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Full text of "Abrégé chronologique de l'histoire d'Espagne: depius sa foundation jusqu'au ..."

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ABREGE 

CHRONOLOGI QU E 
D E 

L'HISTOIRE 

D'ESPAGN E, 

Defuis fit Fondation jttfqn'au friftm Règne ; 
Par M. DÉSORMEAUX, 



TOME III. 



A PARIS, 

Qitr N. B.DucHESwî, Libraire, ruëS Jactines; 

au-delTous de la Fontaine S. Benoit , • 

au Temple du Goâc 



M Dec L V I I I. 



CHRONOLOGIE 
DES ROIS, 

Contenus dans ce Volume. 



FERDINAND V. 

XI.I.R(n>dadierde Ta femme liâbellctiimom- 
«mes l'un & l'autre les Rois Catholique! ; Ht 
parriennent à k Couronne de Cafliîle le it 
Décembre i474> Ferdinand cunt âgé de ta 
ans 1 & Ifabelie de 14 ; FenHaand devint 
Roi d'Arragon eo 147^ j Roi de Grenade 
«n 1491 , Roi de Navarre en i^t ' d 
deux Prince* portèrent le nom de Rois des 
Efpagnes qui furent entièrement foumitêi i 
leur empire 1 excepté le Portugal', ils régnè- 
rent conjointement en Callille jiifiiu'en 1504 
que la Reine Kabelle mourut à l'âge de f 4 atii 
après loans de Regne:Ferdinand fê vit alors 
<A>Iigc de Te dépouiller de la qualité de Roi âe 
Caflilie pour la cédera (k fille Jea fine taFotlei 
& i (on gendre l'Archiduc Philippe d'Autri- 
che ; Ferdinand vécut Roi d'Arragon & dei 
ProTÎnces qui en dépendoîent ju(qu'en r<itf 
qu'il mourut à l'âge de 6% ans après 41 de Rè- 
gne, fans bïflêr d'enFans de fa féconde femme 
Germaine de Fois. Ferdinand 8c Kâbelle font 
esterrés dans la Métropolitaine de Grenade. 

Feuhes. Ifabelte de Caftille. , 

Germaine de Foix. 

Aij 



Chbonolôgi e 



Enfjlks. D'irabeUe de Caliine; 
Jean mou i 19 ans fans laiflet d'enfant de Mar- 
guerite d'Autridie fon époufe, fille dé l'Em- 
pereur Maximilien- 
Dona Ifabelici mariée 1°. il Alforric Prince de 
Portugal , fils aîné de Jean II. i". à ^manuel 
Roi de Portugal dont elle eut un filj appelle 
Michel qu'une mort précipitée empccba d£ 
parvenir à toutes les Couronnes d'Efpagne. 
Dona Jeanne fuinommée la Folle , qui porta la 

Monarchie dans la Maifon d'Autriche. 
Gona Marie flecondefèiHcied'Eni.inantie], Roi 

de Portugal. 
Dona Catherine , époufe fiiceefll veinent d'Artjis * 
Bfince de Galles, & de fon frère Henri VIII, 
Roi d'Angleterre gui la répudia pour placer 
fur le Thrône Anne de Eoukn. 
De Germaine de Foi?, 
Un Sk mort avant lui, 

Pe différentes Maitrejfet, . 
Un Hï i Archevêque de Sarragoïlè. 
ÏJne iille mariée au Connétable de Caflille Vc^ 
lafcoj & ^'autret enfans moins co/tnus. 



Roig de la Maifon d'Autriche. 
PHILIPPE I, 
^LII. R^# fïiFnonimé le Beau > du chef de fâ 
femme Jeanne la Folle > proclamé à Burgos en 
^504, mort dans la mfme Ville le !<; Sepr 
ptfaiaK I J06 ap/ès avoir vécu »8 ans i 8t rc|iuf 



DES Rois e'Éspagne.- f. 

deux ans en Caftille , tnànt aa Monaltertf 
it MiUaflores de Burgos, Jeanne Ion ^pouTtf 
devenue folle de regret de l'avoir perijv, fût 
éloignée du Gouvernemem >' quoique recon- 
nue Reine : On confia l'adoiiniAracioti i fou 
père Ferdinand qui par fâ mort laiflg toutes 
tes Couronnes de Ja' Monarchie i (on peiît-fil^ 
Charles I. 

Femme. Jeanne la Folle. 

Enmhs, Charle* I. en Erpagneft V. dans rEnf 

Ferdinand, né en i^oj Roi de Bohême, d'Hon* 
grie.Archiduc d'Autriche &EjBpere«ï aprc» 
l'abdication de Charles V,- en 1 5 j fi, ' 

Dooa Êlconbre , époufe de Jean II. Roi de Por- 
tngaljSc de Françoiïl. Roi de France. 

Dona Ifabelle , femme de Chriftieme II- Roi de 
Dannetnarck , lïirnommé le Néron do Nbrdl- 

Dona Marie , épouft cfe tadiflas. Roi d'Hongrie. 

Dona Catherine,néepolU]umeépouIè de Jean Illr 
Rai de Portugal. 



CHARLES I. 
XLin. Roi en Efpagne & Charles V dans l'Empi- 
re»Roiconjointementayec Jeanne (à mère, né 
le 14 Février jour de S. Manhiai, proclamé 
Roi le tj Avril iïiSàMadrid,élûEmperein-à 
Francfort le i8 Juin ifis ;abdique en fàvevr' 
defon fils Philippe à Bcuxclles le 10 Janvier 
iîï5, après avoir régné 40 ans moins que!- 

SE*inoJs, taon dans là retraite de S^,Ju[{cft 
iiamadfftue le > 1 Septembre i^ <8 , âgéde 
Aiii " 



Chbomologie 



^S ans « mois &t7 jours, entené à l'Efcnrial. 
Femme. irabellcâJicd'Emmanael, Roi de Por> 

lugal. 
Enfans. Philippe qui luifucc^da. 
Dofia Catherine t femme de Jean» Prince de 

Portugal. 
Dona Marie, femme de l'Emper. Maximîlien II. 
Ferdinand. 
Jean , fie un autre fils , morts au berceau. 

Enfant naturels. 
D. Juan d'Autriche , Gouverneui' des Pays-Bas ï 
' quelques Auteurs ont prétendu que Mnrie » 

Reine d'Hongrie , fut mère de ce Prince. 
Dona Marguente, épouft de Laurent de JAé~ 
' dicis, Duc de ToTcane, & enfui te d'Oâa via 

Famefë , Duc de Parjne. 



PHILIPPE U. 
XLIV. Roi ,né le ir Mai à Valladolid en i|»7, 
reconnu Prince d'Efpagne i Madrid le ip 
Avril Mi8 , Roi de Marin te de Sicile par 
l'abdication de Charles ion père le if Juillet 
1ÏÎ4, Roid'AngleterrelemÈme jour par foti 
mariage avec laReine Marie , Roi des Efpa- 

S;s &des Indes, par l'abdication <!u même 
arles V. le lo Janvier i^^é. Roi de Por- 
tugal par conquête en i;8o,mortà l'Efcurial 
le I j Septembre i ;<)8 après 41 ans S mois fie 
. 1 3 jours de règne ; il vccut 71 ans , j mois Se 

lï jours, enterra M'Efcurial. 
Çemmes. Marie , Infante de Portugal , lîlle du 
Roi Ëmmaciiel le Grand, moite ea i54T> 



DES Rois d'Espagne. 7 

Marie, Reine d'Angleterre* fille d'Henri VUI* 

moneeo 15 {S. 
I&belle , lille d'Henri II. Roi de France 1 morte 

en i(iî8. 
Anne , fille de l'Empereur Maunûlien II. morte 

en t^So, 
EvTtiiS. De Marie de Portugal; 
D. Carlos né le & Janvier 15451 reconnu Prmc9 
d'ETpagneàToledeen 1560^ mort le 14 Juil' 
leti568. 
D'ICibelle de France ; 

Dcoa Elifabeih- Claire- Eugénie t Me en i^Sé, 
. aiariéeeni5)âàrArcllWuc Albend'AXitnche ■ 
i qni elle apporta en dot Ici .Fayï-fias b H 
Franche- Comté , morte àEruxciUs le i. Dé- 
cembre 1^3; à l'âge de £7 ans ; Sa mort arri- 
'. rée lâni cnfans , les Pays-Bas & la Fraixli^ 

Comté retournèrent à l'ErKtgne. 
Dmib Catherine , femme de CharletEimnarîieli 

Dac de Sevove. 
D'Anne d'Autriche ; 
D. Ferdinand mort jeune. 
D.Carlos, mort jeune. 

p. Philippe-, qui lui Âiccéda; — 

Deux filles mortes jeur^B» 

Quoique PhiHppe II. ait eu plulîenn maiiref^ 
Jêc,onBe lui eonnoit point d'ntfani lîaturêU. '- 



PHILIPPE 1 I I. 
XLV.Roi, né àMadrid le 14 Avril I5?5,'nir 
connu Princ« d'E^agne i Madrid le 11 Ho- 
TCi&bic 1584» Roi par la mort ^ ron,ilere 
A îv 



Chronologie 



te rj Septembre i5p8,monIe ji Marsiâii, 
enterré a l'Efcurial ; il régna it ans, 6 mcis 
& i7Jours; iWécat 4î a"! moins 17 jourj. ■ 

Femmes, Marguerite d'Autriche , filie de l'Ar- 
chliluc CKailes , Duc de Styrie > moite te y 
Oaobre i6ir., 

EHrAHS. D. Philippe, qui ItM-lûccéda-É 

D. Cailots, Amiral des Elpagnei, mort Tani al- 
liance en 1^3». 

t>. Ferdinand , Cardinal , Archevêque ic Toler 
de > Gouverneur des Pays-Bas. 

Un fils mort jeune. 

Dona Anne, époufe de Louis Xni. Roi de France^ 

Coiia Marie- Atine > époiife de l'Empereu Fer- 

■ dinandlll. 



■ROIS DE PORTUGAL, 

A L F O N s E V. 
XII, Roi, règne i438-> meurt «i'i4Si,a[«i» 
4$ ans de règne. 

J E A N I I. 

XJU. Roi 3 fils du précédent,regne en 1 4Siimnirt 
en i4^f après un règne de 14 ans. 

E MM A N UE L I. 

3HV.Roi,fûmomm^ le Grand, connuavant que 

de parvenir au Thrône fous 16 nom de Duc de 

^e^^regtieen.i49fîmearten iiitaprèsut^ 



DES Roi s d'Espagne. , f 

TCgne de 16 ans ; foui loi les Fomigais & lî- 
gnaierent par des exploits immoneU en Afri- 
que 8e àatii les Indes : ce font les beaux jonre 
du Portugal que la pitmiece moidf de et 
ficelé- ci. 

JE A N II r. 

XV. Roi, filsduprécédetit, monte fu^ le ThrAna 
enijii) meurt en i;s7^pTcs}âaiisiie règne; 
le Portugal pendant fon règne fut au (C nché 
&-auflI SorilTani ç|ue fous le règne de Ton père. 

S:EB ASTIE N I. 
XVI. Roi, petit- fib du précédent) re^ne en if f 7f 
eâ tué à la bataille d'AlcazaijuiviTen Afnque 
le 3 Aoâii!78 aprèiun règne de tians : le 
Cardinal Henri fon oncle lui fuccéda comme 
fcHi plus proche parent. 

H E N R I ;. 

XVn. Roi, CanJitial Prfitre, lîls d'Emmanuel I. 
fuccédè à fon petit-neveu Sebafli en I.eni^rS, 
raeunen 1580 aptes l'ans de règne: Philippe 
n. enleva alors la Monarchie de' Portugal 1 
la Maifon de Bragance qui en'étoit la légitime 
héritière : la Maîlon de Bragance eft une bran- 
die de U MaifoD Royale de Bourgogne.. 



At 



Chronologie 



Rois de Portugal de la Maifon 

■ d'Autriche. 

PHILIPPE!. 

XVni. R<H , enPomignl , IL en Elpagne , Rof 

en 1580* meurt en 1^9% après un règne àe 

18 ant en Portugal. 

PHILIPPE II. 

XIX. Roi, en PortugaI;III.enEfpagne, règne 

en i5$8, meurt aprçiavoiitrgiKxj ans. 




ABRÉGÉ' 

CHRONOLOGIQUE 
DE 

L HISTOIRE 



FERDINAND V. ET ISABEf-JLÉ 

DJTS tES CATHOLiqU^S*- i 



O u S voici arrïv(îs au fiécle le '474* 
plus floriHânt de la Monarchie 
EfpagnoIe,tpus les Thrônes de 
la Feninfule réianis fur une in5- 



me tête ; ta Sicile , la Sardaigne , Naples , 
le MiUnez , les 17 provinces des Pays- 
Bas, la Franche- Comté , l'Autriche & 
les dépendances , l'Empire d'Allemagne^, 
les côtes d'Afrique , des. pays iminenfc* 
A V) 



HrSTO 1 RE 



!■ 'dans-les Indes OrietKales, un nouveai^ 
; Monde enfin forment cet Empire le plu^ 
j Vâftè qui ait jamais été : le refte de l'U- . 
nivers menace long-tems des fers des Ef- 
pagnols , Toit avec un étonnement mêlé 
de tà^eùi'cet accroiflinient prodJgie.ux ^ 
mais le fouverain Arbitre des £in[)ires 
aveit -fixé ks bornes & la gloire de ceftjî- 
d; lôn éclat & fa pui0ance ne durèrent 
qu'un flécle, en commençant depuis la 
conquête de Grenade en 14^2 jufqti'à la 
mortde Philippe IL en I y <j8. 

Les fciences , les arts Se les loix culti* 
vés avec fuccès', la forma.du.Gouverne- 
lœnt la plus belle,, les négociations les 
plus heureufes , une politique fupérieure , 
ftceÛedes autres peuples, une roule de 
grande Capitaines:, d'habiles Minières,, 
de Ma^ftrats éclairés ont rendu les EÇ 
pagnols de ce. fiécle auffi fameux que 
leurs découvertes , leurs vifloires & leurs 
conquêtes. Les principaux iaftrumenï 
dont Dieu fe fervit pour la gloire des EA 
pagnols , & la fondation de leur vaftè 
Monarchie , font Ferdinand & Ifebelle 
dont il &'3gU de. raconter les principales, 
aflions. 
I<a MooarcEie eft comme partagée entre 



D* E s P AGNl. IJ 

la fœur 6c la fîlle du dernier-Rù ; chacu- 
ne de ces Princeffes coip4ite dans fon par- 
ti des Provinces , des Grands & de puif- 
ÊnsAlliés. Jeanne qui eft entre tesmaîns- 
du Marauis de Viliena aufll ambitieux , 
DQ&î vàa.e , Se prefqii'au^i habile que fon 
îciCjëtoit reconiHie- à Madrid > a Bue- 
nos, à Léon , à Cordoiie. dans prefque 
toute L'Andaioufie & la Galice- Elle poUi- 
vûit compter au nombre de fes- Alliés 
lePortueal& la France ;siais Viliena, le 
cfaefdefon parti, étoit toujours prêt àlafa- 
crifierà fes intérêts ; Ifabelle reconnue de 
Ispiûpart des Seigneurs &.du refle de la 
Mwiarchie, fefMtproelHmer àSégovJele 
13 Décembre par quelques gentilshonk- 
iMs & par les bourgeois de la ville : au- 
cun grand ne le trouva à cette cérémo- 
lâe, non. plus que Ferdmand fon époux 
qui avohr affemblé les états d'Arragoa 
pour trouver les moyens de fauverPer- 
^gnan prelïé vigoureufement par les 
rrançois; André Cabrera lui livre les 
tréfors de la Couronne renfermés dans 
l'Alcazar deSegovie ; ce^ (èrvice. le plus 
eflêmiel. qu'on pût loi lendre , & peut- 
.Ètre le feul qui lui affurât le Thrône , fut 
^ompenïié par les .difiiDâions & les 



14 HiSTOIR E 

f races les plus âatteufes. (a) Villena , 
e fon côté , hk proclameF Jeanne à E£- 
calona. 
MIS' ^ fermentadon gëoérale aDgmente 
dans toutes les provinces , les principaux 
partifans des deux Keines s'eâbrccnf 
d'attirei dans tear parti les Villes & la 
Nobleffe ; Ferdinand accourt des Etats 
de Sarragofié au fecours de fon époufe ; 
il commet pour y pré£der en fa place , 
l'Infante Jeanne fa ibeur; il étoït inouï 
qu'une femme eût tenu les Etats de ce 
Royaume ; Ferdinand paroît en Caftib- 
ie , précédé de l'étendard Royal ; il re- 
fufe Ift fervices de D. Louis de ta Cerda , 
Comte de Medina-Celi qui ne les lui of- 
fre qu'à condition que ce Frincç l'aide- 
ra i conquérir le Royaume de Navarre 
ou'il prétendoit appartenir à fa femme , 
hlle naturelle du Pnnce de Vîane ; la Rei>- 
ne Ifabelle ^it refter fon époux i Turge>- 
vano , Cous prétexte de faire des prépara- 
tifs pour fa réception , mais en efièt pour 
avoir le tems de régler avec les Grands 

(d)La Reine lui fie pijfcntdc U coafti'ot iitaU- 

ÏuclLe die but le jourde tiprocUmadon ,AdonD)<un 
lécret pir lequel fca rucceflEuD feroient obligéi de 
donnci i ceux de Cabrera là coupe d'or Aaat lac[udlc il» 
boiisicflt cba^uc tnaét le 13 Pfccmbie. 



d'E$P A ONE. 



àe Caftille quelle part on lui accorderoit 
dans le Gouvernemeat : Ferdinand cotre 
enfin à Ségovie le 2 Janvier , mais il n'eft 
reconnu Roi qu'en qualité d'époux de la 
ReÎDe>II naît une.contefiatioD très-vive 
entre ce Prince & cène Priacefle & entre 
les Seigneurs CaAiUatis & les Arrago- 
nois , pour fçavoir à qui appartenoit eo 
propre iafucccffion du Royaume. Ferdi- 
nand la réclamoit en qualité de premier 
Prince du fang de Canille , attendu que 
le Roi d' Arragon Ibriipere lui avoït tram- 
mis fes droits ; mais Ifabelle foutenoit 
avec raifon b fuccellLon dire^e des en- 
has aux pères , & prouvoit qu'elle 
étoit la cinquième femme dans les Royau- 
mes de Canille , & de Léon qui fût mon- 
tée furie Thrône par droit d'héritage :les 
efprits s'ai^ffent , on convient que la 
Couronne appartient à Ifabeile cb pro- 
pre , fuivant les Loix 8c la Coutume ; 
mais Ferdinand n'en demande pas moins 
que te Gouvernement foit remis entre fes 
mains , comme époux devenu Roi ; le» 
Grands qui veulent linûter fon autorité , 
s'oppofent de concert avec la Reine 
aux prétennons de Ferdtnatid : enfin , 
^ris bien des débats on s'en rapporte k 



26 Histoire- 

l'arbitrage du Cardinal de Mendcoë & 
de l'Archevêque de Tolède qui décident 
que dans les Ââes publics Se les Mon-^ 
noyés on mettra les'deux noms conjoin-* 
tement, celui du Roiavant celui de la 
Reine., que les Armes de CaAille & de 
Léon auront la drmie fur celles d'Arra-p 
gon , que les Gouverneurs des Provinces 
& des Villes, les-Miniftres&lesTréfo»^ 
liers prêteraient ferment i la Reine., & 
qu'elle nommeroit aux Evêchés & aux- 
Bénéfices , & qu'enfin le Roi Se la Reine 
i%ndroisntk'juuice enfemble, quand ils 
feroient dans les mêmes lieux , & que 
chacun d'eux l'adminiAreroit en ion 
nom , quand'ilt fetoientxLans des endroits 
difiërens. 

A la leâure dé cettcfentence qui n'acs 
corde à Ferdinand que le vain titre àe 
Roi , ce Prince eft fur le point de partir 
pour l'Arragon. Maïs Ton épou& le re- 
tient par fes earelfes & fon éloquence. 
L'accord fiit confirmé le i j Février. Le» 
Hifioriens dëfignent le Prince & la Priof 
ce& fous le nom de Rois. Mais Ifabelle 
le fat feule. En effet , elle tint toujours 
fon époux dans la plus étroite dépendaiiF- 
ce. luie fut ^e l«jQ^aéj'al Je premier Mi- 



d'EsP a ffN E. 17 

niftre & le mari de la Reine. 11 étoit tems 
que la divifion ceUlt. Jean nepouvoit en 
prefiterpour reiiaonter furie Tlirûne. Les 
deux Rois , (car c^ell ainfi que j'appelle- 
lai déformais Ferdinand &c Ifabelle , ) ré- 
tabulent l'ordre autant qu'ils le peuvent 
daDs les Provinces qui Us reconnoiflËOt. 
Une foule de fcélerats que la foiblefle des 
Règnes précédens avoit épargnés , font 
punis du dernier Hipplice. Mais ccHDmele 
nombre en eft prodigieux , on eft obligé 
d'accoEder une amnjuie aux moins crimî- 
neb ; Villena négocie ea roênie tems avec 
Ferdinand & Ilabetle. 11 leur demande 
un époux fortable pour Jeanne , la grande 
Maîcrife de S. Jacques pour liii , & pro- 
met à ces conditions de les teconnoî- 
tre pour fes Souverains. La négociation 
écbrâie par la' perfévérance avee laquelle 
les P\o)3 demandent qu'on mette en fé- 
n[ueftre la Princefle Jeanne. 

Villena eft plus heureus du c6té du 
Portugal ; Alfbniè V.avoit toujours élu* 
dé la propontion d'époufèr Jeanne fa niè- 
ce, ou de la donner au Prince Jean fon 
^Is , mais il n'étoit pas à s'en repentir : 
l'occaiîon de mettre dans fa Maî£bn le 
prcmiec Koyaume de l'Efpagne ne lè pré^ 



fentoitf as tous les jours; fon fiti lui avcôc 
fait de vifs reproches fur fon incertitude ; 
enfin , il paroît déterminé à aeir contré 
laCaftille. C'étovt pendant la vie d'Henri 
rimpuîflant qu'il auroit dû prendre ce 
parti. Alfonfe n'étoit qu'un Chevalier bra- 
ve à la vérité , & fameux par une foule 
de vi^oires fur les Mauresqui lui avoient 
mérité le fumom d'Africain , & fait pren- 
dre la qualité de Roi de deçà & de de-li 
les Mers ; mais il étoit naturellement im- 
prudent , téméraire , crédule , & d'un gé- 
nie très-borné; il ne recueillit que delà 
honte d'une entreprife mal concertée , & 
pouvoît-il manquer de fuccomber, ayant 
aflàire aux deux meilleures têtes de 1 Eu- 
rope ? Le Duc de Bnigance lui conftiUa 
fonement de ne point fe fier aux Grands 
qui lui propofoient le mariage de Jeanne 
fa nièce ; en eflêt c'étoient les mêmes qui 
quelques années auparavant la deshonore- 
tent publiquement en la faifant pafler pour 
la fille de la Cuéva : mais la nouvelle que 
l'Archevêque dcTolédeembrafloit le pani 
de Jeanne , acheva de le décider ; il arrive 
à Plazentia k la tête de 20 mille hommes , . 
îl y époufe fa nièce Jeanne , 8c y eft pro- 
clame avec elle Roi de CallUle Çc de Léon, 



t 



d'Espagne. 19 

Le mariage ne fut point confommé, atten- 
du le défaut de dtfpenfe du Papç ; les Rois 
après avoir fait de vains efforts pour l'em- 
pêcher de fonir de ion Royaume , pren- 
nent par repréfailles le titre de Rois de 
Portugal. Jeanne pubtie d'abord unmanî- 
felle ^nglant par lequel elle établit fes 
droits d'une manière inv'mcible , ic ac- 
çuiè Ferdinand & ïfabelle d'avcâr fait em- 
poifonner Henri IV , les ibmme de s'en 
rapporter ainfi qu'elle à la décision des 
Etats de Cailille , contente de vivre par- 
ticulière ] Il elle ^toit Condamnée , mû» 
réfolue à ne ries épargner , &c même i 
appeUer les Infidèles à fon fecours pour fe 
maintenir fur le Tbrône ofi la Providence 
Tavoit fait naître > û les Etats confir- 
mo^t fba droit légitime j on en vient 
aux mains dans touves les Provinces , on 
prend & on perd des Villes de part & 
d'autre , les forces paroiflefit i peu près 
■ égales. On eft étonné, de voir le Duc 
dAlbuquerque fuivre Ferdinand , & 
combattre contre Jeanne qui paffoit pour 
faille; mais le plus grand fervice qu'il 
pouvoit rendre à cette Princeffe , fuppo- 
fe qu'elle fut fa fille, n'étoit*ce pas de fe 
déclarer contre elle? Uécanoît ou dimi- 



Histoire 



nuoît du moins les Toupçoos âe fa pater* 
nité. Le Mc»iarque Portugais , au lieu de 
fondre fur fon rival , lut donne k tems 
àe ralTentbler une armée de 40 mille hom- 
mes. Mais on lui livre la Ville de Tero , 
-leChÉlteaatenoic touj'ourstiour I&belle j 
Zamora fe rend aulîi à Ferdinand } ce 
Prince fe trouve dans le plus preflânt em- 
barras , il étoit campé à la vue de Toro » 
iDiùs les ennemis lulcoupoient- les vivres> 
il ne pouvoir plus fubfiuer ; fc rfetirer de^ 
vantAlfonfe, c'étoit décrier fes armeE& 
abandonner la vi<ftoire , & peut-être lé 
Royaume aux Portugais : dans celte ex- 
trémité l'habile Ferdinand qui-ebnnoît le 
caraders de foit enneim , le défie à un- 
combat, foit général ou particulier. Al- 
fonfe avoit l'Ordre' de la Jarretière , fie 
on croyoit généralement qlie ceux qui éit 
étoient revêtus ne pouvoient refufer de 
le battre. ILaccepte ce due! à condition 

Îu'on mettroil entre dès-mains neutres 
fabelle & Jeanne pour les livrer au vain*' 
queur ; mais Ferdinand n'y veut pas con- 
ientir , il fe retire de devant Toro avec 
tant de confufîon que fi Alfonfe l'eût at- 
taqué dans là retraite , c'en étoit feit de 
l'armée Caftillane. Le-défaut de vivres fié 



d'Espagne. ti 

le mécontentement des troupes la réduilît 
dans un u'ifte état. Ferdinand fe trouve 
i Médina del Campo avec la Reine fans 
Toldats & Tans argent : pour comble de 
malheur , l'Archevêque de Tolède joint 
les Portugais avec fes troupes ; ce Prêtre 
fougueux & empiété ne pouvoit pardon- 
ner aux Rois ^'admettre dans lËur con- 
fiance le Cardinal de Mendofe, le Duc 
d'Albe & l'Amirante j le crédit du pre- 
mier lui ëtcàt fur-tout infupportabje. 
Je veHx,àit-il çnçinam ,fircer /fahlli 
i reprendre la (jumomlU ^»e je lui ai fait 
quitterAe^ Rois font obligés de tirer lamoi- 
né des vafes d'or & d'argentdç toutes les 
Eglifes pour lever une nouveUç armée > 
les deux partis commencèrent à fetitir 
■ IpurfoiMcu^e :1e Roi dePortugal n'obtient 
aucun {ecours des Grands qui , en l'ap" 
pellant } ne fongeoient qu'à entretenir la 
guerre civile & a en pronter ; la conduite 
du Monarque Portugais ébranle fçs psrr 
titans ; le Cardinal de Mendofe ayant né- 
gocié fecrettement avec lui s en tire par 
rple d'évacuer la CalliUe , à condition que 
Toro & Zamora lui refteroient , & qu on 
le wmbourferoit des frais de la guer- 
re î i'^rçitç I&beUe publie ces çondi' 



aa Histoire 

tioQS en proteftant qu'elle ne confentiroit 
iamûs au dëmeiiibrement d'un feul Vil- 
lage de la Monarchie , & en promettant 
feulement de l'argent. La fortune change 
de parti , Ferdinand reprend Zamora , & 
IfabeUele ChâteaudeBurgos. Au milieu 
de ces trouble meurt la Reine Douairière 
de Caftille {a) ; dont la vie fcandaleufe fut 
plus fatale à ia fille , que l'imbédllitë 
d'Henrifonëpoux. Perpignan cft emporte 
par les François après un fiége de 8 mois; 
tes affiégës réduits aux plus déplorables 
extrémités , avoient été obliges de fe 
nourrir de cadavres : ils s*attendoient 
tous ï être palTés au €1 de Tépée , mais les 
François uierent de la victoire avec clé- 
mence : on lailTa ibrtir la garnifon avec 
tous les honneurs de la guerre ; on par- 
donna aux Bourgeois que la famine avoît 
épargnés , & on rendit à !a Ville tous fes 
privilèges ; Louis XI. qui avoit fait arrê- 
ter les Ambafladeurs d'Arragon , leur 
rend la liberté , & fignc avec eux une trê- 
ve de 4 mois , par laquelle le RouffiUon 

(■) Quel^uei HîAorieni ont avancé qa« le Ko) de 
Portugal r«n frerc U fit tnpoifbnDïr pour termiiiCT la 
bonté dont elle couvroii b famille par fon libecti. 
Hfe; d'autrei F rttcn<ttDt qu'elle mouiiit enccuclie. 



D* E s P A G N E. 



2J 



& la Cerdagne Jui demeurèrent ; avant 
que âe les congédier U fit palTer devant 
eux ?n revue une arnuée compofée des 
feiils Citoyens de Paris * qui montoît à 
cent quatre-vingt mille hommes ; on ne 
Içauroit croire quel effet fit fiirleur efprit 
cette oftentatk>n politique. Jean D*ofà 
plus fe meâirer avec la France , fie relia 
tranquîUe le refle de fes jours , quoique 
Louu XI. lui donnât de fréqueos fujets 
de rupture ; k peine le Roi de France: 
eut ngaé uH traité, avec les Arrago- 
Bois , qu'il en conclut un autre avec Al- 
{on{e Roi de Portugal , par lequel il lui 
, promettoic de l'appuyer ae toutes fes for-, 
ces dans la conquête de la Caftille , k' 
condition qu'il lui céderoit la Bifcaye. 
Mais Louis infraéleur de tous les traites » 
en nëgocioit encore un autre avec les Caf> 
tillans , par lequel on étoit convenu de 
feire époufer l'Infante Ifabelle de Caftille 
au Dauphin qui fut depuis Charles VIII. 
Le Roi de Portugal appelle à fon fe- 
cours le Prince fou fils qu'il avoit lailTé 
Régent du Royaume, Jean accourt avec 
]0 mille, bommes * la difette d'argent 
étoit t^U qu'il fut obligé d'emprunter 
Vsjgeatçm des Ëgfifes : ce nouveau ren- 



S4 H18T01KE 

fort n'empêche pas les Rois de CaffiUe 
de prendre par-tout le deffus , le Mar- 

?uuat de Viltena eft conquis & réuni à la 
)ouroane. Ferdinand améec le château 
de Zamora. Alfonfe voie de Toro pour 
lui faire abandonner cette entrepri- 
& , il fomme Ferdinand <le livter bataille 
ou de "fc retirer en Arragon ; Je Roi de 
Caftille tié iaic ni l'un ni l'autre , & lui 
répond que s'il avoit envie de combattre , 
il n'avoit qu'à venir lui faire lever le fiége 
du château. On négocie de part'âc d'au- 
tre ; le PortugMS propofe à fon rival de 
le voir ieuls pendant la nuit dans utie- 
barque f^r la rivière du Duéro , le Callil- 
lan accepte la propofition , mais les deux 
barques ne purent fe rencontrer dans 
l'obicurité ; Àifonfe fe retire la nuit du 
premier de Mars. Ferdinand le paurfuit 
Se lui livre bataille à la vue de Toro , l'ar- 
mée PoJtugaife n'étoit que de trois mille 
cinq cens hommes , & celle de Cadiile de 
trois mille : on fe mêla avec une efpece 
de fureur caufée par l'antipathie des deuic 
Nations : il y awoit dans chaque armée 
des Chevaliers quï faifoJent une ef|Sei^ 
de vœu d'attendra chacun ^oad-ë trine- 
jsis fans toucnér le dos , de combatte* 



d' E s F A (3 N E. M^ 

contre trois , de les prendre vifs , s'ils n'ér 
toient que deux , de tuer enfin ou de £iire 
prifonnier un Chevalier ennemi , lorfqu'il 
îeroit feuU Les Prélats des deux ann^ei 
combattirent avec beaucoup de courage. 
On vit l'Archevêque de Tolède fe préci- 
piter dans les plus grands périls. Le Car- 
dinal de Mendoze fit des prodiges de va- 
leur. Celui-ci fervoit dans l'armée CaÛil- 
lane , & l'autre parmi les Portugais. Le 
fuccès de la bataille fiit aiTez incertain ; 
Ferdinand défit Taîle droite des ennemis 
commandée par Alfonfe , mais le Prince 
de Portugal eut le même avantage fur le 
Cafiillan. On peut dire que le Portugais 
laiffa échapper la viôoire en pourfuivant 
trop long-tems les fuyards. Ferdinand 
relia pendant qurfque tems lui iroifieme 
fur le champ de bataille. Il ne voulut pas 
permettre aux fiens de pourfuivre ùm ri- 
val dans l'obfcurité de la nuit. Après 
avoir enlevé l'étendard Royal des Portu- 
gais > U revint au fiége du CIràteau d« 
Zamora. 

Cependant llnfortuné Alfonfe fuyoit 

à toute bride vers Caftro-Nugno ; on dit 

qu'accablé -di fatigue il s'endormit à ta- 

: tic , ce qui le rendit (buverainement mé- 

Tomt ///, ' E 



aâ Histoire' 

prifable aux CaftUlans qui regardèrent ce 
l'ommeU comme une marque d'indtfi^ren- 
te & de ftupidité ; fon fî& revenu fur le 
champ de bataille fur étonné de ne plus 
Voir d'amis ni d'eoneinb , il comprit quç 
Cor père avoit été vaincu , & ie retira à 
Toro après avoif publié qu'il avoit gagné 
le champ de bataille ; mais le Comte de 
Ouimarens , Gouverneur de Toro * le 
chargea d'injures Se d'imprécations pour 
avoir, .abandonné le Roi. On crut d'abord 
que ce Monarque avoit été tué j mais on 
reçut une lettre de lui qui rafliira fon fils 
& les débris de Ton armée ; les Portugais 
perdirent environ deux mille hommes ; il 
en périt la moitié moins du côté des Cas- 
tillans. Ceux-ci tirèrent tout l'avantage 
du combat , làns pouvoir néanmoins le 
flatter d'avoir remporté la viâoire. 

Les deux Rois avoient harangué 
leurs armées , félon l'ufage , ayant que de 
combattre ; on ne i^auroit exprimer juf- 
qu'à quel point les deux Nations portè- 
rent la valeur dans cette aâion , &c quels 
exploits ÎBcro^blep on y fit de part & 
d'autre. Edouard d'Almeyda qui por- 
toit l'étendard de Portugal )-eut les deux 
flDAJns coupées en h (^fçnd^nt: > U 1? f^i 



d' E s P A G K 1. 27 

enfuhe avec les bras de les dents > juf- 
qu'à ce que , percé de coups , il tomba 
mon Cir la fJace ; l'ëtendard tut mis 
en peces , éc à fon défaut on mit les 
armes du brave ^'Aimeyda ^lans l'f^ife 
métropolitaine de Tokde. Voilà jufqu'où 
alloient les ei^ploits des CaftiUans & de> 
Portugais , lorrcjue l'efprtt de Chevalerie 
' -étoit en vigueur chez les deux Notions. 
On a renwrqaé , dit fort bien le P^tl Or- 
Udns , que le ridicule jett^ par Miquel de 
Cervantes fur la Chevalerie dans lôa în- 
gérïeux Roman de D. Quichotte , a plus 
Jiuk à la valeur Efpagnote qu'on ne le 
^aurohcrcMre. C*eu alnfî que les beaux 
-dfprits ont foovent changés par la famé 
les vices & ies vertus des Pcnples. Fer- 
-dinand prend le château de Zamora. Ifa» 
belle ant par-tout avec une valeur &-une 
aftîvhe^ dignes d'une héroïne. iJes fuccis 
les plus brillftns font dûs à ' fon habileté. 
Les Grands attachés à Jeanne , la quittent 
avec des Villes & des provinces entières. 
Louis XI. fait en vain dans la Bifcaye 
une diverfion en feveur de cette malbeu- 
reufe PrînceBfe. Son ana^ affiége deux 
fois inurilfflïient TFontarabie. Le Duc de 
■BtHirgogne , ét«nei énnaai da Roi de 
Bij 



28 Histoire 

France , l'empêche de s'ititéreffièr vive- 
ment aux afraires d'ETpagne. Jeanne fe 
relire en Portugal défefperant d'obtenir 
une couronne que les taiens de fes enne- 
mis lui arrachent plus que leurs droits. 

Alfonfe vient en France pour foUiciter 
des fecours. Avant fon départ , il offirit-â 
Ferdinand de remettre fes droits à l'arbi- 
trage du Roid'Arragon & de l'Archevê- 
que de Tolède. Le CafUIlan lui répondit 
qu'il n'étoit plus tems , Se que d'uUeurs~ 
on t'infultoit en voulant l'engaig^r à re- 
mettre une âflàire de cette importance à 
ïa décifion d'un Prélat rebelle. Le Roi de 
Portugal arrive à Tours. Il oifre fa nièce 
en mariage pour le Dauphin , à^condition 
ju'on raiderolt puifTamment à la mettre 
-ur un thrône quilui appartenoit légitime- 
ment. Lduis liit tente d'accepter cette 
propofitiotipour fe venger des Rois de 
Caltille qui , moyennant de groITes fom- 
mes qu'on leur avoit accordées , vou- 
loient faire époufer au Prince de Capoue 
leur fille Ifabelle qui avoit été offèrtç au 
Dauphin ; mais Loui? XI. trouvant ce 
projet chimérique , d^cUte ^ Alfonle 
qu'il ne peut le fecourir à çauïe des guer^ 
Tes continuelles ^uç lui f^^!;itoit U Pue 



lu 



p' £ s ( A â H e. ap 

de Bourgogne. Le Pottugais fe foit fort 
d'engager le Duc à la paix. Il va le trou- 
ver au Camp de Nanci , ôc ne peut rëulllr 
dans fa négociation i il revient couvert 
de honte en France , la tête lui tourne , il 
écrit auRëgent fon fils de prendre le nom 
de Roï , & de ne plus penfer à lui; fon 
deffein étoit de s'échapper de France où 
îj ctùgnoit qu'cHi ne t'arrêtât , de palier 
enfuite à Rome , & de s'y faire Woine ; 
en effet , ayant difparu tout i coup , on 
le reconnoit & on l'arrête fur les fronùe- 
res du Royaume. Louis XI. a pitié de hi, 
& le renvoyé honorablement dans fes 
Etats. 

La Ville de Toro la feute place qui ref- 
toit en Caftille à Jeanne e(l prife par les 
Généraux Caftillans, Ferc^nand accorde 
un fauf-conduit aux Portugais pour re- 
tourner dans Leur patrie, & les.comble 
de politeCes. Cette humanité politique 
porte le dernier coup à {on ennemi ; le 
Koi de Caflille fait lever le Hége de Fon- 
iSarabie à ime armée Françoife , c'étoit le 
troifieme que cette Ville avoit foufièrt 
pendant l'année ; Ferdinand marche con- 
tre les bandits avec des troupes réglées* 
il eo livre à la JuIUce un nombre prodir 
Bii] 



-30 Hl 5TO I Il£ 

gieux , fait ralèr les châteaux qui fer- 
voiemdafyleàcesbrigands; mais le nom- 
bre en ell fi confidérable que les Villes 
lenouvellent ks Saintes Hermandades 

Eour achever d'en purger le Royaume 5 
: Marquis de ViUena chef du part) de 
Jeanne Te foumet ; le Roi eA élu Admi- 
niflrateur de l'Ordre de S. Jacques ; en- 
trevue de ce Prince avec le Roi' d'Arr%- 
gon foa père; tous les deux s'efforcent en 
vain de rétablir le calme dans la Navarre 
toujours divifêe par Usfaâions des Gramr 
mont & desBeaumont; on a crû qu'Eléo* 
çore j Comteffe de Foix , ^voit voulu li- 
vrer ce Royaume à fon frereFerdioand , 
au préjudice du Comte de roix fbn pe- 
tit-fils. 
1477 Les Rois de Caftille pafifent à Tolède 
Se o^ ils font bâtir .un magnifique Monafte- 
l^yS.ti (1) pour accomplir un vceu-qv'Us 
avoient feit , fuppofé qu'ils devinffent fu- 
périeurs à Jeanne Se au Roi de Portugal. 
Ils puniffent avec févérité les féditieux & 
ks fcélérats dont la Ville étoît remplie. 
La Reine part pour animer la guerre con- 
tre les Portugws , & de-là pafle en Anda- 

(n)^^! appelle ccMonaflere S.'Jiin desKoU. UStg 
Uti poor It* CoidtlMih 



d'Espagne." 31 

ioufie où elle rétablit l'ordre & le calme: 
les Guzmans, les Ponces de Léon,les Cof- 
doues 8c les d'Aguilars étoient les maîtres 
de cette belle Province où depuis 50 ans 
il regnoit entr'eux une guerre implaca- 
ble. A force d'adreffe & d'éloquence , Ifa- 
belle oblige tous ces Seigneurs i lui re^ 
mettre toutes leurs fortcreffes ; les bri- 
gands privés de leur proteâion , tombent 
entre les mains de h Reine qui en hit exé- 
cuter plus de lyoo dans cette Province : 
4000 auffi criminels que les autres ob^ 
tiennent leur grâce , a condition qu'ils 
fortiroient de Seville où. ils fe trouvtrfetrt 
pour lors. Ce fut dans cette yûlt que la 
Reine accoucha d'un fils'appellé Jean; il 
fembloÎE que la Providence n'alfemblotr 
tant de couronnes dans fa maifon que 
pour en orner fa tête , mais il ne devoit 
pas enjouir , elles étoient réfervées à un 
jeune Prince (a) qui naifToit en méme- 
tems dans les Pays-Bas ; le Roi de Grena- ' 
de refufe de payer le tribut , Si factage la 
Murcie j le M arquis de Villena fe rérolte 
de nouveau. Ifabelte obtient par le moyen 
de Diegue de Cordoue , Comte de C»- 



^3 HlSTOIKE 

bra une furpenOon d'armes de trois ans 
avec le Roi aeGrenade; Ferdinand ache- 
vé de purger le Royaume d'ennemis ; Al- 
fonfe aeCardenas eH élu Grand - Maître 
de l'Ordre de S. Jacques ; c'eft le dernier 
Particulier qui parvint à cette éminente 
dignité. Le Roi d'Arragon fait trancher 
U tête au Duc de Villa Hermofa , Prince 
du fang, pour s'être révolté. 

Le Pape , à la fotlicitation de Louis XI, 
accorde une difpenfe au Roi de Portugal 
qui voutoie époufer fa nièce. Le Monar- 
que Portugais étant de retour en fes 
-États , le Prince Régent quitte le nom de ■ 
Roi , quoique fon père le conjurât de le 
garder, ne voulant fe réfervcrquelesAl- 
garvesi fon arrivée avoit furpris le Portu- 
fal, on le croyoit Moine ouprifonnier en 
rance ; quand il débarqua a Lifbonne > 
le Régent le promenoit fur les rives du 
Tage. avec le Duc de Bragance & l*Ar- 
chevéque de Lilbonne. Surpris d'un re- 
tour aulfi imprévu , il demanda au Duc 
& au Prélat («) comment il devok 
recevoir Alfonfe : comme votre ptre 
& Vitre Roi, lui dirent-îls : le Prince ne 
répliqua pas , mais ramalTant une pierre , 



d'E B P A<3 N E. 3J 

U U tarifa de ttiai fa foret dans U Ta-- 
gtî l'Archevêque attentif à ce fi^e ma- 
nifefte -de dépit , dit au Duc , ctne pierre 
ne me donnera jamais dans la tête : en tSét 
'A qmtta le Royaume & fe rerira 4 Rome ; 
le Duc de Bra^nce eut fait fagement de 
£ûvre cet exemple , il auroit ëvité la 
faoQte de mourû- dans U fuite fur un 
écbafeut. 

Décret des Rois de Caflille par lequel 
on condamne les Juges & les Olficiers 
de JufHce qui exigeront des Plaideurs 
plus qa'il ne leur appanient par les or- 
âonnances , à leur rendre fept fois autant 
qu'ils auront |»is ; ce décret n'a pu rëpri- 
me^ l'avidité des Greffiers , des Procu- 
reurs & des Huifllers , ils s'engràiflènt en- 
core plus en Efpagne qu'ailleurs du fang 
& des larmes des malheureux. 

Entrevue du Roi de CaAille , du Roi 
d'ArragoQ & de la ComtelTe de Foix à 
Vktoria ; en remarque que le vieux Mo- 
narque Anjgonois cède par-tout la droi- 
te à fon fils. 

Traité (^) de S. Jean de Luz entre U 
France , la-CaÛille 6c l'Arragon , par le- 



'^ Histoire 

quel Louis XI. abandonae les intérêts de 
la PrinceiTe Jeanne. Les Caftillans t as 
kur côté , renoncent à TalUance de l'An- 
gleterre &c. à celle de Majùmilien d'Autri- 
che , époux de l'héritière de fiourgo^^ ^ 
l'afi^ire du Roufllllon fut renùfe à un au- 
tre teins. Les revenus de l'Archevêque 
de Tolède font faifis , on procède contre 
iui comme contre un rebelle ; enfin l'opi- 
niâtre & vindicatif FréUt> après avoitiniJ- 
tilement tenté de livrer Tolède au» Por-, 
tugais, & lutté jufqu'à la dernière extré- 
mité pour foutenlr la Frince&e Jeanne * 
prend le parti de fe foumettre. Il livre, 
toutes fes places, & rentre en grâce è la 
follicitation du Roi d'Arragon fon protec-. 
teur} il faut obferver que jufques-U les. 
CaftiUans n'avoient ofé traiter comme cri-. 
minels de leze-Majefté les Grands dupac- 
ti de Jeanne. Léonard d'Alagon , Mar- 
quis d'Oriftan excite une guerre civile en- 
Sardaigne i A avoir été condamné à per- 
dre la tête pour (tifiërcDs crimes ; il e& 
vaincu , pris dans un combat & conduit 
en Efpagne avec fcs deux fils & fes troii 
frères. 
14-79- ^^ Pape Sixte IV. gagné par la Mai- 
•■ ibnd'ArragoDifévoqueladifpenfeaccor.- 



d' E ( P A G N E. Jf 

dée au Hoi de Portugal , conuoe «yant 
été fuiprife à la téiâoa de Sa Sairteté , 
& cafl^ le mariage du Monarque Portu- 
gais avec fa nièce , fuppofè qu'il eût àéjk 
étéconfommé. LeKoi a'Arragon ne jouh 
pas du plaillr de voir foD fiU tranquille 
poâèJlèur de la Couronne de Caftille. Il 
HicuFt le ip Janvier âgé de 8a ans , il 
conferva dans une vicilkiTe auffî avancée 
une force d'efpiit 6c de corps inctoya- 
ble. Il avoit encore des maûrefTes. Qui 
croiroit que- ce Prince ne laîfij pas de quoi 
kire les trais de in funérailles, quoiqu'el- 
les fiiâent fort modiques. Maigre fes tilcns 
Supérieurs à la guerre & dans le cabinet > 
'A ne fut pasiicureux dans fes entreprilès^ 
fon inquiétude , fa vivacité & fon ambi- 
tion hiretit auiTi fijneftes k la Caftille qu'à 
TArragon ; on ne peut lui pardonner fa 
iïvérite eiceffive , fes Injuftices envers le 
Prince deViaQe& l'In&nie Blancne , feS' 
débauches , fon penclrant pour la gtiette 
& pour les intrigues ; it ne connut jamais: 
iiir un thrène toujours agité &c fouvent 
ébranlé la paix & le bpnbeur : il laiflTe par 
&n teflament tous fts Etats qui confif*- 
coienr dans l'Arragoa , la Catalogne ,. 
YalcBcs yles Baléares ,.la Sicile & la Bvcr 
Byj, 



'^6 . Histoire 

daigoe au Roi de Caftille fon Sis , & après 
lui a £ès defcendans foit fils , foit fiUes » 
même du côté des femmes , en cas qu'U 
n'eût pas de poftérité mafculine , contre 
les Loix & les Coutumes de la Monar- 
cbie : c'efl aînli , dit Mariana , que touc 
cède à la volonté des Kois ; la Frinceflè' 
Eléonore hérite du thrône de Navarre qui 
lui avoit coûté tant de crimes , mais le 
Ciel la punit en l'y laifTant à peine un 
mois; fon perit-fils François de F oix , fur- 
nommé Phœbus à.caufe de fa beauté , lui 
accède fous la Régence de Magdelenè 
de France , fille de Louis XI. fa mère ; 
la Navarre n'en demeure pas moins en 
proye aux faflions & aux guerres civiles , 
tellement que ie jeune Roi relia prefque 
toute fa vie enFrance ; la maifon de Fois 
qui redoute l'ambition du Roi de Cafiilte 
s attache înféparablement aux intérêts de 
la France ; Ferdinand eft reconnu Ro! 
d'Arragon ; combat d'Altuera dans le- 
quel Cardeoas , Grand-Maître de S. Jac- 
ques défait les Portugais commandés par 
l'Ëvêque d'Evora ; quelques Seigneurs 
Caftillans attachés au Roi de Ponugal , Se 
pris dans le combat, ont la tête coupée ; 
cette aâioa Si. les autres fpccès de^ Caf- 



d*Es?agne. ^ 37 
dllans font fonger les Portu^îs à la paix ; 
il eft confiant que Ferdinand enyvré de 
fafortune, méaitoit la conquête du Por- 
tugal j fa vengeance & (on ambition euf- 
fent été comblëes , s'il eût pu précipiter 
du thrône un rival qui lui avoit A lon|^ 
tems difputé la couronne , mais la nou- 
velle de la prife de 30 vaifleaux Caftillans 
chargés d'or quirevenoientdelaGuinéei 
modère fon ardeur. La R«ne Ifabelle & 
la DuchelTe de Vifeu Princeâ*e du fang de 
Portugal s'abouchent à Alcacebras, & 
en moins de trente jours concluent un 
traité par lequel Jeanne efl facriflée. Oo 
convînt que le Roi de Portugal ne fe ma- 
rièrent point avec fa nièce , maïs que cette 
Princeuê auroit le choix d'époufer l'In- 
iant J^an de Caftille , ou d'entrer dans un 
des cinq Couvens de l'Ordre de Sainte 
Claire en Portugal ; que fi elle fe déter- 
minoit au mariage, elle ne pourroit le con- 
iraifter quelorfque l'Infant auroit quator- 
ze ans accomplis : il y avoit encore 12 
ans à attendre , 8c Jeanne en avoit 1 8 î 
que fi le Prince ne vouloit pas l'époufer 
il feroit obligé de lui payer cent mille pif- 
toles ; qu' Alfonfe , perit-fiis de Portugal , 
fe marieroit ayec Ilofaote^ Callule> 



38 Hl STOIR E 

Ifabelle ; que ta navigation des Côtes de 
PAfirique demeureroit aux Portugais , & 
celle des Canaries aux CaftiUans , & 
qu'enfin tous les paniGins de Jeanne ie- 
TOÎent rétablis dans leurs honneuts & 
dans leurs biens ; que cette Frincelle ,. 
Alfonfe petit-fils de Portugal , & l'Jnfaa- 
te Ifabelle feraient dépofës en otage au 
château de Mora. Ce traité fut figné le 
24 Septembre , & on ne donnoit que juf- 
«ju'au y Novembre à Jeanne pour fe dié- 
terminer au cboïx d'titv ëpoux inta^aî- 
re , ou de la prifon de Mora , ou d'un^ 
Monaftere. 

Jeanne' fi indignement traitée par des- 
Négociateurs qui difpofent Ibuveraine- 
inent de fon fceptrc & de fa bberté , prend 
uit parti héroïque , & le feul qui lui con- 
▼enoit peut-être. Cène Princeffe , fans iè 

Êlaindre de perfonne , fans verfer une 
!ule larme , fe rend au Monaftere de 
Sainte Claire à Conimbre oit elle prend 
rhabic de Religieufe. Pendant cette triC- 
te cérémonie , eUe fembla triompher de 
&s malheurs. 

NaiiTance de l'Infante Jeanne fumoro- 
mée la Fblle^ qui porta la Monarchie dans 
la.Maifon d'Autiichâ.. 



d'£ s F A GN s. 3P 

- Ferdinand & Ifabelte voulurent pren- 14SO' 
are le titre de Rois d'Efpagne , mais U 
crainte de déplaire au Portugal & à la 
Navarre , les empêcha d'exécuter ce pro- 
jet. Jjc Marquis de ViUaja prend enfin le 
para de fe lounâettre. On conâfque uoe 
partie de fes domaines. Son exemple ôc 
celui de l'Archevêque de Tolède les deux 
plus puilTans Seigneurs d'ËfpagDe con- 
tiennent les Grands dans le devoir. 

Etats de Tolède : on y rtforme une in- 
linitë d'abus , & on y fait des loix très- 
làges : Ferdinand d'Alatcon ^vorï de 
l'Archevêque de Tolède eft pendu pour 
a'vcÂr entretenu li long-tems Ton maître 
dans la révolte , & pour d'autres crimes ; 
cet homme paffîoncé Alchimie avoit 
ruiné l'Archevêque par les dépeofes qu'il 
hii avoit fait faire dans i'efpérance de 
trouver ie fccret de faire de l'or ; Décret 
qui défend aux Seigneurs d'avoir des- 
Rtaffiers > des gardes &, des couronnes fur 
leurs armes : on ernwye des Comraiffai- 
res dans toutes Ita Provinces pourtemr, 
ce que nous appelions bs grands jours: 
on ne içauroic croire combien ils Hrent 
périr dans lesfuppliees de Juges iniques,, 
de. Gentilshommes tyrans « &; de biir 



40 Histoire 



gands àe toute efpecc ; nouveau Décret 
qui révoque les grâces indifcrettes accot- 
dées par Henri IV. & qui réunit à la Cou- 
ronne les domaines immenfes qu'il en 
avoit aliénés , les revenus du Royaume 
en furent augnsenrés d'un million («) ; 
le Prince Jean eft reconnu héritier de la 
Caflille, & proclamé Prince des Ailuries ; 
renouvellement de la Loi par laquelle 
il efl enjoint auY Juifs & aux Maures 
' de vivre dans des quartiers f^parés des 
Chrétiens , de ne porter ni or ni argent 
fur leurs habits, & d'avoir fur eux la 
marque jaune qui fervoit à les diftinguer. 

Ferdinand & Ifabelle furchargés d'af- 
faires par l'étendue de leurs Etats Se par 
le nombre de leurs Sujets , établiffent une 
forme de Gouvernement admirable : 
quoique l'un & l'autre fuflent laborieux 
jufqu au point depaifer les nuits & de laf- 
fer plufîeurs Secrétaires , ils ne pouvoient 
tout expédier , & fuccomboient fous te 
poids des affaires : îU érigent f Confeils , 
dans l'un defquets ils travaîUoient aux af- 
faires étrangères avec leurs principaux 
Miniilres ; le fécond éttnt compofé d'£- 



d'Es P A G NE. 41 

vêques & de Confeillers chargés d'expé- 
dier les aflàires intérieures de la Monar- 
chie de Caftiile ; on rendoit juftice dans 
\i troisième ; le quatrième où étoient ad- 
mis feulement des Seigneurs & des JuriC- 
coaHiltes Arragonois, Catalans, Valen- 
tiens, Siciliens &c Sardes , prenoit connoif- 
(ànce de tout ce qui concernoit le Royau- 
me d'Arragon : le cinquième fut établi 
pour les faintesHermandades. Ferdinand 
Se. Ifabelle aŒftoient à tous ces confeils. 

C*eft fur ce plan que Charles V. régla . 
la forme du Gouvernement tel qu'il a 
fubiîfté long-tems. Traité de paix conclue 
avec la République de Gènes , par lequel 
les Rois de Caftiile renoncent à l'Ifle de 
Corfe ; conquête de l'Ifle Canarie par 
Pierre de Vera-, Gentilhomme de Xerez. 
Expédition des Turcs en Italie , ils 
alemparent de la Ville d'Otrante , & me- 
nacent Rome & Naples ; les Caflillans en- 
voyent des lècours en ce pays , ils crai- 

? noient avec raifon pour la Sicile qui 
toit à la bienféance des Turcs , 6c dont 
ceux-ci pouvoicnt faire leur place d'ar- 
mes pour la conquête d'Italie. 

.Jeanne, cette malheureufe Princefle 
qu'on avoit fi injuftement privée de la 



42 Histoire 

Couronne , fait profeffion en préfencc 
des Députés de Caflille & de Ponugal. . 
Sajeuneffe, faJ>eauté,lefon touchant de 
fa voix, fon facrifice arrachèrent des lar- 
mes de toute l'affembJée. 

ta paix manque d'être rompue entre 
la Caffiile & le Portugal. On étoît con- 
venu qu'on dépoferoit pour 6tages dans 
le château de Mora l'infante Ifabelle Se 
l'Infant AHonfe. Les Portugais trouvè- 
rent de Inégalité dans eet arrangement j 
attendu qu'Ifabelle n'étoit pas héritière 
de la Caftille , comme Alfonfe étoit héri- 
tier du Portugal. On négocie long-teras ; 
enfin le Monarque Portugais envoyé aux 
deux Souverains Caftitlans deux dez fur 
l'un defquets étoit infcrit le mot ptix^ & 
fur l'autre le mot^worr. Ferdinand &fon 
époufè obtinrent cependant tout ce qu'ils 
vouloient. Les Infants font livrés à la Du- 
chefle Douairière de Vifeu , dépofitaire 
des otages. Le fils de cette Ducheflfe paf 
fè enfuite à la Cour de Caftille pour ré- 
pondre de la fidélité de fa mère. LaReine 
tait couper la tête & Alfonfe Lugo le 
plusgrand Seigneur de Galice pour avur 
alTaOuié un Notaire. Elle refufa quarante 
- mille piftoles qu'on lui ofirit pour obt4- 
gir la grâce du cribiiiiel. 



E 



d' Espagne. <f4 

Ëtabliffemeni de l'Inquilîtion. Le Cai» 
dmat Mendoze , Archevêque de SévUle 
en fiit le principal auteur. Sixte IV. doo- 
na une Bulle , & accorda des privUégea 
immeufes pour l'ëreâion de ce redouta- 
ble Tribunal. Les Evéques reçurent le 
' lug fans hwç la moindre oppoTiiton. 
la Jurifdiflion Epifcopale étoit depui» 
lone-tems anéantie par rignoratice 8c les 
délordres des Prélats. Le but de Ferdi- 
nand & d'Ifabelle ëtoit d'empêcher TA- 
poflalîe de quantité de Chrétiens qui an» 
Drafibient te Judaïftneou le Mahoroétif- 
ne. C'étùt fur-tout en Andaloufi» tme 
la Religion de Mahomet avoit jette les 
plus profondes racines ; & voilà pourquoi 
le premier Tiibonat de l'Inquinôon fut 
étabU i SévUle. ,^, . 

D. Ferdinand d'Acunha&ïeDodeur^**'' 
Garcie de Chinc^la font envoyés avec . 
des troupes en Galice en qualité de Jugea 
fouverains pour rétablir l'ordre , la jufti- 
ce, l'autorité Royale & la sûreté dans 
cette Province tivrée au brigandage âc 
aux crimes depuis pluB de 40 ans ; les re- 
venus de la Couronne & du Clergé , la 
fubfîâance des Peuples , les biens des 
.VcuTe«&. dts OrpheUns étoknt u£uipés 



ïé 



^ Histoire _ 

Impunément par les GentUshommes : les 
Peuples gémilToient fous leur tyrannie , 
fanstefer fe plaifidre ; i j'OO de ces bri- 

Snds au nombre defquels fe trouvent 
. Pierre Pardo , Maréchal de la Provin- 
ce, 6c D. Pierre de Miranda, font exécutés 
publiquegient : un plus grand nombre de 
ces fcelérats s'enfuit dans les pays étran- 
gers , 46 châteaux ou forterefles font ra- 
fées ; cette rigueur néceffaire fauve la Pro- 
vince défolée , & n'extirpe pas encore les 
4é(brdres de la Nobleflê. 

Etats de Catalayud dans lefquels çn 
reconnoît le Prince Jean en qualité d'hé-^ 
ritier de la Couronne d'Arraeon ; une 

Pefie horrible & les bûchers dépeuplent 
Andaloufie ; premier Akto da fe dans le- 
quel on brûle vives 7 perfonnes ; plus de 
20000 Juifs fortent de la Province , Se 
pafiènt en Afrique; les Caf^lans rom- 

{lent la trêve avec le Roi de Grenade : 
eur but étoit de chalfer les Maures d'Ëf- 
lagne : c'eft le projet le plus légirime & 
.e plus glorieux (ju'ils ayent jamais con- 
{û , attendu que les Maures étoient les 
ufurpateUrs de Grenade, & prefque tou- 
îours les agerefleurs dans les guerres con- 
:ûnuels des deux Nanoni. LesMaures fur- 



PI 



D*E SP A GN E. 4y 

prennent Zabara. Les Turcs font forcés 
dans Ocrante par le Duc de Calabre. L'I- 
talie fubifToit le joug; des Ottomans, fi la 
Providence n'eût arrêté lems progrès , en 
mettant Bd à la vie & aux projets de Ma- 
bomet H. More d'Alfonfe , Roi de Por- 
tugal. Son fils Jean III. un des plus 
grands Princes de fon tems lui fuccéde. 

Le Pape contre les privilèges de la '4^^- 
Caftille nomme un de Ces neveux i l'Evê- 
ché is Cuença , les Caftillans indignés 
font fortiF tous les EfpaenoU de Rome * 
&. menacent le Pape ; Sixte IV. retraâe ' ' 
d nomination ; la guerre avec les Maures 
de Grenade e mêlée de diâërens fuccès , 
les Caâillaos prirent d'abord Alhama , & 
ïrent trois fois lever le fiége de cette Vil- 
le au Roi de Grenade j-mais Ferdinand 
^ui affiégeoit Loja > fe voit contraint de 
renoncer à cette entreprifc. Il efhbattu 
dans fa retraite. Il perdit le Grand-Maî- 
tre de Calatrava & iaillft lui-mômç à être 
fué ou pris. 

Mort du fameux Carillo d'Açunha , 
Archevêque de Toledç ; avec du coura- 
ge & des taltnç il fut funelle à fa patrie; 
maiivai$ Citoyen , indigne £vêque , hom- 
jnç inquiet > féditieus , £er , tutbulçnf « 



^ HlSTOIBE 

opiniâtre , né enfin pour renverfèr des 
dirônes , & pour faire âes malheureux. 

Bulle du Pape qui (tccorde aux Roi« 
de Caftitie le pouvoir de nommer k 
-toutes les 'jxréUtures & bénéfices d« 
leurs Royaumes: avant ce concordat 
-c'étoient toujours U> Cathédrales qui 
élifoient leurs Prélats , mais la vo]ont^ 
du Souverân influoit telleoient fur les 
âcAioRs , qu'il n'y avoit jamais à'Evê^ 
i^es-qn'à ion choix; laifque les ëlec- 
tiens n'^tcàem pas faites dans un tenas 
limité , eUes ëtolent dévolues aax Papes 
qui, malgré les régtetnens des Las Cor- 
tés, y nommotent louvent des Etrangers-. 

Révolution à Grenade , elleporta fur 
le thrôae un Prince inapmdcnt & vindica- 
tif fut qui les CaMlam conquirent aifé- 
j&ent CB Royaurae ; Abul-Ha&en étaat 
devenu pafllonnément amoureux malgré 
. 'ûvicàUêffe 6c fès infirmités d'une René- 
gate Cltrédenvet répudia fon époufe , & 
le maria à fa maîtrefTe ; pour lui témoi- 
ener plus d'amour , il donna l'ordre bar- 
bare d'égorger cous les enfans qu'il avok 
eus dç 1^ femme. Celle- à ne putfauver 
-que l'aîné & le dernier de fee dis, avet 
loquets elle dfi&eBdit d'une, tour par l'af- 



D' E s P A G N E. 4.7 

ûfhnce des Aliencerrages : le vieux Roi 
s'étoit aliéné ces piùJTaiis Seigneurs 3 ça 
iaifint mourir un d'entr'eux poui avoir , 
{Ufoit-il, profané Ton palais en y recevant 
les dernières faveurs d'une de fes fœurs. 
Les AbencerragesintérefTent le Peuple en . 
hyear du Prince fugitif , fie chaSeiit de 
Grenade Abul-Hafcen qui s'en&iit à Ma- 
Uga avec fa femme & fes tréfors : fon fils 
nommé Mahomet Boabdîl 41 Abdalla , 
dt appelle Se couronné en fa place. Mais 
le père qui avoit du courage ^ de la fierté 
& au talent pour la fuerre , furprend l' Al- 
hxBbra , fortereâe de Grenade , d'où il fui 
encore chajfé par les Abencerrages : c'efl 
ce ta^iae Roi qui , quelques années au- 
paravant } avoit répondu aux Ambaflâ- 
deurs de Caflille qui exigetûent le tr>- 
but ordinaire : nous ne battons plus la 
monBoye avec laquelle nous payons tri- 
but à vps maîtres. Voilà , a)ou»-t-il , 
avec qa(M nous vous payerons doréna<- 
vuit , en leur montrant la lance ; le Roi 
de Portuffl fait foràr Jeanne du Cou- 
vent , -& lui foçmfe une mâiibn ; Ion def- 
ian^toit de tenir m bride Ferdinand j 
avec qui il avoit découvert que le Bue d*? 
Bragance entretçnqit (l$s çorrefpondsn^ 



48 Histoire 

ces fecrettes. D'autres prétendent qu*il 
voulok marier la Frinceâe au Roi de Na- 
varre , neveu de Louis XI. qui avoic pro- 
mis de foutenir les prétentions de Jeanne 
avec toutes fes forces. * 

1^83. Ferdinand & Ifabelle pacifient l'Italie 
par un traité dont ils font les médiateurs 
entre le Pape , le Roi de Naples & la Ré- 
publique de Florence; le Pape permet 
•aux Caftilltns de lever loooôo ducats 
fur le Clergé , & de publier une croifade 
où les ParticuUers payeroient de leurs 

f)erfonnesou de leur argent; cette croî- 
àde s'eft confervée j quatitau dernier ar- 
ticle , & forme une partie des revenus 
des Rois d'ETpagne ^). Les armées fe 
mettent en mouvement ; combat près de 
Malaga le 2 1 Mars ; le Grand-Maître de 
S. Jacques fuivi d'un corps de 6000 hom- 
mes eft vaincu par Mahomet El-Zagal , où 
le valeureux frère du Roi déthrôné , qw 
n'avoit pas 60Q hommes ; près de aooo- 
Caftillans y furent tués , & il y en eut 
"1000 de pris. Parmi ces derniers, étoient 
25'0 Gentilshommes qui furent vendus 
comme efclaves ; on attribue ce défaflre 
à l'aveugle témérité du Grand-Maître qui 
. |«))bn tirait enyiroiiiuiinilltoiid'écDif 

s'engage*. 



D-'E s P A G M E. , ^ 

s'engagea dans des rochers qu'il ne con- 
«oUlbit pas : Boabdil excilfrpar. les avaiv- 
tages de fon oncle, vient aflléger Lucena 
jivec loooo hommes, mais le Comte de 
Cabra , fon frère Gonfalve de Cordouc , 
depuis il &meux par Tes viâoires , &i Al- 
fonfe d'Aguiiar lui font lever le fiége , le 
■pourfuivem & lui livrent bataille le 21 
Avril. Les Maures fe Uifferent égorger 
par une poignée de Caifbllans (a) , Tes In- 
fidèles perdirent fooo hommes , l'éten- 
dard Royal &L leur jeune Roi qui fut pris 
après avoir fait des prodiges de valeur: 
deux Ibldats le découvrirent dans des 
brouflâilles , le chargèrent de fers , 6c 
manquèrent de le mafîacrer: pouï s'em- 
parer de fes dépouilles. 
■ Ferdinand profite de la viéloire de Lu- 
cena , il entre dans la plaine de Grenade, 
& ravage le pays afin d'afiàmer la capi- 
«le ; &)abdii efl: conduit àPorcuna & 
traité en Roi ; ii ne refte pas iong-tems ' 
en priibn , ta Reine de Grenade £a mère 
.obtient fa liberté par mi traité avanta- 
geux à la Cailille , on convint que le Roi 
piifannier remettroit à Ferdinand lôn £ls 

{■) Us n'^toieu pu looo. 

Terne ///. C 



j'o Histoire 

zînéSc i^&igneurs Maures, qullpayê^ 
-fuit un tribui^cnnuel de 1 2000 pUtoles , 
qu'il fe trouveroit auxLasCortes de Caf- 
-tille toutes les fois qu'il en feroit requis 
.en qualité de valïàl , & qu'enfin il reiâ- 
-cheroit aooo efclaves Chréùens en f 
'.ansrrélargiffeinem de fioabdtl prouve Is 
politique lupiéncure de Ferdinand, il fça- 
-voit jufqu'à quel'pcânt ie pere & le fils fe 
-détefloient , il ne doutoit pas qu'ils ne 
-coBtinuaâent i fe &ire une guerre Jàn- 
glantei & par conféquenti.E'aSbibltr-; 
:par ce tcaité il n'àvoit A combattre que 
letpere ,■& il comptoit bien , après l'avtrir 
Vainouu tôuener les armes contce fan io}- 
^rudcntôc malheureux -fila. 

Louis de Porto Catrero., Stigneur M 
-Pâlnia taille «n pièces un corps de trou- 
-pes MauTcfques à Utrera; le masquis dç 
CadiK fiupread Zàiazn , & 'il eQ bit 
-Dac.« leslnois. prodiguaient 'les xliflÙM:- 
-tiolifi , & les -iMOTieurs pour.eaccBter.rle 
' courte Se -J'éinalation j&B'Qrands , k 
Comte dé Cabra ^après-iàvifloire, avtùt 
été reçu en triompneàiacour., fuivi^C 
■acéo&ié deS'Graodfition .lui. persaii d'a- 
jouter à fes armes une tête de Boi cou- 
ronnée & «ne orle^ey-étendards enmé» 



D' E s P A G N E. yi 

noire de ce qu'il ea avoir pris un pateil 
uombce à ÏMceaz. 

Décrpt 4w Roi de Cafiille qui s&na- 
ciàt ies vsd&ux de Reœtica eu Catalo- 
gne des tri^Mts lofâmes & onéreux donc 
ils éïoient chargés .eiiïers leurs Sekneurs, 
ils ne pouvoient dirpofer d'eux , de leurs 
femmes, ai de leurs enfaDS , tout étoit i 
-la difcT^tion ,de leurs Tyrans ; le Roi les 
réduifîcfurlepied des vaffaux ordinaires, 

L'InquiTition établie feulement en An- 
tUloulîe , s'étend dans les Royaumes de 
CafttUe èc de Xiéon ; on nomme pour 
Grand Inquiftteur le . Dominicain Tor'- 
quemada qui , enmoins de 4 ans , fit brû' 
1er vifs plus de 2000 malheureux; il n'a- 
voit pas été le premier Inquilîteur , mais 
il réutûc en ù perfbnne le pouvoir dopt 
avoieot joui fepacément ceux qui l'a- 
voient précédé. 

Mort de François de Foîx , Roi de Na- 
varre le 30 Janvier À Pau , fa fœur Ca- 
dieriae Jiïifuccéde; Ferdinand âclfabelle 
ia demandent en vain pour leur fils Jeaq , 
lilagdelene de France là mère lui avoit 
infpiré .trop d'averfion potir la roaifon de . 
CafttUe, elle époufe Jeand'Âtbret. 

Mon de Louis ]iC[.RDi-de France , on 
Ci) 



ys Hl s T O IRE 

dit que S. François de Paul lui avoit per- 
fuadé de reftituer le RoUffillon , & qu'en 
mourant iravoit chargé de cette reliitu- 
tion l'Evéque de Lombes & le Gou- 
verneur de -Perpignan : mais que la 
Régente , Anne de France , Dame de 
Beaujeu fa fille empêcha l'effet des der- 
nières volontés du Monarque François. 
Révolution à Grenade, les Maures in- 
" dignes du traité honteux de Boabdil con- , 
coîvent pour ce Prince autant de mépris 
qu'ils lui .avoient témoigné auparavant: 
de tendrefie , ils ne le défignoient plus 
que fous le nom injucieux dç Zogoybi , 
qui lignifie petit intortuné , tandis qu'ils - 

Srodiguoient à foh oncle le furnom de 
iagal , qui veut dire vaillant : les Alfa-' 
quis plus furieux que les autres'ne peu- 
vent lui pardonner les malheurs de la 
Nation , & excitent une fédition à Gre- 
nade"; Boabdil n'a que le tems de fuir 
k Almerie avec fes femmes , fes en- 
cfans & fes tréfors ; le vieux Roi eft rap- 
, pelle & rétabli-fur le thrône. 

