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Full text of "Actes de l'Academie Royale (Nationale) des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Bordeaux"

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HBCUBARTE 


DES 


ACTES DE L'ACADEMIE 


Des Nciences, BellesLettres et Arts de Bordeaux. 


A BORDEAUX, 
CH GOUNOUILHOU, IWPRIUBUR DE PACADÈMIR) 


place Puy-Paulin, 4. 


Y 
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RECU, 


DES 


ACTES DE L'ACADÉMIE 


DES SCIENCES , BELLES-LETTRES ET ARTS DE BORDEAUX, 


QUINZIÈME ANNÉE. — 1853. 


BORDEAUX , 


CHE RUE LAWALLE, LIBRAIRE, 


allées de Touroy, n. 46. 


PARIS , 


CHEZ DERACHE, LIBRAIRE, 


rus du Boyloy, n. 7, 


AVIS. 


L'Académie n'accepte point la solidarité de toutes 
les opinions émises dans les articles insérés au re- 


cueil de ses Actes. 


ANALYSE CHIMIQUE 


des 


EAUX DU DÉPARTEMENT 


DE LA GIRONDE ; 


PAR Elo PATCH RIO 


INTRODUCTION. 


Les progrès de l'hygiène générale et de l'industrie 
agricole, sont si intimement liés à l'étude des eaux 
dont les populations disposent, qu'on est étonné du 
peu de travaux dont cette étude a jusqu'à ce jour été 
l'objet. 

Frappé de cette immense lacune, le laborieux et sa- 
vant Ministre qui, en 1850, dirigeait l'agriculture, 
M. Dumas, invita l'Académie de Médecine de Paris à 
réunir en un seul faisceau les analyses éparses faites 
sur celte importante matière, et l’'engagea à stimuler 
le zèle des hommes spéciaux qui voudraient se livrer, 
dans leurs localités respectives, à l'étude des eaux de 
toute nature qui sillonnent le sol, soit à sa surface, 
soit à certaines profondeurs. 


2 


Encouragé par cet appel, adressé à toutes les intel- 
ligences, à toutes les capacités, j'ai entrepris de rem- 
plir, pour le département de la Gironde, si vaste et si 
bien arrosé, une lacune regrettable, et je me suis con- 
formé aux vues philantropiques de lillustre chimiste, 
en soumettant à une analyse exacte et rigoureuse les 
eaux des sources, des fontaines, des puits, des ruis- 
seaux, des rivières, du fleuve et même de la mer qui 
baignent notre département. 

En commençant ce long et minutieux travail , je ne 
me suis pas dissimulé l'étendue et les difficultés de la 
tâche que je m'imposais. J'en eusse été découragé si 
javais moins vivement senli l'importance de ce travail, 
et si je n'eusse eu la certitude qu'il en sortirait quel- 
ques données utiles, quelques enseignements profita- 
bles à la santé générale de nos populations agricoles, 
de celles surtout que la mauvaise qualité des eaux ex- 
pose chaque année à des fièvres pernicieuses qui les 
déciment. 

Ne voulant m'en rapporter à personne du soin de 
recueillir les échantillons sur lesquels je devais opérer, 
c'est sur les lieux et dans chacun des quarante-huit 
cantons du département, que j'ai puisé moi-même ces 
échantillons et recueilli les renseignements utiles à mes 
recherches. 

Ces eaux, renfermées dans des bouteilles neuves en- 
tièrement remplies, solidement bouchées et étiquetées 
à mesure, étaient apportées dans mon laboratoire, où 
elles ont été successivement soumises aux diverses opé- 
rations qu'elles avaient à subir. 


3 


Tous les produits obtenus par ces opérations ont été 
exactement pesés où mesurés, puis enfermés dans des 
vases convenables, et conservés avec le plus grand soin 
jusqu'au moment où, à leur tour, ils ont dù être soumis 
aux manipulations et aux dosages qui devaient en faire 
connaître la nature et les proportions. 

J'ai suivi, dans ces nombreuses et minutieuses ana- 
lyses, la marche rationnelle, méthodique, certaine, tra- 
cée par les chimistes distingués qui m'ont précédé 
dans de semblables recherches, notamment par mon 
excellent maitre François Lartigue, et MM. Dupas- 
quier, Boutron-Charlard, Ossian Henry, Filhol, etc. 

