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Accord de la religion et de la philoaophij
tr, par Léon Gauthier.
liCCORD DE LA RELIGION
IMIILOSOPHIE
TRAITÉ D'IBN IlOCIID (AVERROÈS)
TnAlirlT ET ANNOTÉ
Lios OAUTUIER
PrrtfCMSetir (t l'Hùole Supérieure 'le» Lettres d'Alger
Al.liKR
IMI'niMKniE OBlEKTAl.E PIKnnK FOSTANA
IffO»
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ACCORD DE LA RELIGION
ET DE LA
PHILOSOPHIE
TRAITÉ D1BN ROCHD (AVERROÈS)
TRADUIT ET ANNOTE
PAR
Léon GAUTHIER
Professeur à VÉcole Supérieure des Lettres cV Alger
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ALGER
IMPRIMERIE ORIENTALE PIERRE FOXTANA
29, RU£ d'orlëans 29,
1906
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ACCORD DE LA RELIGION ET DE LA PHILOSOPHIE
TRAITÉ D'IBN ROCHD (AVERROÈS
Il n'existe, à notre connaissance, que deux manuscrits arabes du petit
traité d'Ibn Rochd dont nous donnons, pour la première fois, une traduc-
tion française : l'un est à la Bibliothèque de l'Escurial (N"632 du catalogue
Derenbourg), l'autre à la Bibliothèque Khédiviale du Caire (ii, N' 41).
Le texte arabe de ce traité a été publié trois fois, avec deux autres traités
d'Ibn Rochd, sous les titres suivants :
. 1° Philosophie und Théologie pon Averroes, herausgegeben von Marcus
Joseph Mueller. Mûnchen, iSSg.
2' Kitâb falsafati'l-qâdhî'l-fâdhil Ah'med ben Ah'med ben Rochd....
T'oubi'a bi'l-mat'ba'ati'l-*ilmiyya. Le Caire, i3i3 hég. (= 1895-1896 de
l'ère chrétienne).
3» Même titre... T'oubi'a bi 'l-mat'ba*ati '1-H'amîdiyya. Le Caire, i3i9
hég. (= 1 901- 1902 de l'ère chrétienne).
La première de ces trois éditions reproduit le manuscrit de l'Escurial,
ainsi que nous en informe l'avant-propos.
Il semble naturel d'admettre a priori que les deux éditions indigènes,
publiées au Caire, ont été imprimées d'après le manuscrit du Caire. Mais
cette hypothèse ne résiste guère à l'examen. Les deux éditions égyptiennes
diffèrent trop peu de l'édition européenne pour n'en être pas de simples
reproductions.
Cependant, en l'absence de tout renseignement direct sur le manuscrit du
Caire, une autre hypothèse, semble-t-il, demeure possible : On pourrait
supposer non seulement que le manuscrit du Caire et celui de l'Escurial
sont de la même famille, mais encore que l'un des deux a été topié sur
l'autre, directement et avec un soin exceptionnel. En ce cas, faites d'après
I
— 4 —
le manuscrit du Caire, les deux éditions égyptiennes présenteraient natu-
rellement la plus grande analogie avec l'édition européenne faite sur le
manuscrit de PEscurial, sans être néanmoins la reproduction de cette édi-
tion. En faveur de cette conjecture, on pourrait alléguer peut-être certaines
particularités. Il arrive à l'édition de i3i3 hég., la plus ancienne des deux
éditions égyptiennes, de prendre par exemple des i. pour des à, confusion
très naturelle en présence d'un texte manuscrit, mais plus difficile à expli-
quer si l'éditeur avait eu sous les yeux les beaux caractères de l'édition
Mûller. De même encore, la leçon ^\jjL-o au lieu de ^\jst^ (p. 5, 1. 13 du
texte de MQller) paraît, à cet égard, assez probante.
Mais cette seconde hypothèse ne résiste pas mieux que la première à un
examen un peu attentif. La table des variantes que nous avons dressée, et
que nous donnons ci-après, montre que l'édition de i3i3 reproduit certaines
particularités bien caractéristiques de l'édition Muller, par exemple un cer-
tain nombre de fautes qui n'existaient pas dans le manuscrit de l'Escurial
et sont de simples fautes typographiques, ainsi que nous l'apprennent les
notes rectificatives placées par Mûller au bas des pages de sa traduction
allemande. Nous retrouvons également, dans l'édition de i3i3, de simples
conjectures de Mûller, parfois quelque peu arbitraires, une entre autres,
qui n'était nullement fondée, et à laquelle l'éditeur allemand renonça lui-
même dans la suite pour revenir à la leçon du manuscrit de l'Escurial (p. 23,
1. i6. Voir ce n" dans notre table des variantes).
L'édition de i3i3 a donc été faite directement d'après l'édition Mûller, ou
peut-être d'après une copie manuscrite de cette édition, faite par exemple
au moment de l'impression, pour les besoins de la composition typogra-
phique, ce qui expliquerait les particularités signalées plus haut.
Je laisse de côté une troisième hypothèse possible : le manuscrit de la
Bibliothèque Khédiviale du Caire ne serait lui-même rien de plus qu'une
simple copie manuscrite de l'édition Mûller, et les deux éditions du Caire
en seraient la reproduction.
Quant à la seconde édition égyptienne, datée de iSig, elle est certainement
une reproduction de celle de i3i3; mais il se peut qu'elle ait, à l'occasion,
utilisé directement l'édition Mûller. Elle corrige un certain nombre de
fautes échappées à l'une ou à l'autre de ses deux devancières, ou à l'une et
à l'autre, et donne, à plusieurs reprises, de meilleures leçons. Mais rien
dans ces quelques corrections ou amendements, d'ailleurs très simples, ne
trahit l'influence d'un manuscrit inconnu aux deux éditeurs précédents. .
Outre une traduction hébraïque, dont je ne parle que pour mémoire (Voir :
S. MuNK, Mélanges de philosophie Juive et arabe, Paris, iSSg, p. 438, et
M. Steinschneider, Die hebrœischen Ueberset^ungen d. Mittelalters u. die
Juden alS'Dolmetscher, im Centralblatt fur Bibliothekenwesen. Beiheft 5
Jahrg. \i, 1889; Beiheft 12 Jahrg. x, 1893, § 149 ") il n'existe qu'une seule
version de cet opuscule : c'est une traduction allemande publiée par M. J.
Millier, sous le même titre que le texte arabe : Philosophie und Théologie
von Averroes, aus dem Arabischen ûbersetzt. Mûnchen, 1875. Cette traduc-
tion, très littérale, et assez bonne en général, n'est pas exempte de défauts :
elle contient un certain nombre de contre-sens. Nous avons essayé de les
éviter, sans nous attarder à les signaler au passage.
La présente traduction n'est, dans notre pensée, qu'un travail préparatoire
pour une étude approfondie du traité d'Averroès, étude que nous comptons
publier sous peu. Aussi nous sommes-nous abstenu, en principe, d'y
joindre aucun commentaire sur la doctrine. Quelques notes sommaires
figurent cependant au bas des pages. C'est que nous n'avons pas cru pou-
voir nous dispenser de donner, chemin faisant, quelques courtes explica-
tions nécessaires pour l'établissement du texte, pour la justification d'une
façon de traduire, pour l'intelligence d'un passage, d'une allusion ou d'un
terme intéressant directement la suite de l'argumentation.
VARIANTES ET FAUTES
DES TROIS ÉDITIONS ET DU iMANUSCRIT DE L'ESCURIAL
A = édition de M. J. Mûller.
B = édition du Caire de i3i3 hég.
C == édition du Caire de iSig hég.
Mss.= Manuscrit de TEscurial (particularités indiquées dans les notes deT).
T = traduction allemande de M. J. Miiller.
Nota. — Nous donnons toutes les références suivant la pagination de A.
Quand nous indiquons sans commentaire deux ou plusieurs leçons diver-
gentes des textes imprimés, c'est qu'elles nous paraissent également accep-
tables. Quand nous indiquons sans commentaire une leçon de Mss. et une
correction de A, c'est que nous acceptons la correction de A.
P. 1, 1. 1 et 2. — Titre de A : ^^o ^j^^/jj Jl-ilt J.».^ ^US
^J] ^)t ^|t JU! .U^ ^^U)t ^[i JU^îr ^ i^!^ XxiyJI
"^ L^ "^' ^' "^^ (plus correctement ici A-iy (^' • — (Ce titre de
deux lignes manque dans BC.)
P. 1, 1. 7. — A ^>db faute d'impression pour ^^ (voir A.
Vorwort; et T, page 1, note 1).
P. 2, 1. 4. — B G UiJt ]X^ Jlju ôiJt à^^c^ ^J ^Iftij — lire avec A
p. 2, 1. 5. — A j^ ^ji] — BC >^! *Jift *j»I;j! .
P. 2, 1, 5. - A ^^! ^y - BC ^^j>\ 3f .
P. 2, I. 7. - AB ^^/ix; ^.jJI JUj - C ^j/ai^ij JUj - Le
texte du Qoran (m, 188) porte : \^^Jl^^^ . . '^^^^, Jri^'-
P. 2, 1. 9. — B J^ft^l i^Ux^'à" — lire avec A C J^^l LUx^t .
P. 2, 1. 14. — ABC j^ — lire avec Mss. ^((^ (T, p. 2, n. 2).
P. 2, I. 16. — AB ^^g^\ — lire avec C ^S^"^ — AB et Mss.
écrivent toujours ce mot: ,^9^ia^ ; il faut lire toujours avec C
^Uai.(Voir A. Vorwort, p. viii, dern. ligne, et T, p. 2, n. 3).
P. 2, 1. 19. — ABC ^! — Mss. ^JJI .
P. 2, 1. 20.— ABC AÂ3 — en marge dans Mss. (T, p. 3, n. 2).
P. 3, 1. 1. — ABC Uisi\ — Mss. mJt.
P. 3, 1. 2. — C ^^;j-jliit — lire avec AB ^.^UlL
P. 3, 1. 6. — A v^^%? — faute d'impression pour ^j^^ (T,
p. 3, n. 5).
P. 3, 1. 10. - ABC jio^\ ^ — paraît rayé dans Mss.
P. 3, 1. 11.— ABC ^w^U*^! — manque dans Mss.
P. 3, 1. 12. — ABC ç. y^^. w^. ^'j-^ '^'j — dans Mss. ^j^^
était entre jyH et ijt mais avec une mention en interligne, indi-
quant sa vraie place (T, p. 3, n. 8).
P. 3, dern. 1. — A^t faute d'impression pour^! (T, p. 4, n. 1).
P. 3, dern. 1. — A A-JT^Jt et p. 4, 1. 1 L-w^jjJt — Mss. porte les
deux fois LS'jaJt (T, p. 4, n. 2) et Mûller adopte cette leçon dans
— 8 —
sa traduction. Il faut, au contraire, lire les deux fois avec B C
iSyô].
P. 4, I."]0. — A C ïbjju-.! — B t\j^3\ .
P. 4, 1. 11.— B j^jUx^'o — G ^^^Jiilj — lire avec A^^.lillj
— Mss. ^jlil! .
P. 4, l. 18. — A ^>c^ — lire avec BCy»^ .
P. 4, dern. I. — ABC »1^ — Mss. sia»^ (T, p. 5, n. 1).
P. 5, 1. 2. - ABC 7^s^\ — Mss. ^U^l .
P. 5, 1. 3. — ABC ^J^\ — Mss. ^^^! .
P. 5, 1. 5. — ABC l^ — Mss. U*? qui, à la rigueur, pourrait
être conservé (T, p. 5, n. 5j.
P. 5, 1.6. — C ^5j J;« — lire avec A B ^^ Jj .
P. 5, 1. 6. — BC Ut^, — lire avec A l^iui> .
P. 5, 1. 11. — A ^^^^ — lire avec B C lii J^j .
P. 5, 1. 13. — B ^\fj* ^ ^\ — lire avec AC ^\'f^ J^ 3! .
P. 5, 1. 15. — C Lâl^^L L^UtilJL^ftJK — lire avec AB 'iAj£\ iJLijJt,
P. 6, 1. 4. — AB Jj^ (A '^.^) — C :J\y3i .
P. 6, I. 11. — B Lw — lire avec AG l^*- .
P. 6, 1. 13. — Mss. iJix)| iJUjJ! et 1. 14 UJl iL^o)! - lire en
intervertissant, avec Mûller (T^ p. 6, n. 1), la première fois
l\^\ iL^! et la seconde LU«3I iLcaJt •— B écrit à tort la seconde
fois comme la première, LUjJI iL^saJl .
P. 6, 1. 16. — ABC j!j (A jlj) — lire avec T (p. 6, n. 2) ^l? .
— 9 —
P. 6, dern. 1. — A sj:^^ faute d'impression pour ^^^ .
P. 7, 1. 1. — ABC J^ — Mss. JP qui pourrait être conservé à
la rigueur (T, p. 6, n. 3j.
P. 7, I. 3. — A aJUûY — faute d'impression pour ài\jt&^ .
P. 7, l. 3.— AC^^^XJi — B^^JUD.
P. 7, 1. 3. — ABC ^i- — Mss. ja^ .
P. 7, 1. 9.— ABC jL? — lire ^!^.
P. 7, 1. 12.— ABC Jù>-^ ^ — Mss. J^t ^^ et au-dessus
de jf la correction ^^^ avec la mention jt^ .
P. 7, 1. 15. — B J^^LkC] — lire avec AC LLâ^t .
P. 7, I. 16. — ABC .^ iUJl — Mss. A, ,UJt .
P. 7, 1. 16. — C j^\ — lire avec AB j^-^I .
P. 8, I. 2. — ABC :i\>y.\ — Mss. ^l^!^,!.
P. 8, 1. 9. — C Jjtl!^^ — lire avec AB JjU'^ ^ (dans A
le - du j a glissé sur le dernier Jj.
P. 8, 1. 11. — A B ç^^y — lire avec C *é»ty — Mss. /^^^t^'y .
P. 8, 1. 12. — A Jj jU! faute d'impression pour J;» jW! .
P. 8, 1. 13. — Bj^tiJt^ faute d'impression pour J^I^^t^».
P. 8, 1. 14. — A xSoxj^ — lire avec B C ,jv,U^«p .
P. 8, 1. 14. — C Jix)t ^,>twtptjj — lire avec A B ^ ^y^\)\.
P. 8. 1. 17. — ABC J — lire U? (T, p. 8, n. 2).
P.9J.6. — A'ilt — BG Y^^l.
— 10 —
p. 9, 1. 12. — B p^t — lire avec A C &.U^! .
P. 9, 1. 15. — A B C l^ ^l^'*' Jj^o^ jçS:^ j — Au lieu de J^
dit Mûller (T, p. 9, n. 2), « le Mss. porte quelque chose comme
J^Aûat^. Peut-être faut-il lire J^^^a^ ». — Il faut lire évidemment
l^ c-l?^^ J^-^=^ ^? ^f^j- Comparer, deux lignes plus bas,
^^^ oL^T J^r^^ ^ V— ?'^ (Voir la note ci- après).
P. 9, 1. 17. — A wJ^ — lire avec B C ^ .
P. 9, 1. 19 et 20. — B ïx»U Ij! — lire avec A C a^U^ It .
P. 10, 1. 2. — AB C UU gj.g^^^'i — Mss. Ufl>j;.fl^^v et en marge
P. 10, 1. 3. — A ^3^;a*J faute d'impression pour \^j-^^ (T, p. 10,
n. 2). Cette faute n'existe que dans certains exemplaires.