Le Duc de Bracance , beau-frere du 
Roi de Portugal , à la tête tranchée dans 
la place publique d'Evora , il étoit con- 
y^ncu d entretenir df s iatelligençes avec 



d' E SP A G N E. J3 

le Roi de Caftille ; Jean , avant que de le 
bitt arrêter , le fomma en particulier de 
lui avouer fon crime avec promefle de le 
pardonner , mais le Duc nia conftam- 
ment tout , ignorant qu'on avoit faid par 
fa négligence les lettres do Ferdinand 6c 
d'autres pièces qui fervoient à le convain- 
cre de trahîTon. Dix Gentilshommes fu- 
birent le même fort , la femme, les eni^ns , 
&Jes frères de Bragance qui avoient été 
déclarés traîtres , le retirent en Caftille. ' 

Les Infants détenus au château de Mo' 
la entre les mains de U Ducheffe de Vi- 
feu, retournent chacun dansleurcour. 

Ferdinand &Ifabelle ènvoyent répé- 
' ter le Rouflillon à la cour du nouveau 
Roi de France Charles VIII ; les Ambaf- 
fadeurs de Caftille , fur le refus de la Ré- 
genre , avoient ordre de ne pas confir- 
mer les anciennes alliances entre les deux 
Couronnes. 

Ferdinand alTeml^le à Terrazone les 1484. 
Certes d'Arragon , de Valence & de Ca- 
talogne j afin d'en obtenir des fecours 
pour la conquête de Grenade. Les dépu- 
tés des deux dernières Provinces protef- 
terent hautement contre l'innovation de 
les aflembter hors de chez eux , le Roi eut 
C iij 



f4 Histoire ^^^^ 

égiid aux proteftanotls , Se chacun ûei 
Royaumes contïnaa l'^embl^ dans une 
Ville de fon DiUrift ; Ferdinand veut dé- 
clarer la'guerre à la Francs pour recou- 
vrer le RouffiUon-, mais foi> époufe le 
détourne de ce projet , & le confirme 
dans celui d'achever la réduftiort de Gre- 
nade , avant que de fonger à porter la 
guerre ou en Italie , ou en France. 
. Les fuccès de cette campéigne contre 
les Grenadins furent rajMdes , Ferdinand 
prend Alahora, Aloïayna & Setenil; le roi 
de Grenade demande en vain la paix ; lei 
Caflillans étoient en trop beau chemin 
pour la lui accorder j les Maures quoique 
très-braves , très-patienrs , très-riches , & 
plus habiles que leurs ennemis dans les 
coup^de main, & les combats à la lancej ne 
poavoient réfifter aux Caftitlans ; ces Bar- 
bares avoient négligé , ou même ne con- 
noiffoient prefque pas l'ufage de l'Anil- - 
lerie. Ferûinand qui s'étoir apperçu de 
leur foible , en profita habilement. Leurs 
places fortifiées à l'antique tomboient 
au feul bruit du canon. Le Roi de Caf- 
tille feïvi félon fes vceux par Fran- 
çois Ramiré Grand-Maître de l'Artine- 
rie, l'homme le plus aétif & le plus expë- 



nmenté de l'Europe , s*Btt«ndoit k tti/ota- 
pfaer biebtèt des Gretrat^ns. 

Le Vdttugal-'étp'it agité par le» pKia 
mzès troitmes depuis que le Souveraki 
de ce RoyaufBâ aveit publie detrès-féve' 
Tes ordonnances Boiir foufltaùe le Péupti 
de U tyrannie- de I» NQble& , le Duc 
de !&ragance s'^toit tié avec les Caftit- 
lans , de cette riaiTofi , comme je vîtns de 
tedire, lutavcHt cc^ké-la vie. lies Seî^ 
gneuFs FortHgais qui le TeeardoiciK coi» 
rae lear chef & leur défenfeur , après 
avxHT lionne- des tsnaes à fon fort tf »gir 
qM , longèrent i h vea^r «n ïflkffînant 
leRoî, fit en couronnani leDHcde-V^eit 
Ibn coufin germain qui étoit frère de la 
Reine. L*Evéque d'Ëvora,(*) , k &ere de 
cePréiatÔi fix autres Seigneurs des mai- 
fens d'Albuquerqùe , d^Atayde , de Cou- 
tmho & de Sylveyra, fo»c bFÏUer la Cou- 
renne aUK yeuK du jeune Prince , & Ten- 
E(gent à être le vengeur de l'infortuné 
ragance. Le Roi intlruit parla maîtreflè 
de rEvêque d'Evora du détail de cette 
conjuration , fe ^rnit d'une cott« de 
maille , & doubla fa garde. Toutes ce« 

- (<> U <iait delà UiifliB dt Menti». 

Civ 



5(5 .Hi s ïp I H E 

précautions n'aurpien.t pu le garantir d'uQ 

. fort tragique , fiw^uîf évehetpfintfingu- 
liei*. II. fe trouve pat jpJip fça^s.qusljia- 
fard , lui quatrième au.lnilieu d'une, pav-r 
lie des confpirateufs àétfixmné^ à Je faire 
périr. Son air intrépide ôc-qiajeft'ueaK, fes 
manières polies , affables & çarei^ntes 
fufpendirent l'animofité des affaffins. Au- 
cun d'eus n'ofe tirer le poignard. Cepen- 
dant la gardç d^ Roi accourt , &i le tire de 
danger. Quelque .teins après Jean appel- 
le le Due de V ifeu , & le poignarde de Ci 
propjf! main. Va , fcelérat j dJt-ît, en Iç 
gerçant , apprendre à Bragance le fuc- 
jcès de fes complots. Pour confoler en 
quelque forte la mère de ce. jeune Prin- 
ce , le Roi Adopte Emmaniiel , frère de ce- 
lui qu'on venoit d'immoler > & lui fait 
prendre le titre de Duc de Beja à la place 
de celui de Vifeu qui lui étoit devenu 

. extrêmement odieux. C'eft ce mèvae 
Emmanuel qui lui fuccéda. La fphere 
dont il fit le corps de fa devife , fenibla 
être un préfage de fon élévation , de 
fes conquêtes & des découvertes que les 
Portugais firent foi|s fon règne. Les au- 
tres confpirateurs périfieni lur des échaf- 
&utS} oupaflètit aansl«spay<$-étraDgers. 



d'Es pagne. jj 

Jean d'Albret époufe la Reine de Na- 
varre au grand déplaîGr de Ferdinand & 
' d'ifabelle qui , tous diifêrens prétextes > ■ 
s'emparent de plufîeurs places de cç 
Kovaume. 

Le Pape Innocent VIII. iiomme le 
.Car<final de Bor^ Â l'Archevêché de 
SévUle , malgré le nouveau concordat 
fait entre le prédéceflèur de ce Pontife 
& les Caftiluns. Ceux-ci s'y oppofent 
avec une fermeté qui oUige le Pape à 
retraâer fa nomination. 

Ferdinand entre en campagne avec une 1485* j. 
armée de 40000 hommes Se de 50000 

fionniers. La Reine & sous les Grands 
accompagnent dans cette expédition. 
Le Roi & la Reine > avant leuF départ « 
entreprirent de borner le luxe de la No- 
tlefle , Se par conféquentcelui de laNa- 
tioo. Il ne me pas beloin de toi fbmptuai- 
re. Une parole de Ferdinand opéra la 
plus parfaite réforme. Il déclara que c'é- 
tMt le défobliger que de paroître avec 
deshabitsfomptueux & une foule de va- 
lets , aulTitôt cet attirail inutile qui fuit 
les armées , difparut : au. refte , ce Roi 
' donnoit l'exemple , & rien dans fes vê- 
temeos & dans fcn train ne 1« diilinguois: 
Cv 



jS HlSTOlRB 

d'un iïmple Gentilhomme ; cette cam,- 
pagne fut une fuite de victoires , i o pla- 
ces font cônquifes , parmi lefquelles 
iftoîent Ronda & Marbella , les Caftîl- 
lans , pour gagner les Peuples con- 
quis , les reçoivent fur un fîmple fer- 
ïpént au nombre de leurs fujets , fans pa- 
ïoître fe défier de leur tnconftance , on 
leur permettoit de vivre félon leur Reli- 
gion , leurs Lmx , leurs ufages ■ ou de 
s'en retourner en Afrique avec leurs 
biens , on ne {buftroit pas qu'on leur fît 
la moindre injnftice , on leur laiffa leurs 
Juges & leurs tribunaux^ on ne négligea 
liai pour les accoutumer à une nouvelle 
domination. Cette conduite humaine 8c 
adroite contribue plus que la force au 
fuccès d'une conquête que les Maures 
regardèrent long-tems comme impollî- 
ble. 

■ Boabdil entraîné par fa vengeance 6c 
fon ambition dans tous les pièges que hit 
tend. le Roi de Caftille , continue de 
combattre fon père & fa patrie aidé des 
petits fecours que lui foumifibit fon dan- 
gereux allié ; nouvelle révolution à Gre- 
nade j le vieux Roi Albohacen aveugle > 
goûteux , infinne efl déthrôoé par fba 



"d'Espagne. j-j 

frère Zagal , & mis à mon ; le nouveau 
Roi prépare le même fort à ioa neveu 
Boabdil ; Almerie ell livrée par un AUa- 
qui à Zagal ; Boabdil Cp fauvâ ; fçD frert 
$t fes partiTans font mafacrcs ; lie jeune 
RoifufpàiSc fuis reâburce fe jet» entre 
les bras de Ferdinand. 

L'Inquifition eil introduite dans le 
Royaume d'Arragon ; c'ell en vain que 
les Douveatix Chriétietis fe plaignent au 
Grand-JufUcier & au Roi 4'une noi|- 
veauté H. contraire a^x privilèges dit 
Royaume. Ils égorgent Pierre d'Ârbu^s 
Inquifitcur de i^rragoâe aux 'pieds dss 
Autels de ta Cathédrale. 

Le Comtcde Lemo&fe révolte en G»- 1485. 
lice, prend Ponferrada & bat le Comte 
de Benavente. Cette éfpece de guerre ci- 
vile n'empêche pas Ferdinand de pour- 
fuivre fes conquêtes dass le Royaume dp 
Grenade ; les Al&quif ailarmés de ces 
fuccès oUJeent l'oncle:& tf^neveu à faire 
tia traité lecret par lequel iUpartagent . 
les débris du thrône chancelant s la capi- 
:talc f Malaga , Aiqterie & Veléa échu- 
rent à Zagal , & je rede fut le partage de 
'Boabdil ti condition qu'ils k prêteroient 
iu fècours, Se qna.c4ui des deux qui 



'éb HiSTOlH-E 



JurVîvFoit à -l'autre , hériteroît fur te - 
-champ de tout le Royaume. Zagal , par 
-un trait de pcdît-iqiie admirable-, avoic fait 
tomber Loja , ville forte qui couvroie 
■Grenade > dans U ponion de Ton neveu , 
^fpérânt ,qàe -Ferdinand n'attaquerolc 
, point une yUle appartenante à (on aflié > 
-^ qu'il fe raaintiendroit à Grenade ^n at- 
-tendant qu'il pfit ufurper le refté de' la. 
-Monarchie fur &n neveu 3 mais l'faabir- 
ie Ferdinand kiflroit du traité fecret 
-des deux Princes Mufulmans , fe moque 
^âes prières de Boabdit , & ViSlége dans 
'lioja avec-yoooo hommes; Boabdil iè 
défend vigoureufement , Se demande ea 
" vaîn'des «cours k Zagal; celui-ci _efpé- 
tant que la mort ou ta prifon de fon neveu 
^rerldroitièul maître du Royausne, n'a 
garde de te fecourirî Loja fe rend après 
■un fiége de p jours r Boabdit-avoif.reç» 
deux bleffures dans une fortie ; Ferdr- 
hand j fuivant les principes de fa poHtù- 
que , accorde au jeune Koî la liberté-ç A- 
n'ignoroit pas fon relTentiment contre fon 
onde, & fe âaFtoit d'en tirer Us plus 
grands avantages. En effet , Boabdil re* 
fufa toujours conlhmment de fe réunir 
-avec foo oncle , aimam mieux. ïqIiIï 



d'EsP AO N E. 6l 

couronne de Grenade entre les mamsdet 
knplacabies ermetnis de fa Nation , que 
■fut U tête d'unpeïfide;. en-conféquen«e 
A renverfe les nœu^s de fon alliance avec 
Ferdinand , & combat avec plus de fu- 
reur que jamais contre ùt patrie : Guadix 
& Bazj) Jnflruits de fes nouveUe» intellti- 
gences avec les C^illans fe rangent du 
parti de fon rival. 

Ferdinand pro6te de ht diicorde des 
Maures pQur prendre Ylora , «pi'on ap- 
pelloit rCEil droit de Grenade , Se Moclin 
qiii en étoit futnoniiné le Bouclier : il fe 
rend maître aulli de 6 autres pLacescon- 
nues autrefois ,& qui ne (ont aujourd'hui 
que des Bourgades ; la Reine encore plus 
ardente à U conquête de Grenade que fon 
époux , étoit l'âme de fes entreprifes 
& de fes viéloiresl tantôt on la voyoit à 
l'armée exdter les fûldats , tantôt elle 
a^fîbit pour procurer aux trotipet ce qui 
leur étoit nécèSaire , empmnunt de l'aP- 
gont fiir fes pierreries , comblant les 
Grands & les Officiers de carefles & d'é- 
loges ; eaûn on peut dire que l'expulfioa 
ies Maures eftEtutant dâie a Jà ferraeté & 
s fon. génie qu-à la valeur de fon époux : 
elle aVûlc mt dédder c^ue le Koyauipe 



(Î2 .Histoire 

conquis feroit uni k la Caftîlte , auilî dans . 
toutes les places qu'on emporcoit : on tr- 
boroit trois étendards.en cérémonie,; fur 
le premier étoit une croix pour fignifi^ 
que l'on foumettrat: moins aux Koig^gu'à 
la Reli^n Chrétienne les Maures vainr 
eus ; le fécond repréfentoit S. Jaci^es, 
Patron d'£ipafi;ne ; & le troineme enfin , 
étoit l'étendard de la Caflille , qu'on ne 
levoit qu'avec ce cri , Castille , Cas- 

-TILLE POU» LES Rois FekPINAND ET 

Isabelle : on vouloit apprendre à l'Ef- 
pagne que les nouvelles conquêtes étoient 
affuietties aux Caftillans ; de retour d'une 
a glorieufe campagne , les Caftillans vo- 
ient en Galice , ie Comte de I^mos pré- 
vient leur juûe vengeance en fe jettant 
aux pieds du Roi & de la Reine ; il en fut 
quitte pour payer les fnûs de la guerre & 
pour être ei^e de la Galice. Cette Pro- 
vince inondée du fang de tant de fcélé- 
lats par les exécutions féveres de d'A- 
cunha t n'étoit pas encore tranquille 4 il 
feUut faire périr fur les échaffânts une in- 
finité de Gentilshommes » & rafer leurs 
fortercftês : an moyen de ces ranédes vie* 
lens la Province recouvre lecalme & la 
-nanquiUicé j D^rec quidéfendlôas peioe 



d' E s P A G M B. 6f 

ée mort aux Seigneurs , de s'emparer des 
dîmes des Egtilès , & d'ufurper les reve- 
nus des Monafteres à titre de commande; 
^lerinage de Ferdinand & d'Uâbelle i 
S. Jacques ; ils font conllruire dans cette 
Wle un magnifique Hôpital pour les Pè- 
lerin» qui y abondoient de toutes les par- 
ues de l'EurM». 

Traité de Florence entre le Pape & le 
Roi de Naples , conclu par la médiation 
de Ferdinand le 12 Août; découverte 
du Cap de Boane-Eipérance le long des 
Côtes d' A&ique par les Portugais. 

Le Maréchal D. Pedre d^Ayala efl 1487. 
condamné à perdre la tête pour avoir l^lt 
pendre un Notaire ; telle étoit encore i'ar- 
rogance des Grands qu'ils ne pouvoienc 
k réfbudre 1 plier fous le jodg de l'auto- 
rité Royale , malgté tant d'exemples de 
rinflextbUité des Rois de CafBIle. Il ob- 
ùeni pourtant fa grâce en confidératioB 
du Connétable dont S avoit époufé Is 
petite-fille ; mais les Habitans d'Ampu- 
dia qui Tavcùent mis en état de réfiller i 
h Juflice , font puniii la plupart par i» 
c&rde & les autres par le foiiet & K ban- 
tuHèment. ' 

Soabdil détenniflé à régner ièul ou i 



6^ HiSTOIEÈ 

périr , fuivi d'un petit nombre d'Avenciï- 
rjers , furprend un Quartier de prenade. ■ 
Cette brufque tentative , fes promelTes > - 
fes malheurs, fonintrépidité-& le fecours ' 
des Abencerrages lui forment un puïflant 
parti. Cependant il fallut combattre yo 
)oursdeiuitc,avant que d'en cbaffwZagal - 
& avoir recours à Ferdinand qui lui en- 
voya des fecours plutôt pour entretenir le 
combat , que pour lui procurer la vifloîre. 
On ne fçait qui auroit fuccombé fans le 
fiége de Vêlez de Malaga> que Ferdinand 
entreprit , à la tête de 60000 hommes ; 
Zagal, à cette nouvelle , Indéterminé s'iL 
combattroit pour la Capitale , ou s'il vo<- 
leroit au fecours du boulevard de fes 
Etats } prend enfin un parti digne d'un 
Héros 6c d*un Citoyen , il envoyé dire i 
fonneveu qu'il confentoït de lui céder la- 
Couronne } &C de combattre pour la Be- 
li^on & la Patrie fOus Tes étendards , à 
condition qu'ils défendroieiit cHièmble les 
refies de l'Empire de leurs Amétres, Allez. , 
T^ondit ie jeune Prince aux députés de 
Ton rival , diiei À mon encCe ijutje nepeitx mi 
^er À la Parole d^un traître , je ne veux de 
faix t^ de trêve avec lut <^m par ma mort 
au lafienru , vtUÀ mon traité ; ZagjU fe dé- 



d' E s P A G N E. 6f 

termine à laîlTer une partie de fes troupes 
dans Grenade , Se marche lui-même à U 
tète de 2JOOO hommes pour faire lever 
le fiége de Vêlez ; mais le malheur le fuîp 
par-tout : il eft vaincu , il ,femble que fes . 
infortunes lui euflent ôté le courage , ainS 
qu*à fon armée , ni lui , ni les tiens ne fou- 
ttennent la réputation de valeur qu'ils c'é- 
.toient acquife ; ce fut plutôt une déroute 
qu'un conabat ; pour^orqble de défaftre > 
les troupes qu'il avoir à Grenade , fe li- 
vrent à ton rival , la capitale de fes Etats 
lui échappe , te Vêlez fe rend à Ferdi- 
nand , comme alliée de Boabdil.Zagal va 
cacher fa honte à Almerie. , 

Les vainqueurs afiiégent Malaga , c'é- 
toit un coup déciHf que la prife de cette 
Ville , la plus conildérabie qui relloit aux 
Maures après Grenade , elle éioît l'entre- 
pôt où aboutiifoient U& fecours immeti- 
fes d'hommes, d'argent ; de vivres & de 
munitions que toute l'Afrique Mufulma- 
ne envoyoït en Efpagne j fa garnifon 
étoit de jyooo hommes, outre un foit 
grand nombre d'habitans déterminés à 
vaincre ou à périr ; Ferdinand & la Reine^ 
avoient une armée de 70000 hommes> 
f^ns compter uae Botté con>por(;e de 



66 H 1 s T o I a-E 

Va'ifleaux CaÂUtans & Flamanâs qu'iU 
avoient obtenus de l'Archiduc Maxim)' 
lien pour intercepwF les fecour» d'A- 
friâue. 

' rendant ce ûége , Soabdil confirme «a 
ïraité fecret fait avec le Roi fon allié , par 
lequel il promettoît aux CaSillans de 
leur livrer après la^prile de Loja , ce qu'H 
ÇoffédoJt da RoyawB* de ft^nade , 
moyennant yn appanaM , quand ils atr- 
roien» enlevé à Ion oncle Aknerie , Beea 
& Guadix les feules places qui lur ref- 
toient. Auffi-tôt FerdinMdfignifie à ces 
^^Ues qu'elles eulïènt à reconntritrp dans 
dix' mois Boabdil , linon qu'U s'en eta-' 
pareroit pQur la Caiïitte. 

Le Prince Maure , par ce traité , Ctwnp^ 
•toit faire un coup de maître , it efp^rcùt 
que ces places très-fwtes & défendues 

Ïiar fon oncle , qm tâcherôit de les coa- 
êrver comme fa dernière reflburce, ne 
fcroientpas fi-tôt emportées, que pen- 
dant ce tems-là il trouvermt le moyen 
de réunir tous les Maures fous fon einpi< 
re , & d'obtenir de puiffafts fecours d'A- 
'frique, pour éluder ce traité , maïs il fut 
la dupe de là politique: il étmt décidé 
-par U Providence que la dooùnatioo des. 



d' E s P A G N E. C'y 

Mafaométans fêroit éteinte en Efpagne , 
^n'il en fereît le dernier Roi. 

Cependant l'attentat d'un Maure h' 
ftatique penFa renverfer tous les- projeta 
des Caftillans. Cet bomme quipalToit 

Kiur un Saint dans fa Reli^oH , rort de 
at^a , fe rend au camp , fie démande 
fous quelque prétexte d'être préfemé au 
Roi de Caftilfe ; ce Prince , heureufe» 
ment pour lui faifoit la Sicfte , on intro» 
duit le Maure dan* ta tente de la Boba- 
dilla , favorite de la Reine : cette Damft 
jouoit avec Alvare de Portugal , Marquis 
de {*) Moya. Le Mufulman trompé par 
la richetTe des habits , prit Alvare pour 
le Roi , & la BobadîUa pour la Reine ; 
dans cette perfuafion il tire brufqaement 
fon fabrê & en frappe le Marquis ; ce Sei- 
jneor efmjîve le coup , ic raflaflln eft poi* 
enardé mr le champ; Mataga , après une 
lorgne réfiftance le rend à difçrétion le 
l8 Août î tous lesHabitans & les Etran- 
gers font faits (fr) efclaves ; Ferdinand 

(4)11 jtohften de ce Duc it'Rnpait quiavoitétj 

(() Le nombre dei ETclivei écok (i grand , ^e Fer- 
diainil en envoya ui Pape , 4U Roi de Niplei > tt 1 
ttlttt de PoitupU 



n 



I ST O I R B 



taxa la rançon de chacun d'eux à 36 àw 
cats , 6c celle de tous tes Jui£s à 26000 , 
ce qui lui produifit une fomme «ohfidé- 
rabfe ; c'étoient des fonds pour pourfui- 
vre fes conquêtes ; on remarque qu'il y 
avoit dans fon armée près de 8000 Che- 
valiers ; Malaga fi fameuf^ par fon corn- 
mecce & l'excellence de,fes vins , avoit 
été 760 ans fous la puiffance des Maures : 
on y rétablit le fîége Epifcopal. 

Les Juife & les Chrétiens Apoftats 
pourfuivis par l'Inquifition , paiïent en 
foule en Afrique & en Portugal , le Roi 
Jean en fait aulH brûler plufîeurs , mais 
rappelle aux fentimens d'humanité par les 
cris de ces malheureux , il leur fournit 
des vailfeaux pour palTer en Orient, 
8.. Les Rois de Caftille permettait au 
Seigneur d'Albret , partifan des Ducs 
d'Orléans & de Bretagne > ligués contre 
Charles VIIL Roi de France pendant fa 
minorité , de lever des troupes dans leurs 
Etats ; mais elles périrent à la bataille de 
S. Aubin qui fut perdue par le Duc d'Or- 
léans I depuis Louis XIL D. Michel 
Jean Gralla qui les commandoit eut le 
même fort que le Duc d'Orléans , & fut 
pris^ cette campagne efl moins gloheufe 



d'E s P A û NE. 6<) 



à Ferdinand que les précédentes; U ne 
peut prendre que Vera , tandis que Zagal 
qui , ainfî que les Généraux Maures , ex- 
celloit dans une guerre de rufes, de ftra-" 
tagêmes , dp lurprifes & d'rfcarmou- 
ches , remporte différçns ava;itages fur 
les Cafiniaos , mais il ne iaifoit: que recu- 
ler fa mine ; lestffbrts qu'il étoic obligé 
de fàre contre fon neveu , partageoienc 
trop fes modiques forces , il falloit fuc- 
comber. 

Traité d'alliance des Caflitlans avec 
Maximilien , Roi des Romains , contre 
Charles VIII ; Maxîmilien fait prifonnieç 
en Flandres par fes Sujets rebelles , & 
leUcbé , demande en mariage Ifabelle 
pour lui , & Jeanne pour fon fils Philip- 

Îe ; cette dernière allianc* eut lieu , mais 
fabelle étoit promife à l'Infant de Portu- 
galjle Duché de Plazentia extorqué par 
la MaiTon de Zuniga à Ilenri IV. eft réu- 
ni à la Couronne ; l'aîné de la Maifon de 
Zuniga fut décoré du titre de Duc 4* 
Bejar. _ 

IiCS Caflillans font de nouveaux eiïbr^ ï-^S^i 
pour accélérer la conquête des Villes ref- " 
tées (t Zagal ; liége de Baca, il dura fept 
ooisj Ferdinana fut plus d'une fois far 



fa 



70 Histoire. I 

le point d'abandonner une entreprîfe qui j 
lui coûta 20000 hommes ; mais l'jotrë- 1 
pide Ifabelle ranima fbn époux , Se pour j 
:aire voir qu'on avoir defTeîn de continuer 
le fiéce , elle fit conflruîre des tnaifons 
.dans Te carop ; les Grenadins crient en 
vain contre Boabdil qui triomphe des 
malheurs de fon pncle , coname s'ils n'euf- ' 
feni pas entraîné fa chittCi.Zng»l indigné 
contre un neveu qui refufe d écouler £ès 
véritables intérêts , prend un parii défeC- 
^ré pour rendre fon neveu viâime d'une ■ 
guerre dont il étoit l'auteur : il vend Al- 
.merie , Guadïx & les débris de fon ttrô^e 
A T'erdinand pour loooo ducats de ren- 
,te , & combat contre Boabdil fous les 
étendards des CaHillans ; après avoir fait 
voir quelque tems à l'A/rique & à l'Efca- • 
cne qu'on devoit attribuer Can abdication 
.a la vengeance , & non pas à la lâcheté ; 
il demande à Ferdinand la liberté de paf- 
fer en Afrique. On héfitaiî on lui accor- 
deroit cptie perroiffion ; maïs Gonfalve 
de Cordoue , & le fameux Ximénes , Cor- 
delier , Confeffeur de la Reine , & fon 
Oracle , Jnfiftent fortement & avec rai- 
fon , pour qu'on fafie.un.pont d'or i un 
Pfipce i^errier , inçiuiet , habile & to(j- 



d'E sp a g n e. 71 

jours prêï à fe mettre à la tête des vain- 
cus , en cas Ac révolte. Zi^l paiTa donc 
en Âfinque svec 4000 Maures , les plus 
nobles & les plus braves de la Nation , 
ptefque totis Chevaliers. Le Roi de Fez 
Kfaifkde fa.piérronQe', & lui fît fon pro- 
cès. On le déclara auteur des guerres ci- - 
viles de Gvesade , -& de la mme de ce^ 
Emptfe. On ie condamna à perdre la vue 
& à être Téleginé à Vêtez de la Goisera > 
oi il £axXe jouet & l'opprobre desBarba- 
Tes , traînant une vie mifërable. On écri- 
vit fur fesbabÎGsengroe caraâeres: P^oîci 
h-dipiûrable Sfi 4ti Aitutrt» £ AnÀ^imjit, 
Tel fût k fort d'un Frvtce. qui mérita ub 
jereil traitement par fes cruautés & lès 



Bcaboïl , vifliffie de fa fauffe politique , 14^0; 
eftfomnaéjpar Ferdinand de lui remettre 
Gtenade_dans ,3e jours, ccaforipément à 
fcurtrajté;iecrtt-i ce iflalheureux Prince 
Étcù.alorsj^ffiégé' dans fbn pj^aisipar les 
MaUtes qui .lui imputweni . avec- nîiifon 
les ^tmtUieuxs '.de 2^aeal , -^/ia ;cb&te d« 
IXinpire ; )îl fépon^aùit députés Caflil- 
lans que c'étôtt s'iespA^er à un re^cer* 
nin.&.peiit-êttfià la tBort„que^e!pK)- 
pofèr aux Qcenadtaftfli&.iareU jcb^oger 



73 H I g T O I R'-E ■ 

ment de domination. Il n'ignaroit - par ^ 
que Ferdinand avoit déjà foUiciré fesSu-- ; 
jets à l'abandonner, en leur offrant les 
mêmes avantages qu'on avOit accordés à 
tous les Maures qui s'étoient rendus fans 
renflante , & qui Tous le beau nom d'al- 
' liés étoien; réellement fujets ; Ferdinand 
réitère fes forftmations , offi-Mît à Boabdil 
de plus grands ^{nnages ', lie parlant 
poiht de lui ôter le' titre de Roi , & fe 
contentant de quelques forts dans la Ville 
pour y mettre garnifon. Le Prince j pour 
toute réponfe ,dcmande'lâ paît, onant 
de payer les mêmes tributs, qiie fes pré- 
déceflears ; peiidàBt Cette efpece de aé- 
gociatiôn , les Maures; fe voyant' fur 1«- .., 
bord du précipice , font un dern^ effort ; 
un rayon d'elpoir ptfle au fend du coeur ; 
de Boabdil , il levé le mafqiw & fe décla- 
re ennemi -des Chrétienj.-le deflèinde pé- 
tir Roi ^toit le feul parti glorieux qu'il 
pouvait prendre; plein décourage & 
d'efpéràade , il fort brufqaeineat da-^îrc- 
nade avec une armée de 30000 iiommes ^ 
prend quelques "forts , fait foulcver les 
montagnes des AlpuKarras; déjà tes Mau- 
res de Guadix , d Almerie & des autres 
Villes nouvellçiHaat fouo^s, Ibngeoienf 

4 i 



d'Espagne. 7j 

iïecouer le joug , 'û écoit à craindre que 
le Royaume entier ne fe jettât entre les 
bras de Boabdilo lorfque Ferdinand ac- 
courut pour arrêter ce torrent. Au fond 
il étoit charmé que Boabdileût rompa 
avec lui, a£n de juflifier aux yeux de VA.- 
&ique 8c del'Europe le Gége de Grenade , 
ic les maux dont il atloit accabler un Al- 
lié qui lui avoir fourni l'occafioa de con- 
Suérii tant de Villes , & de gagner taat 
e batailles ; Ferdinand auflî fupérieur à 
fon ennemi en courage qu'en puiffance & 
en polinque paroit dans la plame de Gre> 
nade , la lavage , remporte de nouvelles 
vidoires ^ '& remet les Maures fous le 
joug ; tandis que le Marquis de Villena , 
un des Généraux , réduit Guadîx & les 
autres Villes rebelles. Ferdinand va triom- 
pher à Cordoue où il arme fon fils Jean 
Chevalier, & où il conclut le mariage de 
Vln&ntelfabetle avec Alfonfe , Prince de 
Portugal; la Reine termina cette alliance 
avec Âlfbnfe préfërablement avec d'au- 
nés Rois , par l'anùtié qu'elle eut tou- 
jours pour la Maifon de Portugal dont 
étoit la Reine là mère ; cette cérémonie 
fut accompagnée de tous les divertifle- 
mens que la Chev^erie avoit inventés tels 
Ttm III. D 



Hl STO I K E 



" que les tournois , les joutes , les combats 
- à la barrière & à la bague ; Ferdinand re- 
fufe dans le même-tems de prendre fous 
fa protedion la République de Gênes , 
laflée du joug des Ducs de Milan ; fon 
unique butétoit de terminer l'entreprife 
qu'il avoit fi glorieufement commencée. 

Le fiégc de Grenade eft réfolu j Fer- 
■'^-^ ' dinand s'avance devant la Ville avec 
40000 hommes de pied& lOOOO hom- " 
mes de cavalerie , prefque tous Cheva- 
liers ; il lui reftoit autant de troupes à 
oppofêr en cas de befoin aux François 
de qui il craignoit une invafian à caufe 
de les alliances avec la Maifdn d'Autri- 
che & d'Angleterre. 

L'armée ravage la plaine de Grenade ," 
& campe le j" Avril à deux lieues de cette 
Ville. Le Marquis de Villena s'empare 
des défilés des Alpuxarras d'où on fai- 
foit paifer des vivres & des munitions 
dans la Place , & où il y avoit une armée 
de ^0000 Maures ; Ferdinand environ- 
ne Ion camp de murs & d'ouvrages qui 
forment une efpece de ville , le fiége né 
fe &it point dans les formes ordinaires , 
potfit oe lignes , point de tranchée , point 
0'artiUçriç j tout ie foin de Fçr^aijd 



D'E s P A G N E. 77 

étoit d'affiimer cette Pl|ace , &^de vain- 
cre en détail la garnifon qui failoit de fré- 
quentes fbrties; l'efpace entre la Ville 
&le camp étoit un champ de bataille oà 
on en venoit tous hs jours aux mains 
avec diffirens fuccès : les Chevaliers de 
part & d'autre faifoient des prodiges de 
valeur ; il n'y avoit pas d'autre moyen 
de fe rendre maître a'une Ville qui ren- 
fermoit 70000 maifons, & le double de 
fesCîtc^eiis (<) ordinaires, parce que 
les Maures qui n'avoient pas voulu rece- 
voir le joug Caftillan , s'écoient repliés 
dans Grenade & aux egvirons j a'ail- 
leurs , les murs de cette Ville extraordî- 
oairement hauts & forts i^toient défen- 
dus par plus de 1000 tours & par 2 for- 
tereffes appellées l'Alhambra (è) & l'Al- 
baycin; enfin, c'étoit fans contredit la 
Vule la plus peuplée , la plus riche & la 
plus belle de toute l'Efpagne , . fituée 
dans une plame de ij" lieues, couverte 
de fources & de ruilTeaux qui la fertili- 
foient&la rendoientle lieu le plus frais, 

(ri) Quel dcroît être le nombre de» HabitlD) , puîft 
qu'en t3to il j avoit zoooao Cicoycni, 

0) L'AUiambra. Tervoït «a même tems de paUii lui 
wî Mauit! , & c'étoit Tan» contredit le plut bel édU 
e & le plv> ibrtifié de l'Europe. 

Dij 



76 Histoire 

le plus fain , le plus délicieux & le plus 
abondant de toute TEfpagne; aum les 
Maures fa vantoient-ik que le Paradis 
^toit placé fur leur Zenith. 

fioabdil & les Maures qui s'atten- 
doieni à être attaqués dans tes règles or- 
dinaires , perdent courage en coniidé- 
rant le Hegme politique d'uns Nation 
qui compte pour rien la longueur du 
tems , les travaux & la dépenfe , pourvu 
qu'elle ruine fes ennemis peu à peu , & 
les fafle enfin périr ; ils tâchent d'attirer 
les afiiégeans ^ une bataille déciflve , 
comme leur dernière reffource. Mais ils 
avoient afiàire au Prince le plus fa^ de 
fbn tems , il n'étoit pas d'humeur a rif^ 

3uer en un feul jour le fruit de 10 ans 
e fuccès. La Reine iè rend au camp 
avec Ces enfàns par le confeil fecret de 
Gonfalve de Cordoue & de Ximenés , 
qui craignoient que Ferdinand ne diâât 
tellement les articles de la capitulation , 
que Grenade fè fournît à l'Arragon plu"- 
tôt qu'à la Caftille; !a préfence d'iCa* 
belle contint en effet fon avide époux * 
mais elle manqua d'être fatale à Vxmés ; 
le feu prit pendant la nuit à la tente de 
f;»^ FFincelTe^ Sf, fç commuoiqua û loiq 



d'Espagne. - 77 
que le camp parut entièrement einbra££ ; ' 
uRûi fortit en chemife , l'épée à la mab t 
craignant une furprife des ennemis : le 
Duc de Cadix rendit un fervice impor- 
tant , en rangeant une partie des troupet 
en bataille pour tenir en rdpeâ les MaU' 
res qui n'oferent profiter de cet accidents 
mais pour le garantir de nonveanx mal- 
heurs , & pour faire en même tems en- 
tendre aux Maures que rien n'étoJt ca> 
{lable de rebuter les Caftillans , on conf^ 
truilît dans le caiop , par le confeil de U 
Reine, une quantité de maifont à l'é" 
preuve du feu. On bâtit uik ViHe pour 
en prendre une autre , cet ouvrage itn- 
menfe fut commencé & achevé en moin» 
de foixante jours, tant on y travailla avec 
ardeur : cette Ville fubime encore au- 
jourd'hui fous le nomdeSantaFtjkt^â' 
ne ne voulut fias permettre qu'on l'ap'- 
pelUt Ifabdle ; moàument immortel de 
la confiance , de la reti^oti & de XVi*- 
loï&ne d£ cette Princefle. 

L'impcflîbilJté de fe foutenif encore 
long-tems , la famine qui fe faifoït fentir, 
la v&e des malheurs auxquels on alloît 
être expofé , détMmifïereïit les Maure* 
i folUciter une veve. Ils en obtietineoe 
Diij 



78 Histoire 

une de 60 jours , le fi^ge avoit déjà duré 
6 mois ; fioabdil s'attendoit à quelque 
lieureufe occafîon , pendant ce tems-là , 
de.vaîncre ou de mourir r mais enfin les 
maux au£;mentereni , l'efpérance s'étei- 
gnit , il fallut fubir un joug déteflé ; la 
capitulation eft fignée à Santa Fè le 25" 
Novembre ; il y eut deux traités , uii 
pour le Roi,. & l'autre pour la Nation 
vaincue ; on convint que Grenade ou- 
vriroit fes portes le 6 Janvier , & qu'en 
attendant on Uvreroit aux Cafïillans 
400 ôtaees des principales familles ; k 
ces conditions on promettoit à Boabdil 
un appanage de yoooo ducats de rente , 
^0000 pièces d'or j lorfqu'U rendroit fes 
îonereiTes , ta perraiOion de paffer en 
Afrique, ou de refter en Efpagne avec 
fes biens & fa Camille ; les articles accor- 
dés auxMaurea , au nombre de yo , ne 
pouvoientj.ltre .plus étendus & plus fa- 
vorables , on leur laiflbit le libre exer- 
cice de leur Religion , la polTeflion de 
leurs biens , leurs loix , leurs Magiftrats , 
leurs habits , leurs coutumes ; on per- 
mettoif à ceux qui nc-voudroïent pas tef- 
ter en Efpagne , de vendre leurs biens , 
6c de paffer en Afrique; on relâcboie 



d'Es pagne. 79 

tous les efciaves Maures fans rançon ; on 
ne pouvoit leur faire porter une marque 
dHlinélive fur leurs habits, comme aux 
Juife. On leur laiffoit leurs armes , excep- 
té l'artillerie ; on ne pouvoit exiger d'eux 
plus d'impôts qu'ils n'en payoient à leurs 
Souverains ; on accordoit des Juges mî- 
partis dans les procès qui s'élevcroient en- 
tr'eux & les Chrétiens ; les Juifs de Gre- 
nade & les Renégats Chrétiens étoîent 
auSl compris dans la capitulation : ces 
traités furent fîgnés par les Rois y le 
Prince > les Prélats , les Grands-Maîtres 
des Ordres Militaires , les Grands & les 
Officiers de la Couronne. 

On dit que Boabdil, aulH-tôt après 
h fiçnature de la capitulation , s'en re- 
pentit , & ne put foutenir l'idée de def- 
cendre du Thrône , fans entrer en fu- 
reur. Les gens de guerre pafoiiToieat ré- 
folus de périr plutôt que de devenir fu- 
jets des Chrétiens ; les Habitans cou- 
roient en foule aux tombeaux de leurs 
ancêtres , rempliflbient les Mofquées , 
Se imploroient avec des cris lamentables 
le fecours de Dieu & de Mahomet ; i 
cette nouTelle Ferdinand écrit k Boab- 
dil une lettre polie , &c en méme-tems 
D iv 



£o .Histoire 

menaçante , lui protellant que s'il s'écar- 
toii eo rien de la capituiation , il pafe- 
Toit au fil de l'épée les otages {a) , Bc 
feroit périr par le fer, le feu & la &ffiîae 
tous les Citoyens de Grenade ; cène 
bttre fit effet fur le Prince , mais un Al- 
faqui fanatique fe met à courir dans bs 
jrues pour faire rompre le traité , criant. 
Citoyens , vous êtes trahis , BoABDiL & ttf 
Grands font Chrétiens dans U cœur , ar- ■ 
met,-v«Ks de courait & ^efpéranee , Dieu 
& Mahoma vous fauveront par mon bras i 
iprgeens les traîtres ; 20000 bomnies le 
iuivent & reraplilTent Grenade de trou- 
ble & d'ef&oi ; Boabdil eut befoin de 
toute fon éloquence pour ramener le cal- 
me ; il harangua les larmes aux yeux, 
'& prouva d'une manière convainquante 
que le feul pa^ti qu'on eut. à prendre^ 
etoit de fè conformer i la capitulation ; 
mais en même-tems, dans la crainte d'ê- 
tre la viélime'de la douleur ou du défef- 
fioir de fes Sujets , il fe hâta de livrer tous 
es forts , & palTa dans le camp des vain- 
queurs ; Ferdinand ne lui permit pas de 
aefcendre de cheval , il le traita pour la 
dernière fois en Souverain j &rembrafia j 
<a)llf(voiiiiint>i ces ông;* un filt <t«8<»b<lit> 



d'E SP A GH E. 8 l 

pendant cette entrevue , les CaltiUans 
«boroient l'étendard de la Croht & ce- 
lui de CaftiUc fur les citadelles de Gre- 
' sade ; Boabd^ rentra dam fa capitale 
conune fimple Particulier d*où il étoit 
Ibrti en Koî : on die qu'il demanda inf^ 
ftatoment à Ferdinand que perfonne ne 
paffât jamais par la porte de l'Albaycin 
par oh il étoit forti pour la dernière rois : 
demande bizarre que tes CaAillans n'eu- 
rent pas de peine a lui accorder. 

La Reine dépofe le Préfident & tous 
les Confeilters de la Chancellerie de Val- 
ladolid pour avoir fouflfèrt un appel au 
Pape dans une matière civile. 

Le Prince de Portugal Alfonfe eft tué 
d'une chute de cheval à l'âge de 16 ans ; 
le Roi fon père demeura inconftalable 
tâute fa vie d'une perte d'autant plus' 
«aftde i que c'étcrit fon fils unique ; la 
Prirteeffe Ifabelle , après avoir à peiné 
été unie avec lui p mob, revint en Caf- 
tille. 

Le Koî & la Reine entrent dans Grena- 1^$2, 
de, fuivisde la cour& de l'armée , aucun' 
Maure n'ofa foutenir leurs regards pai? 
un ancien fentiment de haine & de tef- 
reitfjBoabdil étoit parti pour les Alpa-- 
xarras j après, avoir baife la main à fes^ 



82 Hl s T O IRE 

nouveaux maîtres ; on dît qu'en fe reù-. 
rant avec toute fa famille , il s'arrêta fur 
un coteau pour confidérer encore une 
fois cette Ville fuperbe dont la vue lui 
arracha des torrens de larmes, ô5«^»<»r^- 
s'ëcrioit-il de teins en lems , à Die» dti 
Batailles. Tu as raifort , lui répondit fil 
mère , Ae pleurer en femmr la perte d'une '■ 
Couronne que tu n'as fpt défendit en hom~ 
tnt & en Roi. Ennuyé , comme fon oncle, 
de vivre Particulier dans un pays où ii- 
s'étoit vu Roi , il ne reda que 4 ans en 
Efpagne , il vendit à Ferdinand fon ap- 
panage 800000 ducats, & paflâiFez, 
où brave à contre-tems il fe fit tuer dans, 
une bataille pour les intérêts d'un Prince 
Maure qui vouloit détlirôner Le R<û de 
Maroc. 

Les vainqueurs retient quelque tems 
à Grenade pour accoutumer les vaincus, 
à leur nouvelle domination ; Grenade cR 
érigée en Archevêché en faveur de Fer- 
dinand de Talavera Evêque d'Avila, & 
auparavant ConfeQeur de la Reine ; oit 
y établit une ChanceUerie , &: enfuite 
une Univeifité ; on y lailTa Ximeoes pour 
convertir les Maures ; enfin on ne négUr - 
gea rien pour y affermir l'Ëmpice Ca^ 
tiUan. 



d'E s P A G N E. 83 

Ce fut ainii qu'en moins de lO ans fut 
conquis un Royaume de 70 Ueues de 
largeur fur 30 de longueur , qui contc- 
noit 32 grandes Villes ^7 moins conlî- 
dérables , & plus de 2000 Bourgs ou 
Villages. C'étoit , relativement a fon 
étendue , le pays le plus fenîle> le plus 
riche & le plus peuplé de l'Europe. On y 
comptoit trois millions d'Habltans , les 
Souverains en tlroJent chaque année fept 
cent mille ducats , fomme prodigieufe 
pour un tems où l'or & l'argent étoient 
très-rares. Ce. qui contribuoit à rendre 
lesHabiians de. Grenade fi riches, c'étoit 
le commerce & l'agriculture qui fai- 
foient la principale occupation d'un Feu- 
pie adroit , laborieux , poU , galant Se 
plein de valeur. 

I.es Montagnes des Alpuxarras (ont 
encore aujourd'hui peuplées des defcen- 
dans des Maures, triftes refles d'un Em- 

f)ire florilTant ; quoiqu'ils ayent embraffé 
a Religion Chrétienne , ils ont confer- 
vé les ufages de leurs ancêtres , leurs 
loix , leurs habits & leur langue particu- 
lière qu'ils ont mêlée avec le Caflillan , 
& dont ils ont formé un jargon bizarre; 
le Royaume parriculier de Grenade avoic 
D vj 



§4 H I s TOI R E 

fubfîfté depuis 1 2 f 6 que Mahomet Aben- 
Alhamar te fonda jufqu'en 14^2 que. 
Boabdil , le dernier Roi de fa race le ren- 
dît aux Caftillans : toute cette fertile con- 
trée avoît été en tout 760. ans fous U. 
puifTance des Mabométans; 

Tonte l'Europe , & l'Italie fur-tout;, 
célèbre avec traniport l'expulfion des; 
Maures & le triomphe de la Religion- 
Chrétienne , mais ce n'étoit qu'un foibie. 
dédommagement des pertes anciennes Sc 
Douvelles que les Chrétiens avoient fai- 
tes ; l'Alooran dorainoit dans toute l'A- 
fie , l'Afrique , la Grèce , Hc menaçoir 
l'Italie. Cette Région fi famcufe par la 
floire &c les conquêtes des Romains étoic; 
le théâtre des guerres les plus crueJles ,. 
des intrigues & des délions; elle pré- 
fentpit une proye aifée àiaifir, les Pàpes; 
& les Empereurs d'Allemagne s'en dif' 

Ïmtoient la conquête; le Roi dcNaplês^ 
e Duc de Milan , IcsRépubliques de Ve-- 
nife, deFlorence& de Gênes avec d'au- 
tres petits Souverains fe foutenoient , em 
s' appuyant tantôt del'autorité des Papes, 
untotâe celle des Empereurs; maigre le^ 
malheurs- publics & lesguerres, le com- 
merce» lesartSjlesiettres & les fcienccK 



d'Espagn e. Bf 

fleuriiToient avec éclat ,. & commen>- 
coienc à fe répandre dans toutes les par- 
ties de l'Europe ; ces tréfors précieux 
échappés des ruines de Condantinople 
& de la Grèce dévoient porter dans tous 
nos climats l'humanité , la politeÛe , les- 
lumières , & de nouvelles mœurs. 
La France gouvernée par Charles VÏIT.. 
& réunie toute entière fous fon Empire , 
étoit plus puilTante que jamais ; la Bour- 
gogne , la Bretagae , la Normandie , ces 
vaftes Provinces arrachées aux foibles. 
enfâns de Charlemagne , & poflédées en 
Qualité de fiefs de la Couronne pendant 
fis fiécles par des Souverains auffi puif- 
fans que le,s Rois de France , ne recory- 
noitToient plus qu'une autorité chère &. 
léâtime ; les Anglois & les htfs avoieitt 
difparus ; la France jettoit les yeux fut 
l'Italie , & lui devenojt plus formidable, 
que les Turcs & les Empereurs d'Aller 
maene. 

Il s'en falloh: bien que l'Empire jouît- 
du même bonheur ; c'étoit comme au- 
jourd'hui une République dé'Souverains 
& de Villes libres plus occupés de que- 
Telles & de guerres imeflines que de ooii" 
quétes; iliavoil pour chefs rEmpereuri 



8 6 H I s T O I RE 

Frédéric III. & Maxîmilien , Roi des 
Romains; depuis i-i'5y qu'Albert axoit 
mis la Couronne Impériale dans la Mai- 
fon d'Autriche , cette famille heureufe 
s'étoit agrandie par fes mariages & non 
par fes conquêtes; Maxîmilien, en fc 
mariant avec l'héritière de Bourgogne , 
avoit époufé fa haine contre les Fran- 
çois , & fa famille fi inférieure en édat 3c 
en antiquité à celte de France, comment 
çoit à en Être la rivale. 

L'Angleterre, fous le pouvoir C^) d'un 
Roi heureux, fage &c modéré , refpîroit 
enfin après les violentes fecoufles qui l'a- 
voient ébranlée pendant les divifions fan- 
glantes des Maiions d'Yorck & de Lert- 
caftre. La Hongrie & la Pologne défen- 
dbient à peine leur liberté contre la puif- 
fance formidable des Turcs. 

Les Royaumes du Nord étment enco- 
re barbares ; tel étoit l'état de FEurope 
à la prife de Grenade : aucun Prince ne 
paroilToit craindre la .puiffance de l'Ef- 
pagne ; c'étoit cependant la plus formi- 
dable qu'il y eût alors danï le Mondfr 
Chrétien. 

Edit du 50 Mars à Grenade, qui obli- 

{* Htari VII. 



d'Espagne. 87 

ge tous les Juifs À fe convenir dans Tix 
mois ou à fortir d'Efpagne : depuis long- 
tems cette expulfion avoit été agitée 
dans les Confeui , & tes Miniflres les plus 
fages s'y étoient toujours oppofés vigbu- 
reufement , en confidération des avanta- 

f:s iramenfes que l'Etat retiroit d'u» 
euple nombreux j puifTant , tnduflrieux 
Se négociant ; mais enfin , te fêntiment 
de laReine prévalut, cette Princeffe crut 
pouvoir fuivre , fans conféquence , un 
exemple que la France lui avoit donné 
plufieurs fiécles auparavant : fon defir le 
plus vif étoit de ne commander qu'à des 
Chrétiens , d'ailleurs , elle ne pouvoit 
voir , fans gémir , le fane des plus grands 
Seigneurs fouillé par des alliances fré- 

Juentes avec les plus opulentes familles 
uives : jamais Princefle ne fut plus ja- 
loufe ou Ifabelle de rendre à la Nobléfle 
fon éclat & fa pureté j la Nation prof- 
crite offre des fommes immenfes , & s'o- 
blige i des tributs incroyables pour faire 
révoquer PEdit ; la Reine eft inexora- 
ble , & il fallut fe foumettre. 

Environ cent mille fanûlles fe conver- 
tiflênc , ou feignent de fe convertir. Plus- 
e £00000 Juifs fe retirent en Portugal» 



Histoire 



en A&ique & dans l 'Orient oii ilspor* 
terent la haine du nom Efpagnol. On 

Eermettok à ces malheureux de vendre 
:urs biens , mais k condition qu'ils n'em" 
porteroient ni or , ni argent , ni pierre- 
lîes } mais feulement des marchan(hfes> 
Cela ne les empêcha pas de-faire fortir 
des fommes prodigieufes. Quant aux fa- 
milles qui embrafferent le Chriftianifme ^ 
L'expérience a fait voir que leur converlîoft 
n'étoit qu'extérieure. Elles ont prefque 
toutes cpnfervé leur ancienne Beli^n , 
& il n'y a aucune d'elles qui ne retourne 
au Judaïfme , quand elle le peut faire 
fans danger. La plupart ont fourni à l'In- 
quifîtion un nombre infîni de viélimes. 

Edit daté de Cordoue , qui permet 
aux Gentilshommes, faute d'autres- ti- 
tres , de prouver leur noblefle par la 
preuve teuimoniale^ La Cour pafle à 
Barcelone. Le Roi y eft 6-appé & bleffé 
d'un coup de poignard («) par un fou. 
qui s'étoit mis dans la tête queFerdînaridî 
lui retenoit fa Couronne , Se qu'après la-, 
mort de ce Prince , il feroit reconnu in- 

(d) Le ftofforroit dii Piliit pour a1I«r nndrc lui- 
«me U iuftice, fliirant le looable ufige i;ui n'étoit- 
jateoccat aboli ; il ciut d'abord ^uliD couf. ù bu*- 
dk JOUI. f«fti. d'une a>alfUi6oii.- 



d' E s P A G N E. Sp 

conteflablement pour Roi de Caftiile. 
Cet homme, malgré fa folie > fut puni 
du fupplîce des parricides. La blefla- 
le de F'erdinand étoit confîdérable > 
fans un collier d'or qu'il portoit fuivant 
Tufage, & qui rompit la violence du 
coup , il auroit été tué infailliblement. 
Il fut en danger pendant 12 jours. Le 
Prioce vouloit qu'on fît grâce i VAi~ 
ûflin. 

Exaltaûon du Cardinal Bor^a an 
Pontificat. Ce nouveau Pape , qui fc 
rendit fi odieux fous le nom d'Alexan- 
dre VI. ëtoit fujet de Ferdinand. 

£dit du Roi de Portugal, qui oblige 
tous les vagabonds , gens fans aveu , 6c 
Mendians de fortir de fes Etats , ou de 
travailler. Ce Prince fait de vains effona 
auprès du Pape pour légitimer D. Geor- 
ge fon fils naturel ( *) qu'il vouloit dé- 
clarer foti fucceffcur. Emmaniiet , Duc 
de Beja , & le Roide CafUlle traverfe- 
rent fortement ce projet à la Cour de 
Rome. 
(t) n l'avoit Ml d'une Dam« de IHUodre Mtifi]«; 



Découverte de V Amérique. 

La découverte du nouveau Monde 
qui a changé le fiftême politique de l'Eu- 
rope , qui a déchaîné l'envie de toutes 
les Nations contre l'Efpagne , & qui 
pourtant eft une des principales caulès 
de la dépopulation de ce Royaume , & 
par conlequent de fa l'oiblelfe , naérite 
que nous nous arrêtions fur cet événe- 
ment 1 le plus intéreflant qu'on Ufe dans 
les faites du genre humain. 

On croit que les Anciens avoienc une 
connoiflance confufe , oti plutôt une lé- 
gère idée du nouveau Monde ; Platon , 
Ariftote , Théophrafte , Séneque , faint 
Grégoire le Grand en parlent fous le 
nom de l'Ifle Atlantique. On a écrit 
qu'un vaiffeau Carthaginois poné par la 
tempête dans ces valîes régions , étant 
de retour à Carthage , excita Padmira- 
tion & la convràtife de chaque Citoyen , 
lorfqu'il rendit compte de la beauté du 
climat , de la fertilité du terroir & de la 
prodi^eufe quantité d'or & d'argent , 
d'éraeraudes ,& de perles qu'il y avoit 
vue ; l'Auteur qui rapporte cet évene- 



d' E s P A G N E. pi 

ment , ajoute que le Sénat Carthagi- 
nois , craignant que lur ce récit il ne prit 
envie aux Citoyens de fe tranfpianter 
dans ces régions , fit périr les gens du 
vaiflèau , & enfevelit dans un éternel ou- 
bli une découverte qui eût pu rendre 
Carthage déferte , & anéantir fon Empi- 
re dans l'ancien Continent. 

Quoiqu'il en foit de ce fait qu'on peut 
légitimement révoquer en doute, quand 
les Carthaginois ou d'autres Peuples ver- 
fés dans ta connniffance delà Marine, 
euflent voulu former un commerce > & 
établir des Colonies dans le nouveau 
Monde , l'auroient-ils p& dans un tems 
où le défaut de ta boulTote ne pernaettoit 
lanavigaâon que le long des Côtes. 

La BoufToIe étoît en ufage depuis 
loog-tems , fans qu'aucun Navigateur 
e&t ofé vérifier par luï-mme, fi l'opi- 
nion- des Anciens fur l'exïflence de l'Ifle 
Atlanûque étoit fondée : l'Europe en- 
core plongée dans la barbarie & les ténè- 
bres , s'imaginoit que ce nouveau Monde 
étoh une chimère ; les Philofophes & les 
Sçavans, (s'il y en avoit alors qui mé- 
ritaflent ce nom)-, croyoiem d'après 
*'iint Auguitin.,, quelques autres Fcret 



^2 Histoire 

de l'Eglife& piufîeurs Papes, que l'opî- ': 
nion des Antipodes éioit également ior- ^ 
fenfée & dangereufe. 

Quels obftades n'eut donc pas i vain- 
cre Chriftophe Colomb , deftiné pat la 
Frov'iddnce à la découverte du nouveau 
Monde ! On traita plus d'une fois de fot 
ce grand homme à qui, félon Charles V. 
on devoir ériger des ftatues d'or. 

Colomb joignoit aux connoïllànces 
profondes de la Cofmographie , de l'A-t- 
troQomie , de la Géométne & de k Na- 
vigation , l'expérience , le courage , ta 
fermeté , la patience , le défintéreffe- 
tnent , la grandeur d'aœe ., l'afCemblage 
enfin des qualités &.des t»tens qui an'- 
noncent les grands hommes. Après avtw 
iong-ienis médité furl'o|iinion des An- 
ciens, ôcralTemblé tous les indkes qat 
pouvoient le conduire à la connoiffance 
du aouveiu Continent , il fe convûn- 
quit enfin que cette partie du Monde 
exiftoit , & îentit en même tems quec'é- 
toit à lui à en faire la découverte. 

Plan de cette noble & fiere idée ^ 
quoiqu'établi à Lifbonne , il offre à Gê- 
nes fa patrie , de la menre en pofleflioa 
d'un commerce , & peut-êcce d'un Ent- 



d'Es P A G NE, pj 

pire qui la combleroit de gloire & de 
richefiës. Gènes ne daigna pas l'écou- 
ter : cette République avoir pourtant 
fcus les yeux la découverte du Cap de 
Bonne-Ëfpérance , fie U conquête des 
Côtes de l'Afrique par les Portugais , 
fource des richeifes de cette Nation alors 
la plus opulente de l'Europe. 

Mais qui le croiroit ? Le Roi de Por- 
tugal lui-même , Jean IV, qui jouilTcHC 
de U gloire des découvertes laites par fes 
Sujets , grand homme d'ailleurs , & ha- 
bile ^litique , ne voulut point accepter 
les fervices de Colomb qui ne réuffit pas 
mieux auprès des Rois dé France fie 
d'Angleterre. 

L'Ërpagne devoit feule prc^ter dea 
lumières fie des travaux d'un homme qui 
avoit conçu le plus hardi projet que l'ef- 
prit humain puifle imaginer. L'elpéranca 
conduifit Colomb à la cour des Rois de 
Caftille occupés alors à la conquête ia 
Grenade ; maisll lui fallutlutter nuit ans 
entiers contré l'ignorance pour faire ^- 
prouver cette grande entreprife. La 
guerre de Grenade fe termina , comme 
nous l'avons dit , par la chute de l'Em- 
pire des Maures ; le Génois étoit enfin i 



5;4 Histoire 

la veille d'être employé par les CaftiU 
lans , lorfque l'ignorance , l'envie , peut- 
être l'indigence de la Cour font échouer 
le projet ; le défefpoir dans l'anie » 
Colomb part pour l'Angleterre où il 
avoit déjà envoyé un de (es frères pour 
faire par lui-même un dernier effort fur 
l'efprit du Roi Henri Vll-lorfqu'un Cor- 
delier appelle Jean Ferez de Marchena , 
& deux Particuliers dont l'un fe nom- 
moit QumtantUa , & l'autre Santangel , 
noms que l'Hiftoiradoit confacrer à l'im- 
mortalité , vinrent à bout de perlilader 
la Reine, en lui infinuant que le Ciel la 
deftinoit à la gloire d'attirer à la Religioa 
Catholique une foule de Nations privées 
de cet ineftimable avantage. 

Déterminée par ce feul mptif , IfabeU 
le , laplus grande Princefle , & en méme- 
tems la plus vertueufe de fon fiécle , offrit 
avec joye dans l'épuifement où étoient 
les finances du Royaume , fes diamans & 
fes bijoux pour fournir aux frais de l'ar- 
mement; Santangel , un des principaux 
auteurs del'entreprî(è,s'oppofa aufacri- 
fice de la Reine qui vouloir fe défaire lîe 
tout ce qu'elle avoit de plus précieux , & 
avance de fon propre bien les fonds né- 



d' E s P A G N E. 55" 

ceilàires j la Cour accorda à Colomb la 
qualité^ d'Amiral des Mers qu'il alloic 
parcourir , & celle de Viceroi perpéruel 
au Monde dont il efperoit faire la dé- 
couverte. 

Le hardi Navigateur s'embarque le 

5 Août au port de Palos en Andaloulîe 
fur trois caravelles montées de 50 hom- 
mes que l'Equipage regarda comme au- 
tant de viétimes facrinées aux viiîons 
d'un Etranger. 

C'eft dans l'Hifloire des Voyages qu'il 
feui lire le détail de la navigation de t-o- 
lomb, fes aventures, les dangers exjrê- 
mesauxquels il fut expofé , & ce qu'il eut 
à fouffi-if de fes compagnons , & la fer- 
meté avec laquelle il triompha des obf- 
tacles qu'il avoit prévus , & de ceux 
qu'il ne s'étôît pas même imaginés ; le 
uiccès couronna fon audacieufe entre- 
|Kife ; il découvrit dès la première navi- 
gation les Ifles Lucayes , les Antilles , 

6 la Terre - Ferme dans fon quatrième 
voyage. Un Aventurier moins illuïire, 
appelle Améric Vefpucé , de la Ville dg 
Florence , ufurpa une gloire qui n'étoit 
due qu'à Colomb , en donnant fon nom 
au nouveau Monde: hpnoeur dont n'ont 



$6 Histoire 

jamais joui tes plus grands Rots ; dans la 
fuite des Annales on rendra compte en 
{leu de mots des différentes découvertes 
& des conquêtes qui , en moins de yo 
ans , ont rendu l'Espagne maîtrefTe d'un 
Empire dix fois plus étendu que celui 
qu'elle polfédoit en Europe : qu'on nous 
permette feulement quelques réflexions 
fur cet événement. 

On doit d'abord regarder la décou- 
verte de l'Amérique comme une des 
principales caufes du changement de 
îyflême dans la politique & dans les 
moeurs des Peuples de l'Europe ; & on 
peut dire que cette découverte fat pref- 
que aufli funefte à l'Elpagne qu'aux mal- 
heureufes Nations dont elle détruifit 
l'Empire , & ravit la liberté. 

La prodigieufe quantité d'or & d'ar- 
gent qu'on tiroît de ces riches contrées , 
tourna la politique de tous les Peuples 
de l'Europe au Commerce ; chacun 
d'eux , à 1 exemple des Efpagnols , s'ef- 
força d'établir des Colonies , & de for- 
mer un commerce direâ ou indirefl dans 
ces régions éloignées ; il falloit bien 
que tous les Peuples fixaffent leurs re- 
gards vers un objet qui promettoit les 
plus 



d'Ks? a que.] 



97 



plus grands avantages : çn fçait aujour-, 
d'hui que ta Nation la plus riche eft tou- 
jours , proportion gardée , non- feule-- 
ment la glus nombreufe , mai? encorq la 
plus puiflante p^r la fadlité Qu'elle a dV. 
cbeter des alliançesSc des tioupes étran-; 
gères. 

D'ailleurs > le luxe a rendu ce com- 
merce néceffairç ; les efpeces imioenfes' 
qu'on tire de l'Amérique,, ne. font que; 
voyagei* en Europe , Ëc vonts'engloutir. 
dans Tes Indes Orioritales > qui çn échan-- 
ge, nous fournifTent des bagatelles- cu- 
rieufes , mais inutiles , peut - être p^rni- . 
cieuf^ aux mceurS. J'a.voue pourtant quQ 
le nume'raire eft a'ugmepté en Europe , 
mais la.puiflance de chaque Peuple en 
çft- elle, plus grande ? Leslipmmes en ' 
font-ils plus Jieureux? Aîwrçfwsiavçc un. 
marc d'arjgent'on faifoit ce.qii pn'ne lâk, 
pasapjou^d'h'uiàvecdo.uze.. .,; 
, i^. maladies, incpnpues: auparavant, 
çn Europe , ces tnaUdies liônteufes qui . 
attaqœnt la vie jufques.dans ion princi- 
pe , qui ont caufé en Europe un ravage 
prodigieux , jufqu'à felre craindre l'a- 
ijéantiflgment du, Qej^ce- humain , doi- 
vent bien faire regretter «ne découvcriç 
Terne /T/. E . 



^S Histoire 

fi funefîe ; PEfp&gne tut la première pu- 
nie de fon prétenou bonheur ; 'Tes Sujets 
languiflans au milieu de leurs triomphes 
& de leurs conquêtes donnèrent le jour 
en Amérique àunegéntiration qui périt 
pprfque toute entière , emportée par la 
douleur & l'excès du m4- Cette conta- 
^ott-fi'-eiCTcepluîtant de ravages. Mais 
le fang des Créoles & des Efpagnob eft- 
il bèen par? Ce n'eft pas , an refte , Iç 
feul malheur qui foit arrivé à l*Efpagnc ; 
non -fculetiieîit % foif de l'or la rendit 
prefque défcrtt : die fit encore de cha- 
cun -des Espagnols qui pafferent pendant 
T^ans-çn Atoérique prefqne autant de 
monftres déteft^s par des traits dé bar- 
batie qui révoltent la Nature , & desho- 

■ norent l'htmianité ; chacun d'eux fe per- 
fiiad^ ''tja% -ftiltoit détruire des Nations 
erttlerei ponii* conferver unEtapiïe qui 
leur eut bientôt échappé i^oorpeu quq 
Içs -vaimits ftiflénî revenus de Teifr Au- 
pid e'pTévéntion pdur les Efpâgnols qu'ils 
regardoiènt comjne autant tFe' Dieux , 
maîtres du tonnerre , des déments & 
des arrhnauTt 'les plus féroces'; d'ailleurs , 

, quand ' un e pdlifiij^ue cruelle n'eût pai 
confpiÔé.lçfacïificrvdçtaHî, de mjlljpns 



D* £ s P A G N E. yp 

d'hommes , que pouvoit-on attendre des 
premiers -Conquérans de l'Amérique', 
rens pour la plupart ^ns prindpes , fans 
honneur^, fans humanité , fans religion : 
en efièt, ce ne font pas les Citoyens ver- 
tueux , bien élevés > bien établis qu'on 
voit s'expatrier & fe tranfplanter dans 
des pays inconnus poui* tenter la fortu- 
ne ; ce font pour l'ordinaire des gens de 
lalië du Peuple , des Aventuriers, ou des 
hommes ruinés parleur mauvaise condui- 
te. Amd } il fêroit injufle d'imputer les 
crimes , la barbarie de quelques mlféra- 
bles Particuliers k une Nation eflîmabte 
par mille endroits ; qu'on life Herrera , 
l'on Verra que le fang des Américilins n'i- 
nonda fur tout leur pays , rju'après la fa- 
meufe Déclaration qui ordonnoit que 
tous les criminels qui avoient mérité la 
mort en Elpagne , feroient exilés dans 
les Colonies de l'Amérique. 

Les^lus grands malheurs furent pour 
les Américains ; on les priva de la liber- 
té; cette difgrace eût été légère , quedïs- 
je , elle eût été pour eux la fource du 
plus infîgne bonheur , fi on ne les avoir 
fournis que pour les arracher aux ténè- 
bres de lidoiâtrie , pwr abolir chez eux 
Eij 



loo Histoire 

la coutume barbare de facriHer des hom- 
mes à leurs Divinités fanguinaires pour 
leur apporter les arts & les vertus de 
l'Europe ; pour les rendre à rbumanité , 
Se les inflruire de la véritable Keltgion > 
mais qui pouvoit leur procurer de pareils 
avantages ? Etoit - ce leurs farouches 
vainqueurs quî n'avoîent qu'une légère 
teinture du Chriftianifine , &: qui n'en 
connoilToient pas les principaux devoirs ? 
Ne furent-ils pas aflez follement pré- 
fomptueux pour avancer que les Améri- 
cains n'avoient point d'ame , ou que s'ils 
en avoient une , elle étoit extrêmement 
' inférieure à celle des Efpagnols? C'étoit 
pour autorifer leur barbarie contre ces 
Nations infortunées. Plus cruels & plus 
méchans que les Barbares qui inondè- 
rent l'Empire Romain , les conquérans 
de l'Amérique réuHîrent tellement dans 
leur abominable fyftême de dpftruftion , 
que de près de trois cent million^ d'hom- 
mes qui pçuploient alors ces vaftes con- 
trées , il p'en refle pas maintenant la 
quinzième partie. On prétend que ce» 
trilles reftes d'un Peuple autrefoiç fi 
nombreux , ne refpirent que l'occafion 
ÛP brifer un joug détefté- tes ançiçnnçs 



d' E s P A G N E. 



injures qu'ils ont reçues, rendent cette 
opinion vraifeinblabie , mais ce qui pa- 
roîtra fans doute fingulîer , c'eft que les 
Créoles détellent également la domina- 
tion Elpagnole , indignés de fe voir trai- 
tés comme des efpeces de Barbares , de 
ce que la politique de la Cour de Ma- 
drid les écarte avec foin des Gouverne- 
mens , des Mag^flratures & des Préhtu- 
res d'un Pays que leurs pères ont conquis 
avec tant de bonheur & de rapidité : on 
fait paiTer continuellement d'Efpagne 
en Asiérique les Vicerois , les Gouver- 
neurs , les Magiftrats & les Evoques. 

JMais fiilloit-ilque l'Efpagne renonçât 
i b conquête d'un fi vafle & fi riche Em- 
pire ? Elle devoit fe contenter d'établir 
quelques Colonies fur les Côtes , s'y for- . 
iifier avec foin , fe borner aux avantages 
d'un commerce très-lucratif; permettre 
feulement à des Miflionnaires zélés & 
fagcs de pénétrer dans l'intérieur du Pays 
pôurv planter la foi, l'humanité & les 
vertus du Chriftianifme ; en fuivant ce" 
fyftéme , l'Efpagne n'eût point été dé- 
peuplée) elle eût eu une Marine formi- 
dable , & feroit devenue la Nation la 
plus opulente , la plus puiflante & la plus 
Eiij 



IG2 H I S'T O I R E 

heureufe de l'Europe. Qu'on n'ebjeâe 
pasque les-Efpagnols euâent couru rilque 
d'éire chaCés de leurs Ëtitblit&mens ; '^ 
i'exeibple de nos Colonies aux Indes 
Orientales fuiEi pour faire voir qu'il n'y 
avoit rien à craindre des Américains ^ le 
petit nombre de fortereâès qu'on aurott 
eu à défendre ) le courage , la patience , 
la fermeté éprouvés des Ërpagnole , leurs 
armes fi fupérieures à celles de ces Sauva- 
■ges , euHent rendus leurs Ëtithliâerneas 
folïdes; d'ailleurs, comme leur voUîna- 
«e eût été une (ource de bonheur pour 
les Peuples de l'Amérique y on auroit- eu 
plus à efpérer de ralliaiice de ces Basba- 
res , qu'a craindre de leur jaloufie. 
Dans la fituatitm préfente de l'Earo- 
. pe , il efl de l'bitérÉt de tous les Peuples 
qui l'habitent , que l'Efpagfie conierve 
1 Empire de l'Amérique , depuis ^juA 
chaque année on envoyé des fooimes iro- 
menfes dans les Indes Orientales pour y 
acheter les diamans , la porcelaine , les 
étoffes , les épiceries : il raut bien que les 
mines du Pérou , du Mexique , du Ëre- 
fd fuppléent dans nos contrées au vui- 
àc du nun^éraire. L'-Efpagne admet à ce 
commerce , fous les reftriâioas connues , 



tous IfiS Peuples de l'Europe ; chacun 
d'eux n'a qu à fe féliclier de U probité 
des Ëfpa^Kds ; j'allois. dire de l'iado- 
lence qui rend entre les ioains de. cette 
Nation ce vafte Empice prerqu^inutil«. 
L'Angleterre feule femble le lui envier; 
eh! que n'envie-t-elle pas f On ceuioic 
les projets de cenePuiSànce > fon géme, 
làmauvaife foi, fbnfyfténe de commer- 
ce exdufif ^ dans le cas qu'elle- éclate , 
ou par quelque lùirpcife ,, ou. dai» une 
giier» légitime. Od ne fçaaroic k dire 
trop haut ; il eft de l'imérét de chaque 
Feapte de prêter b main à l'Eiàa^r. ' 
- FendiBand & IlabeUie fe venant bien i^^ ? 
i&nùs dons lotm Etats, jâcvienaenc at- 
tenôfe. aux grands éveDcnwn&de l'Euro- 
pe. Le RoulBllon avoir été éogagé aux 
Rois de France. Il s'agilfoit de leur enle- 
ver cette Province. La politique lûpé' 
rieiirc de Ferdtnand , & fis manœuvres 
fècneues hù fervirent ptus i^ h, force 
& les annes pour f exécution de. ce éef- , 
fcin. 

Charles. VIIL Prince d'un génie bor- 
né , mais brave & ambitieux , fongeoïr à 
^ire valoir fur le Royaume de Naples les 
aocienncsprétentions.delaMaifon d'An- 
Eiv 



104 HlSTOIitE 

jou. B craignok d'être attaqué pendant 
cette expécutioa par Us Rpis des Ro- 
maioa , d'An^eterre & de Caftiltè , Ces 
jennemis naturds. £n coniëqueoce'j il 
donne les matirs à un traité conclu à F1- 
gaieres entre les François & les Caflil- 
ilans > par lequel il refluuQit le Rouflil- 
,lfin j fans répéter les-^ODO^o écas que 
-Louis XI., avoit prétîs à Jean, II. Koi 
.d'Arragonj le GooTeil .& le Parlement 
convaincus que la poiTdlîoh d'une Pro- 
vince voifine valoit mieux que , la con- 
quête d'un Royaume éloigné , s'oppoJe- 
rent fortement , mais en vain , à la con- 
ctiinon de ce traité ; Ferdinand avoit fçu 
inettre daps fes intérêts le Gonfe&ur du 
' Roi , 8c celui de JViadàme de.Beaujeu fa 
liceaT ; d'ailleurs Cbiries avoit la manie 
des conquêtes. 

Cadix ,, le meilleur port de l'Océan , . 
ett réuni à la couronne de CaûiUe ; la 
■ Maifoti de Ponte de Léon s'en ^toii em- 
paré icus le r^ne précédent ; pour la 
dédommager on érigea Arcos en Du- 
- ché , & on lui acccû'da d'autres avan- 
tages. 

Le Pape Alexandre VI. doniie À Fcr- 
dinand.& àlfabelle h qualité d'illuftres 



"d'Espagne. lo;" 

Rois d'Efpagne j U leur manquoit pour- 
tant encore la Navarre & le Portugal ; 
le Roi Jean II. foufirit avec beaucoup 
d'impatience cette nouveauté. La Chan* 
cellerie de Lisbonne n'accorde encore 
préfentement aux Monarques Efpagnols 
que le titre de Rois de CaftîUe. 

Mert de D. Alfonfe de Cardenas , der- 
nier Grand-Maître de S.Jacques. Ferdi- 
nand , en vertu d'un Bref du Pape , prend 
l'adminiftration de la Grande-Maîtrife. Il 
avoit déjà celle de Calatrava, à laquelle U 
joignit bientôt après celles d' Alcantara & 
-de Montefe. Les Chevaliers de ces diffé- 
rens Ordres en faifant profeifion , s'enga- 
geoient d'obéir en tout à leurs Grands- 
Waîtres qui fe trouvoient par-là en état 
de faire trembler le Souverain. Ce fut 
donc un grand coup de politique d'avoir 
.réuni dans la feule perfonne du Roi dif- 
férentes dignités qui donnoieni trop de 
puifiance aux Grands du Royaume , & 
qui procuroient au Prince le raoyen de 
recompenfer fes Sujets (.<) , fens épuifer 
les revenus de la Couronne. 

Retour de Chriflophe Colomb en Ef- 

(<) En di^oruu d'ua frutd nombrt de Commu- 
dciki. 



Histoire 



fagne ; U avoh feutement découvert 
an-Salvador Se les lues connues foas le 
Dom d'AniiUes , fans toucher à la Terre- 
Ferme. On donna à tous ces Pays (e nom 
d'Indes Occidentales. Cc^omb entra en 
triomphe à Barcelone; Ferdinand ârlfa- 
belle le firent affeoïr , te comblèrent de 
earefiès, & le nommèrent Anùral & Vi- 
ceroi des Indes , avec ordre de cartir 
-pour continuer fes découvertes ; il eio- 
mena dans fôn lêcond voyage fur i3' 
vaifleaux 15*00 hommes de guerre , une 
Colonie de 300 Artifans , des Miflîoit- 
naircs, les graines, les fruits , & les ani- 
■maux domeftiques d'Europe' qui man- 
quoiem à ce nouveau McKioe. 

FerdinaQd , au comble de fes vœux *. 
demande au Pape la Souveraineté des 
Pays nouvellement découverts , & de 
ceux qu'on découvriroit dans la fuite^ 
: Une Bulle autorifa Tufurpatien deiËfpa- 
gnols. Alexandre VI, ce Pontife fi conna 
par fes attemats, fous prétexte d'étendre 
la Religion , difpoâ des trsfors & de la. 
liberté des mallùureux Américains. Les 
. Portugais fe ptaigniient vivement de 
cette conceilîon , prétendant qu'elle, étoit 
cootraize aux donations atuéneuiesiakes 



I>*E » F A G N E. 



i leurs Souv^ains par \e% pc^d^c^Oeuits 
d'Alexandre VI. Après use longue ft^iie 
de négociations > le Pape ôra une Û- 
ffne (») du Nord au Sud par le M^ridi^ 
des Canaries ; mais le Roi de Portu^l 
obtint de Ferdinatid qu'op tir^oit uqe 
nouvelle ligne qui hii éto'n beaucoup 
plus avantageufe. Peut -çnn'êtr* pas' 
furpris de voir Ces dem Princes pan»- 
ger tranquillement des Pays immenfes 
fur lefquds ils n'avoienc aucun droit ? 

Lorique le RoV de Fraacç étoit 4^ji à ï4S'4» 
Lyon pour fe rendre i Nftples. Ferdinuvl 
toi avoit envoyé dire que s'y ne reaepçoic 
à la conquête de Naples, il lui d^v^pît 
k g?jerre.CePrince craignoit ou fejgnojt 
de craindre pour la Skilek vcMË^aee des 
François. Il avoit déjà oublié que le Rouf- 
£11011 ne lui avoit été rendu qu'à condj* 
tion qu'il taifleroit dépouiller la branche 
Mtarde d'Arragon , de Naples. Traiiié 
d'alliance entre les Cailillags et. le R(h dp 
Navarre , Jesn d'Albret ; celui'ci s'enga- 
{leoit à réfuter le pitHage aux FraDço>s 

parloB Rwaume, Ifrfiàle , fur les ini- 
-tances d^ XiioéiKS « jnodere l'isr^6t oné- 
,reiix de l'Alcavala; on avoit promis de 

. (ffi On L'ippeUe lij^ <k Mpaaiia». 



I08 HlsTOIKB 

le rupprimer , quand on aurait conquis 
■ Grenade (*) ; les Financiers , par leurs 
' chicanes 8c leur ayiditë , l'avoient rendu 
intolérable : les murmures du Peuple 
avoient arraché de la Cour un règle- 
ment par lequel les Marchands en 
ëtoîent crus à leur ferment fur les décla- 
rations des marchandifes. Mais ils ne fe 
faifoient aucun fcrupule d'employer le 
parjure pour leurs intérêts La bonne foi 
fut bientôt bannie de la Nation , tant il 
eft vrai qu'il ne faut qu'une caufè parti-: 
culiete pour communiquer les veirus ôe 
les vices à un Peuple entier; on évalua la 
ibmme que produifoit l'AIcavala dans les 
coflresau Roi, & les Villes confentirent 
■ de la payer par elles-mêmes. On re- 
marque que le Peuple gagna plus de moi- 
tié , fans qu'il en coûtât un fol au Tréftw 
Royal; plus de loooo Citoyens occu- 
pés à lever l'impôt , & à s'en engraiffer , 
furent rendus à la République. 

Colomb dans fôn fécond voyage décou- 
vre de nouvelles Ifles peuplées comme les 
premières d'une efpece d hommes Gngu- 
liere. Ils étoient nuds , fans'poil , d'un ca- 

U) Cet împâi conlïftoit dam le jliîeilw du pm ^e 
toucei let ytmtt A fïhioge*. 



p' Espagne. -lap 

Taâeredoux , humala & bienfaifànt. La 
£[gure & la barbe des Efpagnots ne les ~ 
étonna pas moins que lesvaiueauxj& l'ar- 
tUleriede ces Etrangers. Ils les renrde- 
rent d'abord comme des hommes. defceQ- 
dus du Ciel , & les prirent pour les fils du 
Soleil^ mais la cruauté , l'orspaeil & la ty- 
rannie des Européens les nrent bientôt 
reconnoîil-e pour des Créatures humai- 
nes , & pour les pires de toutes. A cha- 
que débarquement , Colomb planioit 
une croix fur laquelle on gravoit le nom 
des Rois de Cailille , & les armes du 
Royaume. Cette cérémonie à laquelle les 
Américains ne comprenoient rien , s'ap- 
pelloit prife de poffeffion. Cet ufage fut 
toujours fuivi par tous les conquérans de 
l'Amérique. Colomb avoit foin de bâtir 
des foncrefles pour la confervation de 
fes conquêtes. Il s'en &lloit bien que 
" les Caraïbes dont il fit enfuite la décou- 
verte , fiiffent auffi humains que lesi au- 
tres Indiens dont j'ai parlé. Plongés dans 
la plus aâreufe barbarie , ils vivoient fans 
loixj fans culte , fans connoi0ances , & 
iè nourrilfoient de chair humaine. Au 
rcfte, ils étoient pleins de courage ^ & 
exceffivement jaloux de leur liberté. A 
fon retour dans l'Ifle Efpagnole: ou de 



iio Histoire 

S. Dominguè , Colomb trouva i^'on 
, avoit ruiné lès Ebiterefiès , te aaSacté 

tous les EfpagnoU. Il fit cependant al- 
liance avec quelques Caciques, ( c'eft 
le nom qu'on donne aux Souverains des 
Indes , ) & fonda nue Ville qu'on appella 
I&belie.Il découvrit les mines d'or de 
l'Ifle , qui furent très-célëbresiufqu'à la 
conquête du Pérou. Cependant l'envie 
s'élève contre Chriftophe Colomb, il 
ent plus à fou^&ir des £{paenols animés 

Îar FoT^eca , £vêque,de Badajox , & 
ntendant de U Marine » que des Caci- 
ques qui vouloieot défendre leur Pays éc 
leur liberté, 
^é9S' Alfonfe j RoideNaplesfefcntant ab- 
borré de fes Sujets , abdique la Couron- 
ne en feveurde Ton âls Ferdinand II. l'i- 
A)le des Na'polstains , & fe cebre lâche- 
' ment à Memne ; ceete dànarche n'arrâ- * 
ta pas les progrès de la Fralice. Uefprit 
de terreur & de verrice répandu daas 
toutes Us Cours de rf«alje, ne permet 
à aucun Prince d'apporter la moiqdne 
réfiflatiee à Chartes Vlii. Déjà le Pape 
Jui avoit accordé l'inveftimre àa Rcryau- 
jBe deNapWs, AHbnfcdeFoafeca.ÂBi- 
fcaffadeur de Ferdinand, fonuBè pour i» 
iècoode £i»^ IçMoDarque François deJè 



d'£ s P AG N £. 



déflfter de fesj)ré[entions ; fur le refus 

de Gharies , ronfeea eut la hardieflTe de 

déchirer dans une audience publique 

les articles du traité de F^^uieres , qui 

àvoient fût rentrer fou» les loix de h>n 

Maître la Province du Rouflillon ; peu 

sVn fallut que rAmbafladmr ne fdt la 

viâime de fa téiaërité ; mais Charles le 

feuvenant du droit des gens , arrêta la 

fureur des CourtîJàni prêts à fe jetter fur 

i'Ambaââdeur. Les François s'emparent 

du Royaume deNaples en moins de if, 

jours ; Charles VIII. après s'être fait U- 

TrerZizinj, frère du Sultan Bajaiet II. 

■lenace la Turquie , Se forme le projet 

de reprendre Conflantiiioplâ ; mais dans 

ce tems-là même Ferdinand travailtok i 

lui fermer te pallà^e de fes Etats ; déjà 

TAmbafladeur Caftillan , Laurent S^a- 

rez de Figueroa ^toit veftu i bout dei 

conclure une alliance entre fbn maître r 

le Pape , le Rot de Na{>les détlirôné , lé 

Duc(<«)deMilan,bRépubUquedeVe- - 

i^ &e le Marquis de Mantoue ; jamais 

négociation ne fut conduite avec un {e^ 

cret plus impénétrable ; elle fut fjgnée à 

Venire fous les yeux du célèbre Fbilîppe 

(i) Louii SfoFCF dît le Maure , celuî-lï même qui 



112 Histoire 

de Coinines , là plus habile Miniflre de: 
France, qui se l'apprit que de la bouche 
du Doge , quand il la rendit publique. 
Charles fe hâte de retourner en France 
avec lyoocrhommes , laiffant lé Duc de 
Mo&tpenfier& Stuard d'Aubigni avec le 
refte de fon armée pour conferver fes 
cosquêtes. Bataille de Fomoiie dans la- 
quelle Charles VIII. bat les alliés, com- 
mandés par le Marquis de Mantoue i 
cette viâoire facilita fa retraité ; ce Prin- 
ce eût été dans un péril éminent , fi les 
Alliés euflènt fçu I3 guerre, & eulTent eu 
plus de courage ; le Duc d'Orléans , 
( depuis Louis Xll. ) devoit le dégager 
avec 1 3000 hommes , mais il avoit pré- • 
férë la conquête de Novarre dans le Mi- 
lanez, efperanr de recouvrer fur Louis 
Sforce ce Duché qui lui eppartcnoit lé- 

' girimement. 

GonçaleFernandez , deCordoue, le 
plus grand Capitaine d'Efpagne , & mê- 
me de l'Europe , pafle avec 6000 hom- 
mes dans le Royaume de Naples pour ré- 
tablir {a) Ferdinand ; bataille de Semi- 
nara dans laquelle les Alliés font tota- 
lement défaits par d'Aubigni. Elle fut 
jivrée malgré Gonfalve qui s'y oppofa 

* (*) Il «'«gil ici de FtrdijMiid , Rçi d« Niplei. 



D* Espagne. 115 

fortement 5 cette défaite n'empêche pas 
les TÙRcus de hire les plus grands pro- 
grès. Les Napolitains inquiets & inccnf^ 
lants d'eux-mêmes,, las d'ailleurs de la 
conduite des François , s'intérelTent pour 
Ferdinand ;- Gonfalve profite de ce re- 
tour de fortune ; il employé les rufes j les 
.pièges & les ftratagênwîs. Les troupes 
Françoifes , quoique braves &. aguerries, 
font battues en détail par la rup^riorité 
du Général ennemi. Enfin , les taleos 
d'un feul faommË rendent la nouvelle 
révolution auflî entière & aufH rapide 
que la précédente. 

Le Rtà d'Angleterre entre dans la 
frande alliance , efpérant marier Ârtus 
fon fils aîné à Catherine , XnfanM d'Ar- 
ragon. 

Mort du Cardinal de Mendoze un des 
. plus grands hommes que rEfpagne ait 
produits. On voudroit ne pas avoir à lui 
reprocher TétabliiTement de J'Inqu^- 
itÎQn, & i'expulfion des Juifs. Il fut effà- 
, çé par Ximenes fon facceffeur.^ 
. ■ Alfonfe , Roi de Naples, m^âSt à Mef- 
fine, dans le tems qu'il fongeœt à repren- 
dre fur fon fils le Koyaume qu'il lui^voit 
cédé. Mort du Roi de Portugal JeanlI. 
furoommé le Gr^nd rFçi^Q^^^lfK 4e 



it'^ Histoire 

. l'immortalité pariia grandeur A'ame , ton 
amour pour la juâ)ce,&'par la proteâîon 
qu'il accorda aux ienres , aux arts , & à 
tous tes gens de mérite. Ce fut Ibusfen rè- 
gne que Us Portugais commencèrent ces 
découvertes qui rendirent leur commerce 
& tout le Royaume fi flottant. Le Duô 

-deBejaauflt grand & plus aimable q^ue 
JeaRU. monta lut te tiic&ne fous le nom 

: d'Emmanuel I. Son prédéceffcut- freSé 
par les Ecdéfianiques 9c par tes- Rots 
d'Efpagne, svoit pisblié un Edit qui or- 
donnoit aux Juifs qui ne voudroiettt pas 
embralTer le Chriuianifme ,. àe- fortir ^ 
Fortt^t dans l'efpace de liuk mois , 
fous peine d'être faits ekh-vèi fer le 
cbMDp. Emmanëel révoqua cet EAt , & 
refufa un préfent conlîaérable que tti 
Jui& lui ofirirent par recomioiAiice. 

Colomb remporte une viâoire àéd- 
lîve fur looooo Indiens rafTerabtés de 
toutes les parties de l'Ifle E^atnt^ ; 

■ les Caftillana étoient au nombre de 200 
fantaBîns , & de 20 cavaliers , maïs Us 

■ étoientfbutenusparune multitude de mâ- 
tins , nouvelle efpece de Milice dreffée â 
ccBBbattre- les Indiens , à les étrangler , & 
i les mettre en pièces ; quelle réfiflance 

-poavojent apporter des htwnmes nuds. 



D*£SPAGNE. . Ii; 

£c qui- a'avoient pour d^fenfe que leurs 
bras contre les armes à feu , lespiques, 
les chevaux , les dc^es , & la difciplinc 
de l'Europe f Cette viûoire iàcile , fui- 
vie de [duiîeurs autres , foumei toute 
l'Iûe ; le vainqueur impofe un tribut aux 
vaincus en or & en vivres ; on les alTu- 
jetdt atut travaux des mines : ce traite- 
BKDt détruit la plus orande partie des 
Peuples t & défcipere k refte eu ces maP 
teurcnx; 800000 Indiens s'enfiiyentfuc 
les montagnes , dans les cavernes où ils 
périflënt tous de foim , ou par le fer des 
Caftillans , &. par les œorfiires de leurs 
dogues. 

Le àouUe mariage entre les Mai&iw 145)5, 
d'Autriche & d'Arra^on , négocié de- 
ptûs7 ans, cft enfin célébré. L'Empc- 
reur érigea i cène occafion l'Autnche 
«D ArŒjducbé en faveur de fon fils , 
bériiier par fa mcrc , de la Maifbn de 
Bourgogne; l'Archiduc Philippe époufa 
Jeanne , féconde Irifante d'Arragon 1 & 
Jean , Prince d'Efpagoè époulk Marguc- 
lite d'Autriche , fœur de l'Archiduc ; 
Ferdinand , qui déji avoir conçu le pro- 
jet de la Monarchie Univerfelle , s'étoît 
flatté que cette double alliance avança- 



ii6 Histoire 

roit ie fuccès de Ton delTein. En don* 
' nant à l'Archiduc la féconde de fes fil- 
les , il comptoir bien qu'elle n'hériteroit 
pas de fes Etats, au lieu qu'il y avoit à 
efpérer que Marguerite! Princeffe d'un 
tempéramment vigoureux, pourroit bien 
hériter de l'Archiduc fan frère unique , 
& apporter dans la Maifon d'Arragon , 
les Pays-Bas, la Franche - Comté ,; & 
les Provinces héréditaires de la Aiaifbn _ 
d'Autriche. Si le Prince Jean mouroït 
lans poftérité , l'Infante Ifabelie fa fœur 
& fon héritière qui étoit deflinée à Em- 
jnantiel , Roi de Portugal , aurait vu tou- 
tes les Couronnes d'Efpagne réunies fur 
la tête d'un de fes enfans. Par cette rai- 
fon l'Archiduc aimoit mieux époufer Ifa- 
b^le que la Prïncefl'e Jeanne qui étoit 
plus éloignée du Thrône. Mais pour le 
dégoûter dé cette première Prïncefle , 
on lui envoya_Dom Jean Manuel , le 
plus habile Négociateur de fon fiécle. 
Cet AmbalTadeur fit entendre au jeune 
Prince que c'étoic par refpeft qu'on ne' 
lui oflroit pas Ifabelie en mariage. Il re- 
préfenta que cette Infante étoit veuve 
d'un Prince Portugais, arrière peiit-fils 
du Roi (4) bâtard qui avoir eu pour œere 
(a) laa 1, Ko! de Poinigal. 



d'Es pagne.- 117 

une Juive , iïlle d'un Cordonnier. Dom 
Jean Manuel ajouta comme de lui-même 

3u^il fçavoit qu'lfabelle n'éleveroit jamais 
'eofans. fi ne croyoit pas être fi bon 
Prophète. L'Archiduc goûta fes raifons 
de 1 AmbaiTadeur , & fe détermina au 
grand contentement des Rois de Caftil- 
le, à époufer la cadette, préférablement 
i i'aînee. Dom Jean Manuel devint le 
. plus cher favori du Prince qu'il avoit eu 
deflein de tromper , & dont il ièrvit fi 
bien la poftérité , fans le vouloir. C'eft 
ainfi que la Providence fe jouoit de la 
politique & de la fauffe fagetTe du Mo- 
narque Caftillan. Il éroit ëcrit dans le 
Ciel que la Maifon d'Autriche parvien- 
droit a la vafle Monarchie d'Efpagne , 
& que les conquêtes , les travaux & 
les ufurpations de Ferdinand feroient le 
partage de cette heureufe fie augufte' 
Maibsn. 

La Sufpenlîon d'armés avec la France 
conclue cette année n'interrompit pas 
les fuccès de Gonfalve. Ce Général déco- 
ré du titre de grand Capitaine par le Roi 
^deNaples & par les Italiens étoit, auflff 
.peu délicat fur la bonne foi que fon 
Roi. Lç Duc de Montpenfier eft aûiégé. 



Il8 HlSTOlJtE 

dans AtelU avec l'élite àe la >bbletife 
Françbife. Il eft bientôt contraint de 
caûtuler , & de confèntîr i évaoïer 
le Royaume de Naples. Il n'y eut «pie 
Gayette & Tarente qui ne lui furent 
pas enlevées par la capitulation. D'Au-j 
bigni , Gouverneur de la Calabre , n'eS 
pas plus heureux que Montpenfier. Le 
jeune Roi de Kaples meurt des &iïgues 
de- la- campagne , & a pour fucceâibir 
Frédéric , fon oncle patemeL Salfès eft 
emportée d'afiaut par ies François , &c 
enfutte évacuée. Gonfalve affermit le 
Thrôce du nouveau Roi par des-fuccès 
plus fotides que brillans. 

Le Pape donne à Ferdinand & à Isa- 
belle > tant pour eux que pour leurs fiic- 
ceffeurs , le fumom de Catholiques. 

Dam Manuel rappelle fes neveux , les 
Bragances & tous ceux qui avoient été 
bannis du Portugal par fes prédécefleurs. 
Les prenantes fcAlicitations deFerdinand 
le forcent à donner un nouveau Décret 
qui obligeoit les Juifs à fortir de fesEtats 
ious peine d'être réduits en efclavage. 
Une multitude de ces malheureux pallè 
en Afrique. Ceux qui refient en Portu- ; 
gai ) Diit la douleur de fe voix arracher 



d'EsPAGKÏ. llj) 

d'entre les bras tous leurs enfans qu'on 
tWre aux vieux Chrétiens pour les éle- 
ver dans la véitabie Religion. Cette vio- 
leoce «ictte tcUeoient UTureur des Juiâ 
(]fie la plâtre umentnûeuxpoignarder, 
eat|>oifonner ^ ^er dans des puits , oa 
étoi^r leurs en£ins , que de les remn- 
tie auvChrénens'.' 

Les viâoirei -de Cfarifit^he Colomb 
Se de fei Irercs exciteat la jaiodie 
desETpagDols.'On leur impute tous les 
■MUT que les ladiens eurent à fonffnr 
de la part de leurs Bariiares vain- 
oueitrs. Cc^mb , loin d'être coupable 
at tous ces excès i, clierdia continuelle^ 
ment i -adoucir le fort des infortunés 
Américains qu'il oppelloit &s enfans. Le 
CoiTOÙfliûre que la Reine Ifabelle en- 
wn-fui les li^x, pour examiner cène 
miav , abufade fou pouvoir , au point 
de^âàW'Hlettre ^es fers aux pieds & aux: 
lUltQ^^i'AiDirat 6c defes rares. Quel-. 
qucEflius après la Cour ayant été inlhui> 
te delâVémé > défspprouva la conduits 
qu'on avoit' tenue à rérard de Colomb « 
fie lefêçttC^omme ua Héros. C^)eRdant 
laReitre* ftntpat défiance* foit dans lé 
dïffcJD de raâeotw la baÎBCffu'oB jpotrtpif 



.,f;.HH.ic 



HlSTO IRE 



à ce grand homme, J'empêcba pendant 
3 ans de repalTer dans le nouveau Monde. 
L'Amiral n'obtint qu'avec pdne des £»- 
cours pour les Colonies dontil ^toit.le 
ginie tutdaiie. La Cour publie d^erfeS" 
Déclarations pour afifemar, çee Empôe 
noiflant. Otipenitet; à touS) les QaAîliatu^ 
de paffer en Am^rîqiieaavec promelfé ■ 
de leiir tailler lé tiers des mines qu'ils 
pourroiefit découvrir : mais il n'y eur 
que les plus mauvais CiibyeTs qui vour' 
lurent entreprendre cet voyage. Les 
avantages ne répondoîent. pas :»i\ pé- ■ 
riis & aux .fatigues qu'il fîUditeOtiyçr- 
.D'ailleurs , l'exemple de quelque» ËÎp^ 
piols revenus de l'Amérique, ,i.vec cette 
maladie cruelle & honteùfe-qui:^jt U-. 
fruit de leur incontinancCi imifiïiikik-laî 
Nation- : peribnne. ne j'embbrquw- Le- 
Conlèil s'avife alors dccoiBEitnei^ia p^oe^, 
de mort prononcée conûe ks Mt^àtguri^ 
dans un exil perpétuel qui !«!' |r«t^[QtMti 
en dVvérfes ColoniesiiËpioque fatale q\#, 
annonça tous les maux que les 'Indiens*' 
cureniàlbuffrir dans h flûte. Ifab^Ue fait, 
publier le délébreLdtt qui ferpïeir«iitrée', 
dé l'Ainériquei tbuS lesPéi^les-d'Ef-' 
pagoe, euepié aux CaftiUaos» , 

Trêve 



d''E s p a g n e. 



Le Prince d'Ëfpagtie époufe à Burgos 
Marguerite d'Autriche. Cette Princefle 
ivoit été mariée avec Charles Vlil. Roi 
de France , & élevée k la Cour de ce 
Pmice. La trop grande jeuneffe des par- 
ues ne leur avoit pas permis de coniom- 
mer le mariage. Ferdinand qui tiroit par- 
ti de tout , avoit fçu faire valoir à laMai- 
fon d'Autriche ta facilité avec laquelle il 
avsit paffé fur cet article délicat ; Mar- 
guerite , dans la traverfêe de Flandres 
en Efpagne ■ manqua de périr par une 
horrible tempête ; on fçait qu'au fort du 
danger elle eut le courage de faire d« 
jolis vers. 

Le mariage fiit célébré le 4 Avril ; 
mais le jeune époux mourut le 4 Octo- 
bre de la même année. Les excès aux- 
quels il fk livra pour remplir les devoirs* 
de l-amour conjugal , le conduifirent ail 
Wmbeau. Marguerite d'Autriche étoit 
pour lors enceinte. Quelqu'un lui ayant 
appris , fans aucune précaution , la mort 
de {on mari j elle tomba dans des con- 
vulftons horribles , 8c accoucha fur le 
champ d'une fille morte. La Reine de 
CaftiUe , Frincefle d'un courage fupé- 
rieur ï foo fexcj avoit be»i répéterions 
terne III. F 



HlSTOIKE 



cefle que les Souverains ne doivent pas 
avoir de parens , la perte de fon fils penfa 
la biie mourir de douleur. Ferdinand fe 
confola par rçfpérance d'avoir de nou- 
yeaux enfans d'une nouvelle femme. 
L'Infante Ifabelle , fa iîUe aîn^e , qui fe 
trouvoît alors héritière de toute la Mo- 
narchie d'Ëfpagne , époufa comme mal- 
gré elle le Roi de Portugal. 

Melila iîtuée fur les Côtes d^Afrique 
efl; abandonnée par les Maures > & piilè 
par les Espagnols qui y envoient une 
Colonie. 

: D. Henri Henriques , Gouverneur du 
Rouffillon , & coufîn-germain du Roi de 
Cadille efl tué d'un coup de pierre dans 
une fédition gui s'éteve a Perpignan. 

Charles VIII. qui ne pouvoit renon- 
cer à fes prétentions fur Naples , propose 
à Ferdinand de conquérir ce Royaume à 
frais communs , & de le partager enfuite. 
La propofitiQn fut acceptée par l'ambi- 
tieux Caftillan qui efpéroit garder pour 
lui feul toutes leï concjuêtes qu'on feroit 
en commui). Peut-on pardonner à Fet" 
dinand d'avoir confptré la ruine d*un 
Prince de fa Maifon qui le regardoit 
comme fou proteélçur 6c fou perç f JX 



d'Est A gn e. la; 

'fe'^tp céder quel<|ues.Vill« du Royaume 
-de Nâples peursâtet^ des fotsDies- qu'il 
avoTt prêtées auK prédèceflcurs de Fre- 
"deric; 

Ferdinand & ZfabeUe » en vercu d'un 
'firePdu 'Pape , coafîem à Xhnenei , Ar- 
chevé(|ue de Tolède le ibin de réformer 
tes Ordres Relifieux dont le défordre 
^l<»t extrUme. <^ ne fut pas fans beau- 
■foup de difficul^a que les Dotninicains , 
les Auguftins & les Camws fe foumî- 
rent à la réforme. Les Cordeliers qui eo 
avolenc le plus de berùn , s'y oppofereat 
avec une efpece de fimur. Ils eurenc re- 
'cours à toutes fortes de moyens pour 
perdre Ximenei , jufqu'à mettre un 
poignard entre les mains de fbn propre 
ntre («) pour le hvc périr. Leur Géné- 
ral vînt de Rome pour détruire Ximenet 
'iiia Tefprit de la Reine. Le Moine foa- 
'gueux , dins une audience qu'il obtint 
dlfabelle , ofa nowcir U réputation d'un 
Prélat qui «voit été autreibis fon Con- 
'frere , & qui étoit le Confeffeur , le Mi- 
idfbrc , l'Oracle de ta Reue , & le plus 

(à) il ^toit Coidtlictj de l'ippeUoît BenindiB de 

Fij 



'124 .HlSTQIÏlÉ 

:graD<i hoauneque^ l'Êfpaene' eût pror 
duit.- La Frinceile étotmée âe Tiinpilr 
■dcace da Francifcain:» -le Jaiffa parler , 
fans l'interrompre , & lui adrelTa enfoite 
cesfieres paroles. Sçavet-^oni qui vous 
êtes, & à tjMf vans parler ? OnijulHAdà- 
•mt, répliqua l'infolentCordelier :je-fçMis 
■ijtte. jeparlf à IfabeUe qui, cgmifu moi , «"efi 
-que tendre & pouffisre. Il diipaKMt aMffir 
rôt , & fort du Royaume. Les Corde- 
-Uers fuient réformes comme les autres 
;Moines. ' 

fiarthelemi Colomb , frère .4e Cçtui 
-qui avoit découvert l'Amérique, tonde 
■dans rifle Efpagnole la Ville de S. Do- 
-minguc qui, depuis a. donné fon.tiom à 
■toute l'Iile. Cette ViUe fut long-tems la 
■Métropole du nouveau Monde. 

■Ce même Colomb , après avoir vain- 
cu & pris le .puifTa^n Cqçique GuarW 
-:iioex ) lui rencût géoéreufement U Ub^ 
'té^BientôtH eut.à combattre une partie 
-des Caftillans qui fç révçlterent contre 
~lui fous la conduite de Roldan Ximcpea, 
: grand Alcalde, qh Prévôt de Wfle. îi eft 
bon d'ob{èrver que les ufurpaceurs de 
TAmérique furent toujours divins «n* 
rr'«ux par des guerres intelUnes ^uii )[ci)i: 



d'E sp A GN K. lay 

coûtèrent plus de combats & de fang 
que ia conquête de tous ces vi&es Pays. 
Les Indiens ne fçurent pas profiter de 
toutes ces divifiors pour eycermincr leurs 
barbares ennemis. 

Les Im Corm ■ de CaflUk affembUs à 
Tolède > proclament le Roi Se la Reine 
de Portugal , Prince des Afturies , & hé- 
riaeis de CaAille ; il y eut plus de diffi- 
cultés dans les Etats d'Arragon qui Te 
tinrent à Sarragofle ; Ferdinand faifoit 
naître fous main chaque jour de npu-> 
veuix obflacles ; il efpéroit' furvivre à 
l&bellc , & avoir d'un fécond mariage 
des enfans à qui il deftinoit la Couronne 
d'Arragon ; les contcAations devinrent 
m^e S vives dans TaflèmUée , que la 
Reine ne put s'empêcher de dire tout 
haut qu'il feroit. plus court & plus glo- 
rieux de conquérir l'Arragon que d'eil 
affembler les États > & de fou^ir leur 
hauteur malfondée ; ces fidc»' paroles 
&rent Tclevécs fur le champ par Alfonfe 
Foofeca : Madame , lui repliqua-t-^1 , ht 
Arragofieis ont raifon de maintenir leurs 
frivUéges : il tfeft pas étùHnattt qu'ils té- 
mûgnent de Ift difficulté à faire ce qui 
nt ^efi jaintii pratiqué, cbet.. eux^Eafta^ 
Fiij 



I3< H 18 OIKK ^ 

IlàbeUc termina une a&ire qui lui tentât 
birt i cttur > & la proclamation fe fit 11 
m et Juin. La Reine de Ponugal ne fùr^ 
vécut pal kwg'^tems à cette cérémonie j 
elle mourut à SarragoSê le a 3 Août en 
couches d'un fils qu on appella Michel : 
ce làxt une PrînceOê digne d'une plui 
loneue vie par fà vertu, fa beauté , fii 
modeftie , & un géme égal à celui 
de fa mère. Le Prince qui venoit de naE^ 
tre fut reconnu bériticr d'Arragon h 
vù)gt-un Septembre ' dans les m^mca 
Etats d« SarragoirB ; Ourles VIII. Red 
de Fraece , meurt dans le tems qu^il 
étpit fur le pcùnt de retourner en la- 
Ue; fes projets furent fuivis par foo 
fucceflèur Iiouis XII. & par Ferdi- 
nand, qui convinrent auffi tous deux de 
partager le Royaume de Naplesj Fer£- 
«and & Ëmmaniièl tnvoyent une cét^ 
bre ambaffade au-Pape Alexandre VI. 
pour le fommer de mettre fin à fes d^ 
baucbes fcandaleufes & à fes crimes , de 
réformer fa famille & fa cour , & de ref- 
tituer au 5. Siège le patrimoine de Saint 
Pierre dont il avoît invefïi fes enfans :- 
cette ambaflade fut inutile ; le Pape 
^ foDËi) le Duc de Valentinois. de- 



D*Ë S F A G ME. 127 

meurerent toujours les plus fcëlërats dcil 
bommes. 

Colomb , dans un troifieme voyage ; 
découvre le Continent de l'Aménque k 
dis degrés de l'Equateur; il apperçut 
h Côte de Carthagene ; de retour à 
S. Domingue , il paciHe l'Iile, & la par- 
tage en d'imrentes portions qu'il amgne 
aui CâllillaQs ; il force en mênK-tems 
tous les Caciques à faire culnver les ter- 
res au profit des conquérans ; ces diilri- 
butions fi fembtables à nos fîefs , Ac don- 
nées par des chefs de brigands & d'autres 
brigands , ont été appellées depuis ré- 
partirons. - 

Cependant t'Evéque Fonfeca , enne- 
mi de Colomb , chiche à lui dérober U 
f^oire de la découverte du Continent ; 
de fa propre autorité il fah paffcr Alfon- 
fe Ojeda en Amérique avec les plans & 
leï inéniMres que CtJomb venoît d'en- 
Toyer il la Cour ; Ojeda n'eut pas de 
pane & réuffir : mais un Aventuner ap- 
pelle Àmeric Vefpuce , Géopraphe ou 
raotede Florence, lui adérobé la glok-e 
de la découverte , & a donné fon nom 
à la moitié de notre Globe. 

Les Etats de Caftille & de Portugal 
Fiy 



.128 Histoire 

reconnoiflent le Prince Michel pour leur 
futur Souverain : maïs cet enfant né 
dans refpérance de polTéder une Monar- 
chie fi vafte , n'en devoir pas jouir ; les 
fceptres de tant de Royaumes que la po- 
litique vouloit conferver dans une famiU 
le Efpagnole , dévoient pafler à une Mai- 
fon étrangère. L'Archiducheffe Margue- 
rite qui avoir les mœurs Françoifes , ne 
peut fupporter le féjour de l'Efpagne , & 
retourne en Flandres. Louis XII. fait la 
conquête du Milanez ôt de l'Etat d<j 
Gênes. 

Ferdinand & Ifa belle préviennent une 
révolte générale dans le Royaume de 
Grenade, en paroiffant tout à coup avec, 
des troupes d'élite. On prend la réfolu- 
tion de forcer les Maures à fe faire Chré- 
tiens. Une aflemblécdeThëoIog^ens & de 
Jurifconfultes décide qu'on peut en ve^ 
nir à cette violence malgré la foi du plus 
folemnel des traités. Les Archevêques 
. de Tolède & de Grenade employent tour 
à tour les menaces & les prome0es. Ils 
débutent dans leur MifTion par donner le 
Baptême aux Morabites & aux Alfaquisj 
les Doéleurs & les Moines Mufulm^ns : 
cepremierfuccèsfuividelaconverfioiide 



D*£SP AGN E. 129 

" looooo Maures; excite la ^reur des di& 
dplts zé\é^ de Màbtnnet cOtitre Ximeties. 
Cet Archevêque propofe le Baptême ou 
une prifôn perpétuelle à Zegri , defcen- 
diint des Rois' de -Greflade. -Le Prince 
Mahométan aime mieux facrîfier fa Relï- 
gion que de perdre fa liberté. Son chan- 
gement parut fincere. Ximenes liû oflrit 
jufqu'à cinquante mille écus de rente fur 
Ssi revenus particuliers, - 
■Les habitans de l'Albaycîn prennent 
iei armes , entrent dans ■Grenade , fou- 
lévent tous les habitans , parcourent les , 
nés en criant, vvvt Mnh»mtt ^ pirijfe Xi-' 
mtnes. On aflîëge ce dernier dans fon Pa- 
lais , & on fe difpofe à y mettre le feu ; 
mais les rebelles n'avoient point de chefe. 
Zégri paroît à la tête d'une troupe de 
cavalerie , & arrête la fédirion par fon 
autorité & fon éloquence. On met bas 
le^ armes. Ximenes obtient une amniftie 
pour les féditieux , mais à condition 
qu'ils fe conveniroient. Prefque tou» 
prirent le parti d'embraffer le Chriftia- 
nifine. On fit traduire ep Arabe l'ancien ■ 
& le ijouveau Tefiament pour en procu- 
rer, la iefture aux nouveaux Convertis ; 
mais Ximenes qui fe déficit de la Cmcé- ■ 
Fv. 



rU;é'âe.leitr.<Ji3T)£<|i|>¥i>t> fît Tupprimcr -. 
cçjifi ^fadui^eo , ie, penr. qu« . nos ^J-h , 
vr_eî faipts nç/^flent ei^c^és ate dérîC^ ^ 
fecrettç dçq Mufutra»i«f ■ . . •; 

. Le Roi èePCçtug^ ibllJWÇ ^ Pàjpe^ 
de raidîF à léioifatt k Ckrg^ de fçs : 
Eiats. Les d^Xordres (^^ËcclçÇalliqvteâ . 
Portuf^i^ne pouvpïen^ êirp peufTés plus 
loin. Il ffHjii^lej.^u'ijf Si'^tpient moaél^ 
furUcourdeRo(W'Lafi(aon«»la 4^- ; 
bauche_k c^âs r^aéç de la^ plus pu^- 
que, U negljf^çe du C.i^he Divin ,.1^ : 
niépris de I4 Rçl«3on j Se iî'ignpiWiCjé ', 
la.plus profonde mftjneuoietit les gçBS 
d'Églife des Séculiers. N'eft-il pas çtMW 
nant qu'on s'adrell^t pour la réforme d4 
Cierge ï un Pape , tel qu'Alexandre VI ? . 
CePontifç,pourtouterëponfe.çaMQy#. ; 
au Roi de Portugal te Bonnet , & l'Ëf^ 
bénits. 

C'eft à cette année qu'on -fixe Iséé- 
couverte du Continent par Ojed4i 6c 
Afmeric Vefpuce. Un nombre infini d'A- 
venturiers part tous les jours des pons 
d'Efpagne pour ïi'enricliir & fe 6gî>9Jk): 
fur les traces de. Colomb. 

- Yanez Pinçon, Gaflillan, découvrele 
Bréfil. Le fruit de cette décQvvenepâfia . 



d'EsP A G N E. 131 

auxPcu'tugats qui font aujourd'hui maî- 
tres de cette riche & vaAe contre. 

Emmaniiel le Grand , en &veur de qui 
le célèbre Gama éioit occupa i ccoiquë' 
lii les Côtes des erandes Indes ■ envovft 
pour le fecourir Alvarez de Cabrai qui « 
ayant été écarte par la tempête , aborde 
su BréfU l'année fuivante , & en prend 
poâeSioQ au nom de fon m^e avec 
les mêmes formalités qit'obfenrcuent les 
CaAillans dans toutes' leurs décou' 
vertes. 

NùfTance de Charles V. le 34 Mars ; 
jour de S. Màttlùas*j onTçait que ce jour 
lui fut heureux toute fa vie. Il porta d'a- 
bord le nom de Duc' de L^xembourj;'; 
quand la Reine apprit la nûflance de cet 
enbnt , elle préiut qu'il réusiiioàt fur fa 
céte les vafles fuccemons des Maifons de 
Bourgogne , d'Autriche , de CaAilIe & 
d'Arragon. Par un e^ de l'faeureufâ 
deftinée de ce Prince , l'In&nt Michel 
de Portugal meurt le 20 Juillet. 

Révolte dos AlpuKarras, le monf Aott 
rinfraâion dn traité de Grenade , & la 
crainte qu'on ne les traitât comme tel 
Citoyens de la Capitale ^ l'aélivité & U 
valeur de Ferdinand anpêchem ffJt cet- 
F vj 



1^2 Histoire 

te fêditioT) n'ait lesfuites les plus fâcheu- 
fes ; en moins de huit jours le Roi rallem'- 
ble une armée puiiTaBtç , fe met en cam- 
pagne , bat les Maures , Se les force à Gt 
foumettre ; ta Reine avoit attiré à Sëvîlle 
les Principaux Seigneurs Mahométans , 
afin qu'ils ne fuffent point tentés d'aller 
fe mettre k la tête des Rebellés, he traita 
qui n'avoit été qu'ébauché l'année pré' 
cédcnte entre la rrance & l'Efpagne au 
fujet du partage de la Monarchie Napo- 
litaine , fiit ngné à Grenade le 22 de 
Septembre. 

Louis XII. devoit avoir le titre de 
Hoi de Naples, la Capitale, & l'Abruzze. 
On laiffoit i Ferdinand les Duchés de 
Calabre 6c de la Fouille ; l'Infante Ma^ 
rie , la plus jeune des filles d'Efpagoe 
époufe Émmaniiel , Krâ de Portugal qui 
avoit perdu fa première femme > raur de 
la Princeâe avec laquelle il venoit de Ce 
marier. 

Le grand Capitaine Gonfalve baffe au - 
fecfturs des Vénitiens contre les Turcs , 
avec une flotte dé 5*0 vaiflèaux ; il leur 
feil lever le fiége de Zante , & leur en'- 
levé l'Ifle de Céphalonie. 
- Le VkomtedeNarbonne, de UMai- 



d'Espagne. 133 

fon de Foix ,'avoit renoncé k fes préten> 
tions chimériques fur la Navarre > par 
UQ traité conclu (quelques années aupa- 
ravant à Tarbes , &c qui fut coniîrmé 
alors : mais > fous prétexte que Jean 
d'Albret n'avoit pas accompli Les arû— 
des auxquels il étoit obligé ^ il reprend 
la qualité de Roi de Navarre. 

Les Portugais découvrent l'Ifle de 
Terre-Neuve & le Nord de l'Amérique , 
tandis que les CafUllans délignent leurs 
opérations vers le Sud. 

Les ennemis de Chriftophe Colomb 
& de fes frères , protégés en fecret par 
Ferdinand qui rougilloit d'avoir de fi 
grandes obligations à ces illuftres Etran- 
gers , viennent à bout de les perdre dans 
l'efprit de la Reine -, en leur imputant 
de nouveau tous les maux qu'on avoit 
&it fouflrir tux Indiens. Ifabelle con- 
vaincue qu'cQ effet Chiftophe étoit trop 
Êvere dans le Gouvernement d'une Co- 
lonie naiffante , lui ôte la qualité de Vice- 
roi pour le réduire à celle d'Amiral du 
nouveau Monde. 

Bovadilla , nommé fuccelTeur de ce 
grand homme , le £ùt arrêter avec fes 
frères. Se les condamne tous trois à la 



154 Histoire 

mort ; il n'ofe cependant les faire cx^ 
CUtçr ^ & le contente de les envoyer 
charges de fers en Efpagne,; la Reine , 
bonteufe d'un traitement fi indigne & 
fl iitjufte , leur rend h liberté, lAais elle 
ne t'unit point leur opprefleur. - 
[, ■ Nouvelle révohe dea Alpuxarras ;' 
Dom Alfonfe d'Aguilar de Cordoue , 
frère du fameux Gonfalve , après avoir, 
remporté de grands avantages fur lesRe- 
belW , tombe dans une embufcadc avec 
une poignée de foidats , & efl maflacré f- 
ainfi- que François de Madrid , (^and- 
Maître de l'Artilierie , Kerre de San-' 
dovol , &c. Le Roi vient encore en per- 
fonne dompter les Rebelles , la for- 
tune le fuit par -tout; il obligé tous 
les Maures de ces contrées de recevoir 
le Baptême, oudefe retirer en Afrique. 
Le nombre de ceiix qui prirent le parti 
d'abandonner l'Efpagne , montoit à près 
de 80000 hommes. Ils n'obtinrent la 
liberté de fuir qu'à force d'argent (a). 

Décret de Ferdinand & d'IfabeUe . 
qui force les Maures , anciennement fou- 
rais , ceux mêmes qui avoient rendu les 

fa) Chique ftiaUU éloit tixit. i 10 é:ii d'9r. 



' Îd'EsF AGN E. 



plus sraiicls fervices à l'£tat , <ie fe faire 
ftaptiTer, ou de quitter le Royaume dans, 
troh mois , fous peine d'être hits elcla-^ 
1^3 ; ' ces malheureux , appelles Mode- 
iires,e[Dbraâerenx le Cfariftianifine pour' 
laplûpart > mais iU m rsnooçoient pas, 
btérieurement k l'Alcoran ; c'ëtoit au- 
tant de viâimes pour l'Inquiûtîon. 
. Le Soudan d'Egypte ootré.d'unetel-. 
le perfêcution coiitre les Muf^ilfflaHs , 
voulut les veiner eo«xtecminant tous les 
Chrétiens de les Etats. Dès le tems de la 
conquête de Grenade , il avoit CaU paf- 
ferles menaces à la cour de Rome & à 
celle de Naples. Le Pape & quelques 
Princes de l'Europe employèrent divers 
moyens pour empêcher Ferdinand' de 
pourfuivre fon entreprife i mais le Roi 
n'eut aucun égard à leurs follicitations. 
11 envoya pendant le cours de cette an- 
née une célèbre ambaflade & des pté- 
fens magnifiques au Soudan. qu'on ne. 
calma que parce qu'il étoit de l'intérêt 
de ce Prince menacé alors par les Turcs , 
de rie pas s'attirer d'autres ennemis., 
D'ailleurs, fes Sujets encore maîtres du 
commerce des épiceries , lé feroient op- 



136 HiSTOIR E 

pofés à une démarche capable d'éloignef 
pour jamais de l'Egypte tous lesNégo- 
cians Chrétiens. 

Le Duc de Nemours , Général dct 
François d'un côté,&GpnfalvedeCor- 
doue de l'autre , s'emparent de Naples. 
Le Souverain de ce Royaume trahi par 
fon allié & fon parent , traite avec 
Louis 'XII. & lui cëde authentîquement 
la partie de fes Etats qui devoir revenir 
à la France par le traité de Grenade , 
moyennant de grolTes peniîons , & le 
Comt'é du Maine. Son lîls Ferdinand fe 
jette dans Tarente j & défend cette ViUê 
aVec courage contre lesEfpagnolsi Gon- 
falve n'avoit pas lOooo hommes fous 
fes ordres. On a toujours prétendu avec 
raifon que Ferdinand n'avoit confentî au 
partage > que dans l'efpérance d'avoir le 
tout. La divifion fe met bientôt entre les 
CaftlUans & les François. Gonfalve ré- 
clame la Bafihcate comme faifant partie 
de la Fouille , &c le Duc de Nemours s'en 
empare , comme étant une dépendance 
de l'Abruzze. 

Les Portugais font vaincus devant 
Mafalquivir fur la Côte d'Afrique , dont 
ils vouloient s'emparer. Â peine Colomb 






D*E IP A GN B. 137 

eft-il lorti de l'Iflc Efpagnole , que fon 
fuccefleur qui s'éioît donné pour le ven- 
geur des Indiens , met le comble'â leurs 
maux, en excitant la barbarie desETpa- 

r ois , & en leur donnant l'exemple de 
plus inflgne cruauté. Sous fon admi- 
iiiliTation qui ne dura que peu de tems » 
on vit périr près d'un million d'Améri- 
cains dans les travaux des mines. Il eft 
vrai que Bovadilla , par la dureté de fon 
Gouvernement , recueillit un prodigïeuie 
quantité d'or. Il eft encore certain qu'à 
ia faveur de ce métal qu'il pro<^guoit 
aux Courtifans & aux Miniflres , on ne 
lui 6t pas rendre compte de tout le fang 
qu'il verfa à grands flots. 

Gibraltar conquis fur les Maures , & 
pofl'édé par les Ducs de Médina Si- 
donia ( de la Maifon de Guzman ) , eft 
réuni à la Couronne , moyennant un 
échange ; les Rois fentoient trop l'im- 
portance de cette Place pour ne pas s'en 
rendre les maîtres , à quelque prix que ce 
fût. L'Archiduc Philippe & Jeanne fon 
époufefont proclamés héritiers de la Caf- 
lille & de l'Arragon. Ce ne fut qu'avec 
line répugnance extrême que Ferdinand 
çoofentU à faire venir en Jupagne fa fille 



138 HiSfOIBE 

& fon gendre. On'prétend qu'il ne dë- 
fefpéroit pas de leur enlever h CaAiUe 
au moment de la mort de la Reine > tk 
flattant que les Caftillans le préfëreroient 
à un Etranger & à une Follej il fe tromr 
pa beaucoup ; l'Archiduc qui étoît le 
Prince le plus franc , le plus a&ble & le 
plusgënéreaxde fon fiécle , fc fit adorer 
des Grands & du Peuple pendant fon (é* 
jour en Efpagne , tandis que fon beau- 
pere grave , impérieux , févere , œcono- 
me , & fier , étoit dëtefté de prefqoe tous 
les Gaftiltans. 

L'In&nt» Catherine ,-veuve d'Artus , 
Prince de Galles, époufe moyennant une 
difpenfè Henri, frère de fon premier ma' 
ri. Ce mariage occafionna dans ta fuite . 
le Schifme d Angleterre. Le I^iocé An- 
aIois .étant parvenu à la Couronne , fe 
dégoûta de fa vertaeufe époufe. Si fâr le 
rems que fit Clément Vlli de caflèr ce 
tnariage-, Henri VIII. fe fépara , comme 
tout Te monde fçait , de TÉglife Romai- 
ne. Au refie , la queftion étoii de içavoii 
6 le mariage de Catherine avec Artat 
avoit été confommé , les fentimens fu- 
rent partagés i ce fujet ; Catherine pro- 
tefta toujours qu'il ne l'avoït pas été , ce 



D Jl s r A G N E. 139 

Quî doit £tre d'un grand poids , de U 
paît d'une Reine encore plus refpeâa- 
blepar fa vertu que par fon rang. 

Rupture entre l'Elpagne & la France 
an fujet de ta Bafilicate. Ferdinand anire 
dans fon alliance l'Empereur Maximi- 
lien& les Vénitiens, cependant rArdiî- 
duc , ami de Louis XII. demande à né- 
gocier la paix avec lui ; Ferdinand qui 
voyoit que les François étoieni fupé- 
neurs en forces , y cotuenc , & lui donne 
tous fes pouvoirs, mais en m^rae-tems U 
écrit à Gonfalve de n'avoir aucun égard 
au traité que- fon gendre pourroit con- 
clure avec la France , Se de pourfuivre- 
vigourculêment la guerre i cette perfidie 
fui plus fiinefte aux François que les ta- 
-lens de Gonfalve ; elle leur coûta fans 
retour le Royaume de Naples. 

Tarcnte défendue par le Pue de 
Calabre , eft contrainte de fe rendre 
aux Efpagnots, Le Prince qui avott û 
bien défendu cette Place > fit jurer Gon- 
falve fur le Saint Sacrement qu'on 
n'attenteroit point à fa liberté. Le Gé- 
néral Caftillan , par une trahifon qui- 
flétrit fes lauriers , arrête le malheu- 
reux Prince t ^\e fait conduire en E£i 



140 Hist oire 

fiagne. La guerre entre tes François 6c 
es Efpagnois continue avec ëgaiité de 
perces & de fuccès. C'étoït beaucoup 
pour tes derniers de pouvoir fe foutenîr. 
Gonfalve avoit fçu gagner les Napoli- 
tains. Il fait lever te fiege de Tarente aa 
Duc de Nemours , & remporte d'autres 
avantages; Ferdinand d'Alarcùn , Hu- 
gues de Cordoue , Antoine de Levé ,' 
Lo^is Porto Carrero , Pierre Navarre , 
tous Généraux habiles , amènent des 
renforts à Gonfalve , & fixent ta fortuné 
dans leur parti. 

André Paleologue , Defpote de Mo- 
rée , neveu & feul héritier de Confhin- 
tin , dernier Empereur de Conftantino- 
ple> inllitue par un teflamcnt du fept 
Avril les Rois Catholiques & leurs fuc- 
ceffeurs héritiers de fes droits fur la Mo- 
rée , & fur l'Empire d'Orient. 

Les Portugais font encore vaincus 

Îrès deFarga fur les Côtes d'Afrique. 
,eur Roi faifoit pendant ce tems-là UQ 
pèlerinage à S. Jacques. 

Ifabelle apprend avec douleur que Bo- 
vadilla avoit éludé les ordres de ta Cour. 
Elle lui fubllitue Ovando , & donne en 
iBême-tems cette fameuTe ordonnance 



d'Espagne. 141 

qui accorde b liberté aux malheureux 
reftes des Indiens , & qui oblige les Caf- 
ûllans de partager avec leur Souverain 
Ja moîiië de l'or qu'ils tiroient des mines. 
Les Indiens fe' voyant libres , refufent de 
travailler , & les Caftillans abandon' 
aent les mines fource des tréfors du nou- 
veau Monde , parce que la Cour ne vour 
ioit poiat entrer dans les frais immenfes 
qu'exigent ces forces d'entreprifes ; Ifa- 
.bdle fe borna au tiers du proSt ; mais U 
Ëiltut encore fe relâcher , & par un rè- 
glement qui a toujours fubriné depuis ; 
la Keine le contenta du Quint des mé- 
taax , des perles & des pierres précieur 
fes.- :, _ 

Cc^pmbfait un.quattieme voyage ea 
Amérique. Il découvre la Province d^ 
Veragua qu'otj érige en Duché çn faveujr 
dej^n f.\s. Etalât obligé de relâcher ^ 
S. Dûotingue , on lehiiz de l'y receypir» 
.Dass )ce tçms-l^ même trente-deux yaiC- 
fèaux fb^i^g'^^ d'or , fruit des briganda- 
!ges dç'Bovadilja , roettoient à la ^«çUç 
jiour l'Efpagne- Colotnb les avertit dç 
.pe pas pàr^r > «ttçndu <qu'ot) étoit mena* 
ce d'une tentpête. On le mocque de fes 
(ivifc Vin^-un vaiffçau'jL fur IçfqueU il y 



Histoire 



^voit leize millions , font engloutis cknS 
la Mer , fans qu'on puiffe fauver un feu! 
homme, Bovadîlla , ce tyran des Indiens, 
iat enveloppé dans cet affi-eux défaftrei 
Il fembla que le Ciel avoit voulu tco- 
ger les Peuples de l'Amérique. 

Tandis que la guerre eft pouffëe avec 
■vigueur en Italie , l'Archiduc conclut à 
Lyon avec Louis XII. un traité par fe- 

3uel on conSrmoTt le mariage du Due 
©■(«) Luxembourg avec Madame Claïf 
de France. On céifoit aux futurs époux 
la ponion du Royaume de Naples .qui 
devoit tomber en. partage aux Rois de 
France & de CafliHe ; if fat réglé qù*oh 
attendroit la confommation du niariàge 
pour mettre le jeune Prince & la Prîn- 
tefle en poffcmon des Etats qui leur 
étoient deftinës. Les Arabaffadeurs de 
Ferdinand fe foumettoicnt à- l'excom- 
munication , en cas que le traité ne fût 
pas^xécuté fidèlement; Le Roi de Càf- 
tille n'avoit pas^ érrvie de' s'y cofiformw, 
tjuifqu'il écrivît à Gônfalve dé n^Y avcfir 
aucun égard , & lui envoya de noQvcauïc 
fecours. Louis XII. qui ^iigebif de h 

Non it CWltt-Quine' 'f ■ . -«: TV .TT r 



D* £ SP A G M E. 143 

bonne foi des autres par la fienoe , licen- 
tia une nouvelle arm^e prête à eotrer en 
Italie. L'Archiduc gui avoit l'aise droi- 
te t ne pardonna jamais à fon beau-pere 
le déiâveu de ce traité » 6c lui fit len- 
tir dans ta fuite par fa défiance , fon éloi- 
^ement & le mépris dont il l'accabla > 
combien fes procédés lui étoient odieux. 

Cependant Gonfalve , après avoir ifoj. 
lutté long-tems dans Barlette contre la 
difecte , & les François , commence k 
devenir fupérieur ; les renforts venus 
d'Efpagne , & les ordres gue donne 
Louis XII. i fes Généraux de fufpendre 
les holtiUtés , lui afltirent le fuccès de la 
Campagne & la gloire de chaifer les 
François du Royaume de Naples ; cèil%- 
d dirent battus dani toutes les rencon- 
tres ; Dom Ferdinand d'Andrade débap- 
mie en Italie avec loooo Efpagnolsj 
Stuart d'Aubignj , après avoir abandon- 
né plnfieurs poftes , eft vaincu dans cet 
mêmes plaines de Senùnara où U avoit 
remporté une vifloire coinplçce 8' aiis 
auparavant ; U Marquis de Bitonto at- 
taché aujtJFrançois ^ efluye le même fort', 
fon vainqueur fut Dom Louis de Her- 
fen i cnnn , Gvnfàlve met l« <ombl« i 



XV4- Histoire 

les avantages en remportant une viôoir^ 
décifive à Cerignoles fur le Duc de Ne^- 
mours , Viceroî de Naples. Jamais fuc?- 
cès ne fut plus entier ; le Générât Frati-s- 
çoisfuttue, toute l'artillerie, les dra- 
peaux & les bagages furent pris , à peine 
te fauva-t-Jl l ooo hommes de toute l'ar»- 
jnée i toute la Fouille eft foumife , Na- 
pïes ouvre fes portes ; Gonfalve emporte 
d'aflàut le Château - neuf Se celui de i 
r<Suf > par le moyen d'une mine creu-^ 
fée par Pierre Navarre. On prit dans 
•cette dernière Place le Comte de Paîl- 
tiars qui , trente - cinq ans auparavant 
létoit le chef des Catalans révoltés : il 
iiiic conduit en Efpagné , & périt en pri- 
fon fans qu'on ait [ça de quelle manière i 
d'Aubigni eft forcé & pris dans un cM- 
tieauparSenavides; il nerefteauxFran- 
:çois que Gayette. Gonfalve l'afliége par 
jner & par terre. Louis Xïl. inftruit de 
:tant de défaftres , envoyé une flotte & 
une pui0ante armée de terre au fecourt 
de cetK- Ville* Dom Hugues de Coti- 
Àoue t un des Généraux Ëfpagnsls , eft 
tué devant la Place , & le fiége chan- 
gé en blocus; cependant Gonfidve mar- 
*Iie wÂeviniàs knouveUearmécFran. 
joife. 



d'Espagne. 14.^ 

^o£c,8c remporte d'aflaut enfâpréfence 
Mont-Caflîn ; le Marcjuis de Mantoue eft 
vaincu au palTage de la rivière de Gariltan, 
le Marquis de Saluées qui lui fucc^de n'eft 
ps plus heureux , les François difparoif- 
lènt , & le Générai Caftillan revient affië- 
ger Gayette ; la Ville ne tint pas trois 
purs , les débris de l'armée Frahçoife 
commandes par d'Aligre capitulèrent , à 
condition qu'on relâcheroit les prifon- 
niers de part &c d'autre , que Gayene fe- 
roit rendue avec l'artillerie & toutes le» 
munitions de guerre qui s'y trouvoient , 
que la cavalerie Françoife le retireroit eh 
laiflant fes chevaux , & l'infanterie fans 
autre arme que l'épée dont la pointe fe^ 
roit ëmouflee. De tous les François qui 
prirent le panï de fe retirer par terre , il 
n'en revint pas cinq cents en France'; Us 
furent prefque tous aflbmmés par les Pay- 
fans Napolitains. Le Général vainqueur 
entra dans Gayette ; le Pape venoit de 
mourir , Allié de Louis XII. fon bien- 
faiteur , tandis que ce^ Prince fut heu- 
reux en Italie : il négocia un traité avec 
Ferdinand , depuis que la fortune avoir 
abandonné les François. A fa mort , le 
Cardinal d'Amboife', qui fe trouvoit à 
Tem ///. G 



1^6 Histoire 

Rome I arrêta dans le voî{Inage àç cette 
Ville l'armée de Louis XII. fon maître i 
qui il fît manquer l'occalion de recou- 
vrer Naples..L'erpërance d'être éluPape 
occafionna cette manœuvre de la part du 
Cardinal. Gonfalve , avec fon activité or- 
dinaire , envoya des troupes qui facilitè- 
rent l'éleftion du Cardinal' Ficolomini, 
fous le nom de Fie III. Ce Pontife mou- 
rut trois femaînes après fon exaltation ; 
d'Amboife efpëra encore de parvenir à 
la Tiare : mais U fut trompé par le Duc de 
Valentinois , fie par la Rovere , Cardipal 
d'OAie , qui fe nt élire lui-même fousls 
nom de Jules II. 

Les Us Cortes de Madrid âélîgnenc 
le Roi pour Régent de la Monarchie , en 
cas que la Reine vînt ï mourir pendant 
l'abftnce de l'Archiduc & de l'Archi- 
duchef^ ; nailTaDce de Ferdinand à Alca- 
.la de Henares le i o Mars ; ce Prince) de- 
puis Archiduc d'Autriche, Roi de Bohê- 
me & d'Hongrie > & Empereur, eft la rige 
de la branche d'Autriche établie en Ail&- 
. magne» dont la podérité mâle manqua 
.en 1740 à U mort de l'Empereur Char- 
les VL dernier Prince de cette Maifof) 
fj féconde en Empereurs Se «n Rois. 



d'Es fagn e. 147 

FeFdinand,3près s'être alTuré du Roi de 
Navarre (a) dont il redoutoit l'alliance 
avec Louis XÏI. fait lever lé fi^ge de Sal- 
fes aux François commandés par le Ma- 
réchal de Rîeux , ce Seigneur ri'avoit que 
douze ou qukize mille hommes , l'armée 
Caftillane etoit une fois plus nombreu- 
fe. Salfes fut défendu pendant près d'un 
mois par Dom Sanche de CaftîUe ; le 
Seigneur d'Albret tente en vain avec 
une armée Françoife de pénétrer en Ar- 
ragon ; Ferdinand, dans une învafion en 
Languedoc » rend avec ufure auxFran' 
çois les maux qu'ils avoient voulu faire 
à fes Sujets. 

Le Portugal eft défolè par ta Ëimine 
&par lapefte. 

Il iVmble que la qualité de Gouver- 
neur de 5. Domingue , communiquoic 
à tous ceux qui en étoient revêtus la bar- 
barie , la rapacité , l'injuftice & la perfi- 
die. Ovande feit pendre la Reine Ana- , 
coana , l'amie & l'alliée des Efpagnols , 
300 des principaux Vaffaux de cette 
Princefle font brûlés vifs , & on mjjTacre 

(d) If avoit taei^t J«aQ d'Albrei à lui livrer CQin- 
■ me «n fitjge fa fille Magdelene Élevée & morte à'i» 
Cour Je la Reine, 

Gij 



148 Histoire 



de lang troid 20000 de fes Sujets , Iiom- 
qies , lemmes 6c en&ns, fous le prétexte ' 
vrai ou faux qu'ils fongeoient à fecouer 
te joug de leurs Tyrans. 
J JO^. Une trêve de trois ans eft Bgnêe entre 
l'Efpagne & la France , à condition que le 
Commerce feroit rétabli entre les Sujets 
des deux Puiffances , fans que les Franç<»s 
puffent le taire dans le Royaume de Na- 
plès, & même y entrer; l'Efpagne eft af- 
fligée d'un horrible tremblement de terre ' 
le y Avril , jour du Vendredi Saint entre 
neuf & dix heures du matin , l'Andalou- 
jtç fouârit plus que l<s autres de ce fléau 

3ui renverfa une infinité de injifons Se 
'Eglifes, & fit périr une muititude de 
Citoyens à Sévilie & à Carmone. L'Ar- 
chiducbeffe Jçanne jaloufe de fon époux 
jufqu'à la fureur , repafl^ en Flandres ' 
malgré le Roi Se la Reine ; Ifab«lle de- 
mande en vain le Duc de Luxembourg 
pour l'élever fuivant les mœurs de laNa- 
, tion. L'Archiduc étoit trop irrité contre 
Ferdinand pour lui confier un fils qui eût 
pu lui fervir d'otage; dans ce tems-là 
piême il prenoit des mefures pour fe vçn- 
eer du Cafliltan. Il ilgnoit à filois un 
iraJté de liguç offenfiye & d^fçnfive avçc 



les François & avec l'Empereur fon père. 
Par un des articles , te Duc de Luxem- 
bourg époufoit Claude de France , ou la 
Princefie Renée fa fœur , en 'cas* que la 
piemiere vînt à mourir. On dîfpofoit en 
raveur des jeunes époux du Royaume de 
Naples , & on comptoit bien forcer Fer- 
dinand à le leur céder. L'Empereur . ' 
moyenDanc 200000 écus^ accordoit au 
Rorde France l'inveftiture du Mïlanez 
qui deroit retourner à la Princeffe Clau- 
de > ea cas que 'Louis XII. n'eût point 

I d'enfaîfs mâles. Ce traité G ^favorable à 

j la Maifon d'Autriche n'eut point d'exé- 

' cution. 

Gonfalve eft reçu en triomphe à Na- 
ples. Quelques Seigneurs du Royaume > 
pleins d'admiration pour et grand Capi- 
taine, lui oAnrent la Couronne. On aécrit 
qu'il fut tenté de l'accepter. Il s'attache 
à la Maifon des Urfins ; mais celle de Co- 

, lonne, éternellement rivale & ennemie de 

1 la première , fe venge en l'accufant au- 
près du Roi de Caftille de vouloir ufur- 
per le Royaume de Naples , & d'îtvoir 
hvorifé l'eleâion de Jules II. au préju-^ 

. dicê du Cardinal de Carvajal,£fp3gnol 
cpii avoic un pûiâànt parti, Frofper Co- 

I Giij 



lyo .HlSTOlBE 

Ipnoe paff^ lui-aiême en Ëfpagne , où U 
n'eut pasde peine à perdre Gomalve data 
reTprit d>'un Roi déoant ic ingrat. Ferdi- 
nand mtjdére tes pouvoirs de ce fameux. 
Générai , & lui donne tes plus étranges 
mortitîcatîons. SenGble à de fi indignes 
traitemens , Gonfalve vouloir retourner 
dans fa patrie , mais la Reine Ifabelle 
qui croyoit la deftinée de cet Etat atta- 
uiée à la perlbnne du grand Capitaine, 
lui écrivit avec toute la confiance qull 
méritoit , & calma ies reifentimens. 

Gonfalveefl regardé comme le Dieu tu- 
telaire de toute l'Italie. Gènes , Pifc , Ar- 
rezzo lui demandent à être fous la pro- 
teftion de l'Efpagne. Les Medicis chaffîs . 
de Florence , s'adreffent à lui pour leur 
Tétabtiflement. La plupart des Milanois 
le Ibllicicent de s'emparer de leur Capi- 
tale , & de travailler à l'expulfion entière 
, des François de l'Italie. Gonfalve s*af- 
iùre par une perfidie de Céfar de Borgîa , 
ce fameux Duc de Valentinois qui étoit 
capabJe de mettre toute l'Italie en com- 
buAion ] & de la livrer à laFrance. La 
puilTance de cet homme achetée par fes 
crimes & par ceux du Pape Alexaih 
dre VI. fon père , veaoit enfin d'être 



d'E s P A G N E. lyi 

reaverfée. Jules II. l'avoit forcé de refti- 
tuer tout le patrimoine de S. Pierre ; mais 
Borgia avoit des tréfors > des amis Se des 
talens. Gonfalve l'attire à Naples par de 
belles promefles , le fait arrêter & con- 
duire en Ëfpagne où il fut renfermé dans 
un château. On prétendit qu'il avoit 
voulu Ibulever les Ëfpagnols & les Al- 
lemands pour fe faire Roi de Naples. 
Il-faîloit bien que Gonfalve cherchât 
à colorer fa itïauvaife foi : le Duc de 
ValentinoJs méritoit de périr fur un ' 
écbaiïàut ; mais eft-il permis d'employer 
la perfidie , même contre les plus grands 
fceiérats. CcBorg^qui fut encore plus 
méchant que fon père , efl le héros de 
Machiavel. 

Mort d« Frédéric > Roi de Naples àé- 
tliôné; perfonne n'ignore que "fa petite- 
fyie Anne de Laval Montmorenci a por- 
té dans la Maifon de la TrémouiUe fes 
droits Se fes prétentions au Royaume dâ 
Naples. 

Tdle étoit la fituatJon de l'Italie , 
quand la Reine Ifa belle mourut d'hydro' 

Îiifie le 26 Novembre i l'âge de ^4 ans » 
on teftament daté du i2 0âobre delà 
même année t appelloic à la Couronne 
Gïv 



i;2 



Histoire 



Jeanne fa £lle aînée , &c Charles, Duc de 
Luxembourg, fon petit -fils; mais at- 
tendu le dérangement d'efprit de Jean- 
ne , le Ro! Ferdinand étoit inftitué Ré- 
gent & Adminiflrateur de la Monarchie 
jufqu'à ce que le Duc de Luxembourg - 
eût atteint la vingtième année de fon 
âge. On laiffoit au Roi les grandes Maî- 
trifes des Ordres Militaires, la moitié du 
produit des mines de l'Amérique , & 
une penilon d'un million d'écus fur tes 
revenus de la Couronne. Les Exécuteurs 
iTefiamentaires étoient Ferdinand , l'Ar- 
chevÈque de Tolède , l'Evêque de Fa- 
ïence , Alfonlè de Fonfeca , Jean Velaf- 
Îuès , Intendant des Finances , & Jean- 
,opès de Lezarra^ , Secrétaire d'I(a- 
belle. Cette Princeffe ne faifoit aucune 
mention de l'Archiduc fon gendre. On 
^t que la Reine, avant que de mourir, fit 
jurer Ferdinand qu'il ne pafferoit point 
à de fécondes noces. La jaioufie feule , 
paffion dont elle fut toujours extrême- 
ment tourmentée , lui fit exiger un pa- 
reil ferment. 

Ifabelle eft fans contredit la Reine & 
la femme la plus accomplie dont il fcût 
parlé dans rHiftoire. Aux grâces & aux. 



d'E s PA G N E. lyj. 

agrémens de fon icxe , elle jo.ignoit U 
grandeur d ame d'un Héros, la politique 
profonde & adroite d'un j^abile Minif- 
ire , les vue? d'un Lég^ateur ^ les qiia— 
\kés brillantes d'un Conquérant , la pro- 
bité 4' un bpa: .Citoyen, T-exa^itûde du 
plus intègre Magîlîrati i4n ^mour tendre; 
pour le genre Humain ;; enwi^mot , tou- 
tes les vertus qui immortalifent les grands; 
Rob. On lui reproche d'avoJr été fiere ,, 
dure, ambitieuf^ ^.jaloufe àjL'^Kcès de 
fba autoritç:; q^aîqi^'e^le 3iniâfi&>n mari, 
eUe «ui avec lui dç fréqpeos .fLémélés au 
fiiiec de la CaftilicdoçteUe p'étoit léCa- 
xée le Gouvernement. 1a («pul moyen, 
cependant de fixer le Roi, & de l'enga- 
ger à quitter fes Maîtreffes , eûl été de 
lutlaiuer un peu plus d'autorité. Ifabelle 
nel'îgnoroit pas; mais telleétoitia no- 
bleffe ou la fierté de fes femimens , qu'el- 
le ûmokmieujcTou^f tout ce que laja- 
loufie caufe d^ fquri^e^ à une feMme 
paflîonnée, que d'abandonner fes Juftes 
droits au Gouvernement. Au refte,les dé- 
fauts mêmes furent aaSi utiles à fa Patrie 
que fes vertus & fes talens. Il falloit une 
neine de ce car^élere pour humilier les 
Grands fans lesrévolter, pour conquérir 
Gv 



i y4 Hi$T6iRH 

Grenade , fans attirer toute l'Afrique 
en Efpagne , pour détruire les vices & 
les fcélerats ae fon Royaume , fans éx- 

Eofer la vie & la fortune des gens de 
iens. 

Après avoir porté 52 ans le titre de- 
Roi de Caflille , Ferdinand le quitte î 
regret pour prendre celui d'AdroiniUra- 
téur ; perfonne né s'oppofe à l'exécution 
du teftament de la Reine i ce n'eft pas 
qu'il n'y eôï bien des Grands qui le cru- 
rent fuppofé, mais on vouloit voir quel 
parti prendroit l'Archiduc ; cependant 
Ferdinand fait- proclamer l'Archjdrt* 
cheffe Jeanne Reine de GafHlIé à Medioà' 
del Campo. ' 



D*E s F A a N E. ij; 



JEANNE LA FOLLE, & 

Philippe î. surnommé 

LE Beau. 

PHILIPPE reçut avec indiâërcRce ifoS 
la nouvelle d'une mort qui appona 6c 
dans ia Maîfon une fucceâîon immenfe. i ro^* 
n parut , dit-on , balancer entre les Pays- 
Bas & les Couronnes d'Efpagne. Il ne 
s'accommodoit pas des Mœurs & des 
Coutumes de la Nation qu'il alloit gou- 
verner ; mais le reflentimeot de fê voir 
oublié dans le teftameot de fa belle- 
mere > l'envie de fe venger de Ferdinand 
i qui 'û attribuoit cette înjiiftice , le de- 
fir fi naturel de conferver tant d'Etats ; 
les confeils de Jean Manuel qui , en wp- 
prenant la mort de la Keine , quitte mal- 
gré les ordres du Roi la Cour îmvéror 
le où il réfîdoit en qualité d'Ambaflà- 
deur , pour fe rendre i Bruxelles auprès 
du Prince i tous ces motifs ptévalurent 
enfin fur îbn indolence > & le déter- 
nQnerent ^ ne pas abandonner une û 
belle fuccdfion.Il fe moQua même aum 
Gvj 



1 ytS Hi STo IRE ' 

ardent pour la recueillir que l'importan' 
'Ce de la chofe le méritoit. D'abord il dé- 
clara que le Teftament étoit fuppofé , & 
menaça publiquement fon beau - père. 
Ferdinand fe trouvoit alors dans une 
étrange perplexité. H fe déficit égale- 
ment de rÂrcbiduc & de Gonfalve. II 
craignoit que ce dernier quiavoît à"û 
difpofition une armée tant de fois viflo- , 
rieufe , n'cmbraffâtles intérêts du Prince 
Autrichien. Il lui écrivit de fe rendre en 
Efpagnepour y recevoir ie fruit de fes 
travaux , & lui manda qu'il vouloit fe. 
défaire en fa faveur de la Grande-Maî- 
trife de S. Jacques. Gonfalve le raffura 
bientôt , & rejetta les propo(itions du 
Pape & de l'Empereur qui ie follicitoient 
de livrer à l'Ârchiduc le Royaume et 
Naples. 

♦"erdinand déterminé à ne point drf- 
cendre du Thrône de Caftille , s'avîfa 
■d'un expédient fort flngulier. Il entre- 
prit d'époufer ta Princene Jeanne , fille 
ae Henri l'Impuiflant j, qu'il avoii fa» 
déclarer bâtarde, & à qui il enleva la 
Couronne ; il comptoit que ce mariage 
fjouvoit encor* lui donner des (a) en- 
- (i) Feidiiud «Toit alor* 4> an* t ft 1> Pnnceflè.^;. 



d'EsP A G N E. 



uns. Pour réuffir dans ce projet , il fal- 
loit une dWpenfe du Pape , le confente- 
ment du Roi de Portu^l dans les Eiacs 
duquel ëtoit la Princeffe , & l'aveu de 
Jeanne qui avoit toujours regardé Ferdi- 
nand comme Ion oppreifeur. Les difS- 
cultés n'étonnoient pas l'ambitieux Caf- 
tilUn. Il avojt déjà parole du Pape pour 
la difpenfe , & il négocioit avec la Prin- 
ceffe par le moyen d'un Moine ; mais 
Emmanuel > fans qu'on n'en ait jamais 
fçu la raifon , s'oppofa aux prétentions de 
Ferdinand avec une opiniâtreté qui fit 
échouer l'entreprife. 

Les Etats de Caftille aflêmblés à 
Toro , proclament Jeanne la Folle , 
Reine pour la féconde fois. On y dé- 
clare Ferdinand Régent du Royaume 
i'ufqu'à la majorité ' du Duc de Luxem- 
lourg. Ces Etats font fameux par la pu- 
blication des Loix auxquelles Ferdinand 
& Ifabelle travailloient depuis près de 
vingt-cinq ans. On appella ces Loix, 
Jjtgts TaurUts , du nom de la Ville de 
Toro. C'eft le Code de la Caftille. Quoi- 
que te Régent eût lieu en apparence de 
le louer des Etats , il fe déficit avec rai- 
fon de tousles Grands quiae luipardon- 



ij* Histoire 

nerent jamais de les avoir û fort abaïfl'^s. 
Ce Prince ne pouyoit guères compter 
que fur Ximéoes & le Duc d'Albe qui 
ne l'abandonnoient jamais. Le Duc de 
Najera & le Marquis de Villena à la tête 
de la Noblefle, écrivent à l'Archtduc 
de paâer en Caftille , l'aflurant que fon 
beau-pere feroit renvoyé à Saragofle auf- 
fi-t6t qu'il paroîtroit. Ferdinand , de fon 
côté négocie à Bruxelles. 

Un de fes Arabafladeurs appelle Con- 
chillo , profite adroitement d'un trait de 
jaloufie de la Reine Jeanne contre l'Ar- 
chiduc fon époux , & tire de cette Piin* 
cefTe un écrit par li^quet elle approuve le 
Teftament de fa mère , & confent que 
fon père refte maître de la Caftille en 
qualité d'Adminillrateur jufqu'à ce que 
fon fils Charles eût vingt ans. Il n'en fal- 
Imt pas davantage pour enlever l'Efpa- 
gne a la Maifon d'Autriche. Ferdinand 
pduToit s'affermir en Caftille, & difpo- 
ter de ce Royaume en faveur des enfans 
d'un fécond lit. L'exempte du Prince 
de Viane étoit récent. L'Archiduc inf- 
truit par Fonfèca , Collègue de Con* 
clùllo , hk faifir le fatal Ecrit , 8c jetter 
le Négociateur dans uii cachot lî bom- 



D* Espagne. ifp 

ble que tous les cheveux lui tombèrent 
en une nuit , & qu'il manqua de devenir 
fou. La Reine fut arrêtée dans fon appar- 
tement , avec défenfê de lui laifler parler 
i aucun Efpagnol. Cependant Philippe 
cnùghuit pour let Ambafladcurs qu il 
avoit en Caftille * fendit la libené à Con-' 
diillo. Malgré tant d'injarfcs mutuelles on 
en vint bientôt à un traité figné à Salaman- 
que fous la garantie du Pape , de l'Empe- 
reur, desRûÎB de France &c d'Angleterre î 
on convint que Ferdinand , l'Archiduc & 
Jeanne prendroient tous les trois le nom 
de Rois de Caftille , que celui de Ferdi- 
nand dans tous les a^es prëcéderoit les 
autres > que le Duc de Luxembourg fe- 
Toit proclamé Prince des Afturies , que 
les revenus du Royaume feroient partagés 
également enwe le bcau-pere fie le gen- 
dre, que chacun d'eux noflunercût k la 
m^ti« des emplois, & qu'ils régiteroîent ' 
tous deux avec une égale autorité i Phi- 
lippe gouverné par Jean Manuel fon Mi- 
luttre & fdn Favori trompoit Ferdinand 
en prêtant les mains k un traité qu'il 
étoit bien éloigné de vouloir teitîr ; ce- 
pendant le R<» s'imàginant <|ue fon gen- 
dre r^nnt J^Bnnc^s , & liù ibin- 



j6o Bi s t o 1 b b 

donneroit l'Efpagne , fonge i fe fortifier 
par de nouvelles alliances : celle de Fran- 
ce lui tenoit à cœur , il craignait les fuî- 
tes des liaifohs Intimes de Louis XII. &t 
de l'Archiduc , pour s'attacher le Mo-' 
liarque François , il lui demande Ger-. 
maine de^'oix , Ta niecç , en mariage >. A. 
condition quelesenlâns forcis de cette- 
union auroient le Kcyaume de Naples 
qui retourneroit à la France , en cas quç 
les deux époux ne laiâaflent point- de 
poftérité ( que Ferdinand donnêroit en- 
î'efpace de dix ans cinq cent mille ëcus. 
à Louis XII. &. que tous tes Napoli- 
tains qui avoient été parti&M tlela 
France , feroient rétablis dans leurs 
biens. Ce traité fut conclu à Blois le 12 
. Oflobre. 
- Gopfalve étoitJoujours l'arbitre de 
ritafie- Deux fois il fit lever le fiége de 
Pife'aux Florentins , Nuno Campo 6uc 
la gloire de battre leur armée; .- . 

Mazarquivir fur les Côtes d'Afrique 
eft conquife par Dom Diegue de Gor- 
doue , Alcayde des Damoifeaux ; éta- 
bUflètnént du Confeil d^Italie , Thomas 
Alalfarit en fut le premier fc^fideot. 

Le SoidaQ d'Eg7pt;«,eXc&é par. les. 



d'E SP A GN E. l6l 

cris des Maures , & des Juifs chalTés 
d'Efpaene , menace le Pape de faire main 
baffe iur les Chrétiens établis dans fes 
Etats , & de détruire les Lieux Saints , 
à moins que les Rois d'Efpagne & de 
Portugal ne promilTenc de traiter avec 
plus de modération leurs Sujets Muful- 
mans. 

Colomb retourne en Efpagne après 
un voyage malheureux Se inutile j il ef- 
fuya tous les maux auxquels l'bumanité 
' peut être en proye ; abandonné de fes 
gens dans unelflepeuplée d'Indiens aux- 
quels la renommée avoit appris les bri- 
gandages & la tyrannie desEfpagnols y. 
fans vivres , fans reiTources , accablé des 
maladies les plusdouloureufes> fon cou- 
rage ne parut jamais plus ferme ; il f^ut 
eimn fe tirer de cet abyme de maux par 
fon induflrie : les Cailillans qui l'avoienc 
abandonné , le joignirent, & 11 les rame- 
na en Efpagne ; mais pour comble de 
malbeurs il trouva la Reme morte , & un 
ennemi fecret dans la peifonne de Ferdi- 
nand. On exigea de Colomb la démiûion 
de fa charge > moyennant quelques terres . 
& quelques penfions qu'on lui accorda. 
TeUe fut ta récompenfe de fes firvices. 



iga Histoire 

Il ne pût foutenir un pareil traitement , 
& mourut de douleur à Valiadolid le 
AO Mai , à l'âge de 6^ ans. 

Depuis la mort d'IfabcUe le fort des 
Amëricains devint plus malheureux qu'il 
n*avoit jamais été. Des Efpagnols auto- 
rifês par le Brigand qai avoir te titre de 
Gouverneur, achevèrent de détruire ces 
infortuné Infulaires , en les précipitant , 
pour ainfi dire , dans les entrailles de la 
terre. Herrera dit qu'on tiroit alors cha- 
que année quatre cent mille marcs d'or 
des mines de riflej Cotubama, le der- 
nier des Souverains de l'ïfle , eft pendu- 
à S. Domingue avec les formalités àt 
la JuAice. 

Philippe & fon époufe s'embarqutiït 
le lO Janvier pourpaffer en Efpagtte ; 
Ferdinand ne s y attendoit plus , mais il 
eft bien fervi par une tempête qui les jet- 
te fur les Côtes d'Angleterre ; il écrivit 
à Henri VII. fon Allié de les retenir le 
plus long tems qu'il pùurroit , efpérant 
pendant ce tems-là fe mettre en état de 
défenfe , en cas que fon gendre ne vou- 
lût pas tenir le traité de Salamanque ; le 
Roi d'Angleterre profite du malheur de 
l'Archiduc pour exiger de lui Edouard 



d'EsP A GN E. l6j 

PqIus ) Duc de Suâbick , le dernier des 
prétendans à la Couronne^ il ^Uut fouf- 
crire à une demande fî injufte : le mal- 
heareuK -Sutfbtck détenu depuis long- 
tems dans le château de Namur , fut li- 
vré à fbn ennemi , & immolé depuis par 
Henri VIÏI. L'Archiduc fe rembarque 
au commencement d'Avril , & arrive le 
26 à la Corogne ; cependant Ferdinand 
avoit époufë GermainedeFoix, & pa» 
blié la paix avec UFrance , M tenta enco- 
re d'attirer dans fon parti- les Grands & le 
Peuple j mais tous les cœurs étoient pour 
fon gendre, il fallut évacuer la Caftille ; 
dans cette extrémité ce Prince devenu 
fouple rechercha l'Archiduc , & lui fit 
demander une entrev&e , il alla même 
au-devant de lui jufqu'à Molina, nîais Phi- 
lippe qui vouloii l'éviter , prend par des 
Cfiemins détournés la route de Burgos , 
tous les Grands cou roient en foule vers 
le nouveau Roi , & Ferdinand n'eut bien- 
tôt avec lui que Ximénès , le Connéta- 
ble , l'A mirante & le Duc d'Albe , fes pa- 
rens, &le MarquisdeDenia, fon Favori; 
Jean Manuel » Miniftre de Philippe , Se 
ennemi impiacable de Ferdinand, fans 
autre rùfon apparente que l'antipathie 



i6^ Histoire 

ordinaire entre les Caftillans & les Ar- 
ragonois , aig^floit fans celTe refprit da 
jeune Prince contre fQnbeau-pere;'l 'Ar- 
chiduc 6c Jeanne font proctvnés à £ur- 
gos , fans qu'on faiTe mention du tefta- 
ment d'Ifabelle ; Ferdinand obtient enfin 
à force de négocier > une entrevue avec 
fon eendre près de Sanabria ^ on le força 
de donner des otages , & de venir fe met- 
tre au pouvoir de fon gendre , fans autre 
^reté que la parole du nouv-eau Roi ; 
Philippe parut avec la Cour la plus nom- 
"breufe Se avec 2000 hommes bien ar- 
més, tandis que Ferdinand accompagné 
du feul Duc d'Albe , n'avoit qu'un trÈ.s- 
mince cortège ; le perfonnage de fup- 
pliant devoit bien coûter à un Prince 
aufli fier ; mais l'intérêt , l'efpérance 
d'obtenir quelque grâce , Ërent taire en 
ce moment fon orgueil. Philippe le reçut 
avec la gravité d'un Roi d'tfpagne , & 
Ferdinand parut fe comporter avec la 
franchife d'un Flamand ; il demanda 
beaucoup, & n'obtint rien, il infîAa fur- 
tout qu'on lui lailfât le Royaume de Nâ-- 
pies , mais Philippe interrompit la con- 
férence , en difant brufquement que cha- 
cun te contentât du fien. Les Grandes- . 



d'Es P A G k E. l6f 

Maîtrifes refterent à Ferdinand avec une 
penfion de cinquante mille ècus. Quel- 
que tems après , ce Prince obtint une fé- 
conde entrevue auflî humiliante que ]a 
première ; il donna à fon gendre les con- 
leibles plus fages; tous les deux Ce retirè- 
rent contens en apparence , mais dans le 
fond très-aigris : on remarque que Fer- 
dinand ne demanda point à voir fa lîlle , 
& que Piiilippc ne lui offrit point de la - 
lui préfenter ; l'extravagance de cette 
Princeffe étoit prefque publique , & Phi- 
lippe travaillait à la faire interdire , & 
même à lïi renfermer ; on en fit b propo- 
fition qui fut re^tt^e par les las Cortés 
affemblés à Valladolld : on prêta ferment 
à Jeanne , comme à la propriétaire de 
la Couronne , à Philippe , comme à fon 
. ipoux , & au Duc de Luxembourg, com- 
me au Prince des Albries^ les Etats ac- 
cordèrent suffi au nouveau Roi un don 
xratuit de deux millions cinq cent mille 
nvres*- 

Cependant Philippe gouverné par Jean 
. Manuel dellîrue les Gouverneurs , les 
Miniflres & les Magiftrats que Ferdinand 
avoit placés ; il ordonne par lin Décret 
c|ue le Cfjofeit Roy^ prendra connoUr 



t 



i66 Hi s T o 1 lUE 

fatice des aâàires de l'Inquiiition > & re- 
cevra les récufations d'un Criminel con- 
tre les Inquiflteurs , & contre leur Tri- 
bunal fouverain ; ces innovaùons , les 
{>ro&Gons du jeune Roi, refpece de pri- 
bn de U Reme qu'on ne permettpit qu'à 
'~ieu de perfonnes de voir > le privilège 
té aux Grands de fe couvrir i caufe que 
la NobleiTe Flamande ne pouvoit jomr 
de cette diftinâion , irent bientôt regret- 
ter Ferdinand , Prince ft vere à la vérité, 
mais judicieux , -équitable , gouventant 
par lui-mêffle & pariaitement inflruii du 
gënie> du caraâere, des Coutumes & des 
Loix de la Nanon ; déjà quelques Qruids 
remuoient pour tirer la Reine de prUon ; 
on iè plaîgnoit que les fîaances étoieni en 
proye k 1 avidiœ des Cournfani, que les 
tréiors de la CafliUe ne fûffifùen^ pas aux 
prodigalités du nouveau Monarque : cet 
état violent ne dura pas ; Fbilippe mou- 
rut à Burgos le 2^ Septembre à l'âge 
de vingt-huit ans , après une malai^ de - 
. lîx jours pour avoir £ût un trop violent 
exercice de la paume : c'étoit te -Prince 
le mieux fait , le plus beau , le plus gé- 
néreux Se. le plusracile de l'Europe; mas 
il s'en &lloit DJCQ.qu'il eût le génies l'apr 



D*E s P AG N E. 167 . 

plkaûon , la prudence fie l'babileté de 
ioa beau-pere. On craignok , s'il eût ré- 
gné plus îoDg-tems, que rinquifîtion ,' 
regardée alors comme nécellâire> n'eût 
ttefuppnmée; que les Grands n'euflènt 
joui de leur ancienne autorité , & que 
les Peuples ne fuflênt devenus aui£ mal- 
heureux que fous Henri IV. Philippe <}ui 
regardoit le Roi de France comme le 
plus honnête homme de TEurope , le 
préféra à l'Empereur fon père , & à Fef' 
dinaiid , en confiant la tutelle & l'édu- 
caùon de fes enfass à Louis XII. Jeanne 
étoit alors enceinte de l'In^nte Cathe- 
line , depuis Reine de Fbrtugal. La mort 
précipitée d'un époux pour qui elle avoit 
la pamon la plus violente , achevé de lui > 
bire perdre refprit. Son amour fembU 
piendre de nouvelles forces. Ce ne fut 
pas fans peine qu'elle confentit qu'on en- 
lermât le corps de (oti mari dans un cer- 
cueil qui la fuïvoit par-toui , Se qu'elle 
fcifoit de tems en tems ouvrir pour avoir 
la trifte fàtisfaâlon de contempler un fi 
cher objet. Enfin , cette Reine défolée 
Té retira à Tordefillas avec ce cercueil 
qu'elle appelloic fon tréfor , pafTant une 
vie qui fut très-loogue à ne fë nourrir^ 



s 



1(58 Histoire • 

pour ainfi dire, que de fa douleur, ou i 
le btittre avec des chats. La mon de cet 
époux qu'elle aimoit fi paflîonnémént ne 
lui arracha pas une feule larme. La ja- 
loufie en avoir épuifé la fource. Philippe 
ayant'un jour été furpris avec une de lès 
maîtreffes , cette aventure fit verfer à la 
Reine une fi grande abondance de pleurs 
u'elle n'en put répandre dans la foitci 
iiile continua d'éprouver toutes les hor- 
reurs de la jaloufte. On la voyoit entrer' 
en fureur , lorfque quelque femme appro- 
choit du cercueil de Philippe. Dans un 
de fes voyages , elle aima mieux camper 
que de loger avec les triftes reftes de ion 
époux dans une Abbaye de Filles. Lç 
dérangement de fa raifon ne l'empêcha 
pas d'être fenfible à la perte de fon au- 
torité. Elle fe plaignoit fouvent de fon 
père & de Ximéiiès qui lui aVoient enle- 
vé le gouvernement : il fallut bien en 
priver cette malheureufe Prineefle , & 
déférer l'adminiAration des aiïàires , ou 
à-Ferdinand , ou à l'Empereur Mixîmi' 
lien; tous les- deux avoient des droits & 
un parti puifiant en qualité d'Ayeuls du 
Prince Charles ; les Lois fçmbloient 
parler pour le premier > & la raifon pcnir 
l'autre; 



d'Es P A GNE, l6p 

ï' autre î Ximénès , le meilleur Citoyen , 
comme le plus habile komme <le l'Écat , 
détermine la balance en f»Teur de Fer- 
dinand; MaxioMliËn avare , prodigae,' 
foible , léger , inappliqué , ignorant les 
Loix & les Coutumes de l'fipagne pou- 
Toit-il entrer en comparaifon avec Fer- 
dinand , le Ffince le plus habite de fon 
(iécle f Néanmoins la haine des Grands 
étoit telle que la (^âpart propoferent i 
Jeanne de fê remarier , & de choiiîr ou 
Alfonfe d'AiTagon , ou le Duc de Cala- 
bre , -ou Gallon de Foix , ou le Roi d'An- 
gleterre : mais la Reine rejetta avec hor- 
reur toutes ces propolîtions. Cependant 
les<jrandE choial^ent^pour Régents , Xi- 
ménès , l'Amifante , le Connétable , le 
Duc de l'ïnfantado , ie Duc de Najera ^ 
Andté-dei Burgo & le SeigRcurde Vere,i 
Flamand. Fermnand plein de foupçont 
& de défiance contre Gonfalvb > étùt 
palfé en Italie avec la Reine , Germains 
âe Foix t âc la Reine Douairière de Na- 
ples , fa fœur , dans le deffein de le defti- 
tuer , ou marne de le faire arrêter ; il eft 
conlbnt que ce fameux Général avoic 
fefiifé d'obéir aux ordres du Roi quil'ap- 
«elloient en Efpagqie foiu prétexte de le 
Tarât ///. If 



I7Ô H I-S.TO IRE 

f^ire Grand-Maître de S* Jacques ; le hrqit 

fubliç racçu^it de vouloir réunir Naples 
la Couronne de Caftille i d'autres prc- 
i^endoient qu& Jules II. l'avoit exborté ï 
^ ùMa-, pour lui-même du Thrâne > on 
^ait que ce Pape a,voit form^ le projet de 
cfeaffeç d'I«dJe les JFrançois , les Alle- 
qaapdf^^^ l^Ër|>agnoU qu'il regardoit 
«omîçe dçft tsfbareç & les oppreffeurs 
«le cç^bgau. pays ; mais Ferdinand, étant 
firçE:à:emrw,à Gêpcs avac une.flotte de 
Cffîptj-^^ galéies , fut amiéableinent 
fitfpriç.dfeMacpptrcr Gûnfalve. qui.ve- 
nfliîi fe liyfWi: à-lBi, Il apprend: à Pcrto- 
^ÎBQ l«^9(>J't.(k.£9a amdre ,.ScUv vœux 
de la C^il^ peur Ion. retour} C4ais il 
HÇÇfibtfiàç fi peu. le Parti de Mioimi- 
J^ea, qe'yi-cftodnue fa route , & arrive 
à'I^pleftoù ji^reçu en triomphe. 
■ IwiX)Af(Mnes>le.Gruà&t.àJa main; 
pKêdient^£itf]^nor-QQotre les Juifs nott* 
vefiwesvconyertb, âcibulevent le Peu- 
ple ; plu» de 2000 de ces malheureux; 
av.ec leurs femmes & leurs en^ns foot 
nialTtçréBdansiesxues, lesmaifons, lei 
ÎEglifc^ & jufqucs fiar lesAutds. Le car-, 
mge'dtira tnok jours ; on. envoya dtt 
$SfiufB».k JJ^bome i 1^ deta^Moioe» 



,„. Cookie 



d'Es p a g ne. 171 

furent brûlés vifs , & la Qapitale perdit 
tous ïès privilèges. , 

La folie de la Reine, & l'abfence de 1707, 
l'Adjniniflrateur jettent la Cafliile daos 
une cfpeçe d'Anarchie. On fe révolte 
à. Cordoue contre l'Inquiûtion. Les 
ôrands prennent les armes les uns con- 
tre les autres. Le Farci de l'Empereur 
.C9oapp{ë.du:Duc de:Najera, d.a Mar- 
^s-de 'S^Iena , du Comte de Benaven- 
tç> &-'de Jean Manuel appj;Ue l'Empe- 
reur en ETpagne. Ce Prince qui n'avoic 
}amais aiTç^ d'argent pour fes ptaiHrs > 
n'étoit pas en état de lever des tToupes» 
w'd'^qjiipper upe, flotte. Il n'avoit re- 
cjbef-cbé la Kégence que pQur s'enrichir' 
des d^gouiUçs d& l'Èfpagtie., L'inquiet 
S(, amlutieux VtUena porte inutileoienr , 

fes vues fur le Roi de Portugal , & l'in- 
vitei fe faifir de l'adminiflration. Xime- 
nes, au milieu. de ces violentes agita- 
lions j aie bonheur de fauver la Ga&ile. 
Itpromet à tous les Grands du Royaume 
' de la part de Ferdinand un oubli parfair 
de toutes les injures dont ce Prince 
crpycMt avoir lieu de fe plaindre , pro-, 
teftant qu'il feroit le pt«nier à prendre 
les: armes contretle RoJ> û cçluià env 
Hij 



17?' Hl S'TO IBE' 

trepreooit âe fe venger. Cette alTurancç 
Scies maux auxquels la Caflille eft ea 
proye , font délirer la préfence de Fer- 
oînand. Louis XII. à la prière des Etats 
de France , rompt le traité de Bloîs 
fi favorable à la Maifon d'Autriche ^ 
& fe lie avec Ferdinanâ. L'Empereur, 
pour détacher celui-ci d'une pareille 
alliance , lui ofire le tkre d'Empereur 
d'Italie. L'habile CaflHlan «[ui fent la 
frivolité de ce qu'on lui propofe , ne 
juge pas à (Hropos de fe détacher des 
François qui feuls pouvolent l'empêcher 
de palfer en Efpagne. 

Dans une ent«vûe de Ferdinand & de 
Louis XII. à Savone le Roi François 
combla d'honneurs & de careffes Goa- 
falve qui lui avoit enlevé une Couronne, 
Oji dit que ce grand Capitaine regretta 
itoute Ja vie de n'être pas né Sujet d'un 
Prince fi fendble au mérite ; Ferdinand 
arrive en Ë^agna au mois d'Août , il 
rend aux Grands d'ETpagne le privilège 
de ù couvrir devant lui : cette condefr 
tctndance joints à des manières entière* 
ment oppofées à celles qu'il avoit du 
tsms de la Reine Ifabéllé , le rendent l'i-r 
^e dç la Caflille : fous la ûmpl^ qualité 



d'Espagne. jyj 

d'AdmiBUlrateur , il fut plus Roi qu'il 
ne l'avoit jamais été ; Xtménès efl déco- 
ré de la pourpre ,■ & fait Grand Isquîfi- 
teur , mais cet homme habile qui con- 
fioillbit le génie & le caradere de Ferdi- 
Sand , qui n'aîmoit pas à voir les perfon- 
nes auxquelles il avoir de grandes obli- 
gations, fè retire dans fon Archevêché ; 
les Seigneurs Flamands retournent dans 
les Pays-Bas. Tout efl fournis , excepté 
Najera , & Jean Manuel qui fe retirent 
eij.Navarreî Ferdinand excite le Comte 
de Lerin, Seigneur NavaTtois , à prendre 
les armes contre fa patrie ; le fameux 
Bue de Valentinois échappé de fà prî- 
fon l'amiée précédente i fut tué dans 
cette petite guerre au lèrvice du Roi de 
Navarre ■; Najera demande grâce , 8c Le- 
lins fe fauve en Caftille. Les Portugais 
fe rendent maîtres de Safi en Afrique. 
Le bruit des cichefCës de S. Domlfl' 

fae y attire uire infinité d'.EfpagBols , 
erdinand permet aux Arragonois fes 
Sujets d'y pafferj Charles-Quint éten- 
dit depuis la permiffion à tous fes Sujets , 
on ne voit cependant guères que les Ef- 
pagnols qui en ayent profité ; les plus 
grands Sdgoeuis veulent avoir part auz 
Hiij 



:r74 H I s X O I K E 

TicheSês du rouveau' Monde : c'eR il-qtit 
obtiendra des répartitions dlndienspWr 
les employer aux mines qui dépeaple*t 
le Pays de fes habitans. Il n'y aveit pas 
foixante mille âmes à S. Somingue , tan- 
dis qu'on en compcoit plus de trois i^- 
lîons au tems de la, découverte. Les 
Grands & les Miniftres envoyoient dans 
l'Ifle leurs domelliques qui., en travail- 
lant aux affaires de leurs- maîtres, fai- 
foient les plus grandes fortunes. Ils dou- 
bloient ie travail des Indiens , & les lïai- 
toient plus durement que les bêtes de 
femme. On enlevé tous les^abitans des 
Ifles Lucayes pour les mines j ce -cruel 
expédient rend le Pays défert en peu 
d'années. Ces malheureux Iiïfulaires 
trouvent la fervitude &c la mort ^ S^t 
Domingue. 

Dias , de Solis , découvre T Yucatan , le 
nouveau Monde eft appelle alors com- 
munément Amérique. Vefpuce, au com- 
ble de la gloire eu décoré du titre de 
Pilote Major de la Monarchie. 
1708. L'Empereur fait de nouveaux efibrts 
pour partager au moins la Régence. Dom 
Pcdre Gucvara , un de fes partifans , eft 
arrêté & mis à la queâïOQ. On découvnt 



par lui qbe-fe -iameilx Goofsh^s & quel- 
ques autres Grands du Koyauibie cher- 
uioîent^fbiiG le:nom de MndoiHJen à ex- 
citer des -trbubles en ETpagne. LeRoi'y 
fousfrétcxre de porter la guêtre an Afri- 
que, équippeune flotte , ôc^îeve une ar- 
mée de quarante mille homtnes. 'Révolte 
de la ViUe de Cordoue , & du Marquis 
de Priego , neveu de Qonfalve. Ferdi- 
nand , avec fon aftivit^ ordinaire^ dé- 
concerte les Rebelles , & les obËge Ae 
fefoumettre. On fait le procès aux Ci- 
toyens de Cordoue. Priego n'évite Ja 
mon qu'en conûdération des fervices 
de fon oncle. Il eft banni de fAnctàlotH 
fie , fes diiteaux font rsfës , &fes parti- 
fans punis par la perte de la vie ou de 
leurs biens ; cette févérité ne peut con- 
tenir le Duc de Médina - Sydonia , ni 
Dom Pedre Giron qui fe ^ifoieïitla guer- 
re : mais ils font forcés de fuir en Portu- 
gal i Ximends ne celToit de repr^ehCâr 
fortement au Roi qu'il fallok humilier les 
Grands & la Nobleffe , mais Fer^îlnawi 
dont l'autorité on Caffille n'éloit-qùe^r^- 
caire,-avoit changé toutàiaitde-pTihcî- 
pes; après avoir réprimé les plus foc- 
tieux » il employé avec fuccès la fou- 
Hiv 



[17*5 Histoire 

■ plefle , les carefles , & l'art de plaire pour 

tagner les autres : feo autorité plus ibli- 
e que jamais s'aiFermit au point qu'au» 
cun Grand n'ofa lui demander la convo- 
cation des Las Cartes ; l'Empereur rçfufe 
i Feidinand d'envoyer en Efpagne le 
Duc de Luxembourg pour l'élever con- 
formément aux mœurs de la Nation ; Ro- 
drigue de Luzero y Intjuifiteur de Cor- 
doue , fameux parfa tyrannie , fes Injui- 
tices & fon avidité , eft arrêté , & fon pro- 
cès lui eft fait ; toute l'Efpagne com- 
niençoit à être fatiguée du joug de l'Io- 
quilîtion , cependant toute l'autorité de 
ce Tribunal étoit entre les mains de 
Ximeiies le plus intègre & le plus hon- 
nêtèhomme de tout le RoyauBie. 

Le Pape , l'Empereur , les Rois de 
France & d'Efpagne , confpirent tous à 
là fois la Fuine de. venife dans une L^ue 
conclue à Cambrai par les foins de Mai- 

fuerite d'Autriche , Veuve de l'Infant 
ean , & du Duc de Savoye. La Répu- 
blique de Venife devenue neureufe , ri- 
che , puilTante & iîere par des conquêtes 
confîdérables faites depuis 4.0 ans dans \t 
Royaume de Naples , l'Etat Eccléfiafti- 
Ijue ^ le Milanez & les Etats de TEmp»- 



fi'Ès f AGNE. 177 

tkur , excîtoic depuis long-téms la ia- 
ioufie & la haine de chacun de ces Mi> 
Marques qui efperoit s'enrichir de fes dé- 
pouilles ; le célèbre Pierre Navarre pu^gt 
le Détroit des CorfaîresMaures , & s'em- 
pare de Vêlez , de Gomcra ; Arzilc con- 
quilè par les Maures fur les Portugais , 
cft recouvrée par le fecours du même 
Navarre qui en chafle le Roi de Fez. 

Diegué Colomb , fils dé Chriftophe ; 
élev4 «la Cour en qualité de Page , réta* 
blit en partie les débris de la fortune de 
fon père , en époufant une parente dii 
Roi ; cette alliance lui valut la dignité 
d'Amiral des Indes qui eft refiée long" 
tems à fes defcendan^, & le Gouverne'' 
ment de l'Ifle de S. Domingue. 

Le Cardinal d'Amboife , premier Mi- 
niftre de Louis XII. choifi parMaximi- 
, lien & par FenSnand- pour arbitre de' 
leurs droits à la Régence > prononce en 
fiveur dti Roi , à condition que celui-ci 
dooiftroît chaque année cinquante mille 
ducatsà l'Empereur, & autanfau Prin- 
ce des Afluriesqui ne dévoir prendre le- 
ritre de Roi qu'après la mort de Jeaftne- 
h Folle fa mère. Charles élevéà Bruicel- 
JeS'^ avoit pour Gouverneur de Groiii* 
H-v- 



j"j8 Histoire 

de Chievres nommé par Louis XII. foa* 
.tuteur. 

Le Cardinal Ximenes entreprend k fes 
Stiis la conquête d'Oran , ce grand hom- 
jne voaloit rendre aux Maures les maux 
.qu'Us avDÎetit faits à fa Patrie , & fur- 
tout affurer les Côtes d'Ëfpagne jniîil- 
xées fans celTe par des efcadres de Cor- 
faires forùes du Fort d'Oran ; il eut peine 
à obtenir le coorentement du B.oi. Ou. 
^i refuià Gonfalve pour Général. II. chei- 
& Fiacre Navarre;. L'armée £%agRo1e 
n'ét<ùt que de quatorze mUle fiommes j 
mais Ximenes avoitdes inteUigencesdans, 
)a Place qu'il voubit attaquée. Il ézok. 
convenu avec le Roi , qu'en cas d'uit 
malheureux fuccès> il en fèroit pour fes. 
jlépenfes i mais que iî l'a&ire téuâîilbit > 
Oran dépendroit dçï Acctevêques- de: 
Tolède jufqu'à ee .qo'on leur eût rem- 
bouifé ce qu il en auroit coûtépour l'exé*^ 
cution de i'entreprife. Ximenes & Na- 
varre déharquent en. Afrique-, &Ji*rent 
bataille aux Maures qui font vaincus. Le 
CartËnat fe contenta de baringuer les; 
ïroupes , & alla fe mettre, en prieces tan- 
^qu'eUes comhattoient La Villt d'O- 
piL eu emponie d'aââue x j^uk de. vit^ 



d'Espagne. 179 

mille Maures périrent en cette occafioD ,- 
les Efpagndls ne permirent ^fifque per- 
fonne, 8c firent un butin imaienre. I^ 
fuccès jufiifia à peine Ximeties. dans- 
l^fprir des Grands qui avoient regardé 
fbn projet comme cnimétiqiic ; daiis le 
•tems que ce Prélat fongeolt i pcfiflêr Tes. 
conquêtes , il lui tomba tXUfe Itàè mains 
une lettre du Roi adfeflïe à Pierre Na- 
varre dans laquelle Ferdîn^d manifer- 
toit foD caraâere difSiQulé & lugtax. £tn~ 
fêchet, , c'écricàt-il , ^fàpichti. k iranéom- 
me de rtpafftr Ji-tSt -tn Èf^^fK. Jl faut 
-ufer , AHtÀnt ^'an te poMrfd , ■fit ptrp>nHf 
■& fon argent, Pout rtcoiftptflfe <fc tedt 
lesfèrvices' que XîAienes âvoit rendàs & 
k Patrie , Ferdinand le preSc à fott; re- 
tour , mais en vain de céder à Alfoïjfe 
■d'ATragdn fon bâtard le Siège dfe Tôle- 
dé , & de prendre 1' Archevêdié-& Sai^ 
ffi^'fiè , dont le fils naturel da Roi étok 
«n poffdïîon. 
Cependant tcMte!TesPmflàBcesî%uée9! 
contre Venife étoiént tombées fur cette 
République. Lbuîs XII. avok v«incii ctï 
peribnne à labataiUe d'Aignadel. l'armée 
Vénitienoe CDfnmandée par BartBefeaai 
fÀEv.iana> aa des^ oéléËns Généraa» 



;l8o HiSTOïKE 

idu fiecle 5 le Pape profita de cette viâcù? 
re en reprenant lui-même les Villes de. 
l'Etat EccléfialUque occupées par les- 
Vénitiens. DomRayrooDd de Cardonne , 
Viceroi d« Naples > fe faiflt dans ce 
Royaume de toutes ks Places évacuées; 

Ear les ennemis. L'Empereur Maxîm>- 
en fonge à entrer en- Italie , mais le Pape- 
& Ferdinand contents d'avoir recouvré 
leurs Villes j & de voir Venife hura^ée.-, 
JedétachentderaUianceparjalQufiecon- 
ue Louis XII. L'Univerfité d'Alcala , 
e(l fondée par le Cardinal Ximenes , od^ 
se conçoit pas commant ce Prélat .pou:- 
■.voit concevoir des entreprifes , & faire- 
des fondations qui paroiffent excéder le 
pouvoir Si. la volonté des Rois les plus 
riches» 

Ojeda découvre la Caffille d'or , la 
nouvelle Andaloufie' & le_Darien ; les- 
Avçmuriers de fa fuite pCM-tent par-toia: 
la terreur , le ravage Se la mort ; les la- 
diens du Continent les-Fegardoient com- 
me des êtres immortels ; mab revenu»: 
peu jt peu de cette erreur, ils- défendirent 
pendant quelquetems leur liberté avec ufti 
coUESge digne d'un meilleur fuccès. 
.xj-iO.. Jéâinand enFouragé. gar la, viâok^ 



de Ximenes , entreprend de conquérir Ik 
panie de l'Afrique qui avoit autrefo». 
obéi aux Romains; la Caflilleétoit rem- 
plie de brigands qu'on pouvoit employer 
utilement dans «ette guerre ; Navarrt 
fécondé de Vianelli , de Diegue , de Ve- 
xa & du G(»me d'AItamira , paioït toiic 
àcoupdansle Royaume de Bugie, reni>- 
porte une célèbre bataille fut le Souve- 
lain de ce petit Etat , & emporte d'af»- 
faut la Ville capitale ; l'Afrique eft conf- 
ternée des fuccès de Navarre ,. Alger fe 
ibumet aux Efpagnols , les'.Rois de Tu- 
nis & jJe Tremecen fe rendent vaflau» 
& tributaires de l'Efpagne , partout on 
rend la liberté aux Éfclaver Chrétiens ; 
Navarre remporte ûnenouveHe viéloira 
lùr Abdurramel , un des iîls du Roi do 
Bugie , toutes les femmes du vaincu Sa 
festhréfors tombent au pouvoir du vain- 
queur; les Etats d'Arragon accordent 
lui fublide de dnq cent mille livres , & 
ceux de Caftille deux millions & demi 
pour la conquête de l'Afrique. On y en- 
voyé Garcie de Tolède avecune nouvel* 
le armée : cependatit Pierre Navarre 
ïvoit pris d'aCaut TripoH ; mais tant àa. 
sûnqiiétes & de vicaires, furent, fuivlesb 



l82. HiETOtRE 

d'un d^faftre qui éémt les lauriers - 
àe la Nation ; l'orgueil Se l'avance de 
Navarre en furent caulè , il ëtoit en- 
tré avec Garcie de Tolède & <Ëi mille 
hommes dans Vlûe des Gerbes : l'Emir 
ofiiroit de Te foumcttre à des conditions, 
avamageufes àl'Êfpagne, mais la pré- 
fbmptioD , le mépris des Barbares , le dé^ 
lîr de s'enricbir de kurs dépouilles firent 
rejetter ces ofires , on en -vint aux mains, 
avec le plus malheureux fuceès ; les Ef- 
pagnols vaincus moins par la valeur des 
ennemis , que par la fatigue , la&if&lea 
chaleurs excelHves , perdirent quatre 
nulle hommes, & Garae de Tolède leur 
Général : on remarque que Navarre ne 
fouùnt pas fa réputation de courage dans 
cette journée , cependant il fauvala flot- 
te & les débris de l'armée ; l'Emir ayant 
appris que Tcdede étoit parent du Roi , 
lui renvoya fon cadavre : ce lAalbeiireux 
événement &it perdre tomti les coo- 
quêtes d'Afrit^e , excepte OràiK 

Le P^ei Ferdinand & les Vériitient 
s'uniflënt pour chaflër les Françws dl-^ 
tahe ; Louis XXI. outré dé la conduite 
de JiÂes IL convoque de coneert avec 
KEingeceuc ua Concile, i Fi& gour dé.' 



d'Es p a gn e- i8j 

pofer le Pape , & réformer l^TîTe. Fer- 
dinand obtient l'iovefUture du Royaume 
de Naples , i condition feukmeat de 
donner une haquen^e tous les ans au 
S. :Si'ége ; le tribut de huit mille onces' 
d'orauquels'étoitfouraisCharleSiCoiBT 
te d'Anjou , & Roi de Naplei , eâ fup-- 

rrîmë t niais il a été depuis rétabli & fixé 
ymilleDueats, le Duc de Ferrare per- 
Ëcutépar le Pape , fe joint aux François^ 
Jules II. fait la guerre avec Tireur , 
nais il manque d'être pris dans Boulo- 
.^e ; Ferdinand tente en vain d'établir 
Plnquiiî,tion jans Naples; il s'élève une (é- 
dition , & les Juifs font chafl'ëi duRoyau- 
me. Les Maures lèvent le ûéas de Safi. 

Les Efpagnols ^tabliffent des Evichéf 
Îl s. Doraingue i ils commencent â for- 
mer des EtablifreniËns~dans les lues dp 
Cuba & delà Jamaique.XxsDominicaina 
qui pa£ent dans ces Colonies, âgnaleiuD 
leur ztle centre l'oppreffion âcia cruau- 
té 'des Elpagnols , mais les autres Mif' 
fionnaires iè déclarent en faveur des Ty- 
lans. Cette affaire fui portée l'année fui^ 
yants devant ït; Roi qui régla que lés In^ 
diens dévoient être réputés lûires ^ m^ift: 
^e les répactiûcus. lubiUiexmett^ C*£-r 



jgf4 Histoire 

toit maintenir tout à la fois les Infulairë» 
dans leur ancienne fibené , & tes rete- 
nir dan; l'efclavage. Pour adoucir le fort 
_ de ces ma}heureux , Ferdinand publie 
une ordonnance qui défendoit de leur 
feire porter aucun fardeau , d'employer 
te foliet Se le bâton pour les punir; il 
vouloit auffi qu'outre les Fêtes & les Di- 
manches ils eulTent un jour dans la femai- 
ne pour le repofer , & que leurs femmes 
enceintes fuflent exemptes de tout tra- 
vail. On nomma des CommifTaires pour' 
tenir la main i ces réglcmens , & pour 

Erotëger les Indiens ; mais l'or qu'on 
lifoit briller aux yeux de ces prétendus 
proteéleurs, rendit inutiles les ordres dh 
Souverairr. 

Ferdinand- fe rend à S^ville j dans lé 
dèflèin de paffer efl Afrique , & de ft 
conquérir enperfonne ', mais les alfiiires- 
de 1 Europe rempêchent d'exécuter ce 
noble projet. On affemble en vain un 
Congres à Mantoue pour fa pacification 
de l'XtaHe. Il devint inutile par l'ani'- 
mofïté qui étoit entre le Pape & le Roi 
de France. Jules II. fe rend maître dé 
la Mirandole , mais il manque d'être 
BTisàRayçnne oàiUflpourCijvîparles- 



p'Es P A GN E. l8^ 

François. Ce Footife convoque à Saint 
Jean de Latran un Concile général 
Ferdinand envoyé une armée au fecours 
de Jules , fous les ordres de Pierre Na- 
varre. Le Concile de Pife eft transféré à 
Milan. L'Empereur fe détache de l'al- 
Uance de Louis X2L & Henri VIII. Rot 
d'Angkteire fc ligue avec Jules & Fer- 
dinand. Le Pape excommunie les Feres 
du' Concile de Milan , âc prive de la 
poujpre CarvajaJ , Borgia & Briçonnec> 
les pics cruels ennemis. Le Roi de Fez 
levé fucceffiveinent les fi^ges de Tanger 
& d'Arzile. 

Diegue de Vetafquez founaet & dé- 
truit les Indiens de i'Ifle de Cuba. Un 
Cacique qui fe nommoit Hatucy , eut le 
malheur de tomber entre les mains des 
Efpagnols qui,. félon la coutume , le con- 
damnèrent à être brûlé vif i lorfque ce 
Prince malheureux fut attaché au po- 
teau , uti MiQionnaire vint l'exhortera 
fe faire Chrétien , & lj|ffurer que fon 
changement de Religion lui procureroic 
le Paradis. Z)ans te Paradis dont vohi me 
faîtes une fi belle peinture, y' a~t-il dts 
Efpagnols , demanda le Cadette ; eni » 
Jwi deuil y répondit le Religieux i, mMt 



iB6 Histoire 

il n'y ta a ■cpa de hns. Le taeili^tr ne 
vOMt rkn , Ttf^ifiX Hatuo) -■ }e ne •puis l»e 
refondre à ÔHer dans -nn Hen ■tU fattrtis 
-À craindre lit en tritaver tm Jeul. jH/ifi-, 
nemef4riez.flMs de z^otr* i^igan ^-taif- 
fexj-moi mtttrir. 
1$^^' Les'Sui&s méçomovs ^ Ixmis Xn. 
s'engageiit dans û li^;ue , i la IblUci- 
tation du Cardinal de Sion. Xouîs ne 
compte pour ^ee AJliés , que îe Roi àe 
Navarre & le Duc de Fernte. Ces trois 
Princes font excommumiés. ferdinond 
profite de cette circonftance jwur enle- 
ver la Navarre à Jean d'AIbret. Il pro- 
pofe à ce Prince de lui donner paflage 
par fes'Et«s pour entrer en Fïance , & 
de lui livrer en qualité d'otage le Prince 
de Viane , & quatre Villes du Royaume 
Jl elTuya un refus auquel il s'attendok. 
Aitfli-tôt le Duc d'AJbe entre dans la 
Navarre avec vingt mille hommes , & 
^t la conquête de ce Royaume qui a 
'trente lieues d^Jongueur fur vingt-cinq 
de largeur. Jean d'Albrot fe fauve en 
France. Il n'avcât pas eu la précaution 
de lever aucunes troupes à la vue des 
■préparatifs que foifoit Ferdinand. Celui- 
ci , pour colorer fisn ufurpaûon , pùblk 



d' E g f A 6 y E. 187 

qu'il av<»t<obt£Bu une fiuBe f[ui:dépiHâL~ 
loit le NavaFfÛB âe Ion -Royaune , cod- 
me lauteurdti 'Scfai&natiqne Xioois X£I> 
C'eft fin" ce trêie Jtnagbniire (jne Jes 
Rois d'Efpagne oilt retenu Ix Hute 
Navarre, Joas ci'Albvet remse lions 
fes Etats avec '^oe :flnnée JFrasiçt^e 
cemtnandée Lpaele'Paliae ; innis le'Dbc 
d'AIbetroitva le moyen de fakeiererde 
fiëge de Pampelune , & d'obliger d'Al- 
bret à retourner en France. La conqoâte 
de la Navarre fut &tte au nom de la Caf- 
tille ; on inftitua un Confetl Souverain > 
& on laifia à ce Royaume fes Loix > iks 
Coutumes & fes privilèges. Les -Rois 
d'Efpagne n'en thent pas plus d'un iml- 
Uoo cliaque année, man il leur fournit 
de bons -foldats. 

Le Roi d'Angleterre trompé par Fer. 
dinaod qui lui avoit promis de l'aider à 
conquérirl^uyenne , avoit envoyé huit 
mille hommes , & une flotte en Bifcaye ; 
mais -le Roi de CafliUe trouva le moyen 
defefervir de ce fecours contre les-Fran- 
Çois, & d'ajçai&rfon gendre qu'il avoit 
dupé. 

Louis XII. perdes aufiî rapidement 
l'Italie que Jean d'Albcet laNavarre. U 



JÈè HlSTOlBB 

avoit cependant eu au commencem^ltt 
de la campagne ht plus .brïHans fuccès. 
Son neveu, Gafton ae Foix avoir fepri» 
Breffe, forcé les Alliés de lever le fiége 
de Boulogne & celui de Ravenne. Dans 
une bataille livrée proche cette dernière 
Ville, il battit encore les ennemis; mais 
la viâoire fut funefte à la France par la 
mort de Gafion leur général, jetute FriH' 
ce de vingt-trois ans. On eut beau crier 
4itx Efpiignoh i c'eji Itfrertdt Votre Rctfit, 
' ipargntzAt : îk n'écoutèrent rien. Les 
François trop affoiblîs, ne purent pri>- 
fiter d'une viéioire qui avoit vépandu la 
terreur dans l'Italie. Pierre Navarre qui 
avoit étépris dans cette bîitaille , voyant 
que les Hpagnols ne fongeoient plus à 
lui , embraffa dans la fuite le parti de la 
France. Les Suifles commandés par le 
Cardinal de Sion , paiïent en Italie , & 
rappellent b fortune dans ft Parti du Pa- 
pe. Jules II. recouvre fes Places. Venife 
en £ait autant. Raymond de Cardonne 
femporte une viiîloire complette fur les 
Florentins , Alliés des François , & \ez 
force d'entrer dans la grande allianse. 
Le Milaner repris fur la France , eft ren- 
du à Maximilien Sforce. LçDucdeGt? 



k'Espagnb. 189 

Irfbre , fur la nouveHe des fuccès des ar- 
jnécs'Françoifes en Italie , s'étoit échap- 
pé de \a Caftille pour tâcher de recou- 
vrer le Royaume de Naples que lui of- 
^it Louis XII. mais il eil itttté en che- 
nlhi) & renferma daos le château de Xa« 
ôva. 

Ponce de Léon découvre b Floride. 
Ce célèbre Aventurier 5 fur une tradi- 
tion populaire , qui pkçoit la fontaine de 
Jouvence dans une des Ifles Lucayee , fit 
toutes les recherches imaginables pour 
la trouver. Chriftophe Colomb s'étoit 
flatté de trouver le Farads teneftre : 
tant il eft vrai que lei plus grande hom- 
mes oBt des vinone , comme le ftupide 
Vulgaire. Les Dominicains qui avoient 
eu le courage de foutenir en Amérique 
la caufe de l'bumanité , reçwvent ordre - 
de nefiliufe mêler de la police du Gou- 
vernement, Le Roi permet par un édk 
de réduire en efdavage les Indiens con- 
vaincus de manger de la chair humai- 
ne. Bientôt les ÉfpagtK>l« accufsrent tous 
les Américains d'être Anthropophages, 

Le fier Jules II. a pour fuccefleur à fS^3* 
la Tiare le Cardinal Jean de Medicds , 
feus le nom 4e Léon X. i} o'étcût gué-; 



ig o Ht s T Q r R E ~ 

res moins ennemi des François que ùm ■ 
prédéç«l&ur;le deÛEdlavoir desen^s, 
afîn de leur laifTer l'Arragon au poéjudï- 
cede Charles de Luxembourg , foa petit 
fils, epgiige Ferdinand à feire uîage de dif- 
fér£ns.fecrets de Çhymie ; mai^ ils ne fi- . 
rent qu'épuifer Tes forces naturelles , la 
fanté devint kpguiffanip,, &on s'ap- 
perçut qu'il ^wit ?tiaqu4 d'une hydro- 
piile.; il ligne une, tre^^, pour toute la 
campagne fut les Irontier^y d'Ëf^a^e & 
de Fïiaeçp^.l'Empereur^^.le Rim î'An- 

fletepîe entfij^nt indigM» : .Vegife eœ- 
rafle i«b injéréîs da 1»:^ rançe j c'étoic 
poii]çwi«!<»fiBe Pùifliincq qui l-jnfwt;nùfe: 
àrd^ux dcùgts de fâ perte parlihliig^ de. 
Cana;biai, 8t le gakidf la,bjitaiHe d'Ai- 
gpadpl : ces nouveaux: Allié» n'empê- 
chenicpipiBtrlos ïfraHÇOta de perdre la bar 
taille,. de. Noyarrej.G^nes recouvre fa 
libené par la pj^te#lon de; rjËfpagne > - 
Raymond, ^ Cardflnnç.f«ï«idu Mar- 
quis de Pefcaire &:_d)'AcKeioô de, teve,, 
remporte les plus grands fugcès' furies 
Vénitiens , & canotme Venife ; il rem^ 
porte à Vicenceune vîâoiEe complette 
fur l'Alviatw, 
Les. Portugais. barteot iiac-tout let^. 



d'Espagn E. 



'Maures : Nuno Fetnaoâez d'Atayde a 
la gloire de vaincre l^ Roi de Maroc en 
|}erfonne.: le Duc de Bra^nce à la tête 
ce vingt taille hommes prend Azamor ; 
La CaHilte & le Portugal , règlent leurs, 
conquêtes en Afrique , par un traité : 
les Portugais avoient prétendu qu'eux 
feuU étpknt en droit , en vertu d'une 
certaipt; conceâîon des Papes , de conr 
quérir le Royaume de Fez. 

NuRnès de Balboa. découvre la Mer 
du Sua dont il prepdpolTelSoa avec dei 
cérémonies prefque femblables à celles 
qu'obferve le Doge de Venife , lorfqu'il 
epoufe la Mçr Adriatique ; cette décou- 
verte conduilit dans fa fuite les Ëfpa- 
gnols à la conquête du Pérou , du Cbili ,' 
qu Faraguai , de l'Aménque Méridio- 
nale; pour prix d'un tel Ceryiçe, Bal- 
boa eut là tête tranchée au Darien ; cette 
ÇxéciiW>n fe fît , il eft vraî , à l'ïnfcû de 
û Cour r niais il efi certain aufli qu'elle 
demeura fans vengeance. Pediarias , 
Gouverneur du Darien , qui livra aux 
bourreauir cet iUuftre Navigateur} feil- 
gnala entre le« autree Ëfpagnols par des 
cruautés ahoRtinables : il trouva te fer 
(rst àç ùàre périr m moins, de. lixj ans 



I'p2 HiSTOIflE 

toutes les Nations Indiennes qui fe trou- 
Toieni dans fon Gouvernemenc dont l'é-- 
tendue ëtoit de plus de cinq cents lieues. 
Ce brigand charge des dépouilles fan- 
«lantcs 4es Indiens , fonda la. célèbre 
Ville de Panama fur la Mer du Sud , & 
ytranfporta la Colonie du Darien; 
- La trêve èft prolongée pour un an 
«vec laFrance. Quintana, Secrétaire de 
Ferdinand négocie un, traité entre les 
deux Couronnes , il vouloit difpofér 
Louis XII. 4 accorder Madame Renée , 
fe féconde fille , à l'Infant Ferdinand , & 
à époufçr lui-même Eléonore d'Autri- 
«he. Ce fut à cette occafion que le Mo- 
narque François dît à Quintana > mdis 
votre Maitrt nt cherchent- il pas À me 
tromptr, comme il a déjà fait deux fois f 
On prétend que c'efl àcette occaHon que 
Ferdinand profera ces paroles fi indé- 
centes, &fi indignes d'un grand Roi: 
il en a nuati , F ivrogne , je tatattrdppé ■ 
flm dt dix. 

Le Pape , l'Empereur & Ferdinand \ 
g'iiBJflent pour la défenfe de l'Italie me- 
nacée par le Sultan Selim; Dom Rai^' 
mond de Cardonne fuivi du Marquis 
fis Pcfcaire * de Frofper Colonne ^ de 
Ferdinaoj 



d' E s P A G M «. _ ,1513 

FeAlinand d'Alarçonj venge les Alie- 
maïub vaincus par lés Véjittieâs , s'em- 
pare de Citadella , fauve Vérone ,-& re- 
prend Vicence. 

Le-Pape accorde au Roi de Pçriuga! 
tant au'iMeroit la guerre aux 'Malires; lé 
tiers du rev|nii du Clergé de.fes Etats, 
ËoiiDanuel ie contenta d'environ un mil- 
6on payable en trois qns j Jean de Mcne- 
tès, célèbre Gépéral Portugais remporte 
pkifieurs «ftoires' cOrirécatluès fur lés 
Rois de Fra & dé-Meqùinfs. 
■■ Li'Courfavorife d« teiit fon pouvoir ' 
le mariage des 'Efpagnols^ avec lesln- 
diertnes, pour réparer levuide imn^nfe 
qi(e tant de NatitMis immolées à la 3éfiàn- 
cè , à l'avarice & à la cruauté des cbnqué- 
rans-, laiffoîent dans tes Ifley&ls Conti- 
nent ; mais ni ce moyèn^iitique, ni4'liu-' 
L tnànité dont éti6h on'a fuivi de{)|iis lei' 
L(Mx, n'ont pit'ri^parâren dpux fléctes 8c 
deàsie^rigàftdfcgâS'dequelqués années. 
Barthelemide lasCafas aiofs Licencié en 
droit, & depuis Dohiinicain , Se Evéqué 
de Cbiapa ,; fi connu 6c fi 'refpe^é en 
Europe &ieiiAhiérique, quqibuè jeune'. 
le dévoue génëreufemerit à la d^fenfe 
des Indiens opprimés j il vole à la Cour 
Tamt///, . I 



XSi^ HTs T 6 ÎK É-; 

pixirtaîrE'èiifrâdçe U cri de ^ Nic^rc 
^outragée avec ^i^: de barbarie d«9s le 
nouveau MoBoe j Qx zële & ùm coyia* 
gé lui valurent le yain & gloriàjax t^f 
4« proroftfwr ijes Ia(UBiw,«iùii H'n^ptu 

ces nialkeu^ï ne àevin^cm ^fm^.Ut 
yï&.vaes ie (es, bar)}ares Cfplçpii^ôoief 
qu'il a Hecns avec tant de raifon: 6ç de jii& 
ftce datui l'erprît de, la poft^FÏcé pv d«f 
icri^ oi!i,refpl^atl^ beauté j^fcÀsme 4 
&la' grandeur de Ces icqtiiltesf. ' 
t;*!;, ..| JFerd^naodisfure 4e {^«JbiBferU. trê- 
ve, avec jFranjDJi I. à [qo%s ^u^ 4'jt>t 
Ik n'y fblt cofiipri£e ; ce R'étMt pHit'iV' 
^endpo du nouveau B-oi de Fraocft flt4 
avoit fur ritalie le^ mêFaes vues que let 
4euY e^déce^i^;la,b^^t^ t^rré^ 
emre:Ie Papç , l'Egat^v^ s : Fendwwwi 

îUneiî î MajHpilteç Sf'WÇ^> i' -> l 
", t"erd'man4 pt^piM» Uipi^tfif^ icdcé 
des PyreBéÈ*;ΣS Aw Cetui de CifftUîe 
^flempl^ef à jBucgç^luiaccordbntiundt» 
gratuit ieip^ès.dÇiim»îr*.ipiilio**^ •■ 
jcpnjÇd^ratÏDn. 4? csj: e^ja i» levant 
i^ réunie | ^-Çi^iU^i-le.R^ 4qiH là 

1 .■.■.■-■- ■;, 



d' È s P À G N E. ipj" 

mène en faveur de l'Infant Ferdinand, 
par lequel il lui lailTe toute la Monar- 
cbie ; u avott une tendrefle cxtraordi' 

' mire pour ce jeune Friace né &c ^Itf- 
vé en Efpagne. Sa baine contre I'Ap- 
cbiduc PhUippe fon gendre Tavoic pré- 
venu contre les Flamands & contre 
le Duc de Luxembourg âeré parmi 
eux ; cependant Charles d'Autriche 
vencût d'être déclaré majeur , Se fes Su- 
jets l'avoicnt forcé à faire la paix avec 
François I. à conditioa d'époufer Ma- 
dame Renée. 

' LesEtats d'Airagonnc veulent rien ac- 
corder au Roi , à moins derévoquer l'édk 
qui autorifiMt les Vaffaux des Seifneun 
& en appeller à ce Monarque. Ferdinand 
n'avoit garde de ternir fa mémoire en fa- 
crifîant les Peuples &; les gens de campa- 
gne à leurs tyrans ; c'étoït à lui qu'ils dé- 
voient .une loi fi fage Se fi jufte ; le Chan- 
celier d*Arragon eft arrêté : on prétend 
que ce fut moins fon oppolîtion aux vo- 
lontés du Roi , qu'une déclararion d'a- 
mour faite à la Reine , qui fut caufe de 
fe difgrace. 

La fameufe cloche de Villela, qui a dit 
ttralTes de tour , fonna , dît-oo > d'elle*- 



îSt6 Histoire 

même. Quand ceU arnve , l'Kipagne , 
félon U tradition populaire, ell mena- 
cée de quelque malheur ; on conjeéhini 
alors qu'elle annonçoit la mort du Roi, 
comme fi les infirmités de ce Prince pro- 
■venues de fes travaux & de fon inconti- 
nence , n'eufient pai indiqué fa fin pro- 
chaine. Charles , fur le bruit de la mala- 
die de fon ayeul, envoyé en Efpagtw, 
pour veiller a fes intérêts , Adrien d'U- 
treâ qui avoit été fon Précepteur , & lui 
donne ordre de prendre poffeffion dû 
Gouvernement , au moment de la mort 
du Roi ; le défiant & politique Ferdi- ■ 
nand s'apperçut des vues de fon petit-fiis 
& d'Adrien ; il regarda cçlui-ci comme 
Un efpion , & lui commanda de fe retirer 
à la Quadeloupç où il le fit garder i 
v&e ; l'alliance avec l'Angleterre eft 
refferrée par un nouveau traité figné 
à Londres. Gonfalve de Cordoue icn- 
fible à l'ingratitude de Ferdinand } £c 
le voyant fur le point de mourir , pro- 
jette d'aller chercher en Flandres 1 Arr 
çhiducî mais Ferdinand qui fe déficit 
de lui , veut le faire arrêter ; fur ces en- 
trefaites Gonfalve tombe malade , & 
mçt^rt peu de teais aprè^ ; Pqoi Loot^ 



D* E s P A G N E. ip7 

Ae Requefèns , Vicerot de Sicile , rempot' 
te une v»3<Hre compleite fur une flotte 
de Corfaires de Barbarie. 

Michel d'Urréa fait lever le fi^ de 
Bu^e au célèbre Horru Barberoufle, qui 
de fimple Corfatre devint dans la fuite 
Roi d'Alger. 

François I. entre en Italie , bat les 
Suiflâs à la jousiiée de Marignan , s'em- 
pare du Milanez , prend Maximilien 
Sforce , &; oblige le Pape de foire la paix 
avec lui ; Raymond de Cardonne retoutr 
ne à Naples avec fon armée. 
' Les Portugais, après une foule de vic- 
toires^ échouent (levant Mafoc> & font 
vaincus près de l'embouchure de la Ri- 
vière de Mamorra , par les Rois de FeE 
& de Mequinès. 

: Le« Portueais éioient plus heureux 
dans les grandes Indes ;■ c'eft le tems de 
leurs plus grands fuccès , depuis que 
Vafco de Gama i en doublant la pointe 
de l'Afrique vingt ans auparavant , & en 
remontant vers l'Equateur par des Mers 
inconnues > avoir Tendu fon nom immor- 
tel. Une foule de Héros qui lui fuccéde- 
rent, &entr'autresAlfonfe d'Albuquer* 
que^fignalerent Igur courage par de# vic- 
liii 



»y8 Hi srorR B 

«oires & des exploits qui âenneat du 
prodige ; déjà les Ptwm^is maîtres de 
près de cinq mille lieues de côtes , avoient 
va pafièrfous leur dominatioii Goa , Ma- 
kca , AdeB fur la Mer Rouge , Ormus 
dans le Golfe PerTique; ils s'établiflbient 
dans riflt de Ceyian , découTrùent & 
^conqu^roieni tes Moluques, portoienr 
kur gloire & leur Cominerce jufqu'à I» ^ 
Chine & au Japon ; âc cnomphoient des 1 
forces du Sukan d'Egypte , animé ccm- 
tr'eax par des raifons d'intérêt , & par 
les intrigues des Vénitiens- dépouilKS > 
linfi que que tui , du cooMiierce le plus 
^nd & le plus utile qu'il y eût alors 
dans rUaivers : les bocôes do cette Hi& 
Boire ne nous permettent pas d'encrer 
dans le détail des combats & des négo^ 
Ôations qui élevèrent alors le Portugal 
au comble de ta gloire &tle l'opulence > 
& changèrent le commerce de l'anciea 
Monde : il fuftt de dire que l'Europe pa- 
nt y gBffier, pulfque les Pctftugais y- 
^portèrent, i beaucoup mcûos de fraii. 
que les Vénitiens , ïes précieufes bagatd- 
les & les pioduâions séceffaires que 
ces fiches contrées fournillênc. 
i| itf. Ferdinand traîne fes inquiétudes & tit 



d'E^S > Ad » ET. ïpp 

mélancoye dans toutel'Hpagne ; il t'é* 
toit toujours attendu à onelongue vie ,il 
avott eu ' ht ioibleâè âç coimiker' nn6 
Béate d'Ayila fur k dupéd de fts jotiri J 
cette V£onnaire ofa réponcfit de la parf 
de THea j guele Roi vivroît eneôrfc long- 
lems , & le rendroit faraeux par de nou" 
▼elles conquêtes ; la Prophétie he «ffa* 
Krit gnères-^èe Prince devcrtu fuperftjfc 
lieux; tt^tbit avce dà fçin pirtrcti»- 
lier la VUIe de Maârinl oA Wf lui Woifc 
innoncf , e^ tirant ion hprpfcope, qu'il 
tennineroit fcs -jours î en fth , ta tor^ 
6e de fon mal derint tcHc qt^Tl (iit 
ftbrigé ée relier ï Madrigaléjo , fc pl« 
toiferabfe Village iTEfpagTiç , près de 
Truxî&o; Zapata, Carvajat A: Var|^ 
fes plus Iiabilts Mîniftres lui ayitn repré- 
foité ave,c force l'iniquité âti foh tefta»- 
ment de i*année dernière , ilen fit brûler 
Korij^nat en fa préfence > mais il vouloh 
détacher de la Couronne en faveur de 
Ferdinand les trois Grtndes-Màftrifes , 
& lui laîffer la Régence de l'Efpagne ; 0(1 
revint encore â la charge , & enfin oft 
lui perfiiada qu'il étoit de l'intérêt de l!i 
^ille & de ceKii de l'Efpagne de rie lui 
laiffer que les ba«es graccs'dfr fixi frert 
liv 



Tîl'sT 6 I RË 



aîné f en effet le Roî lai0â la Mohâf chîè 
^nerâ.,i l'Archiduc i téduifani l'Infant 
Fe^nand à une penfionidâ cinquaç^e 
iqUle écus fur le Royaume de Naptes « 
&autant à laKeine Germaine ;l'i<Jée d^ 
ia Monarchie univerfçllc.ouplui^ Ta^ 
inour de la Patrie l'emporta fur fon in- 
cUnation ; en attendant l'arrivée de l'Ar- 
chiduc , il cQnfia la KégencC; de la Caf- 
tille àXimenes; ce.i^fut,|^ lËinS pei- 
ne : rinRexJMe fëv^rité de ce Cardinallui 
laîfoit peur j joais iegénie , la pio^îté Si. 
J'amour "dû, bien, public dont ce grand 
liomme avoit donné des preuves G. éclâ- 
^ntes, raffurereot le Roi. La Régence du 
B-oyauBie d'Arragon fut laiffée i l'Ar? 
tïievêque de Saraaofle , bâtacd^de J'er- 
jcUnancÇ. Il devo)t. eue affilié a'un Coar 
feîl .c(Mngû/é du Ducd'Albe , de Ray- 
jnond de Cardonne , du Père Thomas 
Jflatienço , Dominicain , ConfelTeur du 
Roi , du Proto- Notaire Michel Clément , 
& de la DuchelTe de Cardonne : après 
iDus CCS arra^gemens , Ferdinand meurt 
le, vingt -trois Janvier, revêtu de l'habit 
de S. Dominique. ■ i . 

Oji ne peut refufer à ce Prince d'avoir 
iété leplus grand Roi 4^ foa ûécle : &n. 



d'E s P AG N E. 



fouple , adroit , délié , laborieux , éclai- 
ré, ayant une connoilTance profonde des 
honunes & des aâàtres , attentif à faiTir 
les conjonétures favorables , fécond en 
rfiffources & en expédients , ne donnant 
lïen au hafard , aélif , impénétrable, dif- 
funulé , prévoyant les évenemens avec 
une fagacité admirable , & fçachant en 
profiter avec une fupéiiorité inouïe , fai- 
fant Ja guerre , non en Paladin , maïs en 
Roi ; perfonne n'eut comme lui le talent- 
de former de grands Généraux & d'habi- 
les Miniftres , .& nul ne le furpalTa dans 
l'art de gouverner ies hommes, d'entrer . 
dans leurs caraéleres & dans leur génie , 
pour en tirer tous Jqs avantages poiTi- 
hles; févere , ferme , inflexible, caref- 
fant , doux , modéré , libéral , cecouo- 
me , perfévérant dans fes cntreprifes , 
luttant avec une grandeur d'^me înviti- 
ôble contre ies obHaclcs , &c fçachant les 
■vaincre â force dexoura^c & de patience 
doué du génie le plus vafte « le plws pé- 
nétrant qu'on ait jamais vu.; enfin , il pa- 
roilToit né pour être le maîue & l'arbitre 
de l'Univers. Mats toutes ces brillantes 

âualités furent défigurées par de^ands 
, é&uis. 11 portcât le rafinement de la po^ 
1-v 



Histoire 



litique jufqu'i h Courbeiie , cherchant:' 
toujoursà'trompcr, 8c nç tenantfa pa- 
role qu'autant que fon intérêt l'y obli- 
feoit, natureUemenc faupço&neux , dé-- 
ant,fiiperflitiej«t,ingrat &)aIoux(!etouïs 
les grands hommei , parce qu'il vouloic 
être le feul ; ambitieux- au point d'avoir 
formé le projet chimérique dé la Monar? 
chie univerfelle , projet préparé avec art >, 
cotnmencé avec fuccès , & dont Ferdi- 
nand abandonna l'exécution à un fuccet- 
feufquî:, avec tous les talens imagina-' 
blés , ne put le faire réuRir. Preuve de- 
l*împoffibilité d'une pareille entreprife. 
Quoiqu'il y eiït alors en Efpagne une 
foule de grands hommes, Ferdinand ne 
les employa jamais- qu'à regret , & ne 
lêtlr accorda que rarement fa confiance ; 
il fe fervoit ordinairement des- Mdinci 

fiourfcs. négociations, afin de pouvoir 
es défavouer fans conféquence. On re- 
marque qu'il ne confia jamais le GouveP' 
nement des Ptovinces'qU'à des gens de 
Robe. Au refte , jamais l'Efpagne n'étoit 
Barvenae,pasHiêmeC3uslesRois-Goihsi 
a unpius haut degré de gloire & de puïf^ 
fance que fousfon règne. Ce Royaume lui: 
dut fes conquêtes , fa-glolcef les richef^ 



fis, fon repos ,fesloix& tout fon éclat; 
le plus e;ratid' avfintaxe qoe^ie Monar- 
que & fon'ëpoufe IfabeUe procurèrent à 
la Monarçhie,dont îh doivent être regar-' 
déscommelesf6ndaceur3,n'eftpasl? ai- 
couverTC de l'Amérique , ta compte de 
GreriaiJe>deNaj)lès,del«NavBtre, d'O- 
ran, desCôtes rfè l'Afrique ic'eftl'feumU 
liatibn dé lahauteNobtelTe, laforce rtof 
due aux Loix , la réformatioB dû Clergé i 
h dimimition-deumpôts , le promu^a- 
don des plus fegeîordonnancei , la punW 
tbn des Mac;iftr»ts-pré*aric**ur9 , It 
fi}uhigenientaes'^!?t]()lea', & Ta Ubîfâti di 
toutes les parties- de l'Èfp»^. FérdU 
raod aoTôft mis la dg^i9er& "perfeflwri i 
fiffl ouvrage , s^l eût' ^iu détruire l'-ami* 
pathiç. naturelle qui ttgne entre les dif- 
feens FeupUs^ui cômpofent cette vélle 
Monartfbie, En «îMnce firàc It peft^ 
ïit^ dit tâtard dfe Trànftamai* ,-titzi àvoït- 
•çdipé lè Thréne de Càftille «nt qua-* 
ifeiitç-feprani , & «lui d'Arfagon pen* 
'éàiït un fiécle. Alfphfe XI, père dè^ 
■ Trànftamarfe' defcendoit dé Raymonddé 
Bourgogne , Prince du Sang de Fraricei 
Cette Maifonra régnée foit en Caffllle >■ 
fcitepAriragpftFfe^acede445®"' ■ 



aof Hi-sTo i.Ji£ 



De l' Inquifiùon. ■ 

ON ne fçauroit nier que le Tribu- 
nal Ai rinquifition , ce |»-obléme 
étonnant pour toutes les Nations, com- 
me rappelle le Père àOrliam ,■ fujet 
d'horreur pour les unes j & de vénéra- 
tion pour les autres , n'ait été établi con- 
ire les véritables prinûpes du Chriflia- 
nifme, de l'humanité S de la politique, 
par. le faux zélé , l'is^rance & le delpO 
tifine'^ U icUgion ge la Reine Ifabelle 
iiit fans -doute furprife , quand on la fie 
cppféntir à résandre des torrens de fang , 
& i allunter des bûchers dans toutes les - 
yilles de fes Etats. 

On attribue au «éle impitoyable de 
^oiaas Torquemada pu Turre Crema' 
fa, PomiiùcaiFt-i le rpnouvelIenDent de 
ce.Tribùoal; inventé p ar S. Dominiquç , 
& reçu àisa r£glil£ centre l'efpric cte 
charité jque fon 3ivin Fondateur lui « 
tranfmb : nais d'abord U~ ne détruifott 
point la pu^ance Epi(copa4e , ies droits 
furent même confié^ aux Evéques , & «r 
à'y YÏo^it ^s'les,rej;les«bf«rvées daos 



d'EsP AG NE. ■ 20Î 

tous les autres Tribunaux. Ed France , 
en Italie, en Ëfbagne, par^tout où il 
étoic éi;abli, perionne ne le plaigtioit d« 
fa rigueur & de Tes injuAtces. 

Torquemada , conHdeot d'Ifabelle , 
avant qu'elle fût Reine, lui fit jurer que 
ii Dieu J'ëlevoit jamais fur le Thrône , 
elle employeroit le fer & le feu pour ex- 
terminer de fes Etats les Juifs , les Mu- 
fulmans j les Hérétiques & les impies ; 
nous avons vu en i joo comment cette 
FrincefTe fùivii les confetls du Cardinal 
Mendoze que Torquemada avoit fçu 
convaincre de la néceffité de cet étabJif- 
feneni ; le Pape l'approuva > & fe dé- 
pouilla de toute ha autorité en faveur 
au Grand Inquifiteur ;- il fe ré(«rva le 
feul poavoir de confirmer celui que le 
Roi nommeroità cette dignité ; le Domi- 
nicain s'étoit trop intrigué dans cette af- 
feirc pour n'en pas être récorapenfé-; il 
fin mis à la tête du Tribunal qui étoit- 
lôn ouvrage , & St voir combien il mé- 
litoit d'en être l'auteur , en foifant le 
procès de cent mille perfonnes , dont fiK 
mille pendant quatre ans périrent au mi- 
lieu des flammes, Ses fucceffeurs ïmite- 
r£nt foD zélé , ou plutôt fa cruauté. L'In- 



s; 



ao5 Histoire 

IuUition devint en peu de vems un objet 
e terreur ^our les Grands & pour k 
Peuple. Les fotipçons , la défiance , là 
Jiiperflîtion fe communtquoîent à tous 
les Citoyens. Les Efpagnols , cette Na- 
tion fi vive & fi fptrituellé , devinrent 
tout à coup filencicux & réfcrvés par H 
crainte des cMtimens que pouvoit leur 
attirer une parole indifcrettc. 

Le Qrand Inquifiteur dëcor^ dé pri* 
viWges immenfes , exerçant une JuriP 
difiion générale dans toute l'étendue de-~ 
h Monarchie , prenant la quafité de 
Lieutenant du SonyeraiffPonôfe, ne vît 
Bientôt piiis que le^ceptre au-dèffus dt 
' lui ; les râpes & les Rois fe dépouifle- 
fent à Tenvi de leur autorité pour l'en- 
reyétùr; il n'y a point d'appel des feiv* 
tences rendues- h Ton tnbunal : il peur 
dJfpofer fouvefàinenient des biens-, àt 
rhotineur & dé ta vie dé ceux qui hifi Ifr 
mslfieiirde tomber entre fts-mains,- ex-- 
vC^pté dans la caufe desEvê^pes quionf 
le pfivil^e de ife ptjuvoir'être ji^;és érf 
dernier feflbrt que par le Pape. On s- 
Kiuvenr reprôcKe aux Miniflresdu Saintr 
©ffice. d'abuicr d'iiil Eouvoir àê)i tropl- 



D''È.S PAC h E.. 307' 

redoutatile peur fatisfaïreleurirarice ow 
&ur vengeance. 

Quoi(^u'U en Toit, on ae fçautoït trop 
répéter qu'on ne conçoit pas comment 
dans leTein du Chriftianîfme, au m'ilieU'. 
A'une Nation aufE policée & auflî refpec- 
table, on lailTe fublifler un Tribunal dpnt 
la procédure inouïe ne peut que fomen- 
ter l'hypocrifie, anéantir l'humanité , &. 
arrêter les progrès de refprit Bumain Sc- 
de la véritable philofophie. 

D'un autre côté nous ne devons point' 
âldimulèr que cet établilTement auquet 
plufieurs Éfpagnols applaudiffent au. 
moins en apparence , n'ait banni le Ma- 
ïfométifine & le Judaïfme del'Efpagne,. 
& n'ait fur-tout écarté ce déluge d'néré- 
fles qui au-feizieme flécle inonda l'Euro- 
pe , & fit par-tout couler des Seuves de - 
fane. 

Il n'éft pas inutile d'obferverqae tou- 
te la Nation paroît avoir pour le Tribu- 
nal une vénération mêlée de terreuf: 
qu'elle n'exprime que par un profond &. 
myftérieux filencejl'Inquifitioneft conv 
ine ce Dieu dont il n'étoit pas permis. 
chez les-Anciens > même de prononcer-te^ 



268 H I s T O I B B ' 

On n'ignore pas que fur une fîmsle 
dénonciation , ou m^me fur les plusV-" 
gers indices , les Inquiliteurs fontarrêter 
les perfonnes foupçoiuiées âe certains 
crimes. On admec le témoignage des 
femmes de raauvaife vie , & des plus pro- 
clies parens ; ïi oji etl aflez innocent ou 
affez lieureux pour être élargi , on n'en 
eft pas moins flétri pour Je relie de fes- 
jours ; on ne nomme jamais au prifon- 
hier ion accufateur j il eft vrai qu'il y a 
peine du talion contre les délateurs, 

?uaBd ils ont accufé fauflement > tn^s 
Inquifit'ton n'a jamais jugé à propos de 
faire un exemple de ces Icélërats. 

Les accufés ne font pas obligés, com- 
me on le croit communément , de devi- 
ner le crime dont ilj fontchargés ; mais 
on n'oublie rien pour le leur faire avouer 
d'eux-mêmes; au moment de leur dé- 
tention on inllruit leur procès , & on 
leur donne un Avocat & un Procureur 

Jiour leur ronfeil. Voici lc« crimes qui 
ont de la compétence de l'Inqulfition , 
rAtbéïfme , le Bé'ifme , ridolâtrie , le 
Judaïfme , le Mahométifme , l'Apblla- 
fie , t'Héréfie , èi. tous les crimes contif 



D E s p A G N E. .ao5> 

C'ell encore une erreur de croire que 
ks dominicains ayent la gouvemenenc 
abfolu du confeil de l'Inquifition , ce 
n'eft même que depuis Philippe III. 
qu^ils ont le privilège d'avoir un 4e leurs 
Keligieux. au nombre des QuaMcatedrs ; 
les membres qui oomporent te Tribunal 
lont choifis parmi tes Ëccldfiailiques , les 
Moines Ôc les Magiftrats. Le Confeil Su- 
prême établi dans la Capitale eft com- 
pofé de l'Inquifiteur Général , de {ix 
ConfeiUers & d'un certaïa nombre de 
Qualificateurs ; les Tribunaux fubalter- 
nes établis dans les dix-huit principales 
Villes d'EXpagne & d'Amérique , n'ont 

Îias droit de conclure à-la prubn contre 
es Grands j les Chevaliers des Ordres 
mititaireE , les Gentilshommes & les Eo- 
cléfiaftiques tant féculîers que régu- 
liers; Us ne peuvent célébrer à^Aitio d* 
Fi qu'avec une permiffion eïprefle da 
Confeil Suprême ; on jugera du nombre 
des Inquifiteurs , des Qualificateurs , des 
Confulteurs, des Receveurs ôcdes au- 
tres OflSciers de l'Inquifition , par des 
Tamiliares , efpece d'E^mpts qui paflè 
ïingt mille^ il eft vrai que tous n'eseï- 



aiû. Histoire j 

cent pas , mais en recherche ces emploifl 
poar fe fàat refpeâer éarn un Pays o& \ 
tout ce qui porte la ferrée de PlTMiuifr- \ 
non eft ungutiérement eonlidérë & te^ j 
douté. 

Nous n'entroBl pdlit «ïtns le é&sM - 
des cérémonies qu'on obferve , lorique 
ïe SaiofOfiice feit brûler qudques y\m- 
nés i e'eft tout S k fois an aae de rt^ 
gion , une fère pclntpeufe , nn fpet^acle 
kâreux & inhuniaîn ; le Roi , la Reinfi , 
fcsenfens, toute hCourfe font un de- 
voir d'y affifter , & les Grands eir qualité 
de parrains conduifent jufqu'au bûcher 
les malheureux qu'on leur confie. Eh î 
. 'qu'autoh dit Montezurtia , i Qui les £^ 
■paçnolis feifeient un crime es facrifier'fiy 
vnnemis à Tes Dieux^ s'il eût été témoin 
de ces cruelles cérémome^; ne (è ptt- 
fiiadera - t - on jamais que l'Etre Sw- 
prême abhorre de pareUs facrtSccs f La 
raifoR feule ne nous diéte-t-elle pas que 
cwx qui perfiftent dans ïtut relirioti 
^fqu^ braver les fTamraes , ne le ront 
que par un refpeft profond" & inrime de 
la Divinité f A Dieu ne plaife que je 
«onfonde avec ces malheureux dignes 



D* £ s F A G N E, 



de coropaflîon les fcëliérats qui & jouent 
âe la Reli^n , des hoix & deï maurs. 

Avouons pourtant que danï ce fiëcle 
poli , humain & éclairé on a fagetnent 
tempêté la rigueur des maximei de l'In- 
quiâtion , & diminué fon pouvoir ex- 
ce61fj leslnquifiteurstnêmesiont deve* 
nus plus circonrpeâS] moins inflexibles» 
& pkis équitables. 




HiS TOIBB 



Rois de la Maifàn d'Autriche^ 
JEANNE LA FOLLE, ET SON 

FILS ChAB LES 1. S( CONNU SOUS 
XE NOH DE l'EmPEEEUR ChABLES- 
QuiNT. 

Là Miàfon 'SAutrkht , tn cemjirtnam ': 
les dtHx années du Règne de Philippe L . 
a rxgné en Efpagne t efface décent quM 
tre-vingi-jtx ans. 

XiHENEs âgé de pris de quatre- ; 
vingt ans fe metcn pofiêffion de la 
Régence , & y aflbcie le Doyen de Lou- 
vain , Précepteur de Charles > comptant 
bien être le maître avec un Collègue 
pieux & fçavant à la vérité , mais plus 
propre à gouverner une Communauté 
Rcligi^fe qu'un Peuple dont il ne ccn- 
noifloît ni le génie, ni les mœurs, ni les 
Lois. Le Grand -Jufticier d'Arragon , 
Dom Jekn-Baptifle de Lanu^a , s'oppo- 
fe , en vertu de fa charge , à ce que l'Âr- 
cheyéqae de Sarragoffe foit reconnu 



d'Espagne. 2iy 

en qualité de Régeni dans la Monarchie 
d'Arragon ; quoicjue les Députés des 
Provinces de ce Royaume eonfentiffent 
à le reconnoître , il fallut pourWe bien 
public que l'Archevêque fc contentât du 
dtre de Curateur de la Reine > & de Lieu- 
tenant du Prince Chaftes. Celui-ci inf- 
truit de la mort de fon ayeul , prend la 
qualité de Roi d'Efpagne ; le Pape Se 
l&npereur ta lui avoient déjà donnée 
dans leurs lettres particulières; cepen- 
dant les Grands tant en CaftiUe qu'en 
Arragon«'y oppofoient ; Ximenes porte 
cette afiàire d autorité dans les las Cartel 
de Caftille , ^iHt proclamer Charles dans 
!e tema qu'on délibéroit encore dans l'af- 
femblée. Les Arragonois ne l'imitèrent 
point , ils ne donnèrent 1» titre de Roi 
a Charles qu'en lyffîi Cefutuntraitha- 
Me de la part de Charles de fe faire re- 
connoître Koi ; il couroit rifque de n'en 
avoir jamais le ritre , attendu que Jean- 
ne en eflèt ne mourut qu'en i ^ff. 
Jean d'Albret , croyant ne pouvoir 

E* imais trouver une occaGon plus favora- 
Ic de recouvrer fon Royaume que dans 
l'abfence de Charles , & pendant les 
troubles dont étoit menacée la Caftille i 



314 Hl s TO IBE 

entre en Navarre avec une année de 
vingt miUe hommes , & s^atcache au fié- 
gfi de S. Jean de Pied-de-Pon : il avok 
]>our luiie parti de Gtwiatotft , mais Xi* 
menés renverfe fes efoétances, &envoye 
.contre lui le Duc de Najera & Ferdinand 
VUlalva : ce dernier furprend le Maré- 
chal de Navarre ( Dom Pedro Peraita , ) 
au pafljge de Roncevaux , ic taille fon 
année en pièces ; on .égorgea les Prifon^ 
niers qui excédùent k nomlffe des vùn- 
«ueurs j on éparena les principaux Offi- 
ciers , nuits ils périrent tous en prifon de 
mifère , ou par leurs propres mains. Pe< 
ralta Ce tua d'un coup de, vurean , Jean 
d'Albret leva le fiége de S. Jean de Fied- 
de-Port , & va mourir de douleur à Pau 
dans le Bearn,On fçait que CadJerine de 
. Foix,^ fort épovtCelai ait: fi voHifitffùx. 
ai Catherine , & moi Dom Jean , nata 
n'jfwioni joTnais ftrÂH U Nav*rre ; ^c 
ne furvécut *ue de quelques jours i Tes 
nouveaux malheurs : leur £ls Henri d'Al* 
bretleur fuccéda ; toutes les Places for- 
tes de h Navarre font démantelées , t 
l'exception de Pampelunej c'eft ce qû 
9 rendu le recouvrement de ce Royaume 
^pratij:at))e ; ^im^i^ «voit ai^ or- 



d' Es F A G NE. aij: 

âotuiié â VUlalva en cas^ malbeur, de 
mettre le feu daos toat le Royaume , êe 
d'ctt Ëùre. lia Tafte défère : comment la 
[ntmoueiK^^k ^ srradur de Xifioiea 
uB'C^àrefi'barl^ei: ii - . 
,. De Madrid k>ù l'on svoii tms^hé.let 
ConfâUr , - le géoie paiËitit de Ximena 
l^nibe tovtes les féditioiB qui s'élèvent 
âsBs le Royaumv: il pairit les Grand* 
flù s'iécaitcBt de leur devoir ; ils fe li- 
gt^t contre le Cardinal , & lui demaii^ 
aéntfaaQœnœatiie-qael droit ii gourer- 
9t le Rayatune : en vertu du pouvoir qui 
.tptu éxé coDÛé , r^ondit-il , par le tefia- 
aMDt du feu "Kt } & qui a éc^ confirmé 
psf le Roi régnant ; mais Ferdi»*nd ,\m 
àuwt'iist^pie JdminifirateMr dtt Rc^Mt-i 
pit .fwnM-iltaS^tr in ^tut^é de. Hit 
gm f Hm Rmtr Jeûlg a endroit. Eh bun , 
dM^Xînienea,) en les faâf»r approcher ' 
d'ttb-balconid'éik'on voy^t une-batterie 
(le cano» donc U fit faire unefurieufe 
ilécbai^ ,*tilÀJtî pouvoirs avec Ufifuels 
jt gamaerm & jt go»vtrntTai. Les tnécon* 
t^-rdëpuceoc eB'Fiaadrei|iot)j' ^'plria'' 
çkfi du Régenc. Xiiiie«es^ pour' touts 
j,uftjfication , .dfownde au Roi des pqu- 
«oirs fan^ bornes > ^ Içs obtient j il-Ven 



31(5 HlSTOIBB ^ 

ierc , & commande avec plus de fierté & 
de bauteur que n'avoit- jamais fait Ferdi- 
nand ; VaCitge d'ESçsgae n'étoit pnnt 
d'entretenir des trempes eh tein&de pùx: 
Ximenes , pour humiliej- les Grands St 
la NobleÔts , permet à la Bourgeoise 
de porter les armes , de ^re des com- 
pagnies , & l'exercice les j ours de Fête ^ 
& lui accorde de grands privilèges: 
aînlî fans tirer un fenl Laboureur de lu 
charrue, &faQ^qir'iten coûte on fbliB 
Roi , il trouve le moyïn d'avoir dans ta 
Caftille uo Corps detrenxe mille hommes 

Î' irêts à aj^r w premier ordre. Avec ce 
ècours il réduit les Giïnds , empëchelcs 
Chevaliers de Saint Jacques délire m 
Grand-Maître , & la Reine Giermaine de 
Foix-d'épouierleDucdeCalabre. 
. Charles& François I. conviennentpat 
■ un'iraité fignêi Noyon que le^Monar- 
ciiieËfpagnoLépoQferoît Loirifè (<■) rWa 
àïnéé du Roi de France ; qu'il rd&ne- 
roit dans 6 mois la Navure a Henri d'Aï- 
bret , & qu'il donneroit à François I. 
cent raille écus pour les prétentiont'de 
la France au Royaume de Pfaples ;' Ma* 

(«) Certe Pripcefle n'iwît lg*e yie i'cmiiim 

ximiticR 



d'Esp A G N E. ai 7 

«iiii0ien accéda à ce traité , & reftitua 
Vérone aux Vénitiens. Une. elcadre de 
Corfaïres de Barbarie efl prife & coûtée 
i fond fur les Côtes de Valence , par D, 
fierenger Domns. Les Génois oïent in- 
Tulter un vaifTeau Efpagnol dans le port 
de Carchagène ; leKégent fait arrêter 
ceux de cette Nation qui fe trouvoient 
en Ëfpagne , & faifir leurs marchandifes ; 
A fiSlnt demander pardon au Roi qui 
leur donne main levée. 

iforùc BarberoufTe appelle par le Roi 
d'Alger i fon fecours contre les E^a- 
gnols ii qui il payoit tribut , étrangle le 
Monarque Algérien , fe met la couronne 
fur la têt< , & aflîége le Pèrton , forte- 
reflè occupée par les Efpàgnols ; Diegue 
de Vera accourt avec une armée pour 
lui &tre lever le fîége , eft vaincu par ce 
Roi Corfâire'j plus de quatre mille Efpa- 
gni^s furent tués dans cette aâion ; Die- 

fae de Vera eft arrêté ', Se mis en priffHi 
fpn retour. 
' Révolte cle IvSicUecontre D. Huguei 
de Mtoncade , Viciîoi de cette Me , 
Dora Jean de Lune y rétablit lécalhie. 
Atayde . Gouverneur de Sus pour les 
Tome m, k. 



'»l8 Hl^TOIEE 

Ponugais, ^vaincu & toépar les Mau- 
res. 

he Cardinal Ximenes qui toujours 
dans le Confeil avoit parlé en faveur des 
Indiens opprimes , écoute. favc»-able- 
meat La¥.Caiàsleurdëfeiireur; il ëcablic 
de nouveaux regiepiens en faveur d.ç ces 
infortunés ; mais on fçut: las. éluder com- 
me les précëdetis ; Rien nç pouvoit vaia- 
ipre l'avarice des Ctdons Efpa^ols,fi3UF- 
ce de l'opprelEon & de l'ané^atil^ment 
cfitier de,touteS'les Natig/ts dont S. po- 
jningue & les autres liles de i'Araériquf 
^toieat couvertes. Four fatisfaire aux 
claintei des récanitionaires quî.deman- 
ooient à Las Cafas dç quel bras on fc 
lèrviroit poui exploiter les mines , sll ne 
vouloit pas qi^'on y employât: ceux des 
Indiens,, oit .pjippofa >u Kégenc d'en- 
voyer da Hi^es-dans les Cglopies : on 
eut recours à cet expédient ; mais ce d« 
fut qu'apf es qu'on çift tjE>ut à ^it détruit 
les Indiens. 
j (■[.'. Crou) de Cbîevre , prÈmEer Miniftre 
' d^Roi, &£, le Chancelier Salvagp veo- 
àeat ooutes les charges dp la Monarchie. 



I>'£5F A G N E. 219 

conire la Cour de Bruxelles ; Charles 
envoyé Lachaii & Ainfterdorfetr qualité 
de Régents de Caflille > pour iDpdérer la 
fêvérité & le defpodrme de Ximenes ; 
mais celui-ci dédaignant Tes Collègues , 
gouverne toujours feul , foumet I>. Pe- 
dro GiroD , & Dom Jean Velafquez,, re- 
belles. Les £ls du Connétable , de l'A- 
mirante ,. du Duc d'Albuquerque & du 
Comte d'Uruenna , font conaaiBnés i 
more pour s'être oppofés , les armes à li 
main , k l'exécution d'un arrêt de la 
Chancellerie de Grenade ; Xinunes leuc 
&it grâce delà vie; il retranche lespen-i 
(ioiis & iés Officiers inutiles , retire tout 
ce qui avoit été ufurpé ou aliéné du do- 
ma'uie Royal , & £aît rendre gorge aux 
ïuianciers : on en tire des fommes iia-> 
mentes ayec lefqueltes il acquitte les .àet- 
tes de l'Etat , mais il ^avallloic en vain 
pour le bonheur de la Patrie.; tous les 
oéfors de l'Amérique & de TEfpagne 
paflbtent en Flandres entre les mains des 
Mioifiresde Charles ; te mécontentement 
&c l'efprit de révolte commencent à fouf- 
fiêr dam'ronte l'Efpagne ; on crie tout 
baut dans ^ufieurs endroits qu'il fauti 
élever à la Couronne l'In£iiit Ferdinand:- 
Kij 



HrsToïKE 



Ximenes promet l'afTemblée des Etats , 
& cependant écrit à Charles de venir au 

Elutot en Efpagne , s'il ne veut pas voir 
>n frère fur le thrône ; les Juîis & les 
Maures nouveaux convertis o^ent des 
fommes immenfes à Charles pour l'enga- 
ger à modérer la rigueur de l'Inquid- 
tion. Ils demandoient que, félon l'ufàge 
reçu dans tous les Tribunaux , le d^la- 
teuT ne fut point compté pour témoin , 
qu'on le nommât à t'accufé , & qu'on 
confrontât celui -cî avec les témoins; 
JCimenea « Grand Inquifiteuri 6t échouer 
kur négociation. 

-Léon X. demande au CleFgé d'Efpa- 
gne le dixième de fes revenus pours'op- 
foCet à uije prétendue invafïon de SelJiD 
qui meaaçoit l'Italie ; TArragon refufe 
K S. Père , Se Ximenes lui écrit avec 
•ant de force que le Pape défavoue foa 
Konce ; cependant on publioit la Bulle 
en' Italie & en Allemagne , c'eft à cène 
accatton queLuther, Moine Auguflin, 
prêche contre les Indulgences , ce pré- 
pare fon héréfle. 

Charles s'embarque fur i^ne floite quç 
hii envoyé Ximenes , & arrive en £(pa- 
gfler Ob ôîc i i'Jn&ni; Fcrdinapîl XHm 






d' E s P A G N E. 



Peâie de Guzman fon Gourfirnèur , Bc 
TEvêque d'Aftorgues fon Précepteur. 
On les accufoit tous deux d'avoir fonné 
quelques intrigues en faveur de leur 
Elevé, 

Ximeoes eft eoipoifonné , à ce qu'on 
croit , en mangeant un pâté de truite. On 
foupçonna les Minières Flamands d'a- 
voir fait le coup. Il eft certain que le R^ 
gent avoit écrit au Roi contr'eutf avec 
beaucoup de force , & fur-tout contre 
Chievre qui étoit ééteflé en Efpagne. 
Xinaenes traîna pendant deux mois une 
vie languilTante , & mourut difgracié k 
l'âge de quatre-vingt-un ans avec la répu' 
lïùon du plus grand homme & du meil- 
leur Citoyen qu'eût produit l'Efpagne. 
Aufll habile que le Roi Ferdinand dans 
l'art de gouverner les lionime» , il le fur- 
paffa par les quaKtéa du cœur. On vit en 
fa perfonne un fimple Particulier hke 
plus de bien à fa Patrie que touslesiBou 
qui avoient gouverné. Noble , mïgSiff- 
que, grand, généreux, proteâeor de 
l'innocence. , de la vertu & du mérite , il 
ne conçut ât n'exécuta que desprojetsuti- 
les à l'humamté. Pendant 32 ans qu'il&t 
Archevêque de Tolède , il employa prè» 



'Histoire 



de 20 billions pour Us befbins de l'Etat 
& au Peuple. Perfonoe nlgnore qu'il 
fonoz dans la Ville Archiépifcopal'e en 
iaveux des filles de condition un etablif- 
lèment que Louis XIV. a imité depuis 
CQ grand pour le foulagement de la pau- 
vre Noblcfle. Ce fut Ximenes qui fonda , 
comme nous If avons déjà dit , l'Univer- 
fité d'Alcala , & qui fit imprimer avec 
des frais ioiinenfes la Bible de Complut 
«[ui a fervt de modèle i tant d'autres 
pour l'imprefiion. 

On donna l'ArcbevécW deTokde i 
Guillaume de Croui , neveu du Seigneur 
de Chievre, & le Doyen de Louvail 
qui avoir été Précepteur du Roi fiit dé- 
coré de la pourpre Romaine. Son Elevé 
fooeeoit des-lois à lui procurer la Tiare. 

Confpiratîon et Sicile contre Heâor 
Pjgnatelli j Viceroi de cette Ifle. On 
força Ton palais , fea amis furent égorgés , 
&'dn le traîna' en prifon. Guillaume d.e 
li^n^mHIe appaifa les troubles , & fauva 
le Viceroi, en maSacratit pendant la 
Mefle le cb^ des Conjurés. 

Les découvertes des diflïroites pa^ 
ties du Continent de l'Amérique Sep- 
«eomonale continiteni%vec leplusgxaôd 



D'£ap A â N £. aaj 

fuccès ; Hernandez de Cordoue pënetre 
dans L'Yucatan. Jean de Gcijalva dans te 
même teins , & par les fccours de Vebf- 
quez , Gouverneur de Cuba , décoav re le 
Mexique qu'il nomma la NouvcUe I^pa- 
gne ; les connoiflànces qa'il appom à 
Velafquezde.lafeniUté> de l'étendue ^ 
& fur -tout des richeÛes imiBcnres de 
cette vafte Région , font concevoir i ce 
GouTcmeur le dcffein d'en faire la con- 
quête; â punît Grijalva de n'avoir ofé 
tenter un éubli&ment fur ies Gâtes , 
& confia cette entrepnfe i Femaod Cor- 
tex le plus fameux des Capitaines Efpa- 
eaols qui ont sffujetti le nouveau Mon- 

Il eft bon d'obTerver que toutes les ex- 
péditions qui ont procuré à l'Efpagne 
deux Empires Se trente Provinces en 
Amiérique, ne coûtèrent jamais un fol 
au Roi; des Particuliers tentûent la for- 
tune à leurs dépens , un heureux fuccès . 
tes mettoit'il en poffeflîon du Gouverne- 
ment des Pays conquis ? le fruic de leur» 
travaux appanenoit à la Cour; étoient- 
ib malheureux f ils perdoient kursbien^ 
&Q3 obtenir aucun dédommagement de 
la part du Miaifier«. Si farnour de lar 
Kiv 



224 Histoire 

Pairie eût feuL snîaié leur courage , on 
pourioit les regarder comioe autanx de 
Héros. 
1/18. Les /<w Cçrrti de Caftille aflemblées à 
VaUadoli4 procUmeni Charles Roi foli' 
dairemenc avec la Reine & mère . 6c lui 
accordent un don sratuit de fix cenc 
mille ducats , mais il fallut que le Roi 
)urât de ne nacuralifer aucun Ëtrai^r» 
de ne point faire fortir d'argent d'ËJpa' 
gne , d'exclure les Flamands & fes au- 
très Sujets non CaÛilIans des char^ , 
des dignités & des bénéfices de la CaT- 
title ; enfin , de ne point faite mettre à 
: Vi V l'endiere les revenus de la Couronne : 
, ; '■■ mais à peine eut-il fait ce ferment qu'il 
rendit publiques la nomination de GuU^ 
laume de Croui à l'Archevêché de Tolc 
de. Le Roi 6te fa f«ur , l'Iofânte Cathe- 
rine des mains delà Reine fa mère, mais 
cette Princeffe jetta des cris fi pitoya- 
bles qu'il fallut la lui rendce; Charles qui 
connoilToitl'aflè^ion desEfpagnols pour 
fon frerejrenvoye en FJandres : OB dit que 
l'Empereur Alaxlmilien prévenu d'une 
extrême téndrefle pour Ferdinand , vou- 
lut le faire élire Roi des Romains » cèpe»' 
49nt le Pape accorde i Charles w Bref 



d' E s P A G N E. 22^ 

d'éligibilité à l'Empire. Le Bref paroif- 
foit néceflaire , attendu que les predécef- 
feurs de Léon X. avoient défendu au;^ 
Rois de Naples leurs ValTauxi fous peine 
de perdre ïeur couronne , d'aecepfci' Ip 
Thrône Impérial; un Monarque 'Nipo^ 
litain devenu Empereur auroit ànarmô 
par fa trop grande puiflance les 3ouve^ 
rains Pontifes. ' , 

Le Roi conTOque à Sarragoffè ïeï 
Etats d'Arragon; on ne voulut 'd^bord 
le reconnoître qu'en qualité de Tuteur 
de la Reine Jeanne j mais enfin il l'em- 
porta , & fat , cQiïMne en Caftille, procla- 
mé Roi folidairement avec fa merè. Oiî 
tuï accorda un don g;ratuit de deux cent 
mille écusi La Reine 'Germaine de Fcâx 
lui cède par un afte authentique fes pré- 
tentions au Royaume de Navarre. Cette- 
Princeffc étoit fille unique & héritière du 
Vicomte rfeNarboniïe qui avoit'iSBtre- 
fois difputé ta Couronne à Catherine de' 
Foix là coufine. 

On commence 4 s'appercevoir d'une- 
fermentation dans toutes les Villes de' 
Caflillequi avoient droit auxEtaw.'La 
Nation ne pouvoit pardonner au Rëi, & 
fi)i-t«ut i l<s Miïi^res ;- l'éiévafitio^ ^- 



a2ë ' Hl s TO IK E 

.GuSIautne de Croui à l'Archevêché de 

Tolède , ni les autres contraventions auc 

Êrome^es que Charles avcût ^iies.à Val- 
idodid. 
. Charles fe lie écroitenent arec le Rc» 
cL'ÂnJïteterre > il avoit daos fes inté- 
rêts VolCey , Miniftre 6c. invon d'Henri 
Vlll. Vûliey ét^t une ame vénale» qui 
fe donnoii a celui des Princes qui lui 
pfircùt le plus. La defife de fon maître 
étoît un Archer tenant un arc , avec 
«ette pifcriptiofi , C»» adherta Drxefi^ 
D^s petçms-là ieïAnglois chercboient 
à entretenir la rivalité des Maifons der 
France & d'Autriche , & à tenir la ba- 
lance entre hs deux Monarchies ; Foli- 
^ue adroite qui a procuré à l*^Angle- 
tene l'Empire de la Mer , dés ricbelTes. 
immenfes , fie uni confîdéraàon infinie 
çn Europe.: 

. Ho^ruc Barberouâ&déjà Roi d'Algsr 
s'empare *e Tr^mecen. Le Roi détfirô- 
né appelle Muley. Aben-Cliemi fe.j'ettfc 
entre le» bras àe IfEfpagne, fie en oh- 
ti^ne la proteAien ; Martm cfArgote af- 
fiéj^^fiarberoulTe dans Tremecen , & 1&- 
fçirceifie.fiiiFjon lëpourAiit, &.enfinQiii 
tS^j&ne à Zvi i. & e^ iut por^ & 



d'^SS A-QHS. 227 

Ona : aloft p^rit un CorOiire âeYeouB.oi' 
& la .terreur de la Méditerranée > foD 
it€T& Chérédin lui iaçcédc k Aiger; D. 
Hug^ues de CardoDRC part avec une flot- 
te putflânte pour le detfarôner , mais ce 
Oeural ayant à^ré pendun huit jours 
le:.débai}queiac!t)t »eA furpns dans le Fon 
d'Alger d'une temple qui abyme fa 
âottc : plus dé quatre loiUe Ëlpagnol» 
périreot dans ce deiaftre ; à peine put-on 
^ver quelques TaiiTeiux. 
,LainortdeManed'ArragDnaToiltelle« 
Baent . tou ché le Ktà Ëouaaniid fon épous 
qu^^^KÎt fur le point d'abdiquer la Cwi- 
■onne , ne fe r^fârvanc que le revenu de 
PAlgarve & la Gnnde - Maïtrife de 
Cbtifl , afia de pourfuivre fes conquêtes 
CQ Afrique^ mais ayant appns que le 
Prïoce J«an en.fareui de qui il étoit prêt 
à faire un & gmod iàcrifiee i cabaloit &. 
iiKHitn»cibeau6oup.id'io^atience d'oc- 
caper Je ibrône.) iU c^Dge -de deâein 1 & 
^ufe rinfaQttLËl^onwej faur éi Roi 

.FÈrnasd Cônes part avec dix v^ 

. f«aiuii!« & accwnpagné de fix à fept ccits> 

E^a|gicd6Jaa)akc)D ticfbrnu pnefinw 

de entreprifeavec â peu dé forces. TLeQl 

Kvi 



-Hl SÏO IRE 



vrai que cet habite Capitaine , fêcond ed 
reflbuTces>&d'uRCourage opiniâtre dut 
fes fuccès à^on adrclTe autant pour le 
moins qu'à fon audace. A pane hit- il 
pani , que VeUfquez jaloux de la ca- 
pacité de foii Lieutenant' , Ce repentir 
d'avoir fait vn pareil choix. 2t crai- 
gtiit que Certes ne tui' enlevât ta gtoi- 
te. Se fuï-toot te profit de cette ex- 
pédition : on verra que te Conquérant 
du Mexique eut élus d'obftacle à vain- 
cre ducôté de Vekfqucz que de celui 
des Mexicàiiis. It lèmbloit que iSiFSpt^ 
gaoli eu0ent entrepris de mettrteux- 
Diâmesobfîacleàteursûtccès. Ne hat-ce 
pas parmi eux que Colomb & ie& frères 
trouvèrent leurs plut cruels ennemis T 
X^es Pizarres & tes Almagro & livrèrent 
auFérou plusdecombats, & firent cou- 
1er ptiis de âng Efpagnal qoctous led' 
Indiens enfitmblie ; mais ce qu'on dût re- 
. garder oomiDc un prodige , c'en qae Ut 
oiTcoràe , ces haines atroces , ces guer- 
res inteftines ne retardèrent pas un feub 
inftatit te cotiit des- oonquétes; Fêr- 
mnd Cortex cberche i, & &ire adcHrer 
desibldatSi il y réofiuav&at que de les 



débarquer; tous loi jurcrent de ne jamai» 
I\baiii3fMlner. 

Le Roi tient les Etats de Catalogne ^ 
& en obtient un don gratuit. François I* 
te lomme de reflituer la Navarre ii Henrt 
d'Albret , conferniémem au traité de 
KoyoB. Gouffier àe BoiSy & Cblevrc 
s'aboucbent i Montpenier pour finir ce- 
'-'^différend , mais ils ne purent rien tcr- 
mioer. Il s'en faiWit bien que Charleseur 
envie de faire une pareille reftitution, 
U marie att Marqnis de Brandebourg 
GeriDaÎRe de Foix qui lui avoit cédé 
toutes fcs prétentions fur la Navarre, Les 
Arragonois indignésd'une alliance ^'ils 
regardoient comme injurieufe (o) à Fer- 
dioacd , refnfereot à leur ancienne Rei- 
ne la titre d'Altefle qu'on ne donnott 
alorï qu'aux ' têtes coufonnées j mais 
Charles le lui fit rendre* ^S^9' 

Mort de Maximilien. Le Rm d'E^a- 
gne ell élu En^ereur fous le nom de 
Charles V. François I. qui fut fon con- 
«uneBt ne luipai'doDna jamais cette pré- 
férence; les Èleâeurs reftiferent leurs 
ftiÂages au Mraarque François dont il» 



230 H l'ST O 1 B E 

^imoient le mérite ; mais îh crsjgooient 
d'être alTujettis coaune L'avoietft été les- 
grands VaQàux de la Couronne de Fran- 
ce. Ne devoient-ils pas avoir les mêmes, 
fujets de crainte en cboiTiifaDt le Roi 
d'Efpagne f Ils. firent ùgaef à Charte» 
une capitulation qu'ils crurent capable 
d'aflurer leur Tiberté. L'Eleveur Palatiiv 
député par la Diète de Francfort ap- 
porte au Monarque £(pagnol le di^dôme 
, de Ton éleétion à l'Empire. 

La Cadille refiife à Ton SeniTerain les 
décimes fur le Clei^é , qui lui avcnent 
été aceordées parla Cour de Rtune pour* 
feire la guerre auxTufcs-Lcnouvel Em- 
pereur a recours au Pape qui jette utk 
mterdit fur toute l'Ei^agne ; mais aucune 
Eglife ne te garda. Toutes les perfonhe» 
fenfêes , dit ferrerai , étolent persuadée» 
que des cenllire^ n'obligent en aucune 
éçon > lorfqu'elles n'ont pas pour baie la 
îuftice ; de forte que Léon X;>fut 00a- 
tnùnt de lever u»inter£t inutile. 

Le Sultan SeDm , à la prière de l'Em-- 
pereur, accorde aur CBréttms la per- 
miflion de vifiter les fiûms Lieux. Ce fur 
alors que l'Empereurprit fe titre de Ma- 
]t&é , au W de celui d'Akeflè. Fxaik- 



d'Esfagkb. 25X 

fois I. & les autres Rois de l'Europe fui- 
virent cet exemple. 

Chereddin Baibefduflet aullî grand 
Bomme que fon frère , s'empare du 
Royaume de Tunis. Le Roi déthrôti^ Ce. 
fauve en Efpagne peur y folUciter l'api 
pui de l'Empereur. Hugues de Moitcadc 
chai^ du foin de le rétablir , défait une- 
flotte de Barberouffe , & une armée de:: 
fEmir de l'Ifie des Gerbes. Le Princc: 
vaincu fe fournit à uo tribut envers l'EJf- 
pagne. 

Les principales Villes deCaftilles'unîf^ 
&nt pour la confervarion des privilèges 
du Royaume , les Cafiillans ne pouvoient. 
. voir fans douleur les tréfors de l'Efpagne: 
tranfportés en Allemagne Se en rlan- 
dres. On prétend que Chîévre &ul fîï 
paffer un miUion aécus dans fa patrie , 
ibmme immenfe alors, & qu'il avoir ac- 

3uife par les moyens les plus injuftes > 
'ailleurs l'autorité , le miniftere , les di- 
gnités étoient entre les mains des Flar 
mands pour qui le Roi avdie une prédis- 
kAion linguliere) 

Un Prédicateur CordelieF excite un 
tsouble aifireux dans la Ville de Valence 
qjil étoie QQur lors affligée de la ^efie. 1£ 



a^a Histoire 

&ît entendre au Peuple que ce fléau eft 
un efïèt de la colère Célefte qui avoir eiï- 
ttepris de punir \hs dëfordres de certains 
Particuliers. Auflî-iôt la poputace fe fai- 
fit de pluiieurs Citoyens Soupçonnés , 6c 
les fait brûler vifs; pourfè fouflraire aux 
chârimens que mériroit urw pareille édi- 
tion , elle prend les armes fous prétexte 
SueleRoyaume efl menacé d'une invalion 
e la part des Maures. Tousles Corps ds 
métier s'affocient fou« le nom de Gerœa- 
nat , ou fraternité , & déclarent enfin hau- 
tement que c'eft pour fe défendre contre- 
la tyrannie' de ta Nobleffe j en effet , le» 
Gentilshommes étoient alors en poffef- 
fîon de ne point payer leurs dettes , de 
vicier les femmes & les filles des ftm- 
pies- Ckoyenfi, de tuer leurs Créanciers , 
& de fe moquer des LcÀx '& Àts Maeif" 
trats: le Roi inftruit de la conduite des 
Nobles , approuva , oû feignit d'approu- 
ver les Germanats ; un CoramifTaiFe nom* 
mé par le Roi , préfide à l'éleflion des 
Syndics, & leur permet ds refter ap* 
mes. 

liCS Indiens de Tabafco ibnf vaincu» 
par Femand Corter. Il prend leur ViU 
le j & répand la terreui ausenvJtoDs. Ly 



1 



d' E s P A G N E. 



vue des chevaux fur lelquels combat- 
toient les Efpagjic^a , le bruit de l'artille- 
rie qu'on prenait pour le tooDcrre., les 
vaiiTeaux qui refîenibloieot à des forte- 
reflês mouvantes ; tous ces objets eau- 
fôieot aux lodiens un ^tonnement mêlé 
d'admirarioD. Ils regardoient Cortea 
comme un Dieu , conune le Fils du Soleil. 
Deux Généraux du Souverain de ces 
vaftes Répons , viennent trouver le Ca- 
pitaine Ëfpaxnol , le comblent de pré- 
îèns , & le iomment de la part de leur 
maître de fortir du Pays. Cortez ap- 
prit d'eux que le Monarque Indien fe 
nomme Montezuma , qu'il réenoit fut 
un Empire fort étendu , & fondé depuis 
cent trente ans ; qu'il commandoit à jq. 
Princes fes Vaâaux appelles Caciques * 
dont chacun étoit en état de mettre cent 
mille hommes fur pied ; que les richeifes 
du Souverain furpaâoient le nombre de 
fes Sujets >& quefon pouvoir étcùt def- 
poiique. Les Efpagnols eurent bientôt 
lieu de s'appercevoir que les Mexicains 
n'avoient nen de barbare qi;e l'ufaee de 
(àcrifier leurs ennemis vaincus à Vizî- 
putfli , le Dieu de U guerre i & de s'eo 
Bouwir ; que ce Peuple furpaffoit en coa- 



254 îï' s TotRfi 

noiâanees & en lumières, en înduftrie& 
en polttdïè la pl&put des Nations de 
l'Europe. 

L'éducation tïe la Jeuneffe fonnok 
parmi eux le principal objet du Gou- 
vemement. Les Sujets attachés iufqu'i 
fadoration à leur Souverain étoient bra- 
ves , difciplinés ^ & connoiflbient ce 
que nous appelions l'honneur & les fetH 
umens. Us avoient réduit la guerre en 
arc , & leurs finances étoient mieux ad- 
miniftrées que dans les Etats de ï'Euro- 
pe. Pour preuve qu'ils avoient quelque! 
connoilTances aflronomtones, c^eft que 
leur année éioit diftribuée en trois cent 
foixante cinq jours. 

Fernand Cortez étant inftniit «îe toat 
ce qui concernok les Mexiquains , r^- 
iblut de fubjuguer leur Empire. H corn- 

Prit qu'il falloir employer la politique Se 
adrejfe autant que la force & l'audace. 
- II £t d'abord entendre aux Envoyés de 
Montezuma que la réputation de leur 
maître, l'avoit attiré au> Mexique en quali- 
té d'Ambaffadeur d'un grand Priffcequni 
ai^nonçoit comme le Monarque de 1 0- 
rientri Montezuma efirayé par une infi- 
aité d'oracles vrùs ou faux , & par de 



d'EsF A GN £. 235- 

S rétendus prodiges qui annonçoient la 
eflruâion de fa Monarchie , envoya de 
nouveaux préfens , & eut recours aux 
prières pour enga^r Cortez i partir. Sa 
crainte le perdit. Il fe crut vaincu avant 
que de combattre; cependant la vûe>de Tes 
riches préfens excite de plus en plus l'a- 
varice & la cupidité des Espagnols. Tous 
fe fentent tranlportés du defir de faire la 
conquête d'un Empire fi opulent. Corte£ 
cfaanné de les voir en de pareilles dirpo- 
fitionsjfonge à former desétabliflemens, 
& bâtît la Ville de Vera-Crùz. Pour n'ê- 
tre plus dans la dépendance de Vetaf- 
qa« t il fe feit élire Général par la Colo- ' 
nie naiffante , & envoyé en Ëfpagae tout 
Por qu'il avoit recueilli. Il demande lis 
Goavemement du Mexique , & de nou- 
veaux fecours.Enfuite il brûle fes vaif- 
feaux à l'exemple d'AgathocIes > pour 
faire entendre a fes foldats qu'il falloit 
vaincre ou périr. 

De là il s'avance dans le pa^ Se 
fait alfiance avec (4ufîeurs Caciquet 
qui ne pouvolent fouârîr l'orgueil & la 
n^raonie de Montezuma. Chaoue jour 
fur la route il découvre de belles Vil- 
les. , ane graode quantité d'or > un payt 



flj(S Histoire 

délicieux &c bien -cultivé , de l'ordre, 
de la police , de rhumanité. Par -tout 
on le reçoit comme un Dieu. Les Peur 
pies fe 'proflertit^nt à la vue du moûi- . 
dre Efpagupl. Il n'y eut qu'une Répu- 
blique qu'on appelloit Tlafcala qui > 
ayant fçu conferver fa liberté contre tou- 
tes les forces de l'Empire Mexicain , eut 
la hardiefle de lefiifer le palTaee fiu: fei 
terres aux Efpagnols , & de les traiter 
comme des brigands. Les TlaTcalteques 
prefque nuds , armés feulement de flè- 
ches & de pierres tranchantes qui leur 
tenoient lieu de fer , furent vaincus troit 
fois confëçutivemenrtLa guerre. fe ter* 
mba par un traité qui unit ces Républi- 
caitM avec les Efpagnols. Ce fut par It 
iecours desTlafcalteques q^e Cortezre» 
verfa le Xhrône du Mexique. U eft boB 
d'obferver que cet homme beufeux dani 
fon expédition contre Tabafco>s'attacbi 
une Indienne qu'on appelloit Marine, qiù 
devint la maîtreflè du Général > & fon 
interprète , dès qu'elle eut appris la Lan- 
gue Èfpagnole. Cette femme lui rendit 
les plus grands fervîces. Pourcombteie 
bonheur , le Pays qu'on venoit de cou- 
jç^uérlr éioit rempli de volcans qui four 



fe' 



d'Es P AGN El 237 

BÏrent du fouffre & du falpÉtre pour rem- 
placer la poudre qu'on avoit dépenfé 
dans les combats. 

Monteïuma |^us effraye que jamais de- 
puis la défaite des Tlafcakeques , trem- 
ble en voyant approcher de fa Capitale 
cet EtrsDgier qui , en moins de quinze 
■ jours, venoit de dompter uneRépub^que 
que toutes les forces de l'Em^re n'a- 
voient pu aflujettir pendant un fiécle, 
Cortez fuivi d'jfne poignée d'Elpagnols , 
6c de fix mille Tlafcaltcques , furmonte 
les obftacles que Montczuma lui oppofe. 
U arrive fur le bord de ce Lac immenfe 
au milieu duquel Mexique eft bâtie* 
L'Empereur vient le recevoir auK por- 
tes de la ville avec tous les honneurs 
imac^nabies. Cortez logé & fonifié dans 
un oes plus beaux palais du Prince , ap- 
prend bientôt que Montezuma avoit fait 
attaquer la CcHonie de la Vera-Crue, & 
que la mon de quelques Elpagnols ve- 
noit de détromper tes Mexicûns de l'i- 
dée qu'ils avoient que ces Etrangers 
étoient immortels. Sentaft alors la gran* 
deur du péril auquel il étwt expofé , 
p'^yâiit ayec lui qu'un irèB-petit note- 



238 Ttl STOIB E 

bre de foldats , &c fe trouvant au mi- 
lieu d'une Vitle. peuplée d'un millioD 
de Citoyens , & environnée de quatre 
armées ennemies i il forme le projet le 

flus audacieux qui foit jamais venu dans 
efpiit humain. Suivi de fet Officiers , 
Cortez fe rend au palab de l'Empe- 
reur; & lui déclare fièrement qu'il faut 
le fuivre , ou fe réfoudxe à périr. Monte- 
zuma> après avoir pi&rt en vain de livrer 
le Général qui , par fes ordres fecrers , 
avoit attaqiié la Ville de la Vera-Cruz , 
&df^donner fes eo&ins en ôtagË« fuit lâ- 
chement le Capitaine Elpagnol dans la 
prifon qu'il Ijji ûe0ine, 

Auiu-tôt Cortez exige qu'on lui li- 
vre le Général & tous les Officiers qui 
avoient attaqué la Colonie , & les fait 
brûler vt& aux portes du Palais Impé- 
rial. Pendant cette horrible exécution , 
il entre dans l'apartanent de l'Empe- 
reur , lui met les fers aux pieds & aux 
mains pour réparation du prétendu en*' 
me que fes Sujets avoient commis en 
Attaquant des «furpateurs. Montezuisa 
enfuite de cet outrage- met le comble i 
ihn aviliflèmeat , en rendant hommage 



D* £ s P A G N E. A39 

de fa Cpuronae à Charles-Quint. Cette 
cétémoaie humUiame fut fuivie d'un pré- 
feot de £x cent mille marcs d'or pur , 
d'une quantité prodigieufe de pierreries', 
£c de [^fleurs autres ouvrages des çlu» 
précieux métaux que. le luxe des £i)^e- 
feurs avoic pris plaiTir k rafîembler de- 
puis deux iiécles. Çortez. en réCeTvaAt 
cinquième p^ir^e pour le Roi d'Hpa- 
ffte, en garda autant pour lui-méjne-^ 
& abandoona le i^efle à Tes foldats. Alors 
il chercha de. nouveaux prétextes pour 
diâereribn départ, c^ue Mpntezufta li4 
clemaB4oit avec ioftance ; il anendoit les 
fecours Qu'il comptoic recevoir d'Efpa- 
gne^U ne mt p» loag-tems fans apprendre 
que dix-huit chevaux de fa Nation étoient 
anivés ayeç douze cens hommes. Cette 
□ouvetie.ltù caufa d'abord les plus vift 
tranTports de ']oye, mais ils furent fuivït 
des plas Cruelles isquiétudes , quaflà ij 
appnt qife cette armée - étoU onvoyéf ' 
par VelïTquez pour le contraindre k 
renoncer au Géréralat. Cortez prend 
fan parti en Héros. ïl laifle deux cens 
homines i Mexique.fous les ordres d'AI- 
yaredo, <pù .t& cbar|^ ^v roia iJe ^ï' 



i^O HlSTOIB-E 



ésT FËmpereur & la Capitale. £nfuÎK 
"il part pour aller combattre un eQneim- 
jaibux ae fa gloire. 
1 j'20. Sur les remontrances de la Nobleflfe , 
!e Roi donne un nouveau décret par le- 
"quel il interdît les armes aux Germanats j 
il il'étoit plus teras. Charles , fur le point 
■de'tiartir pourTAÎlemagneoùla néceffi- 
té de fes affiiiresTappeHe, demande d'ê- 
tre difpenfë de préfider aux Etats de 
■Vaiencej !e Clergé & laNobleflè lui dé- 
clarent qu'ils ne le proclameroient que 
^orfqw'ïl fer»it préfcnt. Pour fe venger, 
léRoi confirme aux Gérmajû^ts le privi- 
lège dt refter armés , & va tenir les Etats 
de Caflîlleà Saint Jacques : les Caftîl- 
lans mécontens du lieu de l'affemblée Se 
des deffeins du Roi qui ne ihérçhoit qu'à 
Tîrér de l'argent dés /Sw Crfrf», s'éfaran- 
letit de toutes parts. L'Efpagne n*api^u? 
diCoit pas à l'éleffion de Chartes à- l'Em- 
pire. Elle voyoit déjà qiie ce Prince feroit 
forcé par la nécelïîté de fes affaires de ré- 
fider en Allemagne ou dans les Pays-Bas, 
& que tous les tréfors du nouveau Mon- 
de &; del'EfpagnecontinneroÎCTtd'eiï- 
TÏdiîr les 'Etrangers : Tolède & d'autres 
ViJlw 



t 



D*Es P A (î K E. ^41 

.Villes députefit à Œarles, pour luifabe 
des remontrances fur le,urs griefs ; a la 
nouvelle que le Koi alloû partir, & qu'il 
emmenoit avec lui £à mère il s'éleva une 
furieufe fédltion àValladolid qù étoic U 
Cour ; riatention des féditieux ^toit de 
mafliâçrer Cbievre , le Chancelier Gaà- 
itara & tous les Etrangers , & d'arrêter 
eofuite le Roi ; mais Cfaatles s'ouvre un 
paflage ^u travers des mutins avec fagar- 
oe & fa Cour , & fe fauve à TordemUs 
où ëtoit fa mère , de-là il fe rend aux 
Etats à Saiat Jacques. Il exile les Dépu- 
lés^e Tolède & de plufieurs Villes qui 
js'oppofoient à fes demandes , & transfère 
les JÉtats à la Corogne ; là il arrache des 
Etats un âon gratuit de fix cens mil- 
JionsX'*) de Maravedis , payables en trois 
ans. On n'avoit jamais accordé à fe£ 
préd^cgfTeurs au-delà du tiers de cette 
ibnuntu 

Les Wles de Tolède , de Madrid, de Sa- 
Jamanque > de Toro, de M urcie & de Cor- 
doue n'y voulurent jamais foufcrire. Les 
jautres Villes exigèrent que . Charles pro' 
mît de revenir au plutôt en Efpagne , de 

(a) Quî&se mtlUcnu de notre Monaofei 

Ttme ///. L 



A4-2 HiS TO« R E 

s'y marier, de réforiner&inaifon, deptv 
verde leurs pensions & de leurs emplois 
cous lesEtrangers, de défendre jTouspdne 
de la vie qu'on-fît fortir du Rpyaume de 
Vot & de l'argent j Se enfin de ne nommer 
à la RégWKC que des Seigneurs du Payj. 
L'Empereur ne tint aucune de Ces promet 
■fes , te Cardinal Adrien £bn Préccpteurftiï 
Régent dé la CaftiDe , & on là donns 
pour Cotifeil la Chancellerie de Valla- 
dolid. J«an de Lannza eut la ^égcaçt 
id'Arragon. 

Ayastfon départ, le Cotdèil de CafiHr 
le , engagea Chartes à déclarer par aif dé- 
cret authentique quel'Efpagne étoit indé? 
fiendante de i'Em^se , tant on craigno^ 
es vieiBes prétentions du Cc»^ Genna- 
tiique quife prétend fubftitué au pouvoir 
de rEmpire Romain. L'Empereur débar- 
■que en Angleterre oit it s'arrête phifîeurf 
jours. Il conclut à Can^orberi avec Hen- 
ri VlII.-un traité contre la France, 
L'Empereur combltnt ie Mimftre Vol- 
feydepréfens&depcnfionsi &l'appel- 
ïoit fon père; par ce moyen il gouyer- 
iMMt la Cour de Londres. De-Ià itpafle eb 
Flandres , & va fe faire couronner k 
^ç-fei-Cïiapeïtf le 21 Ofto^rç, Cç ip^ 



d' Espagne. 24.J 

me jour on proclamoit i Conftantînoplè 
Soliman II. quUnnt pour Caries V.'un 
rival de glràre , de putQance & de me- 
nte. 

Sur le re&s que firent les Etefteurs 
de fe trouver au Couronnement de TËn^ 
pereur , fï les Grands d'Efpagne y affiF- 
t<rient couverts , Charles obtint de ceux- 
CL qu'Us fe découvriroient ; inûs quand 3 ' 
n'y eiuplustieu à taconcurrence,tl ne ren- 
dit le privilège de fe couvrir qu*^ un trem- 
pent nombre de Sâgseurs EfpagnoU » 
& le fit vbeter aux autres par de longs 
fervîces. Avant que d'itre couronné 
Eoipereuf , il'jura a'obferver tes capitu- 
^aÏFcs drefl^s pour It liberté du CSrps 
GentfafttqiK. 

La révolte éclate danstoute laCaftih 
te.'Lies principales VUtes de ce Royaume 
s'aâbcient eniemble pour la réfbnne dtt 
Gouveraement. On appella cette ligue 
Comm»nam'e! du mot cvmmuneni , qui fi- 
gnifie ^ens du commun. Prefque toute 
£1 NoUeâè refta fiddle au Roi. Il fe trou- 
va cependant quelques Seigneurs parmi 
les chefs des rebelles ; mais il y en âvoit 
d'autres qui furent tirés de la He du. Peu- 
-{de.'X^ CfHifédéiés au' nombre de plus 
■Lij 



i244' Histoire 

^e trok cent mille hommes armés fonir 
jnentje Cardinal Adrien d'abdiquer U 
Régence. £n attendand fa r^ôoafe * 
■ib fe portent à toutes fortes d'excès, 
X<es'd^utés des derniers Etats fufpeâs 
^'avoir été fayorablçs h l.a Cour > fbnc 
jégorgés_o^j fendiw. Lp Rëgeot wdon- 
ne à R^nquillo & à Foi^^ de maf' 
icher pOAtre Jes Rebelles. Ce denjier met 
le feu à Aledina del Caœpo , &, brûle 
prefquMpute cette grande Ville. Adrien 
fe voyant pQurfuîyi par le$ Citoyens de 
Valladol^ , dë^^voue lâchenynt Fon- 
feça <)ui eu contraint de fe fauver da 
Royaume. Rçinqui)!^ eA b;ittu. On fait 
faun baCe fux tousKreux qui ne fp décla- 
rent pas en faveur des Communautés. 
Les habitans de Jodar , au nombre de 
'jTois paille , font rçalTacrés , &l on réduit 
Jleur Ville en cendres. Jean de Fadilla qui 
pouvoir être regardé jromme le chef de 
J.9 ligue , obtient de Jeanne la Folle des 
Retires patente; qui le conftituent Ca{4- 
jaine Général de la Caftille. he^ Com- 
munautés tiennent leur aflemblée à Tor- 
HefiUas , & gouvernent l'Etat fous le 
jibnci de i'imbecjlle Princefle qui les pro- 



d'EspagNS. 24^ 

roui ks membfw de la ChancelleriçV 
L'Evêcjue de Zamora , à la tête. 3'un Ré-^ 
«ment de qaatre cens Ecdéfiaftiques ', 
le figrrale eaffès cniaùtés. 
' Cependant l'Empereur inftruit des 
malheurs de la Caftirle alTocie â la Ré'' 
gence le Connétable & l'Amirante ; ort 
lui confeille en vain de fetourneren Ef- 
pagne , il fe conrente d'écrire qu'il rc-' 
ifonce AU don gratuit actordé par leff 
Etats de la Corogne , qu'il modère les 
impôts , & gromet de n'élever jamais' 
aucun Etranger aux dignités de la Caf- 
tille. Les Dudiofles- de Médina- Sydonia" 
empêcheiit Sévilïe <ïe fe déclarer en fa- 
veur des Communautés. Le Connétable' - 
eft chaffé de Burgos ; l'afTemblée de Tor- 
defdlas fomme en vain les trois Régerits' 
de renoncer au Gouvernement de l'Etat. 
Le- Duc de Najei^ , Vfteroi de Navarre' 
Itur envoyé unt artnéej& le Roi de Por- 
tugal- leur prÉte cinquante mille ducats. 
Alors on voit changer la face des affei- 
res ; Burgos rentre dans le devojr , le 
Connétable & l'Amirante fe trouvent 
. bientôt à la tête de cinquante mille hom- 
mes-; Tes ReBelles demandentdu fecour'* 
au Roi de Portugal-, mais ce Prince leur 
L iij. 



a^^é Histoire 

. offre {èulement fa médiation auprès de 
L'Empereur ; ils veulent marier la Reine 
avec le Duc de Calabre qui étoit pri- 
fonnier à Xativa ; mais cette PrmceC- 
fe/ quoique folle , ny voulut jamaii 
confentir. Le Comte de Haro , 61^ 
du Connétable prend TcrdefiUas d'af- 
faut » arrache la Reioe des mains des Re- 
belles , & enlevé prefque tous leurs dé- 
putés. Dom Pedre Giron , un de leur» 
Généraux {& foumet ; les 3tSJàK$ de 
^Empereur fe réiablilfent. 

Le Royaume de Valence étoit en proye 
aux m^mes maux que lai^aftille , toutes 
ks Villes entrent dans b Germanie , & te 
Peuple £alt main bafle par-tout fur la No- 
blefle ; le Comte de Melito qui étoit Vt- 
ceroi , voulant protéger lerGentikhomi- 
mes , achevé de foulever contre lui tout 
le Royaume. On commet les mêmes cri- 
mes & les mêmes excès qu'en Caâille ; la 
Nobleffe met à fa tête le Due de Segorbe. 
de la Maifon d'Arragon. Jean de LanuZA 
, eut le bonheur ou l'habileté de contcDir 
l'Arri^n. 

Fernand.Conez a la fans&âioii de 
voir paffer fous fes étendards les troupes 
que Veiafqueï fon rival avoit envoyées 



D'Esf'AONB^ - a^f 

pour le comSattré. Svt un bnàt que le» 
Seigneurs Mexi<;ains coofpiroient pour^ 
brifer les fers de leur Empereur , un Of- 
ficier £fpagnol nommtf Alvaredo , prc'' 
fite du momeni où les prétendus coiipa-' 
blés s'étoient plongés dans U débauche 

Sendant un jour de Fête , èc «n OM^ftCre 
eux mille. Il leur arrache les pierreries' 
& tout Tor qui ferVoient k leur parure ï 
ee trait de cftiauté & d'awlce rend le 
Peuple furieux. Deux «ac mîUe Me- 
ûcains alË^gent Alvaredo dans fk mai- 
foo. Cortez rieot le joindra > & fe trou-' 
ve expofë aux plus erandi périls. Mat- 
gré le carnage que îont les Efpagnols 
en diâërentes iorties^ , ils craignent- 
^être bientôt 9CCi&lét. ta perte d^un 
léul' bldat ne pouvolc être reparée par 
kl mort die mille ennemis. Monteztim» 
nier de Corteï propofe de fè mon' 



trEr«fes Sujets pour, les engagera ferc 
tirer. Maft les Mexicains ne reconnoi& 
feientplus dans leur Empereur qn'un U- 
ehe & vil efclave des Eoimgers. Monte-* 
2uma , au milieu de fa harangue» reçoit 
au front un coup de^ierre qui le blefle 
mortellement II expire tnentôt dans les 
coDvuliioos de ta rage & dU défefpoir. 
Liv 



34^ Histoire 

On élit en ik place le Cacique Quetlava- 
ca. Le nouvel Empereur feint de con- 
femir à la retraite de»£fpagiiok', dans le 
ëefleii) de tesfurfvendre , & de le» acca- 
blera En effet il taïlte en pièces leur arrie- 
re-earde. Cortez ne fauve fa vie & le- 
refte de fon armée que par des prodiges 
de valeur. Il perdit , en (e retirant , la 
pUiS grande partie de fes tréfbrs. Arrivé i 
Tlafcab oil il efi- reçu comme un I^eu , 
U raflembie" bientôt une armée de- 80 
mille Indiens , i la tête defquels^ il vient 
. afliéger la capitale de l'Empire Mexicain. 
Nous verrons ailleurs quel fut le fuc- 
cès- de cette entreprife. Revenons aux 
aâàires de la Chiite. 
'^5^^' Marie Pacheco époufe de PadUIa fbu?- 
tient par fon courage celui des RebeUes. 
La guerre civile continue avec fureuR 
Les deux Partis fe traitent mutuellégaent 
de traîtres à la Patrie , & de criminels de 
Leze - Majefté. PadiUa , cher des f?di- 
tieux , perd une bataille , eft pris & dé' 
capicé.'Jean Bravo i & François Maldo- 
nado fubiflent le même fort. Valtadolid > 
Médina del Campa , Ségovle , Avila , 
Salamanque Sc'Zamora fe foutnettenr. 
la. feule ville de Tolède animée par rit>- 



d'Es P A G N Et 3451c 

ttéfid&Maiie de Pacheco & par Antoi- 
ne d'Acunha , Evéque de Zamora , per-> 
fiftedansla révolte. Le féditieux Prélat;' 
<{ue je viens de nommer, marche contre 
lesKoyaliftes , eft vaincu , Se fe retire à^ 
Tolède dont il eH élu Archevêque pae 
ks gens de fon parti. Il veut encore ten- 
ter les hafards de la guerre, & perd une- 
féconde bataille. Il Te fauve de Tolède.' 
Le château de cette Ville tombe au pou- ' 
voir de Marlft Pacheco qui lâche de- 
ibutenir le parti des révoltéSi 

Le Vice-Roi de Valence convoque Ift 
ban & l'arrierc-ban contre tes Germa- 
Dats. Il eft vaincu à Gandie. Le Duc de 
Segorba le venge en^ remportant plu- , 
fleurs viftoires , & en forçant les Rebel- 
les à le iôumenre ; dans le cours de cette 
guette , les féditieuif avoient pris le cbâ* 
^ teau de Xativaoit^toit le Duc de Cala*' 
bre dui refufa la liberté qu'on lui oâïir. - 
Un- Caftillan impolleur qui fe donnoit 
pour le iîls' de l'Infant Jean d'Armgon y 
onclede Charles- Quint , fut reconnu en 
qualité-de Roi par la populace. On l'apr 
pelloit le Roi travefti. Soa'-iinpofture le- 
eooduillc au g^bet.- 

i-v 



aso Histoire 

L'efprit de revoit» fe communique i 
Flfle de Majorque. Le Vice-Roi efl cbaf- 
Sé & remplace parunTondëurde drap.. 
Celui-ci cft battu par les habitans d'Al- 
cudia , l'unique Ville qui fut reflée fi~ 
deile i fon Souverain. 

Henri d'Albret veut profiter de»- 
cîrconlbnces pour rentrer en- polTefliotr 
de fes Etats. Il envoyé André de Foix ,. 
Seipieurde l'Efparre avec une puiffante 
arm^e qui pénétre dans ff Navarre. Le 
Générai' Françoifi fait en quinze jours la 
conquête de ce Royaume. S'il' s'en filr 
tenu là , d'Albret étoit rétabli fur le. 
Thrône. L'Efpagne avoit vu avec aflcE- 
d'indifiérence les fuccès d'André de. 
Foijc ; mais ce Général s'étant attachéj 
au fîége de Logrogno, les Efpagnols crai- 
gnant qu'il ne parvînt jufqu au c<Eur de 
la CafbUe, fe réveillent & forment une 
puiffante armée. L'Efparre level* fiége, 
eft vaincu & pri»dans les plaines d'Ef- 
quiros. SixmiÛeFrtnçoiS'reftereDtfur te 
champ de bataille , & ta Navarre repaie 
fous la domination des Espagnols. On fe 
trouva bien alors du confeil de Ximenes- 
qui ayoit fait démolk. toutes les places 



~ D*ESPAGNE, 2Sl 

fortes de ce Royaume ufurpé. Ce qui 
. entpâcha les François de s'y défiecdre t 
Se de le conferver. 

Roberc de la Marck , Souverain de. 
Sedan , animé fous ntaïn par le Roi de 
France , avoir eu l'audace de déclarer U' 
guerre à r£mpereur; mais il ne tarda pas 
à s'en repentir. On lui enleva prefque 
toutes fes places , & il fe vit forcé i de- 
mander une trêve. 

Les Miniftres de l'Empereur 6c du 
Roi de France , s'aflemblcnc en vain à 
Calais poi^r étouffer dant fa naiifance la 

Êietre, qui venoit d'être déclarée entre 
ur^ maîtres. L'opiniâtreté de l'Empt- 
reur à retenir la Navarre rendît le con- 
. grès itiutile. Les François prennent Ba- 
paume , Landrecies > Boùcnain & Hel- 
dm*X<esIix^ériaux de. leur côté s'env- 
ient de Tournai. L'Amiral Bonnivet f« 
rend mettre de Fontarabie, 

Charles V. avoit entendu àja diète de 
WormB le célèbre Luther, & publié 
contre lui & fes erreurs un é^t {blemnel. 
Le Papeà l'Empereur fe Ugwent pour 
rétablir François Sforce dans le mila-i 
nez,. Les Vénitiens alliés de. la Frj^iuw. 
font forcés dàos^icentino. Frofper Co? 
•Lvj 



2^.2 H I S T O I B E 

ïonne , Se les Marquis de Pèfcaire & de- 
Mantoue qui commandoient l'année de 
rEmpereur Se du Pape , font la conquête- 
du Milanez. 

' Léon X. meurt le deux Décembre de- 
la joye que liii cauferent les malbeiuï de- 
là France. 

EmmanueMë Grand, Roi dé Portn- 
gal meurt le lo de Décembre. Son fiis' 
aîné lui Tuccéde fous h nom de Jean IIIi 
Ferdinand , frère de l'Empereur époufe 
Anne Jagellon , fœur de Louis , Roi dé- 
Bohême & d'Hongrie. Charles V. ve- 
noit de céder à Ferdinand fon frère. 
l'Autriche & toutes les Provinces, pro-' 
venantes de iâfucceffion-de l'Empereur 
Maximilien , à condition. qu'au défaut 
d'hoirs- mâlès^ dans la peflénté de FerdU 
nand- , toutes' ces Provinces- retoume- 
roient auxdefceBdans'mâlesoufemeUes- 
deCharlcsV.Lecaseftarrïvé', &aoc- 
eafîonoë upe guerre fànglànte qui fe ter-, 
mina eîi 1748 par-lrtraité d'Aix-la-Cha- 
pelle. La céffion dé l'Autriche à Ferdi- 
nand eu regardée comme une dés plus 
grande» 6u.te» dé Charles V. qui &mbUr 
alors perdre de vfie foti CyûêtoE de lai 
Mojumiie unirericUe..* 



d'Esp a g ne. ajj: 

LiOrfque FernaodCortez vtntaffiégcr 
h Ville du Mexique , TEmpire avoit ei^ 
core changé de maître, & etoitpoùr lors- 
fous h doniinatton d'un jeune Prince 
rempli de courage, qu'on nommoiEGua- 
timozin-, St qui étoh gendre ^ Monte- 
zuma. Ce' nouvel Empereur défendit fa 
Couronne pendant trois mois ; mais qur-' 
pouvoit tenir çn Amérique contre l'ar- 
tillerie & ta difcipline de l'Europe ? En- 
fin Cortez , après plufieurs combats li- 
vrés fur le Lac & fur la terre ferme , 
prend la capitale de l'Empire. Sur la fin 
"du fiége plus de deux-cent mille Indierts 
^étoient rangés du pani des Efpagnols. 
L'Empereur , fon-époufe, fesMiniures& 
fes courtifans.tornberem entre les mains 
du vainqueur; Guatimoztn fut d'abord 
traité en Roi; mais nous verront com- 
ment une poPitique fanguinaire déter- 
mina Gortez à changer de conduite k 
l'égard de ce Prince mfôrru né. lf22, 

Charles-Quint qi» étoit alors maître 
abfolu de l'Italie, procure ta-Tiare à fon 
Précepteur , le Cardinal Adrien. Le . 
nouveau Pape ne fut dans ce hautj-ang 
qu'un ftmple Miniâre dx l'Empereur : 
qjiQiqu!il' dût fa. fiprtuw auK'lettres , ib 



Sfj-^ HiSTOlSE 

les oublia dès qji'ïl fut monté fur le tHtfr- 
ne Pontifical. Envoyant le mépris qu'il 
fembloit avoir pour les fciences. & le» 
açts , on l'eût pris' pour-un Roi Goth. II. 
fçmble qu'Adrien n'etoit parvenu à la 



Papauté ju^e pour contrauer avec Ibn- 
'- pr^écel^r Léon X. qui fiii 
le proteâeur desSçavans^ 



Benrand de la Cueva bat les Fran- 
çois fur le bord' de Ja Bidaâba. 

Charles V. après avoir arrangé fes af- 
faires en Allemagne , part des Pays-Bas ,- 
& pafTe à Douvres oà il voit le Roi d'An- 

fleterre. Ces deux Princes mettent le 
ernier fceau à leur alliance contre les 
François. L'Empereur eut de la peine à 
regagner le MiniAre Volley qu'il avoit' 
flatte de l'efpérafice d'être Pape. Charles 
s'engagea époufer la PrinceETe Marie,fi]le 
de Henri VTlL & à donner chaque année 
30000 é€us d'or au Roi d'Angleterre juf- 
qu'à la conclulîon du mariage. En atteif 
aant > l'Empereur eniprunta du Monar- 
que Angipis des fommes confidérables", 
. reçut l'Ordre de là Jarretière , s'embar- 
qua avec cinq ou fix mille Allemands ou 
Flamands , & aborda à Santader. Il li- 
g^ti^e. £) cléioence ea faifant pubtieil 



D' E s P" A i3"N B. 2^y 

S Valladoiidune amnUlie générale dbnr 
il n'exclut que quatre -vingt perfon- 
nes , Japlûpaft Moines 6c auteurs de»' 
troubleSr Pierre Pimentel , & fept âé- 

Î)utés des Villes confédérées ktlTeoF 
Eur tête fur un échaâàut. Le confeili 
d'Ëfpagne demandoît encore des- exem- 
ples de fëvërité. Je tfj coajtniirai jdnutis , . 
répondit Charles , "voili ajfe^ dt fang ré- 
ftmdu. Il dit à quelqu'un qui vint !iiî dé- 
clarer la retraite d'un chef des Rebelles > 
tt'aHriez,-vous pas mituxfait dt lut dire que 
fétoîi ici , que de rifÀfprendre ck il efi ? L E-- 
vique de Zamora en voulanrfe retirer en 
France avec des fommes confidérables , 
fhiit de fa rébellion & de lès briganda- 
ges , efl arrêté. & conduit au cnâteau 
de Siinaiicas.Ce Prélat, quelques années 
après , ayant allbmmé le Gouverneur de 
là fortereflè où il étoit enfermé, dans, 
reffférance de fe fàuver de fa prifon » 
l'Empereur le fit pendre fans aucune for- 
me de procès aui^crénaux. de cette mê- 
me fortereflè. D. Pedre d' Avala , Comte 
it 5alvatierra eut auffî la téce tranchée.. 
Le Duc de Segorbe achevé de paei-' 
fier le Royaume de Valence> en coitr 



ajfi HiS T O I B B 

tinuant de battre les. Rebelles. L'Iile 
de-Majorque , & celle d'Ivica fe fouroet- 
tent à leur Souverain. L& Duc de Cala- 
bre eft élargi par ordre de l'Empereur > 
& traité avec la, diftinflion qye méri'- 
toientTesinfortunes'& fa candeur d'ame. 
L'Empereur accorde à François Sforce 
rinveftiture dii Milanez , & gagoe par. 
cette modération toutes les PuifTance» 
d'Italie. Les François rentrent' dans U 
Lombardie , prennent Novarre d'a0aut ^ 
-& affîégent ravie vigoureufement dé- 
fendue par Antoine de Levé. Profper 
Colonne , Général de l'Empereur dé- 
fait enriérement l'armée Françoife à la 
ipuoiée de la Bicoque , & tue plus d& 
dix mille hommes. Ce-défâilce fait pet'- 
dre à la- France Gènes & tout le Mita* 
nez , à l'exception de deux ou trois Pla- 
ces; Venife » la feule Fuiffance- Alliée des 
François, acheté lapaiX'dei'Emp^ercurj 
moyennant de.gro(ïes Tommes. 

Rhodes défendue- pendant Cix mois 
par Villieis de l'IfleAdam qui y fit pé- 
-rir près de deux cent mille Turcs , fe rend 
à Sdyman. La poflérité n'a. pu pardon- 
ner jk Adrien & à Cbarles-Q^int d'avoir 



b' EsS AGN E. . 2J7 

IMé perdre ce 'boulevard de la Cbré- 
ùenié pour làtis&ire leur anîmolîté con- 
tre la r'rance. 

Magellan , GentilhomnLe Portugais at-. 
taché a l'Efpagae , découvre le détroit 
qui porte aujourd'hui le nom de celui 
qui en a &it la découverte. Il ei^ra le 
premier dans la Mer du Sud , & en vo- 
guant de l'Occident à l'Orient , il trouva 
les lues Marianes Se les Philippines dans 
Tune defquelles il perdit la vie. Les Por* 
tugais Êireat étonnés d'y voir les £fpa- 
gnoh , & ne pouvoient comprendre 
comment, ceux-ci y avoient abordé par 
la Mer Orientale j ils étoient bien éloi- 
gnés de comprendre que tesEfpagnoU 
euflènt. parcouru la plus grande partie 
du Globe. Cet incident fit réformer l'ar^ 
tèt que ta Cour de Rome ayoït porté 
iur les limites des Pays découverts par- 
les deux Nations. 

Cortez- achevé de (bumettre dans le 
cours die cette année l'Empire du Mexi- 
que,& en^ft le prepùe t ViceroL La Répu- 
blique de TlalcaU fut aflervie fans qM on 
tirât répée. On ladédommagea de la per- 
te de fa liberté par quelques.vains privi- 
bfges. Les conquérais du- Mexique em^ 



a|8 . H is ToiB E .^ 

ployerfeni les moyens que peut fuggérer' 
tine barbare poétique pouflà deftniâion 
d'un Peuple nombreux , & dont on ^i- 
ttiagine avoir tout à craindre. Guatimo-' 
»n efTuya un fort encoce plus cruel que 
fes Sujets. Pour lui faïrt avonet en quel 
Keu étoient cachés ks trëfors de l'Empi- 
re , on l'étendit fur un Ut de cbarboni 
ardens. Tandis qu'on le torturoit d'une 
manière fi cruelle , il entendit un cri que; 
la douleur arrachoit à Ton favori con- 
eondamné au même fupplice. Et mof ^ 
dit ce Prince intrépide , fitis-je cenchifitr 
nnUt de nfts f On le tira à moitié mort ' 
de cette aflïeufe queftion : troisatts après 
il fut pendu publiquement dans la capî^ 
Cale de Tes Et^t^ avec un granj nombre 
de Caciques , fous prétexte qu'ils avoïent 
confpirë contre les Elpaenols.- 

'^S^3' ^=* ''** ^'"^" ,^e Caftille affemblés ï 
Palence accordent un don gratuit de' 
quatre cent mille ducats. L'Empereur, 
permet à tous les Efpagnols de porter Vé- ' 
pée. Le meurtre de pmficurs perfonnes 
qui avoient été affaflinées , faute d'àvoîf 
de quoi fe défendre, donna lieu à cette 

» permiffion qpi fut extrêmement prëjudi- 
. ciable à ragriculturé. Les Efpagnols na- 



-7^ 



S F A G M E. 



^ tureUemeet fiers & glorieux > voyant 
,; ffi'oR leur accordoit une prérogative 
~* qui fert à diflinguer la Nobiefle , aime' 
rent mieux promener babïtueltemenr 
,^ pendant tout le jour une longue épëe , 
^7 fjoe d'employer leurs main» a des arts- 
A utiles , & à la culture des terres. 
J Cli»les^uint fe rend dans la Navar^ 
^ le , & le Connétable de CafHlle pénetre- 
j en France avec une armée de vingt-cintj 
J mille hommes , fans faire aucun progrès, 
1 NouveUe ligue du Pape , de l'Empereur » 
j de Venife , de Florence , de Sienne , de- 
Gén^ & du Duché de Milan contre 4es^ 
François. Traité fccret de l'Empereur" 
avec le Connétable de Bourbon. Celuir 
I ci promettoit de &ire révolter une partiér 
ic la France , & de la livrer aux Impé- 
riaux âcauxAnglois qui en £eroient le 
Eartage , à condition qu'on lui laiiTeroïc 
! Royaume d'Arles. Le Thrône des- 
François éwit rcnverfé j fi la.confpira- 
ÔOQ n'eût pas* été découverte. Bour- 
bon efi contraint de &ir , & n'àppor»- 
te à Charles-Quint qucfcs talens & fa' 
baine contre fa patrie. L'Empereur lui. 
promit en mariage ûi- foeur Éléonore f 
veuve duRoiderortugal, & lui donnât 



â^o Histoire 

le commandement de fon armée en Ita- 
lie. Bannivet , favori de Françws I. en- 
tre en Lombardiç avec une puiffante ap- 
tttéfy II eut d'abord ^lelques fuccès } 
maië ëtoic il en état de take tête au Con- 
séljable de Bourbon , au Marquis déPe& 
cai^e , à Frofpep Colonbe , à Ancoine de 
Levé & à tant d'autres- habiles Géné- 
raux de Charles-Quint. Les Impériaux 
& les Anglois joints enfemble prennent 
Roye , Montdidier , & par cette divet- 
fion empêchent François L de pafler eit 
Italie. 

Le Pape Adrien meure après avotf" 
confirmé- i Charles- Quint & i iês (ïic- 
cefTeurs en Efpagne l'admlniflration des 
Grandes - Maîtnles de tous les Ordres 
militaires , le droit de .nommer à tous les 
bénéfices , l'exemptkin i^ tribut de huit 
mille onces d'or que le&Rois de Naplc) 
dévoient au S. Siège. Enfin, il ne vécut j 
& ne fut Pape que pour Charles-Quîm. 
Il efl remplacé par Clément VII. de la 
Maifon de Medicis. 

Cortez rebâtît Mexique dans le goût 
des Villes de l'Europe. Les Efpagnols y 
éiabliffent leur Gouvernement Civil , 
Militaire- âcEccléfiaftique. C'eflle Siège 



d'£s P A GN E. 26t 

â'un ÂH:hevêque , & d'une audience 
Royale , Tribunal affez femblable i nos 
Parlemens. Le Vice-Koi fait Ton féjour 
dans cette capitale qui eft la plus riche., 
la plus peuplée , & ta- plus belle Ville du 
nouveau Monde. On jugçra de- fes ri- 
chefTes quand on fçaura qu'il entre cha- 
que année dans fon Hôtel des Monnoyes 
deux millions de marcs d'argenc. Outré 
la capitale , ofl compte cent trente-cinq 
Villes dans cet Empire qui a cinq cens 
lieues de longueur du Levant au Cou- 
chantjfur dçuxcensUeues de largeur da 
Midi au Nord. Pour récdmpenfer Conez 
de tant de fervices, ta Courte créa Mar- 
qua DelU ydlt j terre de cent mille écus 
ae rente. Sa poftérité fubfifte eacore 
avec jédat a\i Mexique , & efl mêlée 
avec les defceodans aç Montezuma- qui 
portent le titre de Comte , & dont on 
redoute G |>eu les droits & l'ambition , 
qu'A la fin dp règne de Charles IL On 
confia la Vice-Royauté du Mexique au 
chef de cette lUuftre famille. 

Le Sophi deferfe foUicite l'Empereur ^S^'' 
jd'attaquer Soliman enpromettant défaire 
jine puilTante dîverfion , mais Charles V. 
Pfçafi de fes projets çootre ia France , 



302 Histoire 

fongeoit â tirer parti de la révolte du 
Connëîable de Bourbon : la guerre fe 
foit vivement du côté des Pyrénées, en | 
Italie & fur les frontières de la Flandre. 
Xa Connétable de Caftille [»^nd Fob> 
tarabte mal ^fendue par tes Françoii. 
Ils veulent reparer leur perte en pé- 
nétrant dans l'Arragon , mais ce fiit faiu 
fuccès. Clément VII. fignaie les com- 
jnçncemens de fon Fonàâcat par exlior- 
ter à la paix les Fuiffahces Chrétien- 
nes : l'Empereur déclare hautement qu'il 
n'y confenttroit point que l'Italie nt 
fôt évacuée par les François. Le Pape 
relevé l'Empereur du ferment feit par lui 
ou par (ts prédéceffeurs , de pennectre 
aux Maures le libre exercice de leur Rc- 
ligic»! ;'ill'exhorte à tbalfer de PEfpagne 
tous, ceux tfui refuferoient d'embraiTer 
le Cbriftianilme.' 

■ La campagne d'Italie eft une fuite de 
fuccès Se de viiftoires pour l'Empereur, 
Botmivet, quoique fect>ndé par le Che- 
valier Bayard , efl toujours battu par 
Bourbon , Pefcaire , Launoi , & Antoine 
de Levé ; le Qjevalier Bayard , que fâ 
probité & fon courage ont rendu immor- 
te], ne fut pas une des moindres pertes 



d'Es P-AG N E, U^ 



l 

■que fit la France daos cette expédition. 

p Le Milanez eft encore 'une fgia «rracbé 

1 4es mains ^ François I. 

' L'ardent Bourbon pénètre en Pro- 
vence avec ToB jumée yiâorieufe j Hu< 
gués de Moncade devoit le foutenir avec 
' une Botte. Chariot V. fongeoU auflî à en- 
trer en Guyenne > & Henri VUI* ea Pi- 
cardie ; mats l'Ëmpo^tu* ne put agir^ 

! èute d'argent , & le Roi d'Ang^eterrç 

I renonça à {ba projet par ]a crainte d'une 

I invafîoQ de la part du Roi d'EcoQe ; 
Bourbon & Fe&ûre s'attachent ^u Tiëg* 
de MarfeiUe qu'ils lèvent a^às 40 jout< 

. d'attaqae;tef^ldireÂndréX)oria,Ieplu« 

! grand homme de Mer que la Méditerra- 
née ait jan^aû vu 1 rendit inutUc la flotte 
de Moncade , Se aux approches de Fran- 
çob I. Qui ^étoit rendu à Avignon ave« 
40000 homme), Bourbon fe retire à Nicç 

I avec la douleur d'avoir perdi» toute foa 
armée. Le Rt^ de France veut pro&terd^ 
ce retoitf de fortune pour rentrer dans ie 
Milanez ; Bonnivet te détermina i cette 
entrepiife, malgré leconfeil defesplus 
ItaUlcf Généraux qui vouloient la lui hir 
re différer jnfqu'au prîatnos .prochain^ 
^totoed« Lçveiaturelp MilaoeVi piir f* 



264 ' HiSTOTRK' 

dét'enfe héroïque dans Pavie , tandis que 
Bourbon va chercher une armée en Al- 
lemagne pour venir défendre l'Italie. Il 
faut obferver que toutes les Puiflanees 
liguées avec l'Empereur n.e lui accordè- 
rent pas le moindre iecours , & qu'on le 
, laiffa feul combattre fon rival ; on pré- 
tend même que te Pape & la République! 
de Venife conclurent une ligue fecrette 
avec François I. 

Le confeil d'Ëfpagne déclare que les 
Maures bapcifës ae force par les fédi- 
tieux durantles guerres civilesferoient te- 
nus de perfëvérer dans la Religion Chré- 
tienne , Coai peine d'être recherchés pat 
i'Inquifition. 

L Empereur & le Roî de Portugal font 
furie point de rompre au fujet de la poffef- 
fion des Molucques découvertes par Ma- 
gellan au nom des Ëfpagnols. Charles 
qui craignoit que Jean ne prît le parn 
de François I. & qui d'ailleurs avoit on 
grand befoin d'argent , céàz fes prétenr 
tions pour un million de ducats. 

Trois Fanicuiiers éiablis à Panama 

fur la Mer du Sud équipent k leurs h»» 

une flotte pour poufler les découvertes 

su MidS. Ce« trois Efpagools dont l'en- ; 

treprife 



I C'E s P A G N E. 26j 

I treprife eut un Ci brillant fuccès , qui 
l conquirent à l'Efpagne un Empire plus 
I vafte & plus riche que le Mexique , font 
[ François Pizarre , Diege d'Almagro , & 
un Prêtre appelle Ferdinand de Luques. 
Pizarre déjà fameux par fon courage , 
, fa fermeté & Ces fuccès dans les guerres 
I contre les Indiens , le plus célèbre des 
conquérans de l'Amérique après Cortez , 
I ne (çavoit ni lire , ni écrire. Il tommença 
j cette entreprife avec un feul vaiffeau & 
deux canots ; il eut d'abord plus à fouf- 
ftir que tous les autres auteurs de dé- 
couvertes. Il ne trouva que des terres 
j aâreufes , des anthropophages, la fami- 
i ne , les maladies & la réfiftance la plus 
1 opiniâtre. ^ j-^j.^ 

Tandis que Charles V. affèrmiffoit en 
Efpagne l'autorité Royale fortement 
ébranlée par les guerres civiles , Bour- 
bon & l'i'ibrtune combattoient pour ce 
Prince en Italie. François I. fon rival fait 
la faute d'aïïîéger Pavie pendant les ri- 

Sueurs de l'hiver, avoit fait auflî celle 
e détacher dix nâlle hommes de fon 
armée fous la conduite du Duc d'Al- 
banie pour la conquête de Naples. L'ar- 
mée Françoife fut encore affbiblie par U 
Tme///. M 



0.66 Histoire j 

défertion imprévue de fîx mille Orifoni ' 
rappelles par leurs Supéheui^. Il tR vrai 
que la iltuatîon des ennemis étoit en- 
core plus criùque. Antoine de Levé dé- 
nué d'argent, àe njunitions Se de vivres, 
pt enfin îçavoir aux Généraux de l'Em- 
pereur qu'il ne pouvoit plus tenir. L'ar»- 
mée Impériale compofée d'environ vingt- 
cinq ou trente mille hommes s'approclit 
de ravie , l'efpérance de U vi^oire ne 
foutenoit point Bourbon , qui chaqu« 
jour voyoit Tes troupes diminuées par la 
famine & la défertion , les circonflan- 
ces d'ailleurs étoient funçAes ; Veni- 
fe armoit puifTamment pn faveur des 
François. On fe déficit du Pape , on con- 
juroit à Naples ; enfin l'Italie fembloïc 
perdue pour l'Empereur : la première rf- 
pérance de falut vint du courage & de 
l'ardeur des fôldats Efpagnols, qui fi* 
rent alors pour leur Roi ce qi^^'à peine 
les anciçns foldats Romains auroieni iak 
pour la Patrie. Ils donnerenttout ce qu'ils 
avoient d'argent & de bijoux pour re- 
tenir les Allemands qui menaçoient d'^ 
bandonner l'armée j après un grand con- 
leil , les Généraux encourais j fe déteiv - 



d' E s P A G N E. 267 



fois le jcur de Saint Matthias , vingt- 
quatre Février , jour regardé comme 
heureux par la naiflance de TEmpereur ; 
le Duc de Bourbon , George d'Autri- 
che > Général des Alleman£ , Iç Mar- 
quis de Pe{caire , Launoi, le Marquis du 
Guat , Ferdinand d'Alarcon s'avancent 
fièrement vers les François & attaquent 
leurs retranchemens fur les huit heures du 
matin ; on avoir confeitté à François I. 
de ne point donner bataille, attendu que 
la tbfettc & la défertion détruîfoient 1 ar- 
toée ennemie ; mais ce Prince emporté 
rar ton courage & par les confeils de 
Bonnivet , fort de Ton camp , & fond fur 
les Impériaux. Cette faute mit le com- 
ble à toutes celles qu'il eut à fe repro- 
cher pendant cette campagne ; en effet, 
fon artillerie parfaitement bien fervie em- 
portoit des files entières d'ennemis : il ne 
tenoit qu'à lui de vaincre , fans tirer l'é* 
pée^ La fortune fe déclara pour Bour- 
bon, lesFrançois furent entièrement vain- 
cus; Antoine de Levé acheva leur dé- 
faflre dans une vigoureufe fortie, LeRoi, 
après mille prodiges de valeur fut pria 
cniveri de bleflures . Fe&aJre > avant Vic- 
Mij 



a68 Histoire, 



ùon avoit fait courir le bruit que Fran- 
' 40JS I. étoit réfolu à ne point accorder 
ee quartier à fes ennemis ; cette nt- 
fê excita le courage des Efpagnols an 
point qu'ils Se furpalTerent eux-mêmes. 
La France perdit dans cette malhenreufe 
iournée plus de loooo honuncs parmi 
lefqueis on comptoît Louis de la Tre- 
mouille , la Falice , d'Aubîgni, Sonni* 
vet > & enfin la fleur de la Nobleflë 
Françoife 3 le Rpi.de Navarre , Henri 
d'Albret , Anne de Montmorenci , le 
Comte de S. Paul eui^nt le même fort 
que le Roi ; les vainqueurs ne percèrent 

Xue mille ou douze cens hommes. Lf 
larquis de S. Ange , petit-fils du f^- 
nieux Scandcrberg fut tué , dit-on , de 
la main de François I. Les Généraux de 
l'Empereur admirèrent là grandeur d'à- 
me du Roi prifonnier ; après lui svoïr 
rendu les honneurs dus à fbn rwg .& i 
fa vertu ils le conduifirent à Pizzigitonr 
ne fous la garde dç Ferdinand d'Ala^ 
COQ ; le Koi. dp Nayarre Cç faiiva de & 
prifoB. 

Le bruit de la viûoirc de Pavie^tpnD» 
l'Europe, & répandit la terreiirdançioii> 
%p J'Iiajie. Au Jieu de profiter dp la for» 



d' E s P A G N E. 2(5 j» 

tuoe qui fembloh le coBduire à FEni'^ 
pire de l'Univers , & de paroître en con- 
qu^ant & en vainqueur daâ$ le fein de 
la France où ïl n'y avoit ni troupes , m 
Généraux , Charle» refla dans une inacr 
tion plus honteufe que celle du vain- 
queur des Romains , après la bataille 
de Cannes ; fans doute qu'ébloui par fba 
bonheur f il crut la France accablée fans 
retour. Mais il ne connoiflbit ni les reP- 
fburces des François, ni celles que la 
ialoulie des autres Puiffances contre liû 
leur fournit ; déjà le Pape plein de la 
jufte crainte d'être réduit à devenir l'A u- 
■ mônier de l'Empereur j déjà le Roid'Atï- 
^leterre que h ruine de ta France ein: 
livré k la dôTerétion d'un. Allié trop puïf- 
faut , prenotent dss mefures conjointe- 
ment avec la République de Venife & le 
Duc de Milan pour arrêter le torrent qin 
menaçoit d'inonder l'Europe. Les nou- 
veaux alliés reiKerent en vain de cor- 
rompre Alarcon pour laiflèr échapper 
le RfM. On offrit à Pefcaire le Royaume 
de Naples , & on affure que cette offre 
Tébranfe. It découvrit pounant hii-mê- 
me i Charles les proportions du Pape. 
Frat^ois I. éioit déjà transféré à Nfipler, 
Mii| 



270 HlsTOIKE I 

quand l'Empereur donnx un décret par 
lequel il décendoit les rëjouilTances an 
fujet de la vïâoire de Pavie. Oa m d*>t, 
difoit ît ,/f réjouir ^ue det avofriages rem- 
fortes fur Us Infidèles ^ (è" non fur Us Chré- 
tiens : en même tems il fit fufpendre les 
hollilitës contre la France : k quel def- 
fein î quelle étoît fa politique f Le Roi 
qui ignoroit tout ce qiie fes anois enire- 
prenoient pour fa liberté', demandaàétre 
conduit en Efpagne dans l'efpérance de 
gagner l'Empereur. Il jugeoit de la géné- 
rofité de fon rival pat k tienne ; mais ^ 
.pàneitoit-il arrive à Madrid qu'il s'ap- 

ferçut combien il s'étoit trompé. On 
enferma étroitement dans l'Alcazar*, 
Ôi on le traita prefque comme un prt- 
Ibnnier d'Etat. Avant fon arrivée en Ef- 
pagne ] Charles avoit a^Telnblé fon Coih 
fat, & demandé comment il dévoie traiter 
ion prifonnier. Comme votre Jrere & votre 
Mmi, lui avoit dit l'Evéque d'Ofma , & 
lui rendre la liberté, fans antre conditioa 
que celle de devenir votre Alité. L'impî- 
■ toyable Duc d'AIba opina qu'il falloit le 
retenir en prifon , & conquérir la Fran^ 
ce qui fe trouvoit deftituée du fecours 
de ion Souverûo. 



d'Espagne. 27Ï 

Charles ne luivit aucun de ces deux 
Confeils. II fe comporta avec un Roi , 
comme fait un Corfare à l'égard d'un ri- 
che efclave. Il mit la rançon de fon pri- 
fonnier au plus haut prix , & le força paf 
de mauvais traitemens à la payer au plu- 
tôt. L'Empereur ne fe déreftiina à voir 
le Roi que quand celui-ci attaqué d'une 
maladie dangereufe ocealîonnee par le 
chagrin & l^nnui fut aux portes de la 
morcjCharlescraignantalors de perdre le 
fruit de la viftoire fe rendit dans lacliam- 
bre do Roi. Dans l'entrevÛe de ces deux 
Princes , le Roi die, rons voyez, -votre 
frifonnur. Je vois , répondit l'Empe- 
reur > menjrere & mon ami , & je nejoK- 
haîte rit» tant tjue de vous voir libre & en 
boHne jant'e. Les fuites répondirent mal à 
\ ces belles proteflations , mais au moins 
elles rendirent alors l'efpérance & la vie 
au Roi. 

La Ducheflè d'Alençon , fœur du Roi , 
qui ^toit paffée en Efpagne fur la foi d'un " 
fauf-conduii , pour confoler fon frère , &: 
tâcher de lui procurer la liberté , manqua 
elle m^me de perdre la fienne. On l'eût 
fait arrêter , fi elle fût reftée un inftanr 
de plus que ne lui permettoit le fauf- 
Miv 



fl72 Histoire 

conduit. On dit q^ue François I. déiefp^- 
rantde fê voir fibre à des conditions juf- 
tes> donna à là fœu^un écrit par lei^ael 
il- àutorUbit les Etats du Royaume à cou- " 
ronnér le Dauphin. 

Le héros de Rhodes , ViDiers de l'Ifle 
'Adam , vint alors fcliiciter à la Cour un- 
nouvel établiffement pour fon Ordre. 
Bourbon fercnditauHî dans le mêmetems 
en Efpagne afin d'obtenir le fruit de Ces. 
fervices. On refpeâa le défenfeur de la. 
foi , le malheureux. l'Ifle Adam» & oa 
ne témoigna que de l'horreur pour l'heu- 
reux Bourbon. L'Empereur feul lui pro- 
digua les marques d'amitié *& d'ellime , 
&alla au-devant de luijJ"uivi de tome fa 
Cour ; mais les Grands ne vh'ent qu'un 
traître dans la perfonne du Connétable. 
On fçait que Charles-Quint ayant pro- 
pofé au Marquis de Villena de céder ibft 
palais à ce transfuge ,]£ n'ai rien à rtfu- 
fir à P^otre Majefié , répoadit le Seigneur 
Eipagnol, maii fçachcT^ que quand U féru 
Jorti de ma m&tfon , fy mettrai le feu com- 
me À un lieu devenn infantt par la^perfi- 
die, <è' indiQnt£art habixé var un S»]n 
§ieU. 

Qiarles par un édlt folemineL ordcume 



^ 



d'Espagne. 27J 

aux Maures du Royaume de Valence de 
ibrttr de l'Efpagne dans l'efpace de trois 
mois , ou de recevoir le Baptême. Ce 
qui donna fieu à cette ordonnance ; c*e{t 
que les Maures attiroient les Corfaires 
d'Afrique fur les côtes , & partageoient 
avec eux le fruit de feurs brigandages. 

Le Duc d'Albanie eft entièrement dé- 
lùt près de Rome par D. Ferdinand de 
Cordoue, Duc de Scffà. L'Empereur 
dépouilïe Sforee d'une partie du Mila- 
nez par' les mains du Marquis de Pefcai- 
re. Celui-ci mourut quelque teins après* 
avec la réputation d'un cies plus grands 
hommes de fon fiécle. , 

Pizarre & Almagro , touî'deux pleins" 
de ce courage «piniStre & déterminé qur 
Caraâérifoit.tésconquérans de yAméri- 
que } s'avancent dans la Mer du Sud y 
uns que 1^ vue de leurs compatriotes qui 
eXpiroieni chaque- jour de faim '& de' 
ntCere , pûc ralentir leur'ardeur. L'or , 
ce précieux métal que la terre produi- 
foit , pour ainfi (Kre fous kurs pas , 
les Ibufenoi^ beaucoup plus que l'amour' 
dfe la gloire; Aknagro retourna deux fois 
iPanama pour y chercher de nouveaux 
fecourst Les aobn que là découverte 



574 Hl STO IR B 

de l'Amérique proctiroit à VEÇptigaeSc 
au Portugal, ât aufll naître aux François 
& enfuite aux Anelois l'idée de fonner 
des établiUêmens dans le nouveau Mon- 
de. Mais ils ne firent que glaner dans le 
valle Champ , ou les £fpagnols & les 
Portugais avoient moifConné. François !• 
ibus les aulpices duquel Verrazani & 
Jacques Cartier découvrirent peu-à-peu 
le Canada, & les parties Septentriona- 
les de l'Amérique , difoit plaifamment : 
> Quoi , le Roi d'Ëfpagne & celui de 

■ Portugal partagent tranquillement en- 
* tr'eux le nouveau Monde , fans m'en 

■ feire part ! Je voudroisi bien voir l'ar- 
>ttcle du'teftament d'Adam qui leur 
» lègue l'Amérique. « , 

Le Roi de France recouvre fa Eberté 
par te moyen d'un traité qu'il figae à 
Madrid j il renonçoit à fes prétentions fur 
Kaples, le Milanez, Gènes & A&:, àfa 
fouveraineté fur la Flandre ôcTArtoi», 
il devoit céder le Duché de Boureo§?ie > 
& il promettoit d'époufer la ReineDouat- 
ïiere de Portugal, Eléonore d'Autriche. 
Il aima mieux donner en otage fes deux 
. fils aînésqu'un certain nombre de Tes plus 
]iabUes Genér^vx aue rÇoipeieur lui de- 



d'Espagne. njf 

manda. On dit qu'il protefta fccreite- 
meat contre ce traité. Feu de tems après 
Launol vint en demander l'exécution. 
François I: pourtoute réponfe le fit aflif- 
ter à une audience des Députés de Bour* 
gogne qui déclarèrent au Roi qu'il n'a- 
voit pas le pouvoir de démembrer aucun 
ne Province de la MonarcMe. Launoi ' 
eut encore la mortification d'entendre 
publier la Ligue Sainte. G'étoit une al- 
uance entre le Pape , le Roi de France , 
la République de Venife , François Siot- 
ce Duc de.Milan & toutes les Puiflance» 
de l'Italie pour arrêter les progrès de 
l'Empereur. On donna à cette alliance 
le nom de Sainte , parce que le Pape en 
étoit le chef; le Roi d'Angleterre ea 
fut déclaré le proteâeur. Dans un autre 
Pays que l'Europe , & en certains fiécles 
l'inexécution du traité de Madrid eût pft 
coûter la vie aux deux Princes François.. 
Le. 'Cardinal Volfey avoh' détenmné 
Henri VIII. à favorifer la France. Le reP 
fêntiment eut plus de part que la politi-' 
que à la conduite du Miniure Anglois.» 
Depiiis la viâoire de Pavie Charles a'é>* 
envoie plus de fa ptopre main au uvorir 
du Roi d'Angletésre , -& im iîgnaît phis: 



orjS ■ Histoire 

en lui envoyant des. lettres , votre FtU & 
Conftn, Il feut obïêrver que Volsey étoit 
Ëis d'un Boucher, 

- L'Empereur époufe f Infente Ilàbelle 
âe Portugal, la plus belle Frinceflë de 
^Europe , & donne une forme durable 
anx ConîeUs d'Efpagne âcà l'étiquette 
de fa. Cour. Les Maurcs-de Valence re- 
Çoîvettt le Beptérae plutôt que dâ con- 
-fentir à quitter leur délicieufe patrie. Vi 
parut enfuite un édit qui pardonnott aux 
Maurifques-, c'eâ-à-oire, aux Maure» 
conTt^iïtous lei erimes. commis depuis 
27 ans contre b Rebgkn» Chrëtien- 
ite:e'étc»t pour fouftraire aux. flamme» 
de rinqtûiiïion la plupart de ces mal- 
heureux qui étoient feccettement atta- 
chés à l'Alcoran. Mais en m^me-tems 0» 
leurîntetdifoit la Langue Arabe, le pou- 
voir de porter de^ noins Maures , les an* 
ciensufages de leur Nation , le port-de» 
armes:, la ti^nflation de dlemeuric fous- 
peine d'être recherchés par l'I'nquifition. 
On établit alors, ce Tribunal odieux à 
Grenade. Cet édit confterna les Maurif- 
■êpes prodigieufement attachés, i leurs 
u£ic;c^ ! lia. Cour reçut d'ettx huit cenc 
nùlu ducats ^ur orodéter la rigueiw 
^s édita*' 



BourBon part pour PItalie avecrin- 
vefttture du Milanez dont S£cM:ce eft dé- 
claré déchu pour avoir accédé à ta Ligue 
Sainte. Les Pùi&nces ennemies vou- 
toient obKger l'Empereur i relâcher les 
deux Princes François, moyennant- une 
rançon, i renoncer au Royaume dé Na- 
ples , à fe défifter de l'article qm tur eé- 
doit la Bourgome , à tirer fes troupe» 
du Milanez, an' en point faire entrer eir 
Italie , à payer au' Roi d'Aneleterre leï 
fbmmes confeiërables qu'il lui devoir. 
Avant que de pouvoir réduire Gharlcs- 
Quint à accepter de pareilles conditions ,' 
il falloit lui faire éprouver les mêmer 
(Ufgraccs qu'à François I. L'Empereur 
noenaca le Pape- d'aunobUr uq Concile- 
pour le dépofer. 

Le» Atauvifques du Royaume de Va- 
lence perféootes par l-'Inquilîtion ; k fou- 
levent ^ Se éM&nt uh Roi qui le &it ap* 
pellet SeTim' Almanzor. he^ Due de Se* 
gorbe eut la gloire de les vaincre , & de- 
pacifierceRoyaumeiGepeTidantlesirou- 
pes ElpagnoKS qui ïnondoient le Mila- 
nez exeroiîeBt les plus afireux ravages. 
Les cbâteami de Milan & de- Lôcfi oa^ 
^[ncenc leurs portes- au Doc- d-'l^Uà ^ 



378 Histoire 

Général des Puillances Italiesnes ; 
'maïs une poignée d'ETpagnols & d'Al- 
lemands le fit échouer dans fes au- 
tres, entrepriies. Après avoir en vain 
rfTayé de détacher le Pape dé la lî- 

rie , Dom Hugues de Moncade entre 
Rome avec des troupes pour enlever 
le Pape , Clément n'eut que ^e tems de 
fe fauver dans ie château Saint Ange 
où il fouifiit un fiége j il obtint une 
fufpinrion d'armes de trois mois par 
l'entremife de l'Ambafladeur de Portu- 
tugal ; lei troupes de la l^igae Sainte 
n'ofent paroître où font diflipées par- 
tout ; Bourbon à la tête de cinquante mil- 
le hommes devient ta terreur de l'Italie. 
Florence , engagée dans la Ligue , lui 
demande grâce , & lui offre cinq cem 
mille ducats , il en ex^a uft miOion. 

Le Roi d'Hongrie LadJâas^eft vaincu*' 
& périt dans la rameufè bàtiille de Mo* 
bats , livrée contre Solyman. L'ArchiduQ 
Ferdinand lui fucCéda. dans. lés Royau- 
mçff d^Hongrie & de Bohçme , ia chef 
de.fon éppufe AnneJagetlon, £eur du 
malheureux LadiUaSp Ainfi lés alUances- 
c& les.armçirëndoient enAioina de dix 
ansUJVla4rqii.d'Aati3cbema£crefie deb 



D* E s P A G N E. 279 

moitié de l'Europe , de l'Amérique & 
des Côtes d'Afrique. 

LesPortugaisétabliflênt des ColtHiies 
dans leBremune des contrée; les plus 
fertiles de l'Amérique. On ne connoif- 
fott pas alors les mines d'or & de dia- 
mans qui furent découvertes vers I700t 
les mines d'or feules foumiCent traque 
année quarante millions , mau ces focw- 
mes immenfes pa0ent toutes en Angle- 
terre qui s'eft emparée de tout le com- 
merce de Portugal ; on ne conçoit pas 
comment les derniers Rois de la Maifon 
de Bragance ont pu fîgner des traités qui 
les rendent dépendans d'une Puiflance 
étrangère ; qu'eft-U arrivé de ces traités 
diélés , d'un, côté par l'avidité & la pluS- 
fine politique , reçus de l'autre par l'io- 
dolence ? La culture des terres , l'exerci- 
ce des ans a été preiqu*abandonné en 
Portugal. Le Gouverneur de la Ca^illft 
d'Or, au lieu d'envoyer des iecoursià 
Fizarre ^dépêche un v^iffeau pour. I9 ^ 
mener 1^1 & fes compagnons y taai; qi* 
trouvoit Ton projet tnfenfê & imprati-' 
cable; l'intrépide PizaiM^fufa de rçr 
touïtier^i, Pansœ?; j^^;4çh* .PÇaW .£<-> 
pagnols quiravoientruivi,. il o,'i)^,«j^ei^ 



Histoire 



oue ttéts Qui ne l'abandonnèrent point } 
il attendit aans \'îûe de Oorgonne d'air- 
tres fecoors^ : enfin- il reçut un vaiffeau 
de fes a&ciës fur tequet il gagna le Pott 
de Tumbez. lÀ il apprit qu'il étoit aux 

Fortes du Pérou le plus riche pays de 
Uïùverï. 
L'Empereur attaqué par toutes les 
;i5'27.PuiffancesderEurope,&nors d'état d'ê^ 
tre fecoupU par Ferdinand'qui étoit alors 
en guerre contre les Turcs, demande de 
puiifans récours aux laj Cortei de CaftîIIe 
aflemblës à Valladolif; tous les diflë* 
rens Ordres kiîen i;efu{èretir; le Cler- 
gé ,- parce /ju^il nrpimvoit , dHbit-ir, dip 
pofer dii bitm conftieris k la Séligùn ; h( 
Koblefle parce qu'elle (Sérogcrok if« 
ptivUéges- en payant un tribut , & 1^ 
Tiers-Etar parce que n'ayant pas en- 
core payéun don gratuft de-quatre-centf 
-mille micEits accordé' au Roi' pourfon- 
«arîage , it hiiétoit impofliMe dcfouP- 
iili< ^ nouvel Ibmmes ; l'Empereur» 
■ quoique très-m^çootent j ftignit de^trou- 
vér boBnes-le8raifensdeï&-Sû|etr. Ccff 
pouria' ^VeitiftH: Ibis ^e Tes diffëreitj 
ÔrdfésfarmeirÇtifâwGorps'^éarë-ifai* 
fei^Etatft;- - il' '-in- ■ ■"' •■>r'^'- '^'"- 



d'EsP A G WE. 281 

Cependant ks troupes n'étoient point 
payées en Italie , & il y avoit lieu de 
craindre un foulevement ; dans cette ex- 
trémité , peut-être pour le les attachera 
luifeul, Bourbon leurpromit le pillage de 
Florence & de Rome ; il paffe en Tofca- 
ne avec trente mille hommes , laiiTant 
Antoine de Levé dans le Milanez pour 
s'oppofer au Duc d'Urbin; les confédé- 
rés avoient encore une autre armée fous. 
les ordres du Cardinal de Trivulce ; Do- 
ria menaçoit le RoyaBme de Naples , & 
le Roi de France devoit envoyer des 
troupes commandées par Lautrec. Mai» 
toutes ces forces mal conduites , éloi- 
gnées ou mal difcjplinées ne raffuroient 
point le Pape qui, foit pour gagner du 
tems , foit dans la crainte ennn que les 
Puifiances Italiennes ne pufleni fauver 
Rome , négocioit avec Launoi , & fîgnar 
une trêve Te quinze Mars par laquelle 
U promettoit de l'argent & fes bons offi-' 
ces pour la paix générale. On fignifia 
cette trêve ï Bourbon qui n'y eut aucun 
égard. Les Allemaniis manquèrent mê- 
me de maffacrer Launoi , porteur de cet- 
te nouvelle. Aprts avoir infolté en vain 
Vumz , PUifance & Floi^oca , Bourbon 



âSi Ht STO IRE 

tourne tout à coup vers Rome , trompant 
le Duc d'Urbin qui le fuivoit , 6c ga' 
gnant fur lui trois Jours de marche. A 

Seine fut-il arriré devant la Capitale du 
londe Chrétien , qu'il Tefcalada enplein 
jour ; mais c'étoit aux murs de Rome 
que la mort l'attendoit , il reçut un coup 
mortel en pofant lui même une échelle. 
Il n'en coûta guères que le fang de ce 
grand Capiuine pour vaincre. Quelle 
rénftance au refle les vainqueurs de Pa- 
wie pouvoient-ils attendre d'une multi- 
tude de Citoyens , qui n'oppofoîent â 
leurs courage emporté que des coupt 
mal alTurës , & des cris confus ? Les Im- 
périaux fans artillerie , emportèrent donc 
en peu de temsRome d'aflaut. Le Pape fe 
fauva au château S. Ange avec 1 3 Cardi- 
naux, fie avec tes AmbalTadeurs deFrao' 
ce Se de Venife. Les Efpagnols & les Al- 
lemands fe fignalerent par toutes fortes 
d'excès. Ces derniers qui étoient pref- 
que tous Luthériens tournèrent en ridi- 
cule les cérémonies de l'Ëglife 1 & tra>- 
terent avec une infolence inouïe les Pr^ 
lats, les Eccléfiafliques & les femmes. 
Le pillage & la défolation ne durèrent 
pas un jour ou deux*, comme à l'ortU* 



d'E s P AGN E. 28 J 

naîre , mais pendant neut mois entiers. 
Le butin fut eftimé plus de cinquante 
millions y ce qui en ferok aujourd'hui 
près de trois cents. Rome , la plus riche 
Ville de l'Italie renfermoit dans Ton en- 
ceinte des tréfors immeirfes , fruit de 
plufîeurs flécles d'abondance , de la libé' 
ralité des Rois , & de la piété des Peu- 
ples Chrétiens. Le Pape fut obligé de iè 
rendre i difcrétion. Le Duc d'iJrbin qui 
campoit à quelques lieues de Rome , vit 
le fac réitéré de cette Ville , fans en être 
ému. Il £atlutque le Pape promit de payer 
400000 ducats , d'abandonner à l'armée 
viftorieufe les meilleures Places de l'E- 
tat Eccléfîaflique , & de livrer pour ota- 
ges tous les Cardinaux pour obtenir fa li- 
berté. Ceux-cîi& le f ouveraîn Pontife kife- 
même, furent traités indignement. Ferdi- 
nand d'AIarcon , homme dur & £éroce \ 
qui on avoir confié quelques années au- 
paravant la garde de Françoisl. fut char- 
gé de la même commiflîon à l'égard du 
Pape- La famine &: la pefle , fuites d'une 
guerre fi cruelle achevèrent d'extermi- 
ner les malheureux habiians de Rome. 
Les vainqueurs devinrent auflï pour la, 
plApan les vidimes de ces deux funefle» 



aS^ Hi s T o I K B 

fléaux. Launoi mourut au lieu de Tes 
fuccès. Hugues de Jiiloncade qui lui fîic- 
céda dans la dignité de! Vice r Roi , rs 
pouvoit coiiMoic ks AUemaads & les 
Efpagnols qui chaque jour en Tënoiefit 
aux mains. Charles -; Quint apprit avec 
une )oye fecrette qu'il ne pue pour- 
tant diffimuler la prifedeKome & cel- 
le du Pape. . Il poufla l'hypocrifie an 
point d'ordonner des prières publiques 
pour la délivrance de Clément , com- 
me 11 ce Pontife eût été détenu à Con^ 
tantinople ou à Alger. Il défendit qu'oa ^ 
célébrât la naifTance de fon fils Philippe, 
mpemiam, difoit-U., ceiifemir à de} Aé- 
monfinaicni de joye , landn tfne l'Egliù 
itoit dans la deultur par ta captivité a$ 
fin Chef. 

Lautrec entre en Italie avec 50000 
hommes, tout plia d'abord ffHisfes armiesi; 
■fl emporta Pavie d'alTaut , Tes foldats ven- 

«erem en ro.^me- tems le Roi , U P^e fit 
.ome,en faifant éprouver à cette Ville les 
mêmes maux que Rome venoit d'efluyerj 
il s'avança jufqii'à Boulogne pour délivrer 
le Pape. Mais Clément ennuyé de la pri- 
fon , avoit déjà figné le traité fwiefte , aa 
moyen duquel il recouvra la liberté. Pic 



..J 



d'E s P AG N E. 28f 

'Xarre pafle en Efpagne , & obtient de la 
Cour le Gouvernement des Pays qu'il 
avoit découverts , 8c qu'U pouvoir dé- 
couvrir dans la fuite aux conditions or- 
diocûres , ^e faire à Tes dépens les frais de 
Tiexpédicion. Ses quatre frères 6c plu- 
lieurs Efpagnols le fuivirent à Panama ; 
mais il fe pafla quatre ans entiers avant 
que cet ïUuflre Aventurier pût raflembler 
des forces fuAilàntes pour tenter la con- 
quête du Pérou. 

Cependant les EfpaKnols s'aficrmi^*^ 
.ioient de plus ea plus dans leurs vaftes 
pofîe^DS 4e l'Amérique , malgré les 
brigandages des François & des Anglots 
qui commençoient à infefter ces Mers; 
maïs ces Corfaires ne faiibient tort qu'au 
Commerce & à quelques Particuliers , en 
enlevant de tems en tems des vaiffeaux 
nchement diargés : ce ne fut que plus de 
cinquante ans après que les AJiglois ofe« 
lent attaquer les Colonies mêmes. 

Ijes Rfâs de France & d'Angleterre IT^S. 
déclarent la guerre i i'Empereur avec les 
cérémonies Us plus folemnelies ; l'Empe- 
rcur irrité fit retentir l'Elurtme d'injures 
j& d'inveflives contre François I. &: le Hé«- 
fia à un combat fm^lier i le Kot de Fiaiu 



285 Histoire 

ce Téponc^t par des injures & un défi. Les 
Héros d'Homère dans leurs querelles , 
Antoine & .Cicéron fe traïtoienc aîlïfi 
au aiûiea du S^nat de Rome , mais ni les 
uns ni les autres ne Te provoquoient en 
duel; les Rois joignoient donc alors à la 
dureté des mœurs des Anciens les défis 
nés dans le fein de la Chevalerie fie de la 
barbarie. Au relie , cette fcene étonna & 
fcandalifa moins l'Europe qu'elle ne la 
prévint peut-être en faveur des deux ri- 
vaûxi la Chevalerie confervoit foo éclat, 
&leshonuiiesn'adniîroientrîen tant alors 
dans les Rois qu'un courage de Soldat. 
- Lies Jas Corui aflemblés i Madrid re- 
connoUTent le Prince Philippe héritier de 
la Monarchie; on renonvella auflî dans 
ces Ut Cartes la Loi qui excluoit les 
Etrangers des dignités , des bénéfices & 
des penfions EccléflaHiques ; on ne 
croyoit pouvoir prendre trop de précau- 
tions contre la prédileftionfmguliere de 
l'Empereur pour les Flamands fes Com- 
patriotes à qui il auroit voulu confier 
tous les emplois de fes vaftes Etats. 

Lautrec uiivi de y oooo hommes entre 
dansle Royaume de Naples dans l'efpé- 
rance d'en &ire rapidement la conque te j 



D* £ s P A G N E. 287 

U eut en effet d'abord les fuccès brillaoc 
qui fignaloîent alors tous les comnieB- 
cemens de campagne des François. Le 
Royaume entterfut fournis, excepté la ca- 
pitale qu'il affi^ge. Le Prince d'Orange , 
MoDcade , Alarcon , du Guat , Gonzague 
& les refies de l'armée du Connétable de 
Bourbon la défèndoient. Philippin Doria 
bloqucût cette Ville par mer avec la flot- 
te de France. De ce -fiége dépendoit la 
deftinée de l'Italie ; il s'agi0pit de fçavoir 
fi Charles V. ou François I. en auroîc 
l'empirei D'abord les François k flatte* 
rent avec raifon de vaincre ; Philippin 
Poria défit entiércmeat la flottp de Hu.- 
gués de Moncade. Le Vice-Roi fut tué 
dans le combat. Les Allemands fe foule- 
verent dans Napics ; le Duc de Brunf- 
Tick venu en Italie avoc; une armée au 
fecours de l'Empereur , fe vit contraint 
de fe retirer. Les aâaires de -l'Empereur 

Saroi^oient défefpéiées , mais la fortune 
e Charles combat encore pour lui. An- 
dré Dpria abandonne le parti de la Fran- 
ce » & fauve par fa fatale défertion le 
MUanez \ fon nouveau mai^e. La peQç 
fe iQet dans l'armée FrançoUe , Se achevé 
4^ ftoçwçf UD tjiompiit; comp)» i TET» 



288 Histoire 

pagne ; Lautrec mourut attaqué de la 
.coniagion , le Marquis de Saluces qui lui 
iîiccéda, leva le f^ége quinze jours après. 
Pour comble d'hifortune il fut vaincu 
dans ùi retraite, & contraint de fc ren- 
dre avec toute fon armée. Ce Général , 
Pierre Navarre Se les Officiers prind- 
paux dévoient relier prifonmers jufqo'i 
xe qu'on eût rendu les Villes du Roya- 
me de Naples qu'on avoit conquifes au 
■commencement de la campagne. On pré- 
tend qu'il ne retourna pas un feul Fran- 
çois dans fa patrie ; Pierre Navarre fiit 
exécuté en prifon comme traître & dé- 
ierteur , peHbnnage digne d'un meil- 
leur fort par fes talens & fes viétoires ; il 
eft confiant qu'il n'embraflà le parti de 
ia France que lorfqu'il vit que le Rw 
d'Efpagne ne voutoit point le- racheter; 
d'ailleurs étant né en Navarre avant que 
ce Royaume fût fubjugué par Ferdi- 
nand , comment Charles V. pouvoit-il 
le regarder pour fon Sujet ? André Doria 
a l'habileté d'enlever Gènes fa patrie aux 
François, & la gloire de lui rendre la 
libéré fous la proteflîon de l'Empereur. 
Antoine de Levé défendoit toujours le 
Milanez avec fuccès contre la France & 
Venife, Pizarre, 



d'Es P A GN E. 285 

Fizarré'j pour animer les Efpagnols 
à la conquête du Péroupublie fur la foi 
des Indiens que c'eft la Réejon la plus ri- 
che de l'Univers. En effet , Por & 1 argent 
s'y trouvoient en fi^r^nde quantité qu'on 
lesemployoitauxmânesuiagesquelefer 
jSc^é cuivre en Europe ; les pierreries y 
^toient extrémen^eni conununeSj & n 
fertifité-de la terre , foufce des Véritables 
richeffes, répondoitenplufieurs endroits 
i l'abondance de ces précieux métaux ; 
.Tiza^e ajpuioit que cet Empira , quoi- 
.qù'^tendu deprès de trente d^rés, pou- 
voir ^tre concis facilement , parce que 
.deux frères, î^ls du dernier Empereur, 
s'en .(lifputoicni la poffeffion par des 
gaerrés[ cruelles; ■ 

L-Empereur fe rend à Barcelonne où IJ'^p. 
il conclut un traité avec le Souverain 
Pontife dont içs principau:^ articles por- 
toient qu'Alexandre de Medicis , neveu 
jdu pape ëpouleroit Marguerite , fîjle na- 
turelle del'Empereur,& qu|ilauroit Flo- 
rence à titre de fouvçraineté ; que tout 
ce qui avoit appartenu au S. Siège lui fe- 
.roit xeflitué;. que Sforce feroit rétabli 
.daiis le-Milanez. Le Pape enfin confir- 
mott ai Chartes le 'drok dp nommer à tous 



ayo Histoire 

les bénéfices de l'Efpagne & du nouveau 
Monde , confentoit à le couronner Em- 
pereur j à lui donner llnveftiture de Na- 
ples , fie it accorder le pafTage par l'Etat 
Ecclefiaftique aux troupes Impériales 
toutes les rois qu'il en feroit requis. 

Antoine de Levé toormènte par la 
•goutte, & porté fur un brancard > fur- 
prend» àiLandrianne, flccombatl'aroiée 
Frànçfwfé commandée par le Comte de 
S. Paul i le Général François y fut pris . 
& toute fon armée détruite. Tant «e re- 
vers joints à la nouvelle de la néëocii- 
tion du Pipe avec^l'Émpereur','& ^ '> 
dureté avec' laquelle oii traitoit en Efpa- 
gne les deux Princes'qui étoient in 6ta- 

Êe , déterminent enfin François I. à faire 
1 pàx. Après un mois de conférences, 
elle 'fut coftclué à Cambrai , le traité 
de Madrid en fut la bafc. On n'y dérogea 
■que par rapport à la ceflîon de la Bour- 
gogne qui refta à François I. avec la 
claufe que s'il avoir des enfans d'EIéo- 
nore d'Autriche , le Duché leur feroit 
dévolu. Le Roi payoit deux millions d'é- 
' eus pour la rançon de fes fils. Toutes le» 
Puiflances de l'Europe furent comprife 
dans ce traité , excepté Venife Si. fh- 



Et' E s P A G N E. 



rence que l'Empereur ne voulut point y ' 
admettre.. 

L'Empereur s'embarque le vîngt-fept 
de Juillet pour Gènes , fuivi de l'élite de 
la Nobleffe de tous fes Etats. Il avoît 
laiffé la Régence de l'Efpagrie à l'Impé- 
ratrice fon époufe. On dit que le Pape 
lui avoit ofFert de paffer enElpagnç pour 
s'aboucher avec lui, mais Charles pré- 
féra de fe rendre en Italie , afin d'y rece- 
voir la Couronne des mains de Clément, 
Cent vingt-neuf Députés de différentes 
Villes l'attendoient à' Gènes; il avoit en-» 
viron foixante mille hommes dans l'Ita- 
lie que les François venoient d'évacuer , 
de iorte que tout le Pays étoit à fa dif^ 
crétion. De Gènes il fe rendit à Plaifan- 
ce. Avant que de mettre le pied dans 
l'Etat Ecclefiaftique , il jura entre les 
mains d'un Légat de ne rien entrepren- 
dre contre le S. Siège , faufs les droits de 
l'Empire; il entra en triomphe dans Bou- 
logne , il pouvoir entrer de même à Ro- 
me , & y rétablir le thrône des Céfars. Le 
Pape & l'Empereur eurent une entrevue 
dans laquelle ce.dernierjfuivantl'ufage, 
baifa ' les pieds 6c les mains du Pontife 
qu'il avoit f; fort humilié. Celui-ci obcitit 
Nij 



Histoire 



^ paix pour les Vénitiens, mais lï leur 
en coûta cinq cent mille ducats i Sforc? 
£ut rétabli dans le MiUnez , ^près avoir 
demandé à gçnoux pardon a l'Ennpe^ 
reur, & s'étpe ibumis a un tribut de deuiç 
cent mille ducais. Le Duc de F^rrare 
teçùt suflî grâce de l'Empereur ; la feule 
République de Florence n'eut point de 

fart à fa clémence, elle fuc-faciifiée à 
ambition de la Mailbnde Médicis, & 
au befoin que Chjtrles croyoit avoir du 

Tandis que Charles donnoït ainfi des 
loix à l'Italif , & rempliSbic l'Univers 
de fan nom , le célèbre Barberoufle rar 
yageoic les côtes du Royaume de Va- 
lence , & rempprtoit une vîtftoire comr 
plette près de Tldç de Fromentçra fur 
Rodrigue Fortondo , Général de la flot- 
te de l'Empereur i mais la nouvelle de 
ia, levée du fîégp de Vienne après quar 
rànte jouis de tranchée ouverte par So- 
iyman , expédition qui coûta, aux Turcs 
plus de cent mille hommes , teippéra le 
chagrin que J'Empereur avojt conçu dç 
la défaice de Porcondo j & fit évanouir 
fes inquiétudes au fujet defon frère ^ORt 
le ïbr^oe p»roi(ibit|tiçf pI^, 



û'Es P A G N E. 2j?3 

Avant que de parler de la conquête 
du Pérou, il eftbon d'obferver que cet 
Empire fournis à une race de conquérans 
appelles Incas , étoit habité par des hom- 
mes d'un caraflere fort doux, & civilîfés , 
depuis quatre (iécles par plufieurs Souve- 
rains, qui, quoique derpoiiques, avoient 
tous travaillé à les rendre heureux Se 
puiflans ; perfonne n'ignore qu'ils avoient 
iuppléë à l'ari décrire par des nœuds ap- 
pelles Quipos, qui par leur arrangement 
oépofoient à la poftéritë les aftions de 
leurs ancêtres. Leurs Loix pleines d'hu- 
manité & de fageffe étoient refpeflées 
parmi eux comme émanées de la Divi- 
nité même. On puniflbit de mon le vol , 
l'homicide , l'adultère & la polygamie. 
Leur idolâtrie étoit moins grolfiere que 
celle des autres Nations , ils n'adoroient 

3ue le Soleil & la Lune , Us confacroîent 
ans les temples de ces deux Divinités 
une infinité de filles du fang Royal ; mai* 
ils ne facrifioient point de viftiraes hu- 
maines , pas même des animaux. Le ma- 
riage du irere avec la lœur n'étoit point 
regardé comme un crime. Leurs moeurs 
& leurs coutumes relTembloient alTez i 
celles des anciens Ferfes. Le Souverain 
Niij 



254 Histoire 

avoit feul le droit de cholOr quelques 
Concubines parmi les plus belles filles de 
l'Empire. Les monumens qui nous res- 
tent de la l^gillarion , de la magnificence 
Se des exploits des Incas comparés k la 
ftupidité des Péruviens d'aujourd'hui , 
font voir combien ce Peuple a dégénéré 
depuis qu'il a été fournis à une PuilTance 
étrangère. 
traO' L^ P^i^ d'Italie , concertée entre le 
Pape & l'Empereur , eft publiée à Bou- 
logne le premier de Janvier. Outre les 
Rois de France , d'Angleterre , de Hon- 
grie, de Pologne, de Portugal & d'E- 
cofle , on y avoit compris les Ducs de 
Milan , de Ferrare , de Savoye , de Maa- 
coae & ji'Urbin , les Républiques de Ve- 
nife , de Gènes , de Sienne & de Luc- 

2ues ; en un mot l'Europe étoit pacifiée. 
>n ne craignoit plus que Solyman & le» 
Luthériens connus depuis l'année précé- 
dente fous le nom de Protefians , pour 
avoir protefté contre un décret de la 
Dietede Spire quileurinterdifoit l'exer- 
cice de leur Religion. 

Depuis Charlemagne on n*avoit pa5 
TU de Prince auiTt puiCant en Europe 
>çLue l'étcât Cliarles-Quiac , dief de l'Eu- 



d'Es f a g ne. 2gy 

S 'ire , pafleffeur de l'Efpagne , de Naples, 
e Sicile , de Sardaîgne, des Pays-BaSj du 
Comt^ de Bourgcig;oe , de deux Empires 
& de TÎDft Royaumes qu'on luiconqué- 
roit dansle nouveau Monde , des côtes 
d'Afrique, appuyé par fon frère qui étok 
maître de la Hongrie , de la Bofaême & 
de l'Autriche. On peut dire que Charles 
marchoic à grands pas à la Monarchie 
univerfelle. Il n'y avoit dan* le refte de 
l'Europe que des Rois &)itiles ou mal- 
heureux. La France ^oit épurée d'hom- 
mes & d'argent , l'Aneieterre fans mari- 
ne , l'Allemagne divilee , les Royaumes 
du Nord en proye aux guerres les plu» 
fâng^antes , la Ruflîe & la Pologne plon- 
gées dans la bailiarie. Ce qu'il y a de fin- 
l^ulier, c'eil que Charles^Suint n'avoit 
presque coHtrïbué en rien a l'accroilTe- 
ment prodigieux de fa puiflànce. Il dé- 
voie tout à les MiniAres (4) & à fes Gé- 

{ài Void Its nonu le fei MiniAm, le Cbancdier 
Gianari , le Duc d'Albe , le Contt de NalTau , le 
. Duc de Bc]ar, l'ArcbcvéquE de Tolède^ les Evjquei 
de J'en 3t d'Ofmi. Se> G£n£raax étoisnt le Coonf t^, 
ble de Bourbon , le Mirquii de Pefcaire . te Prinie 
d'Orange , AntoÏDe de Levé , Le Mits»" ^" -(■uiic , 
Ferdinand d« Gonxague , MoQude , Launoi , Andrî 
D9rU,Ie Dgc d'Albe , Ferdinand d'AUrcon, Philip. 
pc Doo», *c, Qaelquei-un! dé cej Généraux étoiclK 
moiO dau le temt ioat jt piile. 

Niv 



2p6 HlSTOIBB 

néraux les plus habiles Iquî fulTent dans 

l'Univers. 

On lui reproche comme une faute.eP- 
fentielle d'avoir donné alors l'ioveÔiturê' 
de Florence à Alexandre de Médicis , au 
Heu de la donner à fon fils Philippe. Char- 
les eft couronné Roi de Lombardie avec 
la couronne de- fer, & Empereur des 
Romains avec la 'couronne d'or. Cette 
cérémonie qui fe fit à Boulogne auroit dû 
fe faire à- Milan. Jamais on ne vie tant de 
Souverains , de Princes , d'Ambaffa- 
deurs & de Grands Seigneurs réunis en- 
femble. L'Allemagne , l'Efpagne, l'Ita- 
lie , les Pays-Bas , en un mot , l'Europe 
entière avoit les yeux fixés fur Charles- 
Quint; mais au milieu de tant d'éclat & 
de grandeur , il fallut que ce Prince tint 
i'étrier & la bride du cheval du Pape. Un 
accident fâcheux manqua de troubler la 
fête. A peine l'Empereur étoit-il paffé 
dans l'Eglife- Métropolitaine par une ga- 
lerie de communication, quç cette galerie , 
tomba , tuâ & bletfa plufieurs perfonnes> 
Charles cède par une donation folem- 
nelle à l'Ordre de S. Jean de Jéru&leat 
les Mes de Malthe , de Goze , & la Ville 
de Tripoli , fous 1^ condidon de lui en-' 



d'Es PA GN E. 



voyer tous les ans ua taucon. Une Colo- 
nie de ces braves ChevaUers étoit une 
barrière pour Naples &c la Sicile contre 
les Africains. L'fjnpereur , après avoir 
établi folidement fa puifTaace enitaliepar 
fes armes, fes bienfaits &: des traités , 
|)art enBD pour l'Alleiq^gne , & rencon- 
ueàlnfpruckfonfrcre, le Roi de Hon- 
grie. 

D'abord il convoqua une dtete à Auf- 
bourg dans laquelle les Luthériens lui 
préfemerent leur confeUion de foi qui 
ellfî fameufe dans l'Hiftoire fous le nom 
^e Confeffion d'Aulbourg. L'Empereur 
comprit que le feul moyen de les rame- 
ner a l'EgUfe Romaine , étoit de convo- 
quer uB Concile général ; mais il y avoit 
bien des obftacles à vaincre fur-tout du 
côté de la Cour de Rome. Les Princes 
' Froteftans d'Allemagne qui avoient pour 
. chefs , le Duc de Saxe & le Landgrave 
de Hefe-Caffel pénétrèrent le deffein de 
l'Empereur qui fongeoit à employer la 
force pour leur faire reftituer les. biens 
, de l'Eglige , & pour les contraindre de 
' re tourner à la Religion de leurs ancêtres. 
E n conféquence ils s'alTemblerent à Smal- 
calde , Se fisnerent entr'eux une ligue Le 
Nv 



apS HtSTO IR E 

vingt-deux Décembre pour la liberté Ae 
«onfcience. Ils déférèrent aux Rois de 
îFrance & d'Angleterre la qualité de pro- 
teâeurs de leur affociation. Ces Princet 
l'acceptèrent avidement. Il etl: bond'ob- 
tèrver que chacun d'eux Ëiïtôit brûler 
îiBpiioya'blemeB&dans fes Ëtats tous let 
'Seâateurs du Lutbéranif[D&. Mais il al- 
lait arrêter le cours des profpérités de 
i'Erapereur dont la puiffance excitoit 11 
jaloulle & l'inquiétude des -deux Rois, 
ajjl. Ferdinand eft élu Roi des Romains i 
Cologne > & couronné -à Aix-la-Cha- 
pelle. L'Empereur lui avoit donné l'an- 
née ■précédente 'i'invèditure de l'Auiri- 
-rfie 8c des Provinces héréditaires. La 
•ceffion ^ie cet Atchiduché , le plus an- 
"cien patrimoine de fa MaJfon eft mife m 
' nomoTe des plus grandes fautes de Cbaf- 
'les V. Mais en étoit-<e une moditscoolî- 
dérable d'avoir élevé Ferdinand à la di- 
ignité de Roi des Romains ? On croit que 
l'Empereuf ne lui procura «ette dignité 
îquecomme un dépôt, "& qu'U fe Satta 
"toujouTs d'engager ïon frère à la céder, 

auand il ferdït tems , à Philippe , Tiériiier 
u ^r&ne d'EIpagne ; mais Charles k 
iBUntpa -àMa ies apérances : fftrdmanj 



b'EsP A G N É, 



;fe trotiyoit trop bien de Vexpeôarive dç 
l'Empire pour y renoncer; n'a illeurs les 
Allemands efïrayis de la puiflance dont 
Philippe devoir louir un jour, n'euffent 
jamais confend a l'édiangetr avec FerdiT 
-nand qui fe. trouvoit aulU pui^Tani qu'il 
ialloit l'érre pour défçndre- l'Alleipa- 
;gne contre les Turcs, & qui ne l'étwt 
^s alTez pour afTervir le Corps Germa- 
^que ; quoiqu'il en foit , i'Ëixipereur fis 
repentit de la précipitation dç fes mefu- - 
tes , lorfque dans la fuite i) prodigua -^tl 
tvain les careiles , l'éloqqence & les pro- 
mellès pour faire estrer ^tns Ces vûes^le 
Bouyeau Roi des Romains.' 

Charles V. ferend dans les Pays-Bas ojl 
îleftreçupar-toutentnomphejniaisàpci- 
qe ëtoit-it parti de. l'Allemagne , que les 
iiutb^riens pi^cefl,» ent contre rélet5tion 
ie Fier^nand s i}svCompt<Ment fur les fe- 
(Oursdelajiaaceâc de l'Angleterre, en 
cas que l'Eapereur .eipployât contr'eux 
la force des armes. Déjà les François & 
les Anglois en s'umifant par une allianice 
étroite ,paroîâbieBt aienacer l'Empereur 
"d'une nouvelle guerre. Henri VIII. qui 
avoit Ëarmé en fecret le delTdn de cauec 
€(m mariage avec Cg^criae d'ArragoiL 



300 Histoire 

pour époufer Anne de Boulen , cbèr- 
cboît un alli^ & un défenfeur éans U 
peHbnne de François I. contre !e reffen- 
timent de Charles V. qui ne lui pardon* 
neroit pasfàdleftientl'outrage qu'il allonf 
iitre à fa tante , en la répudiant. 

Le Pape j ajlrès avoir éludé en fccreï 
Jes prieris- âc toutes les Têtes coaron» 
nées pour ta convocation d'un Concile 
général , te refufe ouvertement aux cris 
Se la République Chrétienne , & au» 
inftances réitérées de Charles , fou* 
prétexte que" les erreurs de Luther 
avoîent «îëjà ^té condamnées. Charles 
menacé également par les Turcs , ki 
Luthériens & les François , fe déter- 
mine à njénagfer les féconds; il- leur ac» 
corde la liberté- de confciencë jufqu'aa 
lutur Concile ; en- faveur de' èêtte con- 
defcendance politiqile- , les'Protëftans' 
*econnurent Ferdinand en qualité de 
Roi des Romains , & pronJirent des' fe- 
cours-extraordSnaires contre le redouta- 
ble Solyman. 

Cependant la guerre entre les deux 
Empires contînuoit avec dîfférens fuccès 
fur Mer ; Doria détruit les galères de 
Barberoufie près de SaiPgel ^h reâeim- 



p' E s P A G N E. 3OT 

ment de cette perte porta ie cruel Cor- 
faire aux plus horribles extrémités con- 
tre une multitude d'Efpagnols & d'Ita- 
liens qu'il tenoit dans les Ters & quSl fit 
empaler; au nombre de ces infortunées 
TÏftiraes étoit le Général Portondo vain- 
cu & pris l'année précédente. 

La RépubFique àe Florence livrée par 
FEmpereur à la domination des Medt- 
cis, défend fa liberté , comme faifoienir 
autrefois les Villes fibres de la Grèce & 
de l'Itahe. Mais après des combats mal-' 
heureux , après des efforts héroïques , 
dénuée d'alliés Se de reffources , Floren- 
ce fiiccomb^ fous Peflfort de h plus vafte- 
Puilfance de l'Univers ; la viftoire coûta 
cher aux vainqueurs qui perdirent le- 
Prince d'Orange , un de leurs meilleurs- 
Généraux ; Fernand Gonzague & le 
Marquis du Gûit qui lui fiiccederent au 
commandement, eurent la gloire dcfou- 
mettre cette fiere République ; les Flo- 
rentins n'eurent pas combattu avec tanr 
de courage pour leur liberté , s'ils eul^ 
fent prévu quelesMedicis n'afpiroient à 
la domination que pour les rendre heu- 
reux , & pourrecueillir dans leur Patrie 
lies arts , le cdrnmetce , kr fcieuces , léî 



302 Hi s T o laE 

lettres &l'urbabiié,qiùp£ndaniâeuxïié- 
des ont fait de U T-ofcane le pays le plus 
■fortuné âe l'Europe. A la mort du der- 
nier Grand Duc de la Matfon de Medi- 
cis , cette Maîlbn 11 fécoode en Souve- 
rains généreux, bien^iûns , éclairés & 
humains , la Tofcane pa£a à Charles de 
Bourbon , Infant d'Elpagne , &. légitime 
héritier , par la Reine la mère , de ce beau- 
Pays ; oruisle courage de ce Prince rayant 
conduit peu après lur le thiâne des deux 
Siciles , le grand Duché de Tofcane fut 
•cédé k François de Lorraine , aujour- 
d'hui Empereur > en échangé des Duchét 
-de Lorraine Ôc de Bar qui ont palTë à la 
-France. Le Connétable de Ciftille renvet 
fur les frontières d'E^a^e au Maréchal 
âe Montmorenci le Dauphin & le Duc 
- d'Orléans depuis long-tems en otage à 
Madrid. La Kejne Douairière de Portu- 
^l,Eiéonore, mariée tlès lyaé àFran- 
çois L acconipagnoic les Princes, & 1» 
'Conduifit cUe-meme à la Cour ; le Roi de 
France paya douze cent-mille écus des 
aoooooo promis par le traité de Caœ- 
Irai, ■& s'obUgca adonner à Henri VIIL 
iles huit cent mUle autres ^écus. L'Eœpe- 
xeur -devait à i'Âoglois xetie .fomin& 



D^E STAGNE. 303 

Henri n'avait pourtant prêté x^ue troh 
■cents-niiHe écus à CliM-les , mais celui-ci 
s'étoit fournis à un dédit de- «inq cent 
-mille écus , au .ca« qu'il n'épounii point 
Marie , fille d'Henri ; le cas étoît arrivé , 
■&. le -vaincu paya les dettes & le dédk 
du vainqueur. 

Marguerite d'Autriclie fomeuieparfon 
•courage, fbn géme,fes veTtus.& fesmaria- 
ges , meurt après avoir gouverné long- 
items les Pays-Bas dont elle étoit adorée; 
i'Eropereur donna k là fœur favorite Mar 
rie , Reine douairière de Hongrie , le mê- 
me gouvemeniem.CeTte Prînceffe avec le 
•courage & Jes tal ns de Marguerite ren- 
<dit les mêmes fervîces i l'Empereur, & 
'défendit toujours avec fucc^ les Pays- 
Bas contre toutes tes forces de laFrance. 
Le confeîl d'Etat refufederecevoircer- 
taines Bulles de ta Cour de Rume, comme 
-attentatoires aux droits du Hoi & aux 
'libertés de l'ETpaene ; certains Prédica- 
teurs dévoués au râpe oferent en pleine 
■chair*»inveétiver contre lè Couverne- 
-ment ;€éiâ tePeubte féduit par la faufle 
•éloquence de-ces CTéatures de RomeV^ 
aneutoit : on craignoitle renouvellement 
4es -troubles i -il -^dlux -toute Tadreflê -d« 



304 -Histoire 

Cardinal Fonfeca , Archevêque de To- 
lède , & Préfident du Cpnfeil pour mo- 
dérer le zélé emporté des Prédicateurs, 
& étouffer les fédîtions nai0antes. 

Le Portugal efl: affligé du pluïhorrible 
tremUement de terre dont on eût jamais 
entendu parler en Efpagne , il commen- 
ça le dix Février , & fe fit fentir pendant 
huit jours confécutifs : fes effets furent 
aflfreux ; dans Liftonne feule près de 
deux mille maifons , fan* compter les 
Eglifes & les Palais , enfevelirent fous 
leurs ruines plus de trente mille Ci- 
toyens. Sanflarcn , Almerin , d'autres 
Villes avec plufieurs Bourgs & Vill*- 
ges furent abîmés avec leurs habitans ; 
le Roi , la Reine , les Infants , toute b 
Cour fauves à peine des débris de Lif- 
bonne cherchèrent un afyle en pleine 
campagne , & campèrent plufieurs jours 
fous des tentes : ce fléau en produifit 
bientôt un autre qui ne fut guères moins 
redoutable ; les eaux du Tage enflées fu- 
bitement par le refoulement de celles de 
la Mer inondèrent la moitié du Pomi- 
gal; l'infortunée Lifbonne prefqu'entie- 
remenc fubmergée relîembitùt à une Ifle. 
On ne peut évaluer la perte de^ xxéîixi 



D t, s P A G N E. 30 j" 

& des hommes que coûta ce double dé' 
iàfire. Qui ne fe rappelle au récit de cette 
déplorable cataftrophe le fouretiir du 
tremblement déterre arrivé dans le mê- 
me Royaume le premier Novembre mii 
fept cent cinquante-cinq ? Ses fuites fu- 
neltes ont furpaffé celles que nous ve- 
nons de raconter. Liibonne a été plus 
maltraitée , la moitié de fes Citoyens , 
fcs Palais , fes Eglifes , fes maifons , fes 
richeffes ont été englouties; une multi- 
tude de fléaux ont luivi cette calamité ,■ 
& ont mis le comble aux malbeurs des 
Portugais ; leur malheureufe Capitale 
qui n'efl prefque aujourd'hui qu'un mon- 
ceau de cendres & de débris , relpire k 
peine encore de tant de maux. 

Chaque année du règne de Charles V. 
le plus fécond de l'Hiftoire moderne en 
ëvenemens rares & glorieux j eft fignalé 
par quelques vifloires ou par ta conquê- 
te de quelque Royaumedans l'ancien ou 
dans le nouveau Monde ; Pizarre , à la" 
tête de deux cents Efpagnols , parmi lef- 
quels on comptoir vingt cavaliers déji 
fameux par ta prife de la Ville de Coa- 
que , s'empare de i'Ifle de Puna qui n'é- 
toic point de la dépendance de l'Empire 



5otf HlSTOIBE 

du Pérou ; il ufa- de la viiitoire en poUtî- 
que, & en élargitTant plufieurs Indiens 
ce la Ville de Tutitbez que les Infulaires 
qu'il venoit de vaincre _engraiflbient pour 
facrifîer à leurs Idoles. Quelques Éfpa* 
gnols qu'il avoit envoyas pour les rame- 
ner dans leur Patrie furent maflacrés; 
leur mort fournit à Pizarre un prétexte 
de vengeance; il fbnditfur les Indiens de 
Tumbez, les dompta, & vola de vîéloire 
en viftoire jufqu'a Payta j là il reçut 
. t'Ambaflàde de l'Ynca Hualcar qui le 
conjuroit de le protéger contre fon frère 
Atabualipa, qui après l'avoir dépouillé 
de fon Empire, le pouIfu^oit par-tout 
pour lui arracher la vie. La renommée 
svoit enflé les exploits Se les forces du 
Conquérant Efpagnol ; les Péruviens 
prévenus, commeles Mexiquains, par des 
Oracles vrais ou faux , qu'il viendroït 
bientôt de l'Orient des botnmes barbus 
d'un afoeô terrible , portant le tonnerre, 
& conduifant avec eux des animaux in- 
connus & guerriers , regardoient ces 
Etrangers comme les fils du Soleil. Huaf' 
car leur fuppofant les mêmes vertus qu'i 
fes Dieux , les reclainoit comme pro- 
teâeurs de l'innocence , & vendeurs àix 



d'E s p a g n e. 507 

crime & de l'oppreffion. Voici le motif 
des guerres civiles qui déchiroienc le 
vafte & riche Empire du Pérou , guerres 
favorables aux Eipagnots. L'Ynca Hua- 
na Capac , père des deux Princes qui Te 
dîfputoient l'Empire , avoi: été le plus 
grand Roi de fa famille; c'eft lui qui em- 
ploya fes fbidats k la cotiflru<5lion d'ua 
grand chemin de cinq cens lieues , qui 
conduifoit depuis Cufco iufqu'à Quito ; 
il fallut combler des précipices , rafèr 
des montagnes , Se vaincre des obftacles 
^tonnans; cet ouvrage digne des Ro- 
mains a été n^Vigé par les Kfpagnols : ce 
Kot avoit aum établi des relais d'hom- 
mes de mille en mille pour recevoir les 
nouvelles & porter rapidement fes or- 
dres dans toutes les parties de fon Em- 
pire; enfin it avoit cru rendre fon thrône 
inétnranlable par la conquête du Royau- 
me de Quito , dont tes Souverains feuls 
^toient affez paiffans en Amérique pour 
attaquer fes Sujets ; mais le fruit de tous 
les travaux de ce grand homme fut perdu 
pour (es enfans & fes fujets; il n avoit 
conquis & vaincu que pour Charles V. 
Une faute ejfentielle qu'Huana commit , 
caudfà , ou du moins pr^ipiu la chute de 



■308 HlSTOIBE 

foa Empire. Il avoit partagé fes Etats 
entre deux de fes fils. Huafcar l'aîné fut 
décoré de la qualité de Roi de Cufco , & 
le cadet appelle Atahualipa eut le Royau- 
me de Quito. Celui-ci plus ambitieux, 
plus entreprenant, à peine afiîs fur le thrô- 
ne , attaqua Ton frère : mais il ne trouva 
d'abord dans fon entreprife que la honte 
& la prifon j il eut bientôt le bonheur de 
brifer Tes chaînes ; la guerre civile re- 
commença avec fureur, mais la fortune 
abandonna le parti le plus Julie. Déji 
Atahualipa avoit gagné deux grandes 
viétoires & conquis prefque toutes leî 
Provinces de fon infortuné frère , il le 
pourfuivoit lorfqu'il apprit l'arrivée des 
Ëfpagnols : les merveilles qu'on en pu- 
blioii , & la négociation qu'Huafcar avoit 
entamée avec Pizarre. Les prétendus 
Oracles firent fur le cœur de rErope- 
reur le même eâ^et qu'ils avoîent fait 
fur celui de Montezuma , il crut voir 
dans les Efpagnols des vengeurs que le 
Soleil , la principale Mvinîté de rEm- 
pire , envoyoit contre lui pour le punir de 
fes crimes. Abattu, effrayé , vaincu avant 
Qucdecombattre, aulieu deréunirtoutei 
fcs forces , de oiarcher contre les Etran- 






d'E s P AGN E. 309 

gers , de leur couper les vivres , de les- 
Ëiire enfia périr par mille voyes qui lui 
étcuenc ouvertes , il fe conduillt avec 
autant de acheté & d'iiQpruden^e cjuc/ 
Pinfôrtupé EmperCMT du Mexiq^ip. IL - 
envoya des AmbaiTadQur^ avec des pré-; 
&ns raagnifiqLies à Pizarre , en 1^ fotii': 
ipant de fortir de fes Etats ; pour toute 
réponse Pizarre précipita fa marche , Se 
arriva <i Caxamalca où ^toit campé l'Em** 
per^ur avec quarante mille homines qui 
se faifoient qu'une petite partie de lês- 
fiarces. Après une efpéçe d$négocÎ9$ioni: 
Atalîualipa confentit à recevoir Pizarre 
en qualité d'Ambaffadeur d'Efpagne ,, 
donc celui-ci prenoit U qualité ,,à l'exemr 
pie de Conez. La fortune qui avpit coa-* 
(Juit Pizarre comme par la maUis fit en»- 
çore des prodige? eç fayçur dp çpt IJfpaT 
gnoL ; . 

, -Un Moine appelle Valyidia , qui ac- 
compagnoit Pizarre à l'audience que 1^ 
Monarque Péruvien lui donpoit à la tête 
de ion année , fomnie l'Ynca de la part 
du Pape d'embrafler le Chriftianifme , & 
de faire hommage do fa Couronne à l'EmT 
pereur d'Orient : c'eft fiinfi qii'il appel- 
{qïç Çljarle^-Quint. &) tpênte-tçoifi. il I4 



ï 



■310 Histoire 

mit i expliquer la Religion Chrétienne; 
l'Empereur confondu d'une fi étrange 
propofition , répondit qu'il ne connou- 
foit ni ie Pape , ni l'Empereur d'Orient > 
qu'à l'égard du Chriftianifme il voudroît 
biét^voir les preuves Qu'on avançoit en 
fa fâveiir. Auffi-tôt le Moine préfente la 
Bible ^aù Prince. AtahuUpa l'ouvre , 
examine quelques feuillets , & voyant 

3ue ce livre ne lui faifoit rien entendre > 
le jetta parterre. Valvidia furieux fe 
tourne vers les Efpagnols , en criant aux 
armes. Pizarre s'avance , raffemble fes 
Efpagnols ,■ fond fur les Indiens , s'atta- 
che à i'Yncà , fe taifit de fa perfonne & 
te fait prifonnier. Les Péruviens voyant 
leur Empereur pris , jettent un cri de 
défefpwr , fiiyent & fe difperfent comme 
on. vil* troupeau ;è[i moins d'un quart 
d'heure de combat l'heureux Pizarre fe 
vit maître de l'Ynca , du champ de ba- 
taille & d'un butin prodigieux. 

Atahualipa tombé en li peu de temsdu 
faîte de la grandeur dans un abîme de 
malheurs , ofirit en foupirant pour prix 
de fa liberté de remplir d'or une des {ai- 
les de fon pabis jufqu'à la hauteur de 
fon bras qu'il éleva en même-tems au- 



d' E s P A G N E. 511 

de0~us de la tête : i Tes premiers ordres 
. les Indiens accourent de toutes parts, & 
apportent de quoi fatisfaire k la ran- 
çon de leur maître ; mais une aftioQ 
barbare de l'Empereur prifonnier four- 
nit dans h fuite aux vainqueurs un pré- 
texte pour ie condamner à la mort. Quel- 
ques jours avant la bataille de CaxamaU 
ca le fu^tif Huafcar , frère & rival d*A- 
tahualîpa ëtoit tombé entre les mains des 
Généraux de Ion ennemi; l'Ynca crai- 
gnant que les Efpagnols ne milfent la 
couronne fur la tête de ce Prince , don- 
na des ordres fecrets pour qu'oti le fît 
périr. 

Cependant Almagro débarque au Pé- 
rou avec de nouvelles forces'; fon pre- 
mier deflein avoit été de découvrir &: de 
conquérir par la force les vafles Ré- 
gions qui font au-delà de Gufco ; mais 
lur la nouvelle de la victoire de. fon allié 
& des tréfors immenfes qui étoient tom-' 
bés en fon pouvoir, il voulut partager 
fa fortune. Les EfpagnolS qui avoient 
fuivi Pizarre rcfuferent de lui en faire part. 
Delà la fource de lahaitie qui éclata en- 
tre Pizarre & Almagro : le butin confif- 
toit dans le poids de deux cent cinquan- 



Histoire 



të-JeuTi mine livres d'argent & de tre'w 
millions deux cent foixante-cïnq mille 
Jivres d'or, Jamais les anciens Rois de ' 
Ferfe , les Empereurs Romains > ni aucu- 
inePuiffance derpniyers , excepté peut- 
être le Mogol , ne virent tant de tréfors - 
.en leur puiflance : toutes ces fommes 
.immenfes ne faifoient que là cinquième 
partie de la rançon de l'Ynca ; chaque 
jcavalier eut pour fa part du butin deux 
cent quarante marcs d' or, & de l'argent i 
jproportipn ; foirante fol^ats Efpagnob 
retournèrent dans Içifr Patrie avec pliis 
de cinquante mille ducats. La vue d'uiie 
fi brillante fortune excita plus que ja- 
jnais le courage & la cupidité des Efpa- 
cnols, On.ne trouvoit pas affez de vaiC- 
feaux pour les tranfporter au Pérou i le 
^uintdei'Empereur monta â cinqmîflç 
inarcs 4)or, & à c'aïquante mille d'ar- 
Igent. ■ .: ' 
'T32._ Tandis que les trçupes d'Efpagne, 
.d'Iialié &; des PaysrBas accpurent ch 
Allemagne pour défendre les Hongrois, 
& que l Empereur confirme à la Dietç 
de Rariftonne la liberté de confcience 
accordée aux Luthiériçris ; Solyman enr 
tT§ en Hongrie avec frois pent mjUe hom- 
' mes 



D*E s P A G N E. 513 

mes , fans compter les troupes de Jean 
Zapol Vaivode de Tranfilvanie auquel il 
donna l'invedicure des Etats qu'il te flat- 
toit de conquérir. Ferdinand tâcha en 
vain de conjurer l'oragç en offrant un 
tribut pour la Hongrie. Mais Solyman 
avoît à fatis&ire tout à la fois , & fa gloi- 
re perdue au fiége de Vienne , & fa haine 
contre une Puiflance rivale. II avoit au- 
tour de lui les AmbalTadeurs du Roi des 
Romains qui le fuivoient comme des fup- 
pliaots. La Hongrie inondée de cette 
multitude de Barbares appelloit Charles 
àgrands cris , line partie des Turcs fut 
détachée pour le fiege de Strigonie. D. 
Thomas Lezcano avec mille Ëfpagnols 
& quatre mille Hongrois rendit inutiles 
tous les efforts des Turcs , & leur fit le- 
ver le fiége. Solyman échoua encore de- 
vant Gumz , & s'avança vers Vienne 
dans le delfein de prendre la Ville , & de 
donner bataille à l'Empereur qui enfin 
étoît arrivé. On dit que François I. & 
les Vénitiens confeillerent au Sultan de 
n'en point venir aux mains avec un Prin- 
ce heureux , fécondé des plus grands Ca- 
pitaines de l'Europe , &: à la tête d'une 
armée de cent vingt mille hommes. Quoi* 
Tome II/. O 



514 Histoire 

qu'il CD foit , les deux Empereurs évitc- 
rent de donner une bataille déciCve. U 
eil confiant que le vaincu eût rifqu^ la 
meilleure panie de fes Etats. 

Solyman en (è retirant emmena arec lui 
les richeffes de la Hongrie & de l'Autri- 
rhe avec une quantité prodigieùfe d'ef- 
ciaves. On blâma beaucoup Cbaiies- 
.Quint de ne l'ayoir pas pourfuivi. Le 
Suc d'Albe qui à l'âge de trente ans 
commandoit 1 armée fous l'Empereur 
Ton maître , lui confeilla de faire uq^pom 
d'or à l'ennemi quife retircùt. Ce n'etott 
pas l'occaûon de donner un femblable 
confeil i quatre mille Ëlpagnols fois ks 
ordres de Dom Fernand Cavero > font 
enveloppés par quarante mille Turcs , fit 
pafles au fil de Véçée. Ce défafire fiil 
vengé par la défaite entière de vingt 
mille Mufulmans. L'Eleâeur Palatin eut 
- la gloire de cette aâion. Solyman perdit 
quatre-vingt mille hommes dans cette 
campagne qui ne fut pas plus glorieufe 
pour lui que pour fbn rivaL Après la 
retraite du Sultan , il eût été écile k 
Charles de reconquérir la Hongrie; mail 
ce Prince fe retira en Italie pour paflêr 
de-U en Efpagne oit U oe pvoit pas qu'A 



filt appelé par des a&ires bicQ impoi- 
taotes. 

Les las Cartes affemblés à Ségovie &nc 
les régleraens les plus aùles au fujet de 
la procédure ; ils auroient du far-toui 
j'abréger- U D'y a pas de Pays où on ex- 
pédie lipeu les aSiircs , Se fur-tout les 
procès qu'en Efpagne , piûfqu'il eft fort: 
ordinaire de les voir durer jaTqu'à la troi- 
fieme géoération , & 'quelquefois plus. 

La guerre fe faifoit avec plus de vi- 

fueur uir Mer, les armées navales répon- 
oient à celles de terre. Doria à la tête 
de la âotte de l'Ëaipereiir fe voyant 
maître de la Mer par la retraite de Bar- 
beroufTe , prend Corone , ( l'ancienne 
Cboronée , Patrie de Plutarque , ) après 
avoir défait une armée Turque , & tué le 
£acba qui la commandoit. Toute la Mo- 
lée fut ravagée , la Ville de Fatras fut 
-piife âc détruite. 

L'Empereur & le Pape s'abouchent i 
Boulogne , Charles V. avoit befoin alors 
du Souverain Pontife. Il vouloit en obte- 
nir la convocation d'un Concile > la con- 
firmation de la ligue entre toutes les 
Puiffances d'Italie contre François I. & 
«nfin la promet de ne coofentir jamùs 
Oi) 



■316 H I s TO I B E 

-& la diflblution du mariage d'Henri Vlil. 
avec Catherine d'Asragon fa tante. Le 
Pape promit tout , Venile refufa d'entrer 
dans la ligue dont Antoine de Levé fut 
déclaré Générai. ■ 

Soit que les Péruviens fe laffaffent de 
dépouiller l'Empire pour leur Ynca pri- 
fonnîer , foit que l 'inca lui-même ne les 
prelfât pas de fatisfaire à fes promefl~es , 
on ne remplit point l'étendue de fes of* 
fres , les vainqueurs en vinrent jiifqu'4 
cet excès de rage de condamner i'Empe^ 
reur à être brûlé vif; pour colorer une 
aélion fi atroce on écouta un Péruvien, 
Interprête des Efpagnols qui craignant 
d'être puni un jour par l' Ynca pour avoir 
féduit une de fes femmes, l'accufa d'a- 
voir donné désordres fecrets pour maf- 
facrer les Efpagnols ; toute la grâce qu'oa 
■Rt à ce malheureux Prince fut de Tétran- 
gler avant que de le jetter dans les Ham- 
mes , encoire fellut-il qu'il confentît à re- 
cevoir le Baptême des mains de ce VJl- 
verdia qui l'avoit catéchifé avant l'aftion 
de Caxamâlca ; plufîeurs de fes Géné- 
raux fouifrirent le même genre de fup» 
Îilice pour avoir eu le courage de reni- 
er d'indiquer le lieu Q^ les tréfors ii_ 



D*Es P A G N. É. 317 

l'Empire Soient cachés: 

La plupart des HiftoHehs imputent ce 
forfait 3U leul cfAlmagco qui craignane 
que , tant qu'Atahualipà vivroit , l'op 
qu'on apporteroit ne fût revendiqué par 
rizarre & fes compagnons , comme par- 
tie de la rançon .de ce Prjnce , donna du 
poids à la uallè accufation de l'Inter- 
prète Péruvien. Quoi qu'il en foit , le Ciel 
fembla venger la mort de ce Prince in- 
fortuné fur PizarJe qui y^onfentit lâche- 
ment , fur l'Almagro , furie Péruvien & 
fur tous ceux qui y eurent part j car ils 
périrent tous de mort violente. ' 

L'Empereur s*embarque à Gènes, paf^ '^35» 
fe en Efpagnc & arrive à Barcelonne le 
22 Avril j il y trouva un Ambaffadeur de 
Muley-Hafcen , RoideTunis-qui,meRa> 
ce d'être déthrôné parle Corfaire Barbe- 
rouflè , venoit implorer ta proteftion de 
Charles en lui offrant l'hommage & un tri- 
but de la part de fon maître ; l'Empereur 
promit de foutenir le Roi de Tunis , Se 
Fut tenir les Etats de l'Arragon dont il 
obtint un don gratuit d'un million. Le 
Pape lui accorda les décimes fur le Cler- 
gé pour ia confervation de Corone ; les 
.Chîmabes de Tolède , les plus riches d6 
■ Oiij 



'5i8 Histoire 

rEfpagne crièrent à rinfiraâioii de l'ini* 
fDuntié Eccléfîaftique , 6c refaferent de 
célébrer l'Office Divin ; il fallut renon- 
eer.au defir de les taire contribuer. Dom 
Alvare Bazan rempote une vîâoîre fur 
la flotte de Barbcrouffe , & prend One 
fur les c&tes d'Afrique. ; 

Corone aSiégée par les Turcs , vatl* 
lamment défendue par Dom Jérôme de 
MendoKa, eft délivrée par André Doria 
qui vcnoit de bwtrc la flotte Turque. Z;c 
jrape & le Roi de France ont une entre- 
vue à Marfeilie ; le mariage du Doc 
d'Orléans , depuis Henri H. avec la trop 
fameufe Catherine de Médicis , nièce du 
Pape y fut condu. Cette entrevue & 
cette alliance inquiétèrent étrangement 
Charles V, mail il paroît qu'on n'y prit 
aucune réfoludon contre fes intérets. 
Henri VIII. fait divorce avec Catherine 
d'Arragon , il y avoit long-tems que cet- 
te vertueufe Princcfie exi^c de ïa Cour 
étojt facrifiée à Arme de Bonïen ; mais 
pa n'eut jamais cru que le violait An- 

S lois eût porté fon amour jufqu'à répu- 
ier fa femme léghime pour epoufèi la 
Boulcn qu'une nail&nce ordinaire & une 
venu équivoque auroiem dû exclure 1 



d'E s P A G N E. 5IP 

jamais du Thrôné : au refte , elle n'y 
monta que pour fon malheur &:_celui de 
l'Angleterre; elle périt fur un échaflàut, 
& les fuites de fon mariage entraînèrent 
le Royaume dans le fchiime. Le Cardi- 
nal Volfey par vengeance contre Char- 
les V. gui depuis fa profpëritë inouïe cef- 
foit de le careffer , confeilla le divorce , 
mais il vouloit que fon maître ëpou{^r 
la Ducheffe d'Alençon , foeur de Fran- 
çois I. & la plus aimable femme de l'Eu- 
rope ; l'oppofition qu^il témoigna aux 
intérêts d'Anne de Boulen lui coûta l'a- 
mttié de fon maître. Il mourut dans la 
pauvreté , Toublî & robfcurîté ; la paix 
ell conclue entre Solyman & le Roi des 
Romains : la Hongrie dévaftée refta à ce 
dernier au préjudice de Jean Zapol. 

Les Péruviens , faricux de la mort 
cruelle de leur Ynca , enfouiflent ou jet- 
tent , félon quelques-uns , dans des pré- 
cipices les tréfors des deux derniers Em- 
perears , & prennent les armes dans dif- 
férentes Provinces pour venger Atahna- 
lipa. Un des Généraux de ce Prince fe 
fàijii de fes cnfans fous prétexte de les 
faire reconnoître en qualité d'Yncas ; 
mais il les fait périr dans te deflein d'u-* 
O iv 



^2o Histoire 

furper leur Thrône fanglant ; il eft vaiQ^ 
eu ainfi que tous les autres Seigneurs Pé- 
ruviens ; Fizarre & Almagro font couler 
à l'envi le fang de ce malheureux Peu- 

file qu'ils traitent de barbare ; c'eft à tous 
es nommes à juger fi ce Peuple l'ëtoit 
autant que Tes vainqueurs. Il eii confiant 
que dans le cours de cette guerre qui 
dura plufieurs années ces prétendus Bar- 
bares montrèrent beaucoup de bonne 
foi , d humanité , de juflice , de gran- 
deur d'ame , venus que les Efpagnols 
fembloient ne plus connoîire que de 
nom. On conclut plufieurs traites pour , 
leur faire quitter les armes ; mais tous 
furent violés par la perfidie & l'avarice 
de leurs tyrans. 

Pour éolouir les Indiens , & avoir le 
tems de s'affermir dans fa conquête , Pi- 
zarre donne la frange rouge à Mango 
Ynca j frère & héritier des deux derniers 
Empereurs. Cette frange étoit au Pérou 
la marque du pouvoir fouverain , comme 
le fceptre & fa couronne le font eo £a- 
.rope. ^ 

' J34" Charles V. évacue Corone après l'a- 
voir oifert inutilement au Pape , k Ve- 
pife & i l'Ordre de Malthe i la c<Mifer- 



d' Es ï A G N E. 321 

vaùon de cette conquête lui coùtoit des 
foiliines immeniès. Solyman mécontent 
de fes Généraux de Mer toujours battus 
par Doria , donne le commandement de 
lès forces navales it Cheredïn Barbe- 
roufle , Roi d'Alger , & le digne rival 
de Doria ; Barberoufle judifîa bientôt 
la confiance du Sultan en Commettant 
des ravages affi-éux en Sicile & fur les cô- 
tes de Naples , & en brûlant huit gateres 
de Charles-Quint, & en s'emparant de 
Tunis. Muley-Hafcen déthrôné par ce 
Corfaire , cherche un afyle en Elpagne'. 
Charles-Quini l'y reçut ei^oi , & lui 
promît de le rétaolir. 

Henri VIII. eft excommunié par une 
Bulle du trente Août. On blâma avec 
raifbn la précipitation duPape qui, pour 

filaire à l'Empereur , fe hâta de lancer 
e fatal anathëme. La fuiie de cène dé- 
marche fut que l'Eglife Romaine vit trois 
Royaumes le fouftraire à fon obéiiTance* 
Vingt-fix jours après la publication de 
cette Bulle ; arriva la mort de Clément 
VU. Pape à jamais mémorable par fon 
inconfiance , fes intrigues & les maux 
dont i'EgUfe fiit accablée fous fon Pon- 
tificat. Le Cardmal Farnefe lui fuccéda 
O y 



522 HiSTOtBE 

fous b nom de Paul III. Henri VŒ. 
fans adopter les erreurs de Luther con- 
' tre qui il avoit écrit , fe fait chef de la 
Religion dans fon Royaume , à peu près 
comme les Rois l'étoient dans le fein du 
Faganifme. 

Charles V. pour venfcr Catherine 
id'ArragonWa tante de l'injure que lui 
*avoit lait Henri VIH. propofe à Fran- 
çois I. de s'unir avec lui , & lui promet 
le Milanez pour le Duc d'Orléans après 
la mort de Sforce. Il offre de faire épou- 
fer au Dauphin la Frinceâé Marie , fille 
du Roi d'^gleterre &-de Catherine 
d'Arragon , & demande pour Philippe 
fon fils une des filles du Monarque Fran- 
cis. C'efi ainfi que l'Empereur cher- 
choît à brouiller deux Princes dont l'é- 
troite alliance lui cauToit de vives inqui^ 
tudes. 

Ignace de Loyala, Gentilhomme ETpa- 
gnol, courtifan & guerrier jufqu'i tren- 
te-trois ans , fonde a Paris la Société de 
Jefus également célèbre par fes grands 
hommes , fon gouvernement intérieur f 
fcs fuccès & fea difgraces.. 

L'Empereur décore François Pïzarre 
de la fUgohé de Marquie , & xiépand au£ 



d' E s P A G N E. 32J 

fes ^veurs fur Almagro. Toi» les deuK 
obnnrent des gouvernentens ; mais corn-, 
me on n'eo îixe pas les limites d'une œa- 
niere pr^ctfe ; cela donna lieu dans U 
fuite k des guerres civiks qui manque* 
rent de faire perdre à l'Efpag^e l'Empire 
du Pérou. Almagro renonça pour lors à 
fes prétentions dans l'eipér^nce de s'en- 
riclur par de nouvelles découvertes. Pi- 
zarre bâtit la Ville de Los Rcyes appel- 
lée aujourd'hui lima , 8c la captale du 
Pérou. 

La Sardaigne eft choifie pour le reo- i^5y< 
deZ'VOut des vaîfleaux deftinésà l'expé- 
^tion d'Afrique ; la flone eompofée de 
quatre cents taoïvaifTeaux que galères &' 
bâtimens de charge , portoit l'élite de U 
Nobleffe d'Efpagne , d'Italie & de Por- 
tugal : DO comptoit trois mille hommes 
de débarquesiem. Dorîa & le Duc d'Al- 
be commandaient fous les ordres de 
l'Empereur , l'Infant Louis de Portugal 
accompapioVt Charles V. Cette brillante 
armée débarque à la Goulette le feize 
Juin, &affiége cette forterefle; l'Em- 
pereur vainquit d'abord BarberouiTe qui 
venoit lui faire lever le fiége, la for- 
ter^ fut emportée d'ft&ut le -viogfr- 
Ovj 



g24 Hl s TO IRE 

cinq Juillet , jour de S. Jacques , Fatcon 
de r£fpagne. On prit trois cents pièces 
de canon, 510 galères ou vaiffeaux, enfin 
tout l'arniçment des ennemis. Charles 
remporta encore une viftoire fur Barbe- 
roufle qui commandoit une armée décent 
raille hommes parmi lefquelsil y avoit 
20000 Turcs. A la nouvelle de tant de 
fùccès, 20000 Efclaves Chrétiens fe ré-' 
vokerent dans Tunis, s'emparèrent du 
château , tandis que les Efpagnols em- 
portoient la Ville par efcatade , & maQâ- 
croient 60000 Citoyens. Muley-Iïafcen 
fut rétabli fur un thrône entouré de morts 
& de carnage. Il Hgna avec l'Empereur un 
traité qui le rendoit vaflal , tributaire , & 
prefqu efclave de l'Empereur. Outre la 
Goulette que garda Charles V, Muley 
lui céda Bonne , Bizerte , Afrique Se 
d'autres Places maritimes , mais il ^lloit 
les conquérir. Dorîa prend Bonne , mais 
H manqua Barberoulle qui fe fauva à Al- 
ger î l'Empereur fe rembarque le dix- 
iept Août , Se arrive en Sicile , n'ayant 
employé que 20 mois à une expédition 
qui te combla de gloire ; cependant Bar- 
berouflTe qu'il comptoit abattu pour ja- 
mùsj avoit déjà équippé une flotte dé 



d'EsP AGN E. 52; 

trentCMÙiiq galères à la tête defquels il 
preDoit Port-Mahon , commettoit des ra- 
vages afireux dans les Baléares & fur les 
Cotes de Valence , vengeant ainfi les 
malheurs de l'Afnque mr l'ËTpagnc i 
Doria dut avoir bien des remords , s'il 
eft vrai qu'il ait laiffë échapper de Bonne 
leRoid'Alger, par connivence, dans I2 
crainte de devenir inutile à l'Empereur , 
quand BarberouiTe n'exifteroit plus. 
Une aftion fi indigne d'un Héros & d'un 
Chrétien flétrit à jamais la eloire de Do- 
ria. Ilefl confiant que ces deux hommes 
entretinrent des correfpondances fecret- 
. tes , & s'évitèrent toujours avec un foin 
fiQgulier. 

L'Empereur entre triomphant à Na- 
ples fuivi de vingt mille Efclaves Chré- 
tiens dont il avoit rompu les fers , Se de 
toute Ton armée enrichie des dépouilles 
de l'Afrique. L'Italie lui décerna les 
mêmes honneurs qu'aux anciens Céfars. 
Charles met le comble à fa gloire par 
une célèbre déclaration qui aflUre une 
penfion aux veuvesdes Officiers & des 
Soldats morts dans l'expédition de Tu- 
nis. Les blelTés eurent part à la même fa- 
veur. Il promit un< pareille récompenfe 



^i6 Histoire 

à tous les Etrngers qui s'attacheroient k 
fon fervice. On ne fçauroit s'imaginer 
jufqu'à quel point cène déclaration lui 
gagna le cœur des Militaires. Il &ut con- 
venir que Charles-Quint fe comporta en 
Afrique , ccisme auront pu faire Jutes-, 
Céfar. Il n'y eut point de vertus qu'il 
ne fit éclater pendant le cours de cette 
campagne qui fut la première où il fe 
trouva 1 &c \a plus glorieufe de fon re< 
gne. 

Le Roi de France veut recouvrer le 
Milattez dont le dernier Duc , François 
SforcCiVencùt de mourir. Le Duc de Sa- 
voye refufà le paiTage auxFrançois ; maïs 
bientôt dépouillé de fes Eiuts par leurs 
armes , il fe fauve à Naples auprès de 
l'Empereur ea faveur de qui il venoit de 
fe facrifler. Charles-Quint réunit le JAi- 
lanez k l'Empire. lien donna depuis l'ior* 
~ vefliture i Philippe fon fils, ht Duché 
de Milan eft reflé à TECpagnc jufqu'au 
traité d'Utrecbt , qu'il bk cédé à TEm- 
pn'eur Oiarles VL 

Fernand Conez découvre la Califor- 
nie. Il crut qu'il pourroit conquérir ce 
Pays aufli facHement queleMexique; mais 
U ne réuâit pas , quoiqu'il eût porté dans 



„ •..Coo^^Ic 



C t,SP A GN E. 327 

cette entréprife le mÊme courage &: tel 
inéinestalensaTec deplusgruides forces» 
Alinae;roperce jufques dans le Chili 
aa-delà au Tropique du Capricorne ; il 
n'eut guèrcs que la peine d'écarter ^ 
coups de ùbre une muhkude mal artnëe 
qui s'oppofoit à fon paffage ; pir-tout on 
prenoit poÛêlHoD au nom de Ckarles- 
Quint : mais la nouvelle du foulevement 
|;én^ral des Péruviens interrompit les 
fuccès d'Almagro ; il repalla dans 1« 
Pérou où il trouva tout dans la confu- 
iîon ; l'Ynca Mangp remarquant que le( 
£rpagnols,au lieu d'accomplir les trai- 
tas , 'ét^liflbient fur des fondemens iné- 
branlables leur puilTance dans fon Empi- 
re > qu'ils batiffoient de« Villes , & exr 
terminoient de jour en jour fes Sujets , 
après s'en ^tre ièrvi comme d'animaux 
deftinés à leurs befoins , conjure contre 
la poignée de br^ands qui le tyranni- 
foient ; mais Ion oefTein tranfpira. 11 fut 
arfêté , conduit à la fortereffe de Cufco, 
& appliqué à une quellion cruelle & 
bonceufe ; cependant 'A eut l'adreife d« 
tromper un des frères de Fizarre , de bri- 
fer fes fers & de raffembler deux armées 
AVec Jef^ueHes il aiHégea en mênK-t-emi 



^aZ Histoire 

Cufeo & Lima. Almaero , pour premïef 
exploit , à fon retoiu du Chili , le bat & 
lui fait lever le fîége de Cufco ; ^lango 
vaincu fuit dans les Montagnes > en ac- 
Cufant fes Dieux de l'avoir traU. 

Fizarre afliégé lui-même dans Lima 
fe voit réduit aux extrémités les plus 
preflantes > mats fon courage, loin d'être 
ébranlé , ne parut jamais plus ferme ; il 
fit partir fes valfTeaux du Fqrt fous pré- 
texte de les envoyer chercher des fe- 
cours à Panama , mais en ef&t , pour em^ 
pêcher fes compagnons de fuir , & pour 
leur apprendre a n'efpérer que dans leur 
valeur ; pluiteurs Corps Éfpaanols ve- 
nus à fon fecours , furent enveloppés & 
égorgés par les Indiens > maîtres de b 
campagne & des pacages ; enfin Alfonfe 
Alvarado ayant raflemblé trois cents Es- 
pagnols , perça jufqu'à Lima avec ce fe- 
cours, IMzarre reprit la fupériorité , & 
détruifît par -tout lès troupes Péru- 
viennes. 
iç^É. Charles-Quint parvenu au plus haut 
degré de gloire & de puilTance qu'on eût 
vu dans la République Chrétienne de- 
puis Charlemagne, fe perfuade que rien 
ne peut liù réfifier, & qu'il eu fur le 



C' E s P A G N B. 32<> 

foint de devenir le feul Monarque de 
U Divers : fi quelque Prince 2 pu fe flat- 
ter avec quelque raifon de réufllr dans ce 
projet magnifique, c'ell Charles-Quint, 
jeune, heureux, brave , appliqué, adif, 
politique, éclairé, adoré des Peuples, 
ayant le meilleur confeil , les troupes les 
plus difciplinées , les plus habiles Géné- 
raux de l'Univers, avec les tréfors de l'A- 
mérique , & la moitié de l'Europe fous 
(es ordres. Solyman faifoit alors la guerre 
à l'extrémité de fon Eijipire iîir les fron- 
tières de la Ferfe , avec un mélange de 
fuccès heureux & malheureux. La Fran- 
ce paroiflbit épuïfée d'argent 6c d'hom- 
mes ; l'Allemagne & les Royaume dii 
^ord en proye aux guerres de Religion , 
ou à ta tyrannie de Chriftierne , Roi de 
Dannemarck ,. ne fembloient paS devoir 
arrêter la fortune d'un conquérant. Hen- 
ri VIII. le tyran de fes femmes & de fes 
Sujets , n'étoit occupé qu'à verfer leur 
fang & à détruire la religion de fes ancê- 
tres. 

La fituadon de l'Europe , les fuccès 
de Chartes-Quint , fa fortune & fon cou- 
rage , tous ces objets réunis concouroJenc 
également à lui faire entreprendre le pro- 



'^^O HlSTOIBE 

Jet le plus vafte èc le plus grand que Tef- " 

firît humain ait jamais conçu ; la force & ; 
a pt^tique lui ëtoient également nécef- ' 
faires pour le faire rëuflîr. Il ùit u&ge de 
la pobtique , en propofant fecrettcmeni 
à Henri VHI. de fe joindre i lui contre 
François I. Il ^usit déterminé à commen- 
cer l'exécution, de fes vaftes projets par 
la conquête de la France ; mais Henri 
VIII. <mi pénéErtùt fcs vues , rejérta fes 
ofires. De Naples , l'Empereur palTa k 
Rome où il entra en triomphe ; il pro- 
nonce devant le Fape & le Sacré Collège 
une FHllppique contre François I. |dus 
iânglante que celtes de Démofthene & 
de Cicéron , âc il la tsrmina par défier 
fon rival' à un combat fingulier. Cette 
aâion fi indigne de fa haute fàgeife ht 
défàpprouvée par fes -véritables unis de 
Rome. Charles fe rend en Piémont , & 
commence h guerre ; il eut d'abord de 
grands fuccès ; Antoine de Levé lui 
confiJUe de fiiivre fe Éartune , & de 
marcher à la conquête de la France. Cet 
babile Général qui avoit acquis K)ute 
fa glcàie aux dépens des François , qui 
Venoit encore de lui enlever quatre mille 
-Sommes dans Foâân > lui promenoit fv 



d'E s P A G N £. 551 

fonlionneur de le conduire dans un rooÏB 
i ParU. Charles eottg en Provence avec 
<ïoooo hommes de vieilles troupes. Le 
Marquis de Saluces , allié des François, 
pafle au lèrvîce de l'Empereur. Cette dé- 
îeftion excita l'Empereur h pourfuivre 
ibn defSem avec encore plus de vigueur, 
efpérant qu'dle en entrainerôit d'autres. 
Soria&.Uom AlvarBazan dévoient at- 
taquer la Provence avec une flotte de 
cent vaifTeaux. Une armée de cinquante 
mille Allemands ou Flamands avoît or- 
dre d'entrer dans la Picardie pour ré- 
pandre la terreur & la confternation juf- 
qu'à Paris. Une autre arm^e devoit ana- 
quer les Sutâës ail moindre mouvement 
que feroient ces Peuples qui étoieut Ici 
leuls alités qu'eux alors la France. Ce 
Royaume dénué de troupes , femblMt 
être à àsaK. doigts de la perte. Cepen- 
dant on vit alors que les entreprifes let 
mieux concertées ne font pas toujours 
fuivies d'un heureux fuccès. La Proven- 
ce fiit faavëe par le Connétable de Mont- 
morcncy.La difeite & les maladies fon- 
dirent leUeraent l'armée de l'Empereur, 
qu'il ne ramena pas quinze mille hommes 
CD Italie. I^ Comte d^ NaÇTau échoua 



532 Histoire 

devant Péronne. Les SuifTes , fans s'in- 
quiéter des troupe Impénales qui les 
menaçoient, fe préfenterent en foule 1 
François I.& lui formèrent un Corps de 
vingt mille hommes', de fon'e que Char- 
les-Quint ne remporta de cette expédi- 
tion que de la honte & de la confulîon. 
-Ce Prince fe croyoit fi sûr de vaincre , 
, "qu'il avoit dit à Pierre de la Baume , Evê- 
que de Genévej qui étoit venu le prier de 
le rétablir fur fon fiége d'où il avoit été 
chaffé par les Calvîniftes : M. PEvi^jHe, 
quand j'aurai conduis U France pour moi, 
je prendrai Genève four vous, François I. 
-inuruit par fes malheurs , étoit devenu 
prudent j il fe donna bien de garde d'ac- 
cepter la bataille que hii préfenta fon ri- 
val; il eût rifqué fon Royaume , qurâ 
qu'en dife du Bellay,qui répondit à l'Em- 
pereur qui lui demàndoit combien il y 
avoit de journées jufqu'à Paris , doioA , 
Céfar ,Ji veut n'eies vmncu & tué à U 
première. 

On a accufé Charles - Quint d'avoir 
fait empoifonner le Dauphin de France 
mort dans ce tems-U à Toumon. Cette 
noire calomnie ne mérite point de répon- 
fe : rfimpereur étoit-il d'uo caradere aA 



d'Espagne. ^3} 

fez mëchant pour commettreun crime , & 
un crime inutile f Le Marquis de Saluces 
levé le fiége de Turin ; le Marquis du 
Guat t Gouverneur du Milanez en U 
place d'Antoine de Levé mort en Pro- 
vence de douleur d'avoir donné un fi 
mauvais confeil à fon maître, fauve fa 
Province par une vifloire fur les Fraç- 
çois à Calai. L'Empereur s'embarque 4 
Gènes t & paflè en Efpagne où il arrive 
le cinq Décembre. 

L'Xnquiûtion ell établie en Portugal; 
le premier Inquilîteur Général fut le 
Cardinal Henri > frère du Roi , & de- 
puis Roi lui-même. 

Almagro n'eût pas été plutôt reçu 
dans Cufco par les frères de Pizarre-, 
qu'il les fît arrêter, prétendant que Cu& 
co étoit de fon Gouvernement , & que 
les Pizarres dévoient être traités comme 
des féditieux , pour avoir voulu y maliv- 
tenir l'autorité de leur frère ; en même- 
tems il donne la frange rouge à Paulu * 
Ynca , frère de Maneo ; il croyoit avoir 
encore befoin de ce fantôme de Roi pour 
amufef les Indiens ; cependant leurs 
derniers malheurs avoient éteint en eux 
l'efpérance & le, courage j ils fefentoient 



534 Hi sTo IRE 

accab^ par la fupériorité que l'efpece 
faumaine Espagnole avoit £a^ la leur ; le 
Marquis Pkarre né^ie pour tirer fei 
frères de prifbn j Almagro les lui envoyât 
c'étoient deux eanenôs àe plus qu'il eut 
bientôt à combattre, 
jj.,-^ François I. fier dei &ccès de ht cam- 
' pa^e précédente hàc a^ouToer l'Empe- 
reur à la cour des Pairs en qualité de 
Comte de Flandres & £bn Vafl&l i le Par- 
lement réunit la Flandre à la Couronne 
paruD arrêt folemnd ; il eût fallu après 
cela la conquérir ; on fe moqua dans 
l'Europe des bravades de François I. 
comme on s'étoit moqué de cdies de 
Charles- Quint. Le Pape effaya en vain 
de réconcilier ces deux Princes.La guer- 
re cominoe en Picardie &c dans le ï^ 
mont fans fiiccès déd£fs. Anne de Mone- 
«norenci a ia gloire de fauver le Piémont 
en forçant le pas de Suze. La Reine de 
France & celle deHongrie, toutes deux 
fœurs de Cbaiies , concluent dans une 
entrevue unetreve de trois mob. Alexan- 
dre de Médicis , gendre de rEmperenr 
cft alTaffiné par Laurent Ton coufin ; 
Côme , de la même maifon , obtint 1^- 
rellûure de ce beau Duché. > il en étolt 



D'Es P A G NE. 33^ 

digne par fa rare prudence, par fa gran- 
deur d'âme & par les plus grands ta- 
lens. Solyman , dans l'efpërance de ven- 
ger le defaftre de Barberouffe & la pri- 
fe de Tunis , fe prépare à la conquête de 
l'Italie : it a^ffoit de concert avec Fran- 
çob I. Ses Généraux prirent Caftro 
dans le Royaume de Naples. Voilà k 
quoi fe réauifirent leurs afiforts ; Donz 
après avoir remporté trois viftoires con- 
fécutives fur mer , fe retire à Meffine aux 
approches de Barberoufïe ; Venife al- 
liée de r£mpereur eut auÔî des avan- 
tages confiderables fur les Turcs ; à la 
nouvelle de la trêve des François avec 
les £fpagnoIs , Solyman abandonna le 
projet de la conquête de Naples pour 
tourner fes armes contre les Vénitiens. 
■ L'Empereur feit informer fecrétemen^ 
fur l'adm'miftration de l'Impératrice" à 
qui il avoit confié la Régence d'Efpa- 
gne , & fur la conduite du Cardinal Ta- 
Vera fon premier Miniftre. Quoiqu'il eût 
pour fon époufe la plus vive tendreffe y il 
taflà tous les Magiïtraîs & les Officiers 
qu'elle avoit nommés fans avoir égard à 
la capacité ou à la vertu. 
- Sinan Bâcha, Gouverneur d'Egypte 



33(5 Hl s TO I B E 

aΎge Biu dans tes Indes. Oiientales 
avec une flotte & des forces qui œena- 
çoienc les Portugais de leur enlever l'em- 
pire de la Mer dans ces Répons 3 mais il 
efl vaincu , & levé le fiége : cette expé- 
dition avoit été entreprife à la foUicita- 
rioD Se aux dépens de l'Egypte , qui s'é- ' 
tant vue depuis Alexandre le Grand en 
poûeflion du commerce des épiceries, ne 
pouvoir pardonner au Portugal de le hii 
avoir enlevé ; on ne Içaurçït évaluer !es 
profits immenfes que ce Royaume es ci- 
joit. 11 eft confiant que les Portugais fu- 
ient dans ce lîéde la nation la plus faeu- 
reufe & la plus riche de l'Univers. 

Pizarre qui avoit négocié t quand il fe 
fentoit le plus foible , & lorfqu'il avoït 
fes frères a fauver , fc voyant libre de 
faire éclater fa vengeance , afTemble des 
iKDUpçs j & attaque Almagro j la guerre 
civile défoie toutes les Provinces du Pé- 
rou ; les Efpagnols nouvellement arrivés 
d'Europe , qui ne comptoient teindre , 
. leur épée que du fang des Indiens , pren- 
nent parti les uns contre les autres ; le» ' 
Péruviens, qui alors euOent pu fecouer le 
joug , ne profitent point de l'affbibliOe- 
iQent deleurenneiçùcommunjîlsfepar- | 
tagent ' 



■ d'Esp a gme. 



tagent au contraire tes uns contre les 
autres, & combattent 'pour le choix de 
leurs tyrans ; Pizarre devient infenfible- 
ment fup^rieur à fon ennemi. 

Le Pape fait confentir l'Empereur Sc 1^58. 
François I. à fe rendre à Nice pour con- 
venir de la paix ; mais la défiance ou ia 
politique fireni naître tant de dlfiicultés 
que les deux Princes ne fe virent point ; 
cependant il y eut une trêve de dix ans , 
^pellée trêve de Nice ; quelques jours 
après ils s'abouchèrent à Aigues-Mortes 
ou ils fe comblèrent de carelfes ; l'Empe- 
reur . par la trêve, gardoit le Milanez 
quineluiappartenoitpas, & FrançoisI, 
la Savoye & le Piémont qui lui apparre- 
noient encore moins j Charles n'accorda 
cette trêve qu'à regret) &que pours'op- 
pofèr à Solyman qui menaçoit toujours 
l'Italie : U fçavoit la France épuifée , & 
c'étoit lui donner le tems de refpîrer, 
que de fufpendre la guerre pendant dix 
ans ; pendant que l'Empereur étoit à Ni- - 
ce , il arriva un incident qui fit beaucoup 
d'honneur à ce Prince. On apperçut de 
loin comme une infinité de petits nuages 
qu'on prit pour les voiles de la flotte du 
redoutable Barberoufl^fur le champ la 
Tome m, F 



3^8 Histoire 

terreur Se le défordre fe répandirent parmi 
les Impériaux ; quelques-uns crurent que 
François I. avoit appelle les Turcs pour 
leur livrerfon rival. On preffa l'Empereur 
de fe fauver dans les Montagnes ; le Mar- 
quis du Guat fe jetta h fes pieds pour le 
conjurer de ne pas diffirer un inftant: 
Aôn , non , répondit fièrement Charles j 
Je veux combattre , mourir oh rire avec 
vous. Le Pape accéda à la ligue del'Enj- 
pereur & de Venifç contre Solyman, 
On invita François I. à fe mettre de la 
partie en lui offrant la qualité de Géné- 
raliffime ; mais le Roi de France étoit 
trop habile pour confentir k combattre 
^n faveur de fon ennemi, Pierre-Louis 
Farnefe obtient l'invefiiture du Nova- 
rois, -& fon fils Oflave époufe Margue- 
rite d'Autriche , fille naturelle de Char»- 
les-QuJnt. Ce fut ainfi que Charles-Quînt 
attira dans fes intérêts le fouverain Pon- 
tife. Doria , à la tête de deux cçnts vaif- 
leaux, bloque BarberoulTe dans le Port 
de Previfa ; ce Corfaire j quoique 6 
flotte fût égale à celle des Chrétiens , pa^- 
roiflbit perdu. Mais le Génois , foit par ja- 
Joufie contre les Vénitiens que la perte des 
fcrçes pavalçs ûe Splj^m^ alloit ren^e 



d'Espagne. 359 

maîtres de l'Archipel , foit plutôt par une 
fuite de fes liaifons fecrettes avec Baibe- 
rouffe plie les voiles , & laifle échapper fa 
p'royej Doria tâcha de rétablir fa réputa- 
tion en preflant Caftel-Novo ; Barberouf- 
fe ) en voguant au fecours de la place , eC- 
fuya une tempête qui abîma 70 de fes ga- 
lères & 20000 hommes ; il ne tenoit qu'à 
Dona d'achever la ruine de ce Corfaire : 
mais il avoit fes raifons pour ne pas écra- 
1er un pareil ennemi. 

L'Empereur ëpuifé par les dépenfes 
des trois campagnes pafli^es , ne peut 
payer fes troupes; il eut la douleur d'an- 

Îirendre qu'elles s'étoient révoltées à Mi- 
an & à la Goulette ; du Guat appalfa la 
révolte de Milan , en donnant de l'argent 
aux Soldats , &; en leur accordant leur 
congé. Lés troupes de la Goulette furent 
tranfportées en Sicile où elles s'abandon- 
nèrent au pillage. Une armée que Fer- 
dinand de Gonzague envoya contre les 
Rébelles , fut vaincue , mais au moyen 
d'une amnidie frauduleufe & de belles 
■promeffes , il les fit rentrer dans le fer- 
vice ; alors Gonzague les difperfa , & fé- 
vif contr'eux avec une telle rigueur qu'il 
n'y eut pas un feulféditieux qui évitât le 
gibet. P ij 



340 Histoire 

. Charles convoque les Etats de Calbl- 
le à Tolède j ils font célèbres par la réfiC- 
^ance qu'y éprouva l'Enipereurde la parf 
des Grands. Il avoit demandé un don 

frafuit confidérable foqs le nom d'affife, 
.e Clergé & le Tiers-Etat acquiefce- 
rent à cette d^ majide , mai$ la NoblelTe 
s'y oppofa avec vigueur , le Connétable 
de Caftilje déclara tout haut que pettç 
injpofition ruinoit la Monarchie , que les 
Grands obligés autant que le Roi de veil- 
ler à ia confervation de l'Etat , ne pou- 
vpientconfeniiràuntributfionéreux,quç 
d'ailleurs }a Npbleffe n'étant dif^inguée 
en Caftille de,s roturiers que par l'exeipp- 
lion de tout in^pôt , elle feroit bientôt 
confondue avec lePpuple. Un pareil dif- 
-cours eût en tput autre Pays coûté la 
lêie i l'Orat^eur , ou tout au moins la li- 
berté. JVÏajs la crainte d'upe révolte, em- 
pêcha l'Empereur de témoigner le moin- 
dre mécontentement au Connétable : 
l'aflife fut rejetréç , les Ecciéfiaftiqucs 

Ê'y avoàent confenti qu'au moyen d'une 
ulle d^ Pape qui leva leurs fcrupules, 
L'Empereur obtint pourtant un don gra- 
tuit de douze millions payables en troÏE 
flpjj Charles outr^ contre *a No|»lçffe| 



d'E s P A G N E. ^4* 

l'exclut pour jamais de l'aflemblée des 
. Etats généraux , déclarant qu'ils ne de- 
voient avoii' aucuiïe part au Gouverne- 
ment & à la légiftation de la Rdpubtique > 
puifqu'ils n'en payoient pas lescharges ; 
aujourd'hui même les las Cartes ne font 
compofées que des Députés des Villes. 

Fernand , un des frères de Pizarre 
termine la guerre civile au Pérou en ga- ' 

§nant une bataille décilîve iur Almagro > 
s'empara en fuite de Cufco o4 il fit dé- 
capiter le chef des ennemis. Le calme 
fembla alors être rendu à ces vaftes Ri- 
rions; mais la fuite fera voir que les dif- - 
lenfîons n'étoient qu'affoupies ; le Parti 
du farouche d'Almagro ne tomba point 
avec fa tête. Pierre Valvidia achevé 1% 
conquête du Chili. . 

L'Empereur prévient par fa prudence *^^* 
& fa modération une guerre civile en 
Efpagne. La caufe en eût été légère , 
mais les Grands mécontens ne deman- 
doient qu'un prétexte : le Duc de ITn- 
fantado tira 1 épée contre un HuilEer de 
la Cour dans un tournoi , & l'en frappa 
en préfence du RoL Le Grand-Prevôt 
Ronquillo arrêta fur le champ le Duc , 
mais le Connétable lui arracha le prifott-. 

piij 



342 HlSTOIKE ' 

nier , & s'en chargea en venu de fa di- 
gmté. Tous les Grands applaudirent à 
Taftion hardie du Connétable , & aban- 
donnèrent l'Empereur pour conduire 
Velafco en triomphe dans fon palais ; 
l'Empereur étouffa Ton reflênûment , U 
fèntoit que les Grands indignés d'être 
exclus des Etats , faifîroient cette occa- 
fion de lever l'étendard de la révolte , il 
envoya l'Huidier demander pardon à 
rinfamado. Le Duc &c les Grands con- 
fus d'une n rare modération , allèrent fe 
jetter aux pieds de l'Empereur , en fone 
que cette affaire n'eut aucune fuite. L'Im- 
pératrice accouche d'un enfant mort. Se 
meurt le douze d'Avril. Le cadavre de 
cette Princeffe , la plus belle femme de 
fon fiécle , devint fi affreux & fi défiguré 
que cet objet convertit le Duc de Gan- 
die qui fe fit Jéfuite , il eft connu dans 
~ l'Eglife fous le nom de S. François de 
Borg^a. 

Le Pape propofe en .vain à l'Empe- 
Teur de convertir la trêve de Niceen paix 
perpétuelle ; on vouloit que l'Empereur 
épousât une fille de François I. & qull 
donnât une des fiennes au Duc d'Orléans 
avec le Milanez. 



d'Espagne. 34,5 

Caftei-Novo défendu par Sarmiento 
à ''la tête de crois mille Éfpagnols , eft 
emporté d'affaut le fept Août après qua-r 
rante-cbq jours de fiege ; les Turcs per- 
dirent vingt mille hommes devant cette 
Place ; les Vénitiens mécoatens de Do- 
ria & de l'Empereur concluent une pais 

Îiarticuliere 6c défavaDtageufe avec So-, 
yman. 

Gand , femeufe par fa grandeur, fes 
richeffes , fon commerce & lès révoltes 
contre Tes Souverains, olè prendre les 
armes contre l'Empereur ; les Citoyens 
de cette Ville ne vouloient point payer 
une nouvelle taxe , ils oppofoient leurs 
privilèges aux befoins de l'Etat. L'Em- 
pereur né à Gand avoit toujours mé- 
nagé fa Patrie ,. elle contribuoït encore 
moins que toutes les Villes de Flan- 
dres qui ne payoient prefque rienà TEm- 
pereur. Le Roi de France renvoya à 
Charles les lettres des Gantois qui s'of- 
froient à lui , & propofa en méme-tems à 
Charles de palfer par la France pour-rer 
médier à un incendie qui pouvoit dever 
nir général. L'Empereur proëta de la 
bonne volonté du Roi > il accepta un 
fauf-conduit , laifTa la Régence d'Efpa- 
Pjv 



344 Histoire 

gac au Cardinal de Tavera , & prit la 
pofte au mois de Novembre , accompa- 
gné de dix ou douze perfonnes avec IcP- 
Ïitelles il arriva fur les fronrîeres de 
rance où le Dauphin & le Duc d'Or- 
léans furent le recevoir. Le Roi alla au- 
devant de lui jufqu'à Cfaatelleraud. Par- 
tout oh lui rendit les plus grands hon- 
neurs. On a blâmé François I. de ne l'a- 
voirpas fait arrêter; mais n'auroit-ce pas 
été une perfidie ? Il eft vrai que l'Empe- 
reur avoit promis le Milanez pour le Duc 
d'Orléans, & qu'il voulut enfuite don- 
ner la Flandre en échange. Quoi qu'il en 
foit, François I. ne pardonna jamais au 
Connétable de Montmorenci qui fut le 
feut à lui confeiller qu'il falloit fe con- 
tenter de la parole d honneur de Char- 
les-Quint. 

Gonzalc Pizarrc fait de nouvelles dé- 
couvertes dans l'intérieur de l'Amérique 
Méridionale ; on ne fçauroit exprimer 
combien il eut à fouffrir de la difette dans 
cette expédition , où d'ailleurs il ne tent% 
point de conquêtes ; tes Pays feuls qui 
produifent l'or & l'argent » pouvoîent 
exciter la convoitife des Efpagnols. Il 
«ppella ces Ké^ns , le Pays des Ama- 



d' E s y A G N g. j4j - 

zones , & donna le même nom à un fleu- 
ve fameux fur les bords duquel habi- 
toient des femmes guerrières qui s'é- 
toient rendues redoutables aux Indiens 
de' ces Contrées. 

L'Empereur eft joint h Bruxelles par l y^o; 
le Roi des Romains qui lui amena quinze 
mille hommes ^ il entre dans Gand 1« 
•vingt- quatre Février , jour de fa fête , 
avec l'appareil le plus menaçant. On pro- 
nonça contre cette Ville un arrêt qui la 
déckra rebelle , on la priva de fes privï- 
iéges , on ta condamna à une amende de 
cent mille ducats, & on punit du der- 
nier fupplice yingt-fix de fes prkicipaux 
liabitans; & afin de la contenir à jamais 
dans le devoir, on y conftruîfit une cita- 
delle ; Oudenarde impliquée dans la ré- 
volte eut part au châtiment ; Montmo- 
renci fomma alors Charles delà parole au 
fujet du Milanez , l'Empereur lui déclara 
qu'il ne corfentiroit jamais à laîffer les 
François mettre le pied en Italie ; mais 
n'en dédommagement il étoit prêt à cé- 
,er au Duc d'Orléans les Pays-Bas avec 
k qualité de Roi, & à lut accorder fa 
£lle en mariage ; François I. ne donna 
pas dans le piège , il répondit qu'il vour 



l 



<^4(ï HlSTOIR£ 

loit fon bien , & non celui de l*£mpe- 
pereur. Eft-il naturel en effet de croire 

Îiue Charles-Quint fe fût dépouillé de 
on patrimoine , lui qui ne pouvoit con- 
fentir i la rediiution de celui des autres f 
Le Seigneur de Brcderode condamné 
i mort pour avoir pris le titre de Comte 
de Hollande & de Zélande , & pour 
avoir contraft^ des liaifons avec lesF ran- 
çois , reçoit grâce de l'Empereur. Ce 
Prince fe contenta de le laiOer à genoux 
devant lui pendant une demi - heure ; 
l'Empereur interdit fous les peines les 
ifilusliéveresla lefture des livres Protêt 
tans ; cet édit indifpofa les Luthériens 
contre l'Empereur. 

Piali Achmet , le plus célèbre Cor- 
faire après Barberoufle , furprend & pille 
l'importante Ville de Gibraltar , il n'olà 
la garder ; il fut vaincu dans fa retraite , 
Se pris avec fes quatorze galères par Dom 
Bernardin de mendoza ; rinftimt d'I- 

giace d'e Loyola eft approuvé par une 
ulle du vinet-fept Septembre fous le 
oom de la Comp'ag;nie de Jefus. 

La onzième partie des habitans de 
l'Efpa^ne périt par la &mtne & par les 
maladies qui font une fuite ordinaire de 
ce fléau. 



d'E s P A GN E. 34.7 

Le fer avoit aullï moilTonné un tiers 
des Péruviens : ce Peuple d'un caraâere 
doux I timide , d'une intelligence lîngu- 
liérement bornée ., d'un tempëramenc 
foible & délicat , fembloit à la vérité 
être né pour l'efclavage ; mais les Efpa- 
^ols ne voyoient dans cette foibleSe 
qu'une facilité de plus pour les détruire j 
en vain quelques hommes pieux &c hu- 
mains élevoient la voix pour défendre les 
droits de la Nature &c des gens auprès de -* 
leurs indignes Compatriotes. Les Efpa- 
^ols , en palfant en Amérique > con- 
traéloient un caraélere fombre & impi-> 
toyable ; accoutumés au fang ils n'épar- 

f noient pas davantage celui de leurs 
)ompatriotes dans les guerres ciyiles. 
Cette année , le fils &c les partifans de 
d'Almagro confpirerent contre François 
Fizarre. Nous verrons, ailleurs les fuites 
de leur complot. 

L'Empereur pafle des Pays-Bas à Ra- 1^41; 
tifbonne où il av^it convoqué la Siete 
pour apporter un prompt remède aux 
maux que caufoient les nouvelles Reli- 
gions ; OQ difputa devant l'Empereur , 
& on ne termina rien ; les PrpwflaDs re- ~ 
«uferenjc Mutement le Pape & lesEvé- 
Pvj 



548 H I s T O I R E 

ques pour juges, les regardant comme 
leurs parties. L'Empereur publie fon fa- 
meux intérim par lequel il permet à cha- 
cun âe refter danrfes fefltimens jufqu'à 
la tenue d'un Concile gênerai ; il fallut 
que Charles en vînt à cette condefcen- 
'azaci pour ne pas s'attirer fes Proteftans 
fur les bras ; ceux-ci étoient fiers de la 
proteflion que leur offroient François I, 
& Henri Vll. Le Roi- de France em- 
ployoît pourtant , comme nous avons 
déjà dit , le fer & le feu pour exterminer 
les Luthériens ; le dernier quoique Schif^ 
matique ne leur fetfoït pas glus de quai> 
tîer quç le Roi de France; 

De Ratiflîonne l'Empereur s'àchedu^ 
ne en^ Italie , & il s'abouche à Lucques 
avec le Pape pour obtenir la convoca- 
tion d'un Concile- ; cette entrevâe ne 
Epoduifk aucun fruit j cependant Char- 
:s étoit également menace par Solyman 
& par François L Celui-ci avoit le motif 
te plus légitime que jamais Prince ait eu 
de fouiller la difcorde Se la guerre aux 
quatre coins de l'Europe ; le Marquis du 
Uuàt , Gouverneur du Miknez , venoh 
de violer le droit des gens en la perfbnne 
as. Rincone & de Fregefe^ AmbalIâdeitK 



d'Es F AGN B. 34> 

' de France , dont l'an alloit en Turquie , 
& l'autre i Venife. Ces deux Minifères 
traverfant le Mibnez fur la fol de la trê- 
ve, avoicntété aflaffinés; loin de défa- 
Vfmerun pareil attentat, rErapereur àé- 
ckra que le premier étant né fon-Sujcti 
& le fecortd étant Génois , lui & la Rér 
publique de Gènes avoîent été en droit 
de fe défaire de deux Sujets rebeBes/ 

SolymatTj allié de François I. fait la 
conquête de la Hongrie ; Charles-Quint 
marche en Afiique fur l'arriére -faifon 
pour &ire diverfion. Cette expédition té- 
méraire & imprudente fut formée & exé- 
cutée malgré Doria qui fe jetta même 
aux pieds de l'Empereur pour l'empê- 
cher de paffer outre ; Charles lui ïépon- 
dit :M»npere ffoixamt & doutée ans de vie 
À vous, é" vingt-deux à m<» d'Empire dot' 
vent muf fuffirt : après cela il faUut par- 
tir. Son armement furpalfoit celui de 
l'expédition de Tunis ; les fuccès de cet- 
te campagne contre les Africains l'errcou- 
rageoient encore ; Jannetin Doria avoit 
pris neuf galères au fameux Dragut , & 
ce qui valoir encore mieux, Dragut lui- 
même j André Doria & Fernand Gon- 
xague s'étoient. emparés- d«<Caramml;f 



3TO Histoire 

de Monaller , de Sufe & d'autres Places 
du Royaume d'Alger ; enfin , Dom Al- 
vardeSande venoit de battre avecjooo 
^ntafllns E^agnols une armée de qua- 
rante mille Turcs & Maures parmi lef- 
quels il y avoit vingt-deux mille hom- 
mes de cavalerie ; l'Empereur fe flattoit 
après tous ces avantages de la conquête 
d Alger; il eft confiant qu'il eût reuflî , 
s'il n'eût eu que des hommes à combat- 
tre, mais il fallut luner contre les £Ie- 
mens. Suivi de Doria , du Duc d'Albe , 
de Femand Gonzague , du fameux Cor- 
tez 1 le conquérant du Mexique , d'Oc- 
tayio Farnefe Ton gendre, l'Empereur fe 
préfente devant Algérie vingt Oâobrej 
fon armée étoit compofée comme à l'or- 
dinaire d'Ëfpagnols , d'Italiens & d'Al- 
lemands. Hafceo-Aga, Renégat Sarde 
commandoit dans Alger pour £arbe- 
rouffe , c'étoit le mcifieur de fes Offi- 
ciers. Charles le fomœa de lui rendre la 
VilletleBenégat lui répondit qu'il lui coi>- 
feilloit de fe retirer , pour ne pas éprou- 
ver le même défaflre que Diegtie de Vera 
& Hugues de Moncade > dont la flotte 
avoit péri devant Alger ; le débarque- 
inent fe i^t le vîn^- quatre Oâoore ^ 



d'Espagne. ^yt 

malgré une multitude efiroyable d'Ara- 
bes qu'on mit en fuite; on a&égea Alger 
mais dès le premier jour j il s'éleva une 
tempête qui abîma 14 galères Se cent 
cmquante vaifléaux de charge ; pendant 
que les Elemens combattoient en leur 
»veur , les Algériens firent une fortie 
générale où ils eurent d'abord les plus 
grands avantages ; l'Empereur fauva 
Farmée en fondant avec les Gardes fur 
tes ennemis qu'il repoufla jufques dans la 
Ville ; mais ce fucces palTager ne condui- 
foit à rien. L'Empeteur (e voit obligé de 
lever le tiége ; l'armée fe retira d'abord 
à Metafuz : Cortez 6c Manin de Cor- 
douc, Comte d'AIcaudette , offiirent en 
vain à l'Empereur de prendre Alger, 
pourvu qu'il leur laifl^at vingt mille hom- 
mes. Cortez s'imaginoit-il avoir affaire à 
fes Mexicains f Le rembarquement ne fe 
fit pas fans peine , les Barbares y appor- 
tèrent des obAades infinis ; l'Empereur 
fauva encore une fois fon année , en fe 
déterminant à ne s'embarquer que le der- 
nier , malgré le péril manitiefte où il s'ex- 
pofoit d'être tué ou pris : quatre galères 
coulèrent encore i fond , ou échouèrent 
ùii la Côte à fa vue i la flotte tlifperfée £ê 



g5'2 Histoire 

rendît â Bugie , à Oran , en Sarchigne , 
en Italie âc en EÇpagne ; l'Empereur ref- 
ta vingt jours à Bugie avec des incom'- 
modites étonnantes , en attendant un 
meilleur tems : de- là iî paiTa à Carthageœ 
oil il arriva le cinq Décembre. Ou peut 
dire qu'il ne fignala jamais dans aucun 
endroit fon courage, fa grandeur d'ame, 
fa confiance > fa gén^ronté & fon afià- 
bilité , comme dans cette malheureuJe 
expédition ; il femble qu'il voulut répa- 
rer à force de vertus 1 opiniâtreté avec 
laquelle il avoit pourfuîvi ce projet , mal- 
gré l'avis du Pape & celui de tous les 
hommes fages de fon Confeil : Qm'o» mt 
l^Jfe, avoit-il dit à Doria, une fois agir dans 
ma vie à mon gré. Dans la fuite il avoua 
cette faute , & s'en repentit tout le reAe 
de fes jours. 

Dom Alfonfe d'Angulo voulant réta- 
blir par ordre de l'Empereur le Roi de 
Tremecen fur le thrône , eft vaincu & 
pris par l'ufurpateur. 

Le Marquis Pizarre eft maffacré dans 
ibn palais de Lima , au milieu de fes amis 

Ear les partifans du jeune Almagro qui 
I proclament fur le champ Gouverneur 
4u Péroui cet Alcoa^o afpiioit à enêtse 



D* E s P A G N E. ÎJ'J 

le Roi ; la Cour inftruite de ces divifions 
fangtantes qui pouvoient Lii faire perdre 
l'Empire nouvellement conquis , envoyé 
avec un pouvoir fouverain le liccntié Va- 
ca de Caftro ; il eft aflêz étonnant que 
Charles 'n'ait pas fait marcher un de fes 
Généraux ; l'Ynca Mango eft poignardé - 
par les Efpagnois jufques fur les Monta- 
gnes qu'il avoir choifies pour fon afyle ; 
TYnca Paulu conlbattoit pour Almagro. 
Celui-ci fier de fes forces & de la faveur 
des Péruviens a l'audace de fe déclarer 
ouvertement contre l'Empereur. 

François I. profite de la malheureufe '5'4^». 
expédition de Charles pour rompre la 
trêve de Mce. La guerre efî générale 
dans le Rouflîllon , les Pays-Bas & l'I- 
talie; le Dauphin de France aflîége Per- 
pignan défendu vaillamment par Te Duc 
d'Albe ; le Prince François fut obligé de 
renoncer à fon entreprife après deux 
mois de tranchée ouverte ; l'Empereur 
fait reconnoître fon fils en qualité d'hé- 
ritier de la Couronne en Arragon, en 
Catalogne & à Valence : -il tire de gros 
fubfides de ces Provinces. Le Duc d Or- 
léans fait la conquête du Duché de 
Luxeoibourg , mais il interrompu fe» 



35'4 Histoire 

fuccès pour venir partager la gloire du 
Cége de Perpignan qu'on fut obligé de 
lever , comme je viens de dire. Le Duc 
de Cleves a la témérité de déclarer la 
guerre à l'Empereur avec le fecours des 
François : il repétoit le Duché de Guel- 
dres , M mit fur pied une année de quinze 
millehommesî (on Général Manin Roffen 

{lona le fer & le feu dans prefque toutes 
es Provinces desPaysBasjmaîs après la 
retraite du Duc d'Orléans » la Reine de 
Hongrie recouvra le Duché de Luxem- 
bourg , à l'exception d'Yvoi dont le 
Prince d'Orange fut obligé de lever le 
fiége. Le Duc de Cleves eft dépouillé de 
la çlus grande partie de ies Etats qui 
avoient éprouve toutes les horreurs de 
la guerre. 

Du côté de l'Italie on prit des Places 
de part & d'autre , de on en perdit ; le 
Piémont Se le Montferrat furent le théâ- 
tre de la guerre ; Solyman manqua de 
parole au Roi de France , il lui avoit pro- 
mis d'attaquer l'Italie par Mer , & il ne 
parut pas une feule de Tes galères fur la 
■ Méditerranée ; François I. avoîtaufli en- 
gagé dans fa querelle les Rois de Suéde 
& de Dannemarck , mais fans en ùrer 
aucun avantage. 



d'Es P AGN E. 



3SS 



Vaca de Caftro déclare le jeune Al- 
magro criminel de Leze - Majeflë , & 
remporte fur lui le feize Septembre une 
viâoire décifîve à Chapas ; celte bataille 
coûta plus de fang aux Erpagnols que la 
conquête entière de l'Amérique Méri- 
dionale ; Almagro fait prifonnier , perdit 
la tête fur un ecbaffaut. 

L'Empereur, fur les remontrances de 1745* 
Las-Cafas qui feul avoit le courage de l'at- 
tendrir en raveur des Américains oppri- 
més , donna une ordonnance confîrma- 
tive de celles de Ferdinand , par laquelle 
il défendit qu'on employât Us Péruviens 
à la pèche des Ferles , au travail des mi- 
nes , qu'on les affujettît k de trop grands 
tributs j & qu'on leur fît porter des far- 
deaux. On avoit vu fouvent les Efpa- 
gnols couper les jarrets aux Indiens, 
quand la fatigue & l'épuifement ne leur 
permettoient plus de traîner leurs char- 
ges ; l'Empereur couronnoit fes bienfaits 
en brifant les fers des Péruviens réduits 
k l'efclavage par les conquérans. 

L'Empereur s'allie avec le Koi d'An- 
^eterre par un traité figné à Londres. 
Toute l'Europe fut étonnée que deux , 
Princes qui avoient de fi julles motifs 



IT? Histoire 

d'une haine immortelle , s'accommodaf- 
fent avec tant de facilité. Mais à quoi ne 
fe déte^lïline-^on pas par des vues po- 
litiques ? Chartes & Henri convinrent 
de conquérir & de partager la France. 
Le Roi devoit entrer' en Picardie par Ca- 
lais , & l'Empereur par la Fl^dre ; les 
deux armées ne dévoient fe réumr que 
devant Paris ; Charles , après avoir né- 
gocié (<i) le mariage de fon fils avec Ma- 
rie , Infante de Portug^ , laiiTa à ce jeu- 
lie Prince ta Régence d'Efpagne , & pour 
Miniftre le Duc d'Albe. IlpaflaàGè- ' 
nés, de-!à il fe rendit à Boffeto où il eut 
une entrevue avec le Papeà qui il refufà de . 
donner le Milanez pour Oéhve Farnele , 
& d'accorder la paix à la France. 

Solyman envoyé au fecours des Fran- 
çois Barberouffe avec cent trente galercï 
& trente galiotes ; Régio eft prife par les 
Turcs : us fe préfentent devant OlUe. 
L'Italie eft connemée,Rome menacée eft 
évacuée par prefqtfe tous fes habitansj 
mais Barberouffe fe rend en Provence, 
il avoit ordre d'obéir à François I. Il af- 
liége Nice , de concert avec les Fran- 



d'Ês P A GN E. JJ-y 



çoîs ; il fut obligé de lever le fiége du 
château aux approches du Marquis du 
Guat. L'armenjent des Turcs fe rédui- 
re à faire des ravages afIreuxfurJes Cô- 
tes de Naples , & à feire trçnte millç ïlf- 
çlaves. • 

Cbarlas-Quint prend d'aflaut la Ville 
4é Duren , fes troupes y mirent le feu & 
la brûlèrent j les Duchés de Cleves Se de 
Juliers reconquis par leur Souverain fe 
fournirent ; le Duc de Cleves yiijt avec 
des habits de deuil fe jetter aux pieds de 
l'Empereur qui luj pardoijna , & le réta- 
blit dans fes États , moyennant la ceOiog 
' de fes prétentions au Duché de Gueldres 
& au Comté de Zutphen. 

François I. fait lever le fiége de Lajj- 
drecies à Fernand Gonzague à qui l'Em- 
pereur avoij: remis Je commandement de 
l'on armée : le Roi de France couronna 
cet exploit par la pjus bejle retraite 
qu'on eût vue dans ce fiécle. 

Le Marquis du Guat prend MondovÀ 
en Piémont : il ne fe pafle prefque rien de 
mémorable dans cette partie de l'Euro- 
pe i le Roi de Tunis effrayé des arme- 
mens de Solypnan & de fiarberoulle , 
pafTa à ^aples pu il foliipiia des fecpi^is 



if44' 



55-8 Histoire 

four fe maintenir fur fon thrône ; mais 
Empereur plus opiniâtre que jamais Jk 
la conquête de la France -, lui en refufa. 

Charles envoyé au Pérou , -en qualité 
de Vice-Roi , Vafco Nugnës de Vela , 
homme ferme , févere & inflexible. Il 
devoit établir à Lima une Audience 
Royale chargée de veiller fur -tout i 
l'excution des Loix établies en hvear 
des Indiens. Vela exécuta à la rigueur 
les ordres de la Cour , & commença par 
détruire les Loix tyranniques de Pizarre 
& de d'Almagro , Loix qui paroiffoient 
faites pour anéantir les Péruviens. Il y en 
avoit une entr'autres qui permettoit à 
tout Efpagnol , fût-il delà plus baSecon- 
dition , de prendre fur fa route trob In- 
diens pour poner fon bagage. On em- 
ployoït ces malheureux à toutes fortes 
de corvées ; les £fpagno]s crièrent à la 
tyrannie , quand ils virent qu'on vooloit 
les empêcher de traiter les Péruviens 
comme des animaux. Ils lignifièrent au 
Viceroi qu'ils appelloient de fes ordon- 
nances à l'Empereur mieux informé. 

L'Ëoipereur , le Roi des Romains i 
' tous les Elefteurs & les Princes de l'Em- 
pire fe trouvent tous alTemblés à la View 



D* E s P A G N E. 



3S9 



de Spire , ce qui ne s'étoit jamais vu j 
Charles y prononça contre François I. 
une Philippique des plus fanglantes. II 
accufa le Roi de France d'avoir livré la 
Hongrie & l'Italie à Solyman , l'enneini 
commun des Chrétiens. Tous les Mem- 
bres de l'Empire , tant les Catholiques 
que les Proteftans fe déclarèrent contre 
le Monarque François , & pron^irent de 
fournir une armée de trente mille hom- 
mes pour l'attaquer; les Elefteurs çn- 
^gerent aufli Charles à faire la paix ayec 
Frédéric, Roi de Dannemarck, quiavoit 
déthrôné Chriftieme , le Néron du Nord, 
& le beau-frere de l'Empereur. Les deux 
&eres , en reconnoilTance du zélé du 
Corps Germanique , s'engagèrent à lui 
procurer un Concile Général ou Natio- 
nal , & confirmèrent en attendant la It- 
berté de confcience. 

La guerre cft pouffée avec plus de vi- 
gueur que jamais en Italie , en Picardie 
& en Champagne. Le Marquis du Guat 
ell vaincu dans une grande bataille à Ce- 
rifoles par le Duc d'Enguyen. Le jeune 
Prince ne réuflîfTant pas d'abord dans fes 
opérations militaires , voulut deux fois 
fe percer le coeur ; mais enfin la fortune 



'gfio Histoire 

fe déclara pour lui , & du Gaat fe retira 
prefque leul après avoir perdu une quan- 
tité confîdérable de fes troupes. Le Mont- 
ferrât tomba au pouvoir du vainqueur. 
Le Milanes eût effuyé le même fort , fi 
François I. n'eût rappelle d'Italie une 
bonne partie de fon armée pour fe dé- 
fendre. L'Empereur & ie Roi d'Angle- 
terre venoient de pénétrer en France avec 
des forces fupérieures. Boulogne étoit 
pris par les Anglois , & Mpntreuil par les 
Flamands. L'Empereur avoit de fon côté 
les plus grands fuccès. Après avoir repris 
Luxembourg , & forcé S. Dizier , il s'a- 
vança jufqu'à la Marne , & jetta l'é- 
pouyante dans Paris d'oi l'on vit for- 
tir un grand nombre d'habitans. Fran- 
çois I. prit le'parti de ravager ia Champa- 
gne pour couper les vivres aux ennemis. 
L'Empereur fe trouva bientôt dans l'em- 
barras ; mais il s'empara de Château- 
Thierry & d'Epernay où étoient'lesma- 
Êafins des François. On prétend que b 
lucheffe d'Etainpes, maîtreffe de Fran- 
çois I. & qui favorifoit fçcrettemeot 
Charles-Quint , confeîUa à celui-ci de ft 
faifir de deux Places aufll importantes ; 
fiUDi<|u'il en fjoit, le Roi de France fe 
trouvant 



b'E s P A G N E. 361 

trouvant réduit aux plus grandes extré- 
mités , demanda la paix , & l'obtint au 
grand étoonement de rÉurope. On ne 
^avoit comment interpréteF la conduite 
de Charles. Le traité fut.oonclu à Crépy 
en Valois. Les pnncipaûk articlesétoient 
qut le Roi renoncerott à l'alliance de So- 
uman , qu'il confirmeroit fes renoncia- 
tions au Royaume de Naples , âc à la Sou- 
verainetjé de Flandtes& d'Artoisique le 
Pue d'Qrléans épouferôit ou une lîUe , 
ou une nièce de rEmpereur ; qu'on don-' 
Bermt pour dot à la PrineefTe. le Milanez 
ou les Pays-Bas : la mort pnématurée du 
Duc d'Orléans rendit cet article inutile. 
Les Anglois intervinrent auilî dans le 
ç^tétO^kur latflbit Boulogne pendant 
huit wtnées , après quoi il feroit permis 
aux François de le racheter pour huit 
ce&ts mille écus d'or.'FrànçoîsLdevoit 

farder la Savoye & le Piémont jufqu'à 
exécution de l'article qui accordoit à 
ion fils les Pays-Bas ou le Milanez. 
. Avant la conclufion du-trkité , Dom> 
Âlvar Bazan avoit défait entleremenc le: 
jûur de S. Jacques , vingt-cinq Juillet ,. 
furlescôtes de la Galice, une flotte Ftan- 
çoiie. 

Tome m. Q 



562 Histoire 

Abu-Abdala , Roi d^thrôné de Tre- 
mecen efl rétabli par D. Martin de Cor- 
doue ..Comte d'Alcaudette ; ce Général 
vainquit, cinquante mille Maures avec 
neuf mille homines , & fe retira à Oran 
après fon exoéilition., malgré ceat mille 
Maures qui le faarceloieftt , Se lui vou* 
loient couper la retraite. 

Pendant que le Roi de Tunis folli- 
citoit i Napies les fecours de l'Empe- 
feur contre Barberouife & les Turcs » 
fon fib Amidas ufucpoît Ta Couronne ; le 
Prince déthrôné paffa fuf le .champ es 
AfnqueaT^ douze mille Napolitains; 
mais il fut vûncu & pris par fon fils qui 
lui fit créveries yeux. 

LePapcconvsqae ub Coaàle'géaé'. 
rai à TTentc pourie quinae Miars âe l'ao* 
née fuiwanice. -• 

Le -Vice-Roi dU Pérou fe moque det 
cris des habiiens de ÎJàiS ; il établit l'Au* 
dience Royale, malgré les proteilations. 
Ce coup d'autoiiic excita une nouvel- 
le guerre cîwàle:; Cufco fe déclara con- 
tre hù ,'&TélaianfaplaceGonzale (a) K- 
«aira i l'AindieOiCe de Lima s'élçva elle- 
■ Pizvre 11» 



d'Esîagne. 565 

même contre Vêla , lui reprocha fa cruau'^ 
té , fon orgueil , le 6t arrêter , & le re- 
légua dans uoe Ifle déferte , en attendant 
qu'on p-ûr le renvoyer en Éfpagne. Cette 
procédure d'un Corps de Magiftrats dé- 
voués à la Cour prouye que Vek n'a- 
voh pas en eâèt les qualités propres à mé- 
nager les efprits , & à gouverncri cepen- 
dant cette difcorde , qui" rendit Pizarre 
maître abiblu , manqua de faire perdre 
l'Amérique Méridionale à t'Efpagne. 

Le Vice -Roi exilé fe fauva ae l'Ifle 
par les fècours de quelques EfpagnoU 
qui aimoient mieux obéir a la Cour , que 
d'être fournis à un de leurs compagnons; 
Us lui£rent une armée > &c h guerre civile 
recommença. 

- Marie de Portugal , Princcfie des Af- ^^"47* 
turies ,.meurc des lukes d'une couche ; le 
fils qu'elle mit au monde fut l'infortuné 
Dom Carlos ; les Pfoteftans refufent dé 
fe rendre au Concile Général qu'ib 
avoient d^nandé avec tant de hauteuf , 
parce qu'ils ne pouvoient , difoient-ils , 
confqntk que le Pape & les Evêques y 
préfidaflint, 6t fufient regardés comme 
leurs Juges : cette opiniâtreté ouvrit en- 
fin les yeux de Charles - Quint ; il ièntit 

■ Q'i 



2<5^ H IS TO I R £ 

qu'il falloit employer la force & les air 
mes pour les réduire. La mort du Due 
d'Cméans n'altéra point la paix entre 
l'Empereur & François I. La France ne 
couvoit plus fournir à de nouveaux ef- 
forts ; moyennant cet accident , la Mù- 
fon d'Autriche garda ce qu'elle aydt 
promis , &, les François ne fe défaiCrent - 
point de la Savoye & du Piémont. 

Le Pérou étoit le théâtre de la guer- 
re civile ; les fuccès varièrent cette an? 
née , mais la fureur fut la même dans 
les deux Partis ; oa ne faiiôit quanjer à 
perfonne. Jamais on ne vit ^armï les 
Chrétiens , excepté dans les guerres de 
Religion , plus de forfaits & de barba- 
lie ; Tes Indiens prirent part à cette guer- 
re comme aux précédentes. Se Us range- 
refli Aupidement les uns fous les éten- 
dards de Gonzale , les autres fous ceux 
du Vice-RoL Dix ou douze mille de ces 
malheureux répandus dans chaque ai- 
ntée traÎQoient l'artUlerie , applaniflbient 
les chemins , tranfportoient le bagage , 
& s'égorgeoient mutuellement , quand 
l'occaâon s'en préfentoit. Ib avpient ap- 
pris de leurs conquérans ,i être fangut* 
mires. Pjzarre ftt déclara Gouvcrnew 



d'Es P A G NE. }6y 

du Pérou par l'Audience même de Lima 
qui eût du lui faire fon procès. 

Les Proteftans foupçonnant les pro- i^'i^' 
jets que Charles-Quint avoit fonn^s con- 
tre leur Parti, fe préparent k le chaflèr 
de_ l'Ëropire , ainu que le R.oî des Ro- 
mains. Une Diète aflemblée à Ratifbonne 
devint inutile par l'opiniâtreté de l'E- 
leéteur de Saxe , du Landgrave de Heffe- 
Caflel , de l'EleiSeur Palatin , & des au- . 
très' chefs de la Ligue de Smalcade qui 
vouloîent qus le Concile fe tînt en A lle- 
magne.Pour fe fortifier contre tant d'en- 
nemis , l'Empereur marie deux filles 
du Roi des Romains au Duc de Bavière 
& au Duc de Cleves. On affuroit au Ba- 
varois l'Autriche , la Bohême & la Hon- 
frie , au défaut des mâles dans la Maifon 
e la Princéflè qu'il ëpçufoit. Cette 
claufe fut confirmée par un codicile de 
Ferdinand. Le cas étant arrivé en mil 
fept cent quarante à la mort de l'Empe- 
reur Charles VI , la Maifon de Bavière 
voulut iàire valoir fes prétentions , ce 
qui excita une longue &c fanglante guer- 
re, dans toute l'Europe : il refte à fçavoir 
fi Ferdwand pouvoit dépouiller une 
branche de fa famlHe d'un droit fondé 



^66 Histoire 

fur la Nature & fur les hàa. 

L'EIeéleur de Saxe , & le Landgrave de 
Heffe-Caffel, foutenus par le Roi deDan- 
nemarek , Se par la Bohême qui s'étoit 
t^voltëe , lèvent une armée de plus de 
cent vingt mille honimes.Plu&d*a^vité> 
de concert & de bonheur pouvoient per- 
dre la Maifon d'Autriche en Allemagne. 
Sébaftien Serlet qui fut d'abord Vivan- 
dier dans les armées Impériales , & qui 
devint enfulte Général des vivres , s'em- 

fara des paflages du Tyrol pour fermer 
entrée de l'Allemagne aux troupes 
5ue Charles- Quint attendoit d'Italie & 
'Efpagne ', il manqua Infpruck, mais 
il fe faifit deDonavert. Charles fe mon- 
tra fupérieur à lui-même dans c;ette ex- 
ÎiétUtion. Il commença par attirer dans 
on parti Ma^rice de Saxe , Lutherie» , 
en lui promettant l'invelliture de l'Elec- 
torat dont il portoit le nom. Le pôffef- 
feur de cet Eleâorat & 1« Landgrave de 
Heâe-Caffel furent mis au ban de l'Em- 

Sire. La manoeutre admirable du Duc 
'Albe déconcerta tous les projets des 
ennemis. Le Roi des Romains & Mauri- 
ce de Saxe dépouillèrent de leurs domai- 
nes plufieûrs Princes Proteftana. L'Ëra- 



■^ B* Espagne. 367 

pereur reprit Neubourg & DosaTert. 
Enfin tes confédérés furent diffipés fans 
avoir ofê' livrer bataille. Le Palatin ^im- 
plora la clémence de l'£tni)eTebr qui hii ~ 
■ pardonna. 

Les Citoyens de Napies & fcmlevent 
pour ne pas recevoir l'Inquifiâon ; Lu- 
ther , le fiineftc auteur d£8 guerres ci- 
viles qui ravagcoient une grande partie 
de l'Europe , mourut fur ces entrefaites, 
fans fçavoir fi fa do£lrine,prévaudT(ùt ai 
Allemagne : elle avoït déjà fait couler des 
torrens de fàng en Suifle. On Içait q^ue 
ce Moine Apoftat ne fut qu'un «if- 
trument employé par quelques Princ«9 
d'AUem^ne qui vouloient fecbuer le 
joug de Rome , & s'emparer dei btens 
de 1 Eglife à l'ombce de la nouvelle Reli- 
gion. 

. PizarreremportefousleiirrarsdeQui- 
to une viéloire complette dans la quelle le 
Vice-Roi eft tué ; ce fuccès fit régner le 
vainqueur pendant quelques années au 
Pérou , fans qu'U osit pourtant ceindre te 
Madéme. Il paroît que tes vues de l' Au- 
dience de Lima , en lui déférant la qua- 
lité de Gouverneur Général , étoit qu'il 
fe contentât d'être en elfet le dépofitaire 
Qiy 



^68 Histoire ■ 

de l'autorité Royale. Toutes ces dîvi- 
fions n'empêchèrent pas les Efpagnols de 
pouffer leurs découvertes & leurs con- 
quêtes dans l'Amérique Méridionale. Us 
pénétrèrent jufqu'au Paraguaî & ik la ri- 
vière de Plata.Un cenaÎD Mendoze for- 

' ma une armée, & marcha contre Pizarre. 
Carvajal ; foldat de fonune , mais hom- 
me de tête j & Lieutenant du Gouver- 

. neur , remporta fur Mendoze une viftoi- 
re complette , le prit & lui fit couper 
la tête. Carvajal étoit le plus habile Offi- 

' cier & le plus cruel Efpagnol qu'il y eue 
alors dans TAmérique. Il découvrit dans 
une de fes expéditions les mines de Po- 
tozi qui font les plus riches , tant de l'an- 
cien que du nouveau Monde. Lcùn d'ê- 
tre épuifées depuis plus de deux fiécles» 
ces raines fourniffent encore aujourd'hui 
des femmes prodigieufes. 
jf47. Le Pape rappelle fes troupes en Ita- 
lie. Dans le^ond il étoit auffi oppofé à la 
tenue d'un Concile que les Proteftans 
jnêmes , ou du moins il aurait voulu le 
voir affemblé dans un lieu dont il eût été 
Je maître. Henri. VIII. Roî d'Angleterre 
meurt le vingt-huit de Janvier. Deus 
mois après Fiatiçois I. defcenditau tom.- ' 



d' E s P A G N E. 3(Sp 

beau. L'Empereur, en apprenant !a more 
de ce dernier , s'écria : il vient de mourir 
un Roi ititn mérite p émtnent que je nefçais 
^uand la Nature en produira un fetnbUhle. 
On fait volontiers l'éloge d'un ennemi 
qui n'eft plus à craindre, 

Charles- Quint croyoit fès ennemis 
vaincus , ils n'étoicnt que confternés ; le 
départ des troupes du Pape , & la fécu- 
rite de la Maifon d'Autridie rendirent le 
courage aux confédérés. Une nouvelle 
. révolte éclata en Bohême ; l'EIefteur de 
Saxe recouvra fes Etats ; il prit le Mar- 
quis de Brandebourg , & tailb fcHi ar- 
mée en pièces. Les Viltes Protellantes 
firent de nouveaux ef^ts , & la Ligue pa- 
rut plus redoutable ; malgré tei in6rmi^ 
tés dont Charles étoit accablé , it marcha 
pour arrêter les progrès du vainqueur ; & 
s'avança vers l'Êlbt'avecIe Rot des Ro- 
mains &■ le Duc d'Albie-; l'Eleéteur étoic 
campé à l'autre rive avec une armée Su- 
périeure ii celle des Impériaux : il fit 
rompre le pont deMulberg, & refta 
tranquille d^ns Ton camp , comptant que 
l'Empereur n'oferoit jamais l'attaquer; 
en «fret, l'Elbe avoir trois cents pas de 
lar«eiir».& fiin lit étôit très - profonde- 



37° HiST.OIRE 

Quelle apparence qu'on hafardât le paf- 
fige k la- vue d'une armée nombreufej 
& de quarante pièces d'artiUérie ! Mais 
le Duc d'Albe , par une manoeuvre f^a- 
vante , & à l'aide d'un brouillard épais» 
amufà l'ennemi, jetta un pont de ba- 
teaux fur le fleuve , & y fit paflèr fon in- 
fanterie , tan<Us que Cbarles , à la tête de 
la cavalerie traverfolt la rivière à la nage » 
& tomboit-fur l'ennemi avec impétuomé, 
L'Eleileurquiétoitalorsau Sermon, vint 
joindre fes troupes, tint ferme $c combat- 
tit jufqu'à la nuit , mais (on armée fut vauf 
eue , lui-même furblelTé , prts & ^poduit à 
l'Empereur; cette bataUle mémorableliit 
livrée \i 24 Avril > les Efpagools y firent 
des prodiges de valeur. Quelques HiAo- 
nens ont écrit qu'il parut pendant l'ac- 
tion un Phénomène fineulicr dans le 
Ciel. Le Koi de fruice HevtlJ. *ya.at 
dera^pdé au Duc d'Albe la vérité du 
fait i Sire , lui i^épqndit le Génér sL Efpi- 
gnoi en riant', y'frtii'jîoffci^ de ce^w'/ç 
pajfM fttr la terre , ijifi, je n^aipas rtmur' 
jKc ce qiùparviffeit ah Ciel. I; Empereur 
«crivoit qiodeflemienç au fujet.tiecB,com- 
^t décifîf : J^ fnfi Vfiftf j flsi ■â» > Dieu m 
fiaiseth La Bc*éme ttattà dan? ït ée- 



b'E s p ÀGN E. '3Jf 

yoir , Wirceoiberg ouvrit fes porKs j les 
Proteftans fe virent fans tenontCe , Se 
'Charles partit le maître abfolu de l'Em.- 
pire. L'âeâeur de Saxe fut condamné i 
perdre la tête fur un échaffau t par le Con- 
iêil de guerre où préndoic l'ïnrïexiblt 
X)uc d'Albe. Quand on vJnt^^iBer la 
fentence à ce Friace > il joù<Mt une partie 
d'échecs qu'il continua froidement ;.ob 
dévoie l'exécuter à la vue de Wirtem- 
berg, capitale de fes Etats; te Bue d'Â[- 
be pfelTa en vain l'£i»pere«r d^ bater 
l'cKécution. Charles naturellement clé- 
ment & politique fît grâce de la vie i 
ion pri(cinnier, à condition qu'il per- 
droit k dignité Ële^orale & tous £e's 
£tats , excepté le Duché de Gotha ; qu'il 
confentiroit que fes dépouilles paj|êf oienc 
à Maurice de Saxe ,. grince de fa Maifon «- 
flioyennant quelques penlîons ; enJùi , 
qu'il donneroit fa miwle d'honneur de 
Aiivïe par - toat l'Empereur. Le Pape 
o(a deiiaander l'Eleftorat pour fou pé- 
rit - fils Hotace FasasCe ; TEmpereor 
£ï BK>qua de cette prc^ofition : (on àcC' . 
feia fecret avoic été d'en tnveilir u4 
des jiUde Fetdioaad , afin deidifpofei 
«eki-ci, à aédxi la dignité de &oi \iet- 



'373 HlSTO IBE 

Romains k VhÏÏippe , Prince d'Erpagnc. 

Mais U eninïe de foutever les Catholi"- 

3ues, ainii que tes ProteftanS) l'empêcha 
'exécuter ce projet. Le Langdrave de 
Heffe-CalTel fe rend à la Cour Impériale 
fur la foi d'an fauf-conduk , qui n empê- 
clia point cju'il ne fut arrêté, GrandveÛe , 
Evêque d'Arras , ûh du fameux Chan- 
celier de même nom , Miniftre de l'Em- 
pereur comme fon père , auilî habile >. 
mais moins honnête nomme , avoit dreffî 
tin aéte dans lequel le Landgrave ftipu- 
loit qu'il ne feroit renfermé dans- Mteiétit 
prifon. Le Prélat fùbftitua le mot Euri^ 
qui ÇigaiSe ptrpétKelie , es la place de ce- 
Ini d'Eink qui veut dire aunHnt. Cette 
indigne ^percherie fournit depuis un 

f rétexte plaufible à Maurice , gendre du 
.andgrave , de prendre les armes contre 
Charles-Quint , & acheva de rendre 1« 
vainqueur octieux. 

Le Corps Germanique confennt de Te- 
eotmoïtre U légitimité du Concile de 
Trente dans uneCiece alTemblée-i Auf-, 
bourg; mais dans ce tenu -là mime le 
Pape transféroit le Concile à Boulogne > 
malgré les inflances dé l'Empereur qui 
fe biouUla'à ce fujet avec le Souvetaùk 



d'Espagne. 37 j 

Pontife. Fierre Louis Farnefe , Duc , oa 
plutôt tyran de Panne & de FlaHance.fut 
alors maflfacré par-quelques-uns de fes Su- 
jets ; il eft cocmant que Fernand Gonza- 
gae. Gouverneur du MUanez, -protégea 
fes Conjurés ; l'Empereur avoit un fecret 
reflenciment contre ce bâtard du Pape > 
allié des François & ami de Kiefque , qui 
venoit de confpirer contre la liberté de 
Gènes fa Patrie. Cette entreprife n'avoit 
pas réuffi , prce que le chef du complot 
etit le malbeur de Ce noyer au moment 
même que le complot cemménçoît &' 
s'exécuter. Les confpirateurs en v,oa- 
Joieut principalement a Jannetin Se I An- 
dré Doria. Le premier qui étoit Général 
des Galères de l'Empereurfut tué, & l'au- 
tre fe vit obligé de ftiir à l'âge de 80 ans. 

Plaifance e(t réunie au Milanez après 
en avoir été aliénée pendant quelque 
tems , ainfi que Parme , en faveur du S. 
Siège fous te PontUicat de Jules U. Le 
Pape outré de tant d'injores , ne reîpiroic 
en fecret que la vengeance ai foa nls. 

L'Empereur envoyé au Pérou Pierre 
:cle la Gafca , fimple Prêtre à qui il donn» 
an pouvoir abfoluïvec la qualité dePté- 
-fident de l'Audience de Lima. Cet Ec- 



,„.CcK!j^lc 



37é Histoire 

clé(ïa{Uqiie modéré £c iolifluaiic rappeUt 
jtleut devoir, fans tirer Vépée , la plus 
grande partie des Rebelles , ôc oârît une 
amtiidie à Fizarre. Celui-ci, pour toute 
répoofê , le condamna à mort , vint fbn- 
Àcc fur £6;i année , & la tailla en pièces, 
X'ufurpateiir fijt et)core redevable de ce 
fuccès a Carvajal qui fe vanta d'avoir taé 
4ans cette bataille foa propre irere* & 
cent Efpïgnols. 

^54° L'Empereur manque d'être mafiâcré 
^ dans une fëdition des foldats Alleqiaiids 

^X^P'à Âulbqurg, il n'eut que le t-ems de k 
£uiverchezuaBourgeoii.oùil.re(lacacb£ 
pendant trois heures; la Reine d'Hwi- 
grie négocie e;i vainavfc le Roi des Ro- 
mains, qu'on Touloit engager àrenoocer 
& ce titre en iaveus du Prince d'£^agne ; 
i'f^pereu^ dcœna ordre aux Ëv^ques 
Efpagnpls.dtreâerà'Xr^RK t &£t^ire 
.dçsprpteftations contre.le P»pe & l'iP- 
iemblée deBoulogne parMoidoza , Var- 
gas & Wehfcoi Qiarles prétendcMt vf<x 
un égû drok (jue le Pape à la convoca- 
tion d'un Ck)ncile ; f«r le refaa de Pau! il 
{mblîa te hmeax JbttS'tm-.i^À) cooceaanc 

' (t) 1i y «<*'k TÎi^-fii ntiïlu dcBt la deuc Hr- 
nren pcrmciioient aux Pro,ieftiw l'ufigc du C^Mi 
* le mariage dEi'Miniilrei. 



d'E sp a GN E. Jjf 

U formule de foi & les anictes que te» 
Catholiques & les Proteftans ferokitc 
obligés d'obfervet, eft attendant que les. 
point? controverfés eufient été décidés^ 
dans le Concile Général. Cet expédient 
déplut égalemeat aux deux Panis. On 
peut dire que V/ntirîm n'a guères fair 
moiiis de tort i l'Eglife Romaine que l'o- 
pimâtreté de Paul à ne. vouloir teuït de 
Concile qu'en Itahe. De l'Allemagne ». 
Chartes paâa en Flandres cha^ des dé- 
pouilles des Proteftans d'Allemagne ; Iff- 
Roi de Bohême Maximîlien , depuis£m- 

rreur., ferendit en Efpagnê oïl il égoun 
Marie, fille de l'Empereur; Charles 
Quiat lui CQtdïa la Régence d'Efpagne , 
&-rappelIa auprès de lulfon fils Fhilippç, 
,- L^mpereur devenu H terreur de l'Éi^ 
rope , Ce comporta à t'égard des Frai»- 
fois avec uae modération qu'on ne de- 
voit pas attetidre d'un Prince fi ambi- 
tieux. La Guyenne & les Provinces voiv 
&aéi s'éoïient révohées » & vouloient fir 
donner & r£m[}ereur; Tes MiniUres lut 
confeiUoiem de profiter des circonflince» 
pour s'agrandir > non répenifit Charles;. 
il ejl indigm.ttint Roi de fintettîr iti ré- 
vdm das $uffts . d^Mé 4uat JPwhtcc î. Dim 



37^ Histoire 

n^a'donni ajfex, de domatatf fiuts eitvitf 
«mx À'aMtrm. 

Dragiit Rais échappa de fa prifon , de- 
venu le maître de la Aiéditerrannée p» 
la reirahe & la vieiltelTe d'André Doria , 
commit cette année des ravages affreux 
fur les côtes de Sicile te de Naples. 

Valvidta , conquérant du Chiti a la 

flotre de terminer les guerres civiles do 
érou. Il joignit fes forces aux débris de 
l'armée de Pierre de la Gafca. Pizarrc 
trahi & abandonné par fes Soldats , toA- 
ba au pouvoir des ennemis; un-de 1» 
OiKciers lui confeilla de périr en Ro- 
Biain ; Nùn , répt>ndit-il , il vaut mitmx 
tnoxrir en Chrétien II fut Kentôt conduit 
fur un échaffauti de eut la tête tranchée. 
On icartela Carvajïh"Celui-ci avoua en 
mourant qu'il avoit maffacré de fa pro- 
pre main quatorze cents Efpagnols , & 
vingt mille Indiens. L'exécution de ces 
deux Tyrans auroit offert ub fdeâade 
agréable auxyêux des infortunes Péru- 
viens, fi des hommes qifi ont perdu leur 
liberté , & qui gémifient fdus l'oppref- 
iîon b plus-affî-eufe , pouvoiettt encore 
^ûter quei(pie-fatisfaftïbff. - 

Le Prélident adoucit le fort ^e cc& 



d'Es P A G N E. 577 

pauvres Efciaves , conformément auxor- 
Gonnances de l'Empereur ; il réforma Us 
abus de la tyrannie , -il envoya les E^a- 

fnols qui n'avoîent point d'établilTemens 
de nouvelles découvertes , & afiërmifc 
dans ces Régions éloignées l'autorité de 
la Cour qui depuis ce tems-là ne reçut 
que de légères atteintes. Pour dédom- 
mager en même-tems la NobleflTe Efps- 
enole de ne pouvoir employer les In- 
diens en qualité d' efciaves , l'Empereur 
donna un décret par lequel il autorifoit 
les Gentilshommes établis au Pérou , à 
fcire le commerce fans déroger. Hcureii- 
fe rEfpagne , fî Charles eût étendu une 
Loi fi lage à tous les Royaumes qui com- 
pofbient fa Monarchie ! 

Gafca au fetvice duquel l'Empereur 
dut peut-être la confervation de toute 
rAmériqae Méridionale , eut pour ré- 
compenfe l'EvCché de Palencia. 

C'eft ainii que dans l'efpace de quel- 
ques années , cène partie du nouveau 
Monde fiit foumife pour jamais à l'ETpa- 
gne. L'Amérique Méridionale , cette vaG 
te Régbn , la plus riche qui foit dansl'U- 
nivers , a environ 900 lieues de longueur 
fur 30a dans fa plus grande largeur» 



378 Hl s T 0,I R E 

Pour donner une idée légère de fes ri- 
chelTes , il fu^t de dire que dans la feule - 
Ville de Limaj avant le dernier tremble- 
ment de terre arrivé en 17-^5 , il y 
av6it près de quinze cents millions de 
livres , tant en lingots Se en argent mon- 
noyé , qu'en orfèvrerie. 

Pour aâèrmir l'Empire Efpapnol en 
Amérique, les Rois ont établi loitdans 
les lues ^foit dans le Continent neuf Au- 
diences Royales , cinq Archevêchés , 
trente Evêchés , deux Univerfités , & ce 
qu'on n'auroit jamais dû y voir, deux Tri- 
bunaux de l'InquiJition. Il n'eft pas inu- 
tile d'obferver que les Généraux qui fi- 
lent la découverte & la conquête du 
nouveau Monde , eurent tous une trifte 
deflinée , à commencer depuis Chrifto- 
phe Colomb jufqu'à Valvidia. .Celui -d j 
après avoir aflujetti une partie du Chili , 
fut vaincu & pris en voulant pouffer plus 
loin fes découvertes", paruneNation oel- 
liqueufe qui le fît périr par te plus ai&cux 
fupplice. On prétend que les Barbares 
lui verfetent dans la bouche de l'or fon- 
du , en lui difant , rafafit-toi de ce mitât 
dom toi & la siemfomfi fort altérés. On 
a vu que Colomb , après avoir été charge 



d'E s P A G.N E. 379 

de feis , & prefaue conduit fur un ëchaf- 
faut , mourut dilgracié & accablé de dou- 
leur. François Pizarre fut maffacré , fon 
frère Gonzale, Almagro , Balboa mou- 
rurent par la maîij destourreaux. Cortez 
perdit l'es biens dans l'expédition de la 
Californie , elTuya mille mauvais traite- 
mens des Minidres , & fut à peine connu 
de l'Empereur qui lui avoit de £ gran- 
des obligations. On fçait que Charles- 
Quint lui demandant un jour > (}ni ètet- 
.zioui .'Cortez répondit fièrement: /«/««kb 
homme qui vomi a donné plus ds Previncu 
qMt voi Perei ne vohs atn l'aiffé de failles. 

Le Prince d'Efpagne paffe par l'Italie, 
traverfe l'Allemagne , & ferend à Bru- 
xelles ; l'Empereur le déclara héritier des 
Pays-Bas; cen'étoit pas le feul but de 
. Charles-Quint , il vouloit le faire recon- 
-nojtre Roi des Romains , efpérant que la 
préfence de ce jeune Prince , & fon mé- 
rite naiffant feroiçm une vive imprefîion 
fur l'efprit des Allemands ; il l'avoît vou- 
lu expoler à leurs regards; par-tout on 
le reçut avec les plui s;rands honneurs ; 
■ tous les Souverains d'Italie & d'Allema- 
gne furent au-devant de lui; le Pape» 
quoique très- brouillé avec lepere,'ear 



■^So Hl STO I R B 

Voya au fils te Chapeau & l'eftoc bénits ; 
Charles dont l'objet principal étoit sAot& 
de foumettre le Corps Gercnani^ue , & 
d'obtenir pour fon nls la dignité de Roi 
des Ronaains , refufa de prendre fous & 
proteâton Boulogne, la dernière con- 
quête des Anglois pour ne pas rompre 
avec la France ; les troupes Èifpagnoles 
& Allemandes en viennent aux mains 
par jaloufie à Hall , l'Empereur ne les 
appaifa pasians peine ; il tua de fa pro- 
pre main deux Oiliciers plus mutins que 
les autres. 

André Doria fc fîgnale encore par une 
nouvelle expédition fur les côtes d'Afri- 
que , Dra^ut l'évita avec foin ; Dotia 
s'empara des Villes de Sufe , de Monaf- 
ter & d'autres Places qu'il remit auRoi de 
Tunii , Vaflal & tributaire de l'Efpagne. 
^ 'I XT**' Le Pape Paul IV. meun , c'étoit un 
ennemi de moins pour Charles-Quint ; il 
négocioit fecrettement avec Henri I L 
Roi de France , pour l'engager ^ por- 
ter fes armes en Italie ; fa foiblefle feu- 
le l'anpêcha. de venger avec éclat k 
I mort de fon iîls , le Duc de Parme i le 
Cardinal du Mont, créature del'Emp^ 
jreur lui fuccéda fous le nom de Jules Ur 



d'Es P A GNE. 



L'iiarmonie fut rétablie entre le Sacredo- 
ce & l'Empire ; l'Empereur publia un 
Edît fanglant contre les Protefians de fes 
Pays herëdiraires ; il condamnoit aux 
mêmes peines que les Hérétiques, ceux 
qui les connoilIaDt ne , les dénoncerojent 

Ïoitit ; Charles fe rendit enfuite à la 
Jiete d'Auftourg où il fit les der- 
niers efforts auprb de fon frefç & du 
Corps Germanique pour les engager k 
élire Philippe Rpi dep Romains ; il pro- 
pofa à Ferdinand de ralTdcier à l'Empi- 
re , & de renouvetler le tems oh on avoit 
vu deuiç Empereurs Romains à la fois &c 
avec la même puilTançe. Ferdinand fuc 
fourd k cette propoCtion ; (1 étoit nam-r 
rçl qu'il proférât fon fîls à fon neveu ; la 
raifon apparente de Temprefiement de 
rEmpereur éiùt que fpij fils pouvoit 
feu! avec l'Efpagne , l'Italie & les Pays- 
Bas , dompter les Prpteflans plus affermis 
que jamais dans leur doflrine ; il n'ajou' 
toit pas que la Dignké impériale le çon- 
duirpit plus facilement à la-Monarchie 
univerfelie : deflein auquel Charles avoiç 
renoncé pour lui-même , atte^d^ fa yieUr 
leflè prématurée} & l'épuiTemént |ie fes 
£t^t$. he Cprp$ Ge^m3niq^e pénétra lef 



382 Histoire 

vues de fon Chef. On rejetta la propofi- 
rion de Charles -Quint ; lî fon projet 
avoit réuffi , quel Empereur auroit eu 
l'Allemagne à ta place de MaxîmilJen II. 
le plus juûe , le plus modéré & le plus 
aimable Prince qu'ait produit la Maifon 
d'Autriche! 

Quoii^ue l'Empereur obtienne du nou- 
veau Pape le retour du Concile de Bou- 
logne ï Trente, les ProteftaiK n'en per- 
. ilftent pas moins à ne pas le reconnoitre. 
L'Eleileur Maurice devenu le chef fecrec 
de k ligue qu'il àvoit Ini-même ruinée , 
ofa déchrer en plrine Diète à l'Empereur 
qu'il ne reconnoîtroit le Concile qu à con- 
dhton que les Minillres Luthériens y au- 
roient voix & fuflrage , coràme le Pape & 
lesEvêques. QucMoue Chartes-Quint pa- 
rût le ntMtre dans rEmpre , tl s'élevoit 
fecrettement un puifTant Parti contre lui; 
Maurice ne pouvoit lui pardonner l'indi- 
gne fupercherie dont il s'étoit fervi pour 
arrêter le Landg;rsve fon beau-pere 5 ce- 
Im-d étroitement refferré à Anvers , ve- 
noit en vain d'effayer de fè fauver. Un Sei- 
gneur Allemand , fon proche parent qui 
" voulott le lèrvir , avoit été tué par les Ef- 
pagnols, &ronL cadavre pendu a la vue du 



d'E s P A G N E. 585 

Landgrave. Cette rigueur ne fervït qu'à 
, aigrir de plus en plus tous les mécontens. 
Dragut avoir déjà reconquis toutes 
les Places qui avoient été emportées pen- . 
dant b campaene précédente ; Doria re- 
prit cette année la Ville d'Afrique d'af- 
feut , après un ficge fort meurtner. 

Le Prince Philippe retourne en Efpa- , r-f j, 
«ne avec la douleur d'avoir vu échouer ■* ' 
! les projets de fon père en fa faveur, Ma- 
ximilieo lui remit la Régence de l'Efpa- 
gne ; l'Empereur donne un Edit pour 
obliger les Proteftans à recevoir les 

Î oints déjà décidés dans le Concile de 
Vente : les troubles qu'excita cet Edit 
firent fentjr à l'Empereur que la force & ' 
la perfuafion étment également inutiles 
, pour les ramener à l'Eglife Romaine. 
Jules accordé à Oétavc Farnefe l'invef^ 
titure du Duché de Parme i mais ce Prin- 
ce , gendre de l'Empereur , dans ïa jufle 
crainte d'être dépouillé par fon beau-pere, 
fe jette çntre les bras de la France ; le Pa- 

r: indigné de cette démarche ^ chercha 
lui enlever fes Etats ; de. concert avec 
rEn)pereur,la Mirandolp & Parme furent 
fifliégées ep mème-tems parle Marqub de ' 
Marignane & par Feraand Gonzague ; 



384 HlSTOIBE 

Henri II. envoya une armée en Italie , il 
fouleya Sojyman contre la Maifon d'Au- 
triche , & acceptala qualité de proteâeur 
de la Ub^té Germanique queluioJlToieflt 
VElefteur de Saxe & le Marquis de Bran- 
debourg, chefsdesProreftans. Cette ligue 
n'éclata qu'au commencement de l'année 
ijiivante ; la terreur des armes Françoi- 
fes "force Ip Pape de s'acjcommoder avec 
Henri , & de lailfer jouir Farnefe du Du- 
ché de Parme 3 Pacha Sinati & Dragut> 
avec une flotte de cent cinquante galè- 
res ) s'.emparent d'Agoufle en S^ile : de- 
Ù ils furent infulter Malthe, pillèrent 
l'Me de Goze & s'emparèrent de Tripoli 
en Afrique , qui depuis la ceffion de 
Malthe avoit appartenu aus Chevaliers 
de S. Jean de Jérufalem. 
' La Vîlje de Magdebourg mîfe au ban 
de l'Empire pour avoir refufé d'accepter 
l'Intérim, fut afliégée & prife par ce m£- 
mp Maurice qui conjuroic fecrettemçnt 
contre l'Empereur ; )1 fit un dernier ef- 
fort en faveur de foo beau-pere : le refus 
opiniâtre dp Qurles-Quint le détermina 
enfin à prendre les armes. 
1/72, L'Empereur n'avpit pas lieu de s'y at- 
undrej il étoit pour lors à Infpruck; 
Maurice 



d' E s P A G N B- S'Sj 

Maurice > pour le mieux tromper , lui ' 
promectoïe d'envoyer fes Miniftres au 
Concile , tandis qu'avec 400000 écus 
que lui avoit fourni le Roi de France , it 
aflembloit une armée ; Aufbourg, Fri- 
bourg & Claufen furent emportés rapi- 
dement par les Confédérés ; le Roi des 
Romabs négocia alors avec Maurice j Se 
foUicita l'Empereur d'écouter tes prbpo- 
fidons d'une patK néceifaire : les deux 
frères endormis par les oflres des enne-i 
■mis t furent' bien étonnés d^apprendre 
qu'ils n'étoient qu'à trois lieues d'Inf- 
pruck : il fallut fuir dans un défordre ex- 
trême au milieu de la nuit & par un tems 
affi'eux i pour comble de diigrace l'Em- 
pereur étoit alors fort incommodé de la 
.goutte. On croit que Maurice eût pu le 
prendre J mais le îbuyenir des. bienfait 
ae l'Empereur , les fuites de cette iSsoe-, 
la crainte d'arnwr les Catholiques con- 
tre les Proteflans , 6c de donner le tems 
au Roi de France d'envahir les Provinces 
de l'Empire., hrent caufe d'un pareil 
ménagenient. Les Protefians-s*en plai^ 
gnirént à Maiùige qui Iwt répondit : .h 
n'avais f as de ^cagi-fiaur tin ttl aîfeatt^ 
4'Empcteqr fugitif n'étoit pas le feutqiii 
Tom m. R 



58<î Histoire 

e&t pris la fiihe devant le redoutabU 
Maurice ; les Pères du Condle de Tren- 
te ^ à la première nouvelle de fon appro- 
che * s'étoient retiras du côté de l'ItâËe. 
On admira la confiance de Jean Frédé- 
ric t anden Heâeur de Saxe. Depuis fa 
'défaite il CuÎToit par-tout Charles-Quint. 
Celui-ci, (^ panant d'Ibfpruck , lai oî- 
fni la lUiérte ; mais le Prince Saxc« pré- 
féra de fuivre l'Empereur dans l'Etat de 
Venife. 

CependanT , pour faire diveriîoti en h- 
veur'de la Ugue^fc en méme-tetuspour 
-profiter des cùcoi^ances , Henri IL s'é- 
toit iBÎs à la tête d*une puiflante année ; 
déjàilavoit fait la conquête de h Lor- 
raine , & par l'adreflè du Connétable de 
Montmorency s'ét<»c emparé de Toul » 
Metz & Verdun. On pKtend «ue les 
diefs de is Ligue lui «voient cédé- ces 
trois VUbs Impérial» ; nai« aVM«nt-ib 
dicàt d^ A^pfer f Après avoir tencé 
inurilemcnt dte furprendre Straibourgi 
Henri fe ^rpofbit à palfer le {Uôn , \m- 
-<}u'il apprit que fês Alliés venotent de 6- 
-gner un traité i Pafiao. ht^ principales 
■conditions écoient qu'on accorderoit It 
ji^ené d« «onfcH^fë à t^te PAUema- 



d'Es P A G NE. 587 

S ne j que les Miniflres Proteflans chiSés 
e rEmpice , pounoienty rentrer^ que 
le Lam^rave de HeÛe-Gaflel feroit 
élargi, Secoue Maurice reiutnceroit à foB 
alliance avec les François. Albert , Mar- 
quis de Brandebourg , re&ifa feiil de fout 
crire au traité , & continua de ravager 
rAUomagne. On veooit de donner la loi 
à l'Empereur ; mais Charles d^nuë d'ar- 
gent & detroapes fe croyoit encore trop 
heureux de ne pas voir fa Maifbn cbalfèe 
de l'Empire. Il ne fongea qu'à fe vengée 
de la France. L'armée qui venoit de le 
vaincre , jpa0â fous lès étendards. Le Mar- 
quis. de Brandebourg fut rois au ban de 
l'Empire.; l'aôif Maurice marcha Contre 
lut ,& l'atteignit dans les plaines d'UâcT. 
XiCS Rdïelles furent entièrement défaits ■', 
mais le Vainqueur trouva la mort dans te 
feia de k vûAoire, Albert , avec les dé- 
bris de fon armée , fe.iàova en France. 

La iguerre n'étoit pas moins allumée 
-en Hémonc , & Ëir-touten Picardie ok 
la Ketoe d'Hongrie trouva le moyen de 
pénétrer. Cette Princeffe mît tout à feu 
& à fang. Cinq ou fis Villes' avec le châ- 
teau de Folembni, mailbn délioieufe des 
-Rfûs de France , furent inc»i^é« ; la 
Rij 



jSS H» s TOIR E 

Ville li'Hefdin ayant été prjfe d'affaut » 
éprouva toutçs les horreurs de la guerre. 
Solyman envoyé Dragut avec cent 
cinquante galères attaquer le Royaume 
de Naples. Le Roi de France devoit auf- 
4î fournir pour cette expëdïtion une flone 
-conftd^rabla fous les ordres du Prince 
de Salerne^ Un Napolitain adroit- fauva 
fit patrie , en déclarant -aux Minîftres 
de l'Empereur le projet qu'il avoit pér 
néjré. Le Vice-Roi leva des troupes , & 
fe tint fur fes gardes. La Sicile n'en fii^ 
pas moins dëvaflée ; Dragut parut de- 
vant Naples. André Doria qui venoit de 
^ détarquer des troupes pourla défenfe de 
ce Royaume , fut 'vaincu pour la pre- 
ipiere fois de fa vie. Cet illuftre Géntùs 
eut beaucoup de pe'me à Conduire en 
Sardaigne les débris de fa flotte. Rien ne 
iembloit capable de réâfter à Dragut , & 
au Prioce de Saferaç qui partait alocs 
des ports deFranccMérmitle, ceNapo- 
:litajn qui ayojc.tout découvert a^x Mi- 
piflres de l'Empereur, vint trouver le 
Ccrfaii% vainqueur , s'annonça comme 
un Envoyé de Henri U. & lui déclara 
de.l» pai-t du Monarque François , qu'H 
£lUpû jreioettre.àla camjiagne fuivamc 
■(i.. 



d'Espagne. 385) 

la conquête de Naples , parce que la 
France ayant pour tors une multitude 
d'ennemis à combattre, ne pouvoît en- 
voyer de flotte. Deux cents mille ducats 
que Mermille ajouta , comme venant de 
la pan du Roi , détermloerent Dragut à 
reprendre la route de Conftantinople. Ce 
fut ainfi qu'un transfuj;e Napolitain , en 
jouant le rôle d'un Arabaffadeur Fran- 
çois , rëuffit à délivrer fa Patrie. Le Prin- 
ce deSalerne fuivit Dragut pour lui feire 
■confloître qu'on l'avoit trompé , &; pour 
le ramener devant Naples ; mais il ne put 
le rejoindre qu'à Conftantinople , & -il 
n'étoit plus tcms d'exécuter l'entreprife. 
La Républwue de Sienne abandonne 
la protei^onïe l'Empereur pour pafler 
fous cefle des François. Les pertes que 
venoit d'effuyer Charles - Quint , don- 
nèrent lieu -à un pareil changement. Les 
Siennois eurent lieu de s'en repentir dans 
la fuite. Leur inconftance attira fur eux 
des maux fans nombre , & leur co(\ta en- 
fin la liberté. Granvelle commença par 
s'aflurer de leur Ville au nom de l'&n- 
pereur , & y rétablit D. Diegue de Men- 
doze en qualité de Gouverheurj mais ce- 
lui'â fut cbaflé avec fa gamifon par les 
Ru) 



35)0 Hl STO IRB 

Citoyens & les François ; Oibitello , 
Porto- Longone Se d'autres places fur la 
côte de Tofcane appartenaDte i Sieime , 
relièrent entre les mains des ElpagnolSt 

L'Empereur entreprenoit alors d'arr»- 
dier k la France Matz/a nouvelle conqaê- 
te j il s'avança en Lorraine au mois de Sep- 
tembre avec une armée de looooo hom- 
mes ; le Duc d'Albe commandoîi fous 
lui i le Marquis de Brandebourg fecret- 
tement .réconcilié avec Charles-Qmnt , 
refioit toujours en France pour avoir oc- 
cation de trahir Henri II. On s'apperçut 
de fa perfidie , & le Duc d'Aùmale , Gé- 
néral François fut le combanre. Le Mar^ 
quis vainqueur fe d^mafoua & pa& au 
camp de Charles j Metz alfendue pat le 
Duc de Guife & par l'élite de la NobleOe 
Françoife , ne put être prife en deux mcûs 
d'attaque ; l'Empereur fe retira , laiffànt 
devant la flace quarante mille hommes 
qui furent tués ou emponés par 1« ma- 
ladies contagieufes ; Charles - Quiot fit 
paroître la confiance & la graudeurd'a- 
mi d'un Héros dans cette malheureùfe 
expédition : c'eft de toutes les dUgraceî 
qu'il éprouva celle à laquelle il fut le plus 



' François Xavier, Efpagnol, ireeardé 
comme l'Apôtre des Indçs & le Thau- 
mat^^e de fon fiécle , mourut cette an* 
née le deux Décemlire dans PIfle San- 
ciao i la vue de la Chins ; il a depuis 
étécanotiifê. 
^ La mort imprévue d' Antoine de Mcn- 
doze, Vicerpi du Pérou, excita de nou- 
^veaux troubles ; les conqué):ans ne fe 
'voyant plus contenus par la préfence de 
cet Officier , prirent les armas , & ache- 
vèrent de s'exterminer les uns & les au- 
tres ; il femble que la colère Divine les 
pourfuivoit par-tout. La guerre fut ter- 
minëe par le Marquis de Canette. 

Les dépenfes que l'Empereur étdtiSSS* 
obligé de faire pour l'entretien de {es 
armées , ayoient épuifè r£fpa|;ne ; dans 
l'impoffibilité d'exiger de nouveaux tri- 
buts, le Kégent propcfa de vendre au 
Erofit de l'Etat les Va&àux du Clergé î 
; Pape l'autorifoit à cette vente par une 
Bullej mais l'Univerllté de Salamanque 
s'y.oppofa avec des raiTons fi fortes que 
le Confèil n'ofa pafier outre. 

La guerre continue avec fureur en 
.Italie , en Picardie &. fut la Méditerra- 
née i Qaf de de Tolède at«que les Skn- 
Riv 



392 Histoire 

nois fans fuccès; BrîJTac, avec des for- 
ces inférieures , fauva le Piémont deve- 
nu l'avanc-mur de la Monarchie Fran- 
çoifeî Dragut & le Prince deSalerne at- 
taquèrent le Royaume de Naples » fans y 
exciter de révoltes, comme ils s'en étoienc 
flattés i leurs avantages fe réduiCrent k 
piller & à faire des efclaves ; ils tourne- 
lent vers Corfedoiit ils firent la conque- . 
te prefqu'enâere. - 

Le théâtre de laf guerre étoit encore 
plus fanghnr en Picardie , l'Empereur 
avoit à venger le défaftre de Metz. Té- 
rouane & Hefdin repris par les François 
furent emportés d'auaut ; la première de 
ces jJeux Villes fut tellement détruite, 
. qu'on connoit à peine aujourd'hui le lieu 
où elle exiftoitî l'Empereur avoit confié 
la conduite de fon armée à Emmanuel 
Philibert , -Prince de Piémont, fils du 
Duc de Savoye déthrôné par les armes 
Fr^^nçoifes ; il ne pouvoir dépofer fes in- 
térêts & fa vengeance en de plus vail- 
lantes mains ; Emmanuel plein de cou- 
rage , d'ardeur , de reffentiment & de 
génie égala dès fa première campagne tes 
phis grands Généraux de fon tems. 
Marie, fille d'Henri-VIII. «c de C«- 



d'.Es pagne. gfjj 

therine d'Arragon, fuccëde à Edouard 
VI. Roi d'Angleterre, fon frère. Ma- 
rie , Princeffe ardeflte , courageufe , at- 
tachée à la Religion de Tes Feres , mais 
cruelle & i^^otique , fîgnala fon avè- 



nement par des torrens de fang 3 elle 
termina le fchifme , Ôc pourfuivit pen- 
dant toute fa vie avec le fer & le feu 



tous les Proteftans de fes Etats ; le Car- 
dinal Folus , Prince du Sang d'Angle- 
terre , le plus habile , comme le plus hon- 
nête homme de fon pays, fut arrêté dans 
les Pays-Bas lorfqu'il vouloir paffer à 
Londres. L'Empereur icraignoit qu'il ne 
traversât le mariage de fon fils qu'il né- 
gocioit avec la Reine Andoife , & qu'il 
n'épousât lui - même la Reine Marie , 
comme le fouhaitoient l'Angleterre) là 
France & prefqae toute l'Europe. Le 
Cardinal liit relâché , dès que le mariage 
de Philippe eut été arrêté. Il n'y eut point 
de précautions que les Anglois ne prif- 
fent contre le Prince Efpagnol ; on ne 
lui accorda aucune autorité , & on fe 
contenta de lui donner Je vatn titre de 
Roi d'Angleterre , tandis que là Reine 
avoit feule le droit de dilpofer du Gou- 
veraemem, de nommer aux emplois^ 
Rv 



3J»4 HisTO I» E, 

d'entretenir des alliances même avec les 
ennemis de la Maifon d'Autriche ; (6û 
époux ne pouvoit là faire fûrûr d'An^ 
gieterre , il lui affignoît d^rofles pen- 
HOQs i enfin , Philippe cormntoit à dé^ 
pouiller fon fils Dom Carlos pour eo- 
rictûr les en^s qui dévoient naître de 
ce mariage. Il convint qu'ils panage- 
roient enfemble les Pays-Bas & la "Frath 
cfae-Comté ; l'Empereur & fon fils eaC- 
(ent accep^ des conditions encore j^us 
dures , dans l'efp^rance que le tems & 
les circonftances fourniroient les moyens 
de ks éluder. Il éroit^de ta gloire ^ de 
llntér&c de l'Empereur de voir deos 
Couronnes de plus dans fa MaiTon : 
l'Empereur difpofa du Royaume de 
Naples en faveur de Philippe , à l'exem- 
ple de Jean II. Roi d'Arragon qui avoit 
cédé le Royaume de Sicile Ifon fils lors- 
qu'il époulà lOtbelle ; mais Charles & 
préparoki bien d'autres facrifices. Flù- 
lippe remît la Régence d'Ëipagne ît fa 
fœ»r Jeanne , veuve depuis peu du Pria- 
ce de Pottugal , & arriva en An^eterre 
£ii*i de la prïocipale Noble^ Espa- 
gnole. 
he Cardioal F«èin négocioû la paix 



d'Est A.GN e, jpj 

inutiletaent avec la France. Il y eut de& 
conférences tenues près de Calais. Cha^ 
les répétok le Duché de Bourgogne & 
les Villes Impériales de Metz , de Toul 
& de Verdun, la reOiïutiçD de la Sa- 
voye & du Kémont. Le Roi de France 
fier de fes fuccès ne vouloit d'accom- 
modement qu'à condition que la Na- 
varre feroit rendue à Henri d'Albret, 
Flaifance au Duc de Parme , 6c U liberté 
à ia République de Sienne- 

Henti II. rend aux Pays-Bas les rava- lSSi< 
ges que la Picardie avou éprouvés la 
campagne précédente ;Marienbourg bâ- 
tie par la Reine d'Hongrie , fut emportée 
avec une infinité d'autres Places ; le vain- 
queur changea )ufqu*au nom de cette 
Ville, qu'il ap^KÏla Henribourg ; mais 
ce changement â'a pas. fait fortune : 
IXnan fut pria d'affaur , le château de 
U Reine d^Hoqgrie fut rafé & brôlé 
en repréfailles de l'incendie de Folem- 
brai : l'Empereur i»e put s'oppofer i 
ce torrent que vers U fin de la campa- 
gne. Il faitoit bâtir Cb^leville de fon 
nom, & PbilippevUle de celui de fon fils 
pour arrêter les Ftmqçâe : de-U il s'a- 
Vfinja enfifl yerï Itiâ vaia^iuurs , dans it 
"R vj 



^$6 Histoire 

defllèin de ^ire lever le Tiége de Reim. 
On en vînt aux mains fous les murs de 
cette Place le treize Août , les- François 
eurent l'avantage ; Henri II, chercha k 
combattre l'Empereur de perfbnne i 
perfonne j accable d'infirmités , & poii- 
vantipeine fefoutenir, Charles l'évita; 
cependant il fit lever le fiége de cette 
Ville aux vainqueurs , & les força de re- 
tourner en FrancCi 

Fernand Gonzague , Gouverneur dti 
Milanez > grand Capitaine , mais dur , 
avare & fier , ell àépoSéàé de fon Gou^ 
yernement-& appelle en Flandres ; cette 
abfence ne contribua pas peu aux pro- 
grès de l'armée Françoife qui , fous les 
■ordres du Comte de Briffac prit Ivrée , 
6c fit d'autres cofiquétes ; mais tes armes 
de l'Empereur triomphoient en To/ca- 
ne ; Pierre Strozzi chaffé de Florence fa 
patrie par les Médicis , & ^éfa^ en 
France , étoït à la tête de l'armée d'Hen- 
ri II. & des Siennois ; mais le courage t 
les taters & les forces de Strozzi devin- 
rent inutiles contre la fortune du Mar- 
quis de Marignan qui le défit entière- 
ment dans les plaines de Marcian : la 
vengeance que refpiroic Strûzzi contre 



d'Espagne. 3517 

les Médicis qui l'avoient profcrit avec 
toute fa famille , précipita fes mefures , 
6c lui fit commettre bien des fautes. 

La Reine Jeanne meurt à TordefiUas 
le douze Avril après environ cinquante 
ans de viduité &c de folie. On dit qu'elle li'/Ji 
recouvra la raifon quelques jours avant 
que de mourir ;Sienne, après avoir déten- 
du fa liberté comme l'ancienneRome eût 
pu faire , fe foumet enfin : cette Ville fut 
moins vaincue par les armes que par la 
famine ; fes Citoyens jaloux à l'excès de 
la liberté, fe difperferent en différens en- 
droits du reffort de Sienne où ils établi- 
rent une ombre de République ; Co- 
rne de Médicis prodigua fes tréfors & 
fes travaux pour le luccès d'une guer- 
re dont il s'attendoit à recueillir tout le 
fruit. 

Le Cardinal Carafic , Fondateur des 
Thëatins dans le tems qu'il étoit Evêque 
de Théate dans le Royaume de Naples , 
eft élu Pape fous le nom de Paul IV. C'é- 
toit le plus implacable ennemi de Char- 
les-Quint ; il ne pouvoit lui pardonner la 
perte de la libené de l'Italie , & les pro- 
grès du Luthéranifme qu'on attribuoit 
au fameux Inurim-: fea pr^déceifeuTS 



Histoire 



avoient prefque tous faits des Souverains 
de leurs neveux ; CarafFê auflî ambitieux 
projettoit de réunir le Royaume de Na- 
ples fa Patrie au S. Siège pour le donner 
enfuite à fa famille. Le Marquis de Mari- 

fnan, achevé la conquête de TEtat de 
ienne , fécondé par Dona qui vint fur 
les côtes de Tofcane avec fa flotte. 

Briflac furprend Cafal ; l'Empereur 
envoyé le Duc d' Albe en Italie pour faire 
téie aux Carafiès & aux François ; il ne 
pouvoit faire un plus digne cboix , mais 
le fier Duc refufa d'y aller avec la fimple" 
qualité de Vice-Koi , il fallut lui- donner 
celle de Vicaire général de tous les do- 
maines de la Msiibn d'Autriche en Ita- 
lie, & lui accorder prefque l'autorité 
d'un Souverain. Ruy Gomez de Sylva * 
Prince d'Ebolij MiniAie & favori du Roi 
d'Angleterre , jaloux & rival du Duc 
d'Albe, lui fit tout accotder pour l'éloi- 
gner promptement : un nouveau congrès 
entre Ardres & Calais devient inutile par 
l'opiniâtreté de l'Empereur à garder U 
Navarre , & par l'entétenient de Hen- 
ri II. à ne poiQt ie de0aifir du Piémont. 

Après Avoir fait lever I< fiége d'Ul- 
piftti k Briffae > Ç: laiflé le Gouverne- 



d' E s P A G N E. 355) 

ment du Milanez au Cardinal Madrucci; 
le Duc d'Albe fe rend à Naples , menacé 
par les Turcs , & aghé en même- tems par 
Us intrigues fecrettes des Carafïès ; fa pré- 
fenceralTura le Royaume: Vitellifauva en 
raêmc-tems la Tofcane , en remportant 
une viâoire fur les Turcs débarques près 
de Porto-Longone ; leur flotte regagna. 
ConQantinople fans avoir rien fait j ta 
guerre fe ralentit en Picardie" : l'Empe- 
reur ne fongeoit plus qu'à exécuter le 
projet d'abdication qu'il méditoit depuis 
long-tems ; il avoit fait leï derniers ef- 
forts pour laifler h fon fils la paix & 
l'Empire j mais Henri II* & le Koi des 
Roraa'ms s'ëtoîent toujours montrés 
fourds à fes inftances ; la mort de la Rei- 
ne fa mère à laquelle il fut très fenfible , 
jointe à fes infirmités qui augmentoiefit 
chaque jour > lui firent jK^cipiter fa réfo- 
lution ; le Roi d'Angleterre appelle à 
Bruxelles , reçut de for père les confeils 
les plus fages , les carènes les plus tou- 
chantes , 8c enfin le plus magnifique pré- 
fent qui ah jamais été feit ; d'abord il 
commença par lui donner Tinvelliture du 
Milanez ; enfuit* il fe défit en fa faveur 
<t< la dignité de. Grand-Maître de la Toi- 



400 Hl STOIBB 

Ion d'Or; il abdiqua la Souveraineté des. 
Pays-Bas & de la Franche-Comté. L'Eu- 
rope fut étonnée d'un facrifice auquel 
ellen'avoit pas lieu de s^attendre , Char- 
les n'en avoit h\t la confidence qu'à ies 
deux Tœurs , £léonore , Reine Douairiè- 
re de France , & Marie , Reine d'Hon- 
grie ; mais il y avoit du tems qu'il rouloît 
ce projet dans fa tête. On avoit obfervé 
qu en parcourant l'Efpaene en mil cinq 
cent quarante -deux, il s'étoit arrête 
dans un endroit folitaire & délicieux 
a quelques lieues de Plazentia en Eftra- 
madoure furies frontières du Portugal j 
que ne pouvant s'arracher aux beautés 
que la Nature lui ofiroit , il rêva quel- 

?ue tems , & ne pur s'empêcher de laifier 
chapper ces mots : Que cette retraite con- 
vienaroit hU» à un Diod'etien ! 

Henri d'Albret , Roi titulaire de Na- 
varre, meurtjfes Etats & fes prétentions 
palTent à Antoine de Bourbon fon gen- 
dre , père d'Henri IV. 

L'importante Ville de Bug^e, conquife 
par le célèbre Pierre Navarre en mil cinq 
cent dix , eft perdue par la lâcheté deD. 
Alfonfe de Peralta qui la rendit après 
vingt-deux j^qurs d'attaquç ; il paya de 



d'E s P A GNE, 4OÏ 

là tête ion défaut de courage. 

Le Pape ne pouvant plus contenir fa 
baine contre l'Efpagne , ta fait éclater au 
fujet de deux galères Françoîfes enlevées 
daps le Fort de Civka - Vecchia par les 
intrigues du Cardinal de Santafîore , Mi- 
niftcft de l'Empereur à Rome. Santafîore 
fut arrêté : les Colonnes , partilàns de 
l'Efpagne, efluyerent la plus violente per^ 
fécution ; ils furent dépouillés du Duché 
de Falliano ; il &llut rendre les galères 

fiour obtenir la liberté du Cardinal ; f^^ 
a modération de l'Empereur ne rappetla 
point le Pontife aux fentimens de Père 
commun, il le jetta entre les bras de U 
France pour, pouvoir faire à la Maifon 
d'Autriche tout le mal qu'il lui fouhai- 
toit ; fa haine en vint au point de faire le 
procès à l'Empereur & au Roi d'Angle- 
terre (on fils comme proteéleurs des Co- 
lonnes , 6c comme rebelles. Charles re- 
jeita avec horreur le confeil qu'on lui 
donna de faire arrêter & dépofer ce fou- 
gueux Pontife ; l'Empereur ne refpiroie 
que la paix ■ les avantages de fon fils , & 
la félicité de l'Europe. 

Au milieu de la plus augufle aflemblée 



4oft Histoire 

de l'Univers («) , Charfes-Quint achevé 
fon facrifice le 6 Janvier à Bruxelles : il 
abdique la Monarchie d'Efpagne en &- 
veur de fon 61s. Quand il rendit compte 
dans un difcours éloquent , de fes voya- 
ges, de Tes travaux , de fesvi^oires & de 
fes difgraces , il fut fans ccfie interrompu 

far les pleurs & les fanglots de l'affem- 
lét'f mais ils recoin tpcncerent avec plus 
de force , quand prenant entre fes bras le 
Roi fon fils > il l'embrafla Se le plaça lui- 
même fur fon thrône. Alors ne pouvant 
plus foutemr les marques finceres de 
douleur & de téndrefle qu'on lui prodi- 
«uoit, il quitta l'aflemblee en adreflànt à 
fon iîls ces paroles remarqviables : Feu$ 
nt pouvez me pi*}^ de mon amour qiitH 
rtndant heureux les Peuples que je veut 
confie 1 pHijJiex^vous voir un jour vat en- 
fans en âge ^ d'un mérite ^nivoui engage 
à faire pour eux et tjue je fais aujourd'hiU 
four vous. Sur le champ Fhiiippe ivx re- 

(d) Elle iwt eompcifée de MtximilitD , Roi de Bo- 
lièmc, dcliRpine roD jpourc, duRcinu DouuricMt 
de Fnocc & d'Hcngiic, du Duc dcSivoye, du Doc 
de Btunfwick , du Prince d'Oricgc , cDlîn de VUttt 
èei Grandi d'ETpigne , d'Italie , dci Pays-Bai , d* 
l'AUemagDC , dei AmbaâïdCDri ùt loiu les S««vca 
tiîni de lïuiope. 



D* Ë s P A G N E. 403 

connu Roi d'Ëfpagne. Charles ne figna 

3ue te Teize Jaavier ï'aâe d'abdication ; 
^toit venu à bout d'obtenir le fix mô- 
me de Janvier , an défaut de la paix , une 
trêve de cinq ans avec la France. 

A ne juger de la grandeur des Rois 
que par l'éclat de leurs aidions plut&l 
que par le bien qu'ils ont fait à riiuma- 
nité , Charles-Quint doit être regarde 
comme le plus grand Prince de fon tlé- 
cle. Son aÀîvité infatigable , fon appli- 
cation aux adirés , la profondeur de fa 
politique , la vafte étendue de fon gé- 
nie , fon ambition & les fuccès le ren- 
dent en quelque forte comparable à Ju- 
Jes-Céfar.' Tous deux formèrent le ma- 

fnijïque projet d'aifervir l'Univers. Tous ' 
eux calmèrent avec la même audace 
les féditions de leurs foldats. Tous deux 
Te {îgnalerent par d'éclatantes victoires, 
& remplirent le monde entier de fang 
& de carnage. L'un 6c l'autre excella 
dans le grand art de pénétrer le cceur hu- 
main , & d'en mouvoir à fon gré les ren- 
forts. Leurs habilité fut égal à convertir 
en émulation & en zélé pour leurs fervi- 
ces, l'antipathie des differens peuples 
qu'ils eurent à gouverner. Tous deux en- • 



4^4 Histoire 

fin terminèrent leurs carrière an même 
tge.- Les talen£ militaires Se les exploits 
^erriers du Monarque Efpagnol difia- 
roiflent devant ceux du Général Ko- 
main. Charles ne Tçutjias profiter avec 
la même rapidité de les vifloires ; mais 
l'amour ne lui fit jamais commettre les 
mêmes âutes qu'on reproche à Céfar » 
ni perdre un moment confacré au travail. 
Il rougiflbit de fes ïbiblefles, & prenojt 
autant de foin de les cacher , que le Ro- 
main à faire éclater les fiennes. Céfar 
étoit fupérieur à Charles par l'étendue 
des connoifTances , par la proteéHon qu'il 
accorda aux arts & aux lettres , par les 
reflburces du génie & par la bienfaifance. 
Son ambition une kàs latisfaïte suroît eu * 
à ce qu'il femble , pour objet la félicité 
publique , au lieu que le Prince Autri- 
chien ne fongea guère à dédommager 
l'Europe des maux qu'elle eut à fournir 
par fon ambition. On cfl pénétré de voir 
que la grande amç de ce Prince n*ait pas 
fait plus de bien à fes Etats pendant le 
cours d'un long règne ; pour achever le 
portrait de Charles : j'ajouterai qu'il fut 
quelquefois infidèle à fes promcfles , ou - 
qu'il l«s éluda par des artifices puérils. 



D* E s P A G N E. 40^ 

Sévère & indulgent , grave & careflànt , 
modéré Se équitable , ouven & dîflima- 
lé , libéral & tsconome ; fes vertus n'é- 
galèrent pas fes talens , mais fes défauts 
fqrenttousrelaûfeàfonajnbition, excep- 
té la colère qui le tranfporta plus d'une 
fois au- de-là des bornes qu'un hommcj 
& fur-tout un Roi doit fe prefcrire. 

On admira beaucoup fon abdication 
volontaire , & le pani qu'a prit d'aller fi- 
nir fes jours dans une retraite obfcure ; 
fes ennemis publièrent que l'envie de dé- 
rober aux iniultei des Peuples qu'il n'a- 
voit pu dompter, une vieilleue. flétrie 
par le malheur > fut le feul motif qui le 
détermina au plus grand de tous les fa- 
firifîççs. 



fin dn mi^me f^çlientt 



n» ^- — " 



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