Toutefois, persuadé que sous l'influence de l'ébulli- 
tion, il s'opère des modifications importantes dans la 
nature des sels, j'ai adopté un mode.particulier d'éva- 
poration , l'étuve, qui ne permet pas aux liquides d'ac- 
quérir plus de 40 à #5 degrés de chaleur. C’est à l'aide 
de ce procédé lent, mais sûr, que j'ai pu isoler, sans 
altération apparente, la matière organique contenue 
dans certaines eaux. 

J'ai toujours opéré sur cinq litres au moins : trois 
litres étaient réservés pour être soumis à l'évapora- 
tion; un litre était légèrement alcalisé, puis conservé 
pour y rechercher l'iode et le brôme; l'excédant était 
examiné à l'aide de réactifs titrés, pour reconnaitre 
tout d'abord la nature et la quantité approximative des 
sels qu'il renfermait. 

En recueillant sur place, j'ai mesuré avec précision 
la température des eaux de sources, de puits, de fon- 
taines, comparativement à celle de l'air, et me suis 


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rendu un compte exact des caractères physiques que 
ces eaux présentent sur les lieux mêmes. 

Bien que notre département ne renferme que peu 
d'eaux minérales, j'ai cependant pu noter quelques 
sources ferrugineuses, parmi lesquelles je signalerai 
celles de Bernos, de Saucats et de Belloc. 

Tant et de si minutieuses recherches ne seront pas 
perdues, nous en avons l'espoir, pour notre population 
agricole; elle y trouvera, entre autres renseignements 
utiles, les moyens de convertir sans frais de mauvaises 
eaux en eaux saines et potables. Le progrès de son 
bien-être sera la récompense de mes travaux : c’est la 
seule que j'ambitionne. 


CHAPITRE 1° 


Considérations générales sur les eaux. 


L'eau est le premier des corps liquides, non-seule- 
ment parce qu'elle est l'un des éléments constitutifs des 
êtres organisés, mais encore parce qu'elle est indispen- 
sable à leur entretien, à leur développement, à leur 
croissance. 

Véhicule universel, c'est l'eau qui transmet à la 
plante, à l'animal, à l'homme, l'électricité et le calori- 
que, la vigueur et la vie. L'eau à l'état liquide ou à l'é- 
lat gazeux, est le milieu dans lequel ils vivent; sans elle, 
leurs tissus, bientôt desséchés par l'air, perdraient la 
souplesse nécessaire à toutes les fonctions de l’exis- 
tence. 

Dissolvant général, l'eau pénètre tout, s'assimile à 
tout, dissout, entraine, charrie tout ce qu’elle rencon- 
tre sur son passage; rien ne peut résister à son action : 
la roche la plus dure, le granit le plus compacte, le 
métal le plus tenace, sont peu à peu désagrégés, dis- 
sous, détruits par elle. Qu'on juge de la facilité avec la- 
quelle elle s'empare des corps moins résistants, et dès 
lors combien sa pureté doit varier, selon la nature du 


6 
sol qu'elle parcourt et des couches atmosphériques et 
terrestres qu'elle traverse. 

L'eau n'attaque pas seulement les corps inorgani- 
ques; elle dissout encore les corps organisés. Partie 
constituante des êtres vivants, elle devient après la mort 
leur dissolvant le plus actif, et se charge, alors surtout 
que la température favorise son action, de matières or- 
ganiques qui deviennent bientôt les éléments d'une fer- 
mentation où elle joue le double rôle de dissolvant et 
d'agent de destruction. 

Ainsi altérée et chargée de produits morbides, l'eau 
peut devenir un poison d'autant plus dangereux, que 
ses caractères physiques n'indiquent pas toujours la 
présence d'éléments toxiques. L'influence pernicieuse 
de ces eaux empoisonnées sur les populations qui s'en 
abreuvent, faute d'autres, produirait des résultats bien 
plus désastreux si elles ne trouvaient dans l'action de 
l'air et dans une circulation vaste et rapide des mo- 
dificateurs puissants qui annihilent en partie, soit les 
miasmes délétères produits d’une fermentation prolon- 
gée, soit les sels solubles qu'elles contiennent : et, en 
effet, à mesure que la fermentation qu'on observe dans 
certaines eaux donne naissance à des produits morbi- 
des, l'influence réparatrice de l'air, favorisée par l’agi- 
tation, oxide et solidifie tout ou partie de ces produits 
dangereux, et les précipite sous forme de sédiment. 

Elles se débarrassent de la sorte des impuretés qui 
les altérent, et reprennent peu à peu les caractères des 
bonnes eaux potables; c’est ainsi que s'explique la pu- 
reté remarquable des eaux courantes : l'agitation, le 


7 

roulement, le mouvement continu, changent en peu 
de temps des eaux impures, chargées de matières or- 
ganiques, en eaux limpides d'excellente qualité. 