P. 10, 1. 5. — A LiftU — B C l-::^ — A écrit toujours UaU et B C
I — k^,
P. 10, 1. 6. — A BCjLx^T — Mss. jL^"^.
P. 10, 1. 11. — A B C et Mss. I43 J^^t J»l — au lieu de J^y
en marge de Mss. jU>t « qui peut-être convient mieux » dit
Mûller (T, p. 10, n. 4) — lire ^ ^^ >t .
P. 10, 1. 13. — A Jj jUI JU — B Jj^bJI UJt — lire avec C ^^\
Jj jUlj comme deux lignes plus haut.
P, 10, 1. 14. — ABC j^, — Mss. ^yj et en marge .,^ avec la
mention ^-^ .
P. 10, dern. 1. — A B C ^^ (A ^li.) — Mss. ^^^>^ .
P. 11, 1. 1. — A O^L^lôUI faute d'impression pour vO^Aâ;:]! (T,
p. 11, n. 2).
— 11 —
p. 11, 1. 12. — BC ^j^Ct'lf silb ^ — lire avec A j^Wt sjXJi> ^
P. 11, 1. 17. — ABC SLoUcjj (A lZ>\j>uj) — Mss. i^Uu .
P. 12, 1. 8. — A à^^j — BC ^j .
P. 12, 1. 14. — AB ^^^^I lÂ^ plutôt que C ^>>-^t U^ .
P, 12, 1. 15. — A B C 3i-! — Mss. Ji^t .
P. 12, 1. 16. — lire avec A ^ (*-iî^' h^ lY ^^ ^ v^ ciT*^
^Jl ^^ LJas*;» — C donne le même texte mais saute la première
fois »U1- — B passe une ligne entière, contondant le premier ïUw
avec le second et sautant tout ce qui les sépare.
P. 12, avant-dern. 1. — ABC ^^t^l — Mss. ^tbisl —Les deux
orthographes sont également usitées.
P. 12, avant-dern. 1. — ABC «li^ — Je ne puis comprendre pour->
quoi Mûller, tout en traduisant par fini (endlich) ajoute en note
(T, p. 12, n. 4) : « Lisez ïUxp^ ». Cf. A p. 12, 1. 13.
P. 13, 1. 5. — ABC ^Uol — Mss. ^l»t.
p. 13, 1. 17. — A B JjLat »jJ^ Ji (Mss. ^.jal^!) j.>?l>^l' hHi
(Mss. ^:^) ^yia^ Uj ^:js^^ ^yr^ ^' (B "^ly^h ''--»?. j*"
^j}j:)^ — lire avec C L^. j*)l Jj*L4I ïjj.^ ^j.i'^^ ^^ J *î^j
^^jjjjc» ^^-jîiaiï* Uij ^> j^a-Lt ,j»j~«a» L»l — Pouf la conslruction
^1 .\ >^-.àJ cl. p. 17, 1. 6 et p. 17, dern. 1., où A B C sont d'accord.
P. 13, 1. 19. — A B G ^j\j^\ — Mss. ^^^^1 .
P. 13, dern. l. — B tAJ^i*-.' — lire avec A B ^x^l».
— 12 —
P. 13, dern. 1. — A Uà^lj faute d'impression pour Uâ^L (T, p. 13,
n. 4).
P. 14, 1. 1. — ÏW faute d'impression pour tlai-î(T, p. 13, n. 2) —
MSS. Uai-I .
P. 14, 1. 2. — B >^l5 — lire avec AC ^l .
P. 14, 1. 5. — B i^f^jii^ — lire avec A G i^.^1 .
P. 14, 1. 5. — C^lj — lire avec AB^I .
P. 14, 1. 6. — Cj^Y^y faute d'impression pour^^^ ^ .
P. 14, 1. 7. — A BC Xi^l — Mss. a^UM et en marge ii^jJt avec
la mention '^.
P. 14, 1. 7. — AB ^K? qu'il faut lire T,^ (T, p. 13, n. 7) —
P. 14, 1. 16. — B ,Ji3 — lire avec AC ,iju .
P. 14, 1. 18. — ABC ^t — Mss. j! .
P. 14, dern. 1. — A B C ^Jl — Mss. ^iJI .
P. 15, 1. 4. — A BC JM — en marge de Mss. (T, p. 14, n. 3).
P, 15, 1. 7. - B ^ ^y^ji * - lire avec A C ^ Iy>j^.j .
P. 15, 1. 8. — B ^Jj^ — lire avec A C ^^ .
P. 15, 1. 10. — A sl^Lwl — on peut lire également w^LwI .
P. 15, 1. 11. — C lit — lire avec AB i! .
P. 15, 1. 12. — A B C ^t ^j^^ — en marge de Mss.
P. 15, 1. 14. — lire avec A C ^ ^^L ^Ut v^iXJbJ JJj^t
^L«il iJ.Jb' — B confondant le premier <3Lalt avec le second,
saule ^Wt >^Jb- j5> (^Utj .
— 13 —
P. 15, 1. 18. — B J^Ul^ — lire avec A C J^t^l? .
P. 15, 1. 19. — A B ^^^f>-\ — lire avec C aj^^I.
P. 15, avânt-dern.l. — ABC ^\^\ — Mss.j^j|^t(T, p. 15, n. 2).
P. 15, avant-dern. 1. — A BG f^j^j — lire .^^^j^j .
P. lô, I. 2. — A Ui^ — lireplutôtavecBCl^j (ou UaU^) comme
à la ligne précédente.
P. 16, 1. 11. — A B G \^'^^ .— Dans Mss. la première lettre est
indistincte mais paraît être surmontée de trois points (T, p. 15,
n. 5J.
P. 16, 1. 11. — AB :>[sjc>\ — C ^^l .
P. 16, 1. 12. — ABCl^t— Mss. Ul.
P. 16, 1. 16. — A ^^5^a^U! faute d'impression pour Jai>4t (T, p.
16, n. 3), plus correctement ^^J^»d\ .
P. 16, 1. 16. — B ,j:A^^ — lii'e avec A C ^jc^i^^ .
P. 16, 1. 18. — AC l^^yi — B i^tyJ .
P. 16, 1. 19. — A jj.j^j' faute d'impression pour j^;-J(T, p. 16, n.2).
P. 16, 1. 21. — B b\ ^i^ — lire avec AC lil J.b^ (A Gt vj.)i^).
P. 17, 1. 3. — C j^f>-\ — lire avec AB^^! .
P. 17, 1. 6. — A ^ka^Ut faute d'impression pour ^-laàitl' (T, p.
16, n. 3), plus correctement ^^Ja^t.
P. 17, 1. 10. — G J^l j^ix; ji — lire avec A B J^JI ^ .
P. 17, 1. 12. — Voir plus loin la note 2 de la page 39.
P. 17, 1.14. — ABw^. ^U!3^^. — T, p. 17,n. 1, indique que
^ est à supprimer — supprimer aussi Y et lire avec C w-^. t J^^ .
— 14 —
M*
P. 17, 1. 15. - A B ^ (A '^l) — C écrit 'i! J .
P. 17, 1. 15. — A B C "^ (A 4') — Mss. Jl .
P. 18, 1. 1. — B i*^ — lire avec A C .^^ .
P. 18, 1. 2. — A B C L?^l — Mss. hyJ\ .
P. 18, 1. 3. — après JJ UTb C ajoutent :^*i^ .
P. 18, 1. 6. — ABC j!^^ — Mss. ^1^^.
P. 18, 1. 10. — A^ faute d'impression pour^(T, p. 17, n. 7).
P. 18, 1. 10. — A B C Ifcîu- — indistinct dans Mss. (T, p. 18, n. 1) —
Je proposerais de lire plutôt l^L^ .
P. 19, 1. 1. — A B hj\j^'èr(A ^5 jÎ;^"^) et même ligne ^^jt^"^
(A ^^]j.J>-^ le ^ du v^ ayant glissé sur le j . T, p. 18, n. 2) — C
hjj^^ et ^^f>-^ — A B écrivent toujours ySj]/*^^ et C ^jj>'^ —
lire partout avec C vl^^^t .
P. 19, 1. 3, 4, et 6. — A ^-^-^i faute d'impression pour ,c-^.
(T, p. 18, n. 3, 4, 5).
P. 19, 1. 6. — B Uc3 — lire avec A C Uô .
P. 19, 1. 8. — A B s.^^^^-^ ^Jl — lire avec C v.--^^ ^ ^31 qui
est d'ailleurs la leçon de Mss. (T, p. 18, n. 6).
P. 19, 1. 9. — A B C UT (A Us") le point du x manque dans C.
P. 19, 1. 9. — A B C ^jyc3 , le i. n'a pas marqué dans C.
P. 19, 1. 12. — B C ^^^ — lire avec A ^^^t .
P. 19, 1. 13. — A J-fijLi! % -^ B J-j jLi'*'^ — lire avec Mss.
(T, p. 19, n. 1), et A. Vorwort S}.j^^ ^^ •
— 15 —
P. 19, 1. 14. — A B C ^ iL^ — en marge dans Mss. (T, p. 19,
n. 2).
P. 19, 1. 14. — Voir plus loin, p. 42, n. 1.
«M
P. 19, 1. 15. — A B C V'ijJ (A. Vl«d) — Mss. l^J^ •
P. 19, 1. 18. — A A-pU faute d'impression pour i^U (T, p. 19,
n. 4).
P. 19, dern. 1. — A j^^-JaJ! faute d'impression pour ^^^-^1
P. 19, dern. 1. — A B C iS/UI — Mss. iS/-4! .
P. 20, 1. 12. — A B j^-^. jl — lire j^^' jl avec C, et avec T
(p. 19, n. 7), qui corrige ^j-^, ^ en ^y^ ^ ^ titre de simple
faute d'impression. Mss. portait donc aussi ^y^ ^J^ •
P. 20, 1. 14. — A Ujlyt — B C Ujt^t — Je propose de lire U^l^l
P. 20, 1. 15. — B C ^,^^ — lire avec A J^^tï comme p. 20, 1, 11.
P. 21, 1. 2. — B C A^-^*? — lire avec A ^j^, .
P. 21, 1. 3. — A Ujlyl — B C ^^Sf\ — Je propose de lire Ij^t^î .
P. 21, 1. 3. — A B C Jls ^U)I tiU — Après ^^Ut intercaler ^?
X^jtSS qui est sans doute dans Mss. bien que MùUer ne le dise
pas expressément (A. Vorwort; T, p. 20, n. 2j.
P. 21, 1. 4. - A B ^y^\ (A ^^^^t) - lire avec C ^y^}^\
P. 21, 1. 12. — A B C J-iafI !il? — Mss. JJaj liU qui est égale-
ment acceptable [T, p. 21, n. 1 (dans cette note, Mùller a écrit
par erreur le mot lij^ au lieu du mot tiU)].
P. 21, 1. 17. — Voir plus loin, p. 45, n. 2.
— 16 —
P. 21, 1. 17. — A >^L;jb faute d'impression au lieu de ^>^,y^
(T, p. 21, n. 2).
P. 21, 1. 19. — A B C Ji^.j — Mss. Jj^j .
P. 21, I. 21. — B G vyî — lire avec A ç^^\ (voir Qoran, xvii, 87).
P. 22, I. 7. — A &jl^t faute d'impression pour & .1-^! — Mss.
ç.jtJ\ et en marge p- j'^' (A. Vorv^ort; T, p. 21, 1. 4).
P. 23, 1. 4. - A B C JjU3 — Mss. Jfli) .
P. 23, 1. 6. — A B C c^*Aft fit — manque dans Mss.
P. 23, 1. 10. — A ^^=>^j — B C ^^=Jj .
P. 23, 1. 14. — i"^] — lire avec A ïjLJt (voir Qoran, xxix, 44).
P. 23, l. 16. — A B C '.- ^^^ ^j' ^^ — C'est là une simple con-
jecture de Mûller, à laquelle il a renoncé ensuite pour revenir à
la leçon de Mss. '^Us*^? (T, p. 23, n. 1).
P. 24, 1. 3. — C 2>» Ife? — lire avec A B ;^ Y l^ .
P. 24, 1. 3. — A B G ^j^=i — Mss. l^j^=JL?.
P. 24, 1. 6. — A B i— JUaw*3^^ (A À — lil-Ja^^ — lire avec G
J^Lia^j^ (voir, par exemple, Dictionnaire de Galcutta, p. m,
1. 18et20j.
P. 24, I. 9. — A ^jl)\ faute dlmpression pour ^jUt (T, p. 23,
n. 3j — B C ,^iU! sans le • qu'ils négligent généralement d'écrire.
P. 24, 1. 9. — Après .^^U! Mss. ajoute ^^^^^ , qui manque dans
A B C et qu'il faut rétablir sous la forme correcte : iJUt^.w .
P. 24, 1. 13. — A B G ^jUJt — Mss. c. yJl et, en marge c. jl^l .
P. 24, 1. 13. — A jUj — lire avec R G t^j Oj-^jh
— 17 — •
P. 24, 1. 15. — A B C j^-JLxa) p ;LJt .x-^i J,t — Mss. ^-^ J,t
JLu p jl-^' — Je propose de conserver le texte de Mss., mais en
lisant^! au lieu de J,l et en vocalisant, bien entendu, S.^ .
P. 24, 1. 18. — Voir plus loin, p. 48, n. 1.
P. 24, 1. 19. — B ^^ — Mss. ^^ — lire avec A C ^, .
P. 25, 1. 8. — A B C U^ali J,t — dans Mss. J,l manque.
P. 25, 1. 11. — by>li ^ •— lire avec A G^Lk ^ .
P. 25, l. 16. — A ;^-îû^ faute d'impression pour ^o^ (T, p. 21,
n. 4).
P. 25, 1. 18. — A J^^^'^' faute d'impression pour %.^'Js:Of (T,p. 25,
n. 1).
P. 25, avant-dern. 1. — B «LdJ! btj — G -LiLJI .1^ — lire avec A
p. 25, dern. 1. — A ^b faute d'impression pour ^''«> (T, p. 25,
n. 2}.
P. 25, dern. 1. — A L» ^^^ — B G U> .
P. 26, 1. 3 — A A>l3>^! et même ligne ^ J^A':>^\ ^p là,! ^ ; I. 4
A)!iYU et même ligne i>bY! 1^\ — B : la première fois àjb'^! ; la
deuxième ^j^ ^ti! ^ ^»î la troisième ->^-jbYU; la quatrième
ibtiYl ^jJi — G : la première fois ioi^; la deuxième A«)iYî j-iul j>
^ ; la troisième ï-ôYb ; la quatrième i-jiY! ^ — lire : la pre-
mière fois aj^^; la deuxième^'» h^^{j^ ^' > '^ troisième ^^^^ ;
la quatrième ^}\ Sj^ .
P. 26. 1 . 13 — A à^j faute d'impression pour àZi^ (T, p. 25, n. 4.
ACCORD DE LA RELIGION. ET DE LA PHILOSOPHIE ^')
PAR LE QÂDHÎ
L'IMAM, LE SAVANT VERSÉ DANS TOUTES LES SCIENCES,
abou'l-walîd moh'ammed BEN ah'med IBN ROCHD
Le jurisconsulte très considérable, unique, le très docte, le
grand Maître, le qâdhî très équitable, Abou'l-Walîd Moh'ammed
ben Ah'med ben Moh'ammed ben Ali'med ben Ah'med ben Roclid
(Dieu l'agrée et lui fasse miséricorde !) a dit :
Après avoir donné à Dieu toutes les louanges qui lui sont dues,
et appelé la bénédiction sur Moh'araraed, son serviteur purifié,
élu, son envoyé, [disons que] notre but, dans ce traité, est d'exa-
miner, au point de vue de la spéculation religieuse, si l'étude de
la philosophie^^) et des sciences logiques est permise ou défendue
par la Loi religieuse, ou bien prescrite par elle soit à titre
méritoire soit à titre obligatoire.
Nous disons donc :
Si l'œuvre de la philosophie ^•'^^ n'est rien de plus que l'étude
réfléchie de l'univers^*) en tant qu'il fait connaître l'Artisan (je
veux dire en tant qu'il est œuvre d'art, car l'univers ne fait con-
naître l'Artisan que par la connaissance de l'art qu'il [révèle], et
plus la connaissance de l'art qu'il [révèle] est parfaite, plus est
parfaite la connaissance de l'Artisan), et [si] la Loi religieuse
/ (1) Le titre complet sigaifie littéralement : Examen critique et solution de la
question de Taccord entre la Loi religieuse et la Philosophie. — Les chiffres
dans la marge indiquentjes pages du texte arabe édité par M. J. Mûller.
(2) et (3) ^iuu4JLfJ\ .
(4) Cj^<>>^y^^ les choses existantes^ les êtres, l'univers. Nous emploierons,
suivant les cas, Tune ou l'autre de ces trois façons de traduire.
^- 19 —
invite et incite à s'instruire par la considération de l'univers/ H
est dès lors évident que V [étude] désignée par ce nom [de philo-
sophie] est, de par la Loi religieuse, ou bien obligatoire ou bien
méritoire.
Que la Loi divine invite à une étude rationnelle et approfondie
de l'univers, c'est ce qui apparaît clairement dans plus *d'un *p.2
verset du Livre de Dieu (le Béni, le Très-Haut !) : Lorsqu'il dit
par exemple : « Tirez enseignement [de cela], ô vous qui êtes
doués d'intelligence! ))^*^; c'est Ik une énonciation for melle^^^mon-
trant qu'il est obligatoire de faire usage du raisonnement ration-
nel, ou rationnel et religieux à la fois. De même, lorsque le Très-
Haut dit : (( N'ont-ils pas réfléchi sur le royaume des cieux et de
la terre et sur toutes les choses que Dieu a créées ? ))^^^ ; c'est là
une énoiiciation formelle^^^ exhortant à la réflexion sur tout
l'univers. Le Très-Haut a enseigné que parmi ceux qu'il a
honorés du privilège de cette science fut Ibrahîm^^) (le salut soit
sur lui !), car II a dit : « C'est ainsi que nous fîmes voir à Ibra-
hîm le royaume des cieux et de la terre, etc. ))^^K Le Très-Haut
à dit aussi : « Ne voient-ils pas les chameaux, comment ils ont
été créés <'), et le ciel, comment il a été élevé ! ))^^K II a dit encore :
(( Ceux qui réfléchissent à la création <^^ des cieux et de la
terre... ))^*^\ et de même dans des versets innombrables.
Puisqu'il est bien établi que la Loi divine fait une obligation
d'appliquer à la considération de l'univers la raison et la
réflexion, comme la réflexion consiste uniquement à tirer l'in-
connu du connu, à l'en faire sortir, et que cela est le syllogisme,
ou se fait par le syllogisme, c'est [pour nous] une obligation de
(1) Qoran, sourate Lix, verset 2. — Cette locution \^^--JC6l3 correspond
exactement au lalin : Et nunc erudimini.
(2) et (4) ,JaS texte sacré, du Qoran ou de la Sonna, contenant une énoncia-
tion formelle. Voir El-Mawerdi, El-ahkâm es-soulthânîya, traité de droit
public musulman... traduit et annoté... par le comte Ostrorog. Paris, 1901.
Introduction générale, p. 21.
(3) Qoran, vil, 184.
(5) Abraham.
(6) Qoran, vi, 75.
(7) C'est-à-dire quelle structure, quelles aptitudes Dieu, en les créant, leur
a données, pour la plus grande utilité des hommes.
(8) Qoran lxxxviii, 17.
(9) C'est-à-dire à la structure que Dieu, f n les créant, leur a donnée.
(10) Qor«?î, in, 188.
— 20 —
nous appliquer à l'étude de l'univers par le syllogisme rationnel ;
et il est évident que cette sorte d'étude, à laquelle la Loi divine
invite et incite, prend la forme la plus parfaite [quand elle se
fait] par la forme la plus parfaite du syllogisme, qui s'appelle
démonstration.
Puisque la Loi divine incite à la connaissance, par la démons-
tration, du Dieu Très-Haut et des êtres qu'il [a créés], comme il
est préférable ou [même] nécessaire, pour qui veut connaître par
la démonstration Dieu (le Béni, le Très-Haut), et tous les autres
êtres, de connaître préalablement les diverses espèces de démons-
tration et leurs conditions, [de savoir] en quoi le syllogisme
démonstratif diffère du syllogisme dialectique, du syllogisme
oratoire et du syllogisme sophistique ; et comme cela n'est pas
possible si l'on ne sait préalablement ce qu'est le syllogisme en
général, quel est le nombre de ses espèces, lesquelles sont des.
syllogismes [concluants] et lesquelles n'en sont point ; et comme
cela aussi n'est pas possible à moins de connaître préalablement
celles des parties du syllogisme qui viennent les premières
(je veux dire les prémisses) et leurs espèces ; — il est obligatoire
pour le croyant, de par la Loi divine, dont l'ordre de spéculer
sur les êtres doit être obéi, de connaître, avant d'aborder la
*p.3 spéculation, les choses qui sont*pour la spéculation comme les
instruments pour le travail. De même que le jurisconsulte infère,
de l'ordre d'étudier les dispositions légales, l'obligation de con-
naître les diverses espèces de déductions juridiques, [de savoir]
lesquelles sont des syllogismes [concluants] et lesquelles n'en
sont pas, de même le métaphysicien <*^ doit inférer de l'ordre de
spéculer sur les êtres l'obligation de connaître le syllogisme
rationnel et ses espèces. Et à plus juste titre : car si de cette parole
du Très-Haut : « Tirez enseignement, ô vous qui êtes doués
d'intelligence ! », le jurisconsulte infère l'obligation de connaître
le syllogisme juridique, à plus forte raison le métaphysicien^^) en
înfèrera-t-il l'obligation de connaître le syllogisme rationnel.
(1) et (2) u» 51*31(^6 connaissant) et la secoade fois ^b u».IaJ\ {le con-
naissant Dieu). Il s'agit du philosophe qui cultive la théologie rationnelle, la
théodicée. (Voir le grand Dictionnaire de Calcutta C-)^-^'^^i*'*ô\ uôLi.i' ^^^IX^
^^XjjJ\ , article u» ^U , p. SSo, au bas. Voir également Les Prolégomènes,
d'iBN Khaldoun, traduits par de Slane. Imprimerie Nationale, 1863, 1" partie,
p. 223 ; le traducteur rend improprement le pluriel de ^Xe. , par: les. sachants.)
On ne pniil, nhierter que relie sorte de spèrulation sur le syl-
logisme rationnel soit une innovalioD [ou hérésie], qu'elle n'exis-
tail pas aux premiers temps de l'Islam ; car la spéculation sur le
syllogisme juridique et ses espèces, elle aussi, est une chose qui
fut inaugurée postérieurement aux premiers temps de l'Islam, et
on ne la considère pas comme une innovation [ou hérésie). Nous
devons avoir la même conviction touchant la spéculation sur le
syllogisme rationnel. A cela il y a une raison que ce n'est pas
iei le lieu d'indiquer. Mais la plupart des docteurs de notre
religion tiennent pour le syllogisme rationnel, sauf un petit nom-
dro de H'achwiyya qu'on peut réfuter par des textes formels'".
Puisqu'il est établi qu'il est obligatoire de pai' la Loi divine
de spéculer sur le syllogisme rationnel et ses espèces, comme il
est obligatoire de spéculer sur le syllogisme juridique, il est
clair que si nul avant nous n'avait entrepris déjà d'étudier le
syllogisme rationnel et ses espèces, ce serait un devoir pour
nous de commencer à l'étudier, et pour le [chercheur] suivant, de
demander secours au précédent, jusqu'à ce que la connaissance
en filt parfaite ; car il serait difficile, ou [même] impossible, qu'un
seul homme découvrit de lui-même et sans devancier tout ce
qu'il faut [savoir] en pareille matière, de même qu'il serait
dilficile à un seul homme de découvrir tout ce qu'il faut savoir
au sujet des [diverses] espèces de syllogisme juridique ; et cela
est encore plus vrai de la connaissance du .syllogisme rationnel.
Mais si quelqu'un avant nous s'est livré à de telles recherches,
il est clair que c'est un devoir pour nous de nous aider dans notre
étude de ce qu'ont dit, sur ce sujet, ceux qui l'ont étudié avant
nous, qu'ils appartiennent ou non à la même religion que nous ;
car l'instrument, grâce auquel est valide la purification, rend
valide la purification'*' à laquelle il serl,*sans qu'on ail à examiner
Le lei'nie métapfiyaicien semb[e doue avoir ici une signilicatioii un peu (ro|i
Hlemiue. Mais, d'abord, la langue française nu possède aucun uiol pour dèi^igner
le métaphyavâen qui s'a^lonne spécialement â l'élude de la tliéodicée. Eu
oulre, il s'agit, dans ce lexie, du ptiilosophe qui, pour arriver à lu connuissante
de Dieu, spécule sur tout l'univers, qui se livre, par conséquent, à l'élude de
la uiétiipliysiipje en général, en même temps qu'à l'étude de cette partie delà
métaphysique qui a nom théologie rationnelle OU théodicée. — Notons que,
cite)! les S'uulis, ne terme k_s,U prend une signiticution mystique,
(1) Voir plus liant, p. IR, n. 2 et 4.
(2) ^J^\ ■ Le texte de Mùller. porte ici i~f jJOl (l'égorgemout), el, â Ift
ligue précédente, a^Jii\ (la purification). Dana sa traduclion allemande
^ 22 —
si cet instrument appartient où non à un de nos coreligionnaires :
il suffit qu'il remplisse les conditions de validité. Par ceux qui ne
sont pas nos coreligionnaires, j'entends les Anciens qui ont
spéculé sur ces questions avant [l'apparition de] Pislamisme. Si
donc il en est ainsi, et si tout ce qu'il faut savoir au sujet des
syllogismes rationnels a été parfaitement étudié par les Anciens,
il nous faut manier assidûment leurs livres, afin de voir ce qu'ils
en ont dit. Si tout y est exact, nous l'accepterons ; s'il s'y trouve
quelque chose d'inexact, nous le signalerons.
Quand nous aurons achevé ce genre d'étude, quand nous
aurons acquis les instruments grâce auxquels nous pourrons étu-
dier les êtres et montrer l'art qu'ils [manifestent], (car celui qui
ne connaît pas l'art ne connaît pas l'œuvre d'art, et celui qui ne
connaît pas l'œuvre d'art ne connaît pas l'artisan), nous devrons
entreprendre l'étude des êtres, dans l'ordre et de la façon que
nous aura enseignés la théorie des syllogismes démonstratifs.
Il est clair, aussi, que nous n'atteindrons pleinement ce but,
la [connaissance] des êtres, qu'en les étudiant successivement
l'un après l'autre, et à condition que le [chercheur] suivant
demande secours au précédent, comme cela a lieu dans les
sciences mathématiques. Supposons, par exemple, qu'à notre
époque la connaissance de la géométrie fasse défaut, qu'il en
soit de même de celle de l'astronomie, et qu'un homme veuille
découvrir, à lui seul, les dimensions des corps célestes, leurs
formes, et les distances des uns aux autres ; certes, il ne le
pourrait pas : [il ne pourrait] connaître par exemple la gran-
deur du Soleil par rapport à la Terre, ni les dimensions des
autres astres, fût-il le plus perspicace des hommes, sinon par
une révélation ou quelque chose qui ressemble à la révélation.
intitulée : Philosophie uncl Théologie von Averroes, Munchen, 1875, p. 4,
11. 2, Muller, lisant nux deux endroits À^jJJl (regorgement), traduit en
conséquence {hei dent Schlachten). 11 faut, au contraire, lire aux deux
endroits !k^^^\ (la purification), comme le font les deux éditions du
Caire ; car Ibn Rochd a pu comparer le syllogisme à un instrument de purifi-
cation (intellectuelle), mais non à un instrument d'égorgement. C'est à cause
de cette comparaison latente que nous rendons le mot 3LJ \ (ustensile, instru-
ment) par le terme générique instrumenty ])lutôt que par le terme spécifique
ustensile^ quoiqu'il désigne ici évidemment un vase à ablutions : on peut
bien dire en français que le syllogisme est un instrument de purification
(intellectuelle), mais non qu'il est un ustensile de purification.
~ 23 —
Et si on lui disait que le Soleil est plus grand que la Terre
environ cent cinquante ou cent soixante fois, il taxerait de folie
celui qui lui tiendrait un tel propos ; et pourtant c'est une chose
démontrée de telle manière en astronomie, que quiconque est
versé dans cette science n'en doute point. Mais la [science] qui
admet le mieux, à ce point de vue, la comparaison avec les
sciences mathématiques, c'est la science *des principes du droit
et le droit lui-même, dont la théorie ne peut être achevée qu'au
bout d'un temps [fort] long. Si un homme voulait aujourd'hui, à
lui seul, découvrir tous les arguments qu'ont trouvés les théori-
ciens des [différentes] écoles juridiques, à propos des questions
controversées qui ont été objet de discussion entre eux, dans la
majeure partie des pays de l'Islam, en dehors du Maghreb <*^ il
serait digne de moquerie ; car cela est impossible, outre que ce
serait [recommencer] une [besogne] déjà faite. C'est là une chose
évidente par elle-même, et vraie non seulement des sciences
théoriques mais aussi des arts pratiques : car il n'y en a pas
un qu'un homme puisse, à lui seul, créer [de toutes pièces].
Que [dire] par conséquent de la science des sciences [et de l'art
des arts]^2V qui est la philosophie^^^ !
S'il en est ainsi, c'est un devoir pour nous, au cas où nous
trouverions chez nos prédécesseurs parmi les peuples d'autre-
fois, une théorie réfléchie de l'univers, conforme aux conditions
qu'exige la démonstration, d'examiner ce qu'ils en ont dit, ce
qu'ils ont affirmé dans leurs livres. Ce qui sera, conforme à la
vérité, nous l'accepterons avec joie et avec reconnaissance ; ce
qui ne sera pas conforme à la vérité, nous le signalerons pour
qu'on s'en garde, tout en les excusant.
Donc, cela est évident maintenant, l'étude des livres des
Anciens est obligatoire de par la Loi divine, puisque leur dessein
dans leurs livres, leur but, est [précisément] le but que la Loi
(1) Dans TEspagne musulmane et dans l'Afrique mineure, Tétude desOus'oul
el'fiqh était, en général, absolument négligée. Voir : Le livre de Moh*ammed
Ibn Tounierty rnahdi des Almohades (Collection du Gouvernement général de
TAlgérie), Alger, 1903. Introduction, par I. Goldziher, p. 27 eiibidt n. 4.
(2) ç^LL^\ AxLLo. Le mot AxLLo, qui correspond au grec ts/vyi, signifie,
à la fois, science et art.
(3) ^^\ la philosophie en général, la sagesse. Ce terme a une acception
plus étendue que celui de A^BuuJLd qui désigne spécialement la philosophie
grecque, continuée par les falàcifa ou philosophes musulmans hellénisants.
p. 5
— 24 —
divine nous incite à [atteindre] ; et celui qui en interdit Tétude à
quelqu'un qui y serait apte, c'est-à-dire à quelqu'un qui possède
ces deux qualités réunies, en premier lieu la pénétration de l'es-
prit, en second lieu l'orthodoxie religieuse et une moralité supé-
rieure, celqi-là ferme aux gens la porte par laquelle la Loi
divine les appelle à la connaissance de Dieu, c'est-à-dire la porte
de là spéculation qui conduit à la connaissance véritable de
Dieu. C'est là le comble de l'égarement et de l'éloignement du
Dieu Très-Haut. De ce que quelqu'un erre ou bronche dans ces
spéculations, soit par faiblesse d'esprit, soit par vice de méthode,
soit par impuissance de résister à ses passions, soit faute de
trouver un maître qui dirige son intelligence dans ces études,
soit par le concours de [toutes] ces causes [d'erreur] ou de plu-
sieurs d'entre elles, il ne s'ensuit pas qu'il faille interdire ce
^p.6 genre d'études à celui *qui y est apte. Car cette sorte de mal, qui
en résulte, en est une conséquence accidentelle et non essentielle ;
or, ce qui, par nature et essentiellement, est utile, on ne doit pas
y renoncer à cause d'un inconvénient accidentel. Aussi le [Pro-
phète] (le salut soit sur lui !) a-t-il dit à un homme, à qui il
avait ordonné de faire prendre du miel à son frère atteint de
diarrhée, et qui, la diarrhée ayant augmenté après l'absorption
du miel, s'en plaignait à lui : « Dieu a dit vrai, et [c'est] le ven-
tre de ton frère [qui] a menti. » Oui, celui qui interdit l'étude
des livres de philosophie <*^ à quelqu'un qui y est apte, parce
qu'on juge que certains hommes de rien sont tombés dans l'erreur
pour les avoir étudiés, nous disons qu'il ressemble à celui qui
interdirait à une personne altérée de boire de l'eau fraîche et
bonne et la ferait mourir de soif, sous prétexte qu'il y a des gens
qui se sont noyés dans l'eau ; car la mort que l'eau produit par
suffocation est un effet accidentel, tandis que [la mort causée]
par la soif [est un effet] essentiel et nécessaire. Le [mal] qui peut
résulter accidentellement de cette science [ou art, la philoso-
phie,] peut aussi résulter accidentellement de toutes les autres
sciences [ou arts]. Combien de jurisconsultes ont trouvé dans la
jurisprudence l'occasion de se débarrasser de bien des scrupules
et de se plonger dans [les biens de] ce monde ! Nous trouvons
même que la plupart des jurisconsultes [en usent] ainsi, et [pour-
(1)
— 25 —
tant] leur science [ou art], par essence, exige précisément la
vertu pratique. Par conséquent, la science qui exige la vertu
pratique comporte à peu près les mômes conséquences acciden-
telles que la science qui exige la vertu scientifique.
Puisque tout cela est établi, et puisque nous avons la convic-
tion, nous, musulmans, que notre divine Loi religieuse est la
vérité, et que c'est elle qui rend attentif et convie à ce bonheur,
à savoir la connaissance de Dieu, Grand et Puissant, et de ses
créatures, il faut^*^ que cela soit établi [également] pour tout
musulman par la méthode de persuasions*^ qu'exige sa tournure
d'esprit et son caractère. Car les caractères des hommes s'éche-
lonnent au point de vue de la persuasion : l'un est persuadé par
la démonstration ; l'assentiment que celui-ci donnait à la démons-
tration, celui-là l'accorde aux arguments dialectiques, son carac-
tère ne comportant rien de plus ; enfin, l'assentiment que le
premier donnait aux arguments démonstratifs, un troisième
l'accorde aux arguments oratoires. Puis donc que notre divine Loi
religieuse appelle les hommes par ces trois méthodes, l'assenti-
ment qu'elles produisent s'étend à tous les hommes, excepté
ceux qui les désavouent de bouche, par obstination, ou qui,
par insouciance, n'offrent pas prise aux méthodes par lesquelles
la [Loi religieuse] appelle au Dieu Très-Haut. C'est pour cela
qu'il a été spécifié au sujet du [Prophète] (sur lui soit le salut !).
qu'il était envoyé vers le blanc et le noir^^^, je veux dire parce
que sa Loi enveloppe les diverses méthodes pour appeler au Dieu
Très-Haut. C'est ce qu'exprime clairement cette parole du Très-
Haut : « Appelle dans la voie de ton Seigneur par la sagesse <^'
et les exhortations bienveillantes et, en . discutant avec eux,
emploie [les moyens] les plus convenables, w^^^
Si ces préceptes religieux sont la vérité, et s'ils invitent à la
spéculation qui conduit à la connaissance de la Vérité^^), nous
(1) Nous lisons, comme le propose Millier (traduction, p. 6, n. 2), ^^U au
lieu de ^^\^ .
(2) ,^Js-^* persuasion, assentiment.
(3) (Littéralement vers le rouge et le noir) c'est-à-dire vers les hommes de
toutes races.
(4) ^O^.
(5) QoraUy xvi, 126.
(6) ^^\ la Vérité absolue, l'Etre véritable, c'est-à-dire Dieu.
p. 7
— 2() —
savons donc, nous, musulmans, d'une façon décisive, que la spé-
culation fondée sur la démonstration ne conduit point à contre-
dire les [enseignements] donnés par la Loi divine. Car la vérité
ne saurait êtr.e contraire à la vérité : elle s'accorde avec elle et
témoigne en sa faveur.
S'il en est ainsi, et si la spéculation démonstrative conduit h
une connaissance quelconque d'un être quelconque, alors, de
deux choses l'une : ou bien il n'est pas question de cet être dans
la Loi divine, ou bien il en est question. S'il n'en est pas question,
[las de contradiction, et le cas est le même que pour les dispositions
légales dont il n'est pas question [dans la Loi divine] et que le
jurisconsulte infère par le syllogisme juridique. Si, au contraire,
la loi religieuse en parle, alors le sens extérieur du texte est
ou bien d'accord avec les [conclusions] auxquelles conduit la
démonstration [appliquée] à cet [êtrej, ou bien en désaccord
[avec ces conclusions]. S'il est d'accord, il n'y a rien à en dire.
S'il est en désaccord, alors il demande à être interprété. Inter-
préter veut dire faire passer la signification d'une expression du
sens propre au sens figuré, sans déroger à l'usage de la langue
des Arabes, en donnant métaphoriquement à une chose le nom
d'une chose semblable, ou de sa cause, ou de sa conséquence^
ou d'une chose concomitante, ou [en usant d'une] autre méta-
phore couramment indiquée parmi les figures de langage. Si le
jurisconsulte agit ainsi pour beaucoup de dispositions légales,
combien plus a droit de le faire l'homme qui possède la science
de la démonstration ! Car le jurisconsulte ne dispose que d'un
syllogisme d'opinion, tandis que le métaphysicien dispose d'un
syllogisme de certitude. Nous affirmons d'utie manière décisive
que toujours, quand la démonstration conduit à une [conclusion]
*r. 8 en désaccord avec le sens extérieur de la Loi divine, *ce sens
extérieur admet l'interprétation suivant le canon de l'interpréta-
tion arabe. C'est une chose dont un musulman ne fait aucun doute
ot sur laquelle un croyant n'hésite pas. Mais combien cela est
plus évident pour celui qui s'est attache à cette pensée et l'a
mise à l'épreuve, et qui s'est proposé ce but : l'union de la raison
et de la tradition ! D'ailleurs, nous affirmons que rien de ce qui
est énoncé dans la Loi divine n'est en désaccord, par son sens
extérieur, avec les résultats de la démonstration, sans qu'on
trouve, en examinant attentivement la Loi et passant en revue
— 27 —
toutes ses autres parties, des expressions qui, par leur sens
extérieur, témoignent en faveur de cette interprétation, ou sont
[bien] près de témoigner [en sa faveur]. C'est pourquoi tous les
musulmans sont d'accord sur ce point, qu'il ne faut pas prendre
toutes les expressions de la Loi divine dans leur sens extérieur,
ni les détourner toutes de leur sens extérieur par l'interpréta-
tation ; mais ils ne sont pas d'accord pour [distinguer] celles qu'il
faut interpréter de celles qu'il ne faut pas chercher à interpréter.
Les Ach'arites, par exemple, interprètent le verset [où se trouve
l'expression : Dieu] se dirigea [vers le ciel]^*), et le h'adith [où il
est dit] que [Dieu] descend [vers le ciel d« ce bas monde] <2),
tandis que les H'anbalites prennent ces [expressions] au sens
extérieur. Si la Loi divine présente un sens extérieur et un sens
intérieur, c'est à cause de la diversité qui existe dans le naturel
des hommes et de la différence de leurs dispositions innées <^ par
rapport à l'assentiment ; et si elle présente des [expressions qui,
prises au] sens extérieur se contredisent, c'est afin d'avertir les
hommes d'une science profonde d'avoir à les concilier par l'inter-
prétation. C'est à quoi le Très-Haut a fait allusion en disant:
« C'est Lui qui t'a révélé le Livre, dont certains versets sont
clairs et positifs. . ., etc., jusqu'à : les hommes d'une science
profonde ))^^K
(1) Qoraiiy II, 27. La présente citation s'applique aussi à un passage tout à
fait semblable (Qoran, xli, 10), cité plus loin par Ibn Rochd, p. 34,1. 16 (p. 11^,
1. 11 du texte publié par Mtiller). Elle pourrait s'appliquer également à un
troisième passage qu'Ibn Rochd ne cite point dans ce traité {Qorany vu, 52) :
^jjt)\ (^^JLfi ^^Xm}\ ly « Ensuite Dieu vint s'asseoir sur le trône. »
(2) Voir la note de Mûller, p. 8, n. 1 de sa traduction allemande.
(3) Voir dans notre table des variantes, le n*: P. 8, 1. 11.
(4) Qoraiiy m, 5. Voici le verset complet : « C'est Lui qui t'a révélé (littérale-
ment : ([ui a fait descendre sur toi) le Livre, dont certains versets sont clairs
et positifs et constituent la mère du Liore (c'est-à-dire sa partie fondamentale)
<»t d'autres sont ambigus. Ceux qui ont dans le cœur une propension à l'erreur
s'attachent à ce qui s'y trouve d'ambigu, par amour de la sédition et par désir
d'interpréter ces [textes ambigus] ; or, nul n'en connait l'interprétation si ce
n'est Dieu. Quant aux (littéralement : Et les) hommes d'une science profonde,
ils disent : « Nous croyons à ce [livre] : tout cela vient de notre Seigneur. »
Car nul ne se souvient, si ce n'est ceux qui savent comprendre ». Ibn Rochd,
construisant à sa façon, pour les besoins de sa cause, entend la fin de ce verset
de la manière suivante : « Or, nul n'en connait l'interprétation, si ce n'est
Dieu et les hommes d'une science profonde », et il a soin d'arrêter là cette
citation. Comparer le passage, p. 38, I. 14 (p. 16, 1. 13, du texte de Muller) où
— 28 —
Si Ton objecte : « Il y a, dans la Loi divine, des choses
que les musulmans sont unanimes à prendre dans leur
sens extérieur, d'autres pour lesquelles [ils sont unanimes à
juger nécessaire] une interprétation, et d'autres au sujet des-
quelles ils ne sont pas d'accord. Est-il licite que la démonstra-
tion conduise à interpréter ce qu'ils sont unanimes à prendre
au sens extérieur, ou [à prendre] au sgns extérieur ce qu'ils
sont unanimes à interpréter? » — nous répondons : Si l'accord
unanime était établi d'une manière certaine, cela ne serait pas
valable ; mais si cet accord unanime [n'Jest [que] présumé, cela
est valable. C'est pourquoi Abou H'amîd [El-Ghazâlî], Abou'l-
Ma'àli, et d'autres maîtres en spéculation ont dit qu'il ne fallait
pas taxer d'infidélité ceux qui, dans des cas semblables, avaient
rompu l'accord unanime sur la [question • d'] interprétation. Ce
qui te prouve que l'accord unanime ne peut être constaté en
I matière spéculative, d'une manière certaine, comme il peut l'être
-*p:9 en matière pratique, c'est qu'il n'est pas possible *de constater
l'accord unanime sur une question quelconque, à une époque
quelconque, à moins que cette époque ne soit, dans notre esprit,
étroitement délimitée ; que nous n'en connaissions tous les
savants (j'entends les connaître individuellement et savoir leur
nombre) ; que la doctrine de chacun d'eux sur cette question ne
nous ait été transmise par une tradition répéléeS^^ ; et qu'en
outre de tout cela nous ne sachions positivement que les savants
de cette époque s'accordaient à [admettre] qu'il n'y a dans la Loi
divine rien d'extérieur et d'intérieur^^)^ que \^ science, en toute
question, ne doit être celée à personne, et que pour [tous] les
hommes, la méthode [conduisant] à la connaissance de la Loi
religieuse est unique. Mais comme nous savons par tradition
qu'un grand nombre d'hommes des premiers temps de l'islamisme
jugeaient qu'il y a dans la Loi divine de l'exotérique et de l'éso-
térique^'*^ et que l'ésotérique ne doit pas être connu de ceux qui
il cite de nouveau ce membre de phrase eu substituant à cette expression
^Jla3\ ^^ 0>*^^l^^ ^^^* hommes d'une science profonde), cette autre expres-
sion: les hommes de démonstration : . L.^ib\« ^\ V^ ^!JL3 Jj > i*x V*
(1) /i\y J^. Voir Pexcellent travail de M. W. Mabçais, Le taqrîb de
En-Nawawly traduit et annoté. Journal Asiatique : janvier-février, 1901,
p. 103, note ; juillet-aoùt, p. 105, 1. 2 et note, p. 113, note 1.
(2) et (3) yAl^ extérieur, exotérique ; ^^b intérieur, ésotérique.
— 29 —
n'en cultivent pas la science et qui ne peuvent le comprendre
(c'est ainsi qu'au rapport d'El-Bokhârî, ^'Alî, Dieu soit satisfait
de lui ! a dit : « Parlez aux gens de ce qu'ils connaissent. Vou-
lez-vous que Dieu et son envoyé soient accusés de mensonge ? » ;
et le [même auteur] rapporte de plusieurs de [nos] prédécesseurs
des paroles du même genre), comment donc peut-on concevoir
un accord unanime, transmis jusqu'à nous, sur une des ques-
tions spéculatives, alors que nous savons péremptoirement
qu'aucune époque n'a manqué de savants jugeant qu'il y a dans
la Loi divine des choses dont il ne faut pas que tout le monde
connaisse le sens véritable. Et en cela, [les vérités spéculatives]
diffèrent des vérités pratiques : car tout le monde estime qu'on
doit communiquer ces dernières à tous les hommes également ;
et pour qu'il y ait accord unanime à leur sujet, il suffit que la
question se soit répandue et que la tradition ne nous fasse con-
naître aucune divergence sur cette question. Car cela suffit^^J
pour qu'il y ait accord unanime dans les questions pratiques,
à la différence des questions spéculatives.
Diras-tu : Si on ne doit taxer [personne] d'infidélité pour
avoir rompu l'accord unanime en ce qui concerne l'interpréta-
tion, attendu qu'on ne conçoit pas un accord unanime en pareille
matière, que dis-tu des falacifa musulmans ^^^ comme Abou Nas'r
[El-Fàrâbî] et Ibn Sînâ ? Car Abou H'amîd [El-Ghazâli] les a
formellement accusés d'infidélité, dans son livre Ueffondrement
[des falacifa]^^\ au sujet de trois questions, à savoir: l'affirma-
(1) Nous lisons, avec les deux éditions du Caire, <^\^ au lieu de ujbJ^.
(2) ^'%uiYi Jjb\ ^^ ijft-u)\U3\ .
