer la perte de^ xxéîixi
D t, s P A G N E. 30 j"
& des hommes que coûta ce double dé'
iàfire. Qui ne fe rappelle au récit de cette
déplorable cataftrophe le fouretiir du
tremblement déterre arrivé dans le mê-
me Royaume le premier Novembre mii
fept cent cinquante-cinq ? Ses fuites fu-
neltes ont furpaffé celles que nous ve-
nons de raconter. Liibonne a été plus
maltraitée , la moitié de fes Citoyens ,
fcs Palais , fes Eglifes , fes maifons , fes
richeffes ont été englouties; une multi-
tude de fléaux ont luivi cette calamité ,■
& ont mis le comble aux malbeurs des
Portugais ; leur malheureufe Capitale
qui n'efl prefque aujourd'hui qu'un mon-
ceau de cendres & de débris , relpire k
peine encore de tant de maux.
Chaque année du règne de Charles V.
le plus fécond de l'Hiftoire moderne en
ëvenemens rares & glorieux j eft fignalé
par quelques vifloires ou par ta conquê-
te de quelque Royaumedans l'ancien ou
dans le nouveau Monde ; Pizarre , à la"
tête de deux cents Efpagnols , parmi lef-
quels on comptoir vingt cavaliers déji
fameux par ta prife de la Ville de Coa-
que , s'empare de i'Ifle de Puna qui n'é-
toic point de la dépendance de l'Empire
5otf HlSTOIBE
du Pérou ; il ufa- de la viiitoire en poUtî-
que, & en élargitTant plufieurs Indiens
ce la Ville de Tutitbez que les Infulaires
qu'il venoit de vaincre _engraiflbient pour
facrifîer à leurs Idoles. Quelques Éfpa*
gnols qu'il avoit envoyas pour les rame-
ner dans leur Patrie furent maflacrés;
leur mort fournit à Pizarre un prétexte
de vengeance; il fbnditfur les Indiens de
Tumbez, les dompta, & vola de vîéloire
en viftoire jufqu'a Payta j là il reçut
. t'Ambaflàde de l'Ynca Hualcar qui le
conjuroit de le protéger contre fon frère
Atabualipa, qui après l'avoir dépouillé
de fon Empire, le pouIfu^oit par-tout
pour lui arracher la vie. La renommée
svoit enflé les exploits Se les forces du
Conquérant Efpagnol ; les Péruviens
prévenus, commeles Mexiquains, par des
Oracles vrais ou faux , qu'il viendroït
bientôt de l'Orient des botnmes barbus
d'un afoeô terrible , portant le tonnerre,
& conduifant avec eux des animaux in-
connus & guerriers , regardoient ces
Etrangers comme les fils du Soleil. Huaf'
car leur fuppofant les mêmes vertus qu'i
fes Dieux , les reclainoit comme pro-
teâeurs de l'innocence , & vendeurs àix
d'E s p a g n e. 507
crime & de l'oppreffion. Voici le motif
des guerres civiles qui déchiroienc le
vafte & riche Empire du Pérou , guerres
favorables aux Eipagnots. L'Ynca Hua-
na Capac , père des deux Princes qui Te
dîfputoient l'Empire , avoi: été le plus
grand Roi de fa famille; c'eft lui qui em-
ploya fes fbidats k la cotiflru<5lion d'ua
grand chemin de cinq cens lieues , qui
conduifoit depuis Cufco iufqu'à Quito ;
il fallut combler des précipices , rafèr
des montagnes , Se vaincre des obftacles
^tonnans; cet ouvrage digne des Ro-
mains a été n^Vigé par les Kfpagnols : ce
Kot avoit aum établi des relais d'hom-
mes de mille en mille pour recevoir les
nouvelles & porter rapidement fes or-
dres dans toutes les parties de fon Em-
pire; enfin it avoit cru rendre fon thrône
inétnranlable par la conquête du Royau-
me de Quito , dont tes Souverains feuls
^toient affez paiffans en Amérique pour
attaquer fes Sujets ; mais le fruit de tous
les travaux de ce grand homme fut perdu
pour (es enfans & fes fujets; il n avoit
conquis & vaincu que pour Charles V.
Une faute ejfentielle qu'Huana commit ,
caudfà , ou du moins pr^ipiu la chute de
■308 HlSTOIBE
foa Empire. Il avoit partagé fes Etats
entre deux de fes fils. Huafcar l'aîné fut
décoré de la qualité de Roi de Cufco , &
le cadet appelle Atahualipa eut le Royau-
me de Quito. Celui-ci plus ambitieux,
plus entreprenant, à peine afiîs fur le thrô-
ne , attaqua Ton frère : mais il ne trouva
d'abord dans fon entreprife que la honte
& la prifon j il eut bientôt le bonheur de
brifer Tes chaînes ; la guerre civile re-
commença avec fureur, mais la fortune
abandonna le parti le plus Julie. Déji
Atahualipa avoit gagné deux grandes
viétoires & conquis prefque toutes leî
Provinces de fon infortuné frère , il le
pourfuivoit lorfqu'il apprit l'arrivée des
Ëfpagnols : les merveilles qu'on en pu-
blioii , & la négociation qu'Huafcar avoit
entamée avec Pizarre. Les prétendus
Oracles firent fur le cœur de rErope-
reur le même eâ^et qu'ils avoîent fait
fur celui de Montezuma , il crut voir
dans les Efpagnols des vengeurs que le
Soleil , la principale Mvinîté de rEm-
pire , envoyoit contre lui pour le punir de
fes crimes. Abattu, effrayé , vaincu avant
Qucdecombattre, aulieu deréunirtoutei
fcs forces , de oiarcher contre les Etran-
d'E s P AGN E. 309
gers , de leur couper les vivres , de les-
Ëiire enfia périr par mille voyes qui lui
étcuenc ouvertes , il fe conduillt avec
autant de acheté & d'iiQpruden^e cjuc/
Pinfôrtupé EmperCMT du Mexiq^ip. IL -
envoya des AmbaiTadQur^ avec des pré-;
&ns raagnifiqLies à Pizarre , en 1^ fotii':
ipant de fortir de fes Etats ; pour toute
réponse Pizarre précipita fa marche , Se
arriva <i Caxamalca où ^toit campé l'Em**
per^ur avec quarante mille homines qui
se faifoient qu'une petite partie de lês-
fiarces. Après une efpéçe d$négocÎ9$ioni:
Atalîualipa confentit à recevoir Pizarre
en qualité d'Ambaffadeur d'Efpagne ,,
donc celui-ci prenoit U qualité ,,à l'exemr
pie de Conez. La fortune qui avpit coa-*
(Juit Pizarre comme par la maUis fit en»-
çore des prodige? eç fayçur dp çpt IJfpaT
gnoL ; .
, -Un Moine appelle Valyidia , qui ac-
compagnoit Pizarre à l'audience que 1^
Monarque Péruvien lui donpoit à la tête
de ion année , fomnie l'Ynca de la part
du Pape d'embrafler le Chriftianifme , &
de faire hommage do fa Couronne à l'EmT
pereur d'Orient : c'eft fiinfi qii'il appel-
{qïç Çljarle^-Quint. &) tpênte-tçoifi. il I4
ï
■310 Histoire
mit i expliquer la Religion Chrétienne;
l'Empereur confondu d'une fi étrange
propofition , répondit qu'il ne connou-
foit ni ie Pape , ni l'Empereur d'Orient >
qu'à l'égard du Chriftianifme il voudroît
biét^voir les preuves Qu'on avançoit en
fa fâveiir. Auffi-tôt le Moine préfente la
Bible ^aù Prince. AtahuUpa l'ouvre ,
examine quelques feuillets , & voyant
3ue ce livre ne lui faifoit rien entendre >
le jetta parterre. Valvidia furieux fe
tourne vers les Efpagnols , en criant aux
armes. Pizarre s'avance , raffemble fes
Efpagnols ,■ fond fur les Indiens , s'atta-
che à i'Yncà , fe taifit de fa perfonne &
te fait prifonnier. Les Péruviens voyant
leur Empereur pris , jettent un cri de
défefpwr , fiiyent & fe difperfent comme
on. vil* troupeau ;è[i moins d'un quart
d'heure de combat l'heureux Pizarre fe
vit maître de l'Ynca , du champ de ba-
taille & d'un butin prodigieux.
Atahualipa tombé en li peu de temsdu
faîte de la grandeur dans un abîme de
malheurs , ofirit en foupirant pour prix
de fa liberté de remplir d'or une des {ai-
les de fon pabis jufqu'à la hauteur de
fon bras qu'il éleva en même-tems au-
d' E s P A G N E. 511
de0~us de la tête : i Tes premiers ordres
. les Indiens accourent de toutes parts, &
apportent de quoi fatisfaire k la ran-
çon de leur maître ; mais une aftioQ
barbare de l'Empereur prifonnier four-
nit dans h fuite aux vainqueurs un pré-
texte pour ie condamner à la mort. Quel-
ques jours avant la bataille de CaxamaU
ca le fu^tif Huafcar , frère & rival d*A-
tahualîpa ëtoit tombé entre les mains des
Généraux de Ion ennemi; l'Ynca crai-
gnant que les Efpagnols ne milfent la
couronne fur la tête de ce Prince , don-
na des ordres fecrets pour qu'oti le fît
périr.
Cependant Almagro débarque au Pé-
rou avec de nouvelles forces'; fon pre-
mier deflein avoit été de découvrir &: de
conquérir par la force les vafles Ré-
gions qui font au-delà de Gufco ; mais
lur la nouvelle de la victoire de. fon allié
& des tréfors immenfes qui étoient tom-'
bés en fon pouvoir, il voulut partager
fa fortune. Les EfpagnolS qui avoient
fuivi Pizarre rcfuferent de lui en faire part.
Delà la fource de lahaitie qui éclata en-
tre Pizarre & Almagro : le butin confif-
toit dans le poids de deux cent cinquan-
Histoire
të-JeuTi mine livres d'argent & de tre'w
millions deux cent foixante-cïnq mille
Jivres d'or, Jamais les anciens Rois de '
Ferfe , les Empereurs Romains > ni aucu-
inePuiffance derpniyers , excepté peut-
être le Mogol , ne virent tant de tréfors -
.en leur puiflance : toutes ces fommes
.immenfes ne faifoient que là cinquième
partie de la rançon de l'Ynca ; chaque
jcavalier eut pour fa part du butin deux
cent quarante marcs d' or, & de l'argent i
jproportipn ; foirante fol^ats Efpagnob
retournèrent dans Içifr Patrie avec pliis
de cinquante mille ducats. La vue d'uiie
fi brillante fortune excita plus que ja-
jnais le courage & la cupidité des Efpa-
cnols, On.ne trouvoit pas affez de vaiC-
feaux pour les tranfporter au Pérou i le
^uintdei'Empereur monta â cinqmîflç
inarcs 4)or, & à c'aïquante mille d'ar-
Igent. ■ .: '
'T32._ Tandis que les trçupes d'Efpagne,
.d'Iialié &; des PaysrBas accpurent ch
Allemagne pour défendre les Hongrois,
& que l Empereur confirme à la Dietç
de Rariftonne la liberté de confcience
accordée aux Luthiériçris ; Solyman enr
tT§ en Hongrie avec frois pent mjUe hom-
' mes
D*E s P A G N E. 513
mes , fans compter les troupes de Jean
Zapol Vaivode de Tranfilvanie auquel il
donna l'invedicure des Etats qu'il te flat-
toit de conquérir. Ferdinand tâcha en
vain de conjurer l'oragç en offrant un
tribut pour la Hongrie. Mais Solyman
avoît à fatis&ire tout à la fois , & fa gloi-
re perdue au fiége de Vienne , & fa haine
contre une Puiflance rivale. II avoit au-
tour de lui les AmbalTadeurs du Roi des
Romains qui le fuivoient comme des fup-
pliaots. La Hongrie inondée de cette
multitude de Barbares appelloit Charles
àgrands cris , line partie des Turcs fut
détachée pour le fiege de Strigonie. D.
Thomas Lezcano avec mille Ëfpagnols
& quatre mille Hongrois rendit inutiles
tous les efforts des Turcs , & leur fit le-
ver le fiége. Solyman échoua encore de-
vant Gumz , & s'avança vers Vienne
dans le delfein de prendre la Ville , & de
donner bataille à l'Empereur qui enfin
étoît arrivé. On dit que François I. &
les Vénitiens confeillerent au Sultan de
n'en point venir aux mains avec un Prin-
ce heureux , fécondé des plus grands Ca-
pitaines de l'Europe , &: à la tête d'une
armée de cent vingt mille hommes. Quoi*
Tome II/. O
514 Histoire
qu'il CD foit , les deux Empereurs évitc-
rent de donner une bataille déciCve. U
eil confiant que le vaincu eût rifqu^ la
meilleure panie de fes Etats.
Solyman en (è retirant emmena arec lui
les richeffes de la Hongrie & de l'Autri-
rhe avec une quantité prodigieùfe d'ef-
ciaves. On blâma beaucoup Cbaiies-
.Quint de ne l'ayoir pas pourfuivi. Le
Suc d'Albe qui à l'âge de trente ans
commandoit 1 armée fous l'Empereur
Ton maître , lui confeilla de faire uq^pom
d'or à l'ennemi quife retircùt. Ce n'etott
pas l'occaûon de donner un femblable
confeil i quatre mille Ëlpagnols fois ks
ordres de Dom Fernand Cavero > font
enveloppés par quarante mille Turcs , fit
pafles au fil de Véçée. Ce défafire fiil
vengé par la défaite entière de vingt
mille Mufulmans. L'Eleâeur Palatin eut
- la gloire de cette aâion. Solyman perdit
quatre-vingt mille hommes dans cette
campagne qui ne fut pas plus glorieufe
pour lui que pour fbn rivaL Après la
retraite du Sultan , il eût été écile k
Charles de reconquérir la Hongrie; mail
ce Prince fe retira en Italie pour paflêr
de-U en Efpagne oit U oe pvoit pas qu'A
filt appelé par des a&ires bicQ impoi-
taotes.
Les las Cartes affemblés à Ségovie &nc
les régleraens les plus aùles au fujet de
la procédure ; ils auroient du far-toui
j'abréger- U D'y a pas de Pays où on ex-
pédie lipeu les aSiircs , Se fur-tout les
procès qu'en Efpagne , piûfqu'il eft fort:
ordinaire de les voir durer jaTqu'à la troi-
fieme géoération , & 'quelquefois plus.
La guerre fe faifoit avec plus de vi-
fueur uir Mer, les armées navales répon-
oient à celles de terre. Doria à la tête
de la âotte de l'Ëaipereiir fe voyant
maître de la Mer par la retraite de Bar-
beroufTe , prend Corone , ( l'ancienne
Cboronée , Patrie de Plutarque , ) après
avoir défait une armée Turque , & tué le
£acba qui la commandoit. Toute la Mo-
lée fut ravagée , la Ville de Fatras fut
-piife âc détruite.
L'Empereur & le Pape s'abouchent i
Boulogne , Charles V. avoit befoin alors
du Souverain Pontife. Il vouloit en obte-
nir la convocation d'un Concile > la con-
firmation de la ligue entre toutes les
Puiffances d'Italie contre François I. &
«nfin la promet de ne coofentir jamùs
Oi)
■316 H I s TO I B E
-& la diflblution du mariage d'Henri Vlil.
avec Catherine d'Asragon fa tante. Le
Pape promit tout , Venile refufa d'entrer
dans la ligue dont Antoine de Levé fut
déclaré Générai. ■
Soit que les Péruviens fe laffaffent de
dépouiller l'Empire pour leur Ynca pri-
fonnîer , foit que l 'inca lui-même ne les
prelfât pas de fatisfaire à fes promefl~es ,
on ne remplit point l'étendue de fes of*
fres , les vainqueurs en vinrent jiifqu'4
cet excès de rage de condamner i'Empe^
reur à être brûlé vif; pour colorer une
aélion fi atroce on écouta un Péruvien,
Interprête des Efpagnols qui craignant
d'être puni un jour par l' Ynca pour avoir
féduit une de fes femmes, l'accufa d'a-
voir donné désordres fecrets pour maf-
facrer les Efpagnols ; toute la grâce qu'oa
■Rt à ce malheureux Prince fut de Tétran-
gler avant que de le jetter dans les Ham-
mes , encoire fellut-il qu'il confentît à re-
cevoir le Baptême des mains de ce VJl-
verdia qui l'avoit catéchifé avant l'aftion
de Caxamâlca ; plufîeurs de fes Géné-
raux fouifrirent le même genre de fup»
Îilice pour avoir eu le courage de reni-
er d'indiquer le lieu Q^ les tréfors ii_
D*Es P A G N. É. 317
l'Empire Soient cachés:
La plupart des HiftoHehs imputent ce
forfait 3U leul cfAlmagco qui craignane
que , tant qu'Atahualipà vivroit , l'op
qu'on apporteroit ne fût revendiqué par
rizarre & fes compagnons , comme par-
tie de la rançon .de ce Prjnce , donna du
poids à la uallè accufation de l'Inter-
prète Péruvien. Quoi qu'il en foit , le Ciel
fembla venger la mort de ce Prince in-
fortuné fur PizarJe qui y^onfentit lâche-
ment , fur l'Almagro , furie Péruvien &
fur tous ceux qui y eurent part j car ils
périrent tous de mort violente. '
L'Empereur s*embarque à Gènes, paf^ '^35»
fe en Efpagnc & arrive à Barcelonne le
22 Avril j il y trouva un Ambaffadeur de
Muley-Hafcen , RoideTunis-qui,meRa>
ce d'être déthrôné parle Corfaire Barbe-
rouflè , venoit implorer ta proteftion de
Charles en lui offrant l'hommage & un tri-
but de la part de fon maître ; l'Empereur
promit de foutenir le Roi de Tunis , Se
Fut tenir les Etats de l'Arragon dont il
obtint un don gratuit d'un million. Le
Pape lui accorda les décimes fur le Cler-
gé pour ia confervation de Corone ; les
.Chîmabes de Tolède , les plus riches d6
■ Oiij
'5i8 Histoire
rEfpagne crièrent à rinfiraâioii de l'ini*
fDuntié Eccléfîaftique , 6c refaferent de
célébrer l'Office Divin ; il fallut renon-
eer.au defir de les taire contribuer. Dom
Alvare Bazan rempote une vîâoîre fur
la flotte de Barbcrouffe , & prend One
fur les c&tes d'Afrique. ;
Corone aSiégée par les Turcs , vatl*
lamment défendue par Dom Jérôme de
MendoKa, eft délivrée par André Doria
qui vcnoit de bwtrc la flotte Turque. Z;c
jrape & le Roi de France ont une entre-
vue à Marfeilie ; le mariage du Doc
d'Orléans , depuis Henri H. avec la trop
fameufe Catherine de Médicis , nièce du
Pape y fut condu. Cette entrevue &
cette alliance inquiétèrent étrangement
Charles V, mail il paroît qu'on n'y prit
aucune réfoludon contre fes intérets.
Henri VIII. fait divorce avec Catherine
d'Arragon , il y avoit long-tems que cet-
te vertueufe Princcfie exi^c de ïa Cour
étojt facrifiée à Arme de Bonïen ; mais
pa n'eut jamais cru que le violait An-
S lois eût porté fon amour jufqu'à répu-
ier fa femme léghime pour epoufèi la
Boulcn qu'une nail&nce ordinaire & une
venu équivoque auroiem dû exclure 1
d'E s P A G N E. 5IP
jamais du Thrôné : au refte , elle n'y
monta que pour fon malheur &:_celui de
l'Angleterre; elle périt fur un échaflàut,
& les fuites de fon mariage entraînèrent
le Royaume dans le fchiime. Le Cardi-
nal Volfey par vengeance contre Char-
les V. gui depuis fa profpëritë inouïe cef-
foit de le careffer , confeilla le divorce ,
mais il vouloit que fon maître ëpou{^r
la Ducheffe d'Alençon , foeur de Fran-
çois I. & la plus aimable femme de l'Eu-
rope ; l'oppofition qu^il témoigna aux
intérêts d'Anne de Boulen lui coûta l'a-
mttié de fon maître. Il mourut dans la
pauvreté , Toublî & robfcurîté ; la paix
ell conclue entre Solyman & le Roi des
Romains : la Hongrie dévaftée refta à ce
dernier au préjudice de Jean Zapol.
Les Péruviens , faricux de la mort
cruelle de leur Ynca , enfouiflent ou jet-
tent , félon quelques-uns , dans des pré-
cipices les tréfors des deux derniers Em-
perears , & prennent les armes dans dif-
férentes Provinces pour venger Atahna-
lipa. Un des Généraux de ce Prince fe
fàijii de fes cnfans fous prétexte de les
faire reconnoître en qualité d'Yncas ;
mais il les fait périr dans te deflein d'u-*
O iv
^2o Histoire
furper leur Thrône fanglant ; il eft vaiQ^
eu ainfi que tous les autres Seigneurs Pé-
ruviens ; Fizarre & Almagro font couler
à l'envi le fang de ce malheureux Peu-
file qu'ils traitent de barbare ; c'eft à tous
es nommes à juger fi ce Peuple l'ëtoit
autant que Tes vainqueurs. Il eii confiant
que dans le cours de cette guerre qui
dura plufieurs années ces prétendus Bar-
bares montrèrent beaucoup de bonne
foi , d humanité , de juflice , de gran-
deur d'ame , venus que les Efpagnols
fembloient ne plus connoîire que de
nom. On conclut plufieurs traites pour ,
leur faire quitter les armes ; mais tous
furent violés par la perfidie & l'avarice
de leurs tyrans.
Pour éolouir les Indiens , & avoir le
tems de s'affermir dans fa conquête , Pi-
zarre donne la frange rouge à Mango
Ynca j frère & héritier des deux derniers
Empereurs. Cette frange étoit au Pérou
la marque du pouvoir fouverain , comme
le fceptre & fa couronne le font eo £a-
.rope. ^
' J34" Charles V. évacue Corone après l'a-
voir oifert inutilement au Pape , k Ve-
pife & i l'Ordre de Malthe i la c<Mifer-
d' Es ï A G N E. 321
vaùon de cette conquête lui coùtoit des
foiliines immeniès. Solyman mécontent
de fes Généraux de Mer toujours battus
par Doria , donne le commandement de
lès forces navales it Cheredïn Barbe-
roufle , Roi d'Alger , & le digne rival
de Doria ; Barberoufle judifîa bientôt
la confiance du Sultan en Commettant
des ravages affi-éux en Sicile & fur les cô-
tes de Naples , & en brûlant huit gateres
de Charles-Quint, & en s'emparant de
Tunis. Muley-Hafcen déthrôné par ce
Corfaire , cherche un afyle en Elpagne'.
Charles-Quini l'y reçut ei^oi , & lui
promît de le rétaolir.
Henri VIII. eft excommunié par une
Bulle du trente Août. On blâma avec
raifbn la précipitation duPape qui, pour
filaire à l'Empereur , fe hâta de lancer
e fatal anathëme. La fuiie de cène dé-
marche fut que l'Eglife Romaine vit trois
Royaumes le fouftraire à fon obéiiTance*
Vingt-fix jours après la publication de
cette Bulle ; arriva la mort de Clément
VU. Pape à jamais mémorable par fon
inconfiance , fes intrigues & les maux
dont i'EgUfe fiit accablée fous fon Pon-
tificat. Le Cardmal Farnefe lui fuccéda
O y
522 HiSTOtBE
fous b nom de Paul III. Henri VŒ.
fans adopter les erreurs de Luther con-
' tre qui il avoit écrit , fe fait chef de la
Religion dans fon Royaume , à peu près
comme les Rois l'étoient dans le fein du
Faganifme.
Charles V. pour venfcr Catherine
id'ArragonWa tante de l'injure que lui
*avoit lait Henri VIH. propofe à Fran-
çois I. de s'unir avec lui , & lui promet
le Milanez pour le Duc d'Orléans après
la mort de Sforce. Il offre de faire épou-
fer au Dauphin la Frinceâé Marie , fille
du Roi d'^gleterre &-de Catherine
d'Arragon , & demande pour Philippe
fon fils une des filles du Monarque Fran-
cis. C'efi ainfi que l'Empereur cher-
choît à brouiller deux Princes dont l'é-
troite alliance lui cauToit de vives inqui^
tudes.
Ignace de Loyala, Gentilhomme ETpa-
gnol, courtifan & guerrier jufqu'i tren-
te-trois ans , fonde a Paris la Société de
Jefus également célèbre par fes grands
hommes , fon gouvernement intérieur f
fcs fuccès & fea difgraces..
L'Empereur décore François Pïzarre
de la fUgohé de Marquie , & xiépand au£
d' E s P A G N E. 32J
fes ^veurs fur Almagro. Toi» les deuK
obnnrent des gouvernentens ; mais corn-,
me on n'eo îixe pas les limites d'une œa-
niere pr^ctfe ; cela donna lieu dans U
fuite k des guerres civiks qui manque*
rent de faire perdre à l'Efpag^e l'Empire
du Pérou. Almagro renonça pour lors à
fes prétentions dans l'eipér^nce de s'en-
riclur par de nouvelles découvertes. Pi-
zarre bâtit la Ville de Los Rcyes appel-
lée aujourd'hui lima , 8c la captale du
Pérou.
La Sardaigne eft choifie pour le reo- i^5y<
deZ'VOut des vaîfleaux deftinésà l'expé-
^tion d'Afrique ; la flone eompofée de
quatre cents taoïvaifTeaux que galères &'
bâtimens de charge , portoit l'élite de U
Nobleffe d'Efpagne , d'Italie & de Por-
tugal : DO comptoit trois mille hommes
de débarquesiem. Dorîa & le Duc d'Al-
be commandaient fous les ordres de
l'Empereur , l'Infant Louis de Portugal
accompapioVt Charles V. Cette brillante
armée débarque à la Goulette le feize
Juin, &affiége cette forterefle; l'Em-
pereur vainquit d'abord BarberouiTe qui
venoit lui faire lever le fiége, la for-
ter^ fut emportée d'ft&ut le -viogfr-
Ovj
g24 Hl s TO IRE
cinq Juillet , jour de S. Jacques , Fatcon
de r£fpagne. On prit trois cents pièces
de canon, 510 galères ou vaiffeaux, enfin
tout l'arniçment des ennemis. Charles
remporta encore une viftoire fur Barbe-
roufle qui commandoit une armée décent
raille hommes parmi lefquelsil y avoit
20000 Turcs. A la nouvelle de tant de
fùccès, 20000 Efclaves Chrétiens fe ré-'
vokerent dans Tunis, s'emparèrent du
château , tandis que les Efpagnols em-
portoient la Ville par efcatade , & maQâ-
croient 60000 Citoyens. Muley-Iïafcen
fut rétabli fur un thrône entouré de morts
& de carnage. Il Hgna avec l'Empereur un
traité qui le rendoit vaflal , tributaire , &
prefqu efclave de l'Empereur. Outre la
Goulette que garda Charles V, Muley
lui céda Bonne , Bizerte , Afrique Se
d'autres Places maritimes , mais il ^lloit
les conquérir. Dorîa prend Bonne , mais
H manqua Barberoulle qui fe fauva à Al-
ger î l'Empereur fe rembarque le dix-
iept Août , Se arrive en Sicile , n'ayant
employé que 20 mois à une expédition
qui te combla de gloire ; cependant Bar-
berouflTe qu'il comptoit abattu pour ja-
mùsj avoit déjà équippé une flotte dé
d'EsP AGN E. 52;
trentCMÙiiq galères à la tête defquels il
preDoit Port-Mahon , commettoit des ra-
vages afireux dans les Baléares & fur les
Cotes de Valence , vengeant ainfi les
malheurs de l'Afnque mr l'ËTpagnc i
Doria dut avoir bien des remords , s'il
eft vrai qu'il ait laiffë échapper de Bonne
leRoid'Alger, par connivence, dans I2
crainte de devenir inutile à l'Empereur ,
quand BarberouiTe n'exifteroit plus.
Une aftion fi indigne d'un Héros & d'un
Chrétien flétrit à jamais la eloire de Do-
ria. Ilefl confiant que ces deux hommes
entretinrent des correfpondances fecret-
. tes , & s'évitèrent toujours avec un foin
fiQgulier.
L'Empereur entre triomphant à Na-
ples fuivi de vingt mille Efclaves Chré-
tiens dont il avoit rompu les fers , Se de
toute Ton armée enrichie des dépouilles
de l'Afrique. L'Italie lui décerna les
mêmes honneurs qu'aux anciens Céfars.
Charles met le comble à fa gloire par
une célèbre déclaration qui aflUre une
penfion aux veuvesdes Officiers & des
Soldats morts dans l'expédition de Tu-
nis. Les blelTés eurent part à la même fa-
veur. Il promit un< pareille récompenfe
^i6 Histoire
à tous les Etrngers qui s'attacheroient k
fon fervice. On ne fçauroit s'imaginer
jufqu'à quel point cène déclaration lui
gagna le cœur des Militaires. Il &ut con-
venir que Charles-Quint fe comporta en
Afrique , ccisme auront pu faire Jutes-,
Céfar. Il n'y eut point de vertus qu'il
ne fit éclater pendant le cours de cette
campagne qui fut la première où il fe
trouva 1 &c \a plus glorieufe de fon re<
gne.
Le Roi de France veut recouvrer le
Milattez dont le dernier Duc , François
SforcCiVencùt de mourir. Le Duc de Sa-
voye refufà le paiTage auxFrançois ; maïs
bientôt dépouillé de fes Eiuts par leurs
armes , il fe fauve à Naples auprès de
l'Empereur ea faveur de qui il venoit de
fe facrifler. Charles-Quint réunit le JAi-
lanez k l'Empire. lien donna depuis l'ior*
~ vefliture i Philippe fon fils, ht Duché
de Milan eft reflé à TECpagnc jufqu'au
traité d'Utrecbt , qu'il bk cédé à TEm-
pn'eur Oiarles VL
Fernand Conez découvre la Califor-
nie. Il crut qu'il pourroit conquérir ce
Pays aufli facHement queleMexique; mais
U ne réuâit pas , quoiqu'il eût porté dans
„ •..Coo^^Ic
C t,SP A GN E. 327
cette entréprife le mÊme courage &: tel
inéinestalensaTec deplusgruides forces»
Alinae;roperce jufques dans le Chili
aa-delà au Tropique du Capricorne ; il
n'eut guèrcs que la peine d'écarter ^
coups de ùbre une muhkude mal artnëe
qui s'oppofoit à fon paffage ; pir-tout on
prenoit poÛêlHoD au nom de Ckarles-
Quint : mais la nouvelle du foulevement
|;én^ral des Péruviens interrompit les
fuccès d'Almagro ; il repalla dans 1«
Pérou où il trouva tout dans la confu-
iîon ; l'Ynca Mangp remarquant que le(
£rpagnols,au lieu d'accomplir les trai-
tas , 'ét^liflbient fur des fondemens iné-
branlables leur puilTance dans fon Empi-
re > qu'ils batiffoient de« Villes , & exr
terminoient de jour en jour fes Sujets ,
après s'en ^tre ièrvi comme d'animaux
deftinés à leurs befoins , conjure contre
la poignée de br^ands qui le tyranni-
foient ; mais Ion oefTein tranfpira. 11 fut
arfêté , conduit à la fortereffe de Cufco,
& appliqué à une quellion cruelle &
bonceufe ; cependant 'A eut l'adreife d«
tromper un des frères de Fizarre , de bri-
fer fes fers & de raffembler deux armées
AVec Jef^ueHes il aiHégea en mênK-t-emi
^aZ Histoire
Cufeo & Lima. Almaero , pour premïef
exploit , à fon retoiu du Chili , le bat &
lui fait lever le fîége de Cufco ; ^lango
vaincu fuit dans les Montagnes > en ac-
Cufant fes Dieux de l'avoir traU.
Fizarre afliégé lui-même dans Lima
fe voit réduit aux extrémités les plus
preflantes > mats fon courage, loin d'être
ébranlé , ne parut jamais plus ferme ; il
fit partir fes valfTeaux du Fqrt fous pré-
texte de les envoyer chercher des fe-
cours à Panama , mais en ef&t , pour em^
pêcher fes compagnons de fuir , & pour
leur apprendre a n'efpérer que dans leur
valeur ; pluiteurs Corps Éfpaanols ve-
nus à fon fecours , furent enveloppés &
égorgés par les Indiens > maîtres de b
campagne & des pacages ; enfin Alfonfe
Alvarado ayant raflemblé trois cents Es-
pagnols , perça jufqu'à Lima avec ce fe-
cours, IMzarre reprit la fupériorité , &
détruifît par -tout lès troupes Péru-
viennes.
iç^É. Charles-Quint parvenu au plus haut
degré de gloire & de puilTance qu'on eût
vu dans la République Chrétienne de-
puis Charlemagne, fe perfuade que rien
ne peut liù réfifier, & qu'il eu fur le
C' E s P A G N B. 32<>
foint de devenir le feul Monarque de
U Divers : fi quelque Prince 2 pu fe flat-
ter avec quelque raifon de réufllr dans ce
projet magnifique, c'ell Charles-Quint,
jeune, heureux, brave , appliqué, adif,
politique, éclairé, adoré des Peuples,
ayant le meilleur confeil , les troupes les
plus difciplinées , les plus habiles Géné-
raux de l'Univers, avec les tréfors de l'A-
mérique , & la moitié de l'Europe fous
(es ordres. Solyman faifoit alors la guerre
à l'extrémité de fon Eijipire iîir les fron-
tières de la Ferfe , avec un mélange de
fuccès heureux & malheureux. La Fran-
ce paroiflbit épuïfée d'argent 6c d'hom-
mes ; l'Allemagne & les Royaume dii
^ord en proye aux guerres de Religion ,
ou à ta tyrannie de Chriftierne , Roi de
Dannemarck ,. ne fembloient paS devoir
arrêter la fortune d'un conquérant. Hen-
ri VIII. le tyran de fes femmes & de fes
Sujets , n'étoit occupé qu'à verfer leur
fang & à détruire la religion de fes ancê-
tres.
La fituadon de l'Europe , les fuccès
de Chartes-Quint , fa fortune & fon cou-
rage , tous ces objets réunis concouroJenc
également à lui faire entreprendre le pro-
'^^O HlSTOIBE
Jet le plus vafte èc le plus grand que Tef- "
firît humain ait jamais conçu ; la force & ;
a pt^tique lui ëtoient également nécef- '
faires pour le faire rëuflîr. Il ùit u&ge de
la pobtique , en propofant fecrettcmeni
à Henri VHI. de fe joindre i lui contre
François I. Il ^usit déterminé à commen-
cer l'exécution, de fes vaftes projets par
la conquête de la France ; mais Henri
VIII. <mi pénéErtùt fcs vues , rejérta fes
ofires. De Naples , l'Empereur palTa k
Rome où il entra en triomphe ; il pro-
nonce devant le Fape & le Sacré Collège
une FHllppique contre François I. |dus
iânglante que celtes de Démofthene &
de Cicéron , âc il la tsrmina par défier
fon rival' à un combat fingulier. Cette
aâion fi indigne de fa haute fàgeife ht
défàpprouvée par fes -véritables unis de
Rome. Charles fe rend en Piémont , &
commence h guerre ; il eut d'abord de
grands fuccès ; Antoine de Levé lui
confiJUe de fiiivre fe Éartune , & de
marcher à la conquête de la France. Cet
babile Général qui avoit acquis K)ute
fa glcàie aux dépens des François , qui
Venoit encore de lui enlever quatre mille
-Sommes dans Foâân > lui promenoit fv
d'E s P A G N £. 551
fonlionneur de le conduire dans un rooÏB
i ParU. Charles eottg en Provence avec
<ïoooo hommes de vieilles troupes. Le
Marquis de Saluces , allié des François,
pafle au lèrvîce de l'Empereur. Cette dé-
îeftion excita l'Empereur h pourfuivre
ibn defSem avec encore plus de vigueur,
efpérant qu'dle en entrainerôit d'autres.
Soria&.Uom AlvarBazan dévoient at-
taquer la Provence avec une flotte de
cent vaifTeaux. Une armée de cinquante
mille Allemands ou Flamands avoît or-
dre d'entrer dans la Picardie pour ré-
pandre la terreur & la confternation juf-
qu'à Paris. Une autre arm^e devoit ana-
quer les Sutâës ail moindre mouvement
que feroient ces Peuples qui étoieut Ici
leuls alités qu'eux alors la France. Ce
Royaume dénué de troupes , femblMt
être à àsaK. doigts de la perte. Cepen-
dant on vit alors que les entreprifes let
mieux concertées ne font pas toujours
fuivies d'un heureux fuccès. La Proven-
ce fiit faavëe par le Connétable de Mont-
morcncy.La difeite & les maladies fon-
dirent leUeraent l'armée de l'Empereur,
qu'il ne ramena pas quinze mille hommes
CD Italie. I^ Comte d^ NaÇTau échoua
532 Histoire
devant Péronne. Les SuifTes , fans s'in-
quiéter des troupe Impénales qui les
menaçoient, fe préfenterent en foule 1
François I.& lui formèrent un Corps de
vingt mille hommes', de fon'e que Char-
les-Quint ne remporta de cette expédi-
tion que de la honte & de la confulîon.
-Ce Prince fe croyoit fi sûr de vaincre ,
, "qu'il avoit dit à Pierre de la Baume , Evê-
que de Genévej qui étoit venu le prier de
le rétablir fur fon fiége d'où il avoit été
chaffé par les Calvîniftes : M. PEvi^jHe,
quand j'aurai conduis U France pour moi,
je prendrai Genève four vous, François I.
-inuruit par fes malheurs , étoit devenu
prudent j il fe donna bien de garde d'ac-
cepter la bataille que hii préfenta fon ri-
val; il eût rifqué fon Royaume , qurâ
qu'en dife du Bellay,qui répondit à l'Em-
pereur qui lui demàndoit combien il y
avoit de journées jufqu'à Paris , doioA ,
Céfar ,Ji veut n'eies vmncu & tué à U
première.
On a accufé Charles - Quint d'avoir
fait empoifonner le Dauphin de France
mort dans ce tems-U à Toumon. Cette
noire calomnie ne mérite point de répon-
fe : rfimpereur étoit-il d'uo caradere aA
d'Espagne. ^3}
fez mëchant pour commettreun crime , &
un crime inutile f Le Marquis de Saluces
levé le fiége de Turin ; le Marquis du
Guat t Gouverneur du Milanez en U
place d'Antoine de Levé mort en Pro-
vence de douleur d'avoir donné un fi
mauvais confeil à fon maître, fauve fa
Province par une vifloire fur les Fraç-
çois à Calai. L'Empereur s'embarque 4
Gènes t & paflè en Efpagne où il arrive
le cinq Décembre.
L'Xnquiûtion ell établie en Portugal;
le premier Inquilîteur Général fut le
Cardinal Henri > frère du Roi , & de-
puis Roi lui-même.
Almagro n'eût pas été plutôt reçu
dans Cufco par les frères de Pizarre-,
qu'il les fît arrêter, prétendant que Cu&
co étoit de fon Gouvernement , & que
les Pizarres dévoient être traités comme
des féditieux , pour avoir voulu y maliv-
tenir l'autorité de leur frère ; en même-
tems il donne la frange rouge à Paulu *
Ynca , frère de Maneo ; il croyoit avoir
encore befoin de ce fantôme de Roi pour
amufef les Indiens ; cependant leurs
derniers malheurs avoient éteint en eux
l'efpérance & le, courage j ils fefentoient
534 Hi sTo IRE
accab^ par la fupériorité que l'efpece
faumaine Espagnole avoit £a^ la leur ; le
Marquis Pkarre né^ie pour tirer fei
frères de prifbn j Almagro les lui envoyât
c'étoient deux eanenôs àe plus qu'il eut
bientôt à combattre,
jj.,-^ François I. fier dei &ccès de ht cam-
' pa^e précédente hàc a^ouToer l'Empe-
reur à la cour des Pairs en qualité de
Comte de Flandres & £bn Vafl&l i le Par-
lement réunit la Flandre à la Couronne
paruD arrêt folemnd ; il eût fallu après
cela la conquérir ; on fe moqua dans
l'Europe des bravades de François I.
comme on s'étoit moqué de cdies de
Charles- Quint. Le Pape effaya en vain
de réconcilier ces deux Princes.La guer-
re cominoe en Picardie &c dans le ï^
mont fans fiiccès déd£fs. Anne de Mone-
«norenci a ia gloire de fauver le Piémont
en forçant le pas de Suze. La Reine de
France & celle deHongrie, toutes deux
fœurs de Cbaiies , concluent dans une
entrevue unetreve de trois mob. Alexan-
dre de Médicis , gendre de rEmperenr
cft alTaffiné par Laurent Ton coufin ;
Côme , de la même maifon , obtint 1^-
rellûure de ce beau Duché. > il en étolt
D'Es P A G NE. 33^
digne par fa rare prudence, par fa gran-
deur d'âme & par les plus grands ta-
lens. Solyman , dans l'efpërance de ven-
ger le defaftre de Barberouffe & la pri-
fe de Tunis , fe prépare à la conquête de
l'Italie : it a^ffoit de concert avec Fran-
çob I. Ses Généraux prirent Caftro
dans le Royaume de Naples. Voilà k
quoi fe réauifirent leurs afiforts ; Donz
après avoir remporté trois viftoires con-
fécutives fur mer , fe retire à Meffine aux
approches de Barberoufïe ; Venife al-
liée de r£mpereur eut auÔî des avan-
tages confiderables fur les Turcs ; à la
nouvelle de la trêve des François avec
les £fpagnoIs , Solyman abandonna le
projet de la conquête de Naples pour
tourner fes armes contre les Vénitiens.
■ L'Empereur feit informer fecrétemen^
fur l'adm'miftration de l'Impératrice" à
qui il avoit confié la Régence d'Efpa-
gne , & fur la conduite du Cardinal Ta-
Vera fon premier Miniftre. Quoiqu'il eût
pour fon époufe la plus vive tendreffe y il
taflà tous les Magiïtraîs & les Officiers
qu'elle avoit nommés fans avoir égard à
la capacité ou à la vertu.
- Sinan Bâcha, Gouverneur d'Egypte
33(5 Hl s TO I B E
aΎge Biu dans tes Indes. Oiientales
avec une flotte & des forces qui œena-
çoienc les Portugais de leur enlever l'em-
pire de la Mer dans ces Répons 3 mais il
efl vaincu , & levé le fiége : cette expé-
dition avoit été entreprife à la foUicita-
rioD Se aux dépens de l'Egypte , qui s'é- '
tant vue depuis Alexandre le Grand en
poûeflion du commerce des épiceries, ne
pouvoir pardonner au Portugal de le hii
avoir enlevé ; on ne Içaurçït évaluer !es
profits immenfes que ce Royaume es ci-
joit. 11 eft confiant que les Portugais fu-
ient dans ce lîéde la nation la plus faeu-
reufe & la plus riche de l'Univers.
Pizarre qui avoit négocié t quand il fe
fentoit le plus foible , & lorfqu'il avoït
fes frères a fauver , fc voyant libre de
faire éclater fa vengeance , afTemble des
iKDUpçs j & attaque Almagro j la guerre
civile défoie toutes les Provinces du Pé-
rou ; les Efpagnols nouvellement arrivés
d'Europe , qui ne comptoient teindre ,
. leur épée que du fang des Indiens , pren-
nent parti les uns contre les autres ; le» '
Péruviens, qui alors euOent pu fecouer le
joug , ne profitent point de l'affbibliOe-
iQent deleurenneiçùcommunjîlsfepar- |
tagent '
■ d'Esp a gme.
tagent au contraire tes uns contre les
autres, & combattent 'pour le choix de
leurs tyrans ; Pizarre devient infenfible-
ment fup^rieur à fon ennemi.
Le Pape fait confentir l'Empereur Sc 1^58.
François I. à fe rendre à Nice pour con-
venir de la paix ; mais la défiance ou ia
politique fireni naître tant de dlfiicultés
que les deux Princes ne fe virent point ;
cependant il y eut une trêve de dix ans ,
^pellée trêve de Nice ; quelques jours
après ils s'abouchèrent à Aigues-Mortes
ou ils fe comblèrent de carelfes ; l'Empe-
reur . par la trêve, gardoit le Milanez
quineluiappartenoitpas, & FrançoisI,
la Savoye & le Piémont qui lui apparre-
noient encore moins j Charles n'accorda
cette trêve qu'à regret) &que pours'op-
pofèr à Solyman qui menaçoit toujours
l'Italie : U fçavoit la France épuifée , &
c'étoit lui donner le tems de refpîrer,
que de fufpendre la guerre pendant dix
ans ; pendant que l'Empereur étoit à Ni- -
ce , il arriva un incident qui fit beaucoup
d'honneur à ce Prince. On apperçut de
loin comme une infinité de petits nuages
qu'on prit pour les voiles de la flotte du
redoutable Barberoufl^fur le champ la
Tome m, F
3^8 Histoire
terreur Se le défordre fe répandirent parmi
les Impériaux ; quelques-uns crurent que
François I. avoit appelle les Turcs pour
leur livrerfon rival. On preffa l'Empereur
de fe fauver dans les Montagnes ; le Mar-
quis du Guat fe jetta h fes pieds pour le
conjurer de ne pas diffirer un inftant:
Aôn , non , répondit fièrement Charles j
Je veux combattre , mourir oh rire avec
vous. Le Pape accéda à la ligue del'Enj-
pereur & de Venifç contre Solyman,
On invita François I. à fe mettre de la
partie en lui offrant la qualité de Géné-
raliffime ; mais le Roi de France étoit
trop habile pour confentir k combattre
^n faveur de fon ennemi, Pierre-Louis
Farnefe obtient l'invefiiture du Nova-
rois, -& fon fils Oflave époufe Margue-
rite d'Autriche , fille naturelle de Char»-
les-QuJnt. Ce fut ainfi que Charles-Quînt
attira dans fes intérêts le fouverain Pon-
tife. Doria , à la tête de deux cçnts vaif-
leaux, bloque BarberoulTe dans le Port
de Previfa ; ce Corfaire j quoique 6
flotte fût égale à celle des Chrétiens , pa^-
roiflbit perdu. Mais le Génois , foit par ja-
Joufie contre les Vénitiens que la perte des
fcrçes pavalçs ûe Splj^m^ alloit ren^e
d'Espagne. 359
maîtres de l'Archipel , foit plutôt par une
fuite de fes liaifons fecrettes avec Baibe-
rouffe plie les voiles , & laifle échapper fa
p'royej Doria tâcha de rétablir fa réputa-
tion en preflant Caftel-Novo ; Barberouf-
fe ) en voguant au fecours de la place , eC-
fuya une tempête qui abîma 70 de fes ga-
lères & 20000 hommes ; il ne tenoit qu'à
Dona d'achever la ruine de ce Corfaire :
mais il avoit fes raifons pour ne pas écra-
1er un pareil ennemi.
L'Empereur ëpuifé par les dépenfes
des trois campagnes pafli^es , ne peut
payer fes troupes; il eut la douleur d'an-
Îirendre qu'elles s'étoient révoltées à Mi-
an & à la Goulette ; du Guat appalfa la
révolte de Milan , en donnant de l'argent
aux Soldats , &; en leur accordant leur
congé. Lés troupes de la Goulette furent
tranfportées en Sicile où elles s'abandon-
nèrent au pillage. Une armée que Fer-
dinand de Gonzague envoya contre les
Rébelles , fut vaincue , mais au moyen
d'une amnidie frauduleufe & de belles
■promeffes , il les fit rentrer dans le fer-
vice ; alors Gonzague les difperfa , & fé-
vif contr'eux avec une telle rigueur qu'il
n'y eut pas un feulféditieux qui évitât le
gibet. P ij
340 Histoire
. Charles convoque les Etats de Calbl-
le à Tolède j ils font célèbres par la réfiC-
^ance qu'y éprouva l'Enipereurde la parf
des Grands. Il avoit demandé un don
frafuit confidérable foqs le nom d'affife,
.e Clergé & le Tiers-Etat acquiefce-
rent à cette d^ majide , mai$ la NoblelTe
s'y oppofa avec vigueur , le Connétable
de Caftilje déclara tout haut que pettç
injpofition ruinoit la Monarchie , que les
Grands obligés autant que le Roi de veil-
ler à ia confervation de l'Etat , ne pou-
vpientconfeniiràuntributfionéreux,quç
d'ailleurs }a Npbleffe n'étant dif^inguée
en Caftille de,s roturiers que par l'exeipp-
lion de tout in^pôt , elle feroit bientôt
confondue avec lePpuple. Un pareil dif-
-cours eût en tput autre Pays coûté la
lêie i l'Orat^eur , ou tout au moins la li-
berté. JVÏajs la crainte d'upe révolte, em-
pêcha l'Empereur de témoigner le moin-
dre mécontentement au Connétable :
l'aflife fut rejetréç , les Ecciéfiaftiqucs
Ê'y avoàent confenti qu'au moyen d'une
ulle d^ Pape qui leva leurs fcrupules,
L'Empereur obtint pourtant un don gra-
tuit de douze millions payables en troÏE
flpjj Charles outr^ contre *a No|»lçffe|
d'E s P A G N E. ^4*
l'exclut pour jamais de l'aflemblée des
. Etats généraux , déclarant qu'ils ne de-
voient avoii' aucuiïe part au Gouverne-
ment & à la légiftation de la Rdpubtique >
puifqu'ils n'en payoient pas lescharges ;
aujourd'hui même les las Cartes ne font
compofées que des Députés des Villes.
Fernand , un des frères de Pizarre
termine la guerre civile au Pérou en ga- '
§nant une bataille décilîve iur Almagro >
s'empara en fuite de Cufco o4 il fit dé-
capiter le chef des ennemis. Le calme
fembla alors être rendu à ces vaftes Ri-
rions; mais la fuite fera voir que les dif- -
lenfîons n'étoient qu'affoupies ; le Parti
du farouche d'Almagro ne tomba point
avec fa tête. Pierre Valvidia achevé 1%
conquête du Chili. .
L'Empereur prévient par fa prudence *^^*
& fa modération une guerre civile en
Efpagne. La caufe en eût été légère ,
mais les Grands mécontens ne deman-
doient qu'un prétexte : le Duc de ITn-
fantado tira 1 épée contre un HuilEer de
la Cour dans un tournoi , & l'en frappa
en préfence du RoL Le Grand-Prevôt
Ronquillo arrêta fur le champ le Duc ,
mais le Connétable lui arracha le prifott-.
piij
342 HlSTOIKE '
nier , & s'en chargea en venu de fa di-
gmté. Tous les Grands applaudirent à
Taftion hardie du Connétable , & aban-
donnèrent l'Empereur pour conduire
Velafco en triomphe dans fon palais ;
l'Empereur étouffa Ton reflênûment , U
fèntoit que les Grands indignés d'être
exclus des Etats , faifîroient cette occa-
fion de lever l'étendard de la révolte , il
envoya l'Huidier demander pardon à
rinfamado. Le Duc &c les Grands con-
fus d'une n rare modération , allèrent fe
jetter aux pieds de l'Empereur , en fone
que cette affaire n'eut aucune fuite. L'Im-
pératrice accouche d'un enfant mort. Se
meurt le douze d'Avril. Le cadavre de
cette Princeffe , la plus belle femme de
fon fiécle , devint fi affreux & fi défiguré
que cet objet convertit le Duc de Gan-
die qui fe fit Jéfuite , il eft connu dans
~ l'Eglife fous le nom de S. François de
Borg^a.
Le Pape propofe en .vain à l'Empe-
Teur de convertir la trêve de Niceen paix
perpétuelle ; on vouloit que l'Empereur
épousât une fille de François I. & qull
donnât une des fiennes au Duc d'Orléans
avec le Milanez.
d'Espagne. 34,5
Caftei-Novo défendu par Sarmiento
à ''la tête de crois mille Éfpagnols , eft
emporté d'affaut le fept Août après qua-r
rante-cbq jours de fiege ; les Turcs per-
dirent vingt mille hommes devant cette
Place ; les Vénitiens mécoatens de Do-
ria & de l'Empereur concluent une pais
Îiarticuliere 6c défavaDtageufe avec So-,
yman.