. Cette heureuse métamorphose est due principalement 
à l'attraction moléculaire, considérablement augmentée 
par la multiplicité des surfaces, surtout lorsque celles- 
ci sont remplies d'aspérités, comme les lits caillouteux 
des rivières, les sinuosités rocheuses des torrents. 

On avait remarqué depuis long-temps la pureté des 
eaux courantes; on s'était même aperçu que des eaux 
de mauvaise qualité à leur source, acquéraient bien- 
tôt, en roulant sur le sable ou sur le gravier, les qualités 
des bonnes eaux potables; mais on n’en connaissait 
pas la cause. La physique est venue récemment expli- 
quer ce phénomène par le roulement continu et lac- 
tion oxidante que l'air, mis en rapport avec de minces 
couches liquides, exerce sur la matière organique et cer- 
tains sels minéraux. Dès-lors, on à pu se rendre compte 
de la disparition si prompte et si complète des débris 
organiques que la Seine et surtout la Tamise recoivent 
sans cesse par les nombreux égouts qui s'y déversent, 
débris dont l'analyse la plus minutieuse retrouve à peine 
des traces. 

Les sels minéraux très-solubles fournis par certains 
terrains, trouvent aussi dans le sein de la terre des élé- 
ments propres à en débarrasser les eaux; les couches 
argileuses s'assimilent les sels à base de chaux, pendant 
que les roches siliceuses s'approprient les sels à base 
de soude, de potasse, de magnésie. 

La nature, cette bonne mère, avait prévu les effets 


8 


désastreux que des eaux très-chargées de matières sa- 
lines ou de débris organiques pouvaient produire sur 
les animaux, et, dans sa sage prévoyance, elle a Joint 
aux éléments de dépuration dont nous venons de par- 
ler, une autre force absorbante bien active et bien puis: 
sante, la végétation. Cette force permanente, mais 
qui se produit au printemps avec plus d'intensité, en- 
lève aux eaux les sels solubles qu'elles contiennent, pour 
les transmettre, par les mille spongioles des racines, 
aux végétaux dont ils sont l'un des principes constitu- 
tifs. 

L'eau pluviale elle-même ne se sature des gaz de 
l'atmosphère que pour les transmettre aux plantes, qui 
se les assimilent et les consomment pour leur nutri- 
tion. 

Evidemment, les eaux ne peuvent être identiques ; 
leurs qualités varient comme les éléments qu'elles ren— 
ferment, et il doit exister de grandes différences entre 
elles, suivant qu'elles sont courantes ou stagnantes, 
souterraines ou superficielles. Aussi, lorsqu'on jette un 
coup-d'œil rétrospectif sur le sujet qui nous oceupe, on 
voit que de tout temps on s'est vivement préoccupé 
des moyens propres à reconnaitre la pureté et la bonté 
des eaux, surtout de celles employées à la boisson. 

Les anciens, qui n'avaient pas les moyens d'analyse 
dont nous disposons, mais qui appréciaient peut-être 
mieux que nous les avantages des bonnes eaux po- 
tables, admettaient généralement comme bonnes les 
eaux fraîches, aérées, limpides, sans odeur, sa- 
veur, mn couleur appréciables, froides en été, tem- 


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pérées en hiver, dissolvant le savon sans le grume- 
ler, et cuisant bien les légumes. 

Ces caractères généraux, consacrés par l'observation 
et l'enseignement des siècles, doivent servir de point 
de départ aux investigations de la science moderne, car 
ils renferment à eux seuls des indications suflisantes 
pour faire admettre ou rejeter à priori les eaux desti- 
nées à la boisson. En effet, quand l’eau est sans odeur 
ni saveur, elle est ordinairement pure de tout corps 
étranger. Si elle affecte désagréablement lodorat, il faut 
se garder d'en faire usage, car elle est altérée. IT faut 
s'en abstenir encore, quand elle déplait au gout, car 
une saveur quelconque autre que cette saveur fraiche 
et légèrement piquante qui caractérise les bonnes 
eaux, est l'indice certain qu'elles contiennent une subs- 
tance étrangère presque toujours de nature organique, 
souvent en décomposition. [l en est de même de la 
couleur, de la limpidilé : Veau, pour être potable, doit 
être sans couleur et d'une transparence parfaite; toute 
eau colorée ou trouble et bourbeuse tient en solution ou 
en suspension , soit des corps organiques qui peuvent 
être dangereux, soit des matières terreuses qui peuvent 
amener des désordres dans les fonctions digestives, ne 
füt-ce que par le dégoût qu'elles inspirent. 

La température des eaux est aussi Fun des carac- 
tères les plus importants à signaler, car des eaux de 
très-bonne qualité d’ailleurs, pourraient être nuisibles 
à la santé par cela seul qu’elles seraient ou trop froides, 
ou trop chaudes. C'est en raison de l'égalité de tempé- 
rature des eaux de sources qu'il convient de leur don- 


10 


ner la préférence sur les eaux de rivières, dont la tem- 
pérature suit toutes les variations atmosphériques. Per- 
sonne n'ignore combien l'eau froide plait, en été, au 
palais et à l'estomac : elle procure instantanément un 
sentiment de bien-être; elle apaise la soif, ranime les 
forces, tant par son action tonique que parce qu'elle 
modère par sa fraicheur l'activité de la transpiration. 
Au contraire, rien n'est plus désagréable et plus nuisi- 
ble dans les chaleurs que l'usage d'une eau dont la tem- 
pérature se rapproche trop de celle de l'asmosphère, 
quelle qu'en soit d'ailleurs la pureté : elle ne plait ni 
au palais, ni aux organes digestifs. 

D'après l'expérience des àges, les eaux potables doi- 
vent, en outre, étre aérées, pouvoir dissoudre le 
savon sans le grumeler , et cuire bien les légumes. 
Ces dernières propriétés indiquent la légèreté et la pu- 
reté des eaux, et se rapportent à leur composition chi- 
mique. Ainsi, une eau est aérée, légère, quand elle 
contient une quantité convenable d'air atmosphérique 
et d'acide carbonique; elle grumèlera le savon et S'op- 
posera à la cuisson des légumes, si elle contient une 
quantité trop forte de sels minéraux. 

Mais si ces caractères généraux suffirent long-temps 
pour apprécier la pureté des eaux, on conçoit qu'il 
n'en fut plus de même quand les progrès de la chimie 
eurent permis de démontrer la nature et la quantité de 
toutes les substances gazeuses, salines et organiques, 
qu'elles contiennent en solution ou en suspension. Des 
analyses rigoureuses furent faites, et ne sen tenant 
plus aux caractères physiques indiqués par nos an- 


11 

ciens, on arriva à ne regarder comme propres à la bois- 
son que les eaux chimiquement pures : de telle sorte 
que l'eau distillée, convenablement aérée, fut le proto- 
type des eaux potables. Il est advenu de cette opinion 
exagérée, ce qui arrive toujours dans les sciences lors- 
qu'on substitue.trop promptement et sans assez de ma- 
turité des résultats partiels à des résultats généraux, 
positifs, sanctionnés par le temps. Des travaux en eux- 
mêmes d'une grande exactitude, peuvent conduire à 
des applications dangereuses, jusqu'à ce que l'expérience 
ait fait de nouveau luire la vérité. 

Depuis quelque temps, une réaction en sens contraire 
s'opère dans le monde savant; les tendances de quel- 
ques hommes spéciaux semblent les porter vers un 
ordre d'idées complétement opposées aux principes de 
leurs devanciers; ils sont disposés à regarder comme 
bonnes toutes les eaux qui ne contiendraient que des 
sels assimilables, quelles que fussent d'ailleurs les 
proportions que ces eaux en continssent. Ces tendan- 
ces, qu'il nous fut donné de signaler, dès l'année 1838, 
au sein de la Société de Médecine de Bordeaux, lors de 
la discussion que soutint le docteur Arthaud, mon 
excellent ami, l'un des antagonistes les‘plus spirituels 
de l'eau chimiquement pure, ces tendances, dis-je, 
se sont encore accrues depuis les travaux de Dupas- 
quier, de Lyon, qui, loin de regarder certains sels 
comme nuisibles, établit, au contraire, que leur pré- 
sence est indispensable à la bonne qualité des eaux 
destinées à la boisson. 

Sans repousser complétement une pareille théorie, 


12 

je crois qu'il convient de faire des réserves. Par leur 
action excitante et digestive, certains sels minéraux 
contenus dans les eaux de sources ou dans les eaux 
courantes peuvent quelquefois être utiles, on ne 
saurait le contester; mais il y aurait de limpru- 
dence à admettre comme boisson ordinaire, dans 
un état régulier de santé, des eaux où ces agents 
se trouveraient en fortes proportions. Préservons-nous 
donc de toute exagération, et en matière d'hygiène 
comme en économie politique, restons dans un sage mi- 
lieