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DES
ACTES DE L'ACADEMIE
Des Nciences, BellesLettres et Arts de Bordeaux.
A BORDEAUX,
CH GOUNOUILHOU, IWPRIUBUR DE PACADÈMIR)
place Puy-Paulin, 4.
Y
6 Sao no 0ù
RECU,
DES
ACTES DE L'ACADÉMIE
DES SCIENCES , BELLES-LETTRES ET ARTS DE BORDEAUX,
QUINZIÈME ANNÉE. — 1853.
BORDEAUX ,
CHE RUE LAWALLE, LIBRAIRE,
allées de Touroy, n. 46.
PARIS ,
CHEZ DERACHE, LIBRAIRE,
rus du Boyloy, n. 7,
AVIS.
L'Académie n'accepte point la solidarité de toutes
les opinions émises dans les articles insérés au re-
cueil de ses Actes.
ANALYSE CHIMIQUE
des
EAUX DU DÉPARTEMENT
DE LA GIRONDE ;
PAR Elo PATCH RIO
INTRODUCTION.
Les progrès de l'hygiène générale et de l'industrie
agricole, sont si intimement liés à l'étude des eaux
dont les populations disposent, qu'on est étonné du
peu de travaux dont cette étude a jusqu'à ce jour été
l'objet.
Frappé de cette immense lacune, le laborieux et sa-
vant Ministre qui, en 1850, dirigeait l'agriculture,
M. Dumas, invita l'Académie de Médecine de Paris à
réunir en un seul faisceau les analyses éparses faites
sur celte importante matière, et l’'engagea à stimuler
le zèle des hommes spéciaux qui voudraient se livrer,
dans leurs localités respectives, à l'étude des eaux de
toute nature qui sillonnent le sol, soit à sa surface,
soit à certaines profondeurs.
2
Encouragé par cet appel, adressé à toutes les intel-
ligences, à toutes les capacités, j'ai entrepris de rem-
plir, pour le département de la Gironde, si vaste et si
bien arrosé, une lacune regrettable, et je me suis con-
formé aux vues philantropiques de lillustre chimiste,
en soumettant à une analyse exacte et rigoureuse les
eaux des sources, des fontaines, des puits, des ruis-
seaux, des rivières, du fleuve et même de la mer qui
baignent notre département.
En commençant ce long et minutieux travail , je ne
me suis pas dissimulé l'étendue et les difficultés de la
tâche que je m'imposais. J'en eusse été découragé si
javais moins vivement senli l'importance de ce travail,
et si je n'eusse eu la certitude qu'il en sortirait quel-
ques données utiles, quelques enseignements profita-
bles à la santé générale de nos populations agricoles,
de celles surtout que la mauvaise qualité des eaux ex-
pose chaque année à des fièvres pernicieuses qui les
déciment.
Ne voulant m'en rapporter à personne du soin de
recueillir les échantillons sur lesquels je devais opérer,
c'est sur les lieux et dans chacun des quarante-huit
cantons du département, que j'ai puisé moi-même ces
échantillons et recueilli les renseignements utiles à mes
recherches.
Ces eaux, renfermées dans des bouteilles neuves en-
tièrement remplies, solidement bouchées et étiquetées
à mesure, étaient apportées dans mon laboratoire, où
elles ont été successivement soumises aux diverses opé-
rations qu'elles avaient à subir.
3
Tous les produits obtenus par ces opérations ont été
exactement pesés où mesurés, puis enfermés dans des
vases convenables, et conservés avec le plus grand soin
jusqu'au moment où, à leur tour, ils ont dù être soumis
aux manipulations et aux dosages qui devaient en faire
connaître la nature et les proportions.
J'ai suivi, dans ces nombreuses et minutieuses ana-
lyses, la marche rationnelle, méthodique, certaine, tra-
cée par les chimistes distingués qui m'ont précédé
dans de semblables recherches, notamment par mon
excellent maitre François Lartigue, et MM. Dupas-
quier, Boutron-Charlard, Ossian Henry, Filhol, etc.
Toutefois, persuadé que sous l'influence de l'ébulli-
tion, il s'opère des modifications importantes dans la
nature des sels, j'ai adopté un mode.particulier d'éva-
poration , l'étuve, qui ne permet pas aux liquides d'ac-
quérir plus de 40 à #5 degrés de chaleur. C’est à l'aide
de ce procédé lent, mais sûr, que j'ai pu isoler, sans
altération apparente, la matière organique contenue
dans certaines eaux.
J'ai toujours opéré sur cinq litres au moins : trois
litres étaient réservés pour être soumis à l'évapora-
tion; un litre était légèrement alcalisé, puis conservé
pour y rechercher l'iode et le brôme; l'excédant était
examiné à l'aide de réactifs titrés, pour reconnaitre
tout d'abord la nature et la quantité approximative des
sels qu'il renfermait.
En recueillant sur place, j'ai mesuré avec précision
la température des eaux de sources, de puits, de fon-
taines, comparativement à celle de l'air, et me suis
k
rendu un compte exact des caractères physiques que
ces eaux présentent sur les lieux mêmes.
Bien que notre département ne renferme que peu
d'eaux minérales, j'ai cependant pu noter quelques
sources ferrugineuses, parmi lesquelles je signalerai
celles de Bernos, de Saucats et de Belloc.
Tant et de si minutieuses recherches ne seront pas
perdues, nous en avons l'espoir, pour notre population
agricole; elle y trouvera, entre autres renseignements
utiles, les moyens de convertir sans frais de mauvaises
eaux en eaux saines et potables. Le progrès de son
bien-être sera la récompense de mes travaux : c’est la
seule que j'ambitionne.
CHAPITRE 1°
Considérations générales sur les eaux.
L'eau est le premier des corps liquides, non-seule-
ment parce qu'elle est l'un des éléments constitutifs des
êtres organisés, mais encore parce qu'elle est indispen-
sable à leur entretien, à leur développement, à leur
croissance.
Véhicule universel, c'est l'eau qui transmet à la
plante, à l'animal, à l'homme, l'électricité et le calori-
que, la vigueur et la vie. L'eau à l'état liquide ou à l'é-
lat gazeux, est le milieu dans lequel ils vivent; sans elle,
leurs tissus, bientôt desséchés par l'air, perdraient la
souplesse nécessaire à toutes les fonctions de l’exis-
tence.
Dissolvant général, l'eau pénètre tout, s'assimile à
tout, dissout, entraine, charrie tout ce qu’elle rencon-
tre sur son passage; rien ne peut résister à son action :
la roche la plus dure, le granit le plus compacte, le
métal le plus tenace, sont peu à peu désagrégés, dis-
sous, détruits par elle. Qu'on juge de la facilité avec la-
quelle elle s'empare des corps moins résistants, et dès
lors combien sa pureté doit varier, selon la nature du
6
sol qu'elle parcourt et des couches atmosphériques et
terrestres qu'elle traverse.
L'eau n'attaque pas seulement les corps inorgani-
ques; elle dissout encore les corps organisés. Partie
constituante des êtres vivants, elle devient après la mort
leur dissolvant le plus actif, et se charge, alors surtout
que la température favorise son action, de matières or-
ganiques qui deviennent bientôt les éléments d'une fer-
mentation où elle joue le double rôle de dissolvant et
d'agent de destruction.
Ainsi altérée et chargée de produits morbides, l'eau
peut devenir un poison d'autant plus dangereux, que
ses caractères physiques n'indiquent pas toujours la
présence d'éléments toxiques. L'influence pernicieuse
de ces eaux empoisonnées sur les populations qui s'en
abreuvent, faute d'autres, produirait des résultats bien
plus désastreux si elles ne trouvaient dans l'action de
l'air et dans une circulation vaste et rapide des mo-
dificateurs puissants qui annihilent en partie, soit les
miasmes délétères produits d’une fermentation prolon-
gée, soit les sels solubles qu'elles contiennent : et, en
effet, à mesure que la fermentation qu'on observe dans
certaines eaux donne naissance à des produits morbi-
des, l'influence réparatrice de l'air, favorisée par l’agi-
tation, oxide et solidifie tout ou partie de ces produits
dangereux, et les précipite sous forme de sédiment.
Elles se débarrassent de la sorte des impuretés qui
les altérent, et reprennent peu à peu les caractères des
bonnes eaux potables; c’est ainsi que s'explique la pu-
reté remarquable des eaux courantes : l'agitation, le
7
roulement, le mouvement continu, changent en peu
de temps des eaux impures, chargées de matières or-
ganiques, en eaux limpides d'excellente qualité.
. Cette heureuse métamorphose est due principalement
à l'attraction moléculaire, considérablement augmentée
par la multiplicité des surfaces, surtout lorsque celles-
ci sont remplies d'aspérités, comme les lits caillouteux
des rivières, les sinuosités rocheuses des torrents.
On avait remarqué depuis long-temps la pureté des
eaux courantes; on s'était même aperçu que des eaux
de mauvaise qualité à leur source, acquéraient bien-
tôt, en roulant sur le sable ou sur le gravier, les qualités
des bonnes eaux potables; mais on n’en connaissait
pas la cause. La physique est venue récemment expli-
quer ce phénomène par le roulement continu et lac-
tion oxidante que l'air, mis en rapport avec de minces
couches liquides, exerce sur la matière organique et cer-
tains sels minéraux. Dès-lors, on à pu se rendre compte
de la disparition si prompte et si complète des débris
organiques que la Seine et surtout la Tamise recoivent
sans cesse par les nombreux égouts qui s'y déversent,
débris dont l'analyse la plus minutieuse retrouve à peine
des traces.
Les sels minéraux très-solubles fournis par certains
terrains, trouvent aussi dans le sein de la terre des élé-
ments propres à en débarrasser les eaux; les couches
argileuses s'assimilent les sels à base de chaux, pendant
que les roches siliceuses s'approprient les sels à base
de soude, de potasse, de magnésie.
La nature, cette bonne mère, avait prévu les effets
8
désastreux que des eaux très-chargées de matières sa-
lines ou de débris organiques pouvaient produire sur
les animaux, et, dans sa sage prévoyance, elle a Joint
aux éléments de dépuration dont nous venons de par-
ler, une autre force absorbante bien active et bien puis:
sante, la végétation. Cette force permanente, mais
qui se produit au printemps avec plus d'intensité, en-
lève aux eaux les sels solubles qu'elles contiennent, pour
les transmettre, par les mille spongioles des racines,
aux végétaux dont ils sont l'un des principes constitu-
tifs.
L'eau pluviale elle-même ne se sature des gaz de
l'atmosphère que pour les transmettre aux plantes, qui
se les assimilent et les consomment pour leur nutri-
tion.
Evidemment, les eaux ne peuvent être identiques ;
leurs qualités varient comme les éléments qu'elles ren—
ferment, et il doit exister de grandes différences entre
elles, suivant qu'elles sont courantes ou stagnantes,
souterraines ou superficielles. Aussi, lorsqu'on jette un
coup-d'œil rétrospectif sur le sujet qui nous oceupe, on
voit que de tout temps on s'est vivement préoccupé
des moyens propres à reconnaitre la pureté et la bonté
des eaux, surtout de celles employées à la boisson.
Les anciens, qui n'avaient pas les moyens d'analyse
dont nous disposons, mais qui appréciaient peut-être
mieux que nous les avantages des bonnes eaux po-
tables, admettaient généralement comme bonnes les
eaux fraîches, aérées, limpides, sans odeur, sa-
veur, mn couleur appréciables, froides en été, tem-
)
pérées en hiver, dissolvant le savon sans le grume-
ler, et cuisant bien les légumes.
Ces caractères généraux, consacrés par l'observation
et l'enseignement des siècles, doivent servir de point
de départ aux investigations de la science moderne, car
ils renferment à eux seuls des indications suflisantes
pour faire admettre ou rejeter à priori les eaux desti-
nées à la boisson. En effet, quand l’eau est sans odeur
ni saveur, elle est ordinairement pure de tout corps
étranger. Si elle affecte désagréablement lodorat, il faut
se garder d'en faire usage, car elle est altérée. IT faut
s'en abstenir encore, quand elle déplait au gout, car
une saveur quelconque autre que cette saveur fraiche
et légèrement piquante qui caractérise les bonnes
eaux, est l'indice certain qu'elles contiennent une subs-
tance étrangère presque toujours de nature organique,
souvent en décomposition. [l en est de même de la
couleur, de la limpidilé : Veau, pour être potable, doit
être sans couleur et d'une transparence parfaite; toute
eau colorée ou trouble et bourbeuse tient en solution ou
en suspension , soit des corps organiques qui peuvent
être dangereux, soit des matières terreuses qui peuvent
amener des désordres dans les fonctions digestives, ne
füt-ce que par le dégoût qu'elles inspirent.
La température des eaux est aussi Fun des carac-
tères les plus importants à signaler, car des eaux de
très-bonne qualité d’ailleurs, pourraient être nuisibles
à la santé par cela seul qu’elles seraient ou trop froides,
ou trop chaudes. C'est en raison de l'égalité de tempé-
rature des eaux de sources qu'il convient de leur don-
10
ner la préférence sur les eaux de rivières, dont la tem-
pérature suit toutes les variations atmosphériques. Per-
sonne n'ignore combien l'eau froide plait, en été, au
palais et à l'estomac : elle procure instantanément un
sentiment de bien-être; elle apaise la soif, ranime les
forces, tant par son action tonique que parce qu'elle
modère par sa fraicheur l'activité de la transpiration.
Au contraire, rien n'est plus désagréable et plus nuisi-
ble dans les chaleurs que l'usage d'une eau dont la tem-
pérature se rapproche trop de celle de l'asmosphère,
quelle qu'en soit d'ailleurs la pureté : elle ne plait ni
au palais, ni aux organes digestifs.
D'après l'expérience des àges, les eaux potables doi-
vent, en outre, étre aérées, pouvoir dissoudre le
savon sans le grumeler , et cuire bien les légumes.
Ces dernières propriétés indiquent la légèreté et la pu-
reté des eaux, et se rapportent à leur composition chi-
mique. Ainsi, une eau est aérée, légère, quand elle
contient une quantité convenable d'air atmosphérique
et d'acide carbonique; elle grumèlera le savon et S'op-
posera à la cuisson des légumes, si elle contient une
quantité trop forte de sels minéraux.
Mais si ces caractères généraux suffirent long-temps
pour apprécier la pureté des eaux, on conçoit qu'il
n'en fut plus de même quand les progrès de la chimie
eurent permis de démontrer la nature et la quantité de
toutes les substances gazeuses, salines et organiques,
qu'elles contiennent en solution ou en suspension. Des
analyses rigoureuses furent faites, et ne sen tenant
plus aux caractères physiques indiqués par nos an-
11
ciens, on arriva à ne regarder comme propres à la bois-
son que les eaux chimiquement pures : de telle sorte
que l'eau distillée, convenablement aérée, fut le proto-
type des eaux potables. Il est advenu de cette opinion
exagérée, ce qui arrive toujours dans les sciences lors-
qu'on substitue.trop promptement et sans assez de ma-
turité des résultats partiels à des résultats généraux,
positifs, sanctionnés par le temps. Des travaux en eux-
mêmes d'une grande exactitude, peuvent conduire à
des applications dangereuses, jusqu'à ce que l'expérience
ait fait de nouveau luire la vérité.
Depuis quelque temps, une réaction en sens contraire
s'opère dans le monde savant; les tendances de quel-
ques hommes spéciaux semblent les porter vers un
ordre d'idées complétement opposées aux principes de
leurs devanciers; ils sont disposés à regarder comme
bonnes toutes les eaux qui ne contiendraient que des
sels assimilables, quelles que fussent d'ailleurs les
proportions que ces eaux en continssent. Ces tendan-
ces, qu'il nous fut donné de signaler, dès l'année 1838,
au sein de la Société de Médecine de Bordeaux, lors de
la discussion que soutint le docteur Arthaud, mon
excellent ami, l'un des antagonistes les‘plus spirituels
de l'eau chimiquement pure, ces tendances, dis-je,
se sont encore accrues depuis les travaux de Dupas-
quier, de Lyon, qui, loin de regarder certains sels
comme nuisibles, établit, au contraire, que leur pré-
sence est indispensable à la bonne qualité des eaux
destinées à la boisson.
Sans repousser complétement une pareille théorie,
12
je crois qu'il convient de faire des réserves. Par leur
action excitante et digestive, certains sels minéraux
contenus dans les eaux de sources ou dans les eaux
courantes peuvent quelquefois être utiles, on ne
saurait le contester; mais il y aurait de limpru-
dence à admettre comme boisson ordinaire, dans
un état régulier de santé, des eaux où ces agents
se trouveraient en fortes proportions. Préservons-nous
donc de toute exagération, et en matière d'hygiène
comme en économie politique, restons dans un sage mi-
lieu. Les faits chimiques les plus concluants coïncident
parfaitement avec les caractères primitifs que le pa-
triarche de Cos, et bien plus tard le savant Hallé,
Nysser, Rostan et autres nous ont transmis; tous ad-
mettent la limpidité, la fraicheur, la saveur fran-
che et pure, la faculté de dissoudre le savon et de
cuire les légumes, comme caractères immuables des
bonnes eaux; or, les expériences de Dupasquier, celles
de M. Boutron-Charlard et Ossian Henry, et enfin,
sil m'est permis d'en parler, celles qui me sont pro-
pres, démontrent qu'il suffit de dix centigrammes de
sulfate de chaux ou de vingt centigrammes de chlorure
ou d'azotate calcaire par litre d’eau, pour lui communi-
quer une saveur fade et faire grumeler le savon. Cette
réaction devient plus marquée à mesure que ces pro
portions sont dépassées, ou lorsque plusieurs de ces sels
se trouvent réunis dans la même eau.
Le carbonate de chaux dissous dans un excès d'acide
carbonique, peut bien échapper au gout et être sans ac-
tion sur le savon, même à la dose d’un gramme par litre ;
13
mais si l'on emploie à la cuisson des légumes de leau
ainsi chargée, dès que le calorique chasse l'excès de
l'acide carbonique, l'eau se trouble, et la plus grande
partie du sel calcaire se dépose sur les légumes et nuit
à la cuisson.
En résumé, je considère comme eaux potables de
bonne qualité, celles qui réunissent aux caractères
généraux déjà indiqués, l'avantage de ne pas contenir
par litre plus de 60 centigrammes de matières sa-
lines ou terreuses, plus de { centigramme de ma-
tières organiques.
Au delà de ces limites, bien que limpides encore,
sans odeur , sans couleur, elles sont fades, grumèlent le
$avon, cuisent mal les légumes. Toutefois, les organes
digestifs les tolèrent chez les personnes en santé, et tant
que les proportions des matières salines ne dépassent
pas un gramme, elles n'ont sur l'économie aucune ac-
tion marquée.
Ces eaux, qui sans être précisément mauvaises, ne
sont pas non plus précisément bonnes, je les caracté-
rise par l'épithète d'indifférentes. La plus grande par-
tie de l'eau de nos puits appartient à cette classe.
Certaines eaux contiennent des sels minéraux en
plus forte proportion encore ; j'en ai trop souvent, dans
mes explorations, rencontré de telles. Elles sont limpi-
des, sans odeur ni couleur, mais elles ont une saveur
terreuse ; elles grumèlent abondamment le savon, con-
tiennent de la matière organique en forte proportion,
et laissent, par litre d'eau évaporée, un à deux grammes
de résidu, dans lesquels les azotates et les sulfates en-
1%
trent au moins pour un quart. Ces eaux, généralement
désignées sous le nom d'eaux crues et séléniteuses, fa-
tiguent les organes digestifs des personnes qui n’y sont
pas habituées, et ne sont pas plus propres à la cuisson
des légumes et au blanchissage du linge, qu'à la bois-
son. Il n'en faut faire usage que lorsqu'on ne peut ab-
solument s'en procurer d'autres : je les appelle eaux
malsaines.
Pour donner à mon travail l'ordre et la clarté que
nécessite la multiplicité des opérations, j'ai divisé les
eaux du département par catégories, suivant leur na-
ture, afin de les classer selon leur mérite.
Voici la classification que j'ai cru devoir adopter :
Fleuve.
Rivières.
Ruisseaux.
Sources.
Fontaines.
mi D profondes. | Puits.
Etangs.
Lagunes.
Marais.
profondes. Po
Sous-sol des Landes.
courantes superficielles.
superlicielles.
slagnantes
15
CHAPITRE IE.
Procédés adoptés par l'auteur pour reconnaitre et doser les
diverses substances organiques ou inorganiques contenues
dans les eaux.
Pour arriver à une analyse complète et aussi exacte
que possible des eaux que j'avais à examiner, j'ai fait
usage de tous les moyens d'analyse qui étaient à ma
disposition. Ces moyens, tendant à se contrôler les uns
les autres, présentent toutes les garanties désirables
d'exactitude.
Ce sont l'appréciation des caractères physiques,
l’action des réactifs, et enfin l'examen des résidus après
l'évaporation complète des eaux.
Les caractères physiques sont : la température, la
limpidité, la couleur, l'odeur et la saveur, Ces carac—
tères une fois constatés, je passais à l'examen par les
réactifs : des liqueurs soigneusement fitrées me per-
mettaient de doser avec exactitude soit les acides, soit les
bases contenues dans les eaux à l'état de combinaison
ou de liberté, puis je procédais à la troisième, à la plus
concluante épreuve, l'évaporation à siccité.
Les corps contenus dans les eaux étant de différen-
tes natures, les uns gazeux et les autres solides, orga-
niques ou inorganiques, j'ai dû m'occuper d'abord de
16
rechercher et de recueillir les corps gazeux ; pour cela,
j'ai suivi le procédé le plus ordinairement employé ,
l'ébullition à vase clos.
Les gaz contenus dans les eaux courantes ne pou-
vant être que de l'acide carbonique , de l'oxigène ou de
l'azote, j'ai disposé pour cette expérience l'appareil
suivant. Un matras à long col, de la contenance exacte
d'un litre d'eau, était rempli de l'eau à analyser, et
après y avoir adapté, à l’aide d’un bouchon convenable
effleurant l'eau , un tube recourbé rempli d'eau distillée,
jengageais la courbure de celui-ci sous le récipient
d'une petite cuve hydrargyro-pneumatique , surmontée
d'une cloche allongée, exactement graduée et pleine de
mercure : chauffant alors avec précaution le matras
placé au bain de sable, sur un fourneau disposé à cet
effet, j'arrivais à chasser complétement les gaz conte-
nus dans l'eau du matras, et à les faire passer dans la
cloche graduée, qui indiquait exactement leur volume.
Quelques fragments de potasse à l'alcool, introduits
alors sous la cloche, absorbaient peu à peu l'acide car-
bonique, et lorsque l'absorption n'était plus apparente,
je voyais, à la diminution du volume, la quantité de gaz
qui avait été absorbée. Je transvasais ensuite avec
beaucoup de soin dans une autre cloche graduée, et
sous la euve hydrargyrique, le gaz non absorbé; j'y fai-
sais passer un petit cylindre de phosphore; l'absorption
de l'oxigène par ce corps inflammable diminuait d'au-
tant le gaz restant, et lorsque le phosphore était sans
action marquée, cette diminution était notée, et le gaz
non absorbé, lavé à l'eau distillée, était examiné, me-
17
suré et noté : c'était de l'azote. C’est ainsi que j'ai re-
cueilli l'acide carbonique, l'oxigène et l'azote. La mul-
tiplicité de ces opérations m'a bientôt mis à même de
constater que, dans l'eau de puits, l'air atmosphéri-
que change à peine de composition, c'est-à-dire que
l'oxigène et l'azote y restent dans les mêmes proportions
que dans l'atmosphère. Il n’en est pas de même dans
les eaux superficielles : il est rare d'y rencontrer l'oxi-
gène et l'azote dans les proportions normales de l'air
atmosphérique ; dans quelques-unes , la quantité d'azote
est beaucoup plus considérable; dans le plus grand
nombre , ce sont les proportions d'oxigène qui se sont
accrues. J'ai donc admis l'air atmosphérique contenu
dans les eaux de puits et de fontaine, comme étant
dans les proportions normales, et n'ai mesuré isolé-
ment les proportions d'oxigène et d'azote que pour les
eaux courantes.
Les sels et autres corps fixes contenus ordinairement
dans les eaux, sont des carbonates, des sulfates, des
hydrochlorates, des azotates, terreux ou alealins, de la
silice, de l'alumine et de l'oxide de fer; leur présence
était signalée à l'avance par les réactifs. Pour les re-
cueillir, je réunissais dans de petites capsules en porce-
laine exactement tarées, le produit de l'évaporation de
trois lities d'eau; je desséchais convenablement ces
produits à une température de cent degrés, et après
les avoir pesés avec soin, pendant qu'ils étaient chauds,
à l’aide d'une balance d'essai très-sensible , je notais avec
la plus scrupuleuse exactitude, le poids de chacun
d'eux. [ls étaient ensuite détachés, pulvérisés dans les
9
#
18
capsules mêmes, et traités par de l'alcool à 65 degrés,
jusqu'à ce que ce véhicule ne leur enlevàt plus rien ;
la partie insoluble dans l'alcool était desséchée de nou-
veau et pesée, puis soumise à l'action de l'eau distillée.
Ces diverses opérations permettaient de diviser en
trois parties les sels contenus dans les résidus de léva-
poration, savoir : ceux qui sont solubles dans l'alcool,
ceux qui sont solubles dans l'eau et insolubles dans
l'alcool , et enfin ceux qui sont insolubles dans ces deux
menstrues. La séparation ainsi opérée, je n'occupais
de leur dépouillement respectif, en commençant par
la matière complétement insoluble, qui était composée
de carbonate de chaux, de magnésie, de fer, de sul-
fate de chaux, de silice, et quelquefois d’un peu d'alu-
mine.
Après l'avoir desséchée et pesée, je la traitais par
l'acide hydrochlorique faible, qui la dissolvait pres-
qu'en entier avec effervescence ; ce qui restait d'insolu-
ble dans cet acide, était lavé, séché et examiné: c'était
ordinairement de la silice, mélée d'un peu de matière
organique, dont on la débarrassait par la caleination.
Le solutum hydrochlorique était évaporé à sicerté et
repris par de l'alcool à 65 degrés, qui en séparait le
sulfate de chaux, dissous à la faveur de l'excès d'acide
hydrochlorique, et dissolvait les hydrochlorates nou-
vellement formés. La liqueur alcoolique était alors
évaporée; vers la fin de l'évaporation, on ajoutait un
peu d'acide sulfurique étendu; on continuait à chauf-
fer pour chasser l'acide hydrochlorique, transformer
les bases en sulfates, et volatiliser l'excès d'acide sul-
19
furique ; cela fait, on lavait le résidu avec de l'eau
distillée, qui dissolvait les sulfates de magnésie et de
fer, et laissait le sulfate de chaux; celui-ci était sé-
ché et pesé ; son poids indiquait la quantité de chaux
fournie par le carbonate caleaire que contenait le ré-
sidu insoluble, traité primitivement par l'acide hydro-
chlorique.
Le solutum de sulfate de magnésie et de sulfate de
fer était ensuite traité par le carbonate d'ammoniaque,
qui en précipitait le fer; on lavait, desséchait et cal-
cinait fortement pour avoir l'oxide pur, tandis que le
solutum magnésien était évaporé et fortement calciné,
pour volatiliser les sels ammoniacaux et obtenir la ma-
gnésie pure, que je pesais avec soin.
Ainsi se trouvaient isolés, la silice, le sulfate de
chaux, le carbonate de chaux, de magnésie, de fer,
ete., qui formaient la partie insoluble du résidu de l'é-
raporation.
Je passais ensuite à l'examen du solutum aqueux;
il était évaporé à siccité et pesé, il ne contenait que
des sulfates solubles mélés d'un peu de sulfate de chaux ;
un simple lavage à l'eau distillée sufisait pour enlever
les premiers. Après avoir dosé l'acide sulfurique à
l'aide de l'azotate de baryte, j'isolais et dosais les bases
par le phosphate de soude, l'antimoniate de potasse ou
le chlorure de platine, qui précipitaient la magnésie,
la soude, ou la potasse, seules bases avec lesquelles
l'acide sulfurique eût pu former les sels solubles se
rencontrant ordinairement dans les eaux.
Enfin, le solutum alcoolique était placé dans une
20
capsule en porcelaine et évaporé à une douce chaleur,
jusqu'à dessiceation parfaite; le résidu, desséché et exac-
tement pesé pendant qu'il était chaud, pouvait renfer-
fer des chlorures, des azotates et de la matière orga-
nique. Le chlore était dosé par lazotate d'argent,
l'acide azotique par le procédé Christisson ou par la
limaille de cuivre et l'acide sulfurique; quant à la chaux,
la magnésie, la soude, la potasse, avec lesquels ces
acides pouvaient être unis, je les dosais par les procé-
dés indiqués dans le précédent paragraphe.
| me reste à dire à quels procédés j'ai eu recours
pour isoler les corps qu'on ne rencontre qu'exception—
nellement, c'est-à-dire la matière organique, l'iode,
le brôme, l'ammoniaque; et dans quelques eaux ferru-
gineuses, le soufre, le manganèse et l'arsenie.
Matière organique.
La matière organique contenue dans les eaux, peut
être végétale ou animale; celle-ci ne s'y trouve qu'ac-
cidentellement; celle-là au contraire s’y rencontre sou-
vent, mais dans des proportions très-variables.
Pour l'obtenir pure, il faut l'extraire directement, en
faisant évaporer par ébullition une quantité donnée de
l'eau à analyser. Dès les premières impressions de la
chaleur, les eaux qui contiennent de la matière orga-
nique albumineuse se troublent, et il s'en sépare, au
moment de l'ébullition, une foule de petits globules qu’on
voit nager dans la liqueur. Après quelques instants,
on laisse refroidir, sans remuer, et l'on isole par dé-
2
cantalion cette matière, que l'on trouve réunie au fond
du vase; on la dessèche, on la pèse et on note le poids.
Cette matière, ainsi coagulée, est de l'albumine ani-
male ou de l'albumine végétale, ce qui est indiqué dans
le premier cas par la couleur et les sels ammoniacaux;
dans le second, par l'absence des produits azotés. On
achève à l'étuve l'évaporation de l'eau d'où l'on à séparé
l'albumine, jusqu'à ce qu'elle soit réduite à quelques
grammes; On la délaye alors avec de l’éther alcoolisé,
qui dissout la matière organique non séparée par l'é-
bullition, sans toucher au résidu salin qui l'accompa-
gne. L'évaporation de l'alcool éthéré laisse la matière
organique dans l'état de quasi pureté; en cet état, elle
à une saveur amère, une couleur brune; elle se dissout
dans/leau et dans l'alcool : c'est de la matière orga-
nique passée à l'état d'humus.
Un fait digne de remarque, c'est que les eaux les
plus insalubres et les plus dangereuses à la santé, con-
tiennent une forte proportion d'albumine végétale, et
qu'à mesure que ce principe immédiat des végétaux est
solidifié par l'action de l'air ou séparé par toute autre
cause, l'insalubrité disparait.
Quant à la matière organique passée à l'état d'hu-
mus, son action est peu appréciable; on rencontre
souvent des eaux qui en contiennent de fortes quanti-
tés, et qui néanmoins sont bues impunément par les
hommes et les animaux. C'est done surtout à l’albu-
mine végétale qu'il faut attribuer l'altération rapide des
eaux marécageuses et l'insalubrité qui accompagne cette
altération ; on peut reconnaitre promptement là pré-
22
sence de l'albumine dans les eaux, en versant dans
celles-ci quelques gouttes de solution de tanin pur ou
d'alcool gallique : il se forme bientôt après une opacité
blanchàtre, d'autant plus marquée que lalbumine sy
trouve en plus forte proportion.
Comme je l'ai dit, la matière organique animale se
reconnait aux sels ammoniacaux et à l'ammoniaque
qu'elle dégage quand on la chauffe à vase clos.
Jode.
Depuis que M. Chatin à annoncé la présence de
liode dans toutes les eaux, il n'est plus permis de s'oc-
cuper de leur analyse sans y rechercher spécialement
ce corps simple. Ne connaissant point le procédé parti-
culier à l’aide duquel ce chimiste est parvenu à recon-
naitre dans certaines eaux des quantités infinitésimales
d'inde, j'ai dû, parmi les procédés connus, en choisir
un qui unit à la plus grande simplicité possible, assez
de sensibilité pour déceler la présence de ce corps dans
les eaux qui en contiendraient la millionième partie de
leur poids.
Le chloroforme, proposé par M. Rabourdin , le chlo-
rure de palladium, proposé par M. Lassaigne, la solu-
tion d'amidon activée par l'acide sulfurique, bien que
très-sensibles, n'ont pu me permettre de reconnaitre
liode qu'à plus d'un millionième du poids de l'eau en
expérimentation, et je ne suis arrivé à constater sa pré-
sence dans cette proportion qu'en me servant d'une solu-
tion d'amidon aiguisée d'acide azotique. C'est avec sa-
23
tisfaction que j'ai vu tout récemment dans les journaux
scientifiques, que MM. Chatin et Gaultier de Claubry
donnaient aussi la préférence à l'acide azotique; il est
facheux que M. Chatin n'ait pas dit si c'était là le moyen
dont il s'était servi.
Voiei le procédé que j'ai suivi. — L'eau alcalisée sur
laquelle je devais opérer était rapidement évaporée jus-
qu'à siceité; le résidu était traité par de l'alcool à 65 de-
grés; je filtrais pour séparer les matières insolubles
dans l'alcool, et je faisais évaporer complétement le li-
quide alcoolique; je reprenais de nouveau le résidu par
une petite quantité d'eau distillée, et je versais le tout
dans un tube en verre blanc, bien diaphane, fermé par
un bout; j'ajoutais une petite quantité de solution d'ami-
don, quelques gouttes d'acide azotique, et j'agitais pour
opérer le mélange ; puis je laissais reposer. A l’aide d'une
feuille de papier blane placée derrière le tube, j'arri-
vais à distinguer la coloration bleue, pour peu qu'elle
füt apparente. Je n'ai pu la constater que dans un très-
petit nombre d'échantillons.
Brôme,
Quelque soin que j'aie mis dans mes recherches, je
n'ai pu découvrir des traces de brôme que dans les Eaux
de la Gironde avoisinant la mer.
Le procédé que j'ai suivi pour isoler le brome des
eaux salées est celui indiqué par M. Ossian Henry :
concentration du liquide après l'avoir légèrement alca-
lisé par Ja potasse pure à l'alcool; précipitation par le
24
solutum d’azotate d'argent, et, après un repos convena-
ble à l'abri de la lumière, lavage du précipité; on le re-
eueille exactement et on le place dans un vase avec
une petite quantité d'eau distillée et un excès de li-
maille de zinc et d'acide sulfurique pur; on laisse en
contact jusqu'à ce qu'il n'y ait plus d'action apparente,
c'est-à-dire jusqu'à ce que le dégagement du gaz hy-
drogène ait cessé : on filtre ce liquide, qui renferme du
sulfalte, du chlorure, du brômure et de l'iodure de
zinc; on le met dans un tube allongé, en y ajoutant un
tiers environ de son volume d'éther rectifié , et quelques
gouttes d'eau chlorée récente; on agite fortement et on
laisse en repos : l'éther se réunit bientôt à la partie su-
périeure du tube; et pour peu qu'il y ait du brome dans
le liquide , il s'en empare et prend une teinte jaune. La
coloration plus ou moins foncée du véhicule indique la
présence d'une plus ou moins grande quantité de brôme.
Le chloroforme, proposé par M. Rabourdin, ne m'a
pas mieux réussi que l'éther; divers motifs me font
croire qu'il vaut mieux s'en tenir à ce dernier.
Ammoniaque.
L'ammoniaque libre, et plus souvent l'ammoniaque
combinée, se retrouve en quantité appréciable dans
quelques eaux de puits et dans certaines eaux maréca-
geuses; Jai pu le constater, en faisant évaporer à un
feu doux, jusqu'à consistance pateuse, l'eau où j'en
supposais, après l'avoir préalablement acidulée par
quelques gouttes d'acide sulfurique. Je versais ensuite
un léger excès de potasse à l'alcool : lammoniaque se
décelait bientôt par son odeur vive et pénétrante, et
un morceau de papier de tournesol rougi, placé à l'o-
rifice du vase où se faisait l'opération, reprenait sa
couleur bleue.
En général, les eaux de sources ne contiennent
qu'accidentellement de lammoniaque; les eaux sta-
gnantes et les eaux pluviales sont celles où on la ren-
contre le plus fréquemment.
Soufre, Manganèse, Arsenic.
Ces corps simples pouvant se rencontrer dans quel-
ques eaux minérales ferrugineuses, J'ai dû les recher-
cher dans celles de notre département.
La présence du soufre se reconnait sans peine à l'o-
deur hépatique que répandent les eaux qui en contien-
nent; on peut le doser par une foule de réactifs, les
sels diode, de plomb, d'argent, etc.
Fréquemment, le manganèse accompagne le fer;
pour les séparer, on les dissout dans l'acide sulfurique
faible, on suroxide le fer par l'addition de quelques
gouttes d'acide azotique et une légère ébullition. Pen-
dant que la liqueur est bouillante, on la neutralise
exactement avec le carbonate d'ammoniaque, qui pré-
cipite le fer; le manganèse reste en solution; on
évapore à siccité, et on calcine fortement pour l'obtenir
pur.
La présence de l'arsenic dans quelques eaux minéra-
les, surtout dans celles où se trouvent le fer et le man-
26
ganèse, m'a engagé à le rechercher dans nos eaux
ferrugineuses; je l'ai fait, en traitant le résidu de l'é-
vaporation de plusieurs litres d'eau, par de l'eau distillée
acidulée d'acide sulfurique pur; je versais le tout dans
un appareil de Marsh perfectionné , c'est-à-dire disposé
avec un tube à étranglement, renfermant une mèche
d'amianthe, et je brülais le gaz hydrogène à son pas-
sage, à l'aide d'une forte lampe à l'alcool.
Tel est le sommaire des opérations chimiques aux-
quelles toutes les eaux du département ont été succes-
sivement soumises. Ce travail, long ét minutieux, n’a
pas exigé moins de trois années de patientes recher-
ches; les résultats en sont exposés dans les chapitres
suivants.
CHAPITRE HIT.
Résultat de l'analyse des Eaux du département.
ARTICLE A%. — A" SECTION.
Eaux courantes superficielles.
I. — FLEUVE.
————
Gironde,
Cest au Bec-d'Ambès, confluent des deux grandes
rivières, la Garonne et la Dordogne, que de la réunion
de leurs eaux se forme la Gironde. Resserrée d’abord
entre la côte du Médoc et le Blayais, elle prend bien-
tôt du développement, et sa largeur, qui est à peine
de trois kilomètres devant Blaye, atteint douze kilomè-
tres devant Talais. Les deux rives se rapprochent en-
suite brusquement, et nonobstant la pointe de Grave,
extrème limite du littoral, elle a encore six kilomètres
de largeur.
La masse d'eau qui entre et qui sort par eette énorme
embouchure, varie selon les phases de la lune, l'état
de l'atmosphère, la force des courants, ete. Quoi-
qu'elle soit constamment agitée par les vents et par le
mouvement que Jui imprime le flux et le reflux, la
28
composition de l'eau de la Gironde est très-variable; le
mélange de l'eau douce que fournissent les deux gran-
des artères supérieures, ne s'opère avec l'eau salée que
d'une manière très-incomplète : on rencontre fréquem-
ment des courants d'eau de mer presque pure, montant
ou descendant le fleuve sans se méler à l'eau douce;
c'est surtout dans les couches inférieures que ce phé-
nomène s'observe.
Dans les nombreuses prises d'eau que j'ai faites sur
plusieurs points du fleuve et à diverses profondeurs, il
m'est arrivé de rencontrer des nappes d'eau contenant
deux fois autant de sel que les couches supérieures;
jai pu constater aussi la différence qui existe entre
l'eau prise au milieu du fleuve et celle puisée sur ses
bords. À Royan, par exemple, l'eau de la grande con-
che contient de moins 5 à 6 p. 100 de sel que l'eau
prise le même jour et à la même heure, soit au milieu
de la Gironde, soit sur les bords de la pointe de Grave.
Mais c'est surtout en remontant le fleuve, et de Talais
à Blaye, que l'inégalité est appréciable.
Vingt opérations faites avec l’eau de la Gironde, prise
sur divers points de son parcours, depuis Cordouan
jusqu'au Bec-d'Ambès, m'ont permis de suivre pas à
pas la marche de l'eau de mer jusqu'à sa disparition
complète dans la Garonne.
Ainsi, un kilogramme d'eau de mer prise à Cordouan,
à haute mer, a laissé, après évaporation complète, un
résidu salin, pesant, bien sec. ........ 35 gr. 905
La mème quantité d'eau, puisée à Ja
pointe de Grave, le mème jour. .....,. 34, 250
29
A Richard, au large, haute mer. ..... 33, 105
À La Maréchale, au large, haute mer. . 13, 767
Vis-à-vis Pauillac, au large, haute mer. 8, 974
Vis-à-vis Blaye, au large, haute mer .. 5, 298
Vis-à-vis La Roque, au large, haute mer. 2, 4107
Au Bec-d'Ambès, au large, haute mer. . 0, 545
A Lormont, l'eau de la Garonne ne contenait le
mème jour que 0,152 de matières salines.
A basse mer, la nature de l'eau de la Gironde est
complétement changée ; l’eau salée, qui arrive jusqu'au
Bec quand la mer est haute, dépasse à peine Pauillac
quand elle est basse; encore y est elle affaiblie, puis
qu'elle ne contient plus, par kilogramme, que 4,035 de
matières salines, au lieu de 8.
À Pauillac, l'eau du fleuve cesse de pouvoir être
utilisée pour les irrigations; elle renferme trop de sel
pour ne pas nuire à toutes autres plantes que les plantes
marines. Aussi, quoique encore chargée des sédiments
alluvionnaires que lui apportent les deux grandes ri-
vières qui l'alimentent, la Gironde ne peut servir sur
toute cette étendue au colmatage du sol; mais depuis
Richard jusqu'au Verdon, on extrait le sel que ces eaux
contiennent, et celte exploitation constitue une des ri-
chesses de la localité.
Toute cette partie du Bas-Médoc, baignée par la
Gironde, manque de bonnes-eaux potables , et le mé-
lange des eaux saumâtres du fleuve avec les courants
d'eau douce, forme des mares d'autant plus dangereu-
ses pour la santé publique, que des myriades d'êtres
organisés, vivant très-bien dans ces eaux isolées, meu-
30
rent promptement dans les eaux mixtes, trop salées
pour les uns, trop douces pour les autres.
On verra par les résultats, comment varie la eom-
position de l'eau du fleuve, depuis le Bec-d'Ambès jus-
qu'à Cordouan. Ainsi qu'il sera facile de s'en convain-
cre, le rapport de l'eau douce à l'eau salée décroit
progressivement jusqu'à l'embouchure du fleuve; mais,
selon toute apparence, il est encore appréciable à une
assez grande distance et dans un rayon très-étendu,
puisque l'eau de mer prise à Arcachon, contient du
sel en proportion beaucoup plus forte que l'eau puisée
à Cordouan, à dix kilomètres de la côte.
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IL — RIVIÈRES.
En général, les eaux des rivières dont le courant
est rapide et le lit sablonneux ou caillouteux, sont pu-
res, et plusieurs d'entre elles contiennent à peine un
dix-millième de leur poids de résidu salin. Les eaux de
ces rivières pourraient donc être regardées comme les
meilleures pour la boisson, si les variations de leur
température et leur opacité accidentelle, n'offraient de
grands inconvénients. Cette extrème pureté les rend
éminemment propres au blanchissage du linge, par la
faculté qu’elles ont de dissoudre le savon sans le gru-
meler.
Comme toutes les eaux combinées à la chaleur, les
eaux de ces rivières possèdent à un haut degré la fa-
culté végétative; mais elles ne rendent aux terrains
qu'elles parcourent aucun des principes que les végé-
taux leur soutirent sans cesse. Elles rafraichissent, hu-
mectent, raniment, mais elles ne nourrissent pas, com-
me le font les eaux troubles et limoneuses chargées de
sédiments minéraux enlevés aux sols argilo-calcaires.
Le département est arrosé par plusieurs rivières,
dont les eaux appartiennent aux deux catégories que
je viens d'indiquer. La Leyre, l'Isle, le Ciron, four-
nissent des eaux limpides et pures, ne contenant des
sels minéraux qu'en faible proportion; la Garonne, la
Dordogne, le Drot, au contraire, charrient et aban-
donnent sans cesse des alluvions réparateurs. Ainsi, si
l'on doit préférer pour la boisson l'eau pure et trans-
35
parente, l'eau limoneuse, chargée de débris organiques
ou minéraux, convient mieux pour les irrigations, les
arrosages et autres travaux agricoles. |
Les rivières du département sont : la Garonne, la
Dordogne, le Drot, lisle, la Dronne, la Leyre et le
Ciron. Nous allons successivement les passer en revue.
Garonne,
Après avoir traversé les trois départements qui lui
empruntent son nom, la Garonne entre dans celui de
la Gironde, un peu au-dessus de La Réole, reçoit le
Drot à Gironde, passe sous Langon et Cadillac, et ar-
rive, grossie d'une foule de ruisseaux, devant la capitale
de la Guienne, qui développe sur sa rive gauche la
majestueuse étendue de ses quais; puis elle s'éloigne
de la grande ville, passe à Lormont, Bassens, Mont-
ferrand, Ambès, et vient enfin joindre ses eaux à cel-
les de la Dordogne, pour former l'immense fleuve dont
nous avons parlé.
Depuis son entrée sur notre territoire jusqu'à sa
jonction à la Dordogne, la Garonne roule constamment
une masse de débris alluvionnels, qu'elle dépose sur
toute l'étendue de cet immense parcours, enrichissant
les berges du meilleur de tous les terreaux ; sa: compo-
-sition chimique varie peu depuis Castets jusqu'au Bec ;
la masse de sels solubles qu'elle renferme est très-mi-
nime, mais les dépôts terreux qu'elle charrie varient
beaucoup selon l'état de l'atmosphère: dans les temps
secs, elle est opaque; après de fortes pluies, elle est
36
trouble et même bourbeuse; ce ‘qui ne permet pas
de l'employer pour alimenter le système hydraulique
dont Bordeaux aurait besoin pour sa nombreuse po-
pulation. -
Prise à Castets, à Langon, à Cadillac, à Bordeaux,
à Lormont, à Bassens et au Bec-d’Ambès, l'eau de la
Garonne, ainsi que nous l'avons déjà dit. ne présente
que de légères différences sous le rapport de la compo-
sition chimique.
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39
EAU DE LA GARONNE.
a
A BASSENS.
HAUTE MER.
Très—trouble; elle laisse déposer
0,725 de vase par litre.
Elle contient par litre :
AU BEC-D'AMBES.
HAUTE MER.
Très —trouble; elle laisse déposer
0,970 de vase par litre d'eau.
Elle contient :
Gaz acide carbonique... 0,0030 Gaz acide carbonique. ........ 0,0025
GATIONIPONE Le cree ne 0,0035 Gaz oxigène...: ............. 0,0038
GAZ OIE EE ah sde eser ce 0,0095 Gaz azote... RCUOCE 0,0092
0,0160 0,0155
pu | eee
Carbonate de chaux........... 0,072 Carbonate de chaux... 0,076
de magnésié., ..... 0,014 de magnésie....... 0,016
Sulfate de chaux..….....,,..... 0,011 Sulfate de chaux... .....…. .… 0,018
de magnésie. .....,.., 0,016 de magnésie. ....... . 0,055
Chlorure de sodium. ......... 0,066 Chlorure de sodium... 0,271
de magnésium. . .,. 0,022 de magnésium... (,076
CBTCAICUM eee 0,010 de calcium. ....,.... 0,010
Silicate d’alumine.. ........... 0,016 Silicate d’alumine............, 0,014
OxIdeIde en Et aude mess ODOÆPMOxIHE TEE... 0,004
Matière organique animalisée. 0,006 Matière organique animalisée. 0,005
Jode , des traces très-légères.
0,237 0,545
ee een nr
Dordogne.
C'est un peu au-dessus de Castillon que la Dordogne
pénètre dans le département de la Gironde. Après avoir
arrosé dans son cours sinueux les rives fertiles du Li-
bournais, longé les communes de Saint-Germain, de
Cubzac, de Fronsac et de Bourg, elle vient méler ses
eaux à celles de la Garonne au Bec-d'Ambès, confluent
de ces deux magnifiques rivières.
Puisée près de la berge et aux pieds des coteaux de
Bourg, l'eau de la Dordogne ne présente pas la même
composition chimique que celle qu'on recueille au mi-
/
40
lieu de sa largeur. Cette différence dans les résultats,
dont je transmettrai plus loin les chiffres, tient, sans
aucun doute, à la force avec laquelle les courants in-
férieurs entrainent l'eau de mer dans la Dordogne. En
effet, l'analyse m'a démontré que l'eau de la Garonne,
à deux kilomètres du Bec, dans les temps ordinaires,
ne contenait que des traces d'eau salée, tandis que
dans la Dordogne, même à dix kilomètres de son em-
bouchure, on en trouve encore des quantités très-ap-
préciables.
Ces résultats sont beaucoup plus sensibles dans l'eau
puisée à une certaine profondeur, que dans celle re-
cueillie à la surface. Cette variation dans la nature des
couches d'eaux tient à la différence de leur densité, et
il n'est pas rare de voir dans la Gironde, ainsi que je
l'ai constaté devant Blaye et devant Pauillac, des mas-
ses d'eau salée montant le fleuve au-dessous de couches
d'eau bien moins salées qu'elles. Cette différence, très-
appréciable à la fin du montant dans la Gironde et dans
la Dordogne lors des grandes marées, est très-tranchée
devant Bourg. En effet, tandis que l'eau prise à haute
mer, sur les bords de cette rivière et à la surface, ne
contenait que 0,282 de matières salines, celle que je
puisais au milieu de sa largenr, vis-à-vis le même point
et à deux mètres de profondeur, en contenait 0,765.
En séloignant du Bec pour remonter vers sa source,
l'eau de la Dordogne s'éclaireit à Libourne; elle est
moins trouble à Coutras; elle est opaline à Castil-
lon; à Sainte-Foy, elle est presque transparente dans
les beaux jours.
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43
Le Drot.
Petite rivière prenant sa source dans le département
de la Dordogne qu'elle parcourt, ainsi que celui du
Lot-et-Garonne; avant d'entrer dans le département de
la Gironde, près de Monségur, elle baigne les murs de
cette ville, et vient se jeter dans la Garonne, près de
Casseuil.
L'eau du Drot est généralement trouble, de couleur
ambrée; sa saveur est un peu marécageuse : après
deux jours de repos à vase clos, elle a laissé déposer
0,062 de limon par litre.
Ainsi dépurée , elle contient :
Gaz acide carbonique. .............. 0,0025
Gaz azote. …..,... HE Lee brie tt 0,0102
GAZIOXIS NE See esscecee sers ee 0,0048
0,0175
Carbonate de chaux.. .......,..,.,,.. 0,087
SUR LE Te CRANXS eee 0,036
Chlorure de sodium.................., 0,042
de caleium.. ..............., 0,027
de magnésium .............. 0,014
Silicate d’alumine. ..............,.... 0,012
OXUE BIEL. starter es-ene 0,005
Matière organique albumineuse....... 0,041
0,264
Cette eau, moins limoneuse que celle de la Dordogne
et de la Garonne, est néanmoins chargée d'une assez
grande quantité de sels calcaires pour qu'on puisse
l'employer aux irrigations; la quantité de matière or-
ganique augmente encore ses propriétés fertilisantes ;
44
mais on ne devrait en faire usage pour la boisson qu'a-
près l'avoir filtrée au charbon, suivant le procédé que
j'indiquerai plus loin.
L'Isle.
La rivière de l'Isle prend sa source dans la Haute-
Vienne, traverse le département de la Dordogne, et
vient arroser ensuite toute la partie du département de
la Gironde comprise entre Saint-Antoine et Libourne,
où elle vient se jeter dans la Dordogne.
L'eau de l'Isle est légèrement ambrée; sa saveur n'a
rien de remarquable; elle est nn peu opaline, et con-
tient moins de matière organique que celle du Drot.
Voici le résultat de l'analyse des eaux puisées à Ab-
zac, à Laubardemont et à Libourne :
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46
S'il était besoin d’un nouvel exemple pour mdiquer
l'action dépurative que le roulement et Tagitation
exercent sur les eaux, Fsle nous le fournirait : colorée,
légèrement marécageuse, chargée de sels calcaires à
Abzac, elle en à déjà perdu plus d’un tiers à Laubar-
demont, et Ja moitié à Libourne; il est vrai que le
pont d'Abzac qui traverse la rivière de l'Isle, venait d’é-
tre terminé depuis quelques mois lorsque les échantil-
lons sur lesquels j'ai opéré ont été puisés, et que le lit
de cette rivière devant Abzac devait être encore garni
de débris de démolition; toujours est-il que dans un
cours de huit à dix kilomètres, sur un terrain sinueux
et accidenté, l'eau de l'Isle a perdu plus du tiers des
corps solubles dont elle s'était saturée sous le pont et
dans les environs d'Abzac.
La Dronne.
Cette petite rivière, qui prend sa source dans le dé-
partement de la Haute-Vienne, n'arrose qu'une faible
partie de notre département, dans lequel elle entre aux
Églisottes, pour aller se réunir presque aussitôt à l'Isle,
un peu au-dessous de Coutras.
L'eau de la Dronne est légèrement colorée; sa saveur est marécageuse, et
elle fournit par l’ébullition de petits globules d'albumine végétale coagulée,
Elle contient par litre :
Gaz acide carbonique. .............., 0,0020
Gaz oxigène. . ....... Dion nec 0,0054
GAL AO Es ss ee es rscarees 0 (EE,
0,0180
Carbonate de chaux. ...,......,..... 0,104
Bulfate de chaux. .............,..... 0,027
Chlorure de sodium, . ..,,,.......... 0,031
de calcium, 2... 0,012
Silice et oxide de fer... ........… 0,014
Matière organique albumineuse. .…... 0,017
0,205
#7
Le Ciron,
Prenant sa source dans le département de Lot-et-
Garonne, le Ciron entre dans le département de la Gi-
ronde près de Captieux; il traverse plusieurs com-
munes de ce canton, se détourne vers Villandraut, et
vient se jeter dans la Garonne; près de Barsac.
L'eau du Ciron coulant sur un sol siliceux et alio—
tique, se charge de la matière soluble de lalios, et
prend une teinte jaune paille assez prononcée; elle
contient peu de sels calcaires, est transparente, rougit
sensiblement le tournesol, et favorise peu la végéta-
tion; c’est de telles eaux qu'on peut dire qu'elles hu-
mectlent et raniment, mais ne nourrissent pas les
végélaux.
EAU DU CIRON.
A VILLANDRAUT. A BARSAC,
PRÈS DE SON EMBOUCHURE.
Elle est de couleur jaunâtre; sa sa- La couleur jaune est bien moins
veur est marécageuse ; son odeur pré sensible; la saveur marécageuse est à
sente aussi quelque chose d’herbacé, peine appréciable.
Elle contient par litre : Elle contient par litre :
Gaz acide carbonique... . 0,0020 Gaz acide carbonique... .... 0,0025
CAZIOXISÈNE: «Echec ODOLD GAZ TOXNIGÈNE. . .. ...eece 0,0052
GATE Te tem DO DB D MRAZ AO, ner eenessesecnre 0,0088
0,0145 0,0165
nl RES me
Carbonate de chaux... . 0,052 Carbonate de chaux... ...... 0,062
Sulfate de chaux............., 0,016 Sulfate de chaux . ........... 0,021
Chlorure de sodium........ .. 0,028 Chlorure de sodium .....,.... 0,027
Silice oxide de fer, ........... 0,012 Silice et oxide de fer... 0,014
Matière organique,'......... .. 0,041 Matière organique... ..... 0,013
0,149 0,137
48
La Leyre,
La Leyre prend sa source dans le département des
Landes, entre dans celui de la Gironde par le canton
de Belin, parcourt le territoire de Belliet, de Lugos,
de Salles, de Mios, de Biganos, du Teich; et après
s'être divisée en deux bras, elle va aboutir au bassin
d'Arcachon.
Le sol que parcourt la Leyre est éminemment sili-
ceux; des sables presque purs forment la base de son
lit; aussi ses eaux sont-elles d’une pureté remarquable ;
et, n'était la matière végétale aliotique qu'elle enlève à
ses berges, ce serait de l’eau pluviale dans toute sa
pureté. Elles sont, du reste, de toutes les eaux cou-
rantes du département, tant superficielles que pro-
fondes, certainement les plus pures.
EAU DE LA LEYRE, A BIGANOS.
Elle contient par litre :
Gaz acide carbonique . ......,...... 0,0015
GAZIOXIZÈNE. 25580 cocotiers 0,0037
GAZON soon . 0,0078
0,0130
Carbonate de chaux. ...............ce 0,022
SUfALE Te CHAUX... eee 0,010
Chlorure de sodium, ..........,..... 0,017
Silice et oxide de fer ............., . DAON
Matière organique un peu albumineuse. 0,018
49
IE. — RUISSEAUX.
L'eau des ruisseaux est généralement moins pure
que l’eau des rivières; son écoulement, moins rapide,
lui permet de se saturer de tous les principes solubles
que lui fournissent en abondance les nombreux végé-
taux qui vivent et meurent incessamment sur le sol
qu'elle parcourt; elle doit done être considérée comme
impropre à la boisson, non qu'elle contienne des sels
minéraux trop abondants ou dangereux, mais en rai-
son de la masse de matières organiques albumineuses
qu'elle renferme. On doit la réserver pour les usages
agricoles; et s'il devenait nécessaire d'en faire usage
pour la boisson, il faudrait préalablement la filtrer au
charbon.
La composition chimique de ces eaux est à peu près
la même sur tous les points du département; les pro-
portions seules varient.
Le département de la Gironde est sillonné par un
grand nombre de ruisseaux. Ne pouvant soumettre
toutes ces eaux à l'analyse chimique, j'ai pris dans
chaque arrondissemeut ceux que leur importance si-
gnalait plus particulièrement à mon attention.
Ainsi, dans le 1% arrondissement, j'ai choisi le
Mouron et la Saye;
Dans le 2, le Lary, la Soulège et le Signol;
Dans le 3°, l'Andouille, la Durèze et l'Engranne ;
Dans le 4°, la Bassane, le Lizos et le Barthoz;
4
50
Dans le 5°, l'Eau Bourde, l'Eau Blanche et la Jalle;
Dans le 6° arrondissement , il n'y à aueun ruisseau
d'eau douce.
4er ARRONDISSEMENT.
LE MOURON.
Le Mouron est le ruisseau le plus
considérable de l'arrondissement de
Blaye; il prend sa source au-dessus de
Saugeon, et se jette dans la Dordogne à
Mercamps, après un trajet de 50 à 55
kilomètres.
L'eau du Mouron est l’une des eaux
courantes du département les plus char-
gées de matières salines. Elle contient
aussi une grande quantité d’albumine
végétale qui la rend impropre à la bois-
son, mais qui doit lui donner une pro—
priété végétative supérieure à celle des
autres cours d’eau,
PRISE AU PONT DE MAGRIGNE, L'EAU DU
MOURON CONTIENT PAR LITRE :
Gaz acide sarbonique..... .. 0,0020
Gaz oxigéne. ..........e se. 0,0045
(CEE one pe nn 000 EE 0,0105
0,0170
Carbonate de chaux... 0,145
Sulfate de chaux.........,.... 0,027
Chlorure de sodium........... 0,056
de calcium. ....... . 0,010
Silicate d’alumine..... .... .. 0,026
Oxide Te En eee 0,006
Matière organique albumi-
NAT TA 0ade 020 Hidonsannes 0,034
0,304
LA SAYE.
Moins considérable que le Mouron,
la Saye prend sa source aux confins du
département de la Charente, et, après
un cours de 60 kilomètres, vient se je-
ter dans l'Isle, au port de Girard.
La Saye baïignant des rives sur les-
quelles croissent une grande quantité de
plantes aquatiques, ses eaux ont une
odeur et une saveur marécageuse très—
prononcées; elles sont moins chargées
de matières salines que le Mouron.
EAU DE LA SAYE PRISE A DEUX KILOMË—
TRES DU PORT DE GIRARD,
Par litre :
Gaz acide carbonique... 0,0020
Gaz oxigène... ...... descere 10 O0AT
Gaziaztte eee 0) DLIOS
0,0175
Carbonate de chaux........ 0,068
Sulfate de chaux......,..... 10 016
Chlorure de sodium. ........ 10,097
de calcium. .…......…. 0,020
Silicate d’aumire, oxide de
DER er cooutos 9e Aéarné 0,024
Matière organique albumi-—
NOUS. eee 10020)
0,191
)
2e ARRONDISSEMENT.
LE LARY.
Eau colorée en jaune—verdâtre ; sa—
veur fade herbacée ; dépose, par le re—
pos, des particules terreuses !.
Gaz acide carbonique... 0,0025
GALIOLISÈNE Sense este tic 0,0065
CAAAZ ONE See RU 0,0115
0,0205
Carbonate de chaux. . 0.122
Sulfate de chaux... ........... 0,022
Chlorure de sodium........... 0,051
Silicate d’alumine et oxide de
MALTE con aca OeSeE 0,035
Matière organique albumi—
MÉUSE Re de tue en 0,027
0,260
LA SOULÈGE,
A CAPLONG.
Eau trouble; dépose un sédiment de
couleur jaunâtre ; saveur herbacée.
Gaz acide carbonique... 0,0050
Gaz oxigène. ....... Sera se 0,0048
GAZ AAA IR ne cocncer eee doc 0,0102
0,0180
Carbonate de chaux... ....... 0,102
Sulfate de chaux .......... …. 0,037
Chlorure de sodium... ....., 0,028
de calcium. .. ......, 0,023
Silicate d’alumine et oxide de
TON cette ete se eee den SI 0,017
Matière organique albumi—
RENSE er enee M Hobce 0022
0,229
EE
LE SÉGNOL,
A
Eau sensiblement
MARGUERONe
opaque; légère teinte
roussâtre, saveur herbacte; contient un peu
d'albumine végétale.
Gaz acide carbonique. ..........,..... 0,0025
GATIOLIEÉNENA RE ere en .…. 0,0050
GAZ AZOIE eee den COCO OO Une. 0,0110
0,0185
Carbonate de chaux... .. en einen e 0,073
SUCRE CHAUX ne ES 0,017
Chlorure de sodium. . ............... 0,021
decalCiUnte.s 20e DH 0,013
Silicate d’alumine et oxide de fer... 0,021
Matière organique albumineuse...... 0,028
0,173
Re mr
? Pour éviter les redites, nous croyons devoir prévenir que tous nos chiffres
se rapportent à un litre d'eau. Il est bien entendu aussi que l'évaluation des gaz à
pour unité le litre, et le poids des matières salines le gramme,
5e ARRONDISSEMENT.
L'ANDOUILLE,
À ROQUEBRUNE.
Couleur jaune-verdâtre, Saveur et
odeur marécageuses.
Gaz acide carbonique ........ 0,0030 Gaz oxigëne........... de
Gaz OXISÈNE, sers sssnere 0,0045 Gaz azote. ...... +...
Gaz azote. ...…. si désrese ....… 0,0120 Carbonate de chaux.......... 0,113
—— Sulfate de chaux......... +... 0,021
0,0195 Chlorure de SOdIUM. see se 0,037
——— Silicate d'alumine............. 0,024
Carbonate de chaux........... 0,067 Matière organique albumi-—
Sulfate de chaux... ............ 0,041 UT Rte OA UPS
Chlorure de sodium. ... ..... 0,046 Oxide de fer.......s ++... 0,005
de calcium... ....... 0,024 re
Azotate alcalin, des traces. 0,238
Silice et oxide de fer.......... 0,021 RTE)
Matière organique très-albu—
MINEUS. ...sssorvoneree 10042
0,241
EE el
L'ENGRANNE,
LA DUREZE,
A LISTRAC.
Eau limoneuse , saveur marécageuse.
Gaz acide carbonique.
PRÈS SAINT—GENISe
Couleur ambrée, saveur et odeur
marécageuses.
Gaz acide carbonique. 4e
Gaz OXIQÈNE,. ses : daurres
Gaz 22016... eere ECO
Carbonate de chaux........... 0,094
Sulfate de Chaux... 0,037
Chlorure de sodium. .......... 0,040
de calcium. ......... 0,014
Silice et oxide de fer...... ... 010LC
Matière organique peu albu—
MINEUSE, .e ose
Dee NRA DER
4e ARRONDISSEMENT.
LE LIZOS,
A AILLAS,.
Eau limpide, un peu colorée en
jaune; se trouble légèrement par l’é—
bullition.
Gaz acide carbonique... ..... 0,0020
(AAOXILÈNEN 2. ssnece-eeree 0,0047
MAZIAZOIB: 22e cn oecnreee 0,0123
0,190
Carbonate de chaux. ....... . 0,081
Sulfate de chaux........... 0,035
Chlorure de sodium.........…. 0,044
Silicate d’alumine. ........... 0,013
TRUE AA BE open an doc 0,006
Matière organique albumi-
MENSOr er ere are seneriee 0,018
0,197
LA BASSANE.
Eau légèrement opaque et jaunâtre,
sans saveur ni odeur.
Gaz acide carbonique. ........ 0,0020
CAMOXIPENE ES ere ee-e-eee 0,0045
(CEVA EVE = Odossaoccucocoacne 0,0115
0,0180
———
Carbonate de chaux.......... 0,105
SUIALE ENCHAUX-- 2e... e 0,042
Chlorure de sodium. ......... 0,037
de calcium. ......... 0,021
Silicate d’alumine et oxide de
LOS eee eneraessoie 0,022
Matière organique albumi-—
Een Too ob na acouse 0; 017
0,244
LE BARTHOS,
A LAVAZAN,
Eau sensiblement opaque;
cageuse prononcée.
saveur maré—
Gaz acide carbonique........... ...., 0,0025
ÉTAT EN Ra Mondeo so on roue . 0,0048
CA AZOIE een rente rence 0,0122
0,0195
Carbonate de chaux........ ...-... 0,089
SULALENAELCHAUXS--e esseesseeeestese 0,036
Chlorure de sodium.................,, 0,054
UE CAICIUME encres 0,022
Silice et oxide de fer. -..... ......... 0,031
Matière organique albumineuse..….... 0,026
0,258
5e ARRONDISSEMENT.
L'EAU BOURDE,
A CANÉJEAN,
Légerement opaque, sans saveur ni
odeur marquées.
L'EAU BLANCHE,
A LÉOGNAN.
Plus opaque que la précédente ; odeur
marécageuse.
Gaz acide carbonique,. | quantité Gaz acide carbonique... } quantité
Air atmosphérique... \indéterminée. Air atmosphérique... | indéterminée.
Carbonate de chaux... ........ 0,103 Carbonate de chaux... .. 0,128
Sulfate de chaux.............. 0,022 Sulfate de chauxs.....1.... 0,027
Chlorure de sodium... .... 0,071 Chlorure de sodium .......... 0,078
Silice et oxide de fer... 0,017 Silice et oxide de fer... 0,022
Matière organique extractive. 0,026 Matière organique albumi—
7 0,239 HOUSE. , re SDDOBOT à ee D, OSEE
FT RSS 0,289
LA JALLE
DE BLANQUEFORT.
L'eau de la Jalle de Blanquefort est de cou-.
leur ambrée ; elle est transparente, a une saveur
herbacée et point d’odeur.
Gaz acide earbonique.…
(AZ OXISÈNE. suce -
(CHANCES EEE
Carbonate de chaux...
Sulfate de chaux...
Chlorure de sodium...
DRAC EE
CCNEPEEEEEEEEE
nsosess sus.
Matière organique peu albumineuse..
Fes sacsranee 0,0020
se 0,0046
AE eee 0) OO
0,0170
0,058
0,024
0,035
0,015
0,032
0,164
6e ARRONDISSEMENT.
(Nous avons dit qu'il ne renferme aucun ruisseau remarquable ).
FU
29
IV. — SOURCES ET FONTAINES.
Les sources qui jaillissent à la surface du sol sont
nombreuses dans le département; toutes fournissent
des eaux potables de bonne qualité, mais toutes ne sont
pas remarquables.
J'ai négligé les moins importantes pour ne m'oceu-
per que de celles qui m'ont été signalées pour leur pu-
reté, leur abondance ou les services qu'elles rendent.
4 ARRONDISSEMENT.
Blaye.
Cet arrondissement est divisé en quatre cantons,
qui ont pour chefs-lieux Blaye, Bourg, Saint-Savin et
Saint-Ciers-Lalande ; il est baigné par la Dordogne et
la Gironde, et traversé par deux autres cours d'eau,
le Mouron et la Saye.
Quelques fontaines publiques remarquables et un
grand nombre de puits y fournissent l'eau nécessaire
aux besoins domestiques et à la boisson. Nous ne nous
occuperons, dans ce chapitre, que des eaux de sour-
ces ou de fontaines.
Blaye, chef-lieu de l'arrondissement, possède l'une
des fontaines les plus abondantes du département; elle
fournit, par six cannelles de 6 centimètres d'ouverture
chacune, une eau limpide, agréable, sans odeur ni
couleur, marquant de 9 à 10 degrés au thermomètre
56
centigrade, l'air étant à 24; elle suffit amplement à la
boisson des habitants de la ville, et alimente un lavoir
public, très-vaste, dont les eaux se rendent dans le
fleuve. En voici l'analyse :
Gaz acide carbonique. ......... ...., 0,0190
Air atmosphérique......... eteccenose 0,0030
0,0220
Carbonate de chaux............,.,... 0.165
Sulfate de chaux... 0,020
Chlorure de sodium.................. 0,048
Silice et oxide de fer............. ... 0,017
Matière organique , des traces.
Aucune trace d’iode.
BourG. — La population de Bourg fait usage pour
boisson de l'eau d'une fontaine placée au bas du coteau
sur lequel est bätie la ville, non loin des bords de la Dor-
dogne. Cette fontaine coule par quatre cannelles, de
trois centimètres d'ouverture, et fournit en toute saison
une eau fraiche et limpide, exempte d'odeur et de cou-
leur; elle suffit non-seulement à la boisson des habi-
tants, qui reconnaissent sa supériorité sur l'eau de
leurs puits, mais encore, comme la fontaine de Blaye,
elle alimente un beau lavoir couvert, très-bien disposé,
dont les eaux s'écoulent dans la Dordogne.
Cette eau, qui parait d’une grande fraicheur en été
et tempérée en hiver, marque de 9 à 10 degrés au
thermomètre centigrade.
GAURIAC.— La pelite ville de Gauriac est privée de
fontaine publique; la population n'emploie pour sa
boisson que l'eau de puits. Cette commune renferme
57
cependant de petites sources superficielles, peu abon-
dantes il est vrai, mais dont l'eau est bien supérieure
à l'eau des puits de l'endroit.
FONTAINE DE BOURG. SOURCE DE GAURIAC.
Gaz acide carbonique. ........ 0,0220 Gaz acide carbonique. . ..…., 0,0165
Air atmosphérique. ........... 0,0020 Air atmosphérique. .......... 0,0035
0,0240 0,0200
Carbonate de chaux. .. ...... 0,307 Carbonate de chaux, ........., 0,268
Sulfate de chaux ............. 0,057 Sulfaté de chaux..........,,., 0,062
Chlorure de sodium. .......... 0,065 Chlorure de sodium.......... 0,084
de calcium... .......…. 0,062 de calcinm cree. 0,013
Silice et oxide de fer........… 0,017 Silice et oxide de fer... 0,012
Matière organique, des traces. Matière organique... ........ 0,006
0,508 0,445
BAyoN.— Comme la commune de Gauriac, celle de
Bayon est privée de fontaine publique; les babitants ne
font usage pour leur boisson que d'eau de puits, bien
qu'il se trouve à peu de distance du bourg de belles et
bonnes eaux de sources.
Voiei l'analyse de ces dernières eaux, puisées dans le
domaine de M. de Chataignier :
SOURCE DU SOL, FONTAINE DU CAILLOU.
Gaz acide carbonique. ........ 0,0195 Gaz acide carbonique. . ....... 0,0200
Air atmosphérique, ......,.... 0,0025 Air atmosphérique... 0,0025
0,0220 0,0223
>arbonate de chaux. ......... 0,195 Carbonate de chaux.. ........ 0,170
Sultate de chaux......... .... 0,045 Sulfate de chaux............... 0,110
Chlorure de sodium. ...... .…, 0,036 Chlorure de sodium. ...,..... 0,090
de calcium... ...... . 0,014 de calcium, .... 2... 0010
Silicate d’alumine............. 0,020 Silice et oxide de fer........,. 0,015
Oxide de fer et matière orga— Matière organique. ....,..,.... 0,008
nique. .. dr-hpmera ee seee 0,906
AE DEe 0,403
08
ÉTAULIERS, — Au centre du bourg d'Étauliers, dans
la propriété de M. Perrault, il existe une fontaine
très-abondante, dont l'eau jaillit à trois mètres du sol,
et est retenue dans un bassin d'où elle se répand en-
suite dans la propriété, et sert à des irrigations ; elle
jouit dans la contrée d’une grande réputation, non-
seulement à cause de sa fraicheur et de son abondance,
mais aussi parce qu'elle renferme une petite quantité de
crénate de fer, qui lui donne une propriété appéritive
et emménagogue; aussi est-elle recherchée des per-
sonnes qui ont une tendance à la chlorose. Comme
toutes les eaux minéralisées par le crénate de fer, l'eau
de la source de M. Perrault est légèrement atramentaire
en sortant de la source; mais cette saveur disparait
bientôt sous l'influence de l'air et de la lumière qui
décompose le sel ferreux; l'oxide métallique se dépose
sous forme d’une matière ocracée, et l'eau devient alors
excellente au goût, car elle est d'ailleurs d'une grande
pureté. Ainsi, celte eau, à sa source, est une eau miné-
rale dont les effets sont remarquables, et quelques heu -
res après avoir été puisée, elle est potable et de très-
bonne qualité.
SAINT-SA VIN. — À l'entrée du bourg de Saint-Savin,
on remarque plusieurs sources jaillissant au niveau
du sol, au pied d'un coteau pen élevé, d'où elles sem-
blent provenir. La plus considérable de ces sources est
eelle dite de la Garenne; ses eaux alimentent un la-
voir public avant de se perdre dans un vaste fossé,
qui la conduit dans les propriétés voisines : elles sont
59
d'une fraicheur remarquable, leur température n'étant
que de 8 degrés ‘/, quand l'air est à 24; leur limpidité
est parfaite, leur saveur franche et agréable; on pour-
rait à peu de frais les conduire sur la place de Saint-
Savin, et procurer par là aux habitants une boisson
aussi agréable que salubre.
SOURCE DE M. PERRAULT. SOURCE DE LA GARENNE.
Gaz acide carbonique. ........ 0,0110 Gaz acide carbonique... 0,0165
Air atmosphérique... . ...., 0,0015 Air atmosphérique .......,... 0,0020
0,0125 0,0185
Carbonate de chaux....,..... 0,042 Carbonate de chaux... ...... 0,162
Sulfate de chaux.............. 0,007 Sulfate de chaux. ........... 0,037
Chlorure de sodium.......... 0,034 Chlorure de sodium... ........ 0,062
MIENATÉ TO MENe rence 0,021 Silice et oxide de fer... 0,016
Silice et matière organique... 0,022 Matière organique... 0,004
0,126 0,281
2e ARRONDISSEMENT.
Libourne.
L'arrondissement de Libourne, le plus fertile et l'un
des plus riches et des plus peuplés da département,
est divisé en neuf cantons, ayant pour chefs-lieux Li-
bourne, Brannes, Castillon, Coutras, Sainte-Foy, Fron-
sac, Guitres, Lussac et Pujols. Il est arrosé par trois
rivières navigables, l'Isle, la Dronne et la Dordogne,
et par un grand nombre de ruisseaux dont nous avons
déjà parlé. Indépendamment de ces cours d'eaux, le
deuxième arrondissement renferme un grand nombre
60
de sources superficielles ou fontaines, que nous allons
passer successivement en revue.
Libourne, chef-lieu de l'arrondissement, est, après
Bordeaux, la principale ville du département; sans
avoir des fontaines élégantes, elle a l'inappréciable
avantage d'être pourvue d'excellentes eaux, qu'elle dis-
tribue dans ses divers quartiers à l'aide de fontaines à
pompe d'une grande simplicité. Il est facheux qu'étant
située sur la Dordogne et au confluent mème de la ri-
vière de l'Isle, elle n'ait pas augmenté son système hy-
draulique de l'eau nécessaire à l'irrigation de ses rues
et de ses marchés.
Émule de notre cité, Libourne ne voudra pas rester
en arrière de Bordeaux, qui va enfin se voir doté d'un
système hydraulique complet.
Ses fontaines, ses puits nombreux, suflisent sans
doute aux besoins domestiques ; mais un chàteau-d'eau,
placé sur le point culminant de la ville, lui est indis-
pensable pour ses aqueducs et ses bas quartiers.
L'eau des fontaines publiques et celle des puits est,
à peu de chose près, identique, ce qui fait supposer
qu'ils sont alimentés par la même nappe d'eau. L'eau
de la source des lavoirs fait exception; elle est remar-
quable par sa pureté.
61
EAU DES FONTAINES DE LIBOURNE.
FONTAINE DE LA HALLE.
Marque 12 degrés, l'air étant à 24.
Saveur fraîche, agréable, limpidité
parfaite; sans odeur ni couleur.
Gaz acide carbonique. ........ 0,0175
Air atmosphérique. .....,..... 0,0020
0,0195
Carbonate de chaux... ....... 0,237
Sulfate de chaux........,..... 0,042
Azotate de potasse............ 0,026
Chlorure de sodium ........ 0,031
Silice et oxide de fer. ........ 0,012
Matière organique... 0,007
0,355
RS
SOURCE DES LAVOIRS.
Fraîche, agréable, limpide, sans
odeur ni couleur.
Marque 10 degrés ‘/,, l'air à 24.
Gaz acide carbonique... 0,0165
Air atmosphérique......... 7 10:0025
0,0190
th
Carbonate de chaux........... 0,158
Sulfate de Chaux ee... 0,072
Chlorure de sodium........... 0,018
de calcium......... 0,012
Silice et oxide de fer... ……, 0,011
Matière organique. . ......... 0,006
0,277
SAINT-ÉMILION. — Petite ville fort ancienne, aussi
FONTAINE
DE LA RUE DE GUITRES.
Mèmes caractères physiques que celle
de la fontaine de la Halle.
Marque 11 degrés ‘/,, l'air à 24.
Gaz acide carbonique. ....... 0,0170
Air atmosphérique. .. ........ 0,0020
0,0190
Carbonate de chaux.......... 0,213
Sulfate de chaux.............. 0,047
Azotate de potasse............ 0,028
Chlorure de sodium .... ..... 0,026
Silice et oxide de fer.. … 0,015
Matière organique............ 0,008
0,337
FONTAINE REDEUILH,
Saveur agréable , limpidité parfaite,
Marque 10 degrés ‘/..
Gaz acide carbonique. .…....... 0,0135
Air atmosphérique............ 0,0035
0,0170
Carbonate de chaux... 0,105
Sulfate de chaux... ..... 0,075
Azotate de potasse. ....... 0,042
Chlorure de sodium... “ne OU:
de calcium... ....... 0,053
Silice et oxide de fer. ........ 0,018
Matière organique ............ 0,008
0,339
CE REA
remarquable par sa position pittoresque que par la
62
bonté de son vin, l'abondance et la pureté de ses eaux.
Elle renferme deux fontaines publiques : l'une, la prin-
cipale, coule des ruines de l'ancien Château du Roi,
par deux cannelles de quatre à cinq centimètres d'ou-
verture; elle fournit une eau fraiche, limpide, d'une
saveur agréable, qui alimente un vaste lavoir; l'autre,
un peu moins abondante, se nomme la Fontaine de la
Place : l'eau qu'elle débite est aussi limpide, mais moins
fraiche que la première; elle se répand dans la grande
rue, dont elle lave le pavé, y entretenant en été une
fraicheur aussi agréable que salutaire. Ces deux fon-
taines suffisent, et au delà, à tous les besoins de la po-
pulation.
FONTAINE DU ROI FONTAINE DE LA PLACE.
Marque 9 degrés, l'air étant à 25. Marque 10 degrés, l'air étant à 25.
Gaz acide carbonique. . ..... 0,0160 Gaz acide carbonique. ........ 0,0170
Air atmosphérique. …....... . 0,0025 Air atmosphérique... .. .… . 0,0025
0,0185 0,0195
Carbonate de chaux.........., 0,156 Carbonate de chaux. .......…. 0,302
SUP ITENCNAUX eee ee 0,047 Suliate de chaux ............. 0,045
Azotate de potasse............ 0,028 Azotate de potasse..........…. 0,021
Chlorure de sodium, . ... .... 0,021 Chlorure de sodium... 0,025
TETCAICIUM Eee. 0,030 de calcium. ......... 0,014
Silice et oxide de fer... 0,023 Silice et oxide de fer.......... 0,009
Matière organique... ........ 0,008 Matière organique... ........ 0,005
0,313 0,421
BARON. — Ce petit bourg ne renferme aucune fon-
taine publique, bien qu'il existe dans la localité une
foule de sources superficielles dont les eaux sont bien
supérieures à celles des puits.
63
SOURCES SUPERFICIELLES DE LA PROPRIÉTÉ S.....,
A BARON.
Fraîche, agréable, limpide, sans odeur ni couleur.
Marque 10 degrés, l'air étant à 22.
Gaz acide carbonique
Air atmosphérique.
Carbonate de chaux. .….
Sulfate de chaux...
Chlorure de sodium,
Silicate d’aluinine, .,...
OxITONTE DEEE. re.
Matière organique...
DEREEEEEEEEEC
tsssssrsrssse
CCE ECO
0,0165
0,0025
0,0190
0,157
0,092
0,083
0,037
0,007
0,011
CASTILLON. — Castillon possède un assez grand nom-
bre de fontaines dont l'eau,
d'excellente qualité, suflit
à la boisson des habitants; avantage d'autant plus im-
portant pour la population, que l'eau des puits de la
localité est fort mauvaise.
Les trois fontaines principales sont : la fontaine Pey-
ronin, celle de Lagrave et celle de Tranchard , dont les
eaux abondantes et pures réunissent toutes les qua-
lités désirables.
FONTAINE LA GRAVE,
Limpide, incolore, inodore; saveur
fraiche, agréable.
Marque 10 degrés, l'air étant à 22.
Gaz acide carbonique... 0,0190
Air atmosphérique. .......... 0,0020
0,0210
Carbonate de chaux... OA 5)
Sulfate de chaux... .......... 0,085
Azotate de potasse......... .. 0,013
Chlorure de sodium.......... 0,085
de calcinmM...-...... 0,017
Silice et oxide de fer. ..... - 0,008
Matière organique. . ....,..... 0,005
FONTAINE TRANCHARD.
Limpide, fraîche, agréable.
Marque 9 degrés ‘/,, l'air étant à 22.
Gaz acide carbonique. ....... 0,0170
Air atmosphérique, ,....... . 0,0020
-0,0190
Carbonate de chaux........... 0,068
Sulfate de chaux....,........ 0,021
Azotate de potasse...……. .. , 0,025
Chlorure de sodium........... 0,027
Silice et oxide de fer... 0,013
Matière organique...........…. 0,008
0,162
Cette eau est l’une des meilleures du
département,
ü4
FONTAINE PEYRONIN.
Légère, agréable, limpide.
Marque 10 degrés, l'air étant à 22.
Gaz acide carbonique... ............, . 0,0170
Air atmosphérique, .................. 0,0020
0,0190
nl
Carbonate de chaux. ......... te DAUON
SulEIIE TE CHAUR eee ee ee eines 0,031
Azotale de pOtASSe.. ss. . 0,028
Chlorure de SOdiUM, . esse... 0,046
Silice et oxide de fer... sessessree 0,016
Matière organique... recticto ce 0,008
0,226
courras. — Le canton de Coutras, arrosé par deux
peutes rivières, la Dronne et l'Isle, est le plus fertile de
l'arrondissement. Vu du haut des coteaux qui bordent
la rivière de l'Isle, la plaine de Coutras présente l'as
pect le plus pittoresque et le plus ravissant; les sinuo—
sités de l'Isle, la richesse des päturages, la variété des
cultures, tout dénote l'un de ces terrains privilégiés où
se trouvent réunis la qualité du sol et l'abondance des
eaux qui le vivifient. Ce canton joint à tant d'avanta-
ges celui de posséder des eaux délicieuses qui jaillissent
sur presque tous les points, et s'écoulent dans lune
des deux rivières qui le traversent, après y avoir ré-
pandu la fraicheur, la fertilité, la vie.
La petite ville de Coutras renferme un grand nom-
bre de sources superficielles appartenant toutes à la
même nappe d'eau, de telle sorte qu'en analyser une,
cest, à peu de chose près, connaitre la nature de
toutes les autres. Nous allons indiquer les résultats
65
de l'analyse de la source ou fontaine Vidal, située au
centre de la grande rue, comme type de l'eau des fon-
taines de Coutras.
FONTAINE VIDAL, A courras.
Abondante, pure, fraiche, agréable.
Marque 10 degrés, l'air étant à 23.
Gaz acide carbonique. .............. 0,0170
AITMAUMOSDHÉTIQUE er ee ec seeetee 0,0020
0,0190
Carbonate dECHANX.. es mcaceccee 0,075
SUITE TE ICHAUX Sac, ee :... 0,029
A0tate AR NOLASSE MAT. . Meme ec este 0,026
Chlorure Kde/sodiumi "22... 0,041
Silicexetoxideiderfer.. 5... 5... 0,016
Matière lONGANIQUEL EEE ..-Lemesessces 0,002
0,189
SAINTE-FOY. — La ville de Sainte-Foy ne renferme
dans son enceinte proprement dite, aucune fontaine
jaillissante; mais on à établi sur quelques points, no-
tamment à chacun des angles de la grande place, des
puits-fontaines qui servent aux besoins domestiques et
à la boisson. L'eau de ces puits-fontaines rentrant dans
la catégorie des eaux profondes, nous aurons à les
examiner plus loin. Je me bornerai ici à faire connai-
tre les résultats de l'analyse de l'eau de la fontaine de
la Porte de Bergerac, seule source superficielle que
possède Sainte-Foy.
CADILLAC-SUR-DORDOGNE. — Le petit bourg de Ca-
dillac ne possède aucune fontaine publique; les habi-
tants font exclusivement usage d'eau de puits. Toute-
fois, à peu de distance du bourg, dans la propriété du
66
Branda, appartenant à M. de Vassal, il existe une fon-
taine abondante très-renommée, dont j'ai voulu ana-
lyser les eaux.
FONTAINE DE LA PORTE DE FONTAINE DU BRANDA,
BERGERAC, A SAINTE-FOY. A CADILLAG-SUR- DORDOGNE.
Limpide, fraîche, agréable au goût, Saveur fraîche, agréable, limpidité
mais peu abondante. parfaite, Sans odeur ni couleur.
Gaz acide carbonique. .. .... 0,0160 Gaz acide carbonique. …...… 0,0125
Air atmosphérique... ...... 0,0020 Air atmosphérique... 0,0025
0,0180 =
Carbonate de chaux........... 0,250
Sulfate de chaux... .......... 0,067 Caïbonate de chaux. . ........ 0,218
Aolate de potassé.......... 0,031 Sulfate de chaux. .... ....... 0 085
Chlorure de sodium.........…. 0,127 Azotate de potasse..…........ 0,026
Silice et oxide de fer... 0,014 Chloruré de sodium.,....... 0,112
Matière organique. .…......... 0,002 Silice et oxide de fer... 0,019
0,491 Matière organique... ......... 0,008
0,468
Rien de remarquable dans la nature chimique de
l'eau de la fontaine du Branda, ne vient justifier la ré—
putation dont elle jouit dans la localité.
GUITRES. — Bàli sur un coteau au confluent de l'Isle
et du Lary, Guitres possède deux fontaines publiques ,
dont lune est due à la munificence de M. le duc de
Caze. L'eau de ces fontaines n'est pas de très-bonne
qualité ; elle est loin de valoir celle de la fontaine Grin-
champ, située à quelque distance du bourg. L'eau de
celle-ci jaillit par deux cannelles de trois à quatre cen-
timètres d'ouverture, et alimente un lavoir; sa saveur
est fraiche et agréable, et sa température est à 9 de-
grés ‘/,, l'air étant à 24,
67
EAU DE LA FONTAINE DE CAZE, ANCIENNE FONTAINE
A GUITRES. DE GUITRES.
Gaz acide carbonique... 0,0170 Gaz acide carbonique. ..…...... 0,0165
Air atmosphérique... ...,...... 0,0020 Air atmosphérique ........... 0,0020
0,0190 0,0185
Carbonate de chaux... 0,416 Carbonate de chaux... ...... 0,385
SULATE TE CHAUX... se 0, LE 10 SUIFAIE HE CHAUX à cesser ce ce 0,168
Azotate calcaire. .......,,... .. 0,048 Azotate calcaire... F8 Mo ote 0,056
Chlorure de sodium... ...., .. 0,052 Chlorure de sodium .......... 0,062
de calcium... ....... 0,021 de calcium. ......... 0,028
Silice et oxide de fer. ..…....… 0,022 Silice et oxide de fer. ..,...., 0,017
Matière organique. ........... 0,007 Matière organique. ..... ..... 0,005
0,753 0,721
EAU DE LA FONTAINE GRINCHAMP,
PRÈS GUITRES.
Gaz acide carbonique......,...,..,... 0,0160
Air atmosphérique. .. … ER canne 0,0025
0,0185
Carbonate de chaux. ............. …. 0,207
DUATEITEENAUXR pere ces 0,088
AZOTA EME PDLASSE Mr eee 0,052
Chlorure de sodium. . .......... hace 0,162
SIC EL OxIUE A6 FE. esse me 0,014
Matière organique... dinaretite 0,006
0,529
LUSSAC occupe une position très-agréable sur un
plateau élevé, entouré de ruisseaux et de riants val-
lons. Si le bourg ne renferme aucune fontaine, on en
trouve à peu de distance plusieurs qui fournissent des
eaux d'excellente qualité; nous avons surtout remarqué
les fontaines de Piquot et de Picampot : la première,
68
de forme carrée, de construction antique, bâtie à mi-
coteau, au centre d'une prairie qu'elle irrigue dans
tous les sens, fournit une eau limpide, pure, agréable au
goût. La deuxième, à quelques centaines de mètres de
celle-ci, est plus abondante encore ; elle est aussi, frai-
che, agréable, limpide, mais elle contient un peu plus
de sels calcaires et de matière organique.
FONTAINE DE PIQUOT,
PRÈS LUSSAC
SOURCE DE PICAMPOT,
ALIMENTANT UN LAVOIR, PRÈS LUSSAC,
Gaz acide carbonique......... 0,0170 Gaz acide carbonique. 0,0160
Air atmosphérique. ........... 0,020 Air atmosphérique. ........... 0,0020
0,0190 0,0180
Et —— a
Carbonate de chaux... 0,201 Carbonate de chaux. ........…. 0,258
Sulfale de chaux. ............… 0,032 Sulfate de Chaux. see ce. 0,018
Chlorure de sodium........... 0,018 Ayzotate de potasse..…...... 00002
Silice et oxide de fer.......... 0,016 Chiorure de sodium........... 0,022
Matière organique. ......….. 0,005 Kilice et oxide de fer... ..... 0,024
Matière organique .....,..... 0,009
0,272
HE 0,383
pa |
PUYSSEGUIN. — Commune rocheuse, fournissant d'ex-
cellentes pierres et des argiles d'une: grande pureté.
C'est sans doute à la présence des couches argileuses
nterposées dans les bancs calcaires, qu'il faut attri-
buer la bonne qualité des eaux de ses puits, bien supé-
rieures à celles des puits des environs. Sur le bord de
la route, et à peu de distance du bourg, il existe une
petite fontaine dont l'unique cannelle fournit cons-
tamment une eau pure et limpide.
69
EAU DE LA PETITE FONTAINE
DE PUYSSEGUIN,
Gaz acide carbonique.........,....... 0,0130
Air atmosphérique. ..........,...... 0,0015
0,0145
Carbonale de CHAUX M. esse oscse 0,107
SALE TE ACRAUXS 22-20-12 se 0,096
AOC IAE ICRA Me remesedeneseeee ee 0,032
Chlorure: de) sodium. ................, 0,085
Silicate d'AlUMINC..... eee 0,015
Oxide de fer et matière organique... 0,012
0,347
5° ARRONDISSEMENT.
La Réole.
L'arrondissement de La Réole est divisé en six can-
tons, qui ont pour chefs-lieux : La Réole, Saint-Ma-
caire, Monségur, Pellegrue, Sauveterre et Targon.
Bien qu'arrosé sur plusieurs points par le Drot, la Ga-
ronne et plusieurs de leurs petits affluents, le sol est
généralement plus sec dans cet arrondissement que
dans le reste de la Gironde. Ce fait trouve son explica-
tion, tant dans la topographie du pays que dans la na-
ture perméable du terrain, qui le rend moins propre à
conserver l'humidité; aussi les sources sont-elles géné-
ralement peu nombreuses, et les puits profonds.
Chef-lieu de l'arrondissement, la ville de La Réole,
bàtie sur un tertre élevé, ne renferme aucune fontaine
remarquable; celles qui servent aux besoins de la po-
70
pulation sont de triste apparence et fournissent peu
d'eau; encore est-elle de qualité inférieure. Mais il
existe à quelque distance de La Réole une source qui
jaillit à trente ou quarante centimètres du sol, et four-
nit une eau abondante et pure; on la nomme la fon-
taine du Turon; elle jouit dans la contrée d'une cer-
taine réputation, en raison sans doute de la pureté,
de ses eaux, qui est, en effet, remarquable.
SAINT-MAIXANT, petite commune située partie sur
le coteau littoral, partie dans la vallée de la Ga-
ronne, renferme quelques sources et des puits nom-
breux; les sources jaillissent du coteau; l'eau qu'elles
donnent est fraiche, limpide, d'une saveur franche et
agréable. En voici l'analyse :
FONTAINE DU TURON. EAU DE SOURCE
PUISÉE AU CHATEAU DE LAVISON, PRÈS
Marque 10 degrés, l'air étant à 24.
SAINT-MATXANT.
Saveur fraiche, agréable, limpidité
parfaite ; sans couleur ni odeur. Gaz acide carbonique... .. 0,0160
Gaz acide carbonique. ...... . 0,0160 Air atmosphérique... 0,0020
Air atmosphérique... .. ..... 0,0020 0,0180
0:0160 Carbonate de chaux... . .... 0,177
Carbonate de chaux. ......... 0,270 SPRETETE cuux hrorminr 06e
SR ; Chlorure de sodium. . ........ 0,054
Sulfate de chaux..……...,...... 0,081 Sd 0.014
Chlorure de sodium... ...., UMTS EE UE CSC SRE :
ea le 0.038 Silice et oxide de fer..…........ 0,016
Silicate d’alumine..….... ..... 0,032 RARETE BABA AR RES RM
Oxide de fer et matière orga— 9
DES SRB 0 ne aone 0,011 mir
0,584
tes
MONSÉGUR. — Ce canton est traversé par le Drot et
par plusieurs petits ruisseaux; le plus considérable est
71
l'Andouille, qui prend sa source dans le département
du Lot-et-Garonne.
La petite ville de Monségur, située au sommet d'un
coteau qui domine la vallée du Drot, possède une fon-
taine publique, qui fournit à la population nne eau
d'excellente qualité; l'excédant alimente un lavoir vaste
et bien entretenu.
L'eau s'écoule par deux cannelles de trois à quatre
centimètres d'ouverture; sa température est de 9 de-
grés ‘,, l'air étant à 22 degrés. Monségur renferme
aussi un grand nombre de puits fournissant d'assez
bonnes eaux dont nous examinerons la nature au cha-
pitre des eaux profondes. L'eau de la fontaine pu-
blique est limpide, d'une saveur agréable, sans couleur
ni odeur,
FONTAINE DE MONSÉGUR.
Gaz acide carbonique...........,..... 0,0130
Air atmosphérique... ............... 0,0020
0,0150
Carbonate de chaux.................. 0,124
SUITE TC CRAUX ARR ES encens esese 0,065
Chlorure de sodium. ..........,...... 0,054
HEXGAICIM A Res ces ete 0,024
de magnésium. ............. 0,011
Silice et pxide de fer.......….:........ 0,024
Matière organique. ..............028. 0,003
74
° ARRONDISSEMENT.
Bazas.
L'arrondissement de Bazas renferme sept cantons,
dont les chefs-lieux sont : Bazas, Auros, Captieux,
Grignols, Langon, Saint-Symphorien et Villandrault ;
il est bordé par la Garonne et arrosé dans son intérieur
par un grand nombre de cours d'eaux, dont le plus
important est le Ciron, qui partage l'arrondissement en
deux parties.
Bazas est l'une des villes les plus anciennes du dé-
partement; elle renferme plusieurs fontaines publi-
ques ; les plus remarquables sont celle de Bragous, la
Fond d'Espans et celle des Capucins. La première four-
nit, par trois cannelles de quatre centimètres d’ouver-
ture, une eau dont les sécheresses les plus prolongées
ne diminuent pas l'abondance; les deux autres n'en
ont qu'une; elles suffisent néanmoins aux besoins de
leurs quartiers. La Fond d'Espans alimente en outre un
vaste abreuvoir.
Les environs de Bazas renferment aussi des sources
nombreuses ; je signalerai surtout la fontaine d’Ausone,
la source incrustante du Trou d'Enfer, la fontaine du
Bourreau , l'eau ferrugineuse de Belloc, et l'eau sulfu-
reuse de Recaire. Toutes ces sources sont remarqua-
bles, les unes par les souvenirs qu’elles rappellent, les
autres par leur action médicale. Nous laisserons celles-
ci pour nous en occuper avec les eaux minérales.
73
FONTAINE DES CAPUCINS.
Une cannelle. Marque 10 degrés,
Limpide, saveur terreuse très-pro—
noncée.
Gaz acide carbonique......... 0,0220
Air atmosphérique... ,...... 0,0015
0,0235
Carbonate de chaux........... 0,383
Sulfate de chaux. ...........e 0,278
Azotate de chaux... .........…. 0,095
de magnésie. ...... 0,052
Chlorure de sodium........... 0,340
Silice et oxide de fer......... 0,022
Matière organique... onda 0,009
1,119
EAU DU TROU D'ENFER.
INCRUSTANTE,
Limpidité parfaite, saveur fraîche et
piquante,
Gaz acide carbonique... 0,0270
Air atmosphérique ........., . 0,0020
0,0290
Carbonate de chaux... ....... 0,607
Sulfate de chaux. ......., #.210,055
Chlorure de sodium.......... 0,037
de calcium. ....... . 0,018
Silice et oxide de fer......... 0,021
Matière organique............ 0,004
- 0,742
FONTAINE D'ESPANS.
Une cannelle. Marque 9 degrés !/..
Limpidité parfaite, saveur fraiche et
agréable,
Gaz acide carbonique. ........ 0,0160
Air atmosphérique, ........... 0,0020
0,0180
Carbonate de chaux. ......... 0,232
Sulfate de chaux... ......... 0,051
Arotate derchaux. 5:42. 0,024
de magnésie. ...... 0,018
Chlorure de sodium... ...,... 0,042
Silice et oxide de fer... 0,013
Matière organique....... ..... 0,006
770,386
FONTAINE DU BOURREAU,
A ‘/, KILOMÈTRE DE Bazas.
Source abondante , eau limpide, frai-
che et agréable.
D'après la tradition du pays , c’est à
cette fontaine que le bourreau lavait les
instruments du supplice.
Gaz acide carbonique. ........ 0,0170
Air atmosphérique. .. ....... 0,0020
0,0190
Carbonate de chaux....,..... 0,226
Sulfate de chaux.........,.... 0,063
Chlorure de sodium.......... 0,060
Silice et oxide de fer.......... 0,017
Matière organique.. :........e 0,005
0,371
FONTAINE BRAGOUS.
Trois cannelles. Marque 10 degrés,
l'air étant à 24.
Limpidité parfaite, saveur terreuse.
Gaz acide carbonique. ........ 0,0180
Air atmosphérique. ........... 0,0020
0,0200
Carbonate de chaux... ...... 0,507
Sulfate de chaux. ............. 0,106
Azotate de chaux ............. 0,065
de magnésie......... 0,030
Chlorure de sodium........... 0,182
Silice et oxide de fer.......... 0,021
Matière organique......,..... 0,007
0,918
FONTAINE D'AUSONE.
Limpide, agréable, sans odeur ni
couleur.
Gaz acide carbonique... .. 0,0145
Air atmosphérique. ........ 0,0025
0,0170
Carbonate de chaux......... UNS
Sulfate de chaux............., 0,022
Azotate de potasse............ 0,018
Chlorure de sodium.......... 0,042
de calcium. ........ 0,016
Silice et oxide de fer. ..... . 0,014
Matière organique... . 0,003
0,293
74
CANTON DE CAPTIEUX.
Ce canton, l'un des moins fertiles de l'arrondissement,
se ressent du voisinage des Landes; son sol, complé-
tement sablonneux, est arrosé par le Ciron et plu-
sieurs de ses affluents.
L'alios qui recouvre une grande partie du sous-sol
du canton de Captieux, maintient à peu de profondeur
les eaux pluviales, qui, en été, sévaporent prompte-
ment sous l'influence des rayons solaires, mais inon-
dent en hiver presque tout le canton. Cette couche alio-
tique imperméable à le double inconvénient de s'op-
poser à l'infiltration des eaux dans les profondeurs du
sol, et d'empêcher l'ascension onterstitielle de l'eau
des couches souterraines lorsque le sol est desséché.
Aussi le canton de Captieux ne possède-t-il aucune
source ascensionnelle importante; les habitants ne font
usage pour la boisson que d'eau superficielle ou du
moins très-peu profonde, aceumulée dans des puits ou
citernes à fleur de terre. Cette eau, de couleur jaune,
de saveur marécageuse, forme une catégorie spéciale
que nous examinerons en son lieu.
Je ne parlerai ici que de la fontaine de Laguüe, si-
tuée dans le bourg de Captieux, et remarquable par sa
pureté; c'est de l'eau pluviale presque pure échappée
à l'action de l'alios, et conservée dans quelque cavité
souterraine argileuse. Voici sa composition :
FONTAINE DE LAGUE,
A CAPTIEUX
Saveur agréable, fraiche, sans odeur ni ceu-
leur.
Marque 12 degrés, l'air étant à 20
Gaz acide carbonique .............. 0,0070
AGMALMOSDRÉTIQUE. es ecsece css 0,0020
0,0090
ARR EEE
Carbonate de chaux. 4... 0,021
Sulfaté dechaux......,....2huues.te 0,011
Chlorure de sodium, ...,...,........, 0,036
Silicetet oxide de. fer .,,.,..0e “HO 01?
Matière organique... ...... ............ 0,006
0,086
CANTON DE GRIGNOLS.
Ce canton est arrosé par plusieurs ruisseaux; les plus
considérables sont le Lizos et le Berthos. Le terrain
y est bien meilleur au point de vue agricole que dans
le canton précédent; néanmoins il ne renferme au-
cune source considérable; mais on trouve sur plu-
sieurs points de petites sources dont l'eau serpente:
à la surfrce du sol. Le bourg de Grignols renferme un
puits-fontaine publie, dont la population fait usage
pour ses besoins. À quelque distance du bourg, il
existe une fontaine peu remarquable pour son abon-
dance, mais très-renommée pour la pureté et la légè-
relé de ses eaux; elle est connue dans la contrée sous
le nom de Fontaine de Presbos.
FONTAINE DE PRESBOS,
PRÈS GRIGNOLS.
Eau limpide, fraiche, agréable.
Marque 11 degrés, l'air étant à 21.
Gaz acide carbonique... ............ 0,0210
Air atmosphérique ....... .... ...... 0,0025
0,0235
Carbonate de chaux...........,...... 0,082
Sulfate de chaux..........ss.o.s.se.e 0,063
Chlorure de sodium...... ..... ..... 0,065
decalcinm..........4000 0,015
Silice et oxide de fer......... eau 0,012
Matière OrganiqUe, «ee unssss sossne 0,006
0,243
CANTON DE LANGONe
Ce canton se divise en deux grandes parties, la
haute et la basse-plaine : la basse-plaine, formée de
terrains alluvionnels, est bordée par la Garonne; il ne
S'y trouve aucune source jaillissante; elle renferme des
puits nombreux. La haute-plaine, au contraire, for-
mée de calcaire et de graviers, permet aux eaux plu-
viales de traverser le sol, et de former dans les par-
ties souterraines des nappes d'eau qui viennent se
faire jour sur plusieurs point du coteau. L'une de
ces sources, la plus remarquable pour son abondance,
est celle qu'on désigne dans le pays par le nom de
Fontaine du Briou, et dont les eaux alimentent un la-
voir.
Fee
11
LANGON. — La petite ville de Langon possède des
fontaines publiques qui, jointes aux puits nombreux
de la ville, suflisent à tous les besoins de la population.
L'eau de ces fontaines est élevée au-dessus du sol, à
l'aide de pompes à manivelles; elle est transparente,
agréable au goût; sa température est de 11 degrés,
l'air étant à 20.
FONTAINE DU BRIOU,
PRÈS LANGON,
Eau limpide, agréable.
Marque 10 degrés, l'air étant à 23.
Gaz acide carbonique. ........ 0,0130
Air atmosphérique. ..…....... . 0,0020
0,0150
Carbonate de chaux... nc 10,107
Sulfate de chaux........... 0,081
Chlorure de sodium. . ... . 0,054
Azotate de chaux... oo 0,022
Silice et oxide de fer.......… 0,014
Matière organique .. ........ 0,005
0,373
On trouve rarement des azotates dans
l'eau des fontaines rurales. J'attribue la
présence de celui qui se trouve dans l’eau
de la fontaine du Briou , aux fumiers qui
recouvrent les terres aux environs de
celte source.
CANTON
FONTAINE DE LA PLACE,
A LANGON.
Gaz acide carbonique... 0,0185
Air atmosphérique... .. ...... 0,0020
0,0205
Carbonate de chaux.......... 0,195
Sulrate de chaux ............. 0,102
Chlorure de sodium........... 0,042
de calcium. ......... 0,016
Azotate de potasse............ 0,065
Silicate d’alumine............. 0,017
Oxide de fer et matière orga—
DIQUE- .shonrcasctar FoBec nee 0,010
0,447
DE VILLANDRAULT,
Comme le canton de Captieux, celui de Villandrault,
limitrophe du département des Landes, participe de la
nature de son sol. Villandrault, chef-lieu du canton,
est un gros bourg baigné par le Ciron, sur lequel on
a jeté un pont. Pas plus que les localités environnan-
78
tes, Villandrault ne possède de fontaine; sa popula-
tion fait exclusivement usage d'eau de puits. A peu de
distance du pont de Villandrault, jaillissent deux sour-
ces assez remarquables, connues sous le nom de Fon-
taines du Credo : lune est légèrement atramentaire,
l'autre a une saveur franche et agréable.
Il n'en est fait usage que par les personnes du voi-
sinage, bien que la première ait été, pendant long-
temps, recommandée dans les affections chlorotiques.
Nous ne donnons ici que les résultats de l'analyse de
la seconde, nous réservant de donner ceux de l'eau fer-
rugineuse au paragraphe des eaux minérales.
FONTAINE DU CREDO.
Eau fraîche, agréable, sans odeur ni couleur.
Gaz acide carbonique........,.,.,.... 0,0110
Air atmosphérique... ss... 0,0015
0,0125
CarbonatedeICHAUX mere ere 0,092
SUIFATE AE CHAUX... cocrssemese ee 0,064
Chlorure de sodium.. ........, M D O0L5
Silice et oxide de fer... ENS .. LU ULZ
Matière organique..................e 0,006
0,219
5e ARRONDISSEMENT.
Bordeaux.
Ce vaste arrondissement, le plus riche et le plus po-
puleux du département, est arrosé par la Gironde, la
Garonne, la Dordogne, la Leyre, le Ciron, la Jalle de
Blanquefort, et une foule de petits ruisseaux; il ren
79
ferme treize cantons, et borde les deux rives de la Dor-
dogne et de la Gironde.
CANTON DE BORDEAUX.
Ce canton comprend, indépendamment de Bordeaux,
les cinq communes qui forment sa banlieue : Bègles,
Talence, Caudéran, le Bouscat et Bruges.
Toutes ces communes renferment des sources nom-
breuses, fournissant des eaux abondantes, fraiches et
salubres. Bordeaux seul, bàti aux bords d'une grande
rivière, sur un sol alluvionnel et dans la partie la plus
déclive du bassin de la Gironde, ne contient aucune
source capable de fournir l'eau dont il aurait besoin
pour alimenter des fontaines publiques.
Bordeaux possédait jadis une fontaine qui suflisait
aux besoins de sa population; mais l'onde intarissable
qui alimentait la fontaine Divona, à disparu avec ce
monument, et aucune trace n'indique le lieu où elle
jaillissait. Aujourd'hui, Bordeaux n’a que des sources
peu importantes, encore sont-elles enfouies sous l'ex
haussement considérable que le sol de la ville a éprou-
vé, et ne sont plus pour les habitants, bien qu'ils leur
aient conservé le nom de fontaines, que des puits plus
ou moins profonds. Ce sont :
1° La fontaine Bouquière, dont la source est actuel-
lement à huit mètres au moins au-dessous du sol.
2° La fontaine Daurade, enterrée à une profondeur
à peu près égale, et qui fournit une eau de très-mau-
vaise qualité,
80
3° La fontaine d'Audège, dont une pompe fait mon-
ter l'eau à la surface du sol.
4° La fontaine de l'Or. Son eau, moins impure que
les précédentes, est élevée dans un vaste bassin par
une pompe à manège et se distribue ensuite sur plusieurs
points de la ville, où elle alimente les fontaines de la
Grave, de la porte Bourgogne, de la place du Palais,
de la rue de la Bourse, du quai des Chartrons, vis-
à-vis les rues Raze et Borie, et enfin celle du marché
des Chartrons.
5° La fontaine de Figuereau. Cette fontaine, bien su-
périeure aux précédentes en abondance et en qualité,
est exploitée par les marchands d'eau.
6° La fontaine Lagrange , propriété particulière, dont
l'eau, à peu près de même nature que celle de Figue-
reau, reçoit la même destination.
Telles seraient les eaux auxquelles la population bor-
delaise se verrait réduite, si la ville n'eut acheté les
sources d'Arlac et du Tondut, situées à peu de distance
de son enceinte, et fournissant de quinze à vingt pou-
ces fontainiers d’une eau d'excellente qualité, avec la-
quelle on à pu établir six nouvelles fontaines rue Saint-
Christoly, place Saint-Projet, place du Poisson-Salé,
rue des Minimes, place de la Bourse et allées d'Albret,
derrière l'Hôtel-de-Ville. Quelques filets d'eau ont en
outre été fournis à quelques-uns de nos établissements
publics, tels que la prison départementale, l'hôpital
civil, la caserne municipale, ete., etc.
Le manque de sources superficielles dans l'intérieur
de la ville, la mauvaise qualité des eaux souterraines
-
S1
chargées de toutes les infiltrations d’une grande cité,
le peu d'abondance des sources qui lavoisinent, telles
sont sans doute les causes qui ont fait différer l'établis-
sement dans Bordeaux de fontaines publiques en rap-
port avec les besoins hygiéniques de la population. On
répugnait d'ailleurs à dépenser de fortes sommes pour
aller chercher de l'eau au loin, alors qu'on avait sous
les murs de la ville le plus beau fleuve d'Europe, et
qu'on n'avait pour ainsi dire qu'à se baisser pour la
puiser. Des essais nombreux, des propositions plus
nombreuses encore furent faites à diverses époques, pour
clarifier l'eau de la Garonne et lui donner la limpidité
indispensable aux eaux destinées à la boisson. Toutes
ces tentatives, toutes ces recherches furent infructueu-
ses; on n’a pu jusqu'à ce jour trouver un moyen simple
et peu dispendieux d'enlever aux eaux de notre rivière le
limon si ténu et si délié qu’elles tiennent en suspension.
Aussi, après de vains efforts, tous ces projets gigan-
tesques de filtration, toutes ces théories brillantes de
dépuration ascendante et descendante furent abandon-
nés. La science dut Ss'incliner devant les dificultés
insurmontables que présentaient la filtration quoti-
dienne des vingt-quatre mille mètres cubes d’eau né-
cessaires à la consommation de la cité.
Il faut avoir suivi toutes les phases d’un pareil tra-
vail, pour se rendre compte des obstacles que rencon-
trerait celte immense opération ; on s’en fera une idée,
lorsqu'on saura qu'à certaines époques, il faudrait, et
cela chaque jour, séparer de la masse d'eau nécessaire
aux besoins de la ville, deux à trois cent mille kilo-
6
82
grammes d'une vase d’une ténuité extrême, traversant
les couches filtrantes les plus épaisses, déposant dans
leurs interstices le limon dont elle se compose, et obs-
truant ainsi tous les filtres en peu de temps.
Ce ne fut qu'après s'être assurée de l'impuissance des
moyens de filtration proposés, que l'administration
municipale, frappée chaque jour davantage des incon-
vénients sans nombre qui résultent de l'insuffisance et
de la mauvaise qualité des eaux de la ville, prit la ré
solution d'établir un système hydraulique plus en rap-
port avec les besoins de la population, et chercha sé-
rieusement, hors des murs de la cité, la masse d’eau
fraîche, limpide, salubre, que le fleuve ne pouvait lui
fournir.
Les sources ne manquaient pas : Bordeaux en est
entouré; mais il fallait en trouver qui joignissent à la
qualité et à l'abondance, une position qui permit de
Tamener en ville à peu de frais. Les communes de
Mérignac, de Talence, de Gradignan , de Villenave d'Or-
non furent explorées ; mais ces recherches ne produi-
sirent aucun résultat satisfaisant.
Tel était l'état des choses, quand les bords de la Jalle
de Blanquefort, où déjà on avait remarqué quelques
sources abondantes, furent parcourues avec soin par
un homme intelligent et capable *, qui reconnut bientôt
que des coteaux du Taillant jailissaient, dans la Jalle
méme et sur une vaste étendue, des sources abondantes
et nombreuses. Avec un désintéressement qui l'ho-
1 M, Jouis,
83
nore, il en informa M. Brun, alors maire de Bordeaux.
Après bien des oppositions, des études furent enfin
commencées sous la direction de M. Mary, ingénieur
hydraulique de la ville de Paris, homme spécial dont
le savoir et l'intégrité sont depuis longtemps reconnus.
Ce savant praticien fut chargé de visiter les lieux, et
il reconnut qu'en effet le volume des sources signalées
était considérable; qu'elles réunissaient toutes les con-
ditions désirables, qualité, abondance, durée; qu'il
était, en un mot, à peu près impossible de trouver
mieux.
Le jaugeage en fut opéré par les soins de M. De-
vannes, à qui M. David Johnston venait de confier la
direction des travaux publies de la ville, et il fut cons-
taté que les sources de la Jalle, réunies, présentaient
une masse d'eau courante équivalant à 1,190 pouces
fontainiers, soit 23,800 mètres cubes par vingt-quatre
heures.
Des modifications importantes furent apportées au
plan que dressa alors M. Mary; dix années s'écoulè-
rent en études, en nivellements, en discussions, et
enfin le projet était sur le point d'être mis à exécu-
tion, lorsque la révolution de 1848 vint encore en re-
tarder laccomplissement.
I fat repris en 1850; le tracé primitif reçut de nou-
velles modifications; on rectifia le parcours, et sous
lhabile direction de notre ingénieur hydraulique, un
nouveau plan fut dressé. M. Mary, appelé pour don-
ner son avis sur les changements apportés à son tra
ail, s'entendit avee M. Devannes, et tous deux pré-
84
sentèrent à la Commission un projet complet qu'arrêta
définitivement la délibération du Conseil municipal du
2 juin 1851. Une somme de 4,200,000 fr., néces-
saire à son exécution, fut votée dans la même séance.
Les plans et devis ont été depuis approuvés par le gou-
vernement, et l'autorisation d'emprunter accordée à la
ville. Cet emprunt vient d'être réalisé à des conditions
très-avantageuses. Rien ne s'oppose donc plus à ce que
les travaux d'exécution ne soient enfin entrepris et
poussés avec vigueur. Dans trois années, il faut l'es-
pérer, la ville de Bordeaux, dotée d'un système hydrau-
lique complet, n'aura, sous ce rapport, rien à envier
à aucune autre cité.
Quelques craintes s'étant élevées, à la suite de la sé-
cheresse excessive des premiers mois de l'année 1852,
sur l'abondance des sources du Taillant, M. le Maire
ordonna un nouveau jaugeage ; il y fut procédé au mois
de juillet, alors que toutes les sources environnantes
avaient diminué de plus de moitié. Cette opération, faite
avec le plus grand soin, sous les yeux d’une Commis-
sion nommée à cet effet, permit de constater que les
sources avaient subi l'influence de la sécheresse généra-
le, mais d'une manière bien moins sensible, puisqu'elles
fournissaient encore 800 pouces fontainiers, soit 16,000
mètres cubes d'eau dans les vingt-quatre heures, quan-
tité bien suffisante pour l'alimentation quotidienne de la
cité. Toutes les craintes sont done évanouies; dans peu
d'années, tous nos établissements publics, jusqu'à pré-
sent si mal pourvus, et la population entière , auront en
abondance des eaux fraiches et salubres.
85
Toutes les fontaines, tous les puits, et généralement
toutes les sources qui se font jour dans le périmètre de
la ville, fournissent une eau de qualité inférieure, que
nous avons classée dans les 2° et 3° catégories. Les fon-
taines de Figuereau, de Lagrange et des Enfants-Trou-
vés, sont les seules qui, avec les sources d’Arlac et du
Tondut, alimentant les six fontaines déjà désignées.
puissent figurer dans la première.
SOURCES FONTAINE DE FIGUEREAU,
D'ARLAC ET DU TONDUT PROPRIÉTÉ DE LA VILLE,
RÉUNIES,
La source est à 3 ou 4 mètres du
Alimentant les fontaines de Saint— Sol.On élève l’eau à aide de deux corps
Projet, du Poisson Salé, des Mi— de pompe mus à bras.
nimes, de Saint-Christoly, du cours
d'Albret et de la place de La Bourse. Limpide, fraiche et agréable.
Légère, fraîche, parfaitement lim— Gaz acide carbonique... 0,0160
pide. Air atmosphérique.….....,.... 0,0020
Gaz acide carbonique... 0,0145 0,0180
Air atmosphérique. ......... .. 0,0020 FES
Carbonate de chaux. . ....... 0,308
0,0165 Sulfate de chaux .......... 0,027
=—— Chlorure de sodium... ...... 0,097
Carbonate de chaux. . 0.198 de calcium. ........ 0,068
Sulfate de chaux... ........... 0,009 de magnésium... 0,015
Chlorure de sodium........... 0,019 Silice et oxide de fer... 0,018
de calcium... .... 0,010 Matière organique............ 0,002
Silice et oxide de fer... 0,007 PRE.
Matière organique ,..,........ 0,002 ,
86
FONTAINE LAGRANGE.
Fraiche, limpide, d’une saveur agréa-
ble.
Gaz acide carbonique... 0,0160
Air atmosphérique..........., 0,0025
0,0185
Carbonate de chaux., ...... . 0,257
Sulfate de chaux... ........ 0,021
Chlorure de sodium........... 0,075
de calcium... ....... 0,042
de magnésium... .... 0,013
Silice et oxide de fer, ........ 0,012
Matière organique .........,.. 0,002
0,422
FONTAINE
DES ENFANTS TROUVÉS.
L'hospice des Enfants possède, au
milieu de la grande cour, une fontaine
alimentée par la source de St-Vincent,
commune de Bègles , à l’aide d’une con-
duite souterraine.
Gaz acide carbonique. ....... 0,0145
Air atmosphérique... ........ 0,0015
0,0160
Carbonate de chaux.......... 0,215
Sulfate de chaux.............. 0,063
Chlorure de sodium .... ..... 0,056
de calcium.......... 0,038
Silice et oxide de fer.. ... .. 0,016
Matière organique...........… 0,003
0,395
Les sources Bouquière, Daurade, d'Audège, de l’'Or, n'étant plus superfi—
cielles, je les ai comprises dans les sources profondes, puits.
BANLIEUE DE BORDEAUX.
BÈGLES. — La commune de Bègles est l'une des mieux
arrosées de l'arrondissement; le ruisseau de l'Eau Bourde
et trois autres cours d'eau là traversent dans toute sa
longueur. Bègles possède aussi un grand nombre de
sources superficielles, fournissant d'excellentes eaux.
SOURCES SUPERFICIELLES DE BÈGLES.
PROPRIÉTÉ JEANTET. PROPRIÉTÉ JOCQUEL.
Gaz acide carbonique... 0,0175 Gaz acide carbonique. ........ 0,0180
Air atmosphérique... 0,0015 Air atmosphérique. .......,... 0,0015
0,0190 0,0195
Ér D ee]
Carbonate de chaux........... 0,247 Carbonate de chaux... ....... 0,238
SuLAtETE CDAUXS ere. eet 0,068 Sulfate de chaux... PEU 0,071
Chlorure de sodium... .…. 0,058 Azotate de potasse..….......... 0,068
de calcium.......…. 0,034 Chlorure de sodium......... 0,032
Silice et oxide de fer... …, 0,017 Silice et oxide de fer... . 0,012
Matière organique. .. ......... 0,010 Matière organique... 0,006
0,434 0,427
CITES CEE
87
CAUDÉRAN. — Le sol de celte commune est grave-
leux, léger; il contient peu d'alumine ; les eaux séjour-
nent à peine à sa surface, et la rapidité avec laquelle
elles le traversent, ne lui donne pas le temps de se
charge: de tous les principes solubles qu'il contient ;
aussi les eaux de Caudéran sont-elles généralement lim-
pides, fraiches, agréables, et de bonne qualité. Voici
les résultats donnés par l'analyse :
EAU DE SOURCE
PRISE À CAUDÉRAN, CHEZ LES FRÈRES
ARNAUD.
Saveur fraiche et agréable, limpidité
parfaite, ni odeur ni couleur.
Gaz acide carbonique... .. 0,0145
Air atmosphérique. . ........ 0,0015
0,0160
Carbonate de chaux........... «0,345
Sulfate de chaux......... .... 0,057
Chlorure de sodium........... 0,064
Silice et oxide de fer......... 0,014
Matière organique... ... .. 0,002
0,482
TALENCE. L'une des communes les plus agréables de
la banlieue de Bordeaux, si elle n'était envahie par les
sécheries de morues, qui nuisent, par leur odeur re-
poussante , à l'agrément des jolies villas que cette com-
mune renferme. Ces sécheries ne sont pas d'ailleurs
sans influence sur la qualité des eaux souterraines de
la localité, en raison de la masse de sel marin que les
eaux de lavage entrainent dans les profondeurs du sol,
au grand préjudice de tous les puits environnants.
Les eaux superficielles ne participent pas de l'alté-
ration que font éprouver aux Eaux profondes les infil-
88
trations salées dont je viens de parler; elles sont géné-
ralement d'excellente qualité.
SOURCES
SUPERFICIELLES DE TALENCE , PROPRIÉTÉ
TOMASSON.
Gaz acide carbonique. ........ 0,0155
Air atmosphérique. ......... .. 0,0020
0,0175
Carbonate de chaux... .......…. 0,248
Sulfate de chaux.............. 0,062
Chlorure de sodium. ... .... 0,071
de calcium... 0,027
Silice et oxide de fer.......... 0,013
Matière organique. ............ 0,004
0,425
D
BOUSCAT. — Commune très-boisée, dont le sol, émi-
nemment sablonneux, est mal cultivé et renferme de
vastes terrains en friche. Il y a cependant de jolies pro-
priétés dans la partie qui avoisine Bordeaux. Les eaux
du Bouscat sont généralemént pures, limpides et de
bonne qualité, bien que quelques puits fournissent des
eaux très-chargées de sels calcaires.
SOURCES SUPERFICIELLES DU BOUSCAT,
RUE DE LA SEPPE. PROPRIÉTÉ BRISSON.
Gaz acide carbonique. ........ 0,0140 Gaz acide carbonique. ........ 0,0150
Air atmosphérique.........., 0,0015 Air atmosphérique. ........ . 0,0020
-0,0155 0,0170
- ] LE Ciel
Carbonate de chaux.........… 0,321 Carbonate de chaux........... 0,242
de magnésie. ...... 0,020 Sulfate de chaux.........…, 0,094
SUALE TBICRAUX. eee en 0,013 Chlorure de sodium.........…. 0,068
Chlorure de sodium. .......... 0,065 de calcium ........ . 0,012
de magnésium, .... 0,007 Silice et oxide de fer... 0,011
dé calcium. ......... 0,030 Matière organique... 1100008
Silice et oxide de ÉELteroee 0,025 0,390
Matière organique............ 0,005 =,
0,486
89
BRUGES. — Le sol de la commune de Bruges est hu-
mide, marécageux ; les eaux employées à la boisson S'y
ressentent un peu de la nature du sol; elles sont char-
gées d'une bien plus grande quantité de matière orga-
nique que dans les autres communes de la banlieue de
Bordeaux.
SOURCES SUPERFICIELLES DE BRUGES.
RECUEILLIE PRÈS DU BOURG,
DANS UN TERRAIN SEC ET GRAVELEUX,
PRISE
DANS UN SOL HUMIDE ET MARÉCAGEUX.
Gaz acide carbonique. ........ 0,0125 Gaz acide carbonique. . ...... 0,0110
Air atmosphérique. ..……. nues 0,0015 Air atmosphérique... ... 0,0015
0.0140 0,0125
! _. Carbonate de chaux.........… 0,167
Garbonate de chaux... ge Sulfate de chaux......... SbEtid 0,038
Sulfate de chaux AspOne 0,024 Chlorure de’sodium, . 20 0,052
Chlorure de sodium. O0DCON Tac 0,032 de calcium... 0,012
Silice et oxide denferseer-.eee 0,011 Silice et oxide de fer... 0,014
Matière organique. .......,... 0,009 Maière organique _albumi—
ET 4 UE Too dtiona ne soso 0,038
0,252 L
0,321
CANTON DE BLANQUEFORT.
Le canton de Blanquefort est l’un de ceux où les
eaux de sources sont le plus abondantes. Bordé par
la Garonne, et traversé par la Jalle, qui porte son
nom , il peut être irrigué à volonté.
Néanmoins, le bourg de Blanquefort ne possède
aucune fontaine publique, et les habitants ne font
usage que d'eau de puits.
EYSINES. — La commune d'Eysines possède un grand
90
nombre de sources; les principales sont : la fontaine
de Cantinolle, à M. Lemotheux; celle de M. Boué, et
les sources abondantes de la propriété Abiet.
FONTAINE DE CANTINOLLE,
À M. LEMOTHEUX.
Incolore, limpide, saveur fraîche et
agréable.
Marque 10 deg. ‘}, , l'airétant à 24.
Son abondance peut être évaluée à
100 pouces fontainiers environ.
Gaz acide carbonique. ..…..... 0,0155
Air atmosphérique. ........... 0,0020
0,0175
Carbonate de chaux... ...... 0,217
Sulfate de chaux ............. 0,042
Chlorure de sodium. ....,..... 0,045
de calcium......,.... 0,024
Silice et oxide de fer...,...… 0,017
Matière organique......,..,... 0,010
0,355
FONTAINE DE M. BOUÉ,
ANCIENNE PROPRIÉTÉ DURAND.
Deux cannelles.
Limpide, agréable, sans coule ni
odeur.
Marque 10 deg., l'air étant à 22.
Gaz acide carbonique. . ..….. 0,0145
Air atmosphérique. .......... 0,0020
0,0165
Carbonate de chaux. .......... 0,275
Sulfaté de chaux:............: 0,012
Chlorure de sodium.......... 0,055
Silice et oxide de fer... ..... 0,008
Matière organique... ........ 0,004
La quantité de matière organique que contient l’eau de la fontaine de Can—
tinolle, s'explique par l’état où se trouve le bassin qui la renferme : il est com—
plétement envahi par des plantes aquatiques qui y meurent et s’y décomposent.
SOURCE DE LA PROPRIÉTÉ ABIET.
Cette eau sert à des irrigations, Au moment
où elle jaillit à la surface du sol , elle contient :
Gaz acide carbonique........... ..... 0,0165
Air atmosphérique... s'aheraie 0,0015
0,0180
RE CRE
Carbonate de chaux..........., se. 10,205
SnteRTEChANX- eee ee 0,013
Chlorure de sodium... ............... 0,042
decalcinms.:.<..--e.. 0,016
Silice et oxide de fer............. ... 0,007
MAfIETENOTBANIQUE,.. se... esnsseusrse 0,004
0,287
91
LE TAILLANT. — Cette commune n'a d'importance et
ne mérite d'être remarquée qu'à cause de l'abondance
et de la pureté des sources qu'elle renferme. C'est au
pied d'un coteau boisé qui borde la Jalle, que sourdent
de toutes parts les sources qui doivent fournir l'eau
nécessaire à l'alimentation du grand système hydrau-
lique que Bordeaux va établir pour l'arrosage de ses
rues et les besoins de sa population.
Ces eaux viennent de deux points différents; les
plus éloignées de la ville se font jour dans la propriété
de M. Tenet, au bas d'une petite prairie, d'où elles
se dirigent vers un large fossé, qui les conduit à la
Jalle. Elles se grossissent dans ce court trajet de celles
d'une foule de petites sources, à ce point qu'elles for-
ment un petit ruisseau, bien au-dessous du moulin du
Thil, au moment où elles viennent se mêler à l’eau de
la Jalle. Les autres sortent du coteau boisé dont j'ai
parlé, et qui appartient à M"° Lapène. Elles sont nom-
breuses, et fournissent à elles seules 5 à 600 pouces
fontainiers, d'une eau pure, limpide, agréable au goût,
qui, réunies à celles du Thil, compléteront l'approvi-
sionnement nécessaire à notre cité.
Pour connaltre le degré de pureté de ces diverses
sources, J'ai dû les analyser séparément. Voici les ré-
sultats que j'ai obtenus :
92
SOURCE MÈRE, AU THIL,
A M. TENET.
Eau fraîche, agréable, sans odeur
ni couleur, d’une limpidité parfaite.
Gaz acide carbonique... ...... 0,0120
Air atmosphérique............ 0,0015
0,135
Carbonate de chaux. ......... 0,168
Sulfate de chaux........... 20001
Chlorure de sodium........... 0,035
de calcium... ...... . 0,008
Silice et oxide de fer.......... 0,009
Matière organique............ 0,004
0,235
SOURCE PRINCIPALE
DE MME LAPÈNE.
Pure, limpide, agréable.
Marque 10 degrés, l'air étant à 24.
Gaz acide carbonique... 0,0150
Air atmosphérique............ 0,0020
0,0170
Carbonate de ehaux........…. 0,214
Sulfate de chaux.............. 0,014
Chlorure de sodium. ......... 0,027
de calcium. ......... 0,008
Silice et oxide de fer... ...... 0,003
Matière organique............. 0,004
0,270
EAU
DE TOUTES LES SOURCES DU THIL,
RÉUNIES ,
prise un peu avant leur jonction avec
l'eau de la Jalle, à M. Tener.
Mêmes caractères physiques.
Gaz acide carbonique... ... 0,0145
Air atmosphérique... . ..... 0,0020
0,0165
Carbonate de chaux........... 0,209
Sulfate de chaux..…........... 0,014
Chlorure de sodium........... 0,037
de calcium. ..…, …… 0,010
Silice et oxide de fer......... 0,006
Matière organique .. ........, 0,006
0,282
EAU
DE TOUTES LES SOURCES RÉUNIES ,
telle qu’elle sera pour l'alimentation des
fontaines de Bordeaux.
Gaz acide carbonique ......... 0,0125
Air atmosphérique. ...…. Do 00e 0,0030
0,0155
Carbonate de chaux........ .. 0,212
Sulfate de chaux......,....... 0,010
Chlorure de sodium. ........., 0,036
de calcium... ...... 0,010
Silice et oxide de fer... 0,005
Matière organique.. ......... . 0,006
0,279
=
Le bourg du Taillant possède une fontaine qui four-
nissait autrefois une eau pure et abondante; depuis
quelque temps, elle a été entièrement négligée. Par
suite de cette incurie, une grande partie de l'eau qui
l'alimentait a été détournée, et le bourg est menacé de
93
perdre complétement une source qui fournissait de l'eau
non-seulement pour la boisson, mais encore pour ali-
menter un petit lavoir construit tout près de là. Il se-
ait à désirer que l'autorité municipale ouvrit enfin les
yeux et s'opposàt énergiquement aux empiétements de
quelques voisins, qui compromettent l'existence de la
fontaine et du lavoir.
LUDON. — La commune de Ludon possède quelques
sources superficielles fournissant de bonnes eaux ; celle
de la propriété de M. Duffour-Dubergier nous fera con-
naitre la nature de ces eaux, qui, quoique très-pures,
contiennent cependant un peu trop de matière organi-
que.
FONTAINE SOURCES DE LUDON.
DU BOURG DU TAILLANT. PROPRIÉTÉ DUFFOUR—DUBERGIER .
Gaz acide carbonique... .0,0115 Gaz acide carbonique... 0,0125
Air atmosphérique.........,.. 0,0020 Air atmosphérique... ...... 0,0015
0 0135 0,0140
Carbonate de chaux........... 0,231 Carbonate de chaux....... .. 0,135
Sulfate de chaux.............. 0,010 Sulfate de chaux............…. 0,017
Chlorure de sodium..... .... 0,038 Chlorure de sodium .......... 0,013
de calcium.......... 0,017 Silice et oxide de fer..…....... 0,011
Silice et oxide de fer......... 0,008 Matière organique. ........... 0,011
Matière organique... .... 0,004 ————
———— 0,217
CANTON DE CASTELNAU.
Le canton de Castelnau présente, à côté des terrains
les plus fertiles, les landes les plus incultes; l'eau , très-
abondante et très-pure dans certaines communes, est
9%
rare et de mauvaise qualité dans plusieurs autres; il
est arrosé par plusieurs ruisseaux; il renferme aussi
de nombreux marais, dont les plus étendus sont ceux
d'Arcins, et plusieurs étangs, parmi lesquels je citerai
ceux de Lacanau et d'Hourtins.
CASTELNAU. — Le bourg de Castelnau renferme une
seule fontaine et un grand nombre de puits, qui four-
nissent de l'eau en quantité plus que suffisante. L'eau
de la fontaine sert à alimenter un lavoir; elle est bien
supérieure à celle des puits.
ARCINS. — Ce petit bourg est bâti sur un sol maré-
cageux; il existe, à peu de distance, une source abon-
dante, dont l'eau limpide et incolore serait propre à la
boisson, si elle ne contenait pas de la matière organi-
que végétale, qui en altère la qualité. L'échantillon
que j'ai pris au mois de juillet dernier, contenait :
FONTAINE DE CASTELNAU.
Limpide, fraîche, sans couleur ni Gaz acide carbonique. . ..... 0,0125
odeur; saveur agréable. Air atmosphérique. ........... 0,0030
Gaz acide carbonique... 0,0090 THIERS
Air atmosphérique. … ........ 0,0025 0)
_ Carbonate de chaux... US
0,0115 Suifate de chaux. . 0,041
7 Chlorure de sodium... 107088
Carbonate de chaux........... 0,215 Silice et an es fer 0.017
Sulfate de chaux... ......... 0,087 Matière Re évétale a]. <
Chlorure de sodium... ..,,... 0,062 Dion A SE led 28
Rene. US 0 026 LATIBDSR mere meeee ee 0,02
Silice et oxide de fer. ..... . 0,017 anc
Matière organique. ........... 0,006 (02
0,413
SOURCE D’ARCINS.
95
MARGAUX. — La commune de Margaux, renommée
pour les vins délicieux qu'elle produit, n'est pas aussi
bien partagée sous le rapport des eaux. Les puits, qui
seuls fournissent l'eau nécessaire aux besoins de la po-
pulation, sont peu profonds, et l'eau, chargée de ma-
tière organique, est de mauvaise qualité.
À quelque distance du bourg, il y a une fontaine
assez abondante connue sous le nom de Fontaine Ma-
riotte, dont l'eau est meilleure que celle des puits, bien
qu'elle soit encore de qualité inférieure.
soussANs. — La commune de Soussans renferme peu
de sources superficielles ; celles que l'on trouve sont de
peu d'importance, et l'eau qu'elles fournissent n’est
guère supérieure à celle des puits.
FONTAINE MARIOTTE. SOURCES SUPERFICIELLES
Gaz acide carbonique... 0,0110 DERSOHEES ES
Air atmosphérique. .......... 0,0015 Gaz acide carbonique. …….…. 0,0140
Air atmosphérique . .......... 0,0015
0,0125 z
Carbonate de chaux... 0,274 —
Sulfate de chaux.............. 0,109 Carbonate de chaux. … 0,315
Chlorure de sodium... ..... .. 0,135 Sujfate de chaux ..........…. 0,062
de calcium... ....... 0,039 Chlorure de sodium 0,056
Silice et oxide de fer. ........ 0,024 de calcium. ........ 11101033
Matière organique. ........... 0,010 de magnésium... 0,021
7 Silice et oxide de fer... 0,011
0,591 Matière OTSANIUE, us. ss. 0,010
0,508
CANTON DE PESSAC,.
Le canton de Pessac contient de bonnes eaux de
sources; il est arrosé par les ruisseaux, l'Eau Bourde
96
et l'Eau Blanche, et quelques autres cours d'eaux
moins importants.
pEssAC. — Bien que l'on rencontre aux environs de
Pessac des sources nombreuses, le bourg ne renferme
aucune fontaine publique; les habitants font usage
d'eau de puits, qui, du reste, est de très-bonne qualité.
GRADIGNAN. — Cette commune renferme plusieurs
sources abondantes; la plus considérable est celle de
Montjau, dont le volume est de 150 à 200 pouces fon-
tainiers : l’eau est d'excellente qualité.
MÉRIGNAC. — L'une des jolies communes de l'arron-
dissement ; le sol y est graveleux, les sources abondan-
tes, et l'eau d'une pureté remarquable.
VILLENAVE D'ORNON. — Commune agréable et fertile,
arrosée par plusieurs petits ruisseaux; les puits y sont
nombreux et peu profonds, l'eau excellente.
LÉOGNAN. — Jolie commune bien cultivée, baignée
par le ruisseau l'Eau Blanche; elle renferme plusieurs
sources, qui autrefois alimentaient l’un des aquedues de
l'antique Burdigala.
CASTRES. — Petite ville bâtie sur un tertre grave-
leux, dominant la Garonne; il n'y a point de fontaine
publique dans la partie haute de la ville, mais il y en
a une près du port.
9
SOURCES SUPERFICIELLES
DE PESSAC.
Gaz acide carbonique... . 0,0140
Air atmosphérique... .. ..... 0,0020
0,0160
Carbonate de chaux... 0,182
Sulfate de chaux.............. 0,044
Chlorure de sodium... ..... . 0,086
de calcium......"... 0,017
Silice et oxide de fer.......... 0,014
Matière organique .....,,.... 0,010
0,353
SOURCE MONTJAUX,
A GRADIGNAN.
Marque 10 deg., l'air étant à 24.
Gaz acide carbonique... 0,0135
Air atmosphérique. .....,..... 0,0025
0,0160
Carbonate de chaux... . .... 0,205
Sulfate de chaux .. .... dei 0,027
Chlorure de sodium, . ........ 0,054
de calcium. ...,..... 0,024
Silice et oxide de fer.......... 0,020
Matière organique. ........... 0,004
0,334
SOURCE DE MÉRIGNAC.
Gaz acide carbonique. . 0,0115
Air atmosphérique... ...... 0,0025
0,0140
Carbonate de chaux... 0052156
Sulfate de chaux... .......... 0,047
Chlorure de sodium.........…. 0,042
Silice et oxide de fer .....,... 0,024
Matière organique, ,...,...... 0,007
0,276
Î
SOURCE DE VILLENAVE-D'ORNON
Gaz acide carbonique. } quantité
Air atmosphérique... | indéterminée.
Carbonate de chaux. . ........ 0,192
Sulfate"deYchaux-t. 24 ....... 01054
Chlorure de sodium. , . 5 0,048
Silice et oxide de fer.......... 0,016
Matière organique............ 0,007
0,317
ANCIENNE SOURCE ROMAINE,
A LÉOGNAN,
Limpide; fraïche, agréable.
Marque 10 degrés, l’air étant à 23.
Gaz acide carbonique... …. 0,0130
Air atmosphérique. . . 0,0025
0,0155
Carbonate de chaux. ......... 0,151
Sultatelde chaux ...........2. 0,049
Chlorure de sodium........... 0,074
Silice et oxide de fer... 0,011
Matière organique. ......,..., 0,005
0,290
SOURCE DU MOULIN DE VAYRES,
A LÉOGNAN.
Claire, limpide, sans odeur.
Gaz acide carbonique. .…...., 0,0145
Air atmosphérique. ......... . 0,0030
0,0175
Em ee
Carbonate de chaux.........., 0,171
SUITE AB ICNAUT: 2-2. 0. 0,052
Chlorure de sodium. . ...,.... 0,065
Silice et oxide de fer... 0,021
Matière organique .. ,,....., 0,008
0,317
En |
98
FONTAINE DE CASTRES,
PRÈS LE PORT.
Gaz acide carbonique......,....,..... 0,0115
Air atmosphérique. .. ... .......... 0,0015
0,0130
CarhONaLE MIO CEUX. est-ce 0 LUS
SUR LE TE TCHAUX EEE career te 0,044
Azotate de potasse..…................. 0,031
Chlorure de sodium................. 0,078
Silice et oxide defer.. .............e 0,017
MATIÉTEMONBANIUUE Aer re een esitee 0,009
0,281
sAUCATS. — Les sources Ÿ sont nombreuses, et ce-
pendant il n'y à aucune fontaine publique; les puits,
peu profonds, fournissent une eau légèrement colorée.
SOURCE DE SAUCATS.
Limpide, fraîche, agréable, sans couleur et
sans goût.
Gaz acide carbonique. ........ j quantité
Air atmosphérique, ............ \ indéterminée
Carbonate de chaux... ..... .... . 0,178
Sulfate de Chaux... ere 0,044
Chlorure de sodium......,......,.... 0,056
(UHUUNARS scévactaddone 0,012
Silice et oxide de fer... dates ... QUIZ
Matière OMGANIQUE.. eee. 0,014
0,318
CANTON DE LA TESTE,
Ce canton forme l'extrême limite du département ; il
borde l'Océan à l'ouest, et le département des Landes
au sud; le sol en est sablonneux, sec et aride : quelques
puits peu profonds fournissent aux habitants une eau
colorée, souvent albumineuse. J1 n'y a point de fon-
99
taines publiques dans ce canton ; nous aurons OCCASION,
en parlant des eaux profondes, de faire connaitre la
nature des eaux des Landes.
CANTON DU CARBON-BLANC.
Ce canton, bordé par la Garonne et la Dordogne,
est l'un des plus pittoresques et des plus fertiles de l'ar-
rondissement; indépendamment des nombreux cours
d'eaux qui l'arrosent , il possède de nombreuses sour-
ces superficielles.
FONTAINE DES LADRES. — Située à peu de distance
du Carbon-Blane, sur le bord de la grande route de
Paris, la source dite des Ladres alimente un lavoir
presque en sortant du sol; l'eau qu'elle fournit est lim-
pide, fraiche, agréable; elle était fort renommée au-
trefois, à cause de Ja propriété qu'on lui attribuait de
g térir la lèpre; elle est à peu près abandonnée aujour-
d'hui, quoique d'une excellente qualité.
FONTAINE DES LADRES.
Gaz acide carbonique... Fc 00 D ÉOBe 0,0080
Air atmosphérique... ............... 0,0030
0,0110
CArDONALE UE CRANXS. rene.» 0,192
Sulte de ichAUx Er... FOR -0 2. 0,030
Chlorure de sodium... ............... 0,064
UE TAICINME SE. areecese 0,037
de magnésium. . .......... 0,014
Silice et oxide de fer..,.....,....,.., 0,024
Matière organique. tes deteste 0,006
100
FLOIRAC. — L'une des communes les plus vastes et
les mieux situées du canton, elle renferme plusieurs
sources sortant du coteau, sur lequel est bàti le bourg.
L'une des principales est celle qui se fait jour dans
la jolie propriété de Monrepos, et qui fournit à La Bas-
tide l'eau potable, dont elle est complétement dépour-
vue. Floirac renferme aussi un grand nombre de puits,
fournissant de très-bonnes eaux.
LORMONT. — Gros bourg sur le bord de la Garonne,
entre deux coteaux qui l'abritent du vent du nord.
Lormont possède une fontaine fournissant de l'eau ex-
cellente, et un grand nombre de puits.
SOURCE DE MONREPOS, FONTAINE DE LORMONT.
+ RES RERS Gaz acide carbonique... } quantité
Limpidité parfaite, saveur fraiche, Air atmosphérique. ..…. | indéterminée.
agréable, sans couleur ni odeur. Carbonate de chaux. .......... 0,145
ate a LAS
Gaz acide carbonique... 0,0145 CL Re AGP SNOECSOOCES “e
Air atmosphérique. ........... 0,015 Ne SOUS sn nes ce ’
M a Te : de calcium... 0,028
de magnésium.,.... 0,014
na Silicate d’alumine. .......,... 0,016
Carbonate de chaux.........…. 0,235 Oxide de fer et matière orga—
de magnésie.. …. 0,013 NUNENEaBIN 00 M0 sono 0,009
Chlorure de sodium........... 0,081 2
de magnésium, .... 0,042 0,335
de calcium. ......... 0,070 ETS
Sulfate de chaux. ............. 0,035
Silice et oxide de fer........…. 0,013
Matière organique... 0:005
SAINT-LOUBES. — Bäti sur un coteau qui domine la
vallée de la Dordogne, le bourg de Saint-Loubès occupe
lune des plus jolies positions du canton.
tof
I existe près du bourg, sur l'emplacement de l'an-
cien prieuré, une source dont les eaux sont excellentes.
On pourrait y établir à peu de frais une fontaine pu-
blique, qui suflirait aux besoins de la population
SOURCE DU PRIEURÉ,
À SAINT—LOUBES,
Gaz acide carbonique. . .............. 0,0130
Al AtMOSPRÉTIQUE.............e see. 0,0020
0,0150
es
Carbone dE CHAUX eee ere asnese 0,252
SUIAICNTeCHAUXE, res seieemiese 0,048
Chlorure de sodium. .......,.......…. 0,062
deCaldium..-. d--treeheeee 0,044
de magnésium... ....... 0,032
AzntatelÜe ChANX. 2-2. --reeeeste | e
dORMAPNÉSIE.--seteeeee-e (01045
Silice-et oxide de fer .............. .. 0,016
Matière organique... ...... ....,....... 0,006
0,505
CENON LA BASTIDE. — Le bourg de La Bastide, situé
dans la plaine, est complétement dépourvu d'eaux po
tables; c'est, comme nous l'avons dit, au pied du co-
teau de Monrepos, que jaillit la source qui alimente les
bornes-fontaines qu'on y à récemment établies. Le co-
teau de Cenon, comme celui de Floirac, renferme des
sources abondantes qui se font jour sur plusieurs points.
La fontaine Delbos, sur la grand'route de Bordeaux
à Paris; la source de M. Faure-Laubarède, sur le ver-
sant opposé , et celle de M. Firmin Dussaut, au centre
du coteau, fournissent toutes des eaux fort bonnes,
FONTAINE DELBOS.
Gaz acide carbonique. j quantité
Air atmosphérique. .. | indéterminée,
Carbonate de chaux......... AO 162
de magnésie.. ..... 0,018
Sulfate de chaux... ......... 0,032
Chlorure de sodium.......... 0,09%
de magnésium... .... 0,018
de calcium... ........ 0,012
Silice et oxide de fer. ..... .. 0,021
Matière organique, . ........ . 0,006
0,363
SOURCE FAURE-
Gaz acide carbonique
Air atmosphérique. .
Carbonate de chaux...
de magnésie
Sullate de chaux...
Chlorure de sodium. .….
de magnésium.
de calcium,
Silice et oxide de fer. ..
Matière organique
ons.
2
SOURCE FIRMIN DUSSAUD.
Gaz acide carbonique... } quantité
Air atmosphérique. ..…. | indéterminée.
Carbonate de chaux. ......... 0,148
‘ de magnésié. ...... 0,012
SUITE AC CDAUX- eee OU ON
Chlorure de sodium... ....... 0,036
de magnésium. ..... 0,022
AeNCAICIIMER nee 0,018
Silice ét oxide de fer.......... 0,018
Matière organique..........,.. 0,004
0,295
LAUBARÉDE.
Ps re | quantité
...….. Vindéterminée.
PAR DELA 0,167
AOC LE DA 0,013
does Tee 0,030
PE OU CLIEE 0,038
OP AUS 0,021
des RME 0,018
de 0,022
A . (0*002
0,311
CANTON DE CRÉON,
Ce canton, très-étendu, embrasse une grande par-
tie de l'Entre-deux-Mers;
il est traversé par plu-
SIeUTS l'UISSEAUX, mais ne possède aucune source r'e-
marquable,.
La petite ville de Créon ne fait usage que d'eau de
puits.
CARIGNAN. — Plus favorisé que Créon, Carignan
renferme des sources nombreuses et d'excellentes eaux,
103
Les résultats oi-dessous consignés font connaitre la
qualité de la nappe d'eau qui alimente cette contrée.
FONTAINE DE BELLEFOND,
A CARIGNAN.
Limpide, fraiche, agréable; du volume de
3 pouces fontainiers.
Gaz acide carbonique... ............ 0,0150
Ai atmosphérique ....... 1... 0,0020
0,0170
Te
Carbonaletde ChIUX. 2er 0,392
SUITE AR TOR A eee 0,028
Chlorure de sodium...... ...., ..... 0,042
DENCAICI A rec eee 0,026
de magnésium... .....,. 0,037
Silice-eL'oxide ‘de fer......... 2. 0,018
MAtibl@ OESARIQUEE .. 2: sense 0,003
0,546
CSPSDETINNE EEE
CANTON DE PODENSAC.
Ce canton, sur la rive gauche de la Garonne, est
traversé par le Ciron et par plusieurs de ses petits af-
fluents ; le sol de cette localité est siliceux.
Podensac, chef-lieu du canton, renferme quelques
bonnes sources, ainsi que le démontre l'analyse que
nous avons faite de l'eau fournie par Fune d'elles.
Lars. — Le bourg d'Hlats possède une source qui
suffit amplement aux besoins de la population, et al
mente un fort joli lavoir nouvellement construit.
I y existe aussi un grand nombre de puits, dont
l'eau est presque aussi pure que celle de la fontaine,
104
Bupos. — Remarquable par son ancien château sei-
gneurial et la fontaine qui l'avoisine. Les eaux de cette
fontaine suflisent pour faire marcher deux moulins ;
elles sont aussi pures qu'abondantes, ce qui à valu à
la source le nom de Font-Bonne.
PORTETS. — Le bourg de Portets, situé sur le bord
de la Garonne, possède une fontaine excellente, dont
les eaux arrivent d’un coteau voisin. Cette source, plus
que suflisante pour les besoins de la population, est du
volume de trois pouces fontainiers environ.
SOURCE DE PODENSAC. FONTAINE D'ILLATS.
Gaz acide carbonique. | … quantité Limpidité parfaite, saveur fraîche et
Air atmosphérique... . |indéterminée. agréable. Volume, 5 à 6 pouces fon—
Carbonate de chaux....,..... 0,137 tainiers.
Se re Ds ee Gaz acide carbonique. ........ 0,0160
ilorure de s hic 0, UD pi musee
de TES 0 012 Air atmosphérique. ....…. .…. 0,0025
Azotate de chaux. ............ 0,016 En 0,0185
Silice et oxide de fer.......... 0,015 SEEN
Matière organique. 0.003 Carbonate de chaux... ...... 0,192
RC ifate de CHAUXe 0 0,038
0,259 Chlorure de sodium.........…. 0,042
———— Silice et oxide de fer... . 0,016
FONT-BONNE, Matière organique..........…. 0,004
À BUDOS. 0,292
EE
Limpide, fraiche, agréable au goût.
FONTAINE DE PORTETS,
Gaz acide carbonique... 0,0145
Air atmosphérique .......,.., 0,0020 Gazacide carbonique... | quantité
Air atmosphérique... . | indéterminée.
0,0165 Carhonate de chaux... 0,213
Carbonate de chaux... 0,195 Sulfate de chaux. ............. 0,027
Sulfate de chaux. ........... 0,062 SRE TEMPS Per COAOIRS
Chlorure de sodium. ......… 0,044 eue de sons: Kobd ÉIpal
UE . 0.013 : ilice et oxide Üe JET: secs 0,011
Silice et oxide de fer... 0,016 AP PSPAANNEERSe Peu,
Matière organique............ 0,002 0,304
0,332
105
CANTON DE CADILLAC.
Ce canton, situé sur la rive droite de la Garonne,
est l'un des plus productifs de l'arrondissement ; il est
sillonné par de petits cours d'eaux qui rafraichissent
le sol et fournissent l'eau nécessaire aux besoins
agricoles.
CADILLAC. — L'eau des puits de Cadillac est lourde ,
séléniteuse, malsaine; mais cette petite ville possède
une fontaine publique alimentée par l'eau de l'Euille,
qui est d'excellente qualité.
LANGOIRAN. — Joli bourg bàti sur un coteau qui do-
mine la Garonne; les eaux y sont abondantes.
FONTAINE DE CADILLAC. SOURCE DE LANGOIRAN.
Gaz acide carbonique. ........ 0,0110 Gaz acide carbonique. .} quantité
Air atmosphérique. .......,... 0,0030 Air atmosphérique. …, \indéterminée.
70,0140 Carbonate de chaux. .......... 0,178
— Sulfate de chaux..........,... 0,048
Carbonate de chaux... ...... 0,157 Chlorure de sodium.......... 0,054
Sulfate de chaux ............. 0,052 Silice et oxide de fer... ..... 0,017
Chlorure de Sodium. ....,,..... 0,033 Matière organique... ........ 0,007
Azotate de chaux... ......... 0,019 Le
Silice et oxide de fer... 0,010 pa 0:304
Matière organique... idodec 0,007
0,278
CANTON DE SAINT-ANDRÉ-DE=-CUBZACe
Ce canton est bordé par la Dordogne sur une assez
grande étendue; il est arrosé par la Virvée et plusieurs
de ses affluents.
106
SAINT-ANDRÉ. — Le bourg de Saint-André, bati sur
un plateau qui domine toute la rive droite de la Dor-
dogne, ne renferme aucune source remarquable; la
fontaine qui fournit Feau nécessaire aux besoins de la
population, est évidemment alimentée par la même
nappe d'eau que les puits; elle est d'ailleurs d'une bonne
qualité.
À quelque distance du bourg de Saint-André existe
une fontaine abondante, renommée par la pureté et la
bonté de ses eaux. L'eau de cette fontaine, dite font de
Boudeau, est limpide, fraiche, agréable ; elle alimente
un lavoir.
FONTAINE L FONT BOUDEAU.
DE SAINT—ANDRÉ—DE—CUBZAC, : : e #
Gaz acide carbonique. ......., 0,0135
en, FESSES =
Gaz acide carbonique, . } quantité RE ECS VOReS
Air atmosphérique. …. |indéterminée . =
Carbovate de chaux... 0,302 0,0155
Sulfate de chaux 0,104
f Les M pt Sd g Carbonate de chaux... 0,134
Azotale de potasse.….......…. 0,051 ,
Re x É Sulfate de chaux . ....... .., 0,032
Cblorure de sodium... ..... 0,070 x :
3 a CNIOTUTO UC SOUUM, ..<.-..... 0,037
decalcinm. 1... 0,047 3 ee
_. ” à Silice et oxide de fur......... 0,016
Silice et oxide de fer. ......…, 0,014 He area nique 0 009
Matiere organique, ......,.... 0,010 ‘ PSE éof di ti),
& 0,228
0,598
107
6e ARRONDISSEMENT.
Lesparre.
Si l'arrondissement de Lesparre est remarquable par
la bonté des vins qu'on y récolte, il est bien mal doté
sous le rapport des eaux.
Baigné par la mer sur une grande étendue, une par
tie de sa basse plaine disparait presque complétement
pendant l'hiver, sous de nombreux marais, résultat du
séjour des eaux pluviales et des eaux saumatres de
la Gironde sur un sol peu perméable. Ces eaux crou-
pissent pendant l'été, et répandent au loin des miasmes
putrides, souvent pestilentiels.
C'est dans ces localités surtout, dépourvues de bon-
nes eaux potables, qu'il conviendrait d'établir des fon-
taines publiques d'eau dépurée au charbon, où les ha-
bitants pourraient, à peu de frais, trouver une boisson
salubre, non-seulement pour eux, mais encore pour
leurs bestiaux.
Les sources y sont rares, peu abondantes, et con-
tiennent presque toutes de la matière organique en
forte quantité.
En général, la population du 6° arrondissement
ne fait usage que d'eau de puits; l'eau des sources
isolées que renferment quelques belles propriétés est de
même nature, et parait appartenir à la même nappe.
Le beau domaine de Chàteau-Laflitte, si renommé par
la linesse, le velouté et la supériorité de son vin, ren-
108
ferme de très-bonnes eaux, que nous prendrons pour
type des petites sources superficielles qui se font Jour
sur plusieurs points de l'arrondissement.
SOURCES SUPERFICIELLES DE CHATEAU-LAFITTE,
SOURCE PRÈS LE CUVIER. SOURCE DU JARDIN.
Limpide, parfaite, saveur agréable. Limpide, fraiche, agréable.
ps ’air à à OC
Marque 10 deg, l'air étant à 22. Gaz acide carbonique... } quantité
Gaz acide carbonique... } quantité Air atmosphérique... \ indéterminée,
Air atmosphérique... \indéterminée, Carbonate de chaux... 0,325
Carbonate de chaux. ......... 0,182 Sulfate dechaux............... 0,027
Sulfate de chaux......... .... - 0,018 Chlorure de sodium, ......... 0,064
Chlorure de sodium. ...... ... 0,084 Silice et oxide de fer... 0,021
Silice et oxide de fer......... 0,017 Matière organique. ........... 0,015
Matière organique... .. 0,010 =
— — 0,452
0,311 CT
EAUX MINÉRALES FERRUGINEUSESe
Le département de la Gironde ne renferme aucune
source d'eau thermale, mais il possède quelques Eaux
ferrugineuses froides, dont les plus remarquables sont
celles de Bernos, de Saucats et de Belloc.
Ces eaux, d'une saveur styptique très-prononcée au
moment où elles sortent du sol, perdent bientôt et leur
saveur et leur propriété médicale, quelques précau-
tions que lon prenne pour la leur conserver.
L'eau ferrugineuse de Bernos, l'une des plus char-
gées et des plus abondantes du département, conserve
à peine vingt-quatre heures quelques traces de fer en
109
solution ; ce métal y est combiné à l'acide crénique, dont
la force de saturation est si faible, que l'action de Fair
et même celle de la lumière, suflisent pour la détruire.
Le fer se suroxide aux dépens de l'oxigène que ces
eaux contiennent, et se dépose sous forme de flocons
légers, de couleur ocracée; l'eau à alors complétement
perdu sa saveur première.
Les médecins ne peuvent donc attendre de bons ef-
fets des eaux ferrugineuses du département, qu'en en-
gageant leurs malades à aller les boire à la source
même : sous tous les rapports, celles de Bernos,
en raison de la situation agréable de la source, de
leur abondance et de leur qualité, méritent la préfé-
rence.
Source de Bernos, canton de Saint-Vivien. —
À quelque distance de Saint-Vivien, dans la propriété
de Bernos, sur un petit plateau garni d'arbres touffus,
sort en bouillonnant d'un sol sablonneux une source
abondante, maintenue dans un bassin carré de quatre
mètres environ.
Cette eau, d’une saveur ferrugineuse très-pronon-
cée, laisse sur son parcours un dépôt rougeàtre abon-
dant, puis elle perd sa saveur et va serpenter dans
une prairie peu éloignée.
Elle est peu connue; les habitants de la localité ne
paraissent pas même comprendre que cette eau ait une
vertu médicale : sa température, au sortir de la source,
est de 13 degrés, l'air étant à 24.
110
Source de Saucals, canton de Castres. — Cette
eau, assez abondante, perd en très-peu de temps,
comme la précédente, sa saveur atramentaire, el dé-
pose également, dans une assez grande étendue, la
matière rougeàtre dont nous avons fait mention.
Source de Belloc, canton de Bazas. — Transpa-
rente à sa source, elle se trouble à l'air et dépose,
comme les précédentes, un sédiment ocracé, qui gar-
nit une partie du bassin où elle est recue; sa sa-
veur, très-prononcée d'abord, diminue promptement ,
et quelques heures d'exposition à l'air suffisent pour la
lui faire perdre complétement.
Source du Credo, près Villandrault. — À peu de
distance du pont de Villandrault, jaillit une source fer-
rügineuse, connue dans la localité sous le nom de
Source du Credo. La saveur atramentaire de ses eaux
et les bons effets qu'en ont obtenu bon nombre de per-
sonnes, lui ont valu une certaine réputation. Elle offre
les mêmes caractères physiques que les précédentes.
Source de Monrepos, près Bordeaux. — Elle
jullit du coteau boisé du Cypressat, est peu abon-
dante, et présente les mêmes caractères que celles
que nous venons de mentionner. Ilexiste dans le dé-
partement un grand nombre d'autres sources ferru-
gineuses aussi abondantes que celle-ci, et de même
nature,
ul
SOURCE DE BELLOC,
Gaz acide carbonique......... 0,0110
Air atmosphérique. ........... 0,0020
0,0130
Carbonate de chaux. . ...... 0,182
de fer... 5 0,016
Sulfate de chaux... ........... 0,069
Chlorure de sodium...... 0,027
Crénale de (en.:.....5... «2e 0,026
Silice et matière organique . 0,011
0,331
SOURCE DU CREDO.
Gaz acide carbonique .. } quantité
Air atmosphérique... | indéterminée.
Carbonate de chaux. :........ 0,137
HONTE me meme due 0,012
Sulfate de chaux .......... .. 0,014
Chlorure de sodium... ...... 0,033
Crénate de fer... stats 0,018
Silice et matière organique... 0,016
0,230
SOURCE DE SAUCATS.
Gaz acide carbonique. ........ 0,0100
Air atmosphérique... . 0,0020
0,0120
CSG LA
Carbonate de chaux.........… 0,217
UC: fente die 0,012
SUNACTTEC HAN Reese 0,058
Chlorure de sodium. .......... 0,047
CRÉNAETACATEREENNN Sen en. 0,032
Silice et matière organique... 0,012
0,378
SOURCE DE MONREPOS.
Gaz acide carbonique... | quantité
Air atmosphérique. ..…. | indéterminée.
Carbonate de chaux... 0,210
(ON bb 0000 sous 0,018
Chlorure de sodium........... 0,055
de magnésie. ..... .. 0,017
Sulfaterdechaux.s..t........ 0,021
Crénaterdemfenen.crnee---eccee 0,020
SOURCE DE BERNOS
Gaz acide carbonique. .............. 9,0105
Air atmosphérique, .,..,,,..,.,,, 0,0015
0,0120
Garbonatelde chaux... 0,171
de fer... Si css ct 0,019
SULITA LE AG CHAUX re mdrssecesecesere 0,032
Chlorure de SOdium.. ses, 0,042
Grénate de (CL ere ere eeee 0,038
Silice et matière organique, ….... 0,0
0,313
, “ . s “ n
Je n'ai reconsu aucune trace d’arsenie ni de manganèse, soit dans le dépôt
ocracé, soit dans le résidu de l’évaporation de ces eaux,
112
Eau sulfureuse de Recaire.— Cette source assez
abondante, située à quelques kilomètres de Bazas, jouit
d'une certaine réputation dans la localité; elle a une
odeur sulfureuse très-prononcée en sortant de la source,
mais qui disparait promptement à l'air; sa température
est de 12 degrés, l'air étant à 22; elle mousse légère-
ment par l'agitation, comme si elle contenait un mu-
cilage; sa saveur est sulfureuse; elle noircit les sels de
plomb : ces derniers caractères ne sont appréciables que
pendant peu d'instants.
EAU SULFUREUSE DE RECAIRE.
Gaz acide carbonique.........., ..... 0,0135
Air atmosphérique......... dandononoc 0,0015
0,0150
Carbonate de Chaux... sseereecee 0,195
Sulfate TE CRhANXS Se: cree 0) US
Chlorure’de sodium... ............... 0,067
Silice et oxide de fer............. 0,916
Matière organique albumineuse....... 0,004
Acide hydro—sulfurique, des traces.
113
Eaux courantes profondes.
V. — PUITS.
L'eau de puits est généralement employée à la bois-
son et aux usages domestiques par les populations ru-
rales, qui se préoceupent beauconp plus, en les faisant
creuser, de la proximité, que de la nature de l'eau.
Les puits sont donc des excavations ordinairement
circulaires, plus où moins profondes, revêtues de ma
connerie, dans lesquelles les eaux souterraines vien-
nent se réunir. Ces eaux, fournies par des nappes pro-
fondes, proviennent d'infiltration; leur nature varie à
l'infini, suivant la composition chimique des couches
qu'elles traversent ou des terrains qu'elles parcourent :
généralement , les eaux profondes sont beaucoup plus
chargées de sels minéraux que les eaux superficielles,
mais elles contiennent moins de matière organique. On
conçoit, en effet, qu'en traversant les couches argilo-
calcaires du sol, elles se dépouillent de celle-ci et se
chargent de ceux-là, double effet d'autant plus sensible
que les couches ont plus d'épaisseur, ou, ce qui re-
vient au même, que les puits sont plus profonds.
Nous allons suivre, pour indiquer la nature des eaux
des puits du département , la marche que nous nous som-
mes tracée pour les eaux de sources, c'est-à-dire par-
courir successivement les arrondissements, les cantons
el les communes principales.
14
4er ARRONDISSEMENT.
BLAYE .
Eau Limpide, saveur fraîche, agréa -
ble.
Marque 10 deg. ‘/, ,l'air étant à 22.
Profondeur, 12 à 14 mètres.
Gaz acide carbonique... ..... 0,0200
Air atmosphérique............ 0,0020
0,0220
Carbonate de chaux... . 0,187
Sulfate de chaux........... 0,081
Chlorure de sodium........... 0,052
Silicate d’alumine............. 0,025
Ozide’de’fer...... 0,005
Matière organique... ..,..... 0,002
0,352
BOURG.
PUITS PURLIC DU DISTRICT.
Eau Limpide, saveur fade, terreuse,
Marque 9 degrés 1 l'air étant à
22, Profondeur, 17 à 18 mètres.
Gaz acide carbonique......... 0,0200
Air atmosphérique............ 0,0015
0,0215
Carbonate de chaux........…. 0,409
Sulfate de chaux ............. 0,215
de magnésie. .…. .. 0,012
Chlorure de sodium. ......... 0,090
dercalcium: 5"... 0,127
de magnésium. ..... 0,069
Silice et oxide de fer... .,.... 0,032
Matière organique...,.....,... 0,004
0,958
COMPS,.
Eau limpide, saveur fade.
Marque 10 degrés ‘/,, l'air étant à
22. Profondeur, 12 à 15 mètres.
Gaz acide carbonique... 0,0200
Air atmosphérique. .....,.,... 0,0020
0,0220
Carbonate de chaux........ 0,576
Sulfate de .chaux........... 0,078
Chlorure de sodium. ....... 0,036
AL CAICINMS 0-22 0,072
Silice et oxide de fer ........ 0,019
Matière organique... ......... . 0,003
0,784
GAURIAC.
Eau limpide, saveur fade, terreusé.
Marque 10 degrés, l'air étant à 22.
Profondeur, 14 à 16 mètres jusqu’à la
nappe d’eau.
Gaz acide carbonique... 0,0200
Air atmosphérique... . ..... 0,0020
0,0220
Carbonate de chaux. ....,..... 0,584
Sulfate de chaux.............. 0,097
Chlorure de sodium........... 0,105
de CalCInM.......:.. 0,065
Silicate d’alumine........ .... 0,017
Oxide de fer... Re 0,006
Matière organique . ...,..... 0,004
0,878
een
! Quand le puits n’est pas nommé, où sa position précisée, c’est que tous les
puits de la localité fournissent des eaux de même nature,
115
BAYON.
Limpidité parfaite, saveur fade.
Marque 10 degrés ‘/,, l'air étant à
23. Profondeur, 12 à 15 mètres.
SAINT-AUBIN.
Limpide, fraiche, agréable,
Marque 11 degrés, l'air étant à 24.
Profondeur, 12 à 14 mètres,
Gaz acide carbonique... . 0,0190 Gaz acide carbonique... . 0,0170
Air atmosphérique... ......., 0,0020 Air atmosphérique... ..,... 0,0020
0 0210 0,0190
Carbonate de chaux........... 0,325 Carbonate de chaux....... 0,166
Sulfate! de chaux........,.1... 0,165 Sulfate de chaux::.5:2. 000. 0,071
Chlorure de sodium... .... 0,096 Chlorure de sodium .......... 0,063
de calcium... ....., 0,014 Silice et oxide de fer... 0,017
Silieate d'alumine.. ,......... 0,022 Matière organique... ..…. . 0,003
(BEI CPI CS TASER PERTE 0,007 SE LUE
Matière organique, ..... 0,005 0,320
ons 6
0,634
SAINT=CIERS-LALANDE,
PUITS VINCENT,
A L'EXTRÉMITÉ DU BOURG,
où viennent se pourvoir les habitants
du marais,
Limpidité parfaite, saveur fraiche,
agréable.
Marque 10 deg, , l'air étant à 23,
Profond., 10 m.
Gaz acide carbonique ........ 0,0130
Air atmosphérique. ........... 0,0015
0,0115
Carbonate de chaux... ........ 0,145
Sulfate de chaux. .......,..., 0,067
Chlorure de sodium... ..... 0,055
He CAIGIUM ee 0,026
Silice et oxide de fer... 0,016
Matière organique. .…..,........ 0,006
0,315
PUITS JOLY,
AU CENTRE,
Limpide, fraîche, agréable.
Marque 10 deg., l'air étant à 23.
Prof. 12 à 14 m.
Gaz acide carbonique... 0,0125
Air atmosphérique. ..,...., 0,0015
0,0140
Carbonate de chaux... 0157
Sulfate de chaux... ......... 0,076
AETSONTP rec 0,012
Chlorure de sodium, .......,.. 0,064
Silicate d’alumine. ........…. 0 OS
OUXIUE TENTE eee. 1 10 008
Matière organique... . 0,004
116
PUITS CAZENAVE,
A L'ENTRÉE DU BOURG.
Limpide, saveur fraiche et agréable.
Marque 10 deg., l'air étant à 23.
Profondeur, 11 m.
Gaz acide carbonique... ..... 0,0135
Air atmosphérique........... 0,0020
0,0155
ne
Carbonate de chaux......,.... 0,135
Sulfate de ChAUX. « ....ssseses 0,043
Chlorure de sodium...... ess 0) OA
Silicate d'alumine........... 0,022
Oxide de fer, .........e.sere 0,006
Matière organique... ......... 0,005
0,285
ES
SAINT-SAVIN,
Eau limpide, saveur terreuse.
Marque 11 deg., l'air étant à 23.
Profond., 8 à 9 m.
Gaz acide carbonique. ....... 0,0185
Air atmosphérique. .. ........ 0,0015
0,0200
Carbonate de chaux.......... 0,362
Sulfate de chaux... ..... 0,193
Chlorure de sodium .......... 0,117
de calcium.......... 0,065
Silicate d'alumine............. 0,016
Oxide de fer. .. . ... .... 0,004
Matière organique......., 2000003
0,760
ÉTAULIERS.
Eau limpide, saveur fade.
Marque 12 deg., l'air étant à 29.
Profondeur, 6 m.
Gaz acide carbonique......... 0,0190
Air atmosphérique. ........... 0,0020
0,0210
Carbonate de chaux......... 0,415
Sulfate de chaux. .... ........ 0,132
Chlorure de sodium...... .... 0,104
de calcium... ....... 0,055
de magnésium. ..., 0,037
Silicate d’alumine........ 0,018
Oxide/deifer....-..:-sartins 0,006
Matière organique ...,.,,...., 0,005
0,772
nl
CAVIGNAC *.
PUITS PUBLIC.
Limpide, saveur désagréable.
Marque 11 deg, , l'air étant à 23.
Profondeur, 8 m.
Gaz acide carbonique... .. 0,0170
Air atmosphérique. ......... 0,0020
0,0190
Carbonate de chaux... 0,475
Sulfate de chaux......... ,... 0,127
de magnésie.…........ 0,032
Chlorure de sodium........... 0,138
de calcium ........ . 0,067
de magnésium... . 0,024
Azotate de chaux............…. 0,082
Silice et oxide de fer......... 0,016
Matière organique... ... .. 0,014
0,975
‘ L'eau du puits public de Cavignac est bien inférieure en qualité à celle des
puits particuliers qui l’avoisinent. Celle-ci, en effet, ne contient pas plus de
0,487 de sels de toutes natures, J’attribue cette différence aux corps étrangers
que les enfants y jettent, et à la poussière que sa proximité de la grand'route
permet au vent d'y apporter. Ce puits. fournissant de l'eau à la population pauvre
du bourg, celle qui mérite le plus de sympathie, il serait urgent que l'autorité
municipale le fit recurer et recouvrir d’une portière à châssis, qui le préservât
du double inconvénient que nous venons de signaler,
11
et
1
2e ARRONDISSEMENT.
Libourne.
Les puits sont nombreux, de profondeur moyenne,
l'eau à peu près identique.
PUITS
DE L'HÔTEL DU GRAND ORIENT.
Limpide, fraiche, agréable.
Marque 10 deg. ‘/,., l'air étant à
22. Profoud., 8 m.
Gaz acide carbonique... À
Air atmosphérique......... do
0,0180
0,0020
0,0200
a
Carbonate de chaux........... 0,185
Sulfate de chaux. ............ 0,095
Chlorure de sodium...…... .. 0,072
de calcium......... 0,084
Azotate de chaux............ 0,062
Silice et oxide de fer...., ... 0,021
Matière organique un peu ani-
DIARGE vbs sas sos AURA 00007
0,526
La proximité des écuries n’est pro—
bablement pas étrangère à la présence
de l’ammoniaque dans l’eau de ce puits.
PUITS
DE LA PLACE D'ARMES.
Limpidité parfaite, saveur agréable.
Marque 11 deg., l'air étant à 22.
Profondeur, 10 m.
Gaz acide carbonique. ........ 0,0175
Air atmosphérique. .....,..... 0,0020
0,0195
Carbonate de chaux... ,....…, 0,215
Sulfate de chaux........ BE 0,097
Chlorure de sodium ....... . 0,088
Azotate de chaux... 0,075
Silice et oxide de fer... . 0,017
Matière organique un peu ani-
MANISÉC Se ---h-tets aNO ee DL 0,008
0,500
Cette eau a beaucoup d’analogie avec
celle de l'hôtel du Grand Orient.
PUITS
DES ENVIRONS DE LA HALLE.
Limpide, agréable.
Marque 11 deg. , l'air étant à 22.
Profondeur, 11 m.
Gaz acide carbonique......….. .. 0,0170
Air atmosphérique... scodoee 0,0015
0,0185
Carbonate de chaux........... 0,235
Sulfate de chaux. ..… 6,068
: Chlorure de sodium........... 0,096
de calcium. ......... 0,036
Axotate de chaux... 0,954
SINCO EL OXITE AE ETS. tee 0,022
Matière organique... .AU0 007
0,0518
118
CANTON DE BRANNES.
Les puits sont assez profonds; l'eau repose sur un sol
calcaire, dont elle se sature; elle grumèle abondam-
ment le savon, euit mal les légumes.
BRANNES. BARON.
Marque 10 deg., l'air étant à 22. Marque 10 deg., l'air étant à 22,
Profondeur, 11 m. Profondeur, 12 m.r
Saveur fade, terreuse. Saveur terreuse plus prononcée.
Gaz acide carbanique......... 0,0170 Gaz acide carbonique... 0,0165
Air atmosphérique ...... ..., 0,0020 Air atmosphérique. ......… .,: 0,0015
0,0190 0,0180
Ro mtee e 0,505 Carbonate de chaux..........…. 0,365
Sulfate de chaux... . 0,247 GEmapneste seras DHDAT
Sulfate de chaux......... .…. . 0,183
Azatate de‘chaux............. | 0,065 Le 99
dé magnésie,. ...... de ca" SERRES 0,022
Chlorure de sodium... 0,047 ARGUS Fe hi Le Au 5 0,082
de calcium. ......... 0,073 BADAGDÉSIENT =
de magnésium. . .…. 0,026 Chlorure de sodium ru CHA Et «0,1 13
Silice et oxide de fer... . 0,018 ss ralclom ut ct A
Matière organique... 0,0 AB Dee: 25: ASUS
ne es 9009. Silice et oxide de fer.. ....... 0,014
0.0990 Matière organique, ......,.... 0,007
0,0959
ESPIET.
Marque 10 deg. Profondeur, 9 mètres.
Saveur fraiche , agréable.
Gaz acide carbonique. . .............. 0,0130
Air atmosphérique. ..... ss 0,0020
0,0150
Garbonate de Chaux... ........:.,... 0,392
Sulfate de chaux... PACA dB 0 0,102
A7otateide potasse..:........ #0 0,056
Chlorure de sodium.......,.......,.., 0,067
dercalcium. 0, 0,024
de magnésium... ..........1 0,018
Silice etroxide de fer... Le, 0,014
Matièrelorganique......... nue 0,004
0,677
1
19
CASTILLON,
PUITS
DE LA PLACE.
Saveur désagréable, terreuse.
Gaz acice carbonique. ........ 0,0190
Air atmosphérique... ....... 0,0020
0,0210
Carbonate de chaux..........… 0,402
Sulfate de chaux... ......... 0,502
Azotate de chaux............ |
de magnésie ...,.... | 0,105
Chlorure de sodium. .,....... + 0,187
de calcium... ........ 0,023
de magnésium,. 0,019
Silicate d’alumine.. .......... 0,021
OXITE TE ER er -ssessce 100,006
Matière organique, . ........ 0008
1,273
SAINT
Point de fontaine p
PUITS
DE L'HOTEL DES DILIGENCES
Marque 10 degrés, l'air étant à 22.
Profondeur, 9 mètres.
Gaz acide carboniqne.......... 0,0170
Air atmosphérique... ... ..... 0,0015
0,0185
Carbonate de chaux. ....,.... 0,465
Sulfate/de chaux... .......... 0,474
Azotate de chaux.. ....., …, [l :
de magnésie ....,,... \ 0,092
Chlorure de sodium.......... 0,260
de calcium......... . 0,041
de magnésium. . .... 0,026
Silice et oxide de fer.......... 0,022
Matière organique.........,... 0,008
1,388
E-TERRE.
ublique. Puits nombreux
assez profonds, 11 mètres.
Eau limpide, mais
lourde et séléniteuse.
Gaz acide carbonique.........,,,..... 0,0165
Air atmosphérique... .. nee 0,0015
0,0180
Carbonate de chaux... ........... onde (set
Sulfate de chaux. ....... OUR 0,414
AZO(ALEICAICAITE mes ecran Î
2
desmagnésies....,...1...1. | 0,082
Chlorure de sodium, . ......,......... 0,103
DETCAICIUMe Re terre 0,044
Silice et oxide de fer................…. 0,016
MAtEreOTE NIUE ES enr ees 0,006
0,972
120
CANTON DE COUTRAS.
Puits du Château. — M ne reste plus du château
célèbre qu'habitèrent pendant longtemps Catherine de
Médicis, Marguerite sa fille, et Henri IV, qu'un joli
puits de forme hexagone, d'un n.être de côté, recouvert
d'une petite lanterne couronnée d'une calotte à écailles ,
sur laquelle repose un dauphin; le tout soutenu par
six colonnettes, s'appuyant elles-mêmes sur des vases
de diverses formes qui leur servent de socle. À six mè-
tres de profondeur, il se rétrécit brusquement, et atteint
ainsi le niveau de la nappe d'eau, à onze ou douze
mètres au-dessous du sol.
Ïl contient en toute saison trois à quatre mètres d’eru
fraiche et limpide, d'une saveur agréable, marquant
10 degrés, l'air étant à 22.
PUITS PUITS D'ABZAC.
DU CHATEAU DE COUTRAS.
; Gaz acide carbonique... 0,0180
Gaz acide carbonique. ….… 0,0175 Air atmosphérique. ........... 0,0020
Air atmosphérique .,..., .... 0,0020 RAT
Sr a PR 0,0200
0,0195
Carbonate de chaux. . ...... 0,138
Carbonate de chaux... .... 0,071 Sulfate de chaux... ........... 0,085
Sulfate de chaux . ….... … 0,029 Chlorure de sodium........…. 0,042
Azotate de polasse.... ....... 0,027 és de calcium FORSENNCE 0,021
Chlorure de sodium .......... 0,034 Silice et oxide de fer... ... 0,018
Silice et oxide de fer.,......, 0,012 Matière organique .…........ - 0,010
Matière organique. …... ..... 0,002
ère organique AU 0,314
Cette eau est la plus pure de toutes
les eaux de puits da département.
121
GUITRES.
Puits nombreux. Prof , 13 à 14 m.
Eau limpide , saveur fade et terreuse.
Marque 9 deg. ‘/., l'air étant à 22.
Gaz acide carbonique... | quantité
Air atmosphérique. .…. | indéterminée .
Carbonate de chaux.,......... 0,510
Sulfate de Chaux... ............ 0,215
Azotate de potasse........... 0,057
Chlorure de sodium... ........ 0,064
de calcium.. ........ 0,030
Silicate d’alumine. .... .. ... |
02
DRE UE EL: 2e e-cccceccnes | DES
Matière organique. ........... 0,008
0,910
CE
MARANCIN.
Puits nombreux. Prof , 12 à 14m.
Eau lourde et séléniteuse.
Marque 9 deg., ‘/, l'air étant à 22.
Gaz acide carbonique. ........ 0,0175 Gaz acide carbonique. ..…..... 0,0160
Air atmosphérique... ...... 0,0015 Air atmosphérique... 0,0020
0,0190 0,0180
ee
Carbonate de chaux... .. 0,413 Carbonate de chaux, .. ...... 0,168
Sulfate de chaux... ,......... 0,285 Sulfate de chaux ............. 0,102
Azotate de potasse. ........... 0,082 Azotate de potasse........... 0,057
Chlorure de sodium., ........ 0,065 Chlorure de sodium. .......... 0,103
de calcium... ....... 0,071 de calcium... ...… .. 0,021
Silice et oxide de fer... .,.... 0,017 Silice et oxide de fer... 0,022
Matière organique. ........... 0,005 Matière organique... ..... 0,006
0,938 0,479
SAINTE-FOY.
SAINT-DENIS-DE-PILES.
L'une des communes les plus consi-
dérables du canton de Guiîtres. Point
de fontaine publique. Puits nombreux,
profonds de 7 à 8 mètres.
Eau limpide , sans odeur ni couleur,
Marque 10 deg. ‘/,, l'air étant à 22,
Gaz acide carbonique.. jy quantité
Air atmosphérique. .. | indéterminée.
Carbonate de chaux........... 0,267
Sulfate de chaux: ............. 0,166
Azotate de potasse. .....,.... 0,047
Chlorure de sodium. .......... 0,152
de calcium. ...….. 15410 0:028
Silice et oxide de fer.......... 0,017
Matière organique............. 0,004
0,681
SAINT-MÉDARD DE GUIZIERS.
Puits peu profonds, 6 à 7 mètres.
Eau limpide, agréable.
Marque 11 deg., l'air étant à 22,
PUITS
DE L'HOTEL DES MESSAGERIES.
Gaz acide carbonique .. } quantité
Air atmosphérique... | indéterminée.
Carbonate de chaux... ...... 0,614
Sulfate de chaux ....:..... …. 0,296
Chlorure de sodium.... ...... 0,192
de calcium... : 0,037
Azotate de potasse..........., 0,085
Silice et oxide de fer........, + 10 OÙ7
Matière organique.......,..... 0,007
1,248
PUITS
A L'ENTRÉE DE LA VILLE.
Gaz acide carbonique... } quantité
Air atmosphérique. ... | indéterminée,
Carbonate de chaux... ...,.,.. 0,582
Sulfater te chaux... et 0,375
Chlorure de sodium.....,..... 0,167
de Calcium. ......... 0,048
Azolate de potasse............ 0,182
Silice et oxide de fer. ....... 0,022
Matière organique. ............ 0,010
1,386
PUITS-FONTAINE
DE LA GRANDE—PLACE.
Saveur fade, terreuse.
Marque 11 deg. ‘/., l'air étant à 23
Gaz acide carbonique... | quantité
Air atmosphérique. .…. | indéterminée.
Carbonate de chaux........... 0,592
Sulfate de chaux. ............. 0,287
Chlorure de sodium........... 0,215
de calcium... 0,063
Azotate de potasse.., ........ 0,137
Silice et oxide de fer. . 0,021
Matière organique, ............ 0.010
1,325
FRONSAC.
Le bourg de Fronsac n'a point de
fontaine publique. Les puits y sont nom-
breux , assez profonds, l’eau de bonne
qualité.
PUITS DE FRONSAC.
Gaz acide carbonique... } quantité
Air atmosphérique... \ indéterminée.
Carbonate de chaux.. ........ 0,272
Sulfate de chaux............... 0,117
Chlorure de sodium. . ....,... 0,078
de calcium.......... 0,05
de magnésium. . .. 0,027
Silice et oxide de fer...,...... 0,014
Malière organique. ....,...... 0,006
0,550
PUITS-FONTAINE
DE L'ÉGLISE,
Marque 10 deg. ‘/,, l'air étant à 23.
Gaz acide carbonique... } quantité
Air atmosphérique. ..….. | indéterminée.
Carbonate de chaux... ..... 0,595
Sulfäte de Chaux::.......... 0,325
Chlorure de sodium...., ..… 0,227
MINE soso: 0,056
Azotate de potasse....,......, 0,172
Silicate d’alumine... ...,..... 0,021
Matière organique et oxide de } 0,014
EN ee ane elase |
1,410
ee ee de
CADII LAC-SUR-DORDOGNE
Ne renferme non plus aucune source
superficielle ; les puits fournissent à tous
les besoins.
PUITS- DE CADILLAC-SUR=-DORDOGNE.
Gaz acide carbonique... } quantité
Air atmosphérique... \ indéterminée.
Carbonate de chaux. ........ 0,365
Sulfate de chaux.......…. Fe OAlO?
AZOIALELGAICAITE. eme -ee 0,044
Chlorure de sodium. ...... .… 0,073
de calcium... ..... 0,022
Silice et oxide de fer......... 0,011
Matière organique... . 0,007
LUSSAC. — Le bourg de Lussac, entouré d'eaux su-
perficielles, ne fait usage que d'eau de puits de mau-
vaise qualité, bien qu'à quelques centaines de mètres
il y ait d'excellentes eaux courantes.
PUJOLS est un gros bourg situé sur un coteau do-
123
minant la vallée de la Dordogne; les puits y sont pro-
fonds ; l'eau qu'ils fournissent est, comme celle de tous
les puits du canton, lourde et séléniteuse.
PUITS DE LUSSAC. PUITS DE PUJOLS.
Eau limpide, saveur terreuse. Eau limpide, saveur fade, désa—
gréable.
Gaz acide carbonique... } quantité
Air atmosphérique... . |indéterminée. Gaz acide carbonique... | quantité
Carbonate de chaux... 0,402 Air atmosphérique... . | indéterminée.
Sulfate de chaux.............. 0,287 Carbonate de chaux... ....... 0,519
Azotate de potasse............ (0,210 Sulfate de chaux.. ........... 0,396
Chlorure de sodiam.......... 0,265 Azotate de chaux. ...........) 4e
de calcium.......... 0,048 de magnésie......... | 0,137
Silice et oxide de fer... 0,016 Chlorure de sodium... ........ 0,165
Matière organique. .......,. 0,004 de calcium. .....…. : (0142
— de magnésium... .... 0,064
1,232 Silicate d'alumine et oxide de
——— TO nou eee ent oi 20e 0,041
Matière organique............ 0,006
1,466
-20-SRRERee Es
GENSAC, Situé également sur un plateau élevé, n'est
pas mieux partagé que Puijols.
Les puits y sont profonds, de dix-huit à vingt mètres.
RAUZAN. — Commune populeuse et commercante ;
puits nombreux et profonds. L'un de ces puits pré-
sente une intermittence remarquable : il fournit pen-
dant une partie de l'année une eau abondante et très-
bonne, tarit tout à coup, et reparait après trois à quatre
mois. Îl était à sec à l’époque où je visitai Rauzan.
124
PUITS DE GENSAC.
Marque 9 degrés l’air étant à 23.
Gaz acide carbonique. .} quantité
Air atmosphérique. … |indéterminée.
Carbonate de chaux. ..... ea OSOLS
Sulfatée de chaux... ..........…. 0,387
Azotale calcaire... 0,162
Chlorure de sodium.......... 0,105
de calcium... ..... 0,182
Silicate d’alumine... ......... 0,028
Oxide de fer et matière organi-
MÉbER een are 0,012
1,391
LR
PUITS DE RAUZAN.
Gaz acide carbonique... quantité
Air atmosphérique. ..…. | indéterminée.
Carbonate de chaux. .......... 0,312
Sulfate de chaux. ....... Fepene 0,167
Chlorure de sodium...,....... 0,102
de calcium... .. 0,184
Silice et oxide de fer........…. 0,018
Matière organique. ........... 0,006
0,789
SRE
5e ARRONDISSEMENT.
La Réole.
Ce cheflieu d'arrondissement ne renferme aucune
source superficielle ; l'eau des fontaines qui servent aux
besoins de la population, est élevée au-dessus du sol
par des pompes à manivelles; c'est pour cela que nous
les avons rangées dans la catégorie des eaux profondes.
PUITS-FONTAINES DE LA RÉOLE.
Gaz acide carbonique... 0,0180
Air atmosphérique .......,... 0,0020
0,0200
Carbonate de chaux... 0,325
Sulfate de chaux. ............ . 0,187
Azotate de potasse......,..... 0,042
Chlorure de sodium.........., 0,095
deicalcium......2.... 0,027
Silicate d’alumine.. ,......... 0,021
OXIB ACER eee e cet ee 0,007
Matière organique... ,.,..., 0,006
0,710
PUITS DE LA RÉOLE.
Gaz acide carbonique. ........ 0,0200
Air atmosphérique. ........... 0,0020
0,0220
Carbonate de chaux... ....., 0,475
Sulfate de chaux. .....,.. ... 0,267
Azotate calcaire”. 122.220 0,073
Chlorure de sodium... ..... 0,082
UE CAICIANS. 2... 0,063
de magnésium... 0,037
Silicate d’alumine........ .... 0,021
OxidB de TER rene ercemene 0,006
Matière organique.....,,.,... 0,010
1,034
125
GIRONDE. — Gros bourg assez peuplé. La population
ne fait usage que d’eau de puits : il n’y à point de fon-
taine publique; l'eau des puits est à onze mètres du
sol; sa température est de 10 degrés, l'air étant à 22.
PUITS DE GIRONDE.
Gaz acide carbonique. ........ | quantité
Air atmosphérique. .....,..,... | indéterminée.
Carbonatetde Chaux... e...ee 0,516
Sulfate dé Chaux Aer. srreenencceete 0,265
Chlorure de sodium. ................, 0,102
de CALCIUM er rer meer 0,036
de magnésium... .......,.... 0,028
Azotate de chaux... , babbacaecc ent 0,062
SIHCENELOXIE TER IER 2. asc 0,026
MATE TE Or ANIQUE.. .....- esse 0,003
1,038
SAINT-MACAIRE. — L'une des plus anciennes villes
du département ; les rues y sont étroites, les maisons mal
bâties et mal aérées. La ville ne possède aucune source
superficielle; aucune eau courante ne vient rafraichir
en été l'intérieur de cette vieille cité, qui se trouve
ainsi réduite à user exclusivement d'eau de puits.
Cette eau a une température de 11 degrés, l'air étant
à 24; elle est limpide, sans odeur ni couleur, mais elle
a une saveur fade et terreuse.
CAUDROT. — Bourg considérable sur la Garonne,
à quelques kilomètres de Saint-Macaire, est, comme
celte ville, dépourvu d'eaux courantes superficielles ;
l'eau des puits y est encore plus malsaine.
126
PUITS DE SAINT-MACAIRE.
Gaz acide carbonique......... 0,0200
Air atmosphérique. ........... 0,0020
0,0220
Carbonate de chaux.....,....…. 0,427
Sulfate de chaux. ..... ....... 0,252
Chlorure de sodium........... 0,065
de calcium. ......... 0,044
de magnésium, .....
Azotate de potasse,.…...... . 0,081
Silicate d’alumine. ........... 0,021
Oxide de/fer-.--. {pence 0,006
Matière organique, ........... 0,008
0,940
PUITS DE MONSÉGUR.
Eau limpide, saveur franche, agréable.
Marque 10 deg., l'air étant à 23.
Profondeur, 12 mètres.
Gaz acide carbonique... . 0,0175
Air atmosphérique... ........ 0,0020
0,0195
Carbonate de chaux. ......... 0,263
Sulafe de IChANXS.-..-8......0 0,185
Chlorure de sodium... ..... DD)
de calcium:. ...:.... 0,060
de magnésium... ... 0,028
Silice et oxide de fer.......... 0,018
Matière organique. . .......... 0,004
0,640
PUITS DE CAUDROT,
Gaz acide carbonique... 0,0210
Air atmosphérique. . ....., -. 0,0020
0,0230
Carbonate de chaux. .......…. 0,655
Sulrate de chaux ............ 0,237
Chlorure de sodium.......,... 0,092
de calcium... ....... 0,048
de magnésium... 0,034
Azotate de potasse........ 9,065
Silicate d'alumine............. 0,022
Oxide.deifersresatesshesseeess 0,006
Matière organique. ..,......,.. 0,003
1,162
PUITS DE SAINT-MAIXANT.
Limpidité parfaite.
Marque 10 degrés, l'air étant à 23.
Profondeur, 11 mètres.
Gaz acide carbonique... 0,0190
Air atmosphérique. ........... 0,0020
0,0210
Carbonate de chaux... ...... 0,208
Sulfate de chaux... ........... 0,072
Chlorure de sodium. . ........ 0,089
de calcium. ......... 0,036
Silice et oxide de fer......,.., 0,017
Matière organique. ........... 0,004
0,426
ROQUEBRUNE.— Bourg assez populeux, arrosé par le
Drot et l'Andouille, auxquels il doit de l'emporter en
fertilité sur les communes voisines; il n'y à point de
fontaine publique. Les puits y sont profonds de dix à
douze mètres; leur température est de 10 degrés ‘/,,
l'air étant à 22; l'eau qu'ils fournissent est limpide, in-
colore, mais de mauvaise qualité.
Dans le canton de Pellegrue, le terrain est montueux
127
et coupé d'étroites vallées ; le sol argilo-calcaire, blan-
chàtre , friable et très-froid.
Le bourg de Pellegrue est situé sur un plateau éle-
vé; il ne possède aucune fontaine publique, mais il a
un puits communal couvert. Ce puits, où vont se pour-
voir une partie des habitants, est très-profond (25 mè-
tres au moins); il fournit une eau lourde, d'une saveur
fade et désagréable.
PUITS DE ROQUEBRUNE. PUITS DE PELLEGRUE.
Marque 10 deg. ‘/., lairétant 322, Marque 9 degrés, l'air étant à 22,
, D 9 tr
Profondeur, 12 mètres. Profondeur, 25 mètres.
Gaz acide carbonique... 0,0200 Gaz acide carbonique. … .... 0,0175
Air atmosphérique ARE 0,0015 Air atmosphérique soso . 0,0015
0,0215 GRO EN)
Carbonate de chaux... 0,629 Carbonale de chaux... ….. 0,435
Sulfate de chaux... . 0,268 Sulfate de chaux... .. 0,172
Chlorure de sodium... 0,084 Chlorure de sodium. ....,.... 0,091
de calcium... 0,052 de calcium. ......... 0,046
de magnésium... 0,037 de magnésium... 0,021
Azotale de chaux..........,.. 0,105 Azutate de chaux... ......... 0,042
Silicate d’alumine. ............ 0,022 Silicate d’alumine..…......... 0,016
Oxrde de fer; de 0,005 Oxide de fer.......... ....... 0,006
Matière organique, ........... 0,009 Matière organique ........... 0,004
1,211 0,833
RE nel
SAINT-FERME. — Joli bourg bien situé, sol léger, sa-
blonneux, eaux courantes, abondantes ; point de fon-
taine publique; puits nombreux, de profondeur moyen-
ne; eau limpide et salubre.
128
PUITS DE SAINT-FERME.
Marque 10 ‘/,, l'air étant à 23. Profon—
deur, 12 mètres.
Gaz acide carbonique......... | quantité
Air atmosphérique............. \ indéterminée.
Carbonate deMcHAUX. ee, 0,367
Sulfate de chaux....,..... RU 000 091
Chlorure de sodium.......,,......... 0,065
16 CAICIUME Seche encres 0,062
Silicate d’alumine..…. Mar esebats due 0,017
Arzotate de CHAUX. RU ee -eece 0,044
Oxide de fer. … IF. Pen eree 0,005
Matière organique. .......,.,........ 0,006
0,657
SAUVETERRE. — Cette petite ville ne renferme aucune
source superficielle; quelques filets d'eaux peu abon-
dants et des puits nombreux, suffisent aux besoins de
la population. On y à établi tout récemment, un puits
à pompe qui tient lieu de fontaine publique; le bourg
possède aussi plusieurs puits communaux.
MAURIAC. — Petit bourg à sept ou huit kilomètres
de Sauveterre; point de fontaine, puits assez nom-
breux; eau séléniteuse et lourde.
129
PUITS DE SAUVETERRE,.
PUITS-FONTAINE.
Eau limpide, saveur franche.
Marque 10 deg. ‘/,, l'airétantà 23.
Gaz acide carbonique... 0,0135
Air atmosphérique... ... ..... 0,0020
0,0155
Carbonate de chaux. ....,.... 0,247
Sulfate de chaux............. 0,163
Chlorure de sodium.........., 0,172
de calciimMe.....s..s 0,048
de magnésium... 0,031
Silice et oxide de fer.......... 0,016
Matière organique......,....., 0,008
0,685
PUITS DE LA GENDARMERIE
L'eau de ce puits est excellente et
bien supérieure à celle des puits du
bourg ; le sol en est caillouteux.
Marque 10 degr., l'air étant à 23.
Profondeur, 13 m.
Gaz acide carbonique. ....... 0,0155
Air atmosphérique, .. ........ 0,0020
0,0175
Carbonate de chaux... ..... 0,197
Sulfate de chaux.............. 0,122
Chlorure de sodium ........., 0,046
de calcium... ........ 0,024
de magnésium. ...…. 0,016
Azotate de potasse.........….. 0,035
Silice et oxide de fer... 0,013
Matière organique. .......... 0,005
PUITS COMMUNAL DE LA HALLE.
Eau incolore, inodore, saveur fade.
Marque 11 degrés, l'air étant à 23.
Profondeur, 14 mètres.
Gaz acice carbonique. ..…...... 0,0190
Air atmosphérique... ....... 0,0015
0,0205
Carbonate de chaux.........., 0,337
Sulfate de chaux... ........., 0,245
Chlorure de sodium. ......... 0,182
de calcium... ..,..... 0,045
de magnésium... 0,028
Silice et oxide de fer....... 0,014
Matière organique. . .......... 0,007
0,858
PUITS DE MAURIAC.
Limpide, fade, terreuse.
Marque 11 deg, , l’air étant à 23.
Profondeur, 11 m.
Gaz acide carbonique... .. 0,0195
Air atmosphérique. . ........ 0,0020
0,0215
ES
Carbonate de chaux. .......... 0,425
Sulfate de chaux............…. 0,272
Chlorure de sodium........... 0,102
de calcium ........ . 0,064
de magnésium... 0,026
Silice et oxide de fer........…. 0,017
Matière organique... ....... 0.006
0,912
130
CANTON DE TARGON.
Terrain silico-argileux peu fertile, manquant d'eau
pour les irrigations. Targon, chef-lieu du canton, n’a
aucune fontaine publique; des puits nombreux assez
profonds fournissent l'eau nécessaire aux besoins de la
population.
PUITS DE TARGON.
Eau limpide, mais lourde et séléniteuse.
Marque 10 degrés, l'air étant à 23.
Profondeur, 14 mètres.
Gaz acide carbonique. ........,...... 9,0190
Air atmosphérique, ....,........,.... 0,0020
0,0210
Carbonate de chaux.. .......,........ 0,495
Sulfate de chaux... RS TRE EU 0,270
Chlorure de sodium............,....., 0,094
de calcium. ........ .. . .. 0,086
Silice et oxide de fer... ............, 0,018
Matière organique... esse ane et .… 0,006
0,969
es
42 ARRONDISSEMENT.
Bazas.
Bazas renferme, indépendamment des fontaines dont
nous avons parlé, un grand nombre de puits, dont
l'eau est de qualité très-médiocre.
cupos. — Commune populeuse au sud de Bazas; une
131
partie du terrain est marécageux, les habitants ne font
usage que d'eau de puits.
PUITS DE BAZAS.
Eau limpide, saveur fade
Marque 10 deg. ‘/,, l'air étantà 22.
Profondeur, 14 m.
Gaz acide carbonique......... 0,0195
Air atmosphérique. .........., 0,0015
0,0210
Carbonate de chaux., ...... . 0,376
Sulfate de chaux. ............. 0,257
Chlorure de sodium........... 0,091
deCaICiOM ee. 0,054
de magnésium... 0,038
Arzofate de (chaux... 10,072
de magnésie....,.... 0,026
Silice et oxide de fer... 0,014
Matière organique ............ 0,008
0,936
PUITS DE CUDOS.
Eau limpide, un peu fade.
Marque 10 deg., l'air étant à 292,
Profondeur, 11 m.
Gaz acide carbonique... ..... 0,0175
Air atmosphérique... 0,0045
0,0190
Carbonate de chaux........... 0,282
Sulfate de chaux. . ........... 0,213
Chlorure de sodium. ,..,.,.... 0,102
de calcium... ...... 0,048
Azofate calcaire... 0,066
Silice et oxide de fer... ...... 0,015
Matière organique. ...,,..,.,.…. 0,007
0,733
AUROS. — Chef-lieu du canton de ce nom, situé sur
le sommet d'un coteau escarpé, ne renferme aucune
fontaine, et la population, comme celle de Cudos, ne
fait usage que d’eau de puits.
BARIE. — Commune fertile, arrosée par la Garonne
et la Bassanne ; terrain plat fréquemment inondé ; il n°y
a point de fontaine ; l'eau de la Garonne sert à presque
tous les usages domestiques, et l'eau des puits fournit
à la boisson.
132
PUITS D'AUROS.
Eau limpide, agréable.
Marque 10 deg. ‘/,, l'air étant à 22.
Profondeur, 8 m.
PUITS DE BARIE.
Eau limpide, saveur franche, agréable.
Marque 10 deg., l'air étant à 22.
Profondeur, 12 m.
Gaz acide carbanique......... 0,0190 Gaz acide carbonique......... 0,0165
Air atmosphérique ........... 0,0020 Air atmosphérique. ......... , 0,0020
0,0210 0,0185
Carbonate de chaux. ......... 0,280 Carbonate de chaux........... 0,234
Sulfate de chaux. ........... 0,184 Sulfate de chaux......... .... 0,152
Chlorure de sodium... ......... 0,086 Chlorure de sodium........... 0,074
dé calCiUmMe,.. ee 0,127 de calcium. ......... 0,026
Silice et oxide de fer... .. 0,021 Azotate de potasse........... 0,041
Matière organique... ... .... 0,003 Silice et oxide de fer......... 0,016
Matière organique, ........... 0,005
0,701
ES 0,518
CSS ARS
GRIGNOLS. — Ce canton est arrosé par plusieurs cours
d'eau considérables, le Lizos, le Berthoz, etc.
Le bourg de Grignols ne renferme que des sources
superficielles d’un volume insignifiant; les puits sont,
comme dans tout l'arrondissement, les seuls réservoirs
d'eau potable dont fasse usage la population. I possède
un puits-fontaine à pompe, qui fournit en toute sai-
son une eau assez abondante, mais de mauvaise qua
lité, comme celle de tous les puits du canton.
LAVAZAN. — Le sol de cette commune est beaucoup
plus siliceux que celui de Grignols, aussi les eaux y
sont-elles plus pures. Lavazan n’a aucune fontaine pu-
blique ; la nappe d'eau qui alimente ses puits, n'est qu'à
huit ou dix mètres du sol.
133
PUITS DE GRIGNOLS. PUITS DE LAVAZAN.
Eau limpide, saveur terreuse. Eau limpide, fraiche, agréable,
Marque 10 deg., l'air étant à 24. Marque 10 degrés, l’air étant à 24.
Profondeur, 12 mètres.
Gaz acide carbonique... 0,0155
Gaz acide carbonique... … 0,0200 Air atmosphérique. .........,. 0,0020
Air atmosphérique. ........... 0,0025
== 0,0175
0 0225 RP
SE GT DNA ENTE CDAUXE = eee 0,286
Carbonate de chaux... 0,337 Sulfate de chaux............…. 0,156
Sulfate de chaux... 0,306 Chlorure de sodium. .....… SCT
Azotate de chaux. ............ | 0.107 de calcium... ...... 0,036
de magnésie. NC: Azôtate de chaux. ............ 0,027
Chlorure de sodium.......... 0,210 Silice et oxide de fer... 0,018
de calcium... 0,036 Matière organique... .......... 0,004
Silicate d'alumine.. .......... 0,022 =
Oxide de fer et matière or— 0,601
SAMQUE see messe etes ONU PRET
1,029
LANGON. — Les puits de Langon sont nombreux,
peu profonds, creusés dans un sol caillouteux, et ali-
mentés par de bonnes eaux.
CASTETS EN DORTHE. — Petit bourg dans la basse
plaine, avec un port sur la Garonne. Les puits de Cas-
tets, creusés dans un sol argileux, fournissent une eau
excellente, dépouillée d'une grande partie des sels cal-
caires qui se trouvent dans l'eau des puits des cantons
VOISINS.
TOULENNE. — Petite localité près de Langon, remar-
quable par son collége; il n'y a pas de fontaine publi-
que, les puits fournissent à la population l'eau néces-
saire à ses besoins.
134
PUITS DE LANGON. PUITS DE CASTETS-EN—-DORTHE.
Eau limpide, saveur agréable. Limpidité parfaite, saveur fraîche et
RS agréable.