(3) L'ouvrage est intitulé ^uu*o^)lslJ\ C^i^UJ). On traduit généralement ce
litre, dont la signification a été si controversée : La destruction des philo^
sophes. Nous proposons de le traduire : L' effondrement des falacifa. Il serait
aifcé de montrer, en citant certains passages de ce livre et de la réfutation
(ju'en a écrite Ibn Rochd sous le titre de CU»L^-X3\ CU»L^* (L'effondrement de
« l'Effondrement ») que telle est bien la traduction exacte du mot « tehàfot :
El-Ghazàli et Ibn Rochd lui donnent, par exemple, pour synonyme, le mot
JaiLo. Le titre imaginé par El-Ghazàli signifie donc, non pas précisément
qu'il va détruire le système des falacifa^ mais que ce système se détruit lui-
même, qu'il ne tient pas debout, parce qu'il enveloppe des contradictions et
que, j)ar conséquent, ses parties ne se soutiennent pas Tune Tautre, se renver-
sent Tune l'autre (d'où la 6' forme C-^ftL^'), en un mot, qu'il s^effondre de lui-
même. Le titre du livre d'Ibn Rochd signifie pareillement que c'est au con-
traire le livre d'EL-GHAZÂLî, a L'Effondrement » y qui s'efTondre de lui-même,
parce qu'il repose sur des contradictions que l'ouvrage d'iBN Rochd va mettre
en évidence.
— 30 —
lion de réternité du monde, [rafDrmation] que le Très-Haut (qui
est bien au-dessus d'un tel [blasphème]!), ne connaît pas les
p. 10 choses particulières, et *rinterprétation des passages de la
révélation relatifs à la résurrection des corps et à la vie future ?
— Nous répondons : Il résulte manifestement de ce qu'il dit à
ce propos, que Taccusation d'infidélité qu'il porte, sur ce point,
contre ces deux [philosophes], n'est pas formelle ; car il déclare
dans le livre de La démarcation [entre la foi et V incrédulité \^^'^
que l'accusation d'infidélité pour avoir rompu l'unanimité [n']est
[qu'] hypothétique. Et nous avons montré clairement qu'il n'est
pas possible de constater l'unanimité en de pareilles questions,
puisqu'on rapporte que selon un grand nombre de nos premiers
prédécesseurs, sans parler des autres, il y a là des interpréta-
tions qu'on ne doit exposer qu'aux hommes d'interprétation, qui
sont les hommes d'une science profonde. Car le mieux, selon
nous, est de s'arrêter sur cette parole du Très-Haut : « Et les
hommes d'une science profonde w^*^ En effet, si les hommes de
science ne connaissaient pas l'interprétation, ils n'auraient
aucune supérioritjé d'assentiment qui produise chez eux une [sorte
de] croyance en Lui qui ne se trouve pas chez ceux qui ne sont
point hommes de science. Or, Dieu les a qualifiés « ceux qui
croient en Lui », et cela ne peut désigner que la croyance qui
vient de la démonstration. Et celle-ci ne va pas sans la science
de l'interprétation. Car ceux qui ne sont pas hommes de science,
parmi les croyants, sont gens dont la croyance en Lui^^^ ne vient
pas de la démonstration. Si donc cette croyance, par laquelle Dieu
caractérise les savants, leur est propre, il faut qu'elle soit [pro-
duite] par la démonstration. Et si elle est [produite] par la démons-
tration, elle ne va pas sans la science de l'interprétation : car
Dieu, Puissant et Grand, a fait savoir que pour ces [passa-
ges du Qoran] il y a une interprétation qui est la vérité, et la
démonstration n'a d'autre objet que la vérité. Et puisqu'il en est
ainsi, il n'est pas possible de constater, pour les interprétations
(1) Le titre complet de Touvrage est : iijJ»J\^ ^^L%jV^ ^^^ *àSyCi}\ , y\SS .
(2) C'est-à-dire de couper la phrase (nous d»rious, eu français, de mettre un
point) après et les hommes <Vune science "profonde^ et non avant, dans le
verset m, 5, cité plus haut. (Voir plus haut, p. 27, n. 4.)
(3) Au lieu de l^ (^L%j>V^ qui n'ofïre aucun sens, il faut lire évidemment
^ qL^jV^ comme quatre lignes plus haut.
— 31 —
que Dieu attribue en propre aux savants, un accord unanime
connu par la commune rcnommée^^K Cela est évident par soi-
même pour quiconque est sans prévention.
En outre de tout cela, nous voyons qu'AbouH'àmid s'est trompé
au sujet des philosophes péripatéticiens, en leur attribuant l'opi-
nion que [Dieu], Très-Saint et Très-Haut, ne connaît nullement
les choses particulières. Leur opinion est que le Très-Haut les
connaît d'une connafssance qui n'est pas du même genre que
celle que nous en avons. Car notre connaissance est conditionnée
par l'objet connu : elle est produite s'il est produit, elle change
s'il change ; tandis que la connaissance que le Dieu Glorieux a
de ce qui existe est l'opposé ; elle est condition de l'objet con-
naissable, qui est l'être. Celui, donc, qui assimile *ces deux con- *p. n
naissances l'une à l'autre, identifie dans leurs essences et leurs
propriétés des choses opposées, ce qui est le comble de l'égare-
ment. Si le mot connaissance est appliqué à la connaissance
produite et à la [connaissance] éternelle, c'est par une pure
homonymie, de même que beaucoup de noms^^^ sont appliqués à
des choses opposées, par exemple djalal se dit du grand et du
petit, et s'arîm [se dit] de la lumière et des ténèbres <^^ Aussi n'y
a-t-il pas de définition qui embrasse à la fois ces deux connais-
sances, comme se l'imaginent les Motékallemîn de notre temps.
Nous avons [d'ailleurs] consacré à cette question un traité, à
l'instigation d'un de nos amis^*^
Comment peut-on imaginer d'attribuer aux Péripatéticiens
l'opinion que le [Dieu] Glorieux ne connaît pas d'une connais-
(1) ,Ja.sjaLXA,wwg répandu^ connu par la commune renomm.ée. Pour Texacte
signification de ce terme technique, voir W. Mabçais : Le Taqrih d'En-
iVaicaicî, traduit et annoté. Journal Asiatique : janvier-février 1901, p. 131;
juiilet-aoùt 1901, p. 104, n. 1, 106 n. et 125.
(2) On sait que la grammaire arabe admet seulement trois parties du discours,
et qu'elle classe Tadjectif dans la catégorie du nom.
(3) Le mot djalal (,J-^) , appliqué à une affaire, a les deux sens opposés de
grave, importante» et ôesans importance, de bagatelle. Le mot s'arîm (^^^-«o)
signifie à la fois aurore et nuit très sombre ou une certaine partie de la
nuit.
(4) C'est le plus court et le dernier des trois traités publiés ensemble par
M. J. Millier et par les deux éditeurs égyptiens. 11 occupe les pages 128 à 131
de rédition Millier et a pour titre: j<^^\^\ Iaj.^3 ^^^\ i«Li**JL\ a^ .^^
JliJL\ ^J-^ ^^ ; Appendice relatif à la question touchée par Abou'l-\Valîd
[Ibn Rochd] dans [son traité intitulé] Fas'l el-maqàl (c'est-à-dire dans le
présent traité).
— 32 —
sance éternelle les choses particulières, alors qu'ils regardent
la vision vraie comme renfermant l'anticipation des éventualités
particulières^*), et [croient] que cette prescience, Thomme la
reçoit dans le sommeil, de la science éternelle^^^ qui régit Tunivers
en maîtresse [absolue]. Ce ne sont pas seulement, à leur avis,
les choses particulières que [Dieu] ne connaît pas de la même
manière que nous, mais aussi les universaux ; car les universaux
connus par nous sont conditionnés, eux aussi, par la nature du
réel, tandis que, dans cette connaissance, c'est l'inverse. Donc,
la [conclusion] à laquelle conduit la démonstration, c'est que
cette connaissance est au-dessus des qualifications d'universelle
ou de particulière ; en sorte que la discussion est sans objet sur
cette question, je veux dire s'il faut ou non taxer ces [philoso-
phes] d'infidélité.
Quant à la question de l'éternité du monde dans le passé ou de
sa production, la discussion sur cette question entre les Moté-
kallemîn ach'^arites et les philosophes anciens se réduit presque,
à mon avis, à une querelle de mots, particulièrement en ce qui
concerne certains Anciens. Les [deux partis] s'accordent à [recon-
naître] qu'il y a trois genres d'êtres, deux extrêmes et un inter-
médiaire entre les deux extrêmes. Ils s'accordent sur le nom des
deux extrêmes, et diffèrent en ce qui concerne l'intermédiaire.
L'un des deux extrêmes est un être qui est formé de quelque
autre chose et qui provient de quelque chose, je veux dire [un
être qui provient] d'une cause efficiente et [qui est formé] d'une
matière ; et le temps l'a précédé, je veux dire [a précédé] son
existence. C'est le cas des corps, dont la naissance est perçue
*p. 12 *par les sens, par exemple la naissance de l'eau, de l'air, de la
terre, des animaux, des plantes, etc. Cette sorte d'êtres, tous,
Anciens et Ach'arites, s'accordent à les appeler [êtres] produits.
L'extrême opposé à celui-là est un être qui n'est pas formé de
quelque chose, ni ne provient de quelque chose, et qu'aucun temps
n'a précédé. Celui-là aussi, tout le monde, dans les deux sectes,
est d'accord pour l'appeler éternel. Cet être est perçu par la
démonstration. C'est Dieu, Béni et Très-Haut, Auteur de toutes
choses, qui donne l'existence à toutes choses et les conserve.
(1) Littéralement: des choses particulières pi^oduites dans le temps futur.
(2) (j,j\ éternel aparté ante, synonyme de ^,v>i .
— 33 —
Glorieux et Exalté dans sa Puissance ! Quant au genre d'être qui
est entre ces deux extrêmes, c'est un être qui n'est pas formé de
quelque chose et qu'aucun temps n'a précédé, mais c'est cepen-
dant .un être qui provient de quelque chose, je veux dire
d'un agent. C'est le monde dans son ensemble. Tous, ils sont
d'accord pour reconnaître au monde ces trois caractères. Les
Motékallemîn, en effet, concèdent que le temps ne l'a pas pré-
cédé, ou [du moins] c'est une conséquence nécessaire de leur
[doctrine], puisque le temps, pour eux, est chose inséparable des
mouvements et des corps. Ils conviennent aussi avec les Anciens
que le temps à venir est infini et de même l'existence à venir. Les
[deux partis] ne sont en désaccord que sur le temps passé et
l'existence passée : les Motékallemîn les regardent comme
finis, et telle est aussi la doctrine de Platon et de son école, tan-
dis qu'Aristote et ses partisans les regardent comme infinis, de
même façon que l'avenir. Cette dernière existence, cela est clair,
ressemble [à la fois] à l'existence véritablement produite et à
l'existence éternelle. Ceux aux yeux de qui sa ressemblance avec
1' [être] éternel l'emporte sur sa ressemblance avec 1' [être] pro-
duit l'appellent éternelle, et ceux aux yeux de qui l'emporte sa
ressemblance avec 1' [être] produit l'appellent pivduite, bien
qu'elle ne soit ni véritablement produite ni véritablement éter-
nelle : car ce qui est véritablement produit est nécessairement
corruptible, et ce qui est véritablement éternel dans le passé n'a
pas de cause. Certains d'entre eux la nomment produite de toute
éternité (c'est [à savoir] Platon et son école), parce que le temps,
pour eux, est limité dans le passé. — Les doctrines relatives au
monde ne sont donc pas si complètement éloignées l'une de l'autre
qu'on [puisse] taxer l'une d'infidélité et non [l'autre]. Car les
opinions *dont tel est le cas doivent avoir entre elles le maximum *p. i3
d'éloignement, je veux dire, qu'elles doivent être diamétralement
opposées, comme le pensent les Motékallemîn à propos de cette
question, je veux parler d'une opposition diamétrale qui existe-
rait entre les noms d'éternité et de production appliqués au
monde dans son ensemble. Et il résulte clairement de ce que
nous avons dit qu'il n'en est pas ainsi.
En outre de tout cela, ces opinions relatives au monde^*) ne
(l) Celles des Motékallemîn.
~ 34 —
sont pas conformes au sens extérieur de la Loi divine : car si
on examine le sens extérieur de la Loi divine, on voit, par les
versets contenant des indications sur l'origine du monde, que sa
forme est véritablement produite, mais que Texistence même, et
le temps, demeure aux deux extrémités, je veux dire ne cesse
pas. Cette parole du Très-Haut : « C'est Lui qui a créé les cieux
et la terre en six jours, et son trône était sur Teau^^^ » implique,
en son sens extérieur, qu'il y avait une existence avant cette
existence, à savoir le trône et l'eau, et un temps avant ce temps,
je veux dire [avant] celui qui est inséparable de cette forme
d'existence et qui est le nombre du mouvement de la sphère
céleste.
De même cette parole du Très-Haut : « au jour où la terre
sera changée en autre chose que la terre, et [de même] les
cieux ))^2) implique, en son sens extérieur, une seconde existence
après cette existence. Et cette parole du Très-haut : « Puis il se
dirigea vers le ciel, qui était une fumée ))<^) implique, en son sens
extérieur, que les cieux ont été créés de quelque chose. Les
Motékallemîn, dans ce qu'ils disent aussi du monde, ne suivent
pas le sens extérieur de la Loi divine : ils [l'J interprètent. Car
il n'est pas [dit] dans la Loi divine que Dieu existait avec le pur
néant : cela ne s'y trouve nulle part à la lettre. Et comment
concevoir que l'interprétation donnée de ces versets par les
Motékallemîn ait réuni l'unanimité, alors que le sens extérieur de
la Loi divine, par nous indiqué, au sujet de l'existence du monde,
pst un point de doctrine pour [toute] une catégorie de savants ^*^
En ces difficiles questions, ce semble, ceUx qui sont d'avis
différents ou bien atteignent le but et ils méritent récompense,
ou bien le manquent et ils sont excusables. Car l'assentiment
venant d'une preuve qu'on a présente à l'esprit est chose néces-
saire [et] non libre, je veux dire qu'il n'est pas en nous de le refu-
ser ou de l'accorder, comme il est en nous de nous tenir debout
ou non. Et puisque la liberté est une condition de la responsa-
bilité, celui qui acquiesce à une erreur en conséquence d'une
. (1) Qoraiiy XI, 9.
(2) Qoran, xiv, 49.
(3) Qorany xli, 10.
(4) Cf. p. 9, 1. 13, (lu texte publié par Mûller, un passage analogue, dans
lequel *UXa- est remplacé par «Ulô .
— 35 —
considération qui s'est présentée à son [esprit] est excusable, s'il
est homme de science. * C'est pourquoi le [Prophète] (sur lui *p. u
soit le salut !) a dit : « Quand le juge, ayant fait tout ce qui
dépendait de lui, atteint le vrai, il a une récompense double ;
s'il s'en écarte, il a une récompense [simple]. Et quel juge a
une [tâche] plus grande que celui qui juge si l'univers^^^ est tel
ou n'est pas tel? Ces juges ^^i gQjji, i^g savants, à qui Dieu a
réservé l'interprétation. Cette erreur sur la loi divine, qui est
pardonnable, c'est l'erreur dans laquelle peuvent tomber les
savants (^^ lorsqu'ils se livrent à la spéculation sur les choses diffi-
ciles sur lesquelles la Loi divine les a chargés de spéculer. Mais
l'erreur dans laquelle tombent les autres catégories d'hommes
est un pur péché, soit que l'erreur porte sur les choses spécu-
latives ou sur les choses pratiques. De même que le juge igno-
rant dans la sonna, s'il se trompe dans son jugement, n'est pas
excusable, de même celui qui juge sur l'univers^*^ sans réunir
les conditions [requises pour être en état] de juger, n'a pas
d'excuse : c'est un pécheur ou un infidèle. Et si celui qui juge
sur le licite et le défendu doit préalablement réunir les conditions
de l'idjtihâd, à savoir la connaissance des principes fondamentaux
et la connaissance de la déduction qui opère sur ces principes au
moyen du syllogisme, combien plus cela est-il exigible de celui
qui juge sur l'univers '^^, je veux dire de connaître les principes
intellectuels et les procédés de déduction qui s'y appliquent !
(1) >ys^^\ littéralement : Vexistence, et par extension : [tout] ce qui existe,
l'univers. Voir, par exemple, Maïmonide, Le Guide des EgaréSy publié et
traduit par S. Munk, 3 vol. Paris, 1856-1866, vol. ii, l' TDD 1- 12: \J.-A ?»-^^>.
j^^^l (p. 112, I. 16, de la traduction : « tout cet univers ») ; f 7^7 1. 8 et 12:
J^^^\ (p. 137, 1. 12 et 1. 18 de la traduction : « l'univers »). On emploie aussi
dans le même sens le participe :>^iii^\ , Vêtre. Cf. id. ihid,, 11, f* yo dern. 1.,
et f 12D , 1. 16: à^S >ys^^\ \j^ (p. 111, 1. 3 et p. 112, 1. 22, de la traduction :
« lout cet univers »). Quant au pluriel Cj^^>^>J^\ il est couramment employé
dans ce sens d' « univei-s » que signalent d'ailleurs les dictionnaires. Nous
allons le rencontrer avec cette signification quelques lignes plus loin. Cf.
suprà, p. 18, n. 4.
(2) On trouvera dans notre article sur «La racine arabe ^tSi^ et ses dérivés t>,
p. 435 à 454 de VHomenaje a D. Francisco Codera, en su juhilaciôn del pro-
fesorado. Zaragoza, 1904, en particulier p. 447, un commentaire de tout ce
passage.
(3) ALtJLji3\ ^^ çij ^3J\ UmiC\ littéralement : Verreur qui tombe de la part
des savants^ qui leur échappe,
(4) et (5) C->\J>^>A.\.
— 36 —
En somme. Terreur dans la Loi divine est de deux sortes : une
erreur pour laquelle est excusable celui qui sait spéculer sur
cette matière dans laquelle l'erreur est commise, comipe est
excusable le médecin habile quand il se trompe dans Part médi-
cal, et le juge habile quand il se trompe en jugeant, et pour
laquelle n'est pas excusable celui dont ce n'est pas l'affaire ; et
une erreur pour laquelle nul n'est excusable, qui, si elle porte
sur les principes de la Loi religieuse, est infidélité, et si elle porte
sur ce qui est subordonné aux principes, hérésie.
Cette [seconde sorte d'] erreur est celle qui a lieu sur les
choses à la connaissance desquelles conduisent également les
diverses méthodes d'argumentation, et dont la connaissance est,
de cette manière, accessible à tous : par exemple, la reconnais-
sance de l'existence de Dieu (Béni et Très-Haut !), de la mission
des prophètes, de la béatitude ou des tourments de la vie future ;
car à ces trois principes fondamentaux conduisent [également]
*p. 15 les trois sortes de preuve [qui sont telles] *que nul ne peut se
dispenser de donner son assentiment, en vertu de Tune d'entre
elles, à ce qu'il est tenu de connaître, je veux dire les preuves
oratoire, dialectique, et démonstrative. Celui qui nie de pareilles
choses est, lorsqu'elles forment un des principes de la Loi divine,
un infidèle, qui résiste de bouche et sans conviction, ou [qui ne
résiste que] parce qu'il néglige de s'appliquer à en connaître la
preuve. Car si c'est un homme de démonstration, une voie lui a
été préparée [pour le conduire] à l'acquiescement par la démons-
tration, s'il est un homme de dialectique, par la dialectique, et
s'il est un homme d'exhortation, par les exhortations ; et c'est
pourquoi le [Prophète] (sur lui soit le salut !) a dit : « 11 m'a
été ordonné de combattre les gens jusqu'à ce qu'ils disent : « 11
n'y a de divinité que Dieu », et qu'ils croient en moi » ; il veut
dire [qu'ils croient en moi] par n'importe laquelle des trois voies
[qui conduisent] à la croyance. Quand aux choses trop abstruses
pour être connues autrement que par la démonstration. Dieu a
fait à ceux de ses serviteurs qui n'ont aucun accès à la démons-
tration soit à raison de leur naturel, soit à raison de leurs habi-
tudes, ou faute de moyens de s'instruire, la grâce de leur en
donner des figures et des symboles ; et il les a invités à donner
leur assentiment à ces figures, car ces figures peuvent obtenir
l'assentiment au moyen des preuves accessibles à tous, je veux
— 37 --
dire les [preuves] dialectiques et les [preuves] oratoires. C'est la
raison pour laquelle la Loi divine se divise en exotérique et
ésotérique. L'exotérique, ce sont ces figures employées comme
symboles de ces intelligibles ; et Tésotérique, ce sont ces intelli-
gibles, qui ne se révèlent qu'aux hommes de démonstration : ce
sont ces quatre ou cinq sortes d'êtres dont parle Abou H'âmid
dans le livre de la Démarcation^^K S'il arrive, comme nous
l'avons dit, que nous connaissions la chose en elle-même par les
trois méthodes, nous n'avons pas besoin de la symboliser par
des figures, et elle n'offre, dans son sens extérieur, aucun accès
à l'interprétation. Et cette sorte de sens extérieur, s'il a trait aux
principes fondamentaux, celui qui s'avise de l'interpréter est un
infidèle, par exemple celui qui croit qu'il n'y a pas de béatitude
dans une vie future, ni de tourments, et que ce dogme n'a d'autre
but que de préserver les hommes les uns des autres dans leurs
corps et dans leurs biens <2^, qu'il n'est qu'un artifice, et qu'il n'y
a d'autre fin pour l'homme que sa seule existence sensible.
Cela étant établi, *il résulte clairement, pour toi, de ce que *p. 16
nous avons dit, qu'il y a dans la Loi divine un sens extérieur
qu'il n'est pas permis d'interpréter, dont l'interprétation, s'il
s'agit des principes fondamentaux, est infidélité, et s'il s'agit dé
ce qui est subordonné aux principes, hérésie ; mais qu'il y a
aussi un sens extérieur dont l'interprétation est obligatoire pour
les hommes de démonstration et qu'ils ne peuvent prendre à la
lettre sans être des infidèles, tandis que pour ceux qui ne sont
pas hommes de démonstration, le fait de l'interpréter, de le
détourner de son sens apparent, est, de leur part, infidélité ou
hérésie. Tels sont le verset [où il est dit que Dieu] se dirigea
[vers le ciel]^^^ et le h'adith [selon lequel Dieu] descend [vers le
ciel de ce bas monde] ^^). C'est pourquoi le [Prophète] (sur lui
(1) Cf. suprà, p. 30, n. 1.
(2) Les trois éditions portent également Mia-**»]^^"!^ {et dans leurs sensations),
et Mûller traduit en conséquence : « in ihren... Sinnen » (p. 15, I. 12). II faut
Jire évidemment ^j^.o\yL^ (et dans leurs biens propres). Cf. dans notre
édition, avec traduction française, de Hayy hen Yaqdhân, roman philoso-
phique d'Ilm Thofaïl. Alger, Fontana, 1900 (Collection du Gouvernement
général de l'Algérie) p. m, 1. 4, un passage presque identique.
(3) et (4) Cf. p. 8, 1. 9 de Tédition Mûller (dans la présente traduction, p. 27,
1. 10 sq.
— 38 —
soit le salut !) a dit de Pesclave noire qui lui répondait que Dieu
est dans le ciel : « Qu'on lui donne la liberté, car elle est
croyante. » C'est qu'elle n'était pas du nombre des gens de
démonstration <*'. La raison en est que, pour cette sorte de gens
chez qui l'assentiment ne vient que de l'imagination, je veux
dire qui n'acquiescent à une chose qu'en tant qu'ils l'imaginent,
il est [bien] difficile d'acquiescer à une réalité qui ne se rapporte
pas à une chose imaginable. Cela s'applique aussi à ceux qui ne
comprennent, en fait de rapport de ce genre, que l'espace, c'est-
à-dire à ceux qui, supérieurs aux hommes de la classe précé-
dente par une légère teinture de spéculation, croient à la cor-
poréité^^^ Aussi la réponse à faire à ceux-ci, au sujet de
pareilles choses, c'est que ce sont des choses obscures, et
qu'on doit s'arrêter sur la parole du Très-Haut : « Nul n'en con-
naît l'interprétation, si ce n'est Dieu et les hommes de démons-
tration ))<^). Outre que, s'accordant à reconnaître que cette sorte
[de sens extérieur] doit être interprété, ils diffèrent sur l'inter-
prétation qu'il en [faut donner], et cela à raison du degré d'avan-
cement de chacun dans la connaissance de la démonstration.
Il y a [encore] dans la Loi divine une troisième catégorie [de
textes], indécise entre les deux autres, et au sujet de laquelle il
peut y avoir doute. Certains, parmi ceux qui s'adonnent à la
spéculation, rangent ces [textes] dans la [catégorie du] sens exté-
rieur dont l'interprétation n'est pas permise, d'autres les ran-
gent dans la [catégorie du] sens intérieur qu'il n'est pas permis
aux savants de prendre à la lettre. La cause en est dans la diffi-
culté et l'obscurité de cette catégorie [de textes] ; et celui qui
s'y trompe est excusable, j'entends [s'il est] du nombre des savants.
Si donc on demande : « Puisqu'il est clairement établi que la
Loi divine, à ce point de vue, comprend trois degrés, auquel de
ces trois degrés appartiennent, selon vous, les [passages de la]
révélation qui donnent des descriptions, de la vie future et de ses
[divers] états ? » — nous répondons : Cette question appartient
(1) Millier fait, à tort, de cette réflexion, la fin du iradilh.
(2) C'est-à-dire à la corporalilé de Dieu, La lecture de cette lin de phrase
demeure douteuse : c'est par conjecture que Miiiler lit \^wX.-ij, la première
lettre de ce mot étant eftacée, et au lieu de >U-Xfi\ Téditiou du Caire de 1319
hég. corrige : ^li-X^b .
(3) CI. suprà, p. 27, n. 4.
— 39 —
évidemment à la catégorie qui comporte une diversité d'opinions.
En effet, nous voyons *un parti, qui se réclame de la démons- *p. n
tration, soutenir qu'on doit prendre ces [textes] à la lettre,
attendu qu'il n y a pas de démonstration qui conduise à en
[déclarer] absurde le sens extérieur. Telle est la voie que suivent
les Ach'arites. Un autre parti, parmi ceux qui s'adonnent à la
spéculation, déclare qu'il faut les interpréter, mais ils en donnent
des interprétations très diverses. A cette catégorie appartient
Abou H'âmid, ainsi qu'un grand nombre de S'oufls. Certains
d'entre eux réunissent deux interprétations, comme le fait Abou
H'âmid dans certains de ses livres. Il semble que celui qui se
trompe sur cette question, parmi les savants, est excusable, et
que celui qui atteint le vrai est digne d'éloge ou de récompense,
si, du moins, le [premier] reconnaît l'existence et s'efforce seu-
lement d'y appliquer l'un des modes d'interprétation, je veux
dire si [son interprétation porte] sur la manière d'être de la vie
future et non sur son existence ; car l'interprétation ne va pas
jusqu'à la négation de l'existence. Seule, la négation de l'exis-
tence, en cette [question], est infidélité, parce qu'elle se rapporte
à l'un des principes fondamentaux de la Loi religieuse, auquel
on arrive à acquiescer par les trois méthodes communes « au
blanc et au noir ))^^K Quant à ceux qui ne sont pas hommes de
science, ils doivent prendre ces [textes] à la lettre, et [toute]
interprétation de ces [textes] est, à leur égard, infidélité, parce
qu'elle conduit à l'infidélité. Et voilà pourquoi nous pensons qu'à
l'égard des hommes dont le devoir est de croire au sens exté-
rieur, l'interprétation est infidélité : c'est qu'elle conduit à l'infi^
délité^^^ L'homme d'interprétation qui leur divulgue cette [inter-
prétation] les invite à l'infidélité. Or, celui qui invite à l'infidé-
lité est infidèle. C'est pourquoi les interprétations ne doivent
être exposées que dans les livres [du genre] démonstratif, parce
qu'alors il n'y a que les hommes de démonstration qui puissent
en prendre connaissance ; tandis que si on les expose dans d'au-
(1) Cf. suprà, p. 7, I. 2 de Tédition de Millier, p. 25, n. 3 de la présente tra-
duction.
(2) Cette phrase (depuis Et voilà pourquoi), comprise entre deux membres
dephryse identiques (yA^\ (J,\ ^>S^, ^'^ « parce qu'elle conduit à Tiulidé-
lité » ) et qui constitue une simple redite, me parait être une glose interpolée.
Elle figure dans les trois éditions.
— 40 —
très livres que ceux du [genre] démonstratif, et au moyen des
méthodes poétique, oratoire, ou dialectique, comme le fait Abou
H'âmid, c'est une faute contre la Loi divine et contre la philoso-
phie<*^ bien que notre homme n'ait agi qu'à bonne intention. Il a
voulu accroître ainsi [le nombre] des hommes de science : il a
accru ainsi la corruption plus que le nombre des hommes de
science ! Par là, des gens ont été conduits à détracter la philo-
sophie'^^ d'autres la Loi religieuse, et d'autres, les deux à la
*p. 18 fois. Il semble que ce soit là un des buts qu'il [poursuit] *dans
ses livres ; et la preuve qu'il a voulu par là donner l'éveil aux
esprits, c'est qu'il ne s'attache pas, dans ses livres, à une doc-
trine déterminée : avec les Ach'arites, il est ach'arite, avec les
S'oufis, s'oufi, et avec les Philosophes, philosophe ^^^; si bien qu'on
peut lui appliquer ce [vers connu] :
(( Un jour Yéménite si je rencontre un homme du Yémen, et si
« je rencontre un Ma'addite, 'Adnânîde. »
Le devoir des chefs des musulmans est d'interdire ses livres
de science, sauf à ceux qui sont hommes de science, comme c'est
leur devoir d'interdire les livres du [genre] démonstratif à qui-
conque n'est pas apte à les comprendre ; quoique le mal que
peuvent faire aux gens les livres du [genre] démonstratif soit
moindre, parce qu'ils ne sont guère lus que par des hommes
d'esprit supérieur; et [les hommes de] cette catégorie ne tombent
dans l'erreur que faute d'une culture scientifique supérieure, par
suite de lectures faites sans ordre et entreprises sans maître.
Mais celui qui divulgue^*) ces [livres] à la masse, contrevient aux
invitations de la Loi divine ; car c'est faire tort à la classe
d'hommes la plus élevée et à la classe d'êtres la plus élevée,
puisque [ce qui] est juste relativement à la classe d'êtres la plus
élevée, [c'est] qu'ils soient connus dans leur fond par ceux qui
sont en état de les connaître dans leur fond, et qui sont la
classe d'hommes la plus élevée ; et plus grande est la valeur d'un
(1) et (2) !L^^\ .
(3) ^^«uJlx» ^iuBuo^bL3\ ^^ .
(4) Millier lit ^Jl^b 1.^-^a-w ^^'^_5 en avertissant dans une note de sa
traduction que le mot L^.*wJCt<j est trop indistinct dans le manuscrit pour qu'il
en puisse garantir la lecture. Les deux éditions du Caire reproduisent, comme
à rordinaire, la leçon de Millier. Mais cette leçon n'oftre aucun sens acceptable.
Je proposerais de lire plutôt l-^A^lii» « mais celui qui les répand dans la
masse, gui les divulgue à la masse. . . »
— 44 —
être, plus grande est l'injustice commise envers lui, qui consiste
à le méconnaître. C'est pourquoi le Très-Haut a dit : « Certes,
associer [à Dieu d'autres divinités] est une grande injustice ^*^. »
Voilà ce que nous avons jugé bon d'établir au sujet de ce
genre de spéculation, je veux dire la question des rapports de la
Loi religieuse et de la philosophie, et les règles de l'interpréta-
tion en ce qui concerne la Loi religieuse. N'était la publicité de
ce [sujet] et des questions que nous avons touchées, nous ne
nous serions, certes, pas mis dans le cas d'en écrire un [seul]
mot et d'avoir à nous en excuser auprès des hommes d'interpré-
tation ; car la place de ces questions est dans les livres du
[genre] démonstratif. C'est Dieu qui guide et qui aide à faire ce
qui est bon.
Il faut que tu saches que le but de la Loi divine n'est autre
que d'enseigner la vraie science et la vraie pratique. La vraie
science, c'est la connaissance du Dieu Très-Haut et de toutes les
choses telles qu'elles sont, spécialement de la Loi religieuse, de
la béatitude *et des tourn\ents de l'autre vie. La vraie pratique *p. 19
consiste à accomplir les actions qui procurent la béatitude et à
éviter celles qui procurent les tourments. La connaissance de
ces actions est ce qu'on nomme la science pratique. Ces [actions]
sont de deux sortes. Les unes sont des actions extérieures, cor-
porelles, et la science dont elles sont l'objet est celle qu'on
nomme la jurisprudence. Les autres sont des actions psychiques,
comme la gratitude, la patience, et autres dispositions morales
que la Loi divine recommande ou défend, et la science dont elles
sont l'objet est celle qu'on nomme la [science de] l'ascétisme ou
les sciences de la vie future. C'est à cela que songeait Abou
H'àmid en [écrivant] son livre : comme les gens avaient aban-
donné ce [troisième] genre [de science] pour s'adonner entière-
ment au second, mais que ce [troisième] genre est plus impor-
tant pour la piété ^2), qui a pour résultat la béatitude, il nomma
son livre : Révivi/ication des sciences de la religion. — Mais nous
sommes sortis de notre sujet, revenons-[y].
Nous disons donc : Puisque la Loi divine n'a d'autre but que
l'enseignement de la vraie science et de la vraie pratique ; puis-
(1) Qoran xxxi, 12.
(2) ^ysù^\ la crainte de Dieu, la 'piété, la vertu.
— 42 —
que l'enseignement est de deux sortes [suivant qu'il porte sur]
la conception ou [sur] l'assentiment, comme l'expliquent les repré-
sentants de la science du kalàm ; puisque les méthodes d'assen-
timent qui s'offrent aux gens sont [au nombre de] trois, démons-
trative, dialectique, oratoire, et les méthodes de conception [au
nombre de] deux, ou la chose elle-même, ou son symbole ; puis-
que les gens ne sont pas tous, par leur naturel, propres à rece-
voir les démonstrations, ni même les argumentations dialecti-
ques, outre la difficulté que présente l'étude ^^^ des argumenta-
tions démonstratives, et le temps qu'elle exige de ceux qui sont
aptes à les étudier ; puisqu' [enfin] la Loi divine n'a d'autre but
que l'enseignement de tous — il est nécessaire que la Loi divine
embrasse toutes les méthodes d'assentiment et toutes les métho-
des de conception. En outre, puisque parmi les méthodes d'assen-
timent il en est deux qui s'étendent à un plus grand nombre de
gens, je veux dire qui conduisent à l'assentiment [un plus grand
nombre de gens], à savoir l'oratoire et la dialectique, l'oratoire
ayant [d'ailleurs] une plus grande étendue que la dialectique, et
il en est une particulière, [réservée] à un plus petit nombre de
gens, à savoir la démonstrative ; et puisque la loi divine a pour
premier but de s'occuper du plus grand nombre, sans négliger
[cependant] de donner l'éveil aux esprits d'élite, — les métho-
des qui apparaissent le plus fréquemment dans la Loi religieuse
*p. 20 sont les méthodes *de conception et d'assentiment communes
au plus grand nombre. Et ces méthodes dans la Loi religieuse
sont de quatre espèces :
La première, tout en étant commune, est [aussi], aux deux
points de vue à la fois, spéciale ; je veux dire que, relativement
à la conception et à l'assentiment, elle est évidente, tout en étant
oratoire ou dialectique : ces raisonnements sont ceux dont les
prémisses, tout en étant [des propositions] communément admi-
ses ou fondées sur l'opinion, peuvent [aussi], par*accident, deve-
nir évidentes, et dont les conclusions, par accident, sont prises
en elles-mêmes, sans symboles. Les arguments religieux de
cette sorte n'admettent pas d'interprétation, et celui qui les
désavoue ou qui cherche à les interpréter est un infidèle.
(1) 11 n'y a aucune raison pour ne pas corriger ici la le^on commune aux
trois éditions ^^jt'i (enseignement) en ^J^* (étude), comme le fait Millier à la
ligne suivante, oii il lit I^^JLaX3 au lieu de l^j^,^XnXj .
— 43 —
Dans la seconde espèce, les prémisses, en même temps qu'elles
sont [des propositions] communément admises ou fondées sur
Topinion, sont évidentes, mais les conclusions sont des symbo-
les des choses qui sont Tobjet de ces conclusions. Cette [espèce]-là
admet l'interprétation, je veux dire en ce qui concerne ses con-
clusions.
La troisième est l'inverse de la précédente : les conclusions
sont les choses mômes qui sont l'objet de ces conclusions, tandis
que les prémisses sont [des propositions] communément admises
ou fondées sur l'opinion, et qui ne peuvent devenir évidentes.
Celle-ci non plus n'admet pas d'interprétation, je veux dire en
ce qui concerne ses conclusions, mais elle [en] admet en ce qui
concerne ses prémisses.
La quatrième a pour prémisses des [propositions] communé-
ment admises ou fondées sur l'opinion, et qui ne peuvent devenir
évidentes, et, pour conclusions, des symboles des choses qui
sont l'objet de ces conclusions. Ces [arguments], le devoir des
esprits d'élite est de les interpréter, et le devoir du vulgaire
est de les prendre ^^^ dans leur sens extérieur.
En somme, tout ce qui, dans ces [arguments], admet l'inter-
prétation, n'est atteint que par la démonstration. Donc, le devoir
des esprits d'élite est d'y appliquer cette interprétation, et le
devoir du vulgaire est de les prendre dans leur sens extérieur,
aux deux points de vue à la fois (je veux dire au point de vue
de la conception et au point de vue de l'assentiment), puisque le
naturel du [vulgaire] ne comporte rien de plus.
Mais il se présente aux hommes qui s'appliquent à la spécula-
tion sur la Loi religieuse diverses interprétations qui viennent
(1) IjtybU» ^& \jbAj^\ dans les trois éditions (cf. même passage, p. 21, 1. 3 du
texte de Millier), littéralement : de les faire passer à f fou avec f) leur sens
extérieur. Millier traduit ici{p. 20, 1. 2 de sa traduction) ; ^/en œussem Wortlaut
gelten iu lassen, et la seconde fois : sich an den œussem Wortlaut zu halten
(p. 20, 1. 15). Mais cette leçon n'est acceptable ni au point de vue de la langue
m /
(car ^^^ifi *y— *^ signifie exactement faire passer un fleuve à quelqu'un par un
pont, faire passer quelqu'un sur unpont)^ ni au point de vue du sens, puisqu'il
s'agit, non pas de laisser passer ou faire passer^ mais de faire rester. Je
propose donc délire dans ces deux passages 1_a.\j— 3\ (J— *\ , faire rester,
se construit avec accusatif de la pers. et <^^J^— « du lieu). Le sens littéral
de ce passage sera dès lors : de faire rester ces [arguments] dans leur sens
extérieur^ de les prendre au sens extérieur.
— 44 —
de la supériorité que les méthodes communes ont Tune sur l'au-
tre au point de vue de l'assentiment, je veux dire lorsque l'argu-
ment [résultant] de l'interprétation est plus persuasif que l'argu-
ment [résultant] du sens extérieur. De telles interprétations [ne]
sont [que] vulgaires ; et il se peut que ce soit un devoir pour
ceux dont les facultés spéculatives s'élèvent jusqu'à la faculté
dialectique [de connaître ces interprétations]. Dans ce genre
*p.2i rentrent * certaines interprétations des Ach'arites et des Mp^'ta-
zélites, quoique les Mo'^tazélites aient généralement plus de soli-
dité dans leurs argumentations. Quant aux [hommes] qui, [parmi
ceux] du vulgaire, ne sont aptes à rien de plus qu'aux arguments
oratoires, leur devoir est de prendre^*) ces [arguments] dans leur
sens extérieur, et il n'est pas permis qu'ils connaissent, en
aucune façon, cette interprétation.
Les gens [se divisent] donc, au point de vue de la Loi reli-
gieuse, en trois classes :
Une classe [de gens] qui ne sont hommes de démonstration
en aucune façon. Ce sont les gens [accessibles seulement aux
argumentations] oratoires, [et] qui constituent la grande masse ;
car il ne se trouve aucun homme sain d'esprit qui soit étranger
à cette sorte d'assentiment.
Une [seconde] classe est celle des hommes d'interprétation
dialectique. Ce sont les dialecticiens par nature seulement, ou
par nature et par habitude.
Une [troisième] classe est celle des hommes d'interprétation
certaine. Ce sont les hommes de démonstration par nature et par
art, je veux dire l'art de la philosophie. Cette interprétation ne
doit pas être exposée aux hommes de dialectique, à plus forte
raison au vulgaire. L'exposition à quelqu'un qui n'y est pas apte
d'une de ces interprétations, surtout des interprétations démons-
tratives, plus éloignées des connaissances communes, conduit à
ririfidélité celui à qui elle est faite et celui qui la fait. La raison
en est qu'elle a pour but de ruiner le sens extérieur et d'établir
le sens d'interprétation. Or, ruiner le sens extérieur dans l'esprit
de quelqu'un qui n'est apte à concevoir que le sens extérieur,
sans établir dans son esprit le sens d'interprétation, c'est le
(1) Voir la note précédente.
— 45 —
conduire à rinfidélité, s'il s'agit des principes fondamentaux de
la Loi religieuse.
Les interprétations ne doivent donc pas être exposées au vul-
gaire, ni dans ^*^ les livres oratoires ou dialectiques, je veux dire
[dans] les livres où les argumentations sont de ces deux genres,
comme Ta fait Abou H'Amid [El-Ghazàlî]. C'est pourquoi on doit
déclarer et prononcer, au sujet du sens extérieur dont il est
douteux qu'il soit en lui-même extérieur pour tous, et dont la
connaissance de l'interprétation n'est^^) pas possible pour tous,
que c'est [chose] obscure, dont Dieu seul a la connaissance, et
qu'il faut s'arrêter ici sur la parole de Dieu, Puissant et Grand :
(( Nul n'en connaît l'interprétation si ce n'est Dieu<^^ » C'est
ainsi qu'il faut répondre aux questions sur les choses abstruses,
à l'intelligence desquelles le vulgaire n'a nul accès, comme l'a
fait le Très-Haut en disant : « Ils t'interrogeront sur l'Esprit <*).
Réponds : (c L'Esprit dépend de mon Seigneur; et vous n'avez
reçu, en fait de science, que peu de chose. » Quanta *celui qui *p. 22
expose ces interprétations à quelqu'un qui n'y est pas apte, il
est infidèle, comme invitant les gens à l'infidélité : cette [divulga-
tion] est contraire aux invitations du Législateur, surtout lorsque
ce sont des interprétations fausses relatives aux principes fon-
damentaux de la Loi religieuse, comme cela est arrivé à certains
de nos contemporains. Nous en avons vus qui croyaient philoso-
pher et percevoir par leur étonnante sagesse des choses contra-
dictoires de tous points à la Loi divine (je veux dire, qui
n'admettent pas d'interprétation), et [qui croyaient] que c'est un
devoir d'exposer ces choses au vulgaire. En exposant au vulgaire
ces fausses doctrines, ils ont causé la perte du vulgaire et la leur,
dans ce monde et dans l'autre.
Le rôle de ces [gens-là], par rapport au rôle du Législateur,
est semblable à [celui d'] un [homme] prenant à partie un méde-
(1) Littéralement: ni établies clans... etc.
(2) Au lieu de la leçon commune aux trois éditions ^^«S"* il faut lire, ce
semble, ,^1^=»^ . Le scribe, qui copiait sans chercher à comprendre, aura été
entraîné par Tanalogie du ^^^ qui précède.
(3) QoraHj m. 5. Voir plus haut, p. 27, n. 4 ; 30, n. 2.
(4) Selon les commentateui-s les plus autorisés, il s'agit de Tange Gabriel
( J^ j^--^), agent de la révélation, et qui est désigné parfois sous le nom de
CT"
' • Il ^
kX-Ju\ -«|. (par exemple, Qoran xvi, 104) TEsprit de sainteté, le Saint-Esprit.
— 46 —
cîn habile qui a pris pour rôle de conserver la santé de tous les
hommes et de les délivrer des maladies en leur donnant des
préceptes, susceptibles d'un assentiment général, sur l'obligation
d'user des choses propres à leur conserver la santé et à les
délivrer de leurs maladies, et [sur l'obligation] d'éviter les cho-
ses contraires. [S'il agit ainsi,] c'est qu'il ne lui est pas possible
de les rendre tous médecins : car connaître par les méthodes
démonstratives les choses qui conservent la santé et celles qui
délivrent des maladies, c'est [ce qui s'appelle] être médecin.
Alors r [homme dont nous parlons] se présente aux gens et leur
dît : « Les méthodes qu'a instituées pour vous ce médecin ne
sont pas vraies » ; et il entreprend de les ruiner, jusqu'à ce
qu'elles soient ruinées dans leur esprit. Ou bien il dit qu'elles
admettent des interprétations. Mais ils ne les comprennent pas
et ils ne leur donnent point leur assentiment dans la pratique.
Crois-tu que les gens qui se trouvent dans ce cas feront aucune
des choses qui sont utiles pour [conserver] la santé et délivrer
de la maladie ? Ou que celui qui leur a découvert la fausseté
des croyances qu'ils avaient touchant ces [choses] pourra les
employer en les [soignant], je veux dire les [choses qui servent
à] la conservation de la santé ? Non, il ne pourra les employer
en les [soignant], et ils ne les emploieront pas, et leur perte sera
générale. [Voilà] ce [qui arrivera] s'il leur découvre des inter-
prétations vraies relatives à ces choses, parce qu'ils ne compren-
nent pas l'interprétation ; et ce sera pis s'il leur découvre des
interprétations fausses : ils en viendront à ne pas croire qu'il y
ait une santé qu'il faille conserver ni aucune maladie dont il
*p. 23 faille se délivrer, bien loin *de croire qu'il y ait des choses qui
conservent la santé et délivrent de la maladie.
Tel est le cas de celui qui découvre les interprétations au vul-
gaire et à ceux qui n'y sont pas aptes, en ce qui concerne la Loi
divine : il la corrompt et en détourne ; et celui qui détourne de
la Loi divine est infidèle. Cette assimilation est réellement évi-
dente ^^^ et non poétique comme on pourrait le dire, car la corres-
(1) ^ ;."\;^A êcidente, certaine. On pourrait traduire ici : apodictique^
démonstrative. L'auteur veut dire que, Tanalogie entre le rôle du médecin et
celui du Législateur étant parfaite, on peut raisonner de Tun à l'autre
démonstrativementf avec une évidence, une certitude apodictigue.
— 47 —
pondance est exacte : le rapport du médecin à la santé des corps
est [le même que] le rapport du Législateur à la santé des âmes.
Je veux dire que le médecin est celui qui cherche à conserver la
santé des corps quand elle existe et à la rétablir quand elle fait
défaut ; le législateur est celui qui poursuit le même but relati-
vement à la santé des âmes, et cette santé est ce qu'on nomme
[la] crainte de Dieu^*^ Le Livre précieux en prescrit la recherche
par les actes conformes à la Loi divine, dans plus d'un verset.
[Par exemple,] le Très-Haut a dit : a II vous a été prescrit de
jeûner, comme cela a été prescrit à ceux d'avant vous. Peut-être
craindrez-vous Dieu ! ))^^^ Et le Très-Haut a dit : « La chair des
chameaux ne saurait toucher Dieu, ni leur sang, mais ce qui le
touche, c'est la crainte que vous avez de Lui^^^ . » Et il a dit :
« Certes, la prière écarte de l'immoralité et de ce qui déplait à
Dieu ))<*^ et autres versets, contenus dans le Livre précieux, qui
ont le même sens. Le Législateur, par la science religieuse ou
la pratique religieuse, ne poursuit que cette santé ; et cette
santé, c'est sur elle que repose la béatitude de la vie future,
comme sur son contraire les tourments de la vie future.
Il résulte donc clairement pour toi de ce [qui précède], que
les interprétations vraies ne doivent pas être traitées dans les
livres destinés au vulgaire, à plus forte raison les fausses. L'in-
terprétation vraie est le dépôt dont fut chargé l'homme, et dont
il se chargea ^^^ tandis que tous les êtres le redoutèrent, je veux
dire le [dépôt] mentionné dans cette parole du Très-Haut :
(( Certes, nous avons offert le dépôt aux cieux et à la terre et
aux montagnes, etc. ))^^\
C'est par suite des interprétations, et de l'opinion qu'elles
doivent être ouvertement exposées en ce qui concerne la Loi
divine, que se sont développées les sectes de l'Islam, au point
(1) Cf. supWi p. 41, 11. 2.
(2) Qovan ii, 179.
(3) Qoran xxii, 38.
(4) Qoran xxix, 44.
(5) Voir la note de Millier, p. 23, n. 1, de la traduction allemande ; et voir,
dans notre table des variantes, le w : P. 23, 1. 16.
(6) Qoran xxxiii, 72. Voici la traduclion du verset complet: « Certes, nous
avons olîerl le dépôt [de la foi] aux cieux et à la terre et aux montagnes. Ils
refusèrent de s'en charger et le redoutèrent. Mais Thomme s'en chargea. Certes,
il est inique et égaré ! »
— 48 —
qu'elles se sont taxées Tune Tautre d'infidélité et d'hérésie, et
[c'est] surtout [par suite] des fausses interprétations. Ainsi les
Mo'tazélites ont interprété de nombreux versets et de nombreux
h'adiths, et ils ont découvert leurs interprétations au vulgaire. De
même ont fait les Ach^'arites, bien qu'ils aient été plus avares
p. 24 *d'interprétations. Par là, ils ont jeté les gens dans Tinimitié, la
haine réciproque et les guerres ; ils ont mis en pièces la Loi divine
et divisé les gens complètement. En outre de tout cela, dans les
méthodes qu'ils ont suivies pour établir leurs interprétations, ils
ne sont ni avec le vulgaire ni avec les esprits d'élite ; car ces
méthodes, si on les examine, ne remplissent pas les conditions
de la démonstration ; on le reconnaît au moindre examen, si on
connaît les conditions de la démonstration. Bien plus, beaucoup
de principes sur lesquels les Ach'arites fondent leurs connais-
sances sont sophistiques, car ils nient un grand nombre de
vérités nécessaires, par exemple la permanence des accidents,
l'action des choses les unes sur les autres, l'existence de causes
nécessaires des choses causées, l'existence des formes substan-
tielles et des causes secondes. Leurs spéculatifs ont fait injure
aux musulmans, en ce sens qu'une secte des Ach'arites taxe
d'infidélité quiconque ne connaît pas Texistence du Créateur,
Glorieux, par les méthodes qu'ils ont instituées dans leurs livres
pour le connaître, alors que ce sont eux, en réalité, les infidèles
et le^-égai^és. De là leurs divergences, les uns disant que le
premier des devoirs est la spéculation, d'autres disant que c'est
la foi, je veux dire de ce qu'ils ne savent pas reconnaître quelles
sont les méthodes communes à tous, portes par lesquelles la
Loi divine appelle tous les hommes, et [parce qu'ils] pensent
qu'[il n'y a pour] cela qu'une seule méthode. En quoi ils s'écar-
tent du but du Législateur, ils s'égarent et ils égarent.
Si l'on dit : Puisque ce ne sont pas ces méthodes, suivies par
les Ach^'arites et par d'autres spéculatifs, qui sont les méthodes
communes par lesquelles le Législateur s'est proposé d'enseigner
le vulgaire <*^, et par lesquelles seules on peut l'enseigner, quelles
(1) Le manuscrit portait .jy_43.^\ ^^-t?^ ^)^"*^^ J^-od (J,\ /k$JLcuL\ ^j^\
L^ . Muller corrige ^•■^JLïO eu ^-^J^auJ et conserve jj\ tel ((uel ; les deux édi-
tions du Caire reproduisent purement et simplement le texte de Midler. Cette
correction ne me parait pas heureuse. Il faut évidemment conserver le texte
du manuscrit, qui ne pèche cjue par Toubli de deux points diacritiques : (lire
ijf^\ au lieu de (^\ ).
— 49 —
sont donc les méthodes qui sont telles dans notre Loi religieuse ?
— nous répondons : Ce sont uniquement les méthodes qui ont
place dans le Livre précieux. Car si on examine le Livre précieux,
on y trouve les trois méthodes : la [méthode] qui existe pour
tous les hommes, la [méthode] commune pour l'enseignement du
plus grand nombre, et la [méthode] réservée ^^^ ; et si on les
examine, il apparaît qu'on ne peut trouver des méthodes communes
pour l'enseignement du vulgaire meilleures que les méthodes t^^
qui y figurent^^^. Celui donc qui les altère par une interprétation
qui n'est pas claire en elle-même, ou plus claire qu'elles pour tout
le monde, ce qui ne peut être, [celui-là] en détruit la * sagesse *p.2d
et détruit l'effet que [le Législateur] en attendait pour procurer
la félicité humaine.
(1) Voici le texte du manuscrit, reproduit sans modification par les trois
éditions J,^;~-k3\^ ,^U3\ ^-t^j ^^^y-^^^ cS^-^V^j^^ <^^^ «^^^
A X»U:\^ cr-^-^^ j^^='^ -^^t^^^*^ à<^j:LcLL\ litléralement : a se trouvent
en lui les trois méthodes existant pour tous les hommes, et les méthodes com-
munes pour l'enseignement du plus grand nombre des hommes, el les réser-
vées (ou la réservée) ». Ce texte a évidemment subi ((uelque altération, car il
n'est question dans ce traité, et dans tous les passages analogues des falacifa,
que d'une seule méthode commune à tous les hommes ^la méthode oratoire),
d'une seule méthode accessible à l'intelligence d'un certain nombre d'hommes
Ua méthode dialectique), et d'une seule méthode réservée aux esjnits d'élite
(la méthode démonstrative). Pour obtenir un sens acceptable, il suffît de
supprimer la seconde fois le substantif pluriel ^^ >-U,-J\ {les méthodes) qui
pourrait fort bien avoir été ajouté après coup par un annotateur inintelligent,
et qui ensuite aurait été inintelligemment introduit par le copiste dans le corps
du texte. Il faudrait lire dés lors i^5^-X.4^\^ au lieu de i— 5^-X-*iJL\^j j«^\^
et sous-entendre le singulier À Rj>j-.kJ\ (au lieu du pluriel ^j -^ ^^) devant
chacun des trois participes ï:>^-r^^\ — '<kJ$JUiJo\ — i<-^^\JC\. Le texte devient
alors : ^Jl*:^ ^yL*iJ.\^ cr-^^ Ç^i^ *^*^J^>^^ CJ^\ J^i <^ «^^^^
mo\JC\^ f^jAxW Jt^\ . C'est ce texte, ainsi corrigé, que j'ai traduit. — Mais je
remarque dans ce passage certains éléments suspects. Par exemple, il serait
plus correct d'intercaler (^^— A^ entre ^^l Î'J\ et ï>^_^^\ ; et Ibn Rochd n'a
jamais dit, ni certainement pensé, que le raisonnement dialecti([ue était acces-
sible à la plupart des hommes (^\ SJ\ . ^^^\). J'incline donc à considérer
tout ce membre de phrase depuis Sj^^-â^^JL! jusqu'à À_<oLàC\ inclusivement,
comme une simple glose ajoutée en marge, pour servir d'éclaircissement à l'ex-
pression ,^^aJ\ ^^ Jx1\, par un lecteur peu digne de figurer dans la catégorie
des ^\^À. .
(2) Peut-être faut-il, ici aussi, lire le singulier iLftj JJ\ (hi méthode) au lieu
du pluriel 3 J^^ •
(3) à^i.^yX\ littéralement : qui y sont mentionnées.
— 30 --
Cela est extrêmement clair si on considère ce que furent les
premiers musulmans et ce que furent ceux qui vinrent après eux.
Car les premiers musulmans arrivaient à la vertu parfaite et à la
crainte de Dieu^*^ par le seul usage de ces arguments, sans les
interpréter, et ceux d'entre eux qui s'occupaient d'interprétation
ne jugeaient pas à propos d'en parler ouvertement. Mais ceux
qui vinrent après eux, ayant fait usage de l'interprétation, leur
crainte de Dieu diminua et leurs divergences se multiplièrent,
leur amitié disparut et ils se divisèrent en sectes.
Il faut donc que celui qui veut écarter de la religion cette
innovation^*) demande appui au Livre précieux, qu'il recueille
toutes les indications qui s'y trouvent sur chacune des choses
que nous sommes tenus de croire, et qu'il s'applique à les con-
sidérer dans leur sens extérieur^^), autant que cela lui est possi-
ble, sans chercher à en rien interpréter, sauf quand l'interpré-
tation est claire^*) en elle-même, je veux dire d'une clarté com-
mune à tous. Car si on examine les passages^^> de la Loi divine
destinés à l'enseignement des gens, il semble que leur force de
persuation aille jusqu'à un point où l'on ne peut faire sortir du
sens extérieur^^) ce qui n'est pas à prendre au sens extérieur, à
moins qu'on ne soit homme de démonstration; et ce caractère
propre ne se trouve dans aucune autre [espèce de] discours^'^^
Les arguments^^) religieux qui, dans le Livre précieux, s'adres-
sent à tous, ont donc trois caractères propres qui [en] indiquent la
nature miraculeuse.
1<^ Il n'existe rien de plus parfait qu'eux au point de vue de la
persuasion et de l'assentiment [lorsqu'il s'agit] de tous [les hom-
mes].
2® Ils ont, par nature, la force de persuader, jusqu'à un point
où seuls peuvent les interpréter, lorsqu'ils admettent une inter-
prétation, les hommes de démonstration.
(1) Cf. suprà. p. 41, 11. 2.
(2) d^jo i7i7iovatio7i. hérésie.
(3) et (4) y— aI^ signifie à la fois clair et sens extérieur. L'auteur passe, dans
cette phrase, de Tun des deux sens à Tautre.
(5), (7) et (8) Nous traduisons ici JI5-» (pluriel J^t^^i ) tantôt par argumenty
tantôt par passac/ej discours, etc.
(6) C'est-à-dire faire passer du sens extérieur au sens intérieur, au sens figuré.
— ol —
3® Ils contiennent de quoi éveiller l'attention des homm&s de
vérité sur l'interprétation véritable. * '.»•
Or cela ne se trouve ni dans les doctrines des Ach'arites uî
dans les doctrines des MoHazélites, je veux dire que leurs inter-. '* ,
prétations n'ont pas la force de persuader, ni ne contiennent de \,\\
quoi' éveiller l'attention sur la vérité, ni ne sont vraies. Et c'est
pourquoi les hérésies se sont multipliées.
Notre désir serait de nous consacrer à [atteindre] ce but et
de pouvoir y [arriver]. Si Dieu [nous] prête vie, nous ferons pour
cela tout ce qu'il nous permettra. Peut-être cela servira-t-il de
point de départ pour ceux qui viendront ensuite. Car [notre]
âme, à cause des tendances mauvaises et des croyances corrup-
trices * qui se sont introduites dans cette religion, est au comble * p. 26
de la tristesse et de la douleur, en particulier [à cause] des
[dommages] de ce [genre] qu'elle a subis du fait de ceux qui se
réclament de la philosophie ^^^ Car le mal [qui vient] d'un ami
est plus pénible que le mal [qui vient] d'un ennemi. Je veux dire
que la philosophie^^) est la compagne de la religion et sa sœur
de lait : le mal [venant] des [hommes] qui se réclament d'elle
est donc le* plus pénible des maux ; outre l'inimitié, la haine
violente et les disputes qui s'élèvent entre elles, alors qu'elles
sont compagnes par nature, amies par essence et par disposi-
tion innée. Mais beaucoup d'amis insensés lui^^^ font aussi du
tort, parmi ceux qui se réclament d'elle : ce sont les sectes
qui la divisent. Dieu donnera la bonne direction à tous. Il les
aidera tous ensemble à l'aimer. Il réunira leurs cœurs dans la
crainte de Lui. Il les délivrera de la haine et de l'inimitié, par
sa grâce et sa miséricorde.
Déjà Dieu a supprimé beaucoup de ces maux, de ces égare-
ments, de ces fausses directions, grâce au pouvoir établi, et
grâce à ce [pouvoir] il a ouvert la voie à un grand nombre de
biens, en particulier pour les hommes qui suivent le chemin de
la spéculation et qui ont le désir de connaître le vrai. Car II a
appelé la multitude à la connaissance de Dieu par une voie
moyenne, supérieure au bas niveau de ceux qui s'enchaînent à
l'autorité d'autrui, mais inférieure à l'éristique des Motékallemîn,
• «
(1) et (2) !L^^\ .
(3) Il s'agit toujours, bien entendu, de la religion
c
«
I
— 52 —
*
et H. o éveillé Tattention des esprits d'élite touchant le caractère
(îblig'atoire d'une spéculation intégrale sur les principes fonda-
mentaux de la religion (*^
•
*
••.
(1) Voir, dans la Collection du Gouvernement général de TAlgérie, le volume
intitulé : Le livre de Molt'amvied Ihn Tourner t, vuihc/i cfes Almohadcs, Alger,
1903. L'introduction, par I. Goldziher, contient de précieuses indications sui*
la philosophie religieuse des Almobades, aux({U(îls Ibn Rochd fait alluFion
dans ce dernier paragraphe. Lire, en particulier, j). 79 à 82, un développement
dans lec^uel ce passage d'ibn Kochd est directement conmienté. — Voir aussi :
DuN'CAN B. Macdonald, Decelopment ofMu.<ïun theoloifij , jiirhprudenre and
(:onfltitutiu)Ujd tlieorij, London, 1903, chapitn» v.
DU BECtIElL IIE MKMOItlKe ET HE TF.XTBS
PUBLIÉ J-AU
t.'itCuLE DES LB'rntES ET LËH MÉI)Eni-AS
EN L'HONNEUR
aV XlV CONGnÈB vm OHlRNTAI-lB-TKe A AlJGbn
STANFORD UNIVéRSITY LIBRARIES
STANFORD AUXILIARY LIBRARY
STANFORD, CALIFORNIA 94305-6004
(415) 723-9201
Ail boots moy be recolled otter 7 doys
DATE DUE