Gand , femeufe par fa grandeur, fes
richeffes , fon commerce & lès révoltes
contre Tes Souverains, olè prendre les
armes contre l'Empereur ; les Citoyens
de cette Ville ne vouloient point payer
une nouvelle taxe , ils oppofoient leurs
privilèges aux befoins de l'Etat. L'Em-
pereur né à Gand avoit toujours mé-
nagé fa Patrie ,. elle contribuoït encore
moins que toutes les Villes de Flan-
dres qui ne payoient prefque rienà TEm-
pereur. Le Roi de France renvoya à
Charles les lettres des Gantois qui s'of-
froient à lui , & propofa en méme-tems à
Charles de palfer par la France pour-rer
médier à un incendie qui pouvoit dever
nir général. L'Empereur proëta de la
bonne volonté du Roi > il accepta un
fauf-conduit , laifTa la Régence d'Efpa-
Pjv
344 Histoire
gac au Cardinal de Tavera , & prit la
pofte au mois de Novembre , accompa-
gné de dix ou douze perfonnes avec IcP-
Ïitelles il arriva fur les fronrîeres de
rance où le Dauphin & le Duc d'Or-
léans furent le recevoir. Le Roi alla au-
devant de lui jufqu'à Cfaatelleraud. Par-
tout oh lui rendit les plus grands hon-
neurs. On a blâmé François I. de ne l'a-
voirpas fait arrêter; mais n'auroit-ce pas
été une perfidie ? Il eft vrai que l'Empe-
reur avoit promis le Milanez pour le Duc
d'Orléans, & qu'il voulut enfuite don-
ner la Flandre en échange. Quoi qu'il en
foit, François I. ne pardonna jamais au
Connétable de Montmorenci qui fut le
feut à lui confeiller qu'il falloit fe con-
tenter de la parole d honneur de Char-
les-Quint.
Gonzalc Pizarrc fait de nouvelles dé-
couvertes dans l'intérieur de l'Amérique
Méridionale ; on ne fçauroit exprimer
combien il eut à fouffrir de la difette dans
cette expédition , où d'ailleurs il ne tent%
point de conquêtes ; tes Pays feuls qui
produifent l'or & l'argent » pouvoîent
exciter la convoitife des Efpagnols. Il
«ppella ces Ké^ns , le Pays des Ama-
d' E s y A G N g. j4j -
zones , & donna le même nom à un fleu-
ve fameux fur les bords duquel habi-
toient des femmes guerrières qui s'é-
toient rendues redoutables aux Indiens
de' ces Contrées.
L'Empereur eft joint h Bruxelles par l y^o;
le Roi des Romains qui lui amena quinze
mille hommes ^ il entre dans Gand 1«
•vingt- quatre Février , jour de fa fête ,
avec l'appareil le plus menaçant. On pro-
nonça contre cette Ville un arrêt qui la
déckra rebelle , on la priva de fes privï-
iéges , on ta condamna à une amende de
cent mille ducats, & on punit du der-
nier fupplice yingt-fix de fes prkicipaux
liabitans; & afin de la contenir à jamais
dans le devoir, on y conftruîfit une cita-
delle ; Oudenarde impliquée dans la ré-
volte eut part au châtiment ; Montmo-
renci fomma alors Charles delà parole au
fujet du Milanez , l'Empereur lui déclara
qu'il ne corfentiroit jamais à laîffer les
François mettre le pied en Italie ; mais
n'en dédommagement il étoit prêt à cé-
,er au Duc d'Orléans les Pays-Bas avec
k qualité de Roi, & à lut accorder fa
£lle en mariage ; François I. ne donna
pas dans le piège , il répondit qu'il vour
l
<^4(ï HlSTOIR£
loit fon bien , & non celui de l*£mpe-
pereur. Eft-il naturel en effet de croire
Îiue Charles-Quint fe fût dépouillé de
on patrimoine , lui qui ne pouvoit con-
fentir i la rediiution de celui des autres f
Le Seigneur de Brcderode condamné
i mort pour avoir pris le titre de Comte
de Hollande & de Zélande , & pour
avoir contraft^ des liaifons avec lesF ran-
çois , reçoit grâce de l'Empereur. Ce
Prince fe contenta de le laiOer à genoux
devant lui pendant une demi - heure ;
l'Empereur interdit fous les peines les
ifilusliéveresla lefture des livres Protêt
tans ; cet édit indifpofa les Luthériens
contre l'Empereur.
Piali Achmet , le plus célèbre Cor-
faire après Barberoufle , furprend & pille
l'importante Ville de Gibraltar , il n'olà
la garder ; il fut vaincu dans fa retraite ,
Se pris avec fes quatorze galères par Dom
Bernardin de mendoza ; rinftimt d'I-
giace d'e Loyola eft approuvé par une
ulle du vinet-fept Septembre fous le
oom de la Comp'ag;nie de Jefus.
La onzième partie des habitans de
l'Efpa^ne périt par la &mtne & par les
maladies qui font une fuite ordinaire de
ce fléau.
d'E s P A GN E. 34.7
Le fer avoit aullï moilTonné un tiers
des Péruviens : ce Peuple d'un caraâere
doux I timide , d'une intelligence lîngu-
liérement bornée ., d'un tempëramenc
foible & délicat , fembloit à la vérité
être né pour l'efclavage ; mais les Efpa-
^ols ne voyoient dans cette foibleSe
qu'une facilité de plus pour les détruire j
en vain quelques hommes pieux &c hu-
mains élevoient la voix pour défendre les
droits de la Nature &c des gens auprès de -*
leurs indignes Compatriotes. Les Efpa-
^ols , en palfant en Amérique > con-
traéloient un caraélere fombre & impi->
toyable ; accoutumés au fang ils n'épar-
f noient pas davantage celui de leurs
)ompatriotes dans les guerres ciyiles.
Cette année , le fils &c les partifans de
d'Almagro confpirerent contre François
Fizarre. Nous verrons, ailleurs les fuites
de leur complot.
L'Empereur pafle des Pays-Bas à Ra- 1^41;
tifbonne où il av^it convoqué la Siete
pour apporter un prompt remède aux
maux que caufoient les nouvelles Reli-
gions ; OQ difputa devant l'Empereur ,
& on ne termina rien ; les PrpwflaDs re- ~
«uferenjc Mutement le Pape & lesEvé-
Pvj
548 H I s T O I R E
ques pour juges, les regardant comme
leurs parties. L'Empereur publie fon fa-
meux intérim par lequel il permet à cha-
cun âe refter danrfes fefltimens jufqu'à
la tenue d'un Concile gênerai ; il fallut
que Charles en vînt à cette condefcen-
'azaci pour ne pas s'attirer fes Proteftans
fur les bras ; ceux-ci étoient fiers de la
proteflion que leur offroient François I,
& Henri Vll. Le Roi- de France em-
ployoît pourtant , comme nous avons
déjà dit , le fer & le feu pour exterminer
les Luthériens ; le dernier quoique Schif^
matique ne leur fetfoït pas glus de quai>
tîer quç le Roi de France;
De Ratiflîonne l'Empereur s'àchedu^
ne en^ Italie , & il s'abouche à Lucques
avec le Pape pour obtenir la convoca-
tion d'un Concile- ; cette entrevâe ne
Epoduifk aucun fruit j cependant Char-
:s étoit également menace par Solyman
& par François L Celui-ci avoit le motif
te plus légitime que jamais Prince ait eu
de fouiller la difcorde Se la guerre aux
quatre coins de l'Europe ; le Marquis du
Uuàt , Gouverneur du Miknez , venoh
de violer le droit des gens en la perfbnne
as. Rincone & de Fregefe^ AmbalIâdeitK
d'Es F AGN B. 34>
' de France , dont l'an alloit en Turquie ,
& l'autre i Venife. Ces deux Minifères
traverfant le Mibnez fur la fol de la trê-
ve, avoicntété aflaffinés; loin de défa-
Vfmerun pareil attentat, rErapereur àé-
ckra que le premier étant né fon-Sujcti
& le fecortd étant Génois , lui & la Rér
publique de Gènes avoîent été en droit
de fe défaire de deux Sujets rebeBes/
SolymatTj allié de François I. fait la
conquête de la Hongrie ; Charles-Quint
marche en Afiique fur l'arriére -faifon
pour &ire diverfion. Cette expédition té-
méraire & imprudente fut formée & exé-
cutée malgré Doria qui fe jetta même
aux pieds de l'Empereur pour l'empê-
cher de paffer outre ; Charles lui ïépon-
dit :M»npere ffoixamt & doutée ans de vie
À vous, é" vingt-deux à m<» d'Empire dot'
vent muf fuffirt : après cela il faUut par-
tir. Son armement furpalfoit celui de
l'expédition de Tunis ; les fuccès de cet-
te campagne contre les Africains l'errcou-
rageoient encore ; Jannetin Doria avoit
pris neuf galères au fameux Dragut , &
ce qui valoir encore mieux, Dragut lui-
même j André Doria & Fernand Gon-
xague s'étoient. emparés- d«<Caramml;f
3TO Histoire
de Monaller , de Sufe & d'autres Places
du Royaume d'Alger ; enfin , Dom Al-
vardeSande venoit de battre avecjooo
^ntafllns E^agnols une armée de qua-
rante mille Turcs & Maures parmi lef-
quels il y avoit vingt-deux mille hom-
mes de cavalerie ; l'Empereur fe flattoit
après tous ces avantages de la conquête
d Alger; il eft confiant qu'il eût reuflî ,
s'il n'eût eu que des hommes à combat-
tre, mais il fallut luner contre les £Ie-
mens. Suivi de Doria , du Duc d'Albe ,
de Femand Gonzague , du fameux Cor-
tez 1 le conquérant du Mexique , d'Oc-
tayio Farnefe Ton gendre, l'Empereur fe
préfente devant Algérie vingt Oâobrej
fon armée étoit compofée comme à l'or-
dinaire d'Ëfpagnols , d'Italiens & d'Al-
lemands. Hafceo-Aga, Renégat Sarde
commandoit dans Alger pour £arbe-
rouffe , c'étoit le mcifieur de fes Offi-
ciers. Charles le fomœa de lui rendre la
VilletleBenégat lui répondit qu'il lui coi>-
feilloit de fe retirer , pour ne pas éprou-
ver le même défaflre que Diegtie de Vera
& Hugues de Moncade > dont la flotte
avoit péri devant Alger ; le débarque-
inent fe i^t le vîn^- quatre Oâoore ^
d'Espagne. ^yt
malgré une multitude efiroyable d'Ara-
bes qu'on mit en fuite; on a&égea Alger
mais dès le premier jour j il s'éleva une
tempête qui abîma 14 galères Se cent
cmquante vaifléaux de charge ; pendant
que les Elemens combattoient en leur
»veur , les Algériens firent une fortie
générale où ils eurent d'abord les plus
grands avantages ; l'Empereur fauva
Farmée en fondant avec les Gardes fur
tes ennemis qu'il repoufla jufques dans la
Ville ; mais ce fucces palTager ne condui-
foit à rien. L'Empeteur (e voit obligé de
lever le tiége ; l'armée fe retira d'abord
à Metafuz : Cortez 6c Manin de Cor-
douc, Comte d'AIcaudette , offiirent en
vain à l'Empereur de prendre Alger,
pourvu qu'il leur laifl^at vingt mille hom-
mes. Cortez s'imaginoit-il avoir affaire à
fes Mexicains f Le rembarquement ne fe
fit pas fans peine , les Barbares y appor-
tèrent des obAades infinis ; l'Empereur
fauva encore une fois fon année , en fe
déterminant à ne s'embarquer que le der-
nier , malgré le péril manitiefte où il s'ex-
pofoit d'être tué ou pris : quatre galères
coulèrent encore i fond , ou échouèrent
ùii la Côte à fa vue i la flotte tlifperfée £ê
g5'2 Histoire
rendît â Bugie , à Oran , en Sarchigne ,
en Italie âc en EÇpagne ; l'Empereur ref-
ta vingt jours à Bugie avec des incom'-
modites étonnantes , en attendant un
meilleur tems : de- là iî paiTa à Carthageœ
oil il arriva le cinq Décembre. Ou peut
dire qu'il ne fignala jamais dans aucun
endroit fon courage, fa grandeur d'ame,
fa confiance > fa gén^ronté & fon afià-
bilité , comme dans cette malheureuJe
expédition ; il femble qu'il voulut répa-
rer à force de vertus 1 opiniâtreté avec
laquelle il avoit pourfuîvi ce projet , mal-
gré l'avis du Pape & celui de tous les
hommes fages de fon Confeil : Qm'o» mt
l^Jfe, avoit-il dit à Doria, une fois agir dans
ma vie à mon gré. Dans la fuite il avoua
cette faute , & s'en repentit tout le reAe
de fes jours.
Dom Alfonfe d'Angulo voulant réta-
blir par ordre de l'Empereur le Roi de
Tremecen fur le thrône , eft vaincu &
pris par l'ufurpateur.
Le Marquis Pizarre eft maffacré dans
ibn palais de Lima , au milieu de fes amis
Ear les partifans du jeune Almagro qui
I proclament fur le champ Gouverneur
4u Péroui cet Alcoa^o afpiioit à enêtse
D* E s P A G N E. ÎJ'J
le Roi ; la Cour inftruite de ces divifions
fangtantes qui pouvoient Lii faire perdre
l'Empire nouvellement conquis , envoyé
avec un pouvoir fouverain le liccntié Va-
ca de Caftro ; il eft aflêz étonnant que
Charles 'n'ait pas fait marcher un de fes
Généraux ; l'Ynca Mango eft poignardé -
par les Efpagnois jufques fur les Monta-
gnes qu'il avoir choifies pour fon afyle ;
TYnca Paulu conlbattoit pour Almagro.
Celui-ci fier de fes forces & de la faveur
des Péruviens a l'audace de fe déclarer
ouvertement contre l'Empereur.
François I. profite de la malheureufe '5'4^».
expédition de Charles pour rompre la
trêve de Mce. La guerre efî générale
dans le Rouflîllon , les Pays-Bas & l'I-
talie; le Dauphin de France aflîége Per-
pignan défendu vaillamment par Te Duc
d'Albe ; le Prince François fut obligé de
renoncer à fon entreprife après deux
mois de tranchée ouverte ; l'Empereur
fait reconnoître fon fils en qualité d'hé-
ritier de la Couronne en Arragon, en
Catalogne & à Valence : -il tire de gros
fubfides de ces Provinces. Le Duc d Or-
léans fait la conquête du Duché de
Luxeoibourg , mais il interrompu fe»
35'4 Histoire
fuccès pour venir partager la gloire du
Cége de Perpignan qu'on fut obligé de
lever , comme je viens de dire. Le Duc
de Cleves a la témérité de déclarer la
guerre à l'Empereur avec le fecours des
François : il repétoit le Duché de Guel-
dres , M mit fur pied une année de quinze
millehommesî (on Général Manin Roffen
{lona le fer & le feu dans prefque toutes
es Provinces desPaysBasjmaîs après la
retraite du Duc d'Orléans » la Reine de
Hongrie recouvra le Duché de Luxem-
bourg , à l'exception d'Yvoi dont le
Prince d'Orange fut obligé de lever le
fiége. Le Duc de Cleves eft dépouillé de
la çlus grande partie de ies Etats qui
avoient éprouve toutes les horreurs de
la guerre.
Du côté de l'Italie on prit des Places
de part & d'autre , de on en perdit ; le
Piémont Se le Montferrat furent le théâ-
tre de la guerre ; Solyman manqua de
parole au Roi de France , il lui avoit pro-
mis d'attaquer l'Italie par Mer , & il ne
parut pas une feule de Tes galères fur la
■ Méditerranée ; François I. avoîtaufli en-
gagé dans fa querelle les Rois de Suéde
& de Dannemarck , mais fans en ùrer
aucun avantage.
d'Es P AGN E.
3SS
Vaca de Caftro déclare le jeune Al-
magro criminel de Leze - Majeflë , &
remporte fur lui le feize Septembre une
viâoire décifîve à Chapas ; celte bataille
coûta plus de fang aux Erpagnols que la
conquête entière de l'Amérique Méri-
dionale ; Almagro fait prifonnier , perdit
la tête fur un ecbaffaut.
L'Empereur, fur les remontrances de 1745*
Las-Cafas qui feul avoit le courage de l'at-
tendrir en raveur des Américains oppri-
més , donna une ordonnance confîrma-
tive de celles de Ferdinand , par laquelle
il défendit qu'on employât Us Péruviens
à la pèche des Ferles , au travail des mi-
nes , qu'on les affujettît k de trop grands
tributs j & qu'on leur fît porter des far-
deaux. On avoit vu fouvent les Efpa-
gnols couper les jarrets aux Indiens,
quand la fatigue & l'épuifement ne leur
permettoient plus de traîner leurs char-
ges ; l'Empereur couronnoit fes bienfaits
en brifant les fers des Péruviens réduits
k l'efclavage par les conquérans.
L'Empereur s'allie avec le Koi d'An-
^eterre par un traité figné à Londres.
Toute l'Europe fut étonnée que deux ,
Princes qui avoient de fi julles motifs
IT? Histoire
d'une haine immortelle , s'accommodaf-
fent avec tant de facilité. Mais à quoi ne
fe déte^lïline-^on pas par des vues po-
litiques ? Chartes & Henri convinrent
de conquérir & de partager la France.
Le Roi devoit entrer' en Picardie par Ca-
lais , & l'Empereur par la Fl^dre ; les
deux armées ne dévoient fe réumr que
devant Paris ; Charles , après avoir né-
gocié (<i) le mariage de fon fils avec Ma-
rie , Infante de Portug^ , laiiTa à ce jeu-
lie Prince ta Régence d'Efpagne , & pour
Miniftre le Duc d'Albe. IlpaflaàGè- '
nés, de-!à il fe rendit à Boffeto où il eut
une entrevue avec le Papeà qui il refufà de .
donner le Milanez pour Oéhve Farnele ,
& d'accorder la paix à la France.
Solyman envoyé au fecours des Fran-
çois Barberouffe avec cent trente galercï
& trente galiotes ; Régio eft prife par les
Turcs : us fe préfentent devant OlUe.
L'Italie eft connemée,Rome menacée eft
évacuée par prefqtfe tous fes habitansj
mais Barberouffe fe rend en Provence,
il avoit ordre d'obéir à François I. Il af-
liége Nice , de concert avec les Fran-
d'Ês P A GN E. JJ-y
çoîs ; il fut obligé de lever le fiége du
château aux approches du Marquis du
Guat. L'armenjent des Turcs fe rédui-
re à faire des ravages afIreuxfurJes Cô-
tes de Naples , & à feire trçnte millç ïlf-
çlaves. •
Cbarlas-Quint prend d'aflaut la Ville
4é Duren , fes troupes y mirent le feu &
la brûlèrent j les Duchés de Cleves Se de
Juliers reconquis par leur Souverain fe
fournirent ; le Duc de Cleves yiijt avec
des habits de deuil fe jetter aux pieds de
l'Empereur qui luj pardoijna , & le réta-
blit dans fes États , moyennant la ceOiog
' de fes prétentions au Duché de Gueldres
& au Comté de Zutphen.
François I. fait lever le fiége de Lajj-
drecies à Fernand Gonzague à qui l'Em-
pereur avoij: remis Je commandement de
l'on armée : le Roi de France couronna
cet exploit par la pjus bejle retraite
qu'on eût vue dans ce fiécle.
Le Marquis du Guat prend MondovÀ
en Piémont : il ne fe pafle prefque rien de
mémorable dans cette partie de l'Euro-
pe i le Roi de Tunis effrayé des arme-
mens de Solypnan & de fiarberoulle ,
pafTa à ^aples pu il foliipiia des fecpi^is
if44'
55-8 Histoire
four fe maintenir fur fon thrône ; mais
Empereur plus opiniâtre que jamais Jk
la conquête de la France -, lui en refufa.
Charles envoyé au Pérou , -en qualité
de Vice-Roi , Vafco Nugnës de Vela ,
homme ferme , févere & inflexible. Il
devoit établir à Lima une Audience
Royale chargée de veiller fur -tout i
l'excution des Loix établies en hvear
des Indiens. Vela exécuta à la rigueur
les ordres de la Cour , & commença par
détruire les Loix tyranniques de Pizarre
& de d'Almagro , Loix qui paroiffoient
faites pour anéantir les Péruviens. Il y en
avoit une entr'autres qui permettoit à
tout Efpagnol , fût-il delà plus baSecon-
dition , de prendre fur fa route trob In-
diens pour poner fon bagage. On em-
ployoït ces malheureux à toutes fortes
de corvées ; les £fpagno]s crièrent à la
tyrannie , quand ils virent qu'on vooloit
les empêcher de traiter les Péruviens
comme des animaux. Ils lignifièrent au
Viceroi qu'ils appelloient de fes ordon-
nances à l'Empereur mieux informé.
L'Ëoipereur , le Roi des Romains i
' tous les Elefteurs & les Princes de l'Em-
pire fe trouvent tous alTemblés à la View
D* E s P A G N E.
3S9
de Spire , ce qui ne s'étoit jamais vu j
Charles y prononça contre François I.
une Philippique des plus fanglantes. II
accufa le Roi de France d'avoir livré la
Hongrie & l'Italie à Solyman , l'enneini
commun des Chrétiens. Tous les Mem-
bres de l'Empire , tant les Catholiques
que les Proteftans fe déclarèrent contre
le Monarque François , & pron^irent de
fournir une armée de trente mille hom-
mes pour l'attaquer; les Elefteurs çn-
^gerent aufli Charles à faire la paix ayec
Frédéric, Roi de Dannemarck, quiavoit
déthrôné Chriftieme , le Néron du Nord,
& le beau-frere de l'Empereur. Les deux
&eres , en reconnoilTance du zélé du
Corps Germanique , s'engagèrent à lui
procurer un Concile Général ou Natio-
nal , & confirmèrent en attendant la It-
berté de confcience.
La guerre cft pouffée avec plus de vi-
gueur que jamais en Italie , en Picardie
& en Champagne. Le Marquis du Guat
ell vaincu dans une grande bataille à Ce-
rifoles par le Duc d'Enguyen. Le jeune
Prince ne réuflîfTant pas d'abord dans fes
opérations militaires , voulut deux fois
fe percer le coeur ; mais enfin la fortune
'gfio Histoire
fe déclara pour lui , & du Gaat fe retira
prefque leul après avoir perdu une quan-
tité confîdérable de fes troupes. Le Mont-
ferrât tomba au pouvoir du vainqueur.
Le Milanes eût effuyé le même fort , fi
François I. n'eût rappelle d'Italie une
bonne partie de fon armée pour fe dé-
fendre. L'Empereur & ie Roi d'Angle-
terre venoient de pénétrer en France avec
des forces fupérieures. Boulogne étoit
pris par les Anglois , & Mpntreuil par les
Flamands. L'Empereur avoit de fon côté
les plus grands fuccès. Après avoir repris
Luxembourg , & forcé S. Dizier , il s'a-
vança jufqu'à la Marne , & jetta l'é-
pouyante dans Paris d'oi l'on vit for-
tir un grand nombre d'habitans. Fran-
çois I. prit le'parti de ravager ia Champa-
gne pour couper les vivres aux ennemis.
L'Empereur fe trouva bientôt dans l'em-
barras ; mais il s'empara de Château-
Thierry & d'Epernay où étoient'lesma-
Êafins des François. On prétend que b
lucheffe d'Etainpes, maîtreffe de Fran-
çois I. & qui favorifoit fçcrettemeot
Charles-Quint , confeîUa à celui-ci de ft
faifir de deux Places aufll importantes ;
fiUDi<|u'il en fjoit, le Roi de France fe
trouvant
b'E s P A G N E. 361
trouvant réduit aux plus grandes extré-
mités , demanda la paix , & l'obtint au
grand étoonement de rÉurope. On ne
^avoit comment interpréteF la conduite
de Charles. Le traité fut.oonclu à Crépy
en Valois. Les pnncipaûk articlesétoient
qut le Roi renoncerott à l'alliance de So-
uman , qu'il confirmeroit fes renoncia-
tions au Royaume de Naples , âc à la Sou-
verainetjé de Flandtes& d'Artoisique le
Pue d'Qrléans épouferôit ou une lîUe ,
ou une nièce de rEmpereur ; qu'on don-'
Bermt pour dot à la PrineefTe. le Milanez
ou les Pays-Bas : la mort pnématurée du
Duc d'Orléans rendit cet article inutile.
Les Anglois intervinrent auilî dans le
ç^tétO^kur latflbit Boulogne pendant
huit wtnées , après quoi il feroit permis
aux François de le racheter pour huit
ce&ts mille écus d'or.'FrànçoîsLdevoit
farder la Savoye & le Piémont jufqu'à
exécution de l'article qui accordoit à
ion fils les Pays-Bas ou le Milanez.
. Avant la conclufion du-trkité , Dom>
Âlvar Bazan avoit défait entleremenc le:
jûur de S. Jacques , vingt-cinq Juillet ,.
furlescôtes de la Galice, une flotte Ftan-
çoiie.
Tome m. Q
562 Histoire
Abu-Abdala , Roi d^thrôné de Tre-
mecen efl rétabli par D. Martin de Cor-
doue ..Comte d'Alcaudette ; ce Général
vainquit, cinquante mille Maures avec
neuf mille homines , & fe retira à Oran
après fon exoéilition., malgré ceat mille
Maures qui le faarceloieftt , Se lui vou*
loient couper la retraite.
Pendant que le Roi de Tunis folli-
citoit i Napies les fecours de l'Empe-
feur contre Barberouife & les Turcs »
fon fib Amidas ufucpoît Ta Couronne ; le
Prince déthrôné paffa fuf le .champ es
AfnqueaT^ douze mille Napolitains;
mais il fut vûncu & pris par fon fils qui
lui fit créveries yeux.
LePapcconvsqae ub Coaàle'géaé'.
rai à TTentc pourie quinae Miars âe l'ao*
née fuiwanice. -•
Le -Vice-Roi dU Pérou fe moque det
cris des habiiens de ÎJàiS ; il établit l'Au*
dience Royale, malgré les proteilations.
Ce coup d'autoiiic excita une nouvel-
le guerre cîwàle:; Cufco fe déclara con-
tre hù ,'&TélaianfaplaceGonzale (a) K-
«aira i l'AindieOiCe de Lima s'élçva elle-
■ Pizvre 11»
d'Esîagne. 565
même contre Vêla , lui reprocha fa cruau'^
té , fon orgueil , le 6t arrêter , & le re-
légua dans uoe Ifle déferte , en attendant
qu'on p-ûr le renvoyer en Éfpagne. Cette
procédure d'un Corps de Magiftrats dé-
voués à la Cour prouye que Vek n'a-
voh pas en eâèt les qualités propres à mé-
nager les efprits , & à gouverncri cepen-
dant cette difcorde , qui" rendit Pizarre
maître abiblu , manqua de faire perdre
l'Amérique Méridionale à t'Efpagne.
Le Vice -Roi exilé fe fauva ae l'Ifle
par les fècours de quelques EfpagnoU
qui aimoient mieux obéir a la Cour , que
d'être fournis à un de leurs compagnons;
Us lui£rent une armée > &c h guerre civile
recommença.
- Marie de Portugal , Princcfie des Af- ^^"47*
turies ,.meurc des lukes d'une couche ; le
fils qu'elle mit au monde fut l'infortuné
Dom Carlos ; les Pfoteftans refufent dé
fe rendre au Concile Général qu'ib
avoient d^nandé avec tant de hauteuf ,
parce qu'ils ne pouvoient , difoient-ils ,
confqntk que le Pape & les Evêques y
préfidaflint, 6t fufient regardés comme
leurs Juges : cette opiniâtreté ouvrit en-
fin les yeux de Charles - Quint ; il ièntit
■ Q'i
2<5^ H IS TO I R £
qu'il falloit employer la force & les air
mes pour les réduire. La mort du Due
d'Cméans n'altéra point la paix entre
l'Empereur & François I. La France ne
couvoit plus fournir à de nouveaux ef-
forts ; moyennant cet accident , la Mù-
fon d'Autriche garda ce qu'elle aydt
promis , &, les François ne fe défaiCrent -
point de la Savoye & du Piémont.
Le Pérou étoit le théâtre de la guer-
re civile ; les fuccès varièrent cette an?
née , mais la fureur fut la même dans
les deux Partis ; oa ne faiiôit quanjer à
perfonne. Jamais on ne vit ^armï les
Chrétiens , excepté dans les guerres de
Religion , plus de forfaits & de barba-
lie ; Tes Indiens prirent part à cette guer-
re comme aux précédentes. Se Us range-
refli Aupidement les uns fous les éten-
dards de Gonzale , les autres fous ceux
du Vice-RoL Dix ou douze mille de ces
malheureux répandus dans chaque ai-
ntée traÎQoient l'artUlerie , applaniflbient
les chemins , tranfportoient le bagage ,
& s'égorgeoient mutuellement , quand
l'occaâon s'en préfentoit. Ib avpient ap-
pris de leurs conquérans ,i être fangut*
mires. Pjzarre ftt déclara Gouvcrnew
d'Es P A G NE. }6y
du Pérou par l'Audience même de Lima
qui eût du lui faire fon procès.
Les Proteftans foupçonnant les pro- i^'i^'
jets que Charles-Quint avoit fonn^s con-
tre leur Parti, fe préparent k le chaflèr
de_ l'Ëropire , ainu que le R.oî des Ro-
mains. Une Diète aflemblée à Ratifbonne
devint inutile par l'opiniâtreté de l'E-
leéteur de Saxe , du Landgrave de Heffe-
Caflel , de l'EleiSeur Palatin , & des au- .
très' chefs de la Ligue de Smalcade qui
vouloîent qus le Concile fe tînt en A lle-
magne.Pour fe fortifier contre tant d'en-
nemis , l'Empereur marie deux filles
du Roi des Romains au Duc de Bavière
& au Duc de Cleves. On affuroit au Ba-
varois l'Autriche , la Bohême & la Hon-
frie , au défaut des mâles dans la Maifon
e la Princéflè qu'il ëpçufoit. Cette
claufe fut confirmée par un codicile de
Ferdinand. Le cas étant arrivé en mil
fept cent quarante à la mort de l'Empe-
reur Charles VI , la Maifon de Bavière
voulut iàire valoir fes prétentions , ce
qui excita une longue &c fanglante guer-
re, dans toute l'Europe : il refte à fçavoir
fi Ferdwand pouvoit dépouiller une
branche de fa famlHe d'un droit fondé
^66 Histoire
fur la Nature & fur les hàa.
L'EIeéleur de Saxe , & le Landgrave de
Heffe-Caffel, foutenus par le Roi deDan-
nemarek , Se par la Bohême qui s'étoit
t^voltëe , lèvent une armée de plus de
cent vingt mille honimes.Plu&d*a^vité>
de concert & de bonheur pouvoient per-
dre la Maifon d'Autriche en Allemagne.
Sébaftien Serlet qui fut d'abord Vivan-
dier dans les armées Impériales , & qui
devint enfulte Général des vivres , s'em-
fara des paflages du Tyrol pour fermer
entrée de l'Allemagne aux troupes
5ue Charles- Quint attendoit d'Italie &
'Efpagne ', il manqua Infpruck, mais
il fe faifit deDonavert. Charles fe mon-
tra fupérieur à lui-même dans c;ette ex-
ÎiétUtion. Il commença par attirer dans
on parti Ma^rice de Saxe , Lutherie» ,
en lui promettant l'invelliture de l'Elec-
torat dont il portoit le nom. Le pôffef-
feur de cet Eleâorat & 1« Landgrave de
Heâe-Caffel furent mis au ban de l'Em-
Sire. La manoeutre admirable du Duc
'Albe déconcerta tous les projets des
ennemis. Le Roi des Romains & Mauri-
ce de Saxe dépouillèrent de leurs domai-
nes plufieûrs Princes Proteftana. L'Ëra-
■^ B* Espagne. 367
pereur reprit Neubourg & DosaTert.
Enfin tes confédérés furent diffipés fans
avoir ofê' livrer bataille. Le Palatin ^im-
plora la clémence de l'£tni)eTebr qui hii ~
■ pardonna.
Les Citoyens de Napies & fcmlevent
pour ne pas recevoir l'Inquifiâon ; Lu-
ther , le fiineftc auteur d£8 guerres ci-
viles qui ravagcoient une grande partie
de l'Europe , mourut fur ces entrefaites,
fans fçavoir fi fa do£lrine,prévaudT(ùt ai
Allemagne : elle avoït déjà fait couler des
torrens de fàng en Suifle. On Içait q^ue
ce Moine Apoftat ne fut qu'un «if-
trument employé par quelques Princ«9
d'AUem^ne qui vouloient fecbuer le
joug de Rome , & s'emparer dei btens
de 1 Eglife à l'ombce de la nouvelle Reli-
gion.
. PizarreremportefousleiirrarsdeQui-
to une viéloire complette dans la quelle le
Vice-Roi eft tué ; ce fuccès fit régner le
vainqueur pendant quelques années au
Pérou , fans qu'U osit pourtant ceindre te
Madéme. Il paroît que tes vues de l' Au-
dience de Lima , en lui déférant la qua-
lité de Gouverneur Général , étoit qu'il
fe contentât d'être en elfet le dépofitaire
Qiy
^68 Histoire ■
de l'autorité Royale. Toutes ces dîvi-
fions n'empêchèrent pas les Efpagnols de
pouffer leurs découvertes & leurs con-
quêtes dans l'Amérique Méridionale. Us
pénétrèrent jufqu'au Paraguaî & ik la ri-
vière de Plata.Un cenaÎD Mendoze for-
' ma une armée, & marcha contre Pizarre.
Carvajal ; foldat de fonune , mais hom-
me de tête j & Lieutenant du Gouver-
. neur , remporta fur Mendoze une viftoi-
re complette , le prit & lui fit couper
la tête. Carvajal étoit le plus habile Offi-
' cier & le plus cruel Efpagnol qu'il y eue
alors dans TAmérique. Il découvrit dans
une de fes expéditions les mines de Po-
tozi qui font les plus riches , tant de l'an-
cien que du nouveau Monde. Lcùn d'ê-
tre épuifées depuis plus de deux fiécles»
ces raines fourniffent encore aujourd'hui
des femmes prodigieufes.
jf47. Le Pape rappelle fes troupes en Ita-
lie. Dans le^ond il étoit auffi oppofé à la
tenue d'un Concile que les Proteftans
jnêmes , ou du moins il aurait voulu le
voir affemblé dans un lieu dont il eût été
Je maître. Henri. VIII. Roî d'Angleterre
meurt le vingt-huit de Janvier. Deus
mois après Fiatiçois I. defcenditau tom.- '
d' E s P A G N E. 3(Sp
beau. L'Empereur, en apprenant !a more
de ce dernier , s'écria : il vient de mourir
un Roi ititn mérite p émtnent que je nefçais
^uand la Nature en produira un fetnbUhle.
On fait volontiers l'éloge d'un ennemi
qui n'eft plus à craindre,
Charles- Quint croyoit fès ennemis
vaincus , ils n'étoicnt que confternés ; le
départ des troupes du Pape , & la fécu-
rite de la Maifon d'Autridie rendirent le
courage aux confédérés. Une nouvelle
. révolte éclata en Bohême ; l'EIefteur de
Saxe recouvra fes Etats ; il prit le Mar-
quis de Brandebourg , & tailb fcHi ar-
mée en pièces. Les Viltes Protellantes
firent de nouveaux ef^ts , & la Ligue pa-
rut plus redoutable ; malgré tei in6rmi^
tés dont Charles étoit accablé , it marcha
pour arrêter les progrès du vainqueur ; &
s'avança vers l'Êlbt'avecIe Rot des Ro-
mains &■ le Duc d'Albie-; l'Eleéteur étoic
campé à l'autre rive avec une armée Su-
périeure ii celle des Impériaux : il fit
rompre le pont deMulberg, & refta
tranquille d^ns Ton camp , comptant que
l'Empereur n'oferoit jamais l'attaquer;
en «fret, l'Elbe avoir trois cents pas de
lar«eiir».& fiin lit étôit très - profonde-
37° HiST.OIRE
Quelle apparence qu'on hafardât le paf-
fige k la- vue d'une armée nombreufej
& de quarante pièces d'artiUérie ! Mais
le Duc d'Albe , par une manoeuvre f^a-
vante , & à l'aide d'un brouillard épais»
amufà l'ennemi, jetta un pont de ba-
teaux fur le fleuve , & y fit paflèr fon in-
fanterie , tan<Us que Cbarles , à la tête de
la cavalerie traverfolt la rivière à la nage »
& tomboit-fur l'ennemi avec impétuomé,
L'Eleileurquiétoitalorsau Sermon, vint
joindre fes troupes, tint ferme $c combat-
tit jufqu'à la nuit , mais (on armée fut vauf
eue , lui-même furblelTé , prts & ^poduit à
l'Empereur; cette bataUle mémorableliit
livrée \i 24 Avril > les Efpagools y firent
des prodiges de valeur. Quelques HiAo-
nens ont écrit qu'il parut pendant l'ac-
tion un Phénomène fineulicr dans le
Ciel. Le Koi de fruice HevtlJ. *ya.at
dera^pdé au Duc d'Albe la vérité du
fait i Sire , lui i^épqndit le Génér sL Efpi-
gnoi en riant', y'frtii'jîoffci^ de ce^w'/ç
pajfM fttr la terre , ijifi, je n^aipas rtmur'
jKc ce qiùparviffeit ah Ciel. I; Empereur
«crivoit qiodeflemienç au fujet.tiecB,com-
^t décifîf : J^ fnfi Vfiftf j flsi ■â» > Dieu m
fiaiseth La Bc*éme ttattà dan? ït ée-
b'E s p ÀGN E. '3Jf
yoir , Wirceoiberg ouvrit fes porKs j les
Proteftans fe virent fans tenontCe , Se
'Charles partit le maître abfolu de l'Em.-
pire. L'âeâeur de Saxe fut condamné i
perdre la tête fur un échaffau t par le Con-
iêil de guerre où préndoic l'ïnrïexiblt
X)uc d'Albe. Quand on vJnt^^iBer la
fentence à ce Friace > il joù<Mt une partie
d'échecs qu'il continua froidement ;.ob
dévoie l'exécuter à la vue de Wirtem-
berg, capitale de fes Etats; te Bue d'Â[-
be pfelTa en vain l'£i»pere«r d^ bater
l'cKécution. Charles naturellement clé-
ment & politique fît grâce de la vie i
ion pri(cinnier, à condition qu'il per-
droit k dignité Ële^orale & tous £e's
£tats , excepté le Duché de Gotha ; qu'il
confentiroit que fes dépouilles paj|êf oienc
à Maurice de Saxe ,. grince de fa Maifon «-
flioyennant quelques penlîons ; enJùi ,
qu'il donneroit fa miwle d'honneur de
Aiivïe par - toat l'Empereur. Le Pape
o(a deiiaander l'Eleftorat pour fou pé-
rit - fils Hotace FasasCe ; TEmpereor
£ï BK>qua de cette prc^ofition : (on àcC' .
feia fecret avoic été d'en tnveilir u4
des jiUde Fetdioaad , afin deidifpofei
«eki-ci, à aédxi la dignité de &oi \iet-
'373 HlSTO IBE
Romains k VhÏÏippe , Prince d'Erpagnc.
Mais U eninïe de foutever les Catholi"-
3ues, ainii que tes ProteftanS) l'empêcha
'exécuter ce projet. Le Langdrave de
Heffe-CalTel fe rend à la Cour Impériale
fur la foi d'an fauf-conduk , qui n empê-
clia point cju'il ne fut arrêté, GrandveÛe ,
Evêque d'Arras , ûh du fameux Chan-
celier de même nom , Miniftre de l'Em-
pereur comme fon père , auilî habile >.
mais moins honnête nomme , avoit dreffî
tin aéte dans lequel le Landgrave ftipu-
loit qu'il ne feroit renfermé dans- Mteiétit
prifon. Le Prélat fùbftitua le mot Euri^
qui ÇigaiSe ptrpétKelie , es la place de ce-
Ini d'Eink qui veut dire aunHnt. Cette
indigne ^percherie fournit depuis un
f rétexte plaufible à Maurice , gendre du
.andgrave , de prendre les armes contre
Charles-Quint , & acheva de rendre 1«
vainqueur octieux.
Le Corps Germanique confennt de Te-
eotmoïtre U légitimité du Concile de
Trente dans uneCiece alTemblée-i Auf-,
bourg; mais dans ce tenu -là mime le
Pape transféroit le Concile à Boulogne >
malgré les inflances dé l'Empereur qui
fe biouUla'à ce fujet avec le Souvetaùk
d'Espagne. 37 j
Pontife. Fierre Louis Farnefe , Duc , oa
plutôt tyran de Panne & de FlaHance.fut
alors maflfacré par-quelques-uns de fes Su-
jets ; il eft cocmant que Fernand Gonza-
gae. Gouverneur du MUanez, -protégea
fes Conjurés ; l'Empereur avoit un fecret
reflenciment contre ce bâtard du Pape >
allié des François & ami de Kiefque , qui
venoit de confpirer contre la liberté de
Gènes fa Patrie. Cette entreprife n'avoit
pas réuffi , prce que le chef du complot
etit le malbeur de Ce noyer au moment
même que le complot cemménçoît &'
s'exécuter. Les confpirateurs en v,oa-
Joieut principalement a Jannetin Se I An-
dré Doria. Le premier qui étoit Général
des Galères de l'Empereurfut tué, & l'au-
tre fe vit obligé de ftiir à l'âge de 80 ans.
Plaifance e(t réunie au Milanez après
en avoir été aliénée pendant quelque
tems , ainfi que Parme , en faveur du S.
Siège fous te PontUicat de Jules U. Le
Pape outré de tant d'injores , ne reîpiroic
en fecret que la vengeance ai foa nls.
L'Empereur envoyé au Pérou Pierre
:cle la Gafca , fimple Prêtre à qui il donn»
an pouvoir abfoluïvec la qualité dePté-
-fident de l'Audience de Lima. Cet Ec-
,„.CcK!j^lc
37é Histoire
clé(ïa{Uqiie modéré £c iolifluaiic rappeUt
jtleut devoir, fans tirer Vépée , la plus
grande partie des Rebelles , ôc oârît une
amtiidie à Fizarre. Celui-ci, pour toute
répoofê , le condamna à mort , vint fbn-
Àcc fur £6;i année , & la tailla en pièces,
X'ufurpateiir fijt et)core redevable de ce
fuccès a Carvajal qui fe vanta d'avoir taé
4ans cette bataille foa propre irere* &
cent Efpïgnols.
^54° L'Empereur manque d'être mafiâcré
^ dans une fëdition des foldats Alleqiaiids
^X^P'à Âulbqurg, il n'eut que le t-ems de k
£uiverchezuaBourgeoii.oùil.re(lacacb£
pendant trois heures; la Reine d'Hwi-
grie négocie e;i vainavfc le Roi des Ro-
mains, qu'on Touloit engager àrenoocer
& ce titre en iaveus du Prince d'£^agne ;
i'f^pereu^ dcœna ordre aux Ëv^ques
Efpagnpls.dtreâerà'Xr^RK t &£t^ire
.dçsprpteftations contre.le P»pe & l'iP-
iemblée deBoulogne parMoidoza , Var-
gas & Wehfcoi Qiarles prétendcMt vf<x
un égû drok (jue le Pape à la convoca-
tion d'un Ck)ncile ; f«r le refaa de Pau! il
{mblîa te hmeax JbttS'tm-.i^À) cooceaanc
' (t) 1i y «<*'k TÎi^-fii ntiïlu dcBt la deuc Hr-
nren pcrmciioient aux Pro,ieftiw l'ufigc du C^Mi
* le mariage dEi'Miniilrei.
d'E sp a GN E. Jjf
U formule de foi & les anictes que te»
Catholiques & les Proteftans ferokitc
obligés d'obfervet, eft attendant que les.
point? controverfés eufient été décidés^
dans le Concile Général. Cet expédient
déplut égalemeat aux deux Panis. On
peut dire que V/ntirîm n'a guères fair
moiiis de tort i l'Eglife Romaine que l'o-
pimâtreté de Paul à ne. vouloir teuït de
Concile qu'en Itahe. De l'Allemagne ».
Chartes paâa en Flandres cha^ des dé-
pouilles des Proteftans d'Allemagne ; Iff-
Roi de Bohême Maximîlien , depuis£m-
rreur., ferendit en Efpagnê oïl il égoun
Marie, fille de l'Empereur; Charles
Quiat lui CQtdïa la Régence d'Efpagne ,
&-rappelIa auprès de lulfon fils Fhilippç,
,- L^mpereur devenu H terreur de l'Éi^
rope , Ce comporta à t'égard des Frai»-
fois avec uae modération qu'on ne de-
voit pas attetidre d'un Prince fi ambi-
tieux. La Guyenne & les Provinces voiv
&aéi s'éoïient révohées » & vouloient fir
donner & r£m[}ereur; Tes MiniUres lut
confeiUoiem de profiter des circonflince»
pour s'agrandir > non répenifit Charles;.
il ejl indigm.ttint Roi de fintettîr iti ré-
vdm das $uffts . d^Mé 4uat JPwhtcc î. Dim
37^ Histoire
n^a'donni ajfex, de domatatf fiuts eitvitf
«mx À'aMtrm.
Dragiit Rais échappa de fa prifon , de-
venu le maître de la Aiéditerrannée p»
la reirahe & la vieiltelTe d'André Doria ,
commit cette année des ravages affreux
fur les côtes de Sicile te de Naples.
Valvidta , conquérant du Chiti a la
flotre de terminer les guerres civiles do
érou. Il joignit fes forces aux débris de
l'armée de Pierre de la Gafca. Pizarrc
trahi & abandonné par fes Soldats , toA-
ba au pouvoir des ennemis; un-de 1»
OiKciers lui confeilla de périr en Ro-
Biain ; Nùn , répt>ndit-il , il vaut mitmx
tnoxrir en Chrétien II fut Kentôt conduit
fur un échaffauti de eut la tête tranchée.
On icartela Carvajïh"Celui-ci avoua en
mourant qu'il avoit maffacré de fa pro-
pre main quatorze cents Efpagnols , &
vingt mille Indiens. L'exécution de ces
deux Tyrans auroit offert ub fdeâade
agréable auxyêux des infortunes Péru-
viens, fi des hommes qifi ont perdu leur
liberté , & qui gémifient fdus l'oppref-
iîon b plus-affî-eufe , pouvoiettt encore
^ûter quei(pie-fatisfaftïbff. -
Le Prélident adoucit le fort ^e cc&
d'Es P A G N E. 577
pauvres Efciaves , conformément auxor-
Gonnances de l'Empereur ; il réforma Us
abus de la tyrannie , -il envoya les E^a-
fnols qui n'avoîent point d'établilTemens
de nouvelles découvertes , & afiërmifc
dans ces Régions éloignées l'autorité de
la Cour qui depuis ce tems-là ne reçut
que de légères atteintes. Pour dédom-
mager en même-tems la NobleflTe Efps-
enole de ne pouvoir employer les In-
diens en qualité d' efciaves , l'Empereur
donna un décret par lequel il autorifoit
les Gentilshommes établis au Pérou , à
fcire le commerce fans déroger. Hcureii-
fe rEfpagne , fî Charles eût étendu une
Loi fi lage à tous les Royaumes qui com-
pofbient fa Monarchie !
Gafca au fetvice duquel l'Empereur
dut peut-être la confervation de toute
rAmériqae Méridionale , eut pour ré-
compenfe l'EvCché de Palencia.
C'eft ainii que dans l'efpace de quel-
ques années , cène partie du nouveau
Monde fiit foumife pour jamais à l'ETpa-
gne. L'Amérique Méridionale , cette vaG
te Régbn , la plus riche qui foit dansl'U-
nivers , a environ 900 lieues de longueur
fur 30a dans fa plus grande largeur»
378 Hl s T 0,I R E
Pour donner une idée légère de fes ri-
chelTes , il fu^t de dire que dans la feule -
Ville de Limaj avant le dernier tremble-
ment de terre arrivé en 17-^5 , il y
av6it près de quinze cents millions de
livres , tant en lingots Se en argent mon-
noyé , qu'en orfèvrerie.
Pour aâèrmir l'Empire Efpapnol en
Amérique, les Rois ont établi loitdans
les lues ^foit dans le Continent neuf Au-
diences Royales , cinq Archevêchés ,
trente Evêchés , deux Univerfités , & ce
qu'on n'auroit jamais dû y voir, deux Tri-
bunaux de l'InquiJition. Il n'eft pas inu-
tile d'obferver que les Généraux qui fi-
lent la découverte & la conquête du
nouveau Monde , eurent tous une trifte
deflinée , à commencer depuis Chrifto-
phe Colomb jufqu'à Valvidia. .Celui -d j
après avoir aflujetti une partie du Chili ,
fut vaincu & pris en voulant pouffer plus
loin fes découvertes", paruneNation oel-
liqueufe qui le fît périr par te plus ai&cux
fupplice. On prétend que les Barbares
lui verfetent dans la bouche de l'or fon-
du , en lui difant , rafafit-toi de ce mitât
dom toi & la siemfomfi fort altérés. On
a vu que Colomb , après avoir été charge
d'E s P A G.N E. 379
de feis , & prefaue conduit fur un ëchaf-
faut , mourut dilgracié & accablé de dou-
leur. François Pizarre fut maffacré , fon
frère Gonzale, Almagro , Balboa mou-
rurent par la maîij destourreaux. Cortez
perdit l'es biens dans l'expédition de la
Californie , elTuya mille mauvais traite-
mens des Minidres , & fut à peine connu
de l'Empereur qui lui avoit de £ gran-
des obligations. On fçait que Charles-
Quint lui demandant un jour > (}ni ètet-
.zioui .'Cortez répondit fièrement: /«/««kb
homme qui vomi a donné plus ds Previncu
qMt voi Perei ne vohs atn l'aiffé de failles.
Le Prince d'Efpagne paffe par l'Italie,
traverfe l'Allemagne , & ferend à Bru-
xelles ; l'Empereur le déclara héritier des
Pays-Bas; cen'étoit pas le feul but de
. Charles-Quint , il vouloit le faire recon-
-nojtre Roi des Romains , efpérant que la
préfence de ce jeune Prince , & fon mé-
rite naiffant feroiçm une vive imprefîion
fur l'efprit des Allemands ; il l'avoît vou-
lu expoler à leurs regards; par-tout on
le reçut avec les plui s;rands honneurs ;
■ tous les Souverains d'Italie & d'Allema-
gne furent au-devant de lui; le Pape»
quoique très- brouillé avec lepere,'ear
■^So Hl STO I R B
Voya au fils te Chapeau & l'eftoc bénits ;
Charles dont l'objet principal étoit sAot&
de foumettre le Corps Gercnani^ue , &
d'obtenir pour fon nls la dignité de Roi
des Ronaains , refufa de prendre fous &
proteâton Boulogne, la dernière con-
quête des Anglois pour ne pas rompre
avec la France ; les troupes Èifpagnoles
& Allemandes en viennent aux mains
par jaloufie à Hall , l'Empereur ne les
appaifa pasians peine ; il tua de fa pro-
pre main deux Oiliciers plus mutins que
les autres.
André Doria fc fîgnale encore par une
nouvelle expédition fur les côtes d'Afri-
que , Dra^ut l'évita avec foin ; Dotia
s'empara des Villes de Sufe , de Monaf-
ter & d'autres Places qu'il remit auRoi de
Tunii , Vaflal & tributaire de l'Efpagne.
^ 'I XT**' Le Pape Paul IV. meun , c'étoit un
ennemi de moins pour Charles-Quint ; il
négocioit fecrettement avec Henri I L
Roi de France , pour l'engager ^ por-
ter fes armes en Italie ; fa foiblefle feu-
le l'anpêcha. de venger avec éclat k
I mort de fon iîls , le Duc de Parme i le
Cardinal du Mont, créature del'Emp^
jreur lui fuccéda fous le nom de Jules Ur
d'Es P A GNE.
L'iiarmonie fut rétablie entre le Sacredo-
ce & l'Empire ; l'Empereur publia un
Edît fanglant contre les Protefians de fes
Pays herëdiraires ; il condamnoit aux
mêmes peines que les Hérétiques, ceux
qui les connoilIaDt ne , les dénoncerojent
Ïoitit ; Charles fe rendit enfuite à la
Jiete d'Auftourg où il fit les der-
niers efforts auprb de fon frefç & du
Corps Germanique pour les engager k
élire Philippe Rpi dep Romains ; il pro-
pofa à Ferdinand de ralTdcier à l'Empi-
re , & de renouvetler le tems oh on avoit
vu deuiç Empereurs Romains à la fois &c
avec la même puilTançe. Ferdinand fuc
fourd k cette propoCtion ; (1 étoit nam-r
rçl qu'il proférât fon fîls à fon neveu ; la
raifon apparente de Temprefiement de
rEmpereur éiùt que fpij fils pouvoit
feu! avec l'Efpagne , l'Italie & les Pays-
Bas , dompter les Prpteflans plus affermis
que jamais dans leur doflrine ; il n'ajou'
toit pas que la Dignké impériale le çon-
duirpit plus facilement à la-Monarchie
univerfelie : deflein auquel Charles avoiç
renoncé pour lui-même , atte^d^ fa yieUr
leflè prématurée} & l'épuiTemént |ie fes
£t^t$. he Cprp$ Ge^m3niq^e pénétra lef
382 Histoire
vues de fon Chef. On rejetta la propofi-
rion de Charles -Quint ; lî fon projet
avoit réuffi , quel Empereur auroit eu
l'Allemagne à ta place de MaxîmilJen II.
le plus juûe , le plus modéré & le plus
aimable Prince qu'ait produit la Maifon
d'Autriche!
Quoii^ue l'Empereur obtienne du nou-
veau Pape le retour du Concile de Bou-
logne ï Trente, les ProteftaiK n'en per-
. ilftent pas moins à ne pas le reconnoitre.
L'Eleileur Maurice devenu le chef fecrec
de k ligue qu'il àvoit Ini-même ruinée ,
ofa déchrer en plrine Diète à l'Empereur
qu'il ne reconnoîtroit le Concile qu à con-
dhton que les Minillres Luthériens y au-
roient voix & fuflrage , coràme le Pape &
lesEvêques. QucMoue Chartes-Quint pa-
rût le ntMtre dans rEmpre , tl s'élevoit
fecrettement un puifTant Parti contre lui;
Maurice ne pouvoit lui pardonner l'indi-
gne fupercherie dont il s'étoit fervi pour
arrêter le Landg;rsve fon beau-pere 5 ce-
Im-d étroitement refferré à Anvers , ve-
noit en vain d'effayer de fè fauver. Un Sei-
gneur Allemand , fon proche parent qui
" voulott le lèrvir , avoit été tué par les Ef-
pagnols, &ronL cadavre pendu a la vue du
d'E s P A G N E. 585
Landgrave. Cette rigueur ne fervït qu'à
, aigrir de plus en plus tous les mécontens.
Dragut avoir déjà reconquis toutes
les Places qui avoient été emportées pen- .
dant b campaene précédente ; Doria re-
prit cette année la Ville d'Afrique d'af-
feut , après un ficge fort meurtner.
Le Prince Philippe retourne en Efpa- , r-f j,
«ne avec la douleur d'avoir vu échouer ■* '
! les projets de fon père en fa faveur, Ma-
ximilieo lui remit la Régence de l'Efpa-
gne ; l'Empereur donne un Edit pour
obliger les Proteftans à recevoir les
Î oints déjà décidés dans le Concile de
Vente : les troubles qu'excita cet Edit
firent fentjr à l'Empereur que la force & '
la perfuafion étment également inutiles
, pour les ramener à l'Eglife Romaine.
Jules accordé à Oétavc Farnefe l'invef^
titure du Duché de Parme i mais ce Prin-
ce , gendre de l'Empereur , dans ïa jufle
crainte d'être dépouillé par fon beau-pere,
fe jette çntre les bras de la France ; le Pa-
r: indigné de cette démarche ^ chercha
lui enlever fes Etats ; de. concert avec
rEn)pereur,la Mirandolp & Parme furent
fifliégées ep mème-tems parle Marqub de '
Marignane & par Feraand Gonzague ;
384 HlSTOIBE
Henri II. envoya une armée en Italie , il
fouleya Sojyman contre la Maifon d'Au-
triche , & acceptala qualité de proteâeur
de la Ub^té Germanique queluioJlToieflt
VElefteur de Saxe & le Marquis de Bran-
debourg, chefsdesProreftans. Cette ligue
n'éclata qu'au commencement de l'année
ijiivante ; la terreur des armes Françoi-
fes "force Ip Pape de s'acjcommoder avec
Henri , & de lailfer jouir Farnefe du Du-
ché de Parme 3 Pacha Sinati & Dragut>
avec une flotte de cent cinquante galè-
res ) s'.emparent d'Agoufle en S^ile : de-
Ù ils furent infulter Malthe, pillèrent
l'Me de Goze & s'emparèrent de Tripoli
en Afrique , qui depuis la ceffion de
Malthe avoit appartenu aus Chevaliers
de S. Jean de Jérufalem.
' La Vîlje de Magdebourg mîfe au ban
de l'Empire pour avoir refufé d'accepter
l'Intérim, fut afliégée & prife par ce m£-
mp Maurice qui conjuroic fecrettemçnt
contre l'Empereur ; )1 fit un dernier ef-
fort en faveur de foo beau-pere : le refus
opiniâtre dp Qurles-Quint le détermina
enfin à prendre les armes.
1/72, L'Empereur n'avpit pas lieu de s'y at-
undrej il étoit pour lors à Infpruck;
Maurice
d' E s P A G N B- S'Sj
Maurice > pour le mieux tromper , lui '
promectoïe d'envoyer fes Miniftres au
Concile , tandis qu'avec 400000 écus
que lui avoit fourni le Roi de France , it
aflembloit une armée ; Aufbourg, Fri-
bourg & Claufen furent emportés rapi-
dement par les Confédérés ; le Roi des
Romabs négocia alors avec Maurice j Se
foUicita l'Empereur d'écouter tes prbpo-
fidons d'une patK néceifaire : les deux
frères endormis par les oflres des enne-i
■mis t furent' bien étonnés d^apprendre
qu'ils n'étoient qu'à trois lieues d'Inf-
pruck : il fallut fuir dans un défordre ex-
trême au milieu de la nuit & par un tems
affi'eux i pour comble de diigrace l'Em-
pereur étoit alors fort incommodé de la
.goutte. On croit que Maurice eût pu le
prendre J mais le îbuyenir des. bienfait
ae l'Empereur , les fuites de cette iSsoe-,
la crainte d'arnwr les Catholiques con-
tre les Proteflans , 6c de donner le tems
au Roi de France d'envahir les Provinces
de l'Empire., hrent caufe d'un pareil
ménagenient. Les Protefians-s*en plai^
gnirént à Maiùige qui Iwt répondit : .h
n'avais f as de ^cagi-fiaur tin ttl aîfeatt^
4'Empcteqr fugitif n'étoit pas le feutqiii
Tom m. R
58<î Histoire
e&t pris la fiihe devant le redoutabU
Maurice ; les Pères du Condle de Tren-
te ^ à la première nouvelle de fon appro-
che * s'étoient retiras du côté de l'ItâËe.
On admira la confiance de Jean Frédé-
ric t anden Heâeur de Saxe. Depuis fa
'défaite il CuÎToit par-tout Charles-Quint.
Celui-ci, (^ panant d'Ibfpruck , lai oî-
fni la lUiérte ; mais le Prince Saxc« pré-
féra de fuivre l'Empereur dans l'Etat de
Venife.
CependanT , pour faire diveriîoti en h-
veur'de la Ugue^fc en méme-tetuspour
-profiter des cùcoi^ances , Henri IL s'é-
toit iBÎs à la tête d*une puiflante année ;
déjàilavoit fait la conquête de h Lor-
raine , & par l'adreflè du Connétable de
Montmorency s'ét<»c emparé de Toul »
Metz & Verdun. On pKtend «ue les
diefs de is Ligue lui «voient cédé- ces
trois VUbs Impérial» ; nai« aVM«nt-ib
dicàt d^ A^pfer f Après avoir tencé
inurilemcnt dte furprendre Straibourgi
Henri fe ^rpofbit à palfer le {Uôn , \m-
-<}u'il apprit que fês Alliés venotent de 6-
-gner un traité i Pafiao. ht^ principales
■conditions écoient qu'on accorderoit It
ji^ené d« «onfcH^fë à t^te PAUema-
d'Es P A G NE. 587
S ne j que les Miniflres Proteflans chiSés
e rEmpice , pounoienty rentrer^ que
le Lam^rave de HeÛe-Gaflel feroit
élargi, Secoue Maurice reiutnceroit à foB
alliance avec les François. Albert , Mar-
quis de Brandebourg , re&ifa feiil de fout
crire au traité , & continua de ravager
rAUomagne. On veooit de donner la loi
à l'Empereur ; mais Charles d^nuë d'ar-
gent & detroapes fe croyoit encore trop
heureux de ne pas voir fa Maifbn cbalfèe
de l'Empire. Il ne fongea qu'à fe vengée
de la France. L'armée qui venoit de le
vaincre , jpa0â fous lès étendards. Le Mar-
quis. de Brandebourg fut rois au ban de
l'Empire.; l'aôif Maurice marcha Contre
lut ,& l'atteignit dans les plaines d'UâcT.
XiCS Rdïelles furent entièrement défaits ■',
mais le Vainqueur trouva la mort dans te
feia de k vûAoire, Albert , avec les dé-
bris de fon armée , fe.iàova en France.
La iguerre n'étoit pas moins allumée
-en Hémonc , & Ëir-touten Picardie ok
la Ketoe d'Hongrie trouva le moyen de
pénétrer. Cette Princeffe mît tout à feu
& à fang. Cinq ou fis Villes' avec le châ-
teau de Folembni, mailbn délioieufe des
-Rfûs de France , furent inc»i^é« ; la
Rij
jSS H» s TOIR E
Ville li'Hefdin ayant été prjfe d'affaut »
éprouva toutçs les horreurs de la guerre.
Solyman envoyé Dragut avec cent
cinquante galères attaquer le Royaume
de Naples. Le Roi de France devoit auf-
4î fournir pour cette expëdïtion une flone
-conftd^rabla fous les ordres du Prince
de Salerne^ Un Napolitain adroit- fauva
fit patrie , en déclarant -aux Minîftres
de l'Empereur le projet qu'il avoit pér
néjré. Le Vice-Roi leva des troupes , &
fe tint fur fes gardes. La Sicile n'en fii^
pas moins dëvaflée ; Dragut parut de-
vant Naples. André Doria qui venoit de
^ détarquer des troupes pourla défenfe de
ce Royaume , fut 'vaincu pour la pre-
ipiere fois de fa vie. Cet illuftre Géntùs
eut beaucoup de pe'me à Conduire en
Sardaigne les débris de fa flotte. Rien ne
iembloit capable de réâfter à Dragut , &
au Prioce de Saferaç qui partait alocs
des ports deFranccMérmitle, ceNapo-
:litajn qui ayojc.tout découvert a^x Mi-
piflres de l'Empereur, vint trouver le
Ccrfaii% vainqueur , s'annonça comme
un Envoyé de Henri U. & lui déclara
de.l» pai-t du Monarque François , qu'H
£lUpû jreioettre.àla camjiagne fuivamc
■(i..
d'Espagne. 385)
la conquête de Naples , parce que la
France ayant pour tors une multitude
d'ennemis à combattre, ne pouvoît en-
voyer de flotte. Deux cents mille ducats
que Mermille ajouta , comme venant de
la pan du Roi , détermloerent Dragut à
reprendre la route de Conftantinople. Ce
fut ainfi qu'un transfuj;e Napolitain , en
jouant le rôle d'un Arabaffadeur Fran-
çois , rëuffit à délivrer fa Patrie. Le Prin-
ce deSalerne fuivit Dragut pour lui feire
■confloître qu'on l'avoit trompé , &; pour
le ramener devant Naples ; mais il ne put
le rejoindre qu'à Conftantinople , & -il
n'étoit plus tcms d'exécuter l'entreprife.
La Républwue de Sienne abandonne
la protei^onïe l'Empereur pour pafler
fous cefle des François. Les pertes que
venoit d'effuyer Charles - Quint , don-
nèrent lieu -à un pareil changement. Les
Siennois eurent lieu de s'en repentir dans
la fuite. Leur inconftance attira fur eux
des maux fans nombre , & leur co(\ta en-
fin la liberté. Granvelle commença par
s'aflurer de leur Ville au nom de l'&n-
pereur , & y rétablit D. Diegue de Men-
doze en qualité de Gouverheurj mais ce-
lui'â fut cbaflé avec fa gamifon par les
Ru)
35)0 Hl STO IRB
Citoyens & les François ; Oibitello ,
Porto- Longone Se d'autres places fur la
côte de Tofcane appartenaDte i Sieime ,
relièrent entre les mains des ElpagnolSt
L'Empereur entreprenoit alors d'arr»-
dier k la France Matz/a nouvelle conqaê-
te j il s'avança en Lorraine au mois de Sep-
tembre avec une armée de looooo hom-
mes ; le Duc d'Albe commandoîi fous
lui i le Marquis de Brandebourg fecret-
tement .réconcilié avec Charles-Qmnt ,
refioit toujours en France pour avoir oc-
cation de trahir Henri II. On s'apperçut
de fa perfidie , & le Duc d'Aùmale , Gé-
néral François fut le combanre. Le Mar^
quis vainqueur fe d^mafoua & pa& au
camp de Charles j Metz alfendue pat le
Duc de Guife & par l'élite de la NobleOe
Françoife , ne put être prife en deux mcûs
d'attaque ; l'Empereur fe retira , laiffànt
devant la flace quarante mille hommes
qui furent tués ou emponés par 1« ma-
ladies contagieufes ; Charles - Quiot fit
paroître la confiance & la graudeurd'a-
mi d'un Héros dans cette malheureùfe
expédition : c'eft de toutes les dUgraceî
qu'il éprouva celle à laquelle il fut le plus
' François Xavier, Efpagnol, ireeardé
comme l'Apôtre des Indçs & le Thau-
mat^^e de fon fiécle , mourut cette an*
née le deux Décemlire dans PIfle San-
ciao i la vue de la Chins ; il a depuis
étécanotiifê.
^ La mort imprévue d' Antoine de Mcn-
doze, Vicerpi du Pérou, excita de nou-
^veaux troubles ; les conqué):ans ne fe
'voyant plus contenus par la préfence de
cet Officier , prirent les armas , & ache-
vèrent de s'exterminer les uns & les au-
tres ; il femble que la colère Divine les
pourfuivoit par-tout. La guerre fut ter-
minëe par le Marquis de Canette.
Les dépenfes que l'Empereur étdtiSSS*
obligé de faire pour l'entretien de {es
armées , ayoient épuifè r£fpa|;ne ; dans
l'impoffibilité d'exiger de nouveaux tri-
buts, le Kégent propcfa de vendre au
Erofit de l'Etat les Va&àux du Clergé î
; Pape l'autorifoit à cette vente par une
Bullej mais l'Univerllté de Salamanque
s'y.oppofa avec des raiTons fi fortes que
le Confèil n'ofa pafier outre.
La guerre continue avec fureur en
.Italie , en Picardie &. fut la Méditerra-
née i Qaf de de Tolède at«que les Skn-
Riv
392 Histoire
nois fans fuccès; BrîJTac, avec des for-
ces inférieures , fauva le Piémont deve-
nu l'avanc-mur de la Monarchie Fran-
çoifeî Dragut & le Prince deSalerne at-
taquèrent le Royaume de Naples » fans y
exciter de révoltes, comme ils s'en étoienc
flattés i leurs avantages fe réduiCrent k
piller & à faire des efclaves ; ils tourne-
lent vers Corfedoiit ils firent la conque- .
te prefqu'enâere. -
Le théâtre de laf guerre étoit encore
plus fanghnr en Picardie , l'Empereur
avoit à venger le défaftre de Metz. Té-
rouane & Hefdin repris par les François
furent emportés d'auaut ; la première de
ces jJeux Villes fut tellement détruite,
. qu'on connoit à peine aujourd'hui le lieu
où elle exiftoitî l'Empereur avoit confié
la conduite de fon armée à Emmanuel
Philibert , -Prince de Piémont, fils du
Duc de Savoye déthrôné par les armes
Fr^^nçoifes ; il ne pouvoir dépofer fes in-
térêts & fa vengeance en de plus vail-
lantes mains ; Emmanuel plein de cou-
rage , d'ardeur , de reffentiment & de
génie égala dès fa première campagne tes
phis grands Généraux de fon tems.
Marie, fille d'Henri-VIII. «c de C«-
d'.Es pagne. gfjj
therine d'Arragon, fuccëde à Edouard
VI. Roi d'Angleterre, fon frère. Ma-
rie , Princeffe ardeflte , courageufe , at-
tachée à la Religion de Tes Feres , mais
cruelle & i^^otique , fîgnala fon avè-
nement par des torrens de fang 3 elle
termina le fchifme , Ôc pourfuivit pen-
dant toute fa vie avec le fer & le feu
tous les Proteftans de fes Etats ; le Car-
dinal Folus , Prince du Sang d'Angle-
terre , le plus habile , comme le plus hon-
nête homme de fon pays, fut arrêté dans
les Pays-Bas lorfqu'il vouloir paffer à
Londres. L'Empereur icraignoit qu'il ne
traversât le mariage de fon fils qu'il né-
gocioit avec la Reine Andoife , & qu'il
n'épousât lui - même la Reine Marie ,
comme le fouhaitoient l'Angleterre) là
France & prefqae toute l'Europe. Le
Cardinal liit relâché , dès que le mariage
de Philippe eut été arrêté. Il n'y eut point
de précautions que les Anglois ne prif-
fent contre le Prince Efpagnol ; on ne
lui accorda aucune autorité , & on fe
contenta de lui donner Je vatn titre de
Roi d'Angleterre , tandis que là Reine
avoit feule le droit de dilpofer du Gou-
veraemem, de nommer aux emplois^
Rv
3J»4 HisTO I» E,
d'entretenir des alliances même avec les
ennemis de la Maifon d'Autriche ; (6û
époux ne pouvoit là faire fûrûr d'An^
gieterre , il lui affignoît d^rofles pen-
HOQs i enfin , Philippe cormntoit à dé^
pouiller fon fils Dom Carlos pour eo-
rictûr les en^s qui dévoient naître de
ce mariage. Il convint qu'ils panage-
roient enfemble les Pays-Bas & la "Frath
cfae-Comté ; l'Empereur & fon fils eaC-
(ent accep^ des conditions encore j^us
dures , dans l'efp^rance que le tems &
les circonftances fourniroient les moyens
de ks éluder. Il éroit^de ta gloire ^ de
llntér&c de l'Empereur de voir deos
Couronnes de plus dans fa MaiTon :
l'Empereur difpofa du Royaume de
Naples en faveur de Philippe , à l'exem-
ple de Jean II. Roi d'Arragon qui avoit
cédé le Royaume de Sicile Ifon fils lors-
qu'il époulà lOtbelle ; mais Charles &
préparoki bien d'autres facrifices. Flù-
lippe remît la Régence d'Ëipagne ît fa
fœ»r Jeanne , veuve depuis peu du Pria-
ce de Pottugal , & arriva en An^eterre
£ii*i de la prïocipale Noble^ Espa-
gnole.
he Cardioal F«èin négocioû la paix
d'Est A.GN e, jpj
inutiletaent avec la France. Il y eut de&
conférences tenues près de Calais. Cha^
les répétok le Duché de Bourgogne &
les Villes Impériales de Metz , de Toul
& de Verdun, la reOiïutiçD de la Sa-
voye & du Kémont. Le Roi de France
fier de fes fuccès ne vouloit d'accom-
modement qu'à condition que la Na-
varre feroit rendue à Henri d'Albret,
Flaifance au Duc de Parme , 6c U liberté
à ia République de Sienne-
Henti II. rend aux Pays-Bas les rava- lSSi<
ges que la Picardie avou éprouvés la
campagne précédente ;Marienbourg bâ-
tie par la Reine d'Hongrie , fut emportée
avec une infinité d'autres Places ; le vain-
queur changea )ufqu*au nom de cette
Ville, qu'il ap^KÏla Henribourg ; mais
ce changement â'a pas. fait fortune :
IXnan fut pria d'affaur , le château de
U Reine d^Hoqgrie fut rafé & brôlé
en repréfailles de l'incendie de Folem-
brai : l'Empereur i»e put s'oppofer i
ce torrent que vers U fin de la campa-
gne. Il faitoit bâtir Cb^leville de fon
nom, & PbilippevUle de celui de fon fils
pour arrêter les Ftmqçâe : de-U il s'a-
Vfinja enfifl yerï Itiâ vaia^iuurs , dans it
"R vj
^$6 Histoire
defllèin de ^ire lever le Tiége de Reim.
On en vînt aux mains fous les murs de
cette Place le treize Août , les- François
eurent l'avantage ; Henri II, chercha k
combattre l'Empereur de perfbnne i
perfonne j accable d'infirmités , & poii-
vantipeine fefoutenir, Charles l'évita;
cependant il fit lever le fiége de cette
Ville aux vainqueurs , & les força de re-
tourner en FrancCi
Fernand Gonzague , Gouverneur dti
Milanez > grand Capitaine , mais dur ,
avare & fier , ell àépoSéàé de fon Gou^
yernement-& appelle en Flandres ; cette
abfence ne contribua pas peu aux pro-
grès de l'armée Françoife qui , fous les
■ordres du Comte de Briffac prit Ivrée ,
6c fit d'autres cofiquétes ; mais tes armes
de l'Empereur triomphoient en To/ca-
ne ; Pierre Strozzi chaffé de Florence fa
patrie par les Médicis , & ^éfa^ en
France , étoït à la tête de l'armée d'Hen-
ri II. & des Siennois ; mais le courage t
les taters & les forces de Strozzi devin-
rent inutiles contre la fortune du Mar-
quis de Marignan qui le défit entière-
ment dans les plaines de Marcian : la
vengeance que refpiroic Strûzzi contre
d'Espagne. 3517
les Médicis qui l'avoient profcrit avec
toute fa famille , précipita fes mefures ,
6c lui fit commettre bien des fautes.
La Reine Jeanne meurt à TordefiUas
le douze Avril après environ cinquante
ans de viduité &c de folie. On dit qu'elle li'/Ji
recouvra la raifon quelques jours avant
que de mourir ;Sienne, après avoir déten-
du fa liberté comme l'ancienneRome eût
pu faire , fe foumet enfin : cette Ville fut
moins vaincue par les armes que par la
famine ; fes Citoyens jaloux à l'excès de
la liberté, fe difperferent en différens en-
droits du reffort de Sienne où ils établi-
rent une ombre de République ; Co-
rne de Médicis prodigua fes tréfors &
fes travaux pour le luccès d'une guer-
re dont il s'attendoit à recueillir tout le
fruit.
Le Cardinal Carafic , Fondateur des
Thëatins dans le tems qu'il étoit Evêque
de Théate dans le Royaume de Naples ,
eft élu Pape fous le nom de Paul IV. C'é-
toit le plus implacable ennemi de Char-
les-Quint ; il ne pouvoit lui pardonner la
perte de la libené de l'Italie , & les pro-
grès du Luthéranifme qu'on attribuoit
au fameux Inurim-: fea pr^déceifeuTS
Histoire
avoient prefque tous faits des Souverains
de leurs neveux ; CarafFê auflî ambitieux
projettoit de réunir le Royaume de Na-
ples fa Patrie au S. Siège pour le donner
enfuite à fa famille. Le Marquis de Mari-
fnan, achevé la conquête de TEtat de
ienne , fécondé par Dona qui vint fur
les côtes de Tofcane avec fa flotte.
Briflac furprend Cafal ; l'Empereur
envoyé le Duc d' Albe en Italie pour faire
téie aux Carafiès & aux François ; il ne
pouvoit faire un plus digne cboix , mais
le fier Duc refufa d'y aller avec la fimple"
qualité de Vice-Koi , il fallut lui- donner
celle de Vicaire général de tous les do-
maines de la Msiibn d'Autriche en Ita-
lie, & lui accorder prefque l'autorité
d'un Souverain. Ruy Gomez de Sylva *
Prince d'Ebolij MiniAie & favori du Roi
d'Angleterre , jaloux & rival du Duc
d'Albe, lui fit tout accotder pour l'éloi-
gner promptement : un nouveau congrès
entre Ardres & Calais devient inutile par
l'opiniâtreté de l'Empereur à garder U
Navarre , & par l'entétenient de Hen-
ri II. à ne poiQt ie de0aifir du Piémont.
Après Avoir fait lever I< fiége d'Ul-
piftti k Briffae > Ç: laiflé le Gouverne-
d' E s P A G N E. 355)
ment du Milanez au Cardinal Madrucci;
le Duc d'Albe fe rend à Naples , menacé
par les Turcs , & aghé en même- tems par
Us intrigues fecrettes des Carafïès ; fa pré-
fenceralTura le Royaume: Vitellifauva en
raêmc-tems la Tofcane , en remportant
une viâoire fur les Turcs débarques près
de Porto-Longone ; leur flotte regagna.
ConQantinople fans avoir rien fait j ta
guerre fe ralentit en Picardie" : l'Empe-
reur ne fongeoit plus qu'à exécuter le
projet d'abdication qu'il méditoit depuis
long-tems ; il avoit fait leï derniers ef-
forts pour laifler h fon fils la paix &
l'Empire j mais Henri II* & le Koi des
Roraa'ms s'ëtoîent toujours montrés
fourds à fes inftances ; la mort de la Rei-
ne fa mère à laquelle il fut très fenfible ,
jointe à fes infirmités qui augmentoiefit
chaque jour > lui firent jK^cipiter fa réfo-
lution ; le Roi d'Angleterre appelle à
Bruxelles , reçut de for père les confeils
les plus fages , les carènes les plus tou-
chantes , 8c enfin le plus magnifique pré-
fent qui ah jamais été feit ; d'abord il
commença par lui donner Tinvelliture du
Milanez ; enfuit* il fe défit en fa faveur
<t< la dignité de. Grand-Maître de la Toi-
400 Hl STOIBB
Ion d'Or; il abdiqua la Souveraineté des.
Pays-Bas & de la Franche-Comté. L'Eu-
rope fut étonnée d'un facrifice auquel
ellen'avoit pas lieu de s^attendre , Char-
les n'en avoit h\t la confidence qu'à ies
deux Tœurs , £léonore , Reine Douairiè-
re de France , & Marie , Reine d'Hon-
grie ; mais il y avoit du tems qu'il rouloît
ce projet dans fa tête. On avoit obfervé
qu en parcourant l'Efpaene en mil cinq
cent quarante -deux, il s'étoit arrête
dans un endroit folitaire & délicieux
a quelques lieues de Plazentia en Eftra-
madoure furies frontières du Portugal j
que ne pouvant s'arracher aux beautés
que la Nature lui ofiroit , il rêva quel-
?ue tems , & ne pur s'empêcher de laifier
chapper ces mots : Que cette retraite con-
vienaroit hU» à un Diod'etien !
Henri d'Albret , Roi titulaire de Na-
varre, meurtjfes Etats & fes prétentions
palTent à Antoine de Bourbon fon gen-
dre , père d'Henri IV.
L'importante Ville de Bug^e, conquife
par le célèbre Pierre Navarre en mil cinq
cent dix , eft perdue par la lâcheté deD.
Alfonfe de Peralta qui la rendit après
vingt-deux j^qurs d'attaquç ; il paya de
d'E s P A GNE, 4OÏ
là tête ion défaut de courage.
Le Pape ne pouvant plus contenir fa
baine contre l'Efpagne , ta fait éclater au
fujet de deux galères Françoîfes enlevées
daps le Fort de Civka - Vecchia par les
intrigues du Cardinal de Santafîore , Mi-
niftcft de l'Empereur à Rome. Santafîore
fut arrêté : les Colonnes , partilàns de
l'Efpagne, efluyerent la plus violente per^
fécution ; ils furent dépouillés du Duché
de Falliano ; il &llut rendre les galères
fiour obtenir la liberté du Cardinal ; f^^
a modération de l'Empereur ne rappetla
point le Pontife aux fentimens de Père
commun, il le jetta entre les bras de U
France pour, pouvoir faire à la Maifon
d'Autriche tout le mal qu'il lui fouhai-
toit ; fa haine en vint au point de faire le
procès à l'Empereur & au Roi d'Angle-
terre (on fils comme proteéleurs des Co-
lonnes , 6c comme rebelles. Charles re-
jeita avec horreur le confeil qu'on lui
donna de faire arrêter & dépofer ce fou-
gueux Pontife ; l'Empereur ne refpiroie
que la paix ■ les avantages de fon fils , &
la félicité de l'Europe.
Au milieu de la plus augufle aflemblée
4oft Histoire
de l'Univers («) , Charfes-Quint achevé
fon facrifice le 6 Janvier à Bruxelles : il
abdique la Monarchie d'Efpagne en &-
veur de fon 61s. Quand il rendit compte
dans un difcours éloquent , de fes voya-
ges, de Tes travaux , de fesvi^oires & de
fes difgraces , il fut fans ccfie interrompu
far les pleurs & les fanglots de l'affem-
lét'f mais ils recoin tpcncerent avec plus
de force , quand prenant entre fes bras le
Roi fon fils > il l'embrafla Se le plaça lui-
même fur fon thrône. Alors ne pouvant
plus foutemr les marques finceres de
douleur & de téndrefle qu'on lui prodi-
«uoit, il quitta l'aflemblee en adreflànt à
fon iîls ces paroles remarqviables : Feu$
nt pouvez me pi*}^ de mon amour qiitH
rtndant heureux les Peuples que je veut
confie 1 pHijJiex^vous voir un jour vat en-
fans en âge ^ d'un mérite ^nivoui engage
à faire pour eux et tjue je fais aujourd'hiU
four vous. Sur le champ Fhiiippe ivx re-
(d) Elle iwt eompcifée de MtximilitD , Roi de Bo-
lièmc, dcliRpine roD jpourc, duRcinu DouuricMt
de Fnocc & d'Hcngiic, du Duc dcSivoye, du Doc
de Btunfwick , du Prince d'Oricgc , cDlîn de VUttt
èei Grandi d'ETpigne , d'Italie , dci Pays-Bai , d*
l'AUemagDC , dei AmbaâïdCDri ùt loiu les S««vca
tiîni de lïuiope.
D* Ë s P A G N E. 403
connu Roi d'Ëfpagne. Charles ne figna
3ue te Teize Jaavier ï'aâe d'abdication ;
^toit venu à bout d'obtenir le fix mô-
me de Janvier , an défaut de la paix , une
trêve de cinq ans avec la France.
A ne juger de la grandeur des Rois
que par l'éclat de leurs aidions plut&l
que par le bien qu'ils ont fait à riiuma-
nité , Charles-Quint doit être regarde
comme le plus grand Prince de fon tlé-
cle. Son aÀîvité infatigable , fon appli-
cation aux adirés , la profondeur de fa
politique , la vafte étendue de fon gé-
nie , fon ambition & les fuccès le ren-
dent en quelque forte comparable à Ju-
Jes-Céfar.' Tous deux formèrent le ma-
fnijïque projet d'aifervir l'Univers. Tous '
eux calmèrent avec la même audace
les féditions de leurs foldats. Tous deux
Te {îgnalerent par d'éclatantes victoires,
& remplirent le monde entier de fang
& de carnage. L'un 6c l'autre excella
dans le grand art de pénétrer le cceur hu-
main , & d'en mouvoir à fon gré les ren-
forts. Leurs habilité fut égal à convertir
en émulation & en zélé pour leurs fervi-
ces, l'antipathie des differens peuples
qu'ils eurent à gouverner. Tous deux en- •
4^4 Histoire
fin terminèrent leurs carrière an même
tge.- Les talen£ militaires Se les exploits
^erriers du Monarque Efpagnol difia-
roiflent devant ceux du Général Ko-
main. Charles ne Tçutjias profiter avec
la même rapidité de les vifloires ; mais
l'amour ne lui fit jamais commettre les
mêmes âutes qu'on reproche à Céfar »
ni perdre un moment confacré au travail.
Il rougiflbit de fes ïbiblefles, & prenojt
autant de foin de les cacher , que le Ro-
main à faire éclater les fiennes. Céfar
étoit fupérieur à Charles par l'étendue
des connoifTances , par la proteéHon qu'il
accorda aux arts & aux lettres , par les
reflburces du génie & par la bienfaifance.
Son ambition une kàs latisfaïte suroît eu *
à ce qu'il femble , pour objet la félicité
publique , au lieu que le Prince Autri-
chien ne fongea guère à dédommager
l'Europe des maux qu'elle eut à fournir
par fon ambition. On cfl pénétré de voir
que la grande amç de ce Prince n*ait pas
fait plus de bien à fes Etats pendant le
cours d'un long règne ; pour achever le
portrait de Charles : j'ajouterai qu'il fut
quelquefois infidèle à fes promcfles , ou -
qu'il l«s éluda par des artifices puérils.
D* E s P A G N E. 40^
Sévère & indulgent , grave & careflànt ,
modéré Se équitable , ouven & dîflima-
lé , libéral & tsconome ; fes vertus n'é-
galèrent pas fes talens , mais fes défauts
fqrenttousrelaûfeàfonajnbition, excep-
té la colère qui le tranfporta plus d'une
fois au- de-là des bornes qu'un hommcj
& fur-tout un Roi doit fe prefcrire.
On admira beaucoup fon abdication
volontaire , & le pani qu'a prit d'aller fi-
nir fes jours dans une retraite obfcure ;
fes ennemis publièrent que l'envie de dé-
rober aux iniultei des Peuples qu'il n'a-
voit pu dompter, une vieilleue. flétrie
par le malheur > fut le feul motif qui le
détermina au plus grand de tous les fa-
firifîççs.
fin dn mi^me f^çlientt
n» ^- — "
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