Marque 11 deg., l'air étant à 21. Marque 10 deg. , l'air étant à 22,
Gaz acide carbonique.......…. 0,0175 Profond., 11 m.
ir atmosphérique. .. ........ 0,0020
SAS I RENIQUE Gaz acide carbonique ....…. .… 0,0135
0,0195 Air atmosphérique. .......,... 0,0020
Se 0,0155
Carbonate de chaux........ 0,208 ———
SUITE AE CHAUX Me. ere.e 0,115 Carbonate de chaux... 0,137
Chlorure de sodium .«......... 0,042 Suilfate de chaux. ............ 0,091
de calcium. ......... 0,038 Chlorure de sodium ... ..…. 0,072
Azotate de potasse. ..... .... 0,087 Azotate de potasse .."......…. 0,068
Silice et oxide de fer. .…. .. 0,016 Silice et oxide de fer... 0,014
Matière organique............ 0,004 Matière organique...........…. 0,003
0,510 0,385
PUITS DE TOULENNE.
Ecau limpide, fraïche , agréable,
Marque 10 deg. ‘/,, l'air étant à 22.
Profondeur, 11 mètres.
Gaz acide carbonique, . j Quantité.
Air atmosphérique. . … | indéterminée.
Carbonate de chaux... 0,217
Sulfate de chaux... 0,104
Chlorure de sodium .......... 0,042
de calcium........,.. 0,026
Azotate de potasse. ........... 0,058
Silicate d’alumine..….....…. . 0,016
Oxide de fer........... AE 0,004
Matière organique... .... . 0,005
0,472
SAINT-SYMPHORIEN, — La constitution géologique de
ce canton et de celui de Villandraut, est la même que
celle du canton de Captieux. Nous aurons occasion
d'en parler plus loin, quand nous nous occuperons
de l'eau du sous-sol des Landes,
135
5e ARRONDISSEMENT.
Bordeaux,
Comme nous l'avons déjà dit, la ville de Bordeaux
possède un grand nombre de puits; mais creusés dans
un terrain rapporté, constamment imprégné de liqui-
des animalisés, presque tous fournissent une eau mal-
saine.
Il est aisé de comprendre que les eaux d'infiltra-
tions qui traversent le sol, altèrent les sources qui ali-
mentent les puits. Tous les établissements publics et une
grande partie des établissements privés ne font usage,
pour les besoins domestiques, que d'eau de qualité infé.
rieure, lorsqu'elle n'est pas malsaine : les résultats que
je vais faire connaitre le démontreront suffisamment.
PARTIE SUD DE LA VILLE,
PUITS-FONTAINE PUITS-FONTAINE
DE LA PLACE DU MAUCAILEOUX. DE LA PLACE CANTELOUP.
Eau limpide, saveur fade, terrense. Gaz acide carbonique... ...., 0,0165
Gaz acide carbonique... .… 0,0175 Air atmosphérique... 0,0015
Air atmosphérique... . ..... 0,0015 0,0180
0,0190 £
—— Carbonate de chaux. ......... 0,322
Carbonate de chaux... 0,370 Suifate de chaux... 0,210
Sulfate de chaux... ,......... 0,185 de magnésie. ..….. … 0,027
de magnésie.…....... 0,015 Azotate de chaux: . … 0,078
Arolate de chaux... Üo.072 Chlorure de sodium... 0,162
de magnésie.... | ? de calcium. ......... 0,138
Chlorure de sodium........... 0,134 de magnésium. .... 0,054
de calcium. .….. 0,165 Silice et oxide de fer... 0,028
de magnésium. 0,066 Matière OTSanIqUe.. ........ 0,009
Silice et oxide de fer... ...... 0,035 ' — —
Matière organique azotée.…. 0,011 1,028
136
PUITS-FONTAINE
PLACE DU MARCHÉ—NEUF.
Eau limpide, saveur terreuse.
Gaz acide carbonique... . 0,0170
Air atmosphérique......... .. 0,0020
0,0190
ESS
Carbonate de chaux........... 0,445
Sulfate de chaux..........,... 0,127
de magnésie. ........ 0,018
Azotate de chaux. nrrnernene | 0,125
de magnésié......... |
Chlorure de sodium......,.... 0,152
de calcium......... 0,235
de magnésium ..... 0,065
Silicate d’alumine...........….. 0,022
Oxide de fer et matière orga—
EUR EU RE LEE cc 0,013
PUITS-FONTAINE
RUE DU MIRAIL,
Gaz acide carbonique. ........ 0,0165
Air etmosphérique. ........... 0,0015
0,0180
Carbonate de chaux... .....,. 0,715
Sulfate de chaux.............. 0,195
Azotate de chaux.. ...... ... |
b]
de magnésie ......... \ 0,062
Chlorure de sodium. ....... . 0,180
de calcium... ..... 0,137
de magnésium... 0,091
Silicate d'alumine et oxide de
PO nb aus 0,042
Matière organique azotée... . 0,009
1,394
res me
HOSPICE SAINT=JEAN.
PUITS DE LA COUR DES HOMMES.
Gaz acide carbonique.......... 0,0160
Air atmosphérique... METEO T00LS
0,0175
Carbonate de chaux... se OST
Sulfaterde chaux. ds. .en 6,135
Azotate de chaux... ..,..... |
de magnésié ........ | 0,108
Chlorure de sodium.....,..... 0,082
de calcium, ......... 0,074
de magnésium. ...... 0,026
Silice et oxide de fer... 0,018
Matière organique azotée,.……. 0,007
0,0827
PUITS DE LA COUR DES FEMMES.
Gaz acide carbonique... 0,0165
Air atmosphérique, ......... . 0,0015
0,0180
Carbonate de chaux. . ....... 0,345
Sulfate! de chaux... ....-.22.4. 0,145
Azotale de chaux… APCHo co | 0,068
de magnésie..... \
Chlorure de sodium........... 0,084
de calcium... ...,... 0,071
de magnésium. ..…. 0,022
Silice et oxide de fer. ... . 0,019
Matière organique. ............ 0,006
0,760
137
PUITS DE L'ABATTOIR GÉNÉRAL.
Eau limpide, saveur fade, terreuse.
Marque 12 deg., l'air étant à 22.
Gaz acide carbonique... 0,0160
Air atmosphérique.........,…. 0,0015
0,0175
Carbonate de chaux.......... 0,434
Sulfate de chaux ............, 0,139
de magnésie..…........s 0,010
Azotate de chaux. rrsiresee | 0,071
de magnèsie...... |
Chlorure de sodium. .....,... 0,092
de calcium... .... 0,084
de magnésium... ... 0,031
Silicate d'alumine., .......... 0,014
Matière organique et oxide de
féagonnonee, oi rnhsuoeponnaa D) UE)
0,880
PUITS DU PETIT-SÉMINAIRE.
Limpide, sans couleur ni odeur, sa-
veur terreuse.
Gaz acide carbonique... 0,0145
Air atmosphérique ...... .... 0,0015
0,0160
Carbouate de chaux ....,,.... 0,485
Sulfate degchaux...…........., 0,365
Azotate de HIT EEE + | 0 068
de magnésie...… Co 2
Chlorure de sodium......, 0,115
dertalciume 0,102
de magnésium... ... 0,044
Silicate d’alumine...,......... 0,017
Matière organique et oxide dè
TER asset ans SC ane 0,009
1,205
————
ASILE DES FEMMES ALIÉNÉES.
PUITS DE LA BUANDERIE.
Acide carbonique... | Quantité
Air atmosphérique... \ indéterminée.
Carbonate de chaux... 0,475
Sulfate de chaux . ....... 0,128
Azotate de chaux ....... l
de magnésie........, \ 0,078
Chlorure de sodium ...,...... 0,167
deicalcime. 0: 0,087
de magnésium .. … 0,044
Silcate d'alumine, ..... ..... 0,016
Matière organique et oxide de
PUITS DE LA CHAPELLE.
Gaz acide carbonique... } quantité
Air atmosphérique... | indéterminée.
Carbonate de chaux... ....… 0,510
Sulfate de chaux... 0,252
Azotate de chaux...
os | 0,064
de magnésie......... Je?
Chlorure de sodium... CAPE 0,098
de calcium... 0,066
de magnésium... 0,032
Silicate d’alumine, matière or-
ganique et oxide de fer... 0,014
1,036
10
138
GRAND SÉMINAIRE,
PUITS À POMPE,
Gaz acide carbonique. | quantité
Air atmosphérique... \ indéterminée.
Carbonate de chaux... . 0,416
Sulfate de chaux... ........ 0,155
Azotate de chaux...........…. 0,042
Chlorure de sodium ........ . 10, LOS
de calcium., ...... 0,064
Silicate d’alamine.. ,......... 0,016
Matière organique et oxide de
(ERA sde eennene 0,007
0,808
PUITS-FONTAINE DE L’OR.
Gaz acide carbonique... .... 0,0155
Air atmosphérique... ..,.... 0,0015
0,0170
Carbonate de chaux.......... 0,445
de magnésie. . … 0,017
Sulfate de chaux. ........ ... 0,125
de magnésie.......... 0,014
Chlorure de sodium.......... 0,108
de calcium... 0,092
de magnésium... . 0,037
Azotate de chaux. DE l 0,095
de magnésie......... |
Silicate d’alumine et oxide de
(EN ESA Ent: lies 0,021
Matière OTganique... se... 0,006
0,960
HOSPICE DES VIEILLARDS,
EAU DU PUITS A POMPE.
Gaz acide carbonique... { quantité
Air atmosphérique. .... | indéterminée.
Carbonate de chaux........... 0,292
Sulfate de chaux. ......,...... 0,418
Chlorure de calcium. ........ 0,118
de sodium........... 0,112
de magnésium. ..... 0,046
Azotate de chaux............. |
de magnésie.... | 0,107
Silice et oxide de fer......... 0,022
Matière organique., ........ 0,008
1,123
PUITS DU JARDIN.
Gaz acide carbonique. . j quantité
Air atmosphérique... \ indéterminée.
Carbonate de chaux........... 0,436
Sulfate de chaux... ....,....., 0,169
AzutatellC CHAUX... ....-.. 0,948
Chlorure de sodium... ..... 0,128
de calcium... ..... , 0,082
Silieate d'alumine, .…....... . . 0,013
Matière organique et oxide de
DÉS 0e de ob DATE 0,008
0,880
HOSPICE DES INCURABLES
Eau Limpide, saveur fade.
Marque 10 deg. ‘/,, l'air étant à 23.
Gaz acide carbonique... } quantité
Air atmosphérique. ... | indéterminée.
Carbonate de chaux... ..... 0,364
Sulfate de chaux........., 0,162
Azolate de chaux.… 50100006 | 0,065
de magnésie ......... \
Chlorure de sodium.......... 0,081
de calcinm.......... 0,087
de magnésium, ..... 0,032
Silice et oxide de fer... .... 0,017
Matière organique...........…. 0.008
0,816
RSR LA De
PUITS DE PALUDATE.
Gaz acide carbonique... j quantité
Air atmosphérique... \indéterminée.
Carbonate de’ chaux. ........ 0,514
Sulfate de chaux......... .... 0,165
de-magnésie. ...... 0,010
Azotate de:clraux:1........... | ,
de magnésie... ..... \ 0,037
Chlorure de sodium. ...... .…. 0,055
de calcium.......... 0,047
Silicate d’alumine... ......... 0,018
Matière organique et oxide de
A dbonocoaeee ton jonsbac 0,010
0,856
LL ment à
139
HÔPITAL MILITAIRE.
PUITS DE LA BUANDERIE.
Gaz acide carbonique... } quantité
Air atmosphérique. … , | indéterminée.
Carbonate de chaux... ....... 0,274
de magnésie........ 0,012
SuMate de chaux... .......... 0,163
Azotate . magnésie.. .... .. | 0,065
TENCDAUT eee eee]
Chlorure de sodium........... 0,078
de calcium. ......... 0,085
de magnésium. . .. 0,042
Silice et oxide de fer......,... 0,018
Matière organique. ....,...... 0,005
0,742
PUITS DU SERVICE GÉNÉRAL,
Gaz acide carbonique... } quantité
Air atmosphérique... \ indéterminée.
Carbonate de chaux.. ..,...., 0,357
de magnésie ........ 0,021
Sulfate de chaux... Déac ne 0,102
Chlorure de sodium, ......... 0,070
dercalcium. 4e. 0,078
de magnésium... 0,052
Azotate de chaux... ........
de magnésie..... | 0,081
Silice et oxide de fer... ...... 0,015
Matière organique. ........,. 0,004
0,760
Lsememsetel
QUARTIER OUEST DE LA VILLE.
CASERNE SAINT-RAPHAEL.
PUITS A POMPE,
Gaz acide carbonique... } quantité
Air atmosphérique... | indéterminée.
Carbonate de chaux. ......,.. 0,352
de magnésie. .…...... 0,018
Sulfate de chaux... ...... 02217
Azotale de chaux. .….....…. |
de magnésie......., | 0,116
Chlorure de sodium........... 0,132
de calcium... .... 0,105
de magnésium... 0,018
Silice et oxide de fer... 0,016
Matière organique... 0,008
1,022
ne
HOPITAL SAINT-ANDRÉ.
PUITS A POMPE,
Gaz acide carbonique, . } quantité
Air atmosphérique. ..…. | indéterminée,
Carbonate de chaux., ..,..... 0,324
de magnésie.., .… 0,014
SUMAIPATBNCAUX eee 0 240
de magnésie... ....... 0,021
Azotate de chaux... nest 1 0,098
de magnésie......... \
Chlorure de sodium, ,,#.. 0,094
de calcium... 0,106
de magnésium. ...., 0,048
Silice et oxide de fer, ..,...… 0,018
Matière organique... ,........ 0,006
0,964
140
CASERNE SÉGUR.
PUITS À POMPE.
Saveur terreuse très-prononcée.
Gaz acide carbonique. ....…... 0,0140
Air atmosphérique. ....….... . 0,0015
0,0155
Carbonate de chaux........... 0,565
de magnésie ....... 0,037
Sulfate de chaux........... 0,720
Chlorure de sodium. . ........ 0,288
de calcium. .. 0,217
de magnésium... .... 0,082
Azotate de chaux... ...,.... |
de magnésie.. ....., \ 0,135
Silice et oxide de fer......... 0,022
Matière organique. ........... 0,009
2,075
PUITS BRONDEL,
A BELLEVILLE.
Gaz acide carbonique... 0,0125
Air atmosphérique. ........... 0,0015
0,0140
Carbonate de chaux... ., 0,311
Sulfate de chaux... 0,068
Chlorure de sodium .......... 0,031
de calcitm........... 0,054
de magnésium, ..... 0,018
Silice et oxide de fer... ,.... 0,012
Matière organique... . 0,004
0,498
PUITS-FONTAINE DU COURS
CHAMPION.
PUITS A POMPE.
Saveur fade
Marque 10 deg. ‘/,, l'air étantà 22.
Gaz acide carbonique. . 0,0155
Air atmosphérique... ... … 0,0015
0,0170
Carbonate de chaux........... 0,365
Sulfate de chaux. .. ......... 0,199
Azotate calcaire., .........., . 0,034
Chlorure de sodium... Lie 0,068
de calcium... .. .... 0,017
Silice et oxide de fer. .. .. 0,016
Matière organique. ........… 0 007
0,706
PUITS
DE LA MANUFACTURE DE TABACS.
Gaz acide carbonique, . } Quantité.
Air atmosphérique... . (indéterminée.
* Carbonate de chaux... 0,249
Sulfate de chaux. .......,..... 0,042
Chlorure de sodium....,....…. 0,037
HelCalCINMen see 0,064
Silicate d’alumine. ........... 0,012
Matière organique et oxide de
Laon choc 08e 0,009
0,413
141
CASERNE DES
QUARTIER DE CAVALERIE.
PUITS A POMPE,
Eau limpide, saveur agréable.
Marque 10 deg., l'air étant à 23.
Gaz acide carbonique......... 0,0170
Air atmosphérique. ........... 0,0015
0,0185
Carbonate de chaux... . .…. 0,267
Sulfate de chaux ............. 0,172
Chlorure de sodium, . ........ 0,106
de calcium. ........ . 0,114
de magnésium... 0,044
Azotate de chaux... REA RS i 0,068
de magnésie......... \
Silice et oxide de fer.......... 0,017
Matière organique. ........... 0,006
0,794
PUITS-FONTAINE
DU GRAND MARCHÉ.
Gaz acide carbonique.. } Quantité
Air atmosphérique. … | indéterminée.
Carbonate de chaux. ......... 0,302
Sulfate de chaux............. 0,165
Chlorure de sodium... ..... . 0,213
de calcium... ........ 0,207
de magnésium... 0,064
Azotate de chaux... ..... a
de magnésie.... ..…. MUCE
Silice et oxide de fer... 0,015
Matière organique. . ..…. 0,009
1,060
FOSSÉS.
INFANTERIE.
PUITS À POMPE.
Eau limpide, abondante.
Gaz acide carbonique. ........
Air atmosphérique... . .... . 0,0015
0,0175
Carbonate de chaux. ......... 0,295
Sulrate de chaux... 0,132
Chlorure de sodium............ 0,106
de calcium... .....….. 0,127
de magnésium....... 0,038
Azotate de chaux.… A OLD | 0,077
de magnésie......... |
Silicate d’alumine............. 0,016
Matière organique et oxide de
féls Meet da lo Ho +. 0,008
0,799
PUITS DES CORDELIERS.
BAIN PUBLIC,
Gaz acide carbonique... j Quantité
Air atmosphérique... \'indéterminée.
Carbonate de chaux........... 0,370
SUHAIEITEICRAUT arte e 0,195
Chlorure de sodium. . 0,122
de calcium... ... 0,064
de magnésium, ...... 0,032
Azotate de chaux. nrnneens l 0,076
de magnésie.... .... |
Silice et oxide de fer.,......... 0,014
Matière organique. ..,........ 0,007
0,880
ne 0)
142
CENTRE DE LA VILLE»
PUITS-FONTAINE BOUQUIÈRE.
Gaz acide carbonique... } Quantité
Air atmosphérique... \ indéterminée.
Carbonate de chaux.......... 0,442
Sulfateïde chaux. ........ ... 0,135
de magnésie........…. 0,032
Chlorure de sodium........... 0,135
de calcium... ......
de magnésinm...... 0,046
Azotate de chaux... ...... ... |
de magnésie..,....,…. \ FAURE
Silicate d'alumine............. 0,022
Matière organique et oxide de
TERRA Use dr nene ses ssres 0,010
0,999
—
PUITS DE LA RUE DU LOUP.
Gaz acide carbonique... } Quantité
Air atmosphérique... \ indéterminée.
Carbonate de chaux... ..,.... 0,347
Sulfate de chaux......,:,..... 0,211
Chlorure de sodium, .:..... . 0,067
de calcium... .... 0,105
de magnésium... 0,031
Azotatende chaux. 0.500. 0,062
Silice et oxide de fer. ... ,... 0,014
Matière organique .......... . 0,006
0,843
EL
PUITS-FONTAINE DAURADE.
Gaz acide carbonique... 0,0175
Air atmosphérique. ........, ,; 0,0015
0,0190
Carbonate ge chaux........... 1,525
Sulfate de-chaux...:..... ..., 0,675
de magnésie, ........, 0,087
Chlorure de sodium... 28022517
CE CACIIME RS ee. 0,248
de magnésium..... 0,094
Azotate de chaux. DEEE | 0,147
de magnésie. . ...,... \
Silice et oxide de fer . ....... 0,038
Matière organique, ......,.... 0,014
3,065
PUITS-FONTAINE MAURIAC.
Gaz alide carbonique... } quantité
Air atmosphérique... \ indéterminée.
Carbonate de chaux.......... 0,560
Sulfate de chaux... ........... 0,165
Azotale de chaux. neneesene l 0,082
de magnésie..... \
Chlorure de sodium... er LONIDS
de calcium... 0,219
de magnésium. .... 0,075
Silicate d’alumine.. .......... 0,014
Matière organique et oxide de
TEA Le esessaseseee Une 0,012
1,292
PUITS SAINT-SIMÉON.
Gaz acide carbonique... } Quantité
Air atmosphérique. ... | indéterminée.
Carbonate de chaux.........,. 0,382
Sulfate de-chaux.… 0.06 (1,974
Chlorure de sodium..,.,,..... 0,082
de calcium. ...,..,.. 0,164
de magnésium... 0,048
Azotate de Ge Douce (|) 0,078
de magnésie ......…. |
Silice et oxide de fer... 0,017
Matière organique... . 0,008
1,053
PUITS
DES FOSSÉS DE L'INTENDANCE,
Gaz acide carbonique. ........ 0,0160
Air atmosphérique. ........... 0,0015
0 0175
Carbonate de chaux...........
Sulfaterde Chaux ee .2eee 0,325
de magnésie.. ... .... 0,037
Chlorure de sodium.......... 0,102
detcalcium.::....r.. 0114
de magnésium. .... 0,038
Azotate de chaux. Fons cons | 0,066
de magnésie.. ....,.. |
Silice et oxide de fer... 0,021
Matière organique azotée, 0,013
PUITS
DE LA RUE PORTE—DHEAUX.
Gaz acide carbonique... j quantité
Air atmosphérique. ..…. | indéterminée.
Carbonate de chaux. .......... 0,427
Sulfate de chaux... .... 0,315
Azotate de SL vroceteL “CFA | 0,096
de magnésie,...,..... \
Chlorure de sodium... 0,102
de calcium. .......... 0,086
de magnésium... 0,028
=
3
PUITS
DE LA RUE DU PALAIS—GALIEN.
Gaz acide carbonique. . { quantité
Air atmosphérique. \ indéterminée.
Carbonate de chaux. .......... 0,675
SuAlE tle/Chauxe 0 2-mreererst 0,598
Azotate de chaux. ....... Hbade P
; 7 | 0,105
de magnésie......... |
Chlorure de sodium... 1 0,164
de calcium,........…. 0,127
de magnésium. ..….. 0,056
Silice et oxide de fer... 0,026
Matière organique... ........ 0,012
1,763
QUARTIER SAINT=SEURIN.
Silice et oxide de fer... 0,021
Matière organique... sed MO
1,084
PUITS
DE LA RUE NEUVE SAINT—SEURIN.
Gaz acide carbonique. ...... . 0,0160
Air atmosphérique. ......,.... 0,0015
0,0175
Carbonate de chaux... 0,302
Sulfate de chaux. ............ 0/10
Chlorure de sodium. ....... .. 0,048
de calcium... ...... 0,074
de magnésium... 0,036
Azotate de chaux............. 0,062
de potasse.......... . 0,028
de magnésie.......... 0,046
Silice et oxide de fer.......... 0,021
Matière organique. .......... 0,009
0,731
EE
PUITS DES ALLÉES D'AMOUR.
Gaz acide carbonique... } quantité
Air atmosphérique... | indéterminée.
Carbonate de chaux. ........ …. 0,292
Sulfate de chaux. ............ 0,206
Chlorure de sodium... ..... .. 0,087
de calcium. . ....... 0,058
Azotale de potasse........,. 0,027
de.chaux....:2.4%:090, 036
Silice et oxide de fer ... .. 0,018
Matière organique. ........... 0,005
0,729
———
PUITS CARAYON,
RUES DE LA TRÉSORERIE ET BURGUET,
Gaz acide carbonique... . 0,0155
Air atmosphérique... .... 0,0020
0,0175
Carbonate de chaux. ........ 0,370
de magnésie ..….. , 0,016
Sulfate de chaux. …..,.... . 0,085
Chlorure de sodium., ......,.. 0,025
de calcium ...... DAUOS
de magnésium... 0,058
Azotate de chaux... ....., .. 0,137
de magnésie. ... 0,065
de potasse............ 0,030
Silice et oxide de fer... ,..... 0,036
Matière organique. ......,., :.:10;007
0,934
PUITS DE LA RUE CAPDEVILLE.
Gaz acide carbonique, . } quantité
Air atmosphérique. ,.,, \indéterminée.
Carbonate de chaux... 0,307
Sulfate de chaux...,,,........ 0.154
Chlorure de sodium... ... ... 0,105
de calcium. ,....... 0,063
de magnésium . ... 0,026
Azotate de chaux .......... |
de magnésie...... .. | 0,048
Silice et oxide de fer... oo onid
Matière organique... 0,006
0,723
A4
PUITS DE LA RUE DE LERME.
Gaz acide carbonique... quantité
Air atmosphérique... \'indéterminée,
Carbonate de chaux.......... 0,277
Sulfate de chaux... 0,082
Azotate de chaux... ......... | ë
de magnésie., ....... HOLOES
Chlorure de sodium.....,..... 0,072
de calcium.........…. 0,105
de magnésium. ...….. 0,032
Silice et oxide de fer, ...... 0,012
Matière organique........... . 0,004
0,649
PUITS-FONTAINE D'AUDÈGE.
Gaz acide carbonique. } quantité
Air atmosphérique... { indéterminée.
Carbonate de chaux... .... 0,472
Sulfate de.chaux,. 0.00 0,215
Chlorure de sodium .... ..... 0,097
decalcium.......... 0,065
de magnésium... .…. 0,035
Azotate de SEUE E reste à 0,118
de magnésie.... ..... \
Silicate d’alumine........ .... 0,024
Matière organique et oxide de
TEL ee trees 0,011
1,037
PUITS DE LA RUE HUSTIN.
Gaz atide carbonique. } quantité
Air atmosphérique. .. |indéterminée.
Carbonate de chaux........... 0,325
Sulfate de chaux... ......... 0,117
Chlorure de sodium, , ......., 0,064
de calcium., #00 DS
Azotate de Chaux.......,..... 0,042
Silice et oxide de fer... 0,013
Matière organique, ...,..,... 0 004
0,668
|
PUITS DE LA RUE LAROCHE.
Gaz acide carbonique. j quantité
Air atmosphérique. .… | indéterminée.
Carbonate de chaux......,.... 0,330
Sulfate de chaux... .1.. 0,292
Azotale de chaux.........,... 0.177
de potasse..,.s..... 0,033
Chlorure de sodium. ...,...... 0,192
de calcium 22.4 0,087
Silice et oxide de fer.........…… 0,013
Matière organique... ....... 0,007
1,131
RE
PUITS
DE L'INSTITUTION DES SOURDS-MUETS.
Gaz acide carbonique . { quantité
Air atmosphérique... | indéterminée.
Carbonate de chaux... 0,410
SHC CRAUXS. sec ice 0,175
Chlorure de sodium........... 0,157
de calcium ........ . 0,056
de magnésium....... 0,023
Azotate de chaux..." |
de magnésie......... | SA0ST
Silice et oxide de fer.. ....... 0,018
Matière organique... 0.008
0,914
PUITS DE LA CROIX DE SEGUEY.
Gaz acide carbonique. . } quantité
Air atmosphérique. .... | indéterminée.
Carbonate de chaux... ...... 0,292
Sulfaterde» chaux 0 0,083
Chlorure de sodium. ....,..... 0,068
de calcium... . 0,047
de magnésium... ... 0,031
Azotate de chaux..." 0: l j
de magnésie.......... \ 0,063
Silice et oxide de fer... 0,017
Matière organique... LUE 0,006
0,607
145
QUARTIER NORD.
PUITS DU PAVÉ DES CHARTRONS
Gaz acide carbonique. j quantité
Air atmosphérique. .... | indéterminée.
Carbonate de chaux. . ....... 0,520
de magnésie...... 0,032
Sulfate de chaux ............. 0,305
de magnésie.. ... . . 0,043
Chlorure de sodium.... ...... 0,150
de calcium... : 0,069
de magnésium. ..... 0,037
Azotate de chaux. senres ee i 0,086
de magnésie..... cout
Silice et oxide de fer ........ 0,014
Matière organique... .….. 0,006
1,262
PUITS DU MAGASIN DES VIVRES
DE LA MARINE.
Gaz acide carbonique... j quantité
Air atmosphérique... | indéterminée.
Carbonate de chaux... ee 1,475
de magnésie. ...... 0,062
Sulfate de/chaux... 2.10, 901
de magnésie.. 414 00,056
Chlorure de sodium........... 0,225
de calcium. ,,...... 0,012
Silicate d’alumine et oxide de
Ter Re rene rene tt mette so... 0,024
Matière organique . .......... 0,008
2,763
PUITS
DU COURS DU JARDIN PUBLIC.
Gaz acide carbonique... | quantité
Air atmosphérique... {indéterminée.
Carbonate de chaux... .... .. 0,392
Sulfate derchaux....".: 41.10 0,187
Chlorure de sodium., ........ 0,136
de calcium........…. 0,092
de magnésium... 0,062
Silice et oxide de fer... 0,018
Matière organique, ..,,,,.,... 0,008
0,895
PUITS DU QUAI DES CHARTRONS.
Gaz acide carbonique. | quantité
Air atmosphérique . ... ! indéterminée.
Carbonate de chaux... .. 0,620
de magnésie....... 0,038
Sulfate de chaux......... 0,376
de magnésie. ....... . 0,062
Chlorure de sodium......,.... 0,082
de'calcium: 24 0,106
de magnésium. ...... 0,062
Azotate de chaux............. 0,046
Silice et oxide de fer. ........ 0,021
Matière organique... 2oGcone 0,009
1,422
PUITS DU QUAI PE BACALAN.
Gaz acide carbonique.. | quantité
Air atmosphérique. . .… | indéterminée.
Carbonate de chaux... 1,372
de magnésie...... 0,048
Sulfate de chaux... 009; 800
de magnésie.......... 0,104
Chlorure de sodium..... ..... 0,182
de magnésium. ....... 0,065
Azotate de chaux............. |
de magnésie........ SA 0,068
Silicate d'alumine et oxide de
BL = senesceeccs cet 0,020
Matière organique.....,...,... -0,011
2,112
PUITS DE LA PLACE PICARD.
Gaz acide carbonique. . } quantité
Air atmosphérique... .…., \ indéterminée,
Carbonate de chaux... .... 0,416
Sulfate de chaux... ....s.. 0,202
Chlorure de sodium..,,..,... 0,046
de calcium ..... .… N,062
Silice et oxide de fer... 0,014
Matière organiqne.. .......... 0,008
0,748
HR
146
PUITS DE LA RUE DE LA COURSE.
Gaz acide carbonique... ; quantité
Air atmosphérique... | indéterminée.
Carbonate de chaux... ......…. 0,622
Sulfate de chaux. .....,...... 0,280
Chlorure de sodium, ......... 0,102
de calcium.......... 0,066
de magnésium...... 0,021
Azotate de chaux. sesvetesnens 0,054
de magnésie.... se
Silice et oxide de fer.......... 0,018
Matière organique......... .. 0,005
1,168
BANLIEUE DE
PUITS DES ALLEES DES NOYERS.
Gaz acide carbonique. . } quantité
Air atmosphérique... \ indéterminée.
Carbonate de chaux.. ...... . 0,564
Sulfate de chaux... . 0,436
Chlorure de sodium....,, .... 0,108
de calcium... ....... 0,084
de magnésium... ..…. 0,026
Azotate de chaux............. l
de magnésie. ........, | 0,102
Silice et oxide de fer... 0,014
Matière organique ............ 0,007
1,341
BORDEAUX.
Comme nous l'avons dit ailleurs, les communes de
la banlieue de Bordeaux renferment des sources super-
ficielles nombreuses et de bonne qualité; néanmoins,
les habitants, en raison de la proximité, font usage
d'eau de puits.
. PUITS DE BÈGLES.
Gaz acide carbonique... } quantité
Air atmosphérique... \ indéterminée.
Carbonate de chaux. .......... 0,310
Sulfate/de "chaux... ......... 10,167
Clilorure de sodium. ......... 0,084
Ge CAICIUME re... 0,041
Silice et oxide de fer.......... 0,016
Matière organique. ..........…. 0,004
0,622
ee
PUITS DE CAUDÉRAN.
Gaz acide carbonique... j quantité
Air atmosphérique... \ indéterminée.
Carbonate de chaux... 0,297
Sulfate de chaux. . ....,,,.... 0,068
Chlorure de sodium... 0,07
de calcium... .... 0,032
Azolale de chaux......:. 4... [l
de magnésie. ..,..,, V,028
Silice et oxide de fer... 0,014
Matière organique. .,.., ,,,. 0,006
0,521
1%
PUITS DE TALENCE
AVOISINANT LES SÉCHERIES DE MORUES.
Gaz acide carbonique.......... 0,0145 Gaz acide carbonique. ........ 0,0160
Air atmosphérique... ... ..... 0,0015 Air atmosphérique. ........... 0,0015
0,0160 0,0175
Carbonate de chaux ..... . . 0,305 Carbonate de chaux... 0,312
Sulfate de chaux. ........... 0,102" Sulfate:de chaux............…. 0,081
de magnésie.......... 0,022 Chlorure de sodium .......... 0,067
Chlorure de sodium... ...... 0.187 de calcium...,..,... 0,052
de calcium.........…. 0,034 de magnésium... 0,012
de magnésium... . 0,042 Silice et oxide de fer ....... 0,014
Silice et oxide de fer ........ 0,016 Matière organique... ...., .. 0,004
Matière organique......,.. 0,007 0,542
lode, des traces. an
0,715
BOUSCAT.
PUITS DE LA PROPRIÉTÉ B.
PUITS DU BOURG.
Gaz acide carbonique.. | quantité
Air atmosphérique. . … | indéterminée.
Carbonate de chaux... 0,207
Sulfate de chaux... . 0,082
Chlorure de sodium. .......... 0,074
de calcium... 0,021
Silice et oxide de fer... 0,017
Matière organique... 0,014
0,415
Per
1
PUITS DE TALENCE
ÉLOIGNÉ DES SÉCHERIES DE MORUES.
PUITS DU BOURG.
Gaz acide carbonique. ......, 0,0170 Gaz acide carbonique... 0,0170
Air atmosphérique, .. .,...... 0,0915 Air atmosphérique. ....,..... 0,0015
0,0185 0,0185
Carbonate de chaux... .… 0,476 Cerbonate de chaux... .010,297
. Sulfate derchaux. "2.4: 0,247 Sulfate derchaux..... 2... 0,108
Chlorure de sodium.........…. 0,066 Chlorure de sodium..…......... 0,052
de calcium... ..... 0,052 de calcium. .…. Ê 0,015
Silice et oxide de fer... 0,021 Silice et oxide de fer... 00 0ILE
Matière organique... .,...... 0,008 Matière organique... ....... 0,006
0,870 0,0496
BRUGES.
PUITS DE LA PROPRIÉTÉ P.
Gaz acide carbonique... j quantité
Air atmosphérique... | indéterminée.
Carbonate de ehanx..…......... 0,192
Sulfate de chaux... 0,068
Chlorure de sodium... 0,046
Silice et oxide de fer... 0,018
Matière organique... 0,016
0,310
mens À
118
Je renvoie l'examen des eaux que fournissent les can-
tons d'Audenge, Belin, la Teste, etc., au chapitre des
eaux du sous-sol des Landes.
CANTON DE BLANQUEFORT.
Quoique le canton de Blanquefort soit un des plus
favorisés sous le rapport des sources superficielles, les
habitants n'en font pas moins usage de l'eau de leurs
puits, très-inférieure en qualité; Blanquefort nous en
donne la preuve : l'eau de ses puits est lourde, séléni-
teuse, malsaine, et partout aux environs circulent, à
la surface du sol, des eaux pures et légères. Il en est de
même dans les communes du Taillan, d'Eysines, etc.
PUITS PUITS
DU BOURG DE RLANQUEFORT. DU BOURG DU TAILLAN.
Profondeur, 16 à 18 mètres. Profondeur, 11 à 12 mètres.
Marque 10 deg., l'air étant à 24. Marque 10 deg. /., l'air étant à 24.
Gaz acide carbonique... 0,125 Re nes EE
Air atmosphérique. ...,.,..., 01015 OM MOSnACnnnE EEE No? ù
0145
0,140 PRES
Carbonate de chaux. . ...... 0,435 Carbonale de Chañx,- veus JE
x 20ISuate APICHAUX. LE rc. 0,102
SulAtE ACICRAUX..... 2... 0,267 x Ë
SEL AE Chlorure de sodium... ...,.... 0,056
Chlorure de sodium. ......... 0,122 ; Ve
! de calcium.,......,. 0,032
decalcium.......-. OUOGNE # : =
à -Q Silice et oxide de fer... .. 0,016
AZotate de chaux... .......... 0,078 RCD ET RO 0.006
Silice et oxide de fer... 0,024 Ne IR TITRES Hate : pe
Matière organique. , .......... 0,009 0,529
1,031
PUITS DU BOURG D'EYSINES.
Gaz acide carbonique... 0,0135
Air atmosphérique. ......, .. 0,0015
0,150
Carbonate de chaux. 0,315
Sulfate de chaux... .. .. 0,182
Chlorure de sodium... ...... 0,056
APICAICIUN eee ae 0,021
de magnésium....... 0,019
Silice et oxide de fer. … . 0,021
Matière organique ........,.. 0,012
0,626
=
de)
PUITS DE LA PROPRIÉTÉ AÀ.,
COMMUNE D'EYSINES.
Gaz acide carbonique........ 0,0140
Air atmosphérique.. ...... . 0,0020
0,160
=.
Carbonate de chaux........... 0,275
Sulfate de chaux.............. 0,167
Chlorure de sodium... . 0042
de calcium... ....... 0,034
Silice et oxide de fer......... 0,018
Matière organique... ..,...... 0,010
0,546
Les communes de Ludon et de Macau contiennent
quelques bonnes sources; mais généralement l'eau des
puits est de qualité inférieure, et rentre dans la classe
des eaux indifférentes.
PUITS DE MACAU.
Gaz acide carbonique.. | quantité
Air atmosphérique ... | indéterminée.
Carbonate de chaux..........…. 0,435
Sulfate de chaux.. ........... 0,208
Chlorure de sodium. ......... 0,122
de calcium... ,..... 0,016
Silice et oxide de fer......... 0,014
Matière organique. ........,.. 0,008
0,803
CANTON DE
PUITS DE LUDON.
Gaz acidé carbonique... } quantité
Air atmosphérique... \ indéterminée.
Carbonate de chaux. ........…. 0,476
Sulfate de chaux... 0... 0,184
Chlorure de sodium...... 3000; 107
He CAlCIUME ee 0,024
Silice et oxide de fer.. ....... 0s016
Matière organique... . AGE 0,012
0,819
LL cnonmmttthsl
CASTELNAU.
Les puits sont nombreux; l'eau qu'ils fournissent,
bonne dans quelques communes, est: très-inférieure
dans d'autres; ils sont généralement peu profonds :
creusés dans un sol siliceux très-perméable, l'eau con-
1
0
tient presque partout de la matière organique en forte
quantité.
Le bourg de Castelnau, celui de Margaux, de Sous-
sans, d'Arcins, sont alimentés par des eaux de puits
assez chargées de matières organiques pour les rendre
malsaines.
PUITS DE CASTELNAU.
Profondeur, 6 mètres.
Marque 11 deg. , l'air étant à 23.
Eau limpide, un peu colorée.
Gaz acide carbonique. ...... . 0,0125
Air atmosphérique... .. ..... 0,0015
0,0140
Carbonate de chaux. .......... 0,252
Sulfate de chaux. ............. 0,087
Chlorure de sodium. .......... 0,102
de calcium... ...... 0,028
Silice et oxide de fer... 110,026
Matière organique aliotique..… 0,022
0,517
note)
PUITS DE SOUSSAN
un
Gaz acide carbonique... 0,0120
Air atmosphérique. ...,..... , 0,0015
0,0135
L
Carbonate de chaux. .......... 0,363
Sulfate de chaux......... 0,087
Chlorure de sodium... OO
de CAICUMEt-..-... 0,048
de magnésium. .,, . 0,024
Silice et oxide de fer......... 0,019
Matière organique... 0,017
0,630
st
PUITS DE MARGAUX.
Gaz acide carbonique... 0,0130
Air atmosphérique ...... .... 0,0015
0,0145
Carbonate de chaux. ......... 0,295
Sulfate de chaux... ..., . 0,154
Chlorure de sodium... ,........ 0197
de calcium. ........, 0,049
Silice et oxide de fer... ....…. 0,016
Matière organique légèrement
albumineuse..….............
PUITS D'ARCINS.
Gaz acide carbonique... , 0,0125
Air atmosphérique. ........... 0,0015
0,0140
ee 65. 1
Carbonate de chaux........... 0,287
Sulfate de chaux.............. 0,062
Chlorure de sodium.......... 0,091
deXcalCME AR. 0,014
Silice et oxide de fer.......... 0,015
Matière organiqueun peu al—
DUMINÉUBE seems eee 0,026
0,495
15
CANTON DE PESSACe
Les eaux profondes de ce canton sont de très-bonne
ualité, le sol qui les recouvre étant généralement sa-
{ ; I 5
blonneux. Pessac, Canéjean, Gradignan, Mérignac,
Villenave-d'Ornon, Cestas, ont des puits qui rivalisent
de pureté avec les sources superficielles les plus renom-
mées.
PUITS DU BOURG DE PESSAC.
Profondeur, 7 à 8 mètres.
Marque 10 deg. "},, l'air étantà 22.
Gaz acide carbonique. ........ 0,0140
Air atmosphérique. ......... . 0,0015
0,0155
Carbonate de chaux.......... 0,263
Sulfate de chaux........., 0,087
Chlorure de sodium........... 0,072
de calcium... 0,025
Silice et oxide de fer. ...... 0.018
Matière organique. .......... 0,009
0,47
PUITS DE GRADIGNAN.
Gaz acide carbonique. ......…. 0,0135
Air atmosphérique. ........... 0,0020
0,0155
Carbonate de chaux......,..…, 0,282
Sulfate de chaux... … 0,096
Chlorure de sodium. . ... .... 0,082
de calcium. ...... .. 0,048
de magnésium... .... 0,027
Silice et oxide de fer... 0,021
Matière organique ........... 0,007
PUITS DE CANÉJEAN.
Peu profond.
Marque 10 deg. ‘/,, l'air étant à 23.
Gaz acide carbonique. .. .... 0,0125
Air atmosphérique... ...... 0,0015
0,0140
Carbonate de chaux........... 0,256
Sulfate de chaux............. 0,042
Chlorure de sodium. .......... 0,054
Silice et oxide de fer.......... 0,021
Matière organique... ....... 0,008
0,381
PUITS DE MÉRIGNAC.
Gaz acide carbonique... 0,0135
Air atmosphérique. .........,. 0,0015
0,0150
Carbonate de chaux........... 0,245
Sulfate de chaux... ......... 0,102
Chlorure de sodium... 0 00
GB CAICIUN- Re re.-« 0,031
Silice et oxide de fer, .... .. 0,018
Matière organique. .…........ 1207007
0,470
Eu
152
PUITS DE VILLENAVE-D'ORNON. PUITS DE CESTAS.
Gaz acide carbonique... } quantité Gaz acide carbonique . } quantité
Air atmosphérique... \ indéterminée. Air atmosphérique... | indéterminée.
Carbonate de chaux.......... 0,282 Carbonate de chaux. .......... 0,192
Sulfate de chaux.............. 0,064 Sulfate de chaux......... 0,035
Chlorure de sodium .... .... . 0,087 Chlorure de sodium........... 0,082
de calcinm.......... 0,061 de calcium ........ . 0,056
Silice et oxide de fer......... 0,014 Azotale de potasse.........….. 0,034
Matière organique............ 0 005 Silice et oxide de fer.. .....…. 0,022
————— Matière organique un peu albu-
0,513 IniNeuSe se EN 0,013
0,434
CANTON DE LA BRÈDE.
Ce canton, quoique arrosé par plusieurs petits ruis-
seaux, est cependant moins favorisé que celui de Pessac.
Le bourg de La Brède possède un puits public, dont
l'eau est assez pure en été; mais le sol où il a été creusé
est tellement perméable, que dans les fortes pluies l'eau
double de volume au détriment de sa qualité. Les puits
dont le bourg est abondamment pourvu, sont généra-
lement peu profonds, et l'eau qu'ils fournissent chargée
de matières organiques.
PUITS PUBLIC DE LA BRÈDE. PUITS
DE LA MAISON MONTESQUIEU,
Gaz acide carbonique... 0,0125 A LA BRÈDE.
Air atmosphérique..........…. 0,0015
ee 1Gazracite carbonique, ...:.0. 0,0155
0,0140 Air atmosphérique . .......... 0,0015
Carbonate de chaux... 0,182 0,0170
Sulfate de. chaux. ............. 0,05 TER
Chlorure de sodium... 0,072 Carbouate de chaux 0,295
de calcium... . … 0,048 Sulfate de chaux........ ..... 0,084
Silice et'oxide de fer... 0,018 Chlorure de sodium... 0,132
Matière organique 0,014 de calcium... 0,042
= Silice et oxide de fer. .....…. 0,018
0,590 Matière organique... 0,018
153
Les puits de Léognan, de Castres, de Saucats, four-
nissent une eau qui diffère peu quant à la quantité de
matière saline, de celle de La Brède; mais elle con—
tient beaucoup moins de matière organique, ce qui la
rend préférable pour la boisson.
PUITS DE LÉOGNAN.
Gaz acide carbonique. ....... 0.0125
Air atmosphérique. .......... 0,0020
0,9145
Carbonate de chaux, ....,..... 0,253
Sulfate de chaux. ....... ..... 0,102
Chlorure de sodium....e...... 0,064
de calcium........... 0,038
Silice et oxide de fer.......... 0,021
Matière organique............. 0,007
0,485
PUITS DE CASTRES,
HAUTE PLAINE
Gaz acide carbonique......... 0,0125
Air atmosphérique. . ......... 0,0015
0,0140
Carbonate de chaux....... …. 0,244
SulRIeITE ChAUXS.2-....-...r 0,094
Chlorure de sodium .......... 0,067
de calcium........... 0,082
Silice et oxide de fer... ..... 0,017
Matière organique... ...... 0,007
0,511
PUITS DE SAUCATS.
Gaz acide carbonique. . j quantité
Air atmosphérique. \ indéterminée.
Carbonate de chaux. .......... 0,273
Sulfate de chaux............. 0,068
Chlorure de sodium..... .... 0,052
de calcium.......... 0,056
Siiice et oxide de fer... HO, 016
Matière organique... ... .... 0,008
0,473
ns El
PUITS DE CASTRES,
BASSE PLAINE.
Gaz acide carbonique........ 0,0135
Air atmosphérique. .......... 0,0015
0,0150
Carbonate de chaux... . ..…. 0,205
Sulfate de chaux ............ 0,102
Chlorure de sodium, . ........ 0,121
de calcium. ...,..... 0,048
de magnésium... .... 0,037
Silicate d’alumine........ .... 0,021
Matière organique et oxide de
PÉDOC De bons ad HO DI
0,545
CANTON DU CARBON-BLANC.
Les puits sont profonds, l'eau qu'ils contiennent est
de qualité très-ordinaire; dans quelques localités, elle
est mème malsaine.
154
CARBON BLANC. — Gros bourg situé sûr un plateau ;
élevé; comme le plus grand nombre de nos communes
rurales, il manque de fontaine publique; les puits y
sont nombreux.
AMBARÈS. — Joli bourg, bien bàti, terrain fertile,
sol calcaire, eau séléniteuse.
BOUILLAC. — Jolie commune sur le coteau qui borde
la rive droite de la Garonne. Point de sources super-
ficielles remarquables; puits profonds de 16 à 18 mè-
tres, eau de bonne qualité.
FLOIRAC. — Site élevé dominant la Garonne, terrain
argilo-calcaire, puits très-profonds, 18 à 30 mètres;
eau limpide, fraiche et pure.
LORMONT. — Sources profondes, nombreuses, sol
argilo-siliceux; puits abondants, eau limpide, saveur
franche et agréable.
SAINT-LOUBES. — Puits peu profonds, eau séléni-
teuse, lourde, malsaine.
CENON-LA-BASTIDE, — Les puits de La Bastide sont
peu profonds, l'eau qui les alimente n'est pas à plus de
ä ou 5 mètres du sol; cette eau, chargée de matières
organiques, contient du crénate de fer, qui lui donne
une saveur atramentaire assez sensible, et la rend im-
propre à certaines industries, telles que la fabrication
de la bière, celle des poteries blanches, ete.
155
PUITS DU CARBON-—BLANC.
Gaz acide carbonique... 0,0130
Air atmosphérique........... 0,0020
0,0150
Carbonate dé chaux... ...... 0,462
Sulfate de chaux . ......... 0,196
Chlorure de sodium .......... 0,115
de calcium...,...... 0,076
de magnésium ..... 0,042
Silicate d’alumine ...... ..... 0,014
Matière organique et oxide de
Sa éd ete" son 00e Gooc 0,009
0,914
PUITS DE BOUILLAC.
Profondeur, 14 mètres.
Marque 10 deg. '/,. l'air étant à 23.
Gaz acide carbonique... quantité
Air atmosphérique... \ indéterminée.
Carbonate de chaux... ...... 0,276
Sulfate de chaux.............. 0,054
Chlorure de sodium... Serie 0,062
de calcium.......... 0,071
de magnésium... .... 0,022
Silice et oxide de fer.......... 0,014
Matière organique. ........... 0,006
0,505
PUITS DE LORMONT.
Profondeur 11 mètres.
Marque 11 deg., l'air étant à 23.
Gaz acide carbonique. } quantité
Air atmosphérique. ... | indéterminée.
Carbonate de chaux... ....... 0,252
Sulfate de chaux. .......,..... 0,064
Chlorure de sodium ....... . 0,036
GAEICAICIUM -... -...- 0,028
de magnésium... .. 0,026
Silice et oxide de fer. ... ... 0,021
Matière organique .......... 107002
0,429
nc |
PUITS D'AMBARES.
Gaz acide carbonique... 0,0165
Air atmosphérique... ....... 0,0015
0,0180
Carbonate de chaux... ...... 0,620
Sulfate de chaux ............. 0,465
Azotate de chaux... + 20) 0,076
de magnésie.......... |
Chlorure de sodium. ....,...... 0,115
de calcium... .,..... 0,252
de magnésium, ...... 0,081
Silice et oxide de fer... 0,014
Matière organique....... ...., 0,008
1,631
PUITS DE FLOIRAC.
VILLA ROSA.
Profondeur, 31 mètres.
Marque 9 deg. ‘/,, l'air étant à 23.
Gaz acide carbonique... .... 0,0165
Air atmosphérique. .......... 0,0015
0,0180
Carbonate de chaux........…, 0,280
Sulfate.de chaux .............. 0,044
Chlorure de sodium........... 0,056
de calcium... ....... 0,032
de magnésium... 0,017
Silice et oxide de fer......... . 0,021
Matière organique... ...... . 0.003
0,453
PUITS DE SAINT-LOUBES.
Profondeur, 14 mètres.
Marque 11 deg., l'air étant à 23.
Gaz acide carbonique... j Quantité
Air atmosphérique... | indéterminée.
Carbonate de chaux... ...... 0,725
Sulfate de chaux... ... 0,442
Chlorure de sodium... 0,402
de calcium... ...... 0,064
de magnésium... 0,038
Azotate de chaux... ...... … i Fe
de magnésie ......... 00,265
Silicate d'alumine............. 0,024
Matière organique et oxide de
0,010
1,870
156
PUITS DE LA BASTIDE. PUITS DE CENON-LA-BASTIDE,
Gaz acide carbonique. | quantité Gaz acide carbonique... quantité
Air atmosphérique... \indéterminée, Air atmosphérique. . ..… \'indéterminée.
Carbonate de chaux... ...... 0,167 Carbonate de chaux........... 0,325
Sulfate de chaux. ............ 0,038 Sulfate de chaux... .........., 0,102
Chlorure de sodium ........ . 0,051 Chlorure de sodium... ..... 0,046
de calcium.. ,..... 0,042 de calcium... ..... . 0,038
de magnésium... 0,018 Silice et oxide de fer... ....... 9,016
Silicate d’alumine.. .......... 0,014 Mativre organique... , 0,002
Crénate de fer et matière or— Fe
HAIIQUE..... te eee eo 0,009 0,529
0,339
CANTON DE CRÉON.
Créon n'a point de fontaine publique, les puits y
sont nombreux, l'eau lourde et malsaine.
LA SAUVE. — Le collège de la Grande Sauve possède
des sources profondes, qui fournissent à ses puits une
eau abondante et de bonne qualité.
CARIGNAN. — Petite commune contenant de bonnes
eaux, tant superficielles que profondes; le sol est silico-
argileux, les puits abondants et peu profonds.
LA TRÈNE. — Petit bourg dans la vallée de la Ga-
ronne ; il est entouré de sources superficielles; mais les
habitants n'emploient que l'eau de puits, qui est plus
à leur portée.
PUITS DE CRÉON.
Eau limpide, inodore, saveur fade
et terreuse.
Gaz acide carbonique... 0,0145
Air atmosphérique. .......... 0,0015
0,0160
Carbonate de chaux........... 0,362
Sulfate de chaux. ..... ....... 0,340
Chlorure de sodium........... 0,127
de calcium. ......... 0,102
de magnésium. ..... 0,054
Silicate d’alumine. ........... 0,021
Matière organique et oxide de
raies ss bte Ste 0,009
1,015
EE |
PUITS DE CARIGNAN.
Eau Limpide, un peu fade.
Profondeur, 11 à 12 mètres.
Marque 10 deg. , l'air étant à 23.
Gaz acide carbonique...) quantité
Air atmosphérique. ..…. | indéterminée.
Carbonate de chaux.......... 0,438
SUIALEME CHAUX... 0. 0,057
Chlorure de sodium...., ... 0,051
de calcinm.......... 0,034
Silicate d’alumine......... . . 0,016
Matière organique et oxide de
unes sn nsnsnsnnnnnse
PUITS
DU COLLÉGE DE LA GRANDE SAUVE.
Eau limpide, fraiche, agréable et
légère.
Gaz acide carbonique... . . 0,0165
Air atmosphérique, ......... 0,0020
0,0185
Carbonate de chaux. . ..... 0,177
Sulfate de chaux... ........... 0,112
Chlorure de sodium........... 0,068
de calcium... ....…. 0,052
Azotate de chaux............. 0,024
Silice et oxide de fer.......... 0,018
Matière organique. ........... 0,002
0,453
mme
PUITS DE LA TRÈNE.
Eau limpide, un peu fade.
Profondeur, 11 à 12 mètres.
Marque 10 deg. , l'air étant à 93.
Gaz acide carbonique... quantité
Air atmosphérique... \ indéterminée.
Carbonate de chaux. ........ 0,422
Sulfate,de chaux............. 0,130
Chlorure de sodium. ...... ... 0,042
de calcium..... ..... 0,036
Silicate d’alumine... ......... 0,012
Matière organique et oxide de
ET etes sde 0,011
0,660
CANTON DE PODENSAC.
PODENSAC. — Commune populeuse, sources abon-
dantes, eau pure et agréable; puits profonds de 9 à 10
mèlres,
158
gARsAC. — Bourg considérable; point de fontaine;
eau de puits fraiche, agréable et pure.
ILLATS. — Eaux abondantes et salubres, sol siliceux ;
puits profonds d'environ 8 à 9 mètres.
porTETs. — Eaux excellentes; puits nombreux et peu
profonds.
PUITS DE PODENSAC.
Gaz acide carbonique... } quantité
Air atmosphérique. .…. | indéterminée.
Carbonate de chaux........... 0,192
Sulfate de chaux.............. 0,034
Chlorure de sodium. ...,.... 0,038
de calcium... ........ 0,032
Azotate de chaux........,..... 0,018
Silice et oxide de fer......... 0,011
Matière organique.. ........ 0,002
0,327
PUITS D'ILLATS.
Gaz acide carbonique... j Quantité
Air atmosphérique ..... \ indéterminée.
Carbonate de chaux. ....,....…. 0,267
Sulfate de chaux.. ............ 0,042
AZOtAte AE CHAUX. ce... 0,016
Chlorure de sodium ... ..... 0,048
de calcium... ..… 0,034
Silice et oxide de fer.......... 0,012
Matière organique. ............ 0,002
0,421
0
PUITS DE BARSAC.
Gaz acide carbonique... j quantité
Air atmosphérique... | indéterminée.
Carbonate de chaux.........…. 0,348
SUITE de CHAUX... ., se 0,068
Chlorure de sodium........... 0,057
Azotale de chaux... ......... 0,036
Silice et oxide de fer . ..... 0,014
Matière organique. ........... 0,006
0,529
PUITS DE PORTETS.
Gaz acide carbonique.. } Quantité
Air atmosphérique... \ indéterminée.
Carbonate de chaux. ......... 0,293
SUITE IENCRANX rer eee 0,067
Azotate de chaux. nosehe ssl) 0,036
de magnésie.... .... \
Chlorure de sodium... ..... .
de calcium. ......... 0,064
de magnésium...
Silice et oxide de fer. ....... 0,012
Matière organique. ........... 0,006
0,478
159
CANTON DE CADILLAC,
CADILLAC. — Jolie petite ville; elle possède une fon-
taine publique; les puits y sont profonds et fournissent
de très-mauvaises eaux.
LANGOIRAN. — Eau de puits bien supérieure à celle
des puits de Cadillac.
PUITS DE CADILLAC. PUITS DE LANGOIRAN.
Gaz acide carbonique... 0,0160 Gaz acide carbonique, . } quantité
Air atmosphérique... ........ 0,0015 Air atmosphérique. .……. | indéterminée.
a A DONAIE (E CHAUX. 2-2... 0,329
0,0175 « Sulfate de chaux... .......... 0.112
————— Chlorure de sodium, . ........ 0,063
Carbonate de chaux... ....... 0,792 deYCaIéuns 4... 0,034
Sulfate de chaux.......... …… 0,475 Silice et oxide de fer... … 0,014
Azotate de chaux... ... …. | - Matière organique...........…. 0,008
Fe 0,187
de magnésie......... \ FR.
Chlorure de sodium........... 0,130 0,560
de calcium.......…. | 0.214 = —
de magnésium. . .. |
Silice et oxide de fer... 0,016
Matière organique......,...…. 0,012
1,826
CANTON DE SAINT=ANDRÉ-DE=CUBZAC.
SAINT-ANDRÉ. — Bourg populeux situé sur un haut
plateau; puits nombreux, de 40 à 12 mètres de pro
fondeur, eau limpide et de bonne qualité.
SALIGNAC. — Point de fontaine publique; puits pro-
fonds, eau limpide, un peu séléniteuse,
160
PUITS DE S.-ANDRÉ-DE-CUBZAC.
Gaz acide carbonique... } quantité
Air atmosphérique... \ indéterminée.
Carbonate de chaux., ........ 0,251
Sulfate de chaux.........,... + 10 105
Azotate de chaux. ........... 0,067
Chlorure de sodium. . ........ 0,078
de calCInMe 2... 0,042
Silicate d’alumine et oxide de
TÉL ner ER een ep es use 0,020
Matière organique............. 0,009
0,575
PUITS DE SALIGNAC.
Gaz acide carbonique, . | quantité
Air atmosphérique. .…, lindéterminée.
Carbonate de chaux... ........ 0,384
Sulfate de lChANT: 7. 0 62
Chlorure de sodium. ......….. 0,056
UC CaICIUM 1... MO U OZ
de magnésium, ...…. 0,027
Silice et oxide de fer. ,.... . 0,012
Matière organique... ,,....... 0,006
0,111
6e ARRONDISSEMENT.
Lcsparre,
Construite au milieu d'une plaine fertile, la petite
ville de Lesparre, bien bâtie et assez populeuse, ne ren-
ferme aucune fontaine publique; les puits suffisent aux
besoins de la population.
CIVRAC. — Bourg peu important: point de fontaine ;
puits peu profonds; eau lourde, séléniteuse, malsaine.
QUEYRAC. — Bourg considérable, sol fertile, marais
étendus; point de fontaine; puits nombreux, eau mal-
Salne,
161
PUITS DE LESPARRE. PUITS DE CIVRAC.
Profondeur, 9 à 10 mètres. Profondeur, 7 à 8 mètres.
Marque 10 deg. , l'air étant à 22. Eau limpide, saveur un peu maré
Eau limpide, saveur fade, terreuse. cageuse.
Carbonate de chaux... 0,505 Gaz acide carbonique... } quantité
SALE Te CRAUX, Ne rercesse 0,316 Air atmosphérique... . | indéterminée.
Azotate de chaux........... … 0,042 Carbonate de chaux. ....... . 0,475
Chlorure de sodium... 0,136 Sulfate de chaux........... .. 0,225
de calcium. . ........ 0,012 Chlorure de sodium........... 0,185
Silice et oxide de fer... . 0,014 de calcium. ......... 0,096
Matière organique... 0,010 Silice et oxide de fer... ...... 0,027
————— Matière organique. .....,.... 0,011
1,035 ES
— 1,019
EE
PUITS DE QUEYRAC.
Profondeur, 6 à 7 mètres.
Eau limpide , marécageuse.
Gaz acide carbonique... | quantité
Air atmosphérique... | indéterminée.
Carbonate de chaux........... 0,525
Sulfate de chaux. ............ 0,082
Azotate de chaux... ee delete l 0.096
de magnésie...... .. jee
Chlorure de sodium... ........ 0,135
de calcium. . ....... 0,102
de magnésium. ...…. 0,037
Silice et oxide de fer........... 0,022
Matière organique albumin..… 0,013
CANTON DE SAINT=-LAURENT,
Terrain sablonneux, aride, peu fertile; point de
sources superficielles, puits nombreux, peu profonds,
eau chargée de matières organiques.
SAINT-LAURENT. — Bourg assez populeux, puits
12
162
plus profonds que dans les autres parues du canton,
eau de meilleure qualité.
PAUILLAC. — Bâtie sur le bord du fleuve, la petite
ville de Pauillac manque de fontaine publique; les ha-
bitants font usage d'eau de puits.
SAINT-ESTÈPHE. — Joli bourg sur la Gironde; point
de fontaine publique; puits nombreux, eau lourde et
séléniteuse.
PUITS DE PAUILLAC.
Acide carbonique... | Quantité
Air atmosphérique... | indéterminée.
Carbonate de chaux. ........., 0,195
Sulfate de chaux..........:.. 0,052
Chlorure de sodium....... ... 0,115
de calcium......... 0,034
de magnésium, . .. 0,021
Silice et exide de fer... 0,014
Matière organique. ....,,..,.. 0,007
lode, des traces.
PUITS DE SAINT-ESTÉPHE.
Gaz acide carbonique... } quantité
Air atmosphérique... | indéterminée.
Carbonate de chaux... 0,585
Sulfate de chaux... 2... 10287
de, magnésie.. ........ 0,026
Chlorure de sodium........... 0,102
de-calcium. ......... 0,024
de magnésium, ..….... 0,038
Silice et. oxide de fer......... 0,018
Matière organique... 00,006
lode, des traces,
1,031
PUITS DE SAINT-LAURENT.
Gaz, acide carbonique... }
.. |'indéterminée.
Air atmosphérique.
Carbonate de chaux,
Sulfate de chaux...
Chlorure de sodium
nous
de calcium. ....... ,
Silice et oxide de fer
Matière organique albumin..….
quantité
0,266
0,080
0,056
0,022
0,017
0,016
163
CANTON DE SAINT=VIVIEN
Situé à l'extrème limite du département du côté de
la mer, ce canton n'est arrosé par aucun cours d'eau ;
de nombreux marais salans occupent tout son littoral.
SAINT-VIVIEN. — Ne renferme aucune source super-
ficielle; les puits y sont nombreux, peu profonds, l'eau
chargée de matières organiques.
TALAIS. — Petit bourg, dont les eaux sont encore
plus chargées que celles de Saint-Vivien.
SOULAC. — Petite localité au pied des dunes; l'eau
des puits est de mauvaise qualité.
PUITS DE SAINT-VIVIEN.
PUITS DE TALAIS.
Gaz acide carbonique... } quantité Gaz acide carbonique... } quantité
Air atmosphérique. ... | indéterminée. Air atmosphérique... | indéterminée.
Carbonate de chaux... .,... 0,395 Carbonate de chaux. . ........ 0,346
SEAT ACTE SERRES 0,210 Sulfate de chaux... .... 0,084
Chlorure de sodium... ...,.... 0,135 de magnésie, ...... 0,014
de magnésium... 0,042 Chlorure de sodium. ...... …. 0,147
Silice et oxide de fer... .. 0,017 de calcium... :.... 064
Matière organique albumin . 0,022 de magnésium. ..…. 0,048
Jode , des traces. Silice et oxide de fer... 0,016
7 0 821 Matière organique albumin... 0,034
——— [ode, des traces,
0,753
PUITS DE SOULAC.
Gaz acide carbonique. . }
quantité
Air atmosphérique. ..….. | indéterminée,
Carbonate de chaux... ..… 0,382
Sulfate de chaux... 0,177
de magnésie,.. ... .... 0,027
Chlorure de sodium... ..... 0,231
de calcium... ......., 0,054
de magnésium... 0,046
Silice et oxide de fer. … .. . 0,014
Matière organique albumin... 0,038
lode, des traces,
0,969
164
ARTICLE 2. — A" SECTION.
Eaux siagnantes superficielles.
l'SÉTANES"
Les eaux que le sol des landes ne peut retenir, se
rendent vers la mer par linclinaison naturelle du sol.
Arrétées par les dunes qui bordent l'Océan, elles for-
ment à leur base, sur une grande partie des côtes du
golfe de Gascogne, une suite d'étangs communiquant
ensemble et présentant une vaste étendue. Plusieurs de
ces étangs appartiennent au département de la Gi-
ronde; les principaux sont : l'étang de Hourtins, celui
de Lacanau, et l'étang de Cazeaux ou de Sanguinet.
Un nombre considérable d'autres étangs moins étendus
se trouvent dans les communes du Porge, de Sainte-
Hélène et du Temple, et se relient presque tous avec
les deux grands étangs de Hourtins et de Lacanau.
Ces grandes masses d'eau, retenues sur des surfaces
de douze et même de quinze kilomètres d'étendue, sont
d'une pureté remarquable, le sol qu'elles ont parcouru ,
composé de sable pur, n'ayant pu leur fournir que de
très-petites quantités de sels minéraux et de faibles par-
lies de matière organique,
165
Elles sont done bonnes pour la boisson ; néanmoins
on doit leur préférer les eaux courantes, qui, saturées
d'air et d'acide carbonique, sont beaucoup plus légères,
et de plus facile digestion. Comme les eaux de quel-
ques rivières que jai signalées, l'eau des étangs est
peu fertilisante : elle ne fournit point aux végétaux les
éléments de nutrition dont ils auraient tant de besoin
sur le sol aride des landes,
Mais ces eaux, qui sont, sans contredit, d'un grand
secours pour les populations du voisinage, ont encore
linappréciable avantage de pouvoir servir à l'arrose-
ment des rizières (culture nouvellement introduite dans
nos landes), sans compromettre la santé des travail-
leurs; car elles ne laissent après leur évaporation que
des quantités très-minimes de matière organique. Il ne
faut done pas confondre, au point de vue de l'hygiène
publique, l'eau des étangs et celle des marais et des
ruisseaux; une différence énorme les sépare, ainsi que
le démontrent les résultats suivants :
EAU DES ÉTANGS
DE HOURTINS.
Eau limpide, sans couleur.
Marque 17 deg. , l'air étant à 23.
Gaz acide carbonique. ...... 0,0019
Gamioxigbne, 4245.74 620) 2 0,0024
(Crrr ET Dane orders 0,0072
0,0115
Carbonate de chaux... Pres 0,119
Sulfate de chaux... ......... 0,011
Chlorure de sodium.........., 0,052
Silice et oxide de fer. ......... 0,008
Matière organique, des traces.
9,190
—
DE LACANAU.
Eau très-limpide.
Maïque 18 deg., l'air étant à 25.
Gaz acide carbonique... 0,0017
Gazhoxigène {19.2 LA El 0,0025
FAT LOIR AS ares ec 0,0070
0,112
Carbonate de chaux. ......... 0,102
Sulfate de chaux.............. 0,014
Chlorure de sodium.......,... 0,046
Silice et oxide de fer... 0,006
Matière organique, des traces.
0,168
166
DE CAZEAUX OU SANGUINET.
Limpidité parfaite.
Gaz acide carbonique... 0,0018
Gaz oxigène. . :.. 0.0 00.402 0,0028
Gaziazoie.-. +... SRE 0,0074
0,0120
Carbonale de chaux... .. .. 0,132
Sulfate de chaux. ............, 0,016
Chlorure de sodium... ...... 0,041
Silice et oxide de fer......... 0,007
Matière organique, des traces.
* IL. — LAGUNES.
On désigne dans nos landes, sous le nom de lagu-
nes, des bassins naturels, de forme généralement cir-
culaire, de profondeur variable, creusés sur un fond
argileux ou aliotique que les eaux pluviales emplissent
en hiver, et qui se dessèchent souvent en été, s'ils ne
sont alimentés par quelques sources.
Les lagunes les plus considérables du département
sont celles de Rouquières, de Saint-Magne et de Trou-
pins; ce sont aussi les seules dont j'aie étudié les eaux.
Quoique l'eau des lagunes se rapproche beaucoup de
celle des étangs par l'absence presque complète de sels
minéraux, elle en diffère cependant en ce qu'elle con-
tient une certaine quantité de matière organique, qui
la rend souvent impropre à la boisson.
Puisée en été, après une sécheresse assez prolongée,
l'eau des lagunes est légèrement colorée; elle a une sa-
veur fade et désagréable.
167
EAU DES LAGUNES
DE ROUQUIÈRES.
Limpide, mais colorée en jaunc—
pailie.
Marque 19 üeg., l'air étant à 24.
Gaz acide carbonique... } quantité
Air atmosphérique... ) indéterminée.
Carbonate de chaux... Frécne 0,092
Sulfate'dé chaux. ..... ....... 0,016
Chlorure de sodium........... 0,042
Silice et oxide de fer... .....…. 0,006
Matière organique... . eee 0,014
0,170
DE TROUPINS.
Limpide, fade, sans dégoût, peu
colorée, sans odeur.
Gaz acide carbonique, , } quantité
Air atmosphérique... | indéterminée.
Carbonate de ‘chaux. .…......... 0,086
SUITALE de CHANX-. ee... 0,006
Chlorure de sodium... .,. 0,034
Silice et oxide de fer... sett 0;007
Matière organique............. 0,011
0,144
DE SAINT-MAGNE.
Saveur un peu marquée, colorée en
jaune-paille.
Gaz acide carbonique.. |
Air atmosphérique
Carbonate de chaux
Sulfate de chaux ...
Chlorure de sodium. . ........
Silice et oxide de fer
Matière organique extractive.
sus.
quantité
.… lindéterminée.
0,010
0,016
0,175
168
IT, — MARAIS.
Le département renferme un grand nombre de ma-
rais, tant sur les bords de la Gironde que sur ceux de
la Garonne et des étangs littoraux.
Ces marais ne sont pas tous de même nature; quel-
ques-uns sont sans action marquée sur la santé des
populations; d'autres au contraire deviennent, pendant
les chaleurs de l'été, des foyers pestilentiels. Les marais
qui présentent ce dernier caractère au plus haut degré,
sont situés dans les communes de Blanquefort, de Pa-
rempuyre, de Montferrant sur la Garonne, de Sous-
sans, d'Arcins, d'Avensan et de Vendays sur la Gironde.
L'éducation de là sangsue à instantanément arrêté
les travaux de dessèchement et de colmatage dont on
s'occupait depuis plus de vingt ans, et qui avaient mo-
difié et presque complètement changé la nature du sol
bourbeux d'une partie des marais de la Garonne. Quel-
ques années encore, et la plus grande partie des ma-
rais de Blanquefort et de Parempuyre avoisinant la ri-
vière allait disparaître; un sol alluvionnaire des plus
fertiles aurait remplacé la fange humide et bourbeuse
qui forme, à une grande profondeur, le sol de ces ma-
rais. À cette amélioration si importante au point de
vue agricole, si utile et si salutaire au point de vue de
la santé publique, ont succédé des travaux d'une nature
diamétralement opposée : les prairies nombreuses qui
commençalent à recouvrir ces tourbières imparfaite—
169
ment colmatées, et que quelques centimètres de plus de
terre argileuse eussent transformés en des terrains d'une
fertilité remarquable, sont changées en cloaques per-
manents, par le piétinement incessant des animaux
qu'on affecte à la nourriture des sangsues : bientôt tous
nos marais seront employés à la reproduction de ces
annélides. Cette industrie oblige les éleveurs à mettre
ces marais à sec alors qu'ils devraient être submergés
par l’eau limoneuse de la Garonne, et de les tenir cou-
verts d'eau précisément à l'époque où les chaleurs de
l'été rendent plus actives et plus malfaisantes les exha-
laisons miasmatiques dont ils deviennent le foyer. Le
séjour de ces couches d'eaux répandues à dessein sur de
vastes surfaces présente d'autant plus de danger, que
la masse liquide ainsi abandonnée à une évaporation
lente et continue, contient le plus souvent, indépen-
damment d'une forte quantité de matière albumineuse
végétale, des portions considérables de débris prove-
nant des animaux qu'on donne en pàture aux sangsues.
Il est donc urgent que l'administration supérieure
réglemente au plus tôt une industrie qui nuit d'une
manière aussi directe à la santé des populations rura-
les des rives de la Garonne et de la Gironde.
L'eau des marais à des caractères qui lui sont pro-
pres, et qui permettent de la distinguer des eaux cou-
rantes ; elle est ordinairement colorée; sa saveur et son
odeur ont aussi quelque chose de particulier qui la dé-
cèle ; l'ébullition la trouble légèrement; elle s'éclaireit
par le repos, en déposant de petits globules albumineux
coagulés par la chaleur ; souvent l’action du calorique
170
suffit pour la décolorer et lui enlever son odeur et sa
saveur ; elle devient alors fade, nauséabonde, et son
évaporation complète ne laisse pour résidu que de la
matière organique et une pelité quantité de sels.
Ces eaux ne servent point à la boisson; mais si dans
quelques localités éloignées on était réduit à en boire,
il faudrait d'abord les faire bouillir et les ventiler après
leur refroidissement, ou, ce qui vaudrait mieux en-
core, les filtrer sur de la poudre de charbon, ainsi qu'il
sera indiqué plus loin.
EAU DES MARAIS
DE BLANQUEFORT,
PUISÉE AU MOMENT DE LA PÊCHE DE LA
SANGSUE,
Cette eau est colorée en jaune-paille ;
elle a une odeur de marécage et une
saveur nauséabonde.
Carbonate de chaux. .......... 0,105
Sulfate de Chaux. ....... ..... 0,024
Chlorure de sodium...,.....…. 0,046
de calcium........... 0,018
Silice et oxide de fer.....,.... 0,011
Matière organique albumin.... 0,038
0,242
DE PAREMPUYRE,
PUISÉE PENDANT LA PÈCHE DE LA SANGSUE.
Légèrement colorée en brun fauve;
saveur marécageuse. L'ébullition la trou-
ble; elle s’éclaireit par le rayon qui sé—
pare l’albamine végétale coagulée.
Carbonate de chaux....... .. 0,086
Sulfate de chaux.............. 0,019
Chlorure de sodium .......... 0,042
decalcium........... 0,012
Silice et oxide de fer..….......…. 0,016
Matière organique albumin . 0,041
0,216
DE MONTFERRANT,
PUISÉE A L'ÉPOQUE DE LA PÈCHE,
Légèrement colorée en brun; saveur
marécageuse, odeur particulière. L’ébul-
lition est sans action apparente.
Carbonate de chaux...........
Sulfate de chaux...
Chlorure de sodium
de calcium.........,
Silice et oxide de fer.
Matière organique extractive..
0,09 ?
AU N0 014
0,056
0,008
PAT 0,010
0,044
0,224
171
92e SECTION.
Eaux stagnantes profondes.
I. — EAU DU SOUS-SOL DES LANDES.
On sait que les eaux pluviales retenues à peu de
profondeur par les couches aliotiques imperméables qui
forment le sous-sol de nos landes, y croupissent, se
chargent des principes solubles de l'alios, et forment
ensuite cêtte nappe d'eau souterraine qui alimente tous
ces puisards qui fournissent à la population landaise
l'eau dont elle a besoin pour ses usages domestiques,
sa boisson et celle des animaux.
Ces eaux, presque entièrement privées de sels miné-
raux, ont une couleur jaune-brun plus ou moins foncé,
et contiennent une grande quantité de matière organi-
que provenant soit de leur séjour sur l'alios, soit de la
décomposition des végétaux, qui meurent sur ce sol
perméable; aussi portent-elles le germe des maladies,
trop souvent mortelles, que les chaleurs de l'été déve-
loppent parmi les populations qui s'en abreuvent faute
d'autre.
La composition chimique de ces eaux n’a encore été
consignée nulle part; c'est ce qui m'a déterminé à ap
172
porter dans l'examen analytique que J'en ai fait, des
soins plus minutieux encore que pour les autres caté-
gories.
Lorsqu'en 1847 j'annoncai à l'Académie des Sciences
de Bordeaux que le tuf de nos landes n’est point,
comme on l'avait cru jusqu'alors, une agrégation fer-
rugineuse, mais un amas sablonneux résultant de Fad-
hérence des molécules siliceuses, liées entre elles par
un sédiment végétal qui se dureit sous l'influence des
rayons solaires, j'expliquai que cette matière extracti-
forme, s'infiltrant tout d'abord dans l'intérieur des cou-
ches sableuses qui constituent la presque totalité du
sous-sol des landes, s'y dessèche, s'y solidifie , et forme
ainsi un réseau imperméable, qui retient les eaux plu-
viales et les empêche de pénétrer plus avant dans le
sol. C'est cet agrégé végéto-siliceux, qu'on nomme
alios.
Les eaux pluviales séjournant sur ce terrain alioti-
que, s'emparent de toutes les parties solubles de lalios
et des débris organiques qu’elles baignent, prennent de
la couleur, contractent une odeur particulière, et peu-
vent devenir dangereuses pour la santé des popula-
tions; elles ne sont pas toujours de même nature, et
varient suivant leur profondeur. La matière végétale
que contiennent celles qui séjournent à une profondeur
de 3 à # mètres a perdu ses qualités délétères, parce
que les diverses phases de la fermentation qu'elle à su
bie l'ont transformée en une matière extractive en par-
tie résinifiée, sorte d'humus qui parait être sans acuon
sur l'économie animale, Je nommerai ces eaux alioli-
173
ques, parce qu'elles ne paraissent contenir que la par
tie soluble de lalios.
Les autres, retenues à 4 ou 2 mètres du sol, ont une
couleur plus foncée, quelquefois légèrement verdàtre ;
leur saveur et leur odeur ont quelque chose de maré-
cageux; elles se troublent par l'ébullition, et bientôt
après il se sépare un petit sédiment floconneux, ayant
les caractères de l'albumine végétale : je les nommerai
eaux aliotiques albumineuses.
Cette dernière eau à beaucoup d'analogie avec celle
des marais, dont elle est le diminutif; comme elle, elle
perd en bouillant la plus grande partie de son odeur de
marécage, sa saveur devient plus franche; renfermée
dans des bouteilles soigneusement bouchées, elle peut
se conserver un mois et plus sans altération, tandis
que quand elle n’a n'a pas bouilli, quatre ou cinq jours
suffisent pour l'amener à putréfaction.
Filtrée au travers de la poudre de charbon, ou mise
en contact avec des copeaux de bois de chêne, l’eau
albumineuse perd, comme par l'ébullition, albumine
qu'elle contient, et, avec elle, l'odeur et la saveur ma-
récageuse; sa qualité est de beaucoup améliorée, et elle
peut alors être bue sans danger. Des expériences com-
mencées depuis plusieurs années et qui se continuent
encore, ont démontré que ces eaux si malsaines, dont
on est cependant réduit à faire usage dans certaines
localités, subissent ainsi une modification des plus sa-
lutaires. L'action du charbon ou du tanin de chêne est
bien plus marquée sur les eaux franchement albumi-
neuses que sur les eaux aliotiques; en effet, la poudre
17%
de eharbon absorbe la matière albumineuse, le tanin
la coagule et la rend insoluble.
Sans vouloir faire jouer à l'albumine végétale un
rôle plus important que celui qu'on lui à attribué jus-
qu'ici, je suis cependant tout disposé à admettre que
c’est surtout à sa présence qu'il faut attribuer Faltéra-—
tion rapide des eaux marécageuses, la fermentation qui
s'y produit, et là formation des principes délétères
qu'elles exhalent ou qu'elles retiennent en solution.
De tous les principes immédiats des végétaux, lal-
bumine est un de ceux qui se putrifie le plus prompte-
ment; et en raison de sa nature animalisée, elle donne
naissance à des produits azotés, qui contribuent au
développement des fièvres paludéennes, si meurtriè-
res dans quelques-unes de nos localités. On ne sau-
rait donc trop recommander de filtrer au charbon tou-
tes les eaux colorées de nos landes ou du Médoc qu'on
destine à la boisson ; cette précaution devrait être prise
surtout dans les années de sécheresse, où les eaux sont
rares et où elles accumulent sous un petit volume les
éléments morbides qui viennent d'être signalés.
La construction de filtres dépurateurs est d'ailleurs
si simple, si peu dispendieuse, que toutes les popula-
tions de nos landes s'empresseront d'en faire usage,
dès qu'on aura pu les convaincre des avantages qu'elles
doivent en retirer. Comme il ne leur serait pas possible
de distinguer les eaux purement aliotiques de celles qui
sont albumineuses, je les engage à filtrer indistincte-
ment toutes les eaux destinées à leur boisson, lors-
qu'elles auront une couleur, une saveur ou une odeur
quelconque,
175
Pour construire un filtre dépurateur, on place une
barrique debout, après l'avoir bien nettoyée et défoncée
d'un côté; on établit à 25 ou 30 centimètres du fond,
une cloison circulaire ou double fond en bois de chène,
percé d'un grand nombre de trous de la grosseur d'une
plume à écrire; on étend sur ce fond une couche de
gravier de 8 ou 10 centimètres d'épaisseur, et l'on ré-
pand par-dessus une couche de 12 centimètres de
charbon de chêne pulvérisé grossièrement. Ce charbon
ne suflit pas toujours pour décolorer complétement les
eaux; pour obtenir ce résultat, il faut ajouter au char-
bon de bois un cinquième de charbon animal concassé,
recouvrir le tout de & où 10 centimètres de sable fin
bien lavé, et placer par-dessus une seconde rondelle
ou fond, pour comprimer les matières filtrantes régu-
lièrement étendues. Ce dernier fond, percé comme le
premier, doit être fortement assujetti à l'aide de quel-
ques clous ou de chevilles en bois de chêne.
Ces dispositions prises, on remplit la barrique de
leau qu'on destine à la boisson, et on la retire filtrée
au fur et à mesure des besoins, à l'aide d’un petit ro-
binet en bois placé à la partie inférieure. Pour obtenir
une pression suflisante et une filtration rapide, il con-
vient de maintenir la barrique pleine.
Un filtre ainsi préparé peut fonctionner longtemps,
sans qu'il soit besoin de renouveler les matières filtran-
tes, car la propriété absorbante du charbon est considé-
rable, On reconnaitra d'ailleurs que le charbon doit
être changé, lorsque son action décolorante et absor-
176
bante ne suffira plus pour purifier complétement l'eau
qu'on soumettra à la filtration ‘.
Les postes des douanes situés sur le littoral, ceux
surtout des communes de Saint-Vivien, du Verdon,
de Talais, de Soulac, de Béchevelle, etc., sont privés
chaque année pendant l'été de bonnes eaux potables;
aussi une partie des douaniers de ces stations sont-
ils périodiquement atteints de fièvres très-graves. J'ai
la certitude que l'administration des Douanes prévien-
drait en grande partie ces accidents, en établissant dans
chacun de ces postes un filtre-tonneau, et en obligeant
les employés à ne faire usage que d'eau filtrée. Les
mêmes précautions pourraient être prises sur tous les
points du département où l'on ne peut se procurer
pour la boisson que des eaux aliotiques où albumi-
neuses. Les avantages qu'on procurerait ainsi aux po
pulations, sont trop évidents pour ne pas fixer l'atten-
tion de l'administration départementale.
Les cantons du département où se trouvent des eaux
aliotiques et albumineuses, sont ceux d’Audenge, de
Belin, de Captieux, de La Teste, de Saint-Sympho-
rien, de Villandrault. Il faut y joindre quelques commu-
nes des cantons de Castelnau, de Saint-Laurent et de
Saint-Vivien.
CANTON D'AUDENGE:+
Lé canton d'Audenge, borné par le bassin d'Arca-
? Dans toutes les localités où l'on a fait, pendant l'été, un usage habituel de
l'eau filtrée au Charbon, on a vu disparaître les fièvres pernicieuses ; et dans cer
taines communes, des familles ont été préservées des épidémies annuelles par
cette précaution si simple,
177
chon, est en pleine lande; c'est à peine si l'on trouve
de loin en loin quelques couches de terre argileuse su-
perticielle : le sable recouvre la presque totalité du sol,
variant seulement de nature, selon qu'il sy trouve
mêlé une plus ou moins grande quantité d'humus, pro
venant de la décomposition permanente des végétaux.
Les eaux, chargées de matières organiques albumi-
neuses, qui les rendent promptes à s'altérer, y sont dé-
testables *.
AUDENGE. — Bourg peu considérable près du bassin
d'Arcachon; l'eau qu'on y boit est jaunätre et sent le
marécage; les puits sont peu profonds. Cette commune
renferme un assez grand nombre de marais qui vicient
l'air et occasionnent fréquemment des fièvres que la
mauvaise qualité des eaux dont s'abreuve la population
rend souvent mortelles.
BIGANOS. — Commune assez populeuse arrosée par
la Leyre; les eaux employées par les habitants sont à
peu près de même nature que celles d’Audenge ; cepen-
dant les puits y sont plus profonds et fournissent en gé-
néral de l'eau purement aliotique; les eaux albumi-
neuses y font exception.
Mi08. — Le bourg de Mios est l'un des plus fertiles
du canton; il doit cet avantage à l'humus dont le sol
| Moutes ces eaux filtrées aû charbon perdent leur couleur, leur saveur désa=
gréable et leurs principes délétères. Par cette opération, on les dépouille des
neuf dixièmes de la matière organique qu'elles contiennent,
12
178
est chargé : le maïs et le sei
leur vigueur. L'eau de cett
gle s'y font remarquer par
e commune à une teinte
brune; elle est recueillie dans de petits puisards peu
rofonds; elle est presque partout aliotique et albumi-
} ;
nelise.
EAU DES PUITS D'AUDENGE.
Cette eau est renfermée dans des
puits ou citernes peu profonds; eile est
à 2 ou 3 mètres du sol.
Elle est colorée; saveur et odeur
désagréables.
‘
Gaz acide carbonique... 0,0020
(CÉLAE VER RES 0,0035
Gaz oxigène.. .......: LACCA TE 0,0005
0,0060
Carbonate de chaux. ..... ..…. 0,056
Sulfate de chaux... ..…. 0,007
Chlorure de sodium... .... 0,035
Silice et oxide de fer, ........ 0,012
Matière organique aliotique.. 0,046
0,164
EAU DES PUITS DE BIGANOS.
Plus colorée que celle d'Audenge;
elle n’est qu'à 1 ou 2 mètres du sol.
Corps gazeux comme la précédente.
Carbonate de chaux... .. 0,061
Sulfate de chaux... .......…. 0,012
Chlorure de sodium........... 0,026
Silice et oxide de fer ........ 0,010
Matière organique aliotique, al-
bumineuse..…. ...... ...…. 0,052
0,0162
EAU DES PUITS DE MIOS.
Moins colorée que
La nappe d'eau à
celle de Biganos.
2 mètres.
Corps gazeux indéterminés.
Carbonate de chaux.
Sulfate de chaux...
Chlorure de sodium .
Silice et oxide de fer
su.
Matière organique aliotique, al-
bumineuse...…. ....
0,047
179
CANTON DE BELIN.
Sol aride et sablonneux, couvert de bruyère; ce n'est
que dans le voisinage des villages qu'on rencontre quel-
ques bouquets d'arbres et des champs cultivés. Au mi-
lieu de ces vastes plaines uniformes, la petite ville de
Belin s'élève comme une oasis dans le désert, entourée
d'une riche végétation qu'entretiennent et alimentent
quelques filons argilo-calcaires. C’est à cette nature de
terrain qu'est due en grande partie la bonté de ses eaux.
Belin à un puits public pourvu d'une pompe à levier,
dont l'eau est bien supérieure à celle des puits situés
hors de son enceinte. À peu de distance de la ville, on
trouve, dans la propriété de M. Peringuey, une source
que pourraient envier les localités les mieux partagées.
SALLES. — Cette commune, traversée par la Leyre,
est relativement assez fertile; l'eau des puits du bourg
est chargée de moins de matières organiques que celle
des puits environnants.
LE BARPT. — L'une des communes du canton où
les eaux sont le plus détestables; on a peine à com
prendre que des hommes puissent boire et employer
pour leur besoins domestiques une eau aussi chargée
d'humus.
LE BUCH. — Petite station sur la route de Belin à
Bordeaux ; l'eau y est encore plus mauvaise qu'au Barpt;
180
la nappe d'eau qui alimente les puits n'est pas à un
|
mètre et demi du sol, de sorte qu'elle se charge in-
cessamment de toute la matière organique que lui
fournit un sol perméable à l'excès
BELLIET, traversé par un ruisseau abondant, ren-
ferme une belle forge et plusieurs poteries; l'eau y est
moins mauvaise qu'au Buch, mais elle est encore trop
chargée d’albumine végétale, pour qu'on puisse se dis-
penser de la filtrer au charbon.
PUITS DE BELIN.
Gaz acide carbonique. .... 0,0070
Air atmosphérique. ......,... 0,0010
0,080
Carbonate de chaux........... 0,149
Sulfate de chaux.. ........... 0,042
Chlorure de sodium. ......... 0,054
de calcium... ...... 0,048
Silice et oxide de fer......... 0,013
Matière organique aliotique.. 0,016
0,322
PUITS DU BARPT.
Très-colorée, saveur désagréable.
Carbonate de chaux... 0,067
Sulfate de chaux. . .......... 0,021
Chlurure de sodium........... 0,066
HeCalCINMee re --E-Le 0,024
Silice et oxide de fer... 0,016
Matière organique aliotique, al-
DUMINPNSE Fesses steese 0,186
0,380
a»
PUITS DE SALLES.
Gaz acide carbonique... } quantité
Air atmosphérique... | indéterminée.
Carbonate de chaux. .......... 0,098
Sulfate le CHANXS-S --...--.0 0,027
Chlorure de sodium....,,...…. 0,034
de calcium... 100; 019
Silice et oxide de fer.......... 0,018
Matière organique aliotique.. 0,022
0,218
PUITS DE BUCH.
Très—-coldrée, saveur désagréable.
Carbonate de chaux... ........ 0,114
SULATERENCTANXSE--eeerce 0,027
Azotate de chaux !............ 0,116
Silice et oxide de fer... 0,014
‘Chlorure de sodium. ......... 0,086
Matière organique aliotique, al-
DUMINEUSES rc lee cescec 0,217
0,574
‘ Les étables sont très-rapprochées
des puits.
181
PUITS DE BELLIET.
Moins colorée, sans saveur.
M olorée, san
Carbonate de chaux..........., 0,092
SUP AE CHAUR ER desc ee ee 0,042
Chlorure de sodium........... 0,082
Silice et oxide de fer.. ....... 0,015
Matière organique aliotique... 0,105
0,336
CANTON DE CAPTIEUX.
Dans ce canton, l'un des moins fertiles , Falios recou-
vre une grande partie du sous-sol et retient à peu de pro-
fondeur les eaux pluviales, qui en hiver l'inondent pres-
que complètement.
Le bourg de Captieux possède quelques sources su-
perficielles dont l'eau est très-pure ; il y à aussi un grand
nombre de puits peu profonds, dont l'eau est colorée,
désagréable au gout et chargée de matière organique.
Giscos.— Petit bourg isolé, dont les habitants, entiè-
rement dépourvus d'eau de source, ne font usage que de
l'eau de quelques puits creusés dans le sable et à 2 me-
tres au plus du sol. Cette eau, de couleur jaune foncé,
à une saveur marécageuse très-désagréable.
PUITS DE CAPTIEUX.
Gaz acide carbonique... } Quantité
Air atmosphérique ..... \ indéterminée.
Carbonate de chaux... ..,..... 0,027
Sulfate de chaux. ............ 0,021
Chlorure de sodium. ... ..... 0,038
Silice et oxide de fer... ........ 0,016
Matière organique. ............ 0,044
0,146
Te mn
PUITS DE GISCOS.
Gaz acide carbonique... | Quantité
Air atmosphérique... | indéterminée.
Carbonate de chaux... 0,027
Sulfate de chaux:............. 0,013
Chlorure de sodium... ...... 0.037
Silice et oxide de fer. ....... 0,014
Matière organique albumineuse 0,052
0,143
182
CANTON DE LA TESTE.
Ce canton forme l'extrême limite du département; il
est borné à l'ouest par l'Océan, et au sud par le dé-
partement des Landes; le sol en est sec et aride; quel-
ques puits peu profonds fournissent aux habitants une
au colorée, la seule dont ils puissent faire usage.
La Teste, bätie près du bassin d'Arcachon, n’est pas
mieux pourvue que le reste du canton; éloignée de
grands cours d'eau, elle ne renferme aucune source
superficielle abondante ; la population ne fait usage que
d'eau de puits.
ARCACHON.— Petite bourgade nouvellement bâtie sur
les bords mêmes du bassin; elle se compose d'une foule
de petites maisons aussi élégantes que commodes ; les
puits, peu profonds, fournissent de l'eau moins colorée
que celle de La Teste.
GUJAN ne renferme non plus aucune source super-
ficielle; l'eau des puits y est colorée et chargée de
matière organique.
PUITS DE LA TESTE. PUITS D’ARCACHON.
Gaz acide carbonique... | quantité Gaz acide carbonique..| quantité
Air atmosphérique... \indéterminée. Air atmosphérique. . .…. | indéterminte.
Carbonate de chaux. .......... 0,155 Carbonate de chaux.........…. 0,137
Sulfate de chaux. ............ 0,082 Sulfate de chaux. .........… . 0,074
Chlorure de sodium........... 0,121 de magnésie....... ... 0,022
detalcinme ter 0,034 Chlorure de sodium. ........…. 0,131
Silice et oxide de fer.......... 0,016 ACICAITIUM = uece-cee 0,026
Matière organique... ... 0,026 Silice et oxide de fer. ......, 0,017
lode, des traces. Matière organique... ...... 0,020
mr Iode, des traces,
re 0,427
183
PUITS DE GUJAN.
Gaz acide carbonique... {quantité
Air atmosphérique. .…. lindéterminée.
Carbonate de chaux........... 0,152
Sulfate de chaux............. 0,078
de magnésie.. ….. .… 0,035
Chlorure de sodium. ........ 0,127
de calcium.......... 0,020
Silice et oxide de fer.....…... 0,018
Matière organique. ..,..... 0,032
Jode, des traces.
0,462
CANTON DE SAINT-SYMPHORIEN.
Ce canton, limitrophe du département des Landes,
a la même constitution géologique; il n'est arrosé que
par le Ciron ou ses affluents.
SAINT-SYMPHORIEN. — Chef-lieu du canton, est un
gros bourg manquant de bonnes eaux; la population
ne fait usage que d'eau de puits; elle est de très-
mauvaise qualité, colorée et chargée de matière orga-
nique.
BALIZAC. — Petit bourg dont le sol fournit d'excel-
lent minerai; l'eau est de même nature qu'à Saint
Symphorien, mais elle est encore plus chargée de
matière organique.
PUITS DE SAINT-SYMPHORIEN. PUITS DE BALIZAC.
Gaz acide carbonique... } quantité Gaz acide carbonique... j quantité
Air atmosphérique... |indéterminée. Air atmosphérique... \ indéterminée.
Carbonate de chaux........... 0,082 Cerbonate de chaux... . 0,077
Sulfate de chaux,. .,......... U,014 Sulfate de chaux... 0,016
Chlorure de sodium. .......... 0,038 Chlorure de sodium........... 0,042
Silice et oxide de fer... 0,014 Silice et oxide de fer... 0 URLS
Matière organique aliotique..… 0,042 Matière organique, aliotique,
7 0,190 albumineuse............ …_ 0,047
—— 0,195
184
CANTON DE VILLANDRAULTS:
VILLANDRAULT. — Chef-lieu, baigné par le Ciron;
on n’y fait usage que d'eau de puits, mais elle est géné-
ralement meilleure que celle des communes qui Favoi-
sinent; plus chargée de carbonate de chaux, elle con-
tient beaucoup moins de matière organique.
uzESTE. — Petit bourg à quelques kilomètres de Vil-
landrault. Il est remarquable par son église, où se trou-
ve, dit-on, le tombeau du pape Clément V, son fonda-
teur. La grande majorité des puits de cette commune
fournit une eau aliotique très-colorée ; quelques privi-
légiés possèdent des puits creusés dans des couches
silico-argileuses, dont l'eau est incolore et de très-bonne
qualité.
PUITS DE VILLANDRAULT. PUITS
Gaz acide carbonique... } quantité DE LA COMMUNE D'UZESTE.
Air atmosphérique... \indéterminée, Gaz acide carbonique... } quantité
Carbonate de chaux........... 0,171 Airatmosphérique..... \ indéterminée.
Sulfate de chaux... .......... 0,107 Carbonate de chaux.. ....... 0,082
Azotate de chaux. ....., .:... 0,058 Sulfate de chaux............... 0,054
Chlorure de sodium........... 0,087 Chlorure de sodium. ........ 0,068
de calcium.......... 0,014 Silice et oxide de fer.....,.... 0,018
Silice et oxide de fer... ..... 0,016 Matière organique albumin... 0,038
Matière organique. ........... 0,016 ——
0,469 0,260
PUITS DU BOURG D'UZESTE.
Gaz acide carbonique... | quantité
Air atmosphérique... \ indéterminée.
Carbonate de chaux. ........ 0,148
Sulfate de chaux... ....,..... 0,037
Chlorure de sodium........... 0,053
Silice et oxide de fer.......... 0,017
Matière organique peu album. 0,014
0,269
185
EAU DE PLUIE.
C'est toujours avec les vents marins ouest, nord-
ouest et sud-ouest, qu'il pleut dans le département de
la Gironde et surtout à Bordeaux; si, par exception; la
pluie est amenée par d'autres vents, elle n’est que pas-
sagère et dure peu.
Dans le courant de l'année 1852, il n'a plu qu'une
fois avec le vent du sud, et trois fois seulement avec
les vents du nord ou du nord-est.
La constitution chimique de l'eau de pluie se ressent
évidemment de ce phénomène atmosphérique, et les
émanations que nous apportent les vents d'ouest, doi
vent être toujours imprégnées de vapeurs d'eau de mer.
Bien pénétré de ces faits, et désireux de m'en convain-
cre, j'ai recueilli à diverses fois de l'eau de pluie avec
les vents d'ouest, et je me suis assuré que lorsque le
temps est à la tempête et les vents d'ouest très-forts,
la pluie contient du sel marin et de liode en quantité
très-appréciable; qu'elle en contient beaucoup moins
lorsque le vent d'ouest à peu d'intensité, et qu'elle n'en
contient pas du tout lorsqu'elle nous vient d'une autre
région que les côtes de l'Océan.
C'est ainsi que le 24 avril 4852, par une pluie assez
abondante et un fort vent du nord, 5 kilogrammes
d'eau recueillie avec beaucoup de soin dans un vase
vernissé contenant une petite quantité de solution de
potasse très-pure, ne présentèrent aucune trace de
chlorure, d'iodure, ni de brômure, Je ne fus pas plus
186
heureux le 16 septembre de la même année, avec 5 au-
tres kilogrammes recueillis dans les mêmes circonstan-
ces, sauf le vent qui soufflait du sud. Le 22 novem-
bre 1851, au contraire, pareille quantité d'eau de pluie
traitée de la même manière, mais obtenue pendant un
fort vent d'ouest, m'avait donné des traces très-évi-
dentes d'iodure et de chlorure. Toutes les expériences
auxquelles je me suis livré depuis cette époque ont con-
firmé ces premiers résultats; je n'ai trouvé des traces
de ces sels que dans l'eau de pluie tombée pendant les
forts vents marins; dans un temps calme, méme avec
les vents d'ouest, l'eau de pluie en contient beaucoup
moins; quelquefois même ce n'est qu'en opérant sur
une quantité relativement considérable, qu'on en ob-
tient quelques traces : j'ai pu le constater de nouveau
au mois de décembre dernier.
Ces faits expliquent comment je n'ai pas trouvé diode
dans la grande généralité des eaux que j'ai examinées :
recueillies presque toutes pendant lété et dans des
temps secs, la faible quantité que les vapeurs marines
peuvent en apporter dans les eaux de notre départe-
ment avait probablement disparu, absorbée par les
terres et les végétaux.
187
RESUME.
Les faits résultant du travail et des observations qui
précèdent, peuvent se résumer ainsi :
La constitution physique et chimique des eaux du
département de la Gironde, varie selon l'état de l'at-
mosphère.
Dans les temps secs et les vents de terre, les chlo-
rures diminuent, l'iode disparait, les sels calcaires et
la matière organique prédominent.
Dans les temps pluvieux et les vents de mer, les sels
marins augmentent, la matière organique diminue,
l'iode devient appréciable.
Le carbonate de chaux, le chlorure de sodium et la
silice s'y rencontrent dans toutes les eaux, mais dans
des proportions extrémement variables; les sels à base
de potasse y sont très-rares; ceux à base de magnésie
Sy rencontrent peu, et les azotates ne se trouvent que
dans les eaux qui traversent les centres de population.
L'arrondissement de Libôurne fait exception; les
azolates y existent dans presque toutes les eaux, ap-
portés sans doute par les terreaux de ville dont on re-
couvre dans cet arrondissement une grande partie des
terres cultivées.
L'eau de mer qui baigne le littoral est plus ou moins
salée, suivant qu'elle se rapproche ou s'éloigne de l'em-
bouchure de la Gironde.
Elle remonte le fleuve jusqu'à Ambès, où elle se di-
vise; les courants en entrainent dans la Garonne une
188
faible partie; ils la poussent au contraire avec force
dans la Dordogne, puisqu'on en trouve des traces très-
appréciables à plus de 10 kilomètres de Bourg.
Cette tendance des courants à se porter dans la Dor-
dogne , est très-remarquable ; elle indique une des cau-
ses de lenvasement de la Garonne.
Les eaux courantes superficielles de notre départe-
ment sont peu chargées de matières salines ; le sulfate
de chaux et autres sels nuisibles à la végétation ne Sy
trouvent qu'en très-pelite quantité, tandis qu'au con-
traire, quelques-unes d'entre elles contiennent de la
matière organique en forte proportion ; deux circons-
tances qui les rendent on ne peut plus propres aux ir-
rigalions.
Au point de vue de l'hygiène publique, dont nous
nous sommes occupé plus spécialement dans ce tra-
vail, les eaux de sources et les eaux de rivières du dé-
partement, lorsqu'elles sont limpides, sont éminem-
ment propres à la boisson.
L'eau des ruisseaux, au contraire, ne doit être em-
ployée que pour les usages agricoles.
Les eaux profondes, celles des puits, sont Leaucoup
plus chargées de sels minéraux que les eaux superti-
cielles, ce qui les rend lourdes et séléniteuses; d'où il
résulte que, quoique contenant généralement moins de
matière organique, elles sont néanmoins presque tou-
jours malsaines; leur usage peut même n'être pas sans
danger, lorsqu'elles ont traversé des terrains imprégnés
de matières azotées.
Les eaux stagnantes superficielles, étangs et lagu-
189
nes, sont les plus pures de toutes, et cependant elles
conviennent moins pour la boisson, parce qu'elles ne
contiennent que peu de bi-carbonate de chaux et d'air
atmosphérique.
L'eau des marais est très-souvent stagnante el
toujours malsaine , parce qu'elle repose sur un sol po-
reux, Simprégnant facilement de matières organiques;
celles-ci fermentent promptement sous l'influence de
la chaleur, et donnent naissance à des gaz et à des
produits insalubres, dont se saturent ensuite les eaux
qui viernent le recouvrir : on ne doit jamais en faire
usage, à moins de l'avoir au préalable dépurée par le
charbon.
L'eau du sous-sol des Landes et de quelques localités
du Bas-Médoc forme une catégorie toute particulière.
Chargée de la matière soluble de l'alios, et très-sou-
vent d'albumine végétale, elle peut devenir une cause
d'insalubrité bien grande, si cette dernière Sy trouve
dans de fortes proportions.
Toute la partie du département située sur la rive
droite du fleuve, est pourvue d'excellentes eaux pota-
bles; c'est sur la rive gauche surtout que se trouvent
les marais et les eaux aliotiques et albumineuses que
nous venons de signaler.
C'est aussi dans cette partie du département que se
rencontrent les eaux ferrugineuses les plus remarqua-
bles. Nous avons dit que ces eaux se décomposent ra-
pidement, et qu'on ne peut compter sur leur action
médicale que lorsqu'elles sont bues à la source même.
L'eau de pluie qui tombe dans le département ne con-
190
tient de l'iode en quantité appréciable, que lorsqu'elle
est amenée par les vents d'ouest, et dans ce cas elle
contient aussi du chlore *.
On sait que les eaux courantes superficielles éprou-
vent dans leur parcours des variations rapides; Fai pu
le constater plusieurs fois pour la Dordogne, Fsle, la
Dronne et la Leyre : leurs eaux perdent et recouvrent
plusieurs fois les mêmes produits, selon la nature des
sols qu'elles parcourent; et, sous l'influence de l'air et
de la lumière, favorisée par le roulement continu, elles
se dépouillent promptement de la matière organique et
de certains sels minéraux.
Nous livrons ces faits à la science; ils sont le ré-
sultat d'observations longues, patientes, consciencieu-
ses; à elle d'en déduire les conséquences, et de dire le
parti que pourront tirer de nos eaux les arts, l'indus-
trie, l'agriculture.
Pour nous qui dans le cours de ces recherches nous
sommes constamment et exelusivement préoccupé de
la santé publique, nous éprouvons, en arrivant au
* A certaines époques de l’année, surtout au mois de mars, le département
est assailli par des vents de nord-ouest {rès-secs , qui poussent avee une grande
force vers la terre les émanations de la mer.
Ces vents sont très-nuisibles à la végétation, surtout aux arbres fruitiers ;
s'ils arrivent au moment de la floraison, il ne reste plus, au bout de quelques
heures, aucune espèce de récolte.
L'elet produit par ces vents salés peut être attribué à deux causes principales :
l'action corrosive des chlorures et des iodures secs sur les jeunes pousses et sur
les fleurs, et l’avidité avec laquelle ces sels anhydres s'emparent de l'humidité;
peu d’instants leur suMisent pour dessécher et brûler les bourgeons,
191
terme de notre tache, le besoin d'appeler de nouveau
l'attention de l'autorité départementale et des munici-
palités, sur les populations déshéritées de nos landes.
Un filtre-fontaine en maconnerie élevé au centre de
chaque village; à défaut de maçonnerie, une cuve; à
défaut de cuve, un tonneau, voilà ce que nous deman-
dons pour elles. Il ne s'agit, on le voit, ni de longs tra-
vaux, ni de dépenses considérables ; il n’y à pas même
nécessité de faire intervenir la loi : de simples mesures
administratives sufliront, pourvu qu'on leur donne un
caractère obligatoire.
Nous refusera-t-on quand nous demandons si peu?
Nous ne saurions le croire, surtout quand nous consi-
dérons l'importance des résultats que lon obtiendrait à
ce prix.
Certes, nous ne prétendons pas que la substitution
d’une eau dépurée à l'eau corrompue dont ces popula-
tions font usage fera immédiatement disparaitre les
fièvres de toutes sortes qui les déciment si souvent ;
nous savons que les effluves marécageuses pénètrent
dans l'économie par la peau qui les absorbe, par les
poumons avee l'air; mais on ne contestera pas qu'elles
ny soient apportées plus directement encore par la
boisson et les aliments.
Il est donc certain qu'en contraignant les habitants
de ces contrées si mal partagées à venir échanger au
filtre commun le liquide insalubre dont ils font usage
contre un breuvage limpide et sain, on aura supprimé
la cause la plus prochaine de la faiblesse constitution-
nelle, de l'étiolement et du rachitisme, si communs
parmi eux,
192
Il appartiendrait à l'administration à la fois si éclai-
rée et si paternelle des Douanes, de donner l'exemple
de cette utile innovation; nul doute qu'en pourvoyant
d'un tonneau-filtre chacun des postes disséminés dans
les communes de Talais, de Soulac, du Verdon et sur
tout le littoral, elle ne réduisit considérablement les
cas de fièvres paludéennes auxquelles ses préposés sont
plus sujets encore que les habitants du pays eux-
mêmes.
Les trois années de recherches et de peine que nous
a coûtées ce travail n'eussent-elles que ce résultat, nous
nous trouverions encore assez bien payé.
19
3
EAUX COURANTES SUPERFICIELLES.
OCÉ AN.
Localités
où l'eau a été puisée.
Arcachon, sur la plage. 38 gram, 727
Poids des corps fixes con-
tenusdans un litre d'eau.
Cordouan, à la Tour., 35 905
Royan, à Foncillon.... 32 550
Pointe-de-Grave.. 31 -256
RIVIÈRES.
DORDOGNE.
A Bourg, au large... une 0100
A Bourg, sur les bords.,...... 0,282
A Libourne... robe eone 0,357
AMBTANESe Suns asasee res 0,153
ROIS ETION ES ere etre ec cese ae 0,17£
A Sainte-Foy. ................ 0,130
GARONNE
{clarifiée par le repos).
A Castets...…. EL ARE Er 0,145
BRRAN BONE MAUR ELU SNES 0,162
{LL TLE(INII ET HRRRERRRE AT RER QT 0,168
A Bordeaux, haute mer... 0,166
A Bordeaux, basse mer. ...... 0,174
BATONHONL. 20e Ji RUES 0,156
A Bassens, haute mer......…. 0,237
Au Bec-d'Ambès, haute mer. 0,545
L’ISLE. <
1: NT OSRÉSM PERS 0,269
A Laubardemont. . ............ 0,167
RDOMTN ES ec vccsc se acace 0,147
LA DRONNE.
ANUGuITAS.<.sStse, SARL EN 0,205
LE DROT.
PAMDNAÉ DUT. 0e ces ca oinioie à 6 0,264
k LA LEYRE.
/.\UH TT CT FSANSARENRRS rs 0NONS
LE CIRON.
AVillandratits sn... 0,149
RO Rs. can acte 0,137
FLEUVE,
Localités Poids des corps fixes
où l'eau à été GIRONDE, contenus
puisée. daus un litre d eau.
Au Verdon, au large......., 33,475
À Richard, au large... 3:
AlatMaréchale 00 7. Lao
À Pauillac, en rade... obnoë 8,974
A" Blaye, : au Pâté....…. Hope 5,298
RUISSEAUX.
17 ARRONDISSEMENT.
Le Mouron, à Magrigne...…. 0,304
La Saye, prèsle port de Girard.
2° ARRONDISSEMENT.
La Soulêge, à Caplong.......…
Le Ségnol, à Margueron. .… . 0,173
3° ARRONDISSEMENT.
L'Andouille, à Roquebrune... 0
La Durèze, à Listrac....... 107
L'Angranne, près Saint-Genis. 0,
4€ ARRONDISSEMENT.
Le’iz0s, à Aillas. Per 0107
PANBASSANNE Ses sensceeoe cos
Le Barthos, à Lavazan.... ... 0,258
5€ ARRONDISSEMENT.
Eau Bourde, à Canéjean...... 0,239
Eau Blanche, à Léognan...... 0,289
La Jalle, à Blanquefort... 0,164
13
194
EAUX COURANTES SUPERFICIELLES.
SOURCES ET FONTAINES.
PREMIÈRE CATÉGORIE. — EAUX DE BONNE QUALITÉ.
1e7 ARRONDISSEMENT.
laye: fontaine publique ...…..
Bourg : fontaine publique...
GaupiaC: SOUTCE.--. ce see.»
Bayon : du Caillou
Étauliers : source Perrault...
St-Savin: source la Garenne.
2e ARRONDISSEMENT.
Libourne : fontaine de la Halle.
— de la rue de Guitres
— des Lavoirs........
— Redeuilh...........
Saint-Émilion, du Roi...
— de la Place.
Baron: source S..... ...... :
Castillon : fontaine la Grave...
— Fran0hards ee se
— FEVrONIN sheet
Coutras : fontaine Vidal.. ....
Sainte-Foy : porte de Bergerac.
Cad.-sur-Dordogne: du Branda.
Guitres : Grinchant.. . .......
LUSSAL AP ICO IE eee
— PICANPOT. es.
Puysseguin : fontaine publique.
3€ ARRONDISSEMENT.
La Réole: fontaine du Turon.
St-Maixent: château Lavison.….
Monségur: publique...'......…
AE ARRONDISSEMENT.
Bazas : fontaine du Bourreau, 0,371
— d'Ausone
= d'PSDADS-- ee :
Captieux : fontaine Laguë .….….
Grignols: Presbos............
Langon : de la Place...........
DUABrOUE Se...
Yillandrault: du Crédo.,.,,...
ss
5€ ARRONDISSEMENT.
0,260 Bordeaux : sources d’Arlac et du
0,508 Tondut. ............
0,445 — Figuereau ..........
0,403 — LABTANGE. 2 e-ccce
0,316 -— Enfants-Trouvés ..
0,126 Bègles: source Jeantet.. ...….
0,281 — source Jocquel. ..... .
Caudéran : frères Arnaud...
_ Talence: Tomasson.. .........
0,355 Bouscat : rue de la Seppe...….
0,337 — propriété Bresson...
0,277 BYUSES = ADOUTE eee eee eee
0,339 Eysines : Cantinolle.. ..... ..
0,313 — propriété Boué...…...
0,421 — propriété Abiet..…....
0,387 Taillan : source—mère, an Thil.
0,365 — sources du Thil réunies
0,162 — source Lapène...… we
0,226 — toutes les sources réu—
0,186 MES...
0,491 — fontaine du bourg...
0,438 Ludon : Duflour-Dubergier. ….
0,529 Arcins : SOurce.. ...... Jas0 A dE
0,272 Castelnau: fontaine publique.
0, 83 Margaux : fontaine Mariotte. .
0,347 Soussans : source...
PESSAC SONG ecrire ee
0,584 Gradignan : Montjaux... ....,
0.331 Mérignac: source... .........
0 305 Villenave-d’Ornon : source...
É Léognan : source romaine...
— moulin de Vayres...
Castres : fontaine du port......
0,293 Saucats : sources...
0,316 Carbon-Bl : font. des Ladres,
0,086 Floirac: Monrepos............
0,243 Lormont: fontaine publique...
0,447 Saint-Loubes : ancien Prieuré
0,373 Cenon-La-Bast.: source Delbos.
0,219 — source Dussault,
195
Suite du 5° ARRONDISSEMENT.
Cenon — La — Bastide : source
Faure-Laubarède.. ...., .. 0,311
Carignan : fontaine Bellefond.. 0,546
BOdÉRSAC = SOUTCE. 0.5 none 0,259
Ilats : fontaine publique... 0,292
Budos : Font-Bonne. ......., 0,332
Portets : fontaine publique... 0,304
Cadillac : fontaine publique. 0,278
DEUXIÈME CATÉGORIE. — EAUX INDIFFÉRENTES.
2e ARRONDISSEMENT.
Guitres, de Caze.. ......4...
— ancienne fontaine... 0,721
Langoiran: source, ........., 0,304
St-André-de- ; font. publique. 0,598
Cubzac |! Font-Boudeau. 0,228
G° ARRONDISSEMENT.
Pauillac, Château—Lafitte :
fontaine du jardin.. 0,311
fontaine du cuvicr. 0,452
42 ARRONDISSEMENT.
0,753 Bazas : trou d'Enfer..…......…. 0,742
— fontaine Bragous.. ..…, 0,918
fontaine des Capucins.. 1,170
196
EAUX COURANTES PROFONDES,
PUITS.
PREMIÈRE CATÉGORIE, = EAUX DE BONNE QUALITÉ,
127 ARRONDISSEMENT,
0.352
0,315
0,339
0,285
0,320
Blaye : de l'hôtel du Lion-d'Or.
S.—C.—Lalande : de Vincent...
— de Joly.......
—— de Cazenave.
Saint—Aubin : puits du bourg.
2e ARRONDISSEMENT.
0,526
0,500
Libourne: de l'hôtel des Princes.
— de la place d'Armes.
— dela Halle.........
Coutras : du château... .......
Abzac: du bourg............ .
Saint-Médard—de-Guiziers : de
M. Camus... DÉBIT) 5
Fronsac : du bourg.............
3€ ARRONDISSEMENT.
St-Maixant : château-Lavison.
Sauveterre : caserne de la gen—
TATMENE Eee eeerer-te
4e ARRONDISSEMENT.
BAC: AUMDOUTB.. eee. 0,548
Langon: public ............... 0,510
Castets-en—Dorthe : du bourg. 0,385
‘Toulenne : du Collége.......... 0,472
D° ARRONDISSEMENT.
Bordeaux: Brondel, à Belleville. 0,498
— Manufact. de tabacs. 0,413
Caudéran: bourg............... 0,521
Talence : bourg.. ......... 0,542:
Bouscat: bourg-.......,...... 0,496
Bruges : bourg... kaeche 0,415
Letaillan bonne... 0,529
Eysines: M Abiet..........…. 0,546
PESSAC-ADDUTE eee ceeemerereee 0,474
Canéjean DOUTER eee ceemchee 0,381
Gradignan: bourg............. 0.563
Mérignac : bourg.............. 0,470
Villenave—d’Ornon : bourg... 0,513
CESSE DONS eee. 0,434
DaMBlede = ApuDiCe..eesescee 0,390
—- maison Montesquieu. 0,589
TéONnAN ADO eee 0,485
SAUCITS DOUTE see e--eeee 0,473
Castres: haute plaine..... .... 0,511
— basse plaine.......... 0,545
Bouillac: bourg....... esse 0,505
Floirac: Villa—Rosa. ........…. 0,453
Lormont :ADDUTS, 2... cote 0 429
Cenon-La-Bast.: sur le coteau, 0,529
La Grande-Sauve : Collège... 0,453
Podensac : bourg.........…. .... 0,327
Barsac: Dours... Hs tsar 0,529
HS ENDONTE ee eee. 0,421
PONS DOUTE Secret. 0,478
Langoiran : bourg... ......... 0,560
St-André-de-Cubzac : bourg. 0,575
6€ ARRONDISSEMENT.
PATIAC DOUTE -e-ceeece 0,438
Saint-Laurent : bourg........, 0,457
197
DEUXIÈME CATÉGORIE, == EAUX INDIFFÉRENTES.
127 ARRONDISSEMENT. — Abattoir général... 0,880
Bourg : du district...........…. 0,958 — . Gr.Séminaire, puits
Coms: DONNE ere. 0,784 ORPODO Eee 0,808
Gauriac : bourg............... 0,878 — id. du jardin.....: 0,880
BAVON: Dour. Reste et... 0,634 — de LOr........... 0,960
Étauliers : public... ouvre MES ESRI: 00 8È6
Saint-Savin : bourg........... 0,760 = F RS 0,856
Cavignac : public... … es 0,975 ARTE : 2 0,742
2 ARRONDISSEMENT. id. service général. 0,760
Brannes : bourg. ............. 0,990 — hôpital St-André.. 0,964
BArON DOUTE... 0,959 Êz cours Champion, pu-
Espict : bourg................. 0,677 blic............. 0,706
Guîtres : bourg ............... 0,910 — caserne des fossés,
St—Denis-de-Piles : bourg... 0,681 cavalerie. ....... 0,794
Marancin : bourg....... ...... 0,938 — id. infanterie.. 0.799
Cadillac-sur-Dordogne : public. 0,629 — desCordeliers, bains
Rauzan : bourg... ........ 0,789 publics. ...... 0,880
Se ERONSISEE MENT — de la rue Bouquière. 0,999
$ — delarue du Loup.. 0,843
La Réole : puits-fontaine public 0,710 — delarueS.-Seurin. 0,731
Saint-Macaire : ville. ........ 0,949 — des Allées d'Amour, 0,729
Monségur :! ville... ...,....... 0,640 — dela r. Capdeville. 0,723
Pellegrue : bourg.......... ... 0,833 — Burguet-Carayon. 0,934
Saint-Ferme : bourg........., 0,657 — dela rue de Lerme. 0,649
Sauveterre : de la Halle... .. 0,858 — de la place Picard. 0,748
MAMA CRMDOUlE eee. e 0,912 — du cours du Jardin-
Targon bourg... ............ 0,969 BUDIC eee eeere 0,895
A ARRONDISSEMENT. — de la rue Hustin..… 0,66$
S — des sourds—muets . 0,914
EAN 0,936 — delCr.-de-Sezuey. 0,607
DSiourg... YA EE 0,733 Bègles : du bourg............. 0,622
BROSSE DOU TES... re caen e 0,701 Eysines : du bourg... ... 0,626
RANEZAN LE, ROUTE: ss son se COOL ra caut : du DOUPG. eee 0,803
5° ARRONDISSEMENT. Eudon :"Ün DOurD:..-.-.-..... 0,819
Bordeaux : hospice Saint-Jean , Margaux : du bourg........ . (D,ONL
Soussans : du bourg........... 0,630
cour des hommes. 0,827
— id. cour des femmes 0,760 Carbon—Blanc : du bourg... 0,914
198
TROISIÈME CATÉGORIE. — EAUX MALSAINES,
2 ARRONDISSEMENT.
Castillon : puits de la plaoc.… 1,273
— puits de l'Hôtel des
diligences.. .....
Ste—Foy : puits de l'Hôtel des
diligences.. ......
— puits à l’entrée de la
USE aoacaadhon
— puits-fontaine de la
grand'place. ..….
— puits-fontaine près
1,388
1,248
1.386
1,325
l'église........ AO
HUSSAC chere Mer eee 11,282
lTN ÈS sodcdoceo noasaobodbe . 1,466
(HAT (HE o MAOdUna UNE 1,391
3° ARRONDISSEMENT.
LauR60 less itaavileseens 1,034
GHONdE ne na ner este 1,038
Gaudro Ste ee ape ce 1,162
Roquebrune. He... AT
4® ARRONDISSEMENT.
CHER boadoanombaauonose 1,029
5° ARRONDISSEMENT.
Bordeaux : du Maucailloux..….. 1,058
_- de la pl. Canteloup. 1,028
— du Marché-Neuf.. 1,202
— de rue du Mirail... 1,394
— du Petit-Séminaire. 1,205
— de l’Asile des fem—
mes aliénées , buan-
dErIE riorennes ALADUN
Bordeaux : id. de la chapelle.
de l'Hospice des
vieillards... ....:
de la caserne Saint-
Raphaël.........
de la caserne Ségur.
du Grand—-Marché.
de l’imp. Mauriac.
de la rueSt-Siméon.
de la font. Daurade.
des fossés de l'In-
tendance. .......
de la Porte-Dijeaux.
de la rue du Palais-
Giles
de la rue Laroche.
du pavé des Char—
MONS en enreses
du q. des Chartrons.
du Magasin des vi—
VTOS; s0 an sos se .
du q. de Bacalan..
de rue de la Course.
des al. des Noyers.
de la fontaine d’Au-
ÉTE reset
Blanquefort : du bourg. ......
Ambarès :
Saint-Loubès :
du bourg.....:...:...
Créon :
Lesparre
Civrac..…..
du bourg...........
du bourg... .
6€ ARRONDISSEMENT.
ons nnnns monte
nn msnmnnnnuns
1,019
QUOYEAES seen mener be 1,012
Saint-Estèphe.................
1,031
199
EAUX STAGNANTES SUPERFICIELLES.
ÉTANGS,
Corps fixes.
HONNINSE SEC ere 0,190
LACANAR ER eee esse 0 LOS
Cazeaux où Sanguinet......... 0,196
LAGUXRES,
Matière organique. Matière saline, Total.
Des Bouquières. ..... ne 00e 0,014 0,156 0,170
DES AITDUPElES Ses eee fetes» a ofsieie 0,011 0,133 0,144
De Saint-Magne............. 0,016 0,159 0,175
MARAIS.
Blanquefort... DO DUC 0,038 0,206 ,0,242
Parempuyre......... are mie te 0,041 0,175 0,216
Montferrant........ See ea 0,044 0,180 0,224
EAU BU SOUS-SOL DES LANDES,
INT T TT cabane togdes asvuda 0,046 0,118 0,164
BPANOS. esse etsecmecec echec 0,052 0,110 0,162
MISE ere sceecerentt 0,047 0,112 0,159
Relin......... dre et 0,016 0,306 0,322
SALES Se ree dreceeseasee anse 0,022 0,196 0,218
LenRarnte se. he. . 0,186 0,194 0,380
HefBUCHasssseseaneress ere 0,217 0,357 0,574
LITTORAL ARS REC EE 0,105 0,231 0,336
ARTE See ee eareeces 0,044 0,102 0,146
(LT Tea OA como 0,052 0,091 0,143
PANTES tea sors unes 0,026 0,408 0,434
ATCACRON A serre escales 0,020 0,407 0,497
(CUTÉT RAP EPS RS Frcse 0,032 0,430 0,462
Saint-Symphorien............, 0,042 0,148 0,190
BAZ AC amas are encens 0,047 0,148 0,195
Milandrault se Ares 0,016 0,453 0,469
PES TOR nee tee lnal ess 0,024 0,245 0,269
SAUL=MVIVIEN er eee 0,022 0,799 0,821
MAIS 2 ste te eee 0,034 0,719 0,753
CH Gogo nt 0,038 0,931 0,969
Certains puits de Talais et de Soulac contiennent de l’eau saumâtre qu'il n’est
pas possible de rendre potable,
+
ts
H'IAQAUS PAT. LATE AUAX
pen A,
RAPPORT
MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ STATISTIQUE DE LONDRES
SUIVI DE QUELQUES CONSIDÉRATIONS
SUR LE SYSTÈME HYPOTHÉGAIRE ET LE CRÉDIT FONCIER:
Par M. DARRIEUX.
MESSIEURS ,
Chargé de vous présenter l'anayse des Mémoires re-
us cette année de la Société Statistique de Londres ,
je viens remplir ce devoir au moment où, en France,
le Gouvernement, convaincu avec raison des avanta-
ges à obtenir d'une science qui semble les résumer tou-
tes, à voulu lui imprimer une marche régulière en
établissant une Commission de Statistique au chef-lieu
de chaque canton. Tel est, en effet, le sens du Décret
du 4° juillet 1852, dont la fidèle exécution mettra en
Saillie l'état des forces vives du pays, en procurant à
l'Administration les moyens de composer avec exacti-
tude la plus utile de toutes les statistiques, celle qui
embrasse la partie industrielle et agricole de la France.
14
202
Lorsque les institutions d'un pays invitent tous les
citoyens, par la voie du suffrage, à se grouper autour
du Pouvoir, et même à s'y associer hiérarchiquement,
pour prèter à l'État l'appui de leurs lumières dans l'in-
térêt publie, et comme pour venir en aide au progrès
social, il est du devoir de tous les hommes d'intelli-
gence de se familiariser avec la science de l'économie
politique, science dont les principes généralement
adoptés et l'application bien entendue maintiennent
l'Europe, depuis près de quarante ans, dans des dis-
positions pacifiques.
Il est donc indispensable que les hommes dont l'am-
bition utile , le dévouement louable et les connaissan-
ces spéciales les encouragent à aider de leur concours
la marche de l'Administration publique, ne négligent
jamais l'étude de la statistique, quant aux branches
qui peuvent éclairer le Gouvernement sur l’état agri-
cole, industriel et commercial de la France, compara-
tivement à celui des autres nations.
Le Pouvoir, désireux de mettre un terme aux dis-
cussions stériles, pour obtenir, sans perte de temps,
la réalisation de projets déjà débattus, appréciés,
mais sans cesse ajournés, s'est gardé, néanmoins, de
substituer le caprice de sa volonté aux enseignements
résultant de l'observation des faits.
Il a compris que la réserve, même dans le désir d'a-
méliorer, ne doit jamais êtré négligée comme moyen
de succès, et que par conséquent toute institution nou-
velle, pour être accueillie sans défiance, doit être in-
troduite sans effort. Telle est, sans doute, la pensée
203
qui a présidé à l'exposé des motifs présentés par le
Ministre de l'Intérieur, de l'Agriculture et du Com-
merce, pour faire adopter le Décret du 4% juillet
1852, prescrivant la formation de Sociétés Statistiques
cantonales dont les travaux doivent commencer le 4°*
janvier prochain.
Des Sociétés à peu près semblables fonctionnent de-
puis longtemps chez la plupart des puissances du nord.
M. le Ministre l'a lui-même rappelé dans ses motifs,
ei a fait observer qu'en Angleterre toutes les grandes
villes ont des Sociétés Statistiques libres, qui corres-
pondent avec la Société centrale de Londres, celle-là
même dont les intéressantes publications vous sont
adressées avec exactitude. Déjà elle vous a fait parve-
nir les trois premiers cahiers de cette année. Soumis à
mon examen, je les dépose sur le bureau après les avoir
parcourus ; non pour en présenter une fidèle analyse,
ce qui dépasserait les limites d'un rapport, mais pour
indiquer ceux des sujets dont l'intérêt doit captiver
l'attention générale.
En tête de ceux-ci, je placerai un Mémoire sur la
Statistique et la législation commerciale, inséré dans
le cahier du mois de juin dernier, et qui devait avoir
passé sous les yeux du Ministre de l'Intérieur, de FA-
griculture et du Commerce, lorsqu'un mois plus tard, le
fe juillet, on soumettait à la signature du Prince-Pré-
sident le Décret tendant à régulariser les investigations
que réclament depuis longtemps les intérêts matériels
du pays.
Ce Mémoire, lu à la Société Statistique de Londres,
204
par un de ses membres, M. Leone Levi, n’est qu'une
succincte analyse d'un grand travail du même auteur,
analyse où sont d'abord déduites les causes qui, dans
cerlaines branches, empêchent d'obtenir des rensei-
gnements exacts. La difficulté, en effet, dans presque
toutes les parties, est de coordonner des travaux épars,
d'en composer un recueil méthodique, d'en former un
tout exempt d'erreur.
En France, le Pouvoir à compris cette difficulté ;
aussi par le Décret du 4% juillet, il a eu l'intention
d'obtenir d’une manière régulière les recensements de
statiques agricoles et industrielles, auxquels des Com-
missions composées d'hommes éclairés imprimeront
désormais un caractère de vérité.
Cette intention a-t-elle puisé quelque encouragement
dans le Mémoire du statisticien anglais? Je l'ignore;
mais, au surplus, voici l'entrée en matière de M.
Leone Levi :
« La Statistique, depuis quelque temps, a obtenu
» une position élevée; et maintenant il est générale
» ment reconnu que de toutes les sciences, c’est celle
» qui offre le plus de ressources pour concourir au
» progrès de la législation.
« De l'ensemble et de l'exactitude des renseigne
» ments qu'elle peut offrir, résulte une connaissance
» plus étendue de l'état économique et commercial des
» nations; Mais comme, Jusqu'à présent, le progrès
» signalé de cette science n’est dû à aucun enseigne-
» ment méthodique, il en résulte qu'il y a beaucoup à
» faire pour obtenir que les avantages auxquels elle a
205
.» présidé, où que les améliorations qui peuvent lui
» être attribuées, se traduisent en un bienfait généra-
» lement répandu.
« Le perfectionnement introduit dans quelques con-
» trées, mais restreint à certaines branches, est sus-
» ceptible de recevoir une application plus complète,
» sans limite , et c’est ce qui nous permet de détermi-
» ner quel pourra être, dans un temps donné, l'état
» des nations considérées isolément, ou chacune d'el-
» les à l'égard des autres. La voie à suivre pour attein-
» dre ce but désiré, doit être bien tracée, et il faut
» aussi que nos besoins actuels et l'imperfection de nos
» travaux soient clairement exposés. »
M. Leone Levi était aux prises avec cette préoccu-
pation, lorsque le grand ouvrage par lui entrepris sur
la législation commerciale de toutes les puissances lui
a suggéré l'idée de faire connaître l’état du commerce
et des finances de toutes les nations à deux époques
séparées par un intervalle de dix ans, 1840 et 1850.
Dans ce but, il avait envoyé dans les pays étrangers
des tableaux questionnaires pour être remplis. Quel-
ques-uns de ces tableaux lui ont été fidèlement ren-
voyés avec les instructions demandées; mais les ren-
seignements ainsi obtenus présentaient des dates si dif-
férentes, et se rattachaient à des objets si divers, qu'il
reconnut l'impossibilité de réaliser son premier dessein.
Comment d'ailleurs, et d'après lui, en aurait-il pu
être autrement? Les recensements de la population
sont faits à des époques qui n'ont aucune concordance.
Dans quelques pays, ils ont lieu tous les dix ans, et
206
dans d'autres, tous les cinq ou tous les trois ans ; de
sorte que, si ce nest par approximation, on ne peut
constater la population actuelle, et à une même date, que
de deux ou trois nations. Dans quelques États, l'année
financière a pour terme le mois de juin, et dans d’au-
trees, elle finit en janvier ou en octobre. Il résulte de
là, que des écrivains d'un mérite égal et dont l’auto-
rité a une égale portée, se trouvent souvent en oppo-
sition, encore qu'il s'agisse de documents ou de calculs
de la même année. Et comme pour le total du produit
de l’agriculture, à quelques exceptions près, aucune
statistique n’a encore été faite, bien que ce soit là un
sujet d'une très-haute importance, nous sommes obli-
gés, dit M. Leone Levi, de nous en rapporter à des
estimations qui sont souvent autant d'erreurs.
C'est cette lacune signalée devant la Société Statisti-
que de Londres, que le Ministre veut combler en France
à l’aide des Commissions instituées par le Décret du 4°
juillet 4852, Décret dont les moyens d'exécution font
l'objet d'une circulaire du 48 septembre dernier, adres-
sée par le Ministre de l'Intérieur à tous les Préfets, et
où l'on voit que deux tableaux questionnaires, déposés
au chef-lieu de chaque canton pour être remplis par
les Commissions, sont soumis à un système de vérifi-
cation et de contrôle qui, à l'avenir, ne laisseront plus
de doute sur l'exactitude des faits industriels et agri-
coles.
Si M. Leone Levi Sest trouvé dans l'impossibilité de
mettre à exécution son plan de statistique décennale de
1830 à 1850, parce que quelques renseignements lui
207
ont fait défaut, il a néanmoins voulu assurer la mar-
che progressive de la science dont il s'occupe.
Dans ce but, il a commencé un travail qui compren -
dra une série de tableaux où seront encadrés d'une
manière synoptique les renseignements annuels desti-
nés à faire connaître la population de tous les pays, en
distinguant les races et la religion, l'état de leurs finan-
ces, les contributions directes et indirectes, l'intérêt
de la dette, la dette inscrite ou flottante de chaque
État, les manufactures, le nombre des filatures et des
factoreries , la quantité des divers produits naturels ou
industriels, les importations et les exportations, le
nombre et le tonnage des batiments de chaque nation.
le système rail-way comprenant le nombre de milles de
chemins de fer construits, de ceux en cours d'exécu-
tion ou projetés dans chaque pays.
Déjà, pour l'année 1851, M. Leone Levi a présenté
à la Société Statistique de Londres plusieurs de ces
nombreux tableaux, dont voici quelques extraits :
Marine marchande du monde,
NOMBRE ET TONNAGE DES BATIMENTS APPARTENANT AUX
NATIONS CI-APRÈS :
Pays, Navires. Tonneaux.
Grande-Bretagne. ....... 104,000 5,100,105
Hameie en. ie se Le ,49,019 554,557
tu euous ere, 9,064 500,944
11 SENS SRRRRAN ERA Acte 750 Ù
A reporter... 51,585 1,552,604
? )
Nan er
Hampours--.......
Bel PT cree
Cap de Bonne-Espérance....
États-Unis . .........
FICHE ER ne
HROSCANE sastane sc dope
ÉPUSSe EE eee re
Toraux
Pays.
ss...
Navires.
51,585
4,000
»
286
461
54
Productions du monde,
Grande-Bretagne... .s. cursus sas.
Autrichée. de. ès
PAPAS 00.
Danémarck- 2e mme... ture
es ces es es
ss...
Tonneaux.
4,532,604
155,928
89,285
75,261
20,550
5,651
5,156,652
554,595
158,928
150,875
149,109
61,654
27,525
8,946
24,641
119,557
9,055,147
ER
Hectolitres.
168,000,000
75,600,000
175,600 ,000
550,400,000
145,600,000
55,200,000
55,600,000
22,400,000
el'utetene te
4,002,400,000
Pays. Hectolitres.
RÉDOr EE EN 4,002,400,000
M RESICUIES 02 Re ur 119 21,000,000
AH Romains. ++... dance 8,400,000
RE Dee : « A OS As 16,800,000
RATES... 1-0 de 44,000,000
PR... SOA 9,800,000
ETONCE ETIENNE REPAS 8,400,000
Re tp 8,400,000
LT RUE ARRET ER TRNrT 8,400,000
nn care ce de ite M 5,600,000
ae once dt eut 4,200,000
Mon eee 407,400,000
CHARBON
Pays. Tonneaux
Grande-Bretagne... ..,..4202: 4... 54,000,000
D 22 «e dondeonn ue 4,000,000
PARC cn r2s225 8808022226 20,000,000
LEUR Re FE 4,000,000
Nonvelle-Galle. serrer 40,000
BORA 2808 see ee 62,040,000
MÉTAUX PRÉCIEUX.
Pays, Francs.
GAÉDRH IG sise à 24 sie ee rue bocoisis 562,500,000
nn mm enter de 175,000,000
Russietéten #5. 2224408 nl lux 85,750,000
Grande-Bretagne (argent)......... 4,250,000
M Er die nc e dos )
LE FRERE RTE 55,000,000
HOT SES - 657,500,000
SR ES
210
FER.
Pays. Tonneaux.
Grande-Bretagne.............. he 4,650,000
AS UMR de en ermpene »
FTANCE secs rem verser sc 600,000
Belgique ........s.eess..sss. 205,000
PISSIe ee ne demee pepe ds 440,000
AMÉTICRB.. me esse seems »
Sardaigne............ ARTE es 20,000
Bavière ..... M SC rc ere 15,000
ÉSpagne.. ..--.. consorts 16,000
SAT TM MAR EMENANIREREN 140,000
États du Pape..................: 700
ŒOrAT 2 HD 0e 2,784,700
es
SOIE,
Pays. Kilogrammes.
ltalies ht dé. Le ee es Ut 6,250,000
Sardaigne... ss... 2,200,000
Éiaisidu pape esters der 700,000
Deux-Siciles ................... 4,070,000
Prusse .......seses Ne TE NAT 560,000
Salonique....s..essssessee DURS 150,000
1H Na eo deco sie 40,910,000
Tableau général du commerce du monde.
Pays. Importations. Exportations.
Grande-Bretagne .... 2,500,000,0007 4 ,750,000,000f
ETAPE X. . 4,125,000,000 1,400,000,000
A reporter. .. 5,625,000,000 3,150,000,000
Pays.
Hambourg .........
Pays-Bas...
....
Belgique. cus:s.t. tr
Russie
.........
HÉDASNC.- : este
MAMHATONES ere see
MANÉITATK eee ee
rss...
Je Maurice ........
Ceylan
Grèce .
Cap de
ss...
B"<-Espérance
DENON Re
Terre de Vandiémen.
Etats du pape......
TDOTAUX:
211
ss
Importations. Exportations.
5,625,000,000 5,150,000,000
975,000,000 800,000,000
550,000,000 500,000,000
530,000,000 450,000,000
400,000,000 515,000,000
550,000,000 550,000,000
57,500,000 45,000,000
220,000,000 150,000,000
162,500,000 157,500,000
150,000,000 125,000,000
225,000,000 462,500,000
157,500,000 87,500 ,000
142,500,000 140,000 ,000
100,000,000 75,000,000
62,500 ,000 50,000,000
37,500,000 62,500,000
62,500,000 10,000,000
50,000,000 125,000,000
50,000,000 50,000,000
50,000,000 57,500,000
25,000,000 21,000,000
27,500 ,000 12,500,000
21,250,000 50,000,000
15,000,000 12,500,000
57,500,000 50,000,000
8,045,750,000 6,998,500,000!
8,045,750,000!
15,042,250,000!
212
Système railway.
Pays. Kilomètres. Sommes employées.
Grande-Bretagne et l'Irlande... 11,200 6,250,000,000f
FRAME EE NS OR RE + 16,462 1,662,500,000
L'Allemagne, .. Méta .. 8,547 41,668,750,000
La France......... 0,900.0€ 2,908 4,225,000,000
Ta pelpique 50270 000 854 257,500,000
(DE NTI LE RER AA 520 75,000,000
CANNES. ee Den TE 75,000,000
L'Espagne ....... MOTTE tee 76 »
TOTAL... 40,656 414,195,750,000!
ans
Voici le résumé de ce premier travail :
Le tableau comparatif de l'état des finances des prin-
cipales nations, parait être celui-ci : La Grande-Bre-
tagne à 75 millions de francs de revenu au-dessus de
sa dépense.
L'Autriche 475 millions, et les États-Unis 25 mil-
lions, pendant que le budget de la France présente un
déficit de 50 millions, et celui de la Prusse de 7 millions
500 mille francs.
La dette de la Grande-Bretagne est la plus considé-
able de toutes ; elle s'élève à 787,000,000 de livres ster-
ing, ou 19 milliards 675 millions de francs.
Celle de la France, à 5 milliards de francs ;
Celle del'Espagne à3 milliards 875 millions de francs.
Celle de l'Autriche et de la Hollande, à 2 milliards 500
millions.
Celle de Ja Russie, à 4 milliard 325 millions, et celle
213
des États-Unis, à 342 millions 500 mille francs ; mais
la plupart des États de l'Union ont une agglomération
de dettes de 4 milliard 100 millions de francs.
Le total approximatif des grains récoltés dans les
divers pays, d'après le tableau ci-dessus, s'élève à
1,407,400,000 hectolitres.
La quantité de froment produite dans la Grande-Bre-
tagne est évaluée à 51,000,000 d'hectolitres.
Or, comme sa population, de 27 millions d'âmes,
consomme près de 57,000,000 d'hectolitres de blé, et
qu'il en faut 4,900,000 hectolitres pour la semence,
il en résulte que le vide à combler annuellement par
l'importation est d'environ 11,000,000 d'hectolitres.
Les minéraux constituent la principale richesse de
la Grande-Bretagne. Les énormes quantités de fer et
de charbon, si heureusement combinés dans les cou-
ches de la terre, donnent à ce pays une supériorité
marquée sous le rapport du bas prix de cette double
production et de l'introduction de l'usage du fer dans
plusieurs branches de l'industrie.
La quantité de fer produite dans les pays dont la
désignation précède, s'élève à 2,784,700 tonneaux,
dont 1,650,000 tonneaux sortent des forges de la
Grande-Bretagne ; 600,000 des forges de France;
140,000 de celles de la Suède. Dans la production
générale de 62,040,000 tonneaux de charbon de terre,
la Grande-Bretagne y concourt pour 34,000,000 de
tonneaux, et la France pour 20,000,000.
Les métaux précieux extraits annuellemeut des mines
de la Russie s'élèvent à 83 millions 750 mille francs.
214
Ceux du Brésiletdel Amérique du Sud, à 475,000,000.
Ceux de la Californie, depuis la découverte des mi-
jusqu'à la fin de l'année 1850, à 362,500,000 francs,
et dans le courant de l'année 1851, à 300 miilions en-
viron.
La valeur des importations et des exportations des
différents pays, dans leurs mutuels rapports com-
merciaux, s'élève à 45 milliards 42 millions 250 mille
francs, dont 8 milliards 43 millions 750,000 francs
d'importations, et 6 milliards 998 millions 500 mille
francs d'exportations. l
La marine marchande de tous les pays comprend
276,040 batiments, jaugeant ensemble 46,072,421
tonneaux.
Le système des chemins de fer, si merveilleusement
développé dans un court espace de temps, présente en
saillie les chiffres ci-après :
I parait qu'il y en à maintenant 40,636 kilom. de li-
vrés à la circulation, et qui ont coûté 11 milliards 193
millions 750 mille francs.
Sur cette étendue il y en à 11,200 kilom. en Angle-
terre, dont la dépense s'est élevée à 6 milliards 250 mil-
lions, ou environ 550,000 francs par kilomètre.
En Amérique, il y en a 16,462 kilom., qui ontcoûté
4,662,500,000 franes, ou 100,000 francs environ par
kilomètre. En Allemagne, 8,548 kilom., dont le coût
s'élève à 1,668,750,000 francs, ou 185,000 franes par
kilomètre, Au mois d'octobre 4851, la France en avait
2,908 kilom., qui ont couté 1,225,000,000 de francs,
ou 420,000 francs par kilomètre.
215
Après avoir ainsi Succinctemement analysé les statis-
tiques de l'agriculture, du commerce et de l'industrie à
une époque fixe, ce qui servira de point de départ ou
de terme de comparaison pour reconnaitre et détermi-
ner, à l'avenir, la progression croissante ou décrois-
sante de chaque État, dans toutes les branches, il est
bien de porter son attention sur les lois qui règlent et
protègent les transactions commerciales.
Des relations sans nombre qui résultent du com-
merce, naissent aussi des droits et des devoirs qu'il
appartient à la législation de définir et d'établir. Ces
droits et ces obligations résultent le plus souvent d'un
principe d'équité, base de toute justice, et quelquefois
des lois positives. Ces dernières ne forment qu'une
faible partie de celles en vigueur dans les relations
commerciales, pendant que les lois naturelles, fondées
sur des principes d'une application universelle, sont
les mêmes dans tous les temps et chez toutes les na-
tions. Aussi les différents Codes de commerce qui ren-
ferment de tels principes, ne font que reproduire une
frappante ressemblance dans leurs dispositions impéra-
üves; mais à cause de la différence des langues, du
système des lois, et du plus ou moins de développe-
ment imprimé à la jurisprudence commerciale, ces
grandes maximes reposent enfouies sous un graml
nombre de dispositions, ce qui laisse dans une bien
nuisible ignorance les hommes voués au commerce.
La loi de la Grande-Bretagne, réglant les intérêts
des négociants avec les principes de l'association, des
compagnies de banque, des contrats, de la lettre de
216
change, des assurances, de la navigation et de la fail-
lite, contient 2,335 dispositions générales; en outre,
il y a 90 Statuts touchant la législation commerciale.
Sur ces mêmes sujets, en Amérique, on ne compte
que 817 articles; mais aussi, dans ce pays, la loi n'em-
brasse que les cas généraux, pendant qu'en Angleterre
elle pénètre toujours dans des détails minutieux.
En France, le Code de Commerce ne comprend que
648 articles ; il est en vigueur en Belgique. Celui d'Es-
pagne en comprend 1,219; celui de la Hollande, 923 ;
du Portugal, 4,286; du Wurtemberg, 1,164; de la
Hongrie, 575 ; de la Prusse, 2,358 ; de la Russie, 1,514 ;
de la Sardaigne, 723; du royaume Lombardo-Véni-
tien, 634; desiles Yoniennes, 608 ; des Deux-Siciles,
TAA; et tous ces Codes réunis comprennent 415,515
articles.
A ces lois doivent être ajoutées celles du Brésil, du
Danemarck, de Hambourg, du Hanovre, de la Suède,
de la Norwége, de Lubec, de la Grèce et d'autres pe-
tits États, ayant chacun des lois distinctes.
De là, le négociant qui a des relations avec plusieurs
pays, ignore complétement les lois qui protégent ses
intérêts, ainsi que les droits qui lui sont garantis.
En présence de ces graves inconvénients, il devient
important de signaler l'utilité d'un Code International
pour le commerce; par conséquent, d'extraire, pour
les réunir, tous ces grands principes dont l'application
est universelle, afin que sous la forme d'un Code, ils
puissent être adoptés et suivis par toutes les nations.
La réalisation d'un tel plan serait féconde en consé-
217
quences heureuses; elle dirigerait l'esprit publie, chez
tous les peuples, vers l'unité de lois. Elle donnerait
une nouvelle vie à l'administration de la justice à l'in-
térieur comme à l'extérieur; et toutes les puissances,
plus étroitement unies par ce nouveau lien , concour-
raient à vaincre un de ces obstacles s’opposant encore
à la marche du progrès universel.
Et, en effet, une loi internationale est la base sur
laquelle les droits mutuels des nations sont fondés;
et si c'est une barrière à lusurpation, en temps de
guerre, c'est aussi un heureux lien de justice en temps
de paix.
Telle est la pensée émise, tels sontà peu près les
vœux exprimés par M. Leone Levi; mais si l'Académie
trouve, comme je dois le craindre, que j'abuse de l'at-
tention qu'elle me prête, en dépassant le cadre dans le-
quel doit se renfermer un rapport, j'invoquerai, comme
excuse, l'obligation qui semble nous être imposée par
le Pouvoir, de nous occuper d'une manière plus suivie
de travaux statistiques.
Cette obligation résulte implicitement, et en pre-
mier lieu, des motifs du Décret du 1‘ juillet, qui or-
donne la formation d’une Commission de Statistique
au chef-lieu de chaque canton; et en second lieu, de
la Circulaire du 48 septembre dernier.
Par cette Circulaire, le Ministre de l'Intérieur com-
prend d'abord, de droit, dans le personnel de ces
Commissions, non seulement les fonctionnaires salariés
par l'État, par le département, par les communes,
mais encore ceux non salariés; et, en outre, il invite
15
218
Les Préfets à porter de préférence leurs choix sur les
membres des Sociétés savantes, des Comices agricoles
et du Corps médical.
Ces Sociétes, habituées à prêter le concours de leurs
lumières aux institutions qui réclament leur appui,
s'empresseront de seconder les sages intentions du Pou-
voir, toutes les fois surtout qu'il s'agira de venir en
aide à l'Administration dans l'intérêt de l'agriculture.
Et, en effet, le Décret du 4° juillet peut être consi-
déré comme le corollaire ou le complément de celui du
28 février 1851, qui autorise les Sociétés de crédit
foncier ; car, faire connaitre la nature des terres, leur
produit, leur valeur, c’est faciliter les opérations d'une
Banque ayant pour mission de diminuer, de rendre
moins lourd le poids des 8 milliards grevant hypothé-
cairement le sol de la France.
Depuis l'année 1838, époque à laquelle je présenta
à l'Academie la première partie d'un travail sur les
améliorations réclamées par nos lois pour combattre
les causes qui privent l'Agriculture du erédit dont elle
a besoin, le mouvement en faveur de la réforme hypo-
thécaire n'a cessé d'être généralement approuvé. Ainsi,
les Cours d'Appel, les Facultés de Droit, les juriscon-
sultes et les auteurs les plus éminents, ‘ont répondu à
la Circulaire de M. le Ministre de la Justice, du 2 mai
1841, soumettant à leur examen les points principaux
sur lesquels devrait porter la réforme, et on à générale-
ment reconnu avec, M. Persil, que, sans publicité,
l'hypothèqueestune sourcede fraude el de supercherie,
pendant qu'avec la publicité, lhypothèque devient
219
la compagne de la bonne foi et peut faire renaître la
confiance et consolider le crédit public
C'est avec ce désir de mettre un terme aux hypothè-
ques occultes, et de rendre aux transactions les avanta-
ges autrefois garantis par la loi du 44 brumaire an
VII, que les diverses chambres ont été appelées à se
prononcer sur le projet tendant à modifier le régime
des priviléges et des hypothèques, dont l'application ,
depuis près d’un demi siècle, à fait ressortir les vices
el entrevoir les lacunes.
Ce projet n'a cessé, depuis dix ans, d'être discuté
par les divers Pouvoirs législatifs, et jusqu'à présent
celle discussion, côté brillant des Chambres, n’a pro-
duit aucun résultat utile.
C'est aussi cette longue indifférence, en présence de
laquelle demeure dans l'oubli l'amélioration réclamée de
puis si longtemps par les besoins du commerce et de l'a-
griculture, qui a motivé le Décret du 28 février dernier.
Ce Décret, émané d'un Pouvoir sans contrôle, sous-
trait les Sociétés de crédit foncier aux vices de la légis-
lation existante, en leur traçant, à titre de préroga-
tive, la voie à suivre, les formalités à remplir pour
reconnaître où pour purger les hypothèques légales,
les priviléges et les actions résolutoires dont seraient
grevés les immeubles offerts en garantie par les em-
prunteurs.
Cest là une exception qui sans doute, plas tard,
après avoir acquis la sanction de l'expérience, devien-
dra la règle générale et cessera de soumettre à des
principes différents des intérêts identiques.
220
Jusqu'alors, les Sociétés de prêteurs profiteront seu-
les de cette dérogation au droit commun, et à côté de
celte attribution, qui, dans l'intérêt de la justice, ne
peut être que temporaire, se rencontre pour toujours
l'avantage exclusif offert aux propriétaires par les ban-
ques de crédit foncier, de mobiliser, pour la rendre
négociable à volonté, une partie de leur fortune immo-
bilière, grevée ainsi d'un capital devenu disponible, et
dont on essaie de faciliter le remboursement au moyen
d'annuités multipliées.
Néanmoins, on ne doit pas perdre de vue toutes les
conséquences à attendre d'une réforme hypothécaire
générale offrant à tous les prèteurs la plus grande
sécurité. Et si les améliorations réclamées par la législa-
tion en vigueur sont obtenues, si elles ne laissent pla--
ner aucune arrière-pensée sur Jes garanties offertes,
si, enfin, on peut faire obtenir à l’agriculture comme
à l'industrie et au commerce la réduction apportée au
taux de l'intérêt, — le crédit, dès lors, rendu à la terre,
ajoutera bientôt à la production, la production à la
richesse, puis au bien-être des cultivateurs, première
garantie d'ordre et de moralisation. Personne n'ignore,
en effet, que les populations heureuses sont à la fois
reconnaissantes envers le Pouvoir qui les protège, et
toujours attachées au sol qui les nourrit.
(Séance générale du 2 décembre 4852.)
221
RAPPORT
SUR UN OUVRAGE DE M. DULUC, MÉDECIN VÉTÉRINAIRE,
ayant pour titre :
DE LA RAGE OÙ HYDROPHOBIE
CHEZ LE CHIEN ET AUTRES ANIMAUX ;
Par M. ze Dr COSTES.
MESSIEURS,
Vous avez recu de M. Duluc, médecin vétérinaire,
. un travail intitulé : De la Rage ou Hydrophobie chez
le chien et autres animaux. Une commission a été
nommée pour examiner ce travail, et je viens aujour-
d'hui, comme son Rapporteur, vous faire part de son
Jugement et vous soumettre les propositions qui en sont
la conséquence.
C'est à l'occasion des faits nombreux de rage obser-
vés dans ces dernières années, surtout dans l'été de
1852, que l'auteur à cru utile de publier le Mémoire
! Au nom d’une Commission composée de MM, Grateloup, Gintrac, Burguet,
Marchant, Dégranges, Costes, rapporteur. L'Académie , ratifiant les conclusions
du rapport, a accordé à ce travail une mention honorable, et décidé que le rap—
port serait publié dans ses Actes.
222
qu'il vous a envoyé. Dix ans d'expériences personnel-
les l'ont mis à même de connaître des faits qui, trop
méconnus, sont devenus la cause de bien des mal-
heurs.
La trop grande multiplicité des chiens est d'abord ce
qui frappe l'observateur ; puis, la reproduetion, surtout
de ceux qui, s'éloignant le plus du type naturel, of-
frent par cela mème leur système nerveux à l'état anor-
mal, Ainsi, comme le dit l’auteur :
« On recherche les chiens de type distingué, et l’on
se trompe, en cela que l'on prend pour tel ce qui
n’est que le résultat, le plus souvent, d'une véritable
dégénération; ces petits animaux, à peine dévelop-
pés, chétifs, malingres, à qui l'on ne conserve la vie
qu'à force de soins, et qui sont d'autant plus beaux
(affaire de mode) qu'ils sont davantage avortés, ont
généralement le système nerveux excessivement pré-
dominant. Il n'est pas rare de les voir être atteints
subitement de suffocations ou d'attaques dépilepsie
par le trop grand bruit du passage d'une voiture; ils
ont des convulsions à l'ouverture de la soupape d'une
machine à vapeur, et on les rend malades en les
grondant seulement. Aussi, avec de pareilles dispo
sions organiques, il n'est pas étonnant qu'ils soient
fréquemment frappés d’affections du système ner-
veux, et parmi elles de la rage. »
Les symptômes de cette maladie, surtout celui qui
se trouve implicitement dans sa dénomination, dans
223
le mot d'hydrophobie, la signification qui semble en-
core ressortir de cette épithète d'enragé, atteint de la
rage, semblent très-propres à induire le publie en er-
reur; c'est donc un service à rendre à la société, au
point de vue de la prophylactique, que de dévoiler les
erreurs qui semblent découler des notions qui s'atta-
chent à certaines dénominations.
Ainsi, on n'est pas étonné d'entendre dire à M. Du-
luc :
«Les premières fois que je fus consulté sur lhydro-
phobie, je mis dans plusieurs circonstances de l'hé-
sitation à me prononcer. On le comprendra sans
peine; le mot rage entrainait pour moi l'idée de
tout ce qu'il y a de plus terrible dans la pose, dans
le regard, dans l'expression, et j'avais peine à recon-
naitre celte épouvantable maladie dans un animal
qui refusait, il est vrai, de manger, mais qui était
doux, aimable, caressant, se trainant aux pieds de
son maitre pour lui lécher les mains. Plusieurs fois,
j'ai trouvé des chiens enragés dans des appartements,
au milieu de personnes qui les caressaient et qui ne
pouvaient penser que de pareils sujets fussent atteints
de cette maladie. En 1847, une jeune dame ne vou-
lant pas croire que son chien füt hydrophobe, ainsi
que mes confrères et moi le lui avions assuré, com
mit l'imprudence de lui faire prendre un purgatif.
Elle donnait pour raison de son incrédulité : « qu'un
» chien hydrophobe avait horreur de l'eau, et que
» le sien buvait très-bien. »
224
L'erreur qui s'attache à la lettre de qualifications
impropres est importante à dévoiler.
L'auteur a fait quelques pas dans cette voie, dans le
Mémoire que nous avons sous les yeux; mais lui-même
n'a peut-être pas assez précisé la véritable distinction
qu'il faut établir, au moins chez l’homme, entre la rage
et l'hydrophobie, ou, si l'on aime mieux, entre l'hy-
drophobie, maladie spontanée chez l'homme, simple
névrose, et la rage communiquée ou l'hydrophobie due
au virus rabique.'
L'étude, que fait l'auteur, de l'étiologie de la rage,
nous laisse à peu près dans l'obscurité; c’est qu'en effet
dire que la rage est due à un virus, et convenir après
que nous ne savons pas comment il se produit sponta-
nément dans l'espèce canine, est assez peu satisfaisant,
Nous ne pouvons donc qu'assigner de loin les condi-
tions qui nous semblent jouer un rôle dans la produc-
tion de ce virus.
Si, dans l’état peu soigné du chien de campagne , ou
mieux encore du chien vagabond , dans la privation d'eau
que peuvent quelquefois amener les saisons estivales, on
a cru trouver une cause de la rage, comment concilier
ce fait que la rage a été observée en toute saison.
Mais, au point de vue des cas de rage spontanée
que l'on remarque quelquefois au sein des villes, sur
des chiens qui n’ont cessé d'être bien soignés, nous
devons admettre comme assez plausible l'explication
qu'en donne notre auteur dans le passage suivant :
«Il est d'observation que les chiens, ceux surtout à
225
longs poils, qui habitent les appartements étroits,
peu aérés, dont la constitution n'a pas pris le déve-
loppement vigoureux que favorisent l'exercice et l'air
excitant et tonique de la campagne; ceux chez qui
le tempérament sanguin-nerveux est prédominant ,
sont excessivement impressionnés par l'électricité at-
mosphérique.
» À l'époque des temps orageux, ils sont inquiets,
tristes, agités, tirent la langue, battent des flancs,
se plaignent fréquemment, aboient d'un hurlement
plaintif et refusent la nourriture.
» Je connais une chienne de forte taille, dite de
montagne, à longs poils, qui est tellement excitable,
que par les temps d'orage elle se plaint et jette des
hurlements effrayants. La première fois qu'on remar-
qua cette disposition de son tempérament, elle se
trouvait renfermée dans une cour, et toute la nuit
elle effraya les habitants de la maison et les voisins
par des hurlements continuels; rien ne pouvait la cal-
mer; elle se précipitait le long du mur, elle avait
comme des accès de folie; dans la matinée, on lui ou-
vrit la porte, elle alla courir dans la ville: quand elle
revint, on ne remarqua plus aucun caractère d'inquié-
tude : avec la température normale, elle était devenue
calme.
» Le manque et la mauvaise qualité des aliments
ont été classés au nombre des causes occasionnelles de
la rage ; on oubliait probablement, en énoncant une
pareille assertion , qu'un grand nombre d'animaux affec-
tés appartient à la classe des chiens dits de luxe, qui
226
sont les mieux soignés. Des expériences ont été faites,
et les chiens sont morts d'inanition sans fournir un
symptôme de rage.
» Les chiens sont, de leur nature, voraces et essen-
tiellement carnivores. Il leur faut la liberté, le grand
air et l'agitation pour satisfaire leur tempérament san-
guin. L'état de domesticité modifie tout cela. Une
nourriture choisie, mais prise en dehors de leur con-
venance, un manque complet d'exercice, la tempéra-
ture constamment élevée des appartements, l'air échauf-
fé, altéré, vicié qu'ils respirent , les soins assidus qu'on
ne cesse de leur prodiguer, la servitude avec toutes
ses douceurs et toutes ses exigences, les appétits véné-
riens non satisfaits, la jalousie de plusieurs, qui se
croient remplacés dans laffection de leur maitre par
les simples caresses prodiguées à un enfant, tout cela
change prodigieusement leur nature primitive, et rem-
place leur tempérament vigoureux par une prédomi-
nance nerveuse, irritable, pouyant en faire autant de
causes prédisposantes aux névroses. »
Mais la cause qui, pour l'homme, doit nous tenir
toujours en éveil, c’est l'inoculation. À cet égard, on
sait qu'elle n'a lieu que par l'introduction sous la peau,
par une blessure, du virus rabique; et bien qu'il ne faille
pas s'exposer à toucher la bave d'un chien enragé,
même avec la peau des mains intacte, il est bon de
savoir, pour sa tranquillité, qu'on n'est pas nécessai-
rement atteint de la maladie bien qu'un chien enragé
vous ait léché la figure ou les mains. C'est ce que les
227
faits ont prouvé, et ce que démontre M. Duluc dans
les lignes que voici :
«Le virus rabique ne paraît avoir aucune action
sur l'économie, quand il est appliqué sur l’épiderme
sain. J'ai fait beaucoup d'autopsies sans gants; la gueule
des chiens à été principalement le but de mes recher-
ches ; j'ai eu de la bave, de la salive, du sang, plein
les mains, du vivant même de l'animal, en faisant mes
expériences sur l’éthérisation; je me suis coupé une
fois en ouvrant l'abdomen d'un chien mort, que l'on
me priait d'examiner et où 7e trouvai les caractères de
la rage, éclairé par les renseignements du maître du
chien, sur l'état de l'animal avant sa mort. Jamais il ne
m'est rien survenu; dans cette dernière circonstance,
il est vrai, je me cautérisai immédiatement avec la
pierre infernale.
» Je n'induirai pas néanmoins, de ces circonstances,
qu'on doive toujours agir imprudemment avec les chiens
enragés, et leur essuyer sans crainte avec les mains
la salive qui s'échappe de la gueule au début de la ma-
ladie; loin de moi cette pensée: je ne mentionne, au
contraire, ces faits que pour rassurer quelques esprits,
trop préoccupés d'avoir eu chez eux des animaux hy-
drophobes et de leur avoir donné des soins.
» Mais il n'en est pas de même quand la peau est
dénudée de son épiderme; une gercure, une écor-
chure, une petite plaie, favorisent l'inoculation. »
Une question importante que soulève l'étude de la
228
rage, c'est celle de la rapidité de l'absorption du virus.
Elle n’est pas égale dans toutes les parties du corps,
selon notre auteur, et ceci serait essentiel à savoir. Le
moyen de détruire le virus sur place pourrait avoir une
eficacité relative. — Peu de temps suflirait pour l'ab-
sorption aux lèvres, à la conjonctive ; il pourrait falloir
une heure, plus longtemps même sur d'autres parties,
selon M. Duluc.
Nous avons quelque peine à nous ranger de son avis,
à cet égard. L'absorption a lieu par la circulation, sur-
tout par la circulation veineuse, et nous avouons que ,
dans toutes les parties du corps, le cycle circulatoire
ous parait le même.
Au nombre des effets que produit le virus rabique,
l'auteur ne pouvait manquer de mentionner les vési-
cules où pustules que le médecin russe Marochetti pré-
tend être un des caractères de la maladie; mais M. Du-
luc ne les a jamais rencontrées chez les animaux, ce
qui, pour le dire en passant, rend pour nous un peu
problématique cette assertion de l'auteur, qui a trouvé
dans une autopsie d'un animal mort enragé les carac-
tères de la rage, car il n'y en a pas de précis, que
nous sachions.
Bien que le travail que nous examinons ne contienne
rien de nouveau sur le sujet qu'il traite, cependant ,
en se mettant au point de vue de l'auteur, «qui, en
écrivant ces quelques pages, déclare n'avoir eu qu'un
seul but, celui de faire connaitre l'hydrophobie du
chien sous toutes ses phases et avec tous ses symptô-
mes, de répandre des connaissances trop ignorées, et
229
de mettre les propriétaires de ces animaux, parfois trop
confiants où même trop imprudents, à l'abri de tout
malheur, » nous devons convenir qu'il a atteint
son but. C'est surtout par rapport à la symptomato-
logie. Aussi, votre Commission at-elle désiré que nous
missions sous vos yeux le tableau qu'il en a tracé, et
qui lui à paru plein de vérité.
Rien n’est plus variable que la forme de cette mala-
die, et néanmoins elle à des traits si caractéristiques ,
qu'on ne peut la méconnaître, bien qu'une erreur soit
plus facile au début. Aussi, nous estimons que l'auteur
a eu raison de tracer à part les symptômes qui déno-
tent la rage, soit chez le chien de forte race, soit chez
le chien de luxe.
« Le premier, dit l'auteur, devient triste, irritable,
moins obéissant, laisse de sa nourriture, boit comme à
l'ordinaire, souvent davantage, grogne aux étrangers,
hérisse son poil, se calme difficilement , reste seul, re-
cherche même les endroits retirés, et s'éloigne du bruit.
» Le chien de luxe, et particulièrement celui de
petite race, est inquiet, préoccupé, obéit, mais avec
distraction, prend sa nourriture, l'abandonne et s'en
éloigne parfois, comme s'il était subitement frappé par
la pensée d'un devoir oublié et devant être rempli im—
médiatement. Il boit sans répugnance tout liquide,
rentre dans sa corbeille, n'y reste qu'un instant, change
de place, caresse son maitre, et fixe sur lui des yeux
si douloureux, que c'est à ce regard souvent qu'on s'a-
perçoit que cet animal souffre.
230
» Les caractères généraux, qui d'ordinaire échap-
pent à tout le monde, ne seraient que de peu d'impor-
tance, puisque beaucoup de maladies de l'espèce ca-
nine en fournissent de semblables au début, si l'on ne
remarquait avec soin celte tristesse particulière, cette
sorte de préoccupation mentale, qui, saisissable plus
tard, en fera un symptôme pathognomonique, ainsi
que le regard, qui, par son éclat passager, vient as-
sombrir davantage cet état de tristesse.
» Bien que j'établisse, pour faciliter l'étude de la symp-
tomatologie de la rage, deux catégories parmi les chiens,
il ne faudrait pas en conclure que les caractères observés
chez les uns ne puissent pas se traduire chez les autres.
Rien n’est plus variable que la forme sous laquelle se pré-
sente cette maladie ; et en écrivant ces quelques pages,
Je n'ai qu'un seul but , que j'ai déja énoncé, celui de faire
connaitre l'hydrophobie du chien sous toutes ses phases
et avec tous ses symptômes ; en les publiant, de répan-
dre des connaissances trop ignorées, et de mettre les
propriétaires de ces animaux, parfois trop confiants, ou
mieux trop imprudents, à l'abri de tout malheur. »
L'auteur cite des faits qui témoignent de la grande
difficulté qu'il y a à reconnaitre l'hydrophobie dès son
début, c'est-à-dire du moment où elle possède la funeste
propriété de se transmettre par inoculation. Ces faits
nous paraissent utiles à reproduire. Le premier a été
rapporté par M. Bouley, professeur de l'École vétéri-
naire d'Alfort, et appartient à Williams Youatt, pro-
fesseur vétérinaire anglais :
»
»
S
)
»
»
»
»
»
S
)
231
« Dans l'année 1813, un jeune enfant essaya d'en-
lever à un chien sa ration du matin, qu'on venait de
lui donner.
» Le chien, en se défendant, l'égratigna légèrement
d'un coup de dent.
» Huit jours après, les symptômes de la rage se dé-
clarèrent sur le chien; la maladie suivit son cours,
et l'animal mourut. Peu de jours après la mort du
chien, l'enfant tomba malade, les caractères de la
rage se manifestèrent de la manière la plus évidente.
La maladie suivit aussi fatalement son cours, et l’en-
fant succomba. »
Le second est relaté par M. Pierquin, dans son
livre sur la folie des animaux.
»
»
»
« Une dame avait un lévrier habitué à coucher sur
son lit; elle remarqua un matin qu'il avait déchiré
la couverture, et qu'il buvait plus qu'à l'ordinaire,
» Le jour suivant, ce chien la mordit au bout du
doigt au moment où elle lui offrait à manger. Elle le
conduisit chez un vétérinaire, qui ne reconnut au-
cun des symplômes de la rage. Le jour suivant, le
chien mourut. Il n'avait cessé de boire très-abon-
damment jusqu'à la fin. Trente-neuf jours après, au
moment ôù celte dame dinait avec son mari, elle
éprouva quelques diflicultés de déglutir. Elle désira
prendre un peu de vin, mais elle ne put l'avaler, et
elle mourut de la rage après quatre jours de cruelles
souffrances. »
232
Mais exposons le tableau de la maladie développée ,
tel que l'a tracé M. Dulue :
« Après les prodromes , qui n'ont de durée que deux
ou trois jours, apparaissent des symptômes beaucoup
plus sérieux : le chien de race vigoureuse est plus
abattu, porte la tête basse, se retire dans les lieux iso-
lés, gratte la terre, la paille, y plonge la tête et la
mord; il n'a pas de repos, est constamment en éveil;
il entend de loin ceux qui viennent le visiter, se lève
à leur approche, jette sur eux un regard fixe, péné-
trant; ses reins sont légèrement voütés en contre-haut ;
il porte la queue basse, entre les jambes.
» Si on lui offre à manger, il refuse sa nourriture,
ou en prend à peine. [l éprouve une grande difficulté à
déglutir ; le bol alimentaire s'arrête parfois au passage
pharyngien, et ne le franchit que par un violent effort,
qui détermine un frémissement général sur tout l'indi-
vidu. Il boit souvent, quelquefois avec avidité; mais il
arrive qu'au déclin de cette période, la déglutition
étant très-difficile, peut-être impossible, il lape le
liquide et ne peut étancher sa soif. D’autres ont véri-
tablement horreur de l'eau, mais ils sont très-rares.
» Les corps brillants, luisants, lui donnent de la fu-
reur; la salive est filante, mousseuse, et humecte les
lèvres ou tombe en filaments. I aboie d'un hurlement
lent, à plusieurs intonations, qui est caractéristique,
et que l'on appelle le hurlement de la rage. S'il est
libre, 1 s'éloigne de sa niche, court à la poursuite d'un
objet imaginaire, revient, lape l'eau de son écuelle,
233
conserve son inquiétude et remue la paille de son lit.
» Ces symptômes s’aggravent; alors apparaissent les
accès. Ils sont provoqués par une douleur quelconque,
par la difficulté qu'éprouve le chien à uriner, l'excita-
tion d’un bàton, surtout la vue d’un animal de la même
espèce, enfin par la seule influence de l'action de la
maladie. Le corps se redresse, se dispose à l'attaque,
les yeux brillent subitement, s'injectent de sang et
deviennent effrayants de fureur ; fa gueule s’entr'ouvre
pour mordre avant même d'avoir approché l'objet; la
morsure est cruelle, car il y met toutes ses forces; il
lache prise aussitôt, mais il y revient à plusieurs repri-
ses, S'il est libre, il abandonne sa demeure, il court les
chemins, les grandes routes, il prend les ruettes dé-
tournées , le bord des ruisseaux ; il ne va pas très-vite,
s'il n’est pas poursuivi; sa marche est souvent pénible,
‘préoccupée; il a néanmoins l'instinct de sa conserva-
tion, il évite le danger et comprend quand on le pour-
suit. [l est poltron dans cette circonstance, car il se
réfugie où il peut. Il rentre douze à vingt-quatre heu-
res après, ayant mordu, en passant et presque sans s'ar-
rêter, les animaux, les personnes, particulièrement les
chiens qu'il rencontre. I est fatigué, bat des flancs,
se couche sur le ventre, ouvre la gueule et sort la lan-
gue, qui est d’un rouge foncé; l'œil est fixe, hagard ;
un aspect de sombre fureur se dénote dans toute la
pose de la tête et la crispation de la face, et cependant
le maitre qui commande est encore obéi; mais il ne
faudrait pas le frapper ou le contrarier trop fort, le
faire boire de force, par exemple; car il pourrait, dans
16
234
un transport de fureur facile à provoquer, oublier la
main qui l'a nourri. Si à ce moment on lui présente
un corps quelconque, un fer rougi au feu, il le mor-
dra ; la sensibilité est beaucoup diminuée.
» Apparaissent ensuite les symptômes de la dernière
période. L'œil hagard devient terne, la gueule ne se
meut plus avec autant de facilité, il y a commence-
ment de paralysie, la salive est épaisse et ne parait
plus à la commissute des lèvres; quelques chiens la-
pent encore l’eau, d'autres sont affaissés et laissent
échapper un burlement plaintif; le corps est amaigri,
dans le marasme, les reins et les flancs sont relevés,
la queue est entre les jambes, la paralysie du train de
derrière indique que la mort n'est pas éloignée; enfin,
après avoir beaucoup essayé, pendant quelques heures
et à plusieurs reprises, d'enlever un obstacle de la
gorge, avec ses pattes de devant, le chien enragé meurt
sans pouvoir changer de place.
» Cette maladie, de son début à sa terminaison par
la mort, a une durée variable, mais qui est comprise
entre le deuxième et le neuvième jour.
» Le chien de luxe présente des différences impor-
tantes à connaitre et qui se retrouvent également chez
le chien de garde.
» Il reste couché dans son lit, qu'il défait fréquem-
ment; il est agité, inquiet, va sous les meubles et re-
vient dans sa corbeille, après avoir fait des caresses à
ses maîtres et leur-avoir jeté un profond regard de tris-
tesse sombre, semblant leur demander un remède à ses
souffrances. Îl obéit à leur voix, et, bien qu'il ne se dé-
235
range que difficilement, il peut encore exécuter les
ordres qu'on lui donne. Il vomit parfois des matières
verdàtres, sanguinolentes. Il urine difficilement ; il
refuse la nourriture, et cependant, chose digne de
remarque et qui prouve toute la docilité de ces ani-
maux quand ils ont été habitués à une grande obéis-
sance, c'est que le maitre peut, par son autorité, leur
faire prendre quelques matières liquides.
» Un des caractères de cette maladie, le plus im-
portant à connaitre et que l’on a toujours observé
chez toutes les espèces de chiens, c'est la dépravation
de l'appétit; c'est, sans contredit, le symptôme le plus
caractéristique du début de la rage.
» Toutes les fois qu'un chien perd l'appétit, qu'il
prend dans la gueule sa nourriture sans pouvoir la
déglutir, s'il est triste, s'il vomit, si surtout il recher-
che les terreaux, déchire des morceaux de bois, de chif-
fon, boit son urine, ou mange ses malières excrémen-
tüüelles, il faut être très-prudent à son égard ; et si la
température est élevée ou très-froide, l'animal devra
être surveillé attentivement; on éloignera surtout les
enfants, qui, en le caressant ou en le contrariant, sont
exposés à se faire mordre.
» Le chien de salon est le plus disposé à ce délire,
qui ne trompe jamais, au dire de M. Youatt, qui fait
autorité en cette matière. « Si dans un salon vous
» voyez un chien fixer son attention avec persévérance
» Sur chaque coin, et en lécher le mur avec une per-
» sistance infatigable ; tenez-vous en garde contre lui :
» IL y à tout à craindre qu'il ne soit sous le coup de la
236
» rage, et l'on peut même, sans aueun autre symp-
» tôme, aflirmer qu'il est décidément enragé. Je n’ai
» jamais vu ce symplôme tromper. »
» Le chien est préoccupé comme d'un objet lointain
ou d'un bruit indéfinissable, il se précipite le long du
mur, et semble vouloir attrapper des mouches; d'autres
fois, couché sur une chaise, ses paupières s'abaissent,
il cache sa tête dans ses pattes, il paraît endormi ; mais
sa tête, glissant la première, emporte le corps : l'ani-
mal tombe sur le parquet, et presque insensible à cette
chute, se pelotonne comme s'il voulait se réduire en
plus petit volume; un instant après, il semble se ré-
veiller, ouvre les yeux et recommence à monter sur
les chaises.
» L'endroit de la morsure, au moment où se déclare
la rage, enfle quelquefois et produit une grande dé-
mangeaison. M. Youatt, qui l'a le plus observé sur l'es-
pèce du chien, nous met en garde contre ces prétendues
douleurs d'oreilles qui font que le chien se gratte conti-
nuellement, et qui ne sont que des symptômes de rage.
» Le hurlement que le chien enragé fait entendre
est si particulier, qu'il suflit de l'avoir entendu une fois
pour toujours se le rappeler. Il est parfaitement dis-
tinct dans le bruit discordant que fait une meute aux
abois. M. H. Bouley nous dit {Recueil de Médecine
vélérinaire pratique, 1847) :
« Il y a quelques jours, un dimanche, des élèves en
» rentrant à l'École vétérinaire d'Alfort, à neuf heures
» du soir, entendirent le hurlement de la rage poussé
» par un chien de garde dans une maison voisine.
237
» Ils s'empressèrent de prévenir le propriétaire du
» danger qui le menaçait. Le chien heureusement était
» encore à l'attache, et y fut maintenu toute la nuit.
» Le lendemain, on le conduisit à l'École, où il fut re-
» connu enragé, au grand étonnement de son maitre,
» qui ne pouvait croire que cet animal, si docile
» encore, si caressant et qui lui obéissait comme
» en santé, était atteint d’une aussi redoutable ma-
» ladie. »
» Cette modification de la voix à plusieurs tons, sac-
cadés, lents et lugubres, est des plus significative.
» Sa démarche devient pénible, le derrière se meut
difficilement, s'affaisse quelquefois; le flanc est agité,
le regard est de plus en plus inquiet, triste, étrange,
fixe, douloureux, mais jamais effrayant comme chez
le chien sauvage.
» Enfin, ces symptômes augmentent :le chien refuse
toute nourriture, maigrit, ne peut plus se mouvoir; la
paralysie du train de derrière, presque toujours cons-
tante, gagne les mâchoires, les yeux se fondent, dimi-
puent de volume, deviennent ternes; les orbites ne
sont plus que deux cavités rouges par la conjonctive,
et l'animal est aveugle. Le corps tombe dans le ma-
rasme et se déforme, les muscles diminuent de volume,
la violence de cette horrible maladie semble tout ab
sorber; enfin, l'animal meurt avant une huitaine de
jours, sans avoir mordu personne de la maison S'il n'y
à pas été provoqué.
» Tous ces symptômes, réunis quelquefois chez un
seul individu, qui caractérisent la rage du chien, et
238
qui, s'ils n'étaient pas si ignorés, éviteraient bien des
malheurs, ne sont pas les seuls qu'il faut répandre. »
Ilest, dans ce tableau, deux symptômes qui exigent
quelques réflexions : c'est l'hydrophobie ou horreur de
l'eau , et la grande salivation. Ces deux symptômes,
caractéristiques selon beaucoup d'auteurs et l'opinion
générale, n'ont pas toute importance qu'on leur a at-
tribuée.
Mais notre auteur va peut-être trop loin lorsqu'il dit
que « l'existence de l'un et de l'autre de ces symptô-
mes est assez futile. » Notons cependant que M. Wil-
liams Youatt dit qu'il ne se rencontre pas plus d'une
fois sur cinq, — et que notre auteur, qui a vu beau-
coup de chiens enragés, dit n'avoir jamais remarqué
celte grande répulsion de l’eau, au point d'en faire un
caractère important, ni de salivation plus abondante
que dans l’état normal. La croyance à l'hydrophobie
comme symptôme de la rage, consacre une erreur po-
pulaire. En effet, d’après M. Dulue, le chien hydro-
phobe lape l'eau sans la déglutir, souvent avec avidité.
Il boit avec prédilection son urine, et lèche longtemps
après la place desséchée.
« Chez lui, la salivation n’est pas abondante, comme
on le pense généralement. Aux premiers jours de l'af-
fection, on l'aperçoit sur le bord des lèvres; c’est sur-
tout après un accès : elle est claire, filante, mousseuse,
mais pas abondante. L'histoire de ces animaux enragés
couverts d'écume est fabuleuse. Dans les dernières pé-
239
riodes de la maladie, la salive est plutôt rare que fré-
quente, et c'est même à son épaississement dans le
pharynx que l'on attribue non-seulement la gène dou-
loureuse qu'éprouvent ces animaux, mais encore les
mouvements qu'ils font avec les pattes de devant comme
pour arracher un obstacle dans la gorge, et l'asphyxie
qui leur donne la mort.
» Ce mouvement que font les chiens avec les pattes
de devant, cherchant à se débarrasser de la douleur
qu'ils éprouvent dans le gosier, ne manque pas de
faire supposer aux propriétaires que leurs animaux
ont avalé un os. Il en est de même quand le chien est
atteint de la paralysie des mächoires, dans le cas de
rage mue, fausse-rage, où la gueule est toujours ou-
verte. L'historique de l'os incriminé, et qui s'est mis
tout exprès en travers du pharynx, remonte quelque-
fois à plus de quinze jours de date. On croit fort, tant
l'imagination est complaisante en pareille matière, que
ce doit être à sa présence dans la gorge qu'est due la
souffrance qu'éprouve l'animal. Quelqu'un, après m'a-
voir consulté sur un chien que je déclarai atteint de la
rage mue, me dit, afin de me persuader que je me
trompais, que son animal n'avait qu'un os dans le go-
sier, et que déjà il avait introduit la main dans la
gueule pour l'en sortir; mais que n'ayant pas réussi, il
se disposait à l'essayer de nouveau, espérant être plus
heureux. Je l'engageai à ne plus recommencer. La nuit
suivante, cette bête ne fit qu'aboyer du hurlement si
caractéristique de la rage. Elle mourut dans la ma-
tinée,
240
» Autre fait. Le 16 juillet 1852, une femme me
portait dans ses bras, recouvert d'une serviette, un
petit chien affecté de rage mue au début, et qu'elle
m'assurait n'être indisposé que parce qu'il avait un os
dans le gosier. Un enfant en avait été mordu il y avait
plusieurs jours (heureusement, il n’y avait eu que pin-
cement). La maitresse voyant la salive découler de la
gueule de son chien, l'avait essuyée. Elle tenait dans
ce moment un morceau de pain à la main, qui en avait
été imprégné. Se contentant d'enlever la partie seule-
ment du pain qu'elle supposait avoir été touchée par le
liquide, elle avait mangé le reste. »
En terminant l'exposition du tableau symptomatolo-
gique de la rage, nous devons signaler avec approba-
tion l'observation que fait M. Duluc relativement à cette
opinion qu'il appelle à bon droit déplorable, à savoir :
que la salive du chien est des plus propres à la cicatri-
sation des blessures.
« Des mères imprudentes, dit-il, pour faire guérir
certaines plaies à leurs enfants, les font lécher par ces
animaux. En Angleterre, on à aussi la croyance que
les boutons à la figure, par exemple, cèdent à l'action
bienfaisante de la langue d'un chien. C'est ainsi que
William Vouatt a observé beaucoup de cas d'inocula-
tion de virus rabique, par le simple contact sur les
plaies de la salive d'animaux même que rien ne pou-
vait faire supposer malades. Combien de personnes,
parmi nous, ont aussi la mauvaise habitude de se faire
!
241
ainsi embrasser, ignorant sans doute que, par une
pareille imprudence, elles s'exposent à là mort la plus
affreuse. »
M. Dulue à consacré un article à ce qu'il a appelé
lésions de la rage. Mais nous pensons que les traits
qu'il a tracés de l'anatomie pathologique dans cette af-
fection, ne caractérisent rien qu'une irritation vive des
voies digestives, et qu'on ne saurait rien conclure de
celle-ci à celle-là.
Le mot quil dit sur la rage mue nous parait offrir
de l'intérêt comme tableau descriptif et surtout par sa
conclusion, qui nous parait marquée au coin de la
prudence. Ainsi, comme lui, nous n’oserions affirmer
que la rage qu'on appelle mue ou muette, parce qu'on
pense que le chien qui en est atteint ne peut aboyer,
n'est pas contagieuse. En effet, elle tire sa source de la
morsure de l'animal enragé; et bien que celui qui a la
rage me semble ne pouvoir mordre, ses machoires étant
spasmodiquement écartées, rien ne dit que sa salive
inoculée ne donnàt pas la rage.
Pour une maladie si cruelle, l'article le plus impor-
‘tant que devrait offrir la science, devrait être celui du
traitement. Malheureusement, notre auteur , sous ce
rapport, n'a rien à nous dire d'intéressant ni de nou-
veau. Ainsi, quand on a vanté la cautérisation, et cela
même au moment le plus rapproché de la morsure, on
à tout dit; — car c’est vainement que, dans limpuis-
sancé de la vraie médecine, on a eu recours à des
moyens plus ou moins excentriques; ils ont tous échoué,
242
et les prétentions de l’homæopathie ont été aussi var-
nes, quoi qu'elle en ait dit. Dans son exagération , elle
s’est éblouie, et, comme dit M. Dulue, elle n’a cité que
des faits inexacts et incomplets.
Au reste, à l'égard des statistiques qu'on pouvait
faire sur les résultats probables de tels ou tels traite-
ments , il suflit de savoir que tous les individus inocu-
lés, mème directement, du virus rabique, ne devien-
nent pas enragés.
Ainsi, M. Renaud, directeur de l'École vétérinaire
d’Alfort, dans son Rapport lu à l'Académie nationale de
Médecine, le 43 janvier 4852, s'exprime ainsi :
« Depuis 1830 jusqu'en 1852, dit M. Renault, à
» des époques différentes et dans des vues diverses,
» tantôt j'ai fait mordre à plusieurs reprises par des
» chiens complétement enragés que j'avais sous les
» yeux, sur des parties où la peau est fine et dépour-
» vue de poils, des chiens ou des herbivores, tantôt
» j'ai puisé dans la gueule de ces chiens enragés, au
» moment de leurs plus forts accès, une certaine quan-
» tité de salive que j'ai inoculée sur plusieurs régions,
» sous l’épiderme d’autres animaux.
» Quatre-vingt-dix-neuf individus (chiens, chevaux
» où moutons) ont été ainsi mordus ou inoculés. Sur
ce nc bre:
» Foixante-sept sont devenus enragés ;
>
Ÿ
» Les trente-deux autres, restés en observation pen-
» dant plus de cent jours, n'ont rien éprouvé.
» Les trois quarts des animaux soumis à des expé-—
243
riencés sont devenus enragés, et un quart, sans avoir
été soumis à aucun traitement, n'a rien éprouvé.
» Les mêmes chiffres ont été obtenus à l'École vété-
rinaire de Lyon. Si on rapproche les résultats des trois
faits précédemment énoncés, où les personnes mordues
par des animaux enragés ont été traitées par le mer-
cure, de ceux observés sur les individus inoculés, et
qui n'ont été soumis à aucun traitement, on trouve :
que sur quinze personnes mordues par un chien en-
ragé, et traitées par le mercure, trois sont devenues
bydrophobes, et deux sont mortes accidentellement.
» Que sur onze personnes traitées par M. Blais, à
la suite des morsures d'un loup enragé, cinq personnes
contractèrent la maladie.
» Que sur vingt personnes mordues par une louve
enragée, et soignées par M. Thiesset, sept moururent
de cette affection.
» En sorte que, sur quarante-six personnes mordues
par des chiens ou des loups enragés, et soumises au
traitement mercuriel, quinze de ces personnes, c'est-
à-dire, le tiers en sont mortes. Comme on le voit, si
l'on s’en tenait à la valeur mathématique des chiffres,
on pourrait évaluer, à priori, qu'il est plus avanta-
geux de ne rien faire que de soumettre les individus
mordus par des animaux enragés à un traitement mer-
euriel, surtout quand on observe que ceux qui ont
servi d'expérience à M. Renault ont été placés dans les
conditions les plus favorables au développement de
cette maladie, tandis que les personnes mentionnées
dans les faits précédents n'ont été mordues, le plus
244
souvent, qu'au-dessus de leurs vêtements, que leurs
blessures ont même été cautérisées, et que deux d'en--
telles sont mortes de l'emploi de ce médicament. Telle
est la valeur curative des traitements connus jusqu'à
ce jour, employés pour combattre la rage. »
A peine léthérisation, soit par l'éther , soit par le
chloroforme, eut été connue, que l'analogie en indi-
qua l'emploi contre la rage; mais on l’a tentée encore
sans succès, et les expériences qu'a faites à cet égard
M. Duluc sont curieuses, quoique également déses-
pérantes.
Or, puisque nous ne pouvons guérir la rage, dimi-
nuons au moins les occasions qui peuvent la produire.
De là, la nécessité de diminuer graduellement la popu-
lation des chiens ; de là aussi, le devoir de s'occuper un
peu plus de leur hygiène, pour ceux de luxe qu'on peut
vouloir conserver; de là encore, la nécessité d’instituer,
comme le demande l’auteur, une Commission spéciale
chargée d'étudier la rage et de se livrer à des expé-
riences tänt sur les causes de cette maladie que sur sa
nature, sa marche, ses symptômes, sa propagation ,
et enfin son traitement.
Messieurs, si je vous ai fait apprécier le degré de
l'ouvrage que vous à envoyé M. Duluc, peut-être au-
rai-je en même temps ratifié le jugement qu'en a porté
votre Commission. En effet, ce travail à un mérite
réel, c’est de vulgariser de saines idées sur le sujet qu'il
traite. Il dissipe quelques erreurs, et ceci est toujours
un grand service. S'il est un peu long, et peut-être
245
trop diffus pour que votre Commission vous propose de
l'insérer en entier dans vos actes, il est tels passages
qui offrent un véritable intérêt; ce sont ceux que votre
Commission m'a prié de mettre sous vos yeux, pour
qu'après leur lecture vous puissiez juger s'il vous parait
utile de les publier.
Ainsi, Messieurs, votre Commission vous propose
d'accorder une mention honorable au travail de M.
Duluc.
TABLEAU MÉTÉOROLOGIQUE.
JANVIER 1853.
Moy. générale. | 59,34
DU MOIS.
A 69,11
2 64,44
3 60,45
X 62,9%
D 59,85
6 60,80
7 58,83
8 52,06
9 60,70
10 64,40
11 62,94
12 65,52
13 56,90
1% 62,52
A5 60,65
16 56,20
17 47,69
18 60,49
19 66,3%
20 65,89
21 60,79
22 62,39
23 62,25
2} 64,20
25 58,07
26 45,28
27 46,22
28 54,42
29 54,85
30 56,82
31 61,91
MOYENNES
du ie au 40! 61,06
‘du 44 au 20! 60,51
du 21 au 34| 56,72
JOURS BAROMÈTRE A 00.
a
7 h. du m.| 2h. dus. | 9 h.dus. | Maxima, | Minima.
TEMPÉRATURE.
CRU. CR
GES
66,76 65,99 802 308
62,18 61,08 8,4 5,5
62,09 63,95 10,4 71
61,46 61,39 9,9 3,1
59,00 59,87 10,8 7,6
59,99 60,19 12,5 6,3
55,8% 54,62 11,5 5,7
54,7% 55,24 14,5 10,0
64,82 63,24 12,5 7,0
59,85 59,74 12,1 5,0
65,49 66,63 414,4 9,8
63,00 64,49 12,5 6,0
» 54,56 13,9 8,5
64,43 64,94 13,6 7,8
58,87 59,95 12,6 k,5
51,18 » 12,2 8,0
47,70 53,98 9,6 6.8
61,43 64,34 10,0 3,2
66,84 67,58 10,7 va
63,48 63,48 11,2 3,5
60,46 57,83 1,1 »
60,58 60,79 14,5 7,2
62,10 63,21 8,4 L,3
64,69 63,39 6,7 k,1
52,00 47,178 5,8 0,5
k5,37 25,25 7,9 3,0
47,52 48,34 11,8 6,6
54,10 54,80 10,6 2,8
33,79 55,08 13,9 6,8
57,74 60,80 13,0 7,0
63,24 66,79 8,1 5,4
60,07 60,53 | 44008 5,77
60,26 61,88 | 42,07 6,14
56,514 56,64 | 140,16 k,77
58,82 | 59,54 | 41,08 | 5,53
Température moyenne du mois... 803,
Pluie dans le mois... 68mm
2x
247
FÉVRIER 1953.
JOURS BAROMÈTRE A 0°. TEMPÉRATURE.
DU MOIS. AE pe
du m | 2h.dus 9h.dus Maxima Minima
1 64,99 63,81 65,29 806 2,8
2 66,10 64,31 63,29 9,1 1,6
3 56,41 48,67 49,31 8,9 5,5
4 47,93 46,1% 47,55 9,4 3,8
5 50,58 50,56 51,38 9,7 2,6
6 52,56 | 51,40 | 51,65 9,6 4,1
7 50,43 49,02 49,03 6,7 3,0
8 kk,49 40,87 37,48 SG 2,5
9 35,03 34,15 34,30 Ma 3,3
10 38,29 38,68 41,00 7,8% 1,2
11 43,44 45,24 47,59 6,7 1,0
12 44,98 43,07 43,59 4,0 —\1,1
13 43,96 45,50 46,68 3,1 1,0
1% 48,68 50,46 54,61 6,9 1,0
15 54,59 53,73 53,07 5 0 —0,2
16 52,26 50,67 52,83 8,4 2,3
17 55,36 55,49 54,95 3,8 —1,4
18 50,40 54,68 54,79 3,8 170
19 47,84 48,00 51,80 k,5 — 5
20 56,78 57,54 60,53 k,8 287
21 64,64 65,08 65,71 5,5 nt L
22 66,01 65,53 66,32 5,0 1,9
23 64,146 59,38 54,68 8,6 ET
24 58,88 61,12 60,58 Tr 1,7
25 52,73 55,20 64,60 10,2 3,0
26 60,36 56,83 55,54 10,4 2,0
97 53,90 52,50 54,83 8,1 6,0
28 51,78 54,34 58,49 5,5 i,3
pu. à | es —
DT
du 4erau 40! 50,65 48,76 49,03 8059 3,04
du 44 au 20| 49,80 50,44 51,74 5 A0 220738
du 24 au 28| 59,05 58,75 59,34 6,20 | 0,60
Moy. générale.| 52,75 | 52,14 52,98 | 7,40 | 4,46
Température moyenne du mois... 401 Pluie dans le mois... 85mm
248
MARS 1853.
ro TT TU
[
JOURS BAROMÈTRE A 0°. TEMPÉRATURE.
DUMOIS Ale ET EE
7 b. du m.| 2h.dus. | 9h.dus. | Maxima. | Minima.
[ 60,42 59,48 57,63 6°9 —197
2 56,13 56,95 53,95 9,1 4,7
3 51,1% 59,34 64,81 10,2 3,4
k 69,10 69,63 70,44 9,1 —0,7
5 69,22 65,6% 64,40 42,0 2,2
6 64,54 64,64 65,86 41,7 1,2
7 65,29 64,51 64,86 13,9 8,0
8 65,38 65,17. 65,87 13,9 8,8
9 65,95 65,33 65,05 14,4 8,4
10 65,97 64,39 64,67 14,5 SJ
A1 62,12 59,27 58,55 15,7 6,0
12 58,15 57,59 58,08 15,1 9,2
13 58,65 58,60 61,33 15,8 6,0
A4 61,94 60,23 58,75 12,6 5,0
45 52,78 48,28 45,40 12,1 4,5
A6 44 A4 46,90 51,98 10,9 4,2
17 54,31 54,55 54,62 11,5 2,0
18 54,50 54,63 56,09 12,1 3,5
19 51,57 61,51 64,68 1,9 —0,1
20 65,84 64,64 64,6% 1,2 —2,1
PA 64,27 58,24 56,93 Ter 4:64
29 53,19 54,1% 55,84 9,2 —0,6
23 56,41 55,31 54,81 7,5 —0,4
2% 56,36 56,49 57,60 1,k —1,0
25 56,38 53,66 52,49 8,6 —1,6
26 53,26 53,25 55,20 10,5 4,0
27 60,06 64,91 64,89 8,6 3,0
28 64,88 62,32 61,32 10,5 —0,%
29 57,26 56,58 56,51 43,4 4,0
30 55,60 55,34 56,46 16,9 6,3
31 51,81 57,46 57,07 8,2 7,8
r MOYENNES
du 4er au 10! 63,94 63,54 63,85 4010 5°9%
du A1 au 20! 56,99 56,62 57,41 3,82 5,60
du 21 au 31] 57,55 56,79 57,24 1,54 4,89
Moy.générale.| 59,42 | 58,90 | 59,42 | 3,10 | 5,46
Température moyenne du mois... 70,1 Pluie dans le mois.,. 43mm
L'Académie n'accepte pas la solidarité des opinions
émises dans les articles insérés au Recueil de ses
Actes. C'est un avis général qu'elle reproduit chaque
année en tête de la première livraison. Il a paru cepen-
dant utile de le rappeler ici d’une manière spéciale, à
propos d'un Mémoire de M. Duboul, intitulé : — Du
Bouddhisme, et de son action civilisatrice en Orient ,
et publié dans le cahier du 3° trimestre de 1851.
Ce travail à donné lieu, dans le sein de la Compa-
gnie, à des réclamations nombreuses et à une réponse
détaillée de la part d'un de ses membres, M. l'abbé Bla-
tairou, suivie elle-même d’une réplique de M. Duboul.
Comme il n'est point dans les usages de l'Académie
d'autoriser une polémique publique entre ses membres,
elle n'a pas cru pouvoir, quoique à regret, insérer la
réponse de M. Blatairou dans ses Actes; mais voulant
donner satisfaction aux convictions religieuses que le
travail de M. Duboul à pu froisser, l'Académie déclare
ne point accepter la responsabilité des assertions et des
doctrines de ce Mémoire, qui sont personnelles à l'au-
teur.
(Le Conseil d'Administration de l'Académie. )
Errata du 14° volume des Actes (1852).
Page 641, ligne 44, au lieu de ef nos loisirs, lisez : et nos
misères.
Page 801, au lieu de dagues à mains gauches, lisez : dagues
et mains gauches; au lieu de épées du grand maître, lisez:
épées de grand maître; au lieu de pertuisans, lisez : pertui-
sanes; au lieu de l'étrinal, lisez : le pétrinal; au lieu de
Sarrazin , lisez : Sarrazins.
251 (')
… HISTOIRE
DES
BASQUES OÙ ESCUALDUNAIS PRIMITIFS
restaurée
D'APRÈS LA LANGUE, LES CARACTÈRES ETHNOLOGIQUES ET LES MŒURS
DES BASQUES ACTUELS * ;
PAR M. A. BAUDRIMONT.
Le voile qui recouvre l’histoire des races primitives
qui ont habité le globe terrestre est si épais qu'il parait
impénétrable. En effet, comment remonter à l'origine
des nations, comment savoir d'où elles viennent et quels
ont été leurs rapports mutuels, lorsque les moyens em-
(*) C’est par erreur typographique que la pagination du trimestre précédent s’est
arrêtée au n° 248, tandis que la note de l’Académie, relative au travail de
M: Blatairou, aurait dû porter le folio 249, et l’errata qui la suit le folio 250.
* Voir une note à la fin de ce Mémorre, pout l'intelligence du texte.
17
252
ployés pour transmettre ces notions n'étaient pas en-
core inventés? Comment, sans le secours de l'écriture,
retrouver les traces des faits accomplis?
Ce problème, je me le suis posé bien des fois, et je
n'ai jamais désespéré de le résoudre, quoiqu'il m'eût
d'abord été bien difficile de dire comment il serait
possible d'y parvenir d’une manière satisfaisante; mais
j'étais guidé par cette pensée, que les archéologues
restaurent des monuments avec quelques-uns de leurs
débris; que Cuvier est parvenu à restaurer des ani-
maux antédiluviens, à laide de leurs ossements de-
meurés à l’état fossile; que les géologues ajoutent tous
les jours quelques pages à l'histoire primitive du globe
terrestre, considéré à des époques qui ont de beau-
coup précédé la création de l'homme. En effet, les
masses minérales qui entrent dans la composition de
la croûte observable du globe que nous habitons, leur
constitution chimique et mécanique, leur disposition
relative, tout parle aux yeux du savant qui sait les in-
terroger : il y trouve de véritables annales, qui lui révè-
lent des faits qui se sont accomplis même avant qu'au-
cun être vivant ait pu les observer. Et, chose bien di-
gne de remarque, à mesure que l'homme s'éloigne de
son origine, il apprend à la mieux connaitre par suile
des progrès de la science et du perfectionnement des
méthodes d'observation!
Pénétré de la pensée qu'il ne fallait point désespérer
d'arriver au but que je me proposais d'atteindre, j'ai
analysé tous les éléments qui m'ont paru pouvoir y
conduire, et peu à peu je suis parvenu à me créer
É —-
253
une méthode qui m'a paru assez satisfaisante pour
m'engager à entreprendre de restaurer l'histoire d'un
peuple primitif.
L'histoire de nos ancêtres était, sans aucun doute,
celle qui devait mériter la préférence; mais la France
étant habitée par plusieurs races fort distinctes, le pro-
blème que je me proposais de résoudre eût été trop
compliqué pour un simple essai; j'ai dû le scinder et
n'aborder que l'étude d'une seule race. Si j'ai com-
mencé par celle des Basques ou Escualdunais, c'est
parce qu’elle s’est conservée dans toute sa pureté, parce
qu'elle habite en partie le sol de la France, et parce
que je croyais y trouver une simplicité que je recher-
chais par-dessus toutes choses.
Depuis que j'ai accompli mon travail, j'ai dû chan-
ger d'opinion à cet égard, car 1l n'est point de peuple
qui puisse présenter dans son histoire primitive une
plus grande complication que la race escualdunaise,
par suite des rapports qu'elle a eus avec les princi-
paux peuples que l’histoire et la géographie nous font
connaitre, et je me suis aperçu que l'histoire des Es-
cualdunais primitifs était celle du genre humain tout
entier.
On a déjà fait des tentatives pour retrouver les afi-
nités des races anciennes. Les uns les ont faites en
s'appuyant principalement sur la linguistique, et les
autres sur l'ethnographie.
Depuis la publication polyglotte de l’illustre Catherine
de Russie, d’autres travaux du même genre ont été
publiés par divers savants, parmi lesquels on distingue
254
d'une manière toute spéciale Pallas, Adelung, MM. Kla-
proth et Balbi.
On doit à plusieurs savants, et notamment à M. Pri-
chard, des travaux considérables sur l'histoire naturelle
de l'homme, où j'ai puisé de précieux renseignements.
Les travaux de linguistique comparée de M. Kla-
proth, et l'atlas ethnographique de M. Balbi, m'ont
été très-utiles par les vocabulaires qu'ils renferment et
qu'il m'eùt été impossible de me procurer ailleurs. Le
parallèle des langues de M. Eichhoff m'a aussi rendu
de grands services.
A l'époque où j'écris, il n'existe point de diction-
naire commencant par la langue basque, si lon ex-
cepte un très-court vocabulaire que l’on trouve dans
la grammaire d'Harriet, publiée en 1741 *. La non-
existence d'un tel dictionnaire a rendu mon travail très-
long et très-pénible; elle seule est cause que les raci-
nes basques que je donne sont incomplètes. |
Afin d'arriver au but que je me proposais d'attein-
dre, j'ai dû d'abord composer le dictionnaire par ordre
de matières qui termine cet ouvrage, et c’est de lui
que je me suis constamment servi pour compléter mon
travail. Pour cela, j'ai fait usage du dictionnaire de
‘ M. Archu, Basque de naissance, et connu par sa traduction des fables de
La Fontaine en langue euscharienne, a fait un dictionnaire complet de cette
langue avec la coopération de M. Francisque-Michel ; mais ce dictionnaire, qui
m'eût été si utile, n’est point encore paru.
On publie en ce moment, à Saint-Sébastien (en Espagne ), une nouvelle
édition du dictionnaire trilingue, espagnol, basque et latin, de Larramendi,
et l’on annonce la publication d’un dictionnaire commençant par le Basque;
mais cette dernière publication n’est malheureusement encore qu’à l’état de projet.
255
Larramendi, commençant par la langue espagnole.
Avant de terminer ces observations, je suis heureux
de pouvoir témoigner ma gratitude à divers savants,
pour l'empressement qu'ils ont mis à me communiquer
tous les renseignements qui ont pu m'être utiles : à
M. Delas, conservateur de la Bibliothèque de la ville
de Bordeaux, qui a mis à ma disposition les trésors de
ce riche établissement ; à M. Archu, inspecteur de l'A-
cadémie de la Gironde, auteur de plusieurs travaux sur
la langue basque, pour les renseignements qu'il m'a
donnés avec une obligeance sans égale; à M. Brunet,
membre de l'Académie de Bordeaux, qui m'a donné plu-
sieurs collections de proverbes et de poësies basques, re-
cueillis et publiés par ses soins; à M. Pomiers, de Bor-
deaux et Basque de naissance, qui, par amour pour son
pays, à pu me procurer des livres fort rares sur les
langues de l'Amérique du sud; à M. Latouche, de Paris,
neveu du célèbre linguiste du même nom ; à M. Geffroy,
professeur à la Faculté des Sciences de Bordeaux; à
M. Le Marquière, de Paris, pour l'obligeance qu'ils ont
mise à me procurer divers renseignements.
Je commencerai par exposer l'ensemble de la mé-
thode que j'ai adoptée; puis, après en avoir examiné
les différentes parties, j'en ferai l'application au peuple
Basque ou Escualdunais.
256
re PARTIE.
MÉTHODE D'INVESTIGATION HISTORIQUE.
INTRODUCTION.
L'histoire comprend l'exposition de faits qui se sont
accomplis dans des lieux déterminés, à des époques
que l’on rapporte à la suite non interrompue du temps
mesuré par le mouvement des astres.
Elle ne laisse que peu de chose à désirer lorsque l'on
a complétement satisfait à ces trois conditions : eæpo-
sution fidèle, indication des lieux, fixation du temps.
Les événements rapportés par l'histoire sont de plu-
sieurs ordres : tantôt elle ne s'attache qu'à faire con-
naitre la vie des hommes qui ont gouverné les peuples,
et les principaux faits qui se sont accomplis sous leur
direction ou leur gouvernement; d'autres fois, prenant
les nations pour objet, elle fait connaitre leurs mœurs,
les modifications qu'elles ont éprouvées, leurs migra-
tions, les inventions dont elles ont doté l'espèce hu-
maine, et les progrès qui se sont accomplis par elles.
En un mot, cette partie de l'histoire s'attache à l'évo-
lution sociale des nations, plutôt qu'aux actes spéciaux
des individus qui les composent.
C'est cette dernière partie de l'histoire qu'il m'a paru
possible de faire surgir de la tombe où elle était ense-
velie. Si elle est dénuée de l'intérêt dramatique qui se
rattache aux actions de quelques hommes mis en évi-
Er
257
dence par les circonstances, elle n'en à pas moins une
grande importance; car, à mesure que les événements
s'éloignent de nous, les détails s'effacent, et l'histoire
des individus se trouve absorbée dans celle des nations.
Ce n'est pas sans éprouver une indicible émotion,
qu'après avoir franchi l'espace ténébreux qui sépare
les temps historiques des temps primitifs, on peut con-
templer le spectacle offert par le développement maté-
riel et intellectuel des races humaines : on les voit d'a-
bord grandir, puis se répandre à la surface du globe
suivant des lois déterminées, et emporter avec elles
leurs caractères primitifs, leur langue, leurs usages.
Puis, on les voit s’isoler ou se pénétrer mutuellement,
et opérer ainsi la diffusion et l'altération de leurs ca-
ractères distinctifs. Mais, guidé par le flambeau de
l'ethnologie et de la linguistique, on sait les distinguer
et les reconnaitre partout où elles se trouvent; et,
suivant une marche inverse, on peut remonter à leur
origine. C’est en vain que plus de quarante siècles se
sont écoulés, que des changements considérables se
sont accomplis dans les caractères ethnologiques, les
mœurs et les langues des différentes races qui couvrent
la surface de la terre; il sera possible de reconnaitre
d'où elles viennent, et, quelque rapide qu'ait été leur
course, elle aura laissé des traces ineffacables pour ce-
lui qui veut les observer.
Les lieux parcourus par les races humaines dans
leurs migrations, pourront quelquefois être fixés avec
précision; d'autres fois, ils ne pourront l'être que d'une
manière approximative.
258
Pour ce qui concerne le temps, il faut considérer
l'époque à laquelle les événements se sont accomplis,
et la durée de ces événements.
Les époques ne peuvent être établies que d'une ma-
nière relative, c'est-à-dire dans l'ordre même de la pro-
duction des événements auxquels elles se rapportent :
les plus anciennes avant celles qui le sont moins.
La durée des événements ne pourra aussi être indi-
quée que d’une manière relative.
On verra bientôt comment on pourra retrouver la
trace des événements antérieurs et les relations mu-
tuelles des races.
Ces notions pourront paraitre bien minimes auprès
de ce que l'on espère rencontrer en étudiant l'histoire ;
cependant, si l'on songe qu'elles sont les seules de ce
genre et qu'elles seraient demeurées inconnues sans la
création de la méthode que j'expose ici, j'ose espérer
que l'on voudra bien les accueillir et leur accorder
quelque valeur.
Les moyens que l’on possède pour restaurer l'histoire
d'un peuple, sont :
4° L'histoire proprement dite, la tradition, la poé-
sie, les légendes, les chroniques, les annales des peu-
ples voisins;
2° La religion ;
3° Les monuments de toutes natures;
4° La langue, les inscriptions, la littérature;
5° Les caractères ethnologiques ;
6° Les mœurs, les coutumes, les usages ;
7° L'étude comparée des différents peuples qui habi-
259
tent le globe, depuis l'état primitif jusqu'à l'état social
le plus avancé.
Parmi les peuples qui habitent l'ancien monde, il
n'en est peut-être pas un seul qui se présente à nous
dans toutes les conditions qui viennent d'être indi-
quées.
Nous ignorons notre propre origine, et les premiers
temps de notre histoire ne nous sont connus que par
les écrivains romains.
Les Égyptiens, les Grecs et les Romains ont changé
de langue et de religion : leurs mœurs et leurs usages
s'en sont ressentis.
Les Juifs ne se sont conservés parmi les autres peu-
ples que par leur religion.
Les individus errants que nous nommons Bohémiens;
que les Anglais, les Espagnols et les Basques nomment
Égyptiens ; que les savants nomment Zinganes, et qui
vivent à l'état nomade parmi les autres nations, ne
possèdent par cela même aucun monument, et ils n'ont
pu se conserver, comme peuple distinet, que par leur
langue, leurs mœurs et leur religion.
Les anciens Basques n’ont point eu d'historien qui
nous ait fait connaitre les principaux faits qui se sont
accomplis dans leur nation.
Les Basques actuels sont chrétiens et catholiques.
On ignore quelle était leur religion et même s'ils en
avaient une avant d'embrasser le Christianisme.
Leurs monuments historiques sont presque nuls; des
iscriptions, on ne leur en connait pas, et leur litté-
rature se borne à fort peu de chose. Il ne reste donc
que leurs caractères ethnologiques, leurs mœurs et
260
leur langue qui puissent être interrogés pour en tirer
des notions historiques.
Les caractères ethnologiques et les mœurs des Bas-
ques, tout en ayant une valeur réelle, ne peuvent
donner de bien amples renseignements sur l'origine de
ce peuple, et encore moins sur les faits principaux de
son histoire. Il n'en est point de même de sa langue :
conservée depuis plus de deux mille ans, sinon dans
toute sa pureté, au moins dans toute son originalité,
elle se trouve dans des conditions on ne peut plus fa-
vorables pour une étude historique.
Si aux caractères propres des Basques, à leurs mœurs
et à leur langue, on ajoute l'étude comparée du déve-
loppement de la civilisation tel qu'on peut l'observer à
la surface du globe, on aura l'ensemble des moyens
qu'il est possible d'invoquer pour reconstituer l'histoire
de ce peuple.
La première partie de ce travail sera divisée en quatre
chapitres principaux, qui correspondront aux quatre
points de vue particuliers qui viennent d'être signalés :
1° Langue ;
20 Caractères ethnologiques;
3° Mœurs ;
&° Étude comparée de l'évolution sociale.
L'étude de la langue basque, indépendamment de sa
grammaire, se subdivisera elle-même en trois parties
correspondant aux trois conditions principales de his-
toire :
4° Faits;
2° Temps;
3° Lieux.
261
LANGUE.
Détermination des faits historiques.
L'étude d’une langue peut donner des renseignements
précieux sur l'origine du peuple qui la parle, soit qu’on
la considère au point de vue des mots qui la constituent,
soit qu'on étudie son mécanisme ou la grammaire qui
lui est spéciale. La valeur de chaque mot, l'étude des
racines, des dérivés et des composés; la comparaison
des racines d'une langue avec celles des autres lan-
gues; le classement des mots dans un ordre emprunté
aux sciences naturelles ou à la chronologie spéciale à
l'évolution des sociétés humaines, peuvent donner les
renseignements les plus précieux sur l'histoire sociale
d'un peuple, rapportée au temps, aux lieux et aux re-
lations qu'il a eues avec d’autres peuples.
Les propositions qui précèdent vont être démontrées
dans une suite de paragraphes.
Le vocabulaire d'une langue est formé de mots qui
ont chacun une signification déterminée. Les uns ser-
vent pour désigner des êtres réels ou abstraits; les au-
tres, à très-peu d'exceptions près, ne sont employés
que pour indiquer l'état, les actes et les rapports de
ces êtres considérés dans l'espace et dans le temps.
Tous ces mots, quelles que soient les fonctions
262
grammaticales qu'ils remplissent , représentent chacun
une idée spéciale. La réunion de tous ces mots ou de
toutes ces idées représente l’ensemble des connaissan-
ces des nations qui font usage du vocabulaire auquel
ils appartiennent.
On peut donc dire qu'il y a un rapport évident en-
tre le vocabulaire d'une langue et les connaissances
du peuple qui la parle.
Il.
Il découle de ce qui précède, que si l'on classe les
mots principaux d’une langue par ordre de matières,
en s'astreignant aux méthodes suivies dans les sciences
naturelles, on aura une suite de tableaux qui représen-
teront les connaissances d'un peuple dans chaque spé-
cialité.
Le tableau relatif à l'astronomie donnera des rensei-
gnements sur l'étendue des connaissances astronomi-
ques. Ce tableau pourrait servir, au besoin, pour sa
voir si le peuple qui parle la langue qui à servi à le
former, a connu les deux hémisphères terrestres, par
suite des constellations qui s’y trouveraient inscrites.
Le tableau relatif à la division du temps serait émi-
nemment précieux; car il permettrait de savoir quel
était primitivement le nombre des saisons, des mois de
l'année, des jours de la semaine, et par suite, quelle
était la région habitée par le peuple dont la langue est
soumise à cette sorte d'examen.
Des tableaux relatifs aux sciences naturelles, la mi-
263
néralogie, la botanique et la zoologie, on pourra en-
core tirer de précieux renseignements; car des végé-
taux et des animaux déterminés n'existent qu'entre des
latitudes également déterminées.
Tout, jusqu'au nom des objets usuels les plus com-
muns, peut être utilisé pour rappeler les mœurs, les
usages et les coutumes des peuples dans le premier
àge de leur existence.
Il est donc bien vrai de dire que le vocabulaire
de la langue d'un peuple représente l'inventaire le
plus complet des connaissances de ce peuple, et qu'il
est possible de les en déduire.
IL.
Chaque idée propre à un peuple doit être en harmo-
nie avec l'état social dans lequel il se trouve; quelques
exemples serviront pour le démontrer : Les différences
qui existent entre l'homme nu et celui richement vêtu ;
entre l'arc et le fusil; la barque et le navire; l'âne, le
cheval, le chameau, le lama, l'éléphant et la vapeur
utilisée comme génératrice de force; l'idole et la divi-
uité; le bon vouloir du despote et un code de lois, dé-
montrent jusqu'à l'évidence que l'état social d’un
peuple peut être déduit des mots composant la lan-
que qu'il parle.
IV.
Non-seulement la présence des mots qui composent
264
un vocabulaire à une valeur historique, ainsi que cela
vient d'être démontré; mais l'absence même des mots
a une signification qu'il ne faut point négliger; car si
les mots représentent des idées, l'absence des mots in-
dique l'absence des idées. Par exemple, au point de
vue des transactions commerciales, on a les idées sui-
vantes : rien, échange, kauris, monnaie, papier
monnaie ou son équivalent, crédit, qui correspon-
dent à des états bien distinets de l'évolution sociale.
En général, l'absence des mots dans le vocabulaire
d'un peuple, indique un arrêt de l'évolution sociale
dans l'ordre auquel appartient le mot qui manque.
V.
Lorsque l’on soumet les mots d’une langue à l'analyse
logique, on trouve qu'ils peuvent être classés en qua-
tre groupes : 4° les racines; 2° les mots dérivés de
ces mêmes racines; 3° les mots composés ou formés
par la réunion de plusieurs racines; et 4° les déri-
vés des mots composés.
Les racines sont les véritables éléments des langues,
parce que c'est d'elles que tous les mots des langues
sont tirés; aussi, leur étude est-elle de la plus haute
importance pour les investigations historiques.
Si l’on se borne à rechercher les racines d’une seule
langue sans la comparer à aucune autre, on la réduit
à ses éléments les plus simples.
Ce genre d'analyse, qui est celui que l’on a généra-
lement pratiqué, peut être utile pour apprendre à tra-
265
duire ou à parler les langues; mais il ne donne que des
renseignements très-bornés lorsqu'il s'agit de la philo-
sophie de la linguistique et de l'investigation des faits
historiques.
Le moindre inconvénient des racines extraites d’une
seule langue, c'est-à-dire des éléments avec lesquels
elle est constituée, est de donner plusieurs fois la même
racine avec des significations et quelquefois une ortho:
graphe différentes. Ainsi, on trouve dans les racines
latines de M. Boinvilliers ‘ : filum, fil, et hilum, hile,
qui dérivent du seul mot radical fil; car le hile est
l'empreinte laissée sur la graine par le fl ou cordon
ombilical.
Dans la première page de cet ouvrage, on trouve
encore :
Acer, est aigre, acide ou rude.
Actes, pointe ou bataillon.
Acus, dit aiguille, ardillon.
Les trois mots : acet, acies et acus, dérivent de la
racine ac, qui, en grec et en latin, indique une pointe
ou quelque chose d'aigu et de pénétrant, ainsi que
cela a été démontré par Court-de-Gébelin, antérieure-
ment à la publication de M. Boinvilliers.
Un autre inconvénient attaché à la détermination
des racines d’une seule langue, est de prendre pour des
racines, des mots venant d'une autre langue et qui sont
| Les racines de la langue latine, mises en vers français par M. Boinvilliers,
Paris, MDCCCXXXI.
266
eux-mêmes composés. Par exemple, dans cette mème
première page des racines latines de M. Boinvilliers,
on {rouve :
ApamaAs, diamant superbe.
Le mot adamas est grec; il est composé de l’a pri-
vatif, et de damaô, dompter, et veut dire indomptable;
car le diamant est si dur, que les Grecs, si habiles dans
l'art de tailler les pierres, n'ont pu l’entamer. Cela n’a
pu être fait qu'en 1476, par L. de Berquem, qui par-
vint à l’user à l’aide de sa propre poudre, c’est-à-dire
à l’aide de diamants réduits en poussière.
Si l'on examinait les racines grecques du P. Lance-
lot, celles de M. Romain-Cornut, ou celles de M. l'abbé
Bonnevialle et bien d'autres encore, on trouverait plu-
sieurs prétendues racines grecques qui seraient des mots
composés.
Par exemple : le terme phalanæ, phalange, qui se
trouve dans les deux premiers ouvrages, est un mot
composé de deux racines grecques : palè, combat, et
anyxô, rapprocher, serrer; combat serré, combat
dans lequel les guerriers se rapprochent en se serrant
les uns contre les autres.
Le mot palè est lui-même un dérivé analogique,
comme on le verra plus tard.
En écrivant ces lignes, je n’ai point l'intention de cri-
tiquer les travaux de littérateurs qui n’ont eu d'autre
but que d'instruire la jeunesse. A leur place, j'aurais
agi comme eux; car, dans ce cas, il vaut mieux répé-
ter une racine ayant plusieurs acceptions, que de la
267
passer sous silence; et, dans les racines basques, j'in-
troduirai plusieurs mots dérivés ou composés, qui se
suivront immédiatement ou seront distingués par des
astérisques (*).
Comme résumé de ce qui vient d'être dit, je crois
pouvoir affirmer qu'il n'est pas une seule langue qui
possède toutes les racines qui entrent dans sa cons-
hitution.
Les langues que nous considérons comme très-an-
aiennes, telles que le sanscrit, le grec et le latin,
sont des langues usées, très-compliquées, qui ont
perdu la plupart de leurs racines, ou qui ne les ont
jamais possédées, parce qu'elles ont puisé des mots
tout faits dans d’autres langues.
On ne peut connaître la véritable valeur des ra-
cines des langues, qu’en comparant entre elles celles
des principales langues.
VI.
Escu, en eskuara, veut dire main.
Une sorte de bouclier qui se porte à la main et qui
n'est pour ainsi dire qu'une extension de la main avec
laquelle on pare les coups portés par un adversaire, a
recu le nom d'escutakia ‘. Ce nom est devenu fran-
cais, en l’abrégeant selon le génie de notre langue.
Les escus ont été décorés par des peintures repré
| Escutakia vient probablement d’escu, main, et de leg ou tek, toit, abri,
couverture, protéger, et voudrait dire abri manuel ou main protectrice.
18
268
sentant des armoiries et des devises. Plus tard, on les
a imprimés sur la pile des monnaies, et ces monnaies
ont été nommées des escus, ou simplement des écus.
Une même racine peut donc avoir plusieurs si-
gnifications fort distinctes qui dérivent toutes d'une
même idée primitive.
Si un peuple a adopté un des mots dérivés, il est
évident que la racine du mot adopté vient d'une autre
langue, et très-souvent avec une autre significa-
lion.
La filiation des racines et leur recherche dans
plusieurs langues peut donc être éminemment utile
pour l'investigation des faits historiques des temps
primitifs, car elle donne la clef des rapports des
nations et de l'ordre chronologique selon lequel ces
rapports se sont établis.
VAL.
Il arrive presque toujours que l'orthographe des mots
change lorsqu'ils passent d'une langue dans une autre;
cela tient au génie particulier de ces langues.
Ce que les Escualdunais écrivent par es, les La-
tins l'écrivaient par une seule s. Il résulte de à que
la racine escu, avec la signification de bouclier, en
passant chez les Romains, à été écrite par scu, et l'on
a effectivement le mot scutum, un bouclier, un écusson.
Le mot eskuarien esculahkia élant composé, il en
résulte que le mot latin sculum, qui en vient directe-
269
ment, est loin d’être radical comme on le pense com-
munément ‘.
Le mot tallua ?, statue en eskuarien, dérive de no-
tre verbe français tailler, que nous avons conservé sans
altération, malgré la présence des Romains.
Il doit paraître bien évident qu'une langue peut
servir pour trouver les racines d'une autre langue,
lors même que celte dernière est fort ancienne, el je
dirai même lorsqu'elle est plus ancienne que la pre-
mière, parce qu'une langue moderne peut posséder
des racines qui remontent aux langues primitives.
VIE.
Le mot scriptum, écrit, latin, n’est pas plus une
racine que le mot scutum. Ce mot rappelle, par l's et
le c qui le commencent , l'action de la main qui est
employée pour parler aux yeux, comme l'a dit Boileau ;
et le reste du mot, si l'on cherche, doit représenter le
son, le bruit de la voix, ou une (race, et peut-être
lun et l’autre à la fois.
2
1 j1 faut aussi conclure de ce qui est contenu dans les paragraphes VI et VI,
que notre mot escu ne vient pas de scutum latin.
J'ajouterai encore ici que l’on regarde comme étant d’origine latine, tous les
mots français dont les racines sont latines, et qu’en cela on est très-souvent dans
Verreur, non—seulement à cause de l’exemple qui vient d’être donné, mais parce
qu'une foule de mots celtiques ou basques ont des racines communes avec le latin ,
sans pour cela venir de cette langue, mais parce que les peuples qui parlaient ou
parlent encore ces langues, les ont puisées à une source commune.
* Prononcer £ailloua.
270
Scriptum peut donc se partager en sc et riptum,
ou plutôt en sc et criplum.
Pour représenter criptum, les Latins n'ont aucun
mot primitif, mais nous avons Cri, crier, qui repré
sente le bruit que la pointe fait en traçant sur la pierre ;
car c'est sur la pierre que l’on a d’abord écrit dans les
temps anciens. Les Grecs ont glypt6, glaphô et gra-
phô, pour dire creuser, tailler, graver, tracer, écrire.
Les mots français craie et crayon ont une même ori-
gine que les précédents.
Le mot scriptum, le verbe scribere, les mots fran-
çais escril et escrire, dérivent en partie du basque et
de l'onomatopée; et ces deux derniers mots de notre
langue , que l'on croit dérivés du latin, sont, par leur
orthographe, plus rapprochés de leur origine basque
que les mots latins correspondants dont ils ne viennent
pas.
Le mot sculpture, soumis à la même analyse, veut
dire couper, lailler avec la main.
Dans le mot manuscriplum, latin, et le mot ma-
nuscrit, francais, on trouve deux fois l’idée de main,
rendue par des racines différentes, escu et manus ;
et cela à été fait par les Latins, qui n'ont pas connu
les véritables racines du mot scriptum. Il est plus cu-
rieux encore de voir les Escualdunais dire escuscri-
batua, pour exprimer un manuscrit, et avoir deux
fois la même racine dans le même mot sans le savoir.
Nous verrons plus tard quel immense parti lon peut
tirer de cette sorte d'analyse des langues.
En résumé : une langue a des racines étrangères
RE ee
271
dont l'origine peut être ignorée de tous ceux qui la
par lent.
Une même racine peut entrer plusieurs fois dans
le même mot, soit avec la même signification et par
des mots différents, soit avec la même signification
et des mots semblables.
IX.
Lorsque, par un travail assidu et par la comparaison
des racines, on en recherche l’origine, on trouve que
des mots très-simples, dans la constitution desquels il
n'entre qu'un très-petit nombre de lettres et qui sont
considérés comme de véritables racines par tout le
monde, sont souvent susceptibles d'être décomposés en
deux ou trois mots ayant une valeur sigmificative,
réelle; c'est-à-dire que les racines trouvées don-
nent une explication suffisante de leur origine, parce
qu'elles s'appliquent nettement à la signification des
mots qu'elles concourent à former.
On pensera ce que l’on voudra des détails dans les-
quels je vais entrer; mais je crois devoir les exposer ici.
En général, les racines primitives se résument en
une forme très-simple et quelquefois en une seule let-
tre, qui est alors une voyelle.
Il y a deux formes fondamentales qui veulent dire
aller.
L'une est Z, d'où 1b, 1v, Ir, It; autre est Va, ou
Oua.
La première forme se trouve dans le verbe latin ?re;
272
la seconde est dans notre verbe aller, va : Je vais,
tu vas, il va.
La lettre N est le signe de la négation dans presque
toutes les langues; on la trouve dans ne, nec, nek,
neg, non, no, nein, nicht, negare, etc.
Cela établi, nous avons les mots negua, l'hiver en
eskuarien ; neige en français, et niæ, génitif nivis en
latin, qui veut dire aussi neige.
Ura veut dire de l'eau en eskuarien ; et dans la com-
position des mots, ce nom peut être réduit à wa, s'il est
final, ou simplement à w, sil commence le mot ou se
trouve dans son intérieur.
Nequa, hiver en eskuarien, a son correspondant
dans le mot neige français. Neg, ua, veut dire priva-
tion d'eau, il n'y a plus d'eau. Mais ua, vient de
va, aller, parce que l'eau coule dans le lit des ruis-
seaux, des rivières et des fleuves ‘; et negua, veut en-
core dire ne va pas, ne coule pas.
La neige est de l’eau solidifiée qui ne coule plus.
Le mot latin nix, nivis, vient de nec, iv, qui re-
présente exactement la même idée avec d’autres racines.
Un mot aussi simple que nix est donc susceptible
d'être analysé, même sans le secours d'une autre
Dans presque toutes les langues, le nom de l’eau, quel qu'il soit, veut dire
aller, couler. Le mot latin aqua, le mot roman agua, viennent du verbe latin
ago, ou dérivent de la même racine que lui. Le mot eau vient d’une forme du
verbe aller : eo. Ura, eskuarien, et hydor, grec, sont déjà des mots composés
qui contiennent la racine va, ou son équivalent. Le premier contient, si simple
qu’il soit, la racine rhed, je coule, et renferme deux fois la même idée, ou aller
en voulant.
pa
273
langue que celle à laquelle il appartient : niæ veut
dire qui ne coule pas.
X.
Chaque mot, à quelque langue qu'il appartienne, à
une raison d'existence et a dû être formé d'après cer-
taines lois naturelles.
Je ne chercherai point ici à établir ces lois, dont la
connaissance offre cependant un vif intérêt. Je ne cher-
cherai pas non plus si tous les mots dérivent de l'ono-
matopée, si les noms dérivent des verbes, ou si les
verbes dérivent des noms, quoique cette discussion
puisse avoir une valeur réelle; mais comme elle m'é-
loignerait trop du but que je me propose d'atteindre,
je me bornerai à adopter quelque chose qui puisse être
immédiatement mis en pratique.
Ce qui se passe aujourd'hui a du avoir lieu dans tous
les temps : ou bien les idées nouvellement acquises
sont représentées par des mots dérivés les uns des au-
tres, ou bien elles le sont par des mots composés for-
més par la réunion de plusieurs racines.
Dans le premier cas, on est conduit d'une idée à une
autre qui s’y rattache immédiatement.
Dans le second, on combine plusieurs racines pour
représenter une idée composée.
Les dérivés sont de plusieurs ordres.
Les uns sont grammalicauæ, et ont pour but de
changer les fonctions grammaticales des mots, comme
de faire un adjectif ou un verbe à l’aide d'un substan-
274
tif, ou le contraire, ete. Par exemple : de fer, on tire
ferreux et ferrer; de graisse, on tire graisseux &
graisser.
La dérivation des mots peut porter, non plus sur les
fonctions grammaticales qu'ils remplissent, mais sur
leur propre signification, en passant d'une idée déter-
minée à une autre idée qui s’y rattache par des liens
étroits; mais, en passant de dérivés en dérivés, la si-
gnification primitive peut se trouver tellement altérée,
qu'il est souvent fort difficile de la reconnaitre. Ces
dérivés seront appelés analogiques, pour les distin-
guer des précédents.
La racine ber signifie chaleur en langue eskua-
rienne.
De cette racine est venu le mot aber, animal, parce
qu'une chaleur propre est le caractère de la vie chez
les animaux supérieurs revêtus de plumes ou de poils.
L'idée d'animal a dû conduire à celle de troupeau ;
et l'on a abere, pour indiquer cette dernière acception.
Enfin, on trouve que les Escualdunais indiquent la ri-
chesse par le mot aberatsa.
Cette remarquable filiation des mots permet de pen-
ser que les Escualdunais primitifs étaient des peu-
ples pasteurs, et que leurs richesses consistaient en
troupeaux , puisque le mot richesse est immédiatement
dérivé de celui de troupeau.
Plus tard, nous parviendrons sans doute à détermi-
ner quelle était la nature de ces troupeaux.
Concluons donc, de ce qui est contenu dans ce pa-
ragraphe :
275
1° Que les dérivés grammaticauæ allèrent peu la
valeur des racines dont ils proviennent ;
2 Que les dérivés analogiques qui portent sur
la signification des racines, altèrent plus ou moins
leur valeur et les rendent souvent fort difficiles à
reconnaitre ;
3 Que la filiation des dérivés analogiques peut
conduire à des renseignements bien dignes d'inté-
rêél sur les mœurs des peuples primihfs.
XL.
Lorsque les mots passent d’une langue dans une au-
tre, ils éprouvent des modifications analogues à celles
qui viennent d’être indiquées pour les dérivés du se-
cond ordre. Ces modifications peuvent aller si loin,
qu'ils finissent par indiquer des choses absolument con-
traires de celles qu'ils indiquaient à leur origine.
On à déjà vu comment l'idée de chaleur conduisait
à celle d'animal, de troupeau et de richesse.
La racine eskuariénne wr ‘, qui veut dire eau,
donne urdin, bleu, parce que l'eau parait bleue lors-
qu'elle réfléchit la couleur de l'atmosphère privée de
nuages; et nous trouvons ouranos, qui veut dire ciel
en grec, mot qui dérive évidemment de la racine es-
kuarienne ur.
Le nom du @e/ peut donc dériver de celui de l’eau,
! Il faut prononcer our. V. la partie grammaticale de ce travail.
276
et le lien qui unit ces deux sis nifications, est la cou
leur sous laquelle ils apparaissent.
Par une analogie du même ordre, le mot océan, qui
parait être dérivé du persan, oukianous , se décompose
en « basque et Æyanos grec, qui veulent dire : eau
bleue *.
De la même racine sont encore venus ouron et urina,
qui sont les noms de l'urine en grec et en latin; mais
les dérivés de cette racine sont loin de se borner là : il
y en a plus de trente, qui comprennent principalement
les idées d'eau, d'urine, d'humidité, de bleu, de jour,
de ciel, de verre, de mamelle, de pluie, de cruche,
d'urne, de potier de terre, de plongeur, de sueur,
d'hiver, de neige, elc., comme on le verra dans le
catalogue des racines anologiques où parasynonymi-
ques.
On retrouve dans une foule de langues de l'ancien
et du nouveau continent les mots alta, ama el papa,
qui signifient alternativement père et mère.
Comme on le voit, non-seulement les mots s'altè-
rent, mais il en est de même des racines.
Il arrive quelquefois que les significations des mots
s'expliquent avec moins de travail : ainsi, le mot grec
Daimôn, signifie tour à tour Dieu et démon. Cela
vient, sans doute, de ce qu'il a aussi une valeur cor-
respondante à celle de génie, et à ce que l'on admet
* Remarquez que très-souvent, et dans toutes les langues, les noms des cou-
leurs sont tirés des substances qui les possèdent : carmin , rose, violet, mur-
ron, café, chocolat, puce, coquelicot, bleuet, flamme de punch, gorge de
pigeon, liége, etc.
277
de bons et de mauvais génies; les bons génies condui-
sent à l'idée de Dieu, et les mauvais, à celle de démon.
On ne devra donc admettre l'origine des racines et
des mots ainsi altérés, que lorsque leur filiation sera
bien établie, en faisant voir les modifications successi-
ves qu'elles auront éprouvées en passant d'une langue
dans une autre. Cela est souvent assez facile, si l'on
compare un nombre de langues suffisant pour établir
celte filiation,
XII.
Non-seulement les mots changent de signification
en passant d'une langue dans une autre, mais leur
orthographe éprouve presque toujours des modifica-
tions considérables. Cela est facile à concevoir, puis-
que les différents peuples qui couvrent le globe ont des
alphabets particuliers, et que la correspondance des
alphabets n'est pas toujours facile à établir. En effet,
comment établir les relations d'un alphabet qui a ein
quante lettres, comme l'alphabet sanscrit, avec un al-
phabet qui n’en à que vingt-cinq, comme le nôtre?
Et quoique les Persans aient adopté l'alphabet arabe
en y ajoutant quatre lettres, comment représenter en
arabe ces quatre lettres qui manquent à l'alphabet de
celte langue? Cela ne pouvait être fait qu’en analysant
tous les sons de la voix, toutes les articulations dont
elle est susceptible, et en les représentant par des si-
gnes de convention.
Mais cela n’a pu être exécuté qu'à une époque très-
278
rapprochée de nous, par divers savants, parmi lesquels
M. Eichhoff occupe une place très-honorable, puis-
qu'il a fait coïncider quarante alphabets avec le nôtre.
Les anciens peuples n’ont done pu profiter de ces
travaux, qui sont tout modernes. Aussi ne peut-on re-
connaître les mêmes mots dans diverses langues qu'a
près avoir trouvé comment les sons d’une langue sont
traduits dans une autre. Il résulte de à qu'une même
racine peut se trouver écrite el même prononcée de
plusieurs manières fort différentes. Lorsqu'on la consi-
dère dans plusieurs langues, et même lorsque l'on veut
reproduire les diverses formes de cette racine dans une
seule langue, comme la nôtre, par exemple, on trouve
qu'elle peut être écrite à l'aide d'une foule de lettres
qui peuvent se substituer les unes aux autres. Les let-
tres se rangent ainsi par groupes, et lon trouve un
de ces groupes qui peut renfermer jusqu'à quatorze
lettres différentes pour une seule expression.
J'ai adopté une manière toute particulière d'écrire
ces racines, manière que j'avais introduite dans la chi-
mie pour exprimer les substitutions par les corps iso—
dynamiques.
Par exemple, on trouvera la racine :
D a
F e m !.
V 0
‘ On pourrait aussi écrire (D, F, V) (a,e, 0) (m). Le résultat serait le
même; mais il paraîtrait moins évident.
279
que lon pourra lire dam, sanserit; dom, latin, espa-
gnol; fem, français; vom, anglais, racines qui cor-
respondent toutes à une idée de domination active ou
passive, et représentent successivement le maitre, son
domaine ; la femme et la femelle, qui sont sous la domi-
nation du mâle, etc.
Je qualifie les racines ainsi altérées dans leur signi-
fication et leur symbolisation, par le nom de parasy-
nonymiques.
Je joindrai à ce travail quelques exemples de ces
transformations des racines, considérées soit au point
de vue de leur signification, soit à celui de leur sym-
bolisation.
XIE.
Si la détermination des racines des mots simplement
dérivés est diflicile et sujette à erreur, celle des mots
composés l'est souvent davantage; car la difficulté est
de diviser le mot composé en plusieurs tronçons qui
représentent ses véritables racines, et, cette division
opérée, il faut assigner la valeur réelle de chacune
d'elles; nouvelle difficulté qui rentre dans celle signa-
lée dans le paragraphe précédent. Quelquefois même
il faudra chercher les racines des mots dans plusieurs
langues afin d'en trouver de satisfaisantes. Les notions
développées dans le paragraphe précédent ont dû dé-
montrer la nécessité d'agir ainsi; l'exemple suivant le
démontrera d'une manière plus évidente encore.
Par exemple, le mot ezcurra appartient au chêne
280
qui produit le gland comestible, et à ce gland même.
On verra par la suite qu'il est d’une grande impor-
tance de connaitre la formation précise de ce mot.
Afin d'obtenir ce résultat, il importe d’abord de ju-
ger s'il est simple ou composé. Pour cela, il faut l'a-
nalyser. S'il se refuse à l'analyse, on pourra admettre,
non pas qu'il est simple, mais que, relativement à la
langue qui l'emploie, il peut passer pour tel.
Le mot ezcurra se divise naturellement en ez cur ra.
Nous négligerons la dernière syllabe, qui n’est qu'une
terminaison grammaticale, et nous considéreronsles deux
autres. 3, particule négative, qui semblerait indiquer
qu'il manque quelque chose à ce gland. Que lui man-
que-t-il donc? Évidemment, ce qui le différencie des
autres glands, qui sont àpres et non comestibles. Cher-
chons dans cette direction, et nous trouvons garra et ÿo-
gorra, qui veulent dire rude, âpre. Cur est-il une
modification de gar ou ée gor? Cela parait possible.
Le 4 se change souvent en c dur ou en #, aeno,et
0 en uw, portant le son ow français. Le gland comes-
tible aurait done un nom qui voudrait dire sans âpreté.
Mais dans cette explication le sujet manque, et il est
rare que l’on forme des mots qui se trouvent dans cette
condition. Divisons le mot autrement, nous aurons ezc
urra, qui viennent d'ezca et d'urra. Ezca n’est pas
eskuarien; mais cette racine est latine, et elle signifie
aliment, nourriture. Urra étant le nom de la noi-
sette en eskuarien, il en résulte qu'ezcurra voudrait
dire noiselte, et probablement gland à manger, gland
comestible. Évidemment, cette dernière signification
281
l'emporte sur la première, car elle satisfait à toutes les
conditions désirables, et il faut l’adopter, quoiqu'elle
soit le résultat de l’adjonction de deux racines tirées de
langues différentes.
La racine ezca ou esca peut d'ailleurs avoir existé
dans la langue eskuarienne ; car on trouve encore le
mot ezcalea, qui veut dire mendiant; et ce nom s'ap-
pliquait sans doute exclusivement à celui qui deman-
dait sa nourriture, ezca.
Lorsqu'il s'agit de trouver les racines d’un mot com-
posé, il faut done agir avec la plus grande circonspec-
tion, et éviter d'accepter des racines insignifiantes ou
n'ayant aucun rapport avec la signification du mot
composé.
Il est arrivé à la plupart des auteurs basques de com-
mettre ce genre d'erreur lorsqu'ils ont voulu recher-
cher les racines de leur langue. Le P. Larramendi,
Iharce de Bidassoet, et l'abbé d’Arrigol, qui était bien
certainement un des écrivains les plus judicieux et les
plus réservés de cette nation, sont tombés dans ce dé-
faut. Iharce de Bidassoet est allé si loin dans la com-
paraison des racines, que, confondant les homonymes
avec les synonymes, il a fait dériver {yr, de tiro un
coup de fusil en basque! choses qui n'ont aucun rap-
port, et qui feraient venir {yr, mot très-ancien, d'un
coup de fusil, chose très-moderne *.
‘Je dois faire remarquer que la racine basque tir est fort ancienne et signifie
lancer, frapper. Tirua signifie un coup quelconque porté avec une arme de jet.
Ce mot est passé dans la langue espagnole avec la même signification; on dit
tiro de pistola, coup de pistolet. Les Basques désignent un are par tiruslaia,
tireur de flèches.
282
L'origine des Basques est assez intéressante pour
que l'on n’ait pas besoin de faire intervenir le merveil-
leux afin de la signaler à l'attention des savants. Je le dis
avec peine : il suffit que les racines d'un mot soient
données par un Basque, pour que je croie devoir les sou-
mettre à un examen rigoureux. Je n'aurai peut-être
pas été moi-même à l'abri d'erreurs du genre de celles
que je viens de signaler, malgré les efforts que j'ai
faits pour les éviter.
XIV.
Un peuple accepte des mots composés aussi bien que
des mots radicaux; il accepte mème des mots dont la
signification ne diffère en aucune manière de ceux
qu'il possède déjà, mais qui dérivent d'autres racines
ou se prononcent autrement : c’est ainsi que nous avons
les mots journalier et quotidien, qui ont une même
valeur et des racines différentes, et que, récemment,
nous avons introduit dans notre langue le mot anglais
gentleman, qui est le représentant exact de notre mot
gentilhomme.
Il résulte de là qu'une langue possède souvent des
mots dont elle n’a pas les racines, et qu'à une racine,
comme jour et homme, correspondent des dérivés tirés
d'autres langues. C’est encore ainsi que nous avons le
mot cheval et le mot équitation qui dérive du latin
equus, cheval.
Le caractère d'une véritable langue-mère conservée
283
dans toute sa pureté, serait de posséder toutes ses ra
cines et n'avoir d'autres mots que ceux qui en seraient
dérivés ou seraient composés avec elles. IT faudrait
encore qu'il n’y eùt qu'un seul mot pour chaque signi-
fication.
Quoique la langue eskuarienne ait conservé des ra-
cines dont l'ancienneté ne peut être douteuse, puisque
l'on a déjà vu que plusieurs d'entre elles sont antérieu-
res à l'existence des langues grecque et latine, il n’est
pas moins vrai qu'elle en a perdu un grand nombre,
D'une autre part, elle a souvent jusqu'à cinq et six
synonymes dérivés de racines différentes pour expri-
mer une même idée. Cela démontre qu'elle a fait de
nombreux emprunts à d'autres langues; et l'on en peut
déduire que les Escualdunais ont eu des relations fort
étendues avec d'autres peuples. Je démontrerai ulté-
rieurement que la langue eskuarienne a des aflinités
non équivoques avec plusieurs des langues les plus im-
portantes qui aient été ou soient encore parlées sur le
globe, telles que le sanscrit, le persan, l'hébreu, l'a-
rabe, le turc, le grec, le latin, le français, les lan-
gues slaves, les langues celtiques, les langues des Sa-
moyèdes, des Esquimaux, des Guarani du Brésil, et
d'une foule d’autres peuples.
Détermination du temps.
Dans la détermination du temps relatif aux événe-
ments historiques, il faut considérer deux cas diffé-
19
284
rents : 4° la fixation des époques où les événements
ont eu lieu ; 2° la durée de ces événements.
Ces deux cas peuvent être déterminés d'une manière
relative et par un seul ordre de recherches.
XV.
Puisque les langues sont la représentation fidèle des
connaissances des peuples qui les parlent, il est évi-
dent qu'elles ont dû se former successivement, à me
sure que ces connaissances se développaient.
Si lon pouvait déterminer l'ordre dans lequel une
langue s'est formée, on connaitrait par cela même
l'ordre dans lequel se sont développées les connaissan-
ces du peuple qui la parlait, et l'on aurait ainsi la
chronologie relative de l'évolution sociale de ce peuple.
La formation d'un vocabulaire disposé selon l’ordre
chronologique n’est pas une chose impossible; la phi-
losophie des sciences est assez avancée pour que l'on
sache, non-seulement quelles doivent être les connais-
sances primitives que l’homme peut acquérir, ce qui
est assez facile à déterminer, mais même dans quel or-
dre les connaissances ultérieures doivent se développer.
Les premières connaissances acquises sont celles qui
résultent de l'observation directe et immédiate des êtres
naturels les plus faciles à distinguer les uns des autres :
les principaux astres, les animaux, les végétaux, les
pierres, les différentes parties du corps de l'homme et
des animaux, les premiers degrés de la parenté, les
phénomènes offerts par le feu et la lumière, quelques
285
idées générales où abstraites. Par exemple : les idées
de soleil, de lune, d'étoile, d'animal, d'arbre ou
d'herbe; la distinction des différentes parties du corps
de l'homme, telles que la tête, les mains, les pieds,
la bouche, le nez, les yeux, les dents, la langue, le
sang, etc., seront acquises par l'homme, même dans
l'état le plus sauvage.
Si l’on considère, d’une autre part, que les progrès
de la civilisation sont le résultat d'observations plus
précises et plus détaillées, ou celui de diverses inven-
tions, qui, s’'ajoutant les unes aux autres, finissent par
constituer tout le domaine des connaissances de Fhom-
me, on pourra trouver l'ordre successif de ces obser-
vations ou des inventions.
Les observations se perfectionnent en passant du su-
perficiel au profond, de ce qui est le plus évident à ce
qui exige un examen plus attentif et quelquefois des
instruments spéciaux, comme cela a lieu dans les scien-
ces, lorsque nos organes deviennent insuffisants : le
microscope, le télescope, nous permettent d'observer
un monde nouveau qui échappe à l'observation directe
au moyen des sens que la nature nous à donnés, et la
chimie, par ses réactions, pénètre encore plus loin.
Le développement des connaissances humaines est
soumis à des lois inévitables, qui ont été exposées par
Ampère dans son Traité de la philosophie des scien-
ces, et ces lois remontent, des observations les plus
simples, aux conceptions les plus sublimes auxquelles
ait pu parvenir l’homme dans notre état de civilisation
moderne.
286
On peut donc établir la filiation des observations
dans l’ordre chronologique de leur développement pour
tous les états possibles de la civilisation.
Le moindre examen démontre que les inventions ont
dû se produire dans un ordre déterminé; par exemple,
que les canons n'ont pu être inventés avant la poudre.
Si l’on considère, en outre, que les inventions ont tou-
jours pour but de perfectionner ce qui existe, en le
simplifiant, le rendant plus précis ou moins onéreux,
on pourra pénétrer jusque dans les détails. Sans quit-
ter l’ordre des armes à feu, on trouvera que le fu-
sil à mèche a dû précéder ceux à pierre; et parmi ces
derniers, on trouvera encore que le fusil à rouet a dù
précéder celui à batterie proprement dite, puisque le
premier exige l'emploi d'une clef indépendante de lar-
me, qui rend son maniement moins rapide. Par d'au-
tres raisons, on trouvera que le fusil à piston est venu
le dernier.
On peut donc conclure des détails contenus dans ce
paragraphe : qu'il est possible de construire un vo-
cabulaire chronologique qui représente les différen-
Les phases de l'évolution d'un peuple.
XVL
Les notions historiques que l’on peut déduire de la
connaissance d’un vocabulaire sont loin de se borner à
ce qui précède; car les relations qui s'établissent entre
les peuples amènent un échange d'idées nouvelles et de
287
mots qui représentent ces idées. Ainsi, les Brezads *,
confinés aujourd'hui dans trois départements de l’ex-
trémité occidentale de la France, ont dans leur langue
un grand nombre de mots fort anciens, que nous pos-
sédons aussi à quelques modifications près. S'ils ne
nous ont pas donné ces mots, nous les avons au moins
puisés à la même source qu'eux; mais, depuis cette
époque, combien de mots ne nous ont-ils pas emprun-
tés? Et quels sont ces mots, si ce ne sont ceux que la
civilisation a forcément introduits chez eux depuis
qu'ils sont confinés dans les lieux qu'ils habitent? tels
sont les mots mousquet, fusuil, bistolen, xanon, vou-
let xanon, qui n’ont pas besoin d'être traduits pour
être compris de ceux qui entendent la langue fran-
caise. [l en est de même des mots basques : mosquetea,
fusila, pistola, canoyac, bola. Toutefois, je crois de-
voir faire remarquer que les mots canoyac et bola dé-
rivent de racines purement basques, canoya, un tube,
et boilla, une boule. Si nous n'avons pas emprunté
ces racines aux Basques, je dirai encore que nous
avons dü, directement ou indirectement, les puiser à la
même source qu'eux; et, plus tard, ces mêmes racines
sont retournées chez eux avec un nouvel emploi indi-
quant une nouvelle application et une importation.
XVIL.
Les mots empruntés à une langue peuvent être re-
Les Bas-Bretons se nomment eux-mêmes Brezads, et donnent le nom de
Brezonne à leur langue. J’emploierai ces deux termes, pour éviter ce mot de
Bas-Breton.
288
latifs à la guerre, au droit, au gouvernement, à la re-
ligion, au commerce, aux sciences, aux arts, ou à
toute autre partie de l’ordre social.
L'ordre auquel appartiennent les mots empruntés à
une langue indique la nature des relations qui ont
existé entre le peuple dont on veut établir l’histoire, et
celui qui parlait la langue à laquelle les emprunts ont
été faits.
Si les mots empruntés sont groupés dans l’ordre
chronologique, il deviendra donc possible de connaitre
non-seulement la nature des relations des peuples, mais
même l'époque relative à laquelle ces relations ont eu
lieu.
Les termes empruntés au droit indiquent en général
que les lois d'un peuple, celui dont viennent ces ter-
mes, ont été imposées par force à un autre peuple, ce-
lui qui les a reçus. C'est ainsi que les termes du droit
français existent en Angleterre par suite de l'envahis-
sement de ce pays par Guillaume-le-Conquérant; que
le code Napoléon a été imposé à une partie de l'Alle-
magne, et que les Polonais subissent la loi des Russes.
Les termes empruntés au gouvernement ou à l'admi-
nistration indiquent aussi une domination et l'intro
duction d'un nouveau mode de gouvernement par un
peuple vainqueur.
Des observations analogues peuvent être faites pour
ce qui concerne la religion, les sciences et les arts.
On peut donc, en analysant la langue d'un peu-
ple, déterminer la nature et l'époque des relations
qu'il a eues avec d'autres peuples.
289
XVIIL.
Pour ce qui concerne les sciences, il peut se pré-
senter plusieurs cas assez embarrassants. Ainsi, la mau-
vaise habitude que nous avons de fabriquer des termes
scientifiques avec des racines grecques, pourrait faire
croire, si l’on n'avait d'autres renseignements, que les
Grecs possèdent où possédaient toutes les sciences dont
les noms sont construits ainsi qu'il vient d'être dit, et
que c’est à eux que nous les avons empruntées. D'une
autre part, la langue basque se prêtant très-facilement
à la construction des mots par ses propres racines, il
arrive que la plupart des noms des sciences connues
de ce peuple sont tout à fait basques en apparence, et
que l’on pourrait croire que les Basques sont les inven-
teurs de ces sciences, lorsque très-probablement ils les
ont reçues toutes faites, et n’ont eu que la peine d'en
imiter les noms avec leurs racines. C’est ainsi qu'ils ont
sans doute formé, à une époque assez rapprochée de
nous, les noms suivants :
Jainkokindea , théologie,
Erakindea, chronologie,
qui sont formés des racines Jainkoa, Dieu; era, temps;
kindea, science, qui correspondent exactement aux
racines grecques 06os, xronos et logos, qui ont la
mème signification.
290
On ne saurait affirmer que
Izarkindea, qui signifie l'astrologie,
et se trouve formé des racines 2zar, astre, et kindea,
science, ait été formé de la même manière; car, sa-
chant aujourd'hui que les Basques viennent de l'Asie,
et sachant d'ailleurs que l'astrologie judiciaire à pris
naissance dans ce continent à une époque fort éloi-
gnée de nous et avant d'avoir pénétré chez les Grecs,
il est possible que les Basques aient connu ce nom
avant de venir en Europe.
Il faut encore reconnaitre que plusieurs sciences ont
en basque des noms plus précis qu'en grec ou en d’au-
tres langues qui en dérivent : tel est le nom de neur-
takindea (de neurta, mesure), par lequel ils dési-
gnent la géométrie. Cela pourrait servir à démontrer
que celte science n'a pas pris naissance en Égypte,
comme on le pense communément; qu'elle est née en
Asie, qui est le pays originaire des Basques, ainsi que
je viens de le dire, et que là elle avait tout le caractère
d'une science, lorsque, considérée dans son étymolo-
gie grecque, qui signifie mesure du sol, elle ne re-
présente qu'une pratique ou un art que nous nom-
mons arpentage.
XIX.
La durée et l'intensité, si l'on peut se servir de ce
terme, des relations des peuples, pourront être recon-
291
nues par le plus ou moins grand nombre de mots qui
seront passés d’une langue dans une autre; et le temps
qui s’est écoulé depuis l'origine de ces relations pourra
aussi être déterminé jusqu'à un certain point, quand
même ces relations auraient précédé l'invention de l'é-
criture : on se fondera pour cela sur ce que les nations
se sont généralement dispersées et fondues les unes dans
les autres, et que les mots qui ont élé empruntés à
une seule langue ont éprouvé les mêmes vicissitudes
que la nation qui parlait cette langue, et se trou-
vent dispersés dans une famille de langues.
J'entends par famille de langues, un groupe de lan-
gues réunies par leur plus grande affinité, ainsi que
M. Balbi en a établi un grand nombre dans son re-
marquable Atlas ethnograhique. C'est ainsi que nous
verrons la langue basque dispersée dans la famille tur-—
que, dans celle des Samoyèdes et dans celle des Es-
quimaux.
On comprendra facilement d’ailleurs que si l'histoire
d'un peuple qui a eu des relations avec un autre peu-
ple, est connue, cette histoire pourra donner des ren-
seignements précieux, en permettant de fixer quelques
époques d'une manière précise.
XX.
Si l’on dispose les mots principaux du vocabulaire
d’un peuple dans l’ordre chronologique de leur appari-
tion, et si, pour avoir des termes définis de comparal-
son, ce vocabulaire est divisé en âges successifs cor-
292
respondant aux divers états sous lesquels l'homme existe
ou a existé sur le globe, par exemple : en dge primitif
ou premier âge, en deuxième, troisième, quatrième
et cinquième âge, soit depuis l'habitant des iles de la
mer du Sud jusqu'à nous, en passant par les princi-
paux degrés de civilisation connus; si l'on compare
ensuite ce vocabulaire avec ceux des autres langues,
les aflinités se dessineront dans l'ordre même de leur
apparition fixée dans le temps.
Un travail exécuté comme il vient d'être dit satisfe-
rait à toutes les conditions discutées et exposées dans
les paragraphes précédents relatifs aux déterminations
chronologiques.
On verra, par suite de l'exécution de ce travail, que
les Basques, dès le premier àge, ont eu des relations
avec des peuples des deux Amériques et du nord de
l'Asie; qu'ils en ont eu avec les Indiens sanscrits; et
enfin, qu'à des époques plus rapprochées de nous, mais
fort anciennes, ils en ont eu avec les peuples Sémiti-
ques, les Grecs, surtout avec les Latins. L'étude chro-
nologique de la langue basque poussée jusqu'à nos
jours, démontrerait, s'il en était besoin, les relations
de ce peuple avec les Français, les Espagnols et les
Portugais.
Investigation des lieux.
Les lieux qui ont été successivement occupés par
une race ou une nation, peuvent se déduire de plusieurs
sortes de considérations :
293
1° De celle des noms mêmes des lieux qui peuvent
appartenir à la langue du peuple dont on entreprend
de restaurer l'histoire ;
2° De celle des relations de cette nation avec d'au-
tres nations qui n'ont cessé d'habiter les régions où
elles existent encore, ou bien des régions indiquées
par l’histoire ;
3° Par les noms des familles qui peuvent se trouver
dispersées à la surface du globe ;
4° Par la déduction la plus plausible qui peut résul-
ter de l'ensemble des recherches faites pour restaurer
l'histoire d'une nation,
XXI.
Les hommes qui habitent une région pour la pre-
mière fois, éprouvent la nécessité de donner des noms
aux différents accidents des lieux qu'ils habitent, afin
de pouvoir parler de ce qu'ils ont fait ou vu, ou de
donner des renseignements, des indications ou des
ordres.
Ces noms, comme tous les autres, sont formés d'a
près certaines lois et sont presque toujours significa-
tif, c'est-à-dire qu'ils rappellent un des points les plus
saillants de la localité qu'ils désignent.
Si les noms ne sont point significatifs, ils ne sont
point pour cela faits en associant des sons ou des lettres
au hasard, mais à l’aide de noms empruntés à la lan
gue du peuple qui habite la localité, noms qui rappel-
294
lent le plus souvent quelque circonstance ou quelque
fait historique dont la trace est bientôt perdue; ou bien
ce sont des noms d'hommes ou de familles. Comme ces
noms ont souvent un caractère linguistique spécial,
cela permet encore de reconnaitre leur origine.
Enfin, les noms sont cons'ruits avec des racines
perdues et entièrement sorties d'une langue, de telle
manière qu'ils n'ont aucune signification détermina-
ble; mais, dans ce cas, ils peuvent encore être de
quelque utilité, parce qu'ils ont un caractère de famille
qui permet de reconnaitre leur origine, c'est-à-dire
de les rapporter à une langue connue.
Plusieurs localités habitées actuellement par les Bas-
ques ont des noms entièrement basques.
Bayonne vient de Bai ona {bonne baie ); Mendi-
belza, montagne Noire, montagne de France, Basses-
Pyrénées; Mendigorria, (montagne Rouge). Bourg
d'Espagne en Navarre, situé sur une montagne. /{salso
(mer), village de France situé sur une montagne d'où
l'on voit la mer, Basses-Pyrénées, etc.
XXII.
Les noms des lieux ou des contrées ont une prépon-
dérance relative, lorsqu'on les considère au double point
de vue de leur ancienneté et de leur durée. Les noms
des montagnes, des fleuves, des lacs et des rivières,
sont ceux qui persistent le plus, non-seulement parce
que les objets qu'ils désignent sont eux-mêmes très-
persistants, mais parce que généralement ces noms
295
sont acceptés par ceux qui viennent habiter les régions
où se trouvent les objets auxquels il se rapportent.
Souvent ces noms subissent des altérations considéra-
bles dans leur terminaison et dans la manière de les
écrire, mais on peut encore reconnaitre leur origine
par leurs racines.
Le mont le plus élevé de la chaine du Caucase se
nomme Elburu. Si ce nom a une origine basque, on
trouve qu'il vient d'elur, neige, et de buru, tête, et
qu'il veut dire tête de neige.
Vers 42° de latitude N. , et 75° de long. O., on trouve
Bourouts dans la chaîne de montagnes qui sépare au-
jourd'hui la Chine du reste de l'Asie. Faut-il encore
voir dans ce nom le mot téle en Basque?
Le pie Cayamburo, un des plus élevés de la chaine
des Andes, sous l'équateur, n’a-t-il pas un nom qui
rappelle aussi le mot téte, souvent appliqué aux mon-
tagnes élevées?
Près de Biel, dans le nord de l’Aragon, on trouve la
Cabeza mayor, nom qui, en espagnol, signifie tête
majeure, où la plus haute tête, c'est-à-dire le pic
le plus élevé. Ce nom vient à l'appui des citations pré-
cédentes, dans l'emploi du mot téle, pour désigner un
pic ou une montagne élevée.
Les noms des villes sont souvent moins anciens que
ceux des accidents superficiels du globe. Cela se con-
çoit facilement, puisque les peuples ont existé long-
temps avant de bâtir des villes.
Les noms des localités secondaires par leur impor-
lance géographique sont aussi ceux qui s'altèrent le
296
plus rapidement; ou bien, au moins, c’est par eux que
des noms appartenant à de nouvelles langues viennent
s'intercaler parmi les plus anciens.
Les noms les plus anciens relatifs aux accidents
physiques du globe sont donc ceux qui appartien-
nent à ceux de ces accidents qui sont les plus appa-
rents; el moins il y a de ces noms appartenant à
une langue déterminée, dans une contrée où l’on ne
parle plus cette langue, et plus il y a de temps que
celle contrée a élé abandonnée par le peuple qui la
par lait.
Et par contre, lorsque dans une contrée on ne
trouve pas d'autres noms que ceux tirés de la lan-
que du peuple qui l'habite, on est conduit à penser
que ce peuple est autochthone de celte contrée, et
qu'il n'a cessé de l'habiter depuis qu'il y est venu
pour la première fois.
XXII.
Si dans une langue on trouve des mots appartenant
à plusieurs autres langues, on est conduit à penser
qu'il y a eu des relations entre les peuples qui parlaient
ces langues, soit parce qu'ils étaient tous d'une même
origine, soit parce qu'ils ont fait invasion les uns chez
les autres, soit enfin parce qu'ils ont eu simplement
des relations commerciales ou autres.
Le problème qui vient d'être posé est un des plus
compliqués et des plus difficiles à résoudre. Cependant,
297
la méthode exposée jusqu'à ce moment permet d'en
avoir la solution.
Il faudra voir :
4° Si ces mots sont primitifs dans l’ordre chronolo-
gique ;
2% S'ils sont primitifs ou dérivés dans l'ordre gram-—
matical ;
3 Enfin, il faudra, par leur propre valeur, cher-
cher la nature des relations établies entre les peuples.
Cela étant bien considéré, on pourra en déduire si
les mots dérivent d'une origine commune, s'il y a eu
invasion, ou s'ils sont le résultat de relations commer-
ciales ou autres.
En admettant que cela ait pu être fait, il faudra
chercher quelle est la combinaison qui se concilie le
mieux avec les observations.
C'est par des considérations de l'ordre précédent que
j'ai pu établir le lieu d'origine des Basques, et ceux
qu'ils ont habités à différentes époques, dont la moins
éloignée de la nôtre remonte à plus de deux mille ans.
XXIV.
Les noms de quelques familles se conservent quelque-
fois sans altération pendant un temps considérable, et
lorsqu'un peuple à changé de langue, on retrouve en-
core des noms propres qui se rapportent à sa langue
primitive.
Les noms des individus, combinés avec leurs carac-
298
tères ethnographiques, peuvent donner des renseigne-
ments d’une assez grande valeur.
Si le nom se rapporte aux carctères ethnographi-
ques, il peut passer pour un véritable nom propre long-
temps conservé. Sans celte concordance, il pourrait
n'ètre qu'un sobriquet, ou bien il aurait une tout au-
tre signification que celle dont il est ici question.
XXV.
Il n'y a point que le vocabulaire d'un peuple qui
puisse être utilisé pour une restauration historique;
les autres éléments de la langue de ce peuple offrent
aussi des sujets de recherche d’une haute importance ;
la prononciation, l'alphabet, la grammaire proprement
dite, et la littérature, sont dans ce cas.
Le mécanisme du langage, les lois auxquelles sont
assujettis les mots pour l'expression de la pensée ou la
grammaire, sont en général plus durables que ces mé-
mes mots. Ceux-ci s'usent, se contractent, et dispa--
raissent des langues par mille causes diverses; tan-
dis que les règles de leur association persistent tou-
jours; seulement, ces règles vont en se compliquant à
mesure que les langues font des acquisitions nouvelles.
La langue française offre un exemple remarquable
de la persistance des grammaires. Principalement for-
mée de mots primitifs ou communs à une foule de lan-
gues anciennes ou modernes, de mots celtiques, es-
kuariens, latins et grecs, elle est assujettie à des lois
299
grammaticales qui ne sont ni celtiques, ni eskuarien-
nes, ni latines, ni grecques :.
Indépendamment de son mécanisme, chaque langue
à encore un cachet spécial qui la caractérise. La pro-
nonciation , l'orthographe des mots, leurs désinences,
sont astreintes à des lois qui, pour n'être pas écrites,
n'en sont pas moins très-évidentes. C'est à cette parti-
cularité des langues que ceux mêmes qui ne les con-
naissent pas savent les distinguer, soit à l'audition, soit
à la lecture.
Par suite des lois spéciales à chaque idiome, les mots
qui passent d'une langue dans une autre subissent des
modifications profondes, soit dans la manière de les
prononcer, soit dans celle de les écrire.
Ces modifications rendent souvent les origines fort
difliciles à reconnaitre.
Plusieurs savants linguistes ont déjà signalé les avan-
tages que l'on peut recueillir de la comparaison des
grammaires et de la suprématie qu'elles ont sur les
mots des vocabulaires, pour reconnaitre les affinités des
langues. Sans me préoccuper de cette suprématie, qui
pourrait être contestée pour le cas particulier dont je
m'occupe, ce ne sera point trop d'avoir recours à tout
ce qui peut apporter quelque lumière pour éclairer un
sujet aussi obscur.
Je donnerai quelques détails sur la grammaire es-
\ Je ferai remarquer en passant, que la grammaire française n’est pas telle
qu'on l’expose généralement dans nos livres élémentaires : elle est plus simple et
fait tous les jours des progrès à mesure que l’on apprécie mieux les fonctions
grammaticales des mots qui composent notre langue.
20
300
kuarienne, laquelle est bien digne de l'intérêt de ceux
qui s'occupent de linguistique. Simple dans sa marche,
aussi générale que possible et ne présentant aucune es-
pèce d'exception, elle peut être signalée comme un
type que l'on pourrait imiter, mais que l’on s’efforce-
rait en vain de dépasser.
La grammaire eskuarienne, conservée intacte pen-
dant un grand nombre de siècles, est un fait des plus
remarquables, non-seulement au point de vue de la
linguistique, mais aussi de l’histoire de l'humanité.
CARACTÈRES ETHNOLOGIQUES..
Si les langues peuvent être scrutées pour retrouver
les traces de l'histoire primitive des peuples, elles ne
peuvent cependant avoir une valeur absolue; et il est
indispensable, non-seulement d'y joindre les caractères
anthropologiques de ces peuples, mais même tous les
documents, quels qu'ils soient, propres à nous éclairer.
Les langues peuvent parfaitement servir pour éta-
blir les affinités qu’elles ont entre elles; mais elles ne
suffisent pas toujours pour démontrer celles des na-
tions ou des races qui les ont parlées. On conçoit très-
bien effectivement que plusieurs races différentes, réu-
nies en corps de nation ou isolées, puissent parler la
même langue; on conçoit bien encore que la même
race, en se divisant ou en se fondant dans les autres
races, puisse arriver à parler des langues différentes.
Cette seule pensée fait naitre une foule de problèmes
dont la solution est souvent fort diflicile et exige as-
301
surément un grand travail. J'en examinerai quelques-
uns par la suite, et je m'efforcerai d'en donner une so-
lution probable; mais ce ne pourra être par les seules
études linguistiques : il faudra leur adjoindre des re-
cherches sur les races humaines et sur leur conserva-
tion , leur altération et les modifications plus ou moins
profondes qu'elles éprouvent de la part du temps, des
circonstances et des croisements.
Je donne le nom d’ethnologie à une partie de l'an-
thropologie qui comprend l'ensemble de ce qui est re-
latif aux races considérées en elles-mêmes, dans leurs
ascendants et leurs descendants, et dans leurs rapports
avec les circonstances qui les entourent; l'ethnogra-
phie n’en est elle-mème qu'une partie fort circonscrite.
Les caractères ethnologiques qu'il faudra consulter
pour essayer de résoudre les problèmes qui se ratta-
chent à l'histoire des Escualdunais primitifs, appar-
tiennent à cinq ordres principaux, susceptibles d'être
divisés et subdivisés, qui comprennent :
1° Les caractères anatomiques ;
2° Les aptitudes et les facultés ! physiques ;
3° Les aptitudes et les facultés instinctives;
4° Les aptitudes et les facultés artistiques ;
5° Les aptitudes et les facultés intellectuelles.
Les caractères anatomiques se réduisent générale-
ment, et faute de plus amples renseignements, à l’'as-
pect extérieur des individus; c’est parmi eux que vien-
nent se ranger la forme du visage et du crane, celle
des màchoires et du nez, la taille, la couleur, etc.
! Le mot faculté est pris dans le sens de puissance de faire ou d'exécuter,
302
Les aptitudes et les facullés physiques compren-
nent les dispositions naturelles, qui permettent d’exer-
cer certaines actions avec ou plus ou moins de facilité;
c'est à elles que se rapportent la gymnastique et les
professions manuelles. Ces dernières ont des con-
nexions intimes avec le groupe des facultés artistiques.
Les aptitudes et les facultés instinclives compren-
nent une foule de penchants que l'homme possède sou-
vent en commun avec les animaux supérieurs; il en
est cependant plusieurs qui sont propres à l'homme.
Ces penchants, lorsqu'ils sont modérés, passent ina-
perçus. Développés jusqu'à un certain point et dans
des circonstances déterminées, ils peuvent devenir des
vertus, des vices, des tendances au crime et à la mo-
nomanie.
Parmi ces penchants, on distingue la làcheté, la
bravoure; la probité, le penchant au larcin, au vol;
la crainte, le courage, la témérité; l'indolence, la pa-
resse, le penchant au travail; l'intempérance, l'abus
de toutes choses; la charité, l'égoïsme; la franchise, la
dissimulation , l'hypocrisie ; la loyauté, la ruse, la four-
berie, etc.
Les aptitudes et les facultés artistiques compren-
nent tout ce qui se rattache aux beaux-aris, tels que
la sculpture, le dessin, la peinture, et l'architecture,
comprise dans le sens de sa valeur étymologique.
Les aptitudes et les facultés intellectuelles compren-
nent principalement la mémoire, la conscience, l'ap-
préciation des relations et des analogies ‘, et les facul-
1 C'est de cette faculté que dépendent le jugemént, le raisonnement, la dé
303
tés d'analyser, de réunir, d’abstraire et d'inventer.
Plusieurs auteurs admettent la persistance des ca-
ractères ethnologiques, malgré l'influence des circons-
tances; d’autres admettent au contraire, et M. Pri-
chard est de ce nombre, que les caractères ethnologi-
ques s’altèrent avec une grande facilité, et surtout avec
la latitude habitée par l'homme. Sans prétendre juger
ici quelle est de ces deux opinions opposées celle qui a
le plus de probabilités pour elle, on devra admettre,
sans aucun doute, qu'à l'abri des croisements et dans
des circonstances toujours les mêmes, les races se con-
servent dans toute leur pureté. Ce sera sur ce théo-
rème, dont la solution ne peut laisser le moindre doute,
que je m'appuierai principalement.
Les principaux problèmes que nous aurons à résou-
dre, pour apporter quelque exactitude dans l'histoire des
Basques primitifs, seront les suivants :
1° Lorsqu'il existe des rapports linguistiques entre
deux peuples qui diffèrent essentiellement par leurs ca-
ractères ethnologiques, faut-il admettre que ces deux
peuples dérivent d'une même souche, modifiée par les
circonstances ; ou bien qu’étant nettement distincts par
leur origine, les rapports linguistiques se sont établis
par des communications de race à race?
2° Lorsque des races possèdent des caractères eth-
nologiques semblables et parlent des langues essentiel-
lement différentes, faut-il admettre qu'elles ont une
origine commune, ou le contraire?
daction, l'induction, la généralisation, la détermination des lois de la nature
et la coordination ou la classification,
304
3° Que peut-on conclure de ce que des peuples of-
frent des relations restreintes entre les langues qu'ils
parlent et leurs caractères ethnologiques?
Afin d'éviter des répétitions, ces problèmes ne seront
étudiés que dans la troisième partie de ce travail. Il est
facile de voir que le troisième problème est complexe,
et que les solutions que l’on peut en donner doivent va-
rier selon la nature des relations linguistiques et eth-
nologiques,
MOEURS , COUTUMES , USAGES.
Il'est des coutumes et des usages qui se perpétuent
chez les peuples pendant un temps si considérable,
malgré une foule de modifications religieuses, politi-
ques ou sociales, que ces mêmes usages peuvent servir
pour reconnaitre les affinités qui existent entre eux.
Les Basques ont des coutumes bizarres qui se pra-
tiquent lorsque les femmes accouchent, qui ont existé
autrefois en Corse, et que l’on a retrouvées dans la
province de Kardan, chez plusieurs hordes tartares,
et jusque dans l'Amérique du Sud.
Lorsqu'un Basque meurt, on fait de grandes réjouis-
sances, et cet usage singulier existe encore au Chili.
Les usages et les coutumes des peuples ne peuvent
seuls permettre de juger les affinités des races, mais
ils donnent des indices pour rechercher ces affinités
par d'autres moyens plus précis. Si l'on trouvait réu-
nis, par exemple, des usages semblables avec des affi-
nités linguistiques et des relations ethnologiques, on
serait forcé de conclure, même malgré l’histoire, qu'il
305
y a unité d'origine. Ce résultat pourra être obtenu
pour plusieurs peuples qui offrent ces relations avec
les Basques.
ÉVOLUTION SOCIALE COMPARÉE.
L'homme existe encore à notre époque à tous les de-
grés de l'évolution sociale, dans les différentes régions
du globe. On l'y trouve, depuis l’état sauvage où il vit
sans vêtements et sans agriculture, jusqu'à celui de
l'Europe moderne, en passant par tous les points in-
termédiaires que l'histoire de l'évolution sociale nous a
fait connaitre.
L'étude comparée de l'homme dans ces différentes
conditions, celle des moyens par lesquels il s'élève peu
à peu de l’état de la plus grande simplicité à cette con-
dition qui est la nôtre, peut fournir d'amples rensei-
gnements pour faciliter l'étude de l'histoire primitive
d'un peuple quelconque; car cette histoire nous ap-
prend que toutes les races, suflisamment perfectibles,
sont passées à peu près par les mêmes degrés de civili-
sation, et que les mêmes inventions relatives, soit à
leurs besoins de tous les jours, soit à leur défense per-
sonnelle, ont été à peu près les mêmes partout.
C'est ainsi que tous les peuples se sont servis de ha-
ches de pierre, et qu'ils ont fait des poteries même à
l'époque antédiluvienne ‘, et que partout ils ont su se
servir de bâtons, de zagaies, d'ares et de flèches.
! On a rencontré des débris de poteries mêlées à des ossements humains et
enfouics dans des grottes, au—dessous de débris d'animaux dont plusieurs espè—
ces sont perdues, telles que l’ursus spæleus, etc.
306
C'est là le résultat de l'observation; mais il est facile
de se rendre compte de la filiation forcée de ces faits;
car partout l'homme étant construit de la même ma-
nière, à moins de n'être pas homme, et partout ayant
rencontré les mêmes matériaux, soit minéraux, soit
organiques, il a dû en disposer selon la nature de ses
organes et le plus ou moins de puissance de ses facul-
tés intellectuelles.
De l'identité de l'être et des circonstances dans
lesquelles il s'est trouvé, on déduit l'identité des
produits qu'il a formés.
Cette unité du mode d'évolution sociale et industrielle
de l'homme a tellement été générale, que tous les jours
elle vient se confirmer par les recherches des archéo-
logues; mais, bien plus : l'histoire proprement dite,
telle qu’elle a été écrite par Hérodote, Strabon et Dio-
dore de Sicile, nous apprend que, du temps de ces his-
toriens, plusieurs peuples européens étaient encore
dans l’état de barbarie où se trouvaient à peu près les
peuples océaniens lorsque la découverte en fut faite par
les navigateurs. Les Eskuariens, et même nos propres
ancêtres, étaient dans cette condition il y a environ
deux mille ans.
L'étude comparée de l'évolution sociale de l'homme,
telle qu'elle peut être observée à notre époque sur
divers points du globe, l'invariabilité du mode d'é-
volution, peuvent donc être d'un grand secours pour
l'étude de l'histoire primitive d'une race quelconque,
car ce qui a eu lieu pour un peuple a eu également
lieu pour les autres peuples, à quelques modifica-
tions près.
307
I PARTIE.
APPLICATION DE LA MÉTHODE D’INVESTIGATION HISTORIQUE.
LANGUE.
Je me suis efforcé de démontrer, dans la première
partie de ce travail, qu'en soumettant la langue d’un
peuple à un examen spécial, il était possible d'en tirer
des renseignements considérables sur son origine et
sur les relations qu'il avait pu avoir avec d’autres peu-
ples; en un mot, que l'on pouvait en déduire des no-
tions suflisantes pour restaurer son histoire sociale.
Dans cette deuxième partie, je vais m’efforcer d'appli-
quer la méthode d'investigation historique qui à été
développée dans la première.
L'étude de la langue d'un peuple comprend essentiel-
lement celle des mots qui la forment et celle des rè-
gles auxquelles leur association est soumise pour repré-
senter les idées et les transmettre.
L'ensemble des mots forme un vocabulaire.
Les règles de l'association des mots constituent une
grammaire.
Les mots peuvent être considérés non-seulement au
point de vue de leur signification directe, mais ils peu-
vent aussi être étudiés aux divers points de vue de
leurs racines, de leur dérivation et des analogies qu'ils
présentent avec les mots des autres langues.
308
Pour compléter cette étude , il faudra classer les mots
de cette langue dans l'ordre chronologique, rechercher
à quelles époques se présentent les analogies qu'ils of-
frent avec les mots d'autres langues, et il importera
enfin de rechercher les lieux dont les noms peuvent
avoir été formés avec les racines de cette langue.
L'examen qui vient d'être fait conduit à étudier une
langue dans l’ordre suivant :
Grammaire,
Vocabulaire,
Racines,
Parasynonymes,
Vocabulaires comparés,
Vocabulaire chronologique,
Vocabulaire des noms de lieux.
Avant de procéder à l'examen de ces diverses par-
ties,, il est utile de rechercher l'origine des noms divers
qui ont été portés par les Basques.
Des noms divers de la nation basque
Le peuple que nous désignons aujourd'hui sous le
nom de Basque a été nommé successivement Jbérien,
Cantabre et Basque; il se nomme lui-même Eskual-
dunac, et il donne à sa langue le nom d'eskuara ou
d'euskara.
Tant de peuples ont formé des colonies en Espagne,
que l’histoire ne permet pas d’aflirmer que les Basques
actuels soient les descendants des anciens lbériens; ce-
309
pendant, cette opinion à de grandes probabilités pour
elle.
L'Espagne a porté très-anciennement le nom d’/bé-
rie; et comme les Basques passent pour avoir été les
premiers habitants de cette contrée, on a cru devoir
les nommer Jbériens.
D'une autre part, la Géorgie actuelle, située au pied
méridional de la chaine du Caucase, a porté très-an-
ciennement aussi le nom d’/bérie; et rapprochant ces
noms, on à pensé que les Ibériens, partis du Caucase,
étaient venus s'établir en Espagne et avaient donné
leur nom à cette contrée.
Lorsque Hérodote écrivait, dans le cinquième siècle
avant Jésus-Christ, les Ibériens du Caucase avaient
déjà émigré, et cette contrée, comme aujourd'hui, était
habitée par plusieurs nations différentes. Ce serait donc
au moins cinq siècles avant Jésus-Christ que les Ibé-
riens auraient émigré. Selon Varron, ce serait quinze
cents ans avant le Christ qu'ils se seraient rendus en
Espagne par le nord de Ftalie,
Arrivés dans la péninsule hispanique par le passage
qui existe entre la Méditerranée et les Pyrénées, ils
auraient d'abord habité la Catalogne, l'Aragon, puis les
provinces qu'ils occupent encore. C’est là qu'ils auraient
donné le nom d'/berus à l'Ébre *.
Strabon, qui vivait dans le premier siècle de l'ère
! Iberus veut dire un véritable fleuve: ou tirant ce nom d'Ibaia, ou eau
courante, rivière ou fleuve, et d'eria, terre, ce nom voudrait dire terre arrosée
par un fleuve. Ce nom convient parfaitement à la vaste plaine de l'Aragon, arro-
sée par l'Ébre et ses afluents.
310
vulgaire , a désigné les Basques actuels sous le nom de
Cantabres; ils habitaient alors la contrée où ils se
trouvent maintenant.
Les détails donnés par ce savant géographe sont si
précis, qu'il ne peut y avoir aucun doute sur l'identité
des Cantabres et des Basques.
Strabon donne aussi des détails sur les Vascons, qui
habitaient la contrée comprise entre les Pyrénées et la
Garonne, et il les distingue nettement des Cantabres par
leurs caractères ethnographiques et par leurs mœurs.
Ce nom de Vascon parait être l’origine des noms Bas-
que et Gascon, en changeant la mutable v en b et
en g.
Il faut remarquer ici que la transformation du b en
v appartient au génie des langues du midi de la France,
et que celle du v en g appartient aux langues du nord
de ce pays ou aux Flamands *.
Les Espagnols ont étendu le nom de Vascon aux
Cantabres, qu'ils ont nommés Basques; et les Fran-
cais, ne confondant point les Cantabres et les Vascons,
ont donné le nom de Gascons à ces derniers, et celui
de Basques à ceux que les Espagnols nommaient Bas-
ques (lisez Baskèsses ).
Le nom de Vascon vient d'un mot commun aux lan-
gues les plus anciennes comme aux plus modernes, et
qui veut dire successivement nourrilure, paire el
pasteur (V. les dérivés analogiques ), et semble indi-
‘ En Flandre, on dit wantier pour gantier; et une rue de Valenciennes porté
encore le nom de rue Des Wantiers. On dit aussi Guillaume pour Willaume,
et Gallois pour Wallons.
311
quer que les peuples qui habitaient l'Aquitaine étaient
des peuples pasteurs.
Les Basques se nomment eux-mêmes Escualdunac.
Ce nom à donné naissance à des recherches qui n'ont
point été heureuses.
lharce de Bidassoet voit dans ce nom escu alde
dunac, main favorable à ceux qui l'ont! Et il se
fonde, pour appuyer sa trouvaille, sur ce qu'il n'est au-
cun peuple qui soit aussi habile à se servir de ses mains
que les Basques. Il est malheureux que des mains aussi
habiles n'aient jamais produit d'œuvres artistiques; car
elles eussent sans doute dépassé tout ce que l'on a pro-
duit jusqu'à ce jour.
On dit encore qu'ils se nomment ainsi, parce qu'ils
vivaient de glands { ezcurrac ).
On peut voir, dans ce mot composé : ezcu alde dun,
man, où chêne, ou gland; région ou côté, et monta-
gne, en tirant ce nom de la langue celtique et proba-
blement d’une racine basque perdue. D'où, en choisis-
sant dans ces racines, ce nom signifierait : habitant de
la région montagneuse des chênes. Ce nom convient
parfaitement à la partie des Pyrénées habitée par les
Basques.
Les Basques ne sont point d'accord sur le nom donné
à leur langue : les uns veulent que ce soit ezkuara,
el les autres veulent que ce soit euzkara et mème
uskara.
L'interprétation donnée au mot ezcualdunac vou-
drait que le premier nom füt le seul vrai; il serait une
contraction, qui voudrait dire : des chênes, ou habi-
tant des chênes.
312
En résumé, ôn verra par la suite qu'il est éminem-
ment probable que les Basques sont les descendants des
Ibériens; que ce sont certainement les anciens Canta-
bres dont parle Strabon; que le nom de Basque qu'on
leur donne actuellement n'est point le leur, et que le
nom Æscualdedunac, sous lequel ils se désignent d'une
manière spéciale, a une signification fort incertaine,
quoique ce soit bien évidemment un nom composé et
qui doit être significatif *.
Grammaire.
La langue basque (eskuara) peut être parlée à l'aide
de cinq voyelles et de vingt-quatre articulations * qui
n'existent pas dans tous les dialectes; il résulte de là
que son mécanisme verbal est fort simple.
Les voyelles sont toutes très-sonores et rendent cette
langue éminemment apte à être chantée; car tous les
sons pourraient en être exprimés à pleine voix comme
ceux de la langue italienne.
‘ S'il était possible de rechercher dans le quichua , ou la langue des Incas,
l'origine du mot escuara (escu, main; huarakca, fronde de ce nom signilie—
rait manieur de fronde.
Cette étymologie singulière rapprocherait les Basques des habitants des Iles Ba-
léares, que l’on croit de la même origine, et qui n'ont reçu ce nom que parce
qu'au moyen de la fronde ils lançaient des pierres avec une telle adresse, qu'ils
s'étaient rendus fort redoutables.
? Les voyelles se nomment bechao, en basque, et les consonnes oskide.
Les premières rappellent l'organe de la bouche par la particule bech on bec,
qui est conservée dans la langue brezonne avec la même signification.
Les secondes rappellent le son par os, contraction d'ots, et veut probablement
dire qui détermine Le son.
343
On trouve souvent plusieurs voyelles de suite dans
la langue basque, et cela est peut-être cause que plu-
sieurs d'entre elles sont aspirées; mais pour peu qu'on
s'exerce à lire cette langue, on n'y trouve pas le moin-
dre hiatus qui nuise à la diction.
La langue basque ne possède pas le % grec, qui se
retrouve dans la langue brezonne sous la forme ch’;
dans l’allemande, sous celle de ch, et dans l'espagnole,
sous celle de 7 ou de æ.
A Itsaso, le c est prononcé fs, comme en Prusse,
et ce son se rapproche du c italien {ch. Les habitants
de ce village peuvent écrire harca pour hartza, ours.
Il est éminemment probable que les Latins pronon-
çaient ainsi le c, peut-être bien des deux manières,
selon les dialectes.
Le ch se prononce comme en Espagne, {chi. À Us-
taritz et à [isatso, l’s se prononce comme le ch français.
La lettre ñ, semblable à celle des Espagnols et au
gn nazal des français, remplace la lettre » dans les dia-
lectes parlés en Espagne. Il est probable que ce son
est étranger à la langue basque proprement dite.
Le v est rare dans la langue basque, et se trouve
presque constamment remplacé par le son b. Les sons
de l’f ou du ph ne sont employés que plus rarement
encore, et tous lui sont étrangers. Dans le dialecte du
Labourt, on écrit ebanyelio pour évangile.
Je n'ai vu aucun auteur distinguer la prononciation
de quelques villages français, /tsaso et Ustaritz, de
celle des autres contrées basques; cependant, elle en
diffère essentiellement, et l'opinion la plus probable, est
314
que cette prononciation est la moins altérée de toutes,
parce qu'elle affecte un son particulier à chaque let-
tre. En dehors de ce dialecte, le €, ls et le 3 se trou-
vent confondus. Pour ces contrées, ces sons corres-
pondent aux sons français {s, ch et s sifllante.
Il résulte de ce court examen, que la prononciation
basque la moins altérée, à quelques exceptions près,
se rapproche infiniment de celle du latin, et que l'al-
phabet des deux langues est le même, non-seulement
quand on le considère dans les lettres qui servent à le
former, mais quand on le décompose en ses véritables
éléments phonaux. Nous verrons bientôt qu'il existe
d'autres points de contact entre ces deux langues.
La grammaire basque, hilzekinda, science de la pa-
role, diffère essentiellement de toutes les grammaires
d'Europe. Ce qui la caractérise particulièrement, c'est
une simplicité extrème et une harmonie parfaite de
toutes ses parties.
La simplicité de la grammaire basque la rapproche
tellement de la grammaire générale la mieux raisonnée,
que l'on pourrait croire qu'elle est le résultat d'une
profonde analyse des langues, si lon ne devait plutôt
demeurer convaincu que cette simplicite est le résul-
tat et la preuve de l'ancienneté de la langue à la-
quelle elle s'applique, et de l'isolement complet du
peuple qui la parle. En effet, les grammaires de l'Eu-
rope moderne, et même les grammaires grecque et
latine, ne paraissent présenter quelque complication
que parce que, à n’en pas douter, les langues parlées par
tous les peuples auxquels appartiennent ces grammai-
345
res, sont formées par les lambeaux de plusieurs autres
langues; ce qu'il serait facile de prouver, et par la lin-
guistique, et par l’ethnologie.
Si l'on voulait s'en rapporter à quelques auteurs bas-
ques qui ont écrit sur leur langue, celle-ci ne com-
prendrait que deux espèces de mots : le nom et le verbe.
Cest là une prétention fondée sur un système lin-
guistique peu éclairé et qui veut trouver du merveil-
leux là où il ne peut y en avoir. Si une langue était
réduite à ces deux seules espèces de mots, telles que nous
les comprenons, elle serait d'une pauvreté extrème et
ne pourrait exprimer ni les divers états des êtres, ni
leurs rapports mutuels. Mais par deux sortes de mots,
il faut entendre, qu’à cela près de quelques faibles ex-
_ceptions, tous les mots de la langue basque sont réduc-
übles aux conditions grammaticales du nom et du ver--
be; c'est-à-dire que tous les mots peuvent être déclinés
ou conjugués.
Voici comment Darrigol prétend démontrer que la
langue basque n’a pas de véritables conjonctions :
« Mais pour ce qui concerne les conjonctions envi-
» sagées comme une espèce particulière de mots, elles
» se réduisent à peu de chose, n'étant pour la plupart
» que des noms tantôt modifiés par les déclinaisons,
» tantôt employés comme indéclinables ‘. »
La langue basque, comme toutes les autres langues,
a besoin de conjonctions pour réunir les parties du
discours, ou plutôt pour indiquer la filiation qui existe
! Dissertation sur la langue basque, p. 88-89,
ol
316
entre les idées et les raisonnements; et si c'est parce
qu'elles ne comprennent qu'un petit nombre de mots
qu'il faut n’en pas tenir compte dans cette langue, il
est évident que l'on peut, au même ütre, supprimer
celte partie du discours dans toutes les autres langues.
Qu'un mot puisse être pris et employé tour à tour
comme substantif ou adjectif, cela se peut et se ren—
contre dans toutes les langues; mais ce mot n'est pas
moins alternativement substantif ou adjectif, sa valeur
grammaticale ne dépendant pas de sa ressemblance
écrite où phonique avec uñ autre mot, mais de son em-
ploi dans le discours, ou, en propres termes, de sa
fonction grammaticale.
En résumé, la langue basque, quels que soient les
moyens qu'elle emploie, satisfait à toutes les fonctions
grammaticales des parties du discours reconnues dans
les autres langues, et elle peut tout exprimer avec sim-
plicité, netteté et précision.
L’immense simplicité de la grammaire basque ne pou-
vant être considérée comme le résultat d'un profond tra-
vail de linguistique, se trouve être l'expression naturelle
et naïve d'une langue primitive, qui a su se préserver
de l'invasion des autres langues, soumises à des méca-
nismes différents, souvent corrompues et représentant
le mélange de plusieurs langues. Elle indique aussi,
dans le peuple qui en fait usage, une grande indépen-
dance de caractère, qui a pu être conservée depuis l'o-
rigine de la race escualdunaise jusqu'à nos jours, mal-
gré les vicissitudes qui sont indiquées par la chute
successive d'un grand nombre d'empires.
317
Les principes de la grammaire basque se rappro-
chent tellement des principes de la grammaire générale
la mieux raisonnée, que si l'on devait un jour adopter
une langue universelle, ce serait la langue basque qu'il
faudrait prendre de préférence à toute autre. En un
mot, là grammaire basque offre un modèle d'une si
grande perfection, que l'on pourra peut-être l'imiter,
mais qu'on ne le dépassera jamais.
Les langues que l'on eroit les plus parfaites, telles
que le sanserit, le grec, le latin, deviennent des mo-
dèles de confusion lorsqu'on les compare à la langue
basque. Si la simplicité des moyens mécaniques d'une
langue indique une simplicité d'origine; la complica-
tion de ces moyens, les exceptions qu'ils offrent à cha-
que instant, doivent être la preuve du contraire. Les
langues qui sont dans ce dernier cas ont dù accroître
leur vocabulaire et leur grammaire par une foule d'em-
prunts faits à d'autres langues.
On a taxé les grammairiens basques d'exagération
lorsqu'ils ont parlé de leur langue; mais ils sont plus
qu'excusables : l'enthousiasme est permis quand on
soccupe d'un sujet aussi remarquable et aussi digne
d'intérèt.
On ne peut douter que l'étude de la langue et de la
grammaire basques ne puisse devenir l'origine de re-
cherches linguistiques qui seraient à jamais restées en-
sevelies dans l'oubli, si cet idiome n'avait été conservé
d'une manière pour ainsi dire miraculeuse.
Plusieurs auteurs pensent que les Basques avaient
un alphabet fort ancien qu'ils ont abandonné; mais il
318
n'en reste aucune preuve. Si l’on consulte leur voca-
bulaire, on trouve successivement :
Escritura, écriture; Librua, livre ;
Escuseribatua, manuscrit; Abecea, alphabet ;
Escola, Icasola, école; Escolamaistrea, maitre d'école;
qui semblent indiquer que les Basques ont recu l'écri-
ture des Romains, et que l'ouverture des écoles a été
la conséquence de cette nouvelle acquisition.
La similitude des mots basques et romains relatifs
aux premiers éléments des langues et à leur enseigne-
ment, pourrait peut-être porter à penser que ce sont
les Romains qui ont recu un alphabet des Basques. Cela
serait possible; mais Strabon, qui écrivait au siécle
d'Auguste, nous dépeint les Basques ou Cantabres com-
me des hommes nus ou couverts de peau, dont la plu-
part vivaient dans des tannières : l'opinion contraire
est donc infiniment plus probable.
Lorsque l'on s'occupe de rechercher l'histoire des
Basques par les mots de leur vocabulaire, il faut faire
biep attention que chaque idée est souvent représentée
par des mots fort différents, et qu'en prenant certains
synonymes à l'exclusion des autres, on pourrait tom-
ber dans l'erreur. C'est ainsi que l’on trouve aussi
agercaya pour exprimer l'écriture; d’où l'on peut con-
clure que les Basque avaient quelque moyen d'exprimer
leur pensée par des signes tracés à la main; mais que
ces moyens étaient inférieurs à ceux qu'ils ont adoptés
définitivement, puisqu'ils les ont abandonnés.
319
La logique n'était pas étrangère aux Basques, puis-
qu'ils ont deux mots pour la représenter : billegidea
et dialectica. Le premier est un mot composé de raci-
nes basques, le second est grec.
Ils peuvent exprimer l'idée d'argument de plusieurs
manières différentes; et, chose incroyable, argimen-
dua parait d'origine basque, et veut dire : lumière de
l'esprit. Cette étymologie est tellement significative,
qu'elle porterait à penser que les Basques sont les vé-
ritables créateurs de ce mot, contre l'opinion généra-
lement reçue qui en fait honneur à Aristote; mais, il
faut le reconnaitre, contrairement à son propre aveu.
La littérature est représentée par Jakindea, qui est
le nom de la science en général. C’est, en effet, par la
littérature que les sciences peuvent être consignées
dans des ouvrages et transmises d'âge en àge.
La poésie n'était pas étrangère aux basques, puis-
qu'ils ont une suite de mots divers et de différents âges
qui s'y rapportent; et quoique nous n'ayons pas d'an-
ciennes poésies basques, il est évident que cette partie
de la littérature était connue de ce peuple. Toutefois,
cela est-il dû au caractère du peuple basque, cela est-
il inhérent à sa langue, qui, par cela même qu'elle est
fort simple et pour ainsi dire mathématique, ne se prête
pas aux élucubrations poétiques, le peu de poésie bas-
que que l’on possède est plus prosaïque que poétique ;
on n'y trouve ni profondeur d'imagination, ni coloris,
ni richesse d'expressions.
320
Vocabulaire.
ASTRONOMIE ET DIVISION DU TEMPS ‘.
L'étude des connaissances astronomiques des Bas-
ques et de leur manière de diviser le temps est une
des plus importantes auxquelles on puisse se livrer,
parce qu'elles peuvent donner des renseignements pré-
cieux sur leur origine et les premiers lieux qu'ils ont
habités ; aussi entrerai-je dans des détails aussi considé-
bles que le comporte un sujet de cette importance.
Les Basques ont donné le nom d'izsarjakindea (scien-
ce des astres ), à l'astronomie et à l'astrologie.
Par 23arra, ils entendent un astre ou une étoile. Ce
nom parait vouloir dire lumière de la nuit (ikus
zaroa ), comme ceruargia , Son synonyme, veut po
sitivement dire lumière du ciel.
Les noms du ciel, cerua et zeha, rappellent cælum
des Latins.
Le soleil ekia, eguzkia et iruzkia, a, dans le pre-
Larramendi, qui ignorait les sciences naturelles et médicales, ignorance dont
il a donné plusieurs preuves dans son dictionnaire trilingue, a dû commettre bien
des erreurs en astronomie, en minéralogie, en botanique, en zoologie, en ana—
tomie et en médecine. J'ai fait tout ce que j'ai pu pour les éviter; mais je n’ai
pas loujours réussi, faute de racines plus complètes que celles que j'ai tirées de
ce même dictionnaire.
Larramendi a aussi laissé des lacunes à remplir, et je n'ai pu les combler. Par
exemple, il ne donne pour le nom du requin qu'une phrase, voulant dire : une
espèce de loup de mer. Il est impossible que les Basques, hardis navigateurs ,
n'aient pas eu un nom spécial pour cet animal.
321
mier cas, une communauté d'origine avec la racine
sanserile eg, qui veut dire lire ".
La lune a reçu le nom d'ilargia; ee nom veut dire
lumière morte, pour exprimer que la lumière de la
lune est sans chaleur ou sans ardeur *.
Les Basques ayant désigné l'obscurité par t/luna
{sans lune ), il est probable qu'ils ont connu le nom
de luna; mais ce n'a pu être que par les Latins, ainsi
que le démontre la particule négative ?/, qui vient de
cette langue. Les Basques auraient dit ezluna, ou lu-
naguea, pour exprimer la même idée. Ils distinguaient
la nouvelle lune i/berria, et la pleine lune illargibe-
tea. Ils nommaient i/zarra, ou vieille lune, celle qui
est sur son déclin.
Les comètes sont nommées izarkea, ce qui veut
dire éloile, ou astre vaporeux.
Il y à plusieurs noms pour exprimer la nuit, et ce-
lui de zaroa est de la même origine que notre mot
sour .
Le zodiaque est connu des Basques, qui lui ont donné
_ le nom de senesia (signes), nom qui indique qu'ils ne
l'ont pas reçu des Grecs.
Les signes du zodiaque basque ne diffèrent en rien
de ceux que nous avons adoptés.
Le zodiaque des Chaldéens différait du zodiaque des
! Les autres noms ont des racines incertaines; ils voudraient dire : Lumière
du jour, véritable lumière, ou qui Lance ou dispense La lumière.
Darrigol et d’autres auteurs ont cherché les racines d'ilargia, et n'ont rien
trouvé de plausible. L'étymologie que je viens de donner me parait si simple et
Laturelle, qu’elle doit être vraie.
322
Égyptiens; celui-ci n'avait pas le signe du bélier, que
l'on trouve sous le nom d'aruzara dans le zodiaque
basque. Les Basques n'ont donc point acquis la con-
naissance du zodiaque par les Égyptiens; ils ne sont
dont point passés par l'Égypte pour venir en Europe;
ou, s'ils leussent fait, c'eût été à une époque anté-
rieure à linvention du zodiaque égyptien, et plus tard
ils auraient connu le zodiaque dans la péninsule hispa-
nique, par leurs communications avee les Latins.
Il paraît que les Grecs n'ont commencé à se livrer À
l'étude de l'astronomie que quatorze siècles avant J.-C.,
et que ç’a été l'un des résultats du voyage des Argo-
nautes. Ce voyage avait pour but de se rendre en Col-
chide, située au S.-0. du Caucase, et qui touchait à
l'Ibérie. Si les habitants de la Colchide connaissaient
le zodiaque, ceux de l’Ibérie devaient le connaître aussi ;
mais déjà les [bériens avaient émigré, si ce n'est le
voyage des Argonautes qui ne leur a donné l'idée d'al-
ler chercher une autre patrie, où ils seraient moins ex-
posés aux invasions de leurs redoutables voisins du S.-E.
Il n'existe chez les Basques aucune trace de la divi-
sion du zodiaque en vingt-sept signes, qui parait avoir
précédé, chez tous les peuples observateurs, la division
en douze signes. Les Basques n'ont done pu connaitre le
zodiaque que depuis l'établissement définitif de l'année
solaire, qui en a fait fixer le nombre des signes à douze.
Les Basques nomment l'année wrtea. Ts ont main-
tenant quatre saisons : uda berria, le printemps; uda,
l'été; udazkena, l'automne; negua, l'hiver.
En analysant les noms des saisons, on trouve qu'ils
323
veulent dire : le nsuvel élé, l'élé, l'élé finissant, et
l'hiver.
Il est éminemment probable que les Basques n'ont
d'abord distingué que deux saisons, wuda et negua, et
que par la suite ayant changé de résidence, et par
analogie avec les saisons des peuples devenus leurs
voisins, ils ont employé les noms intermédiaires.
Il est deux circonstances dans lesquelles on peut
n'admettre que deux saisons : c’est lorsque l'on habite
les pôles ou la région tropicale de l'Amérique méridio-
nale. Dans le premier cas, on a une saison de glace,
de sommeil et de nuit, et une saison dans laquelle l'eau
reprend son état liquide; dans le second cas, on a la
saison des pluies et la saison de la sécheresse.
Cherchons laquelle de ces deux opinions il faut
adopter.
Negua veut dire plus d'eau, et convient aussi
bien à la saison des glaces qu'à celle de la sécheresse.
Uda n’a pas de racine qui le rende explicable; mais il
paralt vouloir dire : le don de l’eau, la saison de l'eau ;
et ce nom convient encore aussi bien à la saison d'été
des terres polaires arctiques qu'à la saison des pluies
des régions équatoriales de l'Amérique.
Si l'on considère que negua est la paraphrase de
notre mot neige; que negua correspond à la saison
d'hiver chez les Basques, qui n'ont point dû avoir de
raison pour changer la signification. de ce mot, il de-
vient certain que ces noms conviennent aux terres
polaires et non aux régions équatoriales du nouveau
monde.
324
Les mois se nomment ?/a, illa, et illabete en lan-
gue eskuarienne.
Ila ou illa est une partie du nom de la lune qui n’en
rappelle nullement la signification, puisque ce nom
employé seul indique la mort. Mais il arrive souvent
dans les langues que des fractions de mots composés
entrent dans la construction de nouveaux mots com—
posés, avec le sens entier du mot dont ils viennent, et
rendent ainsi les analyses des plus difficiles.
Ilabetea est le nom de la pleine lune, et doit, pour
_ le cas présent, sans doute, être traduit par une lunai-
son entière.
Les mois de l'année basque sont représentés par
plusieurs synonymes pour chacun d'eux. Plusieurs de
ces synonymes sont oubliés dans certains dialectes et
se retrouvent dans d'autres. Ces synonymes ont du
être établis à des époques fort distantes les unes des
autres, et pour satisfaire à cerlaines exigences.
S'il est difficile de trouver la signification de quel-
ques mois de l'année romaine, il ne l'est pas moins de
trouver celle des mois de l'année basque ‘. Cependant,
plusieurs des noms de ces mois se prêtent à une ana
lyse qui parait satisfaisante sous tous les rapports.
Considérés sous ce point de vue, les mois de l'année
‘ Plusieurs érudits basques ont cherché l'interprétation de la signification des
mois de l’année. Darrigol a donné une explication plausible de la plupart d’entre
eux.
J'ai consulté sur ce sujet M. Archu, qui, avec son obligeance habituelle, a
bien voulu me donner des renscignements conformes à ceux de Darrigol, et qui
viennent les corroborer.
325
basque appartiennent à trois catégories : 4° celle de
noms dont l'analyse est diflicile et incertaine; noms
qui paraissent appartenir à une époque fort ancienne ;
2° celle de noms qui se prêtent à l'analyse, et qui, en
général, se rapportent à l'agriculture; 3° celle de noms
d'origine romaine.
Les mois basques sont disposés selon cet ordre dans
le tableau suivant :
Beltzilla-llbaltza. Urtarilla. Janvier.
Otsailla, Ceceila. Février.
Epailla. Marcchoa. Mars.
Jorailla. Aphirilla. Avril.
Ostaroa. Mayatza. Mai.
… Ci an Erearoa. Juin,
Garilla. Uztailla. Juillet.
Agorilla. Abostoa. Août.
Irailla. Buruilla. Septembre.
Urilla, Uria. Octobre.
Acilla, 4zaroa. Cemendilla. Novembre.
Lohilla, Lotazilla. Abendua. Abendua. Décembre.
Beltzilla et Ibatza veulent dire la lune noire.
Ce nom, qui ne trouve guère d'explication dans nos
contrées, convient parfaitement aux terres polaires
arcliques, où la lunaison de la fin de décembre et du
commencement de janvier correspond à la plus grande
obscurité de la nuit polaire de six mois.
Urtarilla veut dire lune de l’année, comme nous
disons : jour de l'an, pour exprimer le premier jour
de l'année. Ce nom n'a dû être adopté par les Basques
qu'après avoir accepté l'année romaine commencant
avec le mois de janvier.
Olzailla. La racine otz signifie : son, bruit, loup,
326
froid et agréable. On à cherché quelle pourrait être
la signification la plus convenabie hour ce mois; et il
faut avouer que l'on n’en à trouvé aucune, à moins
d'admettre qu'il correspondait à quelque fête oubliée
dans laquelle on faisait beauccup de bruit; ou que
dans la région polaire, les loups se livrent dans ce mois
à quelque action que nous igncrons, ou que c'était le
mois convenable pour leur destruction. Ceceila, qui
veut dire : lune du taureau, rappelle sans doute quel-
que sacrifice qui se faisait à cette époque, ou peut-être
encore que cette époque convenait à la chasse du tau-
reau sauvage.
Goragarilla, vagicilla, garilla, irailla, qui ap-
partiennent à l'époque primitive, demeurent sans ex-
plication plausible.
Ekaina, d'eki gain, selon Darrigol, veut dire : s0-
leil élevé, et indiquerait le solstice d'été dans notre hé-
misphère, qui a effectivement lieu dans le mois de juin.
Selon Darrigol, trailla voudrait dire : qu'il faut
songer à s'approvisionner de fougère pour l'hiver.
La fougère a-t-elle une importance telle pour les Bas-
ques, qu'elle ait pu donner son nom à un mois de lan-
née? Je ne le pense pas. Faut-il voir dans ?ra le nom
que le lichen aurait porté chez les anciens Basques, et
la nécessité de s'en approvisionner pour la nourriture
des rennes? cela serait plus plausible, et lon pourrait
savoir à quoi s'en tenir en consultant plusieurs voca-
bulaires de terres polaires, où lon pourrait trouver
quelque indice du mot ira, comme étant le nom du
lichen.
327
Lohilla, ou lotacilla, veut dire mois, ou lune du
sommeil. Ce nom convient parfaitement au mois de
décembre dans les terres polaires, où l'homme, ren-
fermé dans une caverne et presque engourdi, se trouve
dans un état voisin de celui des animaux pendant l'hi-
bernation. Ce nom a pu être conservé dans nos con-
trées, où il signifie : repos du laboureur, ou sommeil
de la nalure.
Les mois de la deuxième catégorie correspondent
aux opérations agricoles : épailla, lune de la taille des
arbres, sans doute; 7orailla, lune du sarelage; osta-
roa, lune de la feuillaison; erraoa, lune de ja saison
brûlante; agorilla viendrait d'agor, tarir, et voudrait
dire : lune de la sécheresse; buruilla, lune de la tête ;
urria el urilla indiqueraient les pluies d'octobre ; acil-
la, lune des semailles, et azaroa, saison des semail-
les, conviennent au mois de novembre.
Les mois de la troisième série, qui paraissent em-
pruntés au calendrier romain, n’ont pas besoin d'ex-
plication; cependant, il est quelques observations que
je ne puis passer sous silence, car l'étude de la langue
basque permet seule de les faire.
On admet généralement que le nom latin du mois
d'avril, aprilis, vient d'aperire, ouvrir, parce que
dans ce mois la terre ouvre son sein pour donner issue
aux plantes germées. Cette origine, il faut le recon-
naître, ne peut paraitre convaincante; car, au lieu
d'aller chercher le verbe ouvrir, qui n'a qu'un rapport
fort indirect avec la germination, il eüt été plus con-
venable de chercher quelque mot plus précis, comme
germanal, que nous avons adopté lors de notre pre-
328
mière révolution. Cette origine ne paraissant pas bien
fondée, il s'en présente une autre, qui a plus de valeur
à cause de l'identité des mots.
Abril, en eskuarien, veut dire sacrifier. Ce nom
vient d'aber, animal, et d'il, tuer. Or, il est éminem-
ment probable que le mois d'avril a reçu ce nom, parce
qu'au renouvellement de la saison de printemps on
faisait des sacrifices, comme nous faisons, quoique un
peu plus tard, les Rogations, mais dans le même but.
Dans le cas qui vient d'être exposé, le nom du mois
d'avril ne vient pas du latin, mais directement de la
langue basque, qui en à perdu l'usage, pendant que,
passé chez ses voisins, il y est demeuré. Et, chose
remarquable, il est retourné plus tard chez les Bas-
ques, mais altéré, méconnaissable et avec une origine
linguistique incertaine !
Cemendilla à la mème signification qu'acilla; mais
acia S'y trouve remplacé par la racine latine semen,
qui, comme elle, veut dire semence.
Abendua. Tous les auteurs basques s'accordent à voir
dans ce mot un synonyme d'Avent { Adventus ), épo-
que qui précède la venue du Messie ou la fête de Noël *,
Les noms des jours de la semaine sont plus dificiles
à interpréter que ceux des mois. Ces noms diffèrent
! Cette opinion peut être bien fondée; mais n'est-ce point abandon qu'il
faut voir dans ce mot, pour dire que la nature ne produit rien dans ce mois, ou
qu'il faut l’abandonner à elle-même? Le mot abandon n'est ni latin, ni brezon, et
il existe dans les langues française et espagnole ; il faut done qu’il existe aussi dans
la langue basque, ou au moins qu'il en vienne. On trouve dans Harriet : larga-
tua et abandonatcea, pour abundonner ; mais ce dernier mot, qui a son ho—
monyme et dont on a pu se passer pendant longtemps, a pu retourner dans Ja
langue basque après l'avoir quittée pendant un temps assez long.
=
329
essentiellement des nôtres, et ils démontrent que les
Basques ont été longtemps privés de relations intimes
avec les peuples qui ont étudié l'astronomie; car tous
ces peuples ont adopté une semaine, des jours, et ont
donné aux jours les mêmes noms des divinités paiennes
que nous avons adoptés *.
La semaine, astea, veut dire le commencement.
Les trois premiers jours de la semaine sont nommés
astelehena, aste artea, et aste azkena, le premier
du commencement, le milieu du commencement, et
la fin du commencement. Ces trois noms indiquent
une période de trois jours seulement, qui a dû précéder
l'adoption de la semaine de sept jours, période qui se
rapportait probablement au commencement de quelque
phase de la lune.
Les noms des quatre derniers jours de la semaine
basque ne se prêtent à aucune interprétation plausible.
On ne pourra en avoir l'explication que par une étude
approfondie de la langue et de l'histoire des peuples
qui ont eu des relations avec les Basques dans les pre-
miers àges de leur évolution.
GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE.
Les divisions de la terre ; les divers accidents de sa sur-
?
face ; les eaux, leur manière d'être dans la nature: les
? ? ?
principaux minéraux ou éléments solides de la croûte
du globe, ont été rassemblés dans un chapitre spécial.
o ,
! Les Portugais font exception,
«
330
Les Basques ont donné le nom du luciazalda à la
description de la terre.
Le nom de la mer, t{saso, parait composé. Ses ra-
cines, tirées du basque, 2tsal, ombre, et de sea, amas
d'eau, dans les langues irlandaise et teutoniques, vou-
drait dire : eau sombre, eau ténébreuse *.
Les montagnes, dont la erète est formée de pierres
qui leur donnent l'apparence des dents d'une scie, ont
recu le nom d'arcaitzerra, pierre scie, que les Es-
pagnols ont contracté dans le mot sierra.
Les eaux courantes, errioa et chirripa, rappellent
une racine primitive, 72, qui se retrouve dans les noms
sanscrit, latins, français et espagnols : arivi; rivus,
ripa; ruis (picard), ruisseau, rivière, rivage; rio,
ribera, par le moyen des mutables b, p, v.
Chirripa vient de cho, petit, et d'irripa, ruisseau.
Le mot acha, pierre ou rocher, est remarquable pour
nous, parce que c'est de lui que vient le nom de la
hache, que l'on faisait primitivement en pierre; et, ob-
servation bien digne de l'attention des philosophes, la
hache des Basques, aizcora, dérive d'un autre nom
basque de la pierre, aitza, et aizcora veut sans doute
dire pierre coupanle.
L'origine primitive des mots hache et aizcora est
donc trouvée, et les racines qui permettent de remon-
? On mé vetra souvent tirer des racines de plusieurs langues en apparence
fort différentes, mais qui, en général, dérivent d'une même origine, soit parce
qu'une race primitive a parlé une langue qui est demeurée par flagments dans les
langues qui lui ont survéeu, soit parce que les hommes de même race ont dû
parler la même langue à des époques déterminées de leur évolution sociale,
331
ter à cette origine existent dans la langue basque; elle
vient de l’époque où les Celtes et les Basques, con-
fondus dans une même nation, et probablement avant
d'arriver en Europe, possédaient le mot acha dans
leur langue, puisque l’un de ces peuples en a fait le
nom de la hache, et que l'autre a conservé la racine
acha. De plus, le mot acha a dù être créé après la
séparation de ces peuples, parce que, sans cela, le
nom de la hache, instrument très-vulgaire, très-ré-
pandu , devrait s'être conservé chez les Basques.
D'une autre part, ces deux noms : hache et aiz-
corra, quoique fort différents, ne viennent pas moins
confirmer que l’homme, passant par les mêmes modes
d'évolution sociale, a dü former les mots par suite d’ap-
plications de mêmes principes dérivant d'une loi géné-
rale qui l’asservit à ses conditions d'existence.
Arria est le nom de la pierre que les Basques font
entrer le plus ordinairement dans la composition des
mots; ils en ont fait pizarria, pierre fissile (ardoise) ;
arricatza, pierre-charbon (houille ); et zuarria, feu-
pierre (amianthe), parce que l'amianthe sert à faire
des tissus qui résistent au feu.
On dit que les anciens habitants de l'Inde brülaient
leurs morts après les avoir enveloppés d’un tissu d'a-
mianthe , afin d'en pouvoir recueillir les cendres. Ce
serait là une preuve que les Basques ont habité l'Asie,
et qu'ils y ont connu cette propriété remarquable de
l'amianthe *.
! L'amianthe est une substance minérale du groupe des amphibules, qui cris
4 22
332
On trouve encore arria dans burnarria ‘ et mear-
ria, qui sont les noms du sulfure d’antimoine, qui a été
usité chez les Romains, dans l'Orient, et qui l’est en-
core en Perse, pour noircir les sourcils et pour brunir
l'angle externe de l'œil, afin que cet organe paraisse
plus grand.
Pillaria, nom du grenat, vient de celui de la gre-
nade, pillatuna, dont les grains forment un assem-
blage, pilla *.
Le nom du vermillon, bermejoya, mérite aussi une
mention. Ce nom vient de sa couleur, qui est celle de
la flamme : bermea. Il résulte de cette observation,
que ce nom est véritablement basque, puisque bermea
dérive des racines bero et me, vapeur ou fumée en
feu. Les Brezons nommaient le vermillon flammaish ,
nom qui rappelle aussi sa couleur de flamme. Ces
mots viendraient à l'appui de ce qui a été dit en par-
lant de la hache, s'il en était besoin.
MÉTÉOROLOGIE.
La météorologie a recu le nom de kemeairakinda,
tallise en longs prismes soyeux et flexibles. J1 est possible de tiler cette subs—
tance en la mêlant avec des fibres textiles organiques. Quand le tissu est fini,
on le soumet au feu, qui brûle la substance organique, et laisse intact le tissu
minéral.
‘ Lenom de burnarria, qui signifie pierre de fer, pourrait bien n'être pas
celui du sulfure d’antimoine naturel Sb S,.
? Le nom du grenat peut servir pour démontrer combien les Basques altérent
les étymologies, en tronquant des mots déjà composés pour en faire d'autres.
Pilla, pris isolément, ne signifie plus grenade, mais assemblage, et n’a plus
de rapport avec grenat.
333
ou science des vapeurs de l'air. Ce nom, par sa si-
gnification, diffère beaucoup de celui que nous avons
tiré du grec, et pour être plus précis il n’en est pas plus
exact, car tous les phénomènes météorologiques n’exi-
gent pas la présence d'une vapeur pour se produire :
les vents secs sont dans ce cas.
Les noms divers que la glace a reçus méritent quel-
que attention. Leya semble rappeler notre mot Her,
et indiquer que les parties de l’eau ont été reliées en-
tre elles. Jzotza est un mot composé formé des ra-
eines 23 et o{z. La première est d'origine teutonique,
et à elle seule veut dire glace; la seconde est basque, et
indique le froid ; z0{3 voudrait donc dire : glace pro-
duile par le froid. Gela, qui rappelle le mot 7alan
du sanscrit, celui de gelu du latin, et celui de ge-
lée de notre langue, est une des racines du mot grec
hyalos (cristal); car gela est en basque la même
chose que yela. Hyalos renferme de plus la racine
ura, eau, et voudrait dire eau congelée. Elura, la
neige, parait venir d'e/, atome, poussière, et d’urra,
eau : eau en poudre.
VÉGÉTAUX.
Ainsi que cela a déjà été dit, l'étude des êtres vi-
vants, végélaux ou animaux, à de l'importance pour
rechercher l'origine des races, non-seulement parce
que les êtres organiques ne vivent qu'entre des latitudes
déterminées, mais parce que la plupart des espèces sont
propres à certaines contrées. C’est ainsi que le quin-
quina est propre à l'Amérique du Sud, et que le che-
334
val, notre bœuf, l'éléphant, le rhinocéros, le chameatüi,
étaient tout à fait étrangers à ce continent avant la
découverte de Christophe Colomb. N'avons-nous pas
nous-mêmes le marronnier et le coq d'Inde qui ont été
importés dans les contrées que nous habitons, et qui,
pouvant y prospérer, ne s'y trouvaient cependant pas
parce qu'ils n'y avaient point été créés?
Le café est originaire d'Arabie; le thé croit à la
Chine; le cerisier, l'abricotier, le pêcher, ont été im-
portés chez nous.
Malheureusement, on ne peut avoir l'espoir de tirer
tout le parti possible des productions naturelles, parce
qu'un peuple ayant émigré pendant un grand nombre de
siècles, et n'ayant plus sous les yeux les objets qui se
trouvaient dans les climats qu'il habitait en premier lieu,
a dû oublier leurs noms, qui sont alors perdus à ja-
mais, à moins que des fractions de la même nation,
retrouvées dans les lieux qui l'ont vu naître, ne vien-
nent nous les rappeler un jour. C’est ainsi que le nom
du lichen aurait une grande importance s'il existait
dans la langue basque *.
‘ Larramendi n’en parle pas, et M. Archu, à qui j'ai écrit à ce sujet, ne
connaît pas le nom de ce végétal dans sa langue. J'ai déjà dit comment le nom
du lichen aurait pu être donné à la fougère, et serait tra ou iratz ; mais cela
est fort douteux. Harriet nomme la fougère hiretcea. En général, le nom du
lichen, qui croit souvent sur des végétaux, a été donné à plusieurs maladies de
la peau. Les Russes nomment ces deux sortes de lichens, lichaï. Larramendi
donne le nom de leguen beltza, ou de lichen noir, à l'éléphantiasis, et semble
indiquer par là que le nom du lichen existait dans la langue basque.
Le nom du lichen, qui servait pour nourrir les rennes dans les terres polaires,
s'est perdu dans les pays basques; mais il y est resté comme le nom d'une ma—
ladie.
335
Les noms des êtres vivants ont quelquefois une si-
gnification dont on peut tirer des indications considé-
rables.
Ou les noms ont suivi les peuples dans leur émigra-
tion, ou bien ils ont été adoptés ou créés sur les lieux
que ces peuples ont habités définitivement.
Dans le premier cas, les noms ont pu être appliqués
à des espèces différentes, mais voisines de celles qui
les avaient primitivement reçus, et des noms analogues
peuvent être retrouvés chez les peuples qui avaient des
relations avec ceux qui ont émigré.
On peut tirer de ces indications des renseignements
sur les lieux habités par un peuple antérieurement à
son émigration , et sur les peuples avec lesquels il a eu
des relations. ( V.orena, zaldia, elefandia, naranjoa.)
Dans le second cas, les noms sont acceptés de ceux
qui habitaient les lieux où l'immigration s’est faite; ou
bien ces noms sont construits avec des racines propres
à la langue du peuple immigré, ou bien avec des raci-
nes empruntées à plusieurs langues
Ces deux cas donnent encore des indications pré-
cieuses. Si les noms sont empruntés, le peuple immi-
gré a été précédé par d'autres peuples dans les lieux
qu'il habite. Si le nom est formé avec des racines mê-
lées, on en déduit des relations du mème ordre, ou
bien que les racines étaient communes aux deux lan-
gues d'où les noms sont tirés. ( V. ezcurra.) Quand
les noms sont faits avec des racines propres à la lan-
gue du peuple émigré, le cas est plus difficile; mais
il y a des probabilités pour que l'être qui à reçu un
336
nom ainsi formé, ait été nouveau pour ce peuple lors
de son arrivée dans le lieu où il l’a trouvé, et qu'il lui
ait fait un nom, soit en imitant les noms composés des
autres langues, soit en rappelant quelque trait carac-
téristique de l'être. Ces deux cas donnent encore des
indications spéciales faciles à juger par ce qui a été dit
dans la ['° Partie.
Il a été question, dans la 1° Partie, des racines
du mot ezcurra, qui est le nom du gland; il a été
également question de la grenade. Je n'oserai rien con-
clure du nom du thé, tea, parce que les Basques ont
pu le connaitre dans la contrée qu'ils habitent. Le nom
du châtaignier, gastaña, existe avec de faibles altéra-
tions dans presque toutes les langues de l'Europe.
Les noms de la vigne, mastia et matsa, ont quel-
que analogie avec mustum et moust, qui sont les noms
du suc de raisin en latin et en français. Le nom de
l'olivier diffère du nom français juste autant que le
génie de la langue basque l'exige.
Les noms de l'orange, larana, larandia et naran-
joa, méritent une attention toute spéciale; car ces noms,
analogues à ceux des Français, orange; des Italiens,
arancia; des Espagnols, naranja, et des Portugais,
laranja, se retrouvent chez les Hindous, les Persans
et les Arabes, sous les noms de naranj, de narang et
de naringe, tandis qu'il est tout à fait étranger aux
Grecs et aux Latins, qui employaient un nom composé
équivalent de pomme d'or.
Il faut ajouter en outre que les trois noms basques
de l'orange contiennent arana, qui veut dire prune
337
dans la même langue. Larana est probablement la
contraction de largo arana, grosse prune, et laran-
dia viendrait de larana andia, grande prune. Quant
au mot naranjoa, il pourrait bien être revenu dans la
langue basque après avoir été altéré en passant chez
des peuples divers.
Malgré les probabilités des origines précédentes, il
ne faut cependant pas perdre de vue que la terminai-
son ranj peut venir du sanscrit, et veut dire : animer,
colorer, rougir. On ne peut non plus passer sous si-
lence les analogies qui existent entre le mot latin au-
rantia, que l’on considère probablement à tort com-
me un adjectif ‘, avec le mot italien arancia, qui est
pourtant si rapproché d'arana.
Le citron, qui a été importé de la Médie en Europe,
est nommé cidra par les Basques *.
L'abricot, importé d'Arménie, pays voisin de l'an-
cienne Ibérie d'Asie, est nommé alberchiga ou abri-
cola par les Basques.
La pêche, importée de la Perse, pays encore voisin
de l'Ibérie, est nommée murchica par les Basques.
La datte, fruit du dattier, est nommée datila; le lys,
lirioa, hilia.
Le chanvre est nommé kanbara à Itsatso, et cala-
mua dans les dialectes des autres pays basques. Il sem-
ble rappeler par là que sa tige fistuleuse est analogue
! A aurantia correspond l'adjectif aurantiacus, qui manque daos la plupart
des dictionnaires. À
? Je dois faire remarquer que le citronnier pousse en pleine terre dans la par-
tie la plus occidentale et espagnole des pays basques.
338
à celle des roseaux, canna et calamus en latin. Kam-
bara parait être d’ailleurs de la même origine que
kanbous en hébreu, cannab en persan, cannabis en
latin, et chanvre en français. Calamua*a ses homony-
mes dans kalamas en sanscrit et calamus en latin.
Canna et cala paraissent d'ailleurs venir d’un mème
nom primitif. Il n'est pas moins fort difficile de décider
lequel des deux noms du chanvre les Basques ont reçu
le premier.
Le nom du chou, aza, est celui d'une ombellifère
en Perse.
Le pois chiche, cicer des Latins, est nommé gar-
bantzua par les Basques, et ce nom veut dire graine
sèche, selon Larramendi; c'est de là que vient le nom
espagnol garbanzo.
Le nom de la fève, baba, rappelle celui des Latins,
faba.
Le nom du haricot, indi babac (fèves de l'Inde),
semblerait indiquer qu'il vient de ce pays.
L’aloès est appelé zubila et belarminiza; mais ce
dernier nom paraît être celui du bois d’aloès, que les
Chinois brülent comme parfum.
Le nom du coton, linabera, peut vouloir dire véri-
table toile.
L’anil, plante indigofère, est nommée belarurdina,
plante bleue.
Les épices, telles que le poivre, la canelle, la mus-
cade, ont reçu des noms qui rappellent ceux usités en
Europe.
Le nom du girofle, wrriltza, contient celui de la
339
noisette où du gland, parce que l'on a cru à tort que
cette fleur non épanouie était un petit fruit, et celui
de clou, à cause de sa ressemblance avec cet objet :
c'est donc un gland-clou.
ANIMAUX.
Les animaux connus des Basques sont très-nom-
breux; tous pourraient être l’objet de recherches spé-
ciales; cependant, afin d'éviter des détails, je ne m’oc-
cuperai que de ceux qui méritent des mentions parti
culières.
Le mot animal, abere, a déjà été l'objet d’une dis-
cussion spéciale, dans laquelle j'ai cherché à démon-
trer que ce nom venait de ber, chaleur, et qu'il était
l'origine d'aberats, qui veut dire richesse. Comme
être riche, c’est posséder, c'est avoir, il est éminem-
ment probable que le verbe latin Aabere, considéré
non comme verbe auxiliaire, mais comme indiquant
la possession, vient d'aberats, et que notre verbe avoir
a la même origine; cela deviendra bien plus sensible si
on le prononce avèr.
Le nom du chat, katua, ou gatua, est analogue à
ceux usités chez les Arabes, les Grecs, les Latins et
les principaux peuples de l'Europe.
Les Basques ont donné le nom de caturdea à Vich-
neumon *. On sait que cet animal peut vivre en do-
mesticité comme le chat, et qu'il était en grande véné-
1 « : , AT
Viverra de Linné, Mangouste de Cuvier,
340
ration dans l’ancienne Égypte, parce qu'il détruit les
œufs du crocodile, les reptiles venimeux et les petits
animaux nuisibles. Les habitants de ce pays le nom-
ment nems. Le nom d'ichneumon est grec et veut dire
bon chercheur de traces, c’est-à-dire qui suit les ani-
mauæ à la piste, en un mot chasseur. Le nom de
caturdea veut dire chat-pore, ou peut-être chat aqua-
tique. Quelle que soit l'opinion que l'on adopte, ces
deux noms conviennent parfaitement à cet animal; car
il vit en domesticité comme le chat, dont il remplit les
fonctions, et dont il est d’ailleurs très-rapproché par
son organisation. De plus, il a le corps couvert de
soies rudes comme celles du sanglier, et il vit sur les
bords des grands fleuves.
Ce qui vient d'être dit de lichneumon permet de con-
clure que les Basques ont parfaitement connu cet ani-
mal, tout à fait étranger à l'Europe, puisqu'ils lui ont
donné un nom qui rappelle non-seulement son analo-
gie avec le chat domestique, mais encore son aspect
ou ses habitudes. Toutefois, les mangoustes étant ré-—
pandues dans toute l'Afrique et dans l'Inde, on n'en
peut conclure que les Basques ont habité les bords du
Nil, mais seulement l'Inde ou l'Égypte.
Le chien a reçu plusieurs noms qui peuvent donner
des renseignements sur les pérégrinations des Basques.
Zacurra, ou chacurra, selon le dialecte, est pres-
que identique avec le koukoura des Sanscrits qui ha-
bitaient la presqu’ile de l'Inde.
Potzoa rappelle pes et pessik, qui sont russes; pres
el piest, qui sont polonais.
341
Ora rappelle ouri, qui est taitien.
Le nom de l'éléphant, elefandia, exige une atten-
tion toute spéciale. Cet animal, ainsi qu’on le sait gé-
néralement, habite la région méridionale de l'Afrique
jusqu'au cap de Bonne-Espérance, et la partie méridio-
nale de l’Asie depuis l’Indus jusqu’à la mer orientale.
Le nom basque de l'éléphant s’analyse fort simple-
ment en ele handia, ou grand animal domestique;
car ele est le nom des troupeaux formés de grands ani-
maux.
L'origine du nom de l'éléphant peut donc être tirée
de la langue basque, soit que ce nom y ait été con-
servé, soit qu'il y soit revenu par des peuples inter-
médiaires après un temps plus ou moins long.
Les parhomonymes * du nom de l'éléphant existent
en grec, en latin, dans les langues celtiques et germa-
niques, dans Éléphantine, nom d'une ville très-an-
cienne de l'Égypte, et ne se retrouvent ni en sanscrit,
ni en hindoustani, ni en arabe, ni en hébreu *.
Si le nom de l'éléphant est d'origine basque, ce n’a
pu être qu'en Asie que ce nom à été créé à une épo-
que où cet animal était déjà réduit à l’état de domesti-
Presque homonymes.
? L'éléphant a plusieurs noms en sanscrit. Ces noms rappellent en général le
nez ou les dents de cet animal; à: en est deux qui veulent dire nez-main. Il en
est de même de l’hâtin des Indous, qui est sanscrit. Le nom arabe de l'éléphant
est fil; son nom hébreu est schen habim, qui paraîtrait vouloir dire dent d'é—
bène , mais qui est probablement une corruption de schen aben, dent de pierre.
Cette version serait d'autant plus probable, que les nègfes changallas, d'Abyssi—
nie, nomment encore aujourd'hui l'éléphant abbeéna. En russe, le nom de l'é—
léphant est sloni ; en polonais, il est son; cependant, un dialecte de cette der-
nière langue dit elefanty.
342
cité, et dans une contrée autre que l’ancienne Ibérie,
Géorgie actuelle, où il n’y avait probablement point
d'éléphants, puisque du temps d'Hérodote, comme au-
jourd'hui , cet animal n'était connu qu’au delà de l'Indus.
On peut même dire encore que l'éléphant n’a pas été
dompté pas les Basques, parce qu'il eût eu un autre
nom avant d'appartenir à un troupeau. Toutefois, ce
nom primitif a pu être oublié chez une nation qui a
été plus de trois mille ans sans avoir cet être extraor-
dinaire sous les yeux.
Les Basques ont dû connaître le cheval, zaldia,
zamaria, et la jument, behorca, avant de venir en
Europe; car ces noms ne rappellent aucun de ceux
usités chez les peuples de ce continent ‘, Cette obser-
vation est de la plus haute importance, car elle suflit
à elle seule pour démontrer qu'ils ne viennent pas d'A-
mérique, comme leur langue pourrait le faire soup-
conner, puisque le cheval, absolument inconnu dans
toute l'étendue de ce vaste continent, y a été importé
postérieurement à la découverte qui en fut faite par
Christophe Colomb, à la fin du quinzième siècle.
Si les Basques avaient trouvé le cheval pour la pre-
mière fois en arrivant en Europe, ils eussent fait de
même que pour l'éléphant : ils lui eussent donné un
nom qui eût rappelé au moins une de ses qualités les
plus saillantes, ou bien ils auraient accepté un des
noms de la localité, et c’est ce qui n’a point eu lieu.
M. Klaproth trouve de l’analogie entre zamaria et khamoura en langue
syriaque; mais cela ne change rien à l'observation qui vient d'être faite; au con—
traire, puisque la Syrie est en Asie.
343
Les noms du taureau, cecena; du bœuf, dia; de
la vache, beia , permettent, et au même titre, de faire
les mêmes observations que pour ceux du cheval.
Le nom de la vache, beia, a quelque analogie avec
celui du bœuf en général, et en particulier avec celui
qu'il porte dans les langues slaves, byk.
Le nom du cerf, orena, servirait, sil en était besoin,
pour démontrer que les Basques ont habité les régions
septentrionales les plus reculées de notre hémisphère ;
car ce nom rappelle celui du renne, qui rend de si
grands services dans ces contrées, que, sans cet ani-
mal, elles seraient presque inhabitables pour l'homme.
Le nom du cerf, olen en langue russe, et oron
en toungouse, rappelle la même origine et les contrées
polaires ; car les toungouses, peuplade nomade de l'A-
sie, poussent leurs pérégrinations jusqu'au cercle po-
laire, depuis la rive droite de l'Iénisséi jusqu'à la mer
orientale.
On trouve enfin dans le nord et sur le bord occi-
dental du golfe de l'Obi la presqu'île habitée par les
Olénéi.
Afin d'éviter de trop longs détails, les noms des ani
maux offrant moins d'intérèt que les précédents, se—
ront réunis par groupes.
Noms significalifs.
Otsoa, loup; hurleur, d'otsa, son, bruit.
Arrabioa, scorpion; enragé, d'errabioa, rage; rabies en la-
tin : à cause de la douleur que produit la piqûre faite par cet
animal.
344
Zaina, sangsue ; de zaina, veine, en basque; saigner, français.
Trichua, hérisson , hérissé ; 4riæ, cheveu en grec.
Adar, rhinocéros; adar, corne.
Noms composés par imitation.
Ibaizaldia, hippopotame (cheval de rivière); ibaia, rivière; et
zaldia, cheval. *
Indiollara, poulet d'Inde; India, Inde; oilloa, poulet; ara,
suff. habitant.
Noms venus des Indes.
Artza, ours; arksa, sanscrit; arktos, grec; ursus, latin.
Musarra, marmotte; musas, rat, sansC.; mys, grec; Mus, lat.
Pitosa, putois; putikas, sanscrit; putacius, latin.
Aria, bélier; avis, sanscrit; ois, ars, grec; aries, latin.
Anizara, oie; hamsas, sanscrit; anser, latin.
Anatea, canard; anas, latin.
Noms d'origine grecque.
Ostra, buître; hiena, hyène.
Noms basques ayant leurs analogues dans d’autres langues.
Harmina , hermine; erratoya, rat; balena, baleine.
Lehoya, lion; lincea, lynx; crocodiloa, crocodile; gamelica,
chameau.
ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE.
Les connaissances anatomiques et physiologiques des
Basques sont fort peu étendues ; elles comprennent ce-
pendant les noms des principales parties du corps de
345
l'homme et des animaux, et ceux des fonctions qu’elles
remplissent. Les noms de la plupart de ces parties ap-
partenant au premier âge, permettent de faire des rap-
prochements remarquables dont on peut déduire le plus
ou moins d'ancienneté des nations.
Le nom de la vie, bicia, se retrouve en grec, bios;
en latin, vita; en français, vie; en espagnol, vida,
et dans plusieurs autres langues. Il se retrouve encore
dans plusieurs aliments, bihia et pipia, de mème que
nous l'avons dans vivres.
On a déjà vu que le nom de la mort, i/a, entre dans
celui de la lune; et peut-être a-t-il été donné aux poils
et aux cheveux, qui, dépourvus de sensibilité, sont
comme des parties mortes du corps de l’homme.
Ce nom ti/a, ou illa, qui signifie poil en général, a
été spécifié par les Latins dans pilus et capillus, qui
veulent dire poil de la peau et poil de la tête { pellis
ila, et caput illa ).
Buru, tête, parait être un nom composé; cepen-
dant, il est fort ancien et remonte à plus de trois mille
ans, puisqu'il a servi pour désigner l'Elburu, qui est
le pic le plus élevé de la chaine du Caucase *.
Burua pourrait dériver des langues sémitiques, et
voudrait dire siége de l'esprit (de bou, possesseur en
arabe, et rouach, esprit en hébreu ).
Le cerveau, burmuna, veut dire moelle de la tête
(buru , tête ; mun, moelle). Dans leur langue ; les Bas-
4 D'après Varron, il y aurait environ trois mille trois cent cinquante ans que
les Ibériens seraient arrivés en Europe, et probablement après avoir quitté le
Caucase, dont ils ont dû être les premiers habitants, puisque c'est eux qui ont
donné un nom au pic le plus apparent de cette chaîne de montagnes.
346
ques confondent la moelle des os avec la matière céré-
brale; et nous, qui avons fait de grands progrès dans
les sciences anatomiques, nous avons encore une trace
de notre ignorance primitive dans le mot moelle épi-
nière, qui n’est pas plus excusable.
Combien de gens en France coupent-ils encore la
queue de leur chat ou de leur chien, parce qu'ils pren-
nent les cordons nerveux émanés de la moelle épinière
pour des vers!
Quelques mots, relatifs à l'anatomie, sont formés
d'une manière très-remarquable :
Bihotza, cœur, vient de bici otza : son ou bruit de
la vie.
Biscaya, membre, vient de bici caya : agent ou
instrument de la vie.
Bulharac, poumon, vient de bul aragha : chair
bulleuse.
Urina ou uriña, huile de baleine, vient dur, bas-
que, et ignis, latin, ura ignea, eau de feu, eau in-
flammable. Un autre synonyme de la même substance,
lumera, lumière, vient confirmer cette origine. L'huile
est une eau inflammable employée pour l'éclairage.
MÉDECINE.
La médecine, chez les Basques, ne pourrait donner
lieu de faire des observations de quelque importance
qu'autant que le vocabulaire en eût été recueilli par un
médecin. Larramendi, étranger à cette science, a pu
commettre des erreurs, qu'il ne m'a pas toujours été
possible de corriger.
347
On remarquera que le nom de barber est employé
dans le Labourd pour dire médecin. Ce nom est tout à
fait moderne et ne remonte qu'à l'époque où le barbier
eumulait avec sa profession celle d'exercer la médecine
et la petite chirurgie *.
Les noms de la fièvre, sucara et beroa, rappellent
le feu et la chaleur que les malades éprouvent lorsqu'ils
sont affectés de ce symptôme morbide.
On verra encore que le mot legen sert pour dési-
gner plusieurs maladies de peau.
Larramendi * émet l'opinion que le nom de la /adre-
rie est d'origine basque, et qu'il dérive de landerria,
construit avec landerra, étranger, et eria, maladie,
parce que la ladrerie viendrait des Cagots, restes des
Goths vaincus, qui seraient demeurés dans la Cantabrie.
L'opinion de Larramendi n’a aucune probabilité pour
elle. Si une maladie porte le nom de /anderia dans la
langue basque, ce ne doit point être la ladrerie, mais
la pellagre des Landes; car landeria veut dire ma-
ladie des Landes, maladie propre aux habitants des
Landes. Cette maladie, qui existe toujours dans ce
pays, et qui affecte principalement la peau des mains,
qu'elle rend hideuses, diffère essentiellement de la la-
drerie *.
+
! J'ai vu à Bordeaux un diplôme datant de moins d'un siècle, qui autorisait
un individu à pratiquer la chirurgie et à porter des plats à barbe pour enseigne !
? Dictionnaire trilingue, 1er vol., p. 21
La ladrerie, presque entièrement disparue de l’Europe, existe encore dans
la République de l'Équateur, où l'on à établi un hôpital dans lequel les malades
23
348
ETHNOLOGIE.
Sous ce titre, j'ai réuni quelques mots relatifs à la
famille, aux races et aux nations.
On verra plus tard que le nom de père, aila, est très-
répandu dans diverses langues, à quelques modifica-
tions près; que celui de mère, ama, l'est encore plus,
et qu'il se trouve dans le sanscrit sans aucune modi-
fication.
Il est remarquable que le mot amila, qui veut dire
tante paternelle en latin, soit exactement formé avec
les mots basques ama, mère, et alta, père, et que ce
mot veut dire mère paternelle. Cette origine du mot
amila est si précise, que l'on ne peut douter qu'il soit
formé avec des racines basques.
MÉTAPHYSIQUE.
Les Basques, privés de littérature et d'enseignement
scientifique, ont dans leur langue beaucoup plus de
mots pour exprimer des abstractions que l'on ne pour-
rait le penser. Plusieurs de ces mots sont composés et
formés d’une manière vraiment heureuse.
Le nom basque de la métaphysique, meicetakindea,
qui se décompose en me icela kindea, semble vouloir
sont entièrement séquestrés. Cette maladie est attribuée, sur les lieux, à l'usage
de la viande du porc.
Les Juifs avaient la même opinion sur l’origine de cette maladie, et c'est pour
cela qu’ils défendaient de manger la chair de cet animal.
349
dire science ou connaissance des subtilités naturelles.
Les noms de l’âme, arima et anima, paraissent ti-
rés directement du latin, parce que cette dernière lan-
gue, ainsi que la nôtre, a beaucoup de dérivés de cette
racine ‘. L'opinion contraire aurait moins de probabi-
lités pour elle. Ce n’est peut-être même qu'avec la re-
ligion chrétienne que ce nom a pénétré chez les Bas-
ques.
ARITHMÉTIQUE.
L'arithmétique, cembateen jakindea, ou science des
nombres, permet de faire des observations très-impor-
tantes.
L'examen des divers systèmes de numération usités
chez différents peuples a déjà été l’objet des études d’un
grand nombre de savants; car, à eux seuls, ils pour-
raient suilire pour reconnaitre l'origine et la filiation
des nations.
On peut considérer dans la numération, les noms
des nombres élémentaires et la manière d'exprimer les
nombres élevés.
Les noms de nombres basques s’éloignent de tous
ceux qui sont connus, à l'exception : 1° de bi, deux,
qui se retrouve en latin dans bis, qui veut dire deux
fois; 2° de sei, six, qui se rapproche de l'hébreu, du
! Les noms de l'âme ont leur origine dans celui de l'air, Anima vient du
sanscrit et du grec, ânas, anilas, air; anémos, vent. Arima viendrait d’aer,
grec et latin, qui a la même signification.
L'âme, mal définie dans les premiers temps, a dû tirer son origine de mots
indiquant des êtres ou des choses que l’on croyait impondérables. C’est là une
preuve de la dérivation successive et significative des mots.
350
sanscrit, du latin; qui est italien, presque espagnol,
et se rapproche en général des principales langues de
l'Europe; 3° d'ica, qui existe dans onze, amaica, et
est presque le nom de l'unité en sanscrit.
Bat, un, est une racine qui entre dans la composi-
tion des mots pour exprimer l'idée d'unir, de réunir,
comme on dit en latin adunare, et en vieux français
aduner.
Le nombre cinq, bozt ou bortz, semble rappeler
l'idée de la force, symbolisée par une main entière
comprenant cinq doigts ‘.
Le nombre dix, amar ou hamar, me paralt venir
du verbe amar, qui veut dire lier, ou plutôt fixer
à l'aide d'un nœud. Ce rapprochement rappelle une
machine à calcul d'origine chinoise, qui passe pour
avoir été inventée environ deux mille sept cents ans
avant J.-C.
Cette machine est formée de trois baguettes parallè-
les sur lesquelles les dixaines étaient indiquées par des
nœuds ou des pièces mobiles.
N'y a-t-il point un rapport entre cette machine à
calculer et le nombre dix hamar ?
Si ce rapprochement était fondé, on pourrait dire
que les Basques n'ont formé leur système de numéra-
tion qu'en apprenant à calculer à l’aide de la machine
qui vient d'être indiquée, et que cela n’a pu être plus
tôt que deux mille six cents ans avant l'ère vulgaire.
Il a été démontré depuis longtemps que l’universalité du système de numé—
ration décimale était due à ce que l’on se sert des doigts pour compter. Une main
entière représente donc cinq unités; ces cinq unités réunies se trouveraient ca—
ractérisées par l'union des doigts qui fait la force de la main.
ne dr
: 351
Le système de numération des Basques est décimo-
vigésimal ; ils disent : berogei, hirurogei, laurogei,
deux vingts, trois vingts et quatre vingls, pour ex-
primer 40, 60 et 80.
Ce système de numération rapproche les Basques
des Brezads, des Français et des Géorgiens; il les éloi-
gne des Hébreux, des Arabes, des Sanscrits, des Grecs,
des Latins, des Goths, des races germaniques, des Po-
lonais, des Russes, des Lithuaniens, des Espagnols,
des Portugais, des Italiens et de la langue Romane,
restée à l’état de patois dans l’ancienne Aquitaine.
GÉOM!TRIE.
La géométrie sera d’un faible secours pour l'histoire
des Basques; seulement, elle permettra de faire quel-
ques observations.
Le nom de la ligne, cnuza, donne lieu de penser
que nous en avons dérivé celui du sinus, et que ce
nom n’a pas l’origine invraisemblable qu'on lui attribue
généralement.
Le nom wrka, ou bien hurka, qui entre dans la
composition des noms des polygones, et qui signifie an-
gle, permet de penser qu'il existait libre dans la lan—*
gue basque. Il y existe encore, mais veut dire pendre,
et il entre dans la composition du mot potence, wr-
khabea.
Le mot latin furca, et son équivalent fourche en
français, doivent être de la même origine.
352
Les noms du cercle et de la sphère rappellent les
mots boule et pelotte, français.
Le nom de l'axe, acha, rappelle les noms sanscrit,
aksas; grec, axôn; latin, aæis; lithuanien, aszis;
allemand, achse; anglais, axle; français, axe; ita-
lien, asse; espagnol, exe; et portugais, eiæ0.
Le cône et le cylindre ont reçu des noms singuliers
qui ne sont tirés d'aucune des langues européennes ;
ils se nomment : bigancia, deux faces, et hirgaña,
trois faces *.
MÉCANIQUE.
Les noms relatifs à la mécanique sont peu nombreux
et sont l'indice que cette science, considérée aux points
de vue rationnel et technique, est peu cultivée chez
les Basques.
Lancaya, nom collectif des machines, veut dire
instrument où agent du travail.
Le nom de la balance est le même qu'en latin, Zibra.
Le nom de l'hydrotéchine est ulancaikintza. M vient
d'ur, eau; lancay, machine ; kintza, art.
Le nom de la mécanique considérée comme science
n'existe point chez les Basques; et cela n'a rien qui
puisse étonner, puisque la mécanique ne date que de-
puis les travaux de l’illustre Galilée. C'est le P. Mer-
senne qui rendit compte de ses travaux en France
dans un ouvrage intitulé : Les Mécaniques de (ratilée.
* Ces noms ont l'inconvénient d'être tirés de deux dialectes différents; mais
je les ai laissés tels que je les ai trouvés dans le dictionnaire de Larramendi,
353
On pourrait être étonné de ne point trouver le nom
de la mécanique dans le dictionnaire de Larramendi,
et d'y trouver celui d'hydrotéchie, si lon ne savait
que les Basques sont très-habiles dans l’art de conduire
l'eau, à de grandes distance et à peu de frais, pour
arroser leurs champs ou leurs jardins.
PHYSIQUE.
La langue basque offre un vocabulaire assez étendu
de noms qui se rapportent à la physique. Toutefois, ces
noms, indispensables aux usages de la vie, ne repré
sentent pas une science constituée. Le nom qu'ils ont
donné à la physique, icetakinda, veut dire science de
la nature, comme le nom grec qui y correspond.
Le nom de la vapeur, baoa, rappelle celui de buée,
usité dans les patois du nord de la France.
On trouvera dans les parasynonymes un assemblage
de mots de même origine que bero, chaleur, et argi,
lumière.
Les Basques ont donné le nom d'üman à aimant; et
je soupçonne que le nom de solimana, donné au mer-
cure, est à moitié latin et à moitié basque, et veut dire
aimant du soleil, ou plutôt aimant de l'or, parce
que le mercure s'allie à l'or avec facilité.
Le nom de la boussole, i{sasorratza, veut dire ai-
quille de mer.
«
CHIMIE.
Rien ne démontre que les Basques aient eu des con-
naissances en chimie; cependant, plusieurs noms qu'ils
ont donnés à quelques phénomènes et à plusieurs pro-
duits sont remarquables. Tous ces noms, générale-
ment originaux ou tirés de racines basques, donnent
l'assurance que cette langue se prêterait à tous les dé-
veloppements scientifiques imaginables, si les Basques
se livraient sérieusement à l'étude des sciences. Toute-
fois, leur pays est trop restreint et leurs dialectes trop
nombreux pour qu'ils puissent publier des ouvrages
importants dans leur langue avec l'espoir d'en couvrir
les frais.
La combinaison cum binatio, ou réunion deux par
deux, est rendue par le mot équivalent binakidea.
Le nom du sédiment, liac, rappelle notre mot le.
Larramendi émet l'opinion qu'alambicar, qui veut
dire distiller, et que l’on sait d'origine arabe, signifie
double travail de la vapeur, parce que, dans la dis-
tillation , elle se forme et se condense ensuite. Pour
cela, il décompose ce mot en lan, travail; bi, deux,
et kea, vapeur. 1
Le nom de l'évaporation, kemeartzoa, qui vent dire
réduire en vapeur subtile, parait être l'origine du
verbe espagnol quemar, brüler (réduire en fumée ).
Le verbe ur, liquéfier, veut dire réduire en eau.
La flamme, bermea, veut dire esprit du feu.
La cendre, hauæa, est sans doute de même origine
qu'aulza, qui veut dire poudre, poussière.
Le nom de l'or, urrea, parait être dù à sa ductilité ;
il viendrait de la racine sanscrite ur, étendre. Cette
racine vient elle-même dura, qui est le nom de l'eau
en basque.
Le nom du cuivre, cebrea, est analogue au cuprum
399
des Latins. Urraida veut sans doute dire semblable à
l'or.
Beruna, le nom du plomb, veut sans doute dire fu-
sible, de ber, chaleur.
Le nom du nitre, gatzua, veut dire sel-feu. Ce
nom lui vient de ce qu'il active la combustion lorsqu'on
le jette sur des charbons ardents. Il est probable que
les Basques connaissaient ce nom avant de venir en
Europe; sans cela, ils eussent probablement adopté un
des noms latins nitrum ou sal petreus.
Beira rappelle le nom du verre, et ce nom ne parait
pas avoir été accepté en Europe.
Le nom de cupritza, donné au verdet, a dû être
formé avec la racine latine cuprum , et par conséquent
adopté en Europe. Ce produit est fabriqué dans les en-
virons de Montpellier depuis un temps immémorial.
Le nom de l'huile, oliva, rappelle l'olivier et le nom
latin oleum.
Les noms du vin sont nombreux, et l'un d'eux, noa,
mérite une mention toute spéciale à cause du nom de
Noé, à qui l'on en attribue l'invention. Ce nom est-il
une indication traditionnelle qui rappelle que les Bas-
ques ont eu connaissance de Noé? Il serait de la plus
haute importance d'avoir une solution précise de cette
question. “
Un des noms de l’eau-de-vie, wsutua, veut dire eau
de feu.
Un des noms de la cire, argicaya, indique qu'elle
était employée pour l'éclairage; car ce nom veut dire
producteur de lumière.
390
Le nom de Falchimie, urrekintza, veut dire art de
l'or.
Le nom de filosofarria, pierre philosophale, moitié
grec, moitié basque, renferme deux fois le son /, qui
n’est pas de cette dernière langue. C'est done un mot
récemment introduit dans la langue basque.
ÉTAT SOCIAL.
Toutes les connaissances d’un peuple, toutes ses con-
ditions d'existence, se rapportent à son état social. Ce-
pendant, j'ai réuni dans un article spécial ce qui se
rattache le plus immédiatement à cet ordre : le mode
de gouvernement, les différents rangs de la société, la
législation, la guerre, la navigation. La religion, qui
joue un rôle si important dans l'existence des peu-
ples, a été traitée à part pour ne point trop augmenter
cet article.
Gouvernement
Des deux noms d’une république, dierondea et er-
republica, le premier est basque, le second est positi-
vement latin, et tous deux ont à peu près la même va-
leur.
Les différents noms de l'empire, mempea, jabaria,
agindea, veulent dire commander ou diriger.
Bateronkia, royaume, semble indiquer une réu-
nion sous un seul chef ou en une seule masse; erre-
ñua doit être latin.
Les noms des chefs, burua et buruzagia, dérivent
de tête et correspondent à notre mot capitaine, dans
me
357
le sens où nous disons que tel guerrier fut un grand
capitaine; agintaria correspond au mot duc, et indi-
que cependant plutôt celui qui fait agir que celui qui
dirige.
Des noms de la noblesse, le plus ancien semble vou-
loir dire : lumière de la lignée où de la famille, et
ce nom indique le haut prix que les Basques attachaient
à une origine distinguée. Le mot noblecia est proba-
blement d'origine française ou espagnole.
Le nom du peuple, jendaiea, est de la même ori-
gine que gens, latin et francais, et se retrouve dans
le verbe grec gennaô, engendrer, et dans la racine
sanserite jan, naître, produire. Ces filiations linguis-
tiques indiquent que les Basques primitifs ont rattaché
l'idée de race à celle de peuple, et peut-être bien aussi
celle d'une espèce de confraternité.
Jauna, nom par lequel on honore celui à qui lon
parle, se rattache à une foule de noms répandus dans
toutes les langues principales d'Europe et d'Asie, et
qui expriment l'idée d’un homme supérieur, et quel-
quefois même de la Divinité. ( V. les parasynonymes. }
Les Basques ont plusieurs noms pour exprimer la
domesticité, la servitude et l'esclavage. Kitagea veut
dire privé de liberté, et c’est bien le nom de l’escla-
vage. Mempecoa et serbitua paraissent tirés du latin.
Lotekintza, employé comme servitude, rappelle peut--
être l'ilotisme de Lacédémone. Le nom de mutyla
rappelle peut-être aussi le nom des eunuques, par l'o-
pération barbare subie par ces malheureux. Morroya
et morroca semblent rappeler les esclaves Maures que
lon employait dans les temps anciens.
358
Tous ces termes, moins un, recus de l'étranger, dé-
montrent que les Basques les ont acceptés pour parler
de ce qui se passait chez d'autres peuples, plutôt que
de ce qui avait lieu chez eux. Xitagea parait avoir été
employé pour dire qu'un homme avait perdu sa hberté ;
car Strabon nous apprend que les Basques avaient un
tel respect pour leur propre liberté, qu'ils ne faisaient
point d'esclaves.
Le nom de /anderra, employé pour exprimer l'é-
tranger, paraît dériver du mot teutonique land, qui
veut dire terre : ceux qui habitent la terre étrangère.
Les Basques ont connu des pauvres et des riches,
et parmi ces derniers, ils distinguaient ceux qui étaient
peu fortunés de ceux qui demandaient leur nourriture,
ezkaleac.
Le riche, aberatsa, était le possesseur. (V. p.274.)
Les Basques nommaient les Zinganes ou Bohémiens
errants, Asiagambaria et Igitucoa. Par le premier
mot, on peut admettre que les Basques n'ignoraient
pas que ce peuple vagabond était originaire de l'Asie :
découverte assez récente pour les Européens, et qui a
été faite au moyen de la linguistique. Le second nom
aura été adopté postérieurement et à l'exemple de plu-
sieurs peuples européens, qui faisaient venir les Zin-
ganes de l'Égypte.
On peut encore conclure que les Basques ont eu des
professions variées, et ont connu le mariage depuis un
temps très-considérable, parce qu'ils ont des mots
fort anciens pour exprimer ces choses.
ns,
Législation.
La loi écrite n’a pu évidemment exister qu'après
l'introduction de l'écriture chez les Basques; aussi lé
criture proprement dite ayant été introduite par les
Latins, le nom de la loi, lege, doit être d’origine la-
tine ou romaine.
Le droit, neurtartea, veut, à proprement parler,
dire l'art des mesures, mais peut-être bien aussi le
code des règlements.
Le jugement, debedea, parait avoir dû être consi-
déré comme un devoir auquel il faut satisfaire.
Les Basques, d’ailleurs, connaissaient les délits et
les crimes, et ont des noms pour les distinguer.
Le nom du bourreau, burreba ou burreroa, parait
être l’origine certaine de notre mot bourreau, car il
dérive du mot burua, qui veut dire téte en basque,
et qui démontre que l'office de l’exécuteur des hautes
œuvres était de donner la mort en coupant la tête.
Guerre.
Les noms relatifs à la guerre né manquent pas chez
les Basques, qui de tout temps ont été des hommes in-
trépides.
Les noms du guerrier, gudaria et gerratia, rap-
pellent la même origine que notre mot guerre. Mais
quelle est la racine primitive de ces mots? On retrouve
la racine gud dans ingudea, enclume. La particule
in indique, à n’en pas douter, que ce mot dérive du
360
latin incus, incudis, qui exprime la même chose. Cu-
dere veut dire forger, et a dù signifier primitivement
frapper, battre; car cusio est l'action de frapper ou
de battre la monnaie. Le guerrier est done celui qui
frappe ‘.
En général, j'ai remarqué que, dans la plupart des
langues, une bonne partie des noms indiquant le guer-
rier ou la guerre, dérivent de frapper, battre, ou de
l'instrument avec lequel on frappe.
Les mots battre, se battre, combattre, donnent
une idée de ce qui vient d'être dit.
Le mot grec palè vient de la racine pal, bâton,
pieu, qui est resté dans notre langue jusque dans le
dernier siècle écoulé, et qui existe encore dans la lan-
gue espagnole, palo.
Mazè vient probablement de la racine primitive mac,
faire, agir, combattre; et, de plus, ce mot renferme
peut-être aussi le nom de la main, xévr.
Le verbe latin pugnare vient de pugnus, le poing,
comme nous disons en venir aux mans.
Le mot soldadua est probablement moderne et in-
dique le militaire payé ou soldé pour se battre.
Le mot campicheca, tente, veut dire abri de cam-
pagne.
Le mot arma est commun aux Latins et à la plupart
des peuples modernes.
‘ On pourrait pousser plus loin l'analyse des mots gudaria et gudartaria ,
en gud arria et gud art arria, qui voudraient dire : coup de pierre , Ou quer—
rier lancant des pierres, Ou guerrier exercé à lancer des pierres; mais uria
et taria sont des sufixes qui servent pour former des adjectifs.
301
Le mot lanza, lance, qui était sans doute un jave-
lot destiné à être lancé à la main, est resté dans notre
langue.
Le mot pica, pique, ou instrument long et aigu , est
commun à un grand nombre de langues.
Les noms de la flèche sont nombreux; ils indiquent
que les Basques en ont puisé dans plusieurs langues.
Istoa, ou plus simplement ist, est tiré de l'onomato-
pée et exprime le sifflement de la flèche lorsqu'elle est
lancée; quecia, une pointe où un dard de querre;
sayeta rappelle le mot sagitta des Latins et celui de
zagae, si répandu qu'on le rencontre dans presque
toutes les langues.
Les noms de la fronde, aballa et aballaria, rap-
pellent la balle qu’elle sert à lancer.
Le nom ezpala, qui est sans doute un mot composé,
est de la même origine qu'espada, spada et épée.
Il est une foule d'autres mots moins importants qui
offrent encore des analogies remarquables et que l’on
trouvera dans le vocabulaire.
Navigation.
Des noms relatifs à la navigation, il en est un fort
remarquable, c’est batoa ou batel. Ce nom dérive, à *
n'en pas douter, de bat, nom de l'unité, et indique que
les bateaux, contrairement aux canots évidés dans le
tronc d'un arbre, sont formés de pièces réunies. Le
nom du bateau dérive donc de la langue eskuarienne,
et les Basques sont probablement les inventeurs des
302
barques formées par un assemblage de morceaux de
bois.
Le nom du navire, untzia, rappelle les noms étran-
sers onou, des Samoyèdes, et ongosou, des Toungou-
ses, peuples qui habitent près des régions polaires, et
viennent confirmer ce qui a été dit précédemment
relativement aux lieux anciennement habités par les
Basques.
RELIGION.
Avant d'être chrétiens, les Basques avaient reconnu
un être supérieur qu'ils nommaient Jaincoa, Seigneur
d'en haut. Ce nom composé, dont le premier terme se
rattache à une racine répandue chez tous les peuples
tant anciens que modernes de l'Europe et de l'Asie
( V. les parasynonymes), peut être fort ancien; ce-
pendant, il n’a dû dater que de l'époque où plusieurs
familles réunies se sont données un chef commun, qui
a pu être appelé Jauna; car pour distinguer le Sei-
gneur d'en haut, il faut avoir reconnu celui d'en bas,
ou celui auquel on obéit sur cette terre.
Ïl n’y a aucune trace linguistique qui ait pu me dé-
montrer que les Basques aient été idolàtres ou poly-
théistes. Est-ce dû au défaut de leur imagination, qui,
pleine de positivisme, ne crée ni n’adopte les idées fan-
tastiques, superstitieuses et religieuses des races sémi-
tiques? On peut le penser. Les Basques ont eu des cou-
tumes bizarres, qu'ils ont transportées d’une région dans
une autre, mais qui n'ont aucun rapport à ces croyan-
363
ces plus poétiques que rationnelles, où les produits
d'une imagination exaltée tiennent lieu de la réalité.
Il ne faut cependant point oublier de noter qu'Ignace
de Loyola, fondateur de l'Ordre des Jésuites , était Bas-
que; mais cet homme à fait preuve de fanatisme plutôt
que de religion.
Le nom de l'idole Ceagia parait venir de la particule
ez *, et d'agin ou egin, faire agir, et paraitrait vou-
loir dire sans puissance.
Il va sans dire qu'à de très-faibles exceptions près,
les noms relatifs à la religion catholique, observée par
les Basques, sont modernes et des sub-homonymes de
ceux qui sont usités chez les autres nations.
Ils distinguent le paradis, paradisua, du ciel, ze-
rua *.
D'où l'on peut penser que les Basques méprisaient
les idoles, et les considéraient comme de faux dieux
ou des êtres impuissants et dont on attendrait en vain
quelque secours.
Les Basques ont cependant le mot arrilu, synonyme
d'ensorceler, et le mot sorregin, qui veut dire 7e-
ter un sort, qui témoignerait qu'ils ont partagé cette
fausse croyance, qu’un individu pouvait jeter un sort
à un autre et en faire ainsi sa victime. Cela n’a d'ail-
leurs rien d'étonnant : l'ignorance et la superstition
laissant le champ libre à l'imagination, permettent
| Ez est souvent transformé en ce dans la langue basque.
? Le nom du paradis, que l’on dit d'origine persane, s’analyse fort bien en
grec, et voudrait dire auprès de Dieu. Ce serait le séjour dans lequel les élus
seraient appelés à jouir de la présence de Dien.
24
364
d'admettre une foule de choses impossibles. If n'y à que
la science et la saine philosophie qui aient pu extirper
ces erreurs si fatales au genre humain.
Le nom de Jaincobagea est la paraphrase d'athée
et veut dire sans Dieu.
Le nom de donedea, donné aux choses saintes, vient
d’une racine qui exprime la domination et qui est ré—
pandue dans une foule de langues. ( V. les racines pa-
rasynonymiques. )
Les noms divers de la création sont remarquables,
en ce sens qu'ils expriment en général l’action de fœre,
du verbe egin, et mème celle de faire quelque chose
avec rien, baguelic.
Les Basques paraissent n’avoir connu les temples,
temploa, que par les Romains. Effectivement, on ne
trouve dans les pays basques aucune trace d'anciens
monuments qui auraient pu être consacrés à un culte
religieux. Le nom elizea est une simple imitation du
mot ecclesia, qui est d'origine grecque *.
Obi, sépulture, est aussi le nom d'un fleuve consi-
dérable du nord de l'Asie *.
‘ Église vient d'eklégô, choisir. On traduit généralement le nom d'église par
l'assemblée des fidèles; mais ce nom peut dire plus encore : il indique un choix
de personnes tirées de la foule des autres personnes; car Leégô seul veut dire choi-
sir, appeler, et ek lego veut dire tirer de la foule ceux qu'on appelle; en un
mot, choisir. Les membres de l'Église sont les élus.
Élirea, nom basque, est plus prochain du verbe français élire que de tout
autre nom.
? Ce nom semblerait indiquer que le verbe latin obire n’a pas besoin d'un
complément pour exprimer l'action de mourir. Par exemple : obire, seul, veut dire
mourir, aussi bien qu'obire diem
mm
365
AGRICULTURE.
Les noms de l'agriculture, achurza, aitzutza, ont
cela de singulier que tous deux commencent par ach
et aitz, qui sont des noms de la pierre ou du rocher
en basque. Or, comme on ne cultive point les pierres,
mais que l’on peut cultiver à l’aide de pierres, il est
probable que les premiers instruments agricoles des
Basques étaient armés de pierres dures qui leur per-
mettaient de pénétrer dans le sol.
L'agriculture, chez les Basques, a donc dû précéder
l'emploi du fer et du bronze pour faire les instruments
agricoles.
Dans les terres polaires, où les métaux sont rares et
où l’on n’a pas même un morceau de bois pour faire un
manche d'outil, on emploie les bois du renne ou de l’é-
lan pour faire des instruments agricoles.
Le nom du joug du bœuf, u{zarria, contient aussi
un troisième nom de la pierre arria. Cette coïncidence
est vraiment remarquable *.
Il est probable que le joug n’a pu être fait avec de
la pierre, car il eût été fort pesant et bien peu solide;
mais, sous ce nom, on confondait probablement l’ins-
trument aratoire et le joug des bœufs, qui pouvaient ‘
être réunis en une seule pièce *.
Utz pourrait ètre de la même origine que les racines sanscrites us et de,
pénètrer, percer. Utzarria voudrait dire pierre qui perce , qui entame La terre.
? Dans les montagnes du nord de l'Espagne, on emploie une charrue excessi-
366
Lantzea, qui veut dire encore agriculture, vient
sans doute de landa et d'antzea, industrie de la terre.
La ferme porte le nom d'acienda, d'acia, semence,
grain, parce que c’est dans ses greniers que l’on con-
serve les grains provenant des récoltes.
Dans le dialecte du Labourd, l'a d'acienda est aspiré,
et l'on écrit hacienda. La ferme étant la demeure de
celui qui dirige les travaux des champs, il est possi-
ble que les verbes /acere, latin; hacer, espagnol, et
faire, français, dérivent de hacienda.
Les noms suivants présentent des analogies encore
plus douteuses que les précédentes :
Le nom de la charrue, goldea, semble venir de ce
qu'elle coupe le sol en faisant des sillons.
Le nom de la herse, area, semble venir de ce qu'elle
égalise le sol et en fait une aire. Le nom de la charrue
en latin, aratrum, parait avoir une origine semblable.
Pour que l'homme se livràt à l'agriculture, il à fallu
qu'il observat que les plantes se reproduisent par leurs
graines, et qu'il fit de plus cette réflexion : qu'une plante
en donnant plusieurs, il serait possible de multiplier
beaucoup celles qui sont utiles, en recueillant leurs
graines et les enfouissant dans une terre disposée pour
cela.
Ce résultat des observations et des réflexions de nos
vement simple : elle est formée par deux pièces de bois, réunies en T, mais
faisant entre elles un angle d'environ 500. La pièce représentée par la tige du
T peut être fixée au oug. La deuxième pièce, représentée par la barre de cette
lettre, entame la terre par une extrémité, tandis que Pautre, tenue dans la main
du laboureur, sert pour diriger tout l’appareil.
307
premiers pères, dont nous jouissons sans même nous
enquérir de son origine, a dû demander bien du temps
si nous en jugeons par les progrès des inventions de no-
tre époque; car il a fallu arriver jusqu'au milieu du dix-
huitième siècle, pour que lillustre botaniste Linnœus
nous enseignàt comment les plantes se fécondent.
Si l'étude de la nature à pu conduire à l'agriculture,
il est une pratique, fort ancienne déjà, qui a du de-
mander plus de temps encore pour se produire : c’est
l'emploi des engrais pour fumer les terres. Il a fallu
observer que les plantes poussaient en plus grande
abondance dans les lieux où l’on avait déposé des ex-
créments : de là, l'idée d'en introduire dans le sol pour
en réparer les pertes et en augmenter le rendement.
L'agriculture est l'indice d’une augmentation de la
population et d’un progrès de la civilisation.
Les Basques nomment l’engrais abono, et par là ils
semblent vouloir dire bonificateur où améliorateur.
Hon veut dire bon en basque, et l'emploi du b semble-
rait indiquer qu'ils ont tiré cet usage des Latins. Je dis
des Latins et non des Francais, parce que les Basques
du Labourd, qui sépare la France du reste de la Canta-
brie, ont un autre terme et disent cekina.
Il résulte de là que les Basques connaissaient les en-
grais avant de venir en Europe, mais qu'ils ont acquis
de nouvelles notions sur cette matière par les peuples
de Fltalie.
Pour l'expression de fumer les terres, les Basques
ont encore gorotzu, cimaurtu, basaralu et inaur-
kindu.
368
Le premier verbe à quelque analogie avec le nom
grec kôpros, et, il faut le dire, avec notre mot crotte.
Le second parait se rapprocher du mot fimus des
Latins; le troisième, venant de bas aratu, semblerait
vouloir dire cultiver ou rendre producteurs des lieuæ
incultes ou sauvages.
INDUSTRIE.
L'industrie, peu développée chez les Basques, com-
prend cependant quelques arts dont les noms sont ras-
semblés dans le vocabulaire.
Le nom ekintza, fabrique, vient du verbe egin,
faire *.
Les noms 2cazkintza, fabrique de charbon, et bei-
rakinlza, verrerie, s'expliquent facilement.
Le nom du cordonnier, zapataria, est l'origine du
mot zapatero des Espagnols, et se retrouve par sa ra-
cine dans notre mot savaile.
Le nom du moulin, errota, rappelle la forme cireu-
laire de la meule par celle d'une roue, rota en latin.
Aizerrota, moulin à vent, vient d’aice, vent, et de
la racine précédente.
Errotarria, nom de la meule, veut dire roue de
pierre.
Le verbe filer, irun, rappelle celui d'une ville d'Es-
pagne non loin de la Bidassoa.
* La racine de ce verbe paraît n’être pas étrangère aux racines ag, mouvoir
en sanscrit; ago, faire, agir, en latin, et ag, aller, conduire, en grec.
369
Aria, le nom du fil, semblerait indiquer que l'on a
filé la laine du bélier, aria, avant de chercher dans les
plantes une fibre textile. Ce nom a encore cela de sin-
gulier, qu'il rappelle le fil d'Ariane dont se servit Thé-
sée pour se guider dans le labyrinthe de Crète *.
Les verbes eo et cheitu semblent exprimer : l’un, éo,
le mouvement que fait le tisserand; l’autre, l'emploi de
la main, xéir en grec. D'où il résulterait que si les
Basques ont précédé les Grecs dans l’art de filer la laine,
ceux-ci leur ont enseigné à tisser leur fil.
L'un des noms du tisserand, cheila, vient à l'appui
de cette origine ; il voudrait dire main et laine, ou tra-
vail manuel de la laine.
Le nom de la toile, enta, veut dire une chose tissée ;
celui de tela a été introduit postérieurement chez les
Basques par les Latins et peut-être par nous.
Un des noms de la soie, ciricua, en rétablissant
l'orthographe, semble indiquer que les Basques ont
connu cette substance par la Syrie; et c'est effective
ment par cette contrée qu'elle a dù être introduite en
Europe avant que le ver à soie y fût cultivé.
COMMERCE.
Les Basques ne produisant que pour eux-mêmes,
se Sont généralement peu livrés au commerce. Les noms
du vocabulaire relatifs à cette partie sont représentés
! Ce nom fort remarquable rapproche les Grecs des Basques par leur origine
la plus reculée. Le verbe grec hard, ajuster, allier, accommoder, vient proba—
blement de la même origine, et serait postérieur à l'emploi de la laine du bé—
lier pour faire du fil formé de brins de laine que l’on ajuste et relie ensemble.
370
par quelques verbes qui se trouvent dans le catalogue
de ces dernies, tels qu'acheter, erostea; vendre, sal-
cea, bercerencea; payer, pagatu, elc.
ARCHITECTURE.
Sous le nom d'architecture, j'ai réuni plusieurs ter-
mes relatifs aux habitations et aux constructions en gé-
néral.
Murrua rappelle le mot latin murus, et les mots
français mur et muraille.
Eïtchea, echea, maison, rappellent le même nom,
Oixos en grec, le mot chai, français, usité à Bordeaux
pour désigner un grand cellier à l'usage des négociants
en vins, et le mot che, des chinois
Iria où hria, ville, parait venir de l'hébreu, îr,
mot qui a la même valeur.
Le nom d’une forteresse, gaztellu, rappelle celui de
castellum , latin; de castel, de chastel et de château,
français.
Les noms qui viennent d'être comparés sembleraient
indiquer l'inverse de ce qui a eu lieu : que les Basques
ont connu les murailles par les Latins ; puis que, mar—
chant vers la Grèce, ils y ont connu les maisons ou
constructions spacieuses et commodes à plusieurs com-
partiments; que, marchant toujours vers lorient, ils
ont connu les villes par le peuple hébreu; et que, re-
venant enfin vers l’ouest, ils ont accepté le mot castel-
lum, une forteresse ou un château fort; dont ils ont
fait gazstelua.
4
RÉ
371
L'itinéraire qui vient d'être tracé n'étant point en
rapport avec les indications tirées des autres parties
étudiées jusqu'à ce moment, il est plus convenable d'ad-
mettre que les Basques, les Latins et les Grecs, ont pu
puiser à une même source les noms qu'ils possèdent
en commun; que cest bien aux Hébreux que les Bas-
ques ont emprunté 22, le nom des villes, à leur arri-
vée dans le nord de la Chaldée. Quant au mot gaztelu,
il est propre aux Basques, et c'est par eux qu'il a dû
être communiqué aux Latins, puisque les Brezads pos-
sèdent le mot castel et qu'ils viennent de la même ori-
gine que les Basques.
Un autre mot, tiré du vocabulaire de l'architecture,
vient rappeler cette communauté d'origine : c’est es-
tratea, rue, qui rappelle les mots séreet des Anglais
primitifs, et stread des Brezads, leurs congénères.
Le mot cale se retrouve dans le castillan, calle, rue.
BEAUX-ARTS.
Les beaux-arts ont été peu cultivés par les Basques.
Vivant indépendants, ils se contentent de leur liberté.
Je dois cependant dire qu'ayant traversé à petites jour-
nées les pays basques espagnols dans toute leur lon-
gueur, depuis Santillana jusqu'à Saint-Sébastien, en
passant par Puente de Arce, Bilbao, Azpeitia et Tolosa,
J'ai rencontré des châteaux de la renaissance ruinés, qui
attestaient une élégante architecture et étaient recou-
verts de riches sculptures. Le portail de l'un d'eux était
encore debout; son sommet était surmonté d'une statue
372
de femme habillée portant un cornet, qui était d'une
grande pureté de forme et d’un effet admirable. Sur les
maisons de Santillana, on remarque un grand nombre
d'écussons très-bien sculptés; mais là on n’est pas à
proprement parler dans les pays basques. On peut
encore citer le monument élevé à la mémoire de Loyola,
dans une pleine située près d’Azpeitia.
Le nom de la sculpture, otallua, et celui des sta-
tues, {allua, rappellent notre verbe tailler, ainsi que
je l'ai déjà dit *.
La musique, otsankida, rappelle le son qui la pro-
duit : ofs.
Le nom de la danse, dantza, rapproche les Basques
des Brezads, et les éloigne des Espagnols, qui disent
bailar pour danser.
Le chant, cantua, se retrouve dans le latin, le bre-
zon et le français.
Comme on a dansé et chanté à toutes les époques, il
est probable que les peuples qui ont des noms sembla-
bles, ou à peu près tels, pour exprimer ces actions,
sont de la même origine.
Il serait illogique d'admettre que les mots cantua
et dantza fussent tirés du latin : les Basques ont
chanté avant qu'il fût question du peuple qui a parlé
celte langue.
OBJETS USUELS.
Sous le nom d'objets usuels, j'ai réuni une foule
Le nom piédestal, français, vient peut-être du mot tallua.
373
d'objets, d'outils et d'instruments qui n'ont pu trouver
place dans les divisions précédentes. Ces objets sont
fort nombreux et peuvent donner des renseignements
très-utiles. Cependant, pour ne point trop prolonger
une dissertation déjà fort longue, je ne m'occuperai que
des principaux.
Le marteau, mallua, et la bits lima, rappellent
le nom du maillet et de la lime, français, ainsi que
malleus et lima, latins. Il a déjà été dit d'où vient le
nom de l'enclume.
Le nom de la faux, igitaya, semble indiquer qu'elle
vient d'Égypte, à moins que son nom ne vienne d’egin,
faire, agir, et de {ailler ‘, et veuille dire couper en
agissant. [taya voudrait dire aussi couper en allant.
La fourche, sardea, semble dire de Sardaigne.
Cependant, la fourche est une chose si simple, offerte
naturellement par les branches des arbres, que l’on
peut douter de cette origine. Hurka, un angle, parait
être l’origine des mots furca et fourche.
Jostorratza, le nom de l'aiguille à coudre, est un
nom composé qui semble indiquer tout à la fois le verbe
joindre et le nom de la couture; de telle manière que
joindre et coudre viendraient d’une même racine.
Le nom du plat, platea, et le nom de la tasse, taza,
rappellent les noms qui les expliquent en français; le
dernier est aussi persan. Luborlla, plat de terre, veut
dire un rond de terre.
Cullida et collara, cuiller, rappellent l'action de
cueillir.
* Cette racine a dù exister dans la langue basque. (r. 1 Partie, p2697)
374
Canibeta, nom du couteau, rappele le Ænife, an-
glais, et notre canif.
Les noms divers de la cuisine rappellent zu, nom
du feu employé pour cuire les aliments; comme les.
noms français, espagnol, italien, portugais, allemand
et anglais rappellent l'action de cuire.
Le nom dela bière, gararnoa, veut dire vin d'orge.
Les noms du fromage, gazla, gazlaya, et même
gasna, rappellent notre mot français gâlé, gasté, qui
en est la racine, et caseum pourrait bien aussi en dé-
river. Ce nom viendrait de ce que l’on fait le fromage
avec du lait gâté.
Avee un peu d'attention, les autres noms du voca-.
bulaire consacrés aux objets divers fourniront d’autres
analogies.
Le nom du rayon de la roue, besagu, parait être
connu des Basques depuis fort longtemps; cependant,
leur pays est encore sillonné par une foule de voitures
de charge ou de transport dont les roues sont pleines
ou seulement évidées par deux ouvertures percées dans
les madriers qui les forment. Les essieux de ces voitu-
res sont généralement en bois; aussi font-elles enten—
dre un bruit fort incommode.
DIVERS.
Dans ce groupe se trouvent réunis des noms qui
n'ont pu trouver place dans les groupes précédents. On
peut remarquer parmi EUX :
Andrea, dame, maitresse de maison, féminin du
grec anèr, gen. Andéros, mari; rencontre bizarre, qui
375
placele mari chez les Grees et la femme chez les Basques!
La lampe, argiontzia, veut dire vase-lumière!
Lampa vient probablement du grec.
Baga, vague de la mer. Vague, qui est aussi le signe
de l'incertitude ou de l'indétermination dans notre lan-
gue, devient une négation dans le dérivé basque bagea.
On a cherché l’origine du mot français bouteille
sans la trouver. Ce nom vient du diminutif de bota,
une outre à vin, en basque et en espagnol. Botella
est une petite outre ou une bouteille *.
Quand on compare la vie à un sentier, on ne se
doute pas généralement que sentier et vie deviennent
presque homonymes dans la langue basque, comme
dans la nôtre d’ailleurs : bicia, la vie; bidia, une
voie.
On trouve du reste, dans ce groupe, d'autres ana-
logies faciles à saisir et qu'il est inutile d'indiquer : tel-
les sont celles relatives aux mots ampolla, barrica,
caxæa, hucha, arca, espia, salaria, ermua, trabail-
lua , plama, virgina et usura, qui correspondent à
ampoule, barrique, caisse, huche, arche (coffre),
espion, salarié (espion), ermite, travail, feuille de
papier, vierge et usure.
! Le nom de l'outre, bota, vient sans doute de celui des bottes avec les-
quelles nous nous chaussons, parce qu'on les a d'abord faites avec des peaux
sans coutures et liées à leurs ouvertures naturelles comme une outre.
376
ALJECTIFS, VERBES, ADVERBES, PRÉPOSITIONS, CONJONCTIONS,
Les généralités relatives aux parties du discours de
la langue basque se trouvent dans les notions gramma-
ticales placées en tête des II° et IV® Parties.
Racines de la langue eskuarienne.
Si l'analyse des langues et la comparaison des mots
qui les constituent peuvent donner des renseignements
sur l’histoire sociale des peuples primitifs, l'étude de
leurs racines ne parait pas devoir être moins féconde en
heureux résultats. En effet, il y a une analogie évi-
dente entre rechercher les racines d'une langue et re-
monter à l'origine du peuple qui la parle. La compa-
raison de ces racines avec celles des autres langues,
l'étude de la formation des mots, nous permettraient
pour ainsi dire d'assister à l'évolution sociale des races
et des nations.
Il serait bien à désirer que l'analyse des langues fût
facile à faire, car il est évident que l’on en retirerait
d'immenses avantages; mais il n’en est point ainsi : ce
n’est que par un grand travail et une application cons-
tante que l’on y peut parvenir. Ce qui a été dit dans la
re Partie le démontrerait, si cela n’était une chose re-
connue de tous ceux qui se sont occupés de linguistique.
Il faudrait d'abord savoir au juste ce que l’on en-
tend par racines d'une langue, et où l’analyse peut et
doit s'arrêter. Il n’y a rien de décidé à cet égard. Les
377
uns veulent que toutes les racines des langues soient
tirées de l’onomatopée. Un auteur, dont je tairai le
nom, veut qu'elles soient tirées de l’interjection. D'au-
tres veulent qu'elles viennent des noms des êtres; les
autres les voient dans les verbes. Au lieu de discuter
la valeur de ces diverses opinions, je vais me borner à
raconter ce qui m'est arrivé en cherchant les racines
de la langue basque; cet exemple sera plus utile qu'une
dissertation.
Après avoir fait-un vocabulaire d'environ deux mille
acceptions principales de la langue basque, j'ai cher-
ché les racines de ces acceptions, et j'en ai trouvé onze
cent cinquante-huit *.
L'étude et la réflexion m'ont appris que plusieurs raci-
nes que j'avais adoptées sont des mots dérivés, ou même
quelquefois des mots composés. Ezfin, quelques mois
après le premier travail, j'ai soumis à un nouvel exa-
men les racines commençant par la lettre À, et sur cent
soixante-deux racines, j'ai obtenu les résultats suivants :
Racines ayant la même valeur dans diverses
EDEN CEA CIEL SP EPP ETES ARE COL RES 7
Racines analogiques ou ayant une acception
prochaine dans d’autres langues... 42
Racines dérivées d’autres racines basques. 23
Mots composés... écho escorte douce Ten
Racines réelles et propres à la langue basque. 73
162
! Le nombre des racines élémentaires de la langue basque ne s’élèverait guère
au dela de deux mille, si l'on opérait sur les treize à quatorze mille mots dont
elle se compose. C’est parce que les mots élémentaires ont été choisis qu'ils ont
donné un nombre de racines relativement aussi élevé : presque tous les autres
sont des dérivés.
378
Sur les soixante-treize racines qui aujourd'hui me
paraissent propres à la langue basque, il y en a douze
qui peuvent être composées et dont j'ai une des racines
constituantes. [| y en a encore quatre autres qui me
paraissent l'être, mais dont je n'ai aucune racine; le
nombre des racines proprement dites est donc réduit
à cinquante-sept. Dans quelques mois, il le sera peut-
être à cinquante, et dans un an il pourra y en avoir
encore moins, si j'ai le loisir d'y songer.
On ne trouve pas les racines d’un mot quand on le
veut; il faut pour cela saisir des analogies qui ne se
présentent pas toujours d'elles-mêmes. C'est ce dont
il sera facile de se pénétrer en cherchant les analogies
qui relient les mots suivants :
Hamua............. hameçon.
Haha ere
AmarIILE ELA IA MmMÈrEt
Amarra...........…. Cancre (crustacé ).
Amaratu........... . amarrer.
Amore............... amour.
Hamon.........….. harpon.
En faisant dans l'orthographe de ces noms quelques
changements permis par les divers dialectes de la lan-
gue basque, les réduisant à leur forme indéfinie et les
mettant dans un autre ordre, nous aurons le tableau
suivant, qui rendra les analogies plus faciles à saisir :
AIRE dE ARTE mère.
ANOMEE ER eos e amour.
— nn
Amar... REC ARE lien.
Amar ae. leo dix.
1 CNT PEER ERS . hamecon
Hamon 53.13. ab harpon.
Amarra.........….…. homard.
Les liens qui unissent une mère à ses enfants sont
le plus bel exemple de l'amour. Lier, c'est amarrer:
amarrer, c'est arrêter, c’est fixer les animaux à l'ex-
trémité d’un lien terminé par un hamecon ou un har-
pon.
Il a déjà été dit comment le nombre dix, amar, de-
rive d'amaratu, et il suffit de considérer les pattes des
crustacés, tels que les crabes et les homards, pour
comprendre comment ces animaux peuvent amarrer
leur proie *.
On a vu qu'aizcora, la hache, dérive d’aitz, pierre
ou rocher. Il doit en être de même d'aiztua, le cou-
teau, et d'aitzura, bècher *. Asbida, le larynx, de-
vient asne bidea, la voie de la respiration ou le
passage de l'air. Acienda, la ferme, devient l'endroit
où l’on serre le grain, acia; et bien d’autres mots en-
core que je pourrais expliquer sans sortir de la lettre À.
Parmi ceux-ci, il en est un trop remarquable pour
que je le passe sous silence : c’est airgea, ténèbres.
Ce mot s'analyse assez facilement en air gea *, sans
air... Si l'on considère que, dans les temps primi-
! Amar est basque , hébreu et français, Homard est sans doute une corrup—
tion d'hamar
? Aitzura renferme aussi le nom du bois.
* Gea Vient de bagea. Les Basques, peu soucieux de conserver les traces de
25
380
its, on a dû confondre l'air avec le ciel, le jour et la
lumière, on admettra facilement qu'airgea veuille dire
sans lumière où ténèbres.
Les exemples qui précèdent et ce qui à été dit dans
la Irc Partie de ce travail doivent démontrer que l'ana-
lyse des langues peut remonter beaucoup plus haut
qu'on ne le soupçonne ordinairement, et que les raci-
nes véritablement primitives doivent être en très- petit
nombre.
&i cent soixante-deux racines, qui viennent d'être
examinées, se réduisent à cinquante-sept, deux mille
racines que la langue basque pourrait donner par l'a-
nalyse immédiate, se réduiraient à sept cent trois.
M. Eichhoff a réduit les racines verbales de la lan
gue sanscrile à cinq cent cinquante. Mais de ces ra-
cines, qui sont presque toutes représentées par des ver-
bes actifs, on remonte difficilement aux mots usuels
des langues.
En poussant aussi loin l'analyse de cette sorte de
racines, on arrive à des expressions si générales, que
l'on retombe presque toujours dans les mêmes. Ainsi,
dans le petit nombre de racines admises par M. Eichhoff,
il y en à cinquante-quatre qui sont traduites par ou-
vorr !
Il résulte de ce qui précède, que l'on prend géné-
ralement pour des racines des mots qui n'en Sont pas,
l'origine des mots composés qu'ils forment, coupent leurs racines pour les en
ployer : ils en mettent la première partie au commencement des mots, ou la der-
nière à la fin. D'autres fois, ils les retournent : ex, particule négative, se change
souvent en ce.
38 |
puisqu'en les soumettant à une analyse convenable, on
parvient à les décomposer et à leur trouver un sens
déterminé qui convient parfaitement à leur signifi-
cation.
L’utilité des racines des langues et les difficultés que
lon éprouve pour les trouver, permettraient d'en dis-
tinguer deux espèces : les racines primilives et des
racines que je nommerai élémentaires, parce qu'elles
sont les éléments des langues, qu'elles soient simples
ou composées, comme les éléments chimiques de no-
tre époque sont les éléments des combinaisons, que leur
simplicité ait été démontrée ou non.
Si l’on réduisait plusieurs langues en leurs racines
élémentaires, et si l'on comparait ces racines, elles se
rangeraient en trois groupes analogues à ceux qui ont
déjà été établis pour les racines basques :
4° Racines communes à plusieurs langues avec une
même signification ;
20 Racines communes à plusieurs langues avec une
signification dérivée;
3° Racines propres à chaque langue.
Pour savoir quel parti l'on peut tirer de ce classe-
ment des racines, admettons pour un moment qu'une
race primitive se divise en plusieurs nations, et que
ces nations finissent par avoir de nouvelles relations
entre elles et avec des nations provenant d'autres races.
Dans cette condition, chaque nation perd un certain
nombre de racines primitives, crée des dérivés et des
mots composés. Plus tard, en communiquant avec
d'autres races, elle acquiert des racines qu'elle avait
382
perdues, et elle en prend d'étrangères à son idiome
primitif. Lorsque ces nations seraient arrivées à ce
point, les racines du tableau précédent se répartiraient
selon le tableau suivant :
1° Les racines communes à plusieurs langues se-
raient évidemment des racines primitives.
2° Les racines dérivées permettraient de remonter
à des racines primitives.
3° Les racines propres comprendraient :
a. — Des racines primitives conservées dans cer-
taines langues et oubliées dans les autres;
b. — Des racines revenues après avoir été plus ou
moins altérées;
c. — Des racines puisées dans des langues primiti-
ves différentes de celles soumises à l'analyse ;
d. — Un résidu formé de racines tellement altérées
qu'elles seraient méconnaissables, et de racines déri-
vées et composées qui auraient échappé à l’analogie et
à l'analyse.
Ce travail, que je n'ai pu qu'ébaucher et dont je ré-
serve les résultats généraux pour une autre publication,
me conduit à conclure :
1° Que la langue basque contient beaucoup de raci-
nes primitives perdues -pour les autres langues ;
2° Qu'elle est beaucoup plus ancienne que les lan-
gues grecque et latine ;
3 Qu'elle à concouru à former toutes les langues
dites aujourd'hui indo-germaniques, la langue tur-
que, la langue des Esquimaux, et celle de plusieurs
peuplades de l'Amérique méridionale.
383
Ces conclusions seront confirmées d'ailleurs par l'é-
tude qui va suivre des racines parasynonymiques, du
vocabulaire chronologique et des études topologiques.
Parasynonymes ou dérivés analogiques.
Les parasynonymes ont été définis p. 277, $ XII.
Je me suis en outre assez étendu sur les racines déri-
vées, pour qu'il soit utile d'entrer dans de nouveaux
détails à ce sujet.
Les parasynonymes, tout en démontrant comment
les racines et les mots s’altèrent en passant d'une lan-
gue dans une autre, permettent de reconnaitre l'uni-
versalité et l'ancienneté des racines de la langue basque.
La racine ber, chaleur, dont sont successivement
dérivés les substantifs animal, troupeau, richesse, et
le verbe habere des Latins, se retrouve dans le sans-
crit, l'hébreu, le grec, le latin, le francais et les lan-
gues celtiques et germaniques.
La racine su, feu, se retrouve dans le sanscrit, l'hin-
doustani, dans les langues celtiques et germaniques,
et dans celles des Esquimaux et des Groënlandais, avec
des significations variées qui correspondent à soleil,
œil, beau temps, etc.
La racine w, tirée d'ura, l'eau, donne lieu à un
grand nombre d'acceptions différentes, déjà signalées
p. 276.
Cette racine est plus ancienne que les noms primi-
tifs grec et latin wrina et oyron, qui en dérivent im-
médiatement.
384
La racine arg est aussi fort ancienne et donne nais-
sance à des dérivés grecs et latins.
Je n'ai pu décider si les racines sanscrites ég et dg,
qui veulent dire luire, briller, sont plus anciennes
que les mots basques egun, jour, et ekia, soleil; mais
selon toutes les probabilités, les racines sanserites sont
dérivées des mots basques, parce qu'ils sont tout à
fait primitifs. C'est ici le lieu de dire que des verbes
peuvent dériver de noms substantifs; car le soleil est le
type de ce qui brille et n’a pu recevoir ce nom d'aucune
autre lumière terrestre, parce qu'il les a précédées tou-
tes. Il est donc éminemment probable que deux racines
sanscrites très-anciennes sont dérivées de la langue
basque.
Comme conséquence de ce qui vient d'être dit, la
racine sanscrite wr, mouvoir, étendre, vient plutôt de
la racine basque ura, eau, que celle-ci ne vient du
sanscrit. Les idées sont la conséquence de l'existence
des êtres, et il a fallu de l’eau, qui s’étendit et coulàt
dans tous les sens, pour donner celle de répandre. Si
les eaux courantes paraissent dériver de mots qui, en
général, veulent dire aller, ces mots sont générale-
ment composés et veulent dire : l’eau va en coulant
dans le lit des fleuves et des rivières.
L'examen des parasynonymes suflira pour démontrer
que la langue basque est une des langues les plus an
ciennes qui soient parlées sur le globe; il n’y a peut-
ètre que les langues arabe et chinoise qui puissent lui
être comparées sous ce point de vue.
389
Vocabulatres comparés à la langue basque.
Ces vocabulaires sont une dépendance du vocabu-
laire chronologique; mais comme ils servent pour dé-
terminer les faits, les lieux dans lesquels ces faits se
sont accomplis et les relations des peuples, et qu'il eût
été difficile de les faire rentrer dans le vocabulaire
chronologique, je les ai conservés à part.
Les vocabulaires comparés comprennent l'hébreu et
le chaldéen , l'arabe, le persan , le sanscrit, le grec, le
latin, le guarani, l'esquimau, le français, et quelques
mots qui se rapportent à diverses langues réunies en-
semble et par groupes, selon les lieux habités par les
peuples qui les parlent. Le latin, l'espagnol et le fran-
çais, se trouvent d'ailleurs comparés avec le basque
dans toute l'étendue du vocabulaire général.
L'examen des vocabulaires comparés conduit aux re-
lations suivantes :
Tous les peuples dont les vocabulaires ont été ana-
lysés, ont eu des relations dès l’âge primitif.
Cet âge a duré longtemps pour les Basques, puis-
qu'ils s'y trouvaient encore, à peu de chose près, à
l'époque où Strabon écrivait.
Dès l'époque où les Basques furent en eontact avec
les Samoyèdes, ils ont connu les navires ou des bar-
ques d’une dimension assez considérable.
Plus tard, les Basques ont eu de nouvelles relations
avec les Hébreux, à l’époque où ceux-ci construisaient
des villes; ils en ont eu aussi avee les Persans, lorsque
386
l'on avait déjà inventé les serrures, puisque c’est de ce
peuple qu'ils tiennent le nom de la clé.
Les Basques paraitraient s'être trouvés avec les In-
diens-Sanscrits, dont ils auraient emprunté le nom
de l'essieu. Cependant, il est probable que ces dernières
relations n'ont pas existé, et que ce nom a été tiré des
autres langues, telles que le grec et le latin. Cela n'a
rien qui puisse étonner, puisqu'il existe un très-grand
nombre de mots sanscrits dans ces deux langues.
Les relations des Basques avec les Turcs remontent
aussi jusqu'à l'époque primitive; cependant, il est pro-
bable qu'à cette époque la race turque n'existait pas;
mais comme elle a eu nécessairement des ascendants,
les Basques doivent en faire partie, puisqu'il y à une
relation très- fréquente entre les noms primitifs des
deux langues.
Les Turcs me paraissent être des métis.
Si l'on analysait leur langue comme jai analysé
celle des Basques, on retrouverait facilement les races
qui ont concouru à leur production.
Je crois pouvoir dire dès aujourd'hui que, par leurs
caractères ethnographiques et par leur origine topolo-
gique, les Turcs me semblent venir des Basques et de
la race mongole.
Les relations des Basques et des Arabes ont été fort
étendues et se rapportent probablement à plusieurs
époques fort distinctes, quoique les termes communs à
ces deux races ne paraissent pas l'indiquer ; mais l'exa-
men des circonstances générales dans lesquelles ces
deux peuples se sont trouvés, permet de le penser. Il
387
est difficile, d'ailleurs, de conclure quelque chose d’ab-
solu relativement à l'ensemble des relations des peuples
dès le premier âge, parce qu'il faudrait faire, pour cha-
cun d'eux, un travail semblable à celui que je fais en
ce moment pour les Basquese Il à pu y avoir des in-
vasions et des pérégrinations que l'histoire ne nous fait
pas connaitre. Les Arabes sont aujourd'hui répandus sur
une zone considérable, qui s'étend de la presqu'ile arabi-
que à l'océan Atlantique. [ls ont eu des rapports assez
récents avec les Basques, qui les ont chassés du nord
de l'Espagne, et ils ont sans doute une foule de métis
qui s'étendent à des latitudes plus boréales. Il est donc
probable, ainsi que je l'ai dit, que les Basques se sont
trouvés plusieurs fois en présence des Arabes. Il ne
faut pas oublier non plus que les Basques ont eu des
relations immédiates avec les peuples qui ont parlé les
divers dialectes de la langue hébraïque, et que beau-
coup de mots de ces langues peuvent se trouver tout à
la fois et dans la langue basque, et dans la langue
arabe. Par exemple : le mot hébreu arag, qui veut
dire {uer, se retrouve dans le basque aragia, viande,
et dans le mot arabe «’rq, os couvert de chair.
Les relations des Basques, des Esquimaux, des Gua-
ranis et des Quichuas, remontent à l'époque primitive.
Les Esquimaux appartiennent à la race mongolique
et n'ont pu avoir avec les Basques que des relations
telles qu'il peut s'en établir de race à race. Ces rela-
tions tendent à démontrer que les Esquimaux, nés dans
le sud de l'Asie et refoulés dans le nord de ce conti-
nent, se sont rencontrés avec les Basques, et que ce
388
n'est qu'après avoir établi ces relations qu'ils se sont
rendus en Amérique.
Des observations, que je publierai ultérieurement,
me portent à penser que les Esquimaux actuels sont
-des métis de la race momgole par les hommes, et des
races du nord de l'Amérique par les femmes.
En résumé, les Basques ont eu, dès l'époque primi-
tive, des relations indubitables avec les peuples sémi-
tiques, les peuples indo-germaniques, les peuples qui
habitent les régions les plus septentrionales de l'Asie,
et de plus, avec des peuples qui habitent le nord de
l'Amérique septentrionale et d'autres peuples qui ha-
bitent une vaste étendue de l'Amérique méridionale,
comme on le verra par les études topographiques.
Vocabulaire chronologique.
Pages 283 et suivantes je me suis longuement étendu
sur les moyens qu'il était possible d'employer pour re-
trouver les époques des faits accomplis, dont les traces
pouvaient être retrouvées par des études linguistiques
et anthropologiques. J'ai été ainsi amené à la création
d'un vocabulaire chronologique. Il ne reste donc plus
qu'à exposer comment ce vocabulaire a été exécuté.
Si la raison ne donnait les lois de la filiation du pro-
grès de la civiliation, la simple observation de ce qui
se passe dans les différentes régions habitées du globe
suffirait pour l'établir.
On voit ainsi que la civilisation, parvenue chez nous
à un développement considérable, existe à tous les de-
389
grés chez les peuples de l'Océanie, de l'Afrique, de
l'Asie et de l'Europe, et même dans le seul continent
américain.
En partant du principe développé pages 205 et sui
vantes, qui établit qu’il y a une relation forcée entre
l’homme et les produits de ses travaux, selon les cir-
constances qui l'entourent, on est conduit à appliquer
à une race quelconque les résultats de l'observation gé-
nérale.
L'évolution sociale a été divisée en plusieurs âges.
En réalité, il n'y a qu'un seul âge, qui a commencé
avec l’homme et qui finira avec lui; mais afin d’avoir
des termes de comparaison, j'ai établi cinq âges, qui
représentent les divers degrés de l’évolution sociale ob-
servée à la surface du globe.
Les points, d'arrêt reconnus chez les races qui peu-
plent le globe m'ont servi pour établir les âges, de
même que Werner a dù diviser les terrains considérés
géologiquement, d'après les arrêts observés dans les
formations qui l'entouraient.
Les àges de la civilisation ne sont point absolus; car
il est des races plus perfectibles que d'autres, lors-
qu'aucune tyrannie ne pèse sur elles ; c’est ainsi que les
Grecs ont pu, dès les premiers temps de l’histoire,
créer des chefs-d'œuvre scientifiques, littéraires et ar-
tistiques , qui seront à jamais des modèles de perfec-
tion, tandis que les Basques, jouissant d'une grande
liberté, n’ont rien produit de semblable.
Le vocabulaire chronologique peut être établi dans
l'ordre suivant :
390
AGE PRIMITIF.
Age d'or; nourrilure sans travail; habitants des
îles de l'Océanie avant leur découverte par les Eu-
ropéens.
Étres et phénomènes cosmologiques : lune, soleil,
étoile, jour, nuit, etc.
Étres terrestres anorganiques el organiques :
montagne, plaine, rivière, mer, etc.
Nom du peuple dans la langue qu'il parle et dans
celle de ses voisins.
Nom de l'homme.
Noms des parties du corps de l'homme et des ami-
maux : tête, membres, ailes, etc.
Idées générales et abstraites : feu, lumière, eau, etc.
Parenté : père, mère, enfant, fils, fille, etc.
Objets divers el instruments : baton , are, flèches,
lance ou zagaie, elc.
Mots divers représentant nos préposiions el nos
adverbes : haut, bas, loin, près, etc.
Arts libéraux : premières traces de l'art par des
sculptures.
DEUXIÈME AGE.
Travail indispensable à l'alimentation. Climat
nécessitant des abris, des vêtements et du feu. Peu-
ples autochtones de l'Amérique, Celles et Brelons.
391
Plusieurs peuples de l'Afrique. Premiers âges de
la Grèce et de Rome.
Supershition, idoldtrie, culte : idole, autel, tem-
ple, sacrificateur, etc.
Hiérarchie sociale : chef, castes privilégiées, escla-
ves; tente, hutte, village, ville.
Les objets et les actes qui se rapportent à cet âge
varient selon que la nation à laquelle ils se rattachent
ne vit que de chasse, de pèche, de troupeaux ou d’a-
griculture.
Peuples chasseurs : appats, piéges, peaux, etc.
Peuples ichthyophages ou pécheurs : filet, ligne,
hameçon, harpon, etc.
Peuples pasteurs : troupeaux, pâturages, toi-
sons, etc.
Peuples agriculteurs : sol arable, instruments ara-
toires ; semer, récolter, etc.
Les peuples de cet àge sont nomades, à cela près de
ceux qui se livrent à l'agriculture : ils sont tous guer-
riers. Les peuples nomades ont des tentes et divers ob-
jets de campement; ils ont tous des armes plus perfec-
tionnées que ceux de l’âge précédent; ils commencent
à porter des armes défensives. À cette époque, se ratta-
chent donc des armes variées, des vêtements, des ob-
jets de luxe, et, de plus, des noms d'animaux domptés
ou réduits à l'état de domesticité, qui varient selon les
lieux.
TROISIÈME AGE.
Cet âge, qui est la continuation du précédent, est
392
caractérisé par le développement des idées religieuses ;
l'idée d'un Dieu unique, celle de l'existence et de l’uni-
versalité de l'âme, commence à se produire. On remar-
que l’organisation d'un gouvernement, la création de
monuments publics, la tactique militaire.
Chez les Romains et surtout chez les Grecs, avec
les mêmes moyens d'exécution, mais guidés par une
intelligence supérieure, l’architecture et les beaux-arts
ont pris un développement considérable. Les sciences
naturelles ont été créées par le génie d’Aristote; l’arith-
métique et la géométrie ont été fondées par les génies
de Pythagore et d'Euclide.
L'apparition de quelques machines élémentaires, la
fabrication de divers produits, le commencement de la
métallurgie, le commerce, l'invention de la monnaie,
celle de l'écriture, celle des beaux-arts, le perfec-
tionnement de l'astronomie, la création de l’année so—
laire et l'origine de quelques sciences, caractérisent ce
troisième àge.
On a donc à signaler tous les mots nouveaux qui
correspondent à ce nouvel ordre de choses ‘
QUATRIÈME AGE.
Religion et hiérarchie, comme les précédents; ré-
publique.
Constructions : édifices publics plus développés que
dans l'âge précédent.
«
est pour éviter
On les tronvera réunis dans le vocabulaire chronologique ;
un double emploi qu'on ne les donne pas ici
a
393
Navigation perfectionnée par les connaissances as-
tronomiques et les instruments de physique; usage de
l'aimant.
Commerce très-étendu par le perfectionnement de
la navigation : introduction des noms de différents peu-
ples qui habitent le globe ; développement des connais-
sances géographiques.
Armes à feu : attaque et défense des places.
Création des sciences expérimentales : physique,
chimie, développement de la mécanique pratique, per-
fectionnements considérables apportés à l'astronomie,
création de la géologie, nouvel aspect des sciences re-
latives aux êtres organiques.
Arts chimiques : vitrification, porcelaine, aci-
des, sels, potasse, soude, savon, métallurgie du fer,
trempe de l'acier, tannage des peaux.
Existence des beaux-arts.
CINQUIÈME AGE.
Cet àge, qui représente l'état de notre civilisation
depuis quelques siècles, se trouve caractérisé :
Par des oscillations dans les idées religieuses ;
Par le renversement de la féodalité, la création et le
renversement du gouvernement représentatif ou parle-
mentaire ;
Par la discussion des idées philosophiques, socialis-
tes et humanitaires ;
Par des invasions réciproques qui opèrent un échange
mutuel d'idées et de mots;
Par une foule d'inventions qui facilitent la commu-
394
mation de la pensée, soit en la répandant avec une
grande diffusion, soit avec une rapidité extrême : tel-
les sont l'imprimerie, l'application de la vapeur à la
navigation et aux chemins de fer, la télégraphie ;
Par la création d'une foule de machines et d'indus-
tries nouvelles, qui occupent des populations tout en-
uères ;
Par d'immenses progrès dans les sciences, qu'elles
soient abstraites, comme les mathématiques, ou qu'elles
aient la nature pour objet, comme la physique, la chi-
mie et les sciences naturelles proprement dites;
Par des progrès non moins grands dans les beaux-
arts et la littérature.
On remarque en outre :
Substitution du crédit à la monnaie;
Introduction d'un jury dans les tribunaux;
Abolition de l'esclavage ;
Création de colonies pénitentiaires ;
Abolition momentanée de la peine de mort;
Tendance à l'abolition de la guerre;
Amélioration matérielle et morale des classes infé-
rieures de la société.
Dans l'application, je n'ai pas poussé l'étude du vo-
cabulaire historique relatif aux Basques au delà de la
troisième époque, parce que depuis que cette époque a
commencé, l’histoire a parlé.
Le vocabulaire historique a été comparé avec les vo-
cabulaires des autres langues. Cela n'a pu être fait
395
pour tous les mots qu'il renferme, soit par le manque
de vocabulaires, soit par leur insuflisance.
Les noms appartenant à chaque langue ont été comp-
tés, et voici le résultat obtenu pour le premier àge :
Français et Brezon AS TALIN:...5..,.:.....:.... 44
MUNC:=. 2 dne-csscecececoe AA -LNONO de l'ASI6....... sa cet 40
Sanscrit....... ae 8 — Amérique du Sud... 8
Esquimau .:.............. 7 — Langues germaniques. 6
Hébreu AU. pennt 6EI'Arabeste in PENES
PERSAN SE. + he ee 2 FEES Sax ON: Se. nest. 3
Roman... suc. 13 — Thubétain et Grec... 2
Espagnol, chinois, berbère, japonais, mongol, koph-
te, coréen, langues du Caucase, un mot pour chacune
de ces langues.
Le petit nombre de mots primitifs reconnus pour
avoir appartenu à plusieurs langues, tient au peu d'é-
tendue du vocabulaire chronologique. Si ce vocabu-
laire eut été plus considérable, beaucoup d’autres mots
seraient venus y prendre place. Cela sera rendu évi-
dent par les vocabulaires comparés, qui ne sont qu'une
extention du vocabulaire chronologique.
Dans les deux àges suivants, les relations des lan-
gues s'établissent avec moins de facilité; je n'ai pas pu
d'ailleurs me procurer toujours des vocabulaires assez
complets pour y trouver tous les mots utiles; cepen-
dant, voici le résultat de mes observations :
Dans le second âge, le latin domine, puis le fran—
çais, l'arabe, le syriaque , hébreu , le sanscrit, les lan-
gues du Caucase.
396
Dans le troisième âge, le latin est très-abondant,
le français vient ensuite, puis le saxon, l'allemand et
l'espagnol; les noms des autres langues donnent des
résultats insignifiants et négligeables.
Les résultats numériques qui viennent d’être signalés
n'ont pas besoin de commentaire; cependant, je pense
qu'ils pourraient conduire à des erreurs, si on les ad-
mettaient en masse et sans pousser l'analyse plus loin.
Il importe de considérer d'abord si les mots des lan
gues, qui correspondent au Basque, sont simples ou
composés, directs ou dérivés. Il faut voir en outre, en-
fin, si les caractères anthropologiques sont d'accord
avec la linguistique.
Si les noms des langues comparées au Basque sont
dérivés ou paraissent l'être par leur longueur, ils ne
sont point primitifs pour la race qui les emploie; par
exemple : les Basques eux-mêmes ayant deux noms
pour désigner le soleil, ekia et eguzkia, ces deux
noms ne peuvent être de la même époque, et le second
est moins ancien que le premier, puisqu'il exprime une
idée composée dont la première fait d'ailleurs partie.
Si les mots ont une acception dérivée, ils ne peu-
vent indiquer les mêmes rapports que s'ils en avaient
une qui fut directe. En effet, dans ce cas, on ne peut
affirmer que les peuples viennent de la même souche,
mais seulement qu'ils ont eu des rapports entre eux.
Cependant, l'identité de race n’est pas impossible dans
ce cas; car des rapports ultérieurs avec d'autres races
peuvent conduire à changer les noms. Enfin, si les ra-
ces diffèrent par leurs caractères anthropologiques, on
397
ne peut non plus aflirmer que l'identité de quelques
mots de leur vocabulaire commun ait le caractère in-
faillible d'une mème origine.
Mais lorsque le vocabulaire coïncide avec les carac-
tères anthropologiques, je pense que l'on en peut con-
clure que les nations qui se trouvent dans celte cir-
constance dérivent d'une même race primitive.
Il peut arriver enfin qu'une race déterminée soit mo-
difiée par les circonstances, et surtout par le mélange
avec d'autres races, et c’est là le:cas le plus fréquent.
En tenant compte de toutes ces considérations, voici
ce qui me parait résulter de l'examen du vocabulaire
historique :
Les Basques, les Celtes ( désignés sous le nom de
Français et Brezads dans le résumé du vocabulaire
chronologique }, les Germains et les Saxons, les Sans-
crits et les Latins, sont de la même origine que les
Basques. Quelques-uns sont modifiés par les circons-
tances, et peut-être par des races qui en sont très-voi-
sines par leur organisation : tels sont les Sanscrits et
les Latins.
Les peuples sémitiques proprement dits, les Arabes,
les Persans, peuvent être de la même origine que les
Basques; mais ils ont été modifiés par le métissage.
Les Turcs, ceux qui ont parlé et parlent encore la
langue romane et qui en sont les descendants, sont des
métis de la race basque et de la race mongolique.
L'Amérique du Sud à compté parmi ses habitants
divers peuples d'Europe, chez lesquels il y a eu des
Basques, des Sanscrits, et probablement des Celtes,
398
dont les races se sont fondues avec celles indigènes,
parce que probablement ces peuples, qui ne sont arri-
vés en Amérique qu'en y faisant naufrage, n'avaient
point de femmes avec eux.
J'ai déjà dit que les Esquimaux, reconnus de race
mongolique, ne pouvaient descendre des Basques.
Les quelques mots de la langue basque qui corres-
pondent à l'esquimau peuvent, pour la plupart, être
rapportés à la langue sanscrite.
Les mots esquimaux du premier àge qui se rappor—
tent à cette langue sont au nombre de sept, pouvant
être groupés ainsi :
BASQUE. BANSCRIT.
Signification directe... Halde Sn donne 10
— IndINe CO MAR. me eeeree-cbee nil
_— nulle: DIT eric LDH 543
7 7
Les mots esquimaux sont d'ailleurs tirés de plusieurs
régions; ils appartiennent donc à une famille et non
point à une nation proprement dite *.
Vocabulaire toponymique.
Les noms des lieux qui paraissent d'origine basque
pouvant être utiles pour retrouver Îles régions qui ont
1 Je n'ai point eu d'autre vocabulaire à ma disposition que celui de l'Atlas
ethnographique de M. Balbi, qui ne comprend que vingt-six mots en comptant
les dix premiers noms des nombres, en tout seize noms d'êtres primitifs.
399
été successivement habitées par les Basques, je les ai
recherchés avec soin.
J'en ai trouvé peu; mais comme ils sont en rap-
port avec les renseignements donnés par le vocabulaire
général , il en résulte qu'ils offrent une certaine valeur.
Les voici par région.
Nord de l'Asie.
Ont, fleuve, sépulture.
Ce fleuve a pu recevoir ce nom, parce que les Bas-
ques y jetaient leurs morts au lieu de les enterrer
comme on le fait en Europe. Cette pratique est encore
usitée dans l'Inde, et on lui attribue l’origine du choléra.
Lac Baïcaz, bacaillab, morue en basque.
Les eaux de ce lac ne contiennent probablement pas
de morue, mais un poisson qui y ressemblerait et qui
aurait permis aux Basques d'en conserver le nom, en
l'attribuant à une autre espèce en Europe. Baïcal pa-
rait être un nom composé dans lequel entrerait la
particule affirmative bai, et baïcal voudrait dire un
Dre... x
La région comprise entre l’origine de lObi, le cours
de ce fleuve et le lac Baïcal, s'étend depuis le 65° jus-
qu'au 407° degré de longitude orientale; elle se trouve
bornée au midi par la chaine des monts Altaï.
D'après une carte de M. Klaproth, les Samoyèdes
occupaient celte region au siècle de Cyrus, 530 ans
avant J.-C. Une nation de race mongole existait de
l'autre côté du lac Baïcal. Aujourd'hui, les Samoyèdes
400
ont été refoulés plus au nord, et les Toungouses les ont
remplacés.
La rivière Angara, qui prend sa source dans le lae
Baïcal et va se perdre dans l'Iénisséi, paraît avoir un
nom basque; mais je n'ai pu l'expliquer.
Région moyenne de l'Asie.
En côtoyant la chaîne des monts Altaï et s'avancant
vers le S.-O., puis tournant vers le midi, on rencontre :
Les lacs Balkhach et Issicoul, et une nouvelle région
située au S. de la grande Boukharie actuelle, entre 40
et 50° de latitude, où se trouvent plusieurs noms qui
paraissent basques ;
La rivière Sarasou, Bourouts, de buru, tête; du
côté oriental des montagnes, d’autres lacs; puis Bar,
ou, et Aksou, aksu, pointe de feu?
La MER D’ARAL, connue aussi sous le nom de Mer
des Aigles, tire son nom du basque, arranoa, aigle.
Caucase.
Ecsuru. Ce nom est celui du pie le plus élevé de la
chaine du Caucase; il veut dire tête de neige en basque.
MoxTs CÉRAUNIENS. Strabon signale ces monts, où
Il existe une foule de reptiles et de serpents venimeux.
Cerau est le nom de la vipère en basque *.
! Kerayna orè, montagne de la chimère.
Selon le mythe grec, la chimère était un monstre composé de la tête d'un lion,
401
Igérie. Le nom de cette province vient sans doute
des fleuves qui l'arrosent. Jb, erria, terre arrosée par
des eaux courantes. ( V. la note p. 309.)
Nord de l'Italie.
Car. On trouve dans toute l'Italie, et en Sicile, beau-
coup de villes et de localités commençant par cette par-
ticule, qui vient sans doute de chat, petit. Dans le
nord, au sud du lac Oglio, est Chaari | petit bélier),
ville de six mille huit cent cinquante habitants.
ArANA, prune; autre localité au sud du lac Majeur.
Pays basqus.
Presque tous les noms de cette contrée, située en
partie dans le nord de l'Espagne et en partie dans l'ex-
trême S.-0. de la France, sont d’origine basque; i!s
du corps d’une chèvre et de la queue d’un dragon... Ce prétendu monstre était
une montagne au sommet de laquelle était un volcan entouré de lions. 1 y avait
au milieu des pâturages où paissaient des chèvres, et au pied, beaucoup de ser-
pents. ( Dict. ab. de la fable; par Chompré. )
Ovide nommait cette montagne Chimerifera; Chompré la place en Lycie. Le
dictionnaire grec de Jos. Planche vent qu’elle soit en Épire : elle est en réalité
dans l’ancienne Albanie, au N.—E,. de l’ancienne Ibérie caucasienne.
L'erreur de Planche vient sans doute de ce qu’il a confondu l’ancienne avec ta
nouvelle Albanie, qui est effectivement la même contrée que l'ancienne Épire.
La description scientifique de Strabon, La Fable, tout vient confirmer que les
monts Cérauniens doivent leur nom à celui de la vipère : cerau.
La racine du mot cerau est d’ailleurs demeurée dans la langue grecque : c'est
kèr, maladie, peste, mort fatale. Cette racine est sans doute la mème qu'eria,
maladie en basque.
Ceraua viendrait donc de kèr, peste, venin, et d'aoa, bouche : bouche ou
gueule venimeuse.
402
ont été étudiés à diverses reprises par plusieurs auteurs,
parmi lesquels on peut citer Iharce de Bidassouet et
G. de Humboldt *.
Quoique les noms des accidents géiques des pays
basques soient d'une origine certaine, on n’a pu les
expliquer tous d'une manière heureuse; ceux mêmes
des principales divisions de cette contrée sont restés
pour la plupart sans explication plausible. C'est à une
preuve évidente que la langue basque a perdu beau-
coup de racines faute d'avoir une littérature qui ait
pu permettre de les conserver.
On retrouve dans les noms des pays basques, et dans
beaucoup d’autres noms de l'Amérique du Sud, beau-
coup de racines homonymes qui ne peuveut être ex-
pliquées d'une manière certaine.
Les noms véritablement basques dépassent rarement
Santander dans l’ouest, et l'Aragon dans l'est.
On peut conclure de là que les Basques n’ont point
fait un long séjour en Catalogne et en Aragon, et que
depuis plus de deux mille ans que Strabon en a parlé,
ils sont restés dans les limites où ils se trouvent actuel-
lement. C'est d’ailleurs une grande erreur de vouloir
que les Espagnols soient les descendants directs du peu-
ple basque *.
1 G. de Humboldt a fait un ouvrage remarquable sur la langue des Basques
et sur les noms des lieux qu’ils habitent. J'ai le profond regret de n'avoir pu me
procurer cet ouvrage, et de ne le connaître que par les éloges qu’en font les &-
teurs. Il est évident qu'il aurait pu m'être d’un grand secours, et cela d'autant
plus, qu'il est l'œuvre d’un des plus grands philologues de notre époque.
? Les pays basques sont bornés à l'est par l’Aragon. Ce pays est habité par
une race qui diffère des Basques. Les Aragonais sont en général d’une belle sta—
EE
403
La majeure partie des Espagnols est d'une tout au-
tre race que celle des Basques; toutefois, elle en dé-
rive, comme je le démontrerai dans un ouvrage géné-
ral sur l'origine des nations; mais ce n’est point en Es-
pagne que cette nouvelle race à été produite.
Les travaux qui ont été faits sur les racines des noms
des contrées basques me permettent de ne pas m'occu-
per de ce sujet.
Amerique méridionale.
On retrouve plusieurs noms d'origine basque dans
l'Amérique méridionale, depuis le fleuve des Amazones
jusqu'au Rio de la Plata. On en trouve aussi vers les
Cordillières en remontant au nord, jusque dans la
Louisiane.
ANDEs. Andiac, hautes. Il était impossible de don-
ture; ils ont la poitrine très-développée, contrairement aux autres Espagnols ;
leurs cheveux sont bruns foncés ou noirs, Mais ce qui les distingue de toutes les
autres races qui les environnent, c’est le volume considérable de leur tête. A ce
sujet, je raconterai une aventure qui m'est arrivée et qui permettra d'apprécier
l'énorme différence qui existe sur ce point entre les Aragonais et les Bordelais,
qui sont d’ailleurs en général de la même origine que la plupart des Espagnols.
En 1846, je quittai Paris pour me rendre en Espagne. En passant par Bor-
deaux, je voulus acheter une casquette, et il me fut impossible d'en trouver une
dans laquelle ma tête püt entrer, quoique j’aie cherché dans un grand nombre de
magasins, Je partis donc sans casquette, et me rendis ainsi jusqu’à Saragosse.
Là, je voulus de nouveau en acheter une, qui me devenait indispensable pour
voyager à cheval. J’entrai chez un chapelier français qui habitait le Coso, et, à
men grand étonnement, toutes les casquettes de son magasin se trouvèrent trop
grandes pour ma tête : sur plus de cinquante, il n’y en eut qu’une seule qui püt
aller !
I faut ajouter que ma tête à 59 centimètres de circonférence.
#04
uer un nom plus caractéristique à cette chaine de mon-
tagnes, qui traverse les deux Amériques dans toute leur
longueur.
UruGuax, d'ura ugaya, eau permanente alimentée
par des sources.
Ce nom convient tellement à la contrée arrosée par
l'Uraguay, qu'il est impossible de ne pas y voir un nom
basque; et cependant je ne pense pas que ce nom ait
été donné à cette contrée par des Basques depuis la dé
couverte de Christophe Colomb *.
ParaGuay. Para veut dire pluie en quichua, et
Paraguay voudrait dire eau permanente alimentée
par les pluies.
L'ORÉNOQUE parcourt une contrée remplie de cerfs :
oren en basque.
Unax, & bai, bonne eau. Large rivière du Pérou,
qui sort d'un lac formé par la rivière Parapiti.
Il existe aussi en France, dans le département des
Basses-Alpes, une rivière qui porte le mème nom :
Ubaye. Cette contrée a d'ailleurs pu être habitée par
les Basques lors de leur passage dans le midi de la
France. On trouve encore une rivière du nom d'/bar
qui prend sa source en Albanie.
Ubay est d'autant plus d'origine basque, que le son
du à est étranger à la langue quichua qui est parlée au
Pérou.
Pizca ciQuir, montagne de la Colombie. Le mot
pilla veut dire un assemblage en basque.
æ
‘ Uru veut dire plaine, ou lieu bas en quichua. En comhiaant les deux lèn-
çues basque et quichua, on aurait plaine inondee par des eaur Ge pluie.
405
Une cérémonie qui a lieu en Colombie, et dans la-
quelle on offre au chef d’une fête un monceau de fruits
et de pâtisseries qui porte le nom de pillarico, me
donne lieu de penser que pilla a la mème valeur dans
la langue du pays. Pilla veut dire couronne en qui-
chua.
Picacuo, montagne de la Colombie. Ce nom est bas-
que et veut dire montagne ou pic de pierre.
CayamBouro, montagne des Andes sous l'Équateur,
un des plus haut sommets. Les trois parties du nom
sont basques; la dernière, bouro, veut dire tête.
Arinos. Ariña, rapide. Rivière du Brésil.
On pourrait encore augmenter ce petit vocabulaire ;
mais ce qui précède suffit pour démontrer qu’il est émi-
nemment probable que des Basques ont très-ancienne-
ment habité l'Amérique méridionale.
On a pu être étonné de me voir invoquer la langue
quichua pour expliquer des noms appartenant aux ré-
gions du Brésil ou de la Colombie; mais le peu que j'ai
pu connaitre de ces langues me donne lieu de penser
qu’elles ont beaucoup d'analogie entre elles, et de plus,
avec le basque, le sanscrit, le latin et le français *.
! Je possède le vocabulaire quichua du P. Diego de Torres. J'y fai trouvé
plusieurs mots tout à fait basques, et un plus grand nombre encore de ‘mots
dérivés de cette dernière langue. Je publierai ultérieurement le résultat de mes
observations.
406
He PARTIE.
RÉSUMÉ ET CONCLUSIONS.
La [re Partie de ce travail a été consacrée à l'expo—
sition d’une méthode ayant pour but de rechercher les
traces des faits qui se rattachent à l’histoire sociale des
peuples primitifs.
La II° Partie de cette méthode a été appliquée d'une
manière toute spéciale à la langue des Escualdunais ou
Basques primitifs.
Dans cette IIIe Partie, je me propose de résumer les
faits recueillis à l’aide de la méthode, et de les présen-
ter autant que possible sous la forme historique.
La IVe Partie comprendra tous les documents ana-
lysés dans la Il Partie et appliqués dans la IF.
L'histoire des Escualdunais sera divisée en cinq épo-
ques qui se rapporteront aux lieux qui ont été succes-
sivement occupés par les Basques.
1e ÉPOQUE :.
Région indéterminée.
La [re Époque de l'histoire des Escualdunais remonte
à l'antiquité la plus reculée.
‘Je donnerai le nom de race à un ensemble d'individus dérivant d’une même
407
L'originalité de la langue basque, la sublime naïveté
de sa grammaire, l'universalité de ses racines, la pos-
sibilité d'en dériver des mots appartenant à des lan-
gues fort anciennes et éteintes depuis longtemps, nous
forcent d'en reconnaitre l'ancienneté.
Une langue ne pouvant s'être formée sans avoir été
parlée, il faut reconnaitre que la nation basque a pré-
cédé la plupart des nations connues, et que les plus
anciennes sont, ainsi qu'elle, dérivées d’une souche
unique.
L'examen comparé des vocabulaires des langues dé-
montre que les deux grandes sous-races que l'on nom-
me aujourd'hui 2ndo-germanique et sémitique, déri-
vent d'une souche unique dont les basques faisaient
partie, et tout porte à penser que ce peuple en à con-
servé la langue presque intacte jusqu'à nos jours.
La race basque se serait donc divisée en deux sous-
races : lindo-germanique et le sémitique.
La race indo-germanique comprend principalement
les Sanscerits, les Latins, les Celtes, les Germains .
La race sémitique se compose essentiellement des
famille, possédant les mêmes caractères anthropologiques, mais pouvant parler
» différentes langues et habiter.des contrées séparées les unes des autres.
Les sous races seront des rameaux des races, parlant des idiomes appartenant
à une même famille.
Les nations seront formées par une réunion d'individus de même race et par-
lant la même langue.
Les peuples pourront être représentés par plusieurs races habitant le même lieu,
parlant mème des langues différentes, mais soumis aux mêmes lois politiques.
* Les Slaves et les Finnois appartiennent, au moins en partie, à cette sous—
late, mais il ne pout en ètre question dans ce travail que d'une manière incidente,
408
Hébreux, des Syriaques, des Chaldéens et des Arabes.
J'ai déjà eu l'occasion de dire que les Turcs descen-
dent des Basques et des Mongols.
Les Grecs me paraissent aussi être une race mé-
tissée; mais je ne puisencore me prononcer à leur égard.
Leurs rapports avec la race escualdunaise n'en sont
pas moins évidents.
A une époque fort ancienne, tous ces peuples, ou
leurs ascendants, ont parlé la même langue.
La langue basque ayant peu varié, il est plus que
probable que c'est elle qui est la langue mère dont dé-
rivent toutes celles de la même famille.
Cette opinion, déjà émise par Iharce de Bidassouet
et Darrigol, et qui pouvait paraître hasardée, me sem-
ble aujourd'hui confirmée.
Pour en être convaincu, il suffira de reproduire des
observations qui le démontrent.
La langue hébraïque est fort ancienne; mais on sait
qu’elle a beaucoup varié chaque fois que les Hébreux
ont été emmenés en captivité chez d'autres nations. Au
sortir de la captivité d'Égypte, leur langue avait été
considérablement modifiée par le cophte. Pendant
soixante-dix ans que dura leur captivité dans Baby-
lone, ils adoptèrent un grand nombre de mots Chal-
déens.
La langue hébraïque, que l’on regarde avec raison
comme une des plus parfaites, a donc varié, tandis
que celle des Basques est demeurée intacte.
Il n’y à d'ailleurs rien de plus variable qu’une lan-
gue. Il faut qu'un peuple habite des montagnes pres=
409
que inaccessibles, et qu'il ne fasse pas d'incursions chez
ses voisins, pour que sa langue demeure intacte.
On a retrouvé dans le désert habité par les Hébreux,
après leur sortie d'Égypte, des inscriptions gravées sur
les roches de Sinaï, parmi lesquelles se trouve souvent
Tao, le nom de Dieu. Le nom basque Jau, commence-
ment de Jauna, Seigneur, est sensiblement le même :.
A l'époque primitive, les Basques avaient le makila,
espèce de bàton où de casse-tête qu'ils ont conservé
jusqu'à nos jours, et qu'ils manient avec une grande
adresse.
Le nom de ce bâton est d'origine basque, puisqu'il
vient des racines mak *, agir, faire, et la, la mort;
instrument qui fait ou donne la mort!
De malkila les Hébreux ont fait maquel.
L'inverse est aussi arrivé :
De bou, père ou possesseur en Arabe; et de rouack,
esprit en Hébreu, père ou possesseur de l'esprit, les
Basques ont fait burua, tête.
La comparaison d’autres langues anciennes avec le
‘basque, conduit à des résultats analogues aux précé-
dents.
Le nom du feu, sua en basque, se retrouve dans
plusieurs dérivés sanserits. ( V. le vocabulaire com-
paré. } La racine eg, luire, paraît venir d'ekra, le so-
! The voice of Israël from the roks of Sinaï, by the reverend Ch. Forster.
London 1851.
? Mak est une racine de la langue primitive, perdue pour la langue basque
et qui se retrouve dans toutes les autres langues.
410
leil, et d'eguna, le jour. La racine wr, étendre, com-
mune au sanscrit et au basque, viendrait d'ur, eau en
basque.
La racine sanscrite Jan, naitre, a donné naissance
à gendea, race; bak et vag, aller et se mouvoir, ont
donné naissance à baga, vague ( de la mer).
Ki, savoir, a servi pour former kindea, science; de
pitan, boisson, les Basques ont fait piltara, cidre.
Du basque ur, eau, est dérivé oyron, urine en grec;
de la même racine est venu oyranos, ciel.
D'une autre part, on a vu que la racine grecque kèr
entre dans le nom de la vipère, cerau.
Les origines basques de la langue latine sont nom-
breuses :
D'ur, eau, vient urina, comme en grec.
D'il, poil ou cheveu, sont venus pilus, poil, et ca-
pillus, cheveu.
Amare, aimer, vient d'ama, mère, et d'amnar, lier,
fixer à l’aide d'un lien.
Habere vient d'aberalsa, richesse , qui dérive de
ber, chaleur.
Facere vient de hacienda, ferme, venant d'acia,
semence. On a vu d’ailleurs comment escu, le nom de la
main, entrait dans scriplum et dans sculum.
La langue latine, par contre, a conservé des racines
de la langue basque. On y trouve cudo, frapper, for-
ger, qui entre dans gudaria, guerrier, et ingudea,
enclume; esca, nourriture, aliment, que l’on retrouve
dans ezcurra, gland comestible, et dans ezcalea, men-
diant.
411
D'è man, vient eman, donner ‘.
Il serait possible de multiplier ces exemples, s'ils ne
sufisaient pour établir d'une manière certaine la com-
munauté d'origine des Basques, de la race indo-ger-
manique et de la race sémitique.
Je donnerai le nom de souche escualdunaise à celle
dont ces deux races dérivent.
Il découle encore de ce qui précède, l'immense pro-
babilité que la langue basque est la langue primitive
qui à été parlée, sinon par toutes ces sous-races, au
moins par leurs ascendants.
L'ancienneté de la langue basque est d’ailleurs prou-
vée par la simplicité et l'on peut dire par la pureté de
sa grammaire, les exceptions grammaticales pouvant
être considérées comme la preuve assurée d'un mélange
de divers idiomes.
L'orthographe des mots, leurs désinences, les con-
jugaisons des verbes, représentent autant d'invasions
ou d'acquisitions étrangères que d'irrégularités ou d’'ex-
ceplions *.
Le lieu primitivement habité par la souche escual-
dunaise ne peut être déterminé directement à l'aide des
renseignements qui découlent de la Il° Partie de ce
travail. Ce n'est qu'en combinant tous les résultats, en
! Man est la racine de manere, demeurer, resler. Emun veut dire quitter
un lieu pour aller dans un autre, faire sortir.une chose du lieu où elle
demeurait.
? Je me propose de publier une grammaire générale déduite de l’observation
de la nature, dans laquelle, remontant jusqu’à l’origine du langage, je démon—
lrérai cette assertion de manière à ne laisser aucun doute.
42
1
412
tenant compte des émigrations successives et en faisant
une étude générale et comparée de tous les rameaux
de ces races, que l’on pourrait avoir quelque rensei-
gnement précis.
Ce lieu pourrait être dans les terres voisines du cer-
cle polaire arctique, dans la Mésopotamie, dans l'Inde
ou dans la région caucasique.
La première supposition est celle qui présente le plus
de simplicité; car on se rend facilement compte des
émigrations successives qui ont eu lieu. Ces émigra-
tions se trouvent suffisamment justifiées par l’accrois-
sement de la population et par la tendance à chercher
un climat meilleur que celui que l'on habite.
Cette supposition a pour elle le phénomène constant
de l'invasion des régions méridionales par des peuples ve-
nus du Septentrion, le contraire ayant rarement eu lieu.
Des régions polaires, seraient partis successivement
les Hébreux, les Arabes, les Sanscrits, les Basques,
les Grecs, les Latins, les Celtes, les Germains, etc.
Dans cette supposition, les Basques seraient allés
jusque dans l'Inde, où ils auraient connu l'orange, l'é-
léphant, l’ichneumon; puis ils seraient revenus habi-
ter le Caucase, qu'ils auraient quitté définitivement pour
se rendre en Espagne.
Plusieurs objections s'élèvent cependant contre cette
première hypothèse : comment le Nord, pays peu fa-
vorable au développement de la population, pourrait
il avoir donné naissance à tant de nations? Il n’est
pas probable non plus que l'homme soit né dans un
lieu si peu favorable à son existence. On peut seule
ment admettre qu'il y aurait survécu à la suite d’un
déluge qui aurait anéanti le reste de la race humaine.
En outre, l'examen des lieux habités par les diverses
races qui peuplent le globe, démontre que rarement
elles s'étendent sur une zone de plus de 40° de latitude,
à moins d'être métissées.
Les trois hypothèses qui suivent exigent que les Bas-
ques quittent une première région pour aller habiter
les terres circompolaires.
Si l’on fait naître la race basque dans la Mésopotamie
ou quelque autre contrée d'Asie située à peu près à la
même latitude, on suit encore la marche des sous-ra-
ces; mais les Basques, repoussés vers les terres polai-
res, les quittent après un temps assez long, et reve-
nant sur leurs pas entre la mer d'Aral et les monts
Moussours, vont jusque dans la Mésopotamie, et de là
dans le Caucase.
Si les Basques viennent de l'Inde, les mêmes événe-
ments s'accomplissent ; ils peuvent connaitre l'éléphant
à l'état domestique. Ils quittent les Sanserits, qu'ils
n'ont connu que dans le premier âge, et ils se ren-
dent dans le nord de l'Asie, pour ne plus revenir dans
l'Inde.
Enfin, la troisième supposilion, qui ferait venir les
Basques du Caucase, aurait pour elle l'avantage de
coïncider avec la Bible, qui nous apprend que l'arche
de Noé s’est arrêtée sur une montagne de l'Arménie :
cela aurait permis que le Caucase se peuplàt prompte-
ment, et les Basques auraient pu se former en corps
de nation.
414
Cette dernière supposition conduirait à faire émigrer
les Basques pour les terres polaires, et à les faire re-
venir ensuite au Caucase.
Il faut remarquer qu'entre le déluge historique et l’é-
migration définitive des Basques pour les contrées
qu'ils habitent maintenant, il y a un espace de dix-
huit siècles, qui permet d'adopter telle opinion que
l'on voudra.
En résumé, une souche unique à donné successive-
ment naissance à la race indo-germanique et à la race
sémitique. Les Basques proviennent directement de
cette souche, et de leur langue sont dérivées toutes
celles des races de la même origine.
Le lieu primitif d'où sont émanées toutes les races .
provenant de la souche escualdunaise demeure indé-
terminé.
2° ÉPOQUE.
Region polaire.
C'est sans doute contraints par la guerre que les
Basques ont quitté la région qu'ils ont primitivement
habitée, pour se rendre dans le nord de l'Asie; car on
ne quitte pas volontairement une contrée richement
dotée par la nature, pour une autre contrée où lhom-—
me ne peut vivre que de privations et par un grand
travail.
La région principalement habitée par les Basques à
déjà été indiquée; elle était comprise entre le fleuve
er
#15
Obi et le lac Baïcal, depuis environ 65° jusqu'à 107°
de longitude orientale, et depuis environ 50° de lati-
tude jusqu'aux extrémités polaires.
Dans cette région, les Basques ont admis deux sai-
sons voulues par les circonstances : negqua, saison de
neige et d'hiver; wda, saison dans laquelle l'eau re-
prend sa forme liquide et arrose la terre. Beltzilla, la
lune noire, correspondait à cette époque de l'année où
le soleil ayant abandonné la région polaire, il règne
une obscurité profonde juste au solstice d'hiver. £ki-
na, le mois du soleil élevé, correspondait au solstice
d'été, lorsque le soleil a pris sa plus grande élévation
au-dessus de l'horizon.
Dans cette contrée, les Basques ont connu le renne,
orena, dont le nom est resté chez les Russes, olen, et
chez les Toungouses, oron. Là ils ont connu le lichen,
qui sert pour nourrir cet animal, végétal eryptogame,
dont le nom, legen, est resté pour désigner plusieurs
maladies de la peau : le legen simple ou herpes; le le-
genarra, a lèpre, et le /egen beltza ou lichen noir,
qui correspond à l’éléphantiasis, selon Larramendi. Le
traineau, narra, dont le nom est resté chez les Kamt-
chadales, narta, a été mis en mouvement par le renne.
Les Basques ont aussi connu le chien, potzoa, dans
cette région; son nom est resté chez les Russes, pes,
pessik, et chez les Polonais, pres et piesi.
Dans le lac Baïcal, les Basques ont sans doute pé-
ché ce singulier poisson, qui, selon Pallas, contient
une quantité considérable d'huile, et que les Russes
nomment solomanha. C'est probablement de ce pois-
416
son qu'ils üraient l'huile, uriña, eau de feu, dont ils
alimentaient leurs lampes.
Dans ces régions, les Basques ont construit le ba-
toa, bateau , formé de plusieurs pièces de bois réunies.
Dans ces mêmes régions, les Basques ont dû même
construire des navires, ontziac, d'une plus grande di-
mension, que les Samoyèdes de Touroukhansk nomment
encore onou, et que les Toungouses désignent sous le
nom d'ongosou. Si cela est, pour faire usage des navi-
res, les Basques ont dû s'étendre jusqu’à la mer gla-
ciale Arctique, ou jusqu'à la mer d'Okhotsk, située à
l'orient de l'Asie.
Il faut cependant remarquer qu'on{zia veut dire non-
seulement un navire, mais un vaisseau ou un vase en
général, comme cela est prouvé par le nom composé
de la lampe argiontzia, vase-lumière. Cela étant et
subissant la loi qui préside au développement du lan-
gage par une suite d'analogies non interrompues, lors-
que ce n’est point par des acquisitions directes, plu-
sieurs peuples qui ont connu le nom onfzia comme
celui d'un vase, ont pu l'appliquer ultérieurement à un
vaisseau de mer, à un navire.
Les Basques ont laissé dans les terres polaires d'au
tres traces que celles dont le souvenir vient d'être in-
diqué; on les retrouvera dans les vocabulaires compa-
rés des Samoyèdes, des régions polaires et des Slaves.
C'est dans le nord de l'Asie que les Basques ont connu
des individus de la race mongole, comme eux re-
poussés d’une terre plus prospère. C'est là qu'ils y ont
fait un échange de mots et d'idées, que les Mongols
417
ont transportés avec eux dans le nord de l'Amériqué.
Il a été possible à des hommes experts dans la navi-
gation de se rendre d'Asie en Amérique : de 52 à 55°
de latitude septentrionale, les îles Aléoutiennes forment
un cordon non interrompu qui à rendu le passage fa-
cile. Lors de la découverte de l'Océanie par les Euro-
péens, tous les peuples qui en habitent les îles se con-
naissaient entre eux; ils connaissaient même les nè-
gres, ainsi que cela est dit dans la relation du second
voyage du général Alvaro de Mendana, de Neyra, qui
aborda l’île Christine en 1595. Les Indiens voyant un
‘nègre avec les Espagnols, montrèrent le sud, faisant
entendre qu'il y avait des contrées habitées par des
peuples de cette couleur; que les nègres se servaient
de flèches, et que leurs grandes pirogues étaient desti-
nées à des expéditions dans le pays de ces hommes
noirs.
L'Océan n'était donc pas une barrière insurmonta-
ble pour les peuples primitifs.
Il résulte de mes observations, que les Esquimaux
sont des métis de la race mongole par les hommes, et
d'une race américaine par les femmes.
Les Samoyèdes me paraissent être des descendants
des Basques, modifiés par les circonstances et peut-
être par le métissage, mais qui en ont conservé les
principales mœurs et les habitudes.
Ces deux derniers peuples, dont la taille est aujour-
d'hui rabougrie, peuvent servir pour démontrer com—
ment la race humaine s’altère lorsqu'elle n’est pas dans
des conditions convenables à son existence.
418
Les races polaires ne sont point des petits hommes :
ce sont des hommes d'une taille plus élevée qui se sont
affaissés. Cela est sans doute dû à ce que ces hommes
n'ont point trouvé dans leur nourriture, presque entiè-
rement formée de poisson et de graisse, une quantité
suffisante de phosphate de chaux pour donner à leur
système osseux la résistance convenable : la pesanteur,
agissant sans relàche, à diminué leur hauteur sans
leur faire rien perdre sur leur largeur, et c'est cela qui
les rend hideux et difformes, car un petit homme pour-
rait être aussi bien fait qu'un grand. C’est aussi cela qui
fait que chez les Esquimaux, les pommettes des joues
paraissent encore plus saillantes que celles de la race
mongole en général.
8° ÉPOQUE.
Région moyenne de l'Asie.
Les Basques, trop courageux pour demeurer éter-
nellement dans les régions polaires, sont revenus vers
le Sud; ils ont passé entre la mer d’Aral ou des Aigles,
Aranoa, et cette immense chaine de montagnes qui
enveloppe la Chine et la protége contre les invasions
étrangères.
C'est dans cette région qu'une partie des Escualdu-
nais, se croisant avec des Mongols, et peut-être pos-
térieurement au départ des Basques pour le Caucase,
ont donné naissance à la race turque, qui s'est beau—
419
coup développée, a constamment marché vers l'Ocei-
dent, et oceupe aujourd'hui l'Aquitaine sous le nom de
Gascons, et l'Espagne, dont elle forme les plus nom-—
breux habitants.
Il est probable que les Basques se sont avancés dans
l'Inde par le Nord, du côté d'Hérat, jusqu'à la région
des éléphants. C’est là qu'ils ont pu avoir quelques nou-
velles relations avec les Sanserits; ils sont ensuite re-
venus sur leurs pas, et ont eu des rapports nombreux
avec d'autres rameaux de la souche escualdunaise, dis-
tinguée aujourd'hui sous le nom de race sémitique.
C'est dans ces lieux que les Basques ont connu les
villes ro (Ir en hébreu ), que les peuples sémitiques
construisaient d'une manière durable et fort distinctes
des huttes habitées dans le nord par les Basques. C'est
par les Latins que les Basques ont reçu beaucoup de
noms d'une civilisation fort avancée; c'est par les Bas-
ques que les Hébreux ont sans doute connu le renne,
qu'ils nommaient rés; celui du loup, {séb, car le nom
olsoa est significatif en basque, et veut dire Aurleur.
Toutefois, les Hébreux ont ozen, oreille, fort rappro-
ché du mot ofsa, son en basque, dont vient le nom du
loup.
C'est d'arag, tuer, en hébreu, que les Basques ont
fait araghia, chair à manger ou viande.
Les Basques ont pu recevoir de nouveaux mots sé
mitiques par les Phéniciens, après leur arrivée en Es-
pagne.
Les Arabes, de race sémitique, comme les Hébreux,
les Chaldéens., les Syriaques, et probablement les Phé-
420
niciens, ont dans leur langue beaucoup de mots pri-
mitifs dont l’origine ne peut s'expliquer que par le
basque. Ces deux peuples ont dù avoir de nouveaux
rapports dans l'Asie méridionale. On sait par l'histoire
qu'ils en ont eu d'assez récents dans la Péninsule his-
panique.
Les Basques ont aussi eu des rapports avec les an-
ciens Persans. C'est de ce dernier peuple que les Bas-
ques ont tiré le nom de la clé, gilça en basque; ki-
lid en persan; et il faut remarquer que notre mot clé
n'est lui-même qu'une contraction de ce dernier.
Les anciens Persans ont dû exercer une influence
considérable sur une foule de langues comprenant le
latin , le grec, et les deux principaux idiomes français,
le celtique et le roman *.
C'est à cette époque que les Basques ont reçu des
peuples sémitiques l'écriture, qu'ils ont nommée ager-
caya.
‘ Dans la crainte de n'avoir plus l’occasion de revenir sur ce sujet, je dirai
ici que les Toulousains m'ont toujours paru être d'anciens Babyloniens. Les Tou-
lousains et les Persans sont les seuls hommes qui nous rappellent les traits des
statues et des basreliefs trouvés dans la Mésopotamie. J'ai trouvé depuis, que le
Père Angelo Joseph, carme déchaussé, et auteur d’un dictionnaire persan, a pu—
blié une liste de mots qui établissent des analogies considérables entre le patois
toulousain et le persan. Il y a donc une relation évidente entre les Babyloniens,
les Persans et les Toulousains. C’est du persan que vient le mot matar, tuer, qui
est roman et espagnol. La petite phrase corrompue, échec et mat, employée dans
le jeu d'échec, vient du persan, scia mat, et veut dire Le roi est mort.
421
42 ÉPOQUE.
Région caucasienne.
Les Escualdunais, après s'être répandus dans la ré-
gion moyenne et occidentale de l'Asie, ont été repous-
sés, au moins en partie, dans la région comprise en
tre la mer Noire et la mer Caspienne, jusque dans le
Caucase. Cette dernière région convenait d'ailleurs à
ce peuple, qui, ayant vécu par lui ou par ses ancé-
tres dans le nord de l'hémisphère arctique, retrouvait,
à une altitude convenable, un climat analogue à celui
qu'il avait habité pendant si longtemps.
Les Escualdunais ont donné le nom d'Elburu, tête
de neige, au pic le plus élevé de la chaine du Caucase.
Une branche de cette chaine, qui s'étend vers la mer
Caspienne, a reçu celui de Monts cérauniens où Monts
des Vipères, nom tiré de ceraua, la vipère, à cause
du grand nombre de serpents venimeux qui sy trou
vent. Ces monts portaient aussi le nom de Monts de la
Chimère, chez les Grecs et les Romains :.
L'Aragwi (sans doute l’Araghus de Strabon), qui
roule ses eaux dans le Caucase, rappelle l'Aragon, qui
a donné son nom à une province d'Espagne, où coule
aussi l'Ébre , Tberus des Romains, qui a été primitive-
ment habitée par les [bères, après qu'ils eurent quitté
le Caucase. Ce nom, quoique donné par les Ibères, peut
‘ Pallas cite le Schlangemberg ou Montagne des serpents qui existe dans le
Caucase. / Foyage de Pallas. }
422
venir de la racine hébraïque arag, tuer, qui a peut-
être appartenu à la langue basque, sans qu'il me soit
possible de dire pourquoi ce cours d'eau à été ainsi
désigné.
Les noms qui rappellent le séjour des Escualdunais
dans le Caucase, datent peut-être d'une époque plus
ancienne : ils ont pu être donnés lors du premier sé-
jour de leurs ancêtres dans cette région, et ils sont
peut-être aussi la preuve que les anciens Hébreux et
les Escualdunais ont parlé la mème langue à l'époque
de Noé.
Cette opinion est encore confirmée par no4@, vin,
qui rappelle Noé, l'inventeur de cette boisson *.
On sait d’ailleurs que Noé a habité l'Arménie, voi-
sine de l'ancienne Ibérie et du Caucase, et que dans ces
pays la vigne croit avec facilité et donne d’excellent vin.
La Géorgie actuelle est située dans le même lieu que
l'ancienne Ibérie; ses habitants parlent une langue dont
le vocabulaire n’a que des analogies rares et incertai-
nes avec celui des Basques.
Au point de vue grammatical, elle offrirait ce rap-
prochement, qu'elle n'a pas d'articles, et que les pré-
positions sont représentées par des suflixes. La numé-
ration des Géorgiens est décimovigésimale, comme celle
des Basques; mais les noms de nombres de ces deux
peuples n’ont aucune analogie entre eux.
Quant à l'alphabet des Géorgiens, il n'a aucune ana-
logie non plus avec celui des Basques.
i
Noë veut dire repos en hébreu,
423
M. Brosset jeune, dans sa grammaire géorgienne,
rappelle que cet alphabet à été inventé par P'harnavaz,
roi de Géorgie, qui chassa de ce pays le vice-roi qu'A-
lexandre-le-Grand y avait placé; par conséquent, dans
le troisième siècle qui a précédé l'ère vulgaire.
Malgré l'énorme différence existant entre la langue
des Géorgiens et celle des Basques, ces deux nations
possèdent les mêmes caractères ethnologiques et parais-
sent provenir d'une même souche.
La beauté des Géorgiennes, la couleur de leurs che-
veux, qui est la même que celle des femmes basques,
tout porte à confirmer celte assertion.
Les Géorgiens actuels, s'ils ne sont les descendants
des anciens Ibériens, sont évidemment leurs collaté-
raux, et viendraient par conséquent des Basques ré
pandus en Asie.
Selon M. J. Klaproth, il y aurait encore dans le Cau-
case un peuple nommé Gudamakari, habitant les hau-
tes montagnes à l'est de l'Aragwi, qui conserverait son
indépendance et parlerait encore la langue des an-
ciens Géorgiens.
Il eût été de la plus haute importance, pour élucider
l'histoire des Escualdunais, de se procurer des rensei-
gnements sur la langue des Gudamakari, qui serait la
même que celle des Basques actuels, s'il est vrai qu'ils
descendent des anciens Ibériens du Caucase. Quelques
recherches que j'aie faites ou fait faire, je n'ai pu m'en
procurer un seul mot, si ce n'est celui de Gudamakari,
nom par lequel on les désigne.
J'ai done cherché ce que voudrait dire en langue
424
basque ce nom, qui est composé et qui doit être si
gnificatif.
Je n'hésite point à dire que ce nom est d'origine basque :
la première partie, guda, veut sans aucun doute dire
guerrier. Le reste peut être interprété de diverses ma-
uières; mais il en est une qui l'emporte sur les autres.
Si l’on employait deux 7 au lieu d’une, on aurait Guda
mak arri : guerriers qui combattent à coups de pierre;
de guda, guerrier; mak, combattre {racine perdue de
la langue basque); arri, pierre. Si l'on songe aux ha-
bitants des iles Baléares, d'origine escualdunaise, qui
étaient si redoutables par l'adresse avec laquelle ils lan-
caient des pierres au moyen de la fronde, événement
consacré par l’histoire et conservé dans le nom même
de ces iles, l'explication du mot gudamakari devien-
dra très-probable, si elle ne doit être considérée com-
me l'expression de la vérité.
L'avenir donnera une solution certaine à cette ques-
tion; car il existe une Bible en gudamakari : si je puis
me la procurer, il me sera bien facile de savoir si elle
est en langue basque.
5° ÉPOQUE.
Arrivée des Escualdunais en Espagne.
Les Basques, sans cesse harcelés par les peuples de
la région méridionale et occidentale de l'Asie, ont dù
abandonner l’Ibérie en traversant le Caucase. L'époque
de cette émigration remonterait à quinze siècles avant
425
l'ère vulgaire, selon Varron. De là, ils ont cotoyé la
mer Noire et se sont rendus, par terre, dans le nord
de lltalie, où ils ont laissé des traces par quelques
noms de localités que j'ai cités. De ce point, ils se sont
étendus, en rayonnant, en ltalie, en Corse, en Sar-
daigne, en Sicile, dans les iles Baléares, dans la Pro—
vence française, et de là en Espagne.
Le rameau escualdunais, qui s’est rendu en Espa-
gne, est venu finalement se fixer dans les Pyrénées,
où il à retrouvé le même climat que dans le Caucase.
C'est là qu'il a su conserver son indépendance et l'i-
diome merveilleux qu'il parle.
Colonie basque en Amérique.
Ainsi que je l'ai fait voir, on trouve dans l'Amérique
du Sud une région considérable dont les points les
plus importants ont reçu des noms d'origine basque;
tels sont l'Uruguay, l'Orénoque, l'Ubay, l'Arinos, les
Andes, le Pillachiquir, le Picacho, le Cayambouro, et
bien d'autres noms, moins importants il est vrai, qui
sont là pour démontrer cette assertion.
M. de Humboldt a trouvé de l’analogie entre la gram-
maire des Basques et celle des Quichuas, qui habitent
le pays des Incas et qui en sont les descendants; mais,
indépendamment de cela, beaucoup de mots quichuas
et de mots guaranis ont une analogie profonde avec
ceux de la langue basque, et de plus, avec le sans-
crit et le français. Toutefois, ces mots sont dispersés
dans divers dialectes; cependant, ils ont exercé une
426
influence assez grande sur la langue de ces peuples,
pour que l'on puisse admettre que ce n’est pas une
seule fois, mais bien des fois, que des Européens sont
échoués en Amérique.
M. A. de Humboldt signale une tradition qui exis-
tait dans l'Amérique du Sud, selon laquelle des mu-
railles auraient été bâties par des hommes blanes ayant
de la barbe et qui habitaient les Andes. Il existe en-
core, en Amérique, une tribu d'hommes blanes qui
est anthropophage et fort redoutée de ses voisins...
Jl ne peut donc exister le moindre doute que, bien
longtemps avant la découverte de Christophe Colomb,
des hommes blancs ou des Européens ont habité FA-'
mérique. Parmi ces hommes, il y eut des Basques.
Cette assertion n’a rien qui doive étonner : les Basques,
hardis navigateurs, qui passent pour sêtre livrés les
premiers à la pêche de la morue, auraient été entrai-
nés jusque dans le Nouveau-Monde. Là, privés des
moyens de reconstruire un navire, n'ayant point de
connaissances astronomiques et géographiques sufli-
santes, étant d’ailleurs dépourvus de ces instruments
merveilleux dont on fait maintenant usage dans la na-
vigation pour déterminer les latitudes et les longitudes,
ils ont dù rester où ils se trouvaient.
Tout ce qui précède, la communauté d'origine des
Basques, des principaux peuples de l'Asie et de l'Eu-
rope; la connaissance qu'ils avaient de l'éléphant et du
cheval, suffisent d’ailleurs pour démontrer que les Bas-
ques ne viennent point d'Amérique, mais qu'ils y sont
allés.
427
L'époque à laquelle les Basques se sont rendus d'Eu-
rope dans l'Amérique méridionale, ne peut être détermi-
née; elle doit remonter cependant assez loin, car on n’a
pas trouvé, dans les langues des peuples de ce continent,
de noms qui rappelassent notre civilisation moderne. Ce
n'a cependant pu être antérieurement à l'émigration
du Caucase, qui remonte à quinze cents ans au delà
de l’ère vulgaire, comme cela a déjà été dit.
Les Basques, lors de leur arrivée en Espagne, ne
connaissaient point l'écriture qu'ils emploient actuelle-
ment; ils avaient, pour conserver leurs pensées, un
moyen moins parfait, qu'ils nommaient agercaya *,
auquel ils ont renoncé après avoir reçu un alphabet
des Romains. Les Géorgiens, qui les ont remplacés
dans l’ancienne Ibérie, n’ont eux-mêmes reçu un al-
phabet que trois siècles avant l’'avénement du Christ.
Strabon dit que les Ibères se rassemblaient le jour de
la pleine lune, et qu'ils passaient la nuit à rendre un
culte à une divinité anonyme. Il n'est resté aucune
trace qui démontre d’une manière certaine qu'ils aient
adopté le culte polythéiste des Romains. Le nom de
ceagia, impuissant, qu'ils donnaient aux idoles, ten-
drait à démontrer qu'ils étaient peu disposés à recon-
naitre la divinité de ces êtres fantastiques. On sait que,
plus tard, ils sont devenus chrétiens.
Les Basques ont toujours aimé l'indépendance et
ont souvent préféré la mort à la perte de leur liberté
! Depuis que j'ai écrit ce paragraphe, j'ai appris que l'écriture des anciens
Basques avait été retrouvée depuis quelques années : elle s’écrivait de droite à
gauche, comme celle des peuples sémitiques.
28
428
ou à une vie sans honneur. Strabon, qui vivait à une
époque fort différente de la nôtre au point de vue des
idées morales, rapporte d'une manière singulière quel-
ques faits qui sont très-honorables pour les Basques,
et qu'il considère tout simplement comme des actes de
férocité. « Les Ibériens sont féroces, — dit-il. — Des
» individus que l'on avait mis en croix, n'ont cessé
» d’entonner des chants guerriers jusqu’à leur mort! »
Le chef d'une famille qui venait d'être fait prison-
nière, ordonna à l'un de ses fils, encore enfant, qui
avait les mains libres, de prendre un glaive qui était
près d'eux, de les mettre tous à mort et de se frapper
ensuite. Ce qui fut exécuté.
Un jeune Ibère prisonnier se jeta dans un feu ardent,
plutôt que de céder à la brutalité de Romains qui s'é-
taient enivrés dans une orgie!
Quel est le plus féroce, de celui qui crucifie des guer-
riers malheureux, ou de celui qui chante en recevant
la mort? Quel est le plus féroce, de celui qui asservit
inutilement des hommes, ou de celui qui meurt parce
qu'il ne peut conserver sa liberté? Quel est le plus fé-
roce, de celui qui s'enivre et qui veut assouvir d'igno-
bles passions, ou de celui qui souffre une mort cruelle
pour éviter une flétrissure ?
Honte aux Romains! honneur aux Basques!
Je me résumerai en quelques mots. Les peuples de
l'Europe et de l'Asie occidentale descendent d’une même
429
famille, d'un mème père : la race indo-germanique,
comme la race sémitique.
La langue basque est, à n’en pas douter, la langue
la plus ancienne qui soit parlée sur le globe.
Les Escualdunais, que l'on nomme Basques aujour-
d'hui, ont habité le nord de l'Asie, l'Asie centrale, le
Caucase, et se sont rendus en Espagne. Ils ont fourni,
probablement sans le vouloir, des colons à l'Amérique.
La plupart des nations de l’Asie occidentale et de
l'Europe ont des aflinités non équivoques avec la race
escualdunaise, qui sont démontrées par les langues
qu'elles parlent et par leurs caractères anthropologiques.
En général, l’altération de la race est en rapport
avec celle de l'idiome qu’elle parle.
Il faut ajouter que les affinités des Escualdunais
avec les autres nations ne se bornent pas à celles que
j'ai signalées.
La famille nubienne, qui est nègre et habite l'Afri-
que orientale sur les bords de la mer Rouge, parle une
langue dont plusieurs mots se rapportent à celle des
Basques.
Plusieurs lieux du nord de l'Afrique portent des noms
qui se traduisent d’une manière significative en Basque.
Un seul suflira pour donner une idée de l’universalité
de cette langue : Sahara, le grand désert, veut dire
plaine ou sable de feu.
Je termine ici cé que j'ai à dire sur les Basques;
mais j'aurai l'occasion de revenir sur ce sujet en fai-
sant une application de ma méthode d'investigation
historique aux principales nations du globe.
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431
RAPPORT
SUR
LES TRAVAUX DE LA SOCIÉTÉ D'AGRICULTURE,
SCIENCES ET BELLES-LETTRES DE ROCHEFORT
et notamment sur
les doublages en cuivre employés pour les carènes de navires;
Par M. W. MANÈS.
MESSIEURS,
Le Recueil, que vous m'avez chargé d'examiner, des
travaux de la Société d'Agriculture, Sciences et Belles-
Lettres de Rochefort, pendant l'année 4851 à 52, n'est
pas très-volumineux, car il ne contient que cinq no-
tices assez courtes; savoir :
Sur les chaudières de bateaux à vapeur ;
Sur les doublages en cuivre pour carènes de navires;
Sur le mouvement de la population de Rochefort en
1851;
Sur les fortifications de Cherbourg ;
Sur les améliorations agricoles introduites dans le
domaine du Négrier.
432
Parmi ces diverses notices, il n’est que les deux pre-
mières qui m'ont paru mériter de fixer votre attention.
La Notice sur les chaudières de bateaux à vapeur a
été écrite par M. Auriol, ingénieur de la Marine, à
la suite de l’examen qu'il a fait du résumé qui a été ins-
crit dans les Actes de l'Académie, sur les chaudières à
vapeur en général.
M. Auriol y donne, concernant les chaudières à va-
peur employées dans la marine militaire, des détails
intéressants que je dois vous faire connaitre.
On se sert uniquement, dans la marine militaire, de
chaudières en tôle, dont on à diminué le poids par la
suppression des fers en cornières dans les angles. La
forme de ces chaudières est exclusivement, depuis sept
à huit ans, celle des chaudières tubulaires, avec tuyaux
chauffeurs dans les coffres à vapeur. Ces sortes de chau-
dières encombrent un peu moins que les chaudières à
tombeau , et permettent de pousser plus haut la tension
de la vapeur; mais elles élèvent un peu la position du
centre de gravité, ce qui est contraire à la stabilité du
navire, et sont d'un entretien plus difficile, qui peut
cependant être obtenu d'une manière satisfaisante par
des extractions régulières d'eau.
Toutes les faces planes et parallèles de ces chaudières
sont consolidées par des boulons qui ne permettent ni
l'écartement, ni le rapprochement.
Les corps cylindriques sont terminés par des calottes
hémisphériques. |
Les tubes calorifères employés sont en cuivre plutôt
qu'en fer étiré, parce qu'ils s’oxident moins, durent
133
plus longtemps et ont une plus grande faculté conduc-
trice de la chaleur.
La tension de la vapeur ne dépasse pas, sur nos bà-
timents, celle de deux atmosphères. On n’y fait point
usage de la haute pression, pour ne pas être obligé
d'augmenter l'épaisseur de la tôle et le poids des appareils.
On dispose sur la plupart des navires de plusieurs
degrés de détente, suivant les diverses circonstances de
mer et de vent, en mème temps qu'on éteint les feux
dans une proportion correspondante du nombre des
corps de chaudières employés : c'est là un moyen sûr
de diminuer la dépense et de ménager le charbon pour
une plus longue route ; car on sait, par expérience,
que par l'emploi de la détente, la vitesse du sillage du
navire est diminuée dans un rapport beaucoup moindre
que la consommation du combustible.
Quant aux dangers d'explosion, on s’en met à l'abri
par un service régulièrement établi et exécuté :
1° On porte une attention particulière sur les rivets,
qui se détruisent plus promptement que la tôle; sur les
bouts rivés des tubes, à l'extrémité des foyers et au re-
tour de la flamme; sur les boulons, sur les joints, et
l’on répare immédiatement les petites avaries, à mesure
qu'on les voit.
20 On veille à ce que les soupapes de süreté soient
toutes en bon état et fonctionnent sans surcharge.
3° On prend garde à ce que les feux soient bien con-
duits. L'usage est de mettre sur les grilles environ dix
centimètres d'épaisseur de charbon en morceaux gros
comme des pommes et des noix, d'allumer avec du bois,
434
deramener toujours la houille crue versles portes desfour-
neaux, et de la pousser vers le fond lorsqu'elle est con-
vertie en coke; de lui laisser développer toute sa flamme,
d'éviter toute augmentation brusque de chaleur et tout
refroidissement, d'empêcher que le combustible ne colle
aux grilles et ne forme une croûte, de nettoyer les
cendriers.
Un perfectionnement remarquable est résulté de la
suppression du registre de la cheminée et de son rem-
placement par des registres particuliers appliqués con-
tre les ouvertures des cendriers des divers fourneaux.
Par là, on peut régler ou modérer le tirage de chaque
fourneau , suivant l’activité du feu.
4° On veille à ce que l'alimentation se fasse bien, et
à ce qu'il n’y ait point d'adhérence entre le fond des
chaudières et les dépôts des sels calcaires qui s'inter-
posent entre l’eau et la tôle, attendu que ces dépôts di-
minuent l'efficacité de la chaleur et obligent à chauffer
davantage, d'où il résulte que la consommation du
combustible augmente , et qu'on fait rougir le métal,
dont la ténacité est alors altérée.
Des divers moyens qui ont été indiqués pour préve-
nir les dépôts salins, celui de l'emploi de l'argile à un
extrême degré de ténuité a été en usage dans la marine
pendant plusieurs années, et a eu des succès incontes-
tables. L’argile mêlée aux sels empéchait leur adhérence
aux parois, et les extractions d'eau entrainaient à la
fois les sels et l'argile, qui était continuellement rempla-
cée; mais comme cette argile passait avec la vapeur
dans les tuyaux, dans les articulations, dans les gar-
435
nitures, et jusque sur les pistons des cylindres dont le
service était compromis, On a dù y renoncer.
M. Polonceau considère toutes les tentatives de ré-
duire les dépôts dans les chaudières des locomotives,
comme très-incomplètes et sujettes à de graves incon-
vénients ; il a successivement essayé différents produits
chimiques ayant pour base des sels de soude, du sel
marin, du tannin, des décoctions de bois, et n’a ob-
tenu que des résultats peu satisfaisants. Les acides vé-
gétaux n'ont pas assez d'action, et les acides minéraux
rongent le métal.
M. Auriol conclut que le plus sûr moyen de conser-
ver les appareils évaporatoires en état de propreté et
de bon fonctionnement, se réduit, au moins jusqu’à
présent, à établir un service régulier dans les extrac-
tions d'eau, qui doivent être continues ou très-fré-
quentes.
Dans la Notice sur les doublages en cuivre pour les
carènes de navire, M. Auriol expose le résultat des
travaux d'une commission qui, par ordre du gouver-
nement anglais, s'est occupée récemment de rechercher
quelles pouvaient être les causes de la prompte détério-
ration des doublages en cuivre.
On sait que les doublages ont un double but : 4° em-
pêcher les vers et autres animaux marins de s'introduire
dans le bois et de détruire le vaisseau; 2° empêcher
l'adhérence des algues et coquillages à la carène du na-
vire, ce qui ralentit considérablement sa marche et
nuit à ses qualités nautiques.
Mais on ne tarda pas à s’apercevoir que lesdits dou-
436
blages s'usaient rapidement, et on chercha les moyens
d'y obvier.
En 1824, le célèbre chimiste Davy vit la cause de
cette destruction dans la condition électrique du métal
en rapport avec l'eau de mer : il imagina de rendre la
surface totale du doublage négative par la superposi-
tion, dans le sens de la longueur du navire, de bandes
minces et étroites d’un métal positif, comme le zinc,
de manière à occuper environ la deux centième partie
de la surface du doublage, et ces essais furent couron-
nés d'un plein succès; le cuivre fut préservé de toute
oxidation. Davy prévit alors que le cuivre, ainsi pro-
tégé, pourrait bien se couvrir d'un dépôt de sels cal-
caires et magnésiens, sur lequel les algues et les co-
quillages viendraient s'attacher ; mais il pensa qu'on
pourrait prévenir cet effet en diminuant, dans une juste
proportion, la quantité du métal protecteur. Il faut
croire, toutefois, que cet inconvénient persisla à se
montrer, Car c'est pour cette cause que cette belle ap—
plication d’un principe philosophique dut être, en moins
de deux ànnées, complétement abandonnée.
Plus tard, on erut trouver la cause de la destruction
des doublages en cuivre dans la qualité du métal; il
parut que l’eau de mer agissait plus directement sur le
cuivre pur que sur le cuivre allié, et on proposa pour
doublages des cuivres alliés soit à de l’étain, soit à du
zinc, soit à du fer. Le métal de Müntz, composé de
deux parties de cuivre et une partie de zine, fut alors
employé avec quelque avantage; le bronze donna aussi
de bons résultats.
k37
M. Prideaux, chimiste attaché officiellement à l’ar-
senal de Plimouth, émit, lui aussi, en 1841, cet avis
que le cuivre allié était le meilleur pour le doublage.
Depuis, et après avoir effectué un grand nombre d'a-
nalyses sur plusieurs spécimens de doublages de bonne
ou mauvaise qualité, vieux ou neufs, il dut reconnaitre
qu'il n'ya point de différences caractéristiques ou cons-
tantes entre les bons et les mauvais cuivres de doubla-
ges. Le tableau suivant des alliages trouvés par lui dans
divers cuivres, et où l’on voit que le cuivre qui a duré
trente ans était le plus pur de tous, l'a amené à cette
conclusion :
CUIVRE AYANT DURÉ CUIVRE
à
30 ans. | 17 ans. | 5ans. [rapide usure.
Étain..….....| 0,08 0,07 0,40 0,07
Zincubieu 0,09 | 0,44 0,24 0,45
Fer...…....| 0,07 0, 26 0,45 0,56
Argent... 0,01 0,14 0,01 0,06
ToTar....| 0,25 0,61 0,45 0,64
M. Prideaux examina aussi les effets des clous em-
ployés, et vit que, dans quelques cas, ils semblaient
avoir protégé le cuivre, ce dernier étant plus épais au-
tour d'eux; que, dans d'autres cas, ils avaient eu un
effet contraire, le cuivre étant usé autour des clous.
À l'aide du galvanomètre , les clous furent trouvés
pour la plupart négatifs au cuivre ; mais lorsqu'ils
438
étaient couverts de vert de gris et que le cuivre était
propre, ils lui étaient positifs.
Voici la composition comparative de clous anglais
trouvés très-bons pour doublages, et des clous français,
destinés au même usage, qui sont fabriqués à Roche-
fort pour tous les ports militaires :
Tor. 98,59
CLOUS ANGLAIS CLOUS FRANÇAIS
pour doublages en enivre. pour doublages en cuivre.
Cuivre 62, 62 Cuivre... 92, 00
VAT ONERR PER 24, 64 Etain... 8, 00
Plomb... 8, 69 Tora.. 400, 00
LE Fa d OLA APRES 2, 64
M. Auriol fait observer, en terminant, que de toutes
les recherches faites sur les causes qui affectent les
doublages par des hommes du plus haut mérite, en An-
gleterre comme en France, il n'est guère possible de
tirer une conclusion nette et claire. Aussi, M. Pri-
deaux, résumant en 1850 les divers travaux effectués,
a-t-il déclaré publiquement, dans le Journal des Mi-
nes, que presque aucun progrès n'avait été réalisé de-
puis 1824.
Dans ces derniers temps, M. Bobierre, ayant été
chargé par le Tribunal de Commerce de Nantes de re-
chercher les causes de l'altération du bronze employé
au doublage d'un navire du nom de Sarah, fit à ce su-
439
jet beaucoup de recherches, et les a exposées à l’Institut
dans plusieurs Mémoires, dont voici le résumé :
« Les doublages en bronze sont préférables, au point
» de vue de la durée et de la solidité, aux doublages
» en cuivre ou en laiton. Les altérations anormales,
» souvent ruineuses pour les armateurs, et qui ont,
» depuis quelques années, été l'objet de nombreuses
» contestations, sont le résultat d’une fabrication dé-
» fectueuse. La présence de l’arsenic dans les bronzes
» à doublage n’entraine pas nécessairement l’altération
» rapide de ces alliages, ainsi que cela paraît avoir lieu
» pour les cuivres rouges. L'expérience a prouvé que
» les bronzes à doublage ayant fait un excellent service
» à la mer, renfermaient en général de 4,5 à 5,5 d'é-
» {ain sur 100 de métal, tandis que presque tous les
» bronzes qui ne contiennent que 2,4 à 3,5 d'étain
» pour 100, sont hétérogènes et s’altèrent inégale
» ment. »
Ces résultats sont, comme on voit, fort différents de
ceux obtenus par M. Prideaux. M. Bobierre ajoute d'ail-
leurs que le désir de laminer à bas prix, en diminuant
la dureté de l'alliage et l'appat offert au fabricant par
l'infériorité de prix des cuivres aigres, sont les causes
principales de la pauvreté en étain et de l'hétérogénéité
des bronzes à doublages livrés aujourd'hui à la marine
marchande. Il n’est pas dès lors étonnant que, vu la
grande incertitude existante sur la bonne fabrication de
ces bronzes, le doublage en cuivre rouge soit encore
généralement conservé, malgré son prix élevé.
On à cherché encore à préserver de l'oxidation les
cuivres de doublage, en recouvrant ceux-ci d'un en-
k40
duit; mais quelles que soient les prétentions des inven-
teurs des divers enduits proposés, ils n'empêcheront
jamais les coquilles, les herbes et les mousses, de s'at-
tacher aux flancs des navires, qu'ils transformeront
bientôt en espèces d'îles flottantes. Ce moyen ne saurait
donc être recommandé.
M. Arman, de notre ville, bien loin de chercher à
empêcher l'oxidation du cuivre de doublage, voit dans
cette oxidation même une des garanties du maintien en
bon état de marche de la carène du navire. Dans lopi-
nion personnelle de cet habile constructeur, le dou-
blage en cuivre n’a d'efficacité spéciale qu'à cause pré-
cisément de son usure continue à la mer. En effet, les
coquillages qui s’attachent sur la carène d'un navire dou-
blé, rencontrent sur la paroi une couche permanente
d'oxide, et c'est sur elle qu'ils adhèrent ; mais bientôt ils
sont emportés avec la couche d'oxide et de petites pail-
lettes de cuivre qui se détachent successivement sous
la pression du courant continu qu'opère la marche du
navire. L'oxidation du doublage empèche ainsi l'en
crassement de la carène, qui fait perdre au bâtiment
une grande partie de sa marche, et la durée de ce
doublage est dès lors proportionnée à l'épaisseur du
métal employé.
Nous appelons l'attention des industriels sur cette
question intéressante, qui laisse encore bien des doutes
et des incertitudes, et nous les invitons à chercher les
moyens d'assurer enfin de bons résultats dans la pra-
tique.
Bordeaux, ce 4 août 4853.
441
RAPPORT
sur
L'ÉLOGE DE ROMAS;
Par MN. ABRIA !.
MESSIEURS,
En mettant au concours l'éloge de l'un des membres
de l'ancienne Académie de Bordeaux, vous avez voulu
payer à la mémoire de de Romas le juste tribut de louan-
ges auquel il a droit, et rappeler aussi l'attention des
physiciens sur les expériences célèbres auxquelles est
resté attaché le nom de notre compatriote, et sur les
observations qui les ont accompagnées. C'est à de Ro-
mas, en effet, que l'on doit l'étude des propriétés élec-
tiques des nuages orageux, la plus remarquable, sans
contredit, par l'intensité et la variété des effets obte-
nus; et quoique les Mémoires véritablement importants
que nous lui devons soient en petit nombre et puissent
se résumer en quelques pages, les observations qu'il a
faites dans les recherches qui ont rendu son nom célè-
Commission composée de MM. Manès, Raulin, Baudrimont, Magonty, et
Abria, rapporteur.
442
bre n'ont rien perdu de leur importance, et l’on est
loin d'en avoir déduit toutes les utiles conséquences qui
paraissent devoir en résulter.
Le seul Mémoire qui vous soit parvenu sur la ques-
tion que vous avez posée, offre un résumé fidèle et com-
plet des divers travaux scientifiques de l’assesseur au
présidial de Nérac ‘. Ces travaux, assez nombreux, ne
sont pas tous remarquables au même degré. Quelques-
uns même renferment de graves erreurs; mais ils in-
diquent un esprit inventif, ardent au travail, ingénieux
et hardi dans les procédés d'expérimentation. Leur au-
teur aurait cerlainement occupé un rang élevé parmi
les physiciens de son époque, s'il avait reçu une forte
éducation scientifique. A côté de Mémoires sur la tri-
section de l'angle, le mouvement perpétuel, le raccour-
cissement du télescope de Newton, la détermination des
latitudes par l'inclinaison de l'aiguille aimantée, qui
n'ont absolument aucune importance, nous remarquons
quelques recherches sur le baromètre, le thermomètre,
la capillarité et la météorologie, qui contiennent des
observations intéressantes et faites avec soin. Il est à
regretter même aujourd'hui que nous ne possédions pas
un journal d'observations météorologiques qui parait
avoir été tenu par de Romas avec exactitude, et qui
nous fournirait certainement quelques données utiles
sur le climat de l'Aquitaine.
Les véritables travaux scientifiques de notre compa-
! Les Mémoires de de Romas n'ont pas été tous imprimés, mais la plupart
ont été conservés dans les archives de l’ancienne Académie de Bordeaux, archi
vés qui sont déposées aujourd’hui à la Bibliothèque de la ville. C’est là que l’au—
teur a puisé les principaux éléments de son travail,
443
triote, ceux qui lui assignent une place honorable parmi
les physiciens du dix-huitième siècle, sont relatifs, on
le sait, à l'électricité atmosphérique. L'auteur du Mé-
moire les rapporte avec détails; il fait ressortir la portée
des observations faites par de Romas dans le cours de
ses recherches, observations qu'on peut résumer ainsi :
1° L’intensité électrique de l'atmosphère croit avec
la hauteur au-dessus du niveau du sol. Cette remarque,
parfaitement exacte, conduisit le physicien de Nérac à
lancer un cerf-volant vers les nuages orageux.
2 L'électricité se manifeste par un temps serein, ob-
servation qui fut faite à la même époque par Lemonier.
3° On peut obtenir des signes d'électricité dans des
pluies non accompagnées d'orage, et aussi avant qu'on
n’entende le bruit du tonnerre. :
4° Les nuages sont entourés d'atmosphères électri-
ques, quelquefois très-étendues, soumises à l'influence
des vents.
5° Le bruit du tonnerre, la lumière des éclairs, per-
dent notablement de leur intensité quand on décharge
les nuages orageux.
Cette dernière observation est une des plus impor-
tantes parmi celles qu'on doit à de Romas. Elle prouve
qu'en déchargeant, à l'aide de paratonnerres mobiles
et suffisamment élevés, les nuages orageux, on pour-
rait atténuer singulièrement, peut-être même annuler,
les désastreux effets de la foudre. Aujourd'hui, qu'à l’aide
de ballons captüfs il nous serait aisé de faire pénétrer
dans la région des nuages des canaux par lesquels
pourrait s'écouler leur fluide électrique, nous parvien-
29
kh4
drions peut-être à prévenir la formation de la grèle, ou
du moins à affaiblir l'intensité des causes qui parais-
sent lui donner naissance. Les intérêts engagés dans
la question sont assez nombreux, ils ont trait à une
portion trop considérable de la richesse nationale, pour
ne pas justifier une dépense qui épargnerait peut-être
à l'agriculture des pertes énormes, et préviendrait des
malheurs auxquels jusqu'ici on n’a jamais pu porter un
remède efficace. Si ces essais sont tentés quelque jour,
et si leurs résultats répondent aux espérances que l’on
est en droit de concevoir, l'honneur des services qu'on
rendra ainsi à l'humanité devra rejaillir en partie sur
notre illustre compatriote, qui, le premier, aura mis sur
la voie par des expériences aussi hardies qu'étonnantes
dans leurs résultats.
On ne peut disputer à de Romas le mérite d’avoir fait
sur l'électricité atmosphérique des expériences qui, par
la grandeur de leurs effets, ont considérablement dé-
passé celles qui se faisaient à la même époque; on ne
saurait non plus, nous le croyons, lui contester, sans
injustice, d'avoir eu, en même temps que Franklin, li-
dée d'appliquer le cerf-volant à l'exploration électrique
de l'atmosphère.
On a remarqué bien des fois que les auteurs se bor-
nent généralement à copier leurs devanciers, sans pren-
dre la peine de remonter aux sources et aux Mémoires
originaux. Dans l’histoire de l'électricité atmosphéri-
que en parliculier, les différents historiens se sont
contentés de copier Priestley, que l'on ne peut vrai
ment considérer dans cette question comme un modèle
445
d'impartialité. Franklin à eu le mérite incontestable
d'indiquer le premier le pouvoir des pointes comme
propre à vérifier l'identité de la foudre avec l'électri-
cité, comme propre aussi à préserver les édifices des
désastreux effets de ce météore; mais il faut ajouter
quelques remarques pour que l'histoire de la science
sur ce point soit complète et conforme'à une rigoureuse
exactitude.
4° Dès le mois d'août 1749, l'Académie de Bordeaux
proposait pour sujet de prix la question des rapports
entre la foudre et l'électricité. D'après le témoignage de
Franklin lui-même, c'est le 7 novembre 1749, c’est-à-
dire deux mois au moins après la publication du pro-
gramme de l'Académie de Bordeaux, qu'il inscrivait sur
son registre d'observations les analogies entre la foudre
et le fluide électrique, et qu'il se trouvait conduit à es-
sayer le pouvoir des pointes. Sa lettre à Collinson, dans
laquelle il propose ce moyen, et qui forme veritable-
ment le premier document authentique, est du 29 juil-
let 1750. Il nous semble qu'il serait juste, dans l’his-
toire de la science, de faire remarquer que l'Académie
de Bordeaux a réellement provoqué les méditations des
physiciens sur l'identité de la foudre et de l'électricité.
2° D’Alibard est le premier qui ait obtenu des signes
d'électricité atmosphérique, le 10 mai 1752. Ce n’est
qu'en septembre de la même année que Franklin en ob-
tint avec la verge de fer qu'il avait fait placer sur sa
maison. Rien ne prouve, comme l'affirme Priestley, que
l'expérience du cerf-volant ait été faite par Franklin
en juin 1752. La lettre où le physicien de Philadelphie
l'annonce, est du 19 octobre de la même année; et d'a-
446
près la manière dont elle est écrite, tout porte à croire
que l'expérience était récente.
3° Dès le 13 juillet 1752, par conséquent avant la
lettre de Franklin, probablement avant son expérience,
de Romas avait écrit à l'Académie de Bordeaux qu'il
songeait à un moyen très-peu coûteux {la dépense, dit-
il, ne doit pas excéder six francs) et emprunté à un
jeu d'enfant, pour porter une aiguille électrique dans
la région des nuages. Quoique le physicien de Nérac
n'ait pas nommé le cerf-volant, il nous parait vraiment
dificile, d'après ces expressions, de croire qu'il ait eu
en vue un autre appareil.
Nous croyons donc que de Romas a fait autre chose
que répéter les expériences du physicien de Philadel-
phie; on ne saurait lui contester l'invention de l'appa-
reil qu'il a employé. C’est en effet dans ce sens que l'A-
cadémie des Sciences de Paris s’est prononcée en 1764;
et si notre compatriote n'a pu obtenir de son vivant la
justice qui lui était due, il est de toute équité qu'on re-
connaisse aujourd'hui ses droits.
Votre Commission pense que le Mémoire qui vous à
été adressé remplit les conditions imposées par le pro-
gramme de l'Académie, et que les savants liront avec
intérêt les détails donnés par l’auteur sur un physicien
dont la biographie était tout à fait inconnue. Nous
avons donc l'honneur de vous proposer de lui décerner
le prix, et d'autoriser l'insertion de son travail dans le
Recueil de vos Actes. Il nous parait très-digne d'y figu-
rer avec honneur.
12 janvier 1853,
447
ÉTUDE
sur les
TRAVAUX DE ROMAS;
Par M. MERGET,
Professeur de Physique au Lycée impérial de Bordeaux,
Sie vos non vobis.
La découverte de la nature électrique de la foudre,
faite au milieu du dernier siècle, eut un immense re-
tentissement en Europe, et produisit sur les imagina-
tions étonnées l'impression la plus universelle et la plus
profonde. Accueillie avec de véritables transports d’en-
thousiasme par des générations ardentes aux nouveau-
tés et avides d'émotions, elle conserva longtemps sa
vogue, et, de nos jours encore, quoiqu'il suffise de l'in-
telligence d'un enfant pour comprendre les principes
sur lesquels elle repose, quoiqu'elle ait été suivie de
beaucoup d'autres découvertes dont l'enfantement exi-
geait pour le moins autant de génie, et dont les appli-
cations ont été plus utiles et plus fécondes en grandes
conséquences , elle n'a pas cessé d'occuper le premier
rang parmi les plus populaires. Les poëtes ne laissent
748
pas échapper une occasion de rimer en son honneur
des vers qui n'ont servi jusqu’à présent qu'à prouver la
difficulté d'accorder la physique avec la césure, et les
savants eux-mêmes, malgré leurs habitudes sérieuses,
se résignent rarement à parler d'elle sans méthaphores.
On a fait moins de réthorique bruyante pour la va-
peur elle-même, quoiqu'elle méritàt, à bien plus de ti-
tres, les honneurs de l'amplification oratoire ;. préfé-
rence partiale qui resterait inexplicable si l'on ne savait
que nos plus chaudes admirations sont toujours celles
dont s’'accommode le mieux notre vanité. Les autres
grandes victoires que l'homme a remportées sur les
agents naturels, lui ont, il est vrai, coûté plus de pei-
ne, et lui rapportent aussi plus de profits que celle qui
a établi sa domination sur la foudre, mais jamais au-
cune ne fut plus flatteuse pour son amour-propre. Ha-
bitué comme il l'était à trembler devant les éclats du
tonnerre, il salua de ses plus vives acclamations le jour
où il put enfin commander en maitre à ce redoutable
météore; moins il comptait sur la victoire, plus il se
trouva fier de l'avoir remportée, et, suivant la cou-
tume des poltrons, il manqua de modération dans son
triomphe.
Il est résulté de cet engouement de l'opinion une dis-
position très-marquée à exagérer les mérites du savant
qui passe pour avoir démontré le premier que la foudre
est un phénomène électrique; aussi Franklin, auquel
on attribue généralement l'initiative de cette glorieuse
démonstration, est-il en possession d'une brillante re-
nommée scientifique dont le temps n’a pas terni la splen-
449
deur; et quand la reconnaissance des peuples exalte
l'ouvrier imprimeur de Philadelphie, devenu par occa-
sion physicien éminent et grand homme d'État, elle fait
passer l'inventeur des paratonnerres avant le fonda-
teur de la République américaine.
La réputation de Franklin comme homme politique
ne lui a cependant pas été inutile pour consolider et
pour étendre sa réputation comme physicien. L'éclat
jeté sur sa personne par le rôle important qu'il joua
dans le plus grand événement de l’histoire du dix-hui-
tième siècle, la vénération enthousiaste dont il fut l'ob-
jet, nelaissèrent plus à l'opinion assez de liberté pour
juger le savant. On proclama de confiance la supério-
rité de ses litres, sans trop se donner la peine de les
examiner; et comme si ce n'était pas assez de la part
de gloire qui lui était due pour ses travaux personnels,
on Ja grossie de la part d'autrui; car, en physique
comme ailleurs, on prête volontiers aux riches.
Il s'en faut de beaucoup cependant qu'on doive rap-
porter à Franklin seul le mérite d'avoir découvert l'iden-
tité de la foudre avec la matière électrique. Annoncée
comme possible, et pressentie instinctivement assez
longtemps avant d'avoir été réalisée, cette mémorable
découverte devint, vers le milieu du siècle dernier, le
but des préoccupations et des travaux du plus grand
nombre des électriciens, et pendant quelques années,
elle fut maintenue à l'ordre du jour de la science. Des
travailleurs hardis et infatigables, des sociétés savantes
éclairées, la prirent pour point de mire de leurs actives
investigations, et la poursuivirent sans relâche, dans
450
des voies diverses, avec des succès fort inégaux, mais
avec le même courage intrépide et la même émulation
de zèle. Ce fut à la ligue de tous ces généreux efforts, et
non pas à l'inspiration isolée d’un homme de génie, que
l'on fut enfin redevable de la conquête de la vérité.
Parmi les physiciens qui prirent part avec le plus
d'ardeur à cette émouvante lutte où l'homme osa fière-
ment se mesurer avec une des forces les plus redouta-
bles de la nature et parvint à l'asservir, les annales de
la science mentionnent, très-diserètement, un juge obs-
cur de Gascogne, un certain M. de Romas, que les his-
toriens de la physique ont jusqu'à présent jugé trop
provincial pour accorder à ses travaux l'honneur d'un
sérieux examen.
M. de Romas naquit en 1706 dans cette petite ville
de Nérac qui fut aussi le berceau de la famille de Mon-
tesquieu. Entrainé, dès sa jeunesse, par une vocation
bien décidée vers l'étude des sciences, l'obligation de se
faire un état l'empêcha de suivre sa passion dominante;
il se tourna donc vers la magistrature, et ses études de
droit terminées, il obtint la modeste place d'assesseur
au présidial de sa ville natale.
Qu'il ait été magistrat plein de zèle et légiste recom-
mandable par ses lumières, nous l'accordons sans peine,
et cela se montre assez clairement par l'estime générale
qu'il sut conquérir dans l'exercice de ses délicates fonc-
tions. On peut croire cependant qu'il ne ressentit Ja-
mais pour les spéculations abstraites du droit qu'une
affection très-modérée, et qu'au lieu de consacrer ses
loisirs à méditer Cujas et Bartole, il préféra les em-
ployer à étudier la physique dans les ouvrages de Nol-
let, dont il adopta les vues et dont il fut à l'occasion le
zélé partisan.
Toujours est-il qu'il nous à laissé, non pas des com-
mentaires sur des questions de jurisprudence, mais de
nombreux écrits scientifiques, qui fixèrent assez l’atten-
tion des hommes spéciaux de son temps pour lui mé-
riter les suffrages des deux Académies des Sciences de
Bordeaux et de Paris, dont la première lui conféra le
titre de membre correspondant en 1745, et celui d'as-
socié en 1754; la seconde, le titre si rarement accordé
de membre correspondant, en 1755.
L'homme privé ne nous est pas mieux connu que le
jurisconsulte. La vie de M. de Romas s’écoula modes-
tement et sans épisodes dans la sphère calme d’une pe-
tite ville de province ‘; il la partagea tout entière entre
l'accomplissement des devoirs de sa charge et la pour-
suite de ses entreprises de physique; il n’a légué à la
posterité, sous bénéfice d'inventaire, ni Mémoires pos-
thumes, ni Impressions de voyage, et pour le connai-
tre, nous en sommes réduits à chercher dans ses œu-
M. de Romas, qui paraît avoir eu des goûts très-sédentaires, ne quitta Né-
rac qu'à de rares intervalles, pour venir à Bordeaux, où il ne fit que des séjours
de courte durée. Le retentissement que donnèrent à son nom ses belles expériences
sur le cerf-volant électrique, lui attira la visite de quelques personnages il
lustres, entre autres celle du chevalier d'Acosta, ancien ambassadeur du Portugal
auprès des Provinces—Unies, et celle de la célèbre lady Montague. Le chevalier
d’Acosta, exilé par le très-philosophe marquis de Pombal, devint l'ami ne notre
compatriote, auprès duquel il se fixa; quant à lady Montague, elle se lia plus
particulièrement avec Mm° de Romas, qui la combla de prévenances, lui offrit
l'hospitalité la plus généreuse, et sut gagner l'affection de !a spirituelle touriste.
452
vres scientifiques des révélations éparses sur les traits
dominants de son caractère.
A le juger par son style incorrect et diffus, où les
négligences les plus fortes et les infractions les plus
hardies aux règles grammaticales viennent trop souvent
mettre en relief des pensées qui étonnent par leur naï-
veté, M. de Romas ne recut sans doute qu'une éducation
fort incomplète, et l'isolement auquel le condamna son
existence toute provinciale, l'empêcha d'arriver à cette
maturité de talent que l'on peut acquérir par le com-
merce des hommes, quand elle n’est pas donnée par la
culture sévère de l'esprit.
Les documents, fort peu nombreux d'ailleurs, où il
est question de lui, tout en attestant sa parfaite bon-
homie et les excellentes qualités de son cœur, insinuent
qu'il ne fut pas exempt de ce défaut de vanité presque
inséparable d’une origine gasconne; et aussi trouve-t-
on plus d’une fois dans ses Mémoires la preuve qu'il
joignait à une simplicité primitive de caractère, une
confiance en lui-même qu'on excuse volontiers tant elle
est de bonne foi.
Ce qui rachète largement ces imperfections légères,
c’est l’ardeur intrépide et désintéressée qu'il montra pour
les recherches scientifiques, recherches qui furent cons-
tamment l’objet de ses plus chères prédilections, et pour
lesquelles il n'hésita pas, dans l’occasion, à exposer sa
santé et sa vie. L’àge même ne parait pas avoir amorti
la passion généreuse avec laquelle il s'y livra; et il faut
qu'il l'ait bien vivement ressentie, pour que ses forces
aient pu suffire à la multiplicité des études qu'il em-
453
brassa. Il n’y a pas, en effet, de branche de la physique
sur laquelle notre curieux compatriote n'ait porté ses in-
vestigations ; etcommes'iltrouvait trop restreint pour ses
facultés le vaste champ de cette science, nous le voyons
s'occuper encore de météorologie, de mécanique, de
géographie, de navigation, d'agriculture, d'élève des
bestiaux, expérimenter, inventer des machines, faire
des essais de toutes sortes, écrire enfin trois gros vo-
lumes de Mémoires, le tout en remplissant exactement
les devoirs de sa charge et sans jamais trahir la moin-
dre lassitude. Les manuscrits des Mémoires dont nous
venons de signaler l'existence, après avoir fait partie
jusqu’à la fin du dernier siècle des archives de l'ancienne
Académie de Bordeaux, appartiennent maintenant à la
Bibliothèque de notre ville, où j'ai pu les consulter à
loisir, grace à l’obligeance bienveillante de l'habile con-
servateur de ce riche établissement. M. Delas ne s'est
pas contenté de mettre à ma disposition les documents
bibliographiques que je devais consulter , il s'est cor-
dialement empressé de me fournir tous les renseigne-
ments propres à faciliter et à étendre les recherches
que j'avais entreprises; je suis heureux d'acquitter ici
la dette de reconnaissance que j'ai contractée envers
lui.
Par un malheur à peu près inévitable, quand on veut
toucher à tout, on s'expose à ne rien approfondir, et
il est arrivé à M. de Romas ce qui arrive presque tou-
jours en pareil cas aux hommes qui ne savent pas ré-
gler leur mobile imagination. Il effleura beaucoup de
sujets sans en creuser aucun; il eut par moments des
15%
inspirations très-heureuses, sans jamais se montrer ca-
pable d'en tirer parti jusqu'au bout; et, en moyenne,
avec des facultés brillantes, mais mal employées, il ne
s'éleva que par accident au-dessus du niveau de la mé-
diocrité.
Parmi les nombreux travaux dus à son infatigable
activité, ceux qui sont étrangers à l'électricité n'offrent
aucune partie digne de remarque, et ne renferment pas
un seul résultat qui mérite de fixer notre attention;
souvent, au contraire, ils contiennent des erreurs con-
sidérables, dont quelques-unes appartiennent en propre
à l'auteur et doivent lui être reprochées, tandis que les
autres tiennent à l'imperfection des méthodes scienti-
fiques en usage à l'époque où il vivait. L'analyse de ces
divers travaux serait sans intérêt et sans profit; nous
les passerons donc sous silence, pour nous attacher ex
clusivement à l'examen des recherches de notre compa-
triote qui ont pour objet les phénomènes électriques.
Au temps où vivait M. de Romas, l'électricité tenait
une grande place non-seulement dans les discussions
des savants, mais aussi dans les préoccupations des
hommes du monde, et plus encore en France que dans
le reste de l'Europe. C'était la grande époque où se fon-
dait cette branche si attrayante et si curieuse des scien-
ces physiques; chaque jour apportait une découverte
nouvelle, et, à chaque pas en avant dans ce vaste
champ dont les perspectives infinies se déroulaient pour
la première fois devant les yeux étonnés et ravis des
physiciens, quelque fait aussi merveilleux qu'inattendu
venait frapper les imaginations et enflammer les espé-
455
rances des intrépides explorateurs de ce nouveau monde
scientifique. .
On vit alors dans tous les pays civilisés s'organiser
une véritable croisade philélectrique, entreprise avec
celte fougue que donne l'enthousiasme, et continuée
avec celte persévérance invincible qu'inspire une foi
forte, car on croyait à l'électricité et on lui demandait
même des miracles. Tout le monde se mit bravement
en campagne, les uns avec leur léger bagage d’ama-
teurs, les autres avec leur bagage plus lourd de savants,
ce qui nous explique sans doute comment il se fit que
les savants n'arrivèrent pas toujours les premiers. L'en-
gouement devint irrésistible et gagna toutes les classes
du public, depuis les quakers de Philadelphie, qui ou-
blièrent la bible pour les globes de verre et de soufre,
jusqu'aux grands seigneurs élégants et raffinés de Ver-
sailles. Ce qui est plus significatif encore, les marquises
à talons rouges assiégeaient en foule les cabinets des
physiciens, où elles venaient chercher les émotions de
l'étincelle, et, d'un bout à l'autre de l'Europe, elles en-
tretenaient des correspondances fort sérieuses, non plus
avec leurs marchandes de modes, mais avec les élec-
triciens les plus éminents de la capitale; quelques-unes
même poussèrent le fanatisme de la propagande jusqu'à
se faire professeurs publics d'électricité *.
! Ce fait assez curieux se présenta en Italie : Me Laura Bassi, membre de
l'Académie de l'Institut de Bologne, dirigeait une école de physique expérimen—
tale, fréquentée par un grand nombre d'auditeurs. Une autre Italienne, Mlle
Ardinghelli, se fit aussi remarquer par son ardeur à étudier l'électricité : cette
jeune personne, qui appartenait à une des familles les plus illustres et les plus
456
La France, comme on se l'imagine sans peine, ne
fut pas le pays qui prit part avec le moins d'ardeur à
ces luttes de la science, ni celui qui fournit le moindre
contingent d'infatigables travailleurs. Les sociétés sa
vantes de notre ingénieuse patrie se placèrent à la tête
de cet important mouvement ; elles furent les premiè-
res à donner l'élan à l'opinion, et par l'empressement
avec lequel elles discutèrent les grandes questions alors
à l'ordre du jour, par les prix qu’elles proposèrent comme
une glorieuse récompense aux meilleurs travaux desti-
nés à en donner la solution, elles contribuèrent puis-
samment à l'accroissement de l'émulation universelle.
Parmi ces sociétés savantes, celle qui montra le
plus d'activité, d'intelligence et d'esprit d'initiative,
celle dont l'action éclairée et forte se fit le plus eflica-
cement sentir, et qui contribua, pour la plus large
part, à diriger les esprits dans la voie du véritable pro-
grès, fut sans contredit l'Académie des Sciences de
Bordeaux, qui traversait alors une période glorieuse et
trop peu connue de son histoire. Il y aurait injustice à
ne pas rappeler ici les services éminents rendus par ce
corps savant à la cause du progrès scientifique; cette
étude se rattache d’ailleurs très-étroitement au sujet que
nous traitons.
anciennees de Toscane, fit imprimer en 1749, alors qu’elle n'avait que seize
ans, une traduction italienne de l'Hémostatique de Hales, avec des remarques
très-savantes et très-judicieuses. Plus tard, elle publia une traduction de la
Statistique des Végétaux du même auteur. Toutes deux étaient des disciples de
l'abbé Nollet, qui les tenait au courant du mouvement de la science, et qui leur
dédia deux de ses lettres imprimées sur l'électricité.
457
En 1747, les premiers travaux sérieux sur l'électricité
venaient à peine d'être révélés au monde savant; leur
haute portée philosophique ne pouvait encore être que
très-diflicilement comprise; et l'Académie des Sciences
de Paris elle-même, n’osant pas se prononcer, se con-
tentait prudemment d'attendre, pendant que l'Académie
de Bordeaux, devinant dès-lors avec une rare puissance
de pénétration toute l'importance des faits nouveaux
dont la science s'était récemment enrichie, pressentait
heureusement et montrait dans l'avenir les grandes dé-
couvertes auxquelles ces faits devaient inévitablement
conduire, en même temps qu'elle encourageait les sa-
vants à en poursuivre la conquête.
Cest ainsi que nous la voyons, en 1748, proposer
pour sujet du prix des sciences la recherche des rap-
ports entre le magnétisme et l'électricité; et, en 4749,
celle des rapports entre l'électricité et la foudre.
Une initiative aussi éclairée et que signalait tant d'à-
propos doit nous faire concevoir une haute idée de la
valeur scientifique des hommes éminents qui n’hésité-
rent pas à la prendre; elle suffirait, à défaut d'autres
preuves, pour nous apprendre que la compagnie illus-
tre dont la réputation jetait alors tant d'éclat sur notre
ville, renfermait dans son sein des esprits d'élite ca-
pables au besoin de réaliser les grandes choses dont ils
provoquaient l’entreprise.
Cependant, parmi tous les memires de l'Académie,
on ne comptait pas alors un seul physicien de profession.
Ces promoteurs hardis de grandes découvertes étaient
des hommes du monde, simples amateurs des sciences,
458
à la culture desquelles ils ne pouvaient consacrer que
les heures trop peu nombreuses de leurs loisirs. Rap-
prochés par la communauté des goûts autant que par
la distinction des manières et par toutes les qualités ai-
mables de l'esprit et du caractère, ils formaient une de
ces sociétés souverainement élégantes et polies dont
alors l'aristocratie de la naissance faisait noblement et
délicatement les honneurs à l'aristocratie du talent, et
où les savants trouvaient toujours des protecteurs géné-
reux et éclairés, devenus bien souvent leurs émules.
Le fondateur et l'inspirateur de ce petit cénacle de
savants bordelais était le chevalier de Vivens, un des
esprits les plus cultivés de son époque, tout à la fois
agronome de premier ordre, littérateur brillant et sa-
vant plein de zèle, digne enfin, par les excellentes qua-
lités dont il présentait le rare assemblage, de présider
les hommes éminents dont il aimait à s'entourer, et
auxquels il offrit souvent une généreuse hospitalité dans
son château de Clairac.
C'est dans cette riante demeure que se réunissaient,
pour s'entretenir de leurs travaux de prédilection et
pour se communiquer les résultats de leurs méditations
fécondes, l'immortel auteur de l'Esprit des Lois, qui
se délassait de ses hautes spéculations sur la philoso-
phie et sur l'histoire par la culture suivie de la physi-
que et de l'histoire naturelle; le baron de Secondat, son
fils, auteur de plusieurs opuscules scientifiques juste-
ment estimés, et d'une excellente histoire de l'électri-
cité; le docteur Raulin, qui fut depuis médecin par
quartier de Louis XV; les frères de Dutilh, ardents et
459
habiles expérimentateurs; les abbés Guasco et Venuti ,
et enfin M. de Romas, qui habitait dans le voisinage.
Ce dernier était sans contredit la tête scientifique la
plus forte de l'assemblée, et, à côté des trop apparentes
erreurs que l'on peut signaler dans ses œuvres, des ins-
pirations heureuses et des traits d’une sagacité peu com-
mune dénotent de sa part une incontestable aptitude
aux investigations scientifiques. Malheureusement, pour
féconder les remarquables qualités dont il avait reeu le
germe, il lui manqua, ce qui ne se remplace guère,
une éducation première forte et sagement dirigée. Re-
légué dans une province éloignée, il vécut au milieu
d'un cerele d'amis trop indulgents pour ses erreurs; il
n'eut à redouter ni les luttes de la discussion, ni les
mordantes attaques de la critique; on lui épargna les
avertissements rigoureux, mais salulaires, qui relè-
vent l'homme qui bronche, et le replacent dans la voie
droite; aussi sa marche fut-elle toujours très-irrégu-
lière et très-inégale ; et si nous analysions ses nombreux
Mémoires, nous aurions malheureusement plus d'une
chute à constater.
Le défaut d'éducation scientifique sérieuse devait être
moins nuisible à M. de Romas dans ses recherches sur
l'électricité que dans celles auxquelles il se livra sur
les autres branches de la physique. De son vivant,
comme nous avons eu déjà l’occasion de le dire, on dé-
butait à peine dans l'exploration du vaste champ de l'é-
lectricité. Tout était à faire, ou presque tout; et une
imagination ardente, jointe à une activité infatigaPle,
pouvait conduire au succès aussi bien et mieux peut-
30
460
être que la réflexion froide s'appuyant sur des connais-
sances acquises. Aussi le modeste amateur de Nérac
se montra-t-il quelquefois, dans ses travaux sur les phé-
nomènes électriques, mieux inspiré que les savants les
plus exercés et les plus habiles. Nous devons toutefois
nous hàter de dire que c'est comme expérimentateur
seulement, et non pas comme théoricien, qu'il peut
ètre mis en parallèle avec eux. Jugeons-le d’abord comme
théoricien.
Deux systèmes, à celle époque, se partageaient les
préférences des physiciens: celui des affluences et des
effluences, dont l’auteur , l'ingénieux abbé Nollet, expli-
quait tous les phénomènes de l'électricité par l'action
d’effluves simultanées qui s'échappaient des corps pen-
dant l'acte de l’élecirisation ; et celui des électricités en
plus et en moins, imaginé par Franklin. Ce physicien
suppose d'abord qu'il existe un seul fluide très-délié ,
auquel il donne le nom de fluide électrique. Cet agent
est répandu partout; ses molécules se repoussent, et le
verre résiste victorieusement à leur passage. Plongés
originairement dans ce fluide, les corps en prennent
en raison de leur attraction et de leur capacité, jus-
qu'à ce qu'il se soit mis en équilibre avec lui-même
dans tous les corps de la nature. Alors, aucun n'est
électrisé; ils sont tous dans l'état naturel. Mais du
moment que le frottement ou toute autre action quel.
conque détermine la rupture de cet équilibre, les at
tractions des corps pour les fluides électriques perdent
leuf rapport d'égalité : les uns acquièrent une surabon-
dance de fluide électrique, les autres manquent d'une
461
partie de leur fluide naturel, et c'est cet excès ou ce
défaut de fluide qui les constitue dans deux états élec-
triques différents.
Le système de l'abbé Nollet, dont l'idée première est
empruntée aux tourbillons de Descartes, n'avait abso-
lument aucune valeur scientifique. Accepté d'abord
avec une assez grande faveur, faute de mieux, il fut
promplement abandonné pour celui de Franklin, plus
simple et par conséquent plus séduisant, mais n’em-
brassant qu'un petit nombre de faits, et ne se prêtant
pas au calcul mathématique des lois ; aussi, ce dernier
tomba-t-il à son tour devant l'hypothèse des deux élec
tricités, dont celle de l'électricité en plus et en moins
n'est qu'une maladroite reproduction.
Pour le dire en passant, cette hypothèse des deux
électricités sur laquelle la science moderne est aujour-
d'hui victorieusement assise, et à laquelle elle est rede-
vable de la plupart de ses admirables progrès, a pris
naissance en France vers le commencement du dernier
siècle, et elle a été formulée avec la plus grande net-
teté par Dufay, dont les remarquables Mémoires, insérés
tout au long dans le Recueil de l'Académie des scien-
ces, furent comme non avenus pour les savants con-
temporains. Mais Dufay était français, ce qui est la
plus sûre condition pour n'être pas écouté en France ;
on lui contesia ses belles expériences, alors qu'il suffi-
sait d'avoir des yeux pour s'assurer de leur rigoureuse
exactitude, et ses découvertes eurent le sort de bien
d'autres découvertes faites dans notre pays. Il fallut
qu'elles abandonnassent leur sol natal pour aller se faire
462
naturaliser étrangères; et quand elles nous revinrent
défigurées et assez mal comprises avec le passeport de
Franklin, alors on ne trouva plus pour elles des for-
mules d'admiration assez hyperboliques; elles eurent
leurs enthousiastes incorrigibles, leurs défenseurs in-
trépides toujours prêts à rompre des lances contre qui-
conque oserait manifester des velléités d'opposition, et
trop long temps, dans l'opinion presque unanime des
savants européens, le physicien de Philadelphie passa
pour le véritable fondateur de la théorie électrique. Pen-
dant qu'on parlait partout, et à tout propos, de Fran-
klinisme, de Franklinistes et de système Franklinien,
on poussait l’ingratitude jusqu'à oublier le nom même
de Dufay.
Nous devons rendre cette justice à M. de Romas, qu'il
ne sacrifia pas aux dieux étrangers et qu'il resta fidèle
au drapeau national; mais la Physique n'y gagna pas
grand chose; et sil repoussa vigoureusement les idées
de Franklin, ce fut pour adopter celles de l’abbé Nollet :
évitant ainsi Charybde pour aller, tête baissée, se jeter
dans Scylla. Du reste, les questions de pure théorie ne
paraissent pas avoir pris une bien large place dans ses
préoccupations, et il ne les a que très-superticielle-
ment abordées dans deux Mémoires, fort courts, s'ils ne
sont pas très-bons.
Dans l’un de ces Mémoires, pour prouver la réalité
des matières aflluente et ceffluente, il prétend que lors-
que la décharge électrique se produit entre deux corps
conducteurs , deux étincelles bien distinctes prennent
naissance sur ces deux corps, viennent se choquer
163
avec bruit au milieu de l'intervalle qui les sépare, et
reviennent ensuite très-fidèlement chacune à son point
de départ primitif. Il ne fournit absolument aucune
preuve en faveur de cette singulière assertion: il se
contente d'affirmer très-cavalièrement que les choses se
passent comme il dit les avoir vues, et on à peine à
comprendre d'où lui vient l'imperturbable assurance
avec laquelle il se porte caution pour un fait aussi ma-
tériellement faux.
Lors même qu'il aurait exactement observé, nous
n'avons pas besoin de dire que son observation n'aurait
pu fournir aucun argument en faveur de l’insoutenable
système des affluences et des effluences.
Le second Mémoire qu'il composa pour la démons-
tration de ce système est consacré à établir ce point de
fait, nié par les Franklinistes et affirmé contradictoire-
ment par les partisans dé l'abbé Nollet, que le verre est
perméable à la matière électrique. Cette question était
alors assez vivement controversée parmi les savants, à
l'occasion de l'explication récente donnée par Franklin
de la charge et des effets de la bouteille de Leyde, et
dans laquelle ce savant admettait limperméabilité du
verre au fluide électrique.
M. de Romas, qui se moque de cette explication, et
qui s'oublie jusqu'à l'appeler entortillée, imagina, pour
prouver que le verre est perméable, quelques expé-
riences assez ingénieuses et qui lui parurent décisives.
Il s'en fallait de beaucoup cependant qu'il eût le droit
de chanter victoire, car il n’opéra qu'avec du verre ex-
trémement mince; et s'il est vrai que sous de faibles
464
épaisseurs, cette substance livre passage à la matière
électrique, elle perd cette propriété sous des épaisseurs
un peu considérables.
En dehors des deux Mémoires que nous venons d’a-
nalyser fort brièvement, et de quelques pages où il
raconte les effets du traitement électrique essayé par
lui dans deux cas de paralysie, tous les autres travaux
que M. de Romas entreprit sur l'électricité ont eu pour
objet l'étude de l'électricité atmosphérique, et c'est dans
ces derniers que nous devons chercher ses véritables
titres de gloire.
Dès 1750, nous le voyons fortemement préoccupé de
cette pensée, que la foudre est un phénomène électri-
que, et déjà il se livre à d'actives recherches pour con-
firmer par l'expérience ses idées théoriques. Le point
de départ de ces recherches fut l'observation des effets
produits par la chute de la foudre sur le chäteau de
Tampouy, près de Nérac ( juillet 4750 ). Comme on
remarqua, dans cette circonstance, deux lames de feu
qui se croisèrent à plusieurs reprises avec des siffle
ments assez forts, et que des corps solides volumineux
furent soulevés et transportés à des distances considé-
rables, Romas vit dans ces particularités une ressem-
blance avec les phénomènes d'attraction et de répulsion
des corps légers par les corps électrisés, et avec la
double étincelle qui, d'après lui, part entre deux con-
ducteurs au moment de la décharge. Ces analogies
étaient assez mal choisies; mais telles qu’elles étaient,
elles frappèrent son imagination; et à la fin du Mé-
moire où il les consigne, il écrivait les mots suivants,
que nous transcrivons comme échantillon de son style,
et qui annoncent de sa part l'intention bien arrêtée
d'étudier à fond cet intéressant sujet : « Je me réserve,
» si ce Mémoire est bien reçu, de traiter un peu plus
» amplement, dans un autre que je me propose de
» donner sous la forme d'un ouvrage lié, de toutes les
» parties qui me paraitront les plus propres à faire
» connaitre l’analogie de la foudre et de l'électricité . »
Le temps marqua pour la confection de cet ouvrage ;
notre compatriote fut devancé dans ses recherches, et
la gloire de démontrer par des expériences décisives
l'identité de la foudre et de l'électricité, lui fut enlevée
au moment peut-être où il était sur le point de la con-
quérir. Sans se laisser atteindre par le découragement,
il entra avec résolution dans les voies nouvelles où
d’autres plus heureux l'avaient précédé; il prit une
part très-active au mouvement scientifique que provo-
qua cette grande découverte; et sil ne brilla pas au
premier rang, ses remarquables travaux lui assignaient
au second une place encore fort honorable. Cette place
cependant lui fut injustement contestée, et on le dé-
pouilla sans serupule des titres scientifiques qu'il avait
si laborieusement amassés, pour en faire honneur à un
[1 paraît qu’à la suite du cas de foudre de Tampoüy et des réflexions dont il
fut le point de départ, Romas conçut le projet d’un instrument destiné à attire
le tonnerre. Cet instrument, qu’il ne décrit nulle part, mais auquel il fait quel—
ques allusions dans sa lettre à Lutton, consistait, autant qu'on peut en juger sur
de vagues indications, en un conducteur isolé terminé par une boule, ce qui aue
rait fait un fort mauvais paratonnerre.M. de Vivens, qui eut connaissance du nou-
vel instrument, et qui lui donna même le nom de brontomètre, comprit sans
doute les dangers que son emploi aurait inévitablement entrainés, et détourna
Romas de publier son invention,
466
autre. Ce sont ces titres que nous allons nous efforcer
de lui restituer; ils appartiennent d'ailleurs à l’histoire,
jusqu'à présent incomplétement ou inexactement ra-
contée, de la découverte de l’identité de la foudre avec
la matière électrique. En rétablissant cette histoire dans
sa vérité, nous ne sortirons pas de notre sujet : l'expo-
sition pure et: simple des faits est le meilleur éloge
qu'on puisse faire du physicien de Nérac.
Le premier rapprochement entre l'électricité et le
tonnerre est dù au physicien anglais Gray, qui s'ex-
prime de la manière suivante dans une lettre adressée,
en 1735, à Cromwell Mortimer, secrétaire de la So
ciété Royale de Londres, et publiée peu de temps après
dans les Transactions philosophiques. «West probable
» qu'avec le temps on trouvera un moyen de rassem-
» bler une plus grande quantité de feu électrique, et
» par conséquent d'augmenter la force de ce feu, qui,
» par plusieurs expériences, st licet magnis componere
» parva, parait être de même nature que celui du ton-
» nerre et des éclairs. »
A l'époque où Gray s’'exprimait de la sorte, les faits
connus de l'électricité n'étaient encore ni assez nom-—
breux, ni assez bien interprétés, pour qu'on attachàt
quelque importance au rapprochement indiqué par ce
savant; aussi sa lettre ne produisit aucune impression
sur l'esprit des physiciens contemporains , et elle
n’exerca aucune influence sur la direction de leurs
recherches.
Plus tard, en 1748, l'abbé Nollet se montrait un
peu plus explicite ; à cette date, les faits s'étaient mul-
tipliés, et devant le faisceau de convictions qu'ils ap-
467
portaient, ingénieux physicien se laissait aller aux
réflexions suivantes : « Si quelqu'un entreprenait de
»
»
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»
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»
»
»
»
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»
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prouver, par une comparaison suivie des phénomè-
nes, que le tonnerre est entre les mains de la nature
ce que l'électricité est entre les nôtres; que ces mer-
veilles dont nous disposons à notre gré, sont de peti-
tes imitations de ces grands effets qui nous effraient,
et que tout dépend du même mécanisme; si l'on
faisait voir qu'une nuée préparée par l’action des
vents, par la chaleur, par le mélange des exhalai-
sons, etc., est vis-à-vis d'un objet terrestre ce qu'est
le corps électrisé en présence et à une certaine dis-
tance de celui qui ne l’est pas, j'avoue que cette idée,
si elle était bien soutenue, me plairait beaucoup; et
pour la soutenir, combien de raisons spécieuses ne se
présentent pas à un homme qui est au fait de l’élec-
tricité! L'universalité de la matière électrique, la
promptitude de son action, son inflammabilité et son
activité à enflammer d'autres matières, la propriété
qu'elle à de frapper les corps extérieurement et inté-
rieurement jusque dans leurs moindres parties,
l'exemple singulier que nous avons de cet effet dans
la bouteille de Leyde, l'idée qu'on peut légitimement
s'en faire en supposant un plus grand degré de vertu
électrique, ete., tous ces pointsd’analogie que je médite
depuis quelque temps commencent à me faire croire
qu'on pourrait, en prenant l'électricité pour modèle,
se former, touchant le tonnerre et les éclairs, des
idées plus saines et plus vraisemblables que tout ce
qu'on à imaginé jusqu'à présent. »
Tout cela, sans aucun doute, est fort joli; mais il
168
n'y avait encore que des mots mis en circulation, et
les sciences ne vivent pas seulenent de beau langage.
Dans une question de cette importance, il fallait des
faits coneluants, et ce fut pour provoquer leur produc-
tion, qu'en 1749 l'Académie de Bordeaux proposa har-
diment, pour prix des sciences physiques, la démons-
tration des rapports de la foudre avec l'électricité.
Cette initiative audacieuse partant d'un corps sa-
vant dont la réputation était alors à son apogée, et
dont les hommes les plus éminents de l'Europe s'em-
pressaient de briguer les suffrages, a eté dédaigneuse-
ment passée sous silence par les divers historiens de
l'électricité. On peut affirmer cependant qu'elle exerça
l'influence la plus salutaire et La plus décisive, et qu’elle
donna la première impulsion au grand mouvement
scientifique dont nous la voyons immédiatement suivie.
Le simple rapprochement de quelques dates nous
fournira des lumières à cet égard.
C'est en 1749 que l'Académie de Bordeaux propose
son prix sur la nature électrique de la foudre; et ce
qui prouve que Fappel fait par elle aux savants de tou-
tes les nations fut entendu, c'est que jamais il n'y eut
pareille abondance de Mémoires; de sorte qu'en 1750,
les juges du concours se trouvèrent fort embarrassés
lorsqu'il fallut faire un choix parmi les nombreux can-
didats dont les dissertations étaient soumises à leur exa-
men ‘.
Le prix de l'Académie fut solennellement décerné en
‘ Ce fut M. Bergeret, médecin de Dijon, qui remporta le prix; sa dissertation
ne renferme aucun fait nouveau: il se borne à résumer les faits alors connus, et
il les interprète avec assez d’habileté en faveur de l'afirmative.
469
séance publique, au mois d'août 1750; à la date du 29
juillet de la même année, Franklin adressait de Phila-
delphie, à son ami Collinson, membre de la Société
Royale de Londres, deux longues et remarquables let-
tres, dont la première est consacrée à l'énumération et
à l'interprétation des faits alors connus, qui tendaient
à prouver que le tonnerre était un phénomène électri-
que, et dont la seconde était accompagnée d'un Mé-
moire, intitulé : Opinions el conjectures sur les effets
de la matière électrique, qui résultent des expcrien-
ces el des observntions faites à Philadelphie en 1749.
Dans ce Mémoire, l'auteur propose d'utiliser le pouvoir
que possédent les pointes de soutirer l'électricité des
corps conducteurs, pour vérifier d'abord si les nuages
orageux sont électrisés, et pour se préserver ensuite
des atteintes de la foudre.
La coïncidence est au moins remarquable, et vaut la
peine qu'on la signale.
A l'époque où l'illustre physicien de Philadelphie
écrivait les deux remarquables lettres que nous venons
de mentionner, connaissait-il, oui ou non, le pro-
gramme de l'Académie de Bordeaux? C'est là, nous
devons le dire, une question d’une délicatesse extré-
me, qu'il faudrait trancher non pas avec des présomp-
tions, mais avec des documents authentiques, et ces
documents nous font absolument défaut. Franklin, pour
sa part, ne dit pas un mot, ne laisse pas échapper une
allusion qui autorise à croire qu'il ait puisé ailleurs
que dans ses méditations personnelles l'heureuse inspi-
ration qui le conduisit à s’occuper de l'électricité atmos-
#70
phérique, et la réserve impénétrable dans laquelle il se
renferme laisse le champ libre à toutes les suppositions.
Un de ses amis lui ayant demandé, en 1755, d'où cette
inspiration lui était venue, voici la réponse qui lui fut
faite (Philadelphie, mars 1755) : ©A l'égard de la
»
question que vous me faites, d'où m'était venue la
première idée de proposer l'expérience d'attirer la
foudre afin de constater son identité avec le fluide
électrique, je ne puis mieux y répondre qu'en vous
donnant un extrait des minutes que j'ai coutume de
garder des expériences que je fais, et des mementos
de celles que je propose de faire, avec les motifs sur
lesquels je me fonde et les observations qui en résul-
tent; minutes d'où je tirais ensuite de quoi composer
mes lettres. Vous verrez par cet extrait que cette
idée n'était pas un hors-d'œuvre, et qu'il ny avait
pas d'électricien à qui elle ne pût se présenter. 7 no-
vembre 1749. Propriétés communes au fluide élec-
trique et à la foudre : 4° de rendre de la lumière; 2°
couleur de cette lumière; 3° direction en zig-zag ; 4°
rapidité du mouvement; 5° facilité à se laisser con
duire par les métaux; 6° bruit où craquement dans
l'explosion; 7° de subsister dans l'eau ou la glace; 8°
de déchirer les corps au travers desquels il passe; 9°
de tuer des animaux; 10° de fondre les métaux; 14°
d'allumer des substances inflammables; 12° l'odeur
sulfureuse. Le fluide électrique est attiré par les
pointes. Nous ne savons pas si la foudre a cette pro-
priété. Mais puisque ces deux substances conviennent
en tous les points dans lesquels on à pu les comparer
47
» jusqu'à présent, il est probable qu'elles conviennent
» également en celui-ci; il serait à propos d'en faire
» l'expérience. »
Quoique nul ne puisse servir de témoin dans sa pro-
pre cause ; quoique Franklin, sans jamais avoir eu per-
sonnellement recours au mensonge pour accroitre sa
réputation, ait fait la sourde oreille alors que des amis
offlicieux mentaient sciemment à son intention, nous
admettrons que la pensée de comparer la foudre à l'élec-
tricité lui soit réellement venue, pour la première fois,
en novembre 1749. Ce qui n'en reste pas moins irré-
“vocablement acquis, c'est que la note où il consigne
celte pensée, est postérieure de plusieurs mois à la pu-
blication du programme de l'Académie de Bordeaux.
Or, depuis le mois d'août 1749, date de l'apparition de
ce programme, Jusqu'au mois de novembre, il s'écoula
plus de temps qu'il n'en fallait pour que le prix sur la
foudre fut annoncé aux physiciens anglais d'abord, et
bientôt après aux physiciens américains, qui étaient
alors en correspondance très-active avec les savants
de la mère-patrie.
Si l'on objecte que nous accordons trop d'impor-
tance à une Société savante de province, en supposant
qu'on tenait compte d'elle et de ses programmes en
Angleterre, nous répondrons que l'Académie de Bor—
deaux, toute provinciale qu'elle était, jouissait alors
d'une réputation (rès-étendue et très-justement méri-
tée. Les électriciens surtout avaient les yeux fixés sur
elle, et apportaient une scrupuleuse attention à suivre
ses (ravaux; ils puisaient dans les remarquables sujets
k72
de prix dont elle avait le talent de faire choix ‘, linspi-
ration féconde de leurs recherches, et dans l'espoir de
conquérir ses suffrages, le stimulant le plus énergique
‘ L'Académie de Bordeaux a successivement posé toutes les grandes questions
de la physique et de la chimie; mais elle n’a pas toujours trouvé des hommes de
génie pour les résoudre : elle était évidemment en avance sur son siècle. Pour en
fournir la preuve, nous allons transerire ici quelques-uns des sujets de prix pro—
posés par elle de 1726 à 1752. Ces sujets, choisis avec un rare bonheur et
avec un merveilleux presseutiment de l'avenir, embrassent les problèmes les plus
vastes et les plus féconds de la science, ceux dont la solution devait enrichir no-
tre âge des plus brillantes découvertes :
1726. Cause et nature du tonnerre et des éclairs.
1739. L'air de la respiration passe-t-il dans le sang?
1741. Origine des fontaines. — Fertilité des terres.
1742. Sur l'électricité des corps. — Le prix fut remporté par Désaguliers, alors
réfugié en Angleterre; et le Mémoire couronné révéla des faits nou-
veaux qui contribuërent eficacement à l'avancement de l'électricité.
1743. Théorie de l'élévation des vapeurs.
1746. Cause de la rouille des métaux.
Id. Mécanique des sécrétions.
1747. Cause de l'augmentation de poids que certaines matières acquièrent
par la calcination.
1748. Rapport entre la cause des effets de l'aimant et celle des phénomènes
électriques.
1750. Rapport qui se trouve entre les phénomènes du tonnerre et ceux de
l'électricité. |
1752. Nature et formetion de la grêle.
On attribue le choix de ces beaux sujets à Montesquieu, qui ayait une prédi-
lection marquée pour les spéculations scientifiques, et qui parvint à la faire par—
tager à ses collègues de l’Académie de Bordeaux. Avant lui, cette Académie, dont
il fut le directeur en 1717, 4723 et 1734, était exclusivement littéraire ; il en
fit un corps scientifique èn 1710, et ce fut lui encore qui fit instituer ce prix
annuel des Sciences, brigué dès l’origine par les savants les plus éminents de
l’Europe.
L'auteur de l'Esprit des Lois cultivait lui=même les sciences avec distinction ;
il composa plusieurs Mémoires sur des sujets de physique et d'histoire naturelle,
et il avait coutume de dire qu'une bonne expérience vaut mieux qu'un beau
discours.
473
de leurs efforts. Elle était alors, de toutes les com-
pagnies savantes de l'Europe, celle qui se montrait la
plus digne de diriger et d'accroître le mouvement scien-
tifique dont elle fut la première et la seule peut-être à
comprendre l'immense portée, et l'on n'a pas encore
assez fait valoir la décisive influence qu'il lui fut donné
d'exercer sur l'avancement des sciences pendant plus
de la première moitié du dix-huitième siècle.
Ce qu'il y a d'assuré, c’est qu'elle était connue et
dignement appréciée en Angleterre. Ses membres les
plus éminents, M. de Vivens, M. de Secondat, et le
grand Montesquieu lui-même, y avaient séjourné pen-
dant de nombreuses années, avaient été nommés mem-
bres de la Société Royale de Londres, et entretenaient
avec les hommes les plus illustres de cette Société des
relations actives et amicales, pendant que, d’un autre
côté, plusieurs Anglais de distinction faisaient partie de
l'Académie de notre ville. Enfin, ce qui lève tous les
doutes, c'est que le Mémoire auquel l'Académie décerna
le prix de physique en 1742, venait d'Angleterre, et
qu'il avait pour auteur Désaguliers, un des électriciens
les plus renommés. de cette époque. Dans une autre
circonstance, le prix de physiologie fut remporté par le
docteur Stuart, médecin de la reine d'Angleterre ; et
sur la liste des lauréats de 1740 à 1750, nous voyons
figurer les noms de savants suisses, prussiens, saxons
et polonais.
Quand Franklin, qui s'occupait activement depuis
1745 de l'étude des phénomènes électriques, et qui
pendant plusieurs années n'écrivit pas un seul mot se
k74
apportant de près ou de loin à l'électricité atmosphé-
rique, se tourna brusquement de ce côté en 1749, il
est donc probable que ce fut l'éveil donné aux savants
par l'Académie de Bordeaux, qui fut la cause de cette
nouvelle direction imprimée à ses études. Dans tous les
cas, en ne tenant compte que des documents officiels,
les seuls après tout qui fassent foi, le mérite d'avoir
attiré l'attention du monde savant sur le grand pro-
blème de l'identité de la foudre et de l'électricité, et
d'en avoir ainsi préparé la solution, ce mérite, nous
ne saurions trop le répéter, revient tout entier à l'Aca-
démie de Bordeaux. C'est à nous, quand l'histoire des
sciences l'oublie, de nous en souvenir et de le procla-
mer bien haut.
Ce qui appartient à Franklin, et sa part est encore
assez belle, ce sont ses expériences sur la fusion des
métaux par la bouteille de Leyde, expériences qui vin-
rent ajouter une nouvelle et frappante ressemblance de
plus entre les effets du tonnerre et ceux de l'électricité ;
c'est enfin la pensée originale et féconde qu'il eut d'ap-
pliquer le pouvoir des pointes, analysé par lui avec
une sagacité rare, à la démonstration de la présence
du fluide électrique dans les nuages orageux.
Voici, d'après une traduction littérale, le passage de
sa lettre où il fait part de cette pensée à Collinson; et
comme point important à noter au débat, ne perdons
pas de vue que cette lettre n'était pas destinée à lim
pression :
« Pour décider cette question, savoir si les nuages
» qui contiennent la foudre sont électrisés ou non,
S
)
475
j'ai imaginé de proposer une expérience à tenter en
un lieu convenable à cet effet. Sur le sommet d'une
haute tour où d'un clocher, placez une espèce de
guérite assez grande pour contenir un homme et un
tabouret électrique; du milieu du tabouret, élevez une
verge de fer, qui passe en se courbant, hors de la
porte, et de là se relève perpendiculairment à la hau-
teur de vingt ou trente pieds et se termine par une
pointe fort aigue. Si le tabouret électrique est pro-
pre et sec, un homme qui y sera placé lorsque des
nuages orageux passeront au-dessus, pourra être
électrisé et donner des étincelles, la verge de fer lui
attirant le feu du nuage. S'il y avait quelque danger
à craindre pour l'homme {quoique je sois persuadé
qu'il n'y en ait aucun) ‘, qu'il se place sur le plan-
cher de sa guérite, et que de temps en temps il ap-
proche de la verge le tenon d'un fil d'archal qui a
une extrémité attachée aux plombs de la couverture,
le tenant par un manche de cire; de cette sorte, les
étincelles, si la verge est électrisée, frapperont de la
verge au fil d'archal, et ne toucheront point l'hom-
me. »
Après avoir parlé de la sorte, que va faire Franklin?
Si ses convictions sont fortement arrêtées sur l'effica-
cité du moyen qu'il propose, il devra se hâter de l'é-
prouver par l'expérience. Il a si peu de chose à tenter
et la matière présente tant d'importance , que des
! Cette parenthèse a tort; c’est pour ne s'être pas assez méfé d'elle que Rich=
mann fut foudroyé en 1753,
31
476
retards ne se comprendraient guère de la part d'un
savant convaincu et sûr de son fait. Rien ne prouve
cependant qu'il ait eu, même un seul instant, l'inten-
tion de se mettre à l'œuvre, ni qu'empêché d'agir per-
sonnellement, il ait pressé quelque autre savant d'ex-
périmenter à sa place. Ainsi, c'est en 1749, sil faut
l'en croire, que l'expérience des barres pointues lui
vient à la pensée; il laisse écouler 1750 sans rien en-
treprendre pour la réaliser. En 1751, les lettres où il
en propose l'exécution sont imprimées en Angleterre
par Collinson; en 1752, la traduction française de ces
lettres est publiée par d’Alibard. Ces deux savants, à l'oc-
casion de cette double publication, sont en relations fré-
quentes avec l’illustre physicien de Philadelphie, qui
entretient en outre, à la même époque, une correspon-
dance scientifique très-suivie avec Kinnersley, son com-
patriote, et cependant il ne dit pas un seul mot, il ne
tente aucune démarche pour engager ces habiles expé-
rimentateurs à vérifier ses hardies prévisions, qu'il ou-
blie comme s'il les trouvait trop peu fondées pour que
l'expérience vienne jamais les confirmer.
Ses panégyristes ont bien répété qu'il attendait, pour
se mettre à l'œuvre, l'achévement d'un clocher qu'on
était alors en train de construire à Philadelphie, et que
ce fut la faute de ce malencontreux clocher si les cho-
ses n'allèrent pas plus vite; mais cette explication,
puisée on ne sait trop à quelle source, n'a jamais été
donnée par Franklin lui-même, qui n'aurait pu l'in-
voquer pour la défense de sa cause sans formellement
se contredire; car il reconnait dans ses lettres, de la
#77
facon la plus explicite, qu'une maison, un arbre, un
mat de vaisseau peuvent parfaitement servir à défaut
d'un clocher.
«Je demande, dit-il, si la connaissance du pouvoir
» des pointes ne pourrait pas être de quelque avantage
» aux hommes pour préserver les maisons, les églises,
» les vaisseaux, etc., des coups de la foudre, en nous
» engageant à fixer perpendiculairement sur les parties
» élevées de ces édifices des verges de fer en forme
» d'aiguilles. Ces verges ne tireraient-elles pas proba-
» blement en silence le feu du nuage avant qu'il vint
» assez près pour frapper. »
Toutes ces idées étaient excellentes sans doute, mais
il ne suflisait pas de les développer plus ou moins in-
génieusemeut et d'en faire la matière d'amplifications
littéraires ; il fallait se hâter de les appliquer, et per-
sonnne n'y songea, ni en Amérique ni en Angleterre.
On dirait que les graves physiciens de ces deux pays,
où la prudence est un des traits dominants du carac-
tère national, voulaient prendre le temps de réfléchir
avant de se mesurer avec un météore aussi redoutable
que la foudre, et qu'ils se réservaient, avec sagesse,
pour le premier jour où se présenterait une bonne oc-
casion. Ce fut en France, sur cette terre native de
l'intelligence et de l'audace, que les idées de Franklin
furent pleinement comprises, et le danger des expé-
riences qu'il proposait, au lieu d'être un obstacle, se
changea en un attrait de plus pour ceux qui tentèrent
de les réaliser.
Par une singularité qui n’a pas été remarquée, ce
k78
fut le roi Louis XV qui devint le promoteur de ces mé-
morables expériences, et c’est à peu près le seul grand
événement accompli sous son règne auquel on puisse
rattacher honorablement son nom.
Pour le distraire de l'ennui chronique sous lequel il
s'affaissait, les courtisans chargésdu soin difficile d'amu-
ser sa royale personne, imaginèrent, entre autres expé-
dients, d’avoir recours à l'électricité. Le moyen réussit:
Louis XV suivit avec intérêt les expériences électriques
qui furent répétées en sa présence, et lon sait que ce
fut sous ses yeux que l'abbé Nollet, en 1746, fit passer
la commotion de la bouteille de Leyde à travers une
chaine formée par deux cents hommes des gardes fran-
çaises. Depuis lors, il parait que le roi ne resta pas
étranger au mouvement de la science, et qu'il se tint
assez régulièrement au courant des principales décou-
vertes. Voici, en effet, ce que nous lisons dans une let-
tre en date du 20 mai 1752, adressée par l'abbé Ma-
zéas au célèbre docteur Hales :
« Monsieur, les expériences de Philadelphie , que
» M. Collinson, de la part de la Société Royale de Lon-
» dres, a eu la bonté de communiquer au public, ayant
» été universellement admirées en France, le Roi dé-
» sira de les voir exécuter. Sur quoi M. le duc d'Ayen
» ayant offert à Sa Majesté sa maison de campagne de
» Saint-Germain pour les y faire exécuter par M. de
» Lor, maitre de physique expérimentale, Sa Majesté
» les vit avec beaucoup de satisfaction et fit un grand
» éloge de MM. Franklin et Collinson. Ces applaudis-
» sements du Roi ayant inspiré à MM. de Buffon, d’A-
479
» libard et de Lor l'envie de vérifier les conjectures de
» M. Franklin, sur l’analogie du tonnerre et de l'élec-
» tricité, il se préparèrent à en faire l'expérience. M.
» d'Alibard choisit, etc. (suivent les détails de Pexpé-
S
CA
» rience de Marly ). »
Louis XV, qui ne se piquait pas de prévoir de loin,
ne se doutait guère que cet amateur de physique dont
il applaudissait les travaux et auquel il prodiguait avec
tant de générosité ses éloges, entrainerait bientôt toute
la France dans une irrésistible croisade en faveur de la
liberté des colonies anglaises de l'Amérique, et serait
un des fondateurs de cette république des États-Unis,
dont l'établissement ne contribua pas médiocrement à
la ruine de la monarchie francaise.
Par une coïncidence dont on nous permettra de
signaler l'étrangeté, le nom du plus actif démolisseur
de cette grande monarchie appartient encore à l’his-
toire de l'électricité; car ce fut un plaidoyer pour les
paratonnerres, prononcé dans une cause qui fit grand
bruit vers la fin du siècle dernier, qui revéla pour la
première fois à la France le nom de M. de Robespierre.
Voilà pourtant par quelle série d'enchainements les
plus petites causes engendrent quelquefois les plus
grands effets. Si Louis XV n'avait pas montré tant
d'enthousiasme à Saint-Germain, les savants qui l'en-
touraient n'auraient pas été tentés peut-être de de-
mander à l'expérience la vérification des idées de Fran-
klin, l'invention du paratonnerre se trouvait par le fait
indéfiniment ajournée, Robespierre perdait la belle
occasion que cette invention lui offrit de sortir de l'obs-
480
curité du barreau de sa ville natale, il n'était pas
nommé député à l'Assemblée Nationale, ne faisait pas
partie de la Convention; et lui de moins, qui sait ce
qui serait arrivé?
Buffon et d'Alibard ‘, qui ne s'imaginaient pas que
leur zèle monarchique aurait de pareilles conséquences,
se mirent immédiatement à l'œuvre, et ils érigèrent, le
premier à Monthard, le second à Marly-la-Ville, des
tiges métalliques isolées et terminées en pointe, d'après
les prescriptions de Franklin. Ce fut du côté de Marly
que le hasard dirigea la première nuée orageuse, et le
10 mai 1752 s'accomplit le grand événement qui doit
former une époque à jamais mémorable dans les fastes
de la physique, et qui apprit à l'univers savant que le
fluide électrique est le principe de ce terrible météore
que les nuages enfantent au sein des tempêtes.
Neuf jours plus tard, le 19 mai 1752, Buffon cons-
tatait l'électrisation des barres qui s'élevaient au-dessus
des tours de Monthard; et de Lor, de son côté, faisait Ja
même observation à Saint-Germain-en-Laye, avec une
tige de fer de cent pieds de hauteur. A la suite de ces
hardis expérimentateurs, les savants français s'élan-
cèrent avec une généreuse émulation dans le nouveau
! L'abbé Bertholon affirme très — explicitement que re fut Buñon qui conçut le
premier le projet de vérifier les idées de Franckin sur l'électricité des nuages
orageux, et qu'il fit élever dans cette intention, sur la tour de Montbard, une
barre de fer isolée, à laquelle il joignit un conducteur, pour tirer plus commo—
dément des étincelles, et des timbres, qui devaient l'avertir par leur bruit de la
présence du fluide électrique. D’Alihard n'aurait êté déterminé à construire un
appareil semblable que sous l'inspiration et par l'exemple de son maitre, Bufon.
481
champ de recherches fécondes qui s'ouvrait devant eux.
Après avoir rendu compte de l'expérience de Marly,
dans un Mémoire dont la lecture à l'Académie des scien-
ces provoqua le plus vif enthousiasme , d'Alibard s'em-
pressa de faire connaitre les détails de cette expérience
à Franklin, avec lequel il était déjà en correspondance.
« Je lui fis part, dit-il, dans le temps, du succès de
» mon expérience sur le tonnerre, et lui envoyai le Mé-
» moire que j'en avais donné à l'Académie des sciences
» le 43 mai 1752; il en fut charmé, et m'envoya avec
» sa réponse son premier supplément, dont je vérifiai
» également les expériences. Le second ne m'a été rendu
» que longtemps après, en 1753. »
Cette réponse ne se trouve nulle part dans la corres-
pondance imprimée de Franklin, et on doit le regret-
ter, car en présence de ce document, il n'aurait pas
été possible à certains écrivains de dénaturer, comme
ils l'ont fait, l'histoire de la découverte de l'électricité
atmosphérique. On a dit très-souvent, en effet, et cela
se répète encore aujourd'hui dans les livres spéciaux
les plus dignes de foi, que pendant que d’Alibard expé-
rimentait en France, Franklin, à Philadelphie , lassé
d'attendre son éternel clocher, et ignorant d'ailleurs
complétement ce qui se passait en Europe, avait spon-
tanément imaginé de diriger vers les nuages orageux
un cerf-volant à corde isolée, muni d'une pointe mé-
tallique. On fixe en outre au 22 juin 1752 la date du
premier emploi du cerf-volant. On ajoute que la même
expérience fut répétée en France, en 1753, par M. de
Romas, qu'on représente généralement comme un imi-
482
tateur assez habile du physicien de Philadelphie, et
auquel on n’accorde d'autre mérite que celui d’avoir su
perfectionner quelques détails de l'expérience qu'il re-
produisait.
Voilà ce qu'affirment des historiens sérieux, tels que
Priestley, par exemple, en Angleterre, et M. Becquerel
en France. D'autres vont plus loin encore, et pour
augmenter l'éclat de l'auréole de Franklin, ils vont jus-
qu'à supprimer d'Alibard lui-même. Nous lisons, en
effet, ce qui suit dans le récit de la vie de Franklin
composé, pour la Biographie universelle, par un des
physiciens les plus en renom de notre époque : « Il
» reconnut aussi le pouvoir que possèdent les pointes
» de déterminer lentement et à distance l'écoulement
» de l'électricité; et tout de suite, comme son génie le
» porlal aux applications, il conçut le projet de
» faire descendre ainsi sur la terre l'électricité des nua-
» ges, si toutefois les éclairs et la foudre étaient des
» effets de l'électricité. Un simple jeu d'enfant lui ser-
» vit à résoudre ce hardi problème. Il éleva un cerf-
» volant par un temps d'orage, suspendit une clé au
» bas de la corde, et essaya d'en tirer des étincelles.
» D'abord, ses tentatives furent inutiles; enfin, une pe-
» tite pluie étant survenue, mouilla la corde, lui donna
» ainsi un faible degré de conductibilité, et, à la grande
» joie de Franklin, le phénomène eut lieu comme il
» l'avait espéré. Si la corde avait été plus humide, ou
» le nuage plus intense, il aurait été tué, et sa décou-
» verte périssait probablement evec lui. »
Ce récit, aussi touchant que pittoresque, est fort
Ÿ
183
habilement arrangé pour faire naître l'intérèt , et doit
plaire aux âmes sensibles ; il ne lui manquerait abso-
lument rien pour devenir un petit chef-d'œuvre de
narration, Sil n'était faux par malheur d'un bout à
l'autre. Ce qui est véritablement et non pas dramati-
quement vrai, c’est que Franklin n’a pas reconnu le
premier le pouvoir des pointes, constaté par d'autres
expérimentateurs avant lui ‘; son unique mérite fut de
mettre ce pouvoir en évidence, par des expériences plus
variées et plus précises, et surtout d'indiquer le parti
qu'on pouvait en tirer pour étudier la constitution des
nuages orageux. Il ne fit pas un pas de plus; loin de
demander {out de suite à l'expérience la confirmation
de ses prévisions théoriques, et bien que d'après un
témoignage honorable son génie le portàt aux applica-
tions, il resta indifférent et inactif pendant près de
trois années, attendant tranquillement que d’autres
expérimentassent à sa place, et ne prenant pas même
la peine de les encourager. Ce fut seulement après avoir
appris leur succès, que lui-même se mit tardivement à
l'œuvre, et qu'il entreprit l'expérience du cerf-volant,
laquelle, par parenthèse, il conduisit fort gauchement,
sans avoir été toutefois exposé un seul instant à périr,
ni sa découverte avec lui.
Malgré toutes les assertions contraires , il est incon-
testable que la pensée de substituer le cerf-volant aux
pointes s'offrit à Franklin seulement après qu'il eut ap-
pris par les journaux d'Europe et par la lettre de d’Ali-
! Notamment par Jalabert, de Genève,
484
bard les détails de l'expérience si concluante de Marly-
la-Ville. Priestley lui-même en convient dans son his-
toire de l'électricité, publiée à Londres en 1767. Or,
Priestley était l'homme du physicien de Philadelphie ; il
marchait au premier rang de ses admirateurs les plus
fanatiques, et il n'est pas permis de supposer que Fran-
klin, alors en mission à Londres, ne lut pas le chapi-
tre qui le concernait, dans une histoire écrite sous ses
yeux et dont il patronait l'auteur.
Voici le texte de Priestley : « M. Franklin est le pre-
» mier ( nous savons maintenant à quoi nous en tenir
» sur celte priorité), qui ait soupconné l'identité des
» éclairs et du fluide électrique; il a indiqué d'avance
» le moyen de constater cette identité, en proposant
» d'isoler à l'air libre, en temp d'orage, une aiguille
» électrisable par communication; le premier spectacle
» électrique que .cet instrument ait offert, a paru en
» France sous les yeux de MM. de Lor et d'Alibard.
» M. Franklin, animé par le succès de ces deux Mes-
» sieurs, éprouva lui-même le succès de son aiguille à
» Philadelphie, où il était alors. Ce physicien ayant eu
» aussi un heureux succès, pensa bientôt qu'au moyen
» d'un cerf-volant il pourrait se procurer un accès plus
» sûr et plus facile dans la région où s’engendre la fou-
» dre : l'idée de ce moyen se trouva juste, par l'épreuve
» qu'il en fit au mois de juin de la mème année 1752,
» dans là campagne de Philadelphie, où il jugea à
» propos d'opérer sans autre témoin que son fils, pour
» éviter la risée des sots. »
Quoique l'ensemble de ee récit soit vrai, il y à ce-
485
pendant quelque chose d'inexact, c’est la date assignée
par Priestley à l'expérience du cerf-volant. Cette expé-
rience n'ayant été faite à Philadelphie qu'après l'an
nonce, par la lettre de d'Alibard, de l'expérience de
Marly-la-Ville, il est matériellement impossible que
Franklin se soit mis à l'œuvre pendant le mois de juin,
car la nouvelle de la réussite de Marly mit plus d'un
mois à passer de France en Angleterre, et de l'Angle-
terre dans l'Amérique du Nord. Il est infiniment pro-
bable que l'essai du cerf-volant eut lieu seulement à la
fin d'août, ou même pendant le courant de septembre,
car Franklin fixe lui-même au mois de septembre 1752
la date de l'épreuve de la verge de fer élevée au-dessus
de sa maison ; et d'après le témoignage de Priestley, ce
nest qu'après le succès de cette épreuve qu'il imagina
de recourir au cerf-volant.
Ce qui ajoute un degré de probabilité de plus à l’opi-
nion que nous venons d'émettre, c'est que la lettre dans
laquelle Franklin annonce à Collinson les résultats de
l'expérience du cerf-volant, est écrite de Philadelphie à
la date un peu reculée du 49 octobre 1752, et il y est
constamment parlé de cette expérience comme si elle
était toute récente.
Cette lettre de Franklin fut lue aux membres de la
Société Royale de Londres dans les premiers jours de
janvier 1753; le 15 du même mois, Watson la traduisit
et la fit parvenir à l'abbé Nollet, qui sempressa d'en
donner immédiatement communication à l'Académie
des Sciences.
Cinq mois après, le 13 mai 1753, M. de Romas,
486
auquel il est temps que nous revenions, accomplissait
de son côté, à Nérac, l'expérience du cerf-volant, et
comme il suivait Franklin d'assez loin, on put s’ima-
giner qu'il n'avait été que le très-humble copiste du
physicien de Philadelphie. Priestley, qui a toujours le
ton très-tranchant, l’affirme sans hésiter. « MM. de Lor
» et d'Alibard, dit-il, firent également l'expérience du
» cerf-volant en Angleterre, l'année suivante (ce qui est
» complétement faux }, et M. de Romas voulant s'assu-
» rer par lui-même de ce qu'il entendait raconter à ce
sujet, la répéta en France avec beaucoup plus d'ap-
pareil. » j
CA
Ÿ
S
Ÿ
Cette assertion si précise, placée dans un livre qui
obtint un éclatant succès de vogue et qui devint bien-
tôt très-populaire, désespéra notre ingénieux compa-
triote, qui se redressa de toutes ses forces contre un
pareil déni de justice; mais la première impression, la
seule qui dure en France, était produite; il eut beau
réclamer, il ne parvint pas à faire rapporter par l'opi-
nion publique le jugement inique qui le frappait dans
sa réputation.
Il est faux cependant que Romas ait emprunté à au-
trui la pensée première de l'application du cerf-volant
à l'étude de l'électricité des nuages; les documents les
plus authentiques, fournis par lui sur cette question et
vérifiés par l'Académie des Sciences, établissent pé-
remptoirement l'originalité de ses recherches ; c'est
d'après ces documents que nous allons essayer de réta-
blir les faits dans leur vérité.
L'expérience de Marly-la-Ville fut faite, comme nous
487
avons eu déjà l'occasion de le dire, le 42 mai 1752;
Romas en reçut la nouvelle par la Gazette de France,
vers la fin du même mois; et sans perdre de temps, il
se mit à l'œuvre pour la répéter; non pas, il prend le
soin de le déclarer, « qu'il doutât du succès, mais
» pour étudier les nouveaux phénomènes qu'elle
» offrait, et en tirer, s'il lui élait possible, quelque
» utilité pour la société civile ou pour les progrès de
» la physique. » Les détails des recherches qu'il entre-
prit alors sur les barres isolées, sont consignés dans six
lettres adressées à l'Académie des Sciences de Bordeaux,
du 12 juillet 1752 au 414 juin 1753. Pendant la période
comprise entre ces deux dates, M. de Romas fit preuve
d'une activité vraiment infatigable, servie par une rare
habileté d'expérimentation. S'attachant sans relàche à
varier ses essais, il eut bientôt imaginé des dispositions
nouvelles pour perfectionner l'isolement des barres com-
me pour les rendre plus capables de résister à l'effort des
vents, et 1l ne laissa pas passer un seul jour sans le
marquer par d'utiles travaux. Afin d'être averti de
l'électrisation de ses appareils, sans être assujetti à la
gène d'une observation continuelle, il termina les con-
ducieurs par des carillons électriques, dont les tinte-
ments répétés l'avertissaient en temps opportun et ren-
daient toute omission impossible. Grèce à cet ingénieux
perfectionnement, appliqué par lui dèsle 43 juillet 1752,
et dont Nollet et Bertholon eurent le tort d'attribuer
l'invention à Buffon, il put noter quelques faits très-
importants d'électricité atmosphérique, tels que l’élec-
trisation des barres en temps serein, leur électrisation
188
par la pluie sans qu'il y eùt d'orage, l'apparition des
étincelles longtemps avant l'audition du bruit du ton-
nerre, et enfin l'existence d'atmosphères électriques
très-étendues autour des nuages orageux.
Cette dernière observation, la plus importante sans
contredit de toutes celles qui viennent d'être citées, fut
faite un jour que des nuages orageux passaient, à l’est
de son observatoire, à une distance de plus d’une lieue ;
Romas constata que les barres s'électrisaient lorsque le
vent soufllait de l'est, et que les signes électriques ces-
saient brusquement lorsque les raffales venaient de
l'ouest. Les atmosphères électriques qui environnent
les nuages orageux peuvent done avoir des dimensions
considérables, et nous voyons en outre qu'elles obéis-
sent à l'impulsion des vents, fait curieux rarement ob-
servé depuis lors, et dont les conséquences météorolo-
giques n'ont pas été Jusqu'à présent suffisamment
approfondies. L'existence des atmosphères électriques
vient à l'appui de l'ingénieux système proposé par l'abbé
Laborde pour l'explication des pluies d'orage.
Dans la belle série des expériences que nous venons
d'énumérer, Romas s'imposa d'abord l'obligation rigou-
reuse de suivre à la lettre les prescriptions de Franklin;
mais venant à douter bientôt qu'il fût nécessaire que
les barres isolées s'élevassent verticalement, il les dis-
posa de manière à pouvoir les incliner à son gré, et il
reconnut que plus elles s’approchaient de l'horizontale,
moins fortement elles s’électrisaient. Cela le conduisit
à conclure que l'intensité des phénomènes électriques
observés croitrait en raison de l'élévation des barres au-
489
dessus du sol; et pour s'assurer de la justesse de cette
conclusion, il dressa au-dessus du faite de sa maison,
el en les séparant par une distance de quinze pieds,
deux barres dont une était de dix pieds plus haute que
l'autre. Il constata que, dans les mêmes conditions,
c'était la première qui donnait toujours les plus fortes
éuncelles; et à partir de ce moment, il n'eut plus qu'une
pensée, « celle de porter des conducteurs le plus haut
» possible dans la région des nuages, afin d'augmenter
» le feu du ciel. » Entre autres moyens, il imagina
d'abord de se servir d’un très-long mât; mais arrêté
par les difficultés de la mise en place, il chercha quel-
que combinaison plus simple encore, et ce fut alors
que l'idée de tirer parti du cerf-volant s'offrit à son es-
prit inventif.
Il s'empressa de prendre date sur le champ, dans
une lettre qu'il écrivit à l'Académie de Bordeaux le 13
juillet 4752, et où, tout en informant ce corps savant
du succès des expériences faites avec l'appareil de
Franklin, il annonçait qu'il se proposait de les répéter
avec un procédé d'une complication moins grande,
emprunté à un simple jeu d'enfant. Ces paroles trop
vagues étaient insuffisantes, il faut bien l'avouer, pour
signifier que Romas, en les employant, pensait au cert-
volant électrique; mais en même temps qu'il révélait à
moilié son secret à l'Académie, afin de ne pas le faire
tomber trop tôt dans le domaine publie, le 9 juillet il
faisait une confidence sans périphrases et sans restric-
üons à un gentilhomme de Nérac, M. de Dutilh, qui
l'aidait avec le plus grand zèle dans ses recherches; et
490
le 49 août, comme il expérimentait au château de
Clairac devant MM. de Vivens et de Secondat, il renou-—
vela cette confidence au chevalier de Vivens et au curé
de Clairac, en l'accompagnant des détails les plus cir-
conslanciés.
En 1764, lorsque l'Académie des Sciences fut ap-
pelée à prononcer entre Romas et Franklin , les person-
nages honorables que nous venons de citer n'eurent
pas de peine à retrouver leurssouvenirs, et les témoigna-
ges irrécusables qu'ils s'empressèrent de fournir, éta-
blirent sans contestation possible l'originalité desrecher-
ches de notre compatriote. Ce fut en s'appuyant sur
leurs déclarations, que Nollet et Duhamel, les commis-
saires nommés par l'Académie, arrivèrent à formuler
comme il suit les conclusions de leur rapport : « Ayant
» égard à toutes ces preuves, nous croyons que M. de
» Romas n’a emprunté à personne l'idée d'appliquer le
» cerf-volant aux expériences électriques, et qu'on doit
» le regarder comme le premier auteur de cette inven-
» tion, jusqu'à ce que M. Franklin ou quelque autre
Y
TZ
fasse connaitre par des preuves suffisantes qu'il y a
pensé avant lui. (4 février 1764.) » *.
Avec sa prudence ordinaire, Franklin se garda bien
de réclamer; il resta bouche close, comme s'il recon-
naissait pour sa part l'équité du jugement de l'Acadé-
mie; mais cette résignation sournoise ne l'empêcha pas,
trois ans après, en 1767, de laisser son ami Priestley
parler de Romas dans les termes cavaliers que nous
SM
Ÿ
1 Nous trouvons le Rapport tout entier à la suite de ce Mémoire ( Note 4 ).
491
avons transcrits plus haut. On peut alléguer, il est vrai,
pour sa justification, qu'il ignorait la déclaration des
commissaires de l'Académie, ce qui est très-possible
sans être aucunement probable. Mais ce qui est hors
de doute, dans tous les cas, c’est qu'il connaissait dans
toute leur étendue les prétentions de son compétiteur ;
car ce dernier, à la date du 49 octobre 1753, lui avait
adressé deux Mémoires où ces prétentions sont très-
nettement exprimées, et où l'expérience du cerf-volant,
racontée dans tous ses détails, est présentée comme
une expérience originale.
A de semblables avances, Franklin se contenta de
répondre, le 29 juillet 1754, par la très-laconique
lettre qui suit :
« Monsieur, la très-obligeante lettre dont vous
» m'avez favorisé le 19 octobre, et vos deux excellents
» Mémoires sur le sujet de l'électricité, ne m'ont été
» rendus qu'hier par un vaisseau qui est sur le point
» de partir pour Londres. Je ne puis que vous en ac-
» cuser la réception, et vous assurer que la corres-
» pondance que vous m'offrez d'une manière si polie
» me sera extrèmement agréable. Je suis obligé de dif-
» férer une plus particulière réponse à la plus prochaine
» commodité. Je vous envoie en même temps un de
» mes nouveaux Mémoires sur la foudre, qui ne sera
» peut-être pas imprimé avant de parvenir jusqu'à
» Vous.
« Je suis respectueusement, Monsieur,
« Votre très-humble et très reconnaissant serviteur.
€ B. FRANKLIN. »
492
La réponse promise n'arriva jamais, et Romas dut
prendre pour du comptant, en attendant mieux, ces
protestations de politesse banale sous lesquelles d'habi-
tude on étouffe la franchise. On dirait que Franklin,
auquel l'opinion publique, trop prévenue, attribuait si
libéralement le double mérite d'avoir conçu et réalisé
l'expérience qui démontre la présence de l'électricité
dans les nuages orageux, ne persis{a dans son silence
obstiné que pour entretenir une méprise, fort profita-
ble sans doute à sa réputation, mais très-nuisible à la
réputation de ses émules scientifiques. I semble envier
à ces derniers, expérimentateurs plus actifs et plus ha-
biles, l'honneur de lavoir devancé ou surpassé dans
leurs hardies expériences; il lui en coûte d'avouer
qu'il a eu des collaborateurs dans cette grande décou-
verte qui à immortalisé son nom; aussi, pour éviter cet
aveu, pénible à son amour-propre, fait-il de la diplo-
matie, et s'il ne ment pas pour le triomphe égoïste de
sa cause, du moins il ne défend pas à ses amis de men-
ür quand il y trouve son profit.
Ce ne fut pas seulement envers Romas qu'il se com-
porta de la sorte; il ne traita pas avec plus de gé-
nérosité d’Alibard, dont il n’a pas prononcé une seule
fois le nom dans sa volumineuse correspondance scien-
tifique, et dont il tenta peut-être de se faire attribuer
les beaux travaux.
Ainsi, pendant que l'Europe tout entière donne à
l'expérience si audacieusement abordée par le physicien
français le nom d'expérience de Marly-la-Ville, Fran-
klin seul l'appelle l'expérience de Philadelphie (lettre du
48 octobre 4752), et quand il résume, dans une lettre
493
adressée à Collinson (septembre 1753), l'ordre histo -
rique de ses recherches sur l'électricité atmosphérique,
après la description de quelques expériences infruc-
tueuses sur l'électrisation de l'air par le frottement, il
ajoute, sans faire la plus légère allusion à d'Alibard,
dont il semble même ignorer le nom : « En septembre
» 1752, j'élevai une verge de fer pour tirer l'éclair dans
» ma maison, afin de faire quelques expériences dessus,
» ayant disposé deux timbres pour m'avertir quand la
» verge serait électrisée. Cette pratique est familière à
» tout électricien. »
Nous n’accusons pas Franklin d'avoir mis une pré-
méditation calculée dans son silence; toujours est-il
que ce silence, avec lequel s'accordent si bien les as—
sertions de Priestley, donna le change à l'opinion pu-
blique, lui fit méconnaitre les titres des émules du
savant américain, et fut cause qu'elle attribua sans
examen à ce dernier la part du lion, qu'il trouva trop
belle sans doute pour la refuser. ( Note B. }
Pour ajouter encore à l'éclat de sa renommée, la
poésie s'empara de ses travaux, et l’on se fatiguerait à
citer les vers plus ou moins heureux inspirés par sa
fameuse expérience du cerf-volant électrique, beaucoup
moins poétique dans la réalité que dans les descriptions
emphatiques dont elle a fourni le thème. Quoiqu'il nous
en coûte de détruire les illusions entretenues par les
descriptions des poëtes, nous devons dire, pour être
vrai, que cette expérience tant vantée fut conduite
d'une facon fort prosaique, et il est facile d'y signaler
des lacunes qui auraient rendu le succès impossible
sans l'intervention du hasard qui arrangea tout. L'es-
494
prit de pénétration et d'analyse dont Franklin donne
ailleurs tant de preuves, semble ici lui faire défaut :
ses préparatifs sont incomplets et mesquins, ils les dé-
robe soigneusement à ceux qui l'entourent; seul dans les
champs avec son jeune fils, il se cache comme s’il allait
commettre une mauvaise action, et quand on lui de-
mande le motif de ces précautions extraordinaires, il
répond qu'il a voulu éviter la risée des sots, qui for-
maient sans doute à Philadelphie une bien formidable
majorité, Il construit avec deux bâtons en croix, sur
lesquels il étale son mouchoir de poche, un cerf-volant
qu'on peut trouver fort économique, mais qui devait:
être lourd et difficile à enlever; il ne se préoccupe pas
du défaut de conductibilité de la corde, ne prévoit au-
cun des dangers auxquels peut l'exposer la tension élec-
trique trop forte des nuages, et combine tout, enfin,
comme s'il voulait se ménager un échec, qui lui serait
infailliblement arrivé, si la pluie, qu'il n'avait pas mis
- de la partie et sur laquelle il n'était pas logique de
compter, n'était pas venue tout exprès pour le faire
réussir malgré lui.
Demandons-nous maintenant comment, appelé à ré-
soudre le même problème, M.de Romas parvint à sur-
monter les mêmes difficultés.
La comparaison ici est tout à l'avantage de notre com-
patriote, et c'est lui qui se montre le physicien habile
et consommé ; il prépare son expérience avec sagesse,
la conduit avec vigueur, sait en calculer toutes chan-
ces bonnes et mauvaises, et sa confiance dans les me-
sures profondément raisonnées qu'il prend est sigrande,
qu'au lieu de se cacher comme un physicien honteux,
495
il invite de nombreux assistants à venir admirer les
éclatantes merveilles qu'il leur annonce.
Le premier cerf-volant qu'il lança n'avait pas moins
de dix-huit pieds carrés de surface: il était simplement
attaché à une corde de chanvre comme celui de Fran-
klin; mais cet appareil gigantesque ayant été enlevé
une première fois, le 1% mai 1753, on ne put tirer de
la corde aucune étincelle, quoiqu'il tombât alors une
pluie légère, et que les barres isolées donnassent ce
jour-là des signes manifestes d'électricité. Ce premier
insuccès, fait pour décourager une volonté moins ar-
dente et moins forte que celle de Romas, ne l'arrête
pas un seul instant; il l'explique avec sagacité par la
remarque « qu'une corde de chanvre qui n'est pas
» mouillée ne conduit jamais bien le feu électrique que
» lorsque l'électricité est très-forte ; » et il cherche aus-
sitôt un moyen de remédier à ce défaut de conducti-
bilité.
« Si j'eusse été moins ardent, dit-il, à faire ces expé-
riences, j'aurais bien pu laisser les choses dans l'état
ŸY
S
A4
de simplicité où elles étaient, et renvoyer mes ob-
CA
-servations à un autre temps où j'aurais un orage
violent suivi de pluie. Mais mon impatience me faisait
entrevoir que des affaires de famille ou de mon état
m'ôteraient peut-être les plus belles occasions ; que
d'ailleurs il était intéressant de faire aussi des expé-
riences pendant un orage qui ne nous donnerait ni
» grêle ni pluie; je me déterminai done à huiler le
papier du cerf-volant et à garnir la corde, d'un bout à
» l'autre, d'un fil-trait de cuivre, de la même manière
Y
S
TZ
ŸY
A
Y
S
T
S
496
» qu'on en garnit les cordes de violon, avec cette dif-
» férence que ce fil n’y fut pas mis aussi serré qu'il
» l'est sur les cordes de violon (Sav. Etr., t. Il, page
» 396.) »
Le cerf-volant ainsi préparé fut muni d'une corde de
260 mètres de longueur, et lancé le 7 juin 1753, vers
des nuages orageux; il atteignit la hauteur de 183 mè-
tres. Le bout de la corde fut attaché à un cordon de
soie de 445 de long, et ce cordon lui-même vint se
rattacher à un lourd pendule suspendu au-dessous de
l'auvent d'une maison voisine des promenades de Né-
rac. À la corde, et tout près du cordon de soie, fut
rattaché un cylindre en fer blanc de 35 centimèt. de
long sur 3 centimèt. de diamètre, sur lequel devaient
ètre tirées les étincelles en cas d'électrisation; mais
comme Romas comprit sans peine qu'il serait dange-
reux d'approcher de ce cylindre la main ou tout autre
corps conducteur tenu par elle, il imagina, pour éli-
miner toutes les chances d'accident, un instrument qui
eut désormais sa place marquée dans tous les cabinets
de physique, l'excitateur à manche de verre, qui a
donc été, non-seulement inventé, mais aussi nommé
par Romas, ce qu’on ignore trop généralement.
Les premières étincelles qu'il tira avec l’excitateur
étant très-faibles, il osa s'aventurer à les tirer avec les
doigts, et tous les assistants, au nombre de plus de
deux cents, qui suivaient, sous le coup d'une émotion
facile à comprendre, ces hardies expériences, voulu-
rent faire comme lui. Avec cette insouciance du dan-
ger, sous quelque forme qu'il se présente, qui caracté-
497
rise, entre tous, les Français du Midi, et pleins d'ar-
deur dans leur empressement, on les vit s’efforcer à
l'envi de toucher le cylindre de fer-blanc, les uns avec
les doigts, les autres avec leurs cléfs ou leurs épées,
certains enfin avec leurs cannes et leurs bàtons. Cette
joyeuse assemblée, dont la verve toute méridionale se
traduisait par de vifs propos et par de bruyants éclats
de rire, jouait gaiement avec le tonnerre, qui faisait
patte de velours, quand tout à coup et sans que rien
fit présager ce brusque retour offensif, Romas reçoit
une commotion violente qui le secoue jusque dans les
malléoles des pieds, et que les plus courageux de la
troupe qui l'entoure veulent néanmoins recevoir comme
lui. Huit d'entre eux ayant formé la chaine, et le pre-
mier ayant tiré une éuüncelle du cylindre de fer-blanc,
le choc électrique arriva jusqu'au cinquième de ces
hardis expérimentateurs.
Mais de gros nuages noirs s'élevaient à l'horizon, l'o-
rage s’approchait et s’animait de plus en plus, le dan-
ger aussi devenait de plus en plus imminent. Alors
Romas, qui s'aperçoit que l'heure des jeux est passée,
éloigne la foule qui le presse, et restant seul à côté du
cylindre conducteur, il en tire, avec l’excitateur, des
étincelles d'un pied de long et de trois lignes de diamètre,
dont le craquement retentit à deux cents pas. Malgré le
péril croissant dont l’avertit une forte impression de
toile d'araignée au visage, à peine s'écarte-t-il de quel-
ques pas de son poste d'observation, où il est seul, af-
frontant stoïquement la mort pour les intérêts sacrés de
la science, avec cette fermeté calme qui est le signe du
198
véritable courage, et conservant au milieu de cette scène
émouvante, la plus solennelle sans contredit qu'aient
enregistrée nos annales scientifiques, assez de sang-
froid pour observer les phénomènes qui se manifestent
dans les nuages amoncelés au-dessus de son appareil,
et ceux que présente le conducteur en fer-blanc.
Il sent d’abord une forte odeur sulfureuse, qu’il com-
pare à celle des machines électriques; il distingue, mal-
gré l'éclat de la lumière du jour, un cylindre lumineux
de trois ou quatre pouces de diamètre, qui entoure la
corde du cerf-volant ; il entend un bruissement continu,
comparable au bruit d’un soufflet de forge, et enfin il
décrit avec une vérité saisissante les phénomènes sin-
guliers présentés par les pailles, qui exécutèrent au-
dessous du conducteur une curieuse danse de pantins.
À ces diverses observations, il en ajoute encore une
dernière, qui les domine toutes par son importance : c’est
qu'à partir du moment où les étincelles tirées du con-
ducteur de fer-blanc furent un peu fortes, jusqu’à la fin
de l'expérience, les nuages orageux ne donnèrent plus
ni éclairs ni pluie, et qu'à peine entendit-on le ton-
nerre, ce qui n'eut plus lieu après la chute du cert-
volant.
Cette observation capitale, dont on ne saurait con-
tester la fidélité, méritait qu'on en tint compte, et elle
ouvrait une large et brillante carrière, dans laquelle il
est regrettable qu'on ne soit pas entré. Elle faisait en-
trevoir la possibilité de transformer les nuages orageux
en nuages ordinaires, à l'aide de conducteurs élevés à
des hauteurs convenables, et par conséquent de pré-
499
venir la formation de la grèle, qui semble incontesta-
blement liée à la présence, dans les nuages, d'une grande
quantité de fluide électrique fulminant.
Un juge bien compétent sur cette matière, M. Arago,
s'autorisant principalement des expériences de Nérac,
qu'il place bien au-dessus de toutes celles du même
genre qui ont été tentées ailleurs, croit au succès de
celte hardie entreprise. Il propose seulement de rem-—
placer les cerfs-volants par des ballons captifs, et il af-
firme, avec l'autorité qui s'attache à sa parole, qu'on
arriverait ainsi à faire avorter les plus forts orages. Si
Jamais cette grande conquête se réalise, c’est à notre
compatriote que reviendra l'honneur de l'avoir préparée.
Franklin, comme nous le voyons, est dépassé de
cent coudées; et quand on lit le récit des admirables
expériences dont nous venons d'esquisser les traits prin-
cipaux, on se demande pourquoi Romas, qui en avait
eu l'idée en 1752, différa cependant leur exécution jus-
qu'en 1753. Ce retard, qui fut si préjudiciable à sa
gloire, et qui facilita l'usurpation de renommée dont
Franklin se rendit coupable, fut dû indirectement à une
démarche de l'Académie de Bordeaux.
Cédant aux sollicitations de ce corps savant, qui,
tout en le félicitant des beaux résultats auxquels il était
parvenu avec les barres isolées, l'engageait à épuiser ce
sujet avant de l’abandonner, Romas continua ses re-
cherches jusqu'à la fin du mois d'août. Absorbé par le
soin des observations délicates auxquelles il se livrait, il
chargea son collaborateur M. de Dutilh, qui était en même
temps dépositaire de son secret, de construire le cert-
500
volant dont il avait déjà annoncé à l'Académie l'inten-
tion de faire bientôt usage. Par malheur, M. Dutlh fut
négligent ; il laissa passer la saison des orages sans rem-
plir la mission de confiance qu'il avait reçue, et force
fut, par conséquent, de remettre la partie à l'année sui-
vante. M. Duthil s'accusa plus tard publiquement de
celle négligence; mais son loyal mea culpa ne modifia
pas le jugement partial qu'avait déjà porté l'opinion. On
n'en continua pas moins de regarder Franklin comme
l'homme aux grandes vues et au génie supérieur, qui
avait partout donné l’impulsion et l'exemple, pendant
que les autres physiciens passaient pour de simples imi-
tateurs à la suite.
En décrivant, comme nous venons de le faire, l'ex-
périence du 7 juin 1753, nous avons donné la subs-
tance du Mémoire dans lequel Romas en à consigné
toutes les circonstances. Ce Mémoire, auquel l'Acadé-
mie de Bordeaux accorda les honneurs d'une lecture en
séance publique, et que l'Académie des Sciences de
Paris jugea digne de l'insertion dans le Recueil des sa
vants étrangers, est sans contredit le plus remarquable
de ceux que Romas à produits. Non-seulement le fond
se recommande par les plus solides qualités, mais le
style même s’y relève; il emprunte quelques accents à
la majesté du sujet; le tour de phrase est vif, chaleu-
reux et quelquefois entralnant; il est probable que l'au-
teur prit la plume au sortir de la grande expérience à
laquelle il essaie de nous faire assister, et l'émotion
qu'il ressentait encore suffit pour le transformer pendant
quelques instants en bon écrivain.
501
Ce Mémoire, plein de choses et trop peu connu des
savants, se termine par des conseils que Romas adresse
à ceux qui, suivant son expression, ayant un mâle
courage, voudraient répéter l'expérience du cerf-vo-
lant. Ces conseils sont donnés avec une précision ri-
goureuse, à laquelle on ne saurait rien ajouter après un
siècle de progrès dans la théorie et dans la pratique de
l'électricité; ils ne sont pas applicables seulement au
cas du cerf-volant, mais encore à celui des barres; et
s'ils avaient été formulés plus tôt, l'infortuné Richmann
ne serait pas mort foudroyé à Saint-Pétersbourg.
Après avoir accompli sa gorieuse expérience, Romas
ne suspendit pas les travaux qu'il avait si admirable
ment inaugurés; il continua ses recherches sur l’élec-
tricité atmosphérique, soit avec les barres, soit avec le
cerf-volant, et consigna les nombreux résultats de ses
observations dans un journal d'expériences qui n’a pas
été conservé. Quelques extraits de ce journal, relatifs
à l'électricité de l'air en temps ordinaire et en l'absence
de tout nuage orageux, lui fournirent la matière d'un
Mémoire présenté à l'Académie de Bordeaux (avril
1753), et qui existe encore en manuscrit.
Romas erut avoir constaté le premier l'électricité de
l'air atmosphérique par un ciel serein ; mais la mauvaise
fortune qui ne cessait de le poursuivre voulut que le
docteur Lemonier eùt fait avant lui la même découverte,
dont il donna communication à l'Académie des Scien-
ces en novembre 1752.
Nous devons dire cependant que les expériences de
Nérac, si elles vinrent après celles de Paris, furent fai-
502
tes sur une bien plus large échelle; que les conclusions
en furent plus nettement formulées, et qu'elles établi-
rent certains faits entièrement nouveaux, tels que les
suivants : augmentation de l'électricité de l'air avec la
hauteur; électrisation en sens contraire de l'air et de
quelques nuages d'un aspect particulier.
Dans la plupart de ses expériences avec le cerf-vo-
lant, Romas déploya une audace qui n'a jamais été
égalée, et il arriva à des résultats vraiment prodigieux.
Plus d'une fois sa vie fut exposée, sans que jamais il
reculàt. En 1756, par exemple (21 juin), il reçut une
commotion si terrible, qu'il fut violemment renversé par
terre. La crainte de voir se renouveler pareil accident
lui fit imaginer une petite machine, portée sur un char-
riot mobile, et à l'aide de laquelle il déroulait la corde
de son appareil sans avoir besoin d'y toucher. Il rem-,
plaça aussi, à la même époque, l'excitateur à manche
de verre par un instrument d'un nouveau genre, con—
sistant en un fil métallique attaché à la corde du cerf-
volant, et manœuvré de loin à l'aide d'un cordon en
soie; mais il revint bientôt à ses premières dispositions.
En 1757, les effets qu'il obtint dépassèrent en intensité
tous ceux qu'il avait obtenus jusqu'alors. Ce ne furent
plus des étincelles de sept à huit pouces de longueur,
mais des lames de feu de neuf à dix pieds de longueur
et d’un pouce de grosseur, qui faisaient autant de bruit
que des coups de pistolet. « En moins d'une heure, dit-
» il, j'eus certainement trente lames de cette dimen-
» sion, sans compter mille autres de sept pieds et au
» dessous, Mais ce qui me donna le plus de satisfaction
503
» dans ce nouveau spectacle, c'est que les plus grandes
» lames furent spontanées, et que, malgré l'abondance
» du feu qui les formait, elles tombèrent constamment
» sur le corps non électrique le plus voisin. Cette cir-
» constance me donna tant de sécurité, que je ne crai-
» gnis pas d'exciter ce feu avec mon excitateur dans le
» temps même que l'orage était assez animé, et il ar-
» riva que lorsque le verre dont cet instrument est cons-
» truit n'eut que deux pieds de long, je conduisis où je
» voulus, sans sentir à ma main la plus petite commo-
» on, des lames de feu de six à sept pieds, avec la
» même facilité que je conduisais des lames qui n'a-
» vaient que sept à huit pouces. » {Mémoires des sa-
vants étrangers, 1. I, année 1755.
Le peuple de Nérac, qui assistait fréquemment à ces
imposantes scènes, ne pouvait se défendre d'un senti-
ment de terreur superstitieuse devant l'homme qui se
jouaitainsi du tonnerre, et l'assesseur au présidial, armé
S
de sa mystérieuse baguette de verre, passait, auprès de
ses administrés, pour un sorcier plutôt que pour un lé-
giste.
De peu s’en fallut que les Bordelais ne partageassent
la même opinion, et partout, à cette époque, la masse
du peuple regardait d'un assez mauvais œil ces savants,
qu'elle trouvait trop habiles dans l'art de conjurer la
foudre pour ne pas supposer qu'ils devaient leur pou-
voir à quelques maléfices. Dans plus d'une ville, on fut
sur le point de faire un mauvais parti aux amateurs fort
innocents cependant de paratonnerres et de cerfs-vo-
lants, et Bordeaux même eut sa petite émeute anti-élec-
504
trique ; voici à quelle occasion : M. de Romas, s'étant
rendu dans notre ville, en 1759, pour répéter ses ex-
périences en présence de M. de Tourny, qui désirait les
connaitre, choisit le Jardin-Publie pour y installer ses
appareils, et en attendant un jour d'orage, il déposa
provisoirement son cerf-volant chez un cafetier logé dans
les batiments de la terrasse. Le hasard ayant permis que
la foudre tombàt sur ces bàtiments, quoiqu'elle n'eût
pas atteint la pièce qui renfermait le cerf volant , la voix
publique accusa cet innocent appareil d'avoir attiré la
matière fulminante. Le cafetier épouvanté se hàta de
s'en débarrasser, et la foule, qui s'en empara, le mit im-
pitoyablement en pièces. L'expérience projetée ne put
pas avoir lieu. Depuis ce jour, quand Romas passait
dans les rues de notre ville, le peuple le montrait au
doigt, en disant : « Voilà le maître du tonnerre; voilà
» celui qui fait tomber la foudre à sa volonté. » ( Note
C.)
Après avoir si laborieusement étudié l'électricité at-
mosphérique, M. de Romas fut naturellement conduit
à rechercher les moyens de se préserver des atteintes
de la foudre; mais ici la haute pénétration dont nous
venons de lui voir donner tant de preuves, lui fait com-
plétement défaut. Par ignorance ou par secrète irrita-
tion contre Franklin, dont il avait beaucoup à se plain-
dre, il repoussa les paratonnerres, sous prétexte que
l'électricité pourrait fort bien abandonner le conduc-
teur et se porter vers les corps voisins, au lieu de sui-
vre la voie qui lui était ouverte et d'aller se perdre dans
le sol. Or, le moyen qu'il propose pour remédier à cet
505
inconvénient, aurait eu pour effet infaillible de l'aceroi-
tre, car ce moyen consiste à isoler le conducteur avec
soin et à le terminer brusquement à quatre ou cinq pou-
ces du sol. Il prétend que, grace à cet isolement, le
condueteur aura le temps de se charger, et qu'on verra
le fluide électrique s’écouler par sa partie inférieure sous
forme d'aigrettes, tandis qu'avec la disposition de Fran-
klin, comme on n'a ni aigrettes ni étincelles à cause
de la communication intime avec le sol, l'absence de
ces signes électriques visibles lui fait supposer que le
conducteur ne se charge pas.
Il ne parait pas avoir persévéré longtemps dans ces
étranges idées, que nous trouvons exposées dans une
de ses lettres à l'Académie, mais auxquelles il ne donna
pas de place dans l'ouvrage ex-professo qu'il publia , en
1776, sur les moyens de se préserver de la foudre dans
l'intérieur des maisons.
Dans ce dernier ouvrage, qui est un de ceux dont la
confection lui coûta le plus de soins, et où ne manque
pas l'esprit de déduction, il part de cette idée très-sim-
ple et très-vraie, qu'un nuage orageux ressemble par-
faitement , à la forme près, au conducteur électrisé d'une
machine; que l'éclair est figuré par l'étincelle qui part
de ce conducteur, et la personne foudroyée par le
doigt avec lequel on excite l'étincelle. Ces faits une fois
acquis, ce qu'il y avait de plus immédiat à constater,
c'est qu'en présentant une pointe au conducteur, on le
décharge en évitant l'éüncelle; mais au lieu d'utiliser
celte remarque, qui le mènerait droit aux paratonner-
res, M. de Romas observe que si on soumet à l'action
du conducteur chargé de fluide électrique des corps
506
d'une conductibilité nulle ou imparfaite, entourés d'au-
tres corps bons conducteurs, tels que les métaux, et
communiquant eux-mêmes avec le sol, c'est sur ces
derniers exclusivement que se porte la décharge, pen-
dant qne les premiers se trouvent ainsi radicalement
préservés. Îl observe encore que si on dirige la décharge
de la machine électrique sur un conducteur ramifié en
communication avec le sol, la matière électrique suit
fidèlement les diverses ramifications, en s’affaiblissant
d'autant plus que ces ramifications sont plus nom-
breuses.
S'appuyant sur ces observations, qui sont toutes ri-
goureusement exactes, et dont il confirme du reste
l'exactitude par des expériences conçues et exécutées
avec sagacité, il est conduit à proposer le procédé sui-
vant pour se préserver de la foudre dans l'intérieur des
maisons :
Il veut qu'on tapisse le plafond d'un réseau de fils
d’archal croisés descendant le long des murs et venant
se rattacher à des clous de fer enfoncés dans le plan-
cher. Ces clous eux-mèmes doivent être reliés par un
fil d'archal d’un assez gros diamètre, dont les deux ex-
trémités réunies servent à former une corde tressée
aboutissant à une partie du sol extérieur très-humide.
Au centre de celte véritable cage en fil d'archal, il
suspend, à l’aide de cordons de soie isolants, une caisse
en bois sec et résineux, enduite partout de substances
isolantes et à fenêtres exactement vitrées. C'est dans
cette caisse qu'on doit se réfugier en temps d'orage, et
il recommande de la construire assez spacieuse, pour
qu'on puisse y passer les heures du danger en bonne
507
compagnie; à la rigueur cependant, il fait remarquer
qu’on pourrait se contenter des fils.
Théoriquement parlant, ce procédé de préservation
est bon. Le tonnerre qui frapperait un appartement
muni de l'appareil que nous venons de décrire, sui-
vrait très-probablement, on peut même dire certaine-
ment, les fils conducteurs, et il irait se perdre dans le
sol; cependant, quelques-uns de ces fils, ou tous en-
semble, venant à se fondre, le redoutable météore pour-
rait fort bien s’écarter de sa route et se porter sur les
corps conducteurs renfermés dans l'appartement. Le
mieux est donc de ne pas s’y fier, et de dire avec un
homme d'esprit : «Il est des grands seigneurs dont il
» ne faut pas s'approcher; le tonnerre est de ce nom-
» bre »°
Du reste, Romas, comprenant très-bien que, dans
une question de cette importance, il ne suffisait pas de
faire de la théorie, imagina une expérience très-origi-
nale pour démontrer ce qu'on pouvait attendre de son
procédé dans la pratique. Un jour qu'il avait lancé son
cerf-volant vers un nuage orageux, et qu'il'tirait du cy-
lindre de fer-blanc des étincelles de dix à douze pieds de
longueur, il plaça juste au-dessous de ce cylindre, dans
une cloche en verre renversée et recouverte d’une cage
en fil de laiton reposant elle-même sur le sol, un pigeon
au-dessus de la tête duquel pendait une chaine métal-
lique fixée à un des barreaux supérieurs de la cage. II
dirigea des étincelles en grand nombre sur ce frêle ap-
pareil; le pigeon parut effrayé, et de plus courageux
que lui, mis à sa place, n'auraient pas fait meilleure
33
508
contenance; mais il en fut quitte pour la peur, et se tira
définitivement de cette rude épreuve sans perdre une
seule plume. Lorsqu'il fut bien démontré que l'électri-
cité était impuissante contre lui, le pigeon fut remplacé
par un énorme chien de boucher, simplement attaché
à un pieu voisin par un cordon de soie. Romas attendit
que l'orage füt assez affaibli pour ne plus donner que
des étincelles longues de cinq à six pouces, et l'une
d'elles lui suffit pour foudroyer le robuste animal. Quoi
qu'il en soit, ni pigeon ni chien n'eurent assez de cré-
dit pour faire adopter les cages en fil d’archal, et le pa-
ratonnerre n'eut pas un seul instant à redouter la con-
currence.
À la suite de l'opuseule dont nous venons de donner
une rapide analyse, Romas fit imprimer une longue let-
tre qu'il avait adressée en 1768, avec demande d'inser-
tion, à M. Lutton, directeur du Journal encyclopédi-
que, et dans laquelle il défendait avec énergie ses droits
méconnus contre les assertions mensongères de Priest-
ley, dont l'histoire de l'électricité avait été publiée par
fragments dans le journal de M. Lutton. Celui-ci, qui
a tout l'air d'un spéculateur anglais, entrepreneur de
gazeltes françaises, fit d'abord la sourde oreille; plus
tard, vivement pressé par les instances de Romas, et
relancé jusque dans Paris par quelques amis de notre
compatriote, il répondit qu'il ne se rappelait pas avoir
reçu la lettre dont on lui parlait, et que, du reste ; il n'a-
vait d'autre service, dans le journal, que celui des abon-
nements.
Ainsi éconduit, Romas, après une attente de quel-
509
ques années, résolut de faire imprimer et de livrer à la
publicité cette lettre, où sa justification est mise dans
la plus éclatante lumière, et il la joignit au Mémoire
pour se préserver de la foudre dans l'intérieur des mai-
sons, formant du tout un petit volume in-12, qui parut
à Bordeaux en 1776.
Cette lettre ne renferme rien de plus que les docu -
ments à l’aide desquels nous avons établi déjà l'origina-
lité des recherches de notre compatriote sur l'électricité
atmosphérique; nous pouvons donc nous dispenser d'en
faire l'analyse. Ce que nous devons mentionner ici, c'est
qu'elle est écrite avec un sentiment des convenances et
avec une dignité calme qui méritent des éloges sans
restriction. Malgré l’évidente mauvaise foi de ses ad-
versaires, Romas ne se départ pas envers eux de la rè-
gle de la modération la plus généreuse; il ne répond
pas à l'injustice par l'injure, et n'oublie pas un seul
instant les obligations de son double titre de magistrat
et de gentilhomme.
Loin qu'il cherche à se venger des procédés déloyaux
dont il est victime, en rabaissant les mérites et la gloire
de Franklin, il est le premier à les proclamer et à re-
connaltre hautement tout ce qu'il doit à l'homme de gé-
nie qu'il honore toujours comme son maitre. — « Si
» l'aiguille de Franklin n'eut pas réussi, dit-il, peut-
«être n’aurais-je jamais eu l'idée du cerf-volant; j'ai
» travaillé sur le fond de Franklin : je lui ai rendu cet
» hommage dans ma lettre du 48 octobre 1753. » Mais
une fois cette concession faite, laissant de côté les hom-
mes pour lesquels sa belle âme ne saurait ressentir au-
510
cune animosité, il prend les faits corps à corps, et il
démontre avec force et clarté que « niles hommes, ni
» Dieu qui sait tout, ne peuvent lui reprocher d'avoir
» emprunté à personne la plus petite pièce qui concerne
» son instrument. »
La démonstration ne vint pas assez tôt pour qu'on
rendit à Romas, de son vivant, la justice qu'il récla-
mait. Îl mourut avant la publication du livre dans le-
quel il revendiquait ses droits, attristé à ses derniers
moments par la pensée de l'injustice dont ses contem-
porains se rendirent coupables envers lui, mais consolé
peut-être par l'espérance que la posterité, à laquelle il
léguait les pièces du procès, se chargerait de la répa-
ration due à sa mémoire.
Cette réparation s’est fait trop longtemps attendre ;
le bruit sourd, précurseur des grands événements qui
se préparaient , l'avènement d'un nouveau prince, les
préoccupations d'un avenir déjà plein de menaces, fi-
rent qu'on ne prêla qu'une attention distraite à des ré-
clamations toutes personnelles et dont l'intérêt dispa-
raissait devant les émotions des luttes passionnées de
chaque jour.
Un siècle s'est écoulé depuis que notre intrépide com-
patriote accomplissait ses belles et audacieuses expé-
riences, sans qu'aucune voix se soit élevée pour protes-
ter en sa faveur. C'est au corps savant dont il fut un
des membres les plus zélés, que revenait la tâche de
mettre un terme à cet injuste oubli, et de replacer au
rang qu'il doit occuper parmi nos célébrités provineia-
les, le savant persévérant et courageux qui lui dut l'ins-
511
piration de ses travaux les plus remarquables, et qui
resta médiocre lorsque cette inspiration lui manqua.
On ne saurait donc louer M. de Romas sans faire re-
monter l'éloge jusqu'à cette illustre Académie des Scien-
ces de Bordeaux, la première sans contredit des Aca-
démies de province, supérieure même sur quelques
points à l'Académie des Sciences de Paris, pendant la
période commune de leur existence de 1716 à 1789,
et dont le glorieux passé nous venge des jalouses cla-
meurs de ces détracteurs ignorants qui osent soutenir,
malgré l'éclatant démenti de l'histoire, que le culte sé-
vèré des sciences ne saurait convenir aux hommes nés
sur le sol fécond qui enfanta les Montaigne et les Mon-
tesquieu.
Bordeaux, 4852.
512
Note A.
Rapport présenté à l'Académie des Sciences, le 4 février 1764,
par MM. DunameL et NOLLET, commissaires.
On voit par la lettre de Watson (45 janvier 4753), que M.
Fraoklin a fait indubitablement usage du cerf-volant électrique
plus de quatre mois et demi avant M. Romas.
Mais comme on peut inventer longtemps avant que d'exécuter,
et que la lettre de M. Watson, en annonçant le fait, ne dit pas si
M. Franklin y avait pensé longtemps auparavant, M. de Romas
cherche à constater l'époque de son invention, et prouve qu'au
mois de juillet 4752 il avait déjà imaginé d’éprouver l'électricité
de l'atmosphère ou des nuages par le moyen d’un cerf-volant.
Il le prouve : 4° par une lettre de M. le chevalier de Vivens,
qui est un homme très-initié dans les sciences, et dont le témoi-
egnage doit être d'un très-grand poids. M. de Vivens dit en ter
mes formels, qu'il se souvient très-bien qu’à l'occasion de quel-
ques expériences électriques que fit M. de Romas en sa pré-
sence, le 49 août 4752, celui-ci lui fit part du projet qu’il avait
conçu de tirer l'électricité des nuées par le moyen d’un cerf-vo-
lant.
Il le prouve : 2° par la lettre d’un curé du voisinage, qui paraît
avoir pris beaucoup de part à ces expériences, et qui, n'osant
pas par scrupule déterminer au juste le jour auquel M. de Romas
lui fit la confidence de son projet de cerf-volant, affirme que c’é-
tait à cinq ou six jours près d’une expérience qu'on sait d’ail-
leurs avoir été faite le 49 août 1752.
Il le prouve : 3° par le témoignage très-circonstancié de M. de
Dutilh, où il paraît que la plupart de ces expériences ont été fai-
tes, et qu'il y a contribué par ses dépenses et par ses soins.
M. de Dutilh, en attestant que M. de Romas a imaginé le cerf-
volant électrique un an avant que d'en faire usage, avoue qu'il
s'était chargé de la construction de l'instrument dès le mois d'août
513
4752, et se reproche d'en avoir négligé l'exécution eë& d’avoir
laissé passer la saison de s’en servir en 1752.
M. de Romas le prouve : 4° par un certificat en forme, de l'A-
cadémie des Sciences de Bordeaux, par lequel il paraît que M. de
Romas a fait remettre, le 42 juillet 4752, à l'Académie, une let-
tre dans laquelle il fait mention, non pas explicitement du cerf-
volant, mais d'un moyen plus propre, dit-il, que les barres de
fer élevées en l'air pour éprouver l'électricité des nuages, moyen
qu'il appelle un jeu d'enfants. ,
Nous avons vu de plus une lettre de M. Franklin, en réponse
à M. de Romas qui lui avait fait part de son cerf-volant électri-
que, dans laquelle réponse M. Franklin ne revendique nullement
cette nouveauté, comme il semble qu'il aurait dû faire s’il eùt
pensé en être le premier auteur.
Ayant donc égard à toutes ces preuves, nous croyons que
M. de Romas n’a emprunté à personne l'idée d'appliquer le cerf-
volant aux expériences électriques, et qu’on doit le regarder
comme le premier auteur de cette invention, jusqu'à ce que M
Franklin ou quelque autre fasse connaître, par des preuves suffi
santes, qu'il y a pensé avant lui.
Note B.
L'éclatante réputation scientifique dont Franklin jouit encore
parmi nous, date du voyage qu'il fit en France pour négocier
l'intervention de notre pays en faveur des États-Unis d'Amérique ;
elle lui fut faite par les beaux esprits philosophiques du dix-
huitième siècle, qui le présentèrent comme la personnifica-
tion des idées dont ils poursuivaient le triomphe. Il est évident
maintenant, pour tout juge impartial, que ses admirateurs allè-
rent trop loin dans leur enthousiasme, et qu'ils exaltèrent outre
mesure ses mérites scientifiques. Il serait temps que la vérité fût
rétablie sur ce point, et nous avons un intérêt d'autant plus sé-
rieux à la rétablir, que les savants aux dépens desquels elle a été
faussée sont nos compatriotes,
514
Les Anglais, qu'on n'accusera pas de partialité pour nous, ren-
dent aux travaux de ces savants la justice que nous ne leur accor-
dons pas encore, etils savent mettre Franklin à la place qui lui
appartient. Le jugement qu'ils portent sur son compte a été for-
mulé avec autant de modération que d'équité, par le docteur
Wheweli, directeur du collége de la Trinité à Cambridge, auteur
d’une récente et fort remarquable histoire des sciences naturel-
les. Voici en quels termes s'exprime ce savant, dont personne
ne conteste ni la vaste érudiction ni l'honorable caractère.
« En 4750, Franklin émit quelques vagues conjectures tou-
» chant l'existence de l'électricité dans les nuages; mais il m'était
» pas possible, avant l'explication des phénomènes d'influence à
» distance pas Wilcke et par Æpinus, de comprendre véritable-
» ment l'état électrique des nuages. Cependant , en 1752, d'Ali-
» bard et d’autres savants français furent désireux de vérifier les
» conjectures de Franklin sur l'analogie du tonnerre et de l'élec-
» tricité ; ils le firent en érigeant à Marly, etc.»
Quant à la portée qu'il attribue aux idées théoriques du physi-
cien de Philadelphie, le docteur Whewell, après avoir rappelé
que la théorie d'un fluide unique fut imaginée simultanément par
Watson et par Franklin, tandis que ce dernier passe pour en être
seul l'auteur, s'explique ainsi sur la valeur de cette théorie :
« En 4754, Symmer soutenait encore l'existence des deux
» fluides, et Cigna faisait disparaître le défaut principal du sys-
» tème de Dufay, en démontrant que les deux électricités se
» produisent en même temps. Malgré cela, l'apparente simplicité
» de l'hypothèse d'un seul fluide lui donna beaucoup de partisans :
» c'était elle que Franklin avait adoptée dans l'explication de la
» bouteille de Leyde ; et quoique après la première conception
» de la charge électrique, qui la faisait considérer comme une
» rupture d'équilibre, il n’y avait rien dans les développements
» ou les détails des vues de Franklin qui méritât de leur at-
» tirer aucune autorité, sa reputation et son habileté comme
» écrivain donnèrent une influence très-grande à ses opinions.
» Aussi, pendant un certain temps fut-il considéré en Europe
» comme le créateur de la science, et les termes Frandklinisme,
515
» Frankliniste, système Franklinien, se rencontrent presque à
» chaque page dans les ouvrages relatifs à l'électricité pabliés sur
» le continent.
» Au fond , cependant , les phénomènes électriques auxquels
» Franklin ajouta le moins, je veux parler des phénomènes d'in-
» fluence, furent ceux qui donnèrent la plus puissante impulsion
» au progrès de la science, et ils s'accordent généralement avec
» la conception des deux électricités introduite par Dufay et
» confirmée par les travaux de Coulomb et de Poisson. Quoique
» les relations des corps non conducteurs avec l'électricité et
» quelques autres phénomènes encore restent imparfaitement
» expliqués dans la théorie des deux fluides, nous pouvons dire
» cependant qu’elle est sûrement et définitivement établie ; et
» nous devons, je le crois, attribuer à Dufay plus de mérite
» qu'on ne lui en accorde pour la part qu’il prit à cet établis-
» sement. Il vit clairement, en effet, et il énonça d'une manière
» qui prouvait qu’il appréciait avec précision leur caractère, les
» deux principes fondamentaux suivants : 4° les conditions de
» l'attraction et de la répulsion; 2° l'existence apparente de deux
» espèces d'électricité.
» Le mérite réel de Franklin, comme inventeur, fut d’avoir été
» un des premiers à concevoir distinctement la charge électrique
» comme une rupture d'équilibre. La grande réputation dont il
» jouissait lui vint de la clarté et de l'esprit avec lequel il racon-
» {ait ses découvertes, de la grandeur du sujet qu'il traitait en
» s'occupant des éclairs et du tonnerre, et en partie peut-être
» de son caractère comme Américain et comme homme politique ;
» car il était déjà en 1736 engagé dans les affaires publiques
» comme secrétaire général de l’Assemblée de Philadelphie, Ce-
» pendant, le moment n’était pas encore venu où ses amis dirent
» de lui :
Eripuit cœlo fulmen, sceptrumque tyrannis.
A propos de ce vers latin tant de fois cité, nous ferons remarquer
en passont, que, tout sublime qu’il est au point de vue poétique
pur, il n’en renferme pas moins deux pensées fausses ; et à ce
prix, on peut trouver le sublime un peu cher.
516
On sait en effet que les colons américains s’insurgèrent contre
la Métropole, non pas parce qu'elle les gouvernait iyrannique-
ment, mais, ce qui est infiniment moins poétique, parce qu’elle
voulait leur faire payer trop cher le droit de boire ieur thé. Voilà
donc le second hémistiche convaincu d’exagération; quant à la
pensée que le premier exprime, et dont le sens est que l'homme
a désarmé la divinité de sa foudre, Bernardin de Saint-Pierre,
qui valait Turgot en histoire naturelle, qualifie cette pensée d'im-
pie, et il justifie cette épithète par les considérations suivantes :
« Le tonnerre n’est point un instrument particulier de la jus-
» lice divine. Il est nécessaire au refroidissement de l'air dans
» les chaleurs de l'été. Dieu a permis à l'homme d'en disposer
» quelquefois, comme il lui a donné le pouvoir de faire usage du
» feu, de traverser les mers, de se servir de tout ce qui existe
» dans la nature. C’est la mythologie des anciens qui, en nous
» représentant Jupiter toujours armé du foudre, nous en inspire
» tant de terreur. Il y a dans l'Écriture sainte des idées de la
» divinité bien plus consolantes, et une bien meilleure physique.
» Je puis me tromper, mais je ne crois pas qu'il y ait un seul
» endroit où elle nous parle du tonnerre comme d’un instrument
» de la colère divine. Il n’est pas compté parmi les dix plaies
» d'Égypte ; Sodome fut détruite par une pluie de feu et de sou-
» fre; dans les menaces faites au peuple dans le Lévitique, iln’est
» pas question du tonnerre. Au contraire, ce fut au bruit des
» tonnerres que la Loi fut promulguée sur le mont Sinaï; enfin,
» dans le beau cantique où Daniel invite tous les ouvrages du
» Seigneur à le louer, il y appelle les tonnerres; et il n’est pas
» inutile de remarquer qu'il comprend dans son invitation tous
» les météores qui entrent dans l'harmonie nécessaire de l'Uni-
» vers. Il les qualifie du titre sublime de puissances et de vertus
» du Seigneur. »
Note C.
Cette accusation d'attirer la foudre, et d'être ainsi plus dan-
gereux qu'utiles, fut aussi portée dans l'origine contre les para-
517
tonnerres; elle fut soutenue avec obstination, à l'aide d'argu-
ments théoriques, par des savants distingués, tels que Wilson
et Nollet, et leur opposition, qui nous étonne aujourd'hui,
nous paraîtra justifiable si nous nous rappelons que Franklin, se
trompant lui-même théoriquement, expliquait l'efficacité de ses
barres en disant qu'elles soutiraient l'électricité des nuages ora-
geux. Ce mot soutirer effraya longtemps les imaginations, et fut
cause sans doute de la lentenr avec laquelle l'emploi des para-
tonnerres se vulgarisa. Ce fut aux États-Unis qu'ils se multipliè-
rent d'abord avec le plus de rapidité, grâce à l'esprit pratique du
peuple de ce pays et aux recommandations incessantes de Fran-
klin, dont l'influence alors était toute puissante.
En Europe , les choses marchèrent moins vite, et pendant long-
temps encore les particuliers refusèrent de laisser ériger au-des-
sus de leurs demeures ces tiges de fer pointues dont ils redou-
taient le mystérieux pouvoir. L'exemple vint d'en haut : à Lon-
dres, en 1768, le chapitre de l’église Saint-Paul, après avoir
pris l'avis de la Société royale, décida que l'église métropolitaine
serait munie d'un paratonperre; un second s’éleva quelque temps
après sur le palais de Buckingham-House, et bientôt les maga-
sins à poudre et les principaux châteaux eurent chacun le leur.
Le grand-duc de Toscane , la République de Venise, l'empereur
d'Autriche et le roi de Prusse se montrèrent favorables à l’intro-
duction des paratonnerres dans leurs États; cependant, par une
de ces bizarreries qui se rencontrent souvent dans son caractère,
le grand Frédéric, qui en fit placer partout sur ses magasins mi-
litaires, n'en voulut pas pour le palais de Sans-Souci. La France
resta longtemps en arrière, malgré les efforts de quelques savants,
parmi lesquels il faut citer en première ligne Leroy et Charles,
de l’Académie des Sciences. En 4784, il n’y avait encore pres-
que rien de fait, et lorsque à Saint-Omer, M. de Vissery s’'avisa
d'armer sa maison d'un paratonnerre, la foule s’amassa mena-
çante, et peu s’en fallut qu’elle ne fit un mauvais parti au témé-
raire novateur. La municipalité de Saint-Omer, qui partageait
alors les passions aveugles de ses administrés , au lieu de soute-
nir M. de Vissery, lui enjoignit d’abattre l'appareil suspect ; M. de
518
Vissery résista , il fit appel devant le Tribunal d'Arras, et confia
le soin de défendre sa cause à M. de Robespierre, qui n’était en-
core qu'un très-obscur avocat de province. Cette cause eut beau-
coup de retentissement; l'attention publique en suivit les diver-
ses phases avec un vif intérêt, et on accueillit avec d’unanimes
applaudissements le jugement du Tribunal d'Arras, rendu le 34
mai 4783, qui cassait l'arrêté de la municipalité de Saint-Omer.
M. de Robespierre , au dire du Journal des Savants, traita son
sujet avec beaucoup d'érudition et d'esprit; le plaidoyer qu'il
prononca dans cette circonstance fut lu par toute la France, et
né contribua pas médiocrement à étendre au loin la réputation de
l'auteur.
A Sienne, une émeute fut aussi sur le point d'éclater, parce
qu’on avait élevé un paratonnerre sur la tour qui domine la place
du Marché.
L'affaire de Saint-Omer eut pour effet d'attirer l’attention des
corps scientifiques sur la question des paratonnerres ; l’Acadé-
mie de Dijon fut celle qui s’en occupa la première, et elle char-
gea MM. Guiton de Morreaux et Maret de lui faire un rapport sur
ces appareils, dont ces deux savants constatèrent l'utilité, en
même temps qu’ils formulèrent quelques-unes des règles relatives
à leur bonne construction.
Leroy et Charles donnèrent à ces règles une plus grande pré-
cision, et enfin, en 4823, elles furent formulées avec toute l’au-
torité du talent et de l'expérience, dans l'instruction pour l'éta-
blissement des paratonnerres, rédigée par Gay-Lussac au nom
de la commission choisie par l'Académie des Sciences.
519
FRAGMENT
DE
L'HISTOIRE DES ARTS
A BORDEAUX ;
Par M. J. DBELPIT,
ACADÉMIE DE PEINTURE ET SCULPTURE SOUS LOUIS XIV ?,
Dans la première moitié du dix-septième siècle, à
Bordeaux, comme dans toute la France, la direction
des arts était nulle et leur culture considérée à peu
près comme un métier. Or, selon l'esprit de ce temps,
tels métiers devaient être héréditaires; d’autres étaient
soumis à des règlements qui fixaient le nombre des mai-
tres et celui des apprentis, le temps de l'apprentissage,
les matières qui devaient être employées. Le fise en était
* Les documents qui m'ont fourni le sujet de cette Notice sont peu nombreux ;
üyena vingt-deux, imprimés ou manuscrits, M. Lacour , leur possesseur, qui les
tient de son père, les a fait réunir par une élégante reliure portant cette inserip—
tion : Titres et documents relatifs à l'École académique de peinture et sculp—
ture sous Louis XIV. Il se propose d’en faire hommage à la ville; mais, en at-
tendant, il m'a semblé que leur analyse était assez intéressante pour être détachée
de l’Histoire des Arts à Bordeaux, que je prépare, et séparée de la description
des édifices et autres objets d'art contemporains qui doivent naturellement l’ac—
compagner,
520
venu jusqu à créer des offices pour les métiers, et à les
vendre, non au plus habile, mais au plus offrant. Au
commencement du règne de Louis XIV, lorsqu'on vou-
lut soumettre des règlements faits pour des corporations
d'ouvriers à l'action du courant qui portait alors toutes
les idées vers la centralisation, l'effet immédiat de cet
essai d'organisation du désordre produisit dans les arts
des conséquences étranges, et que semblait pourtant
justifier la logique d'un principe faux en lui-même.
Ainsi, la corporation des Maîtres peintres de Paris,
qui se faisait appeler : Académie de Saint-Luc, mais
qui n'en était pas moins la corporation des peintres ou-
vriers, prétendit avoir le singulier privilège d'empêcher
quiconque ne lui était pas afilié de s'occuper de pein-
ture, et, par conséquent, fit saisir et vendre à son pro-
fit les tableaux de tous les artistes qui ne faisaient pas
partie de la communauté.
Quelques-uns des plus habiles artistes de Paris, fati-
gués par les exigences de cette corporation absurde dans
sa logique, se déterminèrent, vers l’année 1648, à
reunir leurs efforts pour secouer ce joug humiliant.
M. Charles Lebrun, qui venait d'Italie, joignit à leurs
efforts l'influence de sa célébrité, et la fondation de
l'Académie royale de peinture fut résolue.
Ce n’est pas ici lelieu d’en faire l’histoire et d’en décrire
l'organisation; qu'il nous suflise de dire que la nouvelle
Académie, comme elle devait s’y attendre, eut à lutter vio-
lemment contre l'influence de la communauté des maitres
peintres. Cette corporation, déjà puissante par son an-
cienneté, fut soutenue, nous le disons à regret, par la
jalouse rivalité d'un artiste éminent, émule de M. Le-
521
brun, M. Pierre Mignard. Néanmoins, malgré, ou
peut-être à cause des troubles civils, l'Académie
triompha de tous les obstacles que la jalousie ajouta aux
hésitations et aux fausses démarches inséparables d'un
établissement nouveau sur un terrain inconnu.
Dès l'année 1654, la nouvelle Académie réforma ses
statuts, prit pour protecteur ME le cardinal Mazarin,
et obtint, entre autres priviléges accordés par le Roi le
28 décembre 165%, confirmés en janvier 1655, et en
registrés au Parlement le 25 juin suivant, que les mem-
bres de l'Académie seraient exemptés de tutelle, de cu-
ratelle et de faire le guet, et qu'ils jouiraient, en outre,
du droit de committimus pour tous leurs procès, comme
les membres de l'Académie française et les ofliciers com-
mensaux du roi ‘.
Les progrès de la nouvelle Académie furent long-
temps encore enrayés par l'influence des nombreux et
puissants amis de M. Mignard; mais, à la mort de M:
le cardinal de Mazarin, M. Colbert, nommé vice-pro-
tecteur de l’Académie, prit chaudement en main la cause
de cette Compagnie, et son existence fut désormais as-
surée.
En 1663, l'Académie obtint une pension de 4,000
livres. Le roi, qui s’en était déclaré hautement le pro-
tecteur, fit encore plus : en 1665, il fonda à Rome l'É-
cole de France, où les jeunes lauréats de l’Académie de
Paris devaient se perfectionner par l'étude des maitres.
L'influence de l'Académie grandit; on en comprit l'uti-
| Titres. de l'École académ. de Bordeaux , n° 1.
522
lité, et enfin, sur l'instigation de M. Colbert, au mois
de novembre 1676, Louis XIV rendit une ordonnance,
enregistrée le 22 décembre suivant, qui autorisait la
création d'une espèce d'Université des Beaux-Arts sous
le titre d'Écoles académiques de peinture et de sculp-
Lure.
Pour encourager les beaux arts, qui font à l'intérieur
la splendeur et la félicité d’un État, comme la gloire
des armes la procure au dehors, cette ordonnance per-
mettait au sieur Colbert, ce sont les propres termes des
lettres patentes, de créer, dans les différentes villes de
France, des écoles académiques de peinture et de sculp-
ture, sous la conduite et administration des officiers de
l'Académie royale de Paris. M. Colbert en était déclaré
chef et protecteur, et pouvait seul en approuver les sta-
tuts et les règlements *.
En conséquence, l’Académie de Paris, sous la direc-
tion de M. Lebrun, rédigea des statuts, approuvés par
M. Colbert, pour l'établissement d'écoles académiques
dans les principales villes du royaume. Ce fut une me-
sure aussi habile que hardie. On comprend en effet
qu'elle était destinée à exercer une immense influence
sur l'avenir des arts; malheureusement, par des cir-
constances diverses, ce plan gigantesque ne put être
exécuté dans son ensemble.
Il ne faut pas d’ailleurs se laisser tromper par la si-
militude des mots et perdre de vue que, selon les temps
et les lieux, les mêmes expressions ont souvent une si-
1 Titres... de l'École académ. de Bordeaux, n° 2,
gnification toute différente. Nous avons vu que la pré-
tendue Académie de Saint-Luc n'était rien moins qu'une
association académique comme nous le comprenons
aujourd'hui. L'Académie royale de peinture elle-même
n’était pas alors ce qu'est devenue depuis l'Académie
des Beaux-Arts; et, par conséquent, les écoles acadé-
miques qu'il s'agissait d'établir dans les villes de pro-
vince, n'avaient, pour ainsi dire, rien de commun avec
ce que nous appelons aujord'hui une Académie.
Quoi qu'il en soit, il paraît que cette mesure, digne
du génie de M. Colbert, ne reçut d'autre application
qu'à Bordeaux, dans cette ville rebelle qu'agitaient en
core tant de passions diverses, et que d'innombrables
ouvriers, dirigés par, M. de Vauban, entouraient de ci-
tadelles formidables, uniquement destinées à réprimer
et punir nos turbulents ancêtres. Il est donc important,
pour notre histoire particulière et pour l'histoire géné-
rale des arts, d'examiner avec soin les effets produits
par cet essai d'organisation artistique.
Nous avons un exemplaire imprimé des statuts rédi-
gés par l'Académie royale de Paris ‘. Voici le résumé
de leurs principales dispositions :
Le protecteur des écoles académiques avait le droit de
choisir dans chaque ville le vice-protecteur de cette école,
et l'Académie-mère elle-mème nommait les gouverneurs
des écoles, sur lesquels elle se réservait un certain droit
de surveillance et de juridiction. Ces gouverneurs étaient
d'ailleurs tenus de se conformer aux préceptes el ma-
* Titres. de l’École académ. de Bordeaux, n° 2.
34
524 l
nière d'enseigner de l’Académie. Ils pouvaient se faire
aider par des gens capables, auxquels ils transmet-
taient tous leurs priviléges; mais, au moins quatre fois
par an, les ofliciers délégués pour la direction des éco-
les devaient soumettre les ouvrages de ‘leurs élèves à
l'examen des académiciens de Paris.
Du reste, il était expressément défendu dans les éco-
les de parler de toute autre matière que de peinture et
de sculpture, et l'article 5 est assez remarquable sous
ce rapport. Le lieu où les exercices se feront, y estil
dit, estant consacré à la vertu, s'il arrivoit qu'au-
cun vinst à blasphémer le saint nom de Dieu ou par-
ler de la religion et des choses saintes avec irrévé-
rence, ou proférer des paroles deshonnêétes, il sera
banny des dites écoles.
Les ecoles devaient être ouvertes tous les jours pen-
dant deux heures, excepté les jours de fête.., ete.
Les lettres patentes de 1676 qui autorisaient la créa-
tion des écoles académiques, ne furent mises à exécu-
cution, comme nous l'avons déjà dit, ni à Lyon, ni à
Toulouse, ni à Marseille, ni à Rouen; pendant douze
ans, il n’en est question nulle part. Cependant, il pa-
rait que le 26 juillet 1688, il y avait déjà longtemps
que M. Leblond de Latour, peintre ordinaire du roi et
membre de l'Académie de peinture de Paris, fixé à Bor-
deaux depuis 1656, avait essayé, aidé de M. Larraïdy”
et de quelques autres artistes ou amateurs, de faire créer
une école académique à Bordeaux.
Il résulte d'une lettre que M. Guérin, secrétaire de
l’Académie de peinture de Paris, écrivait ce jour-là à
525
son collègue à Bordeaux ‘, M. Leblond de Latour, que
ce n'était pas sa faute si la demande des artistes borde-
lais n'avait pas encore reçu de solution, mais que la
maladie de M. de Louvois avait tout retardé. M. Guérin
félicitait d’ailleurs M. Leblond d'avoir découvert l'auteur
d'une lettre malicieuse écrite par un anonyme à l'Aca-
démie, et qui méritait d'être puni ?.
Néanmoins, le 21 janvier 1689, rien n'avait encore
été fait, et M. Guérin écrivait de nouveau que la de-
mande des peintres bordelais avait dû être accordée lors
de la présentation de l'Académie à M: de Louvois, à
l'occasion du premier de l'an; mais que le Ministre était
si occupé, qu'on n'avait pas osé l'importuner de cette
affaire. [l ajoutait que M. Lebrun avait pris à cœur
celte demande et promettait de s’en occuper activement.
Il félicitait ces messieurs d'avoir écrit directement à
l'Académie. Cette lettre devait être un moyen de plus
pour s'occuper de leur affaire *.
Dans l'intervalle, M. Lebrun mourut (23 février
1690) ; il y avait à craindre que son successeur, ce
même M. Mignard qui s'était si fortement opposé à la
création de l'Académie de Paris, ne mit pas beaucoup
de zèle à terminer une affaire que son prédécesseur et
son antagoniste avait patronée; il parait qu'il en fut
autrement. Arrivé enfin au pouvoir, objet de sa jalou-
sie et de sa convoitise, M. Mignard, comme tant d'au-
tres, envisagea les choses sous un tout autre aspect
qu'il ne l'avait fait jusqu'alors; etenfin, le 3 juin 1690,
! Nicolas Guérin avait été reçu membre de l’Académie le 20 décembre 1681,
? Preuves, n° 1.
* pièces justificatives, n° 2,
526
l'Académie royale, ayant pris l'avis de M le marquis
de Louvois, fit expédier des lettres sous forme authen-
tique autorisant l'établissement de l'École académique
de Bordeaux.
Ce document important, car il est probablement uni-
que en son genre, mérite d'être reproduit en entier. Il
est écrit sur parchemin, dans la forme des lettres pa-
tentes, parfaitement conservé, et revêtu des signatures
autographes des principaux membres de l'Académie des
Beaux-Arts de cette époque. Malheureusement, la terreur
qu'inspirait la stupidité des prétendus patriotes de 1793,
en a fait enlever le sceau de l’Académie, dont l'emprein-
te portait peut-être quelques emblèmes dangereux.
« L'ACADÉMIE ROYALLE DE PEINTURE ET DE SCULP-
TURE establie par lettres patentes du Roy, vérifiées en
Parlement, présentement sous la protection de mon-
seigneur le marquis de Louvois et de Courtenveaux,
conseiller du roy en tous ses conseils, ministre et se-
crétaire d'Estat, commandeur et chevalier des ordres de
Sa Majesté, surintendant et ordonnateur général des
bastiments, arts et manufactures de France,
» À TOUS CEUX QUI CES PRÉSENTES LETTRES VERRONT,
sALUT. La Compagnie s'estant fait représenter les let-
tres à elle cy devant escrittes par plusieurs peintres et
sculpteurs de Bourdeaux, qui proposent de faire un es-
tablissement académique dans leur ville, au désir et
conformément aux lettres patentes du Roy, portant l’es-
tablissement des Académies de peinture et de sculpture
dans les principales villes du royaume, et règlement
dressé à ce sujet, du mois de novembre 1676, registrez
527
en Parlement le 22 décembre en suivant, après avoir
examiné les délibérations particulières et résultats sur
ce projet dudit établissement, et voulant de sa part con-
tribuer au zèle que les dits peintres et sculpteurs font
paroistre de se perfectionner dans leur art autant qu'il
leur sera possible, à résolu et arresté, sous le bon plaisir
de monseigneur de Louvois, son protecteur, de consen-
tir à l'établissement demandé par lesdits peintres et
sculpteurs de Bourdeaux, à la charge d'observerles règle-
ments contenus esdites lettres patentes, et de se con-
former, autant que faire se pourra, à la dissipline qui
s’observe dans cette Académie royalle; à l'effect de quoy
elle a ordonné qu'il leur seroit envoyé une expédition
en parchemin du présent résultat, signé de monsieur
le directeur, de messieurs les officiers en exercice, de
messieurs les recteurs et adjoints-recteurs, et des deux
plus anciens professeurs, scellez de son sceau et con-
tre signez par son secrétaire, et une copie collationnée
des lettres patentes et règlements, qui pourront servir
à leur établissement et à la régie de leur compagnie. »
À Paris, le troisième juin mil six cens quatre vingt dix.
Signé : MIGNARD, GIRARDON, DESJARDIN, DE SÈVE, COYPEL,
recieurs; COYSEVOX , PAILLET, adjoints-recleurs;
REGNAUDIN , BLANCHARD , HOUASSE, JOUVENET, Pr'O-
Jesseurs; BOULOGNE le jeune, P. SEVE, N. DE
PLATE-MONTAGNE ', J.-B. LECLERC EDELINCK.
Au dos est écrit sur le pli:
Visa : MIGNARD *. Par l’Académie : GUÉRIN.
‘ Nicolas Vanplattenberg (Plate-Montagne), connu sous le nom de Montagne
et de van Platen.
? Titres. de L'École academ. de Bordeaux, n° 3,
528
Remarquons, en passant, que les lettres patentes de
1676 ne parlent, comme nous l'avons vu, que de l’éta-
blissement en province d'écoles académiques, et que
cependant il résulte des termes de l'acte que nous ve-
nons de transcrire, que l’Académie royale elle-même
comprit que l'Ecole académique de Bordeaux devait
être considérée comme une Académie; car il y est
dit : « Conformément aux lettres patentes portant
» l'établissement des Académies... dans les princi-
» pales villes... ;» et peu après, les artistes bordelais
composant la nouvelle Société l’intitulèrent Académie
royale.
Il fallut près d'un an pour que les lettres de l'établis-
sement de la succursale bordelaise pussent recevoir un
commencement d'exécution, après plusieurs hésitations
et tàtonnements, soit pour trouver un local, soit pour
réunir un nombre suffisant d'artistes qui voulussent
faire partie de la nouvelle société. Aucun document ne
nous fait connaitre comment furent choisis la pre-
mière fois les membres de l’Académie. Après plusieurs
tentatives inutiles, disons-nous, les nouveaux acadé-
miciens parvinrent enfin à se réunir en nombre sufli-
sant, le 29 avril 4691, et à constituer définitivement
leur Académie. Le procès-verbal de cette première as-
semblée n’est pas long, et nous croyons devoir le trans-
crire tout entier. Il fera mieux juger, que ne pourrait
le faire une analyse, ce que fut cette première réu-
nion.
«Aujourdhuy vingt neufviesme d'avril mil six cens
529
quatre vingt onze, nous soussignez, composant l'Aca-
démie royalle de peinture et de sculpture établie à Bor-
deaux, estant assemblés dans le palais archiépiscopal,
conformément à la délibération précédente , en présence
de monseigneur l'Archevèque de Bordeaux, nostre vice-
protecteur, avons procédé à la nomination et l'élection
des professeurs et adjoints de la ditte Académie, et com-
mencé par nommer monsieur Leblond de Latour pour
premier professeur, en considération de son méritte
et de ce qu'il a l'avantage d’estre du nombre de ceux
qui composent l'illustre compagnie de lAcadémie
royalle de Paris, laquelle nomination a esté unani-
mement faitte. Ensuitte avons procédé à la nomination
des autres comme s'ensuit; le tout à la pluralité des
VOIX :
Professeurs : MM.
LEBLOND DE LATOUR, peintre. BENTUS , peintre.
DUBOIS , sculpteur. THIBAULT , Sculpteur.
FOURNIER aisné , peintre. DUCLAIRC aisné , peintre.
GAULIER , sculpteur. BERQUIN le jeune, sculpteur.
LARRAIDY, peintre. TIRMAN , peintre.
BERQUIN aisné, sculpteur. DORIMON , sculpteur.
Adjoints à professeurs : MM.
FOURNIER le jeune, pucLaïRc le jeune, CONSTANTIN-.
» Desquelles élections ei dessus avons dressé le pré-
sent procez-verbal pour servir et valoir en temps et
530
lieu, et a mondit seigneur Archevesque déclaré aprouver
les dittes élections *, »
Cette pièce, écrite de la main de M. Larraïdy, est
revêtue des signatures autographes de tous ceux de ces
messieurs qui étaient présents ou savaient signer *; car
il y manque trois signatures : un des MM. Berquin,
MM. Dorimon et Constantin; elles sont précédées de la
signature de M l’Archevèque, qui, le premier, a si-
gné : Louis, Arch. de Bordeaux.
Remarquons encore que les lettres patentes de 1676
réservaient expressément à l'Académie de Paris le droit
de désigner les officiers directeurs des Écoles académi-
ques, et qu'ici ce sont les nouveaux membres qui choi-
sissent eux-mêmes les professeurs.
Quoi qu'il en soit, cet acte curieux nous révèle le
nom de quinze artistes bordelais, à peu près inconnus
ou oubliés, qui, il y a près de deux cents ans, dans
l'enceinte resserrée de nos fortifications si souvent
émues du bruit des armes, à quatorze ans d'une com-
motion violente qui avait vivement ébranlé la cité, s'oc-
cupaient d'art avec assez de zèle et de talent pour éta-
blir une École académique de peinture et de sculpture
dans une ville où il n’en existe pas au milieu du dix-
neuvième siècle, et où il serait peut-être difficile , à en
juger par ce que nous connaissons du mérite de quel-
! Titres... de l'École académ. de Bordeaux, n9 7.
* On s’étonnera peut-être de cette supposition; mais elle est justifiée par
quelques exemples. Il passe pour certain que le célèbre Carle Vanloo ne savait ni
lire ni écrire,
531
ques-uns des fondateurs de notre ancienne Académie,
de réunir un nombre si considérable de peintres et de
sculpteurs aussi habiles et aussi instruits.
Constatons le fait, sans chercher à l'expliquer; mais
profitons de cette occasion pour consigner ici tous les
renseignements que nous avons pu recueillir sur cha
cun de ces artistes, et prier tous ceux de nos compa-
triotes qui connaitraient d’autres renseignements sur
ces personnages ou sur d'autres artistes de Bordeaux,
de vouloir bien nous les communiquer, leur promet-
tant de faire tout ce qui dépendra de nous pour que ces
notes ne soient pas perdues, et que la reconnaissance
en revienne à ceux qui nous les auront communiquées.
M. Leblond de Latour, peintre et écrivain distingué,
que ses collègues nommèrent à l'unanimité premier pro-
fesseur de l'Académie de Bordeaux, en considération de
son mérite et de l'honneur qu'il avait déjà d'être mem-
bre de l’illustre compagnie de l'Académie royale de Pa-
ris, n'est mentionné dans aucune biographie. Ses ou-
vrages de peinture ne sont indiqués dans aucun cata-
logue de tableaux, et pas un catalogue de bibliothèque
ne fait connaître les livres qu'il a publiés.
Quand je dis aucune bibliothèque, je me trompe; il
en est une, celle de la ville de Bordeaux, qui possède
un exemplaire, probablement unique, d'un ouvrage
publié par M. Leblond de Latour, et qui nous permet
de constater que la considération dont l'artiste jouis-
sait auprès de ses collègues, était justement méritée. Ce
livre nous vient de la bibliothèque des Capucins de Bor-
deaux; il à pour titre : Lettre du sieur Leblond de
Latour à un de ses amis, contenant quelsques ins-
truclions touchant la peinture ; dédiée à M. de Bois-
garnier, R. D. L. C. D. F. à Bourdeaux; par
Pierre du Coq, imprimeur et libraire de l'Université,
1669, in-8° de 79 pages.
Ce M. de Boisgarnier, ami et protecteur de M. Le-
blond de Latour, est encore un amateur des arts à Bor-
deaux dont le nom était tout à fait oublié ; il possé-
dait une des plus belles collections de tableaux qu'il y
eût dans la province. Ce n'était pas peu dire; car les
Musées publics n'absorbaient pas, alors comme aujour-
d'hui, tous les chefs-d'œuvre, et il y avait à Bordeaux
plusieurs collections célèbres : entre autres, pour ne
parler que de deux ou trois, celles des d'Épernon, des
Sourdis et celle de M. Raphaël Trichet, dont les Livres
enrichirent la Bibiothèque royale, et les tableaux la
célèbre collection de la reine Christine, de Suede.
La lettre du sieur Leblond de Latour à un de ses
amis est illustrée, comme nous disons aujourd'hui,
d'une épigramme en son honneur, par M. de Lama-
the, avocat au Parlement de Paris; elle n’est pas lon-
gue, la voici :
Latour nous fait voir dans son livre
Qu'il a su joindre deux talents
Fort rares et fort diflérents,
Et qui sauront le faire vivre
Malgré les jaloux et les ans.
Si l'exemplaire que possède notre bibliothèque est
unique, comme tout nous porte à le croire, il s'en
533
est fallu de bien peu que la prédiction poétique de M.
de Lamathe ne devint un rêve complet; mais, grace à
la publicité que les Actes de l’Académie donneront, je
l'espère, à ces lignes, elle est assurée de s'accomplir
encore pendant quelque temps.
M. Antoine Leblond de Latour signe sa lettre du ti-
tre de peintre de l'Hostel de Ville de Bourdeauæ. Ce
titre, Joint à l'aveu de la supériorité que lui reconnu-
rent unanimement ses collègues, sont les seuls indices
qui puissent nous faire apprécier son mérite artist
que ‘. Quant au mérite littéraire de M. Leblond, sa
leltre prouve qu'il écrivait avec une habliété peu com-
mune dans ce temps, et qu'il était non-—seulement
instruit dans son art, mais qu'il avait même des pré-
tentions tant soit peu verbeuses à la théologie et à la
métaphysique.
En commençant son ouvrage, M. Leblond développe
cette pensée, que la peinture étant une sorte d’émana-
tion de la puissance divine, puisqu'elle aussi sait créer,
elle doit surtout avoir pour but de glorifier Dieu en
représentant la beauté de ses créatures.
De l'exposé de cette théorie, il passe à un éloge pom-
peux de Louis XIV; mais l’entousiasme pour son art
l'amène bientôt à une appréciation philosophique du
règne des conquérants et des Mécènes, diamétrale-
* M. Leblond de Latour, d’après une note communiquée par M. Aruaud Det-
cheverry, archiviste de la Mairie, aux rédacteurs des Archives de l'Art fran-
gais, t. 1er, page 125, prèta serment en qualité de peintre de l'Hôtel-de-Ville
le G juin 1665. Il remplaça M. Philippe Delay, peintre de Paris, décédé après
dix-sept ans d'exercice,
534
ment opposée et certainement plus vraie que celles qu'on
en fait ordinairement ; il en conclut que ce ne sont pas
les grands règnes qui créent les grands hommes, mais
que ce sont les grands hommes qui font les grands rêgnes.
Sous le rapport de l'art proprement dit, M. Leblond
se montre admirateur de la couleur et du Titien. Les
préceptes et les règles qu'il donne sont très-simples et
peu nombreux; mais ils sont dictés avec une certaine
hauteur de vues qui leur prête je ne sais quoi de magis-
tral, tout à fait en rapport avec le style dans lequel ils
sont écrits. L'auteur parait avoir la conscience intime
de leur valeur et du mérite personnel de celui qui les
donne.
J'ai remarqué (pag. 37) le récit détaillé du procédé
dont le célèbre M. Poussin, que l'auteur avait sans doute
vu travailler, et dont la mémoire et la gloire étaient alors
toutes récentes, se servait pour composer et éclairer
ses tableaux. Le fameux M. Poussin, cel homme ad-
mirable et presque divin, composait en petit, avec de la
cire molle, qu'il maniait avec une adresse et une tran-
quillité singulières , les différents accidents des ter-
rains et des monuments de la scène qu’il voulait repré-
senter, dans la position et le geste convenables; puis,
arrangeant de petits mannequins habillés et drapés à
l'aide d’une baguette, il recouvrait toute sa composition
d'une grande caisse, où la lumière pénétrait par des
ouvertures semblables à celles qui éclaireraient le ta-
bleau dans le local qu'il devait aller occuper. Il prati-
quait ensuite sur le devant de la caisse un trou qui lui
permettait de dessiner sa composition sans y introduire
535
aucun jour étranger, car son œil le fermait exacte-
ment. Plusieurs artistes modernes ont employé avec
succès le procédé dont l'invention est ici attribuée à
M. Poussin; mais ces détails n’en sont pas moins uti-
les et curieux.
M. Leblond de Latour avait joint à son livre une
planche représentant les proportions de trois figures :
un homme, une femme et un enfant. Elle nous eût per-
mis d'apprécier M. Leblond comme dessinateur; mais
celte planche a été enlevée, ou n’a jamais été mise dans
l'exemplaire de notre bibliothèque.
On ne trouve dans cet ouvrage aucune indication
relative à la famille et au pays de l'auteur. Cependant,
pour s’excuser d'avoir écrit son livre, M. Leblond, s’a-
dressant à son ami, lui dit : Ayant considéré que no-
tre petit Marc-Antoine pourroit quelque jour profiter
de ce petit travail. Le petit Marc-Antoine était le fils
de l'auteur. Il succéda à son père dans la charge de
peintre de l'Hôtel-de -Ville de Bordeaux, dont il reçut
la survivance le 30 août 1690 ‘, et qu'il exercça jus-
qu'au 1% septembre 1742.
Dans l'absence de tout autre renseignement sur M.
Leblond de Latour, j'ai recueilli tous les indices qui
peuvent se rattacher plus ou moins directement à son
nom, el voici ce que j'ai trouvé :
Antérieurement à l'époque dont nous nous occupons,
en 4626, il y avait à Amsterdam un artiste du nom de
Leblond, qui a gravé des ornements, des damasquinu-
res, etc. Était-ce le père de notre auteur?
| Preuves, n° 3,
530
Il serait d'autant plus diflicile de l'assurer, qu'à peu
près à la même époque existait un autre graveur, Mi-
chel Leblond ,-dont on a, entre autres, douze sujets tirés
de la vie de la Vierge, d'après les compositions d'AI-
bert Durer. D'un autre côté, M. Dussieux, dans l’ou-
vrage intitulé : Les Artistes français à l'étranger,
pag. 125, cite Jean-Baptiste-Alexandre Leblond, né à
Paris en 1679, célèbre dessinateur de jardins, d'orne-
ments et d'architecture, passé en Russie en 1716, où
il mourut en 1719, premier architecte du Czar; et,
dans la liste chronologique des membres de l'Académie,
que le même M. Dussieux à publiée dans les Archives
de l'art français, 1. 1, pag. 271, figure encore un Jean
Leblond, peintre d'histoire, né vers 1635, reçu mem-
bre de l'Académie le 4°° août 1681, et mort le 43 août
1709.
Quoi qu'il en soit, d'après la liste de M. Dussieux,
Antoine Leblond de Latour, dont nous nous occupons,
avait été reçu membre de l'Académie royale de pein-
ture de Paris le 28 décembre 1682; mais aucun autre
renseignement n'accompagne son nom. M. Dussieux
donne aussi la liste des membres agréés par l'Académie,
qui n'ont jamais été reçus, et il y mentionne { pag. 399)
le mème Jean Leblond, qu'il avait déjà indiqué comme
recu en 1681. M. Dussieux a confondu Jean avec An-
toine Leblond. Antoine Leblond, dont le séjour à Bor-
deaux est constaté en 1665, 1668, 1688 et 1690, fut
sans doute agréé par l'Académie en 1682, mais ne fut
probablement jamais reçu membre titulaire.
Postérieurement à l'époque où vivait Antoine Le-
blond, on trouve que, vers 1740, l'abbé de Saint-Ro-
537
main-de-Blaye était M. Denys Leblond. Était-ce un
descendant de notre académicien? On peut le suppo-
ser, car cet abbé, grand amateur des arts, fit graver
par Charles Dupuis, graveur distingué dont l'histoire
est aussi mêlée à celle des arts à Bordeaux, le célè-
bre et joli tableau du Mariage de la Vierge, par Carle
Vanloo. Ce tableau appartenait probablement, à cette
époque, à l'abbé Leblond ou au cardinal de Polignac,
à qui l'abbé dédia la gravure, chef-d'œuvre de Charles
Dupuis.
À ces indices, j'ajouterai que la notice des tableaux
du Musée de Bordeaux dit que le célèbre M. Taillasson ,
également né à Blaye, était un des descendants de M.
Leblond de Latour.
Après M. Leblond de Latour, l'homme le plus remar-
quable de l'École académique de Bordeaux était sans
contredit M. Larraidy, peintre et secrétaire de l'Aca-
démie, homme instruit et considéré, comme nous le
verrons bientôt par les lettres qu'il écrit et qu’on lui
écrit, mais sur lequel nous n'avons aucun autre ren
seignement.
M. Dubois, sculpteur, fut nommé, le premier, profes-
seur après M. Leblond de Latour; il faisait précéder sa
signature d’un P. Nous ne savons rien autre chose de lui.
M. Fournier aîné, peintre, jouissait sans doute
d'une certaine estime, quisqu'il est porté sur la liste
des professeurs avant M. Larraidy; M. Fournier jeune,
peintre, qui fut nommé premier adjoint à professeur ,
était probablement son frère. Tous les autres académi-
ciens sont également inconnus. M. Gaulier ou Gaul-
538
lier, Pierre et Jean Berquin, frères, Thibault et Dori-
mon, tous sculpteurs; MM. Bentus et Tirman, pein—
tres. M. Duclaire ainé, professeur de peinture, signe :
Duclaircq; tandis que M. Duclaire jeune, adjoint à
professeur, signe : Duclercq. Quant à M. Constantin,
le troisième des adjoints à professeur, nous ne savons
mème pas s’il était sculpteur ou peintre.
Espérons que ces remarques et nos recherches ulté-
rieures ne seront pas tout à fait inutiles, et qu'elles
contribueront à arracher à l'oubli quelques-uns des
hommes généreux dont les efforts tentèrent de doter
notre patrie d'une institution qui manque encore au-
jourd’hui non-seulement à son éclat et à sa gloire, mais
à sa prospérité et à son bonheur.
En attendant, reprenons l'histoire de la trop courte
existence de l'École académique bordelaise.
Quoique les lettres patentes de 1676 eussent réservé
au protecteur de l’Academie royale le privilège de dé-
signer le vice-protecteur de l'École académique, les
nouveaux académiciens choisirent eux-mêmes, pour
vice-protecteur de l'École académique de Bordeaux,
l'archevèque du diocèse, Mf' d'Anglure de Bourlemont ';
c'était non-seulement le choix le plus distingué qui
püt être fait, mais le plus heureux. L'intendant et le
gouverneur de la province avaient peu de crédit, le
Parlement était exilé, et pour faire tolérer dans une
ville de province un établissement où l’on devait faire
! Louis d’Anglure de Bourlemont, nommé Archevèque de Bordeaux le 6
septembre 1680, mort le 9 novembre 1697, à l’âge de 70 ans,
539
posé des personnes nues devant une réunion de jeunes
hommes, il ne fallait rien moins que la protection du
manteau vénéré du chef du sacerdoce bordelais. Heu-
reusement, M“ d'Anglure de Bourlemont avait une
piété tempérée par une large et haute éducation; il
comprit parfaitement, comme tant d'autres de ses pré
décesseurs et de ses successeurs, qu'il est des circons-
tances où l'intérêt de la société doit l'emporter sur les
mesquines exigences d'un zèle peu éclairé; et non-seu-
lement il consentit à être le protecteur de l'École aca-
démique, mais il lui donna un asile dans son palais
archiépiscopal. Le chef du clergé bordelais payait ainsi
aux artistes une partie des services que l'art rend à Ja
Religion.
Une marque de protection aussi ouverte et aussi
illustre stimula le zèle de MM. les Jurats, et les encou-
ragea à prêter aussi leur concours à cette utile institu
tion. Nous allons bientôt voir l'École académique passer
du palais archiépiscopal dans les bàtiments de la Muni-
cipalité.
Dès le 13 août 1691, une délibération de la Jurade
de Bordeaux permit à MM. Leblond de Latour, Four
nier el autres peintres et sculpteurs, d'établir une
École académique dans la ville, et leur concéda , dans
ce but, une des salles du collège de Guyenne, à con-
dition d'y faire à leurs frais les ouverture et les ferme-
tures nécessaires ‘.
Munis de cette autorisation, et avec l'agrément de
1 Prouves. n0 4.
2
540
M. Bardin, principal du collège, les artistes bordelais
mirent à profit le temps des vacances, et le 12 décem-
bre, une députation se présenta en Jurade pour prier
MM. les Jurats de vouloir bien leur faire l'honneur
d'assister , le dimanche suivant, à une messe solen-
nelle qu'ils se proposaient de faire célébrer dans la
chapelle du collége de Guyenne pour l'inauguration de
l'Académie. Les Jurats répondirent, que pour rendre
celte cérémonie plus célèbre, ils y assisteraient revè-
tus de leurs robes rouges .
En conséquence, le dimanche 16 décembre 1694,
au bruit du canon et cloche sonnante, MM. les Jurats,
vêtus de leurs robes rouges, sortirent de l'Hôtel-de-Ville,
précédés du chevalier du guet et de ses archers, des
héraults, massiers, trompettes, huissiers et autres offi-
ciers, pour se rendre dans la chapelle du collége de
Guyenne.
En tête de la Jurade, en l'absence de M. le marquis
d'Estrades, maire de Bordeaux, marchait M. d'Aste,
premier jurat, suivi de MM. Eyraud, Lavaud, Borie
de Poumarède, Leydet et Jeantille de Moras, jurats;
venaient ensuite M. de Jehan, procureur syndic, et
M. du Boseq, clere de la ville. Arrivés dans la cha-
pelle, ornée pour cette circonstance, et dans laquelle
on avait mis vis-à-vis la chaire un portrait du Roi,
sous un dais élevé sur un trône, messieurs les Jurats
furent placés au haut du balustre et du côté de l'Évan-
gile; M“ le marquis de Sourdis, commandant pour
? Preuves, n° 5,
541
S. M. en Guyenne, avait été placé au milieu du par-
terre ‘ avec beaucoup de personnes éminentes; et M:
d'Anglure de Bourlemont, archevèque de Bordeaux,
en camail et rochet, vint prendre place sur le marche-
pied de l'autel, du côté de l'Épttre. Pendant la messe, il
fut chanté un motet en musique et symphonie, et le
panégyrique du Roi fut prononcé avec éloquente et
applaudissements par M. l'abbé Barré *.
Le lendemain, 17 décembre, l'École fut ouverte, et
les études commencèrent dans la salle, au-dessus de
laquelle on lisait en gros caractères : Académie de
peinture et sculpture.
Nous ne savons pas d’une manière précise combien
de fois la nouvelle Académie s’assembla , et si elle le fit
régulièrement; mais d'après le peu de documents qui
nous sont restés de cette époque, nous serions tenté de
croire que l’Académie, une fois installée, se borna
principalement au professorat et se rassembla très-ra-
rement pour autre chose.
Cependant, dès le 26 janvier 1692, deux membres
nouveaux se présentèrent pour faire partie de l'Acadé-
mie : c'étaient M. Leblond de Latour, peintre, fils du
principal fondateur de l'Académie de Bordeaux *, et
! François d'Escoubleau de Sourdis, chevalier des ordres du roi, l’un de ses
lieutenants— généraux en ses armées, gouverneur et lieutenant — général. pour
S. M, des villes et duchés d'Orléans, pays Orléanais, Chartrain, Perchegouet ,
Sologne, Vendômois, Blaisois et dépendances d’iceux, et de la ville et château
d'Amboise, commandant en Guyenne et pays circonvoisins , avait fait son entrée
à Bordeaux le 11 avril 1690.
? Preuves, n° 6.
* Marc—Antoine Leblond de Latour avait été reçu, en survivance de la place
de son père, le 30 août 1690. Preuves, n9 3,
542
M. Lemoyne, sculpteur. L'Académie les agréa. Elle
demanda au peintre, pour morceau de réception, un
Christ en croix avec une Madelaine à ses pieds, sur
une toile d’un mètre de hauteur, élant du devoir, dit
le procès verbal, que le premier tableau exposé dans
l’Académie soit à la gloire du Sauveur. Cependant,
on demanda au sculpteur un portrait du Roi en grand,
en bois de noyer, pour mettre au-dessus de la porte
de l'Académie.
Les récipiendaires n'étaient sans doute pas riches,
et l'Académie modifia, dès la première fois, le montant
du cadeau en argent que ses Statuts exigeaient des
nouveaux membres. Elle ne leur demanda que 50 liv.
à chacun. Cette somme leur parut néanmoins trop
forte. Le 4 mars suivant, il y eut une nouvelle réunion
de l'Académie, qui abaissa à 30 liv. pour chacun le
présent des membres élus, et fixa à six mois le délai
pour exécuter leur morceau de réception.
Les nouveaux élus , présents à la séance, acquiescè-
rent à la délibération ‘. Néanmoins, ils eurent sans
doute beaucoup de peine à se procurer cette somme,
car sept mois après, le 4 octobre, une nouvelle déli-
bération de l'Académie les admit à prendre séance en
payant la moitié de la somme fixée, c'est-à-dire 45 liv.,
l’autre moitié devant être payée en livrant leur mor-
ceau de réception *.
\ Titres..…., n° 8.
? 50 liv. était une somme assez importante à cette époque. En 1625, Guil-
laume Cureau, peintre de l’Hôtel-de-Ville, eut une discussion avec les Jurats dont
il avait fait les portraits. Il demandait 60 liv. pour chacun. Les Jurats préten—
daient qu'ayant fourni les cadres, ils ne devaient payer que 30 liv.
543
Quoi qu'il en soit, voici donc l'École académique
complétement installée, fonctionnant régulièrement,
s'adjoignant de nouveaux membres, et commencant le
Recueil de ses registres et des objets d'art qui devaient
former avant peu un véritable et précieux Musée. Mal-
heureusment, la gloire des grands règnes a besoin, elle
aussi, de s'alimenter par les finances, et aux exigences
du fisc vinrent se joindre les convulsions administrati-
ves, qui devaient nécessairement amener l'établisse-
ment de cette séduisante unité d'action que nous allons
voir fonctionner et étouffer l'École académique dont
l'existence paraissait si bien assurée.
‘En effet, la tranquillité dont jouit l'École académi-
que ne fut pas longue. Cette même année, elle com-
mence à être attaquée par les traitants. Le 5 mars
1692, M. d'Estrehan, personnage important, et qui
était récemment venu à Bordeaux, écrit à Mf' l'Arche-
vêque qu'il n’a pas répondu plus tôt à la lettre du 16 fé-
vrier, parce que M. Mignard est malade. Enfin, il l'a
vu aujourd'hui même, dit-il, et dans une grande con-
férence qu'ils ont eue malgré les souffrances de M. Mi-
gnard, celui-ci a promis de porter l'affaire à la pre-
mière réunion de l'assemblée, et de s'employer de tout
son crédit auprès de M. de Ponchartrain pour faire
conserver ses priviléges à l'Académie de Bordeaux.
Comme M. Mignard est très-vieux et fort souffrant ,
M. d'Estrehan n'a pas négligé de se présenter chez les
principaux directeurs de l'Académie qui pourraient le
remplacer. Ils ont promis de faire prendre une délibé-
ration favorable à l'intérêt de leur École académique,
544
car c'est ainsi, selon eux, que l’Académie de Bordeaux
se doit qualifier. Et M. d'Estrehan recommande, comme
il en a déjà averti M. Larraidy, que l'Académie n’ou-
blie pas de garder ce degré de subordination envers les
anciens barbons de Paris, qui en sont fort jaloux. Pour
guérir la délicatesse du cœur de ses gros maîtres, il
faut se servir du terme nominal d'École académique
quand on leur écrit, mais laisser vulgariser le nom
d'Académie à Bordeaux et partout ailleurs.
La lettre de M. d'Estrehan contient une particularité
curieuse. Îl annonce à l'Archevèque, que dans une pro-
chaine lettre il lui rendra compte des démarches que
fait M. de Pontac contre M. d'Hugla, ce qui cause de
nouveaux embarras dans l'affaire de Bonséjour ‘.
Le 5 août 1692, M. Larraidy, secrétaire de l'Aca-
démie, écrivit à M“ le Chancelier pour se plaindre que,
contrairement aux priviléges accordés aux Académies
par les lettres patentes qui les ont établies, les agents
chargés du recouvrement des taxes imposées sur les
métiers et arts mécaniques, veulent comprendre les
académiciens dans leurs rôles, contrairement à linten-
tion de S. M., qui les eùt nominativement désignés
dans son édit si elle avait voulu les assujettir à la taxe.
L'Académie priait, en conséquence, MF le Chancelier
de vouloir bien faire comprendre à M. de Bezons ?, in-
tendant de Guyenne, la différence que S. M. faisait
entre les corps académiques et les corps de métiers,
\ preuves, n° 11.
? Preuves, n° 8.
545
ME de Bourlemont, archevèque de Boraeaux, vou-
lut bien ajouter sa recommandation à leur lettre, et
écrivit à M* le Chancelier en même temps que l'Aca-
démie ‘. Pour ne négliger aucune ressource, M. Lar-
raidy , secrétaire de l'Académie, écrivit aussi à M.
d'Estrehan pour lui demander son appui et le prier de
voir en leur faveur MM. Mignard et Guérin *.
Ces mesures obtinrent enfin un plein succès. Un
arrêt du Conseil ( nous ne l'avons pas trouvé), fit
rayer les académiciens desdits rôles, et désormais ils
purent continuer paisiblement leurs travaux.
L'orage semblait évité; mais à toutes les époques, les
agents du fise se sont montrés fort ingénieux à trouver
de nouvelles sources d'impots.
Bientôt après, les édits du mois d'août 1701 et de
juillet 1702 déclarèrent et confirmèrent l'hérédité des
offices de syndic et d’auditeur des comptes des com
munaulés. Sur l'avis du sieur de Labourdonnaye, alors
intendant de Guienne , la communauté des peintres,
sculpteurs et doreurs de Bordeaux, fut taxée à 1,200 liv.
et les membres de l'École académique furent sommés
par huissier, le 28 juin 1703, en la personne de M.
Leclerc ainé, demeurant au coin de la rue Maucoudi-
nat, au nom du sieur Valtrin, de payer la taxe comme
les autres.
Les poursuites furent plus vives que la première fois,
et les académiciens, ne sachant comme s'en garantir,
? preuves , n° 9.
! preuves, n° 10. .
540
M: d'Anglure étant mort, ils dénoncèrent cette nou-
velle tracasserie aux maire et jurats , et pour les enga-
ger à vouloir bien prendre l'Académie sous leur protec-
tion, ils les prièrent dors et déjà de désigner lun d'en-
tre eux pour visiter les travaux de l'École et faire faire
à leur salle les réparations nécessaires.
En même temps, M. Larraidy adressa une réclama-
tion à M. de Labourdonnaye, dans laquelle 1l exposa
que les académiciens n'avaient jamais été compris dans
les taxes imposées aux corporations, el le pria de dé-
fendre au sieur Valtrin de les poursuivre. Le 45 avril
1704, M. de Labourdonnaye ordonna au sieur Valtrin
de lui expliquer, dans trois jours, les motifs qui lui
faisaient poursuivre injustement les membres de l'Aca-
démie *.
Le 20 avril 4704, le sieur Valtrin répondit, avec cette
aisance et cette fatuité qui caractérisaient, alors comme
aujourd'hui, les hommes qui ne reconnaissent rien de
supérieur à l'administration à laquelle ils ont l'honneur
d'appartenir :
1° Que les lettres patentes de l'Académie ne contien-
nent aucune exemption des charges particulières des
villes ;
90 Que la taxe demandée est pour la confirmation
de l’hérédité des offices de la communauté dans la-
quelle les suppliants sont compris, et qui à déjà
payé 500 liv. pour cet objet;
3° Que les suppliants ne rapportent aucun titre jus-
! Titres. de L'École acad., n° 16.
547
üficatif de l'établissement de l'Académie de Bordeaux,
ni une liste de ceux qui en font partie.
En conséquence, le 25 avril, M. de Labourdonnaye
ordonna, qu'avant de faire droit, les académiciens
seraient tenus de produire, dans le délai de huitaine,
les titres qui leur étaient demandés et l'extrait du rôle
contenant les taxes qu'ils avaient payées.
Les pièces que nous venons d'analyser prouvent qu'il
ne fut pas difficile au sieur Leclerc aîné, en l'absence
du secrétaire, de produire les pièces demandées. Il les
remit le 7 mai 1704; quant à l'extrait du rôle, il ré
pondit avec raison, que n'ayant jamais payé aucune
taxe, il lui serait difficile d'en rapporter le rôle.
Néanmoins, l'affaire fut loin d'être terminée, et les
académiciens eurent encore à lutter contre les mesqui-
nes tracasseries des agents du fisc.
Dans sa détresse, l'École académique de Bordeaux
s'adressa à sa mère, l'Académie royale de Paris, et M.
Guérin; son secrétaire, toujours zélé pour ses collègues
bordelais, écrivit, le 29 septembre 1704 ‘, à M. de
Labourdonnaye, pour le prier, puisqu'il ne trouve pas
assez authentique le certificat que l'Académie de Paris
a déjà envoyé, de suspendre sa décision jusqu’au retour
du Roi de Fontaineblau, car S. M. n’a point changé
de sentiment à l'égard de l'Académie : elle continue tou-
jours à l'honorer de ses faveurs, et l'intention formelle
du Roi est d'élever en France les arts de peinture et
de sculpture à la plus haute perfection qu'il est
possible.
ÜPreuves, n9 11.
948
On est heureux de trouver de loin en loin de ces
nobles et belles paroles pour relever l'âme attristée du
spectacle pénible de ces ignobles luttes que l'insatiable
avidité du fisc livrait aux malheureux artistes. Pour
donner plus de poids à sa déclaration, M. Guérin fit
signer sa lettre des principaux officiers de l'Académie,
MM. Coysevox, Girardon et Coypel.
Le 30 mars 1705, M. Guérin éerivit à M. Larraidy ‘,
qu'il qualifie de peintre ordinaire du roi en son Acadé-
mie de Bordeaux, que l'Académie de Paris est aussi
impatiente que celle de Bordeaux de voir que ses solli-
citations auprès de M. Mansard ? ne produisent aucun
résultat, malgré les instances de M. Coysevox, nouveau
directeur de l'Académie.
Deux choses méritent d’être remarquées dans cette
lettre. M. Guérin la termine en assurant M. Larraidy
de son dévouement à son illustre Compagnie. Cette
épitre est scellée de deux cachets : l'un, porte des ini-
tiales croisées, comme c'était alors l'usage; l'autre, un
écu coupé : au premier, de sable au soleil d'or; au
deuxième, d'azur à la fleur de lys d'argent.
Ces armoiries sont timbrées d’un casque de chevalier,
et sont exactement celles du célèbre M. Lebrun, pro-
moteur et premier directeur de l'Académie de peinture.
M. Lebrun avait-il adopté les armes données à l'Acadé-
mie, ou l'Academie, par reconnaissance, se servait-
elle toujours du cachet de son ancien directeur? Quoi
1 Preuves, n° 12.
? Jules Ardouin Mansard, neveu du célèbre architecte français Mansard,
nommé surintendant des bâtiments et des manufactures royales en 1699, mort
le 11 mai 1718,
549
qu'il en soit, cest une circonstance qui nous à paru
curieuse à noter.
L'École académique de Bordeaux est done obligée de
faire de nouvelles démarches. Le 21 avril 4705 *, son
secrétaire écrit, au nom de l’Académie, à M. Mansard,
lui rappelle les faits, et fait valoir les services déjà ren-
dus par l'École bordelaise, dont il est sorti trois ingé-
nieurs alors au service. Pour intéresser plus particuliè-
ment M. Mansard à cette affaire, il ajoute adroitement
que l'Académie de Bordeaux compte sur la protection
de celui qui à été choisi par Louis-le-Grand, parmi
tant de beaux génies, pour diriger les beaux-arts, pour
obtenir de S. M. l'exemption qui seule peut empêècher
la destruction de tous les fruits obtenus par tant d'an-
nées d'efforts.
M. Larraidy écrivit en même temps à l’Académie de
Paris, et à M. Guérin en particulier ?. Néanmoins, ce
ne fut que le 24 septembre 1705 que M. Guérin an-
nonça aux académiciens de Bordeaux que leur demande
avait été enfin mise sous les yeux de M. d'Armenon-
ville, directeur des finances, et qu'on en espérait une
heureuse issue ©.
Il était temps, car M. Larraidy avait écrit, le 21
novembre 1705, à M. Guérin *, que les poursuites du
traitant étaient devenues si fatigantes, que les académi-
ciens bordelais s'étaient résignés à payer provisoire-
! Preuves, n° 13.
? Preuves , n° 14.
* Preuves, n° 15.
* Preuves, n° 16.
550
ment, jusqu'à ce que M. d'Armenonville leur ait enfin
rendu justice. On sent que l'Académie était lasse, et que
sa fin approchait.
Cependant, le 12 janvier 1706, un arrêt du Conseil
d'État ‘, rendu sur la requête de l'Académie de Paris,
au rapport du sieur Fleuriau d'Armenonville, et dont
l'expédition est contresignée Leseurre, déchargea les
membres de l'École académique de Bordeaux, et tous
ceux des Écoles que l'Académie avait établies dans
d'autres villes { nous n’en connaissons aucune , comme
nous l'avons déjà dit), de leur contribution à la taxe
spéciale, dont ils demandaient à être exempts.
La tranquillité que cet éclatant succès procura aux
membres de l'École académique ne fut pas de longue
durée. Pour faire de grandes choses, il faut de grandes
sommes, et pour se procurer ces grandes sommes, les
grands rois eux-mêmes sont obligés d'employer de pe-
tits moyens. 4
Vers 1709, les académiciens récemment exemptés
des taxes ordinaires des corporations, furent sommés,
par le même M. Valtrin, directeur de la recette géné-
rale des finances de Guyenne, demeurant rue du Cha-
peau-Rouge, à Bordeaux, de payer leur quote-part de
la somme de 25 liv. pour le dixième des revenus du
commerce et industrie des marchands, négociants et
artisans d'icelle. On voit par là que les idées qui
paraissent jeunes et belles à quelques adorateurs du
budget, sont renouvelées des vues démocratiques d'un
\ Titres..., n9 22.
551
grand socialiste, Louis XIV, qui voulait, lui aussi, que
tout appartint à l'État.
M. Larraidy, secrétaire de l'Académie, mit donc
encore la main à la plume, et s'adressant au nouvel
intendant de Guyenne, M de Lamoignon, comte de
Launay-Courson, etc., lui cita l'arrêt tout récent que
l'Académie avait obtenu du Conseil d'État, et lui démon-
tra, avec une certaine fierté, que les académiciens ne
pouvaient être confondus avec les autres peintres,
sculpteurs et doreurs qui ne sont pas du corps acadé-
mique, et n'ont pas la jouissance des privilèges ac-
cordés, à juste titre, à un art que les plus grands
hommes des siècles passés ont tenu à honneur d’exer-
cer, el pour lequel les plus grands conquérants ont
eu de la vénération.
Une note marginale de la main même de MF de La-
moignon témoigne que l’intendant approuva la récla-
mation de l'Académie .
Cette requête de 1709 est le dernier vestige, j'allais
presque dire le dernier soupir de l'existence de l'École
académique de Bordeaux. Elle s’éteignit bientôt après,
sans doute, sans quoi nous eussions trouvé des traces
de nouvelles exigences du fise. Il suflit, pour anéantir
notre Académie, d'un simple accident, peut-être de la
mort de M. Larraidy. Ne nous en étonnons pas. Si les
arts ont quelquefois fleuri au milieu des guerres civiles
etdans l'effervescence des partis politiques, it n'existe pas
un seul exemple qui nous les montre en progrès à une
MTelres mul.
552
époque de décrépitude et d'abaissement. Or, ce règne
si glorieux de Louis-le-Grand portait enfin ses fruits si
connus, mais trop souvent oubliés. Tout décroissait,
excepté la misère et la corruption. L'Académie de Pa-
ris se soutenait à peine, celle de Bordeaux disparut.
Il y avait à peine vingt ans que la pensée mère de
Colbert, l'organisation et l'affiliation des Académies pro-
viaciales à celle de Paris, avait été formulée, et déjà
elle était complétement oubliée ‘; le goùt des arts s'était
perdu, parce qu'il n’y avait plus eu ni discipline ni règle.
Contrairement à une assertion trop souvent répétée,
cette notice nous fait voir, que lorsque Louis XIV pro-
tège les arts et institue des Académies et des Écoles, les
arts fleurissent ; lorsqu'il les néglige , les académies s’étei-
gnent et les arts tombent. Louis XV réorganise les
Académies, et les arts renaissent. Je n'ai pas besoin de
citer ce qui s'est passé de nos jours, en 1793, et à l'or-
ganisation de l'Institut.
‘ L'École ou l'atelier de peinture fondé à Toulouse par M. Dupuy-Dugrez n'a-
vait rien de commun avec les Écoles académiques fondées par M. Colbert, puis—
que les médailles qu’on y distribuait portent cetle inscription : Tolosæ Pallad.
præmium graphices privato sump datum. Et, chose singulière et qui montre
combien les documents que nous venons de publier sont précieux et contredisent
l'opinion jusqu'ici la plus répandue sur ce sujet, c’est que le savant auteur de
l'Histoire des Institutions de Toulouse, M. Dumège, auquel nous empruntons
cette note, en prend l’occasion de faire les réflexions suivantes : « Les magistrats
» municipaux ne pouvaient s’habituer à la pensée qu'il y aurait dans cette École
» des modèles vivants des deux sexes..….; il ne put vaincre à cet égard l'opposi-
» tion systématique des magistrats. Il crut alors devoir s'adresser au roi; mais
» on ne croyait pas qu'il dût y avoir des artistes en province, et Louis XIV rejeta
» le projet de Michel. » Hist. des Inst. de Toulouse, t. IV, pag 361 et 362,
Et voilà comment s'écrit l’histoire !
553
PIÈCES JUSTIFICATIVES ET PREUVES.
N° 1.
Lettre de M. Guérin, secrétaire de l'Académie Royale de
Peinture et de Sculpture de Paris, à M. LEBLOND DE
Larour, à Bordeaux.
Monsieur,
Ne vous impatientes pas, s’il vous plaist, si jusqu’à pré-
sent vous n’avez point eu de nouvelle sur vostre affaire ;
les indispositions de Monseigneur de Louvois en ont esté
cause, et le voyage qu'il faict à Forget pour prendre des
eaux. Jay bien de la joye que vous ayes découvert celuy
qui a escript la lettre malicieuse que je vous ay envoyée.
Il mérite assurément d’en estre puni. J'en parleray samedy
prochain à l’Académie. Soyes, s’il vous plaist, persuadé
que je n’ay point oublié ce que vous désirez de moy, et
que je ne laisseray pas eschapper les moments où je vous
pourray rendre service, que je m'y employe tout entier, car
je suis assurément à M. Larraidy et à vous, Monsieur,
Vostre très-humble et très-obéissant serviteur,
GUÉRIN.
Ce 26 juillet 1688.
Au dos : A Monsieur
Monsieur Leszonn pe LATOUR, peintre ordinaire du Roy, en son
Académie Royalle de Peinture et Sculpture,
À Bourdeaur,
No 2.
Lettre de M. Guérin, secrétaire de l'Académie Royale, à
MM. les Membres de l'École académique de Bordeaux.
Messieurs,
Je vous avoue que c'est avec chagrin que j'ay esté si
longtemps sans avoir l'honneur de vous escrire; mais j’es-
pérois toujours que vostre affaire finiroit et que je pourrois
vous mander quelque chose de plus positif, car toute lA-
cadémie va rendre au commencement de l’année ses de-
voirs à Monseigneur de Louvois , son protecteur. Je croyais
que l’on trouveroit l’occasion de luy faire signer les arti-
cles qui ont esté dressés pour vostre Establissement, car il
ne reste que cela à faire : je les avois portez pour ce sujet;
mais on le trouva si occupé par les grandes affaires qu'il a,
que l’on ne trouva pas à propos de l’en importuner. Je suis
bien aise que vous ayez escrit à l’Académie, cela me don-
nera occasion de presser. Pour moy, je n’ay rien à me re-
procher, et feray toujours tout ce qui sera possible pour
vous rendre service. Je vous manderay ce que l’Académie
aura ordonné sur vostre lettre, que je luy présenteray le
dernier samedy de ce mois, qui est la première assem-
blée.
Je viens de faire voir à M. Lebrun la lettre que vous me
faites l'honneur de m’escrire, et celle pour l’Académie. Il
est toujours dans la même disposition de vous rendre ser-
vice et de seconder vostre zèle autant qu’il pourra. Je le voy
dans la pensée de finir vostre affaire au plus tost.
555
Je suis toujours, avec beaucoup d’estime pour vostre mé
rite et bien du respect, Messieurs,
Votre très-humble et très-obéissant serviteur,
GUÉRIN.
Ce 24 janvier 1689
N° 3.
Extrait des Registres de la Jurade, du mercredi
30 août 1690.
S’est présenté Antoine Leblond de La Tour, peintre or-
dinaire de la ville, qui a prié MM. les Maires et Jurats
vouloir recevoir à sa place en survivance , Marc-Antoine-
Leblond de Latour, son fils, en qualité de peintre ordinaire
de la ville, pour jouir, après le décès dudit Antoine-Leblond
de Latour, son père, des mesmes gages, émoluments, hon-
neurs et prérogatives. À esté délibéré qu’acte est octroyé
audit Latour, et qu’à sa place est reçu en survivance Marc-
Antoine-Leblond de Latour, son fils, pour jouir par ledit
Marc-Antoine des mesmes gages, émoluments, honneurs
et prérogatives après le décès dudit Antoine, son père, et
à l'instant le Marc Antoine Latour a presté le serment au
cas requis.
D'Estranes , »aire; »'EsriGnozs pe LANCRE, GRécoIRE .
BarkEyRE, BoRie, J. CaRrENTEY , jurats': Durosco.
clerc de ville.
\ Le sixième jurat était M. Secondat de Montesquieu, absent.
36
556
N° 84.
Extrait des Registres de la Jurade de 1691, du 13
août 16914
Les maire, jurats, gouverneurs de Bordeaux, juges cri-
minels et de police, ayant esgard à la requeste des sieurs
Leblond de Latour, Fournier, Larraidy, Dubois et Berquin,
et autres peintres et sculpteurs, leur permettent, confor-
mément aux patentes de Sa Majesté du mois de novembre
1676, et règlement fait en conséquence, et l'approbation
de l’Académie Royalle de Peinture et Sculpture du 5 no-
vembre 1690, d’establir en la présente ville une Escole
académique de peinture et sculpture; à ces fins, leur ont
concédé une salle dans le Collége de Guyenne pour faire
leurs exercices, à la charge de faire toutes les fermures né-
cessaires pour empescher l'interruption qui pourroit sur-
venir, tant par les escoliers que principal et régent, et qu’ils
feront une ouverture à la grande rue, de sept pieds de hau-
teur et quatre de largeur, et que les degrés qui y faudra
faire seront en tout enfoncés dans la muraille que faire ce
pourra; en oultre , les fenestres du costé du parterre seront
fermées jusques au second grilhat , et que lesdits peintres
et sculpteurs pourront faire ouvrir, si bon leur semble, les
deux fenestres qui sont sur la rue, comme aussy de mestre
une inscription sur la porte , en ces termes : Académie de
Peinture et Sculpture. Et pareillement que, au cas que les-
dits sieurs maire et jurats eussent besoing de ladite salle,
lesdits peintres et sculpteurs seront obligés de la quitter,
et pourront emporter toutes les peintures, sculptures et
autres effets, pourvu qu'elles ne soient attachées à la mu-
551
raille , et à la charge aussy de remettre les choses en pre-
mier estat.
Borte, CaRPENTEY , Daste, Eyraun, Lavaun, jurats.
(La délibération fut, par mégarde, copiée deux fois sur le registre, au f0 113
et au fo 115).
N° s.
Extrait des Registres de la Jurade de Bordeaux,
du 12 décembre 1691.
Se sont présentés en Jurade les peintres et sculpteurs de
la présente ville, qui ont prié MM. les maire et jurats de
vouloir, dimanche 16 du courant, leur faire l'honneur d’as-
sister à une messe et au panégyrique du Roy, qu'ils veu-
lent faire faire dans le Collége de Guyenne, à l'honneur
d'une nouvelle Académie de peinture et de sculpture qu’ils
ont estably dans la présente ville, dans ledit Collége, dont
MM. les maire et jurats sont patrons, sur quoy eu déli-
bération.
Les maire et jurats gouverneurs de Bordeaux, juges cri-
minels et de police, ont délibéré de se donner (sic) à la-
dite cérémonie revestu de leurs robes rouges, pour la ren-
dre plus célèbre et sans tirer à conséquence.
EyrauD , LEYDET, POUMAREDE , JENTILLE DE
Monas, jurats.
DS
N° 6.
Extrait du Registre de la Jurade de Bordeaux, du
dimanche 16 décembre 1691.
MM. les jurats estant assemblés dans l’Hostel-de-Ville,
en exécution de la délibération du 42 du courant, sont par-
tis dudit Hostel revestus de leurs robes rouges, précédés
du chevalier du guet et de ses archers, du héraut massié,
trompettes et huissiers, et autres officiers accoutumés, pour
se rendre dans la chapelle du Collége de Guyenne, et as-
sister à l'ouverture de l’Académie de peinture et sculpture,
comme estant patrons dudit Collége et ayant donné la per-
mission ; là où estant arrivés , ils auroient esté placés au
haut du balustre, du costé de l'Évangile, et Monseigneur
le marquis de Sourdis, commandeur dans la province, s’y
estant rendu , a esté placé au milieu du parterre; et Mon-
sieur l’Archevesque ayant esté prié d’y assister par ceux de
ladite Académie , auroit esté placé sur le marchepied de
l'autel, du costé de l'Épistre, en camail et rochet, où il se
fit un discours contenant le panégyrique du Roy, prononcé
par l'abbé Barré; et du costé des fenestres, il y avait le
portrait du Roy sous un dais eslevé sur un trosne et vis-
à-vis de la chaire où l’on a accoutumé de prescher; et la cé-
rémonie finie, lesdits seigneurs , jurats, procureur, scindiq
et clerc de ville se retirèrent audit Hostel, au mesme rang
et ordre que dessus , pour y quitter leurs robes.
La Jurade était alors composée de :
MM. D’EsrRane , maire, absent; p’ASTE, Exraup, Lavaun ,
BoriE DE Poumarène, LEyner, JENTILLE pE Moras , ju-
rals; dE JEAN, procureur-syndic; Du Bosc, clerc de ville.
359
N° 7.
Lettre de M. D'ESTREHAN , à Monseigneur l'Archevéque
de Bordeaux.
A Paris, le 5e mars 1692.
J'ay différé, Monseigneur, à répondre à la lettre que
V. G. m'a fait l'honneur de m'’escrire le 46 du passé, au
sujet de la taxe de MM. les peintres et sculpteurs de l'A-
cadémie de Bourdeaux, parce que M. Mignard, chef de
l’Académie Royalle, était indispozé , et que c'étoit à luy
qu'il falloit insinuer les justes remontrances pour soutenir
l'exemption portée par les lettres patentes.
Enfin, Monseigneur, j'ay eu ce matin une longue con-
férence avec M. Mignard , que j'ay trouvé fort incommodé
d’un rhumatisme; et l'ayant prié, de vostre part, d’avoir
la bonté de protéger l’Académie de Bourdeaux dans cette
occasion , il m'a dit qu’il n'avait encore eu aucune connois-
sance de cette affaire; mais que dans la première assemblée
qui se tiendra, il ne manquera pas d'en parler, et qu’il em-
ployera volontiers tout son crédit et tous ses amys auprez
de M. de Pontchartrain, pour faire conserver l’Académie
de Bourdeaux dans les mêmes priviléges et prérogatives
que celle de Paris, étant juste qu’elle jouisse des mesmes
advantages, puisqu'elle travaille pour le bien publie et pour
la gloire du Roy. Il m'a ajouté qu'à votre considération,
Monseigneur, il redoublera ses empressements en faveur
de ces Messieurs, et qu’il prendra plaisir à donner en cette
rencontre des marques de son devoir et de son respect.
Comme M. Mignard est valétudinaire et fort âgé, et que
peut-estre sa santé ne luy permettra pas d'aller à l’assem-
blée, j'ay fait le même compliment aux principaux direc-
560
teurs qui sont en tour d'y assister, et qui m'ont promis de
faire prendre une délibération pour appuyer et favorizer
cet intérêt de leur école académique, car c’est ainsy qu'ils
prétendent que l’Académie de Bourdeaux se doit qualifier
envers celle de Paris. J'en ay adverti autrefois M. Larraidy.
C'est un degré de subordination dont ceux-cy paraissent
fort jaloux, surtout les anciens Barbons, qui veulent faire
valoir le droit de supériorité sur les filiations subalternes
des provinces. Pour guérir cette délicatesse qui touche le
cœur des gros maîtres , il faudrait se servir du terme no-
minal d'école académique quand on leur écrit, et laisser
vulgariser le nom d’Académie à Bourdeaux et partout ail-
leurs, comme je l’ay conseillé sur les lieux.
Je vous rendray conte, Monseigneur, par le prochain
ordinaire , des mouvements que se donne icy M. de Pontac
contre M. d'Hugla, ce qui cause de nouveaux embarras
dans l'affaire de Bonséjour.
Je vous suis toujours, Monseigneur, et vous seray à ja-
mais entièrement dévoué.
D'ESTREHAN.
No 8.
Requête de l'École académique de Bordeaux, envoyce à Paris
à Monseigneur le Chancelier, le à août 1692. (Copie.)
Monseigneur le Chancelier,
Les peintres et sculpteurs qui composent l’Académie de
la ville de Bourdeaux, remontrent très-humblement à vostre
Grandeur, qu'ayant plu au Roy d'accorder des lettres paten-
tes pour lestablissement des Académies de peinture et
561
sculpture dans les principales villes du royaume où elles
seront jugées nécessaires, on à estably une académie des
mesmes arts à Bordeaux, par des lettres patentes qui ont
esté envoyées par l’Académie Royalle de Paris à quelques
peintres et sculpteurs de la mesme ville , qui ont observé
toutes les formalitez requises, ayant pris Monseigneur leur
Archevesque pour leur vice-protecteur, conformément aux
intentions de Sa Majesté, qui veut qu’on choisisse pour
vice-protecteur une personne esminente en dignité, dans
les mesmes provinces où les Académies seront establies.
Lesdits académistes ayant joui assez paisiblement jusqu'à
présent de leurs estudes depuis leur establissement, qui
n'est que du mois de décembre 4691, se voyent aujourd’huy
troublés à leur avènement par les autres peintres et sculp-
teurs de la mesme ville , qui, d'intelligence avec ceux qui
sont chargés du recouvrement des taxes imposées sur les
métiers et.arts mécaniques , les veulent comprendre dans
leur corps pour les y rendre sujets, sans avoir égard aux
patentes et aux priviléges accordés par Sa Majesté auxdits
peintres et sculpteurs qui entretiennent l'Académie à leurs
dépens , au profit de la jeunesse et à l’ornement de la ville.
Que si cela avoit lieu, Sadite Majesté auroit compris dans
son esdit les Académies des Arts et des Sciences ; mais n’en
faisant aucune mention, vous estes très-humblement sup-
plié, Monseigneur, de vouloir faire connaître à M. de
Bezons, intendant de cette province, la distinction que Sa
Majesté fait des Académies d’avec les corps de métiers, afin
qu’on laisse jouir les suppliants, qui sont au nombre de
quatorze, du fruit de leurs estudes, et qu'ils ne soient pas
inquiétés pour raison desdites taxes par les autres peintres
et sculpteurs de la ville, qui sont beaucoup plus en nombre
qu'eux, et ils continueront leurs vœux et leurs prières pour
Ja santé et prospérité de vostre grandeur.
562
N°9.
Lettre de Monseigneur l'Archevêque de Bordeaux, à Mon-
seigneur le Chancelier, le 5 août 1692. (Copie.)
Monseigneur,
Je dois vous dire que dans l'Académie des peintres et
sculpteurs qu'il a plu au Roy faire establir icy, il s’y trouve
des sujets qui s'appliquent avec diligence, et font espérer
de bien réussir. Ils ont l'honneur, Monseigneur, de vous
présenter une requeste pour estre conservés dans les pri-
viléges que le Roy leur accorde; cette grâce leur donnera
du cœur pour travailler avec plus de soin. Je joins mes
supplications aux leurs, et suis avec tous respects, Mon-
seigneur ,
L LOUIS,
Avrchevesque: de Bourdeaux
No 10.
Lettre de M. Larraiy, secrétaire de l'Académie de Bor-
deaux, à M. D'ESTREHAN, à Paris, envoyée le 5 août
1692. (Copie.)
Monsieur,
Comme on nous veut inquiéter au sujet des taxes impo-
sées sur tous les corps de métiers, nous sommes après à
défendre nos droits avec toute la vigueur possible, estant
animés par Sa Grandeur, qui prend nostre cause fort à
503
cœur, ayant bien voulu se donner la peine d’escrire à Mon-
seigneur le Chancelier, en lui envoyant une requeste de
nostre part, suivant l’avis que j'en ay recu de M. Mignard,
qui m'a fait l'honneur de m'’escrire qu’il n’y auroit auçune
difficulté pour obtenir ce que nous souhaitons, si Monsei-
gneur se donnoit cette peine: mais comme on a besoin de
sollicitations dans les meilleures causes, j'ose vous prier,
par ces lignes, de continuer vos bontez pour l'exercice de
la vertu, et sollicitant incessamment une réponse de Mon-
seigneur le Chancelier à Monseigneur lArchevesque. Si
“ous jugez à propos et que vous ayez la commodité de voir
M. Mignard et M. Guérin, qui sont forts dans nos intérests,
nous laissons le tout à vostre volonté Comme je suis per-
suadé que vous ne vous lassez jamais de faire du bien, j'at-
tends cette grâce de vous pour joindre à toutes les autres ,
qui m'engagent à me dire éternellement, Monsieur,
Votre très-humble et obéissant serviteur,
LARRAIDY.
N° 11.
Lettre de M. Guérin, secrétaire de l'Académie Royale de
Peinture et Sculpture de Paris, à Monseigneur de La-
BOURDONNAYE, conseiller du Roi en ses conseils, maitre
des requêtes ordinaires de son hôtel, intendant de la
généralité de Bordeaux, écrite de Paris le 29 septem-
bre 1704. (Copie. )
Monseigneur ,
L'Académie Royalle de Peinture et de Seulpture a cru
que vous écouteriez favorablement la très-humble prière
564
qu’elle se trouve obligée de vous faire en faveur de l'École
académique établie à Bordeaux, en conséquence des lettres
patentes du Roy, et elle espère que vous lui ferez la justice
de la protéger contre les traitans , qui prétendent la com-
prendre dans l'imposition qui est faitte sur les corps de
métiers. Ceux qui composent cette École ont écrit à la Com-
pagnie que vous aviez différé à prononcer sur leurs con-
testations , jusqu’à ce que vous eussiez esté mieux informé
que l’Académie n’est point comprise dans cette taxe. Elle
a déjà envoyé un certificat pour justifier de ce fait, qui est
connu de tout le monde, et ce qu'elle prend à présent la
liberté de vous demander, Monseigneur, est que comme
ce certificat n’a pas paru assez autentique, d'avoir la bonté
de faire différer les poursuites jusqu’après le retour du Roy
de Fontainebleau , pour avoir le tems de prendre des me-
sures pour les faire cesser, Sa Majesté n'ayant point changé
de sentiment à l'égard de l’Académie, qu’elle honore tou-
jours de ses grâces, de pensions et d’un appartement dans
le Louvre. La Compagnie est persuadée que vous lui ac-
corderez ce qu’elle attend de vostre bonté, avec d'autant
plus de confiance, que vous savez que l'intention du Roy
est d'élever en France les arts de peinture et de sculpture
à la plus haute perfection qu'il est possible, et que Sa Ma-
jesté n’a point trouvé de meilleur moyen pour y réussir que
l’establissement de l'Académie. Elle a fait signer ce placet
par ses principaux officiers, qui ont autant de respect que
d'estime pour vostre personne.
CoysEvaux, GIRARDON , COYPEL.
Par l'Académie,
GUÉRIN.
565
No 12.
Lettre de M. Guérin, secrétaire de l'Académie Royale de
Paris, à M. Larrainy, secrélaire de l'École académique
de Bordeaux, :
Monsieur,
Je ne doute point que vous ne soyez dans une grande in-
quiétude de ne point recevoir des nouvelles de vostre affaire,
estant dans une situation aussi fächeuse que celle que vous
me faittes l'honneur de me marquer. L'Académie est aussi
dans l’impatience de voir que ses sollicitations auprès de
M. Mansard ne produisent point l’effect qu'il faict toujours
espérer à la Compagnie, mais dont elle ne voit pas la fin.
Aussitost que j'ay eu receu vos deux dernières lettres , l’A-
cadémie m’ordonna d’en eserire à M. Mansard, et de luy
renouveler les instances en vostre faveur. Je luy ay mesme
envoyé vos deux dernières lettres, afin qu'il fût convaineu
de l’estat où vous vous trouvez; mais quoiqu'il ayt receu
ces deux lettres, et que dans l’entretemps de l’une à l’autre
il ayt encore promis à M. Coysevox, nostre directeur, qui
eut occasion de luy parler, qu’il songeoit à vostre affaire et
qu'il donneroit à l'Académie la satisfaction qu’elle attend de
lui, jusqu'à aujourd’hui je n’ay receu aucune nouvelle.
Comme je vous fais un récit fidèle de ce qui s’est passé,
vous jugerez de l'embarras de la Compagnie et des mesu-
res que vous croirez le plus à propos de prendre dans de
pareilles circonstances. Si j'aprens quelque chose de plus
favorable, je vous le feray savoir aussitost. Ce que je vous
puis assurer, est que je n’ay manqué à rien de ce que je
506
pouvais faire de ma part, estant très-parfaittement à vostre
illustre Compagnie et à vous en particulier, Monsieur,
Votre très-humble et très-obéissant serviteur,
GUÉRIN.
Ce 50 mars 14705.
Au dos : A Monsieur
Monsieur Larraipy, peintre ordinaire du Roy, en son Académie
de Bourdeaux, :
À Bourdeaux.
N° 13.
Lettre de M. Lanrainy , secrétaire de l'École académique
de Bordeaux, à MM. de l'Académie Royale, envoyée le
21 avril 1705. ( Copie.)
Messieurs ,
Comme nous sommes informés des bontés que vous avez
toujours pour nostre Compagnie , nous ne cessons de vous
en marquer nos très-humbles reconnaissances, en vous
priant de nous continuer l'honneur de vostre protection, de
laquelle nous avons toujours plus de besoin dans les pour-
suittes continuelles du traittant. Nous aimons mieux souf-
frir les contraintes, que de consentir à la destruction de
nostre Académie. Nostre espérance ne nous paroît point
mal fondée, tant que vous daignerez vous employer à l'af-
fermissement de vostre ouvrage; et comme nous croyons
bien que M. Mansard effectuera ce qu'il voûs a promis en
nostre faveur, nous l’attendons toujours avec soumission.
Nous nous donnons , Messieurs, l'honneur de lui écrire
à ce qu'il lui plaise nous obtenir ce que vous avez la bonté
5067
de lui demander pour nous ; mais comme nostre Compä-
gnie ne fera jamais rien sans vostre participation , nous
vous envoyons la lettre, affin d'en disposer selon vostre
prudence ordinaire, persuadés que vous ne ferez rien qu’à
nostre avantage ; aussi serons-nous toujours avec respect,
Messieurs,
Vos très-humbles et très-obéissants serviteurs.
LES ACADÉMICIENS DE BORDEAUX.
Par l'École académique :
LARRAIDY.
No L4.
Lettre de l'Académie de Bordeaux, à M. GuéRin, secrétaire
de l'Académie Royale de Paris, envoyée le 21 avril
1705. (Copie.)
Monsieur,
Nostre Compagnie est si sensible aux continuations de
vos bontez, qu’elle espère une heureuse issue de nostre
affaire tant que vous daignerez continuer vos sollicitations.
Nous suporterons toujours les contraintes autant que nous
pourons, fondez sur cette espérance. Comme nous apre-
nons, par vostre dernière, que M. Mansard est toujours
dans la volonté de donner à l’Académie Royalle la satisfac-
tion qu’elle attend, nous nous donnons l'honneur de lui
écrire et nous envoyons la lettre à vostre illustre Compagnie,
qui en disposera à sa volonté. Ayez, s'il vous plait, la bonté
de nous faire savoir le succès d’icelle, et soyez persuadé
568
que nous sommes avec toutte la reconnoissance et le zèle
possible, Monsieur,
Vos très-humbles et très-obéissants serviteurs.
LES ACADÉMICIENS DE BORDEAUX.
Par l'École académique :
LARRAIDY.
No 15.
Lettre de M. Guérin, secrétaire de l'Académie Royale, à
M. Larrarny , secrétaire de l'Ecole académique de Bor
deaux.
Monsieur,
Je viens d’aprendre tout présentement que l’on à mis les
Mémoires que j'ay faicts sur vostre affaire entre les mains
de M. d'Hermenonville, directeur général des finances, et
qu'il a promis d'y mettre ordre incessamment. Comme je
cherche à vous faire tout le plaisir qu’il m'est possible, j'ay
voulu vous en donner avis au plus tost, sans même atten-
dre le temps de l’Assemblée, qui se fera samedy prochain.
Lorsque je sçaurai quelque chose de plus, je vous le feray
sçavoir.
Je suis très-parfaitement à vous et à vostre Compagnie,
Monsieur,
Vostre très-humble et très-obéissant serviteur.
GUÉRIN.
Ce 24 septembre 1705.
Au dos : A Monsieur
Monsieur Larrarpy, peintre ordinaire du Roy, en sor Académie
de Peinture et de Sculpture,
A Bourdeaux.
569
N° 16.
Lettre de M. Larrarny, secrétaire de l'École académique
de Bordeaux, à M. GuÉnin, secrétaire de l'Académie
Royale de Paris, envoyée le 21 novembre 1105. (Copie.)
Monsieur ,
Nostre Compagnie, toutte persuadée de vos bontez et de
la continuation de vos soins pour elle, m'a chargé de vous
remercier, de sa part, de la dernière dont vous m’avez ho-
noré, qui nous à servi jusqu'à présent de rempart contre
les poursuittes du traittant; mais enfin, ennuyé de tant de
remises, dont, dit-il, on nous repaist à Paris, il continue
à nous chagriner fortement, de manière que nous payons
actuellement les contraintes qui nous viennent de sa part.
Cela fait que nous réitérons nos instances auprès de vostre
illustre Compagnie , à ce qu’elle ait la bonté de solliciter
M. d'Hermenonville à nous sortir de peine. Nous attendons
nostre repos de la continuation de sa protection, et nous
vous prions de joindre vos instances aux nostres à la pros-
chaine Assemblée, et de nous donner avis des délibérations
qui seront prises à ce sujet. C’est la grâce qu’attendent de
vous ceux qui sont en général, et moy en particulier,
Monsieur,
Vostre très-humble et obéissant serviteur.
Par l'École académique de Bordeaux :
LARRAIDY.
TABLEAU MÉTÉOROLOGIGQUE.
AVRIL 1853.
oo
JOURS BAROMÈTRE A 0. TEMPÉRATURE.
DENOMIMOL Le RARES seen Nid <a
7 h. du m.| 2h. dus. | 9h.dus. | Maxima. Minima.
EDIT RE EU EE EU SOVERNT EE 2 | SN
i 153,178 | 756,35 | 760,60 1401 805
2 64,33 64,69 65,02 15,3 45,0
3 60,91 64,09 63,46 16,1 6,0
k 64,32 | 65,78 | 67,51 | 43,4 10,4
5 68,57 | 68,88 | 69,19 | 14,6 11,6
6 66,88 63,37 64,64 22,0 3,0
7 61,48 62,53 63,76 20,8 14,0
8 62,38 63,05 65,04 44,7 9,4
9 69,23 68,1% 70,08 414,4 52
10 70,78 67,53 67,51 15,2 4,0
41 6®,72% 67,89 » » k,0
42 65,7% 61,86 59,43 » »
13 56,48 54,07 57,170 » »
4% 60,41 62,28 65,17 11,5 »
15 66,67 | 67,74 | 69,17 | 14,4 3,2
46 69,09 67,77 67,91 45,5 4,5
17 67,26 66,39 66,03 12,7 4,0
18 64,54 62,17 60,60 20,0 6,8
49 58,75 57,06 53,03 22,0 9,0
20 59,02 60,29 60,71 16,6 9,5
24 57,90 55,76 55,31 15,5 6,7
71?) 54,29 54,23 56,41 16,2 14,0
23 58,86 63,145 66,86 A2, 10,4
24 67,37 65,35 63,68 17,9 6,0
Ds) 57,98 56,47 59,48 11,5 0,7
26 59,52 59,02 61,34 13,2 4,5
27 60,35 57,76 53,78 44,1 5,7
28 53,40 53,08 53,08 15,2 10,0
29 52,50 54,33 55,43 14,6 8,6
30 55,4% | 55,67 57,29 18,7 5,7
MOYENNES E | TE
du irau 40! 64,24 64,1% 65,38 46°06 8,01
du 44 au 20| 63,57 62,81 62,75 | 46,10 5,86
du 21 au 30| 57,72 | /57,48 58,27 | 15,10 71,40
Moy. générale.| 64,84 | 64,38 | 62,44 | 45,71 | 7,22
Température moyenne du mois... 1105. Pluie dans le mois... 42mm
571
MAI 18553.
JOURS BAROMÈTRE A 0°. TEMPÉRATURE.
L
DU MOIS. ATP Ml
7 h. du m | ?2h.dus. | 9h.dus. | Maxima. | Minima.
Hi = En 0 SRE CRE RARES ETS
À 157,58 | 755,45 | 754,85 24°0 9,2
2 54,96 | 55,57 58,23 20,0 9,3
| 3 59,3 59,89 | 60,45 | 144,4 9,1
% 60,48 | 58,31 56,84 47,9 8,9
| 5 54,76 54,83 | 54,69 20,4 8,8
4 53,24 52,72 53,02 17,8 9,5
8 53,60 » 57,28 17,8 | 9,6
9 54,93 | 84,24 | 58,52 18,7 7,1
10 61,58 | 61,09 | 60,44 16,2 4,6
11 55,95 | 54,32 | 55,96 12,9 10,3
12 59,75 | 60,46 | 60,66 416,3 7,9
13 59,70 | 57,52 | 57,02 24,0 8,2
1% 55,70 53,77 53,98 21,6 12,4
15 53,62 | 52,34 | 53,37 20,1 12,6
16 53,02 | 52,50 52,35 47,6 12,8
47 53,25 | 53,42 | 56,21 18,1 14,0
18 59,76 | 62,67 | 65,33 16,3 11,5
19 | 65,66 | 64,55 | 64,55 18,1 8,8
20 64,65 63,51 63,20 20,7 11,9
21 64,39 58,69 | 57,90 21,6 11,8
22 56,12 54,25 | 53,95 20,1 14,3
23 51,25 54,63 51,93 21,4 13,6
24 47,64 | 44,75 h7,87 21,0 414,5
25 48,96 18,49 49,44 25,9 10,2
26 54,22 | 54,16 52,58 23,3 12,6
27 54,23 | 56,37 59,57 18,6 15,0
28 64,18 | 62,53 63,89 18,6 43,2
29 63,91 63,78 63,71 47,9 13,0
30 62,98 | 64,60 60,87 16,2 12,2
31 | 60,14 58,39 | 57,59 | 20,4 9,0
| HOVENNES
du terau 40) 56,24 | 55,85 | 56,64 | 41769 8,75
du 44 au 20! 58,41 57,54 58,26 | 48,27 | 40,74
du 24 au 311 56,27 55,64 56,30 | 20,43 | 42,34
Moy. générale.| 56,85 | 56,32 57,04 | 18,85 | 40,64
Température moyenne du mois... 1407 Pluie dans le mois... 74mm
572
JUIN 1853.
E I
JOURS BAROMÈTRE A 0°. TEMPÉRATURE.
LE MOIS. EEE, RES
7 h. du m.| 2h.dus. | 9h. dus. | Maxima. Minima.
RSS | RER | CNE | eee > | eue menrens
! 156,84 | 57,49 | 39,66 | 4597 1206
2 64,43 | 60,98 | 64,25 | ‘93,4 44,0
3 64,48 | ‘60,46 | ‘69,78 |. 49,4 12,4
k 58,24 | 56,60 | 58,04 | 22,7 14,5
5 58,24 | 57,39 | 58,35 | 241 | 494
6 88,71 | 59,65 |. 64,64 | 29,3 | 14,2
7 62,74 | 63,48 | ‘65,14 | ‘49,9 11,6
8 65,38 | 65,00 | 66,28 | 23,0 | 12,9
9 64,149 | 64,89 |. 60,39 | ‘26,1 12,5
10 89,17 | 57,89 | 86,97 | 148,4 44,9
si 56,03 |. 56,09 |. 57,05 |. 47,5 13,7
12 57,25 | 59,99 | 60,92 | 148,7 11,5
13 64,49 | 64,96 | 64,67 | 148,5 12,2
14 60,30 | 62,45 | 64,44 | 48,4 | 140,9
15 66,94 | 67,24 | 67.80 | 49,3 8,2
16 65,54 | 64,48 | 68:70 | 21,2 1433
A7 66,37 | 66,27 | 65,84 | 923,7 1522
18 65,39 | 62,76 | 62,57 | 923,9 1,1
19 64,03 | 59,37 | 58,77 | 241,1 13,5
20 | 58,24 | 58,08 | 58,84 |‘ 49,9 13,0
21 86,44 | 55,39 | 55,59 | 18,6 14,6
92 50,73 | 52,66 | 54,82 | 18,4 11,8
23 86,08 | 57,61 | 59,41 | 20,8 14,3
2 61,32 | 62,35 | 63,76 | 20,9 14,9
| 95 65,23 | 64,96 | 65,25 | 24,8 re
| 96 64,78 | 64,82 | 65,33 | 49,9 16,8
| 27 64,03 61,30 59,67 25,3 414,0
28 58,50 |. 56,91 | 60,53 | 33,5 18,0
29 64,85 | 60,74 | 61,23 | 96,7 16,9
140 60,94 | 64,14 |. 62,92 | 24,4 16,5
BG TA ERe Al — messe
MOYENNES |
du 4e au 40! 760,58 | 60,02 | 60,78 | 24044 | 1287
duiau20| 62,16 | 64,76 | 62,36 | 49,89 | 49,48
du 24 au 30| 59,95 | 59,78 | 60,85 | 23,00 | 44:59
Moy. générale.| 60,89 | 60,52 | 64,33 | 24,44 | 43,31
Température moyenne du mois... 1704, Pluie dans le mois... 111mm
573
HISTOIRE
BASQUES OU ESCUALDUNAIS PRIMITIFS
. restaurée
D'APRÈS LA LANGUE, LES CARACTÈRES ETHNOLOGIQUES ET LES MŒURS
DES BASQUES ACTUELS;
PAR M. A. BAUDRIMONT.
(Suite et fin ‘.)
IVe PARTIE.
PIÈCES A L'APPUI DE L'HISTOIRE DES ESCUALDUNAIS
OU BASQUES PRIMITIFS.
Notions grammaticales de la langue euskarienne,
Les langues ont pour but de transmettre par des si-
gnes la connaissance des êtres réels ou abtraits, de
leurs modifications, de leurs relations et de leurs actes,
rapportés au temps et à l'espace.
Les signes sont parlés, écrits, ou transmis par des
moyens très-variables, dont il n’y a pas lieu de s’oc-
! Voir le commencement de ce travail, 2e trim, 1853, p. 251 à 429.
37
574
cuper ici. Les signes parlés, associés d'une manière
déterminée, constituent le langage; les signes tracés
à la main représentent l'écriture.
La grammaire générale à pour but d'exposer les
lois auxquelles se trouve transmise la communication
de la pensée.
Les grammaires spéciales exposent simplement les
règles relatives à une langue déterminée.
Une grammaire spéciale doit comprendre dans son
ensemble :
4° L'étude des signes .parlés et écrits ;
2° L'étude des modifications que les mots éprouvent,
afin de faire connaître les rapports des êtres et de leurs
actes considérés dans le temps et dans l'espace;
3° L'étude des règles de l'association des mots pour
formuler les idées, ou de la syntaxe;
4° L'étude des fonctions grammaticales des mots et
de leur dérivation lorsqu'ils passent d'une partie du
discours dans une autre.
Ces trois dernières parties seront réunies en une
seule, pour ne point entrer dans trop de détails.
La grammaire basque peut être étudiée d'abord en
elle-même, puis dans ses rapports avec les principales
grammaires des langues avec lesquelles la langue bas-
que offre des relations, et enfin dans ses rapports avec
la grammaire générale. C'est sous ce triple point de vue
qu'il conviendrait de l'examiner. Ne pouvant avoir pour
but de la développer dans toute son étendue, je me bor-
nerai à en exposer les principes généraux. Ce qui a été
dit précédemment pourra servir à en compléter l'étude.
575
EXAMEN DES SIGNES ÉLÉMENTAIRES DE LA LANGUE
EUSKARIENNE.
Les signes parlés comprennent essentiellement des
sons et des arliculalions. On peut encore considérer
les accents, appartenant à la partie musicale des lan-
gues parlées, qui portent sur la quantité ou la durée
relative des sons, et sur leur intonation, dont nous-
n’aurons pas à nous occuper.
Les signes écrits sont généralement des lettres que
lon divise en voyelles et en consonnes, selon qu’elles
représentent des sons on des articulations.
Il est rare qu'une langue possède autant de lettres
que de sons et d'articulations. On y supplée par des
combinaisons de voyelles et de consonnes.
La langue basque comprend cinq sons représentés
par autant de voyelles, et vingt-quatre articulations
spéciales représentées par dix-neuf consonnes ‘.
Les Basques écrivent avec l'alphabet romain, tel que
tous les peuples de l’Europe occidentale l'ont adopté.
Ils le nomment abecea. \
Les vingt-cinq lettres adoptées par les Basques sufli-
sent pour rendre tous les sons et toutes les articula-
tions de leur langue, ainsi que cela est exposé dans le
tableau suivant :
En employant le X, le c et qu se trouvent supprimés.
576
Sons et Articulations de la langue basque.
Lettres
simples
ou
composées.
CTSENCES
Rx SO TUTAzRERS RS On o5at
VALEUR DES LETTRES ET OBSERVATIONS.
Voyelles.
a français.
é fermé.
i
0
ou français, u de presque toutes les langues, excepté
la française et la turque.
Douteuse.
i, Ou j, ou g; yan, manger; Faincoa, Dieu, pour
Jaincoa.
articulations.
b français.
c français et ts à Itsasso.
d français.
[ française. — Presque inusitée.
gu ou gh.— Toujours dur, même devant e et à : gi =
gui francais.
h aspirée française.
ch espagnol, tchi : {tchi) a, (tchi) é, (tchi) à,
(tchi) 0, (tchi) u.
j français, en France; Î
c dur et qu. — Remp
k aspiré.
1 française.
ll espagnoles, 11 mouillées françaises.
m française.
n française.
ñ espagnole, gn français, comme dans Espagne.
p français.
y grec, f française. — Presque inusitée.
k. — Qu est abandonné par plusieurs écrivains.
r française.
s toujours sifilante; ch français à Itsasso ; simu,
singe — chimou.
t français.
v français, — Rare.
kset ts.
z espagnol, s toujours sifllante ou ç prononcé la lan-
gue contre les dents supérieures.
aspiré en Espagne.
ace ces deux articulations.
577
Lorsque plusieurs voyelles sont réuniés, on les lit
successivement, et jamais leur combinaison ne donne
naissance à des sons particuliers, comme cela a lieu
en francais.
ai = ai — au — ao — ei — Éi — eu — éoù —
OÙ — OÙ — Où — O0Ù — ui — oui.
La langue basque peut être lue comme la langue es-
pagnole, à cela près du 7, qui s'articule comme il a été
dit au tableau des articulations.
La langue basque a quatre dialectes principaux. A
.ces quatre dialectes, il faudrait peut-être en ajouter un
cinquième, celui d'Itsasso, qui offre des particularités
vraiment remarquables, surtout dans la prononciation.
Les mots, en passant d'un dialecte à un autre, su-
bissent souvent des altérations assez profondes dans
leur prononciation, et par suite dans leur orthographe.
Les différents dialectes d’une langue qui n’est fixée
par aucane espèce de littérature, sont le résultat de
mots altérés et mal prononcés.
L'altération de la prononciation se faisant en passant
d'une voyelle ou d'une consonne à une autre voyelle
ou à une autre consonne qui en est prochaine, par le
mécanisme employé pour la prononcer ou l'articuler,
il en résulte que ces altérations sont soumises à cer-
taines lois, et que, partant d’un mot altéré, on peut
remonter à son origine.
L'étude des lettres qui peuvent passer de l'une à l'au-
tre, est indispensable pour rechercher les racines et les
origines des langues.
578
Les lettres qui peuvent ainsi passer de l'une à l'au-
tre portent le nom de mutables.
On peut établir des groupes représentant les muta-
bles d'une seule langue ou les mutables de plusieurs
langues.
Les principaux groupes des mutables de la langue
basque sont :
Voyelles.
4, 0. TN à
E510: SAUT:
DAYS
Consonnes.
HiFi nB5 Ps C dur, K, G, Qu.
D, T. LR.
N, \. CS:
Ch, X.
Les principes grammaticaux de la langue basque
sont d'une simplicité extrême, et ne souffrent d'ailleurs
qu'un très-petit nombre d'exceptions. Ces deux condi-
tions permettent de les exposer nettement et complé-
tement en quelques mots.
Tous les noms substantifs et adjectifs sont représen-
tés chacun par un mot spécial, qui ne prend une signi-
fication déterminée que par une suite de terminaisons,
fort simples d'ailleurs, qui tiennent lieu d'articles, de
cas et même de prépositions, comme on le verra dans
le tableau de la déclinaison.
Les comparatifs, très-multipliés et indiquant tous
les degrés imaginables des rapports des êtres, excepté
579
ceux de l'infini et de la transition insensible, sont as-
sujettis aux mêmes lois.
La langue basque n'admet point la distinction du
genre grammahcal, où il n'y en a qu'un seul pour
tous les noms.
Le nom indéfini, ou l'espèce, chez les animaux su-
périeurs, se trouve représenté par un nom radical ou
plutôt élémentaire. Lorsque parmi les animaux on veut
distinguer le mâle ou la femelle d’une manière toute
particulière, on emploie les suffixes arra et emea :
oreh, cerf; oreñarra, cerf mâle; oreñemea, biche.
Les pluriels sont indiqués par les modificateurs suf-
fixes.
L'accord des substantifs et des adjectifs ou qualifica-
teurs ne se fait pas comme dans la-plupart des autres
langues.
Lorsque plusieurs noms substantifs, adjectifs et même
adverbes, se suivent et se rapportent à un même sujet,
il n'y à que le dernier qui se décline; les autres sont
représentés par le mot élémentaire, sans aucune mo-
dification : ur garbia, et non ura garbia, eau claire;
nongo ‘ gizona da orti, d'où est cet homme?
Les noms de nombre suflisent pour indiquer le plu-
riel : bi elche handi beltz, deux grandes maisons
noires. l
Enfin , dans la phrase suivante, qui est assez longue,
le verbe suffit pour indiquer le pluriel : gizon ela emas-
le, handi ela chipi, zahar eta gazte, aberatsa eta
! 4 est supprimé dans nongoa.
580
pobre, adi-zazue oroc; hommes et femmes, grands
et petits, vieux et jeunes, riches et pauvres, écoutez
tous.
Les pronoms personnels, les pronoms démonstratifs,
les noms propres des personnes, les surnoms, la plu-
part des noms de lieux et les adverbes ne prennent point
les désinences a, ak ou ek au nominatif singulier ou
pluriel. |
Les mots dont l’a final est précédé de ai, b, c, à,
m, p, ü, ne le perdent en aucune circonstance, com-
me : anaia, frère; arreba, sœur; aza, chou; arro-
da, roue ; haga, perche; erroma, Rome; capa, man-
teau; alta, père.
Déclinaison.
La langue basque n’a qu'une seule déclinaison, qui
comprend au moins treize cas.
Les flexions de la déclinaison tiennent lieu d'articles
et peuvent suppléer à plusieurs prépositions.
L'aceusatif, indiquant le régime des verbes actifs,
n'existe point dans la langue basque.
Les noms, les adjectifs, le génitif, les pronoms, les
infinitifs des verbes, le futur de l'infinitif, les partici-
pes, plusieurs adverbes et les racines qui donnent naïis-
sance aux postpositions { prépositions des autres lan-
gues ), sont susceptibles d’être déclinés.
581
Exemple de Déclinaison basque.
SUFFIXES
FONCTION VALEUR FRANÇAISE Es , Où VALEUR FRANÇAISE
GRAMMATICALE | des mots basques indéterminés| ÉSIENCES des
du mot basque. déclinés. È : déterminant sufixes basques.
invariables. fee
SINGULIER,
a do=sa le 1e
GER lnle la
aren ss... du, de la.
an | dans le, dans la.
(10 RSS (RE LIRE Ù FE
avec le, avec la.
vers le, vers la.
aganat
NOM en Der ES manner AT dec arentaco C Dour le, pour la.
: Ë zat..
Du père... | Aitaren ‘| 47654
Du Aiten © etik......| du, dela, de la part de.
. rence ..| par, par le moyen de.
PRONOM ©.......... A DE eee reel Cents le : PAP" Ps
ADJECTIF. ....... MINI Tec eouscretl'MHeLEZ, 0. PLURIEL.
ENFINITIF ...s.cec ce Dire... | Errate nn
Celui ou ‘celle qui es.
Lu L
Fur’ de l’Inrinit. doit étre chanté Cantatceco, ek.....… Loc
PARTICIPE -........ Déchiré.. oda06o Urratu. ENT. |NUES,
Nom tenant lieu de)
prépos. lorsqu'il, Hors, dehors .....| Campo...) etan ....… dans les, parmi les.
prend la flex. an. (
(TETE
ei. .....( AUXe
EHIN- co...
ekila.....( avec les.
etara
enganat, .{ YTs les.
entako....
DE. 1 pour les.
entaric...| des, de la part des.
ez.. .....| par le moyen des.
! Troisième cas du singulier, soumis à la déclinaison régulière, et voulant dire : celui ou
celle du père, de celui du père, etc. , au singulier, et ceux ou celles du père, de ceux
ou de celles du.père, etc., au pluriel.
? Troisième cas du pluriel, soumis à la déclinaison : celui ou celle des pères, etc. ;
ceux ou celles des pères, etc.
* Les pronoms personnels se déclinent irrégulièrement ou d’après une déclinaison qui leur
est propre; toutefois, leurs cas sont très-reconnaissables à l’aide de cette déclinaison, qu'ils
p’altèrent que dans les premières lettres. — Les adjectifs possessifs, que plusieurs grammai-
riens confondent avec les pronoms, se déclinent régulièrement.
* Ce temps de l’infinitif est propre à la langue basque,
582
Un nom peut se décliner jusqu'à six fois l'une dans
l'autre; mais il n'y a que les trois premières qui soient
usitées.
L'exemple suivant donnera une idée de cette singu-
lière sorte de déclinaison :
AORACINE see erece Ait, père.
2° GÉNITIF............ Aîtaren, du père.
30 GÉNITIF DÉGLINÉ. Aitarena, celui du père.
4° NOMIN. DU GÉNIT. Aitarenarena, celui de celui du père.
5° ...........,.......... Aitarenarenganicacoarena , celui de celui
de celui du père.
6° ...................... Aitarenarenganicacoarenarena, celui de
celui de celui de celui du père.
FDeneseere ses... +... Aitarenarenarenganicacoarenarena, ce-
lui de celui de celui de celui de celui du
père.
PRONOMS PERSONNELS.
Singulier. Pluriel.
Are Personne. Ni ou nik. Gu ou que.
2e Personne... Hi ou hik. Zuek.
3° Personne... Hura, hare, hunek. Hec ou hanc.
VERBE.
En général, un verbe basque comprend, dans son
énonciation : 4° un pronom; 2° le nom que l'on con-
jugue ; 3° le verbe auxiliaire.
Le pronom est supprimé dans quelques temps des
verbes, par exemple dans l'impératif.
Le nom verbal varie peu dans sa désinence; sa ter-
minaison est en ea à l'infinitif; en en à l'indicatif pré-
sent; en {u au participe passé, à moins d'irrégularité ;
et en co au futur de l'indicatif. L'impératif est le radical
et n'est pas distingué par une terminaison spéciale.
La langue basque n’a qu'un seul verbe : 2zatea.
583
Ce verbe correspond aux verbes français étre et
avoir, considérés comme auxiliaires.
Il est conjugé de deux manières distinctes, selon
qu'il indique une forme active ou passive et neutre.
On se sert des deux modifications de ce verbe pour
conjuguer une foule de quahficalifs, que l'on désigne
généralement sous le nom de verbes.
La conjugaison suivante comprend les deux formes
du verbe izatea, et peut servir pour conjuguer tous
les prétendus verbes *.
INFINITIF
PRÉSENT............. Izatea...…. Être ou avoir.
PARTICIPE PRESENT. {zaten .….. Étant ou ayant.
PARTICIPE PASSÉ ..….. Izan....….. Été, ayant été, ou ayant eu.
PARTICIPE FUTUR... {zanen..... Devant être ow devant avoir.
INDICATIF.
Rp PASSÉ DÉFINI
ET PLUS-QUE-PARFAIT.
Pronoms ?. Forme active. Forme neutre et passive Forme active. Forme passive.
Ni. Dut. Niz. Izan nuen. Izan nizen.
Hi. Duk. Hiz. buen. hinzen.
Zu. Duzu. Zira. zinuen. zinen.
Hura. Du. Da. zuen. zen.
Gu. Dugu. Gira. ginuen. ginen.
Zuek. Duzue, Zarete. zinuten. zinelen.
Hek. Dute. Dira. zuten. ziren.
PASSE DEFINI
He PRAlSS ET PASSÉ ANTÉRIEUR.
Nuen. Ninzen. Izan dut. niz.
Huen. Hinzen. duk. hi1z.
Zinuen. Zinen. duzu. zira.
Zuen. Zen. du. da.
Ginuen. Ginen. dugu. gira.
Zinuten. Zineten. duzue. zirete.
Zuten. Ziren. dute. dire.
! Le verbe avoir indiquant la possession , est représenté par ukhatea à l'in
finitif présent; il l'est par khan à l'impératif.
* Les pronoms doivent être répétés partout, excepté dans l'impératif.
584
FUTUR.
Forme active.
Izanen dut.
Formo passive,
Izanen niz.
FUTUR ANTÉRIEUR.
Forme active.
Izan duket.
Forme passive.
Izanen ninzen.
duk. hiz dukek., hinzen.
duzu. zira. dukesu. zinen.
du. da. duke. zen.
dugu. gire. dukegu. ginen.
duzue. zarete. dukesue. zineten.
dute. dire. dukete. ziren.
CONDITIONNEL.
PRÉSENT. PASSÉ.
Nukien. Ninteke. Izan nukien, Izan ninteke.
Hukien. Hinteke. hukien. hinteke.
Zinukien. Ziniteke. zinukien. zinitezke.
Zukien. Liteke. zukien. liteke.
Ginuken. Ginitezke. ginukien. ginitezke.
Zinuketen. Zinitezkete, zinukien. ziniteskete.
Zuketen. Litezke. zuketen. litezke.
IMPÉRATIF.
Ezak. Hadi. Dezagun. Giten.
Zazu. Zite. Zazue. Litezte.
Beza. Bedi. Bezate. Bite.
SUBJONCTIF.
PRÉSENT. PASSÉ.
Dezadan. Nadin où Nodila. Izan dezadan. Izan nadin.
Dezeian. Hadin Hadila. dezeian. nadin.
Dezazun. Ziten Zitela. dezazun. ziten.
Dezan. Dadin Dadila. dezan. dadin.
Dezagun. Giten Gitela. dezagun. giten.
Dezazuen. Ziterten Ziteztela. dezazuen. zitezten.
Dezaten. Diten Ditela. dezaten. diten.
IMPARFAIT. PLUS-QUE-PARFAIT.
Nezan. Nindadin. Izan nezan. Izan nindadin.
Hezan. Hindadin, hezan. hindadin.
Zinezan. Ziniten. zinezan. ziniten,
Lezan. Zadin. lezan. zadin.
Ginezan. Giniten. ginezan. giniten.
Zinezaten. Zinitezten. zinezaten. zZinitezten.
Lezaten. Ziten. lezaten. ziten.
Le premier verbe se traduit en français par le verbe
être, et le second, par le même verbe ou le verbe
avoir, selon le besoin,
585
Il n'y à de temps simples dans ces verbes que le pré-
sent et l'imparfait de l'indicatif et du subjonctif, le pré-
sent du conditionnel et l'impératif.
A l’aide des temps simples et de la valeur attribuée à
chaque temps de l'infinitif, il est facile de traduire en
français les deux conjugaisons qui viennent d'être ex-
posées ; par exemple : les futurs i3anen niz et izan en
dut, veulent dire devant être je suis, ou plus simple-
ment Je serai, et devant avoir je suis, ou j'aurai.
Le premier mode de conjugaison auxiliaire sert pour
représenter les verbes actifs.
EXEMPLE DE CONJUGAISON D'UN VERBE ACTIF :
Nic hilzen dut........…, Je tue.
Hic hilzen due... Tu tues.
Hare hilzen du... I tue.
La deuxième forme du verbe auxiliaire est employée
pour conjuguer les verbes neutres, passifs ou réfléchis.
EXEMPLES :
19 Verbe neutre.
Ni hilzen niz............ Je meurs.
Hi hilzen niz............ Tu meurs.
Hura hilzen da... Il meurt.
20 Verbe passif.
Ni maithatua niz....….. Je suis aimé.
Hi maithatua hiz...…. Tu es aimé.
Hura maithatua da... Il est aimé.
30 Verbe réfléchi.
Ni gidatzen niz....….. Je me conduis.
Hi gidatzen hiz....…. Tu te conduis.
Hura gidatzen da... Il se conduit.
586
On voit par ces exemples comment le nom Ai! peut
signifier {uer où mourir, selon qu'il est conjugué avec
dut où niz.
Le verbe egin, faire, sert quelquefois d'auxihaire
pour conjuguer d’autres verbes, comme dans la langue
brezonne; mais il n'est employé que pour les verbes
unipersonnels. Exemple : uria egitea, pleuvoir; elhura
egitea, neiger. C'est ainsi que, dans notre langue fran-
caise, on dit il fait beau, en parlant du temps.
La partie déterminante * d'un nom verbal varie se-
lon les modes et les temps auxquels elle s'applique.
L'impératif est la racine dont les autres temps sont
tirés; sa terminaison est très-variable. Exemple : urra,
déchire; gozal, déjeune ; yants, descends; erran , dis;
urrun, écarte; leher, écrase; bihi, égrène; egor, en-
voie; egin, fais, etc.
Cette racine entre avec ou sans terminaison spéciale
dans la formation des prétérits, du plus-que-parfait et
du futur passé de l'indicatif, dans les conditionnels pré-
sent et passé, dans l’imparfait et le prétérit du sub-
joncuif.
Ten, tzen et sten, sont les terminaisons du présent
et de l’imparfait de l'indicatif; nen et co sont celles du
futur de l'indicatif; na est celle du plus-que-parfait du
subjonctif.
Les terminaisons de l'infinitif du verbe 2zan peuvent
! Celle qui détermine le mode d'action ou d'état; celle que l’on nomme vul=
gairement verbe et qui est cependant fort distincte des verbes latins, espagnols,
ete., qui contractent en un seul mot : le pronom, le nom verbal et le verbe
auxiliaire, comme amo , lego, canto , etc.
587
donner une idée des terminaisons des infinitifs des au-
tres verbes.
Indépendamment des conjugaisons qui viennent d’é-
tre exposées, le verbe auxiliaire peut encore éprouver
vingt-deux modifications pour exprimer les rapports du
sujet à son complément; seize de ces modifications
sont applicables à des compléments èmpersonnels, et
six à des compléments personnels.
EXEMPLES RELATIFS AUX CAS IMPERSONNELS :
A — Yaten dut ..….....… Je mange.
2° — Yaten ditut......……. Je les mange.
3% — Yaten daizquidac. Tu me les manges.
4e — Yaten doiat..…..….… Je te le mange.
EXEMPLES RELATIFS AUX CAS PERSONNELS :
Yaten naïüc...... Tu me manges ( moi-même ).
— haut... Je te mange à toi-même.
Etc.
Les verbes ont en outre des formes spéciales, selon les
conditions relatives des êtres qui parlent entre eux. Ils
ont une forme enfantine, une forme d'égalité, une forme
respectueuse et une forme pour parler aux femmes.
La forme respectueuse des Basques est spéciale, et
n’est représentée par aucune des trois personnes ordi-
naires des autres langues.
EXEMPLE :
Dauchut….. enfantin.
Dayat égalité.
Dautzut.... respectueux.
Je vous les donne. Emaiten
. Daunat..….…. féminin.
588
La langue euskarienne a des conjonctions comme
les autres langues; on en trouvera une liste à la fin du
vocabulaire. Elle a aussi des adverbes.
Les adverbes de lieu varient selon qu'il y à ou qu'il
n'y à pas mouvement.
Le tableau suivant donnera une idée de ces varia-
tions :
où
om"
SÉJOUR, |. DÉPANT. TENDANCE, PASSAGE
RE SE nl
Non ou nun?|Nundi …, c ‘?|Nora .…… t '?|Nondican? Où?
Hemen. Hemendi. c. |Hurra....t. |Hemendican. |Ici où je suis.
Or. Oréteneee C2 |ONra. t. Ortican. Là où tu es.
AU. Andi CAT... t. |Andican. Là où il esl.
Goian. Goili..... C:LA|GormE t. |Goitican. En laut.
Barruan. Barrenet\ c. Barrena . t. Barrenetican. |Dedans.
Campoan. |Campoti. c. |Campora.t. |Campotican. |Dehors.
Un même adverbe de lieu a une terminaison varia-
ble, selon la question à laquelle il répond; ces ques-
tions sont : noiz, quand? noizco, pour quand? et
noiztic, depuis quand?
Les terminaisons sont celles de la question, ou à peu
près : gaur, aujourd'hui, oran, maintenant, donnent
gaurco, orango, pour la deuxième question, et goz,
de bonne heure, donne goitetic pour la troisième.
Il existe des degrés de comparaison pour les adjectifs
1 Quand la question prend un c ou un t final, la réponse le prend également,
589
et les adverbes, dont le tableau suivant donnera une
idée :
DEGRÉS DE COMPARAISON DES ADJECTIFS ET DES ADVERBES.
Positif... comparatif... superlatif.
(Nom)... ago suffixe... arras ou haiñitz prélibres ‘ ou
en suffixe.
Les adjectifs se déclinent, les adverbes ne se décli-
nent pas.
Adverbe irrégulier.
Ongi ou onsa, bien ; hobeki, mieux; arras ou haiñitz ongi, ou
hobekien, très-bien, le mieux.
Les prépositions sont remplacées dans la langue
basque : 4° par plusieurs cas de la déclinaison ; 2° par
des mots au quatrième cas du singulier terminé en an.
Ces mots se placent après ceux auxquels ils se rap-
portent, de telle manière qu'ils sont des postpositions :
c’est ainsi que les nomme Larramendi, plutôt que de
véritables prépositions; mais leur fonction grammati-
cale est la même que celle des prépositions des autres
langues.
Plusieurs postpositions régissent le génitif, comme
gizonaren aurrean, avant l'homme; elizaren aldean,
près de l'église.
En résumé, la langue basque n’admet point la dis-
tinction des genres, et ne connait l'accord du nom et
de l'adjectif ni en nombre, ni en cas. Il résulte de cela,
Je donne ce nom pour indiquer que la particule se place avant le mot au-
quel elle se rapporte et qu'elle demeure libre.
38
590
que les adjectifs ne peuvent être distingués des subs-
tantifs que par la fonction grammaticale qu'ils rem-
plissent. L'article et une grande partie des prépositions
se trouvent remplacés par une déclinaison fort étendue.
La distinction du nominatif et de l'aceusatif, qui rem-
plissent une fonction grammaticale si élevée et portent
une si vive lumière dans le discours, n'existe point dans
la langue basque, quoiqu'elle soit congénère de la langue
latine. Il n’y à qu'un seul verbe, qui se modifie pour
conjuguer activement ou passivement. La conjugaison,
qui est très-riche, comprend l’énonciation complète du
pronom personnel, du mot que l'on conjugue et du verbe
proprement dit. Les prépositions sont en général rem-
placées par des noms au cas en an. La langue basque
a d’ailleurs des adverbes nombreux, des comparatifs
pour les adjectifs et les adverbes, des conjonctions et
des interjections.
La grammaire basque se rapproche de la grammaire
anglaise par son défaut de genre et par la généralité
de sa conjugaison; mais elle s'éloigne des grammaires
de la plupart des langues, tant anciennes que moder-
nes de l'Europe, par son verbe, qui n’est point con-
tracté en un seul mot et présente tous ses éléments
primitifs : le pronom, le nom, et le verbe proprement
dit.
Il va sans dire que la langue basque, comme toutes
les autres langues, a quelques interjections. Ces inter-
jections étant pour la plupart le eri animal particulier
à l'homme, doivent exister et existent dans toutes les
langues.
591
VOCABULAIRE BASQUE,
CLASSÉ PAR ORDRE DE MATIÈRES,
EXPLIQUÉ PAR L'ESPAGNOL, LE LATIN ET LE FRANÇAIS.
I.— Langue, Grammaire, Littérature, Poésie, Enseignement.
BASQUE.
Hitzekinda.
Hiskuntza, miatzoa.
Hitza, min(zoa, verba,
Hitzegin, verbegin, mintzo
edas.
Mutadia, isitza.
Agercaya, escritura.
Librua, Liburua.
Escuscribatua,
Azgarria, Margoa.
Abecea,
Bechaoa.
Bibechaoa.
Oskidea.
Geibechia.
Icena.
Otsicena.
Egopearra.
Eraskitza.
Besteri dichecan icena.
Osicheca,
Orticena.
Leipintza.
Isaskida.
Artizkindea.
Dialectica, billegidea.
Abilidadea, gaytasuna, cintzo-
tazuna,
Megopea, ispiritua.
ESPAGNOL,
Gramatica,
Lengua, idioma.
Habla, palabra.
d | Hablar.
Geroglifico.
Escritura.
Libro.
Manuscrito
Letra, caracter.
Alfabeto,
Vocal.
Diptongo.
Consonante
Silaba.
EI nombre.
Onomatopeya,
Sustantivo.
Verbo.
Adjetivo.
Articulo.
Pronombre.
Preposicion.
Conjuncion.
Orthografia.
Logica, dialectica.
Habilidad.
Espiritu.
Iracasdea, jakintza, jakindea, Erudicion.
Coudera, istorioa.
Historia.
LATIN,
Grammatice.
Lingua.
Verbum.
Loqui, Fari,
Hieroglyphus.
Syngraphia.
Liber.
Manusceriptum,
Littera.
Alphabetum.
Vocalis.
Diphthongus.
Littera eonsouans.
Syllaba.
Nomen.
Onomatopeia.
Substantivum.
Verbum.
Adjectivum nomen.
Articulus.
Pronomen.
Præpositio.
Cunjuuctio.
Orthographia.
Logica,
Ingenium
Spiritus.
Eruditio.
Historia.
FRANÇAIS.
Grammaire.
Langue, idiome.
Parole.
Parler, dire.
Hiéroglyphe.
Écriture.
Livre.
Manuscrit.
Lettre, caractère
Alphabet.
Voyelle.
D'iphthungue.
Consonne.
Syllabe.
Nom.
Onomatopée.
Substantif.
Verbe ( gram. ).
Adjectif.
Article.
Pronom.
Préposition.
Conjonction.
Orthographe.
Logique, dialectiq.
Génie, habileté.
Esprit (faculté).
Érudition.
Histoire.
BASQUE.
Ceja kindea.
Aritadiera.
Eraldetarra,
Ecadoikia.
592
ESPAGNOL,
Ignorancia.
Raciocinio.
Racional.
Juicio.
Argüimena, arguimendua, }
iharduntza. } ALEUDENTO,
Irudidea. Idea.
Irudia. Aperencia.
Bida urrecoa, Silogismo.
Ocipabia. Dilema.
Utseragoa. Abstracto.
Lototkindea , biursakindea, ;
Lotoskintza, biursakintza. | PO6SiA-
Biursatea , lotostea. Poema.
Escola, icasola. Escuela.
Maistrea. Maestro.
Escolamaistrea. Maestro d’escuela.
Jakindea , jakintza. Literatura.
Biursa, lototsa, versoa, neurt- } y
à | Verso.
hitzac. |
Aslea. Autor.
Obrac. Obras.
LATIN,
Ignorantia.
Ratiocinium.
Rationalis.
Judicium.
Argumentum
Idea:
Representatio.
Syllogismus.
Dilemma.
Abstractum.
Poesis,
Poema.
Schola.
Magister.
Scholasticus.
Litteratura.
Carmen.
Auctor.
Opera.
FRANÇAIS.
Ignorance.
Raisonnement.
Rationel.
Jugement ( opéra-
tion de l'esprit).
Idée.
Apparence.
Syllogisme.
Syllogisme.
Dilemme ( argu-
ment cornu ).
Abstrait.
Poésie.
Poëme.
École.
Maître.
Maître d'école.
Littérature.
Vers ( paroles ).
Auteur.
Œuvres.
IT. — Astronomie et Division du temps.
Izarjakindea.
Izarkida,
Izarra, Ceruargia
Cerua, zelia.
Ekia, eguzkia, iruzkia arch.
Illargia , ilargia, arguzaita.
Iiberria, illarguiberria,
Iigora.
Illargibetea.
Ilbera.
Jzarra.
Izarra.
Izarkea.
Izarcoloca.
‘
.
Astronomia y Astronomia et
astrologia.
Constelacion.
Astro.
Cielo.
Sol.
Luna.
Luna nueva.
Luna creciente.
Luna llena.
Luna menvuante.
Luna que acaba.
Estrella.
Cometa.
Planeta.
* Ceru argia ( lumière du ciel ).
astrologia.
Sidus.
Astrum.
Cœlum.
Sol.
Luna.
Novilunium,
Plenilunium,
Stella.
Cometa.
Planeta.
Astronomie et
astrologie.
Constellation.
Astre.
Ciel.
Soleil.
Lune.
Nouvelle lune.
Lune croissante,
Pleine lune.
Lune décroisste,
Fin de la lunaison.
Étoile.
Comite.
Planète.
593
BASQUE, ESPAGNOL, LATIN. FRANÇAIS.
Artizarra ‘, Aurkzarra, Venus. Hespero, lucero Jubar. Vénus (planète).
del alba.
Saturno. Saturno. Saturno. Saturne (planète. )
Lurra. Tierra. Terra. Terre.
Eguna. Dia. Dies. Jour.
Gaüa, gauba, airatsa, zaroa. Noche. Nox. Nuit.
Acha. Eje. Axis, Axe.
Eucacha. Polo. Polus. Pôle.
Iguru berdinzallea. Ecuador. Equator. Équateur.
Eguerdi boillia. Meridiano. Cireulus meri-- Méridien.
dianus.
Arguzteguia. Ecliptica. Ecliptica. Écliptique.
Marboilla. Horizonte. Horizon. Horizon.
Eguerdia. Mediodia. Meridies. Midi.
Sortaldea. Oriente (Levte) Oriens. Orient ( Levt).
Sartaldea . Ocaso (Occidte) Occasus (Occids) Occidt (Coucht).
Ifaraldea. Las partes sep- Regio septentrs Le Nord.
tentrionales.
Cigupea. Nadir. Nadir. Nadir.
Erpiña , burgaïña. Zenith. Zenith. Zénith.
Argea, argigea, argutsa. Eclipse. Eclipsis. Éclipse.
Artizarra. Estrella del norteStella polaris. Étoile polaire.
Izar carra. Canicula. Canicula, Syrius Syrius.
Izar pilla ala deritzana. Casiopea. Cassiopea. Cassiopée.
Izarlira. Lyra. Lyra. La lyre.
Izarots0a. Lobo. Lupus. Le loup.
Izardi zazpikia *. Pleyades. Pleiades. Pleyades.
Ceruco esnebidea. * Via lactea Via lactea. Voie lactée.
Senesia. Zodiaco, Zodiacus. Zodiaque.
Izardia, izarpilla, izarmolzua. Signodelzodiaco Signum zodiaci. Signe du zodiaq.
Aziizarra. Aries, Aries. Le bélier.
Cecena. *: Toro. Taurus. Le taureau.
Birichiac. Geminis. Gemini. Les gémeaux.
Argiamarra. Cancer. Cancer. L'écrevisse.
Izar leoya. Leon. Leo. Le lion.
Virgiñizarra, Virgo. Virgo. La Vierge.
Izar libra. Libra. Libra. La balance.
Lupu izartia. Escorpion. Scorpio. Le scorpion.
Sayetizarra. Sagitario. Sagittarius: Le sagittaire.
Akelargia, Capricornio. Capricorne. Le capricorne.
Urjarioa. Aquario. Aquarius. Le verseau.
Arraizarra, Piscis. Pisces. Les poissons.
‘ Larramendi a sans doute fait erreur : artirarra est l'étoile de l'ours ou
l'étoile polaire.
? Les sept chamois.
594
BASQUE. ESPAGNOL,
Era, dembora. Era, tiempo.
Era boillanza. Ciclo.
Eunkia, mendea, secula. Siglo.
Urtea. Año.
Uda. Estio, verano.
Udazkena, udazena, udarrazkia Otoño.
Negua, L.; Neguja, Itz. Invierno.
Uda berria. Era lora L.; pri- :
madera, Itz. k | Primavera.
Jlla, ila, illabetea. Mes.
Beltzilla, urtarilla. Enero.
Otsailla, ceceila. Febrero.
Epailla, Marchoa. Marzo.
Jorrailla, apirilla, opea. Abril.
Maihaca. Mayo.
Garagarilla, vagicila, erearoa. Junio.
Uztailla, garilla. Julio.
Agorilla, aboztua. Agosto.
Eriarua. Setiembre.
Urrià, urrilla, beldilla. Octubre.
Acilla, cemendila, azaroa. Noviembre.
Abendua, lotacilla. Diciembre.
Astea. Semana.
Astelena, ilena. Lunes.
Asteartea, matizena. Martes.
Asteaskena , egastena. Miercoles.
Osteguna, orceguna, eguena. Jueves.
Ostirala, orcirala, baricua. Viernes.
Larumbata, zapatua, iracoitza. Sabado.
Igandea, jandea, domeca. Domingo.
Egunsentia , eguanza, eguaisea
arthatsa, argiaren begia.
Goiza. La mañana.
Auroro, aurora.
Arratsaldea, arrastegia. La tarde.
Guereïza , kereiza , itzala ISOmbra
añoa, errañoa. Ë
Illuna, airgea Tinieblas.
Oren, muga, hora. Hora.
Ordu. Momento, instante.
LATIN.
Tempus.
Cyclus.
Seculum.
Annus.
Æstas.
Autumnus.
Hiems.
Ver.
Mensis.
Janaarius.
Februarius.
Mars.
Aprilis.
Maius.
Junius.
Julius.
Augustus.
September.
October.
November.
December.
Hebdomada.
Lunæ dies.
Dles martis.
Dies mercurii.
Dies Jovis.
Dies veneris.
Sabbatum.
Dies dominica.
Aube.
Manè.
Vesper.
Umbra.
Tenebræ,
Hora.
Momentum,
IT. — Géologie et Minéralogie.
Luciazalda. Geografa.
Lurra. Tierra.
Mundua, Mundo.
Geographia.
Terre.
Mundus.
FRANÇAIS.
Ëre ( temps ).
Cycle.
Siècle.
An, année.
Été.
Automne.
Hiver.
Printemps.
Mois.
Janvier.
Février.
Mars.
Avril.
Mai.
Juin.
Juillet.
Août.
Septembre.
Octobre.
Novembre.
Décembre.
Semaine.
Lundi.
Mardi.
Mercredi.
Jeudi.
Vendredi.
Samedi.
Dimanche.
Aurore.
Matin.
Soir,
Ombre.
Ténèbres.
Heure.
Moment.
Géographie.
Terre.
Monde.
595
BASQUE. ESPAGNOL, LATIN. FRANÇAIS:
Itsasoa , ichasea. Mar, Oceano. Mare, Oceanus. Mer, Océan.
Ichaso betea, ichaso sabela. Pielago. Pelagus. Haute mer.
Ujola, ubeldea, ugoldea, idola. Diluvio. Diluvium. Déluge.
Airea. Aire. Aer. Air (atmosphre)
Lutugea. Continente. Continens. Continent.
Ugartea, uribitartea. Isla. Insula. Ile.
Aintzirra, umancia. Lago. Lacus. Lac.
Ugayozcoa. Agua manantial Jugis aqua. Eau permanente
Cingiradia, aintsiralea, umancitea Marea, pantano. Palus. Marais.
Errioa, ibaya. Rio, Fluvius. Fleuve, rivière.
Erreca, chirripa. Arroyo. Rivus. Ruisseau.
Mendia. Montaña, monte Mons Montagne.
Arcaitzerra. Sierra de montes Rupes. Montagne den—
tée en scie.
Picacha. Picacho. Saxicacumen. Pic.
Mendisca Colina, collado, Collis. Colline,
ceno.
Lurruspea. Cueva. Specus, crypta, Caverne.
spelunca.
Meatzea. Mina. Mina. Mine.
Mea. Veta. Vena metallifera Filon.
Menasta. Mineral. Fossile. Minéral.
Ondoa. Pie de montaña. Radix, basis Piedde montagne
Arepillac, ondar, munoac. Dunas, mogote, Dunæ. Dune.
megano.
Lutarra. Terreno. Terrenus. Terrain.
Lurra, Lurgaña. Suelo. Solum. Sol.
Tbarra, hara, irura, errepira
» | : allé
Den ae { Valle. Vallis. Vallée.
Lauba, celaya, nava. Llano. Planities, æquor Plaine,
Oïbana, selva. Selva. Silva, nemus. Forêt.
Peña, aïitza, acha, arcaitza. Peña. Rupes, petra Rocher, pierre.
saxum.
Arria, Piedra. Lapis, saxum, Pierre.
petra.
Arri boilla, arri leuna. Guijarro, pe— Saxum. Caillou roulé.
dernal.
Arri mugerra, chingarria. Silex. Silex. Silex.
Buztinzurria. Arcilla. Argilla. Argile.
Pizarria, lauza. Pizarra. Schistus. Schiste, ardoise
Agorria, Porfido. Porphyrus. Porphyre.
Marmola. Marmol, Marmor, Marbre,
Clera. Greda. Creta. Craie.
Quisoa, Iyelsoa, Yeso, Gypsum. Gypse.
Arricatza, lapitza, Lapiz, carbon Carbo fossilis. Houille,
de picdra.
Lapitzaria. Lapicero, Lapis delinea— Ampélite.
torius.
BASQUE.
Agata.
Tella, pusca.
Basa mortua, eremua, ermua.
Area, ondarra, legarra , sablea.
Sutokarpia.
Ludardara, lurricara.
Arrocarria,
Belchurica.
Eztera, zorrostarria.
Arrandarria.
Policarria ( pierre à polir ).
Zuarria.
Bilguztarria.
Diamantea, arturgia.
Bertistea, ferdatistea.
Caztistea.
Pillalarria,
Meatzeco, cristala, leyarra.
Gatza.
Solimana, azogea, cillar bicia.
Burnarria, mearria.
Bermejoya, arminea.
[V.
Kemeairakinda.
Kemeaira.
Aicetorkia.
Aroa , giroa, adina.
Aicea.
Urtaiza.
Iphar, AÀ.; Artecaicea, L.
Hegora.
Oltzodarra, ostrellaca,
Odeguzkia.
Odeia, odoya, osa.
Ecaitza, ecacha.
596
ESPAGNOL, LATIN. FRANÇAIS.
Agata. Achates. Agathe.
Tejo. Saxum. Galet.
Paramo , de— Solitudo, eremus Désert, solitude,
sierto.
Arena, sable. Arena. Sable.
Volcan. Vulcanus. Volcan.
Terremoto. Terræ motus. Tremblement de
terre.
Piedra ponce. Pumex. Ponce.
Onique. Onyx. Onyx, agathe.
Piedra deamolar Cos. Pierre à repasser
Piedra de aguila Ætites.
Esmeril. Smyris.
Amianto. Amiantus.
Opalo. Opalus.
Diamante. Adamas.
Esmeralda. Smaragdus.
Rubi y carbun— Rubimus.
culo.
Granate. Granatus.
Cristal de roca. Crystallus.
Sal. Sal.
Azogue. Hydrargyrum.
Alcool, antimo- Stibium.
nio,
Ciuabrio, ver- Cinnabaris.
mellon.
— Météorologie.
Meteorologia. Meteotologia.
Meteoro. Meteorus.
Clima. Climas.
Sazon. Temperies.
Viento, Ventus.
Euro, viento Eurus.
levante.
Aquilon. Aquilo.
Viento del sud. Auster, notus.
vis. Iris.
Parhelias. Parhelius.
Nube, nublado. Nubes.
Ætite ( pierre
d'argile ).
Émeri.
Amianthe.
Opale.
Diamant.
Émeraude.
Rubis.
Grenat.
Quartz.
Sel.
Mercure (métal)
Sulfure d'anti—
moine,
Cinabre.
Météorologie.
Météore,
Climat.
Saison.
Vent.
Zéphir.
Vent du Nord.
Vent du Sud.
Iris, arc-en-ciel
Parhélie.
Nuages.
Tempestad, tor- Tempestas, pro- Orage, tempête.
menta, cella.
597
BASQUE. ESPAGNOL, LATIN. FRANÇAIS.
Pur M Le. |'Relampago. Fulgur. Éclair.
Turmoya , ostotsa, odotsa, 0s—
tiya, iurtzuria, igorciria, ? Trueno. Tonitru. Tonnerre.
iñusturia, iusturia, calerna.
Euria, uria. Lluvia. Imber. Pluie.
Elurra. - Nieve. Nix. Neige.
Abazuza, chingorra, iñatacia, |
babazuca, cizarcora, ezca— ? Granizo. Grando. Grêle.
barra.
Ecea, ecetea, bustia. Humedad. Humiditas. Humidité.
Intza. Rocio. Ros. Rosée.
Lañoa, lañua, inuntza, lan— |. ;
choa, brumâ. Niebla. Nebula. Brouillard.
Otza. Frio. Frigidus. Froid.
Izotza, orma, leya, gela. Hielo. Gelu, glacies. Glace.
Escarcha, ecachea, bitsuria. Escarcha. Pruina. Gelée blanche.
V. — Végétaux; leurs parties et leurs produits.
Belarjakindea, belarrenezagea. Botanica. Botanices. Botanique.
Zuhatza. Vegetal. Planta. Plante.
Sustraya, erroa, funtza, betarra. Raiz. Radix. Racine.
Zortena, chortena, zurtoina, | rallo. Seabus, caliss Tige.
ocia, gara. )
Motea, ninica. Brota en los arholes Gemma. Bourgeon.
Lora, motea, leca. Brota en las flores Calix. Calice (de fleur).
Ostoa, ostroa, orria. Oja. Frons, folium. Feuille.
Lorea , lora. Flor. Flos. Fleur.
Ostaleac. Bayas. Baccas. Baies.
Fruta, frutea, alorta. Fruta. Fructus. Fruit.
Acia, belarracia. Semen, semilla. Semen. Graine, semence
HER ae Hiamuls | Arbol. Arbor: Arbre.
Belharra, bedarra, L.; hierba. Yerba. Herba. Herbe.
Adarra, Brazo, rama. Ramus. Branche.
Zutondea, zucoitza, ondoa. Tronco. Truncus. Tronc d'arbre.
Aritza, arecha. Roble. Robur. Chêne.
Artea, ezcurra. Encina. Quercus ilex. Chêne vert.
Ezcurra, ezcurracia. Bellota. Glans. Gland comestible
Zi. Borla. Glans. Gland.
Gastaña. Castaño. Castanea Châtaignier.
Pagoa, fagoa, Haya. Fagus. Hêtre.
598
BASQUE. ESPAGNOL. LATIN. FRANÇAIS,
Picozoroa. Sicomoro. Sycomorus. Sycomore.
Ezpela, urrosta. Box. Buxus. Buis.
Zumarra. Alamo negro. Ulmus. Orme.
Cipresa , necosta. Cipres. Cupressus. Cyprès.
Pinua , pinoa. Pino. Pinus. Pin.
Abetoa. Abeto. Abies. Sapin.
Agina. Tejo, tejon. Taxus. jf
Gorostia. Acebo. Ulex aquifolium Houx.
Urriza. Avellano. Corylus. Coudrier, noïsetier.
Urra. Avellana. Avelana. Aweline, noisette
Inchaurra, nogerra. Nogal. Juglans regia. Noyer.
Inchourra , eltzaurra. Nuez. Nux. Noix.
Tea. Te. Thea. Thé.
Cafea, baba ismiña. Cafe. Cofœum. Café.
Pillaltuna , mingrana. Granada. Malum punicum Grenade.
Matsa, mastia, aihena. VAGUE 07 Vitis. Vigne.
Oliva, olivoa. Oliva, olivo. Olea, oliva. Olivier.
Larana, larandia, naranjoa. Naranjo. Malus aurantia, Oranger.
Cidroa. Cedro. Citrus medica. Citronnier.
Cidra. Limon. Citrum. Citron.
Arana, ocarana. Ciruelo Prunus. Prunier.
Alberchiga. Albaricoque. Prunus arme— Abricot.
niaca, L.
Mirchica ( har ). Melocoton. Persicum. Pêche ( fruit ).
Sagarra (bar ) Manzana. Malum. Pomme.
Marrabidia, malluguidia, L. Fresal. Fragarla. Fraisier.
Chirivia. Chirivia. Siser. Chervi.
Otzerri. Cicuta. Cicuta. Ciguë.
Garraisca. Cidronela. Artemisia pontica. Citronelle.
Gireguzkia Girasol. Heliotropium. Héliotrope ?
Erramua, erreñotza, L.; Ju
lusraia, 1t:? Laurel. Laurus. Laurier.
Erruibarboa. Ruibarbo. Rhabarbarum. Rhubarbe.
Meloya, meloca, moloya. Melon Melopepo. Melon.
Angurria. Sandia, melon Cucurbita an-— Pastèque.
de agua. guria.
Khuia ( A.) Calabaza. Cucurbita. Citrouille.
Aza, L.; berroa, fr. Col, berza. Brassica. Chou.
Garbantzua. Garbanzos Cicer. Pois chiche.
Ilarra, Itz. Guisante. Pisum. Pois.
Gorroba. Aganobo, arveja Vicia. Vesce.
Illarra. Arveja. Ervilia. Ers? pois?
Baba. Haba. Faba. Fève.
Baberrumac, maillarrac, in- |
dia babac; hilara, Itz. |
Dilista, chilistéa, L.; nan-
tilla, Itz.
Datila, Datil. Fructus palmæ. Datte.
Alubias, judias. Phascolus. Haricot.
Lenteja. Lens. Lentille.
BASQUE.
Lirioa , lilia, lilioa.
Zabila , belarmintza.
Baratzuria , baracatza.
Tipula, kipula.
Ihial(@A), ia uya, L.
Garia, ocaya, L.; ogija, fr.
Cecalea, cikiroa, cekela, ce-
kelea.
Garagarra, L:; Moraina, fr. ?
Oloa, L.; cherespluna, fr. ?
Maïiza, artoa, L.
Arroza, L.; irisa, fr.
Goroldioa , oroldioa.
Zuricacha.
Altzbelarra.
Ciursa.
Osiña, osina, asuna,
Calamua , L.
Lizuna, lizunqueria,
Zumintza.
Liñabera.
Canela, “Liz
Pimiña, piperra. L.; bipera, 1tz.
Inchaur, muscatua.
Belarurdiña.
Urriltza.
Erresina.
Ganuskiaren licurta.
Licurta, licalea,
599
ESPAGNOL,
Lirio.
Aloe.
Ajo.
Cebolla.
Junco.
Trigo.
Centeno,
Cebada.
Avena.
Maiz.
Arroz.
Moho, musgo.
Brezo.
Escabiosa,
Euphorbio (arbol).
Ortiga.
Cañamo.
Moho (del pan).
Aloe, linalve.
Algodon.
Canela.
Pimienta.
Moscada.
Aüil
Girofle.
Resina.
Trementina.
Goma.
LATIN.
Lilium.
Aloe.
Allium.
Cæpa.
Juncus.
Triticum.
Secale.
Hordeum.
Avena.
Mais.
Oryza.
Muscus.
Erica.
Scabiosa.
Eupharbium.
Urtica.
Cannabis.
Mucor.
Agallochum.
Gossypium.
Cinnamomum
Piper,
Moschata nux.
Indicum.
Caryophyllum.
Resina.
Terebenthina.
Gummi.
NI. — Animaux.
Ihizia ( A.).
Aberea, abrea, animalia.
Eurtarra.
Urtarra,
Urlurrecoa.
Aicetiarra.
Lavoinduna
Ointzagea.
Animaliachoa, aberechoa,
Bizaberac.
Guizona.
Emacumea, andrea, andracu- l
mea, Emaztekia,
Animal.
Animal.
An. terrestre.
An. acuatico.
An. amfhio.
An. volatil.
Animal.
Animal.
An. terrestris,
Aquatil.
Amphibium.
An. volatile.
An. cuadrupedo. Quadrupes.
An. reptil.
Animalejo.
Insecto.
Hombre.
\ Muger,
Reptile.
Animalculum.
Insectum.
Homo.
Mulier, fæmina.
FRANÇAIS.
Lys.
Aloës ( plante ).
Ail.
Oignon.
Le jonc.
Blé ( plante ).
Seigle.
Orge.
Avoine,
Maïs.
Riz.
Mousse (plante)
Bruyère.
Scabieuse.
Bupherbe (plante).
Ortie.
Chanvre.
Moisissure.
Bois d’aloës.
Coton.
Canelle.
Poivre.
Muscade.
Indigo
Girofle.
Résine.
Téréhenthine.
Gomme.
Gibier.
Animal.
An. terrestre.
An, aquatique.
An. amphibie.
Volatile.
Quadrupède.
Reptile.
Animalcule.
Insecte.
Homme.
Femme,
BASQUE.
Emaztea.
Arra.
Emea.
Chimua.
Artza.
Azcenarra,
Misarra, musarra.
Catua, L
Lehoya.
Catamotza? L.
Leoinavarra ?
Leoiarremea ?
Lincea.
Armiña, armiñoa.
600
Erbiñudea, pirocha, ogigastaya. Comadreja.
Pitosa, piztia, udoa, mierlea, }
catacuisaneha, martea.
Udoa, uncharta.
Caturdea.
Otsoa, L.; oxoa, Itz., A.
Zacurra, chacurra, ora, potzoa, Perro.
Azeria.
Hiena.
Basurdea.
Cherria, charria, L.; urde, Itz. Puerco.
Elefandia.
Abere adar bacocha.
Ibaizaldia.
Zaldia, L.; zamaria, Har.
Astoa, L.; astuca, Itz,
Cecena , L.
Idia, L.
Beia.
Basauntza, arcaitzauntza, L.
Oreña, orina, L.; Orkhatz | iermn
oreñmea, Ar.
Gamelica, L.
Vicuña, basaunza motabat.
Akerra.
Untza.
Aria.
Chiquiroa, L.; Aharia, Itz.
Aricho, L.; achari, A.
Erbia.
Unchia, conejua, L.
Sagua, sabua,
ESPAGNOL, LATIN, FRANÇAIS.
Muger casada. Uxor. Femme mariée,
Macho. Mas. Mâle.
Hembra. Fæmina. Femelle.
\°on0. Simius. Singe.
Oso. Ursus. Ours.
Tejon, tarugo. Melis. Blaireau,
Marmota. Mus montanus Marmotte.
arctomys mar-
mota, L.
Gato, gata. Felis, catus. Chat.
Leon. Leo. Lion.
Tigre. Tigris. Tigre.
Leopardo. Leopardus. Léopard.
Onza. Panthera. Panthère,
Lince. Lynx. Lynx.
Armiño. Mus ponticus. Hermine.
Mustella. - Belette.
| Garduña, Muztella. Martre ou fouine?
Huron. Viverra, L. Furet.
* Ichneumon, Ichneumon. Ichneumon.
Lobo. Lupus. Loup.
. Canis. Chien.
Zorro. Valpes. Renard.
lena. Hyena. Hyène,
Jabali. Aper. Sanglier.
Porcus. Porc.
Elefante. Elephas. Éléphant.
Rinoceronte. Rhinoceros. Rhinocéros.
Hipopotamo. Hippopotamus. Hippopotame.
Caballo. Equus. Cheval.
Asno, burro. Asinus. Ane.
Toro. Taurus. Taureau.
Buey. Bos. Bœuf.
Vaca. Vacca. Vache.
Gamuza. Rupicapra. Chamoïs.
| Cervus. Cerf, biche.
Camello. Camelus. Chameau.
Vicuña. Capra peruana. Vigogne.
Macho de cabra. Hircus. Bouc. .
Cabra. Capra. Chèvre.
Carnero, Aries. Bélier.
Carnero castrado Vervex. Mouton.
Cordero. Agnus. Agneau.
Licbre. Lepus Lièvre.
Conejo. Cuniculus. Lapin.
Soriza, Sorex. Souris,
601
BASQUE. ESPAGNOL LATIN.
Arratoya, erratoya. Raton. Mus.
Basacua, lumisarra. Liron. Glis.
Tricua, kirikioa, sagarroia. Erizo. Erinaceus, echinus.
Satorra, satsuria. « Topo. Talpa.
Cherritricua , tatoa. Tato. Tatus.
Balena. Balena. Balena.
Adar bacocha. Unicornio. Unicornis, mo-
noceros.
Soriba, Itz.; egaztia, egaztina. Ave. Avis.
Egoa, L.; heggala, Itz. Ala. Alæ.
Egatsa. Pluma. Plumo.
Mocoa, aotzia, L.; mutura, Itz. Pico. Rostrum.
Arranoa. Aguila. Aquila.
Buzoca , saya. Buitre. Vaultur.
Mozolloa. Mochuelo. Noctua.
Cucua. Cuclillo. Cuculus.
Enada, elaya, ainhara, L. Golondrina. Hirundo.
Choarrea, curroca, echachoïca, } Gorri dal Pass
ormochoria, parrachoria, | "7/01, Parea! F'asser.
Erresinola. Ruiseñor. Luscinia.
Buztanicara. Chirivia. Motacilla.
Loroa, L. ; Peruceta, Itz Papagayo. Psittacus
Okilla, catachoria, aotzilaria. Pico, picama-— Picus.
deros.
Sayea. Avestruz. Struthio-camelus.
Egazterrena. Pavo real, Pavo.
ne ne Er Pavo. Gallus indicus,
Nauderra , faisana. Faisan, Phasianus.
Ollarra, L.; oïloa cocorasea,
Itz.; oillarra, Ar. | Galo. FE
Oilloa. Gallina. Gallina.
Eperra. Perdiz. Perdix.
Usacumea , ussoa. Pichon. Columba.
Belea, belaa, erroya, belija, ;
Itz.; belia, Ar, | Cuervo. Corvus.
Belcharga. Cisne. Cygnus.
Antzarra, L.; ancara, Itz. Oca, ansar, ganzo Anser. 5
Atea, ataa, ahalea, L.; aha- hade. Ans.
tea, Itz. J
Suguea. Culebra. Coluber.
Sugarrasta, L.; subija, Itz. Sierpe, serpiente Serpens.
Sugue lotaria. Aspid. Aspis.
Ciraua, ceraua. Vibora. Vipera.
Crocodiloa. Cocodrilo. Crocodilus.
Muskerra. Lagarto. Lacerta.
Zapoa; apoa, L., Itz. Sapo, escuerzo. Bufo.
Iguela, inguela, zarrapoa, l'Rana. Rons
ugarayoa.
FRANÇAIS.
Rat.
Loir.
Hérisson.
Taupe.
Tatou.
Baleine.
Narwal?
Oiseau.
Aile.
Plume.
Bec.
Aigle.
Vautour.
Chouette.
Coucou.
Hirondelle.
Moineau,
Rossignol.
Fauvette ?
Perroquet.
Pic, pivert, bec-
bois.
Autruche.
Paon.
Dindon.
Faisan.
Coq.
Poule.
Perdrix.
Pigeon.
Corbeau.
Cygne.
Oie.
Canaré.
Couleuvre.
Serpent.
Aspic.
Vipère.
Crocodile,
Lézard.
Crapaud.
Grenouille,
BASQUE.
Arrai, L.; arraina, L., 1tz.
Arraizpata.
Ugotsa, caboca, Itz.
Amurraya, amuarraina, ar
rancaria.
1z0kia
Carpa, L.
Legatza, lebatza.
Bacaillaba.
Sardiña igarra.
Atuna.
Goïizcata.
Sortarraya ?
Aingira, L.:
ra, amaratza.
Arrabioa, lupua.
Armiarma.
Amama, amelauna.
Arbisca.
Erlea.
Chingurria, chindurria, chi-
naurria.
Eulia, ulia.
Elchoa, eltzoa.
Larrapotea, otiya, othia,
Chimica.
anegira, Îtz.
Camarroa, changurrua, amar- |
)
af
|
Cucusa, arcacusoa, ardia, L.; |}
cucusua, Itz.
Zorria, L.; corija, Itz.
Gusonoa.
Arra, gachoa.
Izaya, izaina.
Lapa, Magurioa.
Ostra , ostrea.
Chirlac.
Altistea perla.
Arrokia, belokia, ezpoiñia.
Hilicuskera.
Aberea, abrea, animalia.
Aberea, abrea, atzienda.
\
602
Anatomia.
Animal.
Bestia, bruto.
ESPAGNOL. LATIN,
Pescado. Piscis,
Espada. Xiphias.
Sollo. Lucius.
Trucha. Tructa.
Salmon. Salmo.
Carpia. Cyprinus.
Merluza. Merlus.
Bacalo, abadejo. Morua.
Arenque. Harengus.
Atun. Thinnus
Esturion, sollo. Sturio.
Torpedo tremielga. Torpedo.
Anguila. Anguila.
Cangrejo. Cancer marinus.
Escorpion, alacran. Scorpio.
Araña. Aranea.
Telaraña. Araneæ tela.
Insecto. Insectum.
Abeja. Apis.
l Hormiga. Formica.
Mosca. Musca.
Mosquito. Culex.
Langosta, sal Locusta.
taregla.
Chinche. Cimex.
Pulga. Pulex.
Piojo. Pediculus.
Gusano deseda, Bombix.
Gusano. Vermis.
Sanguijuela. Hirudo.
Marisco. Conchæ marinæ
Ostra. Ostrea.
Almeja, Modiola ?
Perla. Margarita.
Esponja. Spongia.
VII. — Anatomie et Physiologie.
Anatome.
Animal.
Bestia.
FRANÇAIS.
Poisson,
Espadon ( pois-
son ).
Brochet.
Truite.
Saumon.
Carpe.
Merlus.
Morue.
Hareng.
Thon.
Esturgeon.
Torpille.
Anguille.
Cancre.
Scorpion.
Araignée.
Toile d’araignée
Insecte.
Abeille.
Fourmi.
Mouche.
Cousin (insecte)
Sauterelle.
Punaise.
Puce.
Pou.
Ver à soie.
Ver.
Sangsue.
Coquille.
Huitre.
Moule.
Perle.
Éponge.
Anatomie.
Animal.
Bête.
BASQUE.
Gorputza.
Frintza, larmea, narmea.
Incerdia.
Burua.
Arpegia, aurpegia, begitar—
tea, bisaya.
Betaguiria, irudia.
Ocotza, cocotza.
Bizarra, bidarra.
Ilea, ulea, biloa.
Munen, muna, muña, L.; ba-
resarca , Itz.
Burmuna, L.
Goraiña.
Bidadigarria.
603
ESPAGNOL,
Cuerpo.
Cutis.
Sudor.
Cabeza.
|
À
Parecer del ros-
tro.
Barba.
Barba,
Pelo.
Sesos, cerebro.
Cerebelo?
Nervio.
Sensibilidad.
Lela, loloa, gueza, aula, goza. Insipidez.
Aditua, gosartua, zenzu.
Irudia, irudetsia.
Irudeslea , irudikiña , irudi—
gillea.
Burua.
Izpiritia ( A ).
Becokia , betondoa, copeta,
belarra , belarria.
Bécinta, bepurua
Begia.
Icustea.
Sudurra, surra.
Usaya, usaña.
Usña, usma, usaikifa.
Aoa, aboa, auba, aba.
Mia, mihia, mifa, mingaña.
Asbida.
Bozoa, Aozquia.
Ortza.
Marlila.
Belarria, bearria.
Bizcaya, L.
Bezoa, L.; sarcea, Itz.
Bernea, zancoa, aztala, ber-
nazakia, L.
Escua.
Entendimiento
Imaginacion.
l Imaginativa.
Caletre.
Espiritu.
|
| Frente.
Cejo.
Ojo.
Vision.
Nariz.
Olor.
Olfato.
Boca.
Lengua.
Laringe.
Voz.
Diente.
Marfl.
Oreja, oido,
Miembro.
Brazo.
Pierna.
Mano.
Cara, rostro.
LATIN
Corpus.
Cutis.
Sudor.
Caput.
Os, oris.
Orisapparentia.
Memtum.
Barba.
Pilus, capillus
Cerebrum.
Cerebellum ?
Nervus.
Sensibilitas.
Insipiditas.
Intellectus.
Imaginatio.
Facultas ima—
ginendi.
Mens.
Spiritus.
Frons.
Superclium.
Oculus.
Visio
Nasus, narcs.
Odor.
Odoratus.
Bucca.
Lingua.
Larynx.
Vox.
Dens.
Ebur.
Auris.
Membrum.
Brachium,
Crus.
Manus,
FRANÇAIS,
Le corps.
Peau.
Sueur.
Tête.
Visage, face.
Mine, physio—
nomie.
Menton.
Barbe.
Poil, laine, che-
veu.
Cerveau.
Cervelet?
Nerf.
Sensibilité.
Insipidité.
Intelligence, fa—
culté.
Imagination, in-
vention.
Imagination, fa-
culté.
Esprit.
L'esprit.
Front.
Sourcil.
Œil.
Vision.
Nez.
Odeur.
Odorat, olfactr
Bouche.
Langue.
Larynx.
Voix.
Dent.
Ivoire.
Oreille (son, au-
dition ).
Membre.
Bras.
Jambes,
Main,
604
BASQUE. ESPAGNOL.
Ofa, oifa, L.; cangoa, Har. Pie.
Atza, heatza, erhia, L.; | Dedo.
hura, Itz. }
Lepoa, iduna, garrondon. Cerviz.
Sobalda, lesaburna, soiña, soina. Hombro.
Bularra, L.; bularac, Itz. Pecho.
Sabela, L. Vientre.
Muna, muña, mamia. Tuetano.
Gartzurra. Vertebra
Sayetsac, sayet sezurrac, al—
boco ezurrac.
Costilla.
Bacia. Bacin.
Nasarkia. Musculo.
Haragia, okela. Carne.
Zaintulea. Tendon.
Barbillea. Contraccion.
Utzequia, bustana, hopa. Cola.
Belauna , belaña. Rodilla.
Ucondoa, ucalondoa, besacoscoa Codo.
Esqueletoa, ezur, azurrutza. Esquelelo,
Ezurra, azurra, L.; esteija, Itz. Hueso.
Titia, ditia, ugatza. errapia. Teta, pecho.
Bularra, ugatza, boillezna.
Eznea
Biria, birica, biriac, biricac.
Atsedea, atra, asnasea, arnasea. Respiracion.
Bicia, bicitza. Vida.
Ila, illa, balbea.
Leche,
Biotza. Corazon.
Zaña, zaifia, Zaina. Vena.
Arteria. Arteria.
Lazañac. Carotida.
Odola. Sangre.
Bollagira, ingurandea. Cireulacion.
Egostokia, estomago, urdal-
la, L.; urdabila, esto— > Estomago.
maca, Itz.
Mora, estea, estzea, L.; tri-} 3
cite | Intestino.
Legosia. Quilo.
Chegosketa, chegoskera, era- Digestion.
jatea, Ichiriztea, echoitza.
Gibela. Higado, hepar.
Supita, erracita ? colera ? Colera.
Barea. Bazo, melza.
Giltzurruna, guntzurruna,. Riñon.
Bisiga , mascuria. Vejiga.
Pysia, chysya, gernua, garnura, Orina.
Pecho de muger.
Pulmon, livieno.
Muerte, muerto.
LATIN,
Pes,
Dix.
Cervix.
Humerus.
Pectus.
Venter.
Medulla.
Vertebra.
Costa.
Pelvis,
Musculus.
Caro.
Tendo,
Contractio.
Cauda.
Genu, poples.
Cubitus.
Ossa articulata.
Os.
Mamma.
Mammæ.
Lac.
Pulmo.
Respiratio.
Vita.
Mortuus, mors.
Cor.
Vena.
Arteria.
Carotida.
Sanguis.
Cireulatio.
Gaster.
Iitestinum.
Chylus.
Digestio.
Jecur, hepar.
Bilis.
Splen,
Ren.
Vesica.
Urina.
FRANÇAIS.
Pied.
Doigt.
Cou?
Épaule.
Poitrine.
Abdomen, ventre
Moelle.
Vertèbre.
Côte.
Bassin.
Muscle.
Chair ( viande).
Tendon.
Contraction.
Queue.
Genou , jarret.
Coude.
Squelette.
Os.
Mammelles.
Sein.
Lait.
Poumon,
Respiration.
Vie.
Mort.
Cœur.
Veine.
Artère.
Carotide.
Sang.
Circulation.
Estomac.
Intestin.
Chyle.
Digestion.
Foie.
Bile.
Rate,
Rein.
Vessie.
Urine,
BASQUE,
Verga.
Barrabilla.
Acia.
Emasabela.
Illodoltzea, ilbetctzea.
Arraultza.
Humekia.
Chilbora, cila.
Limuria, labaña.
Emajautzea, andraketa, pail-
lardiza.
Errun.
Seboa, Ciboa, bicorra.
Failcorra , saiña, sain.
Coipea, gantza.
Lumera, uriña.
Azala, atzazala, azcazala.
Aztaparra.
Adarra.
Croca, chungurra, burcoilla,
cuneurra.
Aurdera , seindera.
Gaztetasuna, nerabetasuna.
Zartza, zarrera, zarraldia.
Galordea.
Basca, janaria, othoraza.
Edaria.
Gosea, amia.
Egarria, edayalea.
Bidutzia, gueyurtia.
605
ESPAGNOL: LATIN.
Verga. Virga.
Testiculo. Testiculus.
Esperma. Semen,
Utero. Uterus.
Menstruacion. Menstruatio.
Huevo. Ovum.
Feto. Fœtus,
Ombligo. Ombilicus.
Lubrico. Lubricus.
| Fornicacion. Fornicatio.
Ovar. Ovum parere.
Sebo. Sebum.
Manteca. Axonge.
Grasa. Adeps.
Grasa de ba— Balenæ pin-
llena. guedo.
Uña. Unguis.
Garra. Unguis.
Cuerno. Cornu.
Giba, joroba. Gibbus.
Infancia, niñez. Infantia.
Juventud, mo- Juventus.
cedad.
Vejez. Senectus.
Nutricion. Nutritio.
Alimento, sus— Cibus.
tento.
Bebida. Potus.
Hambre. Fames.
Sed, ansia, Sitis.
Monstruo, Monstrum.
VIT. — Ethnologie.
Dierria.
Encartea, encartza,
meta, samantza.
Arraca, leinna , etorkia.
Humeac, sumeac.
encar— k
Generacion.
Nacion. Natio.
Generatio.
Linage, estirpe, Genus, stirps.
raza.
Prole. Proles,
ERANÇAIS,
Verge.
Testicule.
Sperme.
Matrice.
Menstruation.
Œuf,
Fœtus.
Ombilie, nombril
Lubrique.
Fornication.
Pondre.
Suif.
Saindoux.
Graisse.
Huile de baleine
Ongjle,
Grife.
Corne.
Bosse.
Enfance.
Jeunesse.
Vieillesse.
Nutrition.
Aliment, nour—
riture.
Boisson , breuvage.
Faim.
Soif.
Monstre.
Nation.
Génération.
Race.
Race.
39
606
BASQUE, ESPAGNOL.
Gendea. Gente,
Mota, mueta. Linage, especie.
Aila. Padre,
Ama. Madre.
Semea. Hijo.
Alaba. Hija.
Anaya, anagea, neüea. Hermano.
r du frère ).
Arreba ( sœur d ) (LEE
Aizpa, aizta (sœur dela sœur). |
Osaba. Tio.
Illoba , illobea, senidumea. Sobrino.
Gusua. Primo.
Europarra, europacoa. Europeo.
Asiarra, asiatarra. Asiatico.
Indiarra, indiatarra. Indiano.
LATIN. FRANÇAIS.
Gens. Peuple.
Genus, species. Genre, espèce.
Pater. Père.
Mater. Mère.
Filius. Fils.
Filia, Fille.
Frater, Frère.
Soror. Sœur.
Avunculus. Oncle.
Sobrinus. Neveu.
Consobrinus. Cousin.
Europæus. Européen.
Asiaticus. Asiatique.
Indicus. Indien.
IX. — Pathologie, Médecine.
Sendakindea, éruskindea. Medicina.
Barber ( Archu, Labourt). Medico,
Erjakindea, minjakindea. Patologia.
Osakintza. Cirugia.
Obratu, ekin. Operar.
Senda, gallintza, sendacaikinza. Farmacia.
Curatu, geritu, sendagaitu, Curar.
Eria, gaisotasuna, erarzuna. Enfermedad.
Balioza. Valido.
Elgaitsa, sucarra, beroa, ba— }
unes { Calentura.
Errabia. Rabia.
Birikeria, biricamiña. Pulmonia.
Gozaifen galcordea.
Paralisis, perlesia. Paralysis.
Medecina. Médecine.
Medicus. Médecin, barbier
Pathologia, Pathologie.
Chirurgia. Chirurgie.
Operari. Opérer.
Pharmacia. Pharmacie.
Curare, sanare. Guérir.
Infirmitas, mor- Maladie, infir—
bus. mité.
Validus. Valide.
Febris. Fièvre.
Rabies. Rage.
Pulmonia. Pneumonie.
Paralysie.
Ero, erotu. Perder el juicio In insaniam in- Déraisonner ( de-
cidere. venir fou ).
Usuria. Dysuria. Dysuria, Dysurie.
Sabeldarsuna. Dysenteria. Dysenteria. Dysenterie,
Suazala. Erysipela, Erysipelas. Érysipèle.
Maizanarra, susterra. Herpes. Herpes. Dartre.
Supitzaya. Empeine. Impetigo. Impetigo.
Legenarra, sorayotasuna. Lepra,. Lepra. Lèpre.
Legen beltza. Elcfancia. Elephantia. Éléphantiasis.
Zauria. Ulcera, Uleus. Ulcère.
Minbicia, minjalea, Cancer. Cancer. Cancer (maladie)
607
BASQUE. ESPAGNOL, LATIN, FRANÇAIS,
Autsia. Quebrado. Fractus. Rompu, cassé.
Guiltzagea , locazurguetu. Descoyuntura. Luxatio. Luxation.
Zorna, guerlia, licustela. Pus. Pus. Pus,
Ustu, utsitu. Evacuar Evacuare. Évacuer.
Ustutzea, utsitutzea. Evacuacion. Evacuatio. Évacuation.
Sangria , Zancia. Sangria. Venæ sectio, san-Saignée.
guinis missio
Sualea. Boton de fuego. Cauteriumigni— Cautère.
tum.
Ira, pozoina, edena, mene-—
| Veneno. Venenum. Poison.
noa , venenoa. |
X. — Métaphysique.
Meicetakindea. Metañsica. Metaphisices. Métaphysique.
Arima, anima, Alma, Anima. Ame.
Burua. Caletre. Mens. Esprit.
Indarra, kemena, erremanka,
portidea, sendogoa.
Bucahagea, ondobagea, at- }Infinidad, in— {nfinitas, infini-Infinité, infini.
Fuerza. Vis. Force.
zenbagea. \ finito. tus.
Cecaya, gayeza. Immaterial. Immaterialis. Immatériel.
Neurtezdea. Immensidad. Immensitas. Immensité.
Dune à JE QE = Immortal. [mmortalis. Immortel.
Zuna , illecifia. |
Bicicaya. Espiritu vital. Spiritus vitalis. Esprit vital.
ne DEEE Ser. Essentia. Être ( subst. ).
Cerabea, irozcaya. Materia. Materia. Matière.
Gorpuschoa. Cuerpecillo, ci- Corpusculum, Corpuscule.
to, zuelo.
Pisca, puisca, partechoa. Particula. Particula. Particule,
Pitsa, Fitsa, icabea, ela, Atomo. Atomus. Atome.
Era, dembora Tiempo. Tempus. Temps, durée.
Artea, tocartea. Espacio. Spatium. Espace.
Soïldura, utsunea. Vacio, elvacio. Vacuum. Vide (substant").
Causa. Causa. Causa. Cause.
Causa, equiñoya, eguillea. Causa eficiente. Causa eficiens. Cause cficiente.
tr POSE | Causa final, Gausa finalis. Cause finale.
Causa gayezcoa. Causa material, Causa materialis Cause matérielle
Causa lena, lenengoa. Causa primera. Causa prima. Cause première,
Arrengog. Causal. Causalis. Causalité.
Causatu, sortu, eracarri egin, Causar. Eficere, edere, Causer, déter-
gignere. miner,
608
XI. — Arithmétique.
BASQUE.
Cembateen, jakindea.
Cembatea.
Batasuna, batagoa.
Conticheca, partida.
Cerbakitu.
Diaskitea.
Ucitu, bereci.
Uzcuya, uzeoa, uzcura, berezoca Division.
Dindea, doidea, lagindea.
Berdindea.
Araldea, ondedaira.
Ceroa, ciabolla.
Algebrea.
Bat.
Bi.
Hiru.
Lau.
Bost.
Sei.
Zaspi,
Zortzi.
Bederatzi.
Amar.
Amaica.
Amabi,
Amairu.
Amalau.
Amabost.
Amasei.
Amazazpi.
Amazortzi.
Emeretzi.
Ogei.
Ogeitabat.
Ogeiltabi.
Ogei eta amar.
Bérrogei,
Berrogei eta amar.
Hirurogei.
Hirurogei eta amar,
Laurogei.
ESPAGNOL. LATIN.
Aritmetica. Ariihmetica.
Numero. Numerus.
Unidad. Unitas.
Adic on, suma. Summa.
Sustraccion. Substrahere.
Multiplicacion, Multiplicatio.
Dividir. Dividere.
Divisio.
Proporcion. Proportio.
Equacion. Equatio.
Serie. Series.
Cero. Arithmeticæ
nota.
Algebra Algebra.
Uno, una. Unum.
Dos. Duo.
Tres. Tres.
Quatro. Quatuor.
Cinco. Quinque.
Seis. Sex.
Siete. Septem.
Ocho. Octo.
Nueve. Novem.
Diez. Decem.
Onze. Undecim.
Doce. Duodecim.
Trece. Tredecim.
Catorce. Quatuordecim.
Quince Quindecim.
Diez y seis. Sedecim.
Diez y siete.
Diez y ocho.
Diez y nueve.
Veinte.
Veinte y uno.
Veinte y dos.
Treinta,
Cuarenta.
Cincuenta.
Sesenta.
Setenta.
Ochenta,
| Septem decim.
| Decem et septem
{ Decem et octo. }
| Duo de viginti |
FRANÇAIS.
Arithmétique.
Nombre.
Unité.
Addition.
Soustraire,
Multiplication,
Diviser.
Division.
Proportion,
Équation.
Série.
Zéro.
Algèbre.
Un, une.
Deux.
Trois.
Quatre.
Cinq.
Six.
Sept.
Huit.
Neuf.
Dix.
Onze.
Douze.
Treize.
Quatorze.
Quinze.
Seize.
Dix-sept.
Dix-huit.
Decem et novem Dix—neuf.
Viginti.
Vingt.
Unus et viginti. Vingt et un.
Duo et vigenti. Vingt-deux.
Triginta.
Quadraginta.
Quinquaginta.
Sexaginta.
Séptuaginta.
Octoginta.
Trente.
Quarante.
Cinquante.
Soixante.
Soixante—lix.
Quatresvingts.
BASQUE.
Laurogei eta amar.
Ehun.
Berrehun.
Hirurehun.
Milla.
Birmilla.
Hirumilla.
Milliun.
609
ESPAGNOL,
Noventa.
Ciento.
Doscientos.
Trescientos.
Mil.
Dos mil.
Tres mil,
Millon.
LATIN
Nonoginta.
Centum.
Ducenti.
Trecenti.
Mille.
Duo millia.
Tres millia.
XII. — Géométrie.
Neurtakinda.
Neurtua.
Leuna, cinuza.
Erodusa.
Chakezkia.
Eskina.
Zocoa, chocoa, bazterra.
Ciria,
Camutza, ciacaitza.
Bidastigoala.
Bollesia, bollagira, ingura.
Eïdioya, ertcia, centroa.
Lerroa, ciluza.
Marrerdia.
Arrautzera, itarca.
Marmacurra, L.
Hiraurka.
Ondapea.
Aldaurkea.
Alda, aldea, alboa.
Laurca.
Zortziaura.
Leplauntia.
Alde ascotacoa.
Seialda, seiaurea.
Seigaïña,
Geigantia.
Plauna.
Seplauntia,
Hirgaña.
Auzkia, aisala, asyala, naiña.
Bigancia.
Boilla, bola, pella.
Geometria.
Medida.
Linea.
Punto.
Angulo.
Esquina.
Rincon,
Cuño.
Obtuso.
Paralelo.
Circulo.
Centro.
Radio.
Diametro.
Ovalo.
Lunula,
Triangulo,
Base.
Hypotenusa.
Lado.
Cuadro.
Octogono.
Paralelogramo.
Poligono.
Hexagono.
Cubo, hexaedro.
Cubico.
Plano.
Paralelipedo.
Cilindro.
Superficie.
Cono.
Globo.
FRANÇAIS.
Quatre-vingt-dix
Cent.
Deux cents.
Trois cents.
Mille.
Deux mille.
Trois mille.
Mille millia Million.
Geometria. Géométrie.
Mensura, dimensus Mesure.
Linea. Ligne.
Punctum. Point.
Angulus. Angle.
Angulus. Angle (saillant)
Angulus. Angle, coin (an-
glerentrant )
Cuneus. Coin.
Obtusus. Obtus, camus
Parellellus. Parallèle.
Circulus. Cercle.
Centrum. Centre.
Radius. Rayon.
Diameter. Diamètre.
Ellipse. Ellipse, ovale.
Lunula, Lunule,
Triangulum, Triangle.
Basis. Base.
Hypothenusis. Hypothénuse.
Latus. Côté.
Quadrum. Carré.
Octogonum. Octogone.
ParallelogramumParallélogramme
Multilaterus. Multilatère.
Hexagonum. Hexagone.
Cubum. Cube.
Cubicus. Cubique.
Planum. Plan.
Parallelipipedus Parallélipipède.
Cylindrus. Cylindre.
Superficies. Superficie.
Conus Cone.
Sphæra, Sphère,
BASQUE.
Acha.
Aurkelougoya.
Zortzi.
Ogeiaurkea.
Beruna, berdincaya.
Cartajoia.
Oinkida, ciakida.
Gira.
Marroldu.
Berunean.
610
ESPAGNOL. LATIN.
Eje. Axis.
Tetraedro. Tetraedron.
Octaedro. Octoedrum.
Icossedro. Icosaedrum.
Nivel. Libella.
Escuadra , car— Norma.
tabon.
Compas. Circinus.
Giro, cerco. Gyrus.
Reglar, pautar. Delineare.
A plamo.
Verticalis.
FRANÇAIS.
Axe.
Tétraèdre.
Octaèdre.
Icosaèdre.
Niveau ( fil à
plomb ).
Équerre.
Compas.
Tour, rond, cercle
Régler, rayer.
Vertical, à plomb
XIII. — Mécanique. (V. Industrie, 4rts mécaniques. )
Lancaya, lanabesa.
Aimbastuna.
Mugida, ibillia, igina, uherriza.
Ciya.
Libra.
Ulancaikintza.
Icetakindea.
Iceta.
Izaira , izatea, sortiza.
Gorputza.
Gorputz trincoa.
— argiguroa.
— ezakia.
— arantia.
— gogorra.
Maquina, artiä— Machina.
cio.
Equilibrio. Equilibrium.
Movimiento. Motus
Cuña. Cuneus.
Balanza. Libra.
Hydrotechnia. Hydrotechnia,
XIV. — Physique.
Physica. Physica.
Naturaleza. Natura
Naturaleza. Natura.
Cuerpo. Corpus.
Cuerpo denso. Corpus densam.
—— diafano — transpar.
— fluido. — fluidum.
— regular, — regulare.
— solido. — solidum,
Machine.
Équilibre.
Mouvement.
Coin.
Balance.
Hydrotechnie.
Physique,
Nature ( collec—
tion des êtres
composant l’u-
nivers ).
Nature (considé-
rée comme
puissance).
Corps ( être ma-
tériel ).
Corps dense.
— diaphane.
transpart.
— fluide.
— régulier.
— solide.
BASQUE:
Gorputz ostia.
argitua.
ariña,
arguitsua.
arroa.
Lodikia, ciokia, trincokia.
Beregoitza.
Utsunea.
Mea,
Jatorria, etorkia.
Sendarra.
Gogorra.
Zuta, zutina.
Idortaria, chucatzaria.
Pusea, Zatia.
Biltzea, batzea, biribillatzea.
Dia, taldea, pilla, molsoa, }
montoya. |
Mospilla.
Otsa.
Pisua.
Pisatu.
Berotu.
Baoa, Kemearra.
Beroa, berotasuna, sukindea.
Icuskindea.
Argia.
Igargikea.
Igarguia.
Distiatu, tistiatu, ganargitu.
Mirailla,
Miserac, Har.
Imana.
Itsasorratza.
611
ESPAGNOL, LATIN, FRANÇAIS,
Cuerpo sonoro, Corpus sonorum Corps sonore.
illuminado — illuminatum — éclairé.
— leve. — leve. — léger.
— luminoso — luminosum. — lumineux.
— raro. — rarum, — rare.
Densidad. Densitas. Densité.
Elasticidad? Elasticitas, vis Élasticité.
elastica.
Vacio. Vacuum. Vide.
Fluido, Inanis. Fluide.
Emanacion. Emanatio. Émanation.
Solido. Firmus, solidas Solide, ferme.
Duro. Durus. Dur ( phys. ).
Yerto, tieso, de- Rigidus. Droit, roide.
recho.
Absorbante Absorbens. Absorbant.
Pieza, pedazo. Pars, portio. Partie, pièce,
morceau.
Agregacion, Aggregation. Aggrégation.
Agregado, con— Congeries. Assemblage.
junto de cosas
Desmocho. Partium mutila- Amas de parties
tarum congeries coupées.
Sonido. Sonitus. Son.
Peso. Pondus. Poids.
Pesar. Ponderare. Peser.
Calentar. Calefacere. Chaufer,
Vapor. Vapor. Vapeur.
Calor. Calor. Chaleur,
Optica. Optice. Optique.
Luz. Lux. Lumière,
Opacidad. Opacitas. Opacité.
Diafanidad, trans- Luciditas. Transparence.
pareneia.
Brillar, relucir, Micare. Briller, luire.
resplandecer,
Espejo. Speculum. Miroir.
Anteojos. Perspicillum. Lunettes.
Iman. Magnes. Aimant.
Brujula. Pixis nautica. Boussole.
XV. — Chimie
Lenmena, lenastea.
Nastua.
Elemento, orum Élément.
Mixtus. Mixte (composé
mélange).
Elemento.
Mezclado.
BASQUE.
Nasiero, naskera, naspilla.
Binakidea.
Licura
Liac, ondakina.
Iraci, iragaci.
Alambicar.
Kemearra, baoa.
Kemeac, kemearrac.
Celaustea, kemear(zaa.
Urtu.
Sua.
Garra, carra, bermea.
Kea, gea.
Hauxa.
Maca, macatu.
Sufrea, L., Itz.
Icatza, iketza.
Urrea, urregoria.
Cillarra.
Solimana, cillar bicia, azogea.
Cirraida, estañua.
Beruna.
Cebrea, urraida.
Broncea,
Burnia, burdina.
Cirberukia, petrea.
Arminca, bermejoya.
Gatzastea.
Caliza, edacaya, edontzia, ga—
porra.
Carobia.
Erdoya, ordoya.
Gatzua.
Menoslora.
Anoduna.
Licurta indietaca.
Beira, beirakia, vidrioa.
Nauturrea.
Ozpifa, arlacha, vinagrea.
Cupritsa.
Liardora.
Upezmea,
612
ESPAGNOL
Mezcla, mixtura Mixtio.
Combinacion.
Licor.
Pie.
Colar.
Alambicar,.
Vapor.
Espiritu, vapor.
Evaporacion.
Derretir.
Fuego.
Llama.
Humo.
Ceniza.
Podrirse.
Azufre.
Carbon.
Oro.
Plata.
Azogue.
Estaño.
Plomo.
Cobre.
Bronce.
Hierro.
Peltre
Vermellon.
Alcali.
Cal.
Horno de cal.
Cardenillo.
Nitro.
Caparrosa.
Alumbre.
Atincar, borax.
Vidrio.
Esmalte.
Vinagre
Verdete.
Tartaro.
Cremor tartaro.
LATIN. FRANÇAIS,
Mélange.
Combinatio. Combinaison.
Liquor. Liqueur.
Sedimentum. Sédiment, lie.
Colare. Passer, filtrer.
Stillare, Distiller.
Vapor. Vapeur.
Spiritus. Esprit (vapeur).
Evaporatio Évaporation.
Liquore, lique— Fondre, liquéfer
facere,
Ignis. Feu.
Flamma Flamme.
Fumus. Fumée (vapeur
apparente ).
Cinis. Cendre.
Putrescere, Se putréfier, se
corrompre.
Sulphur. Soufre.
Carbo. Charbon.
Aurum. Or.
Argentum. Argent.
Argentum vivum Mercure ( mé—
hydrargyrum tal.
Stannum. Étain.
Plombum. Plomb.
Cuprum. Cuivre.
Œs Bronze.
Ferrum. Fer.
Stannum plumbo Alliage de plomb
admixtum. et d’étain.
Cinnabaris Vermillon.
Alkali. Alcali.
Calx. Chaux.
Calcaria fornax. Four à chaux.
Ærugo, rubigo. Vert-de-gris.
Nitrum. Nitre.
Atramentum su- Couperose verte
torii. (sulf. de fer).
Alumnus,. Alun.
Borax. Borax.
Vitrum. Verre.
Encaustum. Émail.
Acetum. Vinaigre.
Ærugo Vert—de-gris.
Tartarus. Tartre.
Cremor tartari Crème de tartre.
613
BASQUE. ESPAGNOL.
Azucrea. Azucar.
Olioa. Aceite.
Ardoa, ardaua, arnoa, matsa, Vino.
noa.
Sagarnoa. Cidra.
Gararnoa. Cerbeza. «s
Uricekia, urecion, ucartua , | Aguardiente.
usutua. |
Tinta, coransia. Tinta.
Tintura, gambustea, coranstea, Tintura.
Larrua, narrua, Piel, cuero.
Eztia. Miel.
Ez coa , arguzagia, argicaya, | PE
ezkidea. |
Chaboya, salboina, jaboca. Jabon.
Urrekintza. Alquimia.
Eraldaira. Transmutacion.
Filosofarria.
LATIN,
Saccharum.
Oleum.
Vinum.
Vinum & malis.
Cerevisia.
Spiritus vini.
Atramentum.
Tinctura.
Pellis, corium.
Mellis.
Cera.
Sapo.
Alchimis.
Transmutatio.
phicus.
FRANÇAIS.
Sucre.
Huile.
Vin.
Cidre.
Bière.
Eau-de-vie.
Encre.
Teinture.
Peau, cuir.
Miel.
Cire.
Savon.
Alchimie.
Transmutation.
Piedra filosofal. Lapis philoso— Pierre philoso—
phale.
XVI. — État social : Gouvernement , Législation, Guerre, Navigation,
Chasse et Péche.
Dierondea, errepublica, Republica.
nu jabaria , agindea, Imperio.
ringia.
Bateronkia, einua. Reino.
Erregue. Rei.
Burua, buruzagia, agintaria. Gefe.
Leñargia, noblecia. Nobleza.
Jendaiea. Pueblo.
Jauna. Señor.
Kitagea, mempea, lotekintza. Esclavitud.
Serbitua. Servitud.
Kitagea, lotekia, mempecoa. Esclavo.
Kitagea, mempecoa, lotekia
sr 21e
esclavoa. { Siervo.
Respublica.
Imperium.
Regnum.
Rex.
Dux, præses.
Nobilitas.
Populus.
Dominus.
Servitus.
Servitus.
Mancipium.
Servus.
Morroya, nescamea, seya, mu- | Servidor, criado Famulus.
tyla, mirabea, \
Charra, chatarra.
Landera, landericoa.
Lancaitza, eztakindua, azal- }
keretsua. | Harbaro,
Proletario.
Forastero.
Proletarius.
Barbarus.
Barbarus.
République.
Empire.
Royaume.
Roi.
Chef.
Noblesse.
Peuple.
Monsieur, sei—
gneur.
Esclavage.
Servitude.
Esclave.
Serf.
Domestique,
Prolétaire.
Étranger.
Barbare.
614
BASQUE.
Basotia, basatarra, oyandarra, | Silvestre
ÿF 5
sarobearra.
Tarra. Vecino.
Ermita. Ermita.
Eskalea eskean, debillerra
eraumesa, noarroina. \ Mendigo.
Karitate. Caritad.
Aberatsa. Rico.
Maïzterra. Colono.
Asiagambaria , igitucoa. Gitano.
Jostallua, jardunaya. Juglar.
Cabildez, profesioa. Profesion.
Senartea, escontza. Matrimonio.
Astura, bezoa, oicuna, oitura, } Uso, costum— Consuetudo,
plegua, costuma. { bre, habito.
Hiztuna. Orador.
Era. Era.
Eragoa. Cronica.
Itsaspitegia. Estanco.
Neurtartea , araudea, Derecho.
Lege, legea. Lei,
Escuciatua. Codigo.
Hogena, hobena, legautsia. Crimen.
Araustea. Delito.
Debedea. Fallo.
Eripea, condenacioa. Condenacion.
Lapurra, ohoina. Ladron.
Erallea. Asesino,
Burreba, borreroa, gicerlea. Verdugo.
Erbestetua , erretic, botatua,
egotzia, camporatua. | Desterrado.
Gaïstakidea. Complice,
FR bidcetaco, lapurra, | Saiteador.
Guerra, guerrea. Guerra.
Gerratia, gudartaria, solda—
dua, gudaria. | Soidado.
Diandea, kersitua. Ejercito.
Ointaridia. Infanteria.
Zaldundia, zamaldundia. Caballeria.
Brigada. Brigada.
Pilla, zadia, giza, cambetea.
: bres.
Bandera. Bandera.
ESPAGNOL,
LATIN. FRANÇAIS.
Sylvestris. Sauyage.
Incola. Habitant.
Solitarius. Ermite.
Mendicus. Mendiant.
Charitas. Charité.
Dives. Riche.
Colono. Colon.
Bohémien.
Ludio. Jongleur.
Professio. Profession.
Matrimonium. Mariage.
Coutume, usage.
mos.
Orator Orateur.
Æra. re.
Annales. Chronique, an—
nales.
Mercium vetita- Débit de la régie.
rum locus.
Jus. Droit.
Lex. Loi.
Codex. Code,
Crimen, Crime.
Delictus. Délit.
Decisio. Jugement, sen—
tence.
Damnatio. Condamnation.
Fur, latro. Voleur.
Sicarius. Assassin.
Carnifex, tortor Bourreau.
Proscriptus. Proscrit.
Particeps. Complice.
Grassator, latro.Brigand.
Bellum. Guerre.
Miles. Guerrier.
Exercitus. Armée
Peditatus. Infanterie.
Equitatus. Cavalerie.
Manus, turma. Brigade.
Partido de hom- Cohors, manus.Parti.
Signum , vexil— Drapeau, ensei-
lum. gne.
BASQUE.
Banderetuna, banderatua.
Gudatu, gatezcatu, pelcatu.
Bitoria, victoria.
Diandea, pillandea,
Campicheca.
Arma , armes.
Lanza, lancia.
Pica.
Tiruztaya.
Sayeta, guecia, istoa, lutzia
Dardua, azagaya, chochoa.
Ubalarria, aballa.
Ballestä.
Arbtalea,
Puñala, traketa, ucabicia, L.;
Puñeta, Itz.
Ezpata, L.; apala, Itz.
Alfangea, L ; sabrea, Itz.
Agapurua.
Makila, makilla, hua, ma-—
khila, L.
Brokela, ezcutakia, adarga.
Burantza.
Soiburnia, bularcaya.
Cota, cotea.
Ontzia, untzia.
Batela, L.; batoa.
Barcochoa, Chanela.
Uasca, urasca.
Arrauna, errauna, boacaya.
Vela, L.
Lenra, buztega, L.; gober-
naria, Itz.
Uricala.
Eïiza, ihicia.
Artea, lakioa, lazoa.
Cebo, cebar.
Arrantza.
Zurda.
Amua.
Harpoa.
Butroea.
615
ESPAGNOL. LATIN.
Abanderado. Vexilifer.
Combatir, pelear Pugnare.
Victoria. Victoria.
Campo. - Acies.
Tienda de cam- Tentorium,
paña.
Arma. Arma, orum.
Lanza. Hasta, lancea.
Pica. Hasta,
Arco. Arcus.
Saeta, flecha. Sagitta.
Dardo. Telum.
Honda, Funda.
Ballesta. Balista.
Catapulta (ma- Catapulta.
quina ).
Puñal. Pugio.
Espada. Ensis, gladius
Sable. Acinaces
Maza, Claya.
l Fustis, palus,
| 0 sudes.
Proquel,escudo, Clypeus, pelta,
adarga.
Morrion.
Coraza.
Cota de malla,
Navio, nao.
Bo:e.
Barquilla, 0.
Barca.
Remo.
Vela.
l Timon.
Naufragio,
Caza.
Cepo, lazo.
Cebo.
Pescado
Sedal, codal.
Anzuelo,
Arpon.
cetra.
Cassis, galea,
Lorica.
Lorica hamis
conserta.
Navis.
Scapha.
Cymbula.
Cymba, scapha.
Remus,
Velum.
Gubernaculum.
Naufragium.
Venatio.
Laqueus.
Illex.
Piscatio.
Linea.
Hamus.
Harpago.
Buitron, butron Nassa.
FRANÇAIS.
drapeau.
Porte {enseigne.
bannière.
Combattre.
Victoire.
Camp d’une armée.
Tente.
Arme,
Lance.
Pique.
Arc ( arme ).
Flèche.
Trait, flèche,
Fronde.
Baliste (de guerre).
Catapulte.
Poignard,
Épée,
Sabre,
Massue,
Bâton,
Bouclier.
Casque.
Cuirasse,
Cotte de mailles.
Navire.
Bateau.
Barque.
Barque.
Aviron.
Voile.
Gouvernail.
Naufrage.
Chasse.
Piége.
Appât.
Pêche.
Ligne à pêcher,
Hameçon.
Harpon.
Nasse, filet,
616
XVII. — Religion.
BASQUE.
Jaincoa, Jincoa
Jesus.
Aingerua.
Aingeru guardacoa, aitzinda—
ria, gure Zaya, Zaina, Zait—
zalea, beguiralea.
Done, jaun done.
Paradisua, L.
Ifernua.
Dealrua, dealruja, deabrua.
Demonioa.
Bostliburu.
Hitzaldia.
Etorkuzunen, asmeguia profecia.
Donakia, donatia, donetia, do—
netua.
Ganutsa, eztondea,
Habro.
Ceagia.
Asmariac, somariac, igerleac,
egaztietatic.
Sacrificaria, sacrificatzallea ,
doscainlea.
Donguedea.
Mirabilla, marabilla, miraria.
Mira, mirara, milagroa.
Mirakindea.
Mirakinde beltza.
Arritu , sorgindu, sorregin.
Jaincobaguea.
Donedea.
Christaua, guiristioa
Fedea, sinisteragillea.
Cinez ezertatu.
Batayoa, batcoa.
Apoiza, apeza, abodea.
Abrildu.
Iñoteriac, jauteriac, aratuz—
teac, zampantzartac.
ESPAGNOL. LATIN.
Dios. Deus.
Jesus. Jesus.
Angel. Angelus.
Angel de la Angelus custos.
guarda.
Santo. Sanctus.
Paraiso. Paradisus.
Infierno. Infernus.
Diablo. Diabolus.
Demonio. Dœmonium.
Pentateuco. Pentateucum.
Oracion, ruego. Oratio.
Profecia. Prophetia, vati-
cinium.
| Sagrado, a, Sacer, a, um.
Profanidad. Profanatio.
Hado. Fatum, sors.
Idolo. Idolum.
| Auguro. Augur.
| Sacrificador. Sacrificus.
Supersticion. Superstitio.
Maravilla. Mirum.
Milagro. Miraculum.
Magia, Magia.
Magia negra, Magia diabolica
diabolica .
Encantar. Incantare.
Atheo, a. Atheus.
Religion. Religio.
Cristiano. Chbristianus.
Fe. Fides.
Abjurar. Abjurare.
Bautismo. Baptismus.
Cura , sacerdote.Presbyter,
Immolar. Immolare.
Carnaval. Bacchanalia.
FRANÇAIS.
Dieu.
Jésus.
Ange.
Ange gardien.
Saint.
Paradis.
Enfer.
Diable.
Démon.
Pentateuque.
Prière.
Prophétie.
Sacré.
Profanation.
Destin, sort.
Idole.
Aügure.
Sacrificateur.
Superstition.
Merveille.
Miracle.
Magie.
Magie noire.
Enchanter, en—
soreeler, jeter
un sort.
Athée.
Religion.
Chrétien.
Foi.
Abjurer.
Baptème.
Curé, prêtre.
Immoler, tuer.
Carnaval,
BASQUE.
Garizuma.
Naspilla, nastapilla,
Bagetic, egitea, utzetic, ece-
reztic, deuseztic, ateratzea,
Temploa , elizea.
Altarea, aldarea,
Obia, ehortzuloa.
Tumboloa.
Obarria.
617
ESPAGNOL. LATIN.
Cuaresma. Quadragesima.
Caos. Indigesta rerum
moles.
Creacion. Creation.
Templo. TTemplum.
Altar. Altare.
Sepultura Sepultura.
Tumulo. Tumulus.
Lapida sepuleral Lapis sepulchrasis.
XVIII. — Agriculture.
Achurza, aitzutza, lantzea.
Scloa , alorra, ordakia, soroa.
Ostadia, erial.
Naroa, ugaria, joria, mucu—
Tua, Murna.
Agortasuna.
Luralferra.
Acienda, aciendea.
Baratza.
Baratzaya, L.
Goldea, Lar.; goldiga, Lab.
Utzarria.
Arrea, area.
Goldatu, eisar.
Landa, soloa, soroa, Larroa, L.
Landeta , sorodia, larraga, }
larreta.
Alea, bihia, garua, pipia.
Lustoa, Lar, fr.
ltua, heia, bagastegia.
Cekina, Lab.; Abono, Lar.
Sastu, goroztu, basaratu, ci— }
maurtu, inaurkindu. |
Suguzuzta, uzta.
Erein, ereindu.
Atzitu, batu, biribillatu.
Laudatu.
Bihitegia,
Sarcoya, basoa, oyana.
Arizaya.
Ganadua.
Agricultura. Agricultura.
Campos. Sata.
Erial. Ager incultus.
Abundancia, Ubertas, co— |
pia. |
Esterilidad. Sterilitas.
Erial. Ager incultus.
Hacienda. Rustieum prædium
Huerto. Hortus.
Hortolano. Olitor.
Arado. Aratrum.
Yugo. Jugum bovis.
Aroyo euadrado Aratrum dentalum
Arar. Arare.
Prado, Pratum.
| Pradera. Pascua.
Grano. Granum.
Paja. Palea.
Muladar. Sterquilinium.
Estiercol. Stercus, fimum.
Estercolar. Stercolare
Mies, siega, Messis.
Sembrar. Serere, seminari
Coger, recoger. Congerere.
Plantar. Plantare.
Desvan. Granarium.
Selva. Sylva.
Pastor. Arietor pastor.
Ganado. Grez, pecus.
FRANÇAIS.
Carême.
Cahos.
Création.
Temple, église.
Autel.
Sépulture.
Tombeau.
Pierre tumulaire
Agriculture.
Terres cultivées
Champ inculte.
Fertilité, abon—
dance.
Stérilité.
Friche.
Ferme.
Jardin.
Jardinier,
Charrue.
Joug des bœufs.
Herse.
Labourer,
Pré,
Pâturages.
Grain, céréales.
Paille.
Fumier.
Engrais.
Fumer les terres
Moisson.
Semer.
Récolter,
Planter,
Grenier.
Forêt.
Berger.
Troupeau (en
général ),
618
BASQUE. ESPAGNOL, LATIN. FRANÇAIS.
Elea , aberea. Ganado mayor. Armentum. Troupeau de
grand bétail.
Eïumea, abrumea. Ganado menor. Grex. Menu troupeau.
Illea, ulea. Lana. Lana. Laine.
Arullea. Esquileo. Vellus. Toison.
Bicaña. Nata. Pinguedo lactis. Crème.
XIX. — Industrie, Arts mécaniques et Arts chimiques.
Mana, Antzea. Industria. Ars, industria. Industrie.
Jrun , irulea, ardazketan , | Hijar. Nere. Filer.
egon ou egin.
Aria, pillera , fillera. Hilo. Filum. Fil à coudre.
Eo, cheitu. Tejer. Texerc. Tisser.
Eulea ,.cheila, L. Tejedor. Textor. Tisserand.
Cuerda, esgarria, Locarria , | era Fnfé. Corde:
baga, L. |
Euta, L.; ehoïhala, Itz.; euta. Tela, lienzo. Tela. Toile.
Illea, ulea. Lana. Lana. Laine.
Oyala. Paño. Pannus. Drap.
Seda, ciricua. Seda. Sericum bombix Soie.
Errota, igara, bolua, L. Molino. Molendinum. Moulin.
Aizerrota, aïzigara, aizabolua. Molino de viento Mola alota. Moulin à vent.
Errotarria, eotarria, L. Muela de molino Mola. Meule.
Erremeniaria, L. Herrero. Faber ferrarius. Forgeron.
Dendaria, ecojoslea, L. Sastre. Sartor. Tailleur.
Zapataria, oskegillea, L. Zapatero. Sutor. Cordonnier.
Arotza, zuarotza, zurgina,. Carpintero. Faber ligniarius Charpentier.
Ekintza. Fabrica. Oflicina Yabricandi. Fabrique.
Icaskintza. Carboneria. Carbonis fabrica Fab. de charbon
Bcirakintza. Vidrieria. Vitri fabrica. Verrerie.
Ola, burniola. Herreria. Officina ferraria. Forge ( fonderie
de fer.
XX. — Commerce ‘.
Tratua, haremana. Comercio. Commercium. Commerce,
Erospena. Compra. Emptio. Achat.
1 V. les verbes acheter, vendre, payer, etc.
BASQUE.
Salpena , Har.
Dirua, moneda.
619
ESPAGNOL. LATIN,
Venta. Venditio
Moneda. Moneta.
FRANÇAIS.
Vente.
Monnaie.
XXI. — Architecture et construction des bâtiments.
Chaola, echola. Cabaña. Casa. Hutte.
Lagoya, sabaya. Cloza. Tectum, terreum Hutte, tanière.
Adrillua, adrallua, buztiñerra. Ladrillo. Later. Brique.
Echea, ichea. Casa. Domus Maison.
SELS ARE Cocina. Culina, coquina Cuisine.
caratza, L.; cusina, Itz.
Sala, L., Itz.; mandiota,
tarbea, sollerua. | Sala. Aula. Salle.
Echurubea, utsagiria, L, Patio. Impluvium. Cour.
Zamaltegia. Caballeriza. Equile. Écurie.
Leorpea, echapea, L., Itz. Sotechado. Tectum. Hangar, remise.
Soilleriia, vicitza, goiticoa.
Soto, gelupea.
Kertokia, chimitua, chiminea, L.
Iria, uria, erria, Lar.
Iria, biria, uria
Jauregia, echandia.
Bittoquia.
Plaza.
Calea, carrica, ataria, estra—
tea, L.
Leyoa, icharguia, ventana.
Ichagoya , atarbea,
bea, tellatua.
Coloma, habea.
Metola,
Metarria.
Guizameta.
Dorrea.
Murrua,
Esindartzea.
Gaztelu, gaitza,
Piso, alto. Altior domus
contiguatio.
Cueva, bodega , Specus, cella.
sotano.
Chimenea. Caminus.
Lugar, pueblo. Pagus.
Ciudad. Urbs.
Palacio. Palatium.
Teatro. Theatrum.
Plaza, lugar. Forum.
| Calle. Via.
Ventana. Fenestra.
pots | Techo, tejado. Tectum.
Columna. Columna,
Columna de madera Columna lignea
Obelisco. Obeliscus.
Coloso. Colossus.
Torre. Turris.
Muralla. Murus.
Fortificacion, Munitio.
Ciudadela. Arx.
Étage,
Cave.
Cheminée.
Village.
Ville.
Palais,
Théâtre.
Place publique.
Rue.
Fenêtre.
Toit.
Colonne.
Colonne de bois.
Monolithe.
Colosse ( statue
colossale.
Tour.
Rempart.
Fortification.
Citadelle,
BASQUE.
Ciamartea.
Pintura, antzeskintza.
Otallua.
Otsankida, musica.
Tallua, tallunza.
Talluntza.
Dantza, oinearidea.
Canta, cantea, cantua, otsastea.
Lira.
Tuta, A.
Adarturunta, autsaoya.
Biurturunta
Chirola
620
XXII. — Beaux-Arts.
ESPAGNOL. LATIN.
Dibujar. Delineatio.
Pintura. Pictura.
Escultura. Seculptura.
Musica. Musica.
Estatua. Statua.
Imagen. Icon, nis.
Baile. Saltatio.
Canto. Cantus.
Lira. Lyra.
Cuerno (trom- Cornu tuba.
peta ).
Corneta. Cornu buccina.
Gaita. Symphoniacus,
Chifla. Tibia tribus fo-
raminibus.
FRANÇAIS.
Dessin,
Peinture.
Sculpture.
Musique.
Statue,
Planche (figure,
gravure)
Bal, danse.
Chant.
Lyre.
Trompette (corne
de bœuf).
Cornet (musique)
Cornemuse.
Galoubet.
XXII. — Objets usuels : Instruments et Outils divers.
Erremienta, burnilancaya.
Herramienta.
Errementaritegia, burnikinztegia Fragua.
Auspoa, haicemetecua, Itz.
tenaza
Currica , betzearra,
L.; trucasac, Itz.
Mallua, mallukia, L.
Ingudea, chungurea, L.
Lima, Itz.; limea, L.
Cerra , L.
Aïzcora, puda, L.
Puda, ayotza, iñauseaya, L.
Ganibetea.
Pala, chabola, L.
Escubarea, L.
Aitzurra , achurra.
Andiagoa, L.; hancarra,
Sardea , L.
Igitaya, itaya, L.; porcacija
Gurdestalia , orgestalia,
orgac, Itz.
Titarea, azcutaya, L
tarja, Itz.
On]
Fuelle.
4 | Tenaza.
Martillo.
Ayunque.
Lima.
Sierra.
Hacha.
Podadora.
Cuchillo.
Pala.
Rastrillo.
Azada.
Azadon.
Horca.
Itz.
, Iz. Falce, hoz.
L
él Carriola,
VE | Dedal,
Instrumentum.
Ferraria.
Follis.
Forceps.
Malleus.
Incus, dis.
Lima.
Serra,
Securis.
Scirpicula.
Culter.
Pala.
Rastrum.
Ligo, pastinum.
Ligo, grandior.
Merga.
Falx, cis.
Carracutium.
Digitale.
Instrument.
Forge
Souflet.
Tenaille.
Marteau.
Enclume.
Lime.
Scie.
Hache.
Serpe.
Couteau.
Bêche.
Rateau.
Houe.
Pioche.
Fourche.
Faulx.
Brouette,
Dé,
621
ESPAGNOL,
BASQUE.
Cicela, L.; hausturra, Itz.
tijera.
Jostorratza. Aguja.
Eztena. Estilo.
Cacoa, macoa, L.; corceta, Itz. Gancho,
Maya, maea, maina, mahaina. Mesa.
Zamaüa, zabaua, dafailla. Mantel.
Serbilleta, L. Servilleta.
Botella, beiracolla, L. Botella.
Beira, L.; baso, Itz. Vaso.
Hupea, dupa. Cuba.
Catillua, L.; asca, Itz. Escudilla.
Platea, luboilla. Plato.
Platina, platerchoa, luboichoa. Platillo.
Taza, edoncia, L. Taza.
Cuchara, cullida, collara. Cuchara.
Canibeta, aïztua, L.; na—}
bala, Itz. |
Euslea, forcheta , achordea. Tenedor.
Sucaldea, subatea, suina, ez- Cia
caratza. F
Zartagia. Sarten.
Bazeca, janaria, othoranza. Alimento.
Aragia, okela. Carne.
Arzai- bitanza. Merienda.
Salda, Har. Caldo.
Irina, Harina.
Legamia, oranza, aïliza, al-
chagarria, beranzagia, az—
carria, chanchadurea. mento
Ogia, L.; ogoja, Itz. Pan.
Arnuya, Itz; arnoa, noa, L. Vino.
Gararnoa. Cerveza.
Sagarnoa. Cidra,
Pittara. Bebida.
Gazta, gasna. Queso.
Guria, L.; burua, Itz.
Burruncia, burduncia, guerrena Asador,
Labea, L.; cacuja, Itz. Horno.
Alaja, alajea, alhaja. Mueble.
Oya, oea, oatzea, L.; choca, re
Itz. |
Silla, besalkia, catabera, esal- Silla
kia, cadira, coya. ”
Espillua, ispillua, miralla, L. Espejo.
Soñecoa, jazcaya, jaunzcaya,
aldagarria , filda, abilla—
mendua.
Levadura , fer
LATIN,
Cincel, escoplo, Scolprum
Acus.
Stylus.
FRANÇAIS.
Ciseaux.
Aiguille,
Style, poinçon.
Uneus, uncinus, Crochet.
Mensa.
Table,
Mantilia, mappa Nappe.
Mappula, man- Serviette.
Cuchillo, navaja Culter.
Manteca de vaca Butyrum.
telium.
Ampulla. Bouteille.
Vas. Verre à boire.
Cupa. Coupe.
Seutella. Ecuelle.
Lanx, catinus, Plat.
paropsis.
Catillus. Assielte.
Patera. Tasse. -
Cochlear. Cuiller.
Couteau.
Furcilla. Fourchette,
Culina. Cuisine.
Sartago. Poële à frire,
Alimentum. Aliment.
Caro. Chair.
Cibaria pastorum. Pitance du pâtre
Sorbitio. Bouillon.
Farina. Farine.
Fermentum. Levain, ferment.
Panis. Pain.
Vinum. Vin.
Cerevisia. Bierre.
Vinum è malis. Cidre.
Potus. Boisson.
Caseus. Fromage.
Beurre.
Veru. Broche,
Furnus. Four.
Supellex. Meuble.
Lectus, torus. Lit.
Sedes, sedile. Chaise.
Speculum. Miroir.
Vêtement,
Vestido, ropaje. Vestilus.
40
622
BASQUE. ESPAGNOL. LATIN. FRANÇAIS.
Capela, chapela, sombrellua. Sombrero. Galerus. Chapeau.
Chanoa, boneta. Gorra, gorro. Pileus. Bonnet.
Galtzeta, L.; galcerdija, 1tZ. Media. Tibiale. Bas.
Galtzac, fracac, L. ; labeca, [tz. Calzado. Caligæ. Chaussure.
Arropa, jazcaya, L. Ropa. | Vestis, indumentum Robe.
Gonazpicoa, L.; cotylun, Itz. Enaguas (guar— Muliebris tunica Jupon,
dapies, Za— interior.
galejo).
RE nn tar Canisa. Subucula. Chemise.
Gorontza, jipersa. Corpiño. Thorax. Corset.
Botinac, bernaüalac. Botines. Ocrea. Botte.
Uztaya, cimitza. Aro. Arculus, circu— Anneau.
lus, annulus.
Idundea , lepandea. Collar. Torques. Collier.
Besakia, ajorca. Brazalele, ma— Brachiale, ar— Bracelet.
nilla. milla,
Gerricoa, uzlaya, üala. Cingulo, cinto. Cingulum. Ceinture.
Silla, cerralkia Silla. Ephippium. Selle.
Ezproya, orpizarra. Espuela. Calcar. Éperon.
Brida. Brida. Frenum. Bride.
Oneuscaria, estribua, Estribo. Stapeda. Étrier.
Nara. Rastra, narria. Traha. Traineau.
Gurdia, orga. Carro. Currus. ” Char, voiture.
Gurdisca, orgasca. Carreta. Carruca. Charrette.
Curpilla, boibilla. Rueda. Rota. Roue.
Besaga. Rayo de rueda. Radius, Raie.
Errodacha. Eje. Axis. Essieu.
XXIV. — Noms abstraits : Fonctions intellectuelles, Passions ,
Impressions, Sentiments , etc.
Adia, aldia, erosta. Plañido,lamento Gemitus, lamenta. Plainte.
Re " JAmistad, Amistad, © Amitié.
adiskidetasuna.
Amodioa, amoria, naicundea, }
amaer…a , maitaera, amorea, » Amor. Amor. Amour.
onesguna, onirizCoa.
Ancifaera, anciñatea, zartasuna, Antiguedad. Antiquitas. Antiquité.
Bakitea. Union, junta. Unio. Union.
Banernea, Produccion. Productio. Production.
Batunea, bilgura. Compleion. Complexio. Complexion.
Beécaitza, becaizcoa, ondamua Euvidia, gana. Invidia. Envie.
Bigiria. Vigilia, Vigilia, Veille ( action ).
Bi.durra, Temor. Timor. Crainte.
623
BASQUE. ESPAGNOL. LATIN, FRANÇAIS,
Controkida, etsaikida. Complicacion. Complicatio. Complication.
Cordea, bidadia, sentiera. Sensacion, im— Sensatio, per— Sentiment.
presion. ceptio.
Coudaira, esagaroa, tempiztea. Historia, Historia. Histoire.
Dendarra au ler Oran | Grito, clamor. Clamor. Cri.
coa, marrasca. | { Félicité, bon
F cé
Dir, ‘doaya, Donna, zoNone (Dicha, felicidad Felicitas. heur.
doatsundea.
Elhea. Fabula, cuento. Fabula. Fable, conte.
Eman. Data, fecha, Data. Date, époque.
Endea. Ausencia. Absentia. Absence.
pue ; hole die es | Eugaño. Dolus. Fraude.
baira, cililoca. |
Eracaya. Motivo. Causa, ratio. Cause, motif, raison
Erdia. Mitad. Dimidium. Moitié.
Ermua, eremua. Soledad. Sacellum. Solitude.
Fama, iomena, osmena. Fama. Fama, nomen. Renommée,
Galgiroa. Vicio. Vitium. Vice.
Galla, galtzea, galera. Perdida. Auwissio, jactura Perte.
Icekia, beroicekia, beroiza. Ardor. Ardor. Ardeur.
Icia, izua. Terror. Terror. Terreur.
Igaltasuna, berdindea, idetasuna Igualdad. Æqualitas. Égalité.
Irautca , iraupena. Duracion. Duratio, diu-— Durée.
turnitas.
Irri, fana, bane. Reir. Risum. Rire ( subst. ).
Isilgoa , isiltasuna. Silencio. Silentium. Silence.
Izaira, izatea, sortiza. Naturaleza. Natura. Nature.
Jakindea, Jaquintza. Ciencia. Scientia. Science.
Larra, bearra, trabaillua. Trabajo. Labor. Travail.
Leicea, leiza, ondolacea. Abismo. Abysus. Abîme.
Loa, lokhunba. Sueño. Somnus. Sommeil.
Mendeca, venganza. Venganza. Ultio. Vengeance.
Miña, damua, oñacea, Pena, dolor, af- Dolor. Peine.
fliccion.
Mua. Mugido. Mugitus. Mugissement,
Mesne, een Hal l Ocasion. Occasio. Occasion.
galdia, goitaldia.
Ogena. Engaño. Dolus. Fourberie,
Pasionea, pairakunza. Pasion, afecto. Ardor. Passion.
GR bons Gusto. Yoluptas, gaudium. Plaisir, joie.
Sinhex. Fe. Fides. Foi.
Sosegua, pauza, cesua, sosagua, Calma, tranqui- Tranquillitas, Calme.
lidad.
Ustea, peskiça. Esperanza. Spes. Espérance.
Usura, lucurua, irabasgoya. Usura. Usura. Usure.
Utziera, lajaera, largacra. Abandono. Derelictio. Abandon.
Virtutea, vértulea. Virtud. Virtus, Vertu,
624
XXV. — Divers.
BASQUE. ESPAGNOL. LATIN.
Aizekina, aizegillea , aizemallea. Abanico. Flabellum,
Ampolla. Ampolla. Ampulla.
Amarrac, bagac, soca. + Amarra. Retinacula, ru-
dentes.
Argicaya, candela, eZCorra. Candela.
FRANÇAIS.
Éventail.
Ampoule.
Amarre, lien,
corde, câble.
Candela, lucerna Chandelle.
Argiontzia, lampa, lampara, L. Lampara. Lampas. Lampe.
Baga. Olas, ondas. Fluctus, uada. Vague, flot, ondes,
Barrica, L., Itz. Barrica, tonel. Doliolum. Tonneau.
Bota, sacoa, zagia, Zakia, ae
zorT0a , lanuzCO , NAITUZCO. | Bota. Urtriculus. Outre.
Camio, camino, bidea. Camino. Via, iter. Chemin.
Canoyac. Tubo. Tubus. Tube.
Catea. Cadena. Catena. Chaîne.
Caxa, cuchala, iskipota. Caja. Capsa. Caisse,
Cia, punta. Punta. Mucro, cuspis. Pointe.
Contza, 0poa. Quicio. Cardo. Gond.
Cucha, hucha, arca. Arca. Arca. Arche, coffre.
Ecanza. Imagen. Imago. Image.
Espia, salaria, salataria. Espia , espiador Explorator.
Fratrikera, fradriquera. Faltriquera. Marsupium.
Gamboilla. Quitasol. Umbella.
Giltza, gacoa, L.; cacuja, [tz. Llave. Clavis.
Giralda. Giralda. Index ventorum
gyrans.
Latigoa. Latigo. Flagrum.
Lugorria. Almagre. Rubrica.
Musua, muturra, ahurpegia, Cara. Vultus, facies.
Muzorroa. Mascara, Larva, persona
Ontzia. Vaso. Vas.
Plama. Oja de papel. Folium.
Sarralla, L., cerula. Cerradora, Cerraja. Sera.
Gilza, gakhoa. Llave. Clavis.
Saskia, Har. Cesta, batea. Corbis.
Ucaba. - Codo. Cubitus.
Zorroa, larruzco, narruzco. Coracha.
Zura. Madera. Lignum.
XXVL — Adjectifs.
Rico.
Habil.
Aberatsa, ondiatsua , dirutia.
Abill, amarrutzia.
Dives, locuples
Habilis.
Espion.
Bourse, poche.
Ombrelle.
Clé.
Girouette.
Fouet.
Ocre rouge.
Visage.
Masque.
Vase (en général)
Feuille de papier
Serrure.
Clé.
Corbeille.
Coude.
Saceus coriaceus Sac de cuir.
Bois (matière).
Riche.
Habile, rusé.
625
BASQUE. ESPAGNOL.
Ahalduna, alduna, altuna, al-
mentsua, puchanta, pui-— } Poderoso.
syanta.
Audia, aundia, larria, esker-
9 , L Grande.
gea, ordongoa.
Animotsua, aloitsua, indart- |} , .
Animoso,
sua, kemandua. |
Anutia, bildurtia. Cobarde.
Argia, argitua, ocea, claroa. Claro.
Arina, losterra, beloskia.
Arrea. Pardo.
Atradu, aularia, ascotacoa, | Comun, ordina-
askitacoa, anitzetacoa. Berin.
Arroa, üanditua, meatsa, bacan.Raro.
Arrotia, arrutia, antusteduna,
furfuiatsua, facatia. \
Ausarta, atrebitua.
Auscorra, Zaticorra.
Aspadicoa, anciñacoa, anchi—
nacoa , lengoeracoa.
Azkena, atzena.
Bacuna.
Bacuna, tolesbagea.
gante.
Atrevido.
Simple.
nuo.
Bagaya, nagia, alfer, alperra, nina
erabea , alper, potza. À
Bakida. General.
Bakida, anizkida. Comun.
Bambesteco, biderbico. Doble.
Bornaria, barrencaria, Penetrante.
Bean, betic. Bajo.
Beltza, belchia. Negro.
Berdina, igoala, bardina. Unido, igual.
Bermea, bermeoja. Bermejo.
Berria. Nuevo, reciente
Beroa, berotsua , berotia, be- Calente eat
roduna. Z
Bestitura. Vestidura
Betea. Lleno.
Bezalako. Semejante.
Bicia. Vivo.
Bilutsa, biluza. Vil, bajo.
Bisicatua, babalarrutua. Ampollado.
Cechaüa, cegarbia, chaubeza, Impuro.
chaüeza, garbieza,
Celaya, lauba, nava, plauna.
Chaüa, icusia, garbia.
Chikia, tipia, chumea, men—
drea, nimiñoa.
Llano, Ilana.
Puro.
Pequeño,
Rapido, veloz.
LATIN.
Potens.
FRANÇAIS,
Puissant.
Magnus, grandis Grand.
Animosus.
Ignavus, timidus.
Lucidus.
Velox, celer.
Fuscus
Vulgaris.
Rarus.
Soberbio, arro—Arrogans.
Audens, audax.
Fragil, quebradizo, Fragilis.
Antiguo, viejo. Priscus.
Ultimo, postrero Ultimus.
Simplex.
Inocente, inge-Innocens.
Piger,
Generalis.
Communis.
Duplex,
Penetrans.
Subtüs, infra.
Niger.
Planus, œqualis
Roseus.
Novns, recens.
Calidus.
Vestiture.
Plenus
Similis.
Vivus.
Vilis, infimus
Vesiculosus.
Impurus.
Planus, æqualis.
Purus.
Parvus.
Courageux.
Lâche.
Clair.
Rapide, léger.
Brun.
Commun, vul—
gaire.
Rare.
Fier.
Hardi.
Fragile.
Ancien.
Dernier.
Simple.
Innocent.
Paresseux.
Général.
Commun,
Double.
Perçant.
Bas.
Noir.
Uni, égal.
Vermeil.
Récent, nouveau
Chaud.
Habillement.
Plein.
Comme, semblable.
Vif.
Vil.
Vésiculeux.
Impur.
Plane.
Pur, limpide.
Petit.
626
BASQUE. ESPAGNOL. LATIN. FRANÇAIS.
Chit, cipia. Minimo. Minimus. Très-pelit.
Chitoria. Amarillo. Flavus. Jaune.
Ciatua, lodia, gatzatua, trincoa. Denso, compacto Densus. Dense.
Colorea. Color. Color. Couleur.
Crocatua. Jorobado. Gibbosus. Bossu.
Deseigotua. Arruinado. Eversus. Détruit.
Dohatxua. Feliz. Felix. Heureux.
Ederra, galanta, polita, fichoa. Hermoso. Pulcher, venus- Beau.
tus, formosus
Ekiascoa. Verdadero. Verus. Vrai.
Egokieza, egokibagea, bear— Absurdo. Absurdum. Absurde.
zakea, bearreztana.
Egosia. he Coctus. Cuit.
Erbala, ebaina. Debil, endeble, Debilis. Faible.
flaco.
Eskerdo, ezkena. Izquierdo. Scœvus. Gaucher.
Eskergea, eskerbagea. Ingrato. Ingratus. Ingrat.
Eskersalea , eskertzallea. Reconocido, Beneficii, me-— Reconnaissant.
agradecido. mor.
Estna, ersia, chidorra. Angosto. Augustus. Étroit.
Falsoa, palsoa. Falso. Falsum. Faux.
Fauna, utsa, vanoa. Vano. Vanus. Vain.
Fedebagea , fedegea, nl Infidelis. infidèle.
geduna, fedageduna.
Fedecarlea, fiela. Fiel, leal. Fidelis, Fidèle.
Fuertea, indartsua, indartia,
ersconasendoa, portitza, az. } Fuerte. Fortis. Fort.
carra.
Gaiztoa, dongea, deungea. Malo. Malus. Méchant.
Gastatia. Podrido. Patridus. Gâté.
Gautarra. Nocturno. Nocturnus. Nocturne.
Gay, acutua, cintzoa, entregu. Habil, capaz, Habilis aptus, Apte, propre à,
dicstro. idoneus. habile.
Geldia, astitsua, malsoa, za— ets, Tentis. Lent.
barra, langia.
Gogorra. Duro. Durus. Dur.
Goia, goicoa, goratua, goititua, Allo. Altus. Haut.
Gorra. Sordo. Surdus. Sourd.
Gozoa, eztia. Dulce. Dulcis. Doux.
Gorria. Colorado. Ruber. Rouge.
Guci eracoa. Universal. Universalis. Universel.
Gozuriae Encarnado. Rubeum. Incarnat.
Hanitz. Mucho. Multum. Beaucoup.
Ibilgarria. Movil. Mobile. Mobile.
Icaragarria. Terrible. Formidandus. Redoutable.
Illuna. Oscuro. Obscurum. Obseur.
Itsua, ichua. Ciego. Cæcus. Aveugle.
Itsusia, ichusia, czaña, que } Feo
menguea.
Fædus, deformis Laid.
BASQUE.
Jaincozcoa.
Jakiña, icusia, clarua.
Laburra , escasa.
Lan, bear.
Lasterra, frunta, bicia.
Legarra, legaraucoa, eadoyarra.
Lela.
Lotsagarria, ahalgarria.
Lotza,
ikezua,.
Lucea.
Macurra
garratza ,
malcorra, erroya, mukerra,
gogorra ,
Macurtua, beeratua, ceartua.
Mea.
Meharra, herchia, Har.
Mina, samina, carmina, karatsa
Navarra.
Necatua, unatua, aricatua.
Ona.
Ondecoya, barnacoya.
Osandetua.
Otzana, onirizgarria, naicaria,
Pare, berdin,
Parebagea.
Pisua, astuna.
Pobrea, beartua.
Escalea, eskelea.
Primuarra, guruzcuyarra,
Sendarra.
Sicua, leorra, idorra, agorra,
leihorra, elcorra, sicatua,
leortua.
Soilla, faüa, faüna.
Suteoa.
Tolescorra , biurcorra, cimela.
Triste.
Tzarra.
Urdina.
Urdiñarrea.
Urguna, errena, makia, mainga,
Urratua.
Usatua, usua, usantza.
Utzi, lajatu, largatu.
Verdea.
Violdarra.
Zabala , lucea,
Zarra.
627
ESPAGNOL,
Divino.
LATIN.
Divinus.
Claro, manfesto Evidens.
Corto.
Laborioso.
Pronto.
Legitimo.
Insipido.
Vergonzoso.
Aspero, rudo.
Largo.
Curbo.
Iuclinado.
Claro, fluido.
Estrecho.
Amargo.
Abigarrado,
Fatigado, cansado.
Bueno.
Hondo, profundo.
Completo, cabal
Agradable.
Igual.
Incomparable.
Pesado.
Pobre.
Mendigo.
Hecreditario.
Solido, consistante.
Seco.
Esteril.
Purpura.
Flexible.
Triste.
Grande.
Azul.
Ceniciento.
Cojo.
Roto.
Usado, gastado.
Abandonado.
Verde.
Morado.
Amplio, ancho.
Viéjo.
FRANÇAIS.
Divin,
Clair, évident.
Brevis. Court.
Laboriosus. Laborieux.
Promptus, vivus Prompt, vif.
Legitimus. Légitime.
Insipidus. Insipide ou fade.
Pudendus, turpis. Honteux.
Asper. Rude, âpre.
Largus, longus. Long.
Curvus, a, um. Courbé.
Inclinatus. Penché.
Inanis. Clair, fluide.
Strictus. Étroit.
Amarus. Amer.
Variegatus. Bigarrè, rayé.
Lassus, Fatigué.
Bonus. Bon.
Profundus. Profond.
Completus. Complet.
Gratiosus. Agréable.
Æqualis, similis Égal, semblable.
Incomparabilis.
Gravis, onero—
sus.
Pauper, inops.
Mendieus.
Hæreditarius.
Solidus, firmus.
Siceus.
Sterilis.
Purpura.
Flexibilis.
Tristis.
Magnus.
Cæruleus.
Leucophæus.
Claudus.
Scissus.
Usitatus.
Relictus.
Viridis.
Violaceus.
Amplum.
Vetus.
Sans pareil.
Lourd.
Pauvre.
Mendiant.
Héréditaire.
Solide, ferme.
Sec.
Stéril.
Pourpre.
Souple.
Triste.
Grand.
Bleu.
Gris.
Boiteux.
Rompu, cassé.
Usé.
Abandonné,.
Vert.
Violet.
Ample, large.
Ancien, vieux.
628
BASQUE. ESPAGNOL, LATIN. FRANÇAIS.
Zorigaistocoa, doacabea, doat- | Infelix. Malheureux.
sueza. |
Zucena, chuisena, arteza, margoa Derecho, recto. Rectus. Droit.
Zuria, churia. Blanco. Album. Blanc.
Zute, zutinie, chutie, chut, zut. En pie. Sopra, pedes, stans Debout.
XXVII. — Verbes.
Aci, bezatu, oitu. Acostumbrarse. Assuesco. S'accoutumer.
Aditu, enzun, beatu. Oir. Audire. Entendre.
Adindu. Templar. Temperare. Tremper.
Agiri, agirtu. Parecer. Apparere. Paraître.
Aïtçurtu. Cavar. Fodere. Bècher.
Aitzin, agotu, aurreragotu. Avanzar, Promovere. Avancer.
Aitu, acabatu, bucatu, azkenan. Acabar. Finire. Finir.
Alaraci. Nutrir Alere. Nourrir
Alegeratu. Alegrarse. Gaudere. Se réjouir.
Altzatu. Elevar. Extollo. Elever.
Amatu, Ouetsi, ouiritzi. Amar. Amare. Aimer.
Amarratu, lotu, uzcaldu. Atar, amarrar. Alligare, figere. Lier, attacher.
Anditu, geiagotu. Crecer, aumentar. Crescere. Croître.
Apaldu. Almorzar. Prandere. Déjeüner.
Argitu. Alumbrar. Illuminare. Eclairer.
Arkitu, idoro, causitu. Hallar, inventar. Invenire. Trouver, inventer.
Articasi, estudiatu, Estudiar. Studere. Etudier.
Artu. Tomar. Capere. Prendre.
Asacatu, neitu. Acabar, terminar. Finire. Finir, terminer.
Asi, abia. Comenzar. Incipere. Commencer.
Atheratu. Salir. Gredi. Sortir.
Atrabesatu, lanzartu. Atravesar, {ras- Transire. Passer, traver—
pasar. ser.
Atsegin, atseden, asnalu, asnase. Respirar. Spirare. Respirer.
Azipetu, bairatu, ciliboca— }
tu, gaintatu, enganatu. | Burlar. Ludere. Jouer.
Aurkitu. Encontrar. Invenire. Trouver.
Aztaparcatu. Arañar. Lacerare. Egratigner.
Baholatu. Cribar. Cribrare. Cribler.
Balio. Valer. Valere. Valoir.
Banernetu. Producir. Froducere. Produire.
Baranda , ibeilli, goatea. Ir, marchar. re, ambulare Aller, marcher.
Baratu, tricatu, gelditu, geratu. Parar, detener. Arcere. Arrêter.
Barnatu. Profundizar. Penetrarc. Pénétrer profon-
dément.
Bathaiatu Bautizar. Baptizare. Baptiser.
Batu, bildu, Reunir, juntar. Compilare, col-- Réunir, rassem-
ligere. bler,
629
BASQUE. ESPAGNOL.
Bazcatu. Pacer.
Begietsi. Admirar,
Belahuneatu. Arrodillarse.
Bençutu. Vencer.
Benedicatu. Bendecir.
Berotu. Calentar.
Besarcatu. Besar.
Bici. Vivir.
Bici. Habitar.
Bidaditu , sentitu. Sentir.
Pidagea, Biagea. Viajar.
Bihitu. Desgranar.
Biluci. Desnudar,
Bridatu, Lab, Embridar.
Brodatu, Bordar.
Bulzatu. Empujar.
Calmatu. Tranquilizar.
Cantatu, Otsatu. Cantar.
Caresatu. Acariciar.
Castigatu, Castigar
Celebratu. Celebrar.
Cerbitçatu. Servir.
Cerratu. Serrar.
Chahutu. Barrer,
Cheatu. Pegar.
Churitu, Blanquear.
Ciakidatu, gelakidatu , isozki- } Congelar.
datu. |
Colpatu. Herir.
Contatu. Contar.
Creatu. Crear.
Damnatu. Condenar.
Dantzatu, Oincaritu. Bailar.
Danzkitu, progatu. Probar.
Dastatu, gustatu,
Deithu.
Deitzi.
Deseigotu.
Distiatu, ganargitu.
Doitu.
Ebaki, picatu, trencatu, ucitu.
Ebatsi.
Eçagutu.
Ecçarri.
Echeden , zai ou begira, egon
Edan,
Tastar, gustar.
Llamar.
Ordeñar.
Arruinar.
Relucir, brillar.
Ajustar.
Cortar, partir,
dividir.
Hurtar.
Conocer.
Poner.
. Aguardar,
Beber,
LATIN. FRANÇAIS.
Pascere. Paître.
Admirari. Admirer.
Genua inflectere.S’agenouiller.
Vincere. Vaincre.
Benedicere. Bénir.
Calefactare. Chauffer.
Amplectare. Embrasser.
Vivere. Vivre.
Morari. Habiter.
Sentire. Sentir,
Peregrinari. Voyager.
Grana excutere. Egrener.
Vestem detra- Deshabiller.
here.
Frenare. Brider.
Acu pngere. Broder.
Pellere. Pousser,
Sedare. Calmer.
Canere. Chanter.
Blandire. Caresser.
Castigare. Corriger, punir.
Celebrare. Célebrer.
Servire. Servir.
Secare. Scier.
Verrere. Balayer.
Verberare. Frapper.
Candefacere. Blanchir,
Congelare. Congeler,
Vulnerare. Blesser.
Narrare. Conter.
Creare. Créer.
Dampare. Damner.
Saltare. Danser.
Probare. Prouver.
Gustare. Goûter.
Vocare. Appeler.
Mulgere. Traire.
Evertere. Ruiner.
Micare, fulgere, Briller.
Aptare. Ajuster.
Scindere, ampu. Couper, diviser.
tare, dividere.
Furari. Dérober.
Cognoscere. Connaître.
Ponere. Mettre.
Expectare. Attendre.
Bibere, Boire,
BASQUE,
Edertu.
Egin.
Egoatu, egaldatu.
Egon, egondu, egotu.
Egorri.
Egosi.
Egotea, gelditcea.
Eho.
Ekharri.
Eman.
Emondatu.
Enzun.
Eraman.
Eratsi, Jachi.
Eratzatu, etzineraci, echuna-
raci.
Eriotu.
Erran.
Eraso, acopilatu.
Erori.
Erosi.
Errabili.
Erre.
Escubilatu.
Escatu.
Esuidatu.
Estali.
Estampatu.
Estu, Ertsia.
Etartu.
Elçan.
Etorri, eldu, zeitu.
Eyatu, lasteregin, corri, hilli.
Flacatu.
Freitu, frigitu, sertagitu, erra-
gosi.
Gainbia.
Garbitu, jeuzi, chautu, araztu.
Gidatu.
Giratu.
Goratu, irten, io, igo, gaindu.
Gorde.
Gorrotatu, higindu , iduki.
Gosaldu.
Guducatu.
630
ESPAGNOL, LATIN.
Hermosear. Ornare.
Hacer. Facere.
Volar. Volare.
Ser, estar. Esse, stare.
Enviar. Mittere.
Cocer. Coquere.
Morar, quedarse.Manere.
Moler. Molere.
Traer. Ferre.
Dar. Dare.
Aumentar. Augmentare.
Escuchar. Audire.
Llevar. Abducere.
Bajar, descen— Descendere.
der.
Acostarse. Cubare.
Matar. Necare.
Decir. Dicere.
Atacar, invadir. Invadere.
FRANÇAIS.
Embellir.
Faire.
Voler (avec des
ailes ).
Être.
Envoyer.
Cuire.
Demeurer, res—
ter.
Moudre.
Porter.
Donner.
Augmenter.
Entendre, ouir.
Emmener.
Descendre.
Coucher (se).
Tuer.
Dire,
Attaquer, enva—
hir.
Caer. Cadere. Tomber.
Comprar. Emere. Acheter.
Mover. Movere. Mouvoir.
Asar. - Assare. Rôtir.
Cepillar. Detergere. Brosser.
Suplicar, pedir. Postulare. Demander.
Comprender Intelligere. Comprendre.
Ocultar, cubrir. Tegere. Couvrir.
Imprimir. Imprimere,. Imprimer.
Comprimir. Premere. Comprimer.
Recibir. Recipere. Recevoir.
Echarse. In lecto collocare. Coucher.
Venir, arrivar. Venire. Arriver, venir.
Correr Currere. Courrir,
Enflaquecer. Macere. Maigrir.
Freir.. Frigere. Frire.
Cambiar. Permutare. Echanger.
Limpiar. Mundare, purgare. Nettoyer.
Guiar, conducir.Ducere. Conduire.
Girar. Gyrare. Tourner.
Subir, montar. Ascendere. Monter.
Esconder. Latere. Cacher.
Aborrecer. Odisse. Hair.
Almorzar. Jeniare. Déjeüner.
Combatir, Pugnare Combattre,
631
BASQUE. ESPAGNOL. LATIN. FRANÇAIS,
Gurutçatu. Cruzar. Decussare. Croiser.
Hasi. Comenzar. Incipere. Commencer.
Hastandu. Alejar. Separare. Eloigner.
Hautsi. Romper Rumpere. Rompre.
Heci. Domar, subyu= Domare. Dompter.
gar.
Jan. Comer. Edere. Manger.
Jakin, iakitea, À., Hir. Saber. Scire. Savoir.
Iceki, sutu, gartu, ecio. Arder. Ardere. Brüler.
Icusi. Ver. Videre. Voir.
Igeritu. Nadar. Natare. Nager.
Iguriks. Aguardar. Expectare. Attendre.
Ikhasi. Aprender. Discere Apprendre.
Ikitu, aztalu. Tocar. Tangere. Toucher.
Il, ill. Morir, matar. Mori, necare. Mourir, tuer.
Ines , inesi. Huir. Fugere. Fuir.
Iraun. Durar. Durare. Durer.
Irten , ilkitu. Salir. Egredi. Sortir.
Isuri. Derramar. Efundere. Répandre.
Jzan. Ser, haber. Esse, habere. Etre, avoir.
Jayo. Nacer. Nasci, cor. Naître.
Josi. Coser. Consuere. Coudre.
Kea eman, Humear. Fumare. Fumer.
Khamustu, Embotar. Obtundere. Emousser,
Khondatu. Contar. Computare. Compter.
Kiscaldu. Abrasar. Nimium assare. Trop rôtir.
Lagundu. Ayudar. Adjuvare. Aider.
Landu. Cultivar. Colere. Cultiver.
SET, Mearreain, trabifatns | Trabajar. Laborare. Travailler.
trabaillatu,
n set trait, | Lanzar. Jacere. Lancer.
egotzi, aurtiki.
Larrutu. Desollar. Excoriare. Ecorcher.
Lehertu. Aplastar. Obterere. Ecraser.
Libratu, irukindatu. Salvar, librarse. Salvare, servare.Sauver, délivrer.
Lo, luegin, loacartu. Dormir. Dormire, Dormir.
Lotu, liatu, estecatu. Atar, ligar. Ligare. Lier.
Lurpetu. Enterrar. Inhumere. Enterrer.
Machacatu, ceatu. Machacar. Contundere. Broyer, fripper.
Macurtu. Curbar. Curvare. Courber.
Mercaritu , salerosi, arreman. Comerciar. Negotiari, Commercer.
Minhatu. Bañarse. Lavare. Baigner.
“EL Een | Habta r. Loqui. Parler.
verbegin.
Pugtu, Igrdus igitu nuler | Mover. Movere. Mouvoir.
riztu.
Nagustu. Crecer. Crescere. Croître.
Nastu, naspillatu. Mezclar. Miscere. Mèler.
Negarregin. Llorar. Flere. Pleurer.
Ohitu, Acostumbrar. Assuefacere. Accoutumer.
632
BASQUE, ESPAGNOL. LATIN. ERANÇAIS,
Oi, ei. Soler. Solere. Avoir coutume.
Onhartu. Consentir. Assentire. Consentir.
Ofñon egin. Gruñir. Grunnire. Grogner.
Ordaindu, zorrotzicatu. Compensar, Compensare, Compenser.
Orhoitu. Acordarse. Meminisse. Souvenir (se).
Orron, ibili. Vagar, ir. Vagari. Errer, aller.
Otseratu, atzeratu, gibeleratu, Atrasar, recular. Regredi. Reculer.
Pagatu Pagar. Solvere. Payer.
Pensatu, uste izan. Pensar. Cogitare. Penser.
Peritu. Perecer. Perire. Perir.
Phicatu. Cortar. Secare. Couper.
Phitztu. Inflamar. Accendere. Allumer.
PES A UT | Picar, pinchar. Pungere. Piquer.
Pisu. Pesar. Ponderare, Peser.
Pitzatu, idiki, arracatu. Hendir. Findere. Fendre.
Porroscatu. Destrozar, Rumpere. Dechirer.
Saingatu. Ladrar. Latrare. Aboyer.
Salatu , gaizgertu , acusatu. Acusar. Defertuli. Accuser.
Saldu. Vender. Vendere. Vendre.
Saltatu, jauci, jesapatu. Saltar, brincar. Saltare. Sauter,
Sarbaskitu, Matar. Necare. Tuer.
Sartu. Meter. Immitere. Mettre.
Sartu , barratu. Entrar. Intrare, ingredi. Entrer.
Sinhetsi. Creer. Credere. Croire.
Sortu. Nacer. Nasci. Naître.
Sufritu, pairatu, osartu, eram- l'Sufrir. Pati. Soufrir.
petu. À
Lanegin, beanegin, traballatu, Trabajar. Laborare. Travailler,
Trochat. Envolver. Involvere. Envelopper, entou-
rer, entorliller.
Ukhan. Tener. Habere. Avoir.
Urratu, etendu, arrasgatu. Rasgar. Scindere. Déchirer.
Urrun. Descarriar. Amovere. Ecarter.
Usmatu ,usmeatu. Oler, olfatcar. Olfacere. Flairer.
Utsegin. Errar. Errare. Errer, faireerreur,
Yarri, Sentarse. Sedere. S'asseoir.
Yo. Batir, golpear. Percutere. Battre.
Yosi. Coser. Sucre. Coudre.
Zor, Deber. Debere. Devoir.
Zulatu. Horadar. Perforare. Percer.
Zulcatu , sildatu, tincatu. Fijar. Figere. Fixer
XXVIIT. — Adverbes.
Ancin, haraincina, lengo. Antiguamente. Antiquitus. Anciennement,
Atz0, Ayer. Heri. Hier.
BASQUE.
Azpean,
Bai.
Barnerat.
Batere.
Batzutan.
Bchinere, egundaino, seculan.
Berant, beranki.
Bercetan, hercetarat.
Berech.
Berhala, laster.
Bertan.
Bertce, orduz.
Bestela.
Bethi.
Bethidanie.
Bezpera ou bezperan.
Bibar, bigar.
Biharamuna.
Bissian, bis.
Biziki.
Bizkitartean.
Campoa.
Camporat.
Certaco.
Eghiazki.
Egun.
Elkharrekin.
Erdian.
Ere.
Etzi.
Ez.
Gaur.
Gauz.
Ghero, A.; guezo, H.
Ghibela.
Gogotic.
Gorago.
Gichi, Guti.
Hain, bertce.
Han, hor,
Hantik.
Hara ou horra.
633
ESPAGNOL LATIN.
Debajo. Subter, infra.
Si. Ita.
Dentro. Intro, intus.
Nulamente. Nequaquam.
Alguna vez. 7 Aliquando.
Nunca, jamas. Nunquam.
Tarde. Tarde.
En otra parte. Alibi, alio.
A parte. Separatim.
Luego. Modo.
Pronto, presto
al instante.
En tiempos pa
sados.
De otro modo.
Siempre.
En lodus tiempos.
Vispera.
Mañana.
AI dia siguiente.
En frente.
Con viveza.
Por tanto.
Fuera.
Fuera.
Porque.
Yerdaderamente.
Hoy.
Junto.
En medio.
Tambien.
Pasado mañana.
No.
, Celcriter.
Esta tarde, es— Vespere.
ta noche,
De nocle.
Noctu.
Despues , en se- Post, dein.
guida.
Detras.
Con gusto.
Muy alto.
Poco.
Tanto.
Aqui.
Post.
Libenter.
Altior.
Parum.
Tantum.
Hic.
FRANÇAIS.
Dessous.
Oui.
Dedans.
Nullement.
Quelquefois.
Jamais.
Tard.
Ailleurs.
A part.
Bientôt.
Vite, prompte—
ment, sur le
champ.
- Olim. Jadis.
Aliter. Autrement.
Semper. Toujours.
Semper. De tout temps.
Dies antecedens.La veille.
Cras. Demain
Postera dies Le lendemain.
In conspectu. Vis-à-vis.
Vivaciter. Vivement.
Attamen. Pourtant,
Foris. Le dehors.
Foras. Dehors
Quare. Pourquoi.
Vere. Vraiment.
Hodie. Aujourd'hui,
Simul. Ensemble.
Medium. Au milieu.
Etiam. Aussi.
Perindie. Après demain.
Non. Non.
Ce soir, cette
nuit.
De nuit.
Après, ensuite.
Le derrière, en
arrière.
Volontiers.
Plus haut.
Peu.
Autant.
La, ye
De ahi, alli; por Illine, istine, il-De là, par À.
ahi, alli,
Ve aqui.
lac, istac.
Ecce.
Voilà.
BASQUE.
Harat.
Hebeki.
Hemen.
Hemen, gindi.
Hemendie.
Hobe.
Holachet.
Honkitzen.
Huna.
Hunat.
Jadanic.
Lehen.
Maïs.
Nahi, eta, nez,
Neholere.
Nihon.
Nehorat.
Noiz.
Non. 2
Non gaindi,
Nondic.
Norat.
Onghi, onxa.
Oraïa
Orobat.
Orotan.
Orotarat.
Salbu, lekhat.
Segurki.
Urrun, hurrun.
Ustegabe.
Zeren, zerentako.
Zoin.
Aitcinean, H.
Aldean, urrean.
Azpian.
Barnean.
Contra.
Gabe.
Gainen, À; gainean, H.
Gana, ganat.
634
ESPAGNOL.
Ahi, alli.
Mejor.
Aqui.
Por aqui.
De aqui.
Mejor.
Asi.
Sobre.
He aqui.
Aca,
Ya.
Antes.
A menudo.
À pesar de, no
obstante.
De ningun modo.
Ba parte ninguna.
En ninguna parte.
Cuando.
Donde.
Por donde.
De donde.
A donde.
Bien.
Ahora.
Igualmente.
En todas partes.
Por todaspartes.
Excepto, salvo
Ciertamente.
Lejos.
Por ventura.
Porque.
Cuanto.
LATIN. FRANÇAIS,
Hlie, illuc, illo. Là, en cet en—
droit.
Melius. Mieux.
Huec. Ici.
Hac. Par ici,
Hinc. D'ici.
Meliusac melior.Meilleur,
Sic, ila. Ainsi.
De, super. Sur, touchant.
Ecce. Voici.
Huc. Ici.
Jam. Déjà.
Prius. Auparavant
Sæpe. Souvent.
Invite. Malgré, non
obstant.
Minime. Nullement.
Nullibi. Nulle part.
Nuspiam. Nulle part,
Quando. Quand,
Ubi. Où.
Quà. Par où.
Unde. D'où.
Quù, unde. Où.
Benè. Bien.
Nunc. Maintenant.
Pariter. Pareillement,
Ubique. Partout.
Quocunque, un- Partout.
dique.
Præter, salvum. Excepté, sauf.
Certe. Assurément.
Longe. Loin.
Forte. Par hasard,
Cur. Pourquoi.
Quot, quan— Combien.
tum,
XXIX, — Prépositions.
Delante.
Proximo.
Debajo.
Dentro.
Contra.
Sin.
Encima.
Acia,
Ante. Devant.
Circiter, Près de.
Sub. Sous,
Intra. Dedans.
Contra. Contre.
Sine, absque. Sans.
Super, supra. Sur, dessus.
Versus. Vers,
BASQUE.
Gatik.
Gibilean, H.
Harat, horrat.
Hartan.
Hortara.
Hurbil.
Inguruna.
Lehenago,
Ondoan.
Zat.
635
ESPAGNOL.
Por.
Atras.
Aca, alla.
En.
Acia aqui.
Cerca.
Al rededor, casi
Antes.
Al lado de.
Para.
LATIN.
Propter.
Post.
Eo.
In.
Wersus.
Circum.
.Circa.
Antea.
Prope, juxta.
Pro.
XXX. — Conjonctions.
Amoreagatic.
Arabera.
Bada.
Bainan.
Bainan oraino.
Baizik.
Baldin,
Beçala.
Beraz.
Berheala.
Biskitartean.
Ceren. zerentako.
Ecen.
Edo.
Eta.
Ez choïilki.
Finean.
Ganik.
Ghehiago.
Gherotik, A; Gueroztic, Har.
Guciagatic.
Hati, hargatic.
Heltubada.
Hemendic, aitcina.
Hola,
Mena.
Menturaz.
Nahiz.
Noizeta ere.
Nola.
Oraino, orano.
Ordantino.
Ordian, orduan.
Orobat.
Con el fin de.
Segun.
Asi pues.
Pero.
Pero tambien.
Sino.
Si.
Como.
Pues.
Desde luego.
Sin enbargo.
Porque.
Atendido que.
0.
de
No solamente.
En fin.
De.
Demasiado.
Desde.
Toda vez.
Mientras tanto.
Puede ser.
Por ultimo.
Asi.
Mas.
Quizas.
Aunque.
Mientras.
Como.
Aun, todavia,.
Hasta ahora,
Entonces.
Tambien.
Ut.
Secundumn,
Porro.
At, sed.
Secd etiam.
Si non.
Si.
Ut.
Igitur.
Primo.
Tamen,
Quia.
Enim.
Vel, aut.
Ac,et, que.
Non solum.
Tandem.
Ex.
Plus.
Abhine.
Tamen.
Tamen.
Forsan.
In posterum.
Sic.
Sed.
Forsan.
Quamwvis
Cum.
Ut.
Adhuc, rursus.
Hactenus,
Tune,
Etiam,
FRANÇAIS.
A cause de.
Derrière.
La, y.
Dans ce ou cette.
Vers ce ou cette.
Près.
Environ
Avant,
Auprès, près de.
Pour,
Afin que.
Selon, suivant.
Or.
Mais.
Mais encore.
Sinon.
Si.
Comme.
Donc.
D'abord.
Néanmoins.
Parce que.
Car.
Ou.
Et.
Non seulement.
Enfin.
De.
Plus, davantage.
Depuis, lors.
Toutefois.
Cependant.
Peut-être.
Désormais.
Ainsi.
Mais.
Peut-être.
Quoique.
Lorsque.
Comme.
Encore.
Jusqu'’alors.
Alors.
Aussi,
637
PRINCIPALES RACINES ESKUARIENNES.
7
Afin de ne point rompre les analogies et d'éviter les
répétitions, les mutables ont été réunies ensemble.
Les mots précédés d'une astérisque (*) sont dérivés.
Les mots suivis d'un c sont composés.
Il n'y a donc de racines probables ou réelles que celles
qui n’ont aucune indication spéciale.
Les racines sont représentées par leur forme indéfi-
nie, ou sans désinence déterminative.
En général, les lettres / et r se doublent dans les dé-
sinences : cela est indiqué par une particule séparée,
la ou ra.
Les principales racines affixes ont été jointes aux ra-
cines ordinaires : elles sont distinguées en préfives et
en sufites.
RACINES ESCUARIENNES.
A. A
a Aker ra bouc.
…. Ponte Akhaba fin, finir.
Abal la Fronle. Acusa tu accuser,
ant? animal, bête. rt a eapiles exercé.
Ë agathe.
* troupeau. Agin if.
* Aberats riche. Id., suf. direction, commandemt.
Abeto sapin. Agiri paraître,
Abilid génie. Ach axe.
Abon engrais. rocher,
* Abril du, c, immoler. * Achurz, €. agriculture.
Apal du souper, v. Adar ra corne, branche,
* Apal souper, subst. Adar rhinocéros ?
41
Adarg
Adrillu
Adi
Adio
* Aditu a
Ainhar
Aiïhen
Alisi
Aintzir
Aice
Aire
* Airge, c.
Aizcor, c.
Aizp
Aiztu, c.
Ait
Aitz
* Aitzur, C.
Alab
Alaj
Alaraci
Alberchigu
Alfang
Alper ra
Ald a et ea
d
Al pare
* Aldean
* Alde a
Aldi
d
Alçun
Ale
Aleger
Alor ra,c.
Alort, c.,
Am
* Amar
* Amara atu
* Amar ra
* Am°re
0
Ami
Ampoll
Amu
Anai
Anate
Andi et handi
Andre
A.
bouclier.
brique.
entendre, comprendre.
adieu.
intelligence.
hirondelle,
vigne.
levure, ferment.
lac.
vent.
air.
ténèbres.
hache.
sœur de sœur.
couteau.
père.
rocher, pierre.
bêcher.
fille.
meuble.
paître.
abricot.
sabre.
paresseux
côté.
autel.
auprès.
région.
plainte.
puissant.
grain, céréales,
réjouissant.
champ, sol cultivé.
fruit.
mère.
dix.
amarrer, lier.
cancre, homard ou crabe.
amour.
faim.
ampoule.
hameçon.
fils.
canard, tz.
grand.
dame, demoisAle
* Animal ia
Anodun
Antzar ra
Ano
Ao
Aub
Aaotz ja, €.
Ar
Aran
Arau
Arbol
Arc
Ard ia
Aro, c.
n
Are a
Arech
Argi
Ari
* Ari et hari
Aricat
*Arlach, e.
Arm
Arina
Arilz
Armina
Arp
Ar ra
Arra, Su.
Arrano
Arrac
Arrai
Arrats
Arratz
Arrau
Arraultz
Arraun
Arre
Arreb
Arri
Arri tu
A
anguille.
âme.
animal.
alun.
ancien, vieux.
industrie.
oie.
ombre.
bouche.
bouche.
bec.
herse ( agric. )
prune,
droit (législ. )
arbre.
arche, coffre.
puce.
vin,
sable, herse.
arbre, chêne.
lumière.
bélier.
Fil.
fatigué.
vinaigre.
arme.
léger, rapide.
chêne.
hermine.
harpe.
ver.
mâle.
aigle.
race,
poisson.
nuit.
tambour .
commun, vulgai e, or
dinaire,
œuf.
rame.
brun.
sœur de frère.
pierre.
ensorceler.
639
A.
mercure.
charpentier.
sucré.
ortie.
jambe, jarret.
semaine, commencement.
âne.
pesant, lourd,
coutume
canard.
rue.
porte.
sortir.
traverser.
chemise.
doigt.
respiration,
dernier.
récolter.
hier.
insipide.
angle.
enfance ( premier âge).
trouver.
lancer.
soufet (instrument ).
poudre, pulvériser, di-
viser, cendre.
rompre, briser, fracture.
HE INSB; le
A.
Arro rare, Azoge, €.
Arroz riz. Azotz, C.
Arroy robe. MS
Arte espace. Asun
chène-vert. Aste
lac, piége. Astun
Arteri artère. Asto
Arto mais. Astur
Artu prendre. a
At
Artz ours. e
AZ chou. Atari
Azal ongle. Athe
Azaz (u nettoyer. * Athera
Asbid, €., larynx. Atrabes atu,c.
Aspad icoa ancien. Alor ra
Azpi dessous. Atz
Asc écuelle. Ats
Azcar ra fort. Atzen.
Azeri renard. Atzi tu
Aci s’accoutumer. Atzo
Aci et haci semence, graine, sperme. Aul
.n, et ha- ’ Aurc
*Acie d ET ferme (agric. ) Her
* Azkin dernier. Aurki
Aski assez. Aurtiki
* Ask! tacoa, c. commun, ordinaire. cu
0 Auts
Asl auteur.
A quase respiration. Le
H, F, V, B, P.
Bab fève. Hainitz
Habe colonne. Bair
Habro destin, sort. Pairatu
Bahol cribler. Faisan
Bakid commun, adj.; géné- Balbe
ral, adj. Balen
* Bakite union. Balio
* Bacun simple, adj.; innocent, * Balioz
adj. F #
Bag vague, subst. po
É M palt ( p)
pég0 (bp) hêtre. Fam
Bai oui, part. afirmative, Bander
beaucoup.
fraude.
soufrir,
faisan.
mort.
baleine,
valeur, prix.
valide.
faux, adj.
faute.
renommée.
enseigne, drapeau, banderolle
640
H;F, Vs, EP:
Banerne
Hanitz
Vano
Bao
Bara tu
Har ( V.are).
* Baratz
* Barbille.
Pare
Bare
* Harritz
Harminc
Barn
* Barnatu
Harp
B
tr ra
Barratu
Harrapatu, c.
Barric
Has
Bas
Basa, préf.
Bazc
* Bazcal
Baci
Baso
Hastan
Bat
* Bato
* Batu
* Bateron
* Batz ea
Faü
Faun
Hauts
Bean
Bear
Bearri
Beartu
Hebeki
Behinere
Becaiz coa
Bochau
Begi
Fede
Bederatzi
production.
plusieurs, beaucoup.
vain, faux,
vapeur.
arrêter.
vallée.
jardin.
contraction (cemposé ).
égal.
rate.
chène.
vermillon.
dans, dedans.
pénétrer.
barpe.
rire (le).
arrêter,
attraper.
barrique, tonneau.
commencer.
sauvage.
id.
nourriture.
dîner.
bassin.
forêt.
éloigner.
un,
bateau.
réunir, rassembler, ré-
colter.
royaume.
aggrégation.
stérile.
faux.
poudre.
bas, en bas, inférieur.
travail.
oreille.
pauvre.
mieux.
jamais.
envie.
voyelle.
œil.
foi.
neuf,
H; FSANS BE
Hei
Beir
Belan
Belar ra
Bele
Peieatu
Belcharg
Pel la
Beloski
Beltz
Hen
Veneno
Venganz
Benzu
Pen
Ber
Herchi, Lab.
Berdin
Bereci
Berne
Bero
Verb, en comp.
Berri
Bertce
V srtut ea
Berun.
Bilutz
Hez
Besag
* Bezatu
Bezo
Bezo
Bezperan
Betar ra
Bete
Betle
Petre
Bi
Bi ler
Cs
Bihi a
* Bihi
Phicatu
Pie
* Picatu
Picuzoroa, ce.
fumier.
verre.
genou.
herbe.
front.
corbeau.
combattre.
cygne.
boule, pelotte.
rapide, vite,
noir.
haine.
poison.
vengeance.
vaincre.
rocher, pierre.
mème, vrai (aflirmrtif).
étroit.
égal, pareil, semblable.
diviser,
jambe.
chaleur.
parole,
nouveau.
jadis, autrefois.
vertu.
plomb.
vil,
dompter.
raies (rayons de roue ).
s’accoutumer.
coutume, usage.
bras.
veille.
racine.
plein.
bas.
alliage d'étain et de plomb
deux.
demain,
grain, céréales, vivres.
égrener,
couper.
pic, pique.
piquer.
sycomore,
Bide
Fiel
Hien
Higin
Hil
Pi la
* Bildu
* Biltze.
Biluz
Fin
Pin®
u
Biol
Pipi
Biri
Hiru
Virgin
Piroch
* Piz
Pis,a,atu
Bizar ra
Bici
Fild
Bisig
Piztia
Pitos
* Pitz
* Pitz atu
Hitz
Biurs, ec.
Plaz
Flac atu
Plam
Plate
Plegu
Pobre
Hoben
8
Bol
* Boill
* Bollesi
Polit
641
HSE, NS BP: HSE, BHPI
voie, chemin. * Bolu moulin,
fidèle, Porzel vierge.
hyène. Hope queue.
Hair. Borch contraindre,
mort, mourir, tuer Porrose atu briser.
(V. 11.) Portitz - fort.
réunion, assemblage, pi-B . fe
le, monceau, chercher. P° à Joie
réunir, rassembler, com- Bozo Voix.
piler. Pozoi poison.
aggrégation. Bost cinq.
déshabiller. Bot outre.
fin, enfin. Botatu lancer,
pin * Potz paresseux.
i * Potzo chien.
violette. Brid a,atu. bride, brider.
grain, céréales. Bringi empire.
poumon. Frintz peau.
trois. Rrokel bouclier.
vierge. Progatu prouver.
belette. Bronce bronze.
fissile. Brum brouillard.
poids, pesant, lourd, Frunt prompt.
peser. Frut fruit.
barbe. Bucoc hirondelle.
habiter, vivre, vie, vif, Fuerte fort.
prompt. Pud. serpe.
red P Use particule.
vessie. i
martre ou fouine. Bular ra poitrine.
martre ou fouine. Rulzatu pousser,
atome, particule, par- Humeki puanteur.
celle. Punta pointe.
fendre, diviser. Funtz racine.
parole. Puñ poignard,
vers ( poésie). Hur doigt.
place. Hurbil près.
affaiblir. Burdin fer.
feuille de papier. Burni fer.
plat, écuelle. à
coutume, usage. as Denxes
pauvre. Buru tête, chef, esprit (faculté)
, Puse partie, pièce, morceau.
crime.
Buzoc vautour.
boule, sphère. Bustan queue.
cercle. * Busteg gouyernail,
cercle, boule. Busti humidité.
beau, joli, Butro
nasse, filet.
642
Cidür,(K,1G! C dur, K, G.
Gabe sans ( privatif). C
Cabilde asie Er gs
Caco, gaco, mao croc, crochet. Garratz âpre, rude.
Gaco clé. Garrena suff. employé pour for—
Cacui four. mer les nombres ordi-
Cadir siége. maux.
Caya matière, argent, instru- Carric rue.
ment, organe, pro- Garrondo cou.
ducteur. Gartu brûler.
* Gain dessus. Gastañ châtaigner.
* Gaindu monter, s'élever. Gaztelu castel. château fort.
Gaint fraude. Castigatu corriger.
Gay babile. Gastu fromage.
Gay (tasuna), c. génie. Gatezc combat.
Gaitz citadelle, château fort Catillu écuelle.
Gaitzo méchant.
Calamu chanvre, E "2 ne
Cale rue. Gatz sel.
Calern tonnerre. Gaïi, gaui nuit.
Galant beau. Caus cause.
Caliz a chaux. Gauz chose.
Gao" perte Es coffre, caisse.
Galtz ac bas ( vêtement ). 6° a DENT:
Gambi change, échange. Gec flèche, trait.
Gamb uste, c. teinture. Gel glace.
Gamel chameau. Geldi lent.
Camiño chemin. Geritu guérir.
Camutz angle obtus. Ce b
* Khamus émousser. ‘ai ME
Ganado troupeau. Gerli pus.
Canbar chanvre. Gero après.
Cango pied Ger ra guerre.
Canibet couteau. * Gerric oa ceinture.
Canoy tube, canal, canon. e 8e
Cant a etatu chant, chanter. B 0! Tee
Gantz graisse. Gibel foie.
Ganuts profanation. Gibil ean derrière.
Capu tête. Gidatu conduire , guider.
Gar tige. Giltz clé.
Gar grain, céréales Kinde , c. connaissance, science,
Caudair, c. histoire. K. ;
Caratz cuisine. g'pul Le
* Garbi clair, pur. Giratu tourner.
* Garbi tu nettoyer. Kirikiu hérisson.
Karg charge. Giz cohorte, bataillon, parti.
Caria, taria su”. de l'adjectif actif. Gis mode, manière.
Carobi four à chaux. Giso gypse.
Carp carpe. Gizon homme.
Kit
Cler
Cleru
Goa
Coki
Cocotz
Gogor ra
Coy
Goi a et coa
Coipe
Goiïz
Gold
Colore
Colp a et atu
Khondatu
Coneju
Contz
Gor a et atu
Goraiñ, c.
Corians
Cord
Corde
Gorde
Khoro
Goroldio
Grostia
Gorputz
Talde
Tallu
Damu
Danz a et atu
Dardu
Taria
Tarra
Tassuna
Datil
Taz
Tcea
Debecatu
Tegi
Deit
643
ACER
quitte, libéré, :bre. Gorrob
craie. ; É ordi t
clair, évident. Z
suf. indiquant l’abstrac- Cor ra
tion; té etion, fran- Gor ra
çais. Gorri
deusité. Gosal
mouton. Gosartu, c.
solide, âpre, rude. Cozc
chaise. Gose
haut, élevé, hauteur. Gozo
graisse. Cot
matin. Cotilon , c.
charrue. Croc
couleur. Crocatu
blessure, blesser. Gudari
compter. * Gud ua et atu
lapin. Cucu
gond. Cucus
baut, monter, s'élever. Cuch
nerf (anat. ) Cuña
encre, teinture. Cupritz
corde. Curatu
sentiment. Gurdi
cacher. Currie
couronne, Gurutz
mousse. Guzia
houx. tia
corps, Guti
DE
agrégation, assemblage. Deitz.
statue. Dembor
peine. Tempizt
danse, danser. Templo
dard, flèche. Tenaz
su”. de l’adj. actif. Di
suf. naturel; (subst. }, Dian
habitant. Dierri
suffi. pour former les Dinde et dorde
Tint a et ura
noms abstraits,
datte. Tipi
fasse. Diru
suf, pour former l’infi— * Dirut
nitif des verbes. Tiru
défendre. Distiatu
abri, toit, case, local. D
appeler. 4Ù
C dur, K,,G.
vesce.
fumier.
graisse.
sourd.
rouge.
déjeüner.
intelligence.
limite, borne, crâne,
faim.
doux.
cotte ( de maille ).
jupon.
brosse.
bossu.
guerrier, combattant.
guerre, combattre.
coucou.
puce.
coffre, huche.
coin.
verdet.
guérir.
char.
tenaille.
Croix.
tout.
peu.
DT
traire.
temps.
histoire.
temple.
tenaille.
agrégation, assemblage.
armée,
nation,
proportion.
encre et teinture.
minime, très-petit.
monnaie.
riche.
tir (le).
briller, luire.
mamelle.
644
D; DRE
Doitu ajuster. Trist triste.
Toki lieu, point, endroit. Trochatu emmailloter.
Done saint, sacré. Tu, atu, itu suf. servant à former le
Trabaiu travail. participe passé des
Traket. poignard, verhes. Ex.: ur, eau;
Trencatu couper. urtu, liquéfié.
Trieu hérisson. Dup coupe (subst. ).
* Trincatu fixer. Turmoy tonnerre.
Trinco dense. Tut corne, cornet (musique).
Trip ac intestin. Tzarra su”. grand.
E. E
be Emendatu augmenter,
E ul us a Emocatu crépir.
Ebats dérober. Enad hirondelle.
Eho moudre. Engan fraude.
Ehun cent. Entregu apte, habile.
Econz image. Entzun écouter.
Ecce ardent. Eo tisser.
Ecue maison. Eper ra perdrix.
Ega… aîle. Epor ra chaux.
* Egatz plume. Ere temps.
* Egazti oiseau. Id. mode, manière.
Egaitz fièvre. Eraman emmener.
Egi vérité. Eratzi descendre.
Egin faire. Erbol faible.
Egon être et resté. Erbi lièvre.
Egor envoyer. Erdi demi ,semi, moitié.
Egosi cuire. * Erdoy vert-de-gris.
Egotzi lancer. Erein semer.
Egun jour, aujourd’hui. Eremu et ermu solitude.
Ekhar porter. Erhi doigt.
Eki soleil. Eri maladie
Edan boire. Erial champ inculte.
Edas parler. Eripe condamnation.
Eden poison. Erle abeille.
Edonci tasse. Erotu déraisonner.
Eisar labourer. Erodus point.
El atome, poussière. Eror tomber.
Elay hirondelle, Eros acheter.
e Erran dire.
El i mr Errapi mamelle.
Elcor ra sécheresse. Errabi rage.
Elhe fable, conte. Erramu laurier.
Elize église. Erratoy rat.
Eman donner. Erre brüler.
Eman date. Errec ruisseau.
Emea sut, femelle. Errege roi.
Erren
Erresiñol, c.
Errio
Erro
Erroy
Erroy
Ersi
Ertzi
Esagaro, c.
Esca
* Eskale
* Escatu
Escas
Ece
Ecio
Eskin
Escu
Ezeur ra, €.
Escuar, c.
Esne
Espi
Escol
Escrit
E.
boîteux.
rossignol.
rivière.
racine.
âpre, rude.
corbeau.
étroit, comprimer.
semer.
histoire.
nourriture, aliment.
mendiant.
demander, mendier,
court.
humidité.
brüler.
angle.
main.
chène à gland comes-
tible.
langue basque.
lait.
espion.
école.
écrit.
Escualdunac, c. basque.
1,Y, 3, G doux.
Jabari
Jaboc
Jakin, c.
Jakiñ
Jachi
Jayo
Yan
lar
Jauci
Jaun
Yauts
Ibay
I lr ra
p
Ibilli
Ica
Icasol
El
Ik et?
Icabe
empire.
savon.
savoir ,
science.
clair, évident,
descenüre.
naître.
manger.
s'asseoir.
sauter.
seigneur,
descendre,
rivière.
vent du nord.
mouvement.
un (dans onze).
école.
charbon.
atome.
connaissance ,
645
Estali
Estañiu
Este
Esteij
Estrate
Estu
Ezagut
Ezar
Ezcor ra, €.
Ezpat ,c.
Ezpel
Ezten
Ezter
Erti
Ezur
Etartu
Ethor
Etorki
Etzan
Eule
Euli
Eusle
Eki
E.
couvrir.
étain.
intestin.
05.
rue.
serrer, comprimer.
connaître.
mettre.
chandelle,
épée.
buis,
stilet, pointe.
pierre à repasser.
miel, doux.
os, squelette.
recevoir.
venir,
race.
coucher.
tisserand,
mouche.
fourchette.
après-demain.
1, Y, JS Gidoux.
Ikesu
Ikhas
Ikhus
* Icus
* Jeusi
Ikuz
4 eheden
leuzi
Idi
ldor
ldun
* Idundea
Jeitu
Gende
* Igel
* Igeri
Igin
âpre, rude.
apprendre.
voir.
clair, évidunt,
pureté.
allumer.
attendre, demeurer.
nettoyer.
bœuf.
sécheresse.
cou.
collier.
arriver.
race.
grenouille,
nager.
mouvement.
* Igitayetitay faulx (instrument ).
* Igilu el igindu mouvoir.
Igo
monter.
1, YY: 1, Ya.
Igoal égal. Iri ville.
Iguriki attendre. * Jriteturio population.
g, : Irri rire.
| n°" ne Irten monter.
Ihi jonc. Irudi apparence, image.
Ihiz animal, gibier. Irur vallée.
lyelso gypse. Izay sangsue.
Il la mort, mourir, tuer. Izan être ( subst. et verbe).
li, ill lune, mois. Jzair et izate nature.
Ile et ule laine, poil, cheveu. Izar ra, c. astre, étoile.
ki sortir. Jzeribatu, c. écrire.
Illob neveu. Iceki ardeur, brûler.
Illun obscur. Icen nom.
Iman aimant. Icerdi sueur.
Ingude, ce. enclume. Icet uature.
Ingurun environ. {silgo silence.
Intz rosée. Isitz hiéroglyphe.
lo monter. Ist flèche, trait.
Yo battre. Jzi, izu terreur.
Yoan aller. * Izotz glace.
lomen renommée. Ispiritu esprit (faculté).
Yos coudre. Jsuri verser.
Ir temps (dans les com— Itzu aveugle,
posés ). Itzal ombre.
Ir, iruñ et irut filer. Itsatso, ichase mer.
Ir a, ea poison, Itan faute.
Iraci passer, filtrer. Itzucietitchusi laid.
Iraitzi * lancer. Itare ellipse.
Iraun durée. Itu fumier.
Irin et iriñ farine.
LR: LR:
Labañ Lubrique. Lapur ra, voleur.
Labur ra bref, court. lors pré.
Labe four. Laran et naran orange.
Lakio lac, filet. Larri grand.
Lagun aider. Larru et narru peau, cuir.
Lampar lampe. * Larru écorcher.
Lan travail. Lazo lac, filet.
Laño brouillard. Last paille.
Land étranger, barbare. Laster ra rapide, prompt, bientôt,
Land lande. vif.
Landatu planter. Latigo fouet.
Landu cultiver. Lau quatre.
Langi lent. Laub pleine.
Lanz . lance. Lec bourgeon floral.
Lap coquille, marine. Lecu lieu, endroit.
Lapiz houille, ampélite. Leenhago avant.
Legami
Legar ra
Legen
Legosi
Legu
Leher
Leher
Leiz
Lehoy
Lel et lol.
Lein
Len
Leor ra
Leorpe
* Lepande
Maistre
Maiza
Mallu
Malso
Mañ
Mar
* Marg
Margo
Marmol
Marrasc
Masti et mats
* Mats
Me
* Meatzeco
Megope.
Meh
LR:
levure, ferment.
sable.
lichen, herpes.
chyle.
loi.
écraser.
crever.
abime.
lion.
fade, insipide.
gouvernail.
premier.
sécheresse,
hangar.
collier.
cou
rayon.
ligne ( géom.).
glace.
fenêtre.
sommeil.
fleur.
M.
putréfer.
courber.
boîteux.
crochet.
table.
baigner.
aimer.
maître.
mais,
marteau.
lent.
industrie,
limite.
lettre, caractère.
droit, adj.
marbre.
cri.
vigne.
vin.
clair, fluide, vapeur,
esprit.
quartz.
esprit (faculté).
étroit
647
Loro
Liatu, loatu
Lotz
Liac
Libr
Liburu
Libratu
Licale
Lili, lirio
Lim
Lir
Limuri
Lizun
Lodiki
Lotos
Lotu
Lucurru
Lumer
Lupu
Lur ra
Luze
Lutz
Mempe
Mendec
Mendi
Mepon
Metol
Mi et mihi
* Miatz
Mierle
Mini
* Mintz
Mir
Mirabe
Mirail la
Moco
Melso
Mor
Morroe
Mote
Mot et muet
Mu
Macuru
Mug
Mugid
LR:
perroquet.
lier.
âpre, rude.
lie, dépôt, sédiment.
balance.
livre.
sauver, délivrer,
gomme.
lys.
lime.
lyre.
lubrique.
moisissure.
densité (des fluides .
vers ( poésie ).
lier. attacher.
usure.
graisse.
scorpion
terre.
ample, étendu, long.
flèche, trait.
M.
esclave, empire.
vengeance.
montagne.
serf.
colonne.
langue (organe).
langae ( idiome ).
martre ou fouine.
maladie, souffrance.
parole.
merveille, miracle.
domestique, subst.
miroir,
bec.
agrégation, assemblage.
intestin.
domestique.
bourgeon.
genre, espèce.
mugissement.
fertilité, abondance.
limite, borne.
mouvement.
Muna et munen moelle, cervelle.
648
M M.
Muno ac dune. Mutadi hiéroglsphe.
Mund monde. Mutur bec.
Murru mur, rempart. Muthyl domestique. 4n eunuque ?
Murn fertilité, abondance. Muzorro masque.
N N
Nabar ra coutre, fer de charrue. Navo fertilité, abondance.
Nabar ra bigarré, rayé. Necos cyprès.
Nabar ra vallée, plaine. Nek manque, privation, né-
Nagustu croître. gation, disette.
Nahal couteau. Negu hiver.
Narme et larme peau. Nese domestique.
Nas. mélange. Neüe fils.
* Nastu mêler. Neurt mesure, dimension.
Nauder ra faisan. Ninie bourgeon.
Nav plaine. No vin,
0. O.
Obi sépulture, tombe. Ondamu envie.
Obr ac œuvre (littéraire ). Ondar dune.
* Obra tu opérer. Ondar ra. sable.
Ocaya blé, froment. Ondo tronc d’arbre.
Oce clair, brillant. Ondolau abîme.
Ocia tige. Ongi bien.
Odei et odoy nuage, Onbhar consentir.
Odol sang. Oiû et of pied.
Ohi s’accoutumer. * Ofiace peine.
Ohoin voleur. Ofestu éclair.
Ogoi et oguei vingt. Onx bien.
* Ogoi etogui pain. Opo gond.
Ogii blé, froment. Or chien.
Oi et ei s’accoutumer. Orai maintenant.
Oicunetoïtun coutume, usage. Oranz levure, ferment.
Oillo coq. Ordaki champ, sol cultivé.
Oju ci. Orduz jadis, autrefois.
OI forge, fonderie. Oreñ cerf.
Olio huile. Org char.
*Oliv aetoa olive. * Org ac brouette.
Olo avoine. Orhoit se souvenir.
On bon. Ori pâle.
Ondape et ondo base, pied. Orkbatz (Archu) cerf‘.
‘ Ce nom, donné au cerf per M. Archu, me paraît devoir être celui du lynx,
que l’on nomme loup-cervier. et qui devrait plutôt être nommé chat-cervier,
parce que c'est un véritable chat; d’où oReN, cerf, et «mat, chat, et orkhatz.
Alors ce mot ne serait pas une racine,
649
0.
dent.
sauterelle.
son, bruit.
loup.
froid.
agréable.
lit.
drap (de lit).
forêt.
vinaigre.
C siflant, S, Z.
0.
Orm glace, Ortz
Orri feuille. Othi
Orron errer, vaguer. Ots
Os nuage. Otso
Osab ongle ou oncle. Oz
Osartu souffrir, Otzan
Osin ou osiñ ortie. Oy et oe
Ostadi champ inculte. Oyal, ce.
Ostu feuille. Oyan
Ostallu sculpture. Ozpiñ
Ostr huitre.
C sifflant, S, Z.
Zabal étendu, ample, large, Zar ra
Zabar ra lent. Zaro
Sabel ventre, Sartu
Zabil aloës, Sasitu
Sable sable. Saski
Sabre sabre. Zaspi
Sabu etsagu souris. Zati
Sagar ra pomme, Ce
* Sagarroi hérisson, Ceatu
Saco sac, outre. Cebar, cebo
Zad cohorte, bataillon, parti. Sebo et cibo
Zay gardien. Cebre
Say vautour. Sed
Saye autruche. Seg
Sayet flèche, trait. Cekele
Zain ou zaifi veine. Sei
Saing aboyer. Zeli
* Zaintule tendon. Cembate
Saiñ graisse. Seme
Salariet solatari espion. Sen et señ
Salaiu accuser. Send a et atu
Salbu sauf,
Sald bouillon. * Sendar ra
Saldu vendre. Centro
Sallatu sauter. Zenzu
* Salpen vente.
Zaldi cheval. Celay
Zanco cri. Cerale
Zanco jambe, pied. Cero
Sangri saignée. Sey
Zapat.… cordonnier, Cerbakitu
Zapo crapaud. Serbitu
Sarcoy. forêt, Cer ra
Sarde fourche; Ceru
Sarce bras. Cecen
vieux, ancien,
nuit.
entrer, introdnire.
fumer { la terre ).
corbeille.
sept.
partie, pièce, morceau.
pr. sans in, part, nêg.
broyer,
appât.
suif.
cuivre.
soie.
continuer, suivre.
seigle.
six.
ciel.
nombre.
fils.
signe.
force, santé, vigneur,
guérir.
solide.
centre.
entendement, sens ( fa—
culté ).
plaine.
matière.
zéro.
domestique.
soustraire.
serviteur.
scie.
ciel.
taureau,
C siflant, S, Z.
Cecen
Cesu
Ci
Zi
Ciazalde
Sicu
Cikurio
Cidr
Ciy
Cil
Sil la
Cillar ra
Sildatu
Ciluz
Cime!
Cimitz
Sinexte
* Sinhetsi
Cinuz
Cirau
Ciri
Ciricu
Ciraid
Cizarcor
Cicel
Sudur ra
Ciurs
Ciutz
Sobald
Soc
Soin et soif
Soildar
Uherriz
Ukhan
Unchart, c.
Unchi
Untziet ontzi
Ura
Urdal la
Urde
taureau.
calme.
pointe.
gland.
description.
sec.
seigle.
citron.
coin (instrument ).
ombilic.
siége, selle.
argent,
fixer,
rayon.
souple.
anneau.
foi.
croire.
ligne.
vipère,
coin.
soie.
étain.
grêle.
ciseau.
nez.
euphorbe.
apte, habile.
épaule.
corde.
épaule.
vide.
U.
ceinture.
coude.
été.
furet.
fertilité.
mamelle.
mouvement.
avoir.
furet.
lapin.
navire, Vaisseau, vase.
eau.
estomac.
porc.
650
CG sifilant, S, Z.
Soil la
Sol et sor
Soñee
Zor
Sor
Soriba
Zorn
Zor et zur ra
Zorri
Zorten
Sortiz
Zortzi
stérile.
terrain, sol.
vêtement.
devoir.
sort.
oiseau.
pus.
renard.
pou.
tige.
destin, sort, nature,
huit.
Sasagu et sosegu calme.
Su et sutu feu, brüler.
Zuhain et su—
haïitz, c. arbre.
Subatz végétal.
Sufritu souffrir.
Sufre soufre.
Sugarast et subii serpent,
Zulatu percer.
Zulcatu. fixer.
Zumar ra orme.
Supit bile.
Zur bois ( matière ).
Zurd ligne (à pêcher ).
Zuri blanc.
Sur ra nez.
Zucen droit, adj.
Sustray racine.
Zut droit, roide, tendu.
U.
Urgun boîteux.
*Urieteuri pluie.
Urratu déchirer.
Ur ra noisette.
Urre or,
Urrean près de, environ.
Urrost buis.
Urrun éloigner, écarter, loin.
Urt orient.
Urie année.
Urten et irten sortir.
* Urta liquéfier, fondre.( d’ur,
eau ).
Usaldi faute,
651
(af U.
Usay et usañ odeur. Ustu et utsitu évacuer.
* Usma et usna olfaction. Usu usé.
Ucitu diviser. Usur usure.
* Uzco division. Uts faux.
Uso et usu pigeon. Utz joug ( des bœufs ).
Uzt moisson. Utzeki queue.
Uztai anneau. * Utsune vide.
Uste espérance.
X et Ch. Xet Ch.
Chaboy et sal- Chilist et dilist lentille.
boin. savon. Chimic punaise,
Chahu balayer. Chimist éclair.
Chacur etzaenr ra chien. Chimu singe.
Changurru cancre (crustacé marin). Chirol et churol flûte, galoubet.
Chaol hutte. Chit préf. diminutif, petit.
Chaü a et atu clair, pur, pureté et net- Chito et chitez petit.
toyer. Chirlac moule ( mollusque ).
Cheatu frapper. Chitori jaune.
Cheitu lisser. Choc lit.
Cherri porc. Chocoet zoco angle rentrant, coin.
Chilbar ombilic, nombril Chume petit.
hit
ph
ie
dr )
FLE,
p
3 tabl
7
— LA
143
° U ”
IST
À r_ vero
| Æ |
Le
AA
ee
L
|
|
hé
in
l'-
AE
DÉRIVÉS ANALOGIQUES
Aoa, aba, aboa, auba
Aboyer
Abogado
Boû
Boo
Boû
Boaô
Boys
Bos
Bu
Boatus
Bootes
Ohen, ouhen
Vox
Voice
Votum
Voüez, Boüeh
An
Anima, ar:ma
Anas, anilas
Anémos
Animus
Auima
Animus
Animal
Animalis
Animo
Argia
OU PARASYNONYMES.
0 Ê | a
LI PT \ 0
basque). Bouche.
français). Aboyer.
espagnol). Avocat,
(
(
ec
r
(tin) (Beugler.
(grec) Bruit, mugissement, retentir
gronder.
(grec). Crier.
(grec).
(latin). Bœuf,
(brezon
(latin ). Beuglement.
latin). Bouvier.
reron) Bœuf.
atin :
ps fVoix.
(latin). Vœu.
(brezon). Voix.
elm
(sanscrit). Mouvoir, vivre.
(basque). Ame.
Fuel Souffle , haleine,
grec), |y
(Tatin). Vent.
(latin). Souffle, esprit, Âme, vie.
(latin }. Esprit, courage, cœur, fig.
(lat., basq., fr.) Animal.
(latin). D'air respirable , d'animal
(latin). Animer, vivifier.
Arg.
(basque). Lumière, clair, subst.
42
654
Argitu PR Briller. |
Arcos grec). Blanc, brillant.
Areyros grec).
daim WBtinl fargent.
Argus (latin). L'oiseau aux cent yeux, paon.
Arguo (latin). Démontrer, prouver (éclairer
l'esprit .
Argutus (latin). Ingénieux, fin, subtil; lumi-
neux , fig.
Argumentum (argui-mentis : lumière de l'esprit ou preuve de
l'esprit), argument.
Et les mots français : argent, arguer, argument , arguties.
B
4
OMS er:
F
H
Bero et beru (basque).
Oermos (grec). Chaleur.
Wärme (allemand).
Heres. (hébreu). Soleil.
Herer (hébreu). Sèche, brûle.
Bhar (sanscrit). Chauffer, brûler.
Ver (latin). Printemps.
Oéros (grec). Été.
Barazal (hébreu). Fer.
Ferrum et fer (lat.etfr.) Fer.
Hermès (copthe, lat. Créateur de lalchimie qui
grec, fr.) opère par la chaleur.
Bero, berff, berr, verr (brezon).
(Boul.
Ferveo (latin).
Fermentum (latin). sn déterminant une ébul-
Ferment (français). lition.
Ferveur (français). Passion ardente.
Verve (français) Activité chaleureuse.
Bermea ‘ (basque). Flamme.
Vermeil et vermillon * (français). Couleur de flamme.
* BerMea est un. mot composé venant de BER, chaleur, et de mea, esprit,
fluide : fluide brûlant,
? Le vermillon se nomme vermylhoun et flammaish, en langue brezonne. Ces
deux mots rappellent l’analogic de couleur de la flamme et du cinabre pulvérisé,
ou vermillon. Les Brezads n’ont dû connaître le vermillon que par les Basques,
puisqu'il est naturel à l'Espagne, étle nom de flammaish est la paraphrase de
celui de vermillon.
655
De la même racine viennent encore ‘ :
Aberea (basque). Animal.
Behem (bébreu). Id.
er (grec). Id.
Fera et ferus (latin ). Id.
Bera Ft
Bahr teut
Bear (anglais). Que:
Beer (holland. De |
Boréal (français). De l'ours ou septentrional.
Borée (français). Vent de l'ours ou du nord.
Féroce (français). Féroce.
Phera hébreu) Sauvage, farouche,
Bar rs Nourrir.
Aberasa et aberatsa (asauq Riche, possesseur,
Habere latin ). Avoir, posséder.
Haber en AE Avoir.
Avoir, verbe et subst. (français). Avoir,
Aber (hébreu). Fort, puissant.
vs
Bici (basque). Vivre.
Bicia (basque). Vie, vif,
Bios (grec).
Vita ft etai
Vida (espagnol)
Bioô tee Vivre.
Bia (grec). Force.
Vis (latin). Vertu, puissance, force.
Vir (latin). Homme.
Virtus (latin). Courage.
Bir, beo, beü (hrezon). Vif.
Buhe7, buez (brezon). Vie.
Buée (patoisde Lillk) Vapeur vésiculaire.
a
en
H | Le
Dam (sanscrit). Calmer, dompter.
! Ces mots dérivent de BER, Chaleur, parce que les animaux ont une tempé-
rature propre et généralement plus élevée que celle du milieu ambiant, Dériver
le nom de l'animal de la température qni lui est Propre par aberea, c'est dire qui
possède où qui a La chaleur.
Damin, damânôâs
Damô
Domare,domitare ,do-
minari
Donvi, at, et,
Domare, dominare
Domar
Daimôn
Dæœmon
Demonio
Donea
Dommeneddio
Domiuus
Dam
Vama
Femme
Dame
Dam, woman
Domina
Dama
Madama
Donna
Damaza
Damuzza
Damerino
Damo
Domus
Domaiue
Domain
Domâne
Domanio
Domestique
Domestic
Domicile
Domination
Dominion
Dom
Dôme
Demnum
Dommage
Dampner
To Damn
Damno
Dannato
Damned
Damnare
Dannare
. (latin).
056
(sanscrit). Vainqueur, maître, dominateur.
(grec).
(latin
. Dompter.
(italien).
(espagnol).
(grec).
(latin). Génie, démon.
(italien).
(basque). Saint, sacré.
(italien). Dieu.
(latin). Seigneur, mitre.
LAS
(sanscrit).
(français).
(fr., allem.)
(apsRIs)- Dame, fenime, maîtresse.
(latin).
EN
bas ue).
(ae) j
EUR Belle femme.
(italien). Femme perdue.
(italien). Dameret.
(italien), Galant.
(latin). Habitation du maître, maison.
mel
(anglais). (bomaine
(allemand). à
Die pe
rançais
Pr Domestique.
ds Domicile.
r., aD nt
CR. ). (Domination.
(RARE Qui domine l'édifice, dôme,
(fr.,angl.).) coupole.
lehaiie {Dommage.
rançais).
(français). (Damner
(anglais). é
(latin).
(italien). (Damné
anglais).
(italien). |Condamner.
657
Damner (français).
Don (titre espagnol de noblesse ou de politesse ) *.
Demos ET Peuple.
Fæmina (latin
Femme (français). Femme.
Emea (basque).
Homo (latin).
Huomo (italien). [tomne.
Hombre (espagnol). \
Eg.
Eg, âg (sanscrit). Briller, luire.
Egun (basque). Jour.
Ag (mahratte). Feu.
Egia, ekia (basque). Soleil.
Gun (languestur-
ciques). Soleil.
Eagh, eigh (irland.). Lune.
Icekia (basque). Ardeur.
Kaiô (grec). Je brûle.
Begia (basque) OEïil.
Gjün et koun (tures ouigours) Soleil.
Gjün (tures ouigours) Jour.
Gün, kun, koun (famille turque). Jour.
Aghrir, agri, agir, (kurdes) Feu.
J a )70
J e { u
HAMatre
faô, inscriptions desroches de Sinaï,
faites par les Hébreux dans 1F{RIepe
désert.
Ihéoa (hébreu)’. Dieu.
Jauna (basque). Seigneur.
Jaincoa, mot composé (basque). Dieu.
Jau (celtique). Dieu, Jupiter
Jovis, (latin). De Jupiter
Heou (chinois). Prince.
* Cette particule s'ajoute au nom de baptême et diffère essentiellement de Ja
particule française de, qui se place devart un nom de localité. Don est sans
doute le domine latin, qui a perdu sa terminaison par le fréquent usage que l’on
ena fait. On en tient lieu par señor, monsieur ou seigneur, nom par lequel nous
traduisons domine, latin.
? On transcrit généralement ce nom par Jehova. Je ne crois pas que cette
transcription soit exacte. On pourrait encore lire /haoh.
Mak, racine primitive
Maka
Machen
Macan
Make
Maxé
Méyanè
Machina
Maq
Machinn
Mira
Miraculum
Miraql, miraqlou
Mirum
Miraria
Mihira
Midhr
Miror
Mire
Mira
Mirer
Mirare
Mirein
Mirar
Mirador
Mirailla
Miraglio
Miroüer
Mirada
Mirette
Miri
Mere, merein
Micare
658
) ketc
M | 4 A
ch
: Main faire, agir, combattre.
(océanien). Faire, attaquer, battre, guerre.
(allem.), faire agir.
(saxon), idem.
(anglais). Créer, faire, fabriquer, forme, façon.
(grec). Combat.
(grec). Mouvement.
(latin). Machine, mécanique.
(turc). Sert pour former les verbes actifs.
(quichua). Le gros du bras ou de la jambe.
mit}
basque).
latin ). {iracie.
(Probe
atin). l :
ant). | Merveille.
(sanscrit). Soleil.
(irlandais). Rayon de soleil.
is Admirer.
rançais). | ay:
ss arte \Mire, but.
(français)
(italien). Vis
(brezon de | "'°°"-
Vannes).
(espagnol). Regarder.
(espagnol). Spectateur.
(ere)
italien ). hé
Hem de Bip
Vannes.
(espagnol) OEillade.
( argot fr. )
4830. OEil.
(purys de
’Am. mér. :
LR gr.) (ox.
cantos). \
(latin). Briller.
S,,
Su (basque). Feu.
Sund'yu (sanscrit). Feu.
Sù À (sanscrit). Darder, lancer.
Sur (sanscrit). Darder, briller.
Sorch (irlandais). Brillant.
Soürya (sanscrit, :
kawi, cakia
da, banga).
Souradj (hindoust.).
Suus ( chiquitos,
péruvien).
Succanink (ros. esqui.) |
Sukkinnek (doble id. ). Soleil.
Saccanak (groenl. id.)
Sonja (rossawan).
Sun (anglais).
Sonna (allemand). |
Sol (lat.,esp.). |
Sole (italien ).
Soleil (français).
Sud (fr., ital.). Sudf.
Süd (allemand). Sud.
South (anglais). Sud.
Suil (galique ou celt. propre). OEil.
Sud (allemand). Bouillonnement.
Sudum (latin). Beau temps.
Sudus, adj. (latin). Serein, clair, beau.
Sudor (latin). Sueur.
Et suer, sueur; sureau, plante sudorifique; mots français.
U
M
Ura, ur et u dans les mots com-
posés (basque).
U (guarani, jacoute ou soka), fa-
mille tartare. Eau.
Uretul (imbark}), famille jenessei
( région supérieure de l'Asie).
Hu (brésilien indigène).
1 Un des quatre points cardinaux, ce:ui tourné vers le Midi, moment au—
quel le soleil est le plus élevé sur l'horizon.
660
Uni (omagua), Amérique mérid.
Uisque (celt. prop.)
Ussu, ussum,ugun, (f.mong.)
Teh u (thib. )
Ss u (turc). Eau.
Chouï chinois).
Mizzu ren AA
Dour (brezon).
Udak (kunkuna ).
Ud , und Es dis Mouiller, couler.
Oyron grec). :
Vins (latin). he
Urdina, urdina (basque). Bleu *.
Oyranos (grec). Ciel.
Uru (xancusa), Amérique mér.). Jour.
Udur, oudur, eudur, udur rules
mong.). Jour
Outhar (grec). Mamelle,
Hyalos (grec). Cristal.
Hyelus (latin). Verre.
Hyo (grec). Pleuvoir.
Hydôr Fe Eau.
Hygros (grec). Humide.
Uber latin ). Mamelle.
Udo (latin). Mouiller.
Udor (latin). Humidité.
Udus, a, um (latin). Humide, moite, imbibé, mouillé.
Unda (latin). Onde.
Undo (latin). Inonder, fluctuer.
Urna (latin), ; NIET
Urn LR | > LS Urne.
Urne (allemand), pu 7
Urnarius Potier de terre.
Urinari Plonger.
Uvor Humidité, moiteur.
Uvesco Devenir humide.
Uva, à cause de la grande quantité
de suc qu'il contient.
Humecto et humesco
Humor
Hyades, constellation pluvieuse.
Uter (latin).
Uterus (latin).
Hydros (grec).
Hydra, us (latin).
Hyder (allemand).
Raisin.
Humecter.
Humeur.
Pléïades.
Outre.
Matrice.
Hydre.
* Couleur d’eau sous un beau ciel. Les mots latins cærula, les mers; cœru-
leum, azur, viennent du basque ceru, ciel,
d'urdina.
et ont une origine analogue à celle
Hydria.
Ora
Ora
Heur
Ubr
Hora
Hour
Idos et Idrôs
Hyems
Hima
Hima
Hiberno
Jal.
Jalan, jalitan.
Hygea
Hygeia
Hygie
661
(latin). Cruche.
(grec). Heure.
(italien ).
(brezon).
(allemand). ‘Heure.
(lat., esp.).
(anglais).
(grec). Sueur.
(latin). Hiver.
(sanscrit). Hiver et neige.
(thibétain). Neige.
- (latin). Hiverner.
(sanscrit). Couvrir, condenser.
(sanscrit). Eau glacée.
(latin).{ Eau Santé, hygiène, ou con-
(grec).{ et naissance des eaux et
terre.) des lieux.
* Ce nom d'heure vient de ce qu'anciennement le temps était mesuré par de
l’eau qui s'écoulait d’une clepsydre.
les ; Mar, se - Paredns cpu, ds Dans ent nriçind dahagui Wide
d'urine,
663
VOCABULAIRES COMPARÉS
Dans ces vocabulaires, la langue basque est compa-
rée à treize langues ou groupes de langues.
Le vocabulaire général, comprenant le français, l'es-
pagnol et le latin, me dispense de publier les vocabu-
laires comparés de ces langues. Cependant, comme ce
vocabulaire ne donne que les significations directes,
et que les mots qui ont le plus d'analogie avec ces trois
langues ne sont pas toujours ceux qui ont été admis
dans ce vocabulaire, je me propose de publier prochai-
nement des observations sur l’origine des langues bas-
que et française, qui seront suivies d'un vocabulaire
de mots dont il serait souvent diflicile de trouver une
autre origine que dans la langue basque, qui a d'ail-
leurs laissé des traces dans presque toutes les langues
parlées sur le globe.
I. — Hébreu et chaldéen.
Age Adina Idar , ch.
Agneau Umeria Immera, ch.
Aîle Egoa Egaf, h.
Bâton Makila Maquel, b.
Chair, viande Aragia Harag. tuer, h.
Chaux Carea Ghira, ch.
Cheval Zamaria Khamoura, syriaque.
* Ces vocabulaires ont été composés en compilant une foule de dictionnaires
ou de grammaires que je possède ou qui appartiennent à la bibliothèque de la
ville de Bordeaux; mais principalement à l’aide des travaux déjà exécutés, de
M. Klaproth, dans ses Mémoires sur l'Asie, et de M. Balbi, dans son Atlas
ethnographique.
Ciel
Cerf
Crapaud
Déraisonner
Désert
Doigt
Esprit (faculté)
Fendre
Fille
Flocon de neige.
Grèle
Grenouille
Haut
Loup
Lumière
Miroir
Ombre
Pays
Puissant
Soir
Son
Stérile
Ville
Vol, larcin
Agneau
Bélier
Ame
Aveugle
Blessure, plaie.
Chat
Chaux
Chèvre
Corbeau
Crapaud
Crime
Dent
Dur, fort
Flamme
Flocon de neige
Fosse, trou
Gardien
664
Cerua
Orena
Zapoa
Erotu
Eremua
Atza
Burua
Phicatu
Nesca
Tela
Goria
Zapallora
Goia
Otsoa
Argia
Mirailla
Itzala
Erria
AI Ahal
Aratza
Otsa
Agorra
Iria
Soilla
Zer, lumiere
Rès, renne, h.
Dzab, h
Ere, se mettre en colère.
Erem, vouer, consacrer.
Etzloa, h.
Rouack , h.
Phelé, h.
Nas, h.
Telag, h.
Gesakh, h.
Tsepharedda, b.
Goabh, h.
Tséb, h.
Or, gèr., h.
Marob, h.
Tsal, h.
Era’a, ch.
El, h.
E’reb, h.
Ozen, oreille, h.
A’gar.
reine
Chalal, h.
Il, — Arabe.
Aria
Umeria
Arima
Ichua
Zauria
Catua
Carea
Auntza
Erroya
Zapoa
Hobena
Ortza
Zaïilla
Sua
Orria
Sukharra
Sarca
Neitu
Garra
Tela
Lezoya
Zaina
Arig' (agneau ).
Immer, ou’mrous.
Armaq (dernier soupir ).
A’chi.
Djarh’.
Qytt.
Kirs.
A'nz.
Aou'’er.
Sifda”.
H'aubeh.
A'Tyz.
Djald , djalid.
Sou’ar.
Ouerq.
Sekàt.
Charkah, chark.
Nehi.
H'arq (feu).
Tzeldj.
Ledjet,
Siyän,
665
Gras, gros Gicena Ketzim.
Lard Chingarra Khinzir (cochon).
Lièvre Erbia Erneb.
Loup Otsoa Assäs, adjour.
Lune Illa Hilal (le croissant ).
Maître Jauna Ain.
Mer Itsasoa Adjour.
Rapide Arina Rain.
Moelle Hunna Honnet.
Mordre Autsikitu Azz, a dzm.
Mou Guria Khary’.
Nom Icena Jsm , isem.
Ombre Itzala Dzyil.
Peu Guti Qit, qidz.
Pointu Zorrotzo Sarali.
Poitrine Bularra Beled.
Poli, lisse Leuna Leïn.
Poussière Autza Adjdj.
Pur, pet. Aratza Ariz.
Raviver Erroa Y'rq
Réjouir (se) Azeria Hedjres.
Rue Carrica Garin.
Sang Odola Tolla.
Sourd Gorra Khors.
Stable Bortez Barid.
Stérile Agorra A'qyr.
Tendre, fin Guria Khara.
Vaincre Garraitcea Gahr.
Veine Zaina Chan.
Vestige Alzarma Atzir.
Viande Aragia A'rq (os couvert de viande).
Vite Sari Siru’.
Voix Bozoa, aozkia ,aoa Haoua.
(bouche)
Zèle Kharra Ha'rr.
IT, — Persan.
Arc Tyruelaya Tir (flèche, en persan et
hindoustani ).
Bras Bezoo Bazou.
Broussailles Basoa Bichch
Clef Gilça Kilid.
Crâne Cosca Kasch
Douleur Mina Män.
Faible, paresseux Lachoa (lâche) Lachah.
Grains (céréales). Artoa Ard (farine),
Hérisson Sagarroya Sag'ar.
Lie de vin
Nuque
Paresseux
Perdreau
Peur
Pierre
Pomme
Poussière
Puce
Sac
Sifilet
Sourd
Tasse
Tendre, fin
Trou
Urine
Urine
Vautour
Vieux
Voix
Volonté
Axe
Bélier
Blanc
Boule, cercle
Chameau
Laine
Boisson
Ciel
Eau
Esprit (faculté)
Été
Être
Feu
Flèche
Glace
Homme
vur
Limite
666
Tertica Dordi.
Garrondoa Kerden, kerd,
Aroya Aroân.
Eperra Perperem, ferfar.
Baldur Baliden (avoir peur).
Harria, arria Khara
Sagarra Zoug'rour.
Autza Adjok
Cucusa Keik.
Çurruna Chirâr, chirad.
Hichtua Hicht.
Gorra Kar.
Taza Tas.
Bero Barik.
Zuloa Soulakh.
Pisya Pichar.
Chysia Chacha.
Bazoca Baz
Zarra Zar, zer.
Bozoa, aozkia, aoa Aouaz.
(bouche)
Gogoa Khoua.
IV. — Sanscrit.
Acha Aksas Roue, centre.
Aria Avi Mouton
Zuria Gaura
Boilla Vaill Tourner.
Gamelua Kramêlaka
Ulea Bâla Cheveu.
Pittara Pitan
Cerua Sourga
Ura Udaka
— Ud, und Mouiller.
Be Ur Étendre.
Ispiritua Spr vivre, respirer.
Uda Iddhan chaleur.
Izan San
Sua Sur Briller,
_ Süris Soleil.
— Sù Lancer, darder.
— Sveda Sueur.
Sayeta Sayaka
Gela Jalan
Gizon G'ana
Eguna Luire.
Le4
Ce)
Mar Marka Frontière,
667
Mère Ama Ama
Oie Antzarra Hansa
Os Esteya Asthi
Ours Artza Arksas
Père Aita Tata
Race Gendea Jan Naître, produire.
Respiration Asnacea Asou
Rivière Errioa Arivi
Rocher, pierre Aitza Acman
Science Kindea Ki Savoir.
Soleil Egia Ég Luire.
Terre Lurra Oùr
Vague (flot) Baga Vahas, baketvag Mouvoir.
Vieux Zarra Djera
Voir Hegisti Eg” Luire.
V.— Grec.
Ame Anima Anémos Vent.
Animal Aberea Oèr
Axe Acha Axon
Bélier Aria Ars À
Boisson Pittara Pinô Boire.
Bouche Aoa AÔ Soufller.
— Aboa Boû BeugJler.
— — Boaû Crier.
—- — Boys Bœuf.
Cervelle Baresarca Sarkos Chair.
Chaleur Beroa Oermos
_ _ Oéros Été.
Cheval Zaldia Kelès
Ciel Cerua Seir Soleil.
Dame Andrea Aner, andéros Mari.
Déraisonner Erotu Héros Débat.
Eau Ura Hydor
— — Hygros Humide.
— — Hydros Hydre.
— — Hyades Constellation.
— — Idos, idros Sueur.
— — Oyron Urine.
— — Oyranos Ciel.
= — Ora Heure.
— — Oybar Mamelle.
— — Hygeia Hygiène",
| Hygeia veut dire eau et terre. Le plus ancien traité d'hygiène est d'Hip=
pocrate; il à pour titre : Des eaux, des aïrs et des lieux,
Hérisson
Herse
Huître
Hyène
Coudre
Lampe
Lion
Lumière
Lynx
Madame
Maïs
Maison
Mâle
Mamelle
Muscle
Nourriture
Ours
Père
Race
Région
Servitude.
Soleil
Solitude
Soufflet
Squelette
Trouneau
Tourner
Vie
Vivres
Zodiaque
Avoine.
Baiser (subst.)
Bon
Bouche
Chat
Clair
Eclair
Examiner
Fange
Jour
Mâle
668
Forme, apparence. Îda, idea, suff, Eis, eidos.
Trichua Orix Cheveu
Area Aroyn Cultiver.
Ostrea Ostrakon
Hiena Hyéna
Josi los Pointe, poinçon.
Lampa Lampas
Lehoya Léôn
Argia Argos Blanc.
— Argyros Argent.
Linoea Lynx
Madama Damô Dompter.
Artoa Artos Pain.
Etchea Oixos
Arra, suff. Arrèn
Titia Difos
Nasarkia Sarkos Chair.
Bazca Boskô Paître.
Artza Arktos
Aita Atta
Gendea Gennaû Engendrer.
Erria Era Terre.
Lotekintza Eilos Ilote.
Ekia Kaiô Brûler.
Eremua Erèmos
Auspoa Ayô Soufiler.
Eskeletoa Skéléton
Elea Elos Prairie,
Giratu Gyros Tour,
Bicia Bios
Bihi, pipi Bios Vie.
Senesia Sèma Signe.
VI. — Turc.
Oloa Joulaf,
Apa Opuch.
Ona Onat.
Aua Aus, ous (fam. t.).
Catua Kedy.
Acena Atchiq.
Chimista Chimchek.
Aratu Ara-maq.
Cimaurra Kumreh.
Eguna Gun, kun (fam. t.).
Arra Ar, er.
1 On a dù coudre avee un poinçon ou une alène avant d'inventer l’aiguille,
Maturité
Mère
Mourir
Nid
Oblique
Père
Pied
Prairie
Prune
Pur, net
Roseau
Sec
Tête
Vol, larcin
Volonté
Blanc
Fille
Fumée
Geuou
Grand
Manger
Navire
Poisson
Prairie
Sable
Blanc
Bouche
Cerf
Eau
Fosse
Froid
Frontière
Langue.
Navire
Oreille
Pluie
Prairie
Sable
Traîneau.
669
Oea ou chea
Okerra
Aita
Oina
Soroa
Arana
Aratza
Sesca
Agorra
Burua
Ohorga
Gogoa
VIT. — Samoyède.
Zuria
Nesca
Kea
Belarra.
Andia
Jan
Untzia
Arraya
Soroa
Kasca
Arich.
Ana.
Eul-mek.
Ouia ( Sib.), ioua
( Const.).
Arquourou.
Alta.
Aiak,
Tchaïr;
Arik.
Ari.
Saz , sæz,
Quourou.
Bash,
Burun (nez),
Og or ( voleur).
Gongoul.
Syr, sirr.
Neatzyke.
Kwoe.
Poul.
Annia.
leng.
Onou.
Harra;
Seior.
Kotcha.
VIII. — Région polaire arctique.
Zuria Sorni, sar
Aoa Ao$, awouz
Oren Oron
Ura Ur, ul
Odia Oidouck
Otza ltchik
Muga Moükout
Mihia Inni
Ontzia Ongosou
Belarria Bel, pel
Uria Ouri
Soroa Serwn
Kaska Khias, khas
Nara Narta
vogule.
nogaï, tartare.
toungouse.
imbark de l'Iénesséi:
téléoute,
ostiake de Wasiougan.
ostiake de Berezow.
tcungouse.
toungouse,
vogule.
assane et kotove, en
Sibérie.
tchouwache.
iéniséen.
kamtchadale,
43
Brebis
Cerf
Cheveux
Chien
Fille.
Flamme.
Grappe de raisin
Nez
Rouge
Rouge
Rouge
Sec
Soir
Barbe
Bois
Brebis
Dormir
Etoile
Frontière
Fumée
Ours
670
IX. -- Slave, Finnois, etc.
Ardia lar esthonien.
Orena Olen slave.
Ulea Wolos slave.
Potzoa Pes. pessik russe.
Nesca Netchit esthonien.
Garra Karst kriwo livonien.
Matsa Mesi, mari esthonien.
Sudurra Souda mordouine.
Gorria Gord wotiake.
Gorria Goird zyriane.
Gorria Gordé permien.
Chukkoa Soukhoa slave.
Arratsa Rat permien.
X. — Région du. Caucase.
Bizarra Botzo . ossèles.
Bigajou andi.
Zura Dzar arménien.
Ardia Arlhe touchi
Lo Louri mingrelin.
Izarra Zouri " akoucha.
Muga Moukhk tchetchense.
Kea Koui lesghi de Tchar.
Artza Ars ossètes,
XI. — Esquimau.
Aoa Ocka(langue) groënlandais propre.
Sua Succanuck groënlandais en gé-
(soleil) ral,
Eguna Agsünük tchoukche en général.
Illargia Igaluk, all. tchougatchi konegu.
— Irallük, all. choukche du cap
— Tchoukchi.
Ama Amama groënlandais de Lang.
Aita Attala id. divers.
— Alta tchoukche asiatique.
Oiña lo-oga tchougatchi konégu.
Ikhusi Eicega (œil) groënlandais de Lang.
671
AMÉRIQUE MÉRIDIONALE.
XII. — Pérou et région brésilienne :.
Idore (feu)
Uru (jour)
péruvien.
xamuca.
Abboa (langue) guarani.
Oos
Idatu (terre)
Hu
Huaylla
chiquitos.
cayurari,
brésilien.
LE
Huaccani ( pleurer) q.
Suus (soleil)
Ghican, père.
Killa
Ma
Mama
Yta
Ccaka
Milhua
Chupa
Bari (lune)
Lamkcani
XIII. — Divers.
Aride, sec Idora
Bleu Ur
Bouche Aboa
Dent Ortza
Desséché Idatu
Eau U.
Feu Sua
Homme Ghizon
Lune Illa
Mère Ama
» »
Père Aita
Pierre Acha
Poil, laine Ilea , ulea
Queue Hupa
Tête Burua
Travailler Londu
Bœuf Idia
Broussailles Basoa
Cheveux Ulea
Chien Potzoa
Cochon Charria
Etoile Izarra
Genou Belarra
Grappe de raisin. Matsa
Mâle Arra
Mère Ama
Mobile, léger. Arina
Oblique, de travers Okerra
Pierre Arria
Pluie Uria
Rocher Aitza
Eidion
Bush
Wolle
Petze
Souaer
Itzri
Seren
Djarra
Polwy
Maisi
Arre
Ama
Arrangia
Queer
Harreg
Orée
Issi
‘ Le péruvien ou quichua est marqué par q.
chiquitos.
guarani,
quichua.
morimi,
q. et aïmara.
mocori.
q-
LE
ne
sapiricOni.
q.
gallois.
allemand.
allemand.
allemand.
indoustani.
berbère,
gallois.
hindoustani.
fiunois.
boukhare.
kalmuke.
mandchou.
ioukaghire.
allemand.
gallois.
romance.
japonais.
672
Rocher Aitza Is
Sec Agorra Khorai
— — Kara
— — lagyour
Songe Ametsa Amou
Trou Ciloa Skile
Urine Cerisuria Chirzeq
permien.
mongol.
japonais.
berbère.
mandchou.
lettonien.
nabathéen , au
s. du Caucase.
673
VOCABULAIRE CHRONOLOGIQUE.
Afin d'éviter l'impression des tableaux considérables
et nombreux qui représentent ce vocabulaire, je ne l'ai
donné qu'en français. Il pourra servir de modèle pour
en faire d'autres. Il est d’ailleurs complété par les vo-
cabulaires polyglottes imprimés dans cette partie.
AGE PRIMITIF.
Êtres cosmologiques.
Soleil. Etoile. Nuit.
Lune. Jour.
tres terrestres.
Montagne. Glace. Oiseau.
Plaine, vallée. Neige. Lézard
Marais. Nuage. Serpent.
Terre , sol. Brouillard. Poisson.
Pays, contrée, ré- Rocher. Mouche.
gion. Pierre. Puce.
Forêt. Sable. Pou.
Mer. Arbre, Punaise,
Lac. Herbe. Cousin.
Rivière. Animal.
Lieux.
Noms spéciaux des montagnes, plaines, lacs, rivières, forêts, etc.
Nom du peuple dans sa propre langue.
Homme et parties du corps des animaux
Homme. Poitrine. Poil.
Tête. Ventre. Corne.
Bras. OEil. Griffe.
Aile. Oreille. Os.
Jambe. Nez. Chair.
Main, Bouche. Sang.
Pied. Dent. Lait.
Doist. Langue. Urine.
Corps, Cheven. Excréments,
674
Idées générales, phenomènes.
Lumière.
Feu, flamme.
Père.
Mère.
Naître.
Vivre.
Mourir.
Tuer.
Manger.
Boire.
Arc.
Flèche.
Haut.
Bas.
Près.
Loin.
Dedans.
Fumée.
Eau.
Parenté.
Fils.
Fille,
Principales actions.
Respirer.
Dormir.
Marcher.
Monter.
Descendre.
Avancer.
Divers.
Lance ou zagaic.
Bâton.
Mots divers.
Dehors.
Avant.
Après.
Dessus.
Dessous.
2%e AGE.
Air.
Ciel.
Frère.
Sœur.
Reculer.
Tourner,
Courir.
Sauter.
Danser.
Chanter.
Barque ou canot.
Rame.
Assez.
Beaucoup.
Peu.
Trop.
Oui, non.
Superstition, idolatrie, culte.
Être suprème.
Bon et mauvais gé-
nie.
Chef.
Lieutenant.
Peuple.
Idole.
Autel.
Sacrifice.
Hiérarchie sociale.
Esclaves.
Habitations.
Caverne.
Sorcier ou devin.
Augure.
Tente.
Hutte.
Village, ville.
( Les objets et les actes qui se rapportent à cet âge varient selon que le peu—
ple vit de chasse, de pêche, de troupeaux ou d'agriculture).
Appt.
Piége.
Filet.
Ligne.
Peuples chasseurs.
Armes spéciales à la la chase, peaux et vè-
tements provenant de cette chasse.
Peuples ichthyophages.
Hamecon.
Harpon.
Graisse, suif.
Huile animale,
Troupeau.
Pâturage.
Toison.
675
Peuples pasteurs.
Laine,
Fil.
Fuseau.
Poinçon.
Couture.
Lait.
Connaissance du mouvement des principaux astres.
Sol arable.
Graine , semence.
Semer.
Bouclier, casque.
Ceinture.
Bracelet.
Bœuf, taureau.
Bélier, brebis.
Chévre.
Dieux.
Temple.
Roi.
Féodalité,
Titres de noblesse.
Maison.
Palais
Ville.
Navire.
Charrue.
Roue.
Char et chariot.
Briques.
Poteries.
Teinture,
Peuples agriculteurs.
Récolter.
Moulin.
Farine.
Collier.
Anneau.
Vêtements.
Animaux domptés.
Cheval.
Renne.
Eléphant.
3me AGE.
Religion, culte.
Autel.
Prêtre.
Hiérarchie sociale.
Cours judiciaires.
Tribunaux.
République.
Architecture.
Fortification.
Citadelle.
Place publique.
Navigation.
Voile.
Agriculture.
Herse,
Arts mécaniques.
Rouet à filer.
Tisser.
Arts chimiques.
Or.
Argent.
Etain.
Four.
Pain.
Armes, ornements, vétements.
Fourrures.
Ponnet ou cape.
Chaussure,
Chameau.
Lama.
Porc.
Sacrificateur.
Militaire.
Civil.
Serf, esclave.
Rue.
Porte.
Fenêtre.
Mât, gouvernail.
Engrais, fumier.
Baliste de guerre.
Catapulte.
Cuivre.
Bronze,
Fer,
Armes de métal.
Casque. Cotte de mailles. Sabre.
Cuirasse. Epée.
Instruments, outils.
Hache. Enclume. Burin.
Scie. Tenaille. Aiguille.
Marteau. Lime.
Commerce.
Échange. Monnaie. Acheter, vendre.
Beaux-arts.
Scuipture. Musique. Flûte.
Peinture. Chant. Tambourin.
Dessin. Danse. Lyre.
Broderie. Cornet musical Harpe.
Arts graphiques.
Écriture figurée. Ecriture par lettres.
Littérature.
Poésie. Histoire.
Sciences.
Astronomie. Heure. Physique.
Année. Eclipse. Optique.
Mois. Comète. Médecine.
Semaine. Arithmétique. Maladies diverses.
Jour. Géométrie.
Additions et corrections.
P. 325,1. 15, et p. 326,1. 13, garagarilla veut dire Lune de l'orge.
P. 327,1. 14, buruilla, lune de la tête. Ce nom vient sans doute de ce que
les congestions cérébrales et les apoplexies sont fréquentes dans notre
hémisphère pendant le mois d'octobre.
. 331,1. 7, au lieu d'acha, lire: hache.
. 351,1. 10, après des Italiens et, ajouter : des peuples parlant la lan-
gue romane.
. 352,1 19, au lieu d'hydrotéchine, lire : hydrotechnie.
. 387, 419 et 422, au lieu d'arag, lire : harag.
404,12 de la note, au lieu de pluie, lire : source.
. 426,1. 17, après morue, ajouter : et de la baleine.
3 ST
DESCRIPTION
D'UNE
COUPE GÉOLOGIQUE
des collines qui bordent Les rives droites
De la GIRONDE , de la GARONNE, du TARN, de l'AVEYRON et de la LEYRE,
De la PornrTe De LA Cousre, près de Royan, à Serr-Fonps,
près de Montauban !,
SUIVIE D’UNE NOTE SUR L'AGE DE LA MOLASSE DE MOISSAC;
Par Vor RAULIN.
4° DESCRIPTION DE LA COUPE GÉOLOGIQUE.
La constitution géologique de l'Aquitaine, cette vaste
plaine du sud-ouest de la France, est encore environ-
née de beaucoup d'obscurité, quant aux terrains ter-
tiaires qui en forment la plus grande partie, malgré
les études faites pendant les trente dernières années
! Cette note est la description d’une Coupe graphique manuscrite que nous
avons adressée à l’Académie des Sciences de l’Institut de France, le 11 mai 1852,
et qui forme le complément indispensable d’une Esquisse manuscrite de carte
géologique de l'Aquitaine que nous avons adressée à M. Dufrénoy, le 25 dé—
cembre 1848, pour lui montrer l’extension que nous donnons au terrain éocène
dans la partie orientale de cette région.
678
surtout par MM. Boué et Dufrénoy, et aussi par MM.
Jouannet, Drouot , de Collegno et Delbos. Des opinions
contradictoires ont été et sont encore émises par les
géologues qui s'efforcent de préciser exactement les
faits.
Depuis la publication, dans le courant de l’année
1848, de notre Nouvel Essai d'une classification des
terrains tertiaires de l'Aquitaine, deux de nos col-
lègues, M. Coquand, à Besançon, et M. Leymerie, à
Toulouse, se sont successivement élevés contre quel-
ques-uns des résultats auxquels nous sommes parvenu.
M. Coquand a deux fois combattu nos opinions, et
nous avons répondu deux fois par des faits concluants,
suivant nous, à ses objections en partie théoriques.
M. Leymerie nous avait d'abord attaqué occasionnel-
lement et d'une manière très-générale, et nous avions
répondu sans entrer dans aucun détail. Puis, dans la
séance du 30 juin 4851 *, il a adressé à l'Académie des
Sciences de l'Institut de France un travail dans lequel
il émet une opinion différente de la nôtre, et qui vient
d'être publié sous le titre de Vote sur un ANTHRACO-
THERIUM MaGnum découvert à Moissac (Tarn et-Ga-
ronne), et sur l'âge géologique de cette parhe du
bassin sous-pyrénéen.
C'est seulement après avoir quitté Bordeaux, à l'ar-
rivée des vacances, et lorsque nous étions séparé de
nos notes, que nous avions eu connaissance de l'extrait
du Mémoire de M. Leymerie, inséré dans les Comples-
1 C.R,t. XXXII, pag. 942.
679
Rendus. À notre retour, nous nous étions empressé de
dresser une coupe graphique, et de l'accompagner
d'une note descriptive destinée à la publication, afin
de mettre les géologues à même de se prononcer en
connaissance de cause sur la valeur des deux opinions.
La publication complète du Mémoire de M. Leymerie *
nous fait connaitre en entier les raisons sur lesquelles
est fondée l'opinion dont l'énoncé seul nous était con-
nu ; elle nous permet de donner à la partie de notre
description qui s’y rapporte, le développement néces-
saire pour motiver et défendre l'opinion que nous avons
émise, en moins d'une ligne, en 1848.
Notre coupe, faite suivant une ligne un peu sinueu-
se, est dirigée du nord-ouest au sud-est ; elle est à peu
près parallèle à la ligne de jonction de l’Aquitaine
avec la presqu'ile de Bretagne et le Plateau central ;
cependant, elle vient aboutir, au sud-est, à cette pointe
du Plateau central qui s'avance de Rodez jusqu'à Bru-
niquel, à l'est et non loin de Montauban.
Cette coupe, qui comprend un développement de
325 kilomèt., montre la succession de toutes les assises
tertiaires qui forment le sol de l'Aquitaine, à l'excep-
tion de celle du terrain pliocène, que nous ne croyons
pas exister au nord de la Gironde, de la Garonne et du
Tarn. Conformément au tableau que nous avons publié
en 1848, ces assises sont les suivantes :
: 9 Calcaire d'eau douce jaune de l'Armagnac
TERRAIN MIOCÈNE (Bazas)
jt
SUPÉRIEUR. 8 Falun de Bazas.
? Mémoires de l’Académie de Toulouse.
680
Calcaire d'eau douce gris de l'Agenais
(Saucats)
Falan de Léognan. — Molasse moyenne
de l’'Agenais.
eu
TERRAIN MIOCÈNE
INFÉRIEUR.
Qt
Calcaire grossier de Saint-Macaire.
4 Calcaire d'eau douce blanc du Périgord
(Agenais).
3 Sables de la Saintonge. — Calcaire gros-
: sier de Bourg. — Molasse du Fronsa-
TERRAIN ÉOCENE. dais (Agenais).
2hisCalcaire d'eau douce de Blaye.
2 Calcaire grossier du Médoc (Blaye).
\ 4 Sables de Royan.
La coupe présente, à l'extrémité nord-ouest, le ter
rain crétacé supérieur, craie jaunàtre de Royan et craie
blanche de Talmont, et médio-supérieur, craie à silex
de Mortagne; à l'extrémité sud-est, se trouve l'étage su-
périeur du terrain jurassique.
Pour la description, nous divisons, ainsi qu'il suit,
celte coupe en sept sections, dont chacune comprend
soit un ensemble géologique, soit l'intervalle de deux
grandes vallées latérales.
io Dunes situées entre la pointe de la Coubre et Mèchers.
2° De Royan à Saint-Ciers-Lalande.
3° De Saint-Ciers-Lalande à Saint-André -de-Cubzac.
4° Du Bec-d'Ambès à Sainte-Bazeille.
8° De Sainte-Bazeille au confluent du Lot, près Aiguillon.
6° Du confluent du Lot à celui du Tarn, près Moissac.
7° Du confluent du Tarn à Sept-Fonds.
4° Dunes situées entre la pointe de la Coubre et
Mèchers. A la pointe de la Coubre, il y a une plage
unie, sableuse, de plus de À kilomèt. de largeur, à
681
marée basse. Le sable, poussé par les vents d'ouest, va
former les dunes situées entre la côte d'Arvert et la
plaine du bourg de ce nom; dunes qui sont les plus
élevées de celles qui existent sur les côtes de France,
au nord de la Gironde. Au sud-est de ces dunes, et au
sud-ouest d'Arvert, il y a une autre bande de dunes,
d'abord fort basses, puis devenant presque aussi élevées
que les précédentes, au sud de Saint-Augustin-sur-
Mer.
Au-delà de Puyraveau et du phare de Terre-Nègre,
les dunes ne forment plus que de petits massifs isolés,
placés à l'est et au fond des différentes anses ou conches
de la côte, dont toutes les parties intermédiaires sail-
lantes sont de petites falaises rocheuses. L'étendue et
la hauteur de ces massifs duneux sont en rapport avec
les dimensions des conches. Les plus considérables sont
ceux qui se trouvent à l'est des conches de Terre-Nè-
gre, de Royan et de Saint-Georges-de-Didonne. Ce
dernier massif, le plus élevé de tous, est situé au nord
de Mèchers.
2° De Royan à Saint-Ciers-Lalande. Entre le
phare de Terre-Nègre et le vallon de Saint-Palais-sur-
Mer, sur une longueur d'environ 2 kilomèt., se trouve
l'assise tertiaire la plus inférieure, désignée sous le
nom de sables de Royan. La partie inférieure est un
calcaire grossier, blanchätre, renfermant quelques
grains de quartz qui le font distinguer assez facilement
de la craie qui se trouve immédiatement au-dessous, à
stratification à peu près concordante. Ce calcaire, qui
a 2 à 3 mètres d'épaisseur, forme aussi le plateau ro-
682
cheux de la tour de Cordouan, et le roc Saint-Nicolas
ou d'Usseau sur la côte opposée; il renferme un grand
nombre d'Échinides, qui se rapportent aux espèces sui-
vantes :
Echinopsis elegans. Gualtieria Orbignyana.
Goniopygus Pelagiensis. Amphidetus subcentralis.
Cæœlopleurus Agassizi. Brissopsis elegans.
Echinocyamus subcaudatus. Hemiaster (nov. spec).
Echinolampas dorsalis. Schizaster vicinalis.
— subsimilis.
M. Delbos y a trouvé à Terre-Nègre, au contact de
la craie, des carapaces de tortues et des ossements
indéterminés.
La partie supérieure est constituée par des sables
argileux, grossiers, jaune-verdàtre, qui ont 7 à 8 mèt.
d'épaisseur, et dans lesquels on trouve en abondance,
par places, l'Ostrea multicostata et un Peclen. MM.
Manès et d’Archiac ont trouvé sur plusieurs points, à
la surface du sol, des plaquettes de grès fin renfermant
en abondance les Nummulites planulata et Alveohina
oblonga. Ces couches représentent sans aucun doute ,
comme nous l'avons déjà dit, les sables glauconifères
inférieurs du Soissonnais et de tout le nord du bassin
de Paris.
De Saint-Palais-sur-Mer jusqu'au-delà de Mèchers,
apparait la craie jaunâtre de Royan, qui forme tous
les escarpements et les caps rocheux de cette partie de
la côte; c'est un calcaire grossier, jaunâtre, divisé en
bancs assez irréguliers, et renfermant en immense quan-
683
tité l'Ostrea vesicularis; on y trouve encore fréquem-
ment les espèces suivantes :
Retepora disticha. Lima maxima.
Orbitolites media. Pecten substriatocostatus.
Fungia polymorpha. Exogyra Matheroniana.
Echinolampas Leskei. Spherulites crateriformis.
Spatangus Prunella. — Hæninghausii.
Cardium Faujasii. Nalica royana.
Cucullæa cretacea. Turbo royanus.
Pectunculus Marrotianus. Trochus Girondinus.
Trigonia inornata. Nerinea bisulcata.
Inoceramus regularis. Nautilus Fleuriausianus.
Mytilus Dufrenoyi.
La plaine entre Mèchers et Talmont est formée par
des vases brunâtres alternant avec des sables, renfer-
mant les coquilles marines actuelles; elle présente des
salines au sud-est de Mèchers seulement.
Vient ensuite le petit rocher de Talmont et la colline
qui est au sud, dont la falaise montre la craie blanche
de Talmont , qui est massive, sans stratification, avec
de nombreux fossiles, dont les principaux sont :
Tragos pisiformis. Lima Santonensis.
Polypothecia dichotoma. Pecten quadricostatus.
Ceriopora subimbricata. — substriatocostatus.
Cidarites vesiculosus. Ostrea frons.
Ananchites ovata. — vesicularis.
Cyphosoma magnificum. Exogyra Matheroniana.
Micraster cop-anguinum. Terebratula seiniglobosa
Mytilus Dufrenoyi. — vespertilio.
Inoceramus regularis, Serpula gordialis.
HS
Cette craie couronne les plateaux de Saint-Seurin et
de Mortagne, et s'avance même au-delà. Sur ce point,
elle est très distincte de la craie jaunàtre de Royan, au-
dessous de laquelle elle git ; mais dans les autres parties
de la bande crétacée, en Saintonge, cette distinction
n'est plus aussi tranchée.
Au-dessous de cette craie blanche, depuis Talmont
jusqu'au delà de Conac, vient la partie supérieure de la
craie tufau, très-visible, surtout dans les anciennes
falaises au-dessous de Mortagne, dans les vallons de
Barzan, au nord, et de Port-Maubert et de Conac, au
sud. Elle est un peu sableuse et micacée, légèrement
grisatre, assez régulièrement stratifiée, et renferme de
nombreux lits de silex calcarifères grisätres, et surtout
de nombreux polypiers et quelques autres fossiles. Les :
principaux sont :
Tragos pisiformis. Exogyra conica?
Asterias punctulata. Terebratula difformis.
Exogyra Matheroniana.
Cette craie est exploitée pour pierre de taille au-des-
sus de Mortagne, de Saint-Fort et sur la route de Mi-
rambeau.
Après le vallon de Port-Maubert, les coteaux dévien-
nent plus élevés, et la craie supérieure reparait; elle
est blanchâtre et renferme les mêmes fossiles qu'à Royan
et Talmont. Elle forme les coteaux de Conac et de Saint-
Bonnet, où elle est exploitée, et va, en s’abaissant,
disparaitre dans la vallée de la Gironde avant Saint-
Ciers-Lalande.
685
3 De Saint-Ciers-Lalande à Saint-André-de-
Cubzac. Le plateau formé par la craie supérieure va
en s'abaissant, de Conac, par Saint-Ciers-Lalande,
jusqu'au vallon de la Livenne avant Anglade. Sa sur-
face est formée par les dépôts tertiaires de la Sainton-
ge, dont l’âge a été, en 1850, l'objet d'une discussion
entre M. Coquand et nous. Dans cette partie, ce sont
des sables un peu argileux, jaunes ou rougeàtres, plus
ou moins grossiers, renfermant assez souvent des cail-
loux de quartz, et çà et là, des argiles rouges et vertes,
à grains de quartz, ou grisätres, assez pures, exploi-
tées pour des tuileries. Ces sables argileux font partie
de la grande nappe qui recouvre la Saintonge et qui
va se prolonger, par l'Angoumois et le Périgord, jus-
que dans le Quercy. Il est facile de comprendre que
des observateurs qui n’ont point étudié leur liaison avec
les terrains tertiaires régulièrement stratifiés de lAqui-
taine, aient pu être amenés, par des considérations
théoriques particulières, à les rapporter à des étages
différents. M. Dufrénoy les a considérés comme mio-
cènes, et M. Coquand, récemment, a voulu les faire en-
trer dans le terrain pliocène. Quant à nous, tenant
compte de l'altitude qu'ils possèdent au voisinage des
terrains tertiaires réguliers, du passage latéral des uns
aux autres, de la composition de ces derniers au voisi-
nage des dépôts sableux, et surtout de l'alternance de
ces deux systèmes sur quelques points, même dans le
voisinage de ceux par lesquels passe notre coupe (au
Pontet et à Jollet, entre Étauliers et Blaye }, il nous à
été impossible de ne pas les rapporter aux assises infé-
686
rieures du terrain éocène, ainsi que nous l'avons éta-
bli dans notre réponse à M. Coquand.
D'Auglade, par Blaye, jusqu'à Roc-de-Tau, on voit
l'assise inférieure du terrain éocène formée d'abord par
le calcaire grossier du Médoc. À Anglade, au voisinage
des sables précédents, ce calcaire est très-arénifère, et
renferme abondamment des cailloux de quartz, souvent
de la grosseur d'une noisette. À Blaye, il n’y a plus
qu'une partie des bancs qui renferme du sable et des
cailloux à peine de la grosseur d'un pois; les autres sont
formés par un calcaire grossier ordinaire à Orbitolites,
Miliolites, Echinolampas, et mollusques fossiles en
partie identiques à ceux du calcaire grossier parisien.
Au-dessus du calcaire grossier viennent, d'Eyrans
à Roc-de-Tau, des marnes vertes assez épaisses, sur—
montées par une assise de calcaire d'eau douce, dans
lequel les fossiles sont fort rares, et qui est exploité
pour chaux hydraulique au bas des moulins de la Garde
à Rollon, et surtout au moulin de l'Air près de Plas-
sac. Ce calcaire vient former une petite falaise à Roc-
de-Tau avant de disparaitre dans la Gironde.
La partie supérieure du terrain éocène, sur la rive
droite de la Dordogne, de la Garde à Rollon, à Bourg
et jusqu'à Cubzac, est formée par des molasses gris-
verdatre, grossières ou fines, alternant avec des mar-
nes argileuses de mème couleur, renfermant souvent
des ostracées et d’autres mollusques. Seules à la Garde,
à Rollon et à Plassac, ces molasses et argiles renfer-
ment, à partir de Roc-de-Tau , à diverses hauteurs, deux
ou trois grandes assises et d'autres petites de calcaire
687
grossier rempli d'empreintes de coquilles marines et de
polypiers, et renfermant en outre des Miliolites, des
Astéries , des dents de poissons, des côtes de lamantin,
etc. C'est à ces diverses assises qu'appartiennent les
calcaires de La Roque, de Bourg, de Marcamps, de
Peyrelevade, de Cubzac, d'Asques, etc. Sur un point,
au Puy, près de Berson, à l'est de Blaye, ce système
est terminé par une argile rose, à rognons de calcaire
marneux d'eau douce, qui a 3 mètres d'épaisseur et qui
est pour nous le représentant du calcaire d'eau douce
blanc du Périgord, qui termine la période éocène.
De Mortagne à Blaye, les collines sont séparées de
la Gironde par de vastes marais qui ont jusqu'à 6 kilo-
mètres de largeur devant Saint-Ciers-Lalande.
4° Du Bec-d'Ambès à Sainte-Bazeille. Après avoir
décrit les coteaux de la rive droite de la Dordogne, si-
tués au nord et en arrière, nous traversons les ma-
rais tourbeux de Montferrand, qui s'avancent jusqu'au
delà de Bassens, et la Dordogne , pour venir suivre les
coteaux de la rive droite de la Garonne. D'Ambarès jus-
qu'à Baurech , et même Langoiran , la pente des coteaux
est formée par le système des molasses marines de
Bourg , qui devient moins arénacé, les assises, ainsi
qu'on pouvait bien le voir dans les tranchées du che-
min de fer à Lormont, étant composées d'alternances
de marnes et de calcaires plus ou moins marneux, ren-
fermant des empreintes de coquilles marines.
À Lormont, l’assise inférieure du terrain miocène ,
constituée par le calcaire grossier de Saint-Macaire,
recouvre la précédente assise éocène; il est tantôt dur,
688
tantôt tendre, il renferme des nodules calcaires con-
crétionnés, et est caractérisé par des fossiles en partie
identiques à ceux des marnes à huîtres et de la partie
inférieure des sables de Fontainebleau dans le bassin
de Paris. Un lambeau en existe déjà sur la rive droite
de la Dordogne, au sommet de la côte de Montalon près
de Saint-André-de-Cubzac. Sur la rive droite de la Ga-
ronne, de Lormont à Baurech , il couronne les coteaux,
et de là, en s’abaissant successivement, il va se perdre
sous la Garonne, peu après Cadillac, sous les dépôts
plus récents. Entre Cadillac et Saint-Macaire, notam-
ment à Sainte-Croix-du-Mont, ces calcaires sont entiè-
rement au-dessous du niveau de la rivière et n'appa-
raissent plus. Mais ils se relèvent vite de Saint-Macaire
à La Réole et Saint-André, au-dessus de Mongauzy,
jusqu'à la petite vallée de Castelnau-sur-Gupie , avant
Sainte-Bazeille; à l'est, il a disparu complétement par
suite de l'amincissement qu'il éprouvait depuis La Réole.
De Lormont jusqu’au delà de Langoiran , et de Saint-
Macaire à Saint-André, ce calcaire forme des escarpe-
ments, une sorte de corniche, au-dessus des marnes et
des calcaires marneux éocènes, auxquels il se lie intime-
ment par suite de l'absence de l’assise supérieure du
terrain éocène, le calcaire d'eau douce blane du Péri-
gord, dans toute cette partie de la coupe.
De Baurech au vallon de Castelnau-sur-Gupie, la
dépression formée par le calcaire grossier de Saint-Ma-
caire est comblée par les autres assises du terrain mio-
cène, soit les deux qui appartiennent encore à l'infé-
rieur, soit les deux qui constituent le supérieur,
689
Le falun de Léognan est représenté par des sables
un peu argileux, jaune-fauve, à veines grisâtres, par-
fois peu consolidés, renfermant quelquefois des débris
d'Ostracées, soit à Rions, soit à La Réole. À Sainte-
Croix-du-Mont, ce sont des alternances de molasses
grossières, verdàtres, et de marnes sableuses , jaunà-
tres et verdètres, dans lesquelles les fossiles sont très-
rares,
Au-dessus, vient l'assise du calcaire d'eau douce gris,
de Saucats, représenté tantôt par des marnes noirà-
tres, comme à Rions; tantôt par des marnes grisàtres,
avec couche de calcaire à Lymnées, Planorbes et Palu-
dines, comme à Sainte-Croix-du-Mont ; tantôt par des
marnes verdàtres et des calcaires d'eau douce plus ou
moins concrétionnés, comme au moulin du Mirail et
dans toute la colline qui est au nord de La Réole. Nous
avons pensé que c'était peut-être à celte assise qu'ap
partiennent les argiles grises de Créon et de Sadirac,
si employées à faire des poteries; mais M. Delbos vient
de démontrer qu'elles dépendent du terrain diluvien *.
Le terrain miocène supérieur qui existe entre Rions
et La Réole, est surtout développé autour de Sainte-
Croix-du-Mont. L’assise inférieure, ou falun de Bazas,
se compose d'argiles sableuses verdàtres, avec quelques
empreintes de coquilles marines, puis de caltaires gros-
siers , jaunàtres , arénifères, renfermant en énorme
quantité l'Ostrea undata, et d'autres fossiles à Sainte-
Croix-du-Mont, où, par suite de leur endurcissement,
! Bulletin de la Soc. geol. de France, 2° série, t. X, pag. 41.
690
ils occasionnent une corniche rocheuse dans les colli-
nes avoisinantes. À Rions, il y a des couches de cal-
caire grossier arénifère jaune avec de petites huitres, et
il en est de mème sur les collines qui sont au nord de
La Réole, au télégraphe de Graveilleuse, où il y a aussi
de grandes huitres.
L'assise supérieure, ou calcaire d'eau douce de Ba-
zas, se présente seulement au centre de la dépression,
dans la colline au-dessus de Sainte-Croix-du-Mont, et
peut-être dans celles de Saint-Macaire. Ce sont des
marnes blanchâtres, renfermant des rognons de cal-
caire compacte brunâtre.
Le terrain pliocène ne se trouve sur aucun point de
la rive droite de la Garonne, pas même dans la dépres-
sion dont il est ici question; seulement, sur toute cette
rive, depuis la vallée du Drot jusqu'à Lormont, et sur
la rive droite de la Dordogne, depuis Saint-André-de-
Cubzac jusqu'à Blaye, il y à un diluvium épais, com-
posé de sables argileux, jaune-rougeàtres ou rouges,
renfermant en immense quantité des cailloux de quartz,
dont la grosseur varie depuis celle d'une noisette jus-
qu'à 5 centimèt. de diamètre; dans les environs de
Sainte-Croix-du-Mont, ce dépôt est pénétré de fer hy-
droxydé qui y occasionne des poudingues ferrugineux
durs, employés dans les constructions.
5° De Sainte-Bazeille au confluent du Lot, près
Aiguillon. De La Réole à l'embouchure du Lot, au-
dessus de Tonneins, on retrouve le terrain éocène, par
suite du relèvement des couches; mais ici il ressort de
dessous le calcaire grossier de Saint-Macaire, des cou-
691
ches de molasse plus ou moins argileuse, grisâtre,
jaunàtre où verdàtre, alternant avec des argiles et mar
nes de même couleur. Ces couches, qui ne renferment
incontestablement aucun fossile marin, paraissent bien
avoir été formées dans des eaux douces. Elles rempla-
ceraient ainsi les calcaires de Bourg; probablement
même, le système marin inférieur de Blaye serait repré-
senté par les molasses et argiles également d'eau douce,
qui ont été rencontrées plus bas dans quelques son-
dages. En remontant la Garonne, on retrouverait ainsi
des faits analogues à ceux que l'on constate lorsque de
Blaye et de Bourg on voit les calcaires passer latérale-
ment à des molasses marines, et celles-ci, plus loin,
passer aux sables et molasses d’eau douce de la Sain-
tonge et du Fronsadais.
Ce système est surmonté par le calcaire d'eau douce
blanc du Périgord, qui manque au nord-ouest de Sain-
te-Bazeille, mais que l'on voit, dans les environs de
Duras et de Monségur, placé au-dessus du calcaire
grossier de Saint-Macaire. Ce calcaire d’eau douce est
assez développé entre Sainte-Bazeille et Marmande; il
est blanchätre et renferme des Lymnées assez fréquem-
ment; mais au delà de cette dernière ville, il n’est guère
représenté que par une couche de marne rose, avec
petits rognons de calcaire d’eau douce. Cette marne est
très-caractéristique, assez constante ; mais, par suite de
sa faible épaisseur, qui souvent n'atteint pas un mètre,
elle n'est pas toujours visible sur la pente des coteaux.
Au sud-est, le calcaire d'eau douce reprend pourtant
dans cette assise, et devient assez épais dans la pres
692
qu'ile qui, au delà de Tonneins et de Clairac, porte
les moulins de la Ramière ; il donne lieu à de grandes
exploitations au-dessus de Nicole.
Le terrain miocène inférieur qui recouvre le cal-
caire précédent, formé entre La Réole et Sainte-Ba-
zeille par des couches marines, présente entre Sainte-
Bazeille et Marmande des alternances marines et d'eau
douce ; elles sont formées au-dessous de Beaupuis par
des argiles grises à empreintes végétales, des argiles
vertes, et des molasses grossières grises à Scutella,
Pecten, Ostrea, ete. De Marmande à l'embouchure du
Lot , il n'y a plus que des assises d'eau douce consis-
tant en molasses, argiles et marnes entièrement sem-
blables à celles du terrain éocène qui sont au-dessous,
séparées seulement par la marne rose dont il a été
question.
Le calcaire d'eau douce gris de l’Agenais se trouve
rarement dans celte partie; il existe cependant aux
moulins de la Ramière, où , comme d'ordinaire, il est
gris, fétide, à tubulures, avec nombreux Lymnées, Pla-
norbes et Helix.
G° Du confluent du Lot près Aiquillon, à celui du
Tarn près Moissac. La molasse d'eau douce éocène
de Tonneins se poursuit dans toute l'étendue de cette
section en conservant une épaisseur à peu près égale ;
ce sont toujours des molasses grossières, grisètres, al-
ternant avec des molasses plus fines, plus argileuses,
vertes où jaunàtres, et des argiles et des marnes plus
ou moins sableuses de même couleur. Elles sont recou-
vertes immédiatement par le calcaire d'eau douce blanc
693
du Périgord, massif, sans stratification, qui renferme
rarement des fossiles et qui est exploité pour pierres de
taille. Son épaisseur moyenne, peu variable, est d'en-
viron 20 mètres, et il vient, en s’'amincissant , se ter-
miner au-dessus du port de Boudou en formant des
escarpements , une corniche horizontale, excepté au-
tour de Clermont-Dessus, où il y a un léger exhausse-
ment, ainsi qu'à la terminaison, où il atteint le sommet
des coteaux.
Le terrain miocène inférieur est représenté d'abord
par la mollasse moyenne de l'Agenais, en tout sembla-
ble à la précédente, qui vient recouvrir le calcaire
d'eau douce blanc jusqu'à sa terminaison à Boudou. Au-
dessus, vient le calcaire d'eau douce gris de l'Agenais,
fétide, à tubulures, avec Lymnées, Planorbes, Helix,
et quelques ossements, qui couronne les coteaux autour
d'Aiguillon et qui se retrouve jusqu'un peu au delà
d'Agen.
Le terrain miocène supérieur, dans cette partie de
la coupe, n'existe qu'au-dessus d'Aiguillon, et encore
n'y at-il que la base de lassise inférieure, le falun de
Bazas, représenté par des molasses et des marnes, ren
fermant d'assez grandes huitres en abondance.
T° Du confluent du Tarn près Moissac, à Sept-
Fonds. Au delà du port de Boudou, on ne retrouve
plus la molasse miocène inférieure, ni le calcaire blanc
du Périgord; les collines sont entièrement formées par
la molasse éocène, qui s'élève et acquiert une plus
grande épaisseur visible, au-dessus du fond des val-
lées que partout ailleurs; elle forme la colline entière
45
69%
de Moissac, le plateau de La Française jusqu'à Caus-
sade; elle est constituée absolument comme à Tonneins
et dans la section précédente; seulement, sur beaucoup
de points il y a des bancs renfermant des cailloux de
quartz qui atteignent parfois, comme au confluent du
Tarn, sous La Française, la grosseur d'une noix. En
quelques endroits, des parties consolidées plus ou moins
fortement, donnent un mauvais moellon. Autour de
Caussade, aux limites extrêmes du terrain tertiaire, les
mollasses grossières ou argileuses fines, présentent par
places, à leur base, soit des marnes vertes, soit des
argiles vertes ou rouges, au contact des terrains secon-
daires.
À Caussade, le bas plateau est formé par le terrain
jurassique, consistant en des calcaires compactes légè-
rement brunàtres, donnant de grandes dalles , à terre
brun-rougeàtre, très-pierreuse ; ils appartiennent très-
probablement à l'étage supérieur à Caussade, et à des
étages plus inférieurs aux environs de Sept-Fonds.
Un coup d'œil d'ensemble fait voir que le sol décrit
dans notre coupe, va, ainsi que les assises qui le cons-
tituent, en s'élevant du nord-ouest au sud-est, c’est-à-
dire de la mer vers l'intérieur. Mais lorsque l’on vient
à examiner plus attentivement, on aperçoit des ondu-
lations assez prononcées. Dans la partie nord-ouest, il
y a un bombement des couches, dont le centre parait
être à Mortagne, et qui embrasse toute la partie située
entre la pointe de la Coubre et le confluent de la Dor-
dogne au Bec-d'Ambès. Ce bombement se traduit même,
à l'extérieur, par une sur-élévation du sol, dont le point
695
culminant est à Saint-Thomas-de-Conac. Aux deux
cinquièmes de la longueur de la coupe, et faisant suite
au bombement, existe une dépression des couches dont
le centre est à Sainte-Croix-du-Mont près de Cadillae,
et qui s'étend depuis Bordeaux jusqu'à Sainte-Bazeille.
Cette dépression n’est traduite à l'extérieur par aucuu
accident particulier du sol. De Sainte-Bazeille à Caus-
sade, sur plus de la moitié de la longueur de la coupe,
les couches tertiaires vont en s’élevant doucement et
d'une manière régulière.
Ces deux accidents, bombement et dépression , ainsi
que nos recherches nous ont permis de le constater,
ont eu des causes analogues. Le bombement de Mor-
tagne fait partie d’un relèvement du sol, postérieur au
dépôt du terrain crétacé , qui s'est produit suivant une
ligne dirigée à peu près de Pons à Marennes. L’abais-
sement de Sainte-Croix-du-Mont est dü à une dépres-
sion qui existait dans le golfe de l'Aquitaine également
avant le dépôt des terrains tertiaires.
Considéré en grand, au point de vue géologique,
on voit le bombement qui est au voisinage de la côte
«mener au jour le terrain crétacé; sur la pente nord-
ouest, très-courte, se trouve un petit lambeau tertiaire,
masqué de suite par les dunes; la pente sud-est, très-
longue, fait partie du fond du grand golfe tertiaire de
l’Aquitaine; à l'extrémité sud-est de celui-ci, le fond,
lorsqu'il redevient visible, n'est plus constitué que par
le terrain jurassique.
Dans ce grand golfe, situé entre Mortagne et Caus-
sade , le terrain éocène commence à Saint-Thomas-de-
696
Conae, et vient, sous forme de dépôts marins, s'abais-
ser graduellement et se perdre sous la Garonne avant
Cadillac. Le terrain miocène inférieur commence à
Saint-André-de-Cubzae, s'abaisse jusqu’à Sainte-Croix-
du-Mont, et ensuite se relève rapidement jusqu'à Mar-
mande; puis, exclusivement constitué par des forma-
tions d'eau douce, il se relève très-doucement jusqu'au
delà de Valence d'Agen. À partir de La Réole, reparaît
le terrain éocène, exclusivement d'eau douce, qui se
relève d'abord rapidement jusqu'à Marmande, puis très-
doucement jusqu'à Caussade. Le terrain miocène supé-
rieur achève de remplir le centre de la dépression entre
Rions et La Réole. Il reparait un instant près du con
fluent du Lot, au-dessus d’Aiguillon.
Comme nous l'avons déjà fait remarquer, les différen-
tes assises exclusivements marines , ou la forme marine
des assises mixtes, pénètrent ou se poursuivent d'au-
tant plus avant dans l’intérieur de l'Aquitaine qu'elles
sont plus récentes; ainsi :
Le falun de Bazas dépasse Aiguillon.
Le falun de Léognan devient d'eau douce avant Marmande.
Le calcaire grossier de Saint-Macaire ne dépasse pas Île
vallon de Castelnau-sur-Gupie.
Le calcaire grossier de Bourg se transforme en assise d’eau
douce entre Cadillac et La Réole.
Le calcaire grossier du Médoc disparaît avant Bourg.
Les sables de Royan n’atteignent pas Royan.
Quant aux quatre assises de calcaire d'eau douce,
leur plus ou moins grand éloignement de la mer ne
697
présente aucune espèce de régularité, car elles ne dé-
passent pas les limites suivantes :
Calcaire jaune de l'Armagnac (Bazas)... Cadillac.
Calcaire gris de l'Agenais (Saucats)..... Cadillac.
Calcaire blanc du Périgord (Agenais).... Sainte-Bazeille,
Calcaire de Blaye... Drobodne COR SE .. Anglade.
D'après notre coupe, les plus grandes épaisseurs
visibles des différents étages tertiaires, au-dessus de la
Garonne et du Tarn, sont les suivantes :
Terrain miocène supérieur... A Ste-Croix-du-Mont.. 40m
Terrain miocène inférieur... A La Réole....…. ct 20
MennainMÉoC near MAUCAUSSatles.s. 0 130
L'épaisseur des deux étages supérieurs est complète
dans les localités indiquées, car on y voit la base et le
sommet de chacun d'eux. Mais il n’en est pas de même
pour l'étage inférieur, car de Saint-Ciers-Lalande à
Caussade, la base étant située beaucoup au-dessous du
niveau de la vallée, on ne peut en connaître que bien
rarement la puissance totale. Toutefois, les trois son-
dages qui ont été faits dans le voisinage de la coupe
permettent d'attribuer des épaisseurs déjà fort considé-
rables au terrain éocène, quoique les sondages n'aient
pas atteint la craie ou le terrain jurassique sous-jacent.
Elles sont :
A Beychevelle, de... 130 m
A Bordeaux, de... 230
ANA'Sen eee. 22 D LE 220
698
90 NOTE SUR L'AGE DE LA MOLASSE DE MOISSAC.
Après avoir terminé la description de notre coupe,
nous arrivons à nous occuper du Mémoire de M. Ley-
merie, et spécialement des trois dernières pages. Dans
notre Essai d'une classification des terrains tertiai-
res de l’Aquitaine, nous avions déjà rapporté à la
molasse éocène du Fronsadais les couches au milieu
desquelles, dans d’autres localités, ont été trouvés les
Rhinoceros minutus, Anthracotherium magnum et
minutum. Ce ne fut pas sans quelque étonnement que
nous lûmes dans les Comples rendus le passage sui-
vant : «Cette mächoire a été trouvée avec des dents
» isolées d’un grand Rhinocéros, au milieu d'une mo-
lasse friable, au pied des coteaux qui s'élèvent der-
rière les maisons même du quartier Saint-Martin, à
Moissac. Nous considérons ce terrain comme identi-
que à celui des collines de Toulouse, et comme de-
vant rester dans l'étage miocène de la formation ter-
» tiaire. »
Nous désirions vivement connaitre les faits qui avaient
amené M. Leymerie, qui a étudié plus particulière-
ment la partie supérieure de la vallée de la Garonne,
à proposer pour les couches situées au confluent de
cette rivière et du Tarn, à Moissac, un classement dif-
férent de celui auquel nous étions arrivé par l'étude de
la partie inférieure de cette même vallée, entre l'Océan
et cette dernière ville, partie où la succession des as-
sises peut être le mieux étudiée. La publication de
% 2
CA A, Ve Ÿ
4
C4
699
son Mémoire vient satisfaire notre désir, en nous don-
nant les moyens de connaitre les observations sur les-
quelles il s'appuie, et d'apprécier la valeur des déduc-
tions qu'il en tire contre notre manière de voir. Les
raisons qui portent M. Leymerie à ranger la molasse
à Antracotherium des bords de la plaine du Tarn, à
Moissac, dans le terrain miocène, se rapportent aux
trois catégories suivantes, que nous allons examiner
successivement :
4° La présence de l'Anthracotherium magnum, un
des animaux les plus caractéristiques de l'époque
miocène, suivant M. Leymerie ;
2 L'identité minéralogique des collines de Tou-
louse et de Moissac, et la continuité du terrain dans
tout l'intervalle qui sépare ces deux villes;
3 L'existence d'un calcaire d'eau douce à moules
d'Hélix du Gers au sommet des coteaux, sous une as-
sise sableuse à Boudou, à 4% à l'O. de Moissac.
1° Quant au genre Anthracotherium, nous n'avons
pas oublié que M. Gervais l'a considéré, en 1849, com-
me caractéristique de sa quatrième faune, l'une de cel-
les des terrains miocènes. Mais s'il en est ainsi incon-
testablement pour une espèce, l'A. onoideum Gerv. des
sables de Neuville-aux-Bois (Loiret), et peut-être aussi
pour l'A. alsaticum Cuv. des lignites de Lobsann et de
Béchelbronn, il ne faut pas oublier qu'on manque de
données pour l'A. Silistrense Pentl. des b>.ds du
Brahmapoutra, dans l'Inde. Pour les autres espèces, les
assises qui les renferment avaient déjà été en partie
rapportées au terrain éocène, avant la publication de la
700
note de M. Gervais, et depuis, cette opinion tend à pré-
_ valoir chaque jour davantage dans la science, comme
on va voir.
L'A. Gergovianum BI. d'Ivoine, près d'Issoire, dans
les couches inférieures du dépôt de la Limagne, vient
d'être classé lui-même, par M. Gervais, dans le terrain
éocène supérieur.
Dans le petit bassin du Puy-en-Vélay, l'Anthraco-
therium velaunum Cuy. a été trouvé dans des assises
superposées, et se liant intimement à celles qui renfer-
ment plusieurs espèces de Palæotherium, que M. Ger-
vais considère comme caractéristiques de sa faune éo-
cène supérieure, la troisième, celle des Gypses pari
siens.
Quant à l'Anthracotherium magnum Cuv. lui-même,
considéré par M. Leymerie comme un des animaux
les plus caractéristiques de l'époque miocène , tous
ses gisements sont, Ou reconnus, Ou supposés éocènes,
comme on va le voir dans leur énumération. Dans le bas-
sin de Paris à Meudon, il a été trouvé dans un conglo-
mérat crayeux situé à la base de l'argile plastique. Dans
la Limagne d'Auvergne, c’est à Orsonnette et à Bansac,
près d'Issoire, dans des arkoses qui forment les couches
les plus inférieures du terrain tertiaire, que plusieurs
géologues rapportent au terrain éocène. À Digoin et à
Varennes, près de cette ville, l'âge des terrains où il a
été rencontré n'est pas certainement déterminé. Son
plus ancien gisement, à Cadibona, près de Savone, en
Ligurie, est dans des lignites que M. Coquand assimile
maintenant à ceux des environs d'Aix, en Provence,
701
qu'il a toujours considérés comme de l'âge des gypses
de Paris, et que MM. Leymerie ‘ et Mathéron ? con-
sidèrent comme un équivalent synchronique lacustre
du terrain à Nummulites. Cette opinion a pris un ca-
ractère de vérité absolu par la découverte qui a été
faite dans les lignites analogues , des environs d'Apt,
des espèces de Palæotherium les plus caractéristiques
du gypse parisien. Enfin, on à vu que, par des consi-
dérations purement géologiques, nous étions arrivé, en
1848, à mettre aussi les molasses de Moissac en pa-
rallèle avec cette dernière assise.
L'Anthracotherium minus Cuv. appartient aux mé-
mes lignites de Cadibona, et doit suivre le sort du pré-
cédent.
Enfin, nous rappellerons qu'en 1848, antérieure-
ment à la publication de M. Gervais, nous avions rap-
porté à la molasse éocène du Fronsadais les couches
dans lesquelles, à Hautevignes (Lot-et-Garonne), a été
trouvé lAnthracotherium minimum Cuv.
M. A. d'Orbigny, dans le premier volume de son
Traité élémentaire de Paléontologie, publié en 1850,
n'a pas hésité non plus à rapporter, sur les cinq An-
thracotherium connus de lui, trois espèces au terrain
parisien (éocène supérieur), et deux au terrain falu-
nien {miocène).
2° Dans notre Nouvel essai d'une classification des
terrains terhiaires de l'Aquitaine, nous avons suffi-
samment établi, par des descriptions de coupes et de
‘ Bull. de la Soc. géol. de France, 2° série, t. VIII, p. 205. 1851.
é Id. id. IX, p. 189. 1852.
102
continuités d'assises, l'identité des caractères minéra-
logiques des divers étages de molasse d'eau douce,
pour n'avoir pas besoin de donner encore de nouveaux
faits. Dans l'Agenais { Lot-et-Garonne) et l'Armagnac
(Gers) surtout, on peut recueillir des séries des diffé-
rentes variétés de molasses, de marnes et d’argiles ab-
solument impossibles à distinguer les unes des autres,
quoique provenant des quatre assises bien distinctes de
molasses, séparées par les trois grandes nappes de cal-
caire d'eau douce, comme il suit :
Molasse supérieure de l’'Armagnac............... Terrain pliocène.
Calcaire d’eau douce jaune de l’Armagnac. | Terrain miocène
Molasse inférieure de l'Armagnac...…. DL supérieur.
Calcaire d’eau douce gris de l'Agenais..…. | Terrain miocène
Molasse moyenne de l’Agenais................…. inférieur.
Calcaire d’eau douce blanc du Périgord. |
L T in éocène.
Molasse du Fronsadais.:-............. ie) LE EN
Quant à la continuité du terrain dans lout l'inter-
valle qui sépare Toulouse de Moissac, villes qui se
trouvent à 62 kilomèt. de distance en ligne droite , les
faits que nous avons observés ne nous permettent pas
de l’admettre avec M. Leymerie.
Sur la rive gauche de la large plaine de la Garonne,
des coteaux la limitent depuis Toulouse jusque devant
Moissac, Agen, Tonneins, etc.; en les étudiant, on
peut voir, avec la plus grande évidence, la molasse et
le calcaire d'eau douce inférieurs d'Agen, s’abaisser
vers le sud et aller plonger sous les assises miocènes du
Gers et de la Haute-Garonne. L’assise calcaire forme
un excellent horizon qu'on voit s'abaisser et disparaitre
703
du Port-Saint-Marie, au-dessus de Nérac, dans la
vallée de la Baïse; d'Agen, au-dessus d'Astaffort, dans
celle du Gers; de Boudou, près Moissac, à Caumont d’a-
bord, et ensuite dans la vallée de la Gimone bien avant
Beaumont-de-Lomagne, dont la prairie se trouve à
l'alütude de 95 mètres. Le tableau suivant permet de
bien saisir cet abaissement des couches au sud.
PE — 2
[' “ pp, .
LOCALITES. Altitudes. | Différences. | Distances. |Pentesen desr.
Port Sainte-Marie... 100
60° |414,000® 45°
NÉrACES es eee 40
ANA Doenen oadbondedduene 140
60 16,000 13°
AStaffont ess: tree ire 80
Boudou, près Moissac.| 470
50 8.500 20 ?
Caumont. 20e 120
|
La surface de l'Aquitaine, à partir des bords de la
Garonne entre Tonneins et Moissac, reste d'abord hori-
zontale, puis va ensuite en s’élevant vers les Pyrénées
au sud, tandis que le calcaire d’eau douce de Boudou
va en s'abaissant dans la même direction; il en résulte
que les diverses assises du terrain miocène superposé
acquièrent une plus grande épaisseur à mesure qu'on
se rapproche des Pyrénées, et finissent bientôt par
rester seules apparentes dans les coteaux de la rive
gauche, dans la partie dirigée du nord au sud , de Mois-
sac à Toulouse et Saint-Gaudens.
Sur la rive droite de la Garonne, il ny a plus la même
continuité de coteaux ; sur la moitié de la longueur, de
Moissac jusque vis-à-vis de Verdun-sur-Garonne, on
704
se trouve dans la vaste plaine basse qui résulte de la
réunion des vallées de l'Aveyron, du Tarn et de la Ga-
ronne, et dans laquelle un épais manteau diluvien ne
permet de faire aucune observation sur les dépôts situés
au-dessous. Toutefois, la disparition du calcaire d'eau
douce blanc du Périgord, à l'est de Moissac, ne permet-
trait que bien difficilement de reconnaitre la ligne de
séparation entre les molasses éocènes et miocènes, lors
même qu'il y aurait des coteaux sur la rive droite. Si,
comme on n'en doit pas douter, l'inclinaison des couches
de la rive gauche se reproduit sur la rive droite, c’est
sans doute aux environs de Montech que la molasse
éocène vient se perdre sous la molasse miocène dans la
vallée. Dans la seconde moitié méridionale, la rive
droite de la vallée de la Garonne présente jusqu'au
delà de Toulouse des coteaux formés exclusivement, à
notre avis comme pour M. Leymerie, par les molasses
miocène et pliocène.
3° Quant au calcaire d'eau douce de Boudou, que
nous connaissons et qui est mentionné par M. Leyme-
rie, sa présence seule dans ce lieu suffit pour établir
d'une manière incontestable l'âge des molasses de Mois-
sac placées au-dessous. En effet, comme nous l'avons
reconnu le 4 avril 4847, et comme le dit M. Leymerie,
ce calcaire se développe de plus en plus à mesure
qu'on approche d'Agen, où les escarpements qui do-
minent la ville en sont en grande partie composés.
C'est l’assise calcaire la plus inférieure, celle que nous
avons désignée sous le nom de calcaire d’eau douce
blanc du Périgord; à Agen, elle est située à plus de
100 mètres au-dessus de la Garonne, à l'altitude de
705
140 mètres environ; au-dessus, vient, comme à Bou-
dou, une assise sableuse avec des argiles et des mar-
nes, que nouûs avons appelée molasse moyenne de
l’Agenais, el qui supporte (ce qui manque à Boudou)
un second calcaire d’eau douce gris, celui de l'A ge-
nais, qui atteint, lui, l'altitude de 186 mètres. Ces
deux dernières assises constituent, pour nous, dans
l'Aquitaine agenaise, le terrain miocène inférieur.
La position du calcaire d'eau douce blanc du Péri-
gord, dans la série des assises tertiaires de l'Aquitaine,
ne saurait être l'objet du plus léger doute. En marchant
d'Agen vers le nord, on le retrouve dans la vallée du
Lot à Villeneuve-sur-Lot, et dans celle du Drot à Cas-
tillonès; puis, en descendant celle-ci vers l’ouest, on
le suit dans les flancs, par Eymet, jusqu'à Duras et
Monségur ; là, il repose sur la molasse du Fronsadais,
et il est recouvert directement par le calcaire grossier
de Saint-Macaire, absolument comme dans les environs
de Castillon, à l'est de Libourne, où sa position à la
partie supérieure du terrain éocène avait été établie de
la manière la plus incontestable par M. Delbos avant
que nous n'ayons observé les mêmes faits et exprimé
la même opinion.
Pour nous, aujourd'hui comme il y a cinq ans, la
molasse de Moissac est le prolongement de celle du
Fronsadais, dont la position et les fossiles font l'équi-
valent des marnes gypsifères du bassin de Paris; le cal-
caire de Boudou qui la recouvre est le calcaire d'eau
douce blanc du Périgord, l'assise supérieure du terrain
éocène; et en raison des grandes difficultés qui existent
dans la caractérisation des espèces fossiles d'Helix,
106
nous regardons, quant à présent, comme de détermi-
nation douteuse les moules que M. Noulet a reconnus
pour apparlenir à une espèce très-fréquente dans
les calcaires marneux miocènes du Gers.
En présence des faits que nous avons exposés dans
la description de notre coupe, faits dont tous les géo-
logues pourront vérifier l'exactitude, et des considéra-
tions précédentes sur les environs de Moissac, nous ne
pensons pas qu'il soit possible d'attribuer au terrain
miocène, comme le pense M. Dufrénoy, les dépôts ter-
tiaires qui se trouvent à l'E. du méridien de Marmande
et au N. de la Garonne et du Tarn, et comme le pense
M. Leymerie, les couches qui sont à Moissac, peu au-
dessus de cette dernière rivière. Il nous semble évident
qu'on ne peut rapporter qu'au terrain éocène, ainsi que
nous l’avions déjà énoncé sommairement en 1848, les
molasses qui y renferment lAnthracotherium magnum.
C'est au terrain éocène qu'appartiennent, pour tous
les géologues, les gisements d'ossements de vertébrés
fossiles de la rive droite de la Gironde; ceux de Terre-
Nègre, près Royan (Tortues); de Blaye (Manatus du-
bius) et d'Eyrans. C'est aussi, suivant nous, au terrain
éocène, mais à d'autres assises plus supérieures, que,
sur les mêmes rives de la Dordogne, de la Garonne et du
Tarn, se rapportent les gisements de la Grave { Palæo-
therium girondicum, medium, crassum et minus),
de Hautevignes {/Anthracotherium minutum), et de
Moissac { Anthracotherium magnum et Rhinoceros
minutus ).
CHANGEMENTS QUI SE SONT OPÉRÉS
dans la distribution primitive des êtres vivants
A LA SURFACE DU GLOBE;
Par Marcez DE SERRES, membre correspondant.
L'harmonie qui règne dans toutes les œuvres de la
création ; l'ordre, la régularité qui s'y manifestent de
toutes parts, porteraient à croire que rien n’a été changé
dans l'œuvre du Créateur, et que la distribution primi-
tive des êtres vivants à la surface du globe n’a éprouvé
aucune altération.
Mais si l'on considère ces êtres divers d'un œil plus
attentif; si l'on réfléchit sur les causes nombreuses qui
à différentes époques ont exercé leur influence dans la
nature, telles surtout que les révolutions du globe et la
dispersion des hommes dans tous les climats, on ne
tarde pas à reconnaitre que des modifications ont dû
s'opérer dans l'ordre primitif de la création.
On ne peut douter que, dans l’origine, les végétaux
708
et les animaux n'aient eu chacun leur patrie distincte
et propre à plusieurs de leurs espèces. On ne doute pas
davantage que des lois pleines de sagesse, quoique en-
core peu connues, n'aient présidé à leur distribution
et ne les aient tous placés, dès le principe, dans les
conditions les plus favorables à leur existence.
La connaissance de ces lois nous serait sans goute
nécessaire pour apprécier avec exactitude les change-
ments survenus depuis l'époque où ces êtres ont em-
belli la surface du globe; si nous ne pouvons espérer
de l'acquérir entièrement, nous pouvons du moins, par
des observations suivies, l'examen et la comparaison
des faits, nous avancer d'un pas assez sûr dans cette
étude, et arriver à une solution approchée de ces ques-
tions importautes, bien dignes d'exciter notre curiosité
et d'enflammer notre zèle.
Nous essaierons donc de rechercher si ces lois ont
été les mêmes pour l'homme que pour les animaux;
nous étudierons ensuite les espèces qui l'ont constam-—
ment accompagné et qu'il à entrainées avec lui dans la
plupart des contrées de la terre. L'homme n’est pas
seulement l'être le plus parfait au moral, il l'est aussi
sous les rapports physiques.
Plus que les animaux, il supporte les températures
les plus extrêmes et les pressions les plus différentes.
Aïnsi, il affronte sans danger des froids de près de
50 degrés au-dessous de la glace, et des chaleurs de
plus de 48 à 50 degrés centigrades. L'homme, au moyen
des aérostats , s’est élevé dans les airs jusqu'à 8,000 mèe-
tres, et à vu sans péril le baromètre s'abaisser à 0"237
millimètres.
709
Sans doute, les voyageurs les plus intrépides et les
plus accoutumés à vaincre les obstacles qui s'opposent
à notre ascension sur les hautes montagnes, ne sont
pas parvenus à d'aussi grandes élévations. Ils sont ce-
pendant arrivés à près de 6,000 mètres, hauteur bien
supérieure à celle que peuvent franchir les divers ani-
maux de la création.
L'homme a fait plus encore : il a porté sa demeure
en Europe jusqu'à la hauteur de 3,000 mètres. Il a
même dépassé ce niveau dans le Nouveau-Monde, où
le décroissement du calorique marche moins rapide-
ment que dans nos régions. Ainsi, il a établi de gran-
des fermes à 4,792 mètres; des villages à 4,344; enfin,
des villes à 4,166 et 4,141 mètres, élévations qui dif-
fèrent peu de la cime du Mont-Blanc.
L'homme ne peut atteindre le sommet de ce colosse
des montagnes de l'Europe que par le travail le plus
pénible qu'il lui soit possible d'entreprendre. Cepen-
dant, ce travail, ou l'équivalent, une machine à vapeur
lexécute en brülant un kilogramme de charbon. Ainsi,
630 chaldrons de ce combustible seraient capables
d'exécuter des monuments aussi gigantesques que les
pyramides d'Égypte ‘.
Ces appréciations nous donnent une idée de la fai-
blesse de nos organes considérés sous le point de vue
de leur force matérielle et de la puissance de notre in-
telligence, qui nous inspire les moyens d'y suppléer.
Le chaldron est une mesure de capacité usitée en Angleterre; elle est com—
posée de 12 sacs, et équivaut à 13 hectolitres 08516, Il en résulte que 630
chaldrons de charbon correspondent à 8,197 hectolitres.
46
710
Toutefois, une foule de circonstances exercent une in-
fluence si funeste sur les animaux, qu'aucun d'eux n'ose
les affronter et encore moins s'y soumettre.
Un seul animal a suivi l'homme dans les hautes ré
gions où il a placé sa demeure. Comme vous le pensez,
c'est celui dont il a fait le plus particulièrement la con-
quête, et qui participe à nos plaisirs comme à nos
dangers.
En abrégeant son existence, nous avons conduit le
chien jusque sur le Mont-Saint-Bernard, à la hauteur de
2,491 mètres. Il y est devenu le compagnon fidèle des
religieux, qui, vivant constamment au milieu des nei-
ges, se condamnent eux-mêmes à une mort prochaine *.
Mais quels prodiges n’enfante pas la charité? N'en
est-ce pas un, en effet, de voir ces religieux auxquels
dix années de vie sont à peine accordés du moment où
ils ont mis le pied dans l'Hospice, en faire le sacrifice
sans ostentation et sans désir d'une vaine gloire, pleins
de l’espérance que dans ce terme le plus long irrévo-
cablement fixé à leur existence, quelle que soit leur
force et leur jeunesse, ils auront plus d’une fois le
bonheur de sauver leurs frères égarés au milieu des
brouillards ?
L'homme résiste donc le mieux à l’action des agents
* Depuis que l’on a reconnu que la plupart des moines du Mont-Saint- Bernard
périssent par l'effet des rhumatismes aigus auxquels les expose l'atmosphère hu—
mide au milieu de laquelle ils vivent, on les fait descendre dans les vallées avant
qu'ils aient été trop gravement affectés. On les place dans diverses cures situées
entre l’Hospice et Martigny. Les plus âgés habitent un hospice dont l'élévation
n'est que de 400 mètres au-dessus de la mer. Quelques-uns d’entre eux y vivent
assez longtemps.
TA
extérieurs. Cette puissance lui à été donnée par suite
de sa destinée. Placé à l'origine des choses sur un point
unique, d'où il devait bientôt s'éloigner pour aller se
répandre sur toutes les parties de la terre, pour lui il
n'est plus d'asile inexploré, et ses nombreuses tribus
couvrent comme d'un vaste réseau les diverses par-
ties d'un monde longtemps privé de sa présence.
Les animaux, qui, par leur constitution physique
aussi bien que par la nature de leur instinct, ne pou-
vaient être les maitres de cette terre, dont ils ne sau-
raient comprendre les merveilles, ont subi des lois dif-
férentes dans leur distribution primitive.
Au lieu d'être placés comme l'homme dans une seule
région , ils ont été disséminés par grandes tribus dans
toutes les parties de la terre. Ces régions, distinguées
par des espèces particulières, sont de véritables cen-
tres de création.
De toutes les influences qui ont agi sur les êtres or-
ganisés, la plus puissante a été celle de l'homme. En
effet, il a répandu à l'infini les espèces dont il pouvait
tirer parti; il les a entrainées non-seulement hors de
leur patrie, mais dans toutes les contrées où il a porté
ses pas.
I y à plus, il a entrainé avec lui une foule de végé-
taux et d'animaux à son insu; les uns et les autres
sont devenus souvent aussi abondants que les her-
bes les plus vulgaires ou les espèces animales les plus
communes.
Avant d'entrer dans ces détails, permettez-nous,
Messieurs, de vous dire quelques mots des centres de
712
création, caractérisés par des flores et des faunes tout
à fait spéciales. En effet, les espèces de chacun de ces
centres diffèrent, à des degrés divers, de celles qui
appartiennent à d'autres foyers, fussent-ils même rap-
prochés des premiers.
Les centres de création ou les différents points du
globe signalés par des flores ou des faunes particuliè-
res, ont eu chacun leurs espèces propres, quoique
plusieurs semblent communes à divers foyers. Lorsque
les conditions des milieux extérieurs ne sont pas les
mêmes dans deux centres, la flore et la faune qui y
brillent suivent cette différence et n’ont plus la moin-
dre analogie ‘. La similitude des conditions n’entraine
pas d'une manière nécessaire la similitude des flores et
des faunes , surtout lorsqu'elles appartiennent à des ré-
gions éloignées. La distance des deux centres a alors
empêché les végétaux et les animaux qui les babitaient
! On se rend facilement raison, à l'aide de ces centres de création, de plu-
sieurs faits curieux de la distribution des animaux. Tel est l'isolement singulier
de quelques espèces, la prédominance de certains types, dans des contrées ou dans
des circonstances particulières qui s'opposent aux migrations lointaines et aux
.invasions du dehors,
D'un autre côté, les espèces végétales et animales appartenant à deux régions
analogues, s’acclimatent facilement en passant de l’une dans l’autre. C’est là un
résultat d'observation journalière et dont l'histoire des établissements européens
nous offre de nombreux exemples.
Le bœuf, le chien, le cheval, serviteurs assidus et dociles de l’homme , n’exis-
taient pas en Amérique lors de la découverte du Nouveau-Monde. Quelques individus
transportés sur cette terre étrangère, rendus accidentellement à la liberté, ont
engendré ces races sauvages dont les troupes innombrables animent aujourd’hui la
solitude des Pampas, les marais de la Floride et les prairies sans bornes des
États-Unis,
713
de passer de l'un de ces points dans l'autre, quoiqu'ils
eussent pu y prospérer également.
Citons quelques exemples qui puissent faire juger de
la réalité de ces centres de création, qui ne sont pas,
comme on pourrait le supposer, des jeux de l'esprit.
Une famille de plantes occupe des espaces immenses
sur un des côtés de notre planète; cependant , on n’en
découvre pas la moindre trace sur l'autre hémisphère.
Ainsi, tandis que les peuples qui habitent l’ancien con-
tinent luttent, depuis des siècles, contre la marche
progressive des tribus nombreuses des bruyères, les
habitants du Nouveau-Monde ignoreraient l'existence de
ces végétaux envahisseurs si nous ne les y avions en-
trainés.
Comment douter de la réalité de ces foyers primitifs,
lorsqu'on voit l'Égypte presque privée de cryptogames
terrestres, tandis que ces plantes sont répandues avec
profusion dans les régions tempérées et boréales ‘, On
ne voit pas davantage , dans les contrées africaines, ces
gazons si frais qui couvrent de leur belle verdure le
sol des grandes hauteurs ou des contrées septentrio-
nales. Les gramens qui constituent ces gazons n’y
existent pas; lorsqu'ils s'y trouvent, ils appartiennent
à des espèces différentes et demeurent isolés sans se
réunir en grandes touffes.
Les graminées, répandues en Égypte, n'y sont pour-
? [Len est peut-être différemment des cryptogames marins; du moins, la partie
de la Méditerranée et de la mer Rouge qui avoisine l'Égypte paraît en offrir un
grand nombre; tandis qu'il en est autrement des régions polaires , où les algues
sont rares,
714
tant pas accompagnées par certaines familles végétales,
telles que les gentianées, les rosacées et les saxifrages,
qui n'y sont pas plus représentées que dans la Nou-
velle-Hollande.
De pareils faits ne sont pas uniquement propres aux
végétaux : les animaux nous en offrent d'analogues.
L'ile de Madagascar , sorte de débris d'un grand conti-
nent, à en juger par la particularité de ses productions,
ne renferme aucune espèce de singe, malgré l'assertion
contraire de Buffon. Ils y sont remplacés par les Lému-
riens, particulièrement les Makis, l'Aye-Aye, les seuls
représentants des primates dans cette Île. Mais tandis
que trois espèces de Tenrecs l'animent, elle est privée
d’une foule de classes, d'ordres, de familles et de genres
qui, ailleurs, offrent un grand nombre de races dis-
tinctes.
Les primates ne sont pas mème représentés en Eu-
rope , car les Magots, naturalisés dans les parties les
moins accessibles du rocher de Gibraltar et les mon-
tagnes de l’Andalousie et de Grenade, y sont venus de
Barbarie.
Ainsi, tandis qu'il n’est pas une seule espèce de singe
en Europe, ni de commune aux deux grands conti-
nents, les contrées européennes en offraient un assez
grand nombre dans les temps géologiques.
Les Marsupiaux et les Monolrèmes sont à peu près
les seuls mammifères de la Nouvelle-Hollande, quoique
son étendue soit plus grande que celle de l'Europe. On
chercherait en vain ailleurs l’un de ces ordres; on dé-
couvre bien les Marsupiaux dans le nouvel hémisphère ;
mais ils sont loin d'être aussi nombreux que dans le
plus nouveau des continents *.
Si nous connaissions avec exactitude les divers cen-
tres de création, il serait facile de reconnaitre la dis-
tribution primitive des êtres organisés ; toutefois, nous
sommes loin d'être arrivés à une pareille précision.
Ces centres ne peuvent pas toujours être déterminés,
surtout maintenant qu'une foule de plantes et d’ani-
maux ont passé d'un foyer de création à un autre, et y
ont acquis un développement tout aussi grand que dans
les lieux où ils ont pris naissance.
Ainsi, le Surmulot, Mus demmanus, et une foule
de rats étrangers à nos régions, sont maintenant aussi
communs parmi nous que le rat ordinaire. De même,
l'Érigeron du Canada, l'Erigeron canadense, est pres-
que aussi répandu dans les champs des contrées méri-
dionales de la France, que le chiendent ou la centaurée
solstitiale.
Plusieurs de nos fleuves et de nos canaux sont main-
tenant encombrés par la Jussiæwa grandiflora de la
Georgie et de la Caroline *. On est obligé de l'extirper
dans l'intérêt de la navigation. Une aussi grande abon-
dance est d'autant plus remarquable, que cette plante
! Ces faits sont inexplicables, si l’on admet que toutes les espèces animalesont
été placées sur un point unique, d’où elles ont irradié pour se répandre sur la
surface du globe. On ne peut les concevoir qu'en supposant que chaque espèce
jetée à son origine dans la position la plus favorable à son développement, s'en
est éloignée dans la suite jusqu'au point où les milieux extérieursne pouvaient plus
convenir à ses conditions d'existence.
? Cette espèce paraît avoir été introduite dans les caux du midi de la France
vers 1808.
716
était à peine connue dans nos régions il y a une qua-
rantaine d'années. Il en est de même de l'aponogeton
distachion du Cap de Bonne-Espérance, et du monos-
tachion, qui nous est venu de la Chine et des Indes-
Orientales.
Mais ces végétaux et ces animaux ne sont pas arri-
vés dans nos régions par l'effet de notre volonté; nous
en avons eu seulement l'occasion; le plus souvent, nous
les avons entrainés, sans nous douter que nous allions
nous donner des hôtes fort incommodes.
La connaissance des lois de la distribution primitive
des êtres vivants a d'autant plus d'intérêt, qu'elle se lie
en quelque sorte à la marche et aux progrès de la eivi-
lisation. Si l'homme, dans certaines circonstances, con-
tribue au déplacement des végétaux et des animaux,
ce déplacement à dû commencer par la contrée où il a
été fixé dans l'origine.
Si nous interrogeons à cet égard les traditions et
l'histoire, elles nous répondront que le plus étendu des
continents de l'hémisphère boréal a été la patrie de nos
premiers pères. L'Asie est, en effet, le berceau de la
civilisation; c'est par elle qu'elle s'est répandue sur
toute la terre. Par une de ces circonstances que l’on
découvre partout dans les desseins de la nature, ce
continent s'est trouvé placé de manière à faciliter la
dispersion du genre humain, en même temps que les
grands fleuves qui le parcourent et les côtes découpées
qui en hbordent les mers ont singulièrement favorisé
les progrès de Ia civilation naissante.
Ne soyons donc pas étonnés, Messieurs, que de ce
pi
grand continent soient parties les lumières qui nous ont
éclairé à notre berceau. Ce flambeau précieux qui nous
a été légué par nos premiers parents, n'est point des-
tiné à s'éteindre; comme tous les dons du Créateur , c’est
à nous à le faire triompher des obstacles qui pourraient
tendre à en affaiblir les vives clartés.
L'Asie, berceau du genre humain, a été aussi le pre-
mier centre de la dispersion de la plupart des végétaux
et des animaux qui servent à notre nourriture ou dont
nous retirons d'autres avantages. Cette contrée a dû ce
privilége à ce qu'elle a été habitée avant toutes les au-
tres et à son rapprochement des régions européennes.
L'éloignement est l'une des causes les plus puissantes
qui s'opposent à l'extension des espèces végétales et ani-
males, surtout lorsqu'il s’y joint des obstacles naturels,
comme des mers étendues ou de grandes chaînes de
montagnes.
Premier centre des sociétés humaines, l'Asie a été, à
l'origine des temps historiques, ce qu'est l'Europe dans
ce moment. Cette contrée, devenue le principal foyer
des lumières, envoie chaque jour des végétaux et des
animaux utiles à des peuples qui en ignoraient l’exis-
tence, et qui y puisent une nourriture abondante en
même temps que des vêtements commodes. Par suite
de ces échanges continuels de productions, les arbres
et les herbes de nos jardins, ainsi que les oiseaux de nos
basses-cours, remplaceront bientôt dans les pays les
plus sauvages les plantes et les animaux dont nous ne
saurions tirer parti. Mais que dis-je, de pareils faits se
passent déjà dans plusieurs parties du monde: nos légu-
718
mes et la plupart de nos herbes potagères se sont em-
parées du sol de la Nouvelle - Zélande, à tel point
qu’elles ont chassé devant elles les espèces qui naguère
en étaient seules maitresses.
A quoi sont dus ces bienfaits, si ce n'est aux perfec-
tionnements que la navigation à obtenus de nos jours.
Par un de ces effets providentiels qui dominent la
nature entière, les végétaux les plus éminemment uti-
les sont aussi les plus répandus. Parmi ceux dont nous
retirons le plus d'avantages, les céréales sont au premier
rang; un assez grand nombre de leurs espèces servent
à la fois à notre nourriture el à couvrir nos habita-
tions *.
La connaissance de ces plantes, si précieuse pour
l'humanité, ne l'est pas moins pour l'histoire des sociétés
humaines. Comment en douter lorsqu'on voit que les
nations les plus civilisées ont seules fait usage du lait
et de la farine des graminées à épis étroits.
Le maïs est l'unique céréale cultivée dans le Nou-
veau-Monde, depuis le 45" parallèle nord jusqu'au
42% parallèle sud ; tandis que dans l'ancien continent,
la culture du froment, de l'orge, du seigle et de l'avoine,
a été pratiquée depuis les temps les plus réculés. Ces
plantes, dont la culture a suivi les progrès des arts,
pra culture des céréales est pratiquée avec avantage dans le Kumaon et le
Garhwald, dans les ‘monts Himalaya, à la hauteur de 14,000 pieds (3,504
mètres ). A la vérité, le caractère de la végétation de ces régions élevées est tropi-
cal jusqu’à la hauteur de 4,000 pieds (1,293 mètres), quoique déjà, à l'éléva—
tion de 3,000 pieds (968 mètres), on voit apparaître des plantes des contrées
tempérées. Voyez XVI* Session de l'Association britannique pour l'avancement
des sciences, tenue à Ipswich en juillet 1851.
749
croissent spontanément dans la Palestine et les diverses
parties de l'Asie. Lorsqu'elles deviennent sauvages en
Europe, elles ne se propagent plus dans les lieux où les
soins de l'homme les abandonnent; preuve irrécusable
qu'elles ne sont plus dans leur patrie primitive, et
qu'elles ne sont pas encore naturalisées dans les régions
où l'homme les à transportées.
Aussi, ne croissent-elles jamais spontanément lors-
qu'elles n'ont pas été semées par avance. Sans ce préa-
lable, le blé, l'orge, le seigle et l’avoine ne végètent
pas d'eux-mêmes comme les herbes de nos champs.
Les espèces d'où elles paraissent provenir sont les seu-
les qui aient cet avantage ; mais celles-ci exigent les
soins de l'homme pour produire les variétés dont il fait
usage et qui servent à sa nourriture.
ÎLest toutefois diflicile de reconnaitre les principales
céréales à l'état sauvage, non-seulement à cause des
variétés que la culture y à fait naître, mais encore en
raison des modifications que l'espèce primitive doit su-
bir avant de prendre les formes sous lesquelles elle est
utilisée. Ces variétés ne sont pas moindres de trois cents
pour le seul froment; dès-lors, il est peu étonnant que
tant de voyageurs aient signalé le blé comme se trou-
vant à l’état sauvage dans un si grand nombre de lieux
différents.
Cette circonstance doit d'autant moins nous surpren-
dre, que les ægilops, les types sauvages du blé cultivé,
sont extrêmement répandus. Plusieurs de leurs espèces,
notamment les ægilops ovala, triaristala et trilicoi-
des, en passant par des transformations nombreuses et
successives, finissent, pour peu qu'elles soient aidées par
720
la culture, par devenir le traticum sativum de Lamark.
Mais, ce qui est non moins digne de remarque, on n’a
pas aperçu jusqu'à présent le blé cultivé, parvenu à
son état parfait, reprendre les formes propres aux œægi-
lops, desquels il est cependant provenu.
La plupart des botanistes considèrent l'Asie comme
la patrie primitive du blé; aussi admettent-ils que cette
céréale croit naturellement dans la Palestine et la Ba-
bylonie. De même, Hérodote et Diodore de Sicile assu-
rent que le blé se trouve a l'état sauvage dans la der-
nière de ces régions; et Loiseleur Deslongchamps fait
remarquer que le dire de ces écrivains a acquis un
grand degré de probabilité par les récits des voyageurs
modernes *.
Olivier a observé le blé sauvage dans l'Asie centrale,
surtout dans les plaines incultes de la Perse. D'un au-
tre côté, André Michaud a trouvé en 1787, sur une
montagne de la même contrée éloignée de toute cul-
ture, à quatre journées au nord d'Hamadan, quelques
pieds sauvages de l'épeautre, triticum spelta Linné *.
Enfin, Koch, qui a parcouru l'Arménie, lAnatolie, la
Crimée et les environs du Caucase, a vu le seigle très-
répandu dans cette partie de l'Asie, et dans des circons-
tances qui ne permettent pas de douter qu'il n’en soit
originaire.
Le seigle, caractérisé par des épis minces et alon-
gés, n'était pas connu dans le pays où il a été rencon-
tré comme plante céréale; aussi n'avait-il jamais été
! Dictionnaire des Sciences naturelles , article Froment, t. XVII, p. 423.
? Lamark; Encyclopédie, t. Il, II° partie, pag. 500.
721
cultivé dans les environs de lOlympe, où M. Thirck
l'a observé à l'état sauvage. Une comparaison attentive
des épis de cette graminée rencontrée dans des lieux
aussi différents, à prouvé à ces botanistes qu'ils appar-
tenaient au véritable seigle, et que l'Asie était la partie
du monde à laquelle nous devions probablement cette
graminée.
Les céréales, particulièrement le blé, ont non-seu-
lement l'Asie pour patrie, mais encore toutes celles où
croissent les ægilops, qui n’en sont que les types sau-
vages. Les observations de M. Fabre d'Agde ne lais-
sent aucun doute à cet égard. En effet, ce botaniste a
vu l'æ@gilops ovata et triticoides passer par degrés, au
moyen de la culture, à l'état de froment, et produire
des récoltes aussi abondantes que celles que donne le
blé. Les grains qui en proviennent sont d'une tout aussi
bonne qualité que ceux du froment.
Ainsi, plusieurs {riticum cultivés, si ce n'est tous,
ne sont que des formes propres à certains ægilops, et
doivent être considérés comme des variétés de ces es-
pèces. On conçoit facilement, d'après ces faits , que le
blé ait pu être rencontré à l'état sauvage en Babylonie,
en Perse et en Sicile, puisque dans ces contrées, comme
dans toute la région méditerranéenne, les ægilops crois-
sent en abondance. Il n’est donc pas surprenant que
plusieurs espèces d'ægilops y aient acquis accidentel-
lement un développement considérable, lequel a été
ensuite amélioré et propagé par la culture *.
! Académie des Sciences de Montpellier, Séance du lundi 15 mars 1859,
122
Du reste, plusieurs botanistes avaient pressenti la
véritable origine du blé, mais aucuu d’entre eux n'avait
songé à la démontrer par des faits positifs et des obser-
ations suivies et longtemps continuées. Aussi l'hon—
neur de cette découverte appartient sans aucun doute
à M. Esprit Fabre d'Agde.
La patrie de l'orge n'est pas aussi certaine que celle
du blé, quoique cette céréale paraisse provenir de la
Tartarie. Ce qui donne une certaine probabilité à cette
asserlion, c'est que les genres froment, orge el sei-
gle, ont la plupart de leurs espèces indigènes dans lO-
rient. Une seule espèce d'orge, l'hordeum ascendens,
est commune en Amérique, tandis qu'on n’y à jamais
observé aucune espèce de froment, ni aucune de ses
variétés.
Quant à l'avoine, elle paraît croitre spontanément
sur les hauteurs du nord-ouest de l'Asie, auprès des
nations qui vivent constamment à cheval, ainsi que
Linné l'a fait remarquer. Quelque préférable que soit
celte céréale pour la nourriture des animaux domesti-
ques, elle était avec le seigle tout à fait inconnue des
anciens Égyptiens. Ils faisaient usage du blé barbu, de
l'orge, de l'épeautre et du grand millet.
Si nous consultons les annales des Égyptiens et des
Chinois sur l'époque de l'introduction du froment dans
leur agriculture, nous n'y trouvons pas de renseigne-
ment utile. Les écrivains de l'antiquité ne nous disent
point si le blé a été cultivé de bonne heure en Grèce et
en Italie. Ils nous apprennent seulement que cette
céréale était, dès la plus haute antiquité, l'objet des
723
soins des habitants de l'Asie centrale, d'où elle passa
ensuite en Afrique. On concoit dès lors pourquoi le
froment à été répandu si tard en Europe, où il a été
apporté probablement d'Égypte.
Les graminées nourrissantes ont le grand avantage
de supporter, comme l'homme lui-même, les chaleurs
des tropiques et le froid des cimes voisines des neiges
perpétuelles. Ce fait et celui de leur distribution inté-
resse au plus haut dégré les sociétés humaïnes, puis-
que c'est sur elles qu’elles comptent pour leur nourri-
ture. Leur culture, avec l'usage du lait et du fromage,
est un des traits distinetifs des peuples de l’ancien con-
tüinent. Du moins, les céréales n’ont été rencontrées
nulle part sur le sol du Nouveau-Monde. Elles étaient
tout à fait inconnues aux habitants primititifs de l'A-
mérique. Aussi, ces plantes éminemment utiles n'ont
pas pu les préparer aux bienfaits de la vie sociale et
aux avantages de l'agriculture.
L'Asie ne nous à pas uniquement doté des céréales :
nous lui devons également le riz et le maïs, principaux
aliments de ses habitants, ainsi que le blé noir ou le
blé sarrasin, qui nous est venu de la Perse. Nous avons
obtenu de la mème contrée le pêcher, le citronnier,
l'oranger et le noyer, dont nous apprécions tous les
jours de mieux en mieux les avantages.
L'Arménie nous a fourni l’abricotier, comme l'Asie-
Occidentale et l'Asie-Mineure nous ont gratifiés du
coignassier, du pistachier, du cerisier et du caprier.
La Syrie, la Chine et le Japon nous ont envoyé à leur
tour le figuier, le jujubier, le prunier, le nefllier,
ainsi que le mürier ordinaire et le mürier de la Chine,
“
124
Enfin, du Balkan et de l'Olympe, nous est venu un de
nos plus beaux arbres d'ornement , le marronnier, avec
lequel rivalise le chätaignier, paré sans doute de moins
belles fleurs, mais dont les fruits sont bien autrement
précieux.
Ces arbres acquièrent dans nos régions de si grandes
dimensions, qu'on les en croirait originaires si l’on
ne savait que le châtaignier a été trouvé à l'état sau-
vage dans le nord de la Chine et les environs du Cau-
case. Parti de ces régions, la culture en a obtenu des
fruits savoureux, principal aliment des habitants des
hautes régions. Enfin, comment pouvoir oublier que
le cèdre du Liban, le plus bel arbre que connurent les
Hébreux, nous est venu des mêmes contrées. L’Asie, en
nous envoyant le lotus ou nelumbo (nelumbium spe-
cicsum) *, nous aurait donné la plus belle des fleurs, si
la Victoria regia, partie des rivières de la Guyane,
n'était venue leur enlever le sceptre de Flore.
! Le Nelumbium indicum vel speciosum, originaire de l'Inde, autrefois
commun én Égypte, ne s'y trouve plus maintenant , Pas plus que dans aucune
autre partie de l’Afrique. La Victoria regia est encore plus remarquable par le
diamètre de ses feuilles, qui, d’après le capitaine Hirlop, est dans son pays
natal de 4 mètres 60 centimètres. A la vérité, le naturaliste Struve ne donne à
ce même diamètre que L mètre 20 centimètres; mais il fait observer que cette
dernière dimension doit être attribuée à ce que les eaux où elles croissaient
avaient seulement 60 centimètres de profondeur, tandis que celles où M. Hirlop
les avait recueillies, beaucoup plus abondantes, n'avaient pas moins de 4 mètres
60 centimètres.
M. Planchon , auquel nous empruntons ces détails, a mesuré les feuilles de la
Victoria regia dans le jardin de Gand, c’est-à-dire fort loin des contrées où
végète cette plante; elles lui ont offert un diamètre de L mètre 60 centimètres.
Quant au diamètre des fleurs de cette belle nymphacée, il était à Gand de
30 centimètres; mais dans leur pays natal, elles atteignent une circonférence de
La canne à sucre, transportée par les Espagnols des
iles Canaries en Amérique, paralt également originaire
des Indes-Orientales. Elle appartient du moins à l'an-
cien continent, puisque le sucre était connu des Ro-
mains. Dioscoride le signale comme provenant d'un
roseau nommé saccharum, qui croit naturellement en
Chine et dans l'Arabie-Heureuse.
Pline le fait de la même région, et ajoute que celui
des Indes-Orientales lui était préféré comme meilleur
et plus sucré.
Ni Pline ni Dioscoride ne se sont doutés que cette
plante, dont ils ne connaissaient pas tout le prix, trans-
portée dans une ile qu'ils ne connaissaient pas davan-
tage, était destinée à produire une sorte de révolution
dans le commerce et la navigation. En effet, c'est seu-
lement en 1506 que, la canne à sucre introduite à
Saint-Domingue et dans les colonies françaises, on sut
en retirer la plus grande partie de la matière sucrée
qui en fait la valeur. Depuis lors, l'usage du sucre, de-
venu général, s'est répandu avec une promptitude
d'autant plus grande, que le café a été à la mème épo-
que l'objet d'un commerce non moins étendu.
Cette plante, connue en Europe vers le quinzième
1 mètre au moins. La seconde espèce de ce genre, la Victoria cruziana , es
moins belle et moins grande.
Voyez la Flore des Serres et des Jardins de l'Europe, par M. L. Van
Houtte, t. VI, VIL” livraison, novembre 1850 , p. 193.
On peut enfin citer parmi les grandes fleurs, celle de l’Aristolochia grandi—
flora, dont la circonférence est d'environ L mètre; aussi, les habitants des bords
du fleuve de la Magdelaine s'en servent et en jouent comme d’un bonnet, en
raison de sa forme.
47
726
siècle, le fut en même temps en Arabie. Le muphti
Adon, voyageant en Perse, en 1550, frappé de l'excel-
lence du café, que Delille dans son enthousiasme poé-
tique considère comme un rayon du soleil, en intro-
duisit la culture dans sa ville natale et à la Mecque. A
l'aide de son influence, cet arbrisseau, qu'aucun autre
n'a pu encore remplacer, fut cultivé à Bagdad en 1510,
et à Constantinople en 1554.
Quoiqu'on soit loin d’être certain de l'époque où
le café s'est répandu en Europe, il parait avoir été em-
ployé à Venise en 1563, et à Paris en 1644. Son usage
eut la plus heureuse influence sur la société, surtout
sur les hautes elasses. Elle les préserva de l'abus des
liqueurs fortes et spiritueuses, qui commencail à prédo-
miner.
Mais qui aurait supposé que le sucre, cette matière
dont nous ne saurions nous passer, devrait un jour
nous manquer. L'industrie, exeitée par la nécessité, a
trouvé dans une plante arrachée au sol de l'Amérique
septentrionale une liqueur non moins douce, non moins
agréable que celle que fournit la canne à sucre : elle
nous à donné un produit nouveau qui rivalise avec celui
de nos colonies ‘. Sans doute la science n'a pas eu le
même succès pour le café; mais qui oserait mettre des
bornes à ses progrès, et qui oserait dire qu'elle n’y arri-
vera jamais?
1 Si jamais le sucre de gland, découvert par M. Braconot, pouvait être uti—
lisé comme le sucre de canne ou de betterave, nous aurions en Europe une
plante indigène qui nous fournirait cee matière précieuse aussi bien que nos
colonies,
127
Le thé, cette boisson dont Putilité n’est pas moins
grande, à en outre l'avantage d'avoir diminué une des
maladies les plus cruelles qui nous afligent; nous le
devons à la Chine et au Japon. L’Asie-Mineure nous :
envoyé le coton herbacé, et a fourni aux Indes-Orien-
tales le cotonier, connu des botanistes sous le nom de
Gossipium indicum.
Nous devons également à la même contrée un grand
nombre de nos herbes potagères dont l'usage est le plus
vulgaire. La plupart de ceux qui se nourrissent de
haricots, de fèves, d'ognons, de lentilles, ne se dou-
tent guère que ces plantes nous soient venues des In-
des, de Perse ou des bords de la mer Caspienne et de
la Palestine. A la vérité, l'ognon à été cultivé en
Égypte dès la plus haute antiquité, comme en Pales-
ne; ainsi s'explique la préférence donnée par les Israé-
lites à ceux qui venaient du pays des Pharaons. Il est
assez conu que la quantité de ces racines dont se nour-
rirent les hommes employés à la construction des Py-
ramides, orgueilleux monuments de la vanité humaine,
annonce un grand développement dans la culture de
celte plante. d
Nos jardins ont encore recu de l'Asie l'asperge ofi-
cinale, le panais, la chicorée endive, l'échalotte, l'au-
bergine, l'épinard , le melon , le concombre, les cour-
ges ou citrouilles, la patate, enfin plusieurs autres es-
pèces non moins utiles *.
! La culture de la patate a réussi dans plusieurs contrées méridionales de l'Eu-
rope, ainsi que dans diverses parties de l'Afrique, surtout en Algérie,
728
Ces conquêtes faites sur les régions asiatiques sont
loin d’être les seules, si, comme le supposent bien des
botanistes, l'olivier comme le figuier, et même la vigne,
nous sont venus de la Palestine. Il est du moins cer-
tain que Noé fut le premier qui sut utiliser le raisin et
en obtenir le vin, ainsi que nous l'apprend la Genèse.
Ces suppositions ont une assez grande probabilité,
puisque ces végélaux couvrent encore les champs de
la Palestine. L'un d'entre eux, l'olivier, parait même
avoir été transporté d'Asie à Marseille à l'époque où
les Phocéens y fondèrent une colonie. Aussi, Pline fait
observer qu'à l'époque de Tarquin-l'Ancien, on ne
voyait pas d'olivier dans les Gaules, l'Espagne et lA-
frique. D'un autre côté, d'après Plutarque, lors des in-
vasions des Cimbres, la vigne était cultivée par les ha-
bitants de Marseille. Il paraitrait néanmoins que cette
culture dut être interrompue, puisque l'empereur Pro-
bus autorisa de nouvelles plantations dans la Gaule ‘.
Depuis lors, la vigne s'est grandement répandue.
Portée par la navigation sur l'autre hémisphère, elle
est arrivée, d'une part, sur les bords de l'Ohio jusqu’au
37°, el s'est arrêtée au 38° degré dans la Nouvelle-Ca-
lifornie. Elle se maintient et prospère dans sa limite
méridionale, à 26° dans la Nouvelle-Biscaye, et jus-
qu'au 32° au Nouveau-Mexique, n’atteignant nulle
part le 40° degré de l'hémisphère austral. On observe,
en effet, la vigne en grande culture dans le Chili et la
province de Buenos-Ayres jusqu'au 34° degré, sous la
! Voyez l'Histoire des Empereurs romains, par Crevier, liv. XXVII.
129
ait
même latitude. Elle donne d'excellents produits à la
Nouvelle-Hollande et au Cap-de-Bonne-Espérance, si
renommé par ses vins.
La vigne, qui exige une température moyenne hi-
vernale de + 6°, et une estivale de + 24° à + 23e,
ne trouve pas des conditions aussi favorables sous les
tropiques. Toutefois, les iles du Cap-Vert et Saint-Tho-
mas près la côte de Guinée, l'Abyssinie et la côte oc
cidentale de l'Amérique, depuis le 18° jusqu'au 6° de-
gré, sont une preuve que la vigne, dont les récoltes
sont encore abondantes dans le midi de la France à
800 mètres de hauteur, prospère avec tout autant
d'avantages dans des climats plus chauds.
Après ces végétaux, dont l'utilité est si grande et que
nous devons au plus étendu des continents terrestres,
nous devons dire quelques mots de l'indigotier des In-
des, que nous avons entrainé avec nous à l'ile de
France, à Madagascar et jusqu'en Amérique. Partout,
il fournit la couleur bleue, qui en fait tout le prix; cou-
leur bien supérieure à celle du pastel ou de la renouée
tinctoriale { polygonum tinctorium ). De ces deux es-
pèces venues d'Asie, la première est maintenant fort
répandue dans les lieux humides de l'Europe méri-
dionale.
Voilà quelques-uns des biens que nous devons à l'A-
sie, Si nous ne les énumérons pas tous, c’est afin de
ne pas donner à ces recherches une trop grande éten—
due; ils ont singulièrement contribué aux progrès de
la civilisation. Elle n'avait cependant pas besoin, pour
se produire, de voir réunir dans nos climats, le ba-
730
panier, le cocotier et l'arbre à pain, qui remplacent à
eux seuls nos moissons et nos vendanges.
Cette trinité féconde nourrit, abreuve, soutient les
forces épuisées de l’homme, en même temps qu'elle
supplée nos fabriques de draps et fournit des vêtements
souples et commodes. Elle fait plus, elle donne du bois
et des fils assez forts pour en construire des pirogues
et en préparer les gréments. Ces avantages, elle nous
les accorde sans efforts et presque sans travail. N’était-
il pas juste que tant de biens réunis fussent le partage
des lieux où la culture est à peu près inconnue, plutôt
que de ceux où elle fait chaque jour de nouveaux pro-
grès? Qui ne voit dans de pareilles compensations, les
admirables desseins de la nature, qui à tout fait ici
bas en vue de l'homme, but et terme des œuvres de la
création ?
L’Asie, en nous donnant les céréales, fondement de
notre nourriture, nous à fait le cadeau le plus précieux
et le plus utile. Nous devons moins à l'Amérique, quoi-
qu'elle nous ait doté de plusieurs végétaux dont l’im-
portance, sans être aussi grande, mérite cependant
d'être signalée. Au milieu des productions dont elle
nous à gratifiés, il en est une dont l'importation parmi
nous à été très-précieuse; elle y a rendu toute famine
impossible.
La culture de la pomme de terre ne date, dans nos
régions, que d'un petit nombre d'années. Répandue
maintenant dans toute l'Europe civilisée, elle est venue
ajouter un aliment de plus à ceux fournis par les cé-
réales. Depuis son introduction, sa culture à suivi celle
731
des graminées; elle les dépasse même un peu, si l'on
choisit les variétés hâtives qu'un été fort court peut
amener à maturité. Ainsi, la pomme de terre prospère
en Islande, à des hauteurs considérables, et sur diver-
ses montagnes de l'Europe où les céréales ne peuvent
réussir.
On a longtemps ignoré dans quelle partie de l'Amé-
rique ce tubercule était à l'état sauvage. MM. de Hum-
boldt et Bonpland, ni même M. Auguste de Saint
Hilaire, ne l'avaient jamais rencontré en cet état en
herborisant dans le Nouveau-Monde, sur les paramas
des Pampas; ils ne l'avaient même aperçu sur aucun
des sommets de la Cordilière du Pérou, ni dans le
territoire de la Nouvelle-Grenade, où cette plante est
cultivée avec le chenopodium quinoa. Plus tard, M. Gay
a rencontré au Chili la pomme de terre dans des lieux
non cultivés, et ce botaniste n’a pas douté qu’elle n’en
fût originaire.
C'est un fait assez curieux dans l'histoire des aliments
dont nous faisons usage, de voir le maïs cultivé dans
l'Amérique méridionale par les moindres peuplades.
A cette céréale s'ajoutent des plantes importantes, sous
le rapport alimentaire, chez les nations parvenues à
une civilisation plus avancée. Ainsi, l'arracacha est
très-répandu chez les Muycas, et la pomme de terre,
propagée par les Incas, est commune dans toute l'Amé-
rique, comme le cacao chez les Mexicains. Le maïs et
la pomme de terre, quoique étrangers à nos régions ,
n'en sont pas moins la base de la nourriture d'une
grande partie des habitants de l'Europe. Le cacao est
732
devenu indispensable aux habitants de l'Espagne, comme
le café aux nations civilisées; mais ces plantes n'ont
pas encore été naturalisées parmi nous et ne comptent
pas dans nos cultures.
Il n'en est pas de même du tabac, que Christophe
Colomb rapporta en Europe de l'ile de Cuba. Si l'in
troduction de cette plante, dont l'usage est devenu une
sorte de passion, ne datait pas pour ainsi dire de nos
jours, on serait tenté de considérer le tabac comme de
nos régions tempérées.
La pistache de terre, le bananier, l'ananas, et le
calalpa, si remarquable par la grandeur de ses feuilles,
sont encore des acquisitions nouvelles que nous avons
faites sur l'Amérique. Une espèce du Nouveau-Monde
est devenue aussi commune dans nos régions que les
herbes les plus vulgaires de nos champs; elle est éga-
lement abondante dans les [ndes-Orientales et l'Afrique
australe. L'érigeron du Canada à même acquis, dans
plusieurs contrées européennes, un développement tout
aussi grand que dans l'Amérique septentrionale, sa
patrie.
Si l'Europe a profité des végétaux utiles que lui ont
donné tour à tour l'Asie, l'Afrique et l'Amérique, de-
venue maintenant le centre de la civilisation, elle est
aujourd'hui le centre de la dispersion des plantes qui
manquent à d'autres contrées. Ainsi, nos régions tem-
pérées ont enrichi les champs du Nouveau-Monde, de
même que ceux de la Nouvelle-Hollande et de la Nou-
velle-Zélande, de nos arbres fruitiers, de nos céréales
et de nos plantes potagères.
133
Les anciennes forêts de la dernière contrée, com-
posées de palmiers {corypha australis), de fougères et
de dracæna, de conifères à feuilles élargies, de dam-
mara à port élégant, tendent à disparaître entièrement.
Déjà, nos végétaux utiles, forts des soins de l'homme,
chassent devant eux les arbres naguère maitres du sol.
Ces végétaux jouent un rôle assez important dans la
flore de cette ile, pour la modifier d'une manière sen
sible.
Notre cardon {cynara cardunculus) à envahi les
campagnes du Rio de la Plata, et de concert avec le
chardon {carduns marianus), il a chassé les plantes
qui les avaient si longtemps embellies. Ces herbes eu-
ropéennes ont tellement prospéré, que les habitants du
Brésil s'en servent comme bois de chauffage.
Le mourron des oiseaux, l'herbe à Robert , la grande
ciguë, l'ortie dioïque, la viperine commune et le ma
rube, sont tellement abondants en Amérique, qu'ils se
sont propagés dans un très-grand nombre de villes, et
à tel point, qu'en les foulant, on se croirait en Europe.
De même, nous avons entrainé dans le Nouveau-
Monde une foule de nos herbes; elles y ont tellement
multiplié, qu'elles attirent la sollicitude des agronomes
américains, désireux de se délivrer de ces hôtes incom-
modes. Tels sont le chiendent (triticum repens), les
diverses espèces d'orties, la menthe sylvestre, le lizeron
des champs et la bourse à pasteur.
Nous avons enfin doté l'Amériqne du fraisier com-
mun, répandu maintenant dans toute la partie australe
et tropicale du Nouveau-Monde.
Si l'Amérique nous a donné le cochon d'Inde, le
734
dindon et le hoco, nous l'avons enrichie à notre tour
de nos animaux domestiques, qui lui sont bien plus
précieux. Le cheval, tout à fait inconnu au Nouveau-
Monde lorsque les Européens y ont pénétré, y est de-
venu si commun, qu'il a chassé devant lui les bisons,
les cerfs et les tapirs, qui naguère en foulaient seuls
les vastes savanes.
Un grand nombre de végétaux utiles, qui font l'or-
nement de nos vergers et de nos jardins, nous sont
également venus du Nouveau-Monde. Ainsi, le pru-
nier mirobolan de l'Amérique du Nord prospère et
donne d'excellents fruits dans nos climats. Il en est de
même des chènes et des noyers de la même contrée ;
et un de ces noyers, nommé olivæ formis par les bo-
tanistes, à l'avantage d'avoir l'enveloppe de ses fruits
extrêmement mince, ce qui est tout le contraire chez
le noyer commun. D'un autre côté, la bonté et l'ex-
cellence de leurs bois est telle, qu'il serait à désirer qu'ils
fussent plus répandus.
Quoique moins utiles, les tulipiers, les magnolia,
les sterculia, et une foule d’autres arbres non moins
précieux, nous les devons également à l'Amérique; ils
embellissent maintenant nos bosquets par l'élégance de
leur feuillage et la beauté de leurs fleurs. Ajoutez à ces
cadeaux le topinambour, la capucine, le tournesol et
la pomme d'amour, et vous aurez une idée des biens
dont le nouvel hémisphère nous a gratifiés.
Ces conquêtes végétales ne sont pas les seules qui
ont contribué à notre bien-être ; nous devons encore à
l'Asie d'autres avantages.
Le cheval, originaire des grands plateaux de Asie
735
centrale, n'existait pas primitivement en Afrique ni en
Amérique, et encore moins dans la Nouvelle-Hollande.
Sortis des vastes steppes de la Tartarie, berceau de leur
race, où ils sont connus à l’état sauvage sous le nom
de trapan, les chevaux se sont étendus dans quelques
contrées de l'Europe, où ils errent encore de nos jours.
Après ce noble compagnon de l'homme, qui le suit
et l'accompagne partout, même à la guerre et dans les
combats, nous devons rappeler les services que nous
rend chaque jour le cheval de la pauvreté, l'âne, venu
également des grands déserts de l'Asie ‘. La chèvre
nous est également d'une grande utilité; sortie des
hautes montagnes de la Perse et du Thibet, où elle vit
en grandes troupes, elle conserve encore quelque chose
de ses habitudes primitives.
Parmi les animaux dont l'Asie nous a dotés, il n’en
est pas de plus précieux que le chameau et le droma-
daire, ces navires du désert, ainsi que les appelle
Buffon. Ils ont encore bien d’autres avantages : leur
chair et leur lait servent de nourriture à ceux qui en
font usage pour parcourir les immenses mers de sable
des contrées africaines. A l’aide de leurs poils, nous
préparons des vêtements qui nous défendent contre la
fraicheur des nuits des régions où ils nous rendent
d'utiles et de continuels services.
1 Le kyang ou âne sauvage, le yak, le mouton sauvage ou domestique, la
chèvre et l’once, vivent actuellement avec quelques autres mammifères sur les
hauteurs du plateau du Thibet. M. Strachey les y a observés récemment en assez
grandes tribus. ( Voyez la XVI: session de l'Association britannique pour l'avan-
cement des sciences, tenue à fpswich en juillet 1851.)
736
Le cerf de l'Inde ou l'axis originaire du Bengale, et
qui se propage dans nos régions tempérées, mérite à
peine d'être nommé, ainsi que le buflle, qui de l'Inde
a été amené en Égypte, en Grèceet en Italie, dans les
temps modernes.
Il n'en est pas de même du chien, devenu partout
notre fidèle compagnon, et pour ainsi dire notre ami.
Le chien semble être sorti du Kepoul; du moins, son
type primitif y est désigné par les habitants sous le
nom de buansu. M. Hogdson, auquel est due cette dé-
couverte, à reconnu dans le buansu tous les caractères
du chien, en même temps que des habitudes analogues
à celles de nos races domestiques.
N'oublions pas que les Argonautes nous ont apporté
le faisan des bords du Phase, tout comme Alexandre a
amené en Europe le paon que, dans ses conquêtes, il
avait rencontré dans le nord de l'Inde. Si le souvenir
de ce grand capitaine, qui trouvait la terre trop étroite
pour son ambition, venait à s'effacer, il resterait de
toutes ses victoires une ville qui rappelle son nom, un
livre immortel, et un oiseau image de la vanité.
L'Afrique nous a donné le moufflon, cadeau bien
précieux puisqu'il parait être la souche de nos mou-
tons domestiques. Nous lui devons encore la pintade et
l'autruche, dont la taille nous paraissait si gigantesque
avant que nous connussions les oiseaux colossaux de la
Nouvelle-Zélande, nommés inormis et épiormis.
Avec ces animaux, la même contrée nous a fourni
quelques arbres utiles. L'amandier peut être cité au
premier rang ; arbre d'autant plus précieux, qu'il pros-
737
père dans tous les terrains, et ne nuit pas, comme le
mürier, aux autres cultures. Naturalisé dans quelques
parties de l'Europe, le dattier nous est venu de l'Asie
septentrionale, quoique l'on suppose, non sans raison,
que les [ndes-Orientales pourraient bien être sa pre-
mière patrie.
La distribution primitive des êtres vivants à donc
éprouvé de nomkreuses modifications; on se demande
à quelles causes sont dus de pareils changements. La
plus simple réflexion nous dit assez que, parmi elles,
la perfection des organes du mouvement et la nature
du milieu dans lequel vivent les êtres animés, doit être
une des plus puissantes, de même que la structure et
les détails de l'organisme pour les végétaux.
Il est une autre influence dont le pouvoir est plus
grand encore sur les animaux, celle de leur instinct
qui les pousse, comme malgré eux, à quitter les lieux
de leur naissance pour aller à l'aventure chercher dans
d'autres climats des conditions nouvelles plus d'accord
avec leurs désirs momentanés. Semblables à nous-
mêmes, les animaux doués des organes de locomotion
les plus perfectionnés se déplacent sans but, et ne voya-
gent en quelque sorte que pour changer de place.
Pressés par un besoin impérieux, presque irrésisti-
ble, ils ne sont arrêtés ni par l'étendue des mers ni par
la grandeur des déserts qu'ils ont à traverser. On dirait
même que les mers ne sont pas assez spacieuses pour
contenter l'humeur vagabonde des poissons voyageurs,
ni pour satisfaire les passions aventureuses des oiseaux
cosmopolites.
138
L'homme exerce également une influence notable sur
le déplacement des végétaux et des animaux; cette in-
fluence est d'autant plus manifeste, qu'elle a lieu souvent
à notre insu. Peut-on supposer, en effet, que, de notre
propre gré, nous avons répandu dans nos régions celte
multitude de rats de tous les pays, dont le nombre,
dans une seule ville de France, est évalué à près de
douze millions. Ce n'est pas non plus volontairement
que nous avons amené d'Amérique cet insecte incom-
mode qui envahit nos lits et trouble notre sommeil.
Si nous considérons les animaux sous le rapport de
leurs organes, du mouvement, nous verrons que les
espèces où ils sont perfectionnés s’écartent le plus des
lieux où elles ont été placées dans l'origine : tels sont
les oiseaux, les insectes et les poissons.
Néanmoins, ce ne sont pas toujours les oiseaux, re-
marquables par la légèreté deleur vol, qui entreprennent
les plus longs voyages. En effet, la caille, dont les mou-
vements sont si lourds et si pesants, a pénétré partout,
aussi bien que les chouettes et les corbeaux. Le pre-
mier de ces oiseaux est si répandu, que l'on se demande
si c'est bien la même espèce que l’on découvre dans
toutes les parties du monde. On s'étonne moins qu'il
en soit ainsi des hirondelles et des étourneaux , dont
le vol est aussi léger que les mouvements prompts et
faciles.
Les insectes, ces oiseaux des invertébrés, ne se sont
pas moins étendus, et les migrations des sauterelles en
sont des exemples fameux et qui se renouvellent pour
ainsi dire chaque jour. Il est non moins remarquable
de retrouver dans toutes les régions des insectes, et
139
particulièrement des papillons, qui naguère étaient bor-
nés à nos contrées.
La belle-dame /vanessa cardui), que dans les jeux
de notre enfance nous nous sommes amusés à pour-
suivre, el qui n'avait pas encore été aperçue dans
d'autres régions, nous pouvons la prendre aujourd'hui
dans les plaines de l'Asie et de l'Afrique, ainsi que sur
les plateaux de l'Amérique. Si nous recherchons la
cause de ce phénomène, qui est loin d'être borné à ces
seuls exemples, nous la trouverons dans les progrès
que la navigation à faits de nos jours. A l’aide de nos
vaisseaux, nous transporltons continuellement dans des
contrées nouvelles les germes des végétaux et des ani-
maux propres à nos climats, et nous confondons ainsi
les productions de tous les pays.
En effet, les graines et les semences de tout ce qui
respire ici-bas s'attachent à nous, à notre insu; elles
se fixent et s’accrochent à nos vêtements, à notre ba-
gage, et répandent ainsi les germes de la vie partout
où nous porlons nos pas.
Les animaux eux-mêmes ne sont pas sans influence
sur la dispersion des plantes. Les oiseaux granivores
opèrent ce déplacement en emportant dans les contrées
lointaines les graines dont ils se nourrissent. Leurs
races ont répandu sur tous les points de la terre les
articulations du chiendent ou les graines de la fume-
terre, du mourron et de tant d'autres espèces. Il est
mème des végétaux qui ne voyagent qu'avec leur se-
cours. Les semences du gui, privées d'ailes et d’aigrettes,
ne peuvent se développer mises en terre, ni se trans-
740
porter d'elles - mêmes sur les arbres où elles doivent
végéter. Les oiseaux chargés de ce, soin ne mettent
pas de limites aux lieux où cette plante peut vivre et
prospérer. Les êtres les plus agiles de la création con-
courent aussi à répandre les végétaux peu favorisés
par leur organisation et à les disséminer indéfiniment.
Admirable échange de services qui assure la durée
de tout ce qui existe ici-bas, en même temps qu'il
montre les précautions que la nature a prises pour con-
server l'ensemble des choses créées.
La structure, la disposition des graines, facilitent
singulièrement la dispersion des végétaux, aidée d'ail-
leurs par les vents et les courants. Toutes ces influences
contribuent d'une manière puissante au mélange des
productions de tous les pays. Des actions semblables
ont également lieu sur les œufs des plus petits ani-
maux, qui sont ainsi transportés à de très-grandes dis-
tances.
La nature ne s’est pas bornée à donner aux semences
des végétaux des formes propres à en faciliter le trans-
port; elle en a recouvert un grand nombre de substan-
ces résineuses, qui ont le double avantage de les rendre
plus légères et de contribuer à leur conservation en
les préservant de toute humidité. A l’aide des graines
que les eaux emportent au loin, les marins, et même
les sauvages, découvrent les fles situées au vent de
leurs pirogues ou de leurs vaisseaux; elles furent pour
Christophe Colomb le signe certain de l'approche d’une
terre, et le Nouveau—-Monde fut découvert.
En facilitant la dispersion des végétaux et des ani-
741
maux, la nature à produit, dans le monde dont nous
sommes les témoins, une variété de plus en plus grande.
Cette variété donne au paysage ce charme qui séduit
notre imagination. Que nous sommes loin de ces temps
où les productions végétales, à peine le vingtième de
ce qu'elles sont maintenant, étaient uniformément ré-
parties sur des continents dont l'étendue égalait au plus
celle de nos grandes iles! Cette primitive végétation,
triste et monotone par son peu de variété, n'était égayée
par aucune voix. Un pareil monde, plongé dans un
silence absolu, que rien ne pouvait interrompre, n’é-
tait pas fait pour nous; aussi, l’homme n'a-t-il apparu
sur cette terre que lorsque les animaux terrestres et
les oiseaux l'ont eu égayée de leurs cris et de leurs
chants.
Depuis notre apparition, tout a concouru à répandre
la variété sur ce globe si longtemps nu et inerte. Les
voyages lointains, les grandes expéditions militaires,
ont aidé à ce but. Souvent une plante ou un animal
utile est la seule chose qui nous reste des conquêtes
des plus grands capitaines de l'antiquité. En effet, où
sont les traces de ces milliers de combattants qui ont
versé leur sang pour satisfaire de folles ambitions?
Nous les cherchons en vain sur les champs de ba-
taille ; elles ont entièrement disparu. Le vent les a dis-
persées. Cependant, les empreintes des pas des reptiles
et des oiseaux qui, dans les temps géologiques, ont
passé sur les sables mouvants, y ont laissé des traces
impérissables de leur présence, comme pour attester la
vanité des grandeurs humaines.
{48
742
Les faits que nous venons de rappeler annoncent
que les espèces vivantes n’ont pas toutes conservé la
place qui leur avait été assignée à l'origine des choses.
Leur dispersion a commencé avec la civilisation, et elle
prend un nouvel accroissement à mesure qu'elle fait de
nouveaux progrès. L'histoire de l'entrainement des vé-
gétaux et des animaux dans de nouvelles contrées, est
- donc liée à celle des sociétés humaines dont elles ont
suivi l'essor. À mesure que les nations grandissent et
qu'elles prennent un notable accroissement, les dépla-
cements des êtres qui nous sont soumis deviennent plus
nombreux et plus faciles. Alors seulement les tribus
végétales et animales peuvent nous suivre et parcourir
avec nous les diverses parties de la terre.
Au milieu de ces faits, liés d’une manière si intime
avec notre histoire, on s'étonne qu'il y ait encore tant
de points obscurs relativement à la patrie primitive
d'un si grand nombre de végétaux; on s'étonne surtout
qu'il en soit ainsi pour plusieurs des céréales dont nous
faisons un usage continuel et dont nous tirons un si
grand parti. Un voile impénétrable couvre encore l'his-
toire de ces plantes éminemment utiles, sur lesquelles
les recherches et les voyages de nos descendants répan-
dront peut-être quelque clarté.
Les changements dans la distribution primitive des
êtres vivants, dominés, pour la plupart, par l'influence
de l'homme, nous font concevoir pourquoi ils ont com-
mencé par l’Asie, et que l'Europe soit devenue le cen-
tre de leur dispersion. Cette partie du monde distribue
maintenant, aux différentes régions de la terre, nos
743
céréales, nos plantes potagères et nos arbres fruitiers,
que nous avons dù nous-mêmes à la patrie primitive
du genre humain. En répandant ces biens dans d’au-
tres contrées, nous les leur donnons singulièrement
améliorés et embellis par la culture ; ceux auxquels nous
les devons, ne les reconnaitraient certainement pas si
nous pouvions les soumettre à leurs regards.
Le phénomène de la dissémination des êtres n’est plus
uniquement en rapport, comme dans l'origine, avec les
conditions de l'organisation ou avec celles des milieux
extérieurs. L'influence de l’homme en est la principale
cause. Elle tend, par son action constante, à effacer
de plus en plus les centres de création, qui finiront
même par disparaitre. Toutefois, lorsqu'on considère
l'ensemble des êtres, on voit que l'on peut encore en
déméler les principaux traits, et que leur dissémination
n'est pas assez avancée pour les avoir détruits.
Les races cosmopolites sont le résultat le plus remar-
quable de ces diverses actions; mais ces races ne sont
pas toujours celles qui ont les moyens de locomotion
les plus puissants; il faut encore qu'elles aient été ré-
pandues avec une sorte de profusion dans les contrées
dont elles sont originaires; enfin, que leur organisation
soit assez robuste pour supporter les températures les
plus extrêmes et les passions les plus différentes.
Ainsi, les espèces les plus communes dans une ré-
gion, sont le plus susceptibles de dissémination; elles
occupent maintenant les espaces les plus étendus et les
pays les plus divers. Par suite de notre influence, ces
espèces, devenues cosmopolites, appartiennent en géné-
144
al à l'Europe, moins à l'Asie et moins encore aux
autres continents.
On ne voit pas des rapports aussi manifestes entre
la dissémination des espèces vivantes et les classes aux-
quelles elles appartiennent. Toutefois, les eryptogames
semblent une exception à cette loi générale. En effet,
ces végétaux offrent le plus grand nombre d'espèces
cosmopolites, surtout les mousses et les champi-
gnons.
Une espèce de la première famille, le bryum hygro-
métrique ({sunaria hygrometrica), d'une abondance
extrême en Europe, est devenue commune partout où
nous avons pénétré. Elle a parcouru en quelque sorte
avec nous le monde entier. Il n’est pas maintenant de
région de la terre où cette mousse n'étale son tapis de
verdure dans les lieux humides.
On comprend facilement, d’après ces faits, l'impor-
tance qu'il y aurait d'enregistrer les progrès constants
de la dissémination des végétaux et des animaux, afin
de s'assurer de ceux que pourra faire dans l'avenir leur
extension. Ce phénomène, qui se passe sous nos yeux,
dont nous pouvons apprécier le commencement et sui-
vre la marche progressive, n'est pas sans intérêt pour
l’histoire des espèces disséminées dans l'origine sur des
points déterminés du globe.
Cette extension entre dans les desseins de la nature ;
car elle est un progrès, et un des progrès dont nous
avons le plus à profiter. Si l'on considère, en effet, les
productions de la nature depuis le moment où la vie a
commencé ici-bas, on voit les espèces vivantes aller
sans cesse en augmentant, el n'acquérir une grande
variété qu'à l'époque à laquelle nous appartenons *.
Les espèces ont bien pu rester fixes et immuables ,
sans pour cela se conserver dans les mêmes proportions.
Si la variété est un progrès, comme il est difficile de
ne pas le supposer, le monde actuel est plus complet
que ne l'était l'ancien, puisque lui seul jouit de la pré-
sence de l’homme, but et terme de la création.
Les êtres animés ne sont pas les seuls qui se dépla-
cent ici-bas. Les corps bruts, tout inertes qu'ils nous
paraissent, cèdent, comme les corps organisés, à lac-
tion des agents extérieurs. Ces agents, par leurs effets
constants, les entrainent loin de leur origine, sous la
forme de blocs erratiques, de dépôts diluviens ou de ter-
rains meubles et d'alluvion. Les matériaux ainsi dépla-
cés sont une énigme pour le physicien qui veut re-
connaître les causes qui les ont transportés à de si
grandes distances, et les lieux d'où ils sont partis pour
couvrir de leurs débris la surface du globe
Le transport des matériaux inorganiques a cela de
particulier, d'avoir toujours lieu dans le sens de leur
pesanteur, tandis que les plantes et les animaux re-
montent assez souvent, contrairement aux lois de la
gravitation. Ainsi, les graines légères des végétaux,
{ Pour se faire une idée de la variété du monde qui s'offre à nos regards, on
n'a qu’à se rappeler que, d'après les calculs de M. Lacordaire, il existe proba—
blement à la surface du globe environ trois cent soixante-deux mille espèces d'in—
sectes. Le monde qui nous a précédé n’en a pas vu apparaître plus d'un millier.
Ainsi, quelle immense variété de formes d’un côté, et quelle pauvreté de l'autre.
( Voy. l'introduction à l'Entomologie, par Th. Lacordaire, tome IL, p. 565.)
746
tout comme les œufs d’un grand nombre d'animaux mi-
croscopiques, s'élèvent, entrainés par lescourants ascen-
dants, le long des pentes des montagnes, ou emportés
par les vents à de très-grandes distances.
Tout est donc en mouvement dans la nature, aussi
bien dans les phénomènes qui nous frappent par leur
grandeur que dans ceux qui, soumis à de plus petites
proportions, n’en ont pas pour cela moins d'importance.
Il ne faut pas, du reste, s'y tromper : la vie est aussi
un tourbillon, un mouvement qui ne peut s'arrêter sans
s'éteindre.
Le sujet que nous venons d'étudier est digne des mé-
ditations des hommes éclairés. Avec lui, nous sommes
remontés jusqu’à l’origine des êtres vivants, dont nous
avons suivi la marche graduelle et progressive. Si nous
n'avons pas résolu toutes les questions que soulèvent
les changements que ces êtres ont éprouvés dans leur
distribution primitive, nous en avons peut-être facilité
la solution. Heureux si nos recherches sont utiles aux
physiciens jaloux, comme nous, d'obtenir quelques
progrès dans les voies scientifiques, seules conquêtes
que l'homme éclairé ambitionne et qui ne causent ja-
mais de regrets.
+}
+?
=
RÉSUMÉ
LU DANS LA SÉANCE PUBLIQUE DU 20 JANVIER 1853,
d'un Rapport fait à l'Académie
SUR LE CONCOURS DE 1852 :
Question relative à L'Histoire de la Poésie lyrique
EN FRANCE;
Par M. DABAS.
MESSIEURS,
L'Académie avait mis au concours pour 1852 cette
question de littérature nationale : « Tracer l'histoire
» de notre poésie lyrique française , en comparant notre
» génie lyrique avec celui des anciens, eten indiquant
» les causes de leur différence. » Plusieurs Mémoires
ayant été envoyés de Paris, de Cherbourg et d’ailleurs,
une Commission’, dont j'ai eu l'honneur d'être le Rap-
porteur, en a fait un long et sérieux examen. C’est d'un
extrait où d'un résumé du Rapport que j'ai mission de
vous donner connaissance.
‘ La Commission était composée de MM. Ch. Des Moulins, Justin Dupuy,
Cirot de la Ville, J. de Gères et Dabas,
748
A l’exception de deux Mémoires qui lui ont paru re-
marquables, et qui se partageront le prix, la Commission
a trouvé peu de chose à louer dans les travaux soumis
à son appréciation. Îl est même telle composition si
peu digne du corps savant auquel elle a été adressée,
que l'envoi tout seul d'une pareille œuvre pouvait être
considéré comme une épigramme, si sa faiblesse ex-
trême n’eût témoigné tout à la fois de l'innocence et de
la témérité, nous ne voulons pas dire de la présomp-
tion de son auteur. Il n’a pas été nécessaire d'en exa-
miner le fond ; son style la jugeait. La première condi-
tion d’un concours littéraire n'est-elle point que l’on
possède au moins l'usage de la langue littéraire? A ce-
lui qui ne la remplit pas, à celui qui permet au solé-
cisme et au barbarisme de s’étaler dans ses écrits à côté
de l’humble faute d'orthographe, il faut dire : « Mon
ami, nécrivez-plus, ou plutôt, si vous êtes assez
jeune encore, apprenez à écrire. Revenez sur votre
rhétorique, sur votre logique aussi, et cherchez un
maitre de philosophie comme celui de M. Jourdain,
qui enseigne un peu d'orthographe et de grammaire.
En général, on ne saurait trop recommander aux
concurrents de se souvenir du précepte d'Horace :
Sumite materiam vestris, qui scribitis, æquam
NRA Henaeacene
Mais, pour en sentir la valeur, il faut qu'ils s’habituent
à respecter davantage les maîtres du goût, les législa-
teurs de la poésie et de la langue. Pourquoi l'aversion
fort singulière que Boileau inspire à tous nos auteurs
749
malheureux? Que leur a donc fait Nicolas? L'un d'eux
le maltraite fort pour sa critique de Ronsard, et s’ef-
force de venger le français de cet illustre latineur ;
l'autre, abusant contre lui de son ode sur la prise de
Namur, en conclut que « ce célèbre Despréaux ( assez
» célèbre, en effet) n'eut du poëte ni le cœur, ni le
» génie, et semble avoir eu horreur du sentiment. » Il
parait s'étonner qu'il compte encore des admirateurs,
et le plaint, comme poëte, d'avoir eu le génie du bon
sens; comme si le bon sens, même élevé jusqu'au gé-
nie, pouvait jamais nuire à rien! Combien de gens, et
de poëtes surtout, à qui l'on pourrait souhaiter ce mal-
heur là!
Si Boileau doit être respecté, il est des choses qui
doivent l'être encore davantage : c'est la religion et la
morale, ce sont les convenances et la décence. Hà-
tons-nous de dire qu'en général nos concurrents n'ont
pas manqué à ce devoir. Il est un Mémoire, toutefois,
dont nous aurions voulu effacer certaines citations trop
lestes, et surtout un esprit d'irréligion qui n'est plus de
notre époque ni de notre goût.
Nous avons cru ces avertissements utiles à nos con-
currents, et c’est pour cette raison que nous n'avons
pas voulu les leur épargner. Leur amour-propre n’en
saurait beaucoup souffrir, puisqu'ils sont inconnus,
et que leurs noms, ignorés de vous, Messieurs , sont
et resteront un secret pour nous-mêmes.
Il n’en est point ainsi pour les auteurs des deux Mé-
moires dont il nous reste à vous parler; ceux-ci nous
sont déjà nominalement connus, et seront tout à l'heure
proclamés dans cette enceinte. Nous leur devons ce-
pendant, à eux aussi, quelques vérités, mais heureuse-
ment plus faciles à dire; car la critique y admet une
part considérable d'éloge.
Le Mémoire qui nous a paru le plus satisfaisant est
celui qui a pour devise le vers d'Horace :
Seribendi recte sapere est et principium et fons.
Il est évident que l'auteur a dû se pénétrer du principe
que ce vers renferme; car il exprime justement la na-
ture de son mérite. Sa pensée est sage, ses idées sont
justes, sa marche est ordonnée, sa méthode simple et
facile; son style est aisé, clair, généralement pur et
élégant. Il n’a pas, il faut le dire, beaucoup d’origina-
lité, beaucoup d'érudition, ni d'éclat, ni de chaleur;
mais en revanche, il possède une sûreté de goût, une
rectitude d'esprit et de sens moral, que des esprits plus
brillants auraient sujet de lui envier.
Dès son début, il sait définir, il sait limiter sa tache;
et considérant notre poésie lyrique avec l'idée présente
de celle des anciens, qui ne le quittera pas, il remar-
que qu'à la différence de celle-ci, la nôtre, dans ses
modes les plus élevés, s'est isolée de bonne heure de la
musique. Îl recherche aussitôt les causes de ce fait, il
les expose judicieusement; et convaincu de la légiti-
mité comme de la réalité de ce divorce inévitable, il
s'attache à cette partie de notre répertoire lyrique qui
est faite pour être lue plutôt que pour être chantée. Il
lui en coûte d'abandonner toute une partie de notre
littérature, qui aurait pour lui beaucoup de charme;
CAO
151
je veux dire celle qui exprime les sentiments populai-
res : la ballade, la chanson, le cantique, la complainte.
Il regrette qu'il y ait chez nous ce que les Grecs ne
connaissaient pas, deux littératures séparées, celle des
classes lettrées et celle du peuple, deux courants de poé-
sie qui se rapprochent quelquefois, mais demeurent dis-
tincts et ne se confondent pas. Qu'y faire, cependant?
C'est une nécessité qu'il faut subir; et à quoi bon dès
lors s'occuper, dans une histoire de l'art, de composi-
tions faites le plus souvent sans art, n'ayant d'autre
mérite qu'une simplicité naïve? Il y aurait bien une
intéressante étude à faire sur nos chants populaires,
et notre auteur l’a senti; mais ce serait de l’histoire
plutôt que de la littérature : « En rechercher l’origine,
» dit-il; y retrouver la trace de l'esprit national et la
» physionomie des diverses provinces; suivre le pro-
» grès du temps et des mœurs, ce serait là une tàche
» belle et difficile. Tour à tour on entendrait les joyeu-
» ses chansons de nos ancêtres, oublieux de leurs sou-
» cis quand la guerre leur laissait quelque repos, les
» délicates élégies des troubadours, les malignes satires
» des trouvères. On aurait une histoire de France,
» telle qu'elle se faisait aux champs et dans les carre-
» fours des villes, ou plus secrètement à table et au
» foyer. Ce travail n’est pas le nôtre; nous avons à
» parler de la poésie lyrique d’après les définitions lit-
» téraires généralement acceptées. »
Il y a beaucoup de sagesse à résister ainsi à un at-
trait dont on sent la force, et à s'imposer, par raison,
un plan sévère dont on ne s'écartera pas. Ce n'est pas
que l’auteur omette tout à fait notre poésie lyrique du
moyen àge. Il est trop Français pour la passer ainsi
sous silence; 1l nous en fait respirer un parfum, et là
encore ses regrets se font jour. « Pourquoi ces vieux
chants où le dévouement, l'amour, la querre, res-
pirent avec pleine effusion, n'ont-ils pas animé les
siècles suivants d'un souffle plus vif de l'esprit na-
tional? » Mais l'enthousiasme de l'antiquité ne l'a pas
permis, et l'on ne peut se dissimuler que notre ode
est fille de la Renaissance. Le critique, bien avisé, s'en
console un peu par cette Juste réflexion, que si nous
avons trop imité les anciens, « nous les avons imités
d'une manière de plus en plus libre, » et que «le goût
moderne a procédé, par des éliminalions successi-
ves, à la formation de notre style comme de notre
poésie. »
« De tout cela, » dit-il plus loin après nous avoir
donné une esquisse assez bien faite de la poésie ly-
rique des Grecs et des Romains, ainsi que de nos pre-
miers efforts pour pindariser, «de tout cela, il est ré-
» sulté un ordre d'idées , une manière de sentir et d'é-
» crire généralement admise. Ce n’est pas le style an-
» tique, c'est le style classique; il doit aux latins plus
» qu'aux Grecs. La beauté des poésies grecques est
» toute simplité, grâce légère ou grandeur naïve; elle
» se refuse à limitation ; c’est une fleur qui se fane
» au toucher. La poésie latine, formée d'éléments en
» partie empruntés aux Grecs, en partie donnés par le
» progrès des arts et de la réflexion, s’altérait moins
» en passant dans les ouvrages des modernes. »
153
Nous approuvons l'auteur de suivre cet ordre d'idées ;
et toutefois n'a-t-il pas été trop exclusif en ne réser-
vant pas, à côté du lyrisme savant de la Renaissance,
une petite place au moins à la poésie plus naïve et
plus spontanée, mais lyrique aussi et jusqu'à un cer-
{ain point classique, de notre Villon. Boileau n’a pas
été si sévère. Assurément, nous ne prétendons pas,
comme l'auteur d'un Mémoire écarté, que Villon doive
être compté parmi nos plus grands lyriques. Comment
faire un tel honneur à ce joyeux libertin, à ce rieur ef-
fronté, à cet escroc miraculeusement échappé de la
potence, à ce poële des tavernes et des ruisseaux de
Paris, qui manque si souvent de décence, de dignité
et d'élévation morale? Il ne faut pas le grandir outre
mesure; il ne faut pas oublier que s'il s'élève quelque-
fois assez haut, il retombe bientôt, pour s'y rouler en-
core, dans la fange d'où il est sorti. Mais peut-être ne
faut-il pas oublier non plus que sa muse grossière a
trouvé des accents vrais et touchants; qu'elle à du na-
turel, de l'esprit, de la gràce, quelquefois de la sensi-
bilité et de l'éloquence. Ne pouvait-on pas accorder une
mention et un éloge à l'auteur du Grand Testament,
et de la ballade des Dames du temps jadis ?
Nous n'avons pas le temps de passer en revue, avec
l'auteur du Mémoire, les quatre siècles de notre histoire
littéraire. Disons seulement que son esprit, suflisam-
ment synthétique, sait présenter des aperçus d'ensem-—
ble; que sa critique, généralement saine et judicieuse,
sait se borner aux noms illustres et se montre d'une
sobriéte pleine de goût dans les citations. Non moins
754
sobre dans l'expression de ses jugements, il se contente
assez souvent de peindre en quelques traits la manière
et le talent d'un poëête. Ainsi, veut-il donner une idée
de Chaulieu, qu'il mentionne après Rousseau : « Peut-
» être, nous dit-il, le contraste de ces poésies, nées sans
» effort, avec l'éclat bigarré des modernes leur donne-
» t-il plus de prix. On se repose en les lisant, comme
» au sortir d'un riche musée on se réjouit de voir un
» peu de verdure. » Veut-il nous représenter l’élégante
poésie d'André Chénier, il la compare spirituellement à
« celtecoupe d'un travail exquis el délicat que le poëte
» de Syracuse décrit dans sa première idylle.» Veut-il
rendre la peinture et la musique de M. Victor Hugo :
« Le soleil ne peint pas de couleurs plus vives et plus
» diverses les paysages du Midi. L'Océan qui roule sur
» les grèves, ou le vent qui résonne dans les bois,
» n’ont pas une harmonie plus profonde. La phrase de
» M. Victor Hugo est large; ses métaphores se prolon-
» gent, s'étendent, de manière à couvrir comme d’un
» grand flot l’espace qu'il a à parcourir. Ordinairement
» même sa pensée ne se voit pas aussitôt; on l’aperçoit
» sous ce voile éblouissant d'images continues. » Et en-
core : « J'éprouve en le lisant une impression sembla-
» ble à celle que ferait sur ma vue un soleil ardent; je
» cherche en vain un peu d'ombre. »
La modération, qui semble le caractère distinctif de
notre auteur, donne aussi un grand prix à ses juge-
ments; elle Le préserve, à l'égard de certains écrivains, et
par exemple de J.-B. Rousseau , de deux excès fort com-
muns : d'une admiration outrée et d'un dénigrement
755
systématique. Précieuse surtout quand il s'agit d'ap-
précier les contemporains, elle le laisse à leur égard
dans les meilleures conditions d'impartialité. On pour-
rait citer tout entière sa critique de Victor Hugo, de
Lamartine, de Béranger surtout. Par nature, par con-
viction, si sa doctrine fait bien juger de ses convictions
religieuses et chrétiennes, il semblerait devoir être peu
favorable au chantre de Lisette et du Dieu des bonnes
gens. Cependant, il veut rester et il reste juste. Tout
en faisant de très-légitimes réserves, il paie au talent
de Béranger un généreux hommage; et pour faire ap-
précier son insigne mérite d'avoir transformé la chan-
son, il le compare ingénieusement à Lafontaine, fai-
sant de la fable une comédie à cent actes divers. I
va même jusqu'à lui accorder plus d'originalité qu'à
Horace, parce que Horace est à demi Grec, tandis que
Béranger est tout Français.
Après ces éloges mérités, nous aurions bien quelques
critiques à faire : les jugements n’ont pas toujours as—
sez de profondeur ; le style, quoique généralement cor-
rect, offre de temps en temps des négligences. Nous
avons aussi remarqué plusieurs distractions, dont une
assez singulière : l'auteur a gratuitement prêté des
chœurs à l'OEdipe de Voltaire; ces chœurs-là, dans
quelle édition les a-t-il trouvés?
Le défaut le plus grave est dans la manière incom-
plète dont a été comprise la question des rapports et
des différences de notre génie lyrique avec celui des
anciens. C’est à la fin du Mémoire qu'il eùt fallu en
établir ou en résumer les causes. Or, le résumé de l’ou-
vrage n’est pas de plus de quatre pages. Parce qu'il
756
avait consacré aux anciens une partie de chapitre, et
fait en passant tous les rapprochements naturels, l'au—
teur s’est trop cru dispensé de traiter le sujet à fond,
d'une manière spéciale. Il s'est contenté de resserrer
brièvement ce qu’il en avait déjà dit, et c'était trop peu.
Cette lacune et les imperfections signalées n'ont pas
permis à l'Académie de donner à ce travail le prix
entier, qu'il eùt obtenu s'il eût été plus irréprochable
et plus complet Elle a cru le récompenser en lui dé-
cernant, comme marque de son estime, une première
médaille d'or de 200 fr. Elle se plait en effet à procla-
mer le mérite d'un ouvrage qui, s'il n'est pas éminent,
révèle tout à la fois une plume exercée, un talent lit-
téraire, un homme de goût, un cœur et un esprit
droits. La Commission avait ajouté : « peut-être un
professeur voué à l'enseignement. » On vous dira tout
à l'heure qu’elle ne s'était pas trompée *.
Le Mémoire que l’Académie honore d'une seconde
récompense est celui qui porte cette devise :
Dissipantur cogitationes ubi non est consilium.
(SALOMON.)
C'est assurément l'œuvre d'une plume très-habile,
d'un esprit fin, d'un littérateur érudit*?; mais c'est en mê-
me temps une composition très-excentrique, d'un ton
leste et assez souvent cavalier, où le système s'étale sans
mesure, où le sujet est traité sans façon, quand il
n’est pas tout à fait mis de côté. Plus brillant, plus
1 L'auteur de ce Mémoire est M. Adrien-Édouard Delachapelle, docteur ès
lettres, regent au collège de Cherbourg.
# M, A. Morel (Paris).
LES
1
57
fait pour séduire que le précédent, il lui est très-infé-
rieur par la justesse des vues, par la sagesse du plan,
par l’art enfin de la composition.
Permettez qu'avant de vous présenter un aperçu ra-
pide de l'ouvrage, je vous offre une analyse de ses qua-
lités et de ses défauts, empruntée à la plume spirituelle
de M. Des Moulins :
>
»
»
»
« IL est malaisé, disait à la Commission notre hono-
rable collègue, de deviner si l'auteur de ce Mémoire
est jeune d'âge, ou jeune seulement de cette jeunesse
d'esprit et d'imagination qui répand tant de charme
sur son singulier travail.
» Jeune, il l'est par l'impatience du joug qu'imposent
la composition méthodique d’un ouvrage et en parti-
culier l'observation d'un programme.
» Il l'est encore par son ardeur, par la soudaineté
de sa fantaisie, par la fraîcheur habituelle de son
style, et même par l'étourderie qui en ternit quel-
quefois l'éclat; un peu aussi par la confiance que lui
inspirent ses propres jugements.
» Vieux, on le dirait à voir son esprit railleur et
désabusé, qui rit en faisant de l'anatomie historique
ou métaphysique, et qui s'y attache au point de faire
l'analyse des produits de l'analyse.
» On le dirait encore à voir son érudition aussi va-
riée qu'étendue, à voir tout ce qu'il lui a fallu de
réflexion pour tirer, de ses études historiques et lit-
téraires, des conséquences hardies, étranges parfois
et novatrices, quelquefois justes et lumineuses.
» Son observation est toujours fine, fruit ordinaire
49
CA
Ÿ
S
Ÿ
158
de l'àäge et de l'expérience, indice de la maturité ;
mais la maturité découvre rarement tant de neuf
dans les hommes et dans les choses. Est-il vrai qu'il
y ait tant à changer dans l'appréciation du passé et
dans la manière de faire à l'avenir?
» Dans tous les cas, on ne saurait adresser à l'auteur
le reproche de ne pas approfondir assez les idées qui
se présentent à lui. Une idée, dans un ouvrage d'a-
nalyse, est pour ainsi dire un ruisseau affluent du
fleuve ; il est bon de remonter son cours jusqu'à un
certain point, puis de revenir au fleuve lui-même.
L'homme qui n'approfondit point, se borne à recon -
naitre l'embouchure de l'afiluent, et passe outre sans
s'enquérir de ce qu'il est et d'où il vient. Au con-
traire, notre auteur, dès qu'une idée se présente à
lui, laisse là toutes choses pour s'élancer à sa pour-
suite; et cette poursuite, il la pousse jusqu'au bout
du monde et jusqu'au bout du temps. S'il lui arrive
d'oublier quelque chose, ce ne sera rien de l'incident ;
ce sera plutôt de revenir à son point de départ; —
comme ce Français qui s'en allant à Rome pour y pas-
ser un mois, y passa (rente ans de sa vie et finit par
ÿ mourir. »
Voilà, Messieurs, une image exacte autant qu'ingé-
nieuse du faire de ce talent bizarre, mais fort distingué.
Maintenant, comment nous y prendre pour vous
donner une idée du Mémoire lui-même, vaste labyrinthe
où les idées se croisent, où l'œil alarmé du lecteur n’a-
perçoit pas un seul jalon, pas une seule indication,
pas un seul repos?
L'auteur commence par faire le procès à toutes les
poétiques et à tous les cours de littérature, à leurs di-
visions arbitraires, à leurs définitions inintelligentes,
à leur critique mesquine, à leur dogmatisme absurde.
Les rhéleurs français ont, suivant lui, perdu la poé-
sie française. Qu'ils s'appellent La Harpe, Marmontel ,
Batteux, ou qu'ils signent d'un nom obseur des livres
spéciaux d'histoire littéraire et poétique, peu lui im-
porte; il les confond tous dans le même mépris avec
ces pauvres gens qui occupent, comme il dit, l'étage
du bas dans un journal, une chaire de professeur
où un grenier dans une revue à la mode. Les uns et
les autres reconnaissent des genres qui ne signifient
rien; les uns et les autres définissent l'ode de telle sorte,
qu'elle doit être, ou peu s'en faut, l'œuvre d'un fou.
J'avoue que sur ces deux points, j'éprouve tout d'a
bord quelque scrupule. C'est préjugé, sans doute; mais
javais cru jusqu'ici qu'Aristote, Horace et Boileau
avaient donné à La Harpe, à Marmontel et à Batteux,
ainsi qu'à nous tous, diseurs de riens, ardélions et
pédants (V. p. 218 ), l'exemple de ces divisions, de
ces définitions, et tout au moins de l'établissement de
ces genres. Aristote, Horace et Boileau seraient — ils
aussi de méchants dogmatiseurs? Apparemment.
Quant à demander que l'ode soit à peu près l'œu-
vre d'un fou, ce n’est pas absolument mon avis; mais
est-ce bien tout à fait le leur? Que nos théoriciens
français, outrant les préceptes des anciens, montrent
sur ce point un peu d'exagération, je l'accorde; et s'il
en est qui réclament du poëte Iyrique «un enthousiasme
760
continu, un délire sans frein, une aberration inex-
plicable et digne cependant d'être admirée, une fu-
reur et un transport aveugles » (V. p.5 et 6), je n’hé-
site pas à dire, moi aussi, qu'ils s'égarent. Mais, d'un
autre côté, n’y a-t-il pas, dans la grande poésie lyri-
que, une exaltation assez souvent voisine du délire et
du transport? Est-il vrai que le style de Pindare
soit généralement calme et froid (p.5)? Les poë-
tes, en général, et à plus forte raison les poëtes lyri-
ques, n'ont-ils pas toujours comme un grain de folie,
qui n'exclut pas d'ailleurs le bon sens? car il est des
folies sages, comme il des sagesses folles. Les anciens
le croyaient, eux qui comparaient le poëte inspiré à
la prophétesse sur son trépied, ou à la bacchante; eux
qui lui donnaient communément les épithètes de fu-
rens, insanus, amens. Horace n'a-t-il pas dit dans
le même sens, que Démocrite exclut de l'Hélicon les
poëtes sains d'esprit ?
Excludit sanos Helicone poelas
Democritus..….
Il veut même, si je m'en souviens, que la folie poé-
tique soit réelle et non feinte; et c'est pour cette raison
qu'il se moque de ces poëtes chevelus du temps d'Au-
guste, qui, pour singer le génie, affectaient de laisser
pousser leurs ongles et leur barbe, de chercher la so-
litude, et de ne pas paraitre au bain. Horace, cepen-
dant, et ceux qui l'ont suivi, n'avaient point passé
jusqu'à présent pour avoir dit une sottise. Il faudra
croire qu'on s'était trompé.
161
Donc, toutes les poétiques sont à refaire; il faut les
reprendre et les reformer toutes (p.18 ); jeter à
bas loutes les vieilleries existantes, et entre au-
tres la théorie actuelle des genres (p. #); s’armer
de courage pour renverser la multitude des erreurs
litiéraires qui s'appuient de mille autorités célèbres
(p.18). Voyons à l'œuvre ce grand démolisseur.
Il n'y va pas de main morte en commençant, car
voici son principe : « Toute poésie doit se ramener à
» l'une de ces trois grandes classes : sérieuse, joyeuse
» ou mixte. Toute distinction, hors celle-là, établit
» des entraves où l'esprit sera serré comme dans un
» étau. » (P. 12 et 13.) S'il en est ainsi, il n’y a plus
de poésie lyrique; partant, plus d'histoire de la poésie
lyrique; partant, plus de question à mettre au con-
cours ni à traiter, Ceci ne laisse pas que d'être un peu
embarrassant pour un concurrent qui veut disputer le
prix académique. Heureusement, il se ravise et s'a-
mende bientôt.
« Il serait excessif, ajoute-t-il un peu plus bas, de
» prétendre que la division des trois genres ne corres-
» ponde à rien de vrai. L'auteur de ce Mémoire croit,
» avec l’Académie, qu'il y a réellement un genre lyri-
» que. » — Voilà qui est fort heureux, pour l'Académie
d'abord, et ensuite pour l'auteur.
Notre critique reproduit alors en son nom cette di-
vision des trois genres, telle à peu près qu'Aristote l'a
donnée, en se contentant d'ajouter que « on doit sentir
ce qu’elle a d'étroit et de lâche, et qu'à tout instant
la forme lyrique dérive au drame, le drame au ré-
762
cit, ou la tragédie au lyrisme » (p.15). Soit. Eh!
qui à jamais prétendu que les divisions doivent être
absolues! N'en est-il pas des genres de poésie comme
des genres d'éloquence, et Aristote, l'auteur de cette
double et savante classification, ne le savait-il pas
aussi bien que vous? Votre classification, à vous-même,
non celle d'à présent, mais celle de tout à l'heure,
est-elle absolue et peut-elle l'être? Non, puisque vous
admettez, à côté de la poésie sérieuse et de la poésie
joyeuse, une poésie mixte, sans parler de « malle
nuances intermédiaires entre la joie et la douleur,
se mêlant l'une avec l'autre, dites-vous très-spirituel-
lement, comme le sourire et les larmes sur le vi-
sage d'Andromaque » {p. 13). Pourquoi donc ren-
verser avec un si grand bruit ce qu'en fin de compte
on laissera debout, et se poser superbement en pour-
fendeur de théories qu'on n’atteint mème pas?
La définition que l’auteur donne de la poésie lyrique
n'est pas non plus aussi nouvelle qu'il parait le penser ;
on la trouve, sous une forme assez semblable, dans tous
les cours de littérature, et dans ceux-là même qu'il
méprise le plus.
C'est, dit-il, l'expression du sentiment et du sen-
timent chanté. Ce qu'il y met de nouveau seulement,
c'est le sens qu'il attache à ce mot chanté. Nous pen-
sons, nous, que dans la poésie lyrique, c’est l'âme sur-
tout qui chante; lui, parait tenir beaucoup à un ins-
trument, ne füt-ce que la vielle ou l'orgue de barbarie.
Aussi n'a-t-il pas assez de regrets pour les temps
de nos vieux trouvères Arnoult-le-Vielleux et Bau-
763
douinl'Orgueneur; aussi ne peut-il se consoler { à la
différence du précédent) de voir commencer au moyen
àge et consommer au seizième siècle le divorce de la
musique et de la poésie. Bien plus, il trouve étrange,
tout en y donnant forcément les mains, que nous ayons
encore une poésie lyrique alors que nous n'avons plus
de lyre. Il ne nous pardonne guère de faire des odes et
des strophes, comme les Grecs, quand nous ne les
chantons pas et ne les dansons pas comme eux. « E4
» pourquoi pas aussi, demande-t-il, des antistrophes,
» des épodes et des parabases? » Inutile de dire qu'il
se moque beaucoup de Malherbe, de J.-Baptiste Rous-
seau et de Voltaire, qui disent qu'ils chantent! Où est
la musique qui se prête à l'accompagnement (p.18#)?
Cette manière d'entendre le chant lyrique n’est pas
sans conséquence. L'auteur en conclura que tout ce qui
est en vers el se chante (se chante musicalement) est es-
sentiellement lyrique ( p.24). Et au lieu de s'attacher
à ce que notre poésie française offre de plus élevé, de
plus inspiré, de plus vraiment poétique et lyrique, il
s'arrêtera à des productions plus spontanées, moins
savantes, mais très-inférieures sous le rapport de l'art,
à des chansons, à des bagatelles, à des riens. Il abon-
dera justement dans le sens du travail curieux que le
précédent écrivain indiquait et a su éviter. Il cher-
chera l'histoire dans la poésie, au lieu de chercher
la poésie dans lhistoire; il essaiera de présenter des
esquisses, des crayons des différentes époques de no-
tre histoire nationale.
Voulez-vous quelques échantillons de sa poésie lyri-
que? Il glane dans de savants recueils, dont la con-
naissance fait honneur à son érudition ,.…. quoi? des re-
frains de cavaliers, des airs de trompettes sonnant le
boute-selle, une chanson de bourgeois parisiens cou-
rant sus aux huguenots, un couplet de Bussy-Rabutin
sur la nouvelle maitresse de Sa Majesté ( p. 21, 22, 23),
« Tout cela n'est-il pas de la poésie lyrique, puisque
cela est en vers et que cela se chante? » (P.34.)
Ses principes posés, l'auteur est en droit de dire, ce
qu'il fait, que les mazarinades et « les chants des li-
queurs ou des routiers entrent dans son sujet, non
sur la même ligne, mais dans le même plan que
les stances de Rodrigue, au premier acte du Cid. »
(P.26 et 27.)
C’est d’après cette donnée qu'il parcourt, le roman-
cero français à la main, toute l'histoire du moyen àge,
mettant en relief, ici l'influence de l'Église, les agita-
tions de la Croisade, la dévotion mystique d'un siècle
de foi; là l'impertinence ou la galanterie de l'esprit
français, les superstitions et les idées du peuple, les
dernières prouesses de la chevalerie, la formation de
la patrie française, l'agrandissement de la royauté, la
naissance et l'esprit de la bourgeoisie. Il arrive ainsi
jusqu'au Vive Henri IV et à cette chanson préférée
d'Alceste où la passion parle mieux en effet que dans
le sonnet d'Oronte :
Si le Roi m'avait donné
Paris sa grand'ville ,.…
L'auteur se moque, en quelque endroit, de ceux qui
cherchent les petites curiosités littéraires. Nous ne
savons trop s'il en a bien le droit; mais assurément il
: 765
ne se défendra pas de rechercher les curiosités hsto-
riques. x
Cependant, nous touchons au seizième et au dix-sep-
tième siècles. Peut-être allons-nous rencontrer la gran-
de poésie lyrique. Erreur! Notre critique, par goût et
par système, n’a que faire de la poésie savante des let-
trés. Après avoir justement repoussé le pédantisme de
Ronsard, dont il amnistie pourtant les inspirations
amoureuses, et justement vanté quatre jolis vers de
Bertaut, il arrive à Malherbe. Est-ce pour apprécier le
lyrique? Malherbe, lyrique! On ferait rire ce dédai-
gneux théoricien. C'est pour louer, honnêtement et
sensément, le réformateur de la langue et des vers;
mais voilà tout. Racan et Ségrais ont au moins, il le
reconnaît, quelque tendresse. Corneille est parfois admi-
rable, et souvent très-obscur dans sa paraphrase de
l’Imitation. Racine a des chœurs d'une gràce céleste;
mais personne au diæ-seplième siècle, excepté Bos-
suet, n'a compris le génie lyrique des Hébreux, non
plus que la poésie de Pindare et d'Horace. Quant à
Jean-Baptiste, qui reçoit ici, dans une page des plus
méprisantes , le coup de grâce de la critique; quant
à Jean-Baptiste, avec sa friperie des Juifs, on ne
condamnera pas notre auteur au supplice de le relire;
il aimerait autant apprendre par cœur les vers
chrétiens de MM. de Port-Royal, ou les poënres os-
sianiques de M. BaourLormian. » M ne veut plus rien
que «relire quelques vers de Théophile, de Chau-
lieu, de Lafare, de Gresset; les stances de Gilbert,
quinze ou vingt petils poëmes de Chénier, deuæ ou
trois de Parny, el surtout des chansons » (p. 80).
766
Apparemment,
Le reste ne vaut pas l'honneur d’être nommé :
un {as de grimauds qu'on a salués du nom de ly-
riques, et qui n’en ont en effet que le nom. Il leur
refuse jusqu'à ce regard de mépris que Dante laisse
tomber, en passant, sur les plus vils des êtres qui peu-
plent son enfer, alors que Virgile lui dit :
Ne parlons pas d'eux; mais regarde et passe ".
L'histoire de la poésie lyrique française est finie. Est-
il possible? Oui , en vérité , elle est finie. Nous n’en som-
mes guère pourtant qu'au tiers de l'ouvrage ; mais c'est
que l’auteur a tant d'autres choses à faire! IL faut qu'il
analyse les facultés de l'âme humaine, et cette étude psy-
chologique ne demande pas beaucoup moins d’une ving-
taine de pages environ ( de la p. 83 à la p. 100 ). Il
faut qu'il explique le développement de l'esprit fran-
çais, en recherchant dans toutes les races qui se sont
croisées sur le sol de la France, les divers éléments du
caractère national : esquisse rapide | c'est ainsi qu'il
appelle l'histoire de ces races, depuis les Aquitains,
les Ibères, les Galls, les Kimris, les Belges, les Pho-
céens, etc., jusqu'aux Visigoths, aux Burgundes, aux
Francs et aux Normands, sans omettre l'élément Arabe
et l'élément Corse ) ; esquisse rapide de 35 pages, qui
nous mène au 136° feuillet. Il faut qu'après avoir mon—
tré ainsi le fond de notre tempérament, il approfon-—
disse les causes internes et externes qui ont agi sur
! Div. Commed. di Dante : Dell’'Infern. G. LT, 51
767
nos facultés : nouvelle étude métaphysique et histori-
que, qui comprend l'examen de notre pensée réfléchie
et voulue, celui de l'examen du milieu social et litté-
raire dans lequel nous avons fatalement grandi, celui
du rôle imitateur que, moitié volontairement et moitié
involontairement, nous avons joué et adopté (de la
p. 436 à la p. 155 ). Il faut enfin qu'après avoir cher-
ché notre caractère national dans notre poésie, il le
fasse voir aussi dans notre langue ; d'où l'étude et l'his-
toire complète de la langue française, considérée ,
comme tout à l'heure la nation, dans ses origines,
dans les éléments divers qui l'ont constituée, dans les
révolutions diverses qu'elle a subies jusqu'à sa forma-
tion; puis, comme il s'agit ici de la langue poétique et
lyrique, l'étude et l'histoire de cette langue sous le rap-
port musical, avant et après son divorce avec la mu-
sique ; l'étude et l'histoire approfondie de notre système
prosodique, du rhythme, de la rime, de l'accent et des
divers accents, etc., ete. Ce n'est pas trop, pour tout
cela, de 50 ou 60 pages, et c'est ainsi que l'auteur
arrive à sa conclusion.
N'ayez pas peur, Messieurs, que nous le suivions
pas à pas dans ses excursions de philosophe, d'ethno-
graphe, de métaphysicien, de philologue, de linguiste,
de prosodiste. Mais il faut pourtant vous dire, sous
peine d'être incomplet et injuste, la raison de tous ces
longs excursus. Comment vous laisser croire qu'un
homme de tant de savoir et de tant d'esprit ait simple-
ment battu la campagne? Il n’en est rien. Ce défaut,
énorme néanmoins, de sa composition, à son sens el
son but; il fait partie de son plan, de son système,
168
Tout ce que je viens d'embrasser en dernier lieu est
la seconde partie du Mémoire, et répond à la seconde
partie de la question mise au concours : « Comparer
» notre génie lyrique avec celui des anciens, et indiquer
» les causes de leur différence. » Cette pensée de l'é-
crivain , il est assez difficile de la dégager des nuages
de sa métaphysique, des longs amusements de son récit
et du bagage embarrassant de son érudition. On l'en
dégage cependant, et la voici, ou je suis fort trompé :
Notre poésie lyrique française, comparée à celle des
anciens, est fort peu de chose. D'où vient notre infé-
riorité? D'abord, de ce que nou; ne savons pas vouloir.
L'homme est doué partout de trois forces : la force
d'expansion dominante chez les peuples de l'Orient, qui
se donnent à la nature et se laissent absorber par elle ;
la force d'assimilation, plus particulièrement propre
aux Grecs, aux Latins, et en général aux peuples de l'Oc-
cident, qui s'incorporent tout ce qu'ils rencontrent; la
force de résistance, caractère distinctif des peuples du
Nord, qui repoussent tout ce qui vient du dehors et
maintiennent fortement leur originalité. L'analyse de
nos facultés prouve que la volonté, souveraine dans
l'homme, gouverne et dirige à peu près à son gré,
malgré l'instinct naturel, l'emploi de ces forces diver-
ses et communes. L'homme est toujours libre d'agir con-
tre la nature; mais il faut qu'il veuille. D'autres peu-
ples ont voulu; nous, Français, nous n'avons pas su
et ne savons pas vouloir. Nous nous prêtons, mais
sans nous donner; nous nous assimilons, mais sans
nous incorporer; nous ne résistons à rien. Avec ces
défauts, comment créer et produire? La volonté seule
769
est créatrice. Les Hébreux, les Grecs, les Latins, ont,
sous ce rapport, valu bien mieux que nous.
Non-seulement nous n'avons rien voulu, mais nous
n'avons pas tout pu. Nous sommes les fils de nos pè-
res, et nos pères, quels étaient-ils? Aquitains, Ibères,
Galls, Kimris, Belges, Visigoths, Burgundes, Francs,
Normands, ete., mais surtout Galls ou Gaulois. Nous
sommes restés Gaulois avant tout; et grâce à cet élé-
ment dominant du sang national, plus gâté par le mé-
lange des autres que tempéré par leurs qualités, nous
sommes nés vains, inconsidérés , remuants, incapables
d'une action soutenue et d'une volonté énergique; sou-
ples et imitateurs, personnels pourtant, sans profondeur
d'esprit et surtout sans aptitude pour le sentiment : au
sentiment nous substituons l'idée, ce qu'il y a de moins
lyrique. Avec ces défauts encore, comment créer, et
créer surtout la poésie du sentiment, la poésie lyrique?
Ce point est capital; et l'auteur, qui revient mainte et
mainte fois sur notre portrait pour le parfaire et l’a-
chever, ne le flatte jamais.
Ne sommes-nous que les fils de nos pères? Nous
sommes encore les continuateurs et les héritiers des
anciens; héritiers forcés, pour qui il eùt été souhaita-
ble cependant de n'accepter cet héritage que sous bé-
nélice d'inventaire. Mis en possession de tous leurs
trésors, nous y avons puisé à pleines mains, sans nous
donner la peine d'extraire l'or des entrailles de la terre
nationale. Au commencement, nous avions quelques
inspirations originales ; la Renaissance nous les à tuées
ou ravies. Nés imitateurs, nous n'avons plus songé
qu'à imiter; et limitation, c'est le fléau, la ruine de
il
toutes les littératures. Sous ce rapport encore, com-
bien les Hébreux, les Grecs, et les Romains eux-mê-
mes, ont été plus heureux et mieux favorisés que nous!
Ajoutez que n'approfondissant rien et ne comprenant
rien, nous avons supprimé {out ce que nous ne com-
prenions pas, el gàté tout ce que nous touchions.
Qu'espérer aussi de notre langue, formée de débris
informes, héritière des langues les plus diverses et les
plus opposées, remplie de sons rudes, sourds, guttu-
raux; élaborée sous l'influence de mille causes facheu-
ses, el particulièrement de notre caractère national, qui
lui Ôte tout caractère synthétique et toute expression sen-
timentale, pour la rendre aussi intellectuelle qu'il peut?
Sans l’élément populaire qui la régénère et la retrempe
un peu, elle serait devenue aussi idéelle que la langue
des mathématiques. Quelle différence avec les langues
des anciens!
Et sous le rapport musical! Les Hébreux, les Grecs,
chantaient en dansant leurs hymnes; les Romains écri-
aient au moins les leurs dans un vers rhythmique et
harmonieux? Nous, nous avons dépouillé la poésie lyri-
que de la danse et du chant; nous avons oublié le rhyth-
me, au point que nos vers font frémir tous les musi-
ciens, au point que les beaux chœurs de Racine sont
horribles quand on les chante! Il est vrai que notre
rythme prosodique peut soutenir, quoi qu'on en ait dit,
la comparaison avec celui des anciens. La rime a suf-
fisamment remplacé pour nous la quantité du vers mé-
trique; elle a fait depuis le seizième siècle de nota-
bles progrès, un moment trop oubliés, mais dont on
commence à se souvenir. Pourvu qu'on sache profiter
171
des ressources qu'offrent avec elle le rhythme et lac-
cent, on possède un instrument musical dont il est
encore possible de tirer quelque chose.
Voilà, Messieurs, le bilan de notre génie et l'inven-
taire de notre matériel lyrique, dressés après faillite bien
et dûment constatée. Notre actif et notre passif ainsi éta-
blis, on se demande quel sera notre avenir. De l'avenir,
l'auteur nous permet, un peu ironiquement , de tout es-
pérer. Nous sommes jeunes comme nation; nous n’a-
vons eu une àme que vers le treizième siècle; nous
n'avons commencé à nous sentir vivre qu'au quinzième,
en présence des Anglais; nous n'avons été que dans
les derniers jours une nation formée et complète.
Nous avons donc devant nous le temps, et avec le
temps, {out arrive en France, même l'improbable.
Jusqu'ici, peuple chansonnier, nous n'avons guère eu
que des chansons. «Le galoubet et le fifre ont acquis
chez nous une perfection admirable. » Peut- ètre quel-
que jour retrouverons-nous la lyre.
Que de questions remuées dans cet exposé, sans par-
ler de toutes celles que l’auteur soulève encore par ac-
cident! Il faudrait un volume pour y répondre; d’au-
tant plus que s'il y a dans tout cela beaucoup de vrai, le
vrai y est presque toujours mélé d'exagération et d'er-
reur. Nous n'essaierons pas d'en faire le triage. Qu'il
nous suflise de dire que ceite histoire, faite d'après la
manière vive el amusante, mais un peu systématique
de certain historien, ne nous laisse pas toujours parfaite-
ment convaincu; que ce portrait de notre caractère
national nous ressemble, mais comme une charge ha-
bile à un portrait véritable; qu'il ne suflirait pas de
172
dire les dangers et les égarements de limitation, mais
qu'il en faudrait reconnaitre aussi les avantages et la
valeur, même créatrice ; qu'il y a de l’exagération à vou-
loir proscrire l'idée de la poésie lyrique, comme si
dans la nature elle ne s’alliait pas sans cesse au sen-
timent; qu'il faut prendre garde de tomber dans une
sorte de matérialisme littéraire, en grossissant trop
l'importance, incontestable d'ailleurs, de la langue, du
rhythme, et surtout d'une alliance de la danse et de la
musique avec la parole chantée; qu'enfin, si pauvres
que nous soyons où qu'on se plaise à nous faire, nous
avons le droit de nous inscrire, au nom de tous nos
grands poëtes, contre le reproche étrange de n'avoir
guère produit que des chansons.
Avouons, d'ailleurs, que tout cela est écrit et sou-
tenu, malgré des obseurités métaphysiques et des lon-
gueurs fatigantes, avec une verve, un esprit el un
style peu communs; le style surtout est excellent. A
l'exception de quelques taches légères, échappées à la
négligence d'une plume rapide, de quelques expressions
qui affectent le sans façon, et de quelques termes sin-
guliers créés par esprit de système philosophique,
comme le mot individuation plusieurs fois répété,
nous n'y avons rien trouvé qui ne füt correct, aisé,
noble, clair, net et vraiment français.
Je veux, Messieurs, vous en faire juger, en vous
lisant quelques pages de ce Mémoire :
« En réfléchissant mieux, on aurait compris que
» chaque peuple à son caractère, chaque poëte son
» tempérament, chaque sièele <es idées propres, et
»
»
»
113
qu'il est peu raisonnable d'assigner aux poëtes d'au
jourd'hui ou de demain, qu'ils soient de Paris ou de
Christiana, un degré au—dessous duquel leur cha-
leur ne devait pas rester, de forcer leur imagination et
de la contraindre à des mouvements tumultueux qui
peut-être lui répugnent.
» Ce qui est vrai, c’est que toute beauté, vue à sa
place, est digne d'admiration; ce qui est vrai encore,
c'est qu'un poêle, un grand poële, voit mieux, plus
vite, plus loin et de plus haut que le commun de ses
lecteurs. Ce qui est faux, c’est qu'on puisse à tous
les poëtes assigner la mesure et le mode de leurs
sentiments. Surtout ne leur dites pas, sous une forme
ou sous une autre : Qu'une docte et sainte manie
vous transporte. Ils ne seraient ni doctes, ni saints,
mais maniaques. Comme parle Montesquieu , ils fe-
raient de leur art une harmonieuse extravagance ; ils
ne mériteraient que le mépris dont l'auteur des Lettres
persanes accable les poëtes lyriques de son temps.
» Qu'une nature bouillante se répande en flots pa-
reils à la lave enflammée, je le veux bien, surtout si
celte lave sait où elle va; mais je prétends qu'une
àme mélancolique soit libre de rêver ou de gémir
doucement ; qu'un cœur libre et satisfait s'abandonne
au plaisir tranquille de vivre.
» Poëtes de l'Orient, du Nord ou du Midi, brülante
Sapho, majestueux Pindare, Anacréon, Horace, en-
trez tous, et ne pàlissez point à côté de l'audacieuse
ennemie de Sisara. Les couronnes de fleurs, le clou
| Lettres persanes, CXXXVIT,
pÙ
47
k
» de Jahel, la massue d'Hercule, le char de Pharaon,
» la ceinture de Pyrrha, le bouclier de Liudbrog, nous
» plaisent tour à tour. Le psaltérion , les tambours, les
» flûtes, la harpe, la rotte, la vielle, la guitare, et
» même, faut-il l'avouer? l'orgue de barbarie, ont tous
» leur agrément.
» Les chants du scalde, du barde, du troubadour, du
» prophète, du laboureur, de l'artisan, du soldat, ob-
» tiennent chacun leur prix, dès qu'ils le méritent pour
» avoir traduit le sentiment sous une forme sincère. »
« Une nation est, comme l'homme lui-même, un or-
» ganisme vivant; mais pour elle aussi, c’est une ques-
» tion obscure que celle de savoir à quel moment elle
» a une àme. Sans doute, il y a un jour où, d'une
» voix assurée, elle s'écriera : Je suis! Mais depuis
» quand est-elle? Il ne manque pas de docteurs et de
» flatteurs pour lui dire : O grande nation! tu es de-
» puis des siècles, et le lemps lui-même oublie où il
» l'a vue paraître pour la première fois, déjà vigou-
» reuse, déjà puissante, déjà toi-même. » Repous-
» sons pour nous ces vaines adulations. La France
» n’est la France que depuis le treizième siècle; encore
» ne s'est-elle sentie vivre que sous l'horrible pression
» des Anglais, au quatorzième; et telle que nous la
» voyons, toute formée, ayant une conscience dis-
» tincte, sûre de sa vigueur, de sa pensée, du déve-
» loppement de son ètre, elle ne date que d'hier. C'est
» en face de l'Europe soulevée contre elle, il y a soixante
» ans, qu'elle s'est affirmée. Jusque là, elle voulait être ;
» depuis ce temps, elle est.
775
» Avant d'arriver à celte puissante personnalité,
» quels éléments n'a-t-elle pas absorbés! combien d’as-
» similations successives !
» De même, notre langue ne s’est pas faite spontané-
» ment; elle s'est élaborée pendant des siècles avant
» d'être la langue française ; et depuis qu’elle existe avec
» son nom, aucune autre n'a varié davantage. Ce nom
» même, elle la d'abord eu comme un enfant reçoit
» le sien, sans y prendre garde; mais elle existait avant
» de l'avoir.
» Hâtive, pressée de se faire jour, la poésie com-
» mune naquit d'elle-même, sans attendre que la lan-
» gue fût achevée. Grossières et rudes toutes deux,
» elles produisirent d'abord des monstres de l'esprit
» tout pareils à ceux que nous fait voir Lucrèce, lors-
» que la terre, essayant sa force créatrice, enfante des
» êtres bizarres, ébauches sans nom, indécis mélanges
de types hybrides.
CA
«.… Multaque tum tellus portenta creare
Conata est, mira facie, membrisque coorta,
(Androgynum inter utrum, nec utrumque et utrinque remotum )
Orba pedum partim, manuum viduata vicissim ;
Multa sine ore etiam, sine vultu cæca reperta,
Vinctaque membrorum per totum corpus adhæsu ‘. »
Su ere eo 0 » D eo à 6 © © °e eo) © © © oo je pe otre (efeifeleiiel pbieie afetelie
« Autre chose est donc d’imiter comme fait un co-
» piste servile, autre chose est d'évaluer à leur prix
» les travaux par lesquels une carrière s'est ouverte.
» On ne peut d’ailleurs s'empêcher de le reconnaitre,
\ Lucrèce, liv. N, v. 835 ct suiv,
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
110
les anciens, les premiers essais attestent toujours
une énergie de volonté productive qui donne un mé-
rite singulier aux moindres ébauches. Si les poëtes
classiques, par exemple, sont admirables, c’est plus
encore par ce qu'ils ont voulu que par ce qu'ils ont
fait. Ils nous ont légué un grand exemple de courage,
et nous invitent à tenter les voies de l'art comme ils
les ont eux-mêmes sondées. Il est puéril de dire qu’ils
ont pu, par exemple, mieux sentir la nature, parce
qu'ils étaient plus près de la naissance du monde :
le monde renait tous les jours. Seulement, les an-
ciens avaient une volonté intense de produire et une
grande liberté de conception. Nous, plus gènés, plus
timides, moins maîtres de nos facultés parce que
nous en désunissons le faisceau, nous sommes pris
de la peur d'échouer : il nous semble qu'il faille réus-
sir ou n'être plus que méprisables. On avait autre-
fois la religion de la volonté; nous n'avons plus que
celle du succès. Bornant dès lors nos vœux à nous
soutenir plus qu'à nous élever, nous attachons de no-
tre mieux notre esquif à la poupe de quelque vieux
navire en route pour limmortalité. Notre défaut de
courage nous montre ainsi le salut. Mais espérance
vaine! nous disparaissons un jour dans le sillage que
nous n'avons pas ouvert. »
« Le fond de notre caractère est donc la personnalité,
» A la différence des peuples du Nord, nous ne ré-
sistons à rien, en ce sens que toute impression est
chez nous recevable. Les Orientaux ne se possèdent
pas; ils sont à l’objet qui les attire. Nous ne sommes
»
»
»
»
»
»
Lo an
111
pas comme eux : nous ne nous donnons pas, nous
nous prêtons. D'autres peuples s'incorporent tout ce
qu'ils touchent; leur regard s'étend au loin pour dé-
couvrir la proie qu'ils dévoreront. Les Français se
meuvent en avant, mais sans savoir où ils vont. De
la curiosité sans clairvoyance ; peu d'activité, mais
de l'agitation; de la bravoure, moins de courage ;
un esprit inventif plutôt qu'inventeur; des analyses
sans comparaisons, du raisonnement plus que de la
raison, des désirs plus que des volontés, des réso-
lutions moins que des actes, des souvenirs plus que
de la mémoire, des coutumes plus que des traditions,
des répugnances plus que des haines; des colères
sans dessein, des amitiés sans entrainement, des en—
trainements sans amitié; des métamorphoses et point
de renouvellement; des idées vives mais rarement
justes; beaucoup de sentiments faux, étourdis, in-
considérés, dont nous sommes d'abord les victimes,
puis les dupes : voilà notre âme, notre cœur et no-
tre génie. Tels nous les donne le tempérament que
nous tenons de nos pères les Gaulois. »
Vous voyez que le portrait n'est pas flatté; il est
tracé à la manière d’Alceste, et on le croirait de la
main d'un étranger : il est seulement de celle d'un mi-
santhrope, ou plutôt d’un humoriste français. Pourquoi
faut-il qu'il ne manque pas tout à fait de ressemblance?
En résumé, Messieurs, le Mémoire dont je viens de
vous donner une analyse très-incomplète est remar-
quable par un esprit, une verve et un style peu com-
muns. Il suppose une instruction rare, quelque philo-
178
sophie et beaucoup de connaissances historiques. Mal-
heureusement, il est gàté par un grand nombre d'idées
fausses ou paradoxales; par des obscurités métaphysi-
ques et des longueurs fatigantes; par un défaut de
composition énorme, qu'on ne sent bien qu’à la lecture,
mais qui frappe alors vivement; enfin, et surtout, par
une aberration complète de la voie que marquait le pro-
gramme. L'Académie ne pouvait couronner de sa plus
belle récompense , quelque mérite qu'il laissät deviner,
un ouvrage où l’on se jouait ainsi du sujet. Elle a voulu
pourtant donner à l’auteur un témoignage de son estime,
en lui décernant une seconde médaille d'or de 400 fr.
Nous l'invitons à la recevoir comme un encouragement
à des travaux aussi brillants, mais plus solides, et nous
concluons avec notre spirituel collègue, M. Des Mou-
lins, s'adressant ainsi à l’auteur :
« Le prix, Monsieur, s'il n'avait fallu pour l'obtenir
». que de l'originalité, de l'esprit, du style, vous l'au-
» riez mérité. S'il pouvait être conquis par l'érudi-
» tion de l'historien, jointe au savoir du philosophe,
» vous l’auriez encore.
» Des prix, nous voudrions vous en donner beaucoup ;
» nous voudrions vous les donner tous, hormis pour-
» tant celui de sagesse. Celui-là, joint à d'autres jus-
» tement mérités, peut seul donner droit au prix d’ex-
» cellence, que vous gagnerez une autre fois. »
LA
LAMPE DU SANCTUAIRE;
Par M. de GÈRES.
Quia vana. (St Auc.)
Si meno luz, mas vida. (Jean de Mépicis. )
&
Ce]
Muse! il n’est que trop vrai; c’est bien douze ans, en somme,
Douze ans vécus, depuis que l’enfant s’est fait homme,
Et que, jetant jeunesse et poésie au vent,
Il a suivi l'oubli sur son terrain mouvant.
Je ne sais plus quel bruit l'empêchait de t’entendre.
Un beau jour, — triste jour! — seule tu fus l’attendre.…
Il t'oubliait, sans doute ! Et pendant ce temps-là
La cage était ouverte, et l’oiseau s’envola.
Vers des bords moins ingrats, vers des amours nouvelles,
La blanche poésie avait ouvert ses ailes,
L'hirondelle partait pour de nouveaux printemps.
(*) Ce poëme a été lu à l’Académie, sous le titre de : Le Silence du Poëte.
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Remords! Pleurs ignorés! Félicité ravie!
Alors, je me levai, je marchai dans la vie
Le front haut, le cœur plein et muet pour longtemps,
Mais tourné vers le ciel où je l’avais suivie.
Douze ans, un siècle entier L.. Et pourtant, tout est là.
Riches larmes du cœur en secret répandues,
Trésors que dans l'oubli la plume amoncela,
Pauvre tiroir gonflé de strophes suspendues ,
Que de plans ébauchés , que d’ébauches perdues !
Ah! les projets du temps, aveuglement puni!
Dérision, chimère au matin caressée !
Un jour vient, puis un autre, et la mort, l'infini ;
IL faut partir, laisser la page commencée ,
Et l'on s’en va toujours sans avoir rien fini!
Ainsi done c'était tout, à trompeuses promesses |
Le doute; la raison, ce froid orgueil des ans,
Le désenchantement des heures vengeresses
De leur cendre ont éteint ces coupables ivresses!
Le front découronné par les soucis pesans
Comme un lutteur battu qu’on chasse de la fête,
Sous la honte et l'ennui va-t’en, triste poëte!
Pleure les jours perdus , génie agonisant;
Ta muse était muette; elle est morte, à présent.
Et d’ailleurs, à quoi bon? Quelle erreur est la nôtre?
Que sert-il de chanter? — Cet accord qui me plait
781
Vibre en moi seul peut-être et se tait dans un autre;
Il est absent, l'écho que ma voix appelait.
Et quand même, croit-on, — illusion profonde, —
Qu'après qu'il s’est ouvert le cœur est épuisé?
Mer où nul fond encor n’a fait trembler la sonde,
Où l’onde intarissable accourt toujours sur l'onde,
Qui comblerait jamais ton abime apaisé!
Dans l'éternel tonneau qu’emplit l'erreur humaine,
Quels vœux, déçus toujours, toujours renouvelés,
Par l’espace et le temps seront jamais comblés!
Bonheur, dernier anneau de la pesante chaine,
Combien peu sont élus où tous sont appelés!
Inassouvible ardeur d’un sang qui me dévore,
O soif insatiable , à despotique loi,
Feu sacré, feu mortel, qu’exiges-tu de moi?
Après avoir brûlé, tu consumes encore,
Je sens frémir ma veine et tressaillir ma foi!
Phénix, sors de ta cendre, et secouons nos ailes!
Je veux franchir d’un bond les sphères immortelles ;
Le triomphe m'attend sur des palmes nouvelles,
J'irai, je serai grand, j'aurai ma gloire. — Après? —
Quatre morceaux de chêne , une pierre, un cyprès,
Et l'oubli. — L'elouette a chanté dans la plaine,
Adieu, muse; je vais errer sous le ciel bleu,
Cueillir tous les bonheurs dont la vallée est pleine,
Et voir couler ma vie ainsi que la fontaine
Dont la fraicheur me rit sous le feuillage en feu.
Ah! de l’esprit qui passe éternelle agonie,
Moïse est mort, Élie aussi. Toutgrand génie
Remontant vers son ciel, aux disciples fermé ,
Laisse, comme un manteau , tomber son harmonie,
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Et ne moissonne pas ce qu’il avait semé!
Éclair dans l'ombre, hélas! toute gloire est finie.
Inutile fumée et vains enivrements,
Beau fruit qu’à peine mür va saisir la couleuvre,
Nul ne jouit un jour du repos de son œuvre;
Les mains même qui font les applaudissements,
Vont se joindre en silence au fond des monuments!
Vous ne souriez plus, douces têtes charmées,
La nuit sur le désert s’est faite désormais.
Que de regards éteints! que de lèvres aimées
Dans un adieu suprême à nos adieux fermées;
Et combien sont partis qui n'arrivent jamais!
Écoutez-vous encore , 6 lointaines colombes,
Échos muets au bruit des sombres avenirs ?
Le vent d'oubli, fanant les herbes sur les tombes,
Flétrit des morts pleurés les meilleurs souvenirs!
Folie et vanité! apparence et mensonge;
Rien n’est, rien ne survit, tout trompe, tout est songe;
Le passé disparu, dont nul ne se souvient,
Et le présent qui passe, et l'avenir qui vient !...
Muse, adieu! Les tilleuls, les peupliers superbes,
Dans les brouillards fumants courbent leur tige en pleurs;
Je cours voir la rosée et les brillantes gerbes
Que le soleil levant allonge sur les herbes,
Le rossignol m'attend sous les lilas en fleurs.
[LE
Mais. n'est-il pas honteux de traverser la terre,
Spectre muet, couvert d’un linceul volontaire,
783
Sans marquer, pèlerin, l'empreinte de ses pas
Comme ces êtres nuls que l'ignorance enterre,
Qui posent en partant leur tête sur la pierre,
Dont un loisir stupide a croisé les deux bras,
Et qui s’en vont , leur vie au hasard dépensée,
N'ayant ni flamme au front, ni souci, ni pensée,
Et qu’un rayon d’en haut n'illuminera pas!
Ou peut-être, en moi seul, — tentation suprême, —
Git ce prix désirable et ce contentement,
Mis au cœur du travail par le travail lui-même...
Sainte inexpérience ! aimable entrainement!
Charmes inexplorés de l'essai qui soupire!
Arène séduisante à son commencement !
Il est si doux parfois de porter une lyre.….
On n’a jamais tout dit ; il reste tant à dire!
Écrire? — Ah! oui vraiment, c’est attrayant d'écrire :
C’est charger son fusil quand le gibier s’en va;
C'est fixer sur le sable une forme qui passe,
Ou prendre dans ses mains le bruit, l’onde et l'espace,
Et tout ce qu'un caprice à l'esprit enleva.
Écrire, c’est jeter le glaçon sur la flamme,
Planter un faible arbuste au milieu du torrent,
Dans un obscur martyre ensanglanter son âme,
Et clouer d’une épingle un papillon mourant.
Croire, — prétention orgueilleuse, insensée , —
Qu'on franchira d’un mot, écrit en conquérant,
L'abime infranchissable ouvert sous sa pensée,
Et qu’on fera jaillir, — pouvoir supérieur, —
Dans son intégrité, dans sa force amassée ,
Dans sa splendeur première et jamais éclipsée,
Le retentissement du mot intérieur!
784
O cygnes immortels! vous savez le contraire,
Et comme on doit, vaincu, céder la place aux Dieux!
Ce qu'on en dit vaut moins que ce qu'il en faut taire;
Ganymède blessé retombe sur la terre,
Ou, détournant son vol, porte sa honte aux cieux.
Il est sur les hauteurs des Alpes, qu’on ignore,
Des fleurs vierges, beautés du monde aérien ;
Sous son regard jaloux Dieu seul les voit éclore,
L’air qui passe les cueille, et l’homme n’en sait rien.
Qui n’a vu, — du matin quand les heures prochaines
Cisèlent des lointains les profils éveillés, —
Devant le jour naissant les monts émerveillés
Comme un rideau fermé tendre leurs vastes chaines ?
Leur silhouette bleue élève un long rempart.
Les sommets curieux, dont l’arête s’altère,
Contemplent en secret le rutilant cratère,
Muets et seuls témoins du radieux mystère,
Confidents éternels de l’aurore qui part.
Mais aux versants d’ouest pèse une brume sombre,
Et la nuit des revers tient la plaine dans l'ombre.
Rien n’y transpire encor de l’immense clarté.
Le crépuscule hésite, et ses incertitudes
Endorment dans leurs plis les mornes solitudes.
Ah! lumière qui fume! éclat répercuté !
Le rayon, du foyer n'a jamais la beauté ;
Tout le jour qu’on pressent est de l’autre côté,
Et les lueurs qu’on voit n’en sont que les préludes!
Agitez-vous, trépieds! le Dieu reste caché.
Celui-là seul, fut-il Eschyle, Homère ou Dante,
Dont le cerveau contient la vision ardente,
785
La peut voir tout entière en lui-même penché.
L'âme, du vrai génie est seule confidente,
Complet dedans, dehors le verbe est ébauché.
Pourtant, l'expression , prudemment balancée,
Doit mürir lentement la phrase cadencée,
Afin que, trait sonore alors qu'il a touché,
Le mot vibre longtemps à l'idée attaché.
Mais la nuit vient pendant que l’on cherche sa route
Il faut au premier pas rester sur le chemin,
Car l’idée, avançant pendant que l'esprit doute,
Marche plus vite au front que la plume à la main,
Et l'inspiration prend la fuite en déroute.
Non, écrire est un leurre, une déception.
Cybèle, et toi Vesta ! de quel nom qu’on te nomme
Nature, mère auguste! à seule passion
Qui n'ait jamais trompé le pauvre cœur de l’homme
J'accours vers toi! L'enfant prodigue est retrouvé
Adieu, muse marâtre , adieu tourment bravé
De l’esprit qui s’acharne à creuser sa blessure ;
Je te connais trop bien, mortelle volupté!
Muse, voilà ton masque et voici ta chaussure,
Garde tes fers dorés, je reprends ma fierté,
J'aime encor le soleil ‘air pur, la liberté!
LIT.
Hélas! quand le poison dans la veine complice
Avec un noble sang s’est une fois glissé ,
Le mal est incurable , et l’athlète assé
786
Malgré lui tôt ou tard rentrera dans la lice.
La mort seule, — à bienfait! — finira le supplice
Le fer tue, en sortant du sein qu'il a blessé.
Lorsque le vent du soir dans la forêt courbée
Terrasse le vieux chêne et l’étend sur le sol,
Le nid, qui pend à peine à la branche tombée,
Se renverse et se brise; — alors le rossignol,
Désespéré, sans voix, étourdi de la chute,
Sur le chêne voisin qui résiste et qui lutte
Gagne un asile, et livre aux colères des nuits
Son espérance morte et ses amours détruits.
Mais après la tempête il redescend, il doute.
La forêt, belle encore, est profonde; il écoute
D'autres oiseaux qui n’ont pas souffert comme lui,
Entrevoit l'horizon, et, reprenant sa route,
Il attend pour chanter qu'un meilleur jour ait lui.
La fatigue l'arrête et l’endort sous son aile,
L'oubli, repos du cœur, descend dans son sommeil ;
Bientôt l'aurore entière a charmé son réveil;
Sur les rameaux plus frais sa compagne l'appelle,
L'air le tente, il se sent une force nouvelle,
Et recommence un nid aux rayons du soleil.
Une lande sans fin, stérile, aride et nue,
Que dévore en passant une flamme inconnue,
Sur qui l’on sent peser dans les cieux vifs et clairs
La nue aux flancs cuivrés où couvent les éclairs,
C’est l'âme du poëte. Aussitôt que l'orage
Brisant dans l'air tendu son électricité,
Au sol désaltéré rend sa fécondité,
Le jour brille, et cette âme a repris son Courage.
On rougit de soi-même et de sa lächeté,
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La conscience hésite, en secret condamnée.
Le remords inquiet, trop longtemps méconnu,
S'éveille, veut savoir pourquoi l’on est venu,
Et si l’esprit qui doute a fait sa destinée.
L'heure s’avance, a-t-on bien rempli sa journee
Et fait germer le grain au souffle inspirateur
Du maître qui revient déjà la lampe brille :
A-t-on assidûment, généreux serviteur ,
Fait valoir le talent du père de famille ?
Le poëte, effrayé de son désœuvrement,
Contemple avec terreur, de sa barque échouée,
A quel travail constant la nature est vouée,
Et quelle obéissance, et quel empressement,
Et quelle ardeur passive, aveugle, dévouée,
A son but invisible entraîne incessamment
Tout ce qui naît et meurt sous l’œil du firmament!
Torrents qui vous plaignez d’une plainte éternelle,
Pressés le jour, la nuit, craignant d'arriver tard,
Vous que rien ne distrait, qui, fuyant tout retard,
Recommencez sans trève une tâche nouvelle,
Qui vous attend si vite, et quel cri vous appelle?
Quel ordre vont remplir vos flots terrifiés ?
De l'Occident par l'Est nuages défiés,
Messagers de malheur, que le marin redoute,
Fiers aquilons soumis , qui traça votre route?
Atome, dans ce tout je fais nombre ; — pourquoi
La lettre souveraine est-elle morte en moi?
Comment, dans cette armée où je mets le désordre,
Seul, de tous les soldats, n’ai-je pas le mot d'ordre?
O mystère fermé ! gigantesque Babel!
188
Tout marche, tout s'empresse à l’œuvre universel :
Partout les travailleurs arrivent les mains pleines;
Le mont ouvre ses flancs ; le fleuve porte aux plaines
La fraicheur qui féconde et le suc qui nourrit ;
La terre fait sa gerbe et le ciel la mürit ;
L'abeille emplit sa ruche et la fourmi son aire;
L'oiseau bâtit un nid, le vautour creuse une aire ;
L'étoile a son rayon, la fleur a son parfum,
La cigale son chant; — une part à chacun
Serait faite; — et moi seul, inutile carrière,
Au temple inachevé ne donnant point ma pierre,
Je laisserais sans loi vaguer mes tristes pas
Du chaos de la vie au néant du trépas?
Alors, pourquoi ce feu gardé sous la paupière ,
Et cette ardeur secrète, et cette soif altière,
Et ces désirs sans fin qui ne pardonnent pas?
Mon Dieu! j'ai bien souvent erré sous tes portiques
Le front nu, l’œil baissé devant tes majestés,
Mendiant un reflet des lucides clartés
Que ton esprit répand sous ces voûtes antiques!
Ne répondez-vous plus, oracles prophétiques ?
Arche scellée! où dort la clé des lendemains,
Sphinx éternel! énigme impénétrable , immense,
Toujours chercher la fin de tout ce qui commence!
Que de fois, comprimant mes tempes dans mes mains,
Tous mes regards plongés au fond des noirs chemins,
Béante perspective où l'avenir s’engouffre ,
J'ai pàli, n’osant pas les fixer sur le gouffre;
Car la stupeur, montant de l'abime affronté ,
Répond par un vertige à l'œil épouvanté !
Quoi! se sentir lancé sur un rail inflexible ,
789
Fatal, allant au but comme un trait à la cible,
Suivant le trait perdu qui l'avait précédé,
Et sans l'avoir prévu, sans avoir demandé
Ce voyage inoui, course incompréhensible,
Folle, où nul frein serré ne viendra ralentir
Le train du grand convoi qu’on n’a pas vu partir!
Vitesse impitoyable et sans cesse activée,
Où done fut le départ, où sera l’arrivée?
Dans quel centre inconnu dois-je aller m’engloutir ?
Ah! maigre ambition qui viens t’anéantir,
Tombez, rêves flatteurs qui parez la victime ;
Pourquoi ces airs puissants, que la mort fait mentir,
Et quel cœur de chanter quand on court à l’abime!
IV:
De quels vers secouer ces pàles voyageurs,
Qui dorment, emportés par les destins vengeurs,
Ou qui, le verre en main et lassés de maudire,
Étourdissent leur peur sous un éclat de rire ?
Comment plisser ces fronts dans les pensers rongeurs ?
Par l’épais tourbillon qui grandit sur ta route,
Humble voix du désert, poëte, qui t'écoute ?
Tête baissée , aveugle, abruti, sans rien voir,
Le troupeau suit, et va, stupide, à l'abattoir.
L'homme fait, usurpant les erreurs d’un autre âge,
Trompe avec un hochet les effrois du voyage,
Et de son plaisir seul accepte son devoir.
L'enfant veut son jouet ; les passions rivales
Absorbant dans l'instinct l’entendement détruit,
ol
790
Du temps qui se fait lourd comblent les intervalles.
Celui-là dîne et soupe; et celui-ci conduit
Une voiture. Un tel s'habille , el se pavane.
Un tel fume, et. c’est tout. — Un tel autre séduit
L'indigence qui pleure, et la fait courtisane.
Tous, d’ennui dévorés, s’acquittent gravement
Des occupations de leur désæuvrement.
La vanité les lie et la mode les taxe.
Un cheval, un duel, un pari, voilà l’axe
Sur qui le monde roule, et le reste est de peu.
Orgueil , ambition, haine, usure, avarice,
Soif de l’or, volupté, paresse, amour du jeu,
Assaillent à leur heure et font leur cicatrice.
Chacun suit au hasard son caprice et son dieu !
Mais , démence! Le blé jaunit, on va le moudre;
Qui pense au moissonneur arrivant à grands pas ?
A voir plus loin, plus haut, qui songe à se résoudre ?
Voyageurs, voyageurs, qui compte sans la foudre?
L'orage monte, gronde; et ne dormons-nous pas
Tous couronnés de fleurs sur un baril de poudre?
Non; la corneille en vain prédit sur l'arbre creux.
Son cri trouble la fête et sa voix importune.
Comme l'amour, les dieux aveuglent la fortune ;
Prophète, suis la foule et descends de tribune,
Laisse la nuit monter dans leur ciel ténébreux!
Nocher, ta voix se perd dans la clameur commune,
Et qu'importe l’orage à qui se croit heureux ?
791
Prarenthèse,
« Fuge üittus avarum! »
VIRG.
(A le vrai dire, aussi, l’époque est mal choisie.
On a beau s’en défendre et se flatter que non,
— Le siècle a la pudeur de cette hypocrisie, —
Le vent moins que jamais est à la poésie.
L’idole est de métal ; le colosse Memnon
Aux Thébains affairés ne livre plus son nom,
Et des rives du Nil les brises envolées
N’annoncent plus le jour aux plages désolées.
Honte et cynisme, Ô Dieu! le veau d’or est tout nu.
Filles de Mnémosyne , au trésor méconnu ,
Dénouez vos cheveux et pleurez sous les saules !
Et toi, Platon barbare , aux maussades épaules,
Rhéteur chagrin, farouche, envieux mal connu,
Ta république est là, sois-y le bien venu.
Les chastes sœurs, — dit-on, — les Muses toujours belles,
Que tes vingt ans séduits convoitaient d’un regard,
A tes premiers amours se montrèrent rebelles ,
Et pour les en punir tu les bannis plus tard.
— J'en connais, sur ce point, plus d’un qui te ressemble. —
Tu proscrivis aussi les arts, et tu fis bien :
Où le cœur ne bat plus les membres ne sont rien,
Et les enfants du Giel marchent toujours ensemble.
192
Tu croyais bonnement, législateur glacé,
Qu'on l’éteint à son gré, l’impérissable flamme,
Qu'il suffit d’un décret sur le cuivre tracé
Pour arrêter l'esprit par Dieu même lancé,
Et qu'on peut mettre un code à la place de l'âme!
N'est-il pas criminel, cet espoir insensé !
Eb bien! ce que rêva ta rancune impuissante ,
Ce que n’a pu fonder ton orgueil outragé,
Nous le réalisons, nous, race vieillissante !
Ombres de l'Hélicon, pléiade pâlissante,
De vos dédains amers le sophiste est vengé!
Son monde chimérique existe ; il est forgé
L’anneau qui tient nos pieds rivés sur la fournaise.
L'air où nous étouffons me semble assez épais
Pour qu’un cerveau carré doive y grossir à l'aise,
Les Pégases rétifs peuvent brouter en paix.
La matière nous tient dans ses serres étroites.
Ceux de qui l'œil morose aime les lignes droites,
Sont venus à leur heure, et le jour leur est bon.
De l'horizon borné le rêve s’expatrie,
Le ciel est enfumé de suie et de charbon.
Tout sentiment périt sous l’aveugle industrie.
L'antique loyauté par Mercure est flétrie ,
Esaü tout entier se vend pour un coupon.
Sainte fidélité ! nul serment ne se garde!
On n’a de foi dans rien, on n’a la foi de rien,
Adorer aujourd’hui. brûler demain, c’est bien.
Le plus enchérisseur attache la cocarde,
L’enthousiasme est mort sur le sol très-chrétien.
L'égoïsme est au camp de la chevalerie.
O deuil! comme ils t'ont faite. inconstante Patrie!
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Reine des troubadours, France du gai savoir,
Qui portais fièrement dans les tournois du monde
Le sceptre de l’honneur, du droit, et du devoir,
Te reconnaîtraient-ils dans cette bauge immonde ,
Tes nobles preux , dormant dans leur gloire profonde ,
Te reconnaîtraient-ils, s’ils te pouvaient revoir!.…
Tu conduisais la terre, et la terre te mène.
Le sang glacé du Nord s'épaissit dans ta veine .
La Tamise et le Rhin déteignent sur tes eaux.
Tes fils ingrats, jadis si brillants et si beaux,
Volent à tes voisins leur tournure grotesque,
Leurs laids vêtements noirs, échappés des tombeaux,
Quelque chose de froid, d’empesé, de tudesque ;
Nous avons vraiment l'air d’un peuple de corbeaux.
La traitreuse Albion , révolutionnaire
Partout, — hormis chez elle, où gouvernent les lois, —
S'implante à petit bruit dans ton dictionnaire ,
Et le Saxon grossier usurpe le Gaulois.
Qui l'aurait dit, pourtant, qu’un jour dans notre France
Il serait de bon ton d’avoir l'accent anglais ?
Et que l’âpre John Bull, ivre de concurrence ,
Pousserait son patois de Douvres à Calais ?
N'importe, il faut rougir de sa mère nourrice ,
I! faut à l'étranger prendre un masque à tout prix ;
Être myope, raide , et sans grâce, et mal mis:
Que ne ferait-on pas, ridicule caprice,
Pour ne point avoir l’air d’être de son pays?
Et vous voulez encor que Minerve y fleurisse ?
Non; des songes dorés nous n'avons plus la clé ;
Avec l'esprit français Phœbus s’en est allé ;
Il faut, dans notre enfer, que l'Olympe périsse ,
C’est justement qu'Orphée en Thrace est exilé,
194
Civilisation! loués soient tes apôtres !
Et le monde, cette hydre absurde à regarder,
— Ce composé de gens qui pillent chez les autres
Un bonheur que chez eux ils n’ont pas su garder, —
Le monde, creux, banal , qui ne sait que fronder,
De quel mépris ses Dieux insultent-ils aux nôtres ?
Polymnie a pleuré ses arrêts inhumains.
Devine-t-on quel rhythme au sultan pourra plaire ?
Quelles beautés sans nom son goût blasé tolère?
Comment se hasarder dans de pareils chemins ?
La poésie, allez, s’y trouve en bonnes mains;
Et que lui vaut d’entrer en semblable galère ?
Parait-elle?.. Aussitôt les hommes sérieux
Haussent l'épaule, et font des profils de Burgrave.
Les enfants, — disent-ils, — s'amusent de tels jeux:
Mais la médaille tourne auprès des gens oiseux :
Ils ne comprennent pas, c’est un travail pour eux.
Ainsi la nef divine à chaque port s’engrave ;
Et de la vierge en deuil le rôle périlleux
Est pour l’un trop futile, et pour l’autre trop grave :
Il est donc bien plus court de la laisser aux cieux.
On ne peut contenter tous les esprits fächeux.
Parlez-nous de report, de prime, de balance,
De transfert; — chantez-nous ces incroyables coups
Où l’art du coulissier sans vergogne se lance,
Voilà du beau! du vrai, du grand par excellence !
À la bonne heure, il faut hurler avec les loups.
Pour qui se sent de taille à bien rompre une lance,
(S'il n'a devant Baal incliné les genoux),
Quel champ clos! Mais mieux vaut se vouer au silence,
Et du fouet de Régnier je ne suis pas jaloux.
Connaissez-vous un sage ignoré de la terre,
Dont le front calme et nu trahit la vie austère,
Dans les bois de l'Hémus, aux pieds des verts coteaux,
Gardant, comme un trésor, son exil volontaire,
Et penché tout le jour au courant des ruisseaux,
Laissant aller son âme aux hasards de leurs eaux ?
Il en est; et ceux-là, que la pensée éclaire,
Pour l'autel délaissé gardent le pur levain.
Les Dieux proscrits , cherchant un abri tutélaire ,
A leur foyer discret ne frappent point en vain ;
I ne s’y fait nul bruit qui leur puisse déplaire.
Comme un génie ailé caché parmi les fleurs,
Comme un ami fidèle au doux toit solitaire,
La poésie est là ; — ne cherchez point ailleurs.
Berceau fragile! au nom du Pharaon moderne
Sur les eaux du progrès exposé sans effroi,
Qu'un souffle protecteur te guide et te gouverne
Vers les roseaux sauveurs de la fille du roi!
Bienheureuse la main, à tes destins commise,
Qui de l'Égypte en feu te tirant sans retour,
Te conduira vainqueur à la terre promise.
Mais je prends un chemin qui fait plus d’un contour,
Et ma verve égarée a poussé tout autour,
Comme font les chardons et les folles avoines…
Il existait en Chine un couvent, dont les moines
N'avaient leur franc parler qu'une seule fois l’an.
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Chaque bavard alors déposait son bilan,
Et le reste du temps tenait les dents serrées.
Mais aussi, je vous laisse à penser quel élan!
Comme un jour rattrapait les heures arriérées,
Comme on se servait bien des langues recouvrées!
Et qu'il était cruel de rentrer sous la loi!
Pour toi qui si longtemps a songé bouche close
Ma muse, je comprends ce vif besoin de glose ;
Mais la revanche ici n’est pas de bon aloi.
Un pareil bavardage à déplaire t’'expose :
Modère cette ardeur subitement éclose ;
On dirait que tu viens de la Chine, — tais-toi!)
Enfin ; — mais, l'avoürai-je ! — illusion brisée,
Candeur des jours sereins, claire source épuisée,
Force des jeunes cœurs, espérance et soutien !
La vérité brülante a séché ta rosée,
Voici le poids du jour, àme désabusée,
La foi dans l’art faiblit sous la foi du chrétien.
Le beau meurt sous le vrai, seule beauté qui vive.
L'esprit vaincu se rend à la raison captive.
L’imagination, fantôme stupéfait,
Se dépouille; le rêve est tué par le fait.
Qu'est un jour? qu'est un souffle? Est-ce donc bien la peine
D'avoir si peu de temps un peu de gloire humaine!
A quoi bon la couronne où la tête n’est plus?
Fou qui pour saisir l'ombre abandonne la proie,
197
Et qui, taillant ses pas dans la terrestre voie,
De la voie éternelle est à jamais exclus!
Ainsi, tout vient s’user sur la pierre de touche,
Et la futilité de tout épanchement
Frappe le vrai croyant et lui ferme la bouche.
L'œuvre inutile et vide appelle un châtiment.
L’horizon éclairci laisse plonger la vue,
La lumière est, la vie apparaît autrement ;
La poésie, hélas! chimère reconnue,
Voilant sa tête, en pleurs retourne tristement
Suspendre à d’autres bras sa harpe détendue.
O frais enchantement que l'aurore rêva !
Brume que le grand jour en montant souleva!
Chant qui viens expirer sur le parvis sonore!
Mon cœur vous suit, vous pleure , et vous salue encore,
Dernier regret permis que le soir décolore,
Adieu fait du rivage au vaisseau qui s'en va!
VI.
Voilà, par quels retours, quelles incertitudes,
Le temps s’est dévoré lui-même; c’est ainsi
Que l'étoile a passé dans le verre noirci.
La paresse aux longs cils, reine des habitudes,
À fait part du lion. Il fallait vivre , aussi ;
Tout ce qui vient sur terre a ses vicissitudes,
Et la jeunesse éprise a toujours quelque part
Un beau livre à nous lire! Enfin, quelques études ,
798
Caprices du moment et filles du l'asard ,
Au souffle qui passait ont emporté leur part.
La fière fantaisie, à tout pas transformée,
Voltigeait, butinant toutes les fleurs de l’art.
Sous quel prisme nouveau, sous quelle forme aimée
Ne renaissiez-vous pas, idole accoutumée!
Frèles touches d'ivoire où son esprit trembla ,
Tableaux profonds, conçus au feu des insomnies,
Crayons pensifs, doux chants, flottantes harmonies ,
La poésie était au fond de tout cela!
Je vous fuyais en vain, céleste messagère,
En vain je distraisais mon souvenir jaloux ;
On n'aime point ailleurs d’une amour étrangère,
Ce que mon cœur à tout demandüit, c'était vous!
Non, non; tout ne meurt pas, car la flamme sacrée,
Religieusement au foyer concentrée,
Ne sera point éteinte, et c’est Dieu qui l'a dit.
Le roseau qui penchait altéré vers son lit,
Ne sera pas rompu; mais des fleuves d’eau vive
Sortiront de celui qui croit; il est écrit
Que celui-là demeure, et qu'il croie, et qu’il vive.
La foudre a brisé l'arbre et l’a renversé, mais
Sa racine est vivace et ne périt jamais.
Ah! sans doute ; auréole à toujours disparue ,
Rien ne vaut la jeunesse et son palais doré.
Ciel comme on n’en voit plus, ciel à jamais pleuré !
Ineffable splendeur en fuyant apparue !
Beau jour par le lointain déjà transfiguré !
- Coupe abondante, emplie au ruisseau d'Hippocrène,
Tu possédais la force et la foi souveraine :
Toi seule avais le cœur de ces témérités
799
Qui sur les monts sacrés vont ravir la verveine,
Et les vierges du Pinde, en voyant tes beautés,
Baissaient leurs yeux cos et l’avouaient ne reine!
A toi le mouvement, la vie et la chaleur!
À toi la passion, le ee la couleur,
Les ressorts merveilleux, sources enchanteresses,
Et toutes les ardeurs, et toutes les ivresses
Que font monter au front la joie et la douleur!
Une hirondelle part, une étoile se couche,
Une illusion passe ; et le vide se fait.
L'homme s’isole , et voit tomber ce qui le touche :
Mais sur le lit jonché de la mortelle couche,
Du souvenir vivant plane encor le bienfait,
Oui, l'éclat fut rapide , et la fête fut belle.
Mais quelque chose en nous en est toujours resté ;
Le flot bout sourdement dans le roc tourmenté ,
Et le caillou brisé garde encor l’étincelle.
La nuit, le lac tranquille, où les flots sont calmés ,
Parait sombre; mais l'œil qui plonge sous leurs voiles ,
Voit reluire en silence à ses regards charmés,
Dans un azur profond un riche écrin d'étoiles.
La patrie est au cœur du prisonnier vaincu.
De ce ravissement superbe , a survécu -
Comme un feu dont on craint de laisser voir les flammes,
Le saint recueillement que Dieu met dans les âmes!
La colombe est dans l'Arche: et sur le diamant À
La mine a refermé son amoncèlement ;
Mais la secrète foi, la sainte poésie,
Lampe immortelle, où luit la lumière choisie ,
Dans la nuit de nos cœurs veille immortellement.
800
Ainsi , lorsque le soir des pompes solennelles,
Dans la splendide nef tout un peuple pressé
Fait éclater , transport sous la voûte amassé,
L’enthousiasme saint des fêtes éternelles,
La basilique immense est dans l’embrasement.
Il se fait à la fois comme un enivrement
De fleurs , d'encens , de voix, d’ornements, de lumières;
L'autel rayonne et fait resplendir les bannières ;
L'orgue envoie aux piliers son retentissement ;
Les murs tremblent, le chant monte avec les prières ;
Les sens doutent , frappés d’un long saisissement,
Et l’âme, repliant ses mortelles paupières,
Est prise tout à coup d’un éblouissement !
Mais le Dieu tout puissant a béni l'humble foule ,
Et le dernier accord , des orgues descendu,
Vibre lointainement dans l’abside perdu.
La digue énorme s'ouvre et le fleuve s'écoule.
Les derniers pas s’en vont avec le bruit des soirs.
Les prêtres, les enfants, pliant leur aube sainte,
Les lévites en chœur fermant les encensoirs,
Descendent lentement la lumineuse enceinte.
Dans l'air encore ému l'or des parfums sacrés
Harmonieusement retombe et s’évapore.
Bientôt l’autel désert, qu'une main décolore .
Perd sa magnificence et pälit par degrés,
801
Les dorures, les fleurs, les lumières plus rares,
Dans l'ombre envahissante ont noyé leurs clartés,
Et l'apparition de ces solennités
S’évanouit , perdue en fantômes bizarres.
Un blanc reflet de lune aux sombres bas côtés.
Des vitraux indécis argente en paix les teintes.
Des sourds résonnements dans les sonorités
Autour des arceaux creux passent les vagues plaintes.
Tout est mort, tout se tait dans les noires étreintes ;
Et la fête finie au temple a dit adieu…
Or, après l’hosanna de ces splendeurs éteintes,
Veillant dans le silence et la nuit du saint lieu,
La lampe reste seule, et brûle devant Dieu !
21 juillet 1853.
TABLEAU MÉTEOROLOGIQUE.
JUILLET 1853.
JOURS BAROMÈTRE A 00. TEMPÉRATURE.
DU MOIS. EE SN RS. A
7h. du m.{ 2h. dus. | 9h.dus. | Maxima. Minima.
rm mm mm
I 762,47 | 762,98 | 765,61 2403 416°5
2 67,22 68,31 69,69 21,8 12,7
3 69,58 68,06 67,28 24,6 11,4
n 68,18 64,76 65,61 28,4 44,5
5 66,35 64,99 64,75 28,2 14,4
6 62,86 64,07 59,34 33,41 17,2
# 58,07 57,30 57,71 33,4 21,3
8 61,55 64,42 60,01 27,17 19,9
9 62,06 64,30 66,58 26.1 20,5
10 66,86 66,12 67,23 24,6 47,4
41 7,06 65,19 65,30 24,3 13,0
12 65,05 62,23 60,76 25,2 13,2
13 57,19 56,86 57,29 24,6 17,3
1% 55,95 | 55,62 | 55,55 | 23,0 15,4
15 57,40 | 59,92 | 60,26 | 22,0 | 44,3
16 58,22 60,62 64,07 26,6 43,6
17 64,18 64,05 64,59 20,4 13.0
18 66,14 66,39 67,44 23,8 15,3
19 67,17 66,44 66,85 22,1 43,7
20 65,72 63,82 63,01 241,3 13,3
21 61,9% 60,65 60,57 23,5 12,2
22 60,17 60,88 63,23 25,8 14,4
93 64,30 62,98 61,81 25,5 18,3
2% 61,36 59,38 59,50 29,5 47,7
25 61,10 62,95 64,40 22,0 18,8
26 63,98 62,9% 62,25 25,4 16,2
27 51,41 57,03 58,47 33,1 18,0
28 64,7% 64,35 62,61 26,6 19,2
29 63,93 64,41 65,02 2k,3 16,8
30 64,58 | 64,75 65,10 24,5 13,5
nee 2h
31 66,25 | 65,77 64,71 25.8 47,0
MOYENNES | ui A 4
du 4®rau 40! 64,49 63,92 63,38 27°02 16,55
du 44 au 20 62,41 62,11 62,51 23,39 414,24
du 21 au 31 62,43 62,11 62,51 | 26,00 16,55
Moy. générale] 63,09 | 62,70 | 62,19 | 25,48 | 16,80
Température moyenne du mois... 200,6 Pluie dans le mois. ‘39mm
803
AOÛT 1953.
JOURS BAROMÈTRE A 0. TEMPÉRATURE.
DU MOIS. ÉBDIx TL 0 7
[7 h. du m |2h.dus. | 9h.dus. | Maxima. | Minima,
(| 760,72 751,11 759,34 3009 45,8
2 61,00 61 30 62,00 PATA 47,1
3 60,25 58,31 58,49 28,6 45,5
A . 59,70 59,82 61,42 24,9 20,2
5 61,60 61,72 63,60 26,5 17,0
6 64,30 | 63,88 | 64,84 26,5 17,0
7 04,73 65,85 63,81 25,9 15,3
8 63,83 62,55 62,60 26,5 14,1
9 63,16 62,10 62,00 25,9 15,6
10 62,41 61,30 61,35 27,8 15,4
41 61,20 59,76 59,57 29,0 47,0
12 59,64 58,80 58,19 30,4 16,8
13 58,149 |! 58,06 58,16 28,6 20,2
1% 59,64 | 64,24 62,20 25,4 19,3
15 61,93 64,57 60,58 25.6 18,0
16 58,53 56,89 58.30 23,8 17,2
47 58,43 58,50 60,37 23,4 15,4
18 61,83 61,35 61,90 DNS) 15,2
19 61,56 » 59,16 29,5 13,9
20 60,25 61,52 62,48 30,3 20,0
21 64,18 59,31 57,24 33,4 19,6
22 58,36 55,29 53,96 31,3 19,7
23 56,56 57,06 57,23 21,9 20,7
2% 57,28 58,40 59,30 23,0 17,0
25 58,37 55,83 54,39 25,9 14,0
26 56,77 57,52 58,30 2k,k 18,8
27 58,70 ! 58,30 55,87 24,9 16,0
28 57,02 58,40 57.07 21,1 16,0
29 56,15 53,44 54,91 21,4 18,0
30 54,58 62,02 62,03 23,1 13,0
31 62,63 63,18 63,20 22,0 15,0
MOYENNES
du 4erau 140! 62,17 64,25 61,9% | 27042 16,30
du 44 au 20] 60,12 59,74 60,09 27,18 47,30
du 24 au 341 57,96 58,07 57,59 24,74 47,07
Moy. générale. | 60,04 59,63 59,80 | 26,29 16,90
Température moyenne du mois... 2106 Pluie dans le mois., 9Qmm
S0/
SEPTEMBRE 1853.
SR
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JOURS BAROMÈTRE A 0e. TEMPÉRATURE.
D'OMOTS MIE de te Gr sr 0 D'IN Re
Th. du m.| 2h.dus. | 9h. dus. | Maxima. Minima,
Fe mn rl aimait Ile or le lot
1 762,25 | 759,97 | 759,22 2309 1200
2 59,96 60,98 63,07 24,3 12,0
3 65,64 » 65,74 24,9 13,8
A 65,12 63,65 64,47 21,8 11,5
5 64,32 64,10 65,45 22,0 12,9
6 65,33 63,81 63,93 21,0 11,8
7 63,58 62,57 62,62 20,6 12,1
8 64,34 59,79 59,33 20,1 9,9
9 57,56 55,69 55,34 23,0 9,8
10 57,00 58,34 58,84 20,3 15,4
11 61,94 62,63 63,98 22,6 12,3
12 62,29 89,47 58,79 24,0 12,1
13 60,58 62,63 63,08 20,7 12,3
14 63,28 64,22 61,98 23,1 15,0
15 62,03 61,43 61,28 21,4 11,9
16 58,94 87,44 57,95 49,0 12,7
17 58,51 59,1% 61,35 16,6 14,3
18 64,55 65,18 66,69 21,0 13,0
19 66,96 65,29 64,23 23,6 10,6
20 61,50 59,59 59,1% 23,4 13,0
24 58,66 58,37 58,19 26,0 12,6
22 60,93 61,36 62,74 22,5 16,2
23 62,16 62,26 64,44 22,1 14,8
24 60,29 61,42 62,30 19,2 14,1
25 60,44 56,66 56,23 47,1 14,0
26 64,13 63,07 64,93 18,4 12,3
27 65,04 64,78 65,76 20,5 10,3
28 68,29 68,75 69,6% 20,7 14,3
29 69,39 68,28 68,19 23,0 14,4
30 67,59 66,40 65,49 19,7 12,0
MOYENNES
du 4er au 40| 62,24 60,99 64,77 | 21089 12013
du 41 au 20| 62,06 64,40 64,85 | 24,51 12,42
du 24 au 30| 63,39 63,13 63,46 | 21,92 13,20
Moy. générale.] 62,55 61,87 62,36 | 21,44 12,58
Température moyenne du mois .. 170 Pluie dans le mois... 75mm
805
ACADEMIE IMPERIALE
DES NCIBNCEN, BELLES-LETTRES ET ARTN DE BORDEAUX.
PROCÈS-VERBAL.
Séance publique du 24 novembre 1853, pour l'installation
de M, À. VAUCHER, avocat.
Présidence de M. Henry BROCHON.
La grande salle des séances de l'Académie est
occupée de bonne heure par un public nombreux
et choisi. On y remarque les principales autorités
de la ville et beaucoup de dames.
Parmi les autorités sont MM. le Préfet, le Premier
Président, le Procureur Général, le Procureur Im-
périal, le Recteur, le Grand Rabbin, et plusieurs
Adjoints de M. le Maire
Mgr le Cardinal et M. le Général ont écrit qu'il
leur était impossible de répondre à l'invitation de
l’Académie.
La séance s'ouvre à huit heures précises.
Ont signé au procès-verbal :
MM. Henry Brocnon, président; E, Ginrrac,
52
806
vice-président; F AURÉ, trésorier ; Costes, Ci1ROT DE
La Vice, secrétaires; DaBas, membre du Conseil
d'administration; LamorHEe, Duranp, S. Gori,
Édouard Morez, Justin Dupuy, Ch. Des Mouuns,
J. ne GÈRES, A. VAUCHER, BLATAIROU, J. DeELrir,
SAUGEON et DaRRIEUxX, membres de l’Académie.
M. le Président invite M. le Préfet à prendre
place au bureau.
Le Récipiendaire est conduit dans la salle par
deux collègues, selon les usages; la parole lui est
donnée immédiatement par M. le Président.
M. A. Vaucner s'exprime ainsi :
MONSIEUR LE PRÉSIDENT ,
MESSIEURS,
En m'admettant parmi ses membres, l'Académie m'a
fait une faveur dont je serais certainement digne, si,
pour la mériter, il suflisait d'en comprendre tout le prix.
Mais je ne m'abuse pas : Comment le sentiment pro-
fond de la distinction que j'ambitionnais, aurait-il pu
me donner quelques droits à l'obtenir? et qui n'aurait
de pareils titres à invoquer? Si cette fois une indul-
gence extrême a bien voulu s'en contenter, c’est qu'en
réalité, l'honneur que j'ai recu ne m'était pas personnel.
L'Académie désirait donner à notre barreau un nouveau
témoignage d'estime et de sympathie, et je me suis
rencontré pour recueillir le fruit de ces favorables dis-
807
positions. C'est sur la foi de l’ordre auquel j'appartiens,
que j'ai été accueilli; en voyant d'où j'étais venu, on a
jugé inutile de me demander qui j'étais.
Cette sécurité m'effraie, mais elle ne me surprend
point, tant les collègues que votre éminente Compagnie
avait naguère reçus du barreau, étaient propres à la faire
naitre et à l'entretenir! L'un, que le culte de la poésie
et des lettres disputait aux austères études du droit,
est venu, paré de toutes les gràces de l'esprit et de tous
les charmes du langage, apporter en tribut ce que le
gout a de plus pur, ce que l’atticisme a de plus fin et
de plus délicat. L'autre, dont je n'ose dire, à cause de
l'étroite amitié qui nous unit, tout le bien que je sais
el que je pense, se présentait porteur d'un nom cher au
barreau et justement honoré dans notre cité. C'était
pourtant là son moindre mérite , car l'élévation de son
talent, l'éclat et la vigueur de sa parole, avaient déjà,
comme son amour et son dévouement pour tous les beaux-
arts, franchi depuis longtemps les limites du palais.
Tous deux devaient trouver l'Académie heureuse de
leur ouvrir ses portes ; et à peine entrés dans son sein,
ils S'y conciliaient aussitôt une si haute estime, qu'ils
étaient successivement appelés à l'insigne honneur de
la présider.
Que vous dirai-je du troisième, Messieurs, dont la vie
à la fois si pleine et si éprouvée est du domaine de l’his-
toire? Quelles grandeurs n'a-t-il pas soutenues? Quelles
vicissitudes n'a-t-il pas subies? Et parmi ces fortunes
si diverses, quelle constance, quelle fermeté! Au milieu
de ces agitations, on admire qu'il ait su conquérir tant
808
de titres à vos suffrages, et que le barreau, la magis-
trature, la tribune, les belles-lettres, puissent, avec un
égal succès, le proclamer leur représentant parmi vous.
Voilà quels membres le barreau venait de donner à
l’Académie ! Qui pourrait dès-lors s'étonner qu'elle ait
accepté, comme de confiance, tout ce qui venait de
lui, et qu'elle ait cru trouver dans le passé de sura-
bondantes garanties?
Il vous paraitra donc bien naturel, Messieurs, que
je demande au barreau le sujet de ce discours, et me
hâte ainsi de lui faire hommage de l'honneur que j'ai
recu. Cet honneur lui revient à un double titre. Par
l'étude du droit et de la législation, le barreau touche
aux régions les plus riches et les plus élevées de la
science; par l'exercice de la parole, par l'éloquence
judiciaire, il appartient essentiellement aux belles-lettres
et aux arts libéraux, et tels sont les deux aspects sous
lesquels j'aurais dû vous le présenter. Mais les bornes qui
me sont prescrites, et la réserve que votre bienveillance
elle-même m'impose, me défendent une aussi vaste
carrière. C’est seulement de l'éloquence judiciaire que
je me suis proposé de vous entretenir quelques instants ;
non, à coup sur, pour en retracer les règles, car per- !
sonne n'y serait moins propre, mais pour rappeler
brièvement ce qu'elle a été dans l'antiquité; dire dans
quelles conditions elle à brillé du plus vif éclat, et signa-
ler, en marquant à grands traits les modifications qu’elle
a subies, le point où elle semble être arrivée de nos
jours. J'espère qu'ainsi réduite, cette tâche excédera
moins et mes forces et votre indulgente attention.
809
On s'est demandé quelquefois si l'usage même de l'élo-
quence judiciaire n'était pas un abus; si ce n'était pas
faire injure à son juge que de s’efforcer de l’'émou—
voir, souvent pour l’égarer; et si, devant les magistrats,
la plaidoirie ne devait pas se borner à la discussion tran-
quille d’un fait ou à la démonstration sèche et techni-
que d'un droit. C’est, dit-on, dans ces étroites limites
que l'aréopage renfermait les défenses qui se pronon-
caient devant lui. Le temps accordé aux avocats était
mesuré à l'avance, et leur parole était arrêtée dès qu'en
persuadant les esprits elle arrivait à toucher et à atten-
drir les cœurs. Cet inflexible Tribunal avait-il raison ,
Messieurs ? J'avoue que je ne saurais le croire.
Sans doute, les abstractions de la science et les vé—
rilés spéculatives ne doivent être étudiées et prouvées
qu'à l'aide du raisonnement. On trouverait plus qu'é-
trange le géomètre qui, pour établir ses théorèmes,
tenterait d'émouvoir et de passionner ses auditeurs. Ici,
l'intelligence est seule intéressée, et, pour faire discer-
ner le vrai du faux, c’est à elle seule qu'il est permis de
s'adresser. Mais en dehors de cet ordre d'idées, il ne
peut plus en être ainsi. Dans la vie réelle et pratique,
dans le jeu des droits et des devoirs sociaux, les choses
changent à la fois et de nature et de nom. Le vrai s'ap-
pelle le bien; le faux s'appelle le mal; et le bien et le
mal sont moins du domaine de l'intelligence que du
domaine de la conscience et du sentiment. Heureuse-
ment que Dieu ne s’en est pas seulement remis à la fra-
gilité de notre raison, pour nous faire apprécier la
moralité de nos actes; mais qu'il nous a aussi donné
810
un criterium bien plus efficace et bien plus sur ! Ose-
rait-on se fier à l'homme qui n'interrogerait que son
intelligence pour distinguer ce qui lui est défendu de ce
qui lui est permis? et qui de nous n’a pas senti mille
fois que c'est un élan instinctif et spontané du cœur
qui l'éloigne du mal et de l'injuste, et l'entraine vers le
juste et vers le bien? N'est-ce pas, Messieurs, pour avoir
substitué leur raison à leur conscience et étouffé la voix
de l'une sous les sophismes de l’autre, que tant d'hom-
mes ont méconnu les vérités les plus fondamentales,
rêvé les théories les plus monstrueuses, et froidement
essayé, avec une effrayante bonne foi, de mettre en
pratique leurs déplorables utopies? Ah! l'expérience ne
l'a que trop appris : l'humanité ne peut impunément
abandonner l'un des guides que la Providence lui a
donnés pour la diriger dans ses voies, et elle n’a qu'une
lumière plus trompeuse encore que les ténèbres, quand
elle éteint l'un des flambeaux destinés à l'éclairer.
Pourquoi donc l'avocat ne devrait-il parler qu'à la
raison du juge? Pourquoi laisserait-il sans écho, dans
le cœur du magistrat, cette voix qui crie si haut dans
le sien? Et s'il est vrai que l'émotion de la conscience
soit plus sympathique encore que la conviction de l’es-
prit, comment priverait-on à la fois le défenseur et le
juge du meilleur moyen de convaincre et des plus puis-
santes raisons de décider?
L'éloquence primitive, l'éloquence naturelle et innée,
si je puis m'exprimer ainsi, élait toute de passion et de
sentiment. Voyez l’infortuné Priam venant demander à
Achille les restes de son fils : ce n’est point à des rai-
“811
sonnements qu'il a recours; il ne parle au vainqueur
ni de la barbarie, ni de l'inutilité de sa vengeance.
Mais, se jetant à ses pieds et prosternant ses cheveux
blancs dans la poussière, il lui rappelle Pélée, son
vieux père, que les ans accablent, que la douleur con-
sume loin de son fils, et il lui arrache des larmes de
tendresse et pitié. Virginius, transporté par le déses-
poir, agitant le couteau qui fume du sang de sa fille,
voue Appius aux Dieux infernaux, et Rome est délivrée
de la tyrannie des décemvirs. Scipion, accusé, ne ré-
pond aux calomnies de ses ennemis qu'en invoquant le
souvenir de sa gloire et de ses triomphes : « Romains,
» Sécriet-il, c'est à pareil jour que j'ai vaincu Car-
» thage; montons au Capitole, et rendons gràces aux
» Dieux! »
Le temps de cette éloquence d'entrainement devait
pourtant être court. Avec les progrès de la civilisation,
les rapports des hommes se multiplient, les intérêts se
compliquent, et la loi civile apparait pour les régler.
Dès lors, les conséquences de tous les principes s’éten-
dent indéfiniment, et en s'étendant, elles se rencon-
trent, se croisent et se mélent. Au milieu de ces con-
flits, la conscience du juge appelé à prononcer, hésite
et s'étonne des incertitudes qui l’assiégent. L'heure est
venue où il ne suflit plus d'émouvoir; il est encore né-
cessaire de convaincre. Il faut que la raison divise ce
qui est complexe, éclaire ce qui est obseur, prouve ce
qui est douteux, et se livre ainsi, pour la conscience,
à une sorte de travail préparatoire qui simplifie sa
tâche et lui rende la liberté et la sûreté de ses intui-
812
tions. Démontrer la vérité, émouvoir en mème temps
et passionner pour elle, voilà désormais la tâche com-
plète de l'orateur et de l'avocat.
Cet art d'émouvoir en persuadant est né avec le
siècle de Périclès. Alcibiade, Isocrate, Hypéride, Es-
chine, en devinèrent les secrets; mais il était réservé à
Démosthènes d'en offrir le plus parfait et le plus inimi-
table modèle. « Démosthènes, dit Cicéron, réunit la
» pureté de Lysias, l'esprit et la finesse d'Hypéride, la
» douceur et l'éclat d'Eschine. Mais quant à la vigueur
» de la pensée et aux mouvements du discours, il est
» au-dessus de tout. On ne peut rien imaginer de plus
» divin. » Bien des siècles ont passé, Messieurs, depuis
que Démosthènes défendait, contre les efforts jaloux
d'Eschine, la couronne que lui avait décernée la recon-
naissance des Athéniens; et les passions soulevées par
ce fameux procès sont mortes depuis deux mille ans,
mortes comme les cœurs qu'elles faisaient battre. Que
nous importe aujourd'hui de savoir si Démosthènes
avait ou non employé sa propre fortune à la réparation
des murs d'Athènes, et si, demeuré comptable de son
administration des spectacles, il pouvait où non être
couronné avant d'avoir rendu ses comptes? Quel intérêt
ces questions ont-elles pour nous? En quoi peuvent-
elles nous toucher? Et cependant, ce discours de
la couronne nous transporte toujours d'étonnement et
d'admiration. Nous ne pouvons lire cette œuvre immor-
telle sans partager encore toutes les émotions de l’ora-
teur. Il nous maîtrise, il nous subjugue, et nous nous.
indignons de lui voir disputer cette couronne qui lui
S13
revient si bien, comme le prix de l'éloquence et du
génie.
Si, dans les républiques anciennes, l’éloquence du
barreau s'est ainsi élevée à des hauteurs qu'elle n'a pu
atteindre depuis, il n’est pas difficile, Messieurs, d'en
pénétrer les raisons. Chez les Grecs, chez les Romains,
le pouvoir judiciaire avait une importänce que nos cons-
litutions modernes ne lui ont pas laissée. A Rome sur-
tout, il fut, pendant près de cinq siècles, le levier le
plus puissant de là politique intérieure. Depuis que la
juridiction criminelle fut enlevée aux consuls, et attri-
buée au peuple par Valérius Publicola , tous les efforts
des deux partis qui se disputaient le gouvernement ten-
dirent à la conserver ou à la reconquérir. Pour bien
comprendre l'intérêt de cette lutte si longue et si achar-
née, il ne faut pas oublier qu'à Rome les magistratures
étaient annuelles, indépendantes les unes des autres,
et que, dans l'accusation publique , se trouvait la seule
sanction à la responsabilité des magistrats; en sorte
que le pouvoir judiciaire devenait une arme formida-
ble entre les mains de ceux qui s’en étaient emparé.
On conçoit dès lors que le talent de la parole et l'élo-
quence du barreau dussent être, chez les Romains,
l'objet d'un culte idoltre, puisqu'ils donnaient le seul
moyen d'action sur le plus grand, sur le plus redouté
de tous les pouvoirs. Dès ses premières années, l’en-
fant était façonné à l'éloquence, comme autrefois il
était endurci au métier des armes, et dans l’art de bien
dire se concentrait l’ardeur de toutes les ambitions. Le
barreau était en si grand honneur, qu'on regardait la
814
plaidoirie comme une sorte d'initiation indispensable à
la vie civile et politique, et que les luttes de la parole
excitaient un intérêt palpitant dans toutes les classes de
la cité. Aux jours de Crassus et d'Antoine, d'Horten—
sius et de Cicéron, les combats du forum étaient des
fêtes solennelles auxquelles affluait l'Italie entière, que
le talent des orateurs et les causes qu'ils soutenaient
passionnaient également. Quels procès, Messieurs, que
ceux de Verrès, de Murena, de Sextius et de Milon!
Ils agitaient profondément toute la république romaine ,
qui sentait sa politique et son avenir attachés à leur
sort. Le barreau devenait alors une tribune, du haut
de laquelle se disputait l'empire du monde, et jamais
orateurs plus éminents n’eurent à traiter de plus graves
et de plus vitales questions. Habitué à ces magnifiques
joutes de la parole, familiarisé avec toutes les ressour-
ces de l'éloquence, charmé par l'harmonie de cette
mélopée latine dont nous n'avons plus le sentiment, le
peuple romain laissait librement éclater son enthou-
siasme ; et telle était son aptitude instinctive à discerner
toutes les finesses de l'art, qu'on le voyait parfois, c'est
Cicéron qui nous l'apprend, couvrir de ses acclama-
tions la chute d'une période heureusement cadencée!
Les affaires civiles ou d'intérêt privé avaient moins
d'éclat que les causes publiques ; cependant, les orateurs,
mème les plus éminents, ne les dédaignaient pas, et
on obtenait l'appui de leur talent jusque dans les procès
les plus vulgaires. Hortensius et Cicéron défendaient
des voleurs; Pollion, le protecteur de Virgile et l'ami
d'Auguste, discutait des questions de gouttière et de
815
mur mitoyen. Mais quand ces illustres avocats descen-
daient ainsi dans les plus humbles régions de lélo-
quence judiciaire, ils savaient encore y faire admirer la
convenance de leur langage et leur simplicité de bon
gout.
Malheureusement, ces beaux temps de l’éloquence
romaine durèrent peu et finirentavec le règne d'Auguste.
En vain, Pollion, Messala, Domitius Afer, Africanus, en
conservèrent-ils quelque temps encore les grandes tra-
ditions; en vain, Quintilien opposait-il au mauvais
goût envahissant son siècle une barrière qui semblait
infranchissable ! Toutes ces digues furent impuissantes
contre le torrent. Pendant que Pline le jeune et Ta-
cite, le grand historien, faisaient encore, par inter-
valles, entendre au barreau dégénéré un langage pres-
que digne des meilleurs jours, la déclamation, l'em—
phase et la subtilité se professaient dans les écoles des
rhéteurs. On vit bientôt les avocats mettre leur gloire
à parler des journées entières sur les plus futiles sujets,
se livrer à des digressions incroyables, et plaider, à
propos des contestations les plus infimes, du même ton
dont ils auraient harangué le peuple romain; témoin,
Messieurs, cette charmante épigramme que leur adres-
sait Martial :
« Avocat, il ne s’agit ici ni de violences, ni de meur-
» tre, ni de poison. On m'a dérobé trois chèvres ; j'ac-
» cuse mon voisin de ce vol, et le juge me demande de
» justifier ma plainte. Pourquoi faire tant de bruit de
» la bataille de Cannes, de la guerre de Mithridate et
» des parjures de Carthage? Que m'importent et Marius,
816
» et Sylla, et Mucius? De grâce, avocat, dis enfin un
» mot de mes trois chèvres. »
Ainsi, Messieurs, s'éteignit la voix de la grande et
noble éloquence, étouffée par les déclamations des rhé-
teurs et les arguties des sophistes. Pline le jeune et
Apulée sont les derniers représentants d'un barreau qui
devait sans doute acquérir bientôt une gloire nouvelle
par la science de ses jurisconsultes. Mais l’art de la
parole était perdu, et Rome ne sut plus en retrouver le
secret.
Pour assister à la renaissance de l'éloquence judi-
ciaire, il faut franchir quinze siècles, intervalle im-
mense rempli presque tout entier par l'agonie de l'an
cienne civilisation et le long enfantement de la nouvelle.
L'éloquence chrétienne put seule, de sa voix inspirée,
dominer un moment le fracas du vieux monde qui s'é-
croulait ; mais l'éclat passager que la Religion rendit aux
lettres, ne fait paraître que plus épaisse encore la nuit
qui lui succéda.
Charlemagne, de sa main puissante, sembla refouler
quelques instants le flot de la barbarie. Ses Capitulaires
contiennent d'admirables règlements; mais il rétablit
le combat judiciaire, et en étendit l'usage des affaires
criminelles aux affaires civiles. Jamais mœurs ne furent
plus incompatibles avec l'éloquence du barreau.
C'est dans le treizième siècle qu'une sorte d'aspiration
générale vers l'organisation et le progrès commence à
se faire sentir. Les croisades initiaient l'Occident à la
civilisation grecque et arabe, en lui apportant le germe
des sciences et des arts. Pendant que Philippe-Auguste
817
jetait les fondements de cette Université qui devait
bientôt prendre de si rapides accroissements, un Alle-
mand découvrait en Italie les Pandectes de Justinien,
et les livrait aux études des jurisconsultes. Saint Louis
abolissait le combat judiciaire, régularisait l'adminis-
tration de la justice, et S'efforçait d'affermir l'autorité
des lois.
Jusqu'alors, le Parlement avait suivi le roi et n'avait
pas de siège déterminé : Philippe-le-Bel le rendit sé-
dentaire et l’établit à Paris; le barreau s'y fixa natu-
rellement auprès de lui.
Parmi les avocats de ce temps étaient Guy-Foucaud,
qui devint archevêque, puis cardinal, et enfin pape,
sous le nom de Clément IV; Yves de Chartres, que
l'Église a canonisé ; et Jean de Meheye, qui fut chargé,
comme avocat du roi, de soutenir l'accusation portée
contre le malheureux Enguerrand de Marigny. Son ré-
quisitoire, écrit dans un style barbare, commence,
suivant l'usage alors observé, par un passage tiré de
l'Écriture-Sainte, et il s'efforce constamment de ra-
mener à ce texte les diverses parties de son discours et
de son accusation.
À cette époque paraît remonter la création du mi-
nistère public. Jean Pastoureau remplit le premier ces
fonctions sous Philippe-le-Bel, et Pierre de Cugnères
lui succéda.
L'institution de cette magistrature inconnue des an-
ciens est un événement remarquable dans l'histoire de
l'éloquence judiciaire, car elle à fait naitre un genre
d'éloquence nouveau, dont la gravité et l'élévation sont
818
les principaux caractères. Étranger aux ardeurs et aux
anxiétés des luttes judiciaires, dont il peut avec calme
et maturité apprécier les résultats, le ministère publie
ne comporte ni ces élans, ni ces inspirations que le
barreau trouve quelquefois dans les agitations du com-
bat et les nécessités de la défense. La voix passionnée
des intérèts personnels s'éteint sans écho dans la sphère
plus sereine et plus élevée qu'il habite. Sa mission est
de rechercher la vérité, de la dégager des exagérations
et des colères qui parfois la rendraient méconnais-
sable, et de loffrir ainsi épurée de tout alliage à la
sanction du magistrat. Libre dans son action, inac-
cessible à tous les préjugés, ferme et constant dans sa
voie, le ministère public n’a jamais qu'une cause à dé-
fendre, celle de la justice; qu'un triomphe à obtenir,
celui de la vérité.
Ce n’est que lorsqu'il flétrit la mauvaise foi, démas-
que la fraude ou poursuit le crime, qu'il lui est permis
de s'indigner et de s'émouvoir. Mais alors, quel éelat et
quelle autorité sa parole emprunte à la grandeur des
devoirs qu'il accomplit! quelles sympathies il éveille
dans le cœur de ceux qui l'écoutent ! Vengeur de la
morale outragée et de l'ordre public compromis, appui
des faibles et des opprimés confiés à sa tutelle, c'est
pour lui que l'éloquence judiciaire semble avoir réservé
ses plus magnifiques accents.
Mais j'anticipe, Messieurs, car de longtemps encore
la véritable éloquence ne devait se faire entendre au
palais. Pendant plus de quatre siècles, la plaidoirie ne
fut qu'un amas indigeste de citations sacrées et profa-
819
nes dont la profusion et l'incohérence nous étonnent
également. Les poëtes, les orateurs et les philosophes
de l'antiquité y sont constamment invoqués à côté des
saintes Écritures et des Pères de l'Église. La mode,
constante celte fois, était au pédantisme le plus insup-
portable et le plus outré. Pour plaider, il fallait tout
savoir, ou, pour mieux dire, en plaidant, il fallait mon-
trer qu'on savait tout, et l'éloquence fuyait épouvantée
devant cet immense et ridicule débordement d'érudi-
tion.
Ce n’est pas que le Palais n'ait alors compté des hom-
mes éminents à plus d’un titre. Certes, Juvenel des
Ursins, Pierre Séguier, Cristophe de Thou, Dumou-
lin, Omer et Denys Talon, et bien d’autres encore que
je pourrais citer, ont laissé des noms vénérés par la
science ou honorés dans l'histoire, mais non dans l'his-
toire de l'éloquence, qui doit seule m'occuper.
Tel était l'état du barreau à l’'avénement du règne de
Louis XIV. Patru et Lemaitre y occupaient alors le
premier rang, el ils étaient dignes à quelques égards
de la réputation dont ils ont joui parmi leurs contem-
porains. Très-supérieurs aux autres avocats de cette
époque, ils connaissaient bien la théorie du combat
judiciaire, et savaient présenter leurs moyens de dé-
fense avec ordre et netteté. Leur raisonnement ne
manque ni de force, ni même parfois de véhémence
et de chaleur. Lemaitre surtout s'est, dans quelques
occasions, élevé jusqu'à l'éloquence. Mais ni lun ni
l'autre ne surent échapper au vice dont le barreau était
depuis si longtemps infecté, et ils conservèrent, quoi-
820
que avec un peu plus de discernement, la déplorable
manie des eitations à tout propos.
Il est vraiment diflicile de s'expliquer la ténacité de
ce mauvais gout. On ne comprend pas qu'il parvint à
se maintenir au barreau , alors que Bourdaloue en avait
déjà chassé de la chaire jusqu'aux derniers vestiges; et
l'on s'étonne que Patru et Lemaitre, unis, l'un avec
Boileau, l’autre avec Pascal, de la plus étroite amitié,
aient forcé Racine à cette piquante comédie des Plai-
deurs, qui contribua du reste si puissamment à la ré-
génération de l'éloquence judiciaire.
Enfin d'Aguesseau vint, Messieurs, et, le premier, fit
entendre dans le temple de la justice un langage digne
d'elle et de la majesté des lois. Avocat général au Par-
lement de Paris dès l'âge de vingt-deux ans, il y appor-
tait une raison déjà mürie par la méditation et le tra
vail, et un goût formé par l'étude assidue des orateurs
de l'antiquité. En l'entendant porter la parole pour la
première fois, Denys Talon s'écria : « Je voudrais finir
comme ce jeune homme commence. »
Son éloquence, grave et austère comme les fonc-
tions qu'il remplissait, est pourtant à la fois abondante
et fleurie. Avec quelle autorité, avec quelle élévation,
il rappelle les devoirs de la magistrature et du barreau,
dans ces belles mercuriales dont l'unique défaut est
peut-être une trop grande perfection! Ses réquisitoires
allient constamment à la profondeur de la science une
diction pure, élégante et toujours en harmonie avee le
sujet qu'ils traitent. Quelques-uns excitent encore le
plus vif et le plus puissant intérêt.
"821
D'Aguesseau vit naître, avec lerègne de Louis XV, une
génération d'avocats qui font la gloire du barreau français.
CochinetGerbier s'élèvent au milieu d'elleet la dominent.
Jamais la raison et le droit n'ont trouvé un inter-
prète plus digne que Cochin. Le style de ses plaidoi-
ries est plein de franchise et de vigueur. Dialecticien
consommé , il sait constamment ramener sa cause à un
principe fondamental, à un argument insigne, autour
duquel tous les moyens et toutes les preuves viennent
se grouper. Toujours sûr dans sa marche, toujours so-
bre dans ses développements, il a le rare mérite de ne
rien dire de trop et de ne jamais lasser l'attention. Puis,
quand il a établi, d'une manière inébranlable, les diver-
ses propositions de sa défense, il excelle à les rappro-
cher dans un énergique résumé, et présente, comme
renfermés dans un seul raisonnement, tous les raison-
nements du procès.
Il ne nous reste rien de l'illustre Gerbier, Messieurs,
rien qu'une grande et magnifique tradition. Gerbier n'a
rien écrit, et cependant il est pour nous le représen—
tant par excellence de l'éloquence judiciaire. Nous ne
pouvons pas apprécier par nous-mêmes cet admirable
talent; voici ce que nous en apprend l'enthousiasme de
ses COnleMpPOrains :
« Le génie de Gerbier, dit Laharpe, était tout en-
» tier dans son àme; mais cette àme ne l'inspirait que
» dans le combat de la plaidoirie. Il fallait que ses sens
» fussent émus, pour qu'il trouvàt lui-même de quoi
» émouvoir les autres. Il avait besoin d'action et de
» spectacle, de l'appareil des tribunaux; de la présence
53
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
S
)
822
de ses adversaires, de ses clients, de l'aspect et de la
voix du public assemblé. C'est alors qu'il étonnait
par ses ressources, qu'il avait tour à tour de la cha-
leur et de la dignité, de l'imagination et du pathéti-
que, du raisonnement et du mouvement; qu'avec
quelques lignes tracées sur un papier, pour lui rap-
peler au besoin les points principaux, il se fiait à
l'éloquence du moment, qui ne le trompait jamais, et
que pendant des heures entières il attachait et en-
trainait les juges et l'assemblée. »
« Comment offrir, à Gerbier! s'écrie Delacroix-
Frainville, un hommage digne de toi! Il faudrait
ravir une étincelle de ton génie pour en exprimer la
puissance, pour te peindre à ce barreau où tu n’ap-
portais d'autre préparation que les ravissantes inspi-
rations de ton àme, pour retracer les mouvements
de cette àme sublime, tantôt excitant les plus tou-
chantes émotions, tantôt entraînant et subjuguant
par ses élans impétueux. Toujours maitre de toi et
de tes auditeurs, tu suivais dans leurs yeux les im-
pressions que tu produisais, pressant ou resserrant
à ton grétes magnifiques développements, jusqu’à ce
que le triomphe de la conviction füt obtenuu. Com-
ment décrire le pouvoir magique qui résidait sur tes
lèvres et dans toute ta personne! l’enchantement de
celte voix harmonieuse et l'heureux accord de cette
action noble et pure! Car, tout en toi était éloquent :
ton front, siège de la sérénité; tes regards, animés
du feu de ton génie; tes gestes, tes mouvements et
jusqu'à ton immobilité! »
523
Tels sont les cris d'admiration que Gerbier arrachait
aux hommes les plus distingués de son siècle. C'est à
Démosthènes, c’est à Cicéron qu'ils n'hésitent point à
le comparer. Mais Démosthènes et Cicéron vivent en-
core pour nous, tandis que Gerbier est malheureuse
ment mort tout entier.
Target lutta souvent contre Gerbier, et toujours avee
honneur, car un tel adversaire pouvait seul le faire
descendre au second rang. Il écrivait ses plaidoires,
et nous pouvons encore comprendre en les lisant quelle
profonde impression elles devaient produire. Son plus
bel ouvrage est, sans contredit, la défense du cardinal
de Rohan dans la fameuse affaire du collier.
Le temps me manque, Messieurs, pour vous parler
de l'avocat-général Séguier, qui faisait dire à Duclos :
« Voilà un nom qui pourrait se passer de mérite, et un
» mérite qui pourrait se passer de nom. » De Servan,
dont le réquisitoire dans l'affaire d'une femme protes-
tante qui défendait la validité de son mariage, excita
l'admiration universelle, et reste un chef-d'œuvre d'é-
loquence judiciaire. Mais je ne puis refuser quelques
mols à ces fameux Mémoires de Beaumarchais, qui
sont uniques dans leur genre et firent une si prodigieuse
sensation. Mélange inconcevable de scandale et de
gaité, de satyres sanglantes et de personnalités bouf-
fonnes, de dialectique et de quolibets, ils étincellent
d'esprit et de verve, et semblent plutôt appartenir à la
comédie ou au drame qu'à l'histoire de l'éloquence judi-
ciaire, dont ils sont portant une des plus extraordinai-
res el des plus curieuses pages.
824
La France en riait encore, quand le rire expirait sur
ses lèvres aux pieux accents de Lally-Tollendal venant
réhabiliter la mémoire de son père. Cette täche sainte
aurait suffi pour exciter la sympathie de tous les cœurs
généreux; mais le bonheur à voulu que la piété filiale
se soit élevée Jusqu'au génie, et que l'éloquence lui
ait fourni ses armes les plus irrésistibles.
C'était le chant du cygne, car les orages révolution-
naires commençaient à gronder, et la voix de l'élo-
quence judiciaire allait se perdre dans le bruit de la
tempête. À peine put-elle consacrer ses derniers efforts
à la défense d’une infortune royale, et prouver que dans
le cœur de l'avocat vraiment digne de sa haute mis
sion, le talent de bien dire est inséparable du courage
de bien faire.
Je touche au terme, Messieurs, car je ne me suis
proposé ni de vous montrer le barreau de Bordeaux,
privé par ces terribles événements de ses enfants les
plus chers, ni de rappeler le souvenir de cette Gironde
dont la gloire et les malheurs auraient sufli à expier
bien des fautes.
Je ne vous dirai rien non plus de la splendeur dont
a brillé notre barreau quand se sont levés des jours meil-
leurs. Si les noms des Lainé, des Ravez, des Ferrère,
des Martignac, sont des gloires pour notre pays, ils
sont encore pour nous l’objet d'un culte domestique,
et leur mémoire, comme celle des Saget et des Bro-
chon, vivra toujours dans le cœur de leurs confrères.
Mais je ne me sentirais, pour les louer dignement, ni
assez de force, ni assez dimpartialité. D'ailleurs, il
825
n'appartient au barreau de Bordeaux de faire leur éloge
qu'en s’efforçant de marcher sur leurs traces.
Toutefois, on ne peut se le dissimuler, les conditions
de l'éloquence judiciaire sont devenues de nos jours
plus dificiles et plus rares. L’immense bienfait de la
codification a tracé aux magistrats des règles sûres et
précises ; les progrès incessants de la jurisprudence ont
vulgarisé le droit, et la plupart des grandes questions
où le talent de nos devanciers brillait avec tant d'éclat,
ne seraient pas même aujourd'hui portées devant les tri-
bunaux.
L'attention publique s'est détournée du Palais. Long-
temps absorbée par les grandes luttes parlementaires,
elle est devenue indifférente à la discussion des intérêts
privés, où en général rien n’attire et ne captive. Main
tenant, un procès n'occupe que ceux qui ont le mal-
heur de s'y trouver engagés.
Notre siècle a d'ailleurs un caractère particulier;
exact et positif, il ne sait, en toutes choses, considérer
que la fin; sa seule préoccupation est d'aboutir. On ne
voyage que pour arriver, on ne plaide que pour prou-
ver. C'est dans une formule que la vérité concentre
pour nous son dernier mot, et ce cadre si resserré ne
laisse que bien peu de place à l'éloquence judiciaire.
Aussi, l'improvisation règne-1-elle en sonveraine au
barreau, où elle passe sans laisser de traces, satisfaite
qu'elle est de son œuvre du moment. La perspicacité,
la sureté du coup-d’œil, la connaissance des affaires,
deviennent les éminentes, je pourrais dire les seules
qualités de l'avocat. Il est bien, disait Cicéron, que
826
l'orateur soit jurisconsulte, s'il est possible. Nous di-
sons, au contraire : Que l'avocat soit d'abord homme
d'affaires , il sera ensuite éloquent, si faire se peut.
Ces tendances n'empêchent pas lé barreau français
de compter encore dans ses rangs d'illustres orateurs ;
mais elles menacent l'avenir. L’exagération et l'enflure
ont tué l'éloquence romaine; on se demande quelque-
fois si la nôtre ne serait pas destinée à périr de séche-
resse et de maigreur.
M. le Président répond en ces termes au: dis-
cours du Récipiendaire :
Monsieur,
La modestie est un vêtement qui sied bien au mé-
rite ; elle le voile, sans parvenir à le cacher, comme ces
draperies dont les plis gracieux ajoutent un attrait de
plus à la pure beauté de la statue antique. Demandez-
vous donc quels sont vos titres personnels au suffrage
de l'Académie, mais laissez-moi vous dire que vous êtes
seul à les ignorer, et qu'ils sont bien connus de cet au-
ditoire d'élite dont les applaudissements viennent de ra-
tifier notre choix. Dans votre honorable défiance de
vous-même, vous avez imité, sans le vouloir, sans le
savoir, un de nos devanciers , qui disait, comme vous,
le jour où l'Académie de Bordeaux avait l'honneur de
le recevoir : «S'il suffisait, pour obtenir cette faveur,
» d’en connaître parfaitement le prix, je pourras
» me flatter d'en être digne. » Et il ajoutait : — « Je
mis
827
» me comparerais à ce Troyen qui mérita la protection
» d'une déesse, seulement parce qu'il la trouva belle.»
Cet académicien, sans litres personnels, c'était Mon-
tesquieu, abusant ainsi de la modestie, et imposant à
celle de ses collègues de 1716 de trop redoutables com-
paraisons. Avec de tels souvenirs, ne vous étonnez pas
si l'Académie se tient en garde contre l'humilité de ses
récipiendaires, si elle les juge d'après elle et non pas
d'après eux. C'est, vous le voyez, pour nous une vieille
et glorieuse tradition.
Et si l'Académie avait eu besoin d'un autre jugement
que le sien, elle n'aurait eu qu'à interroger et le bar-
reau qui, vous proclamant un de ses chefs, remettait
entre vos mains le dépôt de son austère discipline; et
la magistrature, dont votre voix aimée prépare chaque
jour les arrêts; et l'opinion publique, dont la confiance
a couronné en vous le talent mis au service d’un noble
caractère.
Tout autre que moi insisterait sur ces témoignages
unanimes de la considération publique. Pourquoi done
faut-il que celui qui a l'honneur de vous répondre au
nom de tous soit le seul qui ne puisse dire tout le bien
qu'il pense de vous? Ah! c'est que l'amitié, si elle a
son orgueil, à aussi sa pudeur! Et la fraternelle affec-
tion qui nous unit depuis l'enfance arrête sur mes lèvres
les éloges qu'elle trouve gravés au fond du cœur.
Qu'il me soit du moins permis d'oublier le langage
officiel de la présidence, et, cédant à un sentiment plus
intime, d'en trahir la secrète et douce émotion! Qu'il
me soit pardonné de vous redire publiquement que ,
depuis le jour où j'eus l'honneur de vous devancer ici,
j'ai aspiré de tous mes vœux au moment où tous deux,
dans notre existence parallèle, condisciples au collége,
camarades à l'école, confrères au barreau, nous nous
retrouverions collègues à l'Académie, unis ainsi par une
confraternité de plus; et sans cesse me revenaient,
encore plus au cœur qu'à la mémoire, ces exquises
paroles de notre Montaigne : — « Nous étions à moitié
» de tout; il me semble que je lui dérobe sa part : J'étais
» déjà si faict et accoustumé à estre deuxiesme partout,
» qu'il me semble n'estre plus qu'à demi. »
C'était là mon ambition. Que j'étais loin d'espérer
que, par une faveur prématurée, la bienveillance de
l'Académie m’appellerait sitôt à l'honneur de la prési-
der, et qu'il me serait donné d’être aujourd'hui l'organe
de ses sentiments pour vous, l'interprète de ses sym—
pathies et de son estime. Que nos honorables collègues
recoivent ici l'expression de ma reconnaissance, et
puissé-je leur rendre en dévouement ce qu'ils me pro-
curent de bonheur aujourd'hui !
Ils me reprocheraient un impardonnable silence, si
je ne déclarais en leur nom qu'en vous admettant parmi
eux, l'Académie n'a pas eu seulement la satisfaction
de resserrer ses liens avec le barreau bordelais, mais
qu'à ses yeux, vous n'avez fait que prendre votre place,
marquée à l'avance, dans une Compagnie qui shonore
de résumer, en la personne de leurs notabilités, toutes
les carrières scientifiques et libérales. Quand vous êtes
venu, l'Académie vous a répondu : « Je vous atten-
» dais. »
. 829
Dès le jour de votre réception, elle en aura recueilli
le fruit; car c’est un remarquable tableau que vous ve-
nez de tracer; et vous nous avez parlé de l'éloquence
judiciaire à la fois en historien et en orateur : vaste
sujet que vous avez su condenser en traits aussi solides
que brillants.
L'histoire de l'éloquence judiciaire marche de front
avec l'histoire de la civilisation : mêmes phases pour
l'une et pour l'autre, même grandeur et mème affais-
sement, même progrès et même décadence. Comme à
l'antique forum, n'est-ce pas au palais moderne que
s'agitent les idées, se révèlent les mœurs, se manifes-
tent les besoins, se discutent les lois et les institutions
de chaque époque? La voix de ses orateurs est un écho.
Et s'il est vrai que la littérature soit l'expression fidèle
d'un siècle et d’une société, on peut en dire tout autant
des luttes judiciaires, aussi variées que les intérêts,
aussi tumultueuses que les passions du temps, miroir
des humaines faiblesses, contre-coup des événements
extérieurs, reflet des dissensions publiques.
Ne soyons donc pas surpris de trouver l'éloquence
judiciaire magnifique et grandiose à Athènes et à Rome,
avec Démosthènes et Cicéron, aux temps d'Alexandre
et de César; bientôt après, déclamatoire et sophistique,
à l'époque de la décomposition du colosse romain ;
muelte et absente, dans ces siècles de transition où
l'humanité et la civilisatisn semblent attendre que l'a-
venir ait recueilli les germes féconds semés par le
christianisme pour la gloire et le bonheur de l'univers.
Plus tard, elle reparaltra rajeunie et renouvelée, mais
830
toujours asservie à l'esprit du temps et à l'influence des
époques ; majestueuse, calme et ornée, avec Lemaitre
et Patru, sous le règne de Louis XIV; vive, mordante
et acérée comme un pamphlet, avec Beaumarchais,
dans ce XVIIE siècle que domine Voltaire.
Mais ce n’est pas seulement l'influence des époques
et la marche de la civilisation qui modifieront l'élo-
quence judiciaire, c'est aussi, et dans tous les temps,
la diversité et la nature des causes.
Lorsqu'on étudie l'éloquence chez les anciens, on est
peut-être trop enclin à n'entendre que Démosthènes et
que Cicéron, et à n'entendre ces orateurs divins que
dans quelques-unes de ces oraisons immortelles aux
grands jours desquelles un peuple entier, juge dans sa
propre cause, était appelé, sur la place publique, à
régler le sort des nations. « Quand l'orateur, dit Tacite,
» debout devant le tribunal de pierre, apercevait tout
» un peuple d'auditeurs; lorsqu'une multitude de clients,
» les tribus, les députations des municipes et une par-
» tie de Fltalie, venaient soutenir les accusés en péril,
» eùt-il eu le cœur le plus froid, l'enthousiasme de cet
» auditoire passionné aurait suffi pour enflammer son
» génie. » — Mais cette éloquence, c'était l'éloquence
politique réunie à l'éloquence judiciaire; cet orateur,
ce n'était pas seulement un avocat, c'était aussi un
homme d'État, un tribun : le barreau, vous l'avez re-
marqué vous-même, se confondait avec la tribune.
Ce ne sera donc pas avec le barreau du XVI siècle
qu'il sera juste de comparer les orateurs d'Athènes et
de Rome, dans ces grandes audiences de l'éloquence
831
antique. Comparons-les plutôt à ceux qu'ont enfantés
nos luttes politiques, de 41789 jusqu'à nos jours; et
au souvenir de leur gloire, notre admiration pour l'an-
tiquité trouvera encore des couronnes à décerner comme
« prix de l’éloquence et du génie. »
Quittant à regret l'agora d'Athènes et le forum ro-
main, vous avez traversé d'un pas rapide et sûr la
longue époque de formation pendant laquelle, de Char-
lemagne à Louis XIV, au milieu des luttes de la royauté,
bouillonnent, comme l’airain dans la fournaise, tous
les éléments de la civilisation moderne. Historien fi-
dèle du barreau, vous nous l'avez montré retrouvant
ses titres dans les ordonnances de saint Louis, et sa
fonction, sous Philippe-le-Bel, comme auxiliaire de
son Parlement. Mais, dans ce barreau renaissant , vous
n'avez plus rencontré que de doctes avocats; d'ora-
teurs, point; et, critique un peu gâàté par la contem-
plation du génie antique, vous avez dépeint l'éloquence
«fuyant épouvantée devant un immense et ridicule
» débordement d'érudition. »
Ce n'était cependant, du XII au XVIF siècle, ni
l'importance des causes ni la grandeur des sujets qui
ont manqué aux orateurs; car l’éloquence judiciaire
s'y trouva mêlée aux plus grands événements de l'his-
toire : sans reparler des noms trop oubliés que vous
avez justement rappelés, c'est Guillaume de Nogaret,
défendant la royauté contre les excommunications de
Boniface VIIT; c'est Jean de Rivière, représentant la
France et réclamant les libertés de son église au con-
cile de Constance; c'est Cujas, restaurant la science
832
des Paul et des Papinien, et popularisant, à force de
gloire, l'austérité du jurisconsulte!
Si rien ne reste, pour l'art oratoire, de ces fortes in-
dividulités; si ce premier àge du barreau français n’a
laissé, dans l'histoire de l'éloquence, d’autres souvenirs
que celui de son inexpérience et de ses défauts, c'est
que, trop amoureux de l'antiquité qui venait de sortir
de son tombeau dans sa jeunesse éternelle et son inal-
térable beauté, il à porté son culte pour elle jusqu'au
fanatisme, et s'est absorbé dans une trop servile adora-
tion. C'est qu'aussi il a manqué aux orateurs de cette
époque l'instrument de toute littérature durable, de
toute éloquence souveraine : un idiôme bien arrêté, une
langue arrivée à sa perfection ; la langue, cette forme
conservatrice de l'idée, et lui donnant son cours et
sa durée, ce coin impérissable qui imprime à la plus
précieuse matière une valeur plus précieuse encore,
cette taille du diamant à laquelle il doit son plus vif
éclat.
Aussi, voyez combien le barreau aura de prestige,
combien il saura exercer d'empire, lorsque des orateurs
éminents se rencontreront avec Pascal et Bossuet, ou
suivront ces immortels fondateurs de la langue fran-
çaise; lorsque Pélisson, Arnault, Terrasson, Cochin,
au barreau, et, sur les fleurs de lis, Talon, Dagues-
seau, Servan, feront entendre un langage aussi pur
qu'élevé; comme, dans la féconde succession de tous
ces grands esprits, la langue, désormais invariable,
viendra merveilleusement en aide à la gloire des lettres
et au pouvoir de l'éloquence !
-
833
Ce pouvoir, ce magique ascendant d'une parole élo-
quente, vous l'avez surtout retrouvé, au XVIIT: siècle,
dans Gerbier, que ses contemporains avaient appelé
l'aigle du barreau, qui, l'un des premiers, y intro-
duisit l'usage de l'improvisation ; il subit aujourd'hui le
sort réservé aux orateurs qui n’ont pas écrit; il faut
l'admirer sur le témoignage de son siècle, de confiance
et par tradition.
Au souvenir de l'illustre Gerbier, se rattache un fait
peu connu, qu'un auditoire bordelais me pardonnera
de rapporter ici, car il intéresse la gloire de notre bar-
reau et l'histoire de l'éloquence judiciaire.
Gerbier, fatigué du travail et de la célébrité, rebuté
surtout par d'indignes inimitiés, chercha en France
celui qui lui parut le plus digne d’être son successeur,
et le trouva à Bordeaux. Le jeune avocat de la Gironde
se défendit d'abord et longtemps de ce périlleux hon-
neur. — « La haine de quelques ennemis, écrivait-il
» à Gerbier, vous a poursuivi; ne pouvant flétrir votre
» gloire, elle a tenté d'empoisonner au moins votre
» repos... J'en ai gémi pour notre misérable huma-
» nité. Trente années de la plus illustre carrière ne
» mettent donc pas toujours à couvert de la calom-
» nie! Un citoyen qui a vécu glorieux n’est donc pas
» sûr de mourir tranquille! C'est cet exemple effrayant
» qui, malgré le désir si flatteur pour moi que vous me
» témoignez, me fortifie dans le dessein où j'étais de
» continuer à vivre dans ma patrie. Vous m'avez ap-
» pris que, sur de grands théâtres, on n'éprouvait
» que de grands orages; n'ayant pas vos ressources
83/4
» pour les surmonter, j'ai eu la sagesse de vouloir m'en
» mettre à l'abri. J'aime mieux être utile avec moins
» d'éclat, mais aussi avec moins de dangers. »
Et Gerbier insistait, lui disant : « Pourquoi renon-
» cer à un aussi beau théâtre avec tant de talent? Je
» n'approuve point que vous ayez peur d'avoir mon
» sort. Je n’aspire plus qu'à trouver, dans une entière
» retraite, le repos que je crois avoir mérité. Vous,
» Monsieur, qui ne faites que commencer votre car-
» rière, vous devez la voir avec d'autres yeux! Je puis
» encore vous y aider. J'ai même dans ce moment une
» très-belle et très-grande cause qui devait être ma
» dernière, et que je tàcherai de vous procurer. »
Hélas! la plus grande des causes et le plus infortuné
des clients devaient bientôt illustrer la carrière du jeune
orateur adopté par Gerbier. L'éclat et le danger, qu'il
voulait fuir, l'attendaient; il allait éprouver, sur le
plus grand des théâtres, les plus redoutables orages.
Il suffira de le nommer pour faire rayonner sur son front
respecté la triple auréole de la fidélité, de lhéroïsme et
de l'éloquence. C'était celui qui, cherchant pour son
roi des juges, ne rencontra que des accusateurs : c'é-
tait Romain Desèze!
Époque néfaste! tourmente fatale qui révéla, en les
engloutissant, tant de trésors d'éloquence enfouis jus-
que-là dans l'obscurité des causes privées et des pré-
toires de la province! Luttes désastreuses qui ont im-
mortalisé le nom de la Gironde! Comme vous, Mon-
sieur, je ne m'arrêterai pas à ces temps de douloureuse
mémoire; mais nous saluerons pieusement ensemble
835
ceux dont la gloire et la mort, — vous l'avez dit avec
raison, — ont expié les fautes et les erreurs.
Et maintenant, Monsieur, laissez-moi vous adresser
un reproche : Pourquoi, arrivé, dans votre marche ra-
pide, au XIX° siècle, vous êtes-vous bien à tort défié
de l'attention de l'auditoire, si vivement excitée par
l'aurait de votre parole et la beauté de votre sujet; et
pourquoi ne nous avez-vous pas entretenu plus long-
temps de ces orateurs excellents, l’orgueil de notre cité
et de notre barreau, entre les mains desquels lélo-
quence judiciaire avait déposé ses dons les plus rares,
ses ressources les plus variées? Sans doute, les noms
seuls des Ravez, des Lainé, des Ferrère, des Marti-
gnac, des Saget , nous rappellent des souvenirs sacrés,
et leur mémoire vénérée nous dispense de tout éloge.
Mais nous aimons à étudier ces beaux modèles, et notre
admiration est infatigable dans la contemplation de ces
grandes et nobles figures, pures images du talent uni
à la vertu.
Aussi, ne résisterai-je pas au désir de rappeler ici de
lun de nos maitres, du bon et sublime Ferrère, un
trait, une parole, où se résument bien et la hauteur de
son éloquence et l'excellence de son cœur.
Un de ses plus savants confrères, trop sensible aux
émotions de la Intte, avait brisé une amitié scellée par
l'estime et entretenue jusque-là par les rencontres mê-
mes de leur glorieuse rivalité. L'âme aimante de Fer-
rère en avait profondément souffert, et il s'écriait en
lui répliquant : « Faibles et passagers que nous som-
» mes! nous mélons nos passions à ces débats vulgai-
836
» res, nous luttons avec acharnement dans cette étroite
» enceinte, et, du haut de l'immortelle tribune, les
» dieux de l'éloquence, ayant le peuple-roi pour juge
» et le ciel pour abri, se disputaient les palmes du
» génie, et vivaient unis! »
A cette voix si touchante de la confraternité, em-
pruntant à l'éloquence ses plus sublimes accents, qui
ne répéterait avec Vauvenargues : « Les grandes pen-
» sées viennent du cœur! »
Le barreau serait-il condamné désormais à réprimer
les élans que le cœur inspire? L’orateur devra-t-il s'ef-
facer et se taire devant l'homme d'affaires, seul écouté
dans un pays et à une époque difliciles à émouvoir?
Est-il bien vrai que l'éloquence judiciaire soit destinée,
dans un prochain avenir, à périr de sécheresse et de
maigreur? Je ne puis le croire; et je vous demande la
permission, Monsieur, de réclamer contre le découra-
gement de vos prévisions.
Oui, notre siècle est exact et positif, et, suivant
votre spirituelle expression, il ne voyage plus que
pour arriver... au risque même de ne pas arriver
toujours. Les tribunaux aiment à leur barre les dis-
eussions nettes et rapides ; ils tiennent plus à la prompte
expédition des affaires qu'aux triomphes de l'art ora-
toire. L'avocat plaide pour ses clients et non pour lui;
il doit songer à l'intérêt de sa cause, et non pas au soin
de sa renommée. De nos jours plus que jamais, les
questions simples doivent être débattues simplement.
Mais, dans cette simplicité des causes vulgaires, au
milieu de cette prompte distribution de la justice, la
837
nudité même de la parole, dégagée de vains ornements,
ne découvre-t-elle pas mieux sa souplesse et sa vigueur?
La dialectique serrée, vive, ardente, n'a-t-elle pas
aussi son éloquence? À vous moins qu'à tout autre,
Monsieur, il serait permis de le contester.
Et puis, notre siècle n'a-t-il pas vu de grandes cau-
ses et de solennelles audiences? Un champ vaste et
fécond ne s'est-il pas souvent ouvert pour l'orateur?
D'émouvantes questions d'état, de sombres drames, de
hautes difficultés de droit public, n’ont-ils pas été pour
le barreau moderne l’occasion de mémorables succès,
glorieusement inscrits dans les annales de l'éloquence
judiciaire? Je veux imiter votre réserve, j'éviterai de
faire l'éloge des vivants, toujours voisin de la flatterie,
et je ne citerai qu'un exemple : Rappelons-nous cette
voix pure et touchante qui s'éleva au moment où lo-
rage furieux grondait autour du Luxembourg, le der-
nier plaidoyer de notre Martignac, ce chant du cygne
dans la tempête! et n’accordons pas au forum antique le
privilége exclusif de l'éloquence et le monopole des fortes
émotions.
Comment redouterions-nous l'avenir? Ne nous avez-
vous pas montré, dans un brillant tableau, que l'insti-
tution toute moderne du ministère publie avait créé un
genre inconnu de l'antiquité et engendré une nouvelle
phalange d'orateurs. Sans examiner avec vous si l'élo-
quence judiciaire a réservé pour eux ses plus magnili-
ques accents, reconnaissons du moins qu'eux aussi
l'empêcheront de périr.
Un mot encore, et je laisserai à la poésie le soin,
54
538
facile pour elle, de captiver quelques instants encore
l'attention de ce bienveillant auditoire.
Le talent de la parole et la science des affaires, cette
double condition de l’orateur complet, ne lui suffisent
pas pour remplir sa mission. L'éloquence judiciaire est
le don précieux de convaincre le juge, et ce don n'ap-
partiendra jamais qu'à l’orateur auquel la magistrature
et l'opinion publique auront décerné le titre d'homme
de bien, — Vir probus.
A celui-là seul l'autorité de la parole, à celui-là seul
la confiance des magistrats et le secret de les persua-
der! L'éloquence politique a pu quelquefois, dans
l'emportement des révolutions, s'affranchir de cette
condition absolue du succès au barreau; léloquence
judiciaire imposera toujours à ses représentants, Jusque
dans leur vie privée, les devoirs les plus rigoureux.
Comprendrait-on Mirabeau plaidant un procès de sé-
paration de corps au nom des sentiments de la famille,
au nom de la morale outragée? L'incomparable orateur
de la Constituante eùt été impossible comme avocat;
car l'avocat doit pouvoir se rappeler dans le calme de
sa conscience, et redire le front haut, ces belles paro-
les de d’Aguesseau : « La prospérité n’ajoute rien au
» bonheur de votre profession, parce qu'elle n'ajoute
» rien à son mérite; l'adversité ne lui ôte rien, parce
» qu'elle lui laisse toute sa vertu. Tous vos jours sont
» marqués par les services que vous rendez à la so-
» ciété; toutes vos occupations sont des exercices de
» droiture et de probité, de justice et de religion. La
» patrie ne perd aucun de moments de votre vie; elle
839
» profite même de votre loisir, et elle jouit des fruits
» de votre repos... Parvenus à cette élévation qui, dans
» l'ordre du mérite, ne voit rien au-dessus d'elle, il ne
» vous reste plus, pour ajouter un dernier caractère à
» votre indépendance, que d'en rendre hommage à la
» vertu, de qui vous l'avez reçue. »
Juste et touchant hommage rendu au barreau fran-
çais par un grand magistrat! Tel est, en effet, l'avo-
cat digne de ce nom, fidèle gardien des traditions de
son ordre, héritier non dégénéré de ses ancêtres pro-
fessionnels. Toutes les fois que la pureté des mœurs et
l'élévation du caractère se trouveront réunis en lui à
la science des affaires et aux généreuses inspirations
du cœur, il y aura place encore, eroyons-le bien,
malgré le positivisme de l'époque, pour l'éloquence ju-
diciaire. Non, elle ne périra pas de maigreur, faute
d'espace et d'air; elle vivra et saura régner encore,
simple et forte, moins ornée, mais plus agile et plus
vigoureuse, proportionnée aux sujets, variée comme
eux, élevée ou ardente à propos, toujours écoutée lors-
qu'elle aura pour compagnes et pour cautions la science
et la vertu. — Les hommes tels que vous, Monsieur,
se chargent d’en conserver le précieux dépôt et d'en per-
pétuer les nobles traditions.
M. de Gères termine la séance par la lecture
d'une pièce de vers ayant pour litre :
840
Sur la Folie.
La terre est pleine de fous. (Erasme.)
Les plus fous sont ceux qui crient le plus contre
la folie. ( Cicénox. )
TER Mais parmi les plus fous,
Notre espèce excella. (La FONTAINE. )
LB
Oo
Tous les hommes sont fous, — y compris les poêtes, —
Tous les hommes sont fous, c’est ma conviction.
L'épouse d'Uranus, la reine des planètes,
À tristement changé de destination.
Le paradis perdu qu’à vingt ans nous révämes
N'est qu'un grand hôpital où nous nous traitons tous;
Je me sens trop discret pour rien dire. des femmes,
Mais, entre vous et moi, tous les hommes sont fous.
C’est là, je le confesse, une humble destinée.
A l'arrêt général la masse fait appel.
Souvent la vérité d’un paradoxe est née;
De la chair qui s’effraie approchons le scalpel.
Chacun de nous connaît et subit sa folie,
Les plus adroits sont ceux qui la cachent le mieux.
841
Quand cet aveugle orgueil dont notre àme est remplie,
Au grand jour du bon sens veut bien ouvrir les yeux,
Il faut, de bonne foi, qu'il tombe et s’humilie ;
L’augure n’y tient plus et perd son sérieux.
Tous les fous, grâce au ciel, ne sont pas à Bicêtre,
Et les plus fous sont ceux qui ne pensent point l'être.
Chacun croit sa raison bien saine, Dieu merci!
On se flatte, on s’abuse, et sans cela peut-être,
Ni vous, ni moi surtout, ne resterions ici.
Si l’habit ne fait pas le moine, je présume
Qu'on doit, pour bien juger, découdre l’oripeau :
La sagesse des gens n’est pas dans leur costume,
Et le feu sous la cendre a plus d’un trou qui fume.
Se coiffer d’un turban, d’un fez ou d’un chapeau,
Se vêtir de haïllons ou geler dans sa peau,
Pour saluer l'ami qui gaiment vous arrûte ,
Lui présenter le nez, la main droite, ou la tête,
Être blanc comme un cygne ou noir comme un corbeau,
Beau comme Antinoüs, laid comme Mirabeau,
Varier de langage en variant de pôles,
Et, suivant le zénith sous lequel on est né,
Étourdir l'air de cris, de sons ou de paroles ,
Rien n’y fait, dans le sang le vice est incarné.
On peul diversement se partager les rôles ,
Le mal n’en est pas moins au cœur enraciné.
C'est en dedans surtout qu'est la pire folie,
L'art est de pénétrer chez l'homme intérieur.
Mais le vieux temple usé qui se lézarde et plie
Sait tromper les passants, dont le regard s'oublie
Aux badigeons menteurs du mur extérieur.
842
La folle du logis, qui jamais ne s’absente,
Fermant à double tour la sagesse impuissante,
Fait agir à son gré les gens de la maison,
Rien n’a lieu sans son ordre ou sans qu’elle y consente;
Elle règne et gouverne, Érasme a bien raison.
IL.
Ab! c’est un triste sort qu’a l’humaine nature!
La terre n'a point eu le plus brillant fleuron,
Le Créateur n'a pas flatté sa créature.
Il faut dans un désert errer à l'aventure,
Ronger le frein qui pèse et sentir l’éperon.
Dès qu’un souffle vivant s'empare de notre être,
Un duel s'établit dont nous sommes l'enjeu.
Les deux camps ennemis commencent à paraitre,
Et, mesurant les coups, croisent déjà leur feu
Sur les rideaux craintifs de l'enfant qui va naître.
La lutte est acharnée, et ce n’est point un jeu :
« Moi, qui viens du Très-Haut, — dit l’un des deux génies, —
» Je donne la sagesse avec ses harmonies,
» La bonté, la candeur, l'innocence, la foi,
» La charité, l'amour. » — « Attends, dit l’autre ; — moi,
» Je donne la folie avec ses tyrannies,
» L'orgueil, l’impiété, la haine de la loi,
» Toutes les passions et leurs ignominies. — »
—(« Mais, — reprend le premier, — nàvré d’untriste effroi, —
» Je tourne contre vous vos plus mortelles armes,
» Je récolte la vie où vous semez la mort,
543
» Je sais puiser la joie où vous versez les larmes,
) L’athlète qui combat n'en devient que plus fort.
» Je dirige avec fruit ces passions ardentes,
» L’ardeur devient le zèle, et la soif du bonheur
» Mène insensiblement aux sources abondantes... »
— Le second dit : « Tombez! promesses imprudentes,
» Le découragement , le doute, avant-coureur
» Du désespoir glacé qui flétrit la victime,
» Viendront ; je les tiens prêts avec le déshonneur. »
— » Vous êtes là, Seigneur, votre droite sublime
» Pesant dans sa justice, au grand livre écrira!
— «Je veillerai du ciel! » — « Je veille de l’abime. » —
Ainsi, de son côté, chacun nous tirera ;
Va maintenant, pauvre àme, à qui l'emportera!
Dieu permet trop souvent que son ange succombe,
Le meilleur combattant n'est pas le plus heureux.
Le pied glisse aux plus forts, et leur courage tombe,
Très peu se tiennent droit sur un sol dangereux.
Un sage est pièce rare, et les fous sont nombreux.
Le plus adroit nageur est celui qui refoule,
Mais c’est une bravade , une témérité ;
Il est plus sûr d'aller avec le flot qui coule.
Laissons donc, un moment, les sages de côté :
Dans le courant immense où lout est emporté,
Entrons ; parler des fous, c'est parler de la foule,
Médire de soi-même et de l'humanité.
S44
[LUE
Deux êtres sont en nous bien distincts de nature :
L'un se moque de l’autre et rit de tout son cœur ;
Mais l’autre se rengorge au nez de son moqueur,
Et, se prenant lui-même à sa propre imposture,
Arbore insolemment un sourire vainqueur.
L'un, comme Triboulet, pouffant au fond du verre,
Suivant sa majesté, — qui va faire un faux pas, —
Prend le pan de sa robe, et collé sur ses pas,
Fait d'un joyeux lazzi tomber cet air sévère,
Ce front officiel que le peuple révère,
Et qu'ont toujours les rois qui ne s’amusent pas.
L'autre arrange à huis-clos sa physionomie,
Apprend son petit rôle, et drapant avec art
Un mérite augmenté d’un peu de bonhomie,
Accepte un bon fauteuil dans une Académie,
Et s’honore en secret comme un génie à part.
Quelquefois, — rarement ! — sa majesté lassée,
Trouvant le métier long, remet le masque au clou,
Et, dépouillant enfin l'étiquette glacée,
Dans une belle humeur tend les mains à son fou,
Pour reposer à deux la contrainte passée.
Ah ! ces jours-là, c’est fête, au logis; — franchement,
Maîtres et serviteurs passent un bon moment ,
Bonnets sur les moulins dansent la ritournelle ,
Le roi sourit, Platon devient Polichinelle.
Chacun se dit son fait, sans pitié ! — seulement,
845
Le public n'entend rien de ce duo charmant.
Hélas ! les meilleurs jours s’en vont comme les roses ,
Les rats, au moindre bruit, s’esquivent du festin ,
I faut se réveiller dans les soucis moroses,
Et reprendre son bât sous le double destin.
Arlequin, bouche pleine, et nouant sa cravate,
Sous le frac boutonné prompt à glisser sa batte ,
Au parterre béant déguise ses apprêts.
Le rideau se relève et les acteurs sont prêts.
Épicure , Messieurs, va jouer les Socrate.
Les auditeurs charmés prennent la pièce au mot.
On entendrait voler des mouches, rien ne bouge :
La farine est encore aux lèvres de Pierrot,
Le fard altère un peu les hivers de Margot,
Mais le public berné ne voit ni blanc, ni rouge,
Et personne n’entend les rires du grelot.
Cependant, la coulisse est reine en perfidie ,
Et le décor qui brille a de vilains dessous.
C’est éternellement que cette comédie
Avec un plein succès se joue aux yeux de tous;
Et pourtant, et pourtant tous les acteurs sont fous !
AE
Hogarth ! Holbein ! Callot ! peintres si vrais qu'inspire
Le plus triste côté des mortelles douleurs,
Vous qui feriez pleurer si vous ne faisiez rire,
Ce que vous avez peint, donnez-moi de l'écrire ,
Je veux tremper ma plume à vos franches couleurs !
846
L'austère vérité fut votre seul modèle.
Votre palette, aidant votre esprit convaincu,
À la réalité savait rester fidèle ,
Et, regardant à froid dans l'Enfer entrevu,
Vous avez fait sans peur ce que vous avez vu.
Qui n’a pàli devant cette toile effrayante
Ouvrant au spectateur, comme un nid de hibous,
Le lugubre préau d’une maison de fous ?
L'un vous tend tristement une main suppliante.
L'autre, d’un poing fermé vous promet le courroux. .
Celui-ci, l'air niais et le visage doux,
Épanouit en cœur sa lèvre souriante.
Celui-là met des gants et prend un éventail.
Cet autre, tout pensif, plongé dans quelque rêve,
Les poings sous son menton, comme Hoffmann en travail,
Recommence sans fin le calcul qu'il achève.
L'un s’arme d'un vieux casque, et la main sur son glaive,
Se campe fièrement en travers du ventail.
L'autre, mourant de peur, et croyant voir un spectre,
Retient en frissonnant ses doigts contre ses yeux.
Il en est un plus long, plus droit, plus sérieux,
Qui porte avec grandeur la couronne et le sceptre,
La cour prend en pitié ce pauvre glorieux ;
On le siffle, on se moque, on boude, on prend les armes,
On chante, on bâille, on est stupide ou furieux,
On rit à s’étouffer, on pleure à chaudes larmes ;
Un seul, fuyant l’enfer de ces affreux vacarmes,
A genoux dans un coin demande grâce aux cieux. |
Un seul, le front plaqué sur l'étroite fenêtre,
Bat d’un air résigné la vitre avec ses doigts ;
Mais tous sont convaincus, chacun prend à la lettre,
Son rang, sa dignité, sa valeur et ses droits.
847
Rois, princes, généraux, législateurs, artistes,
Peintres, musiciens, banquiers et magistrats,
Politiques, penseurs, poëles, utopistes,
Cœurs honnêtes, pieux, fourbes et scélérats,
Tous sont vrais dans leur rôle... et n’en sont que plus tristes !
Eh bien! quelque hideux que soit ce noir tableau,
Celui que l’on peut voir exposé dans le monde
Pour être plus commun, n'en reste pas plus beau ;
Et ne diffère, au fond, que d’un coup de pinceau.
Deux couleurs sont en plus : d’abord la jalousie,
Serpent intérieur qui prend l’homme au berceau;
L’envie au teint de plomb; — et puis l'hypocrisie
Qui vient baisser la toile et souffler le flambeau.
V;
Si l’on jette un coup d'œil sur le pavé des villes,
Que voit-on ?.. Des yeux creux, des fronts préoccupés,
Des traits pàlis, hagards, et des esprits frappés,
Qui vont, libres forçats de leurs rêves serviles,
Demander la revanche à des calculs trompés.
Chacun, flot d’une houle incessamment accrue,
S’essouffle à ressaisir le songe qu’il poursuit,
Haletant, marchant vite, et craignant que la nuit
Qui mord déjà le jour dans les bas fonds de rue,
Ne le surprenne, avant sa tâche parcourue.
Or, le grand but, d'abord, et le plus exigeant,
Qui de tous ces pantins fait mouvoir les ficelles,
Attèle au même joug le riche et l'indigent,
848
Éblouit les badauds par des flots d’étincelles.
Le tyran le plus fort, le plus vil, c’est l'argent.
Voilà le Dieu suprême, et la grande folie.
L'argent est tout, peut tout, c’est l'esprit, c'est l'honneur,
C'est le mérite ! — Enfin, préjugé suborneur!
La morale publique à ce point s’humilie
De penser que lui seul a la clé du bonheur.
Quand le cœur est rouillé, c’est lui qui le redore.
Tous les écus sonnants sont de bonne maison.
L’acier faisait le preux, l'argent fait le blason.
Mais ce n’en est pas moins la boite de Pandore,
Le vieux monstre de Crète, et l’ogre qui dévore
Le repos, la santé , la vie et la raison.
Passons : un tel sujet absorberait ma plume,
L'hydre a plus d’une tête, et cette passion
Pour son portrait hideux voudrait plus d’un volume.
Un autre ver nous ronge, et c’est l'ambition.
Voyez dans tous les rangs sa fièvre qui s'allume,
A son culte récent un grand peuple est soumis.
Celle-là vient aussi des froids marais de Lerne,
Elle est sans cœur, sans foi, ne connaît pas d'amis,
Parjure effrontément les vieux serments promis,
Va, marche, court sans trève, et, juif errant moderne ,
Remet toujours sa voile au vent qui la gouverne.
Voilà le mal qui ride et qui rend soucieux.
La conscience en meurt; le jeune ambitieux,
Pour arriver plus vite aux grandeurs qu’il espère,
Passerait sans pitié sur le corps de son père.
Il faut réaliser ce que l’orgueil promet,
Monter, monter quand même, et s'asseoir au sommet.
On cache les moyens sous une fin prospère,
Ce que l'honneur défend , le Code le permet.
849
Folie ! Et pour quel prix s’agiter de la sorte?
Tous les publies — ( hormis celui qui me supporte), —
Tous les publics sont faits de trois classes de gens :
L'un voit dans vos succès la faveur qui vous porte
Cherche un joint de cuirasse, et rit à vos dépens.
L'autre haït un rival; — les plus intelligents
S'inquiètent fort peu de ce qui vous transporte;
Et votre gloire entend aboyer à sa porte
Les niais, les jaloux et les indifférents.
Ainsi, le ver mortel gît au cœur de la pomme.
Puis la fatalité, qui s’acharne à vos pas;
Car il faut bien aussi le reconnaître, en somme!
Le hasard met la main dans les œuvres de l’homme,
La vie est un projet... qu’on n'exécute pas!
L'ambition n’est donc que la folie extrême
Des esprits fourvoyés, des cœurs aventureux.
Mais le dégoût de soi monte au faite suprême,
On ne trompe, pas plus que les autres, soi-même,
On devient grand, puissant; — mais on n’est pas heureux.
Ah ! chimère d’orgueil qu’on se tue à poursuivre !
Une louange vaine en regrets superflus,
( Qu'on vous marchanderait si vous deviez revivre),
Un nom sur du papier, un profil sur du cuivre.
Voilà tout ce qu’on donne aux grands qui ne sont plus !
La troisième démence est l'amour. — Qu'il me garde,
Ce petit Dieu rusé, qui, malgré son bandeau,
Triche, et voit par un coin celui qui le regarde,
De lever, indiscret, un bout de son rideau !
850
Est-il une folie, après tout? — Vaste thème !
Cela dépend un peu de l’objet que l’on aime,
Des périls qu’on affronte à ce pas dangereux,
Du vent, de la saison, et de l’âge lui-même.
A vingt ans on dit plus, à trente ans on sait mieux,
À quarante .. ma foi, c’est un sujet scabreux ;
Je ne suis pas de force à bâtir un système,
Et donne la parole aux bavards amoureux.
Il s’en trouve toujours quelques-uns.
Dans la lice
Arrive enfin sans bruit la chagrine avarice.
Elle couronne l’œuvre, et de ses doigts erochus
Ferme et garde en tremblant le fragile édifice.
Tout âge de la vie a sa part du calice,
Et chaque jour en prend les lots qui sont échus.
C’est en vain que le fou vieillit et se déplace,
La robe de Nessus le suit dans le trajet,
Le feu qu'il voit brüler ne change point de place :
Il est dans l'objectif, et non pas dans l’objet.
VI.
La Folie est Protée, et sous un masque habile,
D'après le vent qui souffle adroitement changé,
Recompose en tournant sa figure mobile.
Elle est vice, défaut, travers ou préjugé.
Elle est indifférence ou torpeur, égoisme,
Orgueil, illusion, luxe, fatuité,
Frayeur déraisonnable, imprudence, héroïsme,
Plaisir, intempérance, ivresse, volupté,
Hypocrisie, amour de popularité,
351
Sot besoin de parler, de briller, de paraître
Ce qu'on n'est pas surtout, et ce qu'on ne peut être,
Mensonges, vains espoirs, voyages, — guerre, enfin,
Cette folie en grand qui coûte tant de larmes ,
Et, pour un faux honneur, mal jugé par les armes,
Laisse aux fous qui la font la ruine et la faim.
Tout comme leurs sujets, les nations sont folles,
Leur antique démence a d'étranges accès.
Plus d’une, s’'embarquant sur des griefs frivoles,
Fait fouetter Amphitrite avec l'or de Xercès.
Loin de moi le désir d’instruire leur procès,
Je ne mettrai point d'encre aux fleurs des Capitoles.
Je n’en dirai qu’un mot : — ce n’est pas un excès.
La poésie a tort de parler politique.
Le Czar, qui se morfond dans sa noire Baltique,
Dans son monde perdu se trouvant à l’étroit,
Voudrait de l'Hellespont reculer le détroit.
Ce pape d'Orient, qu'un faux zèle transporte,
Tout grelottant du spleen de son ciel désolé,
De l'Occident plus gai voudrait forcer la porte :
La Porte, avec raison, se bai pour une clé,
Et le plus clair de tout, — c’est qu’on n’a pas de blé.
Mais le respect humain, qui sourdement conspire,
Ainsi que d’un mortel s'empare d’un empire ;
La guerre se faisait, se fait et se fera.
Dans les peuples rivaux la vanité respire,
L'amour de la fumée existe, et durera.
Toute folie, hélas! ridicule ou sublime,
Vieille comme Saturne, en est à son printemps.
Le monde est un malade incurable; — en tout temps
852
La satire a brisé ses dents sur cette lime.
L'esprit publie, tyran qui lui-même s’opprime ,
Est un enfant gâté qui n’a pas de Mentor.
Non, l’humaine raison, sujette aux folles crises ,
Ne se fait pas majeure, et retient son essor.
L'homme ne change pas, et toutes les sottises
Qu'il a faites jadis , il les ferait encor.
Son limon est pétri des mêmes convoitises.
Les preuves en sont là, courant les grands chemins.
Nous nous récrions fort contre ces durs Romains
Qui d’un sang plébéien arrosaient leurs arènes ;
Nous détournons les yeux, nous sommes plus humains,
Et nous ne jetons pas d'esclaves aux murènes.
Mais nous allons, Français, applaudir à deux mains,
Malgré la loi Grammont, tvmbée en léthargie ,
Un autre jeu barbare où la mort est acteur ;
Un élégant boucher qui tue avec lenteur,
Nous accoutume au meurtre, et nous dresse à l’orgie!
C’est un grand pas de fait, qu’une lice rougie,
Et le Tauréador mène au Gladiateur.
L'Hippodrome, du Cirque est moins loin qu'on ne pense.
Cet exemple à propos, de bien d’autres dispense.
J'en passe, et des meilleurs, — partant des plus bouffons;
Car la folie est femme, et fait grande dépense ;
Toute femme incomplète adore les chiffons.
Elles seules, pourtant, qu'on obéit, qu’on aime,
De la sagesse en deuil pourraient sécher les pleurs;
Notre raison dépend de leur bon goût suprême :
Les hommes font les lois; les femmes font les mœurs.
853
VIE.
Parmi tant d’insensés, les plus fous — sont les sages.
Autrefois, la folie était gaie; aujourd’hui,
Elle est grave, pédante, et vient entre deux âges
Épouser froidement le sérieux ennui.
Un tel met la sourdine à de jeunes sornettes,
Se tond, passe l'éponge, et de ses mains bien nettes
Caresse un air capable, un jabot de rentier.
Mais ce n’est pas le tout que d’avoir des lunettes,
Le diable n'y perd pas un tour de son métier ;
On sait qu'il rit encore au fond du bénitier.
Un tel, l'esprit noyé dans l'âme de la terre,
Du cordon arômal tenant le bout en main,
De la chaste Phœæbé trahit le vieux mystère,
Et, confident du Dieu dont il est secrétaire ,
Prétend, tout fou qu'il est, sauver le genre humain.
On l’est pour trop parler, l’est-on moins pour se taire?
En vain l'extérieur se range et se fourbit,
Un fou qui se déguise est trahi d’une lieue :
Comme un singe en toilette est vendu par sa queue,
La marotte toujours passe un pan de l’habit.
La folie est l'abus de notre intelligence,
De tout dire à tout faire il n’est qu’une cloison.
L'esprit mal dirigé mène à la déraison.
Au jugement, séduit par sa folle indulgence,
[2]
oo
L
854
C’est lui qui tend le verre, et fournit le poison.
L'esprit, autre folie ! et qu’un rien défigure !
L'esprit, un beau sujet de vanité, ma foi!
L'esprit n’a de valeur que suivant la figure,
Celui d’un charbonnier n’est pas celui d’un roi,
Un œil qui louche, un nez de travers lui font loi.
Les réputations montent par escalade.
Un mauvais estomac plaisante peu, — Pylade
Ne va pas sans Oreste, et celui qui jeüna
À dû trouver dans l’autre un piètre camarade.
L'esprit dépend beaucoup de la santé qu'on a.
On va, je le crains bien, me croire un peu malade.
Ma muse à l'hôpital peut finir désormais.
Un seul mot imprudent suffit à perdre un homme !
L'esprit, depuis Gilbert, a fui l'Hôtel-Dieu, mais
Je me consolerai par cet autre axiôme
Dont ne m'en voudront pas certains que je connais :
On en a d'autant plus qu’on n’en montre jamais.
VIIL.
Souveraine du monde, universelle mère!
Toi, qui, lui suspendant quelque bout de chimère,
Fais, sans le moindre égard , le tirant par la main,
Danser la sarabande à tout le genre humain,
0 folie éternelle, àme de notre vie,
Beauté des jours heureux, compagne de nos ans,
Quoique l’ingratitude honteusement t’oublie,
Il faut t'aimer quand même. étrange anomalie,
855
Il faut couvrir de fleurs tes autels triomphants!
Si le bonheur existe, il est dans la folie!
C'est parce qu’ils sont fous qu’on aime les enfants.
On augure à souhait de celui qui s'amuse.
La jeunesse”nous plait par un grain de gaité.
Les rires sont le cœur, esprit et la santé;
Tandis que des chagrins la déesse confuse,
Pallas, porte à son cou la tête de Méduse!
Plutarque, Cicéron, Sénèque, et leurs amis,
Rêévaient de l’impossible en vantant la sagesse.
L'histoire aussi nous ment; les sept sages de Grèce
Sur leurs pupitres d’or par leur âge endormis,
Furent fous tous les sept dans leur verte jeunesse.
Quand la folie, hélas! mettant sa tête au trou,
Éteint votre lanterne et dehors vous appelle,
Il faut ouvrir, bien sot qui lui met le verrou;
L'oubli, ce dieu sauveur, peut entrer avec elle!
Heureux qui peut passer, en lui restant fidèle,
Du bonheur qui n’est plus au bonheur d’être fou!
IX.
La folie est partout; où donc est la sagesse?
Pierre philosophale, introuvable vertu
Que filaient en chantant Pénélope et Lucrèce,
Trésor inestimé, sous quel toit brilles-tu ?
Je ne suis point ton hôte, à sévère déesse,
Je ne l'ai point trouvée aux sources du Permesse,
Ma muse à tes côtés n’a jamais combattu.
Pour toi, gravir le Pinde est une rude épreuve,
Pour de nobles assauts tu gardes ta vigueur ;
856
Et c’est ne point t'aimer, j'en donne ici la preuve,
Que de laisser flotter son àme sur le fleuve,
Et d'ouvrir la fenêtre aux oiseaux de son cœur!
Il faut bien l’avouer, que nous autres poëtes,
Ne sommes qu'un vain bruit qui passe sur les têtes ;
Que notre voix éteinte et notre émotion
Ont moins d'éclat durable et de vibration
Dans le vivant concert des éternelles fêtes,
Que le moindre soupir de la création!
Pauvre étoile égarée en une nuit immense,
Notre rayon finit où le soleil commence.
Lorsqu’au jour sans appel des grands étonnements,
Dans les cieux déchirés ouvrant les firmaments,
L'ange, étendant sa voix sur la foule glacée,
Dira le dernier mot des derniers jugements,
Nos triomphes, alors, notre gloire amassée,
Vaudront moins au grand jour qu’une bonne pensée,
Une action du cœur, secrète charité,
Au triomphe éternel à jamais fiancée ,
Qui s’'embellit toujours de sa beauté passée
Et dont l'écho grandit dans l’immortalité !
Mais le fou, dédaigneux du futur diadème,
Sur la vague distraite où sa raison s'endort,
Oublie en les bercant les craintes de son sort.
Car le but souverain, la fin dernière, extrême,
N'est pas l'argent, la gloire, ou l'amour... , c’est la mort!
La mort qui jette l'ancre en abordant au port
Des honneurs, des trésors, et de l'amour suprême!
857
Mais un cadre borné malgré vous s'agrandit.
L’imagination vole , enjambe, bondit,
Devient folle à son tour, et je dois l’interdire.
Chacun supposera, par ce que j'ai pu dire,
Que j'en tais sagement plus que je n’en ai dit.
Des chiffres égarés je néglige les sommes,
Il en est jusqu’à dix que je n’ai pas compté.
Un dernier mot, pourtant, doit bien être ajouté,
Très-court : {la vérité plaît rarement aux hommes ) ;
Sur une autre folie, une autre absurdité,
Un mal de haut parage, — et c’est l'oisiveté.
Le monde est plein de gens qui ne savent que faire.
On pourrait croire, au fond, que leur unique affaire
Est d'empêcher autrui de faire ce qu'il veut.
Au moins, lorsque je ciél est facheux, et qu'il pleut.
On ne sort pas, ou bien l’on prend un parapluie!
Mais un oisif qui tombe, il faut bien qu’on l’essuie.
L'averse est rude et longue, on la prend comme on peut.
Content d’être, et jamais ne voyant qu'il ennuie,
Le flâneur s’éternise et de rien ne s’émeut.
C'est l'homme fort qu'Horace en son ode caresse.
Je ne dis pas de mal de toi, chère paresse ;
Je ne te proscris pas dans mes vers exclusifs :
J'aime les paresseux! mais non pas les oisifs.
Les gens qui ne font rien sont la peste des autres.
Dissipateurs du temps, prodigues abusifs,
Ils perdent leurs loisirs en gaspillant les nôtres.
Parasites bâilleurs suspendus à vos bras,
858
Trainant, comme un boulet, leur sottise ennuvée,
Ils vous lestent du poids de leur marche appuyée,
Ouvrant sans fin, sans but, mot par mot, pas à pas,
Des conversations qui n’en finissent pas.
Frélons jaloux et nuls dont l’alvéole est vide,
Ils vont posant sur tout leur bavardage avide ,
Semant la zizanie entre amis, entre époux,
Brouillons enfarinés d’un intérêt perfide,
Disant à l’un : « Voici ce qu'on a dit de vous. »
A l’autre : « Savez-vous le bruit qui court le monde ?
» On vous accuse, hélas! que faut-il qu’on réponde ?
» J'ai nié; mais la foule a droit à des égards;
» On sait que sur un rien l’opinion se fonde,
» Votre silence étonne et fixe les regards. »
Puis ils courent ailleurs conter leurs maladies,
Leur repas, leur sommeil, leurs songes, leur procès,
Leur chance au lapis vert, et leurs petits succès ;
La chronique locale, avec ses incendies,
Ses noyés, ses voleurs, y passe jusqu'au bout.
Apprenant les derniers ce que l’on sait partout,
Ils content à mi-voix les choses du théâtre,
Et font un grand secret. de la mort d'Henri quatre.
Ainsi, trésor sans prix à tout vent répandu,
Comme l'eau dans la main le jour pleuré s'écoule!
On ne retrouve plus le temps qu'on a perdu;
D'un côté seulement le grand sablier coule.
Le premier dont Ja verve ébaucha ce tableau,
Théophraste, écrivait des rois du caquetage :
« Leur langue dans leur bouche est un poisson dans l’eau. »
Il ne connaissait pas les écureuils en cage.
Ésope aussi dit vrai : « La langue est un fléau. »
Ah ! le silence est d'or, il parle comme un livre.
Que le ciel qui peut tout, vous accorde de vivre
Loin des fous importuns, pesants, oisifs, musards,
Ennuyés, ennuyeux; — surtout, qu'il vous délivre
De ces autres plus fous qu’on nomme les bavards!
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Oo
Mais vraiment, je deviens d’une imprudence extrême ;
La corde que je touche est celle d'un pendu.
L’inconséquence humaine est un grave problème.
J'ai parlé des bavards, que suis-je ici moi-même ?
Je mange à belles dents le doux fruit défendu.
Tandis qu'on vous attend, pendant que chacun grille
De regagner bientôt le foyer de famille,
Les douceurs du ménage — (il faut tout supposer }! —
Sans règle ni raison, sañs crainte d’abuser,
Mon indiscrète muse à son aise babille.
J'ai prêché contre un vice et n’en suis point absous.
Au métier de parleur sucecombant comme un autre,
Je vous ai pris un temps dont vous étiez jaloux ;
J'ai gâté ma soirée en vous gàtant la vôtre...
Vous le voyez donc bien : — tous les hommes sont fous.
Novembre 1853.
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DISCOURS D'OUVERTURE
PRONONCÉ
A LA SÉANCE ANNUELLE DU 12 JANVIER 1854,
PAR M. HENRY BROCHON,
PRÉSIDENT,
MESSIEURS,
Pourquoi faut-il que ce jour de fête pour l'Académie
ait été précédé de si peu par un jour d’aflliction et de
deuil! La mort vient de faire un bien grand vide dans
nos rangs ! Que de regrets et quels souvenirs ! Combien il
avait été touchant, il y a deux années à peine, de voir,
après tant d'orages et tant de vicissitudes, ce vieillard
illustre demander aux lettres de paisibles honneurs et de
douces consolations! Quelle Académie n'eût été glo-
rieuse d’une telle conquête! Dans quelle compagnie,
si élevée qu'elle soit, n'eut pas eu le droit de siéger
l'auteur de l'Histoire des Francs et de la Traduction
8062
de Job! Qui n'eut été honoré d'avoir pour collègue ce-
lui dont le front, toujours haut et fier, était ceint de Ia
triple couronne de l’orateur, du poëte et de l'historien !
Mais détournons nos regards douloureux de cette
tombe à peine fermée, et ne songeons, sil se peut,
qu'aux émotions du concours et qu'aux joies de la ré-
compense.
Messieurs , il faut avoir le courage de vous le dire :
l'année 1853 n’a pas été une année d'abondance; il y
a eu disette de blé, de vin... et de lauréats; presque
partout, même dans la plupart des Mémoires du con-
cours académique , il s'est rencontré un peu d'oïdium.
Ce n'est pas à dire, je m'empresse de le déclarer sérieu-
sement, que des travaux distingués, un Mémoire scien-
tifique en particulier, n'aient été soumis à notre appré-
ciation et n'aient mérité nos suffrages. Mais, avouons-le,
le Concours, dans son ensemble, est inférieur en nom-
bre et en qualité à celui de l'année précédente, si riche
et si brillant.
Aussi, pour satisfaire à nos Statuts, qui autorisent,
qui obligent même le Président à réclamer quelques ins-
tants de votre bienveillante attention, remonterai-je au
passé; et, à l'exemple de plusieurs de mes honorables
prédécesseurs, je rappellerai les titres de l'Académie de
Bordeaux à l'estime publique, en esquissant à grands
traits l'historique de son institution et de ses travaux.
Peut-être ce sujet rétrospectif ne sera-t-il pas dé-
pourvu de quelque actualité.
Vers la fin du XVIT siècle, à cette époque si glo-
rieuse pour les lettres, quelques hommes d'élite à Bor-
863
deaux, quelques esprits élevés appartenant à la magis-
trature, au clergé, au barreau, à la science, aux beaux-
arts, se réunissaient dans un but commun de travailet
de progrès, et avaient formé une association intellec-
tuelle dont l'intimité même faisait le charme. Nous
aimons à rappeler les noms de nos ancêtres académi-
ques : c'étaient MM. de Gasq, de Sarraut, de Meslon,
Barbot, Lebrethon, Navarre, et plusieurs autres.
Bientôt après, sous le patronage éclairé de M. le
duc de La Force, des lettres patentes, datées du 5 sep-
tembre 1712, et enregistrées au Parlement le 3 mai
1713, consacrèrent l'existencede l'Académie bordelaise,
en termes si flatteurs pour nos populations, qu'il me
sera permis de les citer : « Le séjour de ces compagnies
» en forme d'Académies, y est-il dit, engage la plus
» grande partie des habitants de la ville et des pays
» voisins à se donner à l'étude, et autant de grands
» sujets devront sortir de la ville de Bordeaux que d'au-
» cune autre ville de notre royaume, si l'on y établit
» une Académie où le concours mutuel des lumières de
» plusieurs personnes savantes et l'émulation que pro-
» duisent toujours ces sortes d'assemblées puissent polir
» et perfectionner les talents admirables que la nature
» donne libéralement aux gens nés sous ce climat. »
C'est ainsi que s'établit au grand siècle, sous la pro-
tection de Louis XIV, l'Académie de Bordeaux , lune
des plus anciennes de France, et pendant bien long-
temps elle a célébré le souvenir de sa fondation par une
séance publique et un banquet confraternel le jour de
Saint-Louis,
864
Son premier directeur fut M. de Gasq, président au
Parlement de Bordeaux, et elle prit pour devise ces
mots : Crescamn et lucebo.
Elle ne tarda pas à justifier cette devise et à tenir
parole. Le succès couronna ses premiers efforts, car,
dès son début, elle vit venir à elle des hommes que de-
vait honorer la postérité.
Montesquieu , reçu en 1716, dans la quatrième an-
née de la fondation de l'Académie, présentait M. de
Tourny en 1744; ces grands esprits eurent pour col-
lègues ou pour successeurs Romas, qui, comme Franc-
klin et avant lui, eut la gloire d'enlever la foudre au
ciel; Brémontier, qui dit aux dunes : Vous n'irez pas
plus loin, et fonda sur le sable son immuable renom-
mée; Villaris, qui découvrit la terre à porcelaine;
Lacour, qui n'est pas mort tout entier et revit encore
parmi nous; l'abbé Sicard, le vénérable émule de l'abbé
de l'Épée, apôtres tous les deux de la plus ingénieuse
charité ; le sénateur Journu-Aubert, dont la munificence
créa nos collections d'histoire naturelle. Et pendant
qu'elle possédait de tels hommes dans son sein, l'Aca-
démié, mettant à l'étude dans d'utiles concours les
sujets les plus importants, couronnait les remarqua-
bles travaux de MM. de Lahire et de Meyran sur les
variations barométriques, et l'admirable Mémoire du
savant Tillet sur le charbon du blé.
Aussi, Montesquieu disait-il dans son discours de
réception : « On avait vu jusqu'ici les sciences, non
» pas négligées, mais méprisées, le goût entièrement
» corrompu, les belles-lettres ensevelies dans l'obseu-
865
» rité, et les muses étrangères dans la patrie des Paulin
» et des Ausone. Il n'appartenait qu'à vous de faire
» cesser ce règne, où plutôt cette tyrannie de l'igno-
» rance. Vous l'avez fait, Messieurs : cette terre où
» nous vivons n'est plus si aride, les lauriers y crois-
» sent heureusement; on en vient cueillir de toutes
» parts; les savants de tous les pays vous demandent
» des couronnes. »
N'oublions jamais que notre immortel collègue, trois
fois Président de notre Académie, nous donna l'exem-
ple du travail, de l'assiduité et du dévouement. L'Aca-
démie n'avait pas de membre plus laborieux et plus
exact. Pour elle, ce sont des lettres de noblesse que ces
vieux registres tous remplis de ce glorieux souvenir.
On assiste en les parcourant, en suivant la série des
nombreux travaux de Montesquieu, au développement
de sa pensée, à l'enfantement de son génie, et l'on
arrive jusqu'à cette mémorable séance publique du
25 août 1753, il y a cent ans, dans laquelle, ici même,
sous ces murs, à celte table, l'Académie entendait les
trois premiers chapitres de l'Esprit des Lois, et devan-
cat, suivant l'expression de l’un de mes savants pré-
décesseurs, le jugement de la postérité sur ce livre
immortel, en couvrant de ses applaudissements le
Code de la raison et de l'humanité.
Souvenirs impérissables et glorieux pour l'Académie
de Bordeaux! auxquels se joint celui de tant de créa-
tions utiles, de tant d'institutions durables, dues à son
infatigable initiative.
Longtemps avant la fondation du collége de chirurgie
866
établi en 1756, l'Académie, qui comptait dans sa com-
position primitive huit médecins parmi ses vingt mem-
bres, répandait la première le goût des sciences médi-
cales et abordait les plus hautes questions dans l'art de
guérir.
Dès 1743, elle ouvrait un cours publie de physique
expérimentale. La science lui doit une longue série
d'observations météréologiques. Pendant quarante ans,
elle a proposé un prix relatif à l'établissement des fon-
taines publiques, dont notre cité va être enfin dotée.
L'agriculture a, de tout temps, occupé l'une des
premières places dans les travaux et dans la sollicitude
de l'Académie. Les engrais, les marnes, les prairies
artificielles, le croisement des races, l'éducation des
abeilles, le défrichement des landes , tous ces grands
progrès agricoles accomplis an XIX° siècle, avaient été,
dès le siècle précédent, signalés par l'Académie; au
génie des découvertes, elle avait offert ses couronnes, et
souvent elle rencontra l’occasion de les décerner.
Vouée aux lettres et aux sciences, l'Académie avait
aussi appelé les beaux-arts autour de son berceau. De
tout temps, la peinture et la sculpture furent repré
sentées dans son sein par des artistes éminents; et son
enfance fut comme bercée par cette séduisante fée qui
a nom La Musique. Nos anciens Statuts voulaient que
les séances publiques se terminassent par un concerL.
L'art. 43 du Règlement primitif qu'approuva Louis XIV,
et que semblent avoir inspiré Lulli et Rameau, portait
ceci :—« La Compagnie s'assemblera deux fois la se-
» maine au moins : une pour les sciences et belles-
867
» lettres, l'autre pour la musique et les arts. Les séan-
» ces seront de deux heures au moins. »
En 1715, sa vigilance se portait sur la conservation
des monuments religieux et historiques; elle déposait
ainsi un germe fécond pour l'avenir, et rendait un ser-
vice réel à la science archéologique.
C'est ainsi que, laborieusement et honorablement,
l’Académie de Bordeaux accomplissait son œuvre d’é-
mancipation dans nos provinces, touchant à toute
chose utile, prenant l'initiative de toute pensée géné-
reuse, de toute fondation importante dans le domaine
des lettres, des sciences et des arts.
Bientôt, elle fut à la fois honorée et enrichie par de
nombreux encouragements; en faisant sa réputation ,
elle faisait aussi sa fortune, justifiant ainsi son autre
devise : Utile dulci.
Le premier, en 4720, M. le due de La Force lui con-
sacrait une dotation de 60,000 livres.
Plusieurs de ses membres, M. le docteur Cardoze ,
M. le président Barbot, M. l'abbé de Brey, lui léguaient
leurs bibliothèques et leurs collections. Son patrimoine
s'augmentait des libéralités de la science, de la magis-
trature et du clergé.
Mais au premier rang de ses bienfaiteurs, l'Acadé-
mie à inscrit le nom du plus généreux de ses mem-
bres , de M. Jacques Bel, conseiller au Parlement de
Bordeaux et trésorier général de France. M. Bel, pro-
priétaire de l'important hôtel où siège encore l'Acadé-
mie, et de plusieurs maisons voisines, les légua à
l'Académie par un testament en date du 28 août 1736,
868
dont il n’est pas hors de propos de rappeler quelques
dispositions :
»
« Comme j'ai toujours eu pour principal objet l'hon-
neur de ma patrie et l'avancement des sciences, je
lègue à l'Académie des Sciences, Arts et Belles-
Lettres de notre ville, dans laquelle j'ai eu l'honneur
d'être recu académicien, une grande maison où je
loge, située sur l’esplanade, comme aussi l'écurie
qui la joint, et est à côté d’une maison que j'ai dans
la rue Mautrait, laquelle je lègue pareillement à la-
dite Académie, aussi bien que celle que j'ai dans la
rue Poudiot, avec toutes leurs appartenances et dé-
pendances; je lui lègue pareillement tous les livres ,
manuscrits, instruments de physique et mathémati-
que, cartes, globes, et généralement tout ce qui se
trouve dans ladite grande maison du ressort des arts
et sciences ; ensemble, tous les meubles qui se trou-
veront dans la galerie et le cabinet de la bibliothè-
que... Lesdits legs faits à l'Académie, à la charge
et condition, 4° que ladite Académie tiendra ses
séances dans le lieu de ladite grande maison qui lui
paraîtra convenable; 2 qu'elle donnera dans ladite
maison un logement honnète au bibliothécaire, et
disposera du surplus de la façon la plus utile à l'a-
vancement des sciences, soit en y logeant quelques
académiciens, ou en employant le revenu en achat
de livres. »
Le 19 février 1738, l'Académie tint séance chez
elle; et sa main reconnaissante traça au-dessous du
portrait de M. Bel cette inscription :
869
JAcoBus BEL,
MUSARUM CULTOR ET AMIGUS ,
ACADEMIÆ SOCIUS
ET BENEFACTOR INSIGNIS ,
HAS MUSIS ÆDES LIBROSQUE LARESQUE SACRAVIT ;
IMMEMORAS Musas NON SINEIT ESSE sur.
« Jacques Bel, ami et disciple des Muses, membre de l'Aca-
» démie et son exceilent bienfaiteur, a consacré cet édifice
» et ,ces livres aux Muses; aux Muses qui ne peuvent l’ou-
» blier. »
Je tiens peu à rappeler les longs démélés que l’Aca-
démie eut à soutenir, à l'occasion de ce legs, avec la
Jurade bordelaise; je n’en veux parler que pour dire
que le débat fut terminé par une transaction que Mon-
tesquieu avait préparée : c'était une consécration de
plus du droit de propriété de l'Académie. Pendant la
discussion, M. de Tourny avait proposé d'élever au
Château-Trompette un édifice pour l'Académie,
Mais bientôt gronda l'orage, et, le 8 août 1793, à
ce moment où la Terreur couvrait la France de ruines
et d'échafauds, le jour même où les honneurs de la
séance étaient accordés à la concubine de Marat, la
Convention, sur le rapport de l'abbé Grégoire, sup-
prima les Académies et confisqua leurs biens : Les
Académies, disaient alors ces ét anges législateurs ,
sont des foyers d'aristocratie intellectuelle. À ce
souffle de mort, le foyer s'éteignit, l'obscurité remplaca
la lumière, et la Muse monta sur l'échafaud avec André
Chénier !
Ce ne fut qu'en 1797 que l'Académie de Bordeaux ,
56
T0
se reconstituant comme Société libre, reprit ses réu-
nions et ses travaux; mais elle ne put reprendre ses
biens.
Depuis lors, l'Académie s'est trouvée réduite à n'a-
voir plus qu'un asile précaire et trop restreint sous le
toit de l'hôtel qui fut à elle et qui garde son nom. La
munificence du bienfaiteur s'est convertie en une mo—
deste hospitalité; du moins, le portrait et l'inscription
restent comme un monument du bienfait de 1736 et
de la spoliation de 1793.
Et à côté de ce portrait, dans la Bibliothèque deve-
nue municipale, se trouve aussi le beau buste de Mon-
tesquieu, que le prince de Beauveau donna en 1768
à l'Académie, dont il était membre.
Ainsi dépouillée, par l'effet des révolutions, du pa-
trimoine qu'elle devait à ses généreux fondateurs,
l'Académie conserva du moins leurs traditions, et, à
leur exemple, se montra, au XIX° siècle, animée du
même amour pour les sciences, les lettres et les arts, tou-
jours inspirée du même esprit, dévouée, comme au
siècle précédent, à toutes les idées utiles : elle res-
tait riche d'efforts et de nobles aspirations vers le bien
et vers le beau.
J'abuserais de votre attention si je suivais pas à pas
l'Académie et ses travaux à cette époque d'apaisement
et de reconstitution. Il me suffira de rappeler quelques-
uns des noms qu’elle a inscrits dans ses fastes parmi
les plus vénérés. Nommer les Jouannet, les Leupold ,
les Billaudel, les Guilhe, les Victor Desèze, les Cail-
lau, les Lancelin, les Deschamps, c’est rappeler des
871
travaux éminents et un dévouement sincère aux scien-
ces et aux lettres.
Et maintenant, que la modestie de mes collègues me
permette de leur rendre justice et de dire quel essor,
quel utile élan l'Académie à su donner à ses travaux
dans ces dernières années. Le public le sait, et l’en ré-
compense en accourant en foule à son appel.
C'est pour lui, plus que pour elle, que l'Académie
regrette le patrimoine qu'elle a perdu.
Notre municipalité bordelaise se propose, dit-on,
dans les vastes projets que lui inspire un louable esprit
d'amélioration, d'offrir à l'Académie une hospitalité
moins parcimonieuse. La pensée de M. de Tourny ne
serait pas perdue : son regard d’aigle aurait entrevu
l'avenir. Honneur aux édiles de notre grande cité, qui
sauront ainsi concourir à l'expansion du mouvement
intellectuel et à la décentralisation littéraire, scienti-
fique et artistique dans’ le Midi de la France ! Honneur
à ceux qui comprendront qu'il n'y à pas, pour la mo-
rale publique, de prescription contre le droit.
Il viendra donc un jour, nous devons l'espérer, où
l’Académie pourra recevoir, dans un local plus conve-
nable et plus spacieux, l'élite de la société bordelaise,
qui veut bien s'intéresser à ses travaux et les encoura-
ger par son empressement; un jour, où le bienfait ne
sera pas perdu, où le dépouillement aura été réparé.
Jusque-là, l'Académie s’efforcera de se maintenir à la
hauteur de son vieux renom et des flatteuses sympa-
thies qui l'environnent, en méritant le reproche d'être
un foyer d’aristocratie intellectuelle.
IL
873
COMPTE RENDU
TRAVAUX DE L'ACADÉMIE
DES SCIENCES, BELLES-LETTRES ET ARTS DE BORDEAUX,
pendant le cours de l'année 1853, Lu le 12 janvier 1854 ;
PAR M. LE D° E. DÉGRANGES,
SECRÉTAIRE GÉNÉRAL.
Messieurs,
Pour me conformer aux traditions des Sociétés scien-
tifiques, mais plus encore, permettez-moi de le dire,
pour contenter le sentiment qui m'anime de remplir en
entier les fonctions que j'ai acceptées, je dois vous pré-
senter un aperçu des travaux que vous avez accomplis,
et des circonstances les plus importantes qui sont arri-
vées dans cette période annuelle qui finit.
Ma mission, en traçant ce Précis au sein d'une séance
publique, à pour but spécial d'indiquer aux autorités
locales, qui accordent leur protection à l'Académie, ce
que celle-ci entreprend pour la mériter; et aux diffé
874
rents auteurs qui ont réclamé ses avis et ses jugements,
les motifs sur lesquels ses décisions se sont fondées. Tels
sont les avantages de ses réunions solennelles; car on
ne comprendrait guère qu'elles eussent été instituées
pour que votre Secrétaire vint reproduire devant vous
des souvenirs qui vous sont purement personnels.
Vous voulez que je sois bref; je le désire non moins
que vous : tous les détails de cette séance m'y contrai-
gnent. Il faut pourtant être exact.
Je vais donc avoir l'honneur de vous présenter com-
me une sorte de {able des matières du livre que vous
avez écrit dans le cours de cet exercice annuel, et dont
le recueil de vos Actes reproduira les principaux cha-
pitres.
Je placerai, en passant, quelques réflexions, pour la
plupart empruntées à vos jugements, sur les ouvrages
qui vous ont paru les plus importants.
Les travaux proprement dits de l'Académie compren-
nent l'examen et l'analyse des ouvrages imprimés et
manuscrits soumis à la Compagnie par des correspon-
dants ou bien des auteurs qui lui sont étrangers; de
plus, les communications faites par les membres rési-
dants pour accomplir le tribut annuel qu'exigent nos
statuts. [l faut y joindre tout ce qui arrive par le fait
d'initiative appartenant à chaque membre résidant.
Ajoutons enfin tous les détails d'une correspondance
qui s'étend chaque jour davantage, entretient les rap-
ports de la Compagnie avec les auteurs et les Sociétés
savantes, et lui forme de nouvelles relations.
875
Ces échanges de communications, une fois établis
d'une manière convenable et bien réglée, deviendront
les plus puissants éléments de vie et de progrès.
Coup d'œil général sur les travaux de 1853. .
Les ouvrages envoyés pour être soumis à votre exa—
men ont été moins nombreux qu'en 1852 ( soixante-
quatre au lieu de soixante-dix-huit }, Je ne veux point
rechercher les causes de ce fait; les explications en se-
raient toujours plus ou moins hasardées : on ne peut
seruter l'initiative de la pensée humaine. Ces ouvrages
ont été peut-être aussi moins dignes de votre attention.
Le nombre des manuserits à été plus grand : vingt-
deux au lieu de dix-neuf; ce qui laisse aux ouvrages
imprimés le chiffre de quarante-deux pour cette année,
et celui de cinquante-neuf pour l’année dernière.
Les ouvrages offerts par des membres résidants ou
correspondants et des auteurs étrangers qui n'étaient
pas dans les conditions d’un rapport, ont aussi dimi-
nué cette année : trente-quatre au lieu de quarante-
quatre.
Par contre, il résulte des relevés des procès-verbaux,
que les relations de l'Académie ont augmenté.
Cinquante-deux Sociétés françaises, établies dans
trente-deux départements, vous ont fait passer leurs
publications ; vous n’en aviez compté en 1852 que
quarante-sept dans vingt-huit départements.
Onze Sociétés étrangères, placées au sein de huit
876
nations et appartenant à trois parties du monde, ont
suivi cet exemple; c'est encore un accroissement sur
les cinq réunions scientifiques qui correspondaient pré-
cédemment avec vous, au nom, pour ainsi dire, de
quatre nations.
Un fait encore : l'étendue que prennent les travaux
de votre secrétariat montre combien votre influence
grandit.
Voici, comme exemple, le chiffre graduel des lettres
officielles adressées, par votre Secrétaire général, au
sujet des occupations sérieuses de l’Académie :
Année 4851... 98 lettres.
— A852... 190 —
— 1853... 160 —
Huit groupes ou grandes divisions vont comprendre
tous les sujets d'analyses ( imprimés où manuscrits }
auxquels je dois toucher dans ce Compte rendu; ces
divisions seront formées par des éléments rapprochés,
pris dans le domaine des sciences, des lettres et des arts.
4er GRouPE. —- Physique, Chimie, Mécanique; application de
ces sciences. Astronomie.
Sur treize ouvrages, je mentionnerai seulement :
Des eaux thermales considérées sous le rapport
de leurs propriétés physiques et de leur position
géologique (manuscrit); par M. Marcel de Serres.
Travail rempli d'érudition.
877
Reçu le 28 avril 1853; Rapport de MM. Fauré et
Raulin, lu le 24 juillet suivant.
Recherches sur l'allération des bronzes employés
au doublage des navires; par M. Adolphe Bobierre,
professeur de chimie à la chaire municipale de Nantes.
Ces recherches, d'une très-haute importance prati--
que, furent entreprises à la demande du commerce de
Nantes. Présentées plus tard à l'Institut, elles ont fait
honneur à M. Bobierre, et doivent appeler l'attention
spéciale des industriels et des constructeurs de na-
vires.
M. Manès vous a lu sur cette brochure un Rapport
très-honorable pour l'auteur, et qui a été publié dans
vos Actes (2° trimestre 1853 ).
M. Bobierre à voulu prouver qu'il était digne de ces
éloges en concourant pour la question de chimie agri-
cole que vous aviez posée daus votre Programme de
celte année, et en obtenant une médaille d'or.
Ouvrage reçu le 3 novembre; Rapport fait le 4° dé-
cembre 1853.
Étude sur la stabilité des routes; par M. J. Car-
vallo, ingénieur des ponts et chaussées.
L'auteur à désiré que ce Mémoire imprimé füt dé-
posé dans votre bibliothèque.
Avant d'accomplir les intentions de cet hommage,
vous avez acquis la preuve que, sous le point de vue
scientifique, ce travail, fruit d'études opiniatres, méri-
tait de justes éloges,
€
878
Reçu le 3 novembre; Rapport de M. Durand, lu le
15 décembre 1853.
Notice sur la roue à aubes courbes de la Poudrière
d'Angoulême ( manuscrit}; par M. Louis Ordinaire
de Lacolonge, inspecteur de la Poudrière de Saint
Médard.
Pour le fond de cette œuvre, l'Académie y a reconnu
des idées neuves qui seront utilisées plus tard par la
pratique. Dans la forme, elle a retrouvé l'ordre et la
clarté qui distinguent les ouvrages de nos premiers hy-
drauliciens. C'est un travail très-remarquable. Le Rap-
port qu'en à fait M. Manès sera livré à l'impression.
{ Voir plus loin. }
Reçu le 3 novembre; Rapport de M. Manès, lu le 4er
décembre 1853.
Six brochures sur des sujets de physique et d'as-
tronomie; par M. Emmanuel Liais, fondateur et se-
crétaire de la Société des Sciences naturelles de Cher-
bourg pour l'année 1852-53.
Diverses questions, d’un ordre scientifique élevé, in-
diquent suffisamment dans ce physicien un esprit très-
instruit et très-pénétrant.
Reçu le 3 novembre 4853 ; Rapport fait le 15 dé-
cembre suivant, par M. Abria, au nom d'une Commis-
sion dont il faisait partie avec MM. Fauré et Raulin.
Trois dessins avec notes explicatives d'appareils
destinés à empêcher la rencontre des trains engagés
‘879
sur des lignes courbes où les mécaniciens ne peu-
vent assez tôt s'apercevoir pour arrêler les machines
{manuserit }; par M. Fragneau, employé au Chemin
de fer du Midi, section de Bordeaux à La Teste.
Application rationnelle et très-ingénieuse des pro-
priétés de l'électricité dynamique. L'appareil est sim—
ple, facile à exécuter, aisé à surveiller dans la pratique.
L'Académie pense qu'il peut rendre de véritables ser-
vices sur les chemins de fer, non-seulement à une seule
voie, mais encore à deux voies. Elle veut faire connai-
tre toute sa sympathique satisfaction pour l'inventeur,
en lui décernant une médaille d'argent grand module,
et en imprimant dans ses Actes le Rapport de sa Com-
mission, ( Voir ci-après. }
Reçu le 1° décembre 1853; Rapport fait le 15 dé-
cembre suivant, par MM. Abria et Manès ‘.
1 Voici le complément des ouvrages rangés dans ce premier groupe :
Nouvelle théorie sur l’aérostatique, avec dessin d'une machine ( manus—
crit); par M. G. Dezeimeris.
Mémoire sur une machine à vapeur surchauffée, propulseur à double effet,
chaudière à appareil générateur de vapeur seconde (manuscrit ); par le
mème auteur.
Voiles horizontales, courbes, brisées, à orientation naturelle, avec un
dessin ( manuscrit )k par le même auteur.
Ces Mémoires, envoyés le 10 février et le 21 avril, ont été soumis à l'examen
de MM. Baudrimont, Abria ct Manès. Rapport de M. Manès sur les deux pre—
miers manuscrits, lé 26 mai; conclusion défavorable. La Commission déclare
qu'il n°y à pas lieu de faire uu Rapport sur le troisième manuscrit.
Quelques machines hydrauliques applicables à plusieurs sortes d'usage,
mais plus particulièrement à l'élévation des eaux ( brochure in—49 ); par
M. F. Duburguet, principal du Collége de Marmande.
Reçu le 10 février; Rapporteur, M. Baudrimont.
Note sur un nouveau moteur à bobine, électro-magnétique et électro—
880
2° GRouPE. — Sciences médicales et philosophiques ;
Hygiène publique.
Cinq Mémoires y sont inscrits. Je n'appellerai main-
tenant votre altention que sur trois d'entre eux *.
C'est peut-être une des questions de philosophie ju-
diciaire et de médecine mentale la plus importante de
notre siècle, que celle ayant trait à l’une des formes
de l’aliénation pouvant devenir la cause de crimes ou
délits.
aimant combinés, nouvelle application des sciences physiques , pouvant servir à
l'industrie ( manuscrit ) ; par M. Charles Dubos, doreur à Bordeaux. Priorité
de l'invention réclamée par l’auteur.
Reçu le 21 juillet; Rapport de M. Manès, le 4 août, au nom de M. Abria et
au sien.
Mémoire sur la comète de 1853 ( manuscrit ); par M. Ludovic de Cazenave
de Libersac.
Reçu le 3 novembre; Rapport de M. Abria, lu le 1°" décembre ; peu favorable.
Maladie du pain; son influence sur la subsistance et sur la santé ; moyens
à lui opposer ( manuscrit ); par M. P. Paulet, docteur—-médecin.
Envoyé le 19 novembre; Rapport fait par M. Fauré, le 29 décembre. Re—
merciments à l’auteur pour ses bonnes intentions. — Grandes difiicultés d’appli—
cation dans certains moyens administratifs qu’il propose pour les communes rurales.
! Les deux autres sont :
Une brochure de M. Vingtrinier, sur l'utilité de la sévère exécution des lois
sur la police des cimetières.
Reçu le 24 février; Rapport de M, Costes, le 7 juillet.
Atlas de plessimétrie ( volume du Traité de Médecine pratique ); par M.
P.-A. Piorry, professeur de clinique médicale à la Faculté de Médecine de Paris.
Envoyé le 14 avril; Rapport fait le 7 juillet, par M. Baudrimont, au nom
d'une Commission dont il faisait partie avec MM, Costes et Burguct.
dim
s81
Il y a cinquante ans, quelques médecins aliénistes
l'ont soulevée en principe et en ont reproduit les cir-
constances. Depuis ce temps, d'autres hommes prati-
ques la soutiennent avec ardeur contre la majorité, il
faut le reconnaitre, des magistrats de notre époque,
qui lui opposent l'interprétation rigoureuse de la loi et
une incrédulité presque absolue sur les observations
faites par la science médicale.
Des faits avérés ont pourtant été recueillis, et ont fixé
désormais une science restée pendant longtemps in-
certaine.
M. Vingtrinier, votre correspondant, médecin en chef,
depuis trente-sept ans, de la prison de Rouen, vient
d'en publier qui ont obtenu une authenticité complète.
Sa brochure est intitulée : Des aliénés dans les pri-
sons el devant la justice.
Il résulte de ses calculs, suivis avec assiduité, len-
teur et conscience, que sur 43,000 accusés, l'existence
d'une forme de folie a eu lieu sur 264 : proportion de
6 à 4,000,
L'auteur émet le vœu que ses collègues des autres
prisons départementales fassent connaitre le contingent
de leurs observations sur ce sujet, et que toutes les fois
qu'un détenu sera soupçonné d'aliénation, on le sou-
mette à l'observation d'un ou plusieurs médecins.
L'Académie a écouté avec une religieuse attention le
Rapport qui faisait connaitre les résultats de la longue
expérience de M. Vingtrinier. La justice, d'après elle,
pourrait voir, par les chiffres de cet auteur, que la
médecine n'attribue pas toujours le crime à un désor-
882
dre maladif de l'organisation physique, puisqu'elle trouve
1,000 coupables pour 6 fous, mais qu’exceptionnelle-
ment il en peut être ainsi, et qu'alors la loi ne devrait
pas frapper des individus dépouillés de leur liberté mo-
rale, laquelle doit toujours exister pour qu'il y ait erime.
La Compagnie s'est également souvenue que, dans
plusieurs graves circonstances judiciaires, la haute sa-
gesse des magistrats de Bordeaux s'était renseignée
près de la médecine mentale, et avait ainsi devancé
les intentions scientifiqnes de M. Vingtrinier.
Espérons que le législateur introduira dans la loi les
réformes sollicitées par l'humanité.
Cette brochure, reçue le 24 février, a été analysée
par M. le D" Costes, le 7 juillet.
Une idée philanthropique, qui rentre dans le plan
bien compris de l'assistance publique, c’est l'établisse-
ment, dans les grandes villes, de buvettes d'eaux mi-
nérales, utilisées à distance des sources qui les fournis-
sent, el destinées aux classes indigentes. M. Jules Fran-
çois, ingénieur en chef des mines à Bagnères-de-Bi-
gorre, après Sêtre livré pendant six ans à une étude
fructueuse sur l'amélioration du régime des principa-
les eaux thermales de France, a développé les idées
généreuses qui viennent d'être résumées.
On trouve la preuve de ces travaux spéciaux dans le
manuscrit envoyé par l'auteur : Vote Mmstorique et
descriptive de la buvette d'eau sulfureuse de la Bas-
serre établie aux bains de Réas.
L'Académie a joint ses vœux à ceux de M. J. Fran-
..
883
cois, pour laccomplissement de ses efforts en faveur
de la classe indigente et souffrante.
Reeu le 31 mars ; Rapport de M. Manès, lu le # août.
Les établissements industriels pour l'élève et la mul-
tiplication des sangsues dans les marais environnant
Bordeaux, ont fait naître et entretiennent au milieu de
nous de vives discussions, quel que soit le point de vue
où l'on se place, administratif, agricole et hygié-
nique.
Une expérience de quatre années a dû fixer les es-
prits désintéressés, sur le présent et sur l'avenir de cette
industrie.
C'est au bout de ce temps, et après le Rapport déei-
sif du Conseil d'Hygiène publique, que M. le D' Char-
les Levieux à fait paraitre ses Études hygiéniques sur
l'élève des sangsues dans la Gironde.
Cette brochure, qui exprime les opinions personnel-
les de l'auteur, et sérieusement composée, contient les
recherches consciencieuses et utiles pour bien traiter
ce sujet, et touche dans ses conclusions au cœur même
de celui-ci.
Vu l'importance du sujet, j'analyse ses conclusions :
Établissements pour l'élève des sangsues rangés au
nombre de ceux réputés insalubres de première classe,
et ne pouvant se former sans autorisation préalable ;
Renouvellement exigé des eaux courantes qui ali-
mentent ces établissements ;
Défense de livrer en pèture, aux sangsues, des che-
vaux où autres animaux vivants ;
Interdire la vente des sangsues gorgées.
SS4
Cette brochure constitue un acte de courage, en
même temps qu'elle est une œuvre de vérité.
Brochure envoyée le 3 novembre; Rapporteur, M.
Costes.
3° GROUPE. — Agriculture, Zoologie, Paléontologie,
Géologie.
Treize Mémoires vous sont parvenus se rapportant
aux sciences naturelles.
Le sujet de la maladie de la vigne est malheureuse-
ment à l'ordre du jour, mais n’a produit encore que
bien peu de résultats, quoique beaucoup d'auteurs aient
voulu le traiter. Comme pour toutes les grandes épidé-
mies, il est à croire que, malgré les efforts humains,
les causes en resteront ignorées, les remèdes proposés
avec tant de profusion seront ineflicaces, et que le fléau
disparaitra par des voies seules que nous ne pouvons
sonder.
En attendant, vous avez reçu un grand nombre de
communications manuscrites et imprimées dont l'exa-
men doit revenir à la Commission officielle et perma-
nente établie par M. le Préfet de la Gironde, et qui
ont été déjà renvoyées à qui de droit.
Il vous en est arrivé de Toscane, émanées de M. le
professeur Cuppari ‘ et de M. le marquis Ridolfi *. Ces
œuvres sont faites avec talent.
‘ Recherches sur la maladie régnante de la vigne en 1851.
? Discours prononcé en août 1851 devant l’Académie des Georgophiles de
Florence.
Reçus le 10 février; Rapports de M. Charles Des Moulins, le 24 du même mois,
885
De Toulouse, envoyées, avec une persistance pleine
d'un zèle louable, par M. Dessoye, secrétaire de la
Chambre consultative d'Agriculture *.
De Lyon, expédiées par M. C.-L. Féchet, membre
de l'Académie Impériale Agricole et Manufacturière *,
et de beaucoup d'autres endroits de la France et de l'é-
tranger.
Enfin, de Bordeaux, offertes comme un hommage,
par M. E. Barincou et par M. de Lavergne *.
Avec ces derniers travaux se trouvent ceux de la
Commission de la Société Linnéenne *, qui ont été ac-
cueillis avec intérêt à cause de leur importance et de
la Société recommandable qui nous les adressait.
Que vous dirai-je de plusieurs ouvrages d'anatomie
* Plusieurs Mémoires manuscrits sur la maladie de la vigne.
Maladie et guérison de la vigne ( brochure in-12 );
Mémoire in-40, rédigé sur les Programmes des prix proposés par la Société
d’Encouragement pour l'Industrie nationale.
Recus le 24 février, le 18 août, le 3 novembre 1853; Rapports de M. Char-
les Des Moulins, le 31 mars et le 17 novembre.
? Remède infaillible éprouvé et peu dispendieuxz pour préserver la vigne
de la maladie appelée oïdium tukery. Brochure in-18.
? Lettre manuscrite de M. Barincou, écrite sur le brossage des grappes de
la vigne.
Mémoire sur la maladie ds la vigne ( brochure in—8 ).
Ces trois derniers ouvrages ont été reçus le 31 mars, le 8 août et le 3 no-
vembre; Rapports de M. Charles Des Moulins, le 17 novembre.
* Compte rendu des travaux de la Commission instituée par la Société
Linnéenne de Bordeaux, pour l'étude de la maladie de la vigne pendant
l'année 1852.
Envoyé le 31 mars; Rapporteur, M. Baudrimont.
1
ot
886
et de physiologie comparées ?, que M. le D' Martin-
Saint-Ange, leur auteur, vous a fait parvenir? si ce
n'est qu'ils ont été déjà justement couronnés par les plus
hauts corps scientifiques de France, et ont assis, parmi
les savants naturalistes et physiologistes de l'époque, la
réputation méritée de celui qui les a conçus et exécutés.
Deux Mémoires imprimés, de M. Marcel de Serres,
professeur à la Faculté des Sciences de Montpellier, et
de M. J. Thurmann, président de la Société Juras-
sienne d'Émulation , sont venus dignement représenter
la partie si diflicile et philosophique des investigations
humaines, laquelle s'occupe des questions relatives aux
espèces fossiles, et à la disposition des divers terrains
formant la chaine des montagnes.
Le premier Mémoire imprimé est divisé en six cha-
pitres et se termine par un savant résumé où se (rou-
vent rapprochés et commentés avec sagacité tous les
détails connus sur les causes de la plus grande taille
des espèces fossiles, comparées aux races actuelles.
Ces espèces ne paraissent pas avoir été de plus grande
taille que les races actuellement vivantes; peut-être le
contraire at-il eu lieu.
1 Mémoire sur un placenta à deux lobes symétriques chez un fœtus de
ouistitr.
Recherches anatomiques et physiologiques sur les organes transitoires de
la métamorphose des batraciens
Anatomie analytique ; circulation considérée chez le fœtus, dans l'hom-
me, el comparativement dans les quatre classes d'animaux vertébrés
Envoyés le 14 avril; Rapport le 9 juin, par M. Costes, au nom d'une Com
mission dont il faisait partie avec MM. Burguet et Baudrimont.
887
Recu le 3 novembre; Rapport fait le 29 décembre,
par M. Raulin.
Le deuxième Mémoire n’est formé que par des ex-
plications au sujet de trois planches représentant, lune
la carte géologique et géographique du Jura oriental;
l'autre, quinze coupes transversales des masses de ce
système de montagnes; enfin, la troisième, douze as-
pectslongitudinaux de cesmèmes éléments inorganiques.
Des remerciments et des félicitations ont été votés
par vous à ce travail pratique de M. Thurmann, ayant
pour titre : Esquisses orographiques de la chaîne du
Jura, à l'effet d'encourager l'auteur, qui n'a effectué
encore que la première partie de son plan.
Reeu le 4° déc. ; Rapport fait le 22 du même mois.
En finissant ce paragraphe, je ne dois pas oublier
une circonstance qui à excité votre satisfaction et qui
vous inspire des espérances pour l'avenir.
Un jeune docteur ès sciences naturelles, au moment
de quitter la France pour aller se livrer, dans des cli-
mats lointains, à de laborieuses mais fructueuses ex-
plorations, vous à fait passer, par la main amie d'un
de nos honorables collègues, deux thèses qu'il venait
de soutenir, l'une sur la géologie ‘, l'autre sur la 300-
logie *. Il vous a offert aussi d'élucider dans ses voya-
ges les questions qui vous intéresseraient.
* Sur l'origine et La formation des terrains et des meulières des terrains
tertiaires.
? Mémoire sur les pièces solides des stellérides,
Ouvrages reçus le 25 novembre 1852; Rapport fait le 10 févricr 1853, par
888
M. Albert Gaudry, leur auteur, attaché au Muséum
d'Histoire naturelle de Paris, a pénétré de la manière
la plus remarquable dans l'étude intime des {rois sys-
tèmes de pièces solides des stellérides (veuillez excu-
ser ces mots techniques ).
Tout est neuf dans ce travail, depuis les magnifi-
ques figures dessinées au microscope, jusqu'à la no-
menclature des pièces, pour laquelle on n’a fait aucun
appel au néologisme , si commun de nos jours *.
4° Groupe. — Philosophie et Linguistique.
Dans cette catégorie scientifique sont rangés {rois
ouvrages qui ont de la valeur.
Deux sont issus de la plume de M. Ernest Renan,
agrégé de philosophie et employé au département des
manuscrits de la Bibliothèque Impériale de Paris.
La philosophie du douzième siècle, représentée par
Averroès, et contenue dans les livres de celui-ci, à
été l'objet soutenu des recherches et des études de cet
M. Raulin, en son nom et ceux de ses collègues, MM. Baudrimont et Charles
Des Moulins.
1 Nous enregistrons pour compléter ce 3° groupe : un Mémoire manuscrit sur
le Haut-Agenais, Fumel el ses environs; Recherches géologiques, botaniques
et météorologiqups; par M. Ludovic Combes, pharmacien.
Envoyé le 14 février. Commission composée de MM. Fauré, Raulin et Ma=
gonty; Rapport de M. Raulin, le 26 mai. Remerciments.
Recherches sur les pommes de terre depuis 1768 ; leur dégénération et
leur régénération progressive prouvées par des faits; par M. Le Roy Mabille.
Reçu le 9 juin; Rapporteur, M Petit-Laftte.
Cinq brochures sur divers sujets d'histoire natur2lle et de philosophie ; par
M. Jean Gistel dit Tilesius, docteur en philosophie et en médecine. Leipsiq 1836.
Envoyé le 3 novembre; Rapport favorable de M. G. Brunet, le 16r décembre.
889
auteur, dont plusieurs autres travaux ont été appréciés
et récompensés par l'Institut. Une profonde érudition ;
une pénétrante intelligence concernant les dogmes de
l'école arabe et de celle d’Aristote, dont le professeur
et le magistrat de Maroc fut le commentateur ; la con-
naissance parfaite des principes psycologiques, cause de
tant de discussions entre Averroës, les théologiens chré-
tiens, et même les Juifs et les mahométans:; un désir
réel de faire connaitre la vérité historique et philosophi-
que, tels sont les caractères remarquables de ce livre *.
M. P.-G. de Dumast, l'un des membres les plus éru-
dits de l'Académie de Nancy, est l'auteur de l'autre
ouvrage, intitulé : l’Orientalisme rendu classique,
fragment d'un Mémoire sur les moyens de ranimer
et d'utiliser la Faculté des Lettres, suivi d’une lettre
sur la langue perse. Il exprime, en termes qui parais-
sent très-compétents, l'utilité qu'il y aurait pour l'his-
toire de la littérature ‘et des sciences, de voir établir
par le gouvernement une chaire de sanscril et d'arabe
dans les Facultés des Lettres; ce serait non-seulement,
d'après lui, le moyen de propager les langues orienta-
les, mais celui de les sauver peut-être de Foubli; car
qu'importent les travaux des Volney, des Champolion,
des Eugène Burnouf, etc., si l'on ne donne pas un es-
sor à la propagation de leurs recherches!
Depuis la lecture en assemblée publique de ce court aperçu, M. Gustave
Brunet, organe de la majorité de la Commission, a fait son Rapport, dans la
séance du 2 février 1854, sur l'ouvrage de M. Renan, Ce Rapport, tout en ac-
cordant des éloges au talent de l’auteur, a combattu quelques-unes de ses opinions
philosophiques comme erronées et comme contraires aux croyances religieuses.
890
L'auteur du travail sur Averroès se retrouve sur le
même domaine que celui dont nous venons de parler,
alors qu'il traite, dans une brochure dont vous avez
reçu un exemplaire, des éclaircissements tirés des
langues sémitiques sur quelques points de la pro-
noncialion grecque.
5e Groupe. — Sciences morales et historiques ; Jurisprudence;
Pédagogie.
Cette division est riche en travaux dont la plupart
méritent une véritable estime; ils sont au nombre de
dix. On y trouve :
Harmonies et perturbations sociales, esquisse des
œuvres de Bastiat, suivie de quelques considéra-
tions, par M. Jules Martinelli, œuvre dans laquelle
l'auteur, éclectique en économie sociale, commence par
analyser le livre des harmonies de Bastiat; puis, guidé
par ses propres convictions, expose ce qu'il pense, sur
l'organisation de la société, en termes indépendants qui
ne s'inspirent que de sa conscience et ne cherchent
d'appui que dans sa raison.
Ce livre est fait de bonne foi, sans passion, et avec
le talent de style et de pensées qui distingre M. Jules
Martinelli.
Recu le 9 décembre 1852; Rapport de M. Darrieux,
le 4° décembre 1853.
Guillaume le Taciturne | prince d'Orange, comte
de Nassau), et les Pays-Bas, depuis l'abdication de
891
Charles - Quint jusqu'à l'année 1584, par M. Eu-
gène Mahon de Monaghan , où l'on remarque plusieurs
des véritables qualités littéraires et morales de l'histo-
rien : faits bien exposés, classés avec méthode; cor-
rection, sobriété dans le style; sympathie pour les sen-
tüiments de tolérance et de patriotisme; il fait aimer
Guillaume et haïr Philippe IL.
Reçu le 10 mars; Rapport de M. Saugeon, lu le 26
mai, au nom d'une Commission dont il faisait partie
avec MM. Delpit et Darrieux.
Une brochure, intitulée : Bataille de Jules-César
contre les Nerviens, lettre à MM. les Membres de l'A-
cadémie de Belgique, par M. Arthur Dinaux, et dans
laquelle se trouve éclaireie une question géographique,
sur la véritable position du lieu de ce combat.
Reçu le 26 mai; Rapport de M. Saugeon, le 4 aout.
L'Essai sur l'histoire de la ville et de l'arrondis-
sement de Bazas, depuis la conquête des Romains,
et l'Essai sur Verdelais, voyage historique et pitto-
resque à l'antique monastère du Luc, par M. OReilly;
compositions correctes, sagaces, qui renferment de
nombreux matériaux chonologiques et historiques.
Reçus le 21 juillet; Rapport de M. de Bourdillon, le
18 août.
L'Histoire de la ville et du port de Rochefort, par
MM. Viaud et Fleury; fruit de longues recherches et
d'un travail consciencieux. Matériaux utiles et inté-
ressants pour l'histoire locale.
892
Recu le 28 avril, Rapport de M. Morel, le 29 dé-
cembre.
L'Histoire des rois de France, par M. Charles
Malo. Résumé exact et clair des idées de nos meilleurs
historiens contemporains.
Reeu le # août; Rapport fait le 22 décembre, par
M. Saugeon.
Le 4° volume de l'Histoire du Droit français , de
M. Laferrière, inspecteur général des Facultés de Droit,
contenant l'analyse pleine d'intérêt et de savoir de lé-
poque féodale aux points de vue du droit public et du
droit privé.
Reeu le 43 janvier; Rapport de M. H. mat lu
le 4% avril et le 7 juillet.
Enfin, les Nouvelles étrennes de l'enfance, peu-
tes lectures illustrées à l'usage des écoles de sourds-
muets et des salles d'asile; par M. Valade - Gabel,
directeur honoraire des institutions de Bordeaux et
de Paris, membre correspondant, pour préparer les
sourds-muets à la lecture, et leur représenter un des-
sin de l'objet qu'on veut leur faire connaitre et leur
faire exprimer par des signes.
L'auteur, dans cette composition, rend un nouveau
service à la science qui s'occupe de l'instruction de
cette classe malheureuse d'enfants.
Rapport de M. Morel, le 29 décembre *
* Nous mentionnons, pour achever ce groupe, une brochure ayant pour ti=
893
6° GROUPE. — Œuvres dramatiques.
Trois ouvrages manuscrits et un ouvrage imprimé
sont réunis dans ce paragraphe.
Deux comédies en vers ‘ et un drame en prose ? ne
doivent pas arrêter longtemps mon analyse. Quelques
vers heureux se retrouvent dans l'une d'elles, Une
École en politique.
L'œuvre imprimée contient des esquisses ou sujets
dramatiques destinés à servir de thèmes aux jeunes
auteurs, et où ceux-ci pourront quelquefois puiser
avec avantage. Cet ouvrage, en deux volumes in-12,
appartient à M. Boucher de Perthes.
Recu le 31 mars; Rapport de M. de Gères, le 21
juillet.
7e GROUPE. — Littérature et Poésie
«
Près de treize auteurs se sont présentés à vous, por-
tant dans leurs mains des œuvres de prose ou des vers.
Sous le pseudonyme de Fritz (de la Gironde}, M.
tre : Le Scalpel, traité de philosophie passionnelle ; par M. Hippolyte de Vives.
Recu le 3 nov.; Rapport peu favorable fait le 1er déc., par M. Duboul.
Une École en politique en 1850, comédie en trois actes et en vers, par
M. E. Massip.
Les Tribulations d'une mère, comédie en trois actes et en vers, par M.
Stepheen Léonde.
Reçues le 9 décembre 185? et le 13 janvier 1853 ; Rapports de MM. Sau-
geon et Duboul, lus le 10 mars et le 14 février 1853.
? Un Pensum, drame en cinq actes et en prose.
Reçu le 28 août; Rapport de M. Desmartres, le 29 décembre suivant.
894
F. Bacque vous à communiqué ‘quatre nouvelles écrites
d'un style élégant et semées de détails ingénieux.
Reçu le 19 février; Rapport fait par M. Delpit, le 10
mars.
Un Éloge (manuscrit) du cardinal de Cheverus,
présenté au Concours de 1852, et modifié d'après les
remarques de la Commission, vous a été de nouveau
soumis par son auteur. Cet acte de déférence a été ap-
précié par la Compagnie, qui adresse à M. Arbanère
tous ses vifs remerciments.
Mémoire envoyé le 19 juin; Commission composée
de MM. Costes, Cirot, Blatairou, et Darrieux, rappor-
teur; Rapport dans la séance du 8 décembre.
Comme tout le monde, Messieurs, vous aimez à en-
tendre les doctrines de la science professées avec foi et
développées avec verve et esprit; comme tout le monde,
vous applaudissez ( circonstance rare! ) aux accents de ,
l'éloquence : voilà pourquoi votre satisfaction a été ex-
citée par la lutte brillante qu'a soutenu M. le D' Jean-
nel, sur la certitude médicale et l'amélioration des
lois qui régissent l'exercice de la médecine, et sur
la nécessité de combattre les hérésies médicales.
Brochures envoyées, avec l'hommage de l’auteur, le
28 avril et le 15 décembre; rapporteurs, MM. H. Bro-
chon et Vaucher; lecture du Rapport de M. H. Bro-
chon, le 7 juillet.
Vous avez pu reconnaitre également les nombreuses
895
ressources que possède la plume exercée et facile de
son antagoniste
M. Lucien de Rudelle vous à offert la traduction du
premier chant du Paradis perdu de Milton, en vers
écrits dans le dialecte du Rouergue ( patois de Rhodez ).
Cette œuvre étendue est faite avec soin et avec gout.
L'auteur connait parfaitement toutes les ressources de
l’idiome du Rouerguais; il n’est pas moins familier avec
les vers de l'immortel auteur du Paradis perdu, dont
il fait connaître la langue avec beaucoup d'habileté.
OEuvre reçue le 3 novembre, analysée par M. G.
Brunet, le 4°" décembre.
Enfin, entre plusieurs compositions en vers, s'élève,
en les dominant, le volume de fables, contes et autres
poésies, par M. Valéry Derbigny, membre correspon-
dant de l'Académie. :
Cet auteur se fait lire avec intérêt, quoique son li-
vre appartienne à un genre de composition littéraire
où existent tant de chefs-d'œuvre. Il est en général in-
génieux, vrai, élégant, dans le fond comme dans la
forme de ses fables.
Volume reçu le 17 novembre, analysé par M. Du-
boul; Rapport le 8 décembre *.
‘ De l’Incertitude de la médecine, à propos d'une brochure de M. le doc-
teur Jeannel , sur La certitude en médecine ; par M. Saint-Rieul Dupouy.
Reçu le 12 mai; Rapport de M, H. Brochon, le 7 juillet.
? Voici le complément de ce 7® groupe :
La Veillée d'un grognord, où Récit historique, petit poëme manuscrit divisé
896
8° GROUPE. — Beaux-Arts.
Un manuscrit et trois ouvrages imprimés composent
celte dernière division de mon compte rendu.
M. F.-George Hainl, premier chef- d'orchestre au
Grand-Théâtre de Lyon, vous a fait hommage du dis-
cours prononcé par lui le jour de sa réception à l'Acadé-
mie de cette ville. Ce morceau, intitulé : De la musique
à Lyon, depuis 1715 jusqu'à 1852, contient des par-
ticularités sur l'art musical dans celte cité, ainsi que
l'appréciation et l'énumération des artistes lyonnais les
plus renommés. Il émet le vœu, généralement partagé,
qu'un Conservatoire de musique, succursale de celui de
Paris, soit établi dans les grandes villes de France,
subventionné par les administrations locales et par
l'État. On trouve dans ce travail un amour éclairé des
arts et plusieurs réflexions critiques dont plusieurs mé-
ritent d'être approuvées.
Recu le 10 février; Rapport de M. H. Brochon, le
4% avril.
L’essai sur l'enseignement du dessin el de la pein-
en quatre chants, avec prologue et épilogue; par M. Léon Treille, de Mar—
mande.
Ecregistré le 14 avril; Rapport de M. de Gères, lu le 7 juillet.
Épitre à un jeune homme: par M. D'’Aussy.
Lue dans la séance du 18 août.
Traduction en vers français des Amants vengés, ou Précieuses ridicules de
Molière; par M. Raymond Lannigrand.
Ouvrage recu le 3 novembre; Rapport défavorable, lu par M, Saugeon, rap—
porteur, dans la séance du 22 décembre.
‘897
ture, ainsi que l'appréciation du Christ aux plaies,
marbre de M. Émile Thomas, statuaire, ont fixé l'at-
tention des artistes que vous possédez parmi vous.
Le premier Mémoire (manuscrit), dû à M. La-
pouyade, président du Tribunal civil de La Réole, vo-
re membre correspondant, est rempli d'une profonde
érudition, qui à puisé ses recherches sur les beaux-arts
à toutes les sources. Ses raisonnements sur la peinture
sont judicieux, mais paraissent peut-être un peu trop
influencés par les souvenirs de l’école qui dominait au
commencement de ce siècle.
Recu le 21 juillet; Rapport de M. Léo Drouyn, le
17 décembre.
Dans le second travail, émanant du Comité central
des Artistes de Paris, la pensée de M. Émile Thomas
est analysée. Ce statuaire s’est efforcé d’unir la beauté
de la forme matérielle à la profondeur de l'expression
mystique.
Recu le 7 juillet; analysé par M. Léo-Drouyn, le 4°°
décembre.
Nous sommes maintenant en présence d'une Revue
de l'Exposition de la Société des Anns des Arts de
Bordeaux, pour l'année 1855 *.
Le salon de peinture à produit le critique qui à su
l'analyser avec intelligence. C'était le résultat néces-
saire d’une œuvre bien comprise : l'union de la littéra-
1 Brochure reçue le 1er décembre, ahalysée par M. de Gères, le 8 du même
mois.
898
ture aux beaux-arts. M. Laurent Matheron à consacré
cette alliance par des appréciations consciencieuses,
préparées avec soin et tracées avec fermeté.
L'Académie saisit cette occasion pour applaudir aux
efforts heureux qu'a faits la Société des Amis des Arts
de Bordeaux pour amener le mouvement de décentrali-
sation artistique, dont notre ville apprécie les avan-
tages.
Ce mouvement a stimulé le talent et a ranimé le
goût. Il a été possible d'étudier et de comparer les œu-
vres des peintres de toutes les parties de la France,
ainsi que de la Belgique et de ltalie. Depuis trois an-
nées que des appels ont été faits aux artistes, les acqui-
sitions opérées, soit par le gouvernement, soit par la
ville, les particuliers, ou la Société elle-même, se sont
élevées à une somme de près de 115,000 fr. D'aussi
importants services rendus à la cité et aux artistes mé-
ritent tous nos éloges. L'Académie s'empresse d'offrir
l'expression de sa gratitude à ceux de ses compatriotes
qui ont concu et encouragé cette généreuse et noble
fondation.
Lectures des Membres résidants.
Ces lectures ont été cette année au nombre de neuf,
pour faire connaitre des Mémoires ou pièces inédites ;
ce nombre est moins élevé que celui de l'année dernière.
Voici l'ordre dans lequel elles ont eu lieu :
M. Saugeon : Fragment historique : Ébroën et Saint-
Léger. (Séance du 31 mars. )
M. Delpit : Fragments de l'histoire des Arts à
-899
Bordeaux : L'Académie de Peinture et de Sculp-
ture sous Louis XIV. (Séance du 44 avril 4853. )
M. Baudrimont : Histoire des Basques ou Escual-
dunais primitifs. ( Séance du 12 mai.)
M. Blatairou : Observations sur la nature de la
malière et sur les causes des phénomènes qui ont
pour objet le monde matériel et le monde psycologi-
que. ( Séance du 23 juin. )
M. Dabas : De la comédie d'Aristophane, intitu-
lée : les Ecclésiazuses , où l'Assemblée des Femmes.
(Séance du 21 juillet.)
M. Durand : De l'ornementation intérieure des
églises au moyen âge, et spécialement de la pein-
ture murale. | Séance du 21 juillet. )
M. de Gères : La Lampe du Sanctuaire, poésie.
{ Séance du 21 juillet. )
M. Gustave Brunet : Mémoire sur une nouvelle
édition des Essais de Montaigne.
Elle pourrait être entreprise sous les auspices de
l'Académie; et il y aurait moyen de la rendre bien pré-
férable à toutes les éditions précédentes, en s'aidant de
l'exemplaire chargé de corrections et additions auto-
graphes que possède la Bibliothèque de la ville, et en
complétant les travaux des divers commentateurs qui
ont pris le texte des Æssais pour sujet de leurs re-
cherches. | Séance du # août. )
M. Léo Drouyn : Quelques châteaux du moyen âge
dans la Gironde et la Dordogne; châteaux de plai-
nes, châteaux de côtes. ( Séance du 18 août.)
900
Travaux envoyés par les Membres correspondants.
Le nombre des correspondants qui entretiennent des
relations avec la Compagnie est toujours bien peu élevé
lorsqu'on considère la liste générale de ceux-ci. Qua-
torze ont acquitté cette dette annuelle. En 1852, il y
en avait eu dix-sept.
Nous devons les signaler à votre attention, et leur
adresser des félicitations pour le zèle avec lequel ils ont
accompli leurs engagements.
Il est juste également de faire connaitre leurs noms.
Ce sont : MM.
Marcel de Serres, professeur à la Faculté des Scien-
ces de Montpellier ;
Arbanère, correspondant de linstitut, à Tonneins ;
D’Aussy (de Saint-Jean - d'Angély ), ancien sous-
préfet de La Rochelle;
Lapouyade, président du Tribunal civil, à La Réole;
Cazenave, de Libersac ;
lesquels vous ont fait envoi d'ouvrages manuscrits.
Et MM.
Laferrière, inspecteur général des Écoles de Droit ;
Vingtrinier, médecin des prisons de Rouen;
Eugenio Sismonda, professeur à Turin;
Boucher de Perthes, directeur des Douanes en re-
traite, à Abbeville ;
Marcel de Serres ;
lalade-Gabel, directeur honoraire de l'établissement
des Sourds-Muets de Bordeaux ;
901
Lermier de la Girondière, directeur des Poudres et
Salpètres en retraite, à Dijon ;
Magloire Reynal, juge de paix à Castres ( départe-
ment du Tarn );
Valéry Derbigny, directeur des Domaines de 4": classe
en retraite, à Arras;
J. Thurmann, président de la Société Jurassienne
d'Émulation ;
lesquels vous ont envoyé des ouvrages imprimés.
Presque toutes ces diverses œuvres, manuscrites ou
imprimées , ont été signalées dans l'analyse des Auit
groupes dont il a été fait mention précédemment.
Lectures au sein de l’Académie par des Membres
étrangers à la Compagnie.
Vous avez introduit cette année parmi vous un nou-
vel usage. Votre intention, comme toujours, a été
de propager le goût des sciences et des lettres, et d’en-
courager les premiers essais des auteurs. Vous avez, en
conséquence, décidé que ceux d'entre ces auteurs qui
désireraient soumettre à l'Académie des ouvrages ma-
nuserits et 2nédits, pourraient être admis à en faire
lecture dans une séance spéciale fixée chaque mois à
cet effet. ”
Cette admission peut avoir lieu au moyen de deux
conditions, que je me permets de rappeler ici, afin
d'instruire de cet usage les personnes qui l’ignoreraient :
la première, est de se faire inscrire au secrétariat et
d'indiquer le sujet qu'on doit traiter ; la seconde, de se
58
902
faire présenter par un membre résidant dans la séance
indiquée pour la lecture.
Cet usage à reçu un commencement d'exécution dans
l'année académique qui vient de finir. En ce moment,
deux auteurs se présentent pour être entendus dans
l'année qui s'ouvre devant nous. Espérons que ce moyen
révélera d'heureuses dispositions et en amènera le dé-
veloppement.
Rapports de i'Académie avec les autorités,
Chaque année , l'Académie exprime publiquement
dans cette enceinte sa reconnaissance pour la protec-
tion que lui accordent M. le Préfet et M. le Maire, et
la bienveillance que ces deux magistrats apportent dans
leurs rapports avec elle. Le témoignage de sa gratitude
n'est pas non plus oublié pour les dispositions que ma-
nifestent à son égard le Conseil général de la Gironde
et le Conseil municipal de Bordeaux.
La Compagnie doit aujourd'hui reconnaître la nou-
velle preuve d'intérêt dont elle a été récemment l'objet,
et qui s'est traduite par une augmentation dans les res-
sources qu'un vote généreux met annuellement en son
pouvoir. Cet acte de munificence atteste les sympathies
profondes des administrateurs placés à la tête de la
cité, ainsi que de leurs conseils, pour les sciences, les
lettres et les arts, et donne une juste idée du désir qui
les anime de s'unir à l'utile mission de stimuler des
études qui élèvent l'âme, fortifient la raison et morali-
sent l'esprit, En révélant de pareils sentiments, nous
903
remercions dignement les hauts fonctionnaires qui les
possèdent.
La Compagnie ne doit pas non plus oublier dans ses
remerciments les voix dévouées et confraternelles qui
ont appuyé les intentions favorables des Conseils du
département et de la ville.
Admissions.
MEMBRES RÉSIDANTS.
Vous avez inscrit cette année, sur la liste de vos
membres résidants, deux noms que recommande une
juste réputation.
Le premier est celui de M. Édouard Morel, directeur
de lInstitution des Sourds-Muets de Bordeaux. Versé
dans les études philosophiques et charitables qui ren-
dent à une classe d'êtres infortunés les notions de l'âme
et la connaissance d’un monde extérieur dont ils étaient
privés, M. Morel a consigné les préceptes de cet en-
seignement dans les Annales de l'Éducation des
Sourds-Muets et des Aveugles, revue des institu-
hions qui leur sont consacrées en France et à l'étran-
ger, journal mensuel fondé par lui et dont il vous a
offert en hommage la collection ‘.
C'est devant des titres incontestables, accompagnés
encore de plusieurs nofices biographiques, entre au-
tres celles sur l'abbé de l'Épée et le docteur Itard, que
! Envoyé le 9 décembre 1852; examen le 31 mars 1853, par une Com -
mission composée de MM. Saugeon, de Lamothe, et J. Delpit, rapporteur.
904
les portes de l'Académie lui ont été ouvertes, et qu'il
est venu prendre place au fauteuil occupé longtemps
par ses prédécesseurs à l'institution des Sourds-Muets
de notre ville.
Le second nom adopté par vous appartient à un avo-
cat distingué de notre Barreau, M. A. Vaucher. Vous
avez retrouvé, dans un volume de plaidoyers et con-
sultations * dont il vous a présenté l'hommage, les qua-
lités éminentes qui constituent le légiste instruit et pra-
tique, et l'habile dialecticien. Vous avez en outre été
satisfaits de resserrer les liens de sympathie qui vous
unissent au Barreau de Bordeaux.
MEMBRES CORRESPONDANTS.
Les nouvelles adjonctions que vous avez faites au
tableau de vos membres correspondants, et qui vous
font honneur, sont celles de MM.
Albert Gaudry, docteur ès sciences naturelles, atta-
ché au Muséum d'histoire naturelle de Paris;
Onésime Seure, homme de lettres, à Paris;
Eugène Mahon de Monaghan, chancelier de 4"° cl.
du Consulat Impérial, à Liverpool;
ü.-J.-Martin Saint-Ange, officier de la Légion d'hon-
neur, médecin, à Paris;
P.-A. Piorry, professeur de clinique médicale à la
Faculté de Paris ;
1 Envoyé le 24 février; analysé au nom d'une Commission composée de
MM. Bourdillon, Darrieux et Desmartres, chargé du Rapport.
905
Emmanuel Liais, physicien, attache à l'Observatoire
de Paris, secrétaire et fondateur de la Société des Scien-
ces naturelles de Cherbourg ;
Ordinaire de la Colonge, inspecteur de la Poudrière
de Saint-Médard.
Concours de 1933.
La lecture du Programme (voyez ci-après) vous en
fera connaitre bientôt les détails et les résultats.
Ouvrages offerts à l’Académie.
Bibliothèque de l'École des Chartes ( catalogue ).
Journal d’Éducation physique, morale et intel-
lectuelle; par M. Pierre-A. Clouzet ainé. Douze nu-
méros de la 4° année. Hommage constant de l'auteur
à l'Académie.
Fragments d'un journal de voyage à travers la
Suisse et l'Allemagne; par M. Ch. Laterrade.
La Vieillesse de Milton, poëme qui a remporté un
prix aux Jeux Floraux; par M. Onésime Seure.
Nouvelles observations sur les trèfles de la section
cronosemium ; par M. H.-F. Soyer-Willemet, bibliothé-
caire de la ville de Naney, correspondant du Ministère
906
de l'Instruction publique pour les travaux historiques.
Quand et comment le comté de Guise échut à la
maison de Lorraine, brochure par le même.
Études d'anatomie philosophique sur la main et
le pied de l'homme, et sur les extrémités des mam-
mifères ramenés au type pendactile; par MM. Joly
et A. Ladvocat, docteurs-médecins ( Toulouse ).
Nouvelles expériences sur la coloration des co-
cons fournis par les vers à soie soumis au régime
de la garance et de l'indigo; par M. le D° N. Joly
( Toulouse ).
Note sur la patrie primitive et l'origine du bœuf
domestique; par le même (Toulouse ).
Rapport présenté à la Société Linnéenne de Bor-
deaux sur la maladie de la vigne; par M. Ch. La-
terrade. ( Hommage de l’auteur. )
Lettres de M. Valade-Gabel à l'Académie [Impériale de
Médecine, sur la question de la surdi-mutité.
Catalogue des brevets d'invention, 1853.
Description des machines et procédés pour les-
quels des brevets d'invention ont élé pris, t. X et XI.
Description des machines el procédés consignés
907
dans les brevets d'invention, etc., dont la durée est
eæpirée, et dans ceux dont la déchéance a élé pro-
noncée, t. LXXVIIT.
Appel à tous les amis des lettres. L'Union htté-
raire | moniteur universel des lettres et des sciences ),
n® et 2, 1853 | le reste manque ).
L'Athenœum français, journal universel de la lit-
térature, de la science et des beaux-arts { spécimen ),
n° 21.
Du traitement des fistules à l'anus par des injec-
tions iodées; par le D' Gaston Dumont, médecin de
l'hospice des Quinze-Vingts. ( Hommage de l'auteur.)
Mes primes, poésie; par M. Magloire Nayral, juge
de paix à Castres, membre correspondant de lAca-
démie.
Fables, contes el autres poésies; par M. Valéry
Derbigny, directeur des domaines de 1'° classe en re-
traite. ( Prospectus. )
Rapport du gérant de la Société du Philtre plon-
geur. ( Délibération du 46 juillet 1853. )
Relevé des ouvrages nouveaux remis à la Biblio-
thèque de la ville de Strasbourg, depuis le 1° mars
1849 jusqu'au 30 décembre 1851. (8° relevé. )
908
Rapport sur la visite de quelques monuments de
Toulouse; par M. Ch. des Moulins.
Etudes organiques sur les cuscules ; par le même.
( Hommage de l’auteur.)
Documents pour servir à l'étude de la maladie de
la vigne, offerts par la Société Linnéenne de Bordeaux.
Statuts de l’Académie belge d'Histoire et de Philo-
logie, offerts par M. de Reume, membre correspon-
dant.
Notizia storica dei lavori fatti della classe delle
scienze fisiche et matemathiche del Corso delle
anni 1848, 49, 50, scritta dell academia, profes-
sore Eugemo Sismonda, segretario aggiunto di essa
classe.
Les théâtres à Bordeaux, suivis de quelques vues
de réforme théâtrale; par M. L. Lamothe. (Présenté
par l'auteur. )
Le nouveau Jardin-des-P lantes, discours prononcé
dans la séance publique d'hiver de la Société Linnéenne
de Bordeaux; par M. Durieu de Maisonneuve.
Séance annuelle de rentrée des Facultés et de
l'Ecole Préparatoire de Médecine et de Pharmacie.
( Novembre 1853.)
-909
Rapport général de la Commission envoyée à l'Ex-
posilion universelle de Londres par le Conseil Mu-
nicipal et la Chambre de Commerce de Bordeaux
(1852).
Procès-verbaux des délibérations du Conseil gé-
néral du département de la Gironde | sept. 1853 ).
Nohce des travaux de la Société de Médecine de
Bordeaux | 80 pages).
Programme des Prix de la méme Société (15 pa-
ges }; par M. Burguet, secrétaire général.
Liste des Sociétés savantes qui ont correspondu avec
l’Académie de Bordeaux dans l’année 1852-53; envois
qu'elles lui ont adressés.
SOCIÉTÉS FRANÇAISES,
Allier. — Bulletin de la Société d'Émulation du
départément de l'Allier ( Moulins).
Société des Sciences, Arts, Belles-Lettres ; 1852 :
mai, août, décembre ; 1853 : mars. ( Le reste manque. )
Rapp., M. Duboul.
Aube. — Mémoires de la Société d'Agriculture des
Sciences, Arts et Belles-Lettres du département de
l'Aube, t. XVI de la collection; t. IE, 2° série; n°5 19
et 20, 3° et 4° trim. 4851; n° 24, 4% trim. 1852; n°°
22,23, 24, 2e, 3e, 4e trim. 1852; n°5 25, 26. 4 et
2° trim. 1853.
910
Bouches-du-Rhône. — Séance publique annuelle
de l’Académie des Stiences, Agriculture, Arts et
Belles-Lettres d'Aix. Rapporteur, M. Blatairou.
Calvados. — Mémoire de l'Académie des Sciences,
Arts et Belles-Lettres de Caen. Rapporteur, M. Bau-
drimont.
Mémoire de la Société d'Agriculture et de Com-
merce de Caen, 1. VE, T° Partie.
Charente - Inférieure. — Travaux de la Société
d'Agriculture, Sciences et Belles-Lettres de Roche-
fort, année 1851-52. Rapporteur, M. Manès.
Côte-d'Or. — Mémoires de l'Académie des Scien-
ces, Arts et Belles-Lettres de Dijon, 2 série, t. F,
année 1851. Rapporteurs, MM. Costes et Duboul.
Eure. — Recueil des travaux de la Société libre
de l'Agriculture, Sciences, Belles-Lettres de l'Eure
(Evreux), % série, t. [, années 4850-51. Rappor-
teur, M. Vaucher.
Gard. — Compte rendu des travaux de l’'Acadé-
mie du Gard, en séance publique du Conseil du dé-
parlement et du Conseil municipal, 27 août 1855;
par M. Nicod, secrétaire. Rapporteur, M. Blatairou.
Garonne {Haute-). — Annuaire de l'Académie
Impériale des Sciences, Inscriptions et Belles-Let-
tres de Toulouse.
Recueil de l'Académie des Jeux Floraux, année
1853. Rapporteur, M. Gout-Desmartres.
Gironde. — Actes de la Société Linnéenne de Bor-
deaux, t. XVII, 2e série, 3°, 4°, 5° et G° livraisons.
{nnales de la Sociélé d'Agriculture du départe-
911
ment de la Gironde, T° année, 4° trim.; 8° année,
Aer et 2 trim. 1853.
Annales de la Société d'Horticulture de la G1i-
ronde, 2 année, n° 21, janvier; 7° année, n° 25,
26 et 27 ( avril, juillet}; id. id. (octobre ).
Travaux du Conseil d'Hygiène publique et de Sa-
lubrilé du département de la Gironde, depuis le 6
juin 1851 jusqu'au 16 juillet 1852. ( Hommage du
Conseil à l'Académie. )
Hérault. — Extrait des procès-verbaux de l'Aca-
démie des Sciences et Lettres de Montpellier, années
1847, 48, 49, 50, 51, 52. Rapporteur, M. Raulin.
Société archéologique de Béziers. Séance publique
du 25 mai 1853.
Programme du Concours de 1854. Séance publi-
que du 25 mai 1853.
Indre-et-Loire. — Recueil des travaux de la So-
ciété médicale d'Indre-et-Loire, 2 série, 2 et 3°
trim. 4852. Rapporteur, M. Burguet.
Loire ( Haute-). — Annales de la Société d'Agri-
culture, Sciences, Arts et Commerce du Puy, t. XVI,
année 1851.
Loire-Inférieure. — Annales de la Société acadé-
mique de Nantes et du département de la Loire-In-
férieure, année 1852. Rapporteur, M. H. Brochon.
Lot-et-Garonne. — Programme des questions pro-
posées par le Président et les Membres du Bureau
de la Société d'Agriculture et du Comice d'Agen
{ Concours régional ).
Recueil des travaux de la Société d'Agriculture,
912
Sciences et Arts d'Agen, 1. VI de 476 pages; 1°, 2°,
3e, 4°, 5°, 6° cahiers. Rapporteur, M. Petit-Lafitte.
Maine-et-Loire, — Bulletin de la Société indus-
trielle d'Angers et du département de Maine-et-
Loire. 33° année, 3° livraison de la 2° série.
Mémoires de la Société d'Agriculture, Sciences et
Arts d'Angers, ® série, 2 vol., 2° livraison ; 2° sé
rie, 3° vol., Are et 2 livr. Rapp., M. Petit-Lafitte.
Manche. — Mémoires de la Société des Sciences
naturelles de Cherbourg, 4° vol., 2, 3, 4 livr.
Rapporteur, M. Abria.
Marne. — Travaux de l'Académie impériale de
Reims, années 1852, 1853, t. XVII, 4r° et 2 livr.
(les autres manquent ); ann. 1853, t. XVII, 4° livr.
Rapporteur, M. Cirot de la Ville.
Meurthe. — Le Bon Cultivateur, recueil agronomi-
que publié par la Société centrale d'Agriculture de
Nancy, rédigé par M. Soyer-Willemet, secrétaire -ar-
chiviste-trésorier. 32° Année, n° 12, décembre 1852;
33° année, n° À et 2, janvier et février 1853; n®%3,
k, 5, mars, avril, mai; n° G et 7, juin et juillet.
Extrait de la séance du 19 août de l'Académie de
Stanislas à Nancy. — Fragments d'une lettre écrite
au sujet de la brochure intitulée : TOrientalisme ren-
du classique.
Moselle. — Mémoires de l'Académie Impériale de
Metz, 13 ann. 4851, 52. [re Partie : lettres, histoire,
archéologie; 1° Partie : sciences, économie politique,
statistique, agriculture. Rapporteur, M. Baudrimont.
Nord, — Programme des questions Agricoles el
943
liiéraires remises au Concours pour 1855, par la
Société d'Émulation de Cambrai. Rapporteur, M. É.
Dégranges.
Société Dunkerquoise pour l'Encouragement des
Sciences, des Lettres et des Arts. Programme des
sujets de priæ. Concours de 1854.
Revue Agricole, Industrielle et Littéraire du Nord,
publiée sous le patronage de la Sociélé nationale d'A-
griculture, Sciences et Arts de Valenciennes, direc-
teur, M. Feytaud, membre titulaire et Rapporteur de
la Société. 5° Année, 4° juillet 1853.
Oise. — Bulletin de l'Athénée de Beauvaisis, am-
née 1852, 2° trim. (le reste manque }; année 1853,
4 sem. Rapporteur, M. Lamothe.
Pas-de-Calais. — Société d'Agriculture des Scien-
ces et Arts de Boulogne-sur-Mer. Séances semes-
trielles du 30 octobre 1852, et du 19 mars 1853.
Mémoires de l'Actdémie d'Arras, 1. XXVTE. Rap-
porteur, M. de Gères.
Puy-de-Dôme.— Annales scientifiques, littéraires,
industrielles, de l'Auvergne, publiées par lAcadé-
mie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Clermont-
Ferrand, sous la direction de M. H. Lecoq. T. XXV,
année 1852. Rapporteur, M. Costes.
Rhin (Haut-). — Bulletin de la Société indus-
trielle de Mulhouse, t. XXIV, n° 119, 120, 421.
Programme des prix proposés par la Société in-
dustrielle de Mulhouse, pour être décernés en 185#,
1855 et 1856. Rapporteur, M. Manès.
Seine. — Journal mensuel des travaux de l'Aca-
91%
démie Nationale, Agricole, Manufacturière et Com-
merciale, fondée en 1850, et de la Société française
de Slalishique universelle, sous la direction de M. Ay-
mard Bresson, secrétaire général perpétuel, rédacteur
en chef; 43° année, janvier, février, mars, avril, mai,
juin ( juillet et août manquent }, septembre, octobre,
novembre 1853.
Société de la Morale chrétienne. Rapporteur M.
Cirot de la Ville. T. INT, n° 4, 2, 3, 4, 5 et G.
Recueil de documents et Mémoires relatifs à l'é-
tude spéciale du moyen âge et autres époques, pu-
bliés par la Société de Phragistique, 2 ann. , n° 40,
11 et 12; 3° année, n° 1, 2 et 3. Rapp., M. Delpit.
Institut des provinces de France; Bulletin biblio-
graphique des Sociétés savantes des départements,
n°7, mars 1853; n°8, mai; n° 9, juillet; n° 40, sept.
Société Impériale et Centrale d'Agriculture; Bul-
letin des séances, Compte rendu mensuel, rédigé par
M. Payen, secrétaire perpétuel ; Paris. 2° série, t. VIT;
n° À, séances générales des 40, 17, 24 novembre, et
1 décembre 1852; n° 2, séances des 8, 15, 22, 29
décembre 1852, et 5 janvier 1853; n° 3, séances des
12, 19 et 26 janvier; 2 et 5 février 1853; n° 4, séan-
ces des 16 et 25 février; 2, 9, 48, 23 et 30 mars;
n° 5 (inanque ); n° 6, séances des 42, 18, 24 mai et
Aer juin; n° 7, séances des 8, 15, 22, 29 juin; n° 8,
séances des 6, 13, 20 et 27 juillet 1853; n°9, séances
des 3, 10, 17, 24 et 31 août, huit livraisons du 4° vol.
Rapporteur, M. de Gères.
Gazette des Beaux-Arts, Paris. Cette publication
manque depuis le 1% mars dernier.
‘945
Seine—Inférieure. — Bulletin des travaux de la
Socëlé libre des Pharmaciens de Rouen, ann. 1852.
Rapporteur, M. Fauré.
Bulletin des travaux de lu Société libre d'Émula-
lion de Rouen (brochure de 180 pages ), pendant les
années 1852 et 1853.
Recueil des publications de la Société havraise
d'études diverses, A8° et 19° années, de 1830 à 1852.
Rapporteur, M. Abria.
Extrait des travaux de la Société centrale d'A-
griculiure du département de la Seine-Inférieure,
77° cahier, 4° trim. de l'année 4852; 78e cahier, 4er
trim. de l'année 4853; 79° cahier, 2 et 3 trim. 1853.
Rapporteur, M. Laterrade.
Somme. — Bulletin de la Société des Antiquaires
de Picardie (Amiens ), 1. IV, 1850, 18514, 1852 ct
1853, n° 4. Rapporteur, M. Durand.
Mémoires de la Société d'Émulation d'Abbeville,
années 1849, 1850, 1851 et 1852, 1° sem. Rappor-
teur, M. Duboul.
Var. — Bulletin semestriel de la Société des Scien-
ces, Belles-Leitres et Arts du département du Var,
séant à Toulon, 20° année , n° 2. Rapp., M. Duboul.
Vienne (Haute). — Bulletin de la Société Ar-
chéologique et Historique du Limousin ( Limoges },
t. IV, 4° livraison. Rapp , M. Cirot de la Ville.
Yonne. — Bulletin de la Société des Sciences his-
loriques el naturelles de l'Yonne, 5° et 6° vol. de 545
et de 493 pages. /d. id. cahiers n°° 4, 2 et 3, de 1853,
Rapporteurs, MM. Delpit et Raulin.
916
SOCIÉTÉS ÉTRANGÈRES.
Amérique. — Rapport fait par une Commission au
32° Congrès, dans la °° sess. des représentants de l//li-
nois, pour récompenser le D' T.-G. Morton de sa
découverte sur les propriétés anœsthésiques de l'éther
sulfurique.
Preuves et documents à l'appui du droit à la dé-
couverte des propriétés anæsthésiques de l'éther sul-
furique; par M. T.-G. Morton, p.-mM. — Présenté
dans la 2° session du même Congrès.
Recu les 28 avril et 9 juin; M. Costes, rapporteur.
Boston. — Quatre ouvrages.
Description du squelelte du mastodonte géant de
l'Amérique du nord. Hommage du D' John C. Waren.
Journal et Actes de la Société d'Histoire naturelle
de Boston.
New-Yorck. — Gazette httéraire.
Philadelphie. — Trois ouvrages, surtout les Actes
de l'Académie des Sciences naturelles de Philadel-
phie; la Notice sur l'origine, les progrès, l'état pré-
sent de cette Société, etc.
Enregistré le 3 novembre; Rapp., M. G. Brunet.
Washington. — Troisième envoi fait à l'Académie
des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Bordeaux, de la
part de l'fnstitution Smithsonnienne. (Onze ouvrages
sur des sujets importants et nationaux de géographie,
d'histoire, de botanique, de zoologie, de paléontologie,
de météorologie, etc. )
CS
947
Parmi ces ouvrages d’un haut intérêt, on remarque
un volume in-4° avec planches coloriées, intitulé :
Étude sur l'histoire des tribus indiennes des États-
Unis (IE Partie); par M. H° Schoolcraff.
Angleterre. — Transactions de la Société Philoso-
phique de Cambridge. Neuf volumes in-4° avec plan-
ches. ( Collection depuis l’origine. }
Recus le 42 mai.
Asie. — 1° Catalogue des oiseaux dans le Musée
asiatique de Calcutta; par M. Ed. Blyth.
2° Collection des puranas sangraha, en original
sanserit, avec une traduction anglaise. { Calcutta 1851.)
— Arrivés par les soins de MM. William et Norgate,
agents de la Société Asiatique de Londres, et Borrani
et Droz, libraires à Paris.
Reçu le 18 août; Rapporteur, M. G. Brunet.
Belgique. — Société des Lettres et des Arts du
Hainault. Question de prix, proposée moitié par la
Société, moitié par le Gouvernement. Concours de
1852-53.
Congrès de Statistique de Bruæelles, 1853.
Projet de solution des questions posées au Pro-
gramme.
Hollande. — Programme arrété dans la séance
extraordinaire du 30 avril 1853, par l'Académie
royale des Sciences d'Amsterdam, pour la question
d'un prix de 600 florins, sur un sujet d'histoire
naturelle.
Russie, — Mémoires de la Société Impériale de
Saint-Pétersbourg (1. XVI, XVIT et XVIIT; 1852),
L
59
918
publiés sous les auspices de la Société, par M. B.
de Koerne.
Ces travaux, publiés, les uns en langue allemande,
les autres en langue française, concernent divers su-
jets de numismatique et d'archéologie; ils attestent de
la part de leurs auteurs des recherches persévérantes
et des connaissances étendues.
Un travail qui présente plus d'intérêt pour des lec-
teurs français s'offre à nous dans la description de la
galerie de sculpteurs antiques formée par M. de Mont-
ferrand, architecte français, établi en Russie, où il a
exécuté de très-grands et très-importants travaux. Cette
description est accompagnée de figures au trait dessi-
nées avec beaucoup de soin, et gravées par des artis-
tes russes d’une manière qui révèle une main habile et
exercée. Parmi les objets les plus remarquables que
contient cette galerie, nous citerons une statue colos-
sale de César, en bronze, la seule qu'on connaisse jus-
qu'à présent; elle a été déterrée à Rome, non loin de
Saint-Jean de Latran. Elle était brisée en morceaux;
on s'empressa de les expédier à l'étranger d'une façon
clandestine; car on craignait que le Gouvernement ne
voulut rester propriétaire d'un monument aussi remar-
quable.
Apollon Cytharède, en marbre de Paros. Cette sta-
tue, appartenant à une des plus belles époques de l'art
grec, figurait jadis dans une galerie de Florence.
Une statue d'Euterpe, excellent ouvrage, qui, d'a-
près la nature du travail, paraît dater du dernier temps
de la République romaine.
1
919
Une jeune fille dans l'attitude de la prière.
Un magistrat romain.
Des bustes de Jupiter, de Minerve, de divers empe-
reurs romains, tels que Claude, Vitellius, Marc-Aurèle.
Des sarcophages ornés de reliefs représentant des
tritons, des sujets de chasse, ou des bacchanales, des
candélabres décorés d'ornements du meilleur goût.
Un texte savamment rédigé par M. Koerne, direc-
teur de la Société, jette beaucoup de lumière sur ces
divers monuments, et il abonde en rapprochements,
en détails, qui ne peuvent qu'avoir du prix pour les
antiquaires. Une connaissance approfondie des révo-
lutions de l'art antique; une étude des ouvrages qui
les concernent, étude qu'attestent de nombreuses cita-
tions, telles sont les qualités qui se montrent à chaque
page de ce travail ; et les personnes qui cultivent l'ar-
chéologie et qui se préoccupent de l'examen des mo -
numents de la Grèce ou de Rome, trouveront certaine-
ment bien des choses à y apprendre.
Les Mémoires de la Société de Saint-Pétersbourg
méritent une place fort distinguée dans notre Biblio-
thèque.
Rapport de M. G. Brunet, le 18 août.
Suisse, — Genève : Mémoires et documents publiés
par la Société d'Histoire et d'Archéologie de Genève,
tVHL
Rapporteur, M. Delpit.
920
NÉCROLOGIE.
Vous avez éprouvé, depuis votre dernière séance pu
blique, des pertes nombreuses qui vous ont affligés ; elles
ont pesé principalement sur vos membres correspon-
dants.
Pierre Cazade, maire de Montagoudin, est décédé
le 3 septembre 1853. Ses connaissances pratiques en
agriculture, de même que ses qualités privées et ad-
ministratives , lui avaient mérité l'estime générale de
ses concitoyens. Il était votre correspondant agricole
depuis 4835. C'était une partie de la récompense ob-
tenue par son Mémoire sur l’agriculture, auquel vous
aviez décerné une médaille d'or.
Limousin Lamothe, pharmacien d'Alby, à la suite de
travaux constants dans les sciences chimiques et la-
griculture, de nombreuses publications toujours utiles,
et d'une vie entière de probité et de dévouement aux
intérêts du pays, avait acquis des droits incontestables
à la reconnaissance de tous les amis des études sérieuses.
Pendant toute sa longue carrière, il fut le collabora-
teur d'hommes éminents : Sonnini, Thiébault de Ber-
neaud, Parmentier, Chaptal, pour la rédaction de re-
cueils scientifiques justement estimés, ou pour lexa-
men de questions ayant une haute importance.
C'est par ses efforts soutenus qu'il devint correspon-
dant d’un très-grand nombre d'Académies de France et
de Sociétés estimées de Paris. Parmi ces dernières :
921
l'Académie de Médecine, la Société centrale d'Agricul-
ture, la Société de Pharmacie et d'Encouragement.
Vous l’admites aussi dans vos rangs en 1827.
On peut résumer l'éloge de ce savant modeste dans
cette circonstance bien rare qui lui est particulière et
rehausse d'autant plus l'honneur attaché aux distinc-
tions obtenues par lui : c'est qu'après vingt-cinq Con-
cours académiques ouverts sur des questions mises à
l'ordre du jour de la science, et dans lesquels il s'était
présenté, il a obtenu vingt-deux récompenses! Si c'est
un témoignage d'assiduité et de dévouement à l'étude,
c'en est un non moins irrécusable de l'opportunité et
de l'utilité des travaux entrepris par Limousin Lamo-
the, et de l'excellence des solutions qu'il donnait à ses
Mémoires *.
Mare Lévy, l'un des élèves les plus distingués de
l'École Centrale de Rouen , était professeur de mathé-
matiques et chef d'Institution honoraire dans cette ville ;
il vous appartenait depuis 1826.
! Citons parmi les travaux qu'il a publiés :
Les nombreux articles dans la Bibliothèque physico—-économique ;
Ceux sur les questions d'économie domestique, les farineux, les sirops, les su-
cres indigènes, l’indigo pastel, etc. ;
Les règles de culture pour le ricin, et la préparation de l'huile extraite de
celui-ci.
L’anisage des alcools à l'instant même de l'expédition, au moyen de l'essence
d'anis versée dans la pièce ;
L'avantage du plâtre dans les prairies artificielles ( méconnu alors );
Une foule de Mémoires d'agriculture;
L'analyse de plusieurs sources d'eaux minérales très-appréciées aujourd'hui ;
Journal d'Agriculture et Sciences accessoires (reproduction du cours d'a-
griculture qu'il avait créé à l'École Normale Primaire d'Alby}), ete,
922
Après avoir exercé dans plusieurs Colléges impor-
tants dès l’âge de dix-neuf ans, il fonda en 1845, à
Rouen, une grande institution pour préparer les jeu-
nes gens aux fortes études et aux écoles de l'État. Cet
établissement a fait sa réputation. De nombreux élèves
en sont sortis et se sont fait remarquer dans de diffici-
les et honorables carrières. |
Les soins incessants de sa profession ne l'empêchè-
rent pas d'apporter une collaboration active à la direc-
tion et aux travaux de plusieurs Sociétés savantes, et
d'y présenter près de trente Mémoires qui attestent son
instruction profonde et la sûreté de son esprit .
Dans l'année 1817, il prit une initiative importante,
en créant à Rouen un Cours de mécanique appliquée
aux arts, dans lequel tout était mis à la portée des
personnes étrangères aux éléments du ealcul. Il vint
ainsi aplanir les obstacles qui s'opposaient à la réus-
site d'une jeunesse intelligente, lancée dans les entre-
prises industrielles, fruits de la paix, et manquant
des notions nécessaires pour se bien diriger. L’atten-
tion des savants se fixa dès lors sur lui de la manière
la plus flatteuse.
A l’âge de soixante-deux ans, il enseignait encore à
! Parmi ces écrils, on distingue :
Ceux contre le magnétisme animal ;
Ceux sur les polygones étoilés ;
Ceux sur la question de la réforme de l’enseignement , et l'importation à Rouen
des salles d’asilé ;
Quelques points d'archéologie et de météorologie,
Ceux sur le dromographe planétaire ;
Eufio, ceux imprimés à Rouen ou lus dans le sein de l’Académie de cette ville,
que lui inspiraient les goûts littéraires de son esprit.
923
Paris, lorsque la mort l'a frappé presque subitement
et au milieu de ses leçons...
Il est pour ainsi dire tombé sur le champ de la
science, où il avait passé honorablement toute sa vie.
Antoine-Aubin de Jaurias, médecin en chef de lh6-
pital de Libourne, appartenant à plusieurs Sociétés sa-
vantes, est mort dans cette ville le 43 février 1853.
Il y avait passé toute sa carrière, estimé et aimé de
tous ceux qui le connaissaient, et méritant cette affec-
tion par les plus nobles et les plus aimables qualités du
cœur et du caractère.
Jaurias à exercé sa profession avec une humanité et
un désintéressement qui l’honorent, et d’une manière
distinguée au point de vue scientifique.
En 1813 et 1820, la Société de Médecine de Bor-
deaux, dont il était membre correspondant, lui dé-
cerna deux jetons d'or, pour des Mémoires à l’occa-
sion de maladies qui avaient régné à Libourne. L'Aca-
démie elle-même lui accorda, en 1828, un jeton d'or,
pour le récompenser des travaux qu'il lui avait présen-
tés sur l'agriculture. Cette dernière science fut tou-
jours dans ses gouts, et il lui consacra avec succès
tous ses loisirs.
C'est par ces motifs, que vous inserivites en 1830 le
nom de votre lauréat sur la liste de vos membres cor-
respondants agricoles. Vous n'avez jamais eu qu'à vous
féliciter des rapports qui suivirent cette adjonction.
J'arrive à ce qui concerne un membre correspon-
924
dant, qui avait été, en premier lieu, membre résidant
de la Compagnie, et qui n’a fait que passer, pour ainsi
dire, au milieu de vous : je veux parler de M. Auguste
Laurent, essayeur à la Monnaie de Paris, ancien pro-
fesseur de chimie à la Faculté de Bordeaux.
Le juste tribut d'éloges que mérite sa mémoire lui a
été payé naguère, d'une manière digne de lui, dans
une circonstance solennelle, par la plume d’un de vos
savants collègues, M. Abria. Je ne devrais donc pas re-
venir sur une appréciation scientifique faite déjà d’une
manière si compétente.
Cependant, qu'on me pardonne les quelques lignes
qui vont suivre, et que l'Académie ne pouvait refuser
au souvenir d'un collègue recommandable.
La vie d'Auguste Laurent à été courte, mais elle a
été bien remplie par la science. En effet, il a composé
à peu près quatre-vingts Mémoires sur divers points
intéressants, et neuf de chimie organique. Ce sujet
d'études occupait à la même époque, et concurrem-
ment, M. Dumas en France, et M. Liébig en Allema-
gne. Il le conduisit à une théorie particulière sur le
groupement des atomes dans les substances organiques
et dans les corps en général. Cette théorie a été pen-
dant toute sa carrière l'objet principal de ses recherches.
Ses opinions furent controversées et le sont peut-
ètre encore aujourd'hui; mais les travaux qu'il entre-
prit pour en vérifier l'exactitude et combattre les ob-
jections présentées, ont « notablement contribué ( je
» cite les paroles de M. Abria ) aux progrès de la chi-
» mie dans ces dernières années. »
La mort d'Auguste Laurent à excité les regrets una-
925
nimes des savants de France, d'Allemagne, d'Angle-
terre et des États-Unis. Cela ne peut surprendre; car
il était du petit nombre de ces hommes de science qui
ne suivent pas la foule, mais qui la précèdent!
L'Académie, qui partage vivement ces regrets , éprou-
vera toujours un juste orgueil de l'avoir compté dans
son sein; elle n'oubliera pas qu'il lui a donné, pour
ainsi parler, les prémices de quelques-uns de ses im-
porlants travaux.
Au moment où jécrivais ces lignes sur quelques
membres correspondants dont vous déploriez la perte,
arrivait la nouvelle de la mort d’un membre résidant :
M. le comte de Peyronnet venait de succomber sur son
domaine de Montferrant.
Ce triste événement, qui à marqué les premiers
jours de cette année, devra être inscrit dans le Rap-
port de votre Secrétaire général pour 1854.
Cependant, j'interprèterais mal, j'en suis sur, le dé-
sir et la première intention de chacun de vous, si Je
n'exprimais pas aujourd'hui la douleur qu'a éprouvée et
que ressent la Compagnie.
La vie de M. le comte de Peyronnet appartient à
l'histoire du pays : nous ne devons pas en ouvrir ici les
pages. Nous pouvons dire seulement : homme de talent
et de courage, il fut pendant sa longue existence cons-
tamment fidèle au culte des lettres, qui l'ont soutenu
et consolé dans ses revers.
Jai fini, Messieurs, l'exposé de vos travaux dans
926
l'année 1853, et les fonctions que je devais à la spon-
tanéité de vos suffrages sont expirées. Je les avais pri-
ses avant l'époque même fixée par vos coutumes, et
cette dernière circonstance m'a valu l'honneur de pré-
senter quatre fois à cette assemblée qui me prête sa
bienveillante attention, le Compte rendu annuel. Je
rentre dès ce moment dans les rangs de votre Compa-
gnie, où je pourrai toujours montrer mon dévouement
pour elle, et j'emporte la satisfaction d'avoir contribué
à ses progrès autant qu'il pouvait dépendre de moi.
comme" Ce —
927
PROGRAMME
DES
PRIX DÉCERNES PAR L ACADÉMIE POUR L ANNÉE 1853
ET DES
QUESTIONS MISES AU CONCOURS
pour l’année 1854.
Séance publique du 12 janvier 1854.
I' PARTIE.
RÉSULTAT DU CONCOURS DE 1855.
$ Ier.
Ce Concours n'a pas réalisé les espérances que l'A-
cadémie avait conçues ; elle a reçu beaucoup moins
de pièces de vers que l’année dernière.
Toutes les questions de sciences n'ont pas été trai-
tées, ou ne l'ont été que par un très-petit nombre de
concurrents.
Ilen a été de même pour les questions de littérature
Trente envois de poésies, dont quelques-uns compo-
928
sés de plusieurs pièces, ont été reçus en réponse au
$ XII du Programme de 1853 {Concours de Poésie ).
Un recueil de poésies de vingt-deux pages est arrivé
après la fermeture du Concours et n'a pu être admis
cette année.
Deux Mémoires ont été présentés sur le sujet $ VI
(question d'agriculture : De la maladie de la vigne).
Trois ouvrages sont parvenus sur le Ç VIT { question
d'économie sociale : Étude comparative sur les con-
ditions hygiéniques et morales de l'ouvrier des vil-
les et de l'homme des champs; moyens de fixer les
populations agricoles ).
Un seul Mémoire a répondu au & VIT ( question de
physique générale : Examen crilique et comparatif
des théories dualistique et unitaire de la chimie ).
Le & IX n’a pas reçu de réponse { question de mé-
canique appliquée : Examen des divers propulseurs
usilés ou proposés pour la navigation ).
Un travail a été soumis sur le $ X {chimie agricole :
Examen approfondi des engrais considérés aux
points de vue chimique, physiologique el agricole ).
Un ouvrage vous a été envoyé sur le $ XI { Latlé-
rature : Étude générale du barreau de Bordeaux ,
depuis 1780 à 1815 ).
La seconde question du même paragraphe n'a pas
été traitée : État des lettres dans la Guienne, de-
puis la mort de Montaigne jusqu'à Montesquieu.
Un drame en cinq actes et en prose, dont le titre
allégorique est Un Pensum, à été l'objet, en dehors
du Concours, d'un examen particulier.
929
S IL.
CONCOURS DE POESIE.
Voici les pièces de poésies qui ont été recues par
l'Académie dans l'année 1853 :
1. — L’Abeille et le Papillon (28 nov. 1852).
Ora et labora.
2. — Recueil d'idylles (recu le 3 décembre 1852) :
4 Les Semailles ;
2° La Fenaison ;
3° Lapès et Lycotas;
4° La Prière ;
5° Mysis, Agelé, Lymenis et Lysimène.
3. — Les Hussards de la Mort (T décemb. 1853).
La harpe à la main, le glaive à la ceinture.
( Uhland; les Trois chansons. )
h. — Le Canut de Lyon, ode { 26 mai 4853 ).
Mais où cherchai-je ailleurs ce qu'on trouve chez nous.
(BoILEAU ).
5. — Consolation. À un ami, sur la mort de son
deuxième enfant. ( 30 Mai 1853.)
Pourquoi gémis-tu sans cesse,
O mon âme? réponds-moi.
( LAMARTINE. )
6. — Le Pécheur { 45 juin 1853 ).
Murmure autour de ma nacelle,
Douce mer.
(LAMARTINE. )
930
7. — Lavoisier, ode ( 20 juin 4853 ).
Jusques à quand, mortels farouches,
Vivrons-nous de haine et d’aigreur?
( LEFRANG DE POMPIGNAN. )
8. — Poésies religieuses, traduites ou imitées des
psaumes et des hymnes que l'Église chante
dans les principales fêtes de l'année. ( 34
Juillet 1853 ).
Sed longe sequere et vestigia semper adora.
( STAGE. )
9. — La Chartreuse de Bordeaux , poëme (4°
septembre 1853. )
Une immense espérance a traversé la terre,
Malgré nous vers le ciel il faut lever les yeux.
( Alfred de MussET. )
10. — Esaida ou Esaïde, Zolo et Amoris, ber-
gers ( 2 septembre 1853 ).
Nec plus ultra.
A1. — Les Miettes, fantaisies (5 septembre 1853 ).
Est homini semper diligenti aliquid super.
(Pugzius Syrus, Sentence).
12. — 1° La dernière nuit des Girondins; 2 la
Fiancée du voyageur ( 5 sept. 1853. )
13. — Recueil de huit pièces de poésie (7sept. 4853).
Et semblable à l'abeille en nos jardins éclose,
De différentes fleurs j’assemble et je compose
Le miel que je produis,
( J.-B. ROUSSEAU. )
1° Les Regrets du pays natal.
Est dulcis moriens reminiscitur argos.
( VIRGILE. )
931
2° Stances écrites sur la première page d'un livre
de piété offert à une personne religieuse.
3° Définition romantique du romantisme.
Ægri somnia.
( Horace. )
4° À Me Marguerite, âgée de cing ans.
5° À un enfant âgé de trois ans.
6° La Bretagne; à Me Élise **, de Paris, à son
retour d'un voyage en Bretagne.
Le Pauvre.
8° À ma fauvellte.
Pour chanter tu vins sur la terre.
(Amable Tasru. )
14. — La Couronne ou la Voix de France, ean-
tate offerte à l'Académie de Bordeaux ( 7
septembre 1853 ).
Vires acquirit eundo.
( VIRGILE. )
15. — Chants élégiaques (13 septembre 1853 ).
Ma muse a pris le deuil comme une pauvre veuve;
On dirait que mon cœur se nourrit et s'abreuve,
Du livre qu'en son sein reçut Ézéchiel.
( Hipp. VIOLEAU. )
1° Odette;
2 L'Orphelin ;
3° A ma pelite germaine;
4° Romance dédiée à M" C. V. { chante );
5° Élégie;
6° Romance à une fleur ;
7° Regrets;
8° Petit oiseau béni | à Alcide ).
932
16. —
4° Viens, viens, viens, canzonnetta sur les mo-
tifs de Cécily, des Mystères de Paris (15
septembre 1853 ).
Mon sein bondit, mon sang brüle,
Viens, viens, viens.
( Eug. Sur. )
20 A ma bien-aimée Lucie.
Vous m'avez causé moult bien.
(LE rot RENÉ).
3° Le Chant de l'exilé.
Savez-vous, Maximilien, tout ce qu'il
y a de poésie pour un noble cœur dans
ce mot si simple : autrefois?
{ Sounou pu TEMPLE; le Gâteau des rois. )
17. — Le Missionnaire, poème ( 19 sept. 1853 ).
Est quodam prodire tenus, si non datur ultra.
(HorAGE, liv. Ier, épit. 4re.
18. — La Citadelle d'Athènes ( 23 sept. 1853 ).
Je suis un citoyen de tes siècles antiques,
Mon âme avee l’abeille erre sous tes portiques.
( Alfred de Musser.)
19. —
15 Épigramme politique ( 24 septembre 1853 ).
Pourvu que sa finesse, éclatant à propos,
Roulât sur la pensée et non pas sur les mots.
(BoiLEAU ).
90 Poëme de la Charité.
Aimons la charité qui seule satisfait;
On n’est jamais heureux que par le bien qu’on fait.
3° Le Crédit foncier à Bordeaux, satyre.
L'ardeur de se montrer et non pas de médire,
Arma la vérité du vers de la satyre.
BOILEAU. )
933
RES À pître aux Bordelais, par un Bas- Breton
( 28 septembre 1853.)
À tous les cœurs bien nés que la patrie est chère.
(VOLTAIRE. )
21. — Aux Poëtes ( 28 septembre 1853 ).
Oh! si j'avais des paroles,
Des images, des symboles,
Pour peindre ce que je sens;
Si ma langue embarrassée,
Pour révéler ma pensée,
Pouvait créer des accents.
( LAMARTINE. )
22. — Ad Academiam. Vers latins sur la mort de
Napoléon I et l'avénement de Napo-
léon IE ( 29 septembre 1853 ).
Me vero primum dulces ante omnia musæ,
Accipiant..…. ( VIRGILE. )
23. — Le Monde et la Famille, épitre à ma sœur
( 29 septembre 1853 ).
Je songe à ceux qui ne sont plus.
(LAMARTINE. )
Heureux celui qui connaissant tout le prix d’une
vie douce et tranquille, repose son cœur au milieu
de sa famille et ne connaît d'autre terre que celle
qui lui a donné le jour.
(MonTESQuIEU; Lettres Persanes, p. 405.)
24. — Le Poëte et la Nature ( 29 septemb. 1853.)
La nature a des chants de bonheur, de tristesse!
( LAMARTINE. )
25. — Rêve ( 29 septembre ).
Heureux ceux qui savent se contenter des douceurs
d'une vie innocente. (FÉNELON; Télémaque.)
60
934
26. — Influence des femmes dans les Beaux-Arts,
ode ( 30 septembre 1853 ).
Votre gloire est souvent l'ouvrage d’un sourire.
Quel homme, pour charmer la beauté qui l'inspire,
Se livrant aux travaux qu’un regard doit payer,
S'il possède un talent, ne souhaite un laurier?
Ce désir est surtout l'aiguillon du poëte.
(LEGOUVYÉ. )
1° Luther ( 30 septembre 1853 ).
Il y a assez pour croire,
Assez pour ne pas croire.
( PASCAL. )
2 Les Trois conduites, fable.
La critique est aisée...
(BOILEAU. )
28. —
1° Jeanne d'Arc, vierge et martyre, ode ( 30
septembre 1853 ).
2° La Falaise.
Cerulæum mare...
29. — Le Réveil de l'Afrique ( 30 sept. 1853 ).
Lux in tenebris lucet..…,
30. —
1° Naître, élégie, avec une épigraphe d’Ana-
créon, ode { 30 septembre 1853 ).
2° Illusions.
L'homme est un roi tombé qui se souvient des cieux.
Arrivé après la fermeture du Concours :
31. — Recueil de poésies (novembre 1853 ).
935
L'Académie à trouvé (rès-peu de poésie dans les di-
vers morceaux qui composent le Concours.
Aucun sujet intéressant n'a été parfaitement choisi
ou convenablement traité par les auteurs.
On à remarqué seulement, dans de rares passages,
de la sensibilité et de l'élégance dans le vers, quelques
inspirations assez heureuses, el un mérite ou habitude
de versification.
Aucun Prix n'a donc été accordé, et c'est avec re-
gret que la Compagnie a dù se borner à trois mentions
honorables et quatre citations.
MENTIONS HONORABLES,
A. — Le Missionnaire | poëme). Cette œuvre pré-
sente des longueurs; mais il y a des épisodes intéres-
sants. L'on peut retenir plusieurs vers bien frappés.
2, — La Dernière nuit des Girondins, et la Fian-
cée du voyageur.
Une certaine ampleur et fermeté de pensée se font
remarquer dans la première de ces pièces.
On lit avec plus d'intérêt dans la seconde des vers
empreints de sensibilité et émanant du cœur; ils ré-
vèlent les émotions d'une femme.
3°, — Poésies religieuses, traduites ou imitées des
psaumes et des hymnes que l'Église chante dans les
principales fêtes de l'année.
936
Ce recueil a un mérite littéraire assez soutenu; c’est
le résultat d’un travail sérieux.
CITATIONS:
fe. — Le Monde et la Famille, ou Epître à ma
sœur, contient un passage plein d'âme et de sentiment.
2%, — Les Hussards de la mort. C'est un chant
guerrier dont quelques strophes ont de l'intention, de
la verve et du mouvement.
3°. — Jeanne d'Arc (ode); la Falaise, viennent
de la même plume et offrent des vers généralement
bien faits; mais l’ensemble des détails est faible.
4°, — L'Epitre aux Bordelais, par un Bas-Breton,
exprime une idée ingénieuse et philanthropique; le
faire en est facile et parfois spirituel.
$ III.
SCIENCES.
AGRICULTURE.
La question, proposée aux hommes instruits et sé-
rieux, se rapporlait au grave Sujet qui préoccupe si
justement notre département : la maladie de la vigne.
937
Deux concurrents ont voulu y répondre; mais ces
travaux ne peuvent être considérés que comme une
preuve de bonne volonté de la part des auteurs.
Le N° 4 est insuflisant par sa brièveté; il ne ren-
ferme d'ailleurs que des indications déjà connues, et
propose des moyens de guérison dont l'efficacité est
bien loin d'être démontrée.
Le N° 2 ne contient aucune idée nouvelle, ni aucun
fait important; de plus, il n’est pas inédit. La copie
autographiée qui a été envoyée, prouve suffisamment
que l'auteur n'a pas écrit pour l'Académie: il est placé,
par cette circonstance, hors du Concours.
- Le prix, ni aucune récompense , n'a donc pu être
donné.
Convaineue de la haute utilité des études qu’elle
avait réclamées, la Compagnie n'en persiste pas moins
à laisser ouverte une carrière d’où elle attend des ren-
seignements pratiques importants.
ÉCONOMIE SOCIALE,
Le sujet proposé par l'Académie fixait les médita-
tions des concurrents sur les conditions hygiéniques et
morales des laboureurs et des ouvriers; il réclamait
encore l'indication des moyens les plus propres à em-
pêcher l'émigration des premiers au sein des villes.
Trois Mémoires ont répondu à cet appel; le n° 2
mérite seul un examen sérieux.
938
Pour ce qui concerne la première partie de la ques-
tion, il renferme des idées et des observations qui ont
de la justesse et peuvent se résumer ainsi : les influen-
ces hygiéniques sont plus puissantes dans les campa-
gnes que dans les villes; le laboureur est plus moral;
l'ouvrier est plus intelligent.
Poursuivant un ordre logique d'idées, cet auteur,
dans la deuxième partie du travail, place les moyens
qui pourraient donner aux laboureurs l'instruction et
par suite l'aptitude industrielle dont ils ont besoin ; d'où
il résulterait que n'ayant plus rien à envier aux villes,
ils ne songeraient pas à abandonner leurs campagnes.
Toute cette seconde partie du Mémoire n'a pas été
traitée avec l'exactitude, le jugement et la réserve qui
lui convenaient; elle est remplie, au contraire, par
beaucoup de digressions.
La Compagnie a constaté enfin que l'étude appro-
fondie des différentes causes qui portent vers les villes
les populations des campagnes, n'avait nullement été
faite; et pourtant c'était le préliminaire obligé de la
question.
Le sujet relaté n'ayant pas été traité convenablement,
le prix ne pouvait être décerné.
Néanmoins, pour tenir compte du labeur dont on
retrouve les traces dans ce Mémoire, des choses vraies
contenues dans sa première partie, et d'un style en
général facile, élégant, et qui parfois à de l'animation
et de la verve, l'Académie a accordé une mention ho-
norable à l'auteur, et remet la question au Concours
pour 1854,
939
PHYSIQUE GÉNÉRALE.
Un seul Mémoire est arrivé à l'Académie, sur l'exa-
men critique et comparatif des théories dualistique
el unitaire de la chimie.
La Compagnie appréciant l'histoire des différentes
théories qui se sont substituées tour à tour, croit de-
voir rester indécise encore, même après le travail qui
lui a été présenté, et ne pas admettre de conclusions
définitives. C'est avec satisfaction qu'elle tient compte
de faits bien observés et bien établis qui serviront à
éclairer la science.
Par ces motifs, elle ne décerne pas le prix.
Mais reconnaissant le mérite réel d'un Mémoire où
sont réunis avec art et discutés avec intelligence de
nombreux documents, et où l’auteur fait preuve de
connaissances approfondies des lois de la physique mo-
léculaire et des phénomènes chimiques, l'Académie a
voulu récompenser ce travail intéressant en lui décer-
nant une médaille d'or de 100 fr.
CHIMIE AGRICOLE,
La question proposée était la suivante, comprise
dans deux paragraphes :
« Examen approfondi des engrais considérés aux
» points de vue chimique, physiologique et agricole.
» Peut-on déterminer la valeur réelle et vénale des
» engrais, dans tous les cas où l'on peut en faire usage,
» par la seule connaissance des quantités d'azote et
2
» d'acide phosphorique qu'ils contiennent? »
940
L'Académie n’a reçu qu'un seul Mémoire.
Elle a le regret de voir des lacunes considérables
dans ce qui touche à la première partie de la question.
L'auteur ne parait pas avoir parfaitement saisi l'é-
tendue de son sujet, ou au moins il ne lui a pas donné
les développements suffisants; il n’a parlé qne des en-
grais phosphatés ou phosphato-azolés, et a passé tout
à fait sous silence ce qui concerne les cendres, les
marnes, les plâtres, etc. L'examen approfondi du
premier paragraphe devenait cependant indispensable
pour traiter et résoudre le second.
D'un autre côté, la Compagnie a reconnu dans ce
Mémoire des renseignements utiles, des théories judi-
cieusement déduites; enfin, des travaux d'analyse qui
dévoilent l'homme habile et pratique.
Des attestations authentiques accompagnent les faits
annoncés dans cette œuvre. La composition et la ré-
daction de celle-ci offrent les qualités désirables dans
un ouvrage de science.
Malgré cette juste part d'éloges, l'Académie n'a pu,
en présence des omissions signalées, accorder le prix
du Concours; seulement, en raison de l'importance de
ce Mémoire et de son mérite incontestable, elle a dé-
cerné une médaille d’or à son auteur.
S IV.
LITTÉRATURE,
Etude générale du barreau de Bordeaux, depuis
1780 jusqu'en 1815.
941
Cette question à été proposée pendant deux ans aux
recherches et aux méditations des concurrents.
En 1852, elle produisit l'envoi d'un seul Mémoire,
qui revient en 1853, après avoir subi des modifications
réclamées par le Programme.
Ce travail est divisé en quatre parties.
15, — Histoire du barreau jusqu'à l'élection des tri-
bunaux et la suppression de l’ordre des avocats.
2°. — Comprenant une période qui aboutit à la re-
constitution de l'ordre des avocats (1810).
3°. — Arrivant aux limites fixées par le Programme
(1815).
4°. — Mœurs, délassements littéraires et biographie
des plus célèbres avocats bordelais.
Ce travail important remonte à un événement qui a
fait époque à Bordeaux (réintégration du Parlement en
1775). Défectueux’en ce qui concerne l'histoire gé-
nérale du barreau, il est riche en documents biogra-
phiques. On y remarque, pour lapplaudir, un désir
sincère d'indépendance et d'impartialité. Le style n'est
pas assez littéraire : cette œuvre présente néanmoins,
à la lecture, un intérêt vif et soutenu.
Par les considérations qui précèdent , l'Académie n'a
pu accorder le prix à ce Mémoire; cependant, elle veut
être juste envers l’auteur, et lui donner un témoignage
de haut intérêt : c’est pourquoi elle lui décerne une mé-
daille d'or de 100 fr., et retire le sujet du concours.
942
ENCOURAGEMENTS DIVERS.
Conformément à l’art. #8 de son Règlement, dont
on retrouve le sens au $ XXII du Programme de 1853,
une médaille d'encouragement est accordée aux au-
teurs qui adressent à l'Académie des ouvrages d'un
mérite réel.
Le drame en cinq actes et en prose ayant pour Ui-
tre allégorique le Pensum, et qui est parvenu à la
Compagnie, ne se trouvant pas dans les conditions
spécifiées, cet article des Statuts ne peut recevoir cette
année aucune application.
QE
PRIX DÉCERNÉS PAR L'ACADÉMIE EN 1853.
L'Académie accorde :
CONCOURS D’'ÉCONOMIE SOCIALE,
1° Une mention honorable à M. Jules Leveillé, de
Rennes, auteur du Mémoire n° 2.
CONCOURS SUR LA QUESTION DE PHYSIQUE GÉNÉRALE.
2 Une médaille d'or de 100 fr. à M. Léopold Micé,
préparateur de chimie à la Faculté des Sciences de
Bordeaux.
CONCOURS DE CHIMIE AGRICOLE,
3° Une médaille d'or de 100 fr. à M. Adolphe Bo-
bierre, professeur de chimie à la chaire municipale de
Nantes.
CONCOURS SUR LA QUESTION RELATIVE A L'ÉTUDE SUR LE
BARREAU DE BORDEAUX.
4° Une médaille d'or de 100 fr. à M. Henry Chau-
vol, avocat à Bordeaux.
CONCOURS DE POÉSIE,
5° Une première mention honorable au n° 19, Le
Missionnaire, poëme, par M. Bravet, propriétaire à
Bazas.
6° Une deuxième mention honorable au n° 12, la
Dernière nuit des Girondins, ode; et la Fiancée du
voyageur, élégie, dont l'auteur est M" Louise Brunet,
à Casseneuil { Lot-et-Garonne ).
7° Une troisième mention honorable au recueil n°8,
Traductions ou Imitations des psaumes et hymnes
chantés dans les principales fêtes de l'Eglhse, dù à
M. F. Fourtou, conseiller à la Cour impériale de Bor-
deaux.
944
CITATIONS DANS LE RAPPORT DE POÉSIE,
Le Monde et la Famille, ou Épitre a ma sœur
(n°23). — Les Hussards de la mort, chant guer-
rier (n° 3). — Jeanne d'Arc, ode, et la Falaise
(n° 28 ). — Épiître aux Bordelais ( n° 20 ).
ENCOURAGEMENTS.
Une médaille d'argent, grand module, à M. Fra-
gneau, employé au chemin du Midi, section de Bor-
deaux à La Teste, pour l'invention d'un appareil élec
tro-dynamique destiné à empécher la rencontre des
convois engagés sur des lignes courbes où les méca-
niciens ne peuvent pas assez tôt s’apercevoir.
II PARTIE.
CONCOURS OUVERT POUR 1854.
L'Académie à conservé quatre questions de son Pro-
gramme de l’année dernière, et en a proposé trois nou-
velles,
& VL.
AGRICULTURE.
La première question prorogée pour 1854 concerne
945
la maladie qui vient de sévir avec force sur les vignes
de notre département.
Dans les derniers jours du mois d'août 1852, l'Aca--
démie rendit publique la détermination qu'elle avait
prise de réclamer, dans son Programme de 1853, des
études relatives à cette épidémie végétale.
Ce mal avait été jusqu'alors inconnu dans la Gironde,
dont la vigne est la principale culture et la source du
commerce bordelais.
Il n'en est plus malheureusement ainsi aujourd'hui :
de la Suisse, du Piémont, de l'Italie, de la Grèce et du
Languedoe, il est arrivé jusqu'à nos contrées et les a
cruellement ravagées.
Il est donc urgent pour l’agriculture, non moins
qu'intéressant pour l'histoire naturelle, de redoubler
d'efforts pour procéder à l'observation exacte et rigou-
reuse de cette affection, afin de pouvoir avec succès,
ou la prévenir, ou la combattre; c'est de la plus haute
importance pour Bordeaux et le département. Et M. le
Préfet de la Gironde l’a parfaitement compris, lorsqu'il
a créé une Commission générale et oflicielle dont les
soins sont de surveiller et d'étudier la marche du fléau.
Ces considérations n'avaient pu laisser indifférente,
l'année dernière, notre Compagnie, qui n’a jamais cessé
de porter toute son attention sur l'agriculture et le com-
merce de notre pays, et qui provoqua et couronna, en
1755, la dissertation du savant Tillet, sur le charbon
du blé.
Son désir et son espoir n'ont été nullément remplis
dans le Concours qu’elle à ouvert en 1853.
946
Elle n'abandonne pas cependant une idée qu’elle croit
utile et patriotique.
Fidèle à ses traditions et guidée par les puissants
motifs qui viennent d'être exposés, elle promet encore
une médaille d'or de 500 fr. et le titre de membre
correspondant, à celui qui traitera d’une manière sa-
tisfaisante la question suivante :
« Exposer le plus complétement possible les causes,
» le début, la marche, les progrès, la nature de la ma-
» ladie de la vigne, et les moyens à employer pour en
» prévenir ou en combattre les effets. »
Ce prix, comme tous les autres de ce Programme,
sera décerné dans la séance publique de la fin de l’an-
née 1854.
$ VIL.
ÉCONOMIE SOCIALE.
Les progrès incessants de l’industrie attirent au sein
des villes une agglomération toujours croissante de po-
pulation; par suite, les campagnes deviennent déser-
tes; c'est un grand mal pour l'agriculture. Au point
de vue moral, le mal semble plus grand encore, et les
économistes s'en préoccupent. Aussi, depuis quelques
années, on semble avoir voulu ranimer la vie des
champs en créant des Comices agricoles; mais on
peut déjà s'apercevoir du peu de résultats qu'obtient
cette inslitution.
Cependant, s'il est encore vrai de nos jours que les
947
goûts qui rapprochent l'homme de la nature sont les
plus propres à le rendre bon et heureux, les moralistes
doivent chercher à le ramener dans les champs, et c’est
par les institutions qu'ils peuvent espérer d'y réussir.
L'Académie voulant, pour sa part, contribuer à at-
teindre ce résultat, avait proposé lan dernier un prix
de la valeur de 300 fr. à l'auteur du meilleur Mémoire
sur la question suivante :
« Étudier comparativement les conditions hygiéni-
» ques et morales de l’homme des champs et de l'ou-
» vrier des villes. — Rechercher les moyens les plus
» propres à fixer les populations agricoles dans les
» champs. »
Elle maintient ce sujet au Concours pour 1854.
S
A
Ç VII.
MÉCANIQUE APPLIQUÉE.
L'invention du marteau-pilon, usité dans les forges ;
celle de la scie droite à mouvement alternatif, dont la
lame est fixée immédiatement dans la direction de l'axe
même des pistons des machines à vapeur; la commu
nication si directe du mouvement dans les locomotives
des chemins de fer; l'invention des machines rotatives,
permettent de penser que l'on pourrait considérable-
ment améliorer la communication du mouvement des
machines à vapeur aux divers propulseurs.
Une communication de mouvement plus simple et
948
plus directe que celles généralement usitées jusqu’à ce
jour, ferait que les machines seraient moins dispen-
dieuses, plus faciles à entretenir, et qu'il y aurait moins
de force perdue, soit par le frottement, soit par une
meilleure combinaison des organes mécaniques.
Il suffit d'avoir exposé ces faits pour que l'on en
puisse conclure, ou que l'on obtiendrait l'effet ordi-
naire et connu avec moins de combustible, ou bien
qu'avec une égale quantité de combustible il serait pos-
sible de parcourir un espace plus considérable.
Dans la pensée qu'un tel résultat peut être obtenu,
l'Académie persiste à poser la question suivante :
« Examen des divers propulseurs usités ou proposés
» pour la navigation, considérés principalement au
» point de vue des meilleurs moyens de les mettre en
» mouvement. »
La récompense à décerner en 1854 est une médaille
d'or de 300 fr.
S IX.
LITTÉRATURE.
L'Académie laisse encore figurer dans son Concours
de 1854, le sujet qui va ouvrir ce présent paragraphe
de littérature.
Voici comment s’exprimait à cette occasion le Pro-
gramme de l'an dernier :
Chaque contrée aime à connaître ses richesses litté-
Nr TE,
949
raires et le nom des hommes qui ont fait sa distinction.
L'Académie, plusieurs fois, a été assez heureuse pour
applaudir à des travaux composés pour elle, sur d'an-
ciens poêtes et écrivains, tels qu'Ausone, ©. Paulin,
Sidoine Apollinaire , etc. La même satisfaction lui a été
réservée pour les deux gloires de la Guienne, Montai-
gne et Montesquieu.
Mais il existe une foule d’autres anciens auteurs moins
distingués, qui pendant leur vie ont eu de la réputation,
et dont les écrits renferment des détails utiles à la con-
naissance de leur siècle.
C'est une pareille étude, également intéressante pour
la littérature et l'histoire, que la Compagnie réclame
et veut encourager. Elle pose pour limites aux recher-
ches qu’elle demande, l’année 1580, date de la préface
des Essais, et celle de 1734, date de la publication de
la Grandeur et de la Décadence des Romains.
Elle se résume donc en ces mots :
« État des lettres dans la Guienne, depuis la mort
» de Montaigne jusqu'à Montesquieu exclusivement. »
La récompense qui sera décernée en 1854, consis-
tera dans une médaille d'or de 300 fr.
Îl existait à Bordeaux, il ÿ a soixante-dix ans envi-
ron, un auteur dont les scènes dialoguées, les contes,
les petits drames, ont amusé et charmé l'enfance, en
lui apprenant tout à la fois à penser et à aimer. Ce
Bordelais, ce moralisie gracieux, exerce encore au-
ôl
950
jourd'hui sa douce influence sur le cœur et lintelli-
gence de ceux pour lesquels ses écrits furent faits.
Cet auteur, c'était Berquin, qui a conservé de la
postérité le titre même qu'il avait donne à son livre,
celui de l'Ami des enfants.
Berquin a eu de nombreux émules dans cette mis-
sion difficile et délicate, de présenter à l'enfance les
premiers préceptes de la morale et de l'éducation. Ses
imitateurs se sont éloignés de son genre, mais cepen-
dant n'ont pu le remplacer ni le faire oublier. .
L'Académie serait heureuse de voir des Bordelais
payer aujourd'hui un hommage de reconnaissance au
souvenir du philosophe aimable qui les à initiés aux
pures jouissances de l'esprit et de l'âme. Elle souhai-
terait encore la comparaison des œuvres de Berquin
avec les publications de même nature qui se sont suc—
cédé après lui.
Elle formule ainsi sa demande :
« Notice biographique sur Berquin; examen com-
» paré de son ouvrage l'Ami des enfants. »
Le prix sera une médaille d'or de 200 fr.
S X.
BEAUX-ARTS.
ARCHITECTURE.
L'Académie, en 4833, mit au Concours et en ces
termes : l’Eloge de Louis, architecle, auquel notre
951
ville doit son théâtre et plusieurs autres édifices.
Le Grand-Théâtre, à cette époque, venait de subir
une mulilation grave, par le retranchement si préju-
diciable d'une partie de son avant-scène. La pensée
principale de la Compagnie était de démontrer l'im-
portance de la conservation exacte du chef-d'œuvre
de Louis, et elle l'exprimait d'une manière parfaite-
ment convenable, en réclamant dans cette circonstance
l'éloge académique de cet architecte *.
Ce sujet resta deux ans inséré au Programme, et
ne fut pas traité.
L'Académie, renouant avec son passé, vient, au bout
de vingt années, reprendre cette pensée traditionnelle.
Aujourd'hui comme alors, elle a puisé le désir de voir
honorer la mémoire de Louis, dans le respect qu'ins-
pire à tous les véritables amis de l’art un monument
qui fait l'orgueil de Bordeaux.
C'est dans les terres suivants que cet éloge est ré-
clamé des concurrents :
« Appréciation de la vie et des travaux de Louis. »
Récompense : une médaille d'or de 300 fr.
MUSIQUE.
Pierre Galin, professeur à l'Institut des Sourds-Muets
de notre ville, n'ayant pas réussi à apprendre la mu-
sique par le so//ége, créa pour son propre usage un
système qu'il enseigna d'abord à Bordeaux, puis à Pa-
1 Publication du Compte rendu de la Séance publique du 28 août 1834, p. 87.
952
ris, sous le nom de Méthode du Méloplaste. H ne vé-
cut pas assez pour assurer le succès de sa tentative, qui
avait soulevé une ardente polémique. Les élèves de Ga-
lin ont repris son œuvre : Paris et plusieurs de nos
grandes villes possèdent des cours de méloplaste fort
suivis. La presse parisienne a plus d’une fois retenti
dans ces derniers temps de débats animés entre les par-
tisans et les adversaires de Galin.
En proposant ce sujet de prix, la Compagnie veut
prouver sa haute estime pour l'un de nos savants com-
patriotes, et appeler la discussion sur les procédés les
plus propres à populariser l’art musical.
Voici comment elle à rédigé la question :
« Étude sur la vie de Pierre Galin, de Bordeaux, et
» la méthode du méloplaste, dont il est l'inventeur.
» L'Académie désire que les concurrents exposent
» les procédés de Galin et qu'ils en discutent la valeur
» en les comparant aux modes d'enseignement musical
» les plus usités. »
Une médaille d’or de 300 fr. sera accordée à l'auteur
du meilleur travail sur ce sujet.
$ XI.
ENCOURAGEMENTS DIVERS.
L'Académie continuera d'accorder des récompenses
proportionnées au mérite des poésies qui lui seront
adressées. Déjà, depuis plusieurs années, elle a pensé
qu'il était convenable de laisser au poète le choix du
953
sujet à traiter. Cependant, elle accordera toujours une
attention toute particulière à celles de ces poésies qui
se rattacheront, soit à quelques circonstances de la
localité, soit à quelques faits particuliers de l'histoire
du pays.
Les observations météorologiques qui se font depuis
quelques années sur divers points de la France, et qui
ont acquis assez d'extension pour devenir l'objet d'une
publication spéciale { Annuaire météorologique ) ont
paru à l'Académie devoir être favorisées d'une manière
particulière : des médailles d'encouragement seront
décernées aux auteurs d'observations barométriques,
thermométriques et udométriques faites au moins pen-
dant une année entière sur un point du département,
avec des instruments soigneusement comparés.
Les constructions nouvelles qui s’opèrent dans le dé-
partement de la Gironde, déterminent de grands travaux
de terrassement. L'Académie, mue par le désir de fa-
voriser le progrès des sciences géologiques et z0ologi-
que, et surtout dans le but de compléter la faune an-
tédiluvienne du bassin de la Gironde, décernera des
encouragements spéciaux aux personnes qui recueille-
ront et lui adresseront des ossements fossiles, ou, du
moins, qui lui en transmettront des descriptions dé-
taillées accompagnées de figures.
L'Académie décernera, dans sa Séance publique de
1854, ainsi qu'elle l’a fait dans ses séances antérieures,
954
des médailles d'encouragement aux agriculteurs et aux
artistes qui lui auront communiqué des travaux utiles,
ou aux industriels qui auront formé des établissements
nouveaux à Bordeaux ou dans le département.
De semblables marques de distinction pourront être
accordées aux recherches archéologiques, aux écrits
qui feront connaitre la vie et les travaux des hommes
les plus remarquables du département de la Gironde,
aux communications qui seront faites à l'Académie,
d'objets d'arts, de médailles, d'inscriptions ; enfin, à
tous les documents scientifiques quelconque qui pré-
senteront de l'intérêt et de l'utilité.
CONDITIONS GENERALES,
La Séance publique annuelle aura lieu dans le cou-
rant de décembre 1854.
Les Mémoires, écrits très-lisiblement en français ou
en latin, seront reeus, francs de port, jusqu’au 30 sep-
tembre 1854, à l'hôtel du Musée, rue St-Dominique, 1.
Tous doivent porter une sentence , et, dans un billet
cacheté renfermant cette mème sentence, le nom de
l’auteur et son adresse. L'auteur devra déclarer, dans
ce billet cacheté portant son nom, que sa pièce est
inédite, n’a pas concouru ailleurs, et qu'elle n'a été
présentée ostensiblement à aucune Société savante.
Tout auteur qui fera connaitre son nom, sera, par cette
955
seule circonstance, placé hors de la liste des concur-
rents.
Les billets ne seront ouverts que lorsque les ouvra-
ges auront été jugés dignes du prix, ou d'une récom-
pense académique.
Sont dispensées de cette formalité, les personnes qui
aspirent aux médailles d'encouragement, et les con-
currents aux prix qui exigent ou des recherches locales,
ou des procès-verbaux d'expériences qu'ils auraient fai-
tes eux-mêmes.
Art. 29 du Règlement de l’Académie. Les manus-
crits envoyés au Concours doivent rester aux Archives
tels qu'ils ont été cotés et parafés par le Président et le
Secrétaire, et ne peuvent, dans aucun cas, être dépla-
cés. Toutefois, l'Académie ne s’arroge aucun droit sur
le Mémoire lui-même, qui demeure toujours la pro-
priété de l'auteur; il peut en disposer à son gré, sans
qu'il soit nécessaire de demander aucune autorisation
à cet égard.
( En se faisant connaître, l'auteur d'un manus-
cril peut obtenir l'autorisation d'en faire prendre
copie sur place. )
Art. 50. Les Mémoires couronnés par l'Académie
ne peuvent être publiés par les auteurs sans le consen-
tement formel de la Compagnie, qui ne l'accordera
qu'autant qu'elle aura la certitude que l'ouvrage im-
primé sera en tout conforme au Mémoire manuscrit
couronné par elle et déposé aux Archives, Cet article
956
et l'article précédent seront insérés dans le Programme.
Les étrangers et les régnicoles sont également admis
à concourir, même ceux qui appartiennent à l'Acadé-
mie à titre de membres correspondants.
Henry BROCHON, Président.
Le D' E. DÉGRANGES, Secrétaire général.
RAPPORT
SUR
LE MÉMOIRE DE M. DE LACOLONGE,
CONCERNANT LES ROUES A AUBES COURBES;
Par M. W. MANÈS.
La nature nous a prodigué, dans les cours d’eau qui
sillonnent la surface de la terre, une force motrice gra-
tuite qu'il nous importe d'utiliser, et dont nous nous
servons souvent assez mal en ce que nous en dissipons
en pure perte une grande quantité.
Pour en tirer le meilleur parti, il convient : 4° de
mesurer la masse d'eau disponible et la hauteur de la
chute; d'estimer la force qu’elle représente, et de voir
si cette force est capable de produire l'effet qu'on en
attend; 2° de faire alors le choix de la roue la plus con-
venable à employer, ce qui demande seul des études
théoriques qui sont du domaine de la science ; 3° de
958
procéder enfin au meilleur tracé de la roue adoptée, ce
qui exige surtout des recherches compliquées, pour les-
quelles il est de l'intérêt des industriels de consulter à
cet égard des ingénieurs spéciaux, ou de recourir aux
bons auteurs sur la matière.
Dans le département de la Gironde, se trouvent beau-
coup de petits cours d'eau, sur lesquels sont établies
de mauvaises roues à cuves qui consomment beaucoup
plus d’eau qu'il n'est nécessaire, et qui éprouvent cha-
que année des chômages plus ou moins longs, prove-
nant des sécheresses de l'été ou des crues de l'hiver.
Nous avons, dans des notes sur la meunerie, appelé
l'attention des industriels sur ce point, et montré les
avantages qu'ils auraient à remplacer ces moteurs par
d’autres plus perfectionnés, en citant entre autres ce
fait remarquable, que, pour moudre 1 hectolitre de blé
à l'heure, les roues horizontales à cuves exigent, avec
la chute de 1 mètre, 4,406 litres d'eau par seconde,
tandis que les turbines n’en dépensent que 321 litres,
dans les mêmes circonstances.
M. de Lacolonge, capitaine d'artillerie, inspecteur
de la poudrerie de Saint- Médard, dans le Mémoire qu'il
vous à soumis et que vous nous avez chargé d'exami-
ner, traite de la roue verticale à aubes courbes, qui
est une des plus simples et des plus convenables pour
les petites chutes, et qui est, à force égale, d'une
construction plus économique et d'un poids moindre
que la roue à aubes planes, se mouvant dans un cour-
sier. Cette roue a, comme on sail, reçu successive
ment différents perfectionnements.
959
Telle qu'elle fut établie en 1825 par M. Poncelet,
cette roue se composait d'aubes circulaires qui présen-
taient leur concavité au courant, et qui plongeaient dans
un coursier, lemboitant par un are de cercle à déve-
loppement supérieur à l'intervalle de deux aubes. Elle
recevait l'eau au moyen d'un vannage incliné à 4 de
base sur À ou 2 de hauteur. La partie du coursier inter
médiaire entre l'orifice du vannage et la roue avait son
fond formé par un plan incliné tangent à l'arc de cer-
cle qui le termine. Un ressaut et un élargissement du
coursier étaient pratiqués à l'endroit où les aubes com-
mencent à vider l'eau, afin de faciliter le dégorgement
de celle-ci.
Dans une roue ainsi faite, 4° le maximum d'effet a
lieu quand le rapport + de la vitesse de la circonfé-
rence extérieure de la roue à la vitesse d'arrivée de
l'eau sur les aubes est celui de 0,50 à 0,55, et alors
le rapport de l'effet utile réel à l'effet absolu de l'eau
employée pouvait s'élever à 0,60 et même à 0,75, mais
n'a jamais atteint ce dernier chiffre.
20 Quand la vitesse de la circonférence extérieure de
la roue s’écarte sensiblement de celle qui correspond au
maximum d'effet, l'effet utile est inférieur à ce maxi-
mum, et ceci tient à ce que, en raison de la forme
rectiligne du coursier, les filets fluides ne rencontrent
pas la circonférence, et, par suite, la surface de l'aube
sous le même angle, d'où résulte nécessairement une
perte de force vive à l'entrée.
Pour faire disparaître cet inconvénient, M. Poncelet
imagina plus tard de donner à la partie du coursier
960
qui est intermédiaire entre l'orifice et la roue, non
plus la forme d’un plan incliné, mais celle d'une courbe
composée de deux parties raccordées entre elles, la
première, en arc de cercle, et la deuxième , en spirale.
Il détermina , par le parallélogramme des vitesses de la
circonférence extérieure de la roue et de l’eau affluente,
la direction de la tangente au premier élément de l'au-
be, et celle de la ligne du centre de courbure des au-
bes, pour lesquelles il choisit un rayon tel, que ce
cercle rencontràt la circonférence intérieure de la roue
en formant avec elle un angle aigu très-voisin de l’an-
gle droit.
Par ce nouveau tracé, on obtint les améliorations
suivantes :
4° La roue à aubes courbes, ainsi disposée, offre
l'avantage de diminuer beaucoup, si ce n’est de détruire
entièrement, les effets du choc de l’eau à l'entrée sur les
aubes.
2 Elle a acquis la propriété, qu’elle ne possédait pas
auparavant, de pouvoir marcher à des vitesses notable-
ment supérieures ou inférieures à celle qui correspond
au maximum d'effet, sans que l'effet utile s'éloigne con-
sidérablement de ce maximum.
3° L'effet utile s'y élève de 0,60 à 0,65 du travail
du moteur, avec une vitesse de la circonférence exté-
rieure, égale toujours à 0,50 ou 0,55 de celle qui est
due à la charge sur le sommet de l'orifice.
& À charge et hauteur d'orifice égales, la roue rend
un effet utile sensiblement le même, quand elle est
placée à 012 au-dessus du niveau de l'eau d'aval, ou
961
quand elle est noyée de 0"20 à 0"25, ce qui montre
que, pour le cas où l’on n’a pas à craindre de crues
fréquentes et durables, on doit se dispenser de placer
le point inférieur du coursier au-dessus du niveau
d'aval ou d'établir un ressaut.
5° Quand la roue est noyée de la moitié de la hau-
teur de ses couronnes, elle rend encore un effet utile
égal à 0,46, ou 0,47 du travail absolu du moteur.
La construction des roues à aubes courbes en était
à ce point, lorsque M. de Lacolonge ayant été chargé,
en 4850, d'établir à la poudrière d'Angoulême deux
roues semblables, fut appelé à Paris pour recevoir les
instructions de M. Poncelet. Les localités ne permet-
taient pas de donner au ressaut plus de 0"43 et em-
pêchaient de pratiquer aucun élargissement. Le savant
général remplaça la spirale par une développante de
cercle, et ajouta à la partie supérieure une vanne sup-
plémentaire.
La développante dirigeait mieux les filets fluides que
la spirale:
Le manque d'élargissement mit cette roue dans le
cas des roues à aubes planes, emboîtées dans un cour-
sier cylindrique, et, comme on le verra, utilisa pour
le refoulement des eaux d'aval la force vive que con-
serve toujours et nécessairement l'eau en quittant la
roue, et facilita par ce moyen la marche du moteur.
La vanne supérieure déjà expérimentée dans une
roue établie près de Metz, en 4846, par M. le colonel
du génie Parnajon, sur les indications de M. Poncelet,
avait l'avantage de compenser en temps de crue la
perte de chute par une augmentation de dépense d’eau,
962
d'étendre à cette époque la limite de la marche du mo-
teur, en le faisant participer aux propriétés des roues
avec vannes en déversoir, qui marchent très-bien noyées
de quantités notables.
Les expériences, au nombre de 415, qui ont été
faites sur la nouvelle roue d'Angoulême, au frein de
Prony, avec tout le soin convenable, ont alors donné
les résultats suivants, qui prouvent que pour les petites
chutes inférieures à 1"80, les roues à aubes courbes
ainsi modifiées sont préférables à tous les moteurs qui
peuvent leur être comparés, même en y comprenant
les roues de côté :
1° Dans la marche habituelle à chute pleine, avec
la vanne inférieure seule et sans engorgements, les le-
vées de vanne de 0"15, 020, 0"95 et 0®30 sont, à
peu de chose près, aussi avantageuses les unes que les
autres , puisque le rendement pour celle où il est le plus
bas n'est inférieur que de "/,,, au plus élevé.
2° Pour ces levées de vannes, la vitesse variant de
8 à 11 tours, c'est-à-dire de ‘/, au-dessus et au-des-
sous de la vitesse normale, le rendement ne s’abaisse
jamais à plus de ‘/,, au-dessous du maximum obtenu
pour chacune de ces levées ;
3° Pour toutes ces levées, la vitesse restant la même,
la force en chevaux est sensiblement proportionnelle
auxdites levées, ce qui rend ce genre de roues éminem-
ment propre aux industries qui ont besoin de moteurs
capables de conduire, avec une vitesse constante, di-
vers appareils destinés à fonctionner tantôt seuls et
tantôt réunis.
%° Les rendements les plus forts ont lieu pour les
963
levées de vannes de 0"20 à 0"25, et avec cette der-
nière levée, le rendement à été de 0,678, le plus fort
auquel on soit jusqu'ici parvenu ;
5° Dans la marche avec la vanne inférieure seule et
des engorgements plus ou moins forts, il a été cons-
taté : que la roue rend plus quand elle est engorgée de
la moitié de la lame affluente, que quand elle est par-
faitement dégorgée d'aval, et que ce rendement s'étend
jusqu’à 0,752 avec un engorgement égal à la moitié de
l'épaisseur de la lame d'eau; que le rapport des vitesses
est sensiblement le même, que la roue soit un peu en-
gorgée on non ; que la roue noyée d'un tiers de la chute,
transmet encore la force et la vitesse nécessaires ;
Enfin, que l'emploi additionnel de la vanne supé-
rieure lui permet de marcher encore quand l’engorge-
ment est égal à la moitié de la chute.
Les résultats ci-dessus décrits se trouvent exposés
dans le Mémoire dé M. de Lacolonge, avec l'ordre et la
clarté qu'on aime à trouver dans les ouvrages de nos
premiers hydrauliciens.
On y trouve, en outre, exposées en détail les règles
à suivre aujourd'hui pour la construction des roues à
aubes courbes, d’après les dernières modifications de
leur auteur.
Ce travail, très-remarquable par les idées neuves
qui y sont contenues, ainsi que par l'utilité pratique
qu'il pourra recevoir, mérite, Messieurs, votre appro-
bation, et nous vous proposons de donner à M. de
Lacolonge le témoignage de votre satisfaction.
Nous ne vous demanderons pas l'insertion du Mé-
964
moire entier de M. de Lacolonge dans le Recueil de nos
Actes, vu son étendue et les planches dont il faudrait
l'accompagner; mais nous vous proposerons l'impres-
sion d’une partie du présent Rapport, à l'effet de faire
connaître aux industriels que ledit Mémoire pourra in-
téresser, les principales idées qui y sont émises, et son
insertion prochaine dans le Génie industriel de M.
Armengaud, où ils pourront en prendre connaissance.
965
RAPPORT
L'APPAREIL FRAGNEAU
à prévenir les rencontres des trains de chemins de fer;
PAR M. ABRIA.
MESSIEURS,
M. Fragneau, chef du dépôt de la Compagnie des
Chemins de fer du Midi, vous a soumis un appareil de
son invention destiné à prévenir la rencontre des trains
sur les chemins de fer. Nous venons vous rendre comp-
te, M. Manès et moi, de la mission que vous nous avez
confiée.
L'appareil de M. Fragneau à pour but d'avertir le
mécanicien-conducteur d'un convoi en marche, qu'un
second convoi marchant dans le même sens où dans un
62
966
>
sens opposé est engagé dans la por-
4E tion de la voie sur laquelle il doit
ÿ lui-même cireuler. Il est principa-
lement destiné à prévenir la ren-
contre des trains sur les courbes et
dans les tunnels, quoiqu'il puisse
être égalementemployé danses par-
ties droites. Mais M. Fragneau ne
propose aucune modification aux
moyens actuellement employés pour
arrêter la marche des convois dans
les parties où les trains peuvent
s'apercevoir à des distances de 700
à 800 mètres, les convois pouvant
être arrêtés dans ce cas par l'em-
ploi des agents qui sont à la dis-
position des mécaniciens, du moins
lorsque la pente et la charge nexe
cèdent pas certaines limites.
Pour concevoir le mode d'action
de l'appareil Fragneau, supposons
quatre stations AB, C, Die
tantes, savoir : À et
B d'une part, Cet
>. Dde l'autre, de 700
RNTR à 800 mètres envi
IN à ron; B.et:Cd'un
intervalle indéter-—
_miné. De A à B,
de C à D, la voie est rectiligne; entre B et C est une
courbe ou un tunnel.
967
En D se trouve placé un disque - signal mobile au-
tour d'un axe vertical retenu dans sa position normale
par un levier en communication avec le contact d'un
électro-aimant.
Un courant électrique cireule dans celui-ci en tra-
versant d'une part la terre et de l’autre un fil conduc-
teur qui est en communication électrique avec des ap-
pareils identiques dans leur construction, destinés à
interrompre le passage de l'électricité et disposés à la
première et à la troisième station, c'est-à-dire l'un en
A, l'autre en C.
Un appareil semblable est disposé à la station À, et
les deux pôles de la pile qui y est installée communi-
quent d'une part avec le sol, de l'autre avec deux appa-
reils interrupteurs situés à la deuxième et à la quatrième
station, c’est-à-dire l’un en B, l'autre en D; le fil qui
sert de conducteur à l'électricité se rendant de l'une à
l'autre de ces stations, et les appareils interrupteurs
qui y sont établis servant comme les premiers, dans
leur position ordinaire, de conducteurs au fluide élec-
trique.
Supposons qu'un convoi, circulant dans le sens
ABCD, arrive à la station A, les roues de la locomo-
tive agissent sur l'appareil interrupteur placé en À, le
courant électrique est interrompu, le disque-signal
placé en D à l’autre extrémité de la voie, exécute un
quart de révolution autour de l'axe vertical qui le porte,
et indique dès lors l'entrée du train en À à tout autre
convoi qui se présenterait en D pour marcher dans le
sens DCBA.
Le convoi, continuant sa marche, arrive à la station
968
B, interrompt le courant dans cette station, ce qui
permet à l'indicateur placé en À d'exécuter un quart
de tour sur lui-même, et de faire connaître ainsi que
la voie est fermée à tout convoi marchant dans le mème
sens que le premier, c'est-à-dire qui se présenterait
encore en À pour marcher dans le sens ABCD.
Dès lors, la voie est fermée aux deux extrémités; et
si la partie BC est, comme nous l'avons supposé, un
tunnel ou une courbe dans laquelle les convois ne puis-
sent s’apercevoir, le premier train pourra circuler sans
obstacle et en toute sécurité.
Arrivé en C, le convoi rencontre de nouveau le cou-
rant électrique qui commande l'appareil — indicateur
placé en D, l'interrompt et permet au disque d’exécu-
ter un quart de révolution sur lui-même, ce qui le ra-
mène dans une direction parallèle à la direction pri-
mitive, et indique au convoi placé en D que la voie
devient libre.
Enfin, arrivé en D, le convoi interrompt le courant
électrique qui commande l’appareil-indicateur placé en
A, le disque exécute un quart de tour, se dispose pa-
rallèment à sa direction normale, et la voie devient li-
bre du côté de A.
Par ces dispositions diverses, les appareils une fois
mis en place, munis de piles électriques vérifiées avec
soin comme on vérifie celles des télégraphes électriques,
fonctionnent d'eux-mêmes par le passage des convois,
et indiquent tant à l'avant qu'à l'arrière que la portion
du chemin aux deux extrémités de laquelle sont pla-
cés les appareils indicateurs est occupée ou est libre.
Ajoutons que le mécanisme qui fait exécuter au dis-
969
que-signal un quart de révolution pour le mettre per-
pendiculaire à la voie, amène sur le rail trois pétards
dont la détonation, lors du passage des roues de la lo
comotive, avertirait le mécanicien qui, par inadver-
tance ou par toute autre cause, n'aurait pas aperçu
l'indicateur. Ces signaux se retirent également d'eux-
mêmes lorsque le disque reprend sa position normale,
Un convoi marchant dans le sens DCBA agira de
même sur les signaux et avertira de sa présence :
En D, en interrompant le courant qui traverse l'é-
leetro-aimant de l'appareil À, et en ramenant l'indica-
teur placé à cette station d’une direction parallèle à la
direction normale à la voie; dès lors celle-ci est fer-
mée du côté de A. En C, en agissant sur l'indicateur
placé en D et fermant la voie de ce côté.
En B, en rouvrant la voie du côté de A.
En À, en rouvrant la voie du côté de D.
Si l’on suppose maintenant deux trains au lieu d'un
seul, et si l'on admet d'abord qu'ils circulent en sens
opposés, celui des deux qui se présentera le premier à
l'une des stations extrêmes, soit en À, soit en D), aver-
tira le second de sa présence par la position que prendra
le disque. Si les deux trains arrivent simultanément
aux stations extrêmes, les mécaniciens ne peuvent être
avertis, il est vrai, par la position de l'indicateur; mais
il faut remarquer que ce cas se présente rarement; et
d'ailleurs, les signaux détonnants, venant toujours se
placer sur la voie dès le passage des premières roues,
seront écrasés par les roues des wagons suivants, et
avertiront encore dans ce cas les mécaniciens par leur
explosion.
970
Il pourra se faire encore que le convoi entré le pre-
mier, par exemple, du côté de À, soit arrivé à la troi-
sième station en C avant que le convoi opposé se soit
présenté en D. Dans ce cas, le signal de D a repris sa
position normale, et la voie paraît libre pour le second
train; mais comme la voie ferrée est rectiligne de C
en D et au delà, les deux convois pourront s'aperce-
voir et faire les signaux et les mouvements nécessaires
pour l'arrêt. Par la même raison, la voie doit être rec-
tiligne de B en À et au delà de A.
Si les deux convois circulent dans le même sens,
dans le sens ABCD , par exemple, celui des deux qui
arrivera le premier sur la voie, ou sera aperçu par le
second S'il n'est pas encore en B quand celui-ci arri-
vera en À, ou bien aura fait tourner le disque -signal
s'il est engagé dans la portion BCD ; la rencontre sera
donc encore évitée.
Après s'être rendu compte de la manière dont les
appareils doivent fonctionner dans les divers cas qui
peuvent se présenter, la Commission a porté son atten-
tion sur le mécanisme lui-même.
Ce mécanisme est des plus simples.
Les deux parties essentielles sont, d’une part, l'ap-
pareil indicateur qui porte le disque; de l'autre, l'ap-
pareil interrupteur destiné à faire marcher le premier
quand le courant est interrompu.
L'axe qui porte le disque-signal reçoit son mouve-
ment d'un ressort, et le levier qui est lié avec le con-
tact de l'électro-aimant n'a d'autre fonction que de l'a-
bandonner à lui-même pendant un quart de révolution,
quand le courant électrique cesse de passer dans le
971
fil. Le même mouvement entraine sur le rail une pla-
que sur laquelle sont placés les signaux détonnants.
Toutes ces pièces peuvent être exécutées sans diffi-
culté et de manière que, dans la pratique, leur jeu soit
certain.
L'appareil interrupteur se compose essentiellement de
deux lames de cuivre placées à l'extrémité d’un levier
dont l'autre bras s'abaisse lors du passage des roues de
la locomotive et des wagons. Alors la première lame se
relève , et comme elle repose par ses extrémités sur
deux autres lames de cuivre placées en regard l'une de
l'autre, isolées et en communication chacune avec l'un
des fils conducteurs, le courant est aisément inter-
rompu, et le contact se sépare de l'électro-aimant, soit
par suite de l'absence du courant, soit par l'action d'un
faible ressort auquel il est uni.
La lame de cuivre mobile fait ressort contre les deux
autres, et il n’est pas à craindre que le courant éleetri-
que éprouve de trop grandes difficultés dans son pas-
sage; on en serail, du reste, aisément averti.
Il est essentiel que le contact, une fois interrompu, ne
se rétablisse qu'après le passage du convoi tout entier :
le levier tendant à s’abaisser après le passage de chaque
roue, M. Fragneau ralentit son mouvement de descente
à l'aide d'un soufflet qui ne lui permet d'exécuter qu'une
partie de ce mouvement dans l'intervalle de temps qui
sépare le passage des deux roues consécutives ; le con-
act, une fois interrompu par la première roue, ne se
rétablit qu'après le passage de la dernière, et le disque
n'exécule qu'un quart de tour.
La pile est à zinc et sulfate de cuivre. L'appareil
972
devant fonctionner quand le courant est interrompu,
il est aisé de s'assurer si la pile a une énergie suffi-
sante et si les contacts sont convenablement établis :
celte partie du service est à peu près la même que pour
les piles des télégraphes électriques.
Quant à la dépense d'établissement et d'entretien,
nous n'avions pas à nous en occuper; mais elle ne pa-
rait pas devoir être considérable.
En résumé, cet appareil présente une application
rationnelle et très-ingénieuse des propriétés de l'élec-
tricité dynamique. Il est simple, facile à exécuter, aisé
à surveiller daus la pratique. La Commission pense
qu'il peut rendre de véritables services sur les chemins
de fer à une seule voie, et mème sur ceux à deux voies.
Les conséquences de la rencontre des trains sont telle-
ment désastreuses, qu'on ne saurait prendre trop de
précautions pour les éviter; et les moyens inventés par
M. Fragneau paraissent de nature à les prévenir pré-
cisément dans les cas où les moyens ordinaires sont
insuflisants. De semblables appareils placés, soit dans
les parties courbes, soit de gare en gare, offriraient
certainement quelques garanties contre les chances
d'accidents; et l'Administration des Chemins de fer de
Bayonne a bien mérité de la chose publique en autori-
sant les essais sur la ligne de Bordeaux à La Teste.
Nous avons l'honneur de vous proposer de décerner
à M. Fragneau, inventeur de cet ingénieux appareil,
une médaille d'argent grand module.
15 décembre 1853.
973
RAPPORT
SUR LE
CONCOURS DE POÉSIE
Pour l'année 1853;
PAR M. JULES DE GÈRES.
MESSIEURS,
La poésie serait-elle comme ces arbres de nos vergers
qui ne donnent leurs fruits que tous les deux ans, et
la saison de disette serait-elle la conséquence et le pré-
sage d'une saison d'abondance? Nous tournerions alors
nos souvenirs, pleins de regrets, vers le Concours si
éclatant de l'année dernière, et nos regards se repor-
teraient avec une confiante espérance vers celui non
moins fortuné sans doute de l'année prochaine. Heu-
reux, si là pouvait se borner notre tache! Nous ne
974
sortirions pas de cette loi commune et providentielle
par laquelle on se console du présent en songeant à
l'avenir et au passé. — Mais telle n'est pas notre fa-
cile mission : enviant le sort de nos honorables et heu-
reux prédécesseurs, dont la récolte à été si abondante,
nous devons glaner là où ils ont moissonné.
Il nous est particulièrement pénible que notre pre-
mier pas dans une voie qu'ils ont si brillamment par-
courue, soit l'accomplissement d'un devoir ingrat : le
tenter est faire acte de courage et de résignation. Peut-
être n'étions-nous pas dignes d'un meilleur lot, C'est
done une double fatalité, qu'à l'infériorité de la matière
se joigne encore l'insuffisance de l'ouvrier. Il semble
dur au juge qui peut devenir accusé, de se montrer
sévère lorsque lui-même sollicite lindulgence ; mais il
tire sa force et son autorité de la Commission dont il
est l'organe; il ne fait que prononcer la sentence du
jury; — et l'on ne doit point oublier qu'il peut lui ar-
river parfois l'obligation de renoncer à son jugement
privé pour le fondre dans celui de la majorité. Cette
sévérité nécessaire, Messieurs, est en quelque sorte ex-
piée par la stérilité du rôle de votre Rapporteur ; il lui
sera douloureux, à la fin de son œuvre, de ne pas voir
votre digne Président couronner, selon l'usage, les vain-
queurs de nos paisibles tournois, — il aimerait à faire
partager et consacrer par ce publie d'élite des senti
ments qu'il eüt été heureux d'éprouver lui-même, et
les applaudissements recueillis par les lauréats eussent
été la meilleure, la plus douce récompense de son travail.
Il faut le constater, le Concours de 1852 était ex-
975
ceptionnel. Empiétant un moment sur les droits mé-
mes de la postérité, votre tribunal suprême y jugeait
les vivants et les morts. Cent dix lutteurs se pressaient
dans l'arène; cette année, trente seulement s'y sont
présentés. L'Académie ne se plaindrait pas du nombre,
si la qualité lui offrait compensation. C'est le mérite
des concurrents qui fait leur gloire et la sienne : Non
numerantur, sed ponderantur.
L'an dernier, votre Commission de poésie accordail
quatre citations, trois mentions honorables, trois mé-
dailles d'argent petit module, une médaille d'argent
grand module, et une médaille d'or. Foreément plus
modeste aujourd'hui, elle a dû restreindre ses largesses
à quatre citations et trois mentions honorables. C'est,
à le prendre du bon côté, un encouragement positif
pour les poëtes à venir, et même pour ceux à revenir.
Abandonnant les vingt=trois athlètes malheureux
auxquels là consciencieuse exactitude de votre hono-
rable Secrétaire général réserve la consolation d'un
accusé de réception publié dans vos Actes, notre Rap-
port s'oceupera exclusivement des sept élus que votre
Commission a sauvés des gémonies de vos Archives.
Nous commencerons par les citations, qui sont Îles
moindres faveurs accordées par l'Académie, et nous
débuterons par la quatrième; les derniers seront les
premiers.
C'est le n° 20 du Concours qui a obtenu cette légère
distinction, pour l'expression d'un vœu très-louable,
intitulé : Épitre aux Bordelais, par un Bas-Breton.
— Témoin de l'empoisonnement en grand de la Chine
976
par l'opium anglais, l'honorable auteur supplie les
Bordelais d'éviter le même sort à ses compatriotes de
la Basse-Bretagne, en rétablissant de forts droits de
sortie sur la boisson qu'une dérisoire anomalie fait
nommer eau-de-vie, et qu'il nomme eau-de-mort.
Il commence par décerner de justes éloges au vin de
Bordeaux, à
ce jus riche et vermeil,
Plein des parfums du sol, et des feux du soleil.
Quiconque en fait modérément usage, dit-il,
Est des hommes, du sort, de lui-même charmé;
Tandis que de son front fuit un dernier nuage ,
Le bonheur lui renaît au cœur, comme au visage.
L'excès, presque toujours ou coupable ou fatal,
Ici, sans être un bien, moins qu'ailleurs est un mal,
Votre vin, prodigué, par ses vapeurs légères,
Nous transporte au pays des riantes chimères,
Fait d’un manant un roi, presqu'un Dieu d'un mortel ,
Qui tout éveillé rêve et devine le ciel!
Sans que les voluptés où son âme se noie,
Libre de tout penser qui n’est pas une joie,
Attaquent sa santé, ce premier des trésors,
Et d'une courte vie usent trop les ressorts.
Ainsi, chez vous la vigne, en merveilles féconde
D'un monde de douleurs sait faire un meilleur monde!
Pourquoi faut-il que l'homme, qui ne se contente
pas du bien, ait trouvé le mal en cherchant le mieux?
Mais l’effréné désir d'une ivresse rapide
Fit d'un agent chimique un breuvage homicide,
977
Dont le funeste attrait engendra plus de maux
Que la guerre, la peste, et dix autres fléaux!
Notre Bretagne, hélas! plus qu'aucun autre lieu,
Par milliers de tonneaux reçoit ce vin de feu,
Dont ses enfants, français encore un peu sauvages,
Ont avec frénésie accepté les ravages...
Aussi, combien chez nous, source amère de pleurs,
Il jette chaque jour de trouble et de douleurs!
Voyez, redevenu le fils de Teutatés,
Ce Celte, qui sans cesse, hôte des cabarets,
De son flacon brûlant boit jusqu’au bout la flamme ;
Furieux , il fait fuir amis, enfants et femme,
Du délit passe au crime, et la hache des lois
Termine avec ses jours ses bachiques exploits!
Cet autre, si souvent dans l’ardente bouteille,
A laissé sa raison, que rien ne la réveille.
Chez celui-là, son sang soudain s’est allumé,
Et d’invisibles feux tout son corps consumé,
D'un incendie humain qu’atteste chaque veine,
Offre au scalpel surpris l'horrible phénomène!
Celui-ci n'attend pas que le cruel poison
Vienne abréger ses jours ou troubler sa raison;
Doublement ivre, il cède à la sanglante envie :
D'une main criminelle il s’arrache la vie!
Aussi, qui des Kymris, en voyant leur langueur,
Reconnaîtra bientôt la race et la vigueur ?
Déjà quand tous les ans le gouffre de l’armée
Réclame de soldats sa proie accoutumée,
Il en faut deux pour un chez ce peuple breton
Admiré par César et par Napoléon!
Tout cela est malheureusement vrai, et ce n’est pas
seulement en Basse-Bretagne que les choses se passent
978
ainsi. Nous regrettons de ne pouvoir allonger ces crta-
tions. Mais si l'intention est aussi bonne dans toute
celle pièce, l'exécution ne se maintient pas à son ni
veau, Un Rapport n'est pas un éloge; il faut bien dire
que le ton poétique est peu soutenu ; qu'il existe de fortes
négligences, un vers faux, entre autres; que les rimes
sont souvent moins qu'insuflisantes; que l'inspiration
ne répond pas toujours à l'indignation, et que des ex-
pressions telles que : chagrin grimaçant le malheur,
font tache sur l'ensemble. Avant tout, c'est la pensée
philanthropique, c'est la raison qu'il faut louer dans
l'Épitre aux Bordelais, et nous verrions avec plaisir
que l’auteur en adressàt une copie aux
rois MUNICIPAUX ,
De la cité pour Bacchus sans rivale !
C'est le n° 28, contenant une ode sur Jeanne-d'Arc,
et une pièce descriptive, intitulée : {a Falaise, qui à
obtenu l'honneur de la troisième citation.
Mécaniquement parlant, l'auteur est le meilleur for-
geur de vers entre tous ses rivaux. At fabricando
faber, — ou du moins, cela devrait être; — mais l'A-
cadémie, qui aime le progrès, — et à qui l'auteur à
donné le droit d'être exigeante, éprouve une déception
cruelle en reconnaissant ici un de ses anciens lauréats,
auquel ses encouragements n'ont pas profité. Jeanne-
d'Arc et la Falaise sont si loin de Vercingétoriæ et
de Saint-Malo, couronnés l'an dernier! L'Homère bre-
ton a fait un petit somme. C'est toujours son vers for-
tement trempé; mais, pour nous servir de l'heureuse
979
expression d'un de nos honorables collègues, « s'il a
» l'éclat et la vibration du métal, il en a aussi la du-
» reté. » L'auteur oublie trop souvent
Qu'il est un heureux choix de mots harmonieux.
Le vers le mieux rempli, la plus noble pensée
Ne peut plaire à l'esprit quand l'oreille est blessée.
C'est grâce à cet oubli qu'il écrit :
Là l'Océan miroir où quand l'ouragan gronde.
Nous n’aimons pas non plus les mots : « liquide pou-
» dre » appliqués à l'écume de la mer. — L'artiste se
préoccupe tellement de la forme, de la ciselure, qu'il
ne songe pas toujours à y enfermer la pensée ; il sculpte
et fouille richement de magnifiques reliefs qui sont
creux. Ce reproche va surtout aux passages descrip-
tifs, où la sonorité recouvre parfois le vide. — Ces ré-
serves établies, nous rendons pleine justice à l'auteur
pour ses qualités; et si la rime seule faisait le poëte, il
aurait incontestablement l'avantage sur tous ses émules.
Jeanne-d'Arc est un sujet splendide, si beau, que
c'est peut-être une témérité d'y toucher. I faut à l'ins-
piration de puissantes ailes pour se soutenir longtemps
à la hauteur où plane l'immortelle héroïne. — Voici le
remarquable début de l'auteur :
Il est des noms si beaux qu'ils font résonner l'âme,
Comme un bronze sacré sous le battant d'airain,
De ces noms, lumincux comme un reflet de flamme,
Dont le prestige est souverain!
Gravés en lettres d’or aux fastes de l'histoire,
Par le glaive de la victoire
980
Ou le burin de la vertu,
Du Léthé fabuleux ils ont franchi l’abime,
Et vibrent dans les temps comme un écho sublime
Des siècles dont le bruit s’est 1.
Il en est un surtout, qu'ont chanté les poëtes,
Et qu'un poëte, hélas! voulut déshonorer.…..
Comment, à Jeanne d'Arc, ce sceptique génie,
Aurait-il fait pour croire en toi?
Moi, j'y crois! moi, je veux de son poëme infâme ,
Dont les impurs feuillets maculeraient le pied,
Venger, si je le puis, l'inspirée et la femme ;
Ton échafaud est mon trépied!
Là, devant tes bourreaux , là, devant la patrie,
Haletant, la voix attendrie,
Sur le luth à la fibre d’or,
J'entonnerai pour toi l'hymne d’apothéose!
J'allumerai, s’il faut, le chant que je compose,
A ton bucher tout rouge encor!
Ces strophes ne sont pas exemptes de quelques im—
perfections, même de quelques chevilles; mais elles ont
de l'ampleur et du mouvement, et le sentiment qui les
anime est de ceux qui font battre un cœur français.—
Jeanne-d’Arc est une belle, noble et touchante figure :
Ne s'attendrit-on pas sur sa douce nature,
Quand l'aspect de son sang qui sort d’une blessure,
Lui fait verser des pleurs d'enfant ?
Le temps nous manque pour la critiqué éoinme pour
981
l'éloge. Citons cependant la dernière strophe , empreinte
de l'enthousiasme qui a fait naitre les premières :
Jeanne, monte au bûcher... au ciel... Puisque la guerre
N'a pas fait ton linceul d’un étendard conquis,
Tu ne pouvais finir par un trépas vulgaire
Le rôle qui te fut commis.
Du saint patriotisme immaculé symbole,
Le martyre à ton auréole
Ajoute un rayon immortel.
Le moyen âge est plein de ta grande figure;
Objet d’un culte ardent que l’histoire inaugure,
Ton tombeau se change en autel!
Descendons maintenant sur la Falaise, et saluons
le beau jour qui se lève. .
Le brouillard du matin s’est fondu sur la grève,
Aucune brise encor ne s’en va voltigeant ;
Le flot, calme et sonore, en volute s’enroule,
Et, s’affaissant plus loin comme un mur qui s'écroule,
Couvre les sables d’or d’une nappe d'argent.
Ici, le poète fait un heureux échange de sa plume
avec son pinceau. Sa falaise a la limpidité d'une aqua-
relle, et parfois la solidité un peu lourde d'une goua-
che. Il excelle à reproduire les beautés maritimes; les
deux derniers vers cités sont pleins de vérité et d'har-
monie imitative. Grand nombre d'autres témoignent de
l'amoureuse prédilection de l'auteur pour la rèverie
contemplative aux bords de la mer :
Bien au delà des caps, vois à l'horizon vague,
Comme un point qui s’abaisse et monte avec la vague :
63
982
C'est un navire! Il glisse, il grandit sur les flots.
Il va toucher bientôt à des rives chéries.
Déjà, tel qu’un fantôme aux blanches draperies,
Il surgit, plus distinct, derrière les îlots.
Le brick a jeté l'ancre, étalant ses bordages
Et ses bruns matelots suspendus aux cordages,
Et sa blanche ceinture où s'ouvrent les sabords.
Tel, lassé de franchir les vagues mugissantes,
L'albatros, repliant ses ailes blanchissantes,
S'endort sur les rescifs dont l'onde étreint les bords.
Tantôt c'est le pêcheur qui, saus rame et sans voile,
Au fond des horizons tout à coup se dévoile,
. Et penché sur sa barque y vide ses filets;
Et puis les cormorans, quand desceud la marée,
S'appeiant sur l’écueil d'où l’eau s’est retirée,
Viennent polir leurs becs aux angles des galets.
La nature à des beautés inépuisables, — la mer
est un océan de poésie. Nous quittons à regret la Fa-
laise; nous regrettons surtout que le poëte s’y soit trop
longtemps oublié à côté du marin. — Il n’est pas à sa
place dans une troisième citation de Concours ; son ta-
lent est de ceux pour lesquels les prix sont fondés : il
en à déjà fait l'expérience, et nous ne doutons pas qu'il
puisse la renouveler quand il le voudra.
Les Hussards de la Mort, inscrits sous le n°3, ont
mérité la seconde citation. Cette pièce a du mouve-
ment et un certain entrain de poésie guerrière. Le
chant des soldats à de la vie et de l'ardeur; ce sont les
qualités qu'a voulu récompenser votre Commission.
983
VILHELM.
Entendez-vous sifiler les balles :
Mes hussards au sombre dolman ?
Penchez-vous au cou des cavales,
Et suivez-moi sans intervalles,
Allons, mes braves, en avant!
Entendez-vous ce bruit qui roule ?
Est-ce la foudre ou le canon?
Est -ce une ville qui s'écroule?
Quel est ce feu qui se déroule
Comme un serpent à l'horizon?
Au milieu de la fusillade
Nous allons le revoir encor,
Le danger, ce vieux camarade,
Dont la franche et chaude embrassade
Donne au courage un nobie essor.
Mais quand l'ennemi nous fusille,
J'aime à voir sur les lourds carrés
Le sabre recourbé qui brille
Et s’abat comme la faucille
Au milieu des épis dorés.
Un long cercle de feu ceint les flancs des coteaux;
Voyez, frères, voyez cette flamme écarlate!
Le bronze retentit, la fusillade éclate.
Hurrah! le cri de guerre ébranle les échos!
Et ce fut une course ardente, échevelée ;
Chevaux et cavaliers à travers la vallée
Fendaient l'air, plus légers que gnomes et démons.
984
Oh! comme s’enfuyaient champs, forêts et villages,
Châteaux, clochers, vallons, monts, collines sauvages,
Derrière les noirs escadrons!
CCC CC ss...
Et les guerriers volaient, volaient sur leurs cavales ;
Le soufle de l’obus, le sifflement des balles,
Et le boulet rougi, météore sanglant;
La bombe vomissant ses gerbes homicides ;
Rien, non, rien n’arrêtait les hussards intrépides,
Les hussards au sombre dolman.
En vain, réunissant leurs manœuvres habiles,
Impétueux chasseurs, lanciers aux bras agiles,
Lourds dragons, cuirassiers, redoutables géants,
Fondaient sur les héros; la phalange invincible,
La noire légion, indomptable, terrible,
Jonchait la terre de mourants!
000000
Ne trouvez-vous pas dans ces strophes animées,
comme un écho de la course fantastique de Mazeppa,
comme un parfum de légende rhénane mise en musi-
que par Schubert? — Malheureusement, Vilhelm, le
chef des hussards, ne se relève pas roi; il est blessé
mortellement dans le combat, et le monologue, qu'il a
le temps et la force de prononcer avant de mourir, est
un écueil contre lequel est venu se heurter et s’amortir
toute la fougue de l'auteur. La fin de l'œuvre est d'une
grande faiblesse. En outre, l'ensemble en est grave-
ment déparé par plusieurs vers faux, — par des rimes
négligées ou mal alternées, telles que quatre féminines
de suite, enfin par des lieux communs de style passa-
blement usés. Ces défauts ont fait rétrograder l'auteur
985
du rang où sa verve l'avait placé. Citons, en le quit-
tant, un très-beau vers, qu'en sa qualité de sergent-
major d'infanterie de ligne il doit être fier d'avoir écrit :
C’est un noble destin de mourir en soldat!
La première citation, toujours en procédant du moins
méritant au plus digne, appartient au n° 24 bis; le
petit poëme qui en est l’objet à pour titre : le Monde
et la Famille, épitre à ma sœur; avec cette épi-
graphe de Montesquieu, presque d'Horace, qu'il peut
être utile de remettre sous les yeux dans un siècle aussi
agité que le nôtre :
Heureux celui qui, connaissant tout le prix d’une vie douce et
tranquille, repose son cœur au milieu de sa famille, et ne con—
naît d'autre terre que celle qui lui a donné le jour *.
C'est le cœur qui distingue cette pièce; les plus doux
sentiments de l'âme y sont pieusement épanouis. Le
poëte doit être bon fils et bon frère; il dit bien ce qu'il
éprouve :,
Ma sœur, combien ce jour m'est ravissant et doux;
Après un long exil, je reviens près de vous;
Je revois, attendri, les lieu x de ma naissance,
Où j'ai tout reconnu malgré dix ans d'absence,
La croix sur le rocher, le grand bois, le chemin,
Où nous courions, enfants, en nous tenant la main,
Le ruisseau murmurant dont l'onde cristalline
De ses replis nombreux embrasse la colline,
Le mont, où, vieux débris, la féodale tour
! Lettres persanes.
986
Semble encor protéger le pays d'alentour ',
Ah! le bonheur ne vit qu'au sol de la patrie!
Oui, je te reconnais, ma Bretagne chérie,
J'atteins avec transport au comble de mes vœux,
Et je puis à mon tour dire : « Je suis heureux ! »
Le bonheur se rassied au foyer de famille.
Ce bonheur qui fuyait, que le Seigneur nous rend,
A laissé dans mon cœur son prestige enivrant,
Et dans ce monde vain , malgré tout son tumuite,
Des souvenirs sacrés j'ai conservé le culte.
L'image d'une mère, en tous lieux, en tous temps,
Soit que mon front subit la fureur des autans,
Soit que sur l'Océan où voguait mon navire,
L'humble voile obéit au souflle du zéphire,
Me suivait, prolongeant sur mon destin nouveau,
Ce regard protecteur qui couvrait mon berceau.
L'auteur peint avec vérité ces éternelles déceptions
que le contaet du monde fait éprouver à l'âme candide
et neuve qui s'envole pour la première fois du giron
maternel. Nous avons remarqué ce distique :
L'égalité, dit-on, règne seule aujourd'hui,
Et chacun veut monter... en rabaissant autrui.
Les épreuves fortifient un cœur bien né. Mal à l'aise
dans cette fausse civilisation qui létouffe, le jeune
homme reporte ses regards et ses vœux vers ce vrai
bonheur de la famille qui lui apparait plus doux en-
core depuis qu'il l'a quitté : £t dulces réminiscitur!
(*) Le château de Coatfrech, dont les ruines pittoresques s’apercoivent de la
route qui mène de Guingamp à Lannion. {Note de l’auteur.)
987
Ah! le seul bien réel sur cette scène étrange,
Ne perd rien de son prix , et jamais il ne change!
Hélas! je l'avouerai! quand mon âme incertaine,
Cherchait pour ses destins une plage lointaine,
(Car un temps vient, ma sœur, qu'un devoir solennel],
Nous force à déserter l'asile maternel),
Sans cesse ma pensée, inquiète, étonnée,
Vers le nid bien-aimé se sentait ramenée,
Puis, devenu plus fort, j'invoquais cependant,
Pour mes regrets amers un discret confident.
Je disais : Ce soleil, qui sur nos têtes brille,
Dans notre humanité ne voit qu'une famille,
Et si le sol datal nous manque , les bannis
Dans le commun amour restent encore unis.
Mais voiei le passage qui a surtout fixé les indéci-
sions de votre Commission : c'est un petit chef-d'œuvre
de grace, d'observation et de sentiment, — digne de
Berquin et de Legouvé. — La bonté de Dieu, dit l'au-
teur, a consolé les douleurs de notre existence par des
biens ineffables :
-__ De trois amours divins elle y mit la douceur :
Elle y plaça la mère, et l'épouse, et la sœur;
La sœur, de nos succès fière et jamais jalouse,
Qui, sous nos toits, fleurit entre l'ange et l'épouse,
Et, mère virginale auprès d’un frère enfant,
L'encourage, l'instruit, le berce et le défend ;
Qui, plus tard, de nos deuils tempère l'amertume,
En dévouements sécrets s'immole et se consume ,
Et lorsque les anciens sont remontés aux cieux,
Nous retrace leur vie et la rend à nos yeux.
De tels vers font triplement honneur à celle qui les
988
a inspirés, à celui qui les à conçus, et à ceux qui les
applaudissent.
Hélas! les impérieuses vicissitudes de la vie forcent
le jeune homme à s'éloigner de ce paradis terrestre :
De la grande unité le lien se dissout.
Dès lors, autour de lui tout prend une autre face,
Ce qu'une mère écrit dans notre âme, il l’efface,
Et sa raison poursuit mille objets décevants,
Comme un vaisseau sans mât, jouet de tous les vents,
Aussi, comme il est heureux quand il a fini ce mau-
vais rêve, quand les jours de l'exil sont achevés :
Je vous revois, ma sœur, et nos embrassements,
En foule ont réveillé des souvenirs charmants:
Ma mère m'apparaît souriante et parée,
Du bonheur de ses fils toujours plus altérée.
Comme autrefois, après une absence, je sens
Qu'elle m’entoure encor de ses bras caressants,
Mon cœur de son esprit comme autrefois s'inspire;
C’est, sous ce toit béni, la vertu qu'on respire,
Le murmure du siècle et son vaste souci,
Comme un flot sur la grève à mes pieds meurt ici.
C'est aussi là qu'aurait du mourir le poë’me. — Une
médaille, et non une première citation, aurait été la
récompense de cette œuvre, si nous pouvions penser
de sa totalité ce que nous sommes heureux de dire pour
ces gracieux fragments; mais le parfum qui s’en échappe
est si pur et si doux, la sonorité qui en survit conserve
une vibration si calme et si harmonieuse, que nous ne
nous sentons pas le courage de troubler, par un mot
de blâme, les impressions de ce modeste triomphe, —
989
et nous nous hàtons d'arriver aux trois mentions hono-
rables, qui sont, cette année, le point culminant de
votre Capitole poétique.
La troisième de ces mentions, — pour conserver
l'ordre inverse que nous avons adopté dès le principe,
a été adjugée au n° 8 du Concours, qui est un assez
volumineux cahier de Poésies religieuses. Ces poésies
ont un mérite éprouvé : elles sont les lettres de créance
d'un liltérateur sérieux, d'un travailleur érudit, et ne
rapportent pas à l'auteur la somme d'honneur qu'il était
en droit d'en attendre. C'est que votre Commission s’est
trouvé embarrassée de choisir le point de vue auquel
elle devait les juger. Est-ce traduction, imitation, ou
paraphrase?— Faut-il prendre comme un programme
celte épigraphe que l'auteur emprunte à Stace?
Sed longé sequare, et vestigia semper adora ?
Une traduction s'écartant plus ou moins d'un texte,
peut-elle lutter avec équité sur le terrain des œuvres
originales, et sa valeur positive, mais d'emprunt, doit-
elle avoir le pas sur l'imagination et l'invention? —
Telles sont les questions que votre Commission à dû
se poser en principe, et qu'elle a résolues négative-
ment. Nous ne pouvons que regretter, pour l'auteur,
qu'il n'ait pas eu à mesurer ses forces dans un Con-
cours spécialement ouvert pour le genre qu'il à choisi;
il aurait conservé relativement cette supériorité indis-
cutable qui lui appartient intrinsèquement. Dans un
milieu plus assorti, son œuvre eut probablement été la
990
première; mais non erat hic locus, et le triomphe
académique est resté fort au-dessous du succès d'estime
et du talent réel. — En maintenant l'auteur en ligne
de bataille, nous lui avons cependant fait un sort plus
heureux que celui d'un poëte latin que nous avons dû
faire sortir des rangs, où le combat ne saurait avoir
lieu qu'avec des armes toutes françaises.
Des psaumes, des cantiques, des proses, des hym-
nes, composent le recueil des Poésies religieuses. La
versification en est noble et facile, dans les hymnes
principalement. Mais l'expérience dont l’auteur y fait
preuve ne peut que rendre plus difficile pour ses im
perfections. Il nous parait de taille à supporter une
part de cette critique dont aucune œuvre humaine n’est
exempte, et qu'il a dû certainement se faire lui-même,
beaucoup mieux et beaucoup plus sûrement qu'il ne
nous appartient de l'oser.
Les droits des concurrents réservés par votre déci-
sion suprême, nous ne nous dissimulons pas qu'il faut
plus de courage et de force pour bien traduire que
pour inventer. On se ferait illusion en supposant le
travail moindre; c'est une tâche ingrate et périlleuse ;
on risque beaucoup pour avoir peu. Quel qu'en soit le
fini, une copie a toujours le désavantage prévu de
rester au-dessous de son modèle. Le génie créateur ne
l'anime pas, la chaleur de l'inspiration ne s'y réflète que
comme dans une glace, en s'y refroidissant. C'est une
contre-épreuve, qui reproduit, déteints et usés par le
décalque, les tons vigoureux de l'épreuve mère. — Il
est téméraire de porter la main à de telles arches. Il
991
vaut mieux, ainsi que dans les beaux chœurs de tra-
gédie couronnés l'an dernier, s'approprier, en arran-
gements par souvenir, les beautés transmissibles, que
de les transplanter de vive force par une traduction
aveugle. Le génie des langues n'étant pas identique,
le servilisme de la seconde aboutit au prosaisme, dans
lequel sont perdues et comme noyées les originalités de
la première. — Les traductions en vers, surtout, seront
toujours faibles, le mètre contenant trop ou trop peu
pour que le texte puisse exactement sy emboiter. De
là, des allongements qui affaiblissent, ou des suppres-
sions qui tronquent et amoindrissent. — De son côté,
la paraphrase dérange l'harmonie des conceptions, dé-
truit la sobriété de l'esquisse primitive, et fane les cou-
leurs en les délayant.— La langue française, en parti
culier, est d’un laisser-aller trop moderne pour qu'on
puisse la réduire à la coneision du style antique et au
poétique laconisme du style sacré.— Ces observations,
qui ont pour double but de motiver votre indulgence
et d'atténuer la portée de vos reproches, atteignent
surtout certaines strophes où la pittoresque beauté du
texte sacré est inévitablement badigeonnée par les pro-
lixes exigences du rhythme superposé. Ainsi en est-il
dans les versets : De torrente in vid, Laboravi in
gemitu meo, etc., elc. L'auteur ne s'est pas attaché à
la lettre, il a eu raison; — mais il ne s'est peut-être
pas suffisamment pénétré de l'esprit. — Il a été mieux
inspiré dans le psaume 413 :
Dieu paraît; la mer fuit, le Jourdain se retire.
992
Vers magnifique, irréprochable à tous égards, et ré-
sumant les splendeurs du texte.
Monts, pourquoi tremblez-vous sur vos bases profondes ?
Coteaux, pourquoi bondir ainsi que des agneaux ?
lei, la traduction acquiert une translucidité qui laisse
comme apparaitre l'idiome original, sans qu'il subsiste
entre les deux la moindre trace du travail d'assimilation .
Voici maintenant une strophe d'un mouvement élevé
et graduellement soutenu :
Dieu, qui de mes jours es la source,
Fais-moi connaître de ma course
L'espace, hélas! trop limité.
Mais, au milieu de mes années,
Ne tranche pas mes destinées,
Toi, dont l'âge est l'éternité !
Pourquoi les rimes de ce recueil n'ont-elles pas tou -
jours cette perfection? — La grande généralité des ac-
cords se borne à la sonorité des voyelles; et l'eupho-
nie des consonnes, — qui font pourtant les conson-
nances, — est trop habituellement négligée.
Nous ignorons pourquoi l'honorable auteur interver-
tit le texte du premier vers de la prose des morts; elle
est généralement connue sous le titre de Dies iræ,
plutôt que sous celui de Dies illa. Les deux rimes
veæilla et favilla ne permettent point d'ailleurs cette
transposition.
Le manque d'espace nous interdit de reproduire tous
993
les passages qui méritent d'être cités avec grands élo-
ges : la lecture de trois beaux morceaux, un peu choi-
sis au hasard parmi beaucoup d'autres, mais diffé
rant entre eux de rhythme, fera mieux connaitre la
manière du poëte, et ressortir d'eux-mêmes les avanta-
ges et les côtés faibles de son procédé :
PSAUME 109 : Dixit dominus domino meo, etc.
Viens t’asseoir à ma droite, et partage mon trône,
Dit au Christ le Seigneur, à qui tout est soumis,
Et dès ce moment je te donne
Pour marchepied tes ennemis.
Je prendrai dans Sion, dans sa pieuse enceinte,
Le sceptre que ta main doit recevoir de moi,
Et, des méchants, saisis de crainte,
L'orgueil fléchira devant toi.
Les cieux resplendiront d'éclat et de lumière,
Lorsque de ton triomphe arrivera le jour;
L'aube n'éclairait point la terre
Quand tu naquis de mon amour.
J'en ai fait le serment et j'y serai fidèle.
Selon Melchisédec, mon zélé serviteur,
Tu seras de la loi nouvelle
Le pontife et le fondateur.
À la droite de Dieu, fils semblable à son père,
Sur le monde ébranlé faisant tonner sa voix.
Le Christ au jour de sa colère
Sans pitié brisera les rois.
994
Sa justice en tous lieux promenant la ruine,
Apparaîtra terrible aux peuples effrayés,
Sous les coups de sa main divine
Ses ennemis seront broyés.
Tel qu'un humble indigent, pour boire une eau fangeuse,
Sur les bords du torrent le Christ se penchera,
Et puis sa tête radieuse
Vers le ciel se relèvera.
Hymne : Veæilla regis prodeunt, etc.
Du souverain des cieux s’avance la bannière.
Quel éclatant mystère au monde est révélé!
Sur un gibet infâme, au sommet du Calvaire,
Le créateur de l'homme est par l'homme immolé.
De son flanc déchiré par la lance cruelle,
Une eau pure s'échappe avec son sang divin,
Afin de désarmer la justice éternelle,
Et de tous ses forfaits laver le genre humain.
Ils sont venus , ces temps qu'en ses chants prophétiques,
David a célébrés sur des modes divers,
Quand sa voix annonçait aux nations antiques
Que la croix règnerait un jour sur l'univers.
Noble croix , que le Christ de son sang a rougie,
De la pourpre des rois tu revêts la couleur,
Rejeton précieux d’une tige choisie,
Digne d’avoir touché les membres du Sauveur!
Tes bras sont la balance où se pèsent nos crimes,
De la rançon du monde ils ont porté le poids ;
995
Et le Christ à l'enfer arrachant ses victimes,
A l'héritier du ciel a rendu tous ses droits.
Je te salue, à croix, mon unique espérance!
Que des tourments d'un Dieu le pieux souvenir
Soutienne la vertu, redouble sa constance ;
Qu'il inspire au pécheur un profond repentir!
Que notre gratitude en nos chants se déploie!
Grand Dieu! que de tes dons nos cœurs soient pénétrés!
Dirige constamment dans une sainte voie
Ceux que d'un joug honteux la croix a délivrés!
HYMNE : Ave maris stella, etc.
Salut, astre brillant des mers!
De notre Dieu mère adorée,
Vierge, qu'implore l'univers,
Du ciel tu nous ouvres l'entrée.
Ta divine fécondité
Par un ange à toi se révèle,
l'our le genre humain racheté
Tu deviens une Eve nouvelle.
De la foi qu'un voile fatal
Ne nous cache plus la lumière,
Faisons le bien, fuyons le mal
Sous ton égide tutélaire.
Si nous sommes tous tes enfants
Vierge sainte, fais-le connaître
En offrant nos vœux suppliants
Au Christ qui pour nous voulut naître,
996
Brise les chaînes du péché
O toi, qui n'eus jamais d’égale!
Rends à l’homme au vice attaché
Une pureté virginale.
Enrichis-le de tes vertus,
Du salut montre-lui la voie,
Et près de Dieu, que des élus
Il goûte l’éternelle joie !
Honneur et gloire au Créateur
Dont l'homme est le sublime ouvrage!
Qu’à la Trinité notre cœur
Rende en ce jour un triple hommage!
Le bris du cachet a révélé le nom de l'honorable
M. Fourtou, chevalier de la Légion d'honneur, con-
seiller à la Cour Impériale de Bordeaux.
C'est Me Louise Brunet, de Casseneuil — sur — Lot,
élève de la Maison des Loges, qui a obtenu la seconde
mention honorable du Concours, pour deux pièces de
poésie : la Dernière Nuit des Girondins, et la Fian-
cée du Voyageur. La première de ces pièces est dédiée
à M. Jules Ducos, préfet de Lot-et-Garonne. Ce que
nous pourrions en dire excéderait les bornes d'un
Rapport déjà forcément un peu long. On comprendra
que lorsqu'il s'agit des illustres martyrs de la Gironde,
et des paroles suprêmes que l’on prête à leur chef,
nous trouvions ample matière à controverse, même
poétique. Nous croyons done plus à propos de nous
taire. Qu'il nous suflise aujourd'hui de dire à l’aimable
auteur, que, malgré le pouvoir dont il fait preuve d’ex-
997
primer noblement de nobles pensées, il ne devra ja-
mais fermer l'oreille au sage conseil de La Fontaine :
Ne forçons point notre talent,
Nous ne ferions rien avec grâce.
Or, la politique n’a jamais été la grâce d'une femme,
Et la grâce est plus belle encor que la beauté!
Nous allons citer le meilleur fragment de {4 Der-
nière Nuit des Girondins :
ehotoreteNel el ehele tr re lent se »e nnbie » ee es 17e
Silence! du cachot l'écho sombre s’éveille,
Et son soupir lugubre apporte à mon oreille
Le bruit des pas des conviés.
Sous la main du geôlier la porte s'ouvre et gronde :
Salut aux nobles fils de la fière Gironde,
Du peuple grands disgraciés!
Ils ont, superbe erreur du génie en tout âge.
Cru d’un seul coup de rame à la plus haute plage
Faire aborder l'humanité;
Mais la vie est un souffle, et, rapide, il expire :
Ce n’est qu'un flot houleux franchi par le navire
Sur un océan indompté.
0 liberté! peux-tu resplendir sur la terre?
Non, trop tôt parmi nous ton vif éclat s’altère
Au courant de nos passions.
A ces brises du mal ta féconde étincelle
Allume un incendie, et ne laisse après elle
Que des débris de nations!
998
Quand cette flamme sainte, enfants de l'Aquitaine,
Éclose en d’autres jours, grandie à votre haleine,
Dévia de son divin but ;
Quand un fleuve embrasé traina tout aux abimes,
Votre bras généreux voulut vers les victimes
Lancer la barque du salut!…
aol e etes, sb ele ® piatiete, ere (els iofelole © ee
Des révolutions terrifiant exemple,
Le flot monta toujours! l’aveugle feu du temple
Brüla les sacrificateurs!
Muette, je n'ai plus qu'un sanglot sur malyre,
Qu'un frisson de terreur dans mon âme en délire :
J'entends le fatal tombereau!
Y monter dans l'éclat du talent, du génie,
Beaux, jeunes, s’incliner, — destin! quelle ironiel —
Sous l’ignoble fer d'un bourreau!
à ee eo ve o ee « syfafe{lelpe le fo'o)fe Shore elelleello tete wfelelererte
Celui de nos spirituels collègues qui, — selon l’ex-
pression académique de votre honoré Président, —
« fait revivre parmi nous les graces de Tibulle et de
» Parny, » vous disait, il y a trois ans : « La flûte
» poétique a été plus douce à vos oreilles que les re-
» tentissements de la trompette, et cette fois encore le
» cothurne à cédé le pas au brodequin ; c’est qu'en effet
» le poëte a su trouver le chemin du cœur en en par-
» lant le langage. » Ces paroles si vraies ne peuvent
recevoir une plus juste application. La Fiancée du
Voyageur contient quelques stances heureuses, plei-
nes de délicatesse et de sensibilité. Le cœur sera tou-
999
jours la véritable source pour les poëtes ; lui seul donne
la vie à la poésie et la fait vivre dans les autres. Une
poésie sans cœur est un Corps sans àme; ou plutôt,
sans lui, il n’est pas de poésie. Aussi sommes-nous
ici plus à l'aise pour louer sans restriction les strophes
suivantes de la Fiancée du Voyageur :
La pervenche étoilant le gazon des ravines
S'entr'ouvre au vent du soir.
Dans le sentier moussu, tout bordé d’églantines,
Je veux aller m'asseoir.
Mais je ne sais pourquoi je fatigue mes ailes
Aujourd’hui dans les airs,
Et ne voudrais raser, avec les hirondelles,
Que la terre et les mers.
Quand le soleil de mai, dénouant le corsage
De la royale fleur,
Ramène parmi nous ces oiseaux de passage,
Je leur dis en mon cœur :
Ne vous reposez point aux branches de nos saules,
Amantes du printemps;
Des plus lointains climats, venez sur mes épaules,
Me parler bien longtemps.
Bâtissez votre nid dans mon alcôve blanche :
Vous fuyez! ah! pourquoi?
Je suis seule, arrosant mon rosier qui se penche,
Il n’est plus près de moi!
Il n’est plus près de moi, craintives voyageuses,
Celui qu'en d'autres jours
Vous vites de ses jeux sur nos rives ombreuses
Effrayer vos amours,
1000
Comme vous il partit : mais, moins que vous fidelle,
Il n’est pas revenu :
Au pays où la source abreuve la gazelle,
L'avez-vous reconnu?
L'avez-vous reconnu dans la cité bruyante?
Ab! quand il reviendra, moi qui sur ma poitrine
Porte une humble croix d’or
Et pare mes cheveux des fleurs de la colline,
M'aimera-t-il encor ?
A soupiré mon nom?
Il semble... oh! son retour me ferait trop heureuse :
C’est une illusion...
Encore! — c’est donc toi! — c'est luil mes hirondelles
L'auriez-vous reconnu ?
Comme vous, sur ces bords, voyageuses fidelles,
Le voilà revenu!
Ce morceau est empreint d'une gràce véritable; le
poëte s’y montre femme, et la femme s'y montre poëte.
Nous ne ternirons pas cette double auréole qui le cou-
ronne, en relevant quelques légères imperfections de
détail. Mais nous sommes sûrs d'avance que Mm° Louise
Brunet nous en voudrait si la critique ne montrait pas
le moindre bout d'oreille, et si la patte de velours lais-
sait complétement oublier qu'elle à des griffes. — On
s'aperçoit que l'auteur à de bons yeux, — de beaux
yeux peut-être; — mais la rapidité de son inspiration
ne lui laisse pas toujours le temps de chercher l'ex-
1001
pression juste pour bien peindre ce qu'il voit si bien.—
En second lieu, — et ceci n'est qu'un reproche d'hor-
ticulteur, — en notre qualité d'intime ami des perven-
ches, nous n'admettons pas qu'elles s'ouvrent au vent
du soir, car c'est toujours à ce vent-là que nous avons
la douleur de les voir se fermer. — Et ceci nous remet
en mémoire qu'un de nos concurrents fait ensemencer
les terres lorsque les vergers sont en fleurs. C’est un
peu tard; et de deux choses l'une : ou ces semailles
n'auront pas de moissons, ou ces fleurs ne donneront
pas de fruits.
Il n'en sera pas de même des fleurs et des semailles
de M"° Louise Brunet, à laquelle nous croyons de l'a-
venir. En lui assignant la seconde place, votre Com-
mission à surtout été influencée par l'envoi d'un vo-
lume manuserit, où le talent du poëte a pris un heu-
reux développement, et qui aurait valu à son auteur
une distinction plus flatteuse, si son apport tardif, et
postérieur à la fermeture du Concours de 1853, ne
l'eut privé d'en faire partie. Espérons que M"° Louise
Brunet se représentera l'année prochaine, et tressons
d'avance les couronnes que celte jeune et gracieuse
muse viendra conquérir elle-même sous vos regards
charmés.
Nous voici arrivés à la première mention honorable.
Aux derniers les bons, — ce qui ne veut pas dire que
ce bon soit parfait. Le n° 17 nous offre sous ce ti-
tre : le Missionnaire, un poème de mille alexandrins,
divisé en dix-neuf épisodes, — et qui à le tort,
croyons-nous, de n'être qu'une traduction interlinéaire
1002
des Lettres édifiantes, ou des Annales qui en sont la
suite. Assurément, il en est de son sujet comme de son
plaisir : on le prend où on le trouve, et nous ne blà-
mons pas l'origine; — mais la prose est un écueil qui
se voit à fleur de poésie lorsque le poëte la côtoie ser-
vilement; — la transparence de la versification laisse
deviner le papier réglé sur lequel on l'a froidement ali-
gnée. — Nous pouvons nous tromper, du reste, et ce
n'est ici qu'un simple doute; mais il est déjà fâcheux
d'y donner lieu.
Un de nos collègues a spirituellement défini cette
œuvre : « Un petit poëme long. » L'auteur à dû s'ins-
pirer de la manière du chantre des jardins, dont il re-
produit en partie les qualités et les défauts. — On ne
file pas la poésie comme le lin d’une quenouille bien
garnie : Hippocrène est une source intermittente, Pé-
gase n'est pas Rossinante, il doit avoir assez d'ardeur
pour changer d’allure, et rompre la monotonie de Fam-
ble par quelques écarts d'inspiration. — Mais on doit
le tenir assez en main pour qu'il ne butte pas ainsi
contre les voyelles de la route :
Dans la crainte de Dieu et l'amour du prochain.
L'auteur peut là dessus rédiger une note,
IL fait un hiatus indigne de pardon.
Ce n’est pas tout : « La versification française se
compose de deux éléments : la mesure et la rime. » —
C'est fausser la première que de la couper à contre-
‘temps, comme dans ce vers :
Et ramassant le peu de force qui lui reste.
sms ist sffiies
1003
Que toujours en vos vers, le sens coupant les mots,
Suspende l'hémistiche, en marque le repos.
C'est forfaire à la rime que d'accoupler torrents et
bienfaisants, — instruil et appui, — suppliante et
menaçante,— et de hasarder d'autres unions plus que
légèrement assorties. Plusieurs expressions sont regret-
tables; nous n'aimons pas « les matelots offrant à Dieu
» leurs cœurs stgnants. »
Enfin, le prosaïsme descriptif et la longueur des sou-
dures reliant les épisodes enraient souvent l'intérêt de
l'action.
En voilà plus qu'il n’en faut pour absoudre la Com-
mission du reproche de parcimonie ; c’est à regret qu’elle
retient les prix fermés dans sa main. L'Académie, Mes-
sieurs, cherche des fronts pour toutes ses couronnes :
— comme Paris, elle ne sait à qui les décerner ; —
mais elle ne demanderait pas mieux que ce fût pour
d'aussi bonnes raisons que lui.
Après avoir motivé Finfériorité de la distinction dont
le n° 17 est l'objet, il reste à justifier la distinction elle-
même. — La part du feu réservée, — l'éloge doit sui-
vre la critique, et s’efforcer de la faire oublier.
Dans l'impossibilité de tout citer, et mème, disons-
le, de faire, avantageusement pour l'auteur, une cita-
tion de quelque étendue, nous allons enchàsser dans
une rapide analyse toutes les beautés isolées, tous les
vers bien frappés, et mettre en lumière les reliefs les
plus heureusement détachés de la monotonie de l'en-
semble. Nous ne laisserons ainsi dans l'ombre rien de
ce qui mérite d'en être retiré.
1004
Maurice est un jeune français qu'une voix secrète
appelle aux rives infidèles; son vœu le plus cher est
d'y porter la foi chrétienne qui l'embrase, sur les tra
ces brülantes des généreux martyrs dont il ambitionne
secrètement la couronne.
Une sœur éplorée, une mère chérie,
N'ont pu le retenir sous le toit paternel,
Il part, — et son exil devait être éternel.
Remarquons, en passant, que, dès le troisième vers,
le poëte prive son drame de l'attrait de l'inconnu; — il
se trahit et dévoile le dénouement au début de Faction.
C'est une faute qui nuit plus d’une fois à l'intérêt d’un
récit dont la fin n'est plus un mystère pour le lecteur.
Rien n'arrête donc la résolution du jeune mission-
naire ; il lui tarde d'être au milieu des sauvages, pour,
si Dieu bénit sa parole et son zèle,
En faire des chrétiens à force de bienfaits.
À peine embarqué, il est assailli par une tempête,
dont l’auteur a craint de tirer parti. Le vaisseau tra-
verse cette mer de l'Equateur ,
Où rougit le corail, où la perle s’argente,
Où l'or coule en filons parmi les diamants.
Il aborde en Chine, — cette terre qui est dans l’en-
fantement d'un monde, que le sang du Christianisme
régénère, et dont les fleuves roulent l'idolatrie en éclats.
— Maurice, accompagné d'un simple catéchiste, s'é-
1005
lance vers les tribus incultes, y porte la bonne nou-
velle et leur prèche l'admirable charité
D'un Dieu né sur la paille et mort sur une croix.
Une première épreuve consacre sa mission; il souf-
fre persécution pour la justice; mais il en sort vain-
queur et plus fort pour le combat :
Plus son corps est brisé, plus son âme est vivace.
Il reprend son œuvre et se lance dans le désert. —
Ici, comme pour la tempête , le poëte avait une magni-
fique occasion de poésie; mais il nous allèche par un
titre, et s'en tient là. Chasseur heureux à lever le gi-
bier, il le fait partir et ne le tire pas. — Après la so-
litude éternelle, nos deux missionnaires traversent une
solitude humaine, une ville abandonnée :
Lieux déserts où leurs voix demeurent sans réponses,
puis un marais tourbeux :
Sous un plancher mouvant formé d'herbes solides
Et sur un lit de sel, dorment ses eaux fétides.
Ce fragile plancher, au voyageur tremblant.
Offre seul sur le gouffre un chemin ondulant
Qui, pliant sous ses pas, et s’abaisse , et s'élève,
Comme les eaux d’un lac que l'orage soulève.
Une seconde et plus douloureuse épreuve y attendait
Maurice. Le corps avait eu sa douleur, le cœur devait
avoir la sienne : le jeune catéchiste trouve la mort
1006
dans ce marais. Entièrement seul, loin de tout secours
humain, le missionnaire regarde le ciel, où un nouveau
protecteur lui est acquis, sans doute; il dit adieu à la
dépouille sacrée, et continue son courageux voyage. —
Il rencontre une oasis. Nouvelle absence de descrip-
tion; l’auteur l’oublie pour nous peindre un orage.
Le chapitre suivant, intitulé : Une Eglise, nous fait
assister aux chutes des cascades, aux ébats des cha-
mois, aux courses des élans, aux jeux des oiseaux
exotiques. La cloche ramène enfin le missionnaire au
temple saint, où trois mille chrétiens le suivent, at-
testant, non moins que le monument bàti sur ces ter-
res si lointaines,
Ce que l'amour inspire, et ce que peut la foi.
Le prêtre entre dans l’église,
Signe son front, s'incline, el la messe commence.
Ici, nous sommes heureux de pouvoir citer un beau
fragment :
La messe! à ce nom seul je sens faiblir ma voix,
Ma lyre est détendue et se tait sous mes doigts.
Et comment, en effet, oserais-je dépeindre ?
Ce que l'œil ne peut voir, La main ne peut atteindre ;
Ce que l'esprit en vain s'efforce de saisir;
Qui se refuse au doute et se donne au désir;
Vérité pour le cœur, pour la raison mensonge,
Mais vérité sans prix, ne fût-elle qu'un songe!
Silence donc, silence, orgueilleuse raison!
Car ton œil ne parcourt qu’un étroit horizon,
1007
Le cœur seul, pour monter aux clartés éternelles,
A de la foi la vue et de l'amour les ailes:
Silence! sur l'autel où le prêtre l'attend,
Pour s’y voir immoler la victime descend.
A part trois négligences qui les déparent, ces vers
sont remarquables. Le sixième et le septième surtout
sont très-heureux, — ils ont tout le bonheur de la vé-
rité. — L'auteur accuse sa lyre d'être détendue: nous
croyons, au contraire, qu'elle n'est jamais plus sonore
que dans ce passage et dans tous eeux où la Religion
l'inspire. Pour être ainsi poëte, il faut commencer par
être chrétien. La poésie a cela de beau, que le vrai
seul fait sa force. C'est un hommage à lui rendre, qui
en prouve l'excellence, de constater qu’elle est tou-
jours incomplète au service de l'erreur et du mensonge,
et que c'est seulement aux sources les plus pures qu'il
lui est donné de puiser la plénitude et la perfection.
Lorsque le talent se jointà la conviction du cœur, il y
a un poële : on n'exprime bien que les sentiments dont
on est profondément pénétré. Il n'existe pas de poésie
sans une foi quelconque, et il ne saurait être de poésie
plus grande et plus entière que celle qui vient de Ja foi.
Maurice doit abandonner le bien réalisé pour courir
vers celui qui reste à tenter. [l quitte les convertis, qu'il
laisse heureux, et pénètre chez de malheureuses tribus
indomptées. Faible et seul, comment réussira-t-il?
Il l'ignore ; qu'importe? — il sait que Dieu le veut.
Les chrétiens le voient partir sans pleurer, « mais
1008
» le cœur plein de larmes. » — Maurice les console;
et leur montrant son crucitix : « Mes devoirs sont écrits
» sur ce bois, » dit-il;
C'est là qu'un immortel consentit à mourir.
et il ajoute, comparant leur sort au sien :
Je vous laisse un pasteur et m’en vais sans troupeau.
Par une liaison qui ressemble fort à une digression,
nous voici subitement engagés dans une chasse aux
bisons, chasse très-peu récréative pour les chasseurs,
et qui présente de sérieuses analogies avec les courses
de taureaux. Le courroux du bison, — comme celui du
mythologique époux de Pasiphaé,
Au chasseur qui l'affronte est quelquefois fatal.
On j'a vu de ses pieds le pétrir sur la grève,
Plus souvent il le prend, sur ses cornes l’enlève,
Le lance dans les airs, le reprend au retour,
Le relance’.
Et l'abandonne enfin mourant sur la poussière.
Après cet aimable délassement, ceux des chasseurs
qui survivent se hâtent de s'en réjouir dans un ban-
quet. — Maurice, avec deux nouveaux prêtres qui l'ac-
compagnent, tombe au beau milieu de ce festin des
Balthasar et des Nemrod sauvages; et les voyant fiers
des riches dépouilles qu'ils ont acquises au péril de leur
vie, il leur dit, avec une sainte autorité :
Le premier des trésors, c'est de connaître Dieu!
1009
Les convives chinois accueillent les nouveaux venus
avec une hospitalité tout écossaise. Au dessert, un
barde de la Mongolie entonne l'hymne du grand Tamer-
lan, et chante des strophes alternées avec un refrain
des chœurs.
Après avoir écouté ses hôtes, Maurice s’en fait écou-
ter; bientôt mème il s'en fait aimer, et finit par ame-
ner ses convives an banquet divin. — Encouragé par
ce succès, et croyant n'avoir rien fait tant qu'il reste
un seul infidèle, l'apôtre tourne son zèle vers une race
proserite, exilée, une tribu de parias dégradés, qui
vivent esclaves au sein d'une tribu libre :
Comment, dans le malheur, ne pas être chrétien ?
leur dit-il; — et il ouvre leurs yeux à la lumière par
les rayons de l'espérance et de la consolation. Ce n’est
pas tout : après avoir assuré leur bonheur dans l'autre
vie, il veut leur rendre le bonheur de celle-ci. Il laisse
ses deux prêtres aux chasseurs de bisons, rassemble
ses nouveaux enfants sous les ailes de sa charité, et,
comme Moïse ramenant les Hébreux de l'Égypte, il les
retire de leur esclavage, et, marchant à leur tête, se
met en route vers leur patrie. La petite colonie tra-
verse le fleuve Jaune, puis de longues steppes de neige,
sans route apparente, et où l'on n'apprend que par la
présence
d'ossements humains,
Que d’autres ont passé par les mêmes chemins.
Mais les voyageurs ne perdent pas courage; ils mar-
chent, leur double but les soutient :
1040
Leur sang est chaud encor sous leurs habits glacés.
Cependant, l'ouragan arrive avee la nuit ; ils faiblis-
sent :
L'âme, comme le corps s'épuisait dans la lutte,
Ils mesuraient l'abime en attendart la chute,
Et déjà dans leur cœur i!s se sentaient mourir,
lorsque soudain, étoile dans leurs ténèbres, s'offre à
leurs regards une statue de Marie; ils l'invoquent avec
celte ferveur que donne le danger, et l'ouragan est en-
chainé. Le sommeil répare leurs forces; et quand, le
lendemain,
Le soleil, dont le cours doit leur servir de guide,
De sa poussière d’or parsema leur chemin,
Ils partirent joyeux, le bâton à la main.
Îls ont bientôt retrouvé leur patrie, et le mission
naire, qui les a gagnés à l'amour, les gagne facilement
à la foi.
Quand le cœur est soumis, l'esprit n’est plus rebelle !
Beau vers, que l’auteur peut écrire en lettres d’or parmi
les meilleurs et les plus vrais qu'il lui sera jamais donné
de faire. La jeune Église fait de rapides progrès ; la vic-
toire suit
Ce conquérant nouveau plus puissant que les rois,
Dont l'arme est la parole et le sceptre une croix.
1011
Une nouvelle conquête séduit le zèle de l'apôtre. La
fille d’un roi voisin avait reçu de sa mère mourante,
chrétienne en secret, une parole de foi qui devait ger-
mer. Maurice achève de l'initier, l'instruit et la baptise.
Du ciel, où elle bénit le saint missionnaire, la mère
tressaille de joie; son bonheur est complété par cette
pensée, que son enfant pourra le partager un jour, et
lui être rendue. — Il est vrai que Lao-si est jeune ; —
mais sa mère a le gage de leur réunion future :
Mais elle peut attendre, elle a l'éternité!
Averti par un traître, le père furieux fait arrêter
Maurice, et donne à sa fille l'alternative d’abjurer ou
de voir le missionnaire livré au dernier supplice. —
Secourue et fortifiée par la grâce, Lao-si reste fidèle.
Maurice, chargé de fers, est conduit devant les bour-
reaux qui sont ses juges; on allume le bücher. — Le
mandarin promet la vie au prêtre s'il abjure :
Orgueilleux mandarin, quelle erreur est la tienne!
Apprends donc que la mort, pour une âme chrétienne,
N'est que le premier pas vers l’immortalité!
Ce soir, je dormirai dans la sainte cité.
L'ordre cruel est donné. — Maurice, dont les beaux
cheveux blancs se détachent en diadème et brillent déjà
comme la sainte auréole du martyre, Maurice s'avance
avec fermeté, et monte sur les bois enflammés.
Un roulement lointain a parcouru les airs;
C’est le signal : la flamme en vingt endroits portée,
1012
Sans relâche s’accroït par le vent excitée;
Du bûcher sacrilège elle envahit les flancs,
Monte en lames de feu, court en flots dévorants,
Et, du tas qui s’affaisse ayant atteint la cime,
Dans son cercle brülant enserre la victime.
Le héros chrétien pardonne en mourant,
Il veut être sans haine ainsi qu'il est sans peur.
Ici finit le poème. — Mais l'épilogue nous apprend
que les derniers vœux du nouveau Xavier ont été exau-
cés; sa mort a été un miracle. —C'est le roi lui-même,
c'est le bourreau qui a trouvé le baptème dans le sang
du martyr; c’est le père, converti à la foi de sa fille,
qui raconte ainsi le prodige :
Dieu préserva son corps des flammes dévorantes,
Il uous montra ce corps au milieu du brasier,
Tel que nous l’avions vu, superbe et tout entier.
Rien en lui n’a du feu subi le moindre outrage,
C'est toujours son sourire et son calme visage;
Sa bouche prie ercor, son sein va soupirer,
Il ne respire plus, mais semble respirer...
La foule, témoin du miracle, se prosterne, remplie
de crainte et de saisissement. Lao-si paraît alors en
vêtements de deuil, et confesse devant son peuple la
foi dont elle veut le faire vivre :
Dans ses œuvres, païens, admirez l'éternel!
lui dit-elle ;
1013
Invisible à vos yeux, il parle à votre cœur ;
De tout ce qui respire il est le créateur;
Il voit tout, il peut tout, il connaît toute chose :
L'avenir incertain sommeille en sa main close,
Et sa seule pensée enfanta l'univers,
Païens, c'est le vrai Dieu, c’est le Dieu que je sers!
Nous obéissons tous à cette parole inspirée, ajoute
le père en terminant son récit :
Tous du divin Sauveur nous suivons la bannière,
Et le doute orgueilleux que blesse sa lumière
Fait, et fuit sans retour, laissant seuls après soi,
L'amour dans notre cœur, dans notre esprit la foi.
Nous avons achevé notre tâche. Vous connaissez,
Messieurs, l'œuvre du poète, M. Hippolyte Bravet, de
Bazas. Nous en avons scrupuleusement extrait tout ce
qui pouvait faire ratifier par le public la justice du
rang que vous lui avez assigné dans les mentions ho-
norables, et nous avons couvert des voiles du silence
les pages qui ont empêché cette première mention de
s'élever jusqu'à un prix. Ce qu'on doit louer avant tout
dans le travail de M. Bravet, ce sont les sentiments
qui l'ont inspiré, et qui lui prêtent parfois de véri-
tables beautés.
En général, et à part de très-rares exceptions, le
Concours de poésie de cette année se fait remarquer
par de bonnes tendances religieuses et morales; d'ex-
cellentes intentions s'y manifestent. — Nous devons
nous en féliciter. — La poésie, qui a civilisé les peu-
ples, doit les perfectionner aussi. Elle n’est belle qu'au-
65
1014
tant qu'elle est utile, qu'elle fait germer les bonnes
pensées dans les cœurs, les bonnes actions dans la
vie. — La majeure partie des concurrents l'a déjà do-
tée de ce fonds essentiel. Mais l'Académie demande
aussi la forme; car n'étant pas héritière de M. de Mon-
thyon, elle ne peut distribuer des prix de vertu. Elle
espère donc que le Concours de 4854 brillera double
ment de l'éclat que celui-ci possède et de celui qui lui
manque. Alors, les économies qu'on à imposées à son
budget n'auront été qu'un capital de réserve placé à
gros intérêts, et qui vaudra à ses futurs lauréats une
large augmentation de cette somme d'applaudissements
et de gloire qu’elle est depuis longtemps habituée à
compter au nombre de ses revenus.
TABLEAU MÉTÉOROLOGIQUE.
OCTOBRE 1553.
QD
JOURS BAROMÈTRE A 00. TEMPÉRATURE.
DRM OIS SR
7 h. du m.! 2h. dus, | 9h.du$: | Maxima. | Minima.
mm mm mm TO pr
A 763,10 764,89 764,45 20°5 1408
2 62,80 64,45 64,66 18,9 44,9
3 64,77 65,74 67,21 18,2 11,4
4 66,41 62,44 59,59 17,8 6,2
5 55,91 53,12 51,80 18,8 10,3
6 51,33 54,40 53,46 17,8 14,7
7} 52,48 50,72 52,81 18,9 41,4
8 53,49 54,94 57,08 17,0 11,7
9 51,92 49,80 40,72 17,% 9,4
10 48,9% 53,57 55,80 13,9 10,5
41 55,65 54,46 54,02 47, 10,9
12 51,08 51,77 53,43 17,2 41,0
13 54,89 54,97 56,86 19,4 9,6
1% 57,03 58,67 60,27 14,2 41,7
15 59,63 56,07 52,19 16,5 9,0
416 54,09 52,16 54,09 41,1 17,2
17 54,29 51,97 48,96 16,2 11,4
18 50,66 52,53 48,64 47,0 10,0
19 45,26 46,6% 48,66 17,2 42,5
20 53,6% 60,47 64,77 15,9 44,5
21 65,92 64,93 65,08 17,8 8,8
22 64,83 6%,88 65,68 17,9 10,1
23 65,98 64,33 65,7% 18,9 6,5
24 63,49 61,45 59,9% 20,4 10,2
25 59,37 58,74 56,52 24,2 13,2
26 55,12 54,26 53,71 20,0 4%,9
PAT | 52,06 54,65 50,85 21,8 44,5
28 55,60 57,89 60,39 49,1 13,0
29 62,69 63,48 65,15 17,2 40,4
30 65,40 64,55 64,65 16,2 7,5
34 63,12 61,61 61,57 16,5 7,4
MOYENNES RE 4 | : ir SRE N
du à au 40! 57,44 56,80 57,36 47092 10,87
du 44 au 20! 53,32 53,97 54,25 16,79 10,9%
du 21 au 31 64,23 60,70 60,84 18,82 10,59
Moy. générale.) 58,96 | 58,89 | 59,20 | 47,87 | 10,19
Température moyenne du mois, 1403. Pluie dans le mois. 115 ,0mm
1016
NOVEMBRE 1853.
JOURS BAROMÈTRE A 0e, TEMPÉRATURE.
DU MOIS. FFE
7h. qu m|2h.dus. | 9h.dus. | Maxima. | Minima.
a pan Lan me!
1 759,73 | 757,54 | 758,27 1603 8,0
o 60,50 64,65 64,89 14,8 9,8
3 60,45 58,18 57,84 17,2 9,1
4 56,29 54,37 54,11 18,8 11,1
5 5315, 53,09 55,70 18,4 13,4
6 58,68 60,36 63,04 19,2 11,2
7 65,92 65,44 65,79 14,8 9,9
8 64,82 63,68 65,29 15,2 10,6
9 67,70 69,54 74,63 14,4 40,7
10 5 ,27 66,08 64,47 44,0 k,7
41 61 GO 60,143 61,10 13,8 4,5
12 61,60 55,45 59,05 44,4 4,3
13 57,20 55,24 54,24 13,1 9,0
14 52,99 54,94 52,50 12,8 8,3
15 52,5% 54,84 52,13 15.2 9,0
46 52,44 | 53,13 | 55.24 | 44,7 8,0
47 56,28 56,76 59,27 44,4 7,5
48 60,50 61,82 63,34 41,0 3,0
19 63,57 63,64 64,31 7,0 41,6
20 63,14 62,99 44,05 6,0 0,7
21 66,26 67,04 68,09 7,0 2,7
22 66,9% 65,94 66,83 7,2 1,0
23 67,72 67,40 67,14 6,7 —92,0
24 64,73 63,38 62,91 6,9 —0,9
25 64,90 67,91 67,81 9,6 4,4
26 64,89 62,70 63,70 16,5 5,9
27 62,99 63,43 66,00 8,6 3,0
28 67,81 67,28 68,12 5,6 0,0
29 68,13 67,53 67,27 k,6 _—_2,8
30 67,20 65,98 65,61 1,9 —2,0
RE RE ARR D PR OS A
du 4erau 40| 61,74 60,99 61,80 | 46031 9,85
du 44 au 20] 58,16 57,26 58,52 11,64 5,59
du 24 au 30| 66,146 65,86 66,35 7,46 0,90
Moy. générale. | 62,04 | 64,37 | 62,22 | 44,80 5,45
Température moyenne du mois... 806 Pluie dans le mois. .
A Grom
1017
DÉCEMBRE 1953.
SE
JOURS BAROMÈTRE A 0e. TEMPÉRATURE.
DU MOIS. DALELE Dos à
Th. du m.| 2h.dus. | 9h.dus. | Maxima. | Minima.
D'Harelc mac] mn | Ÿ
4 162,66 | 759,76 | 758,73 208 —299
2 56,85 56,66 57,16 9,6 —2,7
3 58,26 58,48 59,81 14,5 2,5
4 61,18 60,42 60,81 412,5 4,5
5 61,34 60,93 60,72 9,6 1,2
6 60,67 59,81 59,97 8,7 4,8
7 60,57 64,47 64,96 8,6 2,5
8 62,46 62,77 62,93 6,5 2,1
9 65,414 63,94 63,98 3,7 1,2
| 10 61,86 60,26 60,6% 2,9 1,8
| 41 64,25 59,84 60,33 6,3 4,0
412 57,54 49,94 48,98 6,7 0,7
43 51 4% 43,31 39,23 10,8 5,0
1% 34,36 34,92 33,55 10,3 8,0
15 41,56 44,51 °| 49,96 4,0 5,2
16 50,63 51,68 53,178 8,k 0,0
47 56,57 56,97 57,40 9,2 5,0 !
18 43,58 49,76 48,24 6,6 2,5 |
[549 9,58 49,73 51,73 10,5 5,2
| 20 52,23 52,88 54,31 9,3 2,0
21 53,78 52,36 53,98 7,3 22
22 53,65 53,71 55,85 5,0 0,9 ;
| 23 56,52 56,99 58,37 0,6 0,0
2% 56,96 57,51 59,70 2,0 —1,0
25 60,56 60,68 62,03 0,8 —2,0 |
26 63,26 64,0% 66,46 0,0 —3,1 |
27 65,58 60,88 57,30 —1,0 —2,6
28 59,23 59,36 59,614 0,3 —k,1
29 60,09 62,37 65,71 — 4,0 —1,1
30 67,67 65,87 62,58 | —2,0 | —6,0 |
31 59,22 60,62 65,07 —0,7 —0,5 |
2» 2 à
MOYENNES
du 4er au 40! 64,43 60,45 60,53 1°6% 456
du 41 au 20| 49,84 49,35 49,75 8,22 | 3,906
du 24 au 30| 59,67 59,40 60,58 0,75 |—2,17
Moy. générale.| 56,97 56,50 57,07 5,38 | 0,88
Température moyenne du mois ., 304 Pluie dans le mois... 52m
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RÉSUMÉ DES OBSERVATIONS DE 1853.
TABLEAU III.
NOMBRE DE JOURS
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* On n'a compté comme jours de pluie dans le Résumé des observations de 1851, que ceux où il est
tombé au moins 1 millimètre d’eau. Dans celui des observations de 1852, on a considéré en outre commê
tels ceux où le sol a été mouillé. Les résumés devant être faits d'après une méthode unique, le tableau des.
jours de pluie inséré dans les Actes de l’Académie pour 1852, p. 981, doit être remplacé par &
colonne (1) du tableau ci-dessus,
1021
TABLEAU
DES
MEMBRES DE L'ACADÉMIE DE BORDEAUX
arrété au 20 mai 1855.
Membres Honoraires.
MM. BRYAS (ne), ancien maire de Bordeaux.
CURÉ ( Gusrave), ancien maire de Bordeaux.
D'HAUSSEZ (LE Baron ), ancien préfet de la Gironde.
DUCASTAING , ancien membre résidant, docteur médecin.
DUFOUR-DUBERGIER , ancien maire de Bordeaux.
JOHNSTON ( Davip ), ancien maire de Bordeaux.
LACOSTE (»E), ancien préfet de la Gironde.
LACOUR, ancien membre résidant, correspondant de l'Ins-
titut.
NEVEUX , ancien préfet de la Gironde.
SERS (ZE BARON ), ancien préfet de la Gironde.
YZARD, ancien membre résidant, ancien conseiller à la
Cour d’appei de Bordeaux.
GUESTIER guxior (P.-F.) %, négociant, ancien mem-
bre résidant.
HAUSSMANN, préfet de la Gironde.
1022
Membres Nésidants.
. MM. LATERRADE, direct’ du Jardin des Plantes.
23. GINTRAC %X, professeur à l'École préparatoire de
médecine, rue du Parlement Ste-Catherine, 22.
. GRATELOUP, docteur en médecine, rue Monba-
ZON M0
. DARRIEUX, notaire, fossés de l’Intendance, 95.
. DURAND, architecte, rue Michel, 6.
. DES MOULINS (CuaRLes), propriétaire, rue de Gour-
gues , 9.
. MARCHANT (Léon), docteur en médecine, rue
Porte-Dijeaux.
. GUICHENET, médecin vétérinaire, r. d'Orléans, 16.
. FAURÉ, pharmacien, fossés Bourgogne, 9.
. PETIT-LAFITTE, professeur à la chaire d’agricul-
ture de Bordeaux, rue Henri IV.
. DÉGRANGES (E. ), docteur en médecine , ruc Ste-
Catherine, 25.
. GOUT DESMARTRES % , avocat, chemin de Saint-
Genès, 161.
. BRUNET ( Gusrave ), facade des Chartrons, 81.
. ABRIA %, professeur de physique et doyen de la
Faculté des Sciences, quai de Bacalan , 15.
2. MAGONTY, professeur de chimie , rue Margaux , 21
. LAMOTHE ( Léonce ne ), inspecteur des établisse-
ments de bienfaisance, rue Servardony, 8.
. GAUTIER axé %, maire de Bordeaux, rue Du-
trouilh, 18.
. MANES %, ingénieur des mines, ruelle du Cossu.
1023
. MM. SAUGEON, professeur de belles-lettres, rue
du Champs de Mars, 12.
. RAULIN, professeur de botanique, de minéralogie
et de géologie, à la Faculté des sciences, rue du
Manége, 1.
. DELPIT, littérateur, cours d’Albret, 42.
. DUBOUL ( Jusr-Azserr ), littérateur, rue de Sau-
geon.
. BAUDRIMONT, professeur de chimie à la Faculté
des Sciences, rue des Herbes, 42.
. LÉO DROUYN, peintre et graveur, rue de Gasc, 143.
. IMBERT DE ROURDILLON %*%#, conseiller à la Cour
impériale de Bordeaux, cours d'Albret, 88.
GORIN, artiste peintre, fossés de l'Intendance, 20.
. BURGUET ( AuGusre ), docteur en médecine, rue
Fondaudège, 67.
. DABAS, professeur de littérature ancienne et doyen
de la Faculté des Lettres, allées d'Amour, 22,
. CIROT DE LA VILLE, chanoine honoraire, pro-
fesseur d'Écriture sainte à la Faculté de Théolo-
gie, rue Capdeville, 12.
. COSTES, professeur à l'École préparatoire de Me-
decine, rue du Parlement-Ste-Catherine, 12.
. BROCHON ( Hexry }, avocat, rue Margaux, 22.
. BLATAIROU, chanoine henoraire, doyen de la: Fa-
culté de Théologie de Bordeaux, rue de la Misé-
ricorde , 4.
. DUPUY (Justin ), homme de lettres, rue Mar-
gaux, 11.
. DONNET (FerpiNanD) #, cardinal, archevêque de
Bordeaux, rue de Cheverus.
. DE GÈRES (Juzes ), homme de lettres, place Dau-
phine,
1024
1853. MM. MOREL (Énouar»), directeur de l'Institut im-
périal des Sourds-Muets de Bordeaux, rue des
Religieuses.
1853. A. VAUCHER, avocat, rue Devise-Ste-Catherine, 55.
1854. A. MOURIER, recteur de l'Académie, rue Capde-
ville, #7.
Membres Correspondants.
MM. ARBANERE, correspondant de l'Institut, à Tonneins.
AYMARD (AuGusre ), au Puy.
BALBI ( Ankie }, littérateur, à Paris.
BAREYRE, médecin vétérinaire, à Agen.
BARRAU, professeur de rhétorique, à Niort.
BASCLE DE LAGREZE ( Gusravs ), conseiller à la Cour
impériale de Pau.
BEAULIEU , antiquaire, rue du Cherche-Midi, 13, à Paris.
BLOSSAC (pe), ancien magistrat, à Saintes ( Charente-
Inférieure ).
BONNET DE LESCURE , officier du génie maritime , à Ro-
chefort.
BORDES, conservateur des hypothèques, à Pont-Lévêque
(Calvados ).
BOUCHEREAU 5EuxE %, correspondant agricole, à Car-
bonnieux.
BOUCHER DE PERTHES, directeur des contributions di-
rectes, en retraite, à Abbeville.
BOUCHERIE %# , ancien membre résidant, docteur en mé-
decine, à Paris.
BOUILLET (JEan-BartisTE), naturaliste, à Clermont-
Ferrand, département du Puy-de-Dôme,
1025
MM. BRONDEAU (Louis pe), naturaliste, à Estillac, près
d'Agen.
BOURRAN (E. ne), littérateur, à Bruxelles.
CUISINE (»E LA), conseiller à la Cour impériale de Dijon.
CAPDEVILLE-LILLET, propriétaire, à Barsac.
CASTAIGNE ( Eusèse ), bibliothécaire, à Angoulême.
CAVALLERO (J.-B.), avocat à Valence ( Espagne ).
CAVENTOU, chimiste, rue de Gaillon, 18, à Paris.
CGAZEAUX, propriétaire, correspondant agricole, à Béliet.
GAZENAVE DE LIBERSAC, propriétaire à Saint-Capraise
( Dordogne }).
CAZENOVE DE PRADINES, au Passage, près d'Agen.
CHAPUIS DE MONTLA VILLE ( Le BARON ), liltérateur, rue
de Rivoli, à Paris. l
CHASSAY (L'assé Épouarp), professeur de philosophie
au Grand-Séminaire de Bayeux.
CHEVALIER, pharmacien-chimiste, quai Saint-Michel,
25, à Paris.
COLLEGNO (0e ), ancien membre résidant, à Turin (Pié-
mont ).
CONTENCIN (De ), ancien membre résidant, à Paris.
COQ ( Pauz ), ancien membre résidant, à Paris.
COTARD, homme de lettres, à Pons, département de la
Charente-Inférieure.
COUERBE, propriétaire, à Verteuil, en Médoc, arrondis-
sement de Lesparre.
D’ABRAHAMSON, homme de lettres, à Copenhague.
DAGUT, astronome, à Rennes.
DARMAILHAC, correspondant agricole, à Pauillac.
D'AUSSY (H.), de Saint-Jean-d'Angély, membre corres-
pondant de {re classe de l'Institut de France.
DELAPYLAIE, naturaliste, à Fougères, département
d'Ille-et-Vilaine.
1026
MM. DE LE BIDART DE THUMAIDE, magistrat, secré-
taire général de la Société libre d'Émulation, à Liège.
DEMOGEOT, ancien membre résidant, professeur de rhé-
torique au Lycée de Louis-le-Grand, rue Serpente, à
Paris.
DÉPIOT-BACHAN, correspondant agricole, à Saucats.
DERBIGNY (Valéry), directeur des domaines de 1° classe
en retraite, à Arras.
DESCHAMPS (E. ), littérateur, à Versailles.
DROUOT, ancien membre résidant, ingénieur des mines.
à Châlons-sur-Saône.
DUBROCA, médecin, à Barsac.
DU BURGUET, maire d’Allemans , près de Ribérac, dépar-
tement de la Dordogne.
DUFAU riss, directeur de l’Institution des Jeunes-Aveu-
gles, à Paris.
DUMEGE , ancien ingénieur militaire, à Toulouse.
DUMONCEL (Tu.), président de la Société Naturelle de
Cherbourg.
DUPIERRIS , médecin, à la Nouvelle-Orléans.
DUPLAN , ancien capitaine d'artillerie, à Castelmoron , dé-
partement de la Haute-Garonne.
DUVIVIER ( Axrtoxy }, archéologue, à Nevers.
EYSENBACH, archiviste du département de la Nièvre.
FABRE, médecin, à Villeneuve-sur-Lot.
FEUILLERET, professeur d'histoire au Collége de Saintes.
GAUDRY (Azgerr), docteur ès sciences naturelles, atta-
ché au Muséum d'histoire raturelle de Paris.
GAVARRET, professeur de physique à la Faculté de Méde-
cine de Paris.
GIMET DE JOULAN, homme de lettres, à Nérac.
GINDRE ( Juces ), ingénieur des mines, à Bayonne.
GASSIES, naturaliste, à Bordeaux.
1027
MM. GIRARDIN, professeur de chimie à l'École munici-
pale et à l'École d'agriculture de Rouen, correspondant
de l'Institut ( Académie des Sciences, etc. ).
M. GOURGUES (Le comte DE), à Lanquais, département
de la Dordogne.
GRIMAUD, avocat, à Grenoble.
GRAGNON- LACOSTE, ancien notaire, à Ste-Croix-du-
Mont.
GRELLET-BALGUERIE, juge de paix à la Guadeloupe.
GROSSE (L'assé), curé de Freminville, près de Naney.
GUADET, S°-directeur de l’Institution des Jeunes-Aveu-
gles, à Paris.
GUILLAND, capitaine d'artillerie, à Belley.
HAYS, S'-commissaire de marine, chef de comptoir à Mahé.
HEYER, docteur médecin, à Pondichéry.
HOMBRES-FIRMAS (LE BARON D’), homme de lettres, à
Alais, département du Gard.
HEMSKEERCH, avocat, à Amsterdam.
JASMIN, littérateur, à Agen.
JOUBERT, correspondant agricole, à Paris.
KEBENE, ingénieur civil, à Saint-Léon, près de Bayonne.
KERCADO (LE comte DE), correspondant agricole, à Gra-
dignan.
LAFERRIÈRE, avocat, ancien professeur à la Faculté de
Droit de Rennes, inspecteur général de l'enseignement
supérieur pour le droit.
LAGATINERIE ( pe }, commissaire de la marine, à
Cherbourg.
LANET (Épouarp), ancien membre résidant.
LAPOUYADE, archéologue, président du tribunal de pre-
mière instance, à La Réole.
LEGUAI, docteur médecin, correspondant agricole, à St-
Aubin, canton de Saint-André de Cubzac.
1028
MM. LEMONNIER (Cn.), ancien membre résidant, direc-
teur du contentieux, administration du chemin de fer
du nord, à Paris.
LERMIER, ancien membre résidant, directeur des pou-
dres et salpêtres, en retraite, à Dijon.
LEROY (FerpNann), ancien membre résidant, rue de
Varennes, à Paris.
LEVERRIER, membre de l’Institut, à Paris.
LEVI ( Azvarez ), professeur d'histoire et de littérature, à
Paris.
LIAIS (EmmanuEL), physicien, attaché à l'Observatoire
de Paris.
MAGEN , membre du jury médical du Lot-et-Garonne,
pharmacien, à Agen.
MAHON DE MONAGHAN ( EuGëne ), chancelier de 1'° cl.
du consulat impérial de Liverpool ( Saint-Germain-en-
Laye).
MALAURIE, curé de Montpont.
MALLE, professeur agrégé de la Faculté de médecine de
Strasbourg.
MARCEL DE SERRES, conseiller à la Cour impériale de
Montpellier, professeur à la Faculté des Sciences de cette
ville.
MARTIN, docteur médecin, à la Paz.
MARTIN SAINT-ANGE (G.-J.), docteur en médecine, à
Paris.
MAURY (Azrrep), avocat, Ss-bibliothécaire de l’Institut de
France.
MÉTIVIER (ze vicomre pe ), archéologue, à Nérac.
MICHAUD, chef de bataillon au 10° régiment d'infanterie
de ligne.
MICHELOT, ancien officier du génie, ancien chef d’insti-
tution , à Paris.
1029
MM. MICHON (L'assé ), chanoine honoraire, à la Valette,
près Angoulême.
MILLER (L'assé), curé de Lugon et de l'ile de Carney,
près de Libourne.
MITRAUD (l'abbé Tu. ), directeur du Collége de Billons
{ Puy-de-Dôme ).
MONNIER , homme de lettres, à Toulouse.
MOREAU ( César }, homme de lettres, à Paris.
MOREAU DE JONNES, naturaliste-géographe, membre
de l’Insutut de France, à Paris.
NAYRAL (Macro), littérateur, juge de paix, à Cas-
tres, département du Tarn.
PAIGNON, avocat à la Cour de Cassation et au Conseil
d'État, à Paris.
PAYAN, docteur médecin, à Aix.
PÉCOUL , ancien représentant du peuple, présid' de la So-
ciété d'agriculture et d'économie rurale de la Martinique.
PERNET, directeur du Collége de Salins.
PERREY, professeur à la Faculté de Dijon.
PIERQUIN DE GEMBLOUX, inspecteur de l'Université,
à Bourges.
PIORRY (P.-A. ), professeur de clinique médicale à la Fa-
culté de Paris.
PUYBUSQUE ( An. pe), littérateur, rue Bourgogne, 40, à
Paris.
RAFN (Cu.-Cnrérien ), professeur de philosophie, à Go-
penhague.
RENAN (Enwesr }, agrégé de philosophie, employé au dé-
parlement des manuscrits à la Bibliothèque Impériale de
Paris.
REUME (AuGusre pe }, à Bruxelles.
RICHARD ( Davi), ancien membre résidant, directeur de
l’Asile des aliénés de Stephensfeld (Bas-Rhin ).
66
1030
MM. RIFAUD (J.), homme de lettres, à Paris.
ROBINET, professeur du cours d'industrie séricicole, rue
Jacob, 48, à Paris.
ROOSMALEN (pe ), professeur de littérature, rue du Jar-
dinet, 11, à Paris.
ROUX-FERRANT, homme de lettres.
RUELLE , ancien membre résidant, recteur en Corse.
SAINT-DIZIER , professeur d'histoire, à Bergerac.
SAMAZEUIL, avocat, à Nérac,
SCHULTZ, de Bitche (Moselle), docteur en philosophie de
la Faculté de Tubingue.
SÉDAIL, ancien membre résidant, littérateur, rue de la
Nation, 10, à Montmartre.
SEURE ( OxésimE ), homme de lettres, à Paris.
SIGOYER (ANTonin DE), ancien membre résidant, homme
de lettres.
SILVELA , jurisconsulte, à Madrid.
SISMONDA ( EuGëne ), docteur médecin, à Turin.
SOYER-WILLEMET, naturaliste, à Nancy.
TARRY, médecin, à Agen.
THURMANN, ancien directeur de l'École normale du Jura
bernois, à Porrentruy ( Suisse, canton de Berne ).
TUPPER, naturaliste, à Paris.
VALADE - GABEL, ancien membre résidant, directeur
honoraire de l’Institut des Sourds-Muets de Bordeaux,
rue d’Enfer, à Paris.
VALAT, ancien membre résidt, ancien recteur à Rhodez.
VALERNES ( 1e vicomTe pe ), homme de lettres, à Apt,
département de Vaucluse.
VALLOT, médecin, à Dijon.
VANHUFFEL, jurisconsulte, rue Méhul, 1, à Paris.
VAUVILLIERS , inspecteur divisionn. des ponts et chaus=
sées, rue Duphot, 23, à Paris.
10314
MM. VINGTRINIER, médecin des prisons de Rouen.
VIVENS (LE COMTE DE), propriétaire, à Clairac.
WATEVILLE (LE BARON DE), inspecteur des établissements
de bienfaisance de la ville de Paris, rue du Faubourg
Saint-Honoré, 14, à Paris.
OFFICIERS
DE L'ACADÉMIE DE BORDEAUX,
pour l'année 1854,
MESSIEURS
E. GINTRAC, Président.
IMBERT DE BOURDILLON , Vice-President
DURAND, Secrétaire général.
VAUCHER.
| Secrélaires- nts.
CIROT DE LA VILLE. j Ne
RAUR 22. ee Trésorier.
G. BRUNET... Archiviste.
BAUDRIMONT,
BROCHON (Henry ), Membres du Conseil d'ad-
PETIT-LAFITTE, ministralion.
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MOD Art
1033
TABLE DES MATIÈRES
DE LA QUINZIÈME ANNÉE.
Analyse chimique des eaux du département de Ja Gi-
ronde: pasiM: Fauré. se 5 sofiant avt ul. profs
Rapport sur les Mémoires de la Société Statistique de
Londres, suivi de quelques considérations sur le
système hypothécaire et le crédit foncier; par M.
Darrieur. dent: te 46 he. needs 368 0h
Rapport sur un ouvrage de M. Duluc, médecin vété-
rinaire , ayant pour titre : De la rage ou hydropho-
bie chez le chien et autres animaux; par M. le Dr
Coslesass ae nt ontiilesensrens OT CN ETC
Tableau météorologique des mois de janvier, février
etfimazs: par Mdbniqiehss.-snstosnéh à LES dl te
Histoire des Basques ou Escualdunais primitifs restau-
rée d’après la langue, les caractères ethnologiques
et les mœurs des Basques actuels; par M. A. Bau-
GTIMONC LE ne à 2» eo 0 Ant Ur dE JAUTOR
Rapport sur les travaux de la Société d'Agriculture,
Sciences et Belles-Lettres de Rochefort, et notam-
ment sur les doublages en cuivre employés pour les
carènes de navires; par M. W. Manès.,.,..,....
Pages.
204
251
451
1034
Rapport sur l'éloge de Romas; par M. Abria..... EF
Étude sur les travaux de Romas: par M. Merget, pro-
fesseur de physique au Lycée Impérial de Bor-
Fragment de l’histoire des Arts à nt : Acadé-
mie de Peinture et Sculpture sous Louis XIV; par
NC. PR Dee AE NE UE 2 OR NE
Tableau météorologique des mois d'avril, mai et juin;
par M ARR Re EP APS RE
Histoire des Basques ou Escualdunais primitifs res-
taurée d’après la langue, les caractères ethnologi-
ques et les mœurs des Basques actuels (suite et
it) par MA Paudrimont.. SE Te
Description d'une coupe géologique des collines qui
bordent les rives droites de la Gironde, de la Ga-
ronne, du Tarn, de l'Aveyron et de la Leyre, de la
Pointe de la Courbe, près de Royan, à Sept-Fonds,
près de Montauban, suivie d’une Note sur l’âge de
la Molasse de Moissac; par M. Vor Raulin.......
Des changements qui se sont opérés dans la distribu-
tion primitive des êtres vivants, à la surface du globe ;
par M: Marcel ide Serres. 22420, 2. MID OLENN,
Résumé lu dans la Séance publique du 20 janvier
4855, d'un Rapport fait à l'Académie sur le Con-
cours de 4852 : Question relative à l’histoire de la
poésie lyrique en France ; par M. Dabas.........
La Lampe du Sanctuaire; par M. de Gères.........
Tableau météorologique des mois de juillet, août et
septembre: par M: Abria....1.......... 20
Procès-verbal et Séance publique du 24 novembre
1855, pour l'installation de M. A. Vaucher, avocat.
Discours de M. A. Vaucher, récipiendaire…
Réponse de M. Henry Brochon, président... .......
441
447
219
677
707
741
779
802
805
. 806
1035
Pièce de vers intitulée : Sur la Folie; par M. de
Discours d'ouverture prononcé à la Séance annuelle
du 42 janvier 4854; par M. Henry Brochon, pré-
SEM esters ie ons see Se ee ne Et 864
Compte rendu des travaux de l’Académie des Scien-
ces, Belles-Lettres et Arts de Bordeaux, pendant
le cours de l'année 4853, lu le 42 janvier 4854,
par M. le Dr É. Dégranges, secrétaire général... 875
Programme des Prix décernés par l’Académie pour
l’année 4855, et des Questions mises au Concours
DOUT PANNE MORE ER... reere 927
Rapport sur le Mémoire de M. de Lacolonge, con-
cernant les roues à aubes courbes; par NES.
RARES ane cr uhiagatian dt sou 957
Rapport sur l'appareil Fragneau, destiné à prévenir
les rencontres des trains de chemins de fer; par
NPA BR EE RTS na à 965
Rapport sur le Concours de poésie pour l’année
4855; par M. Jules de Gères.............2.... 975
Tableaux météorologiques des mois d'octobre, no-
NEMOTE EL dÉCRMDTE eee tous dames 4045
Résumé des observations météorologiques de 4853. 1018
Tableau des Membres de l’Académie...... ...... 4021
Officiers de l’Académie... pe LA REINE A TN Re S Es 4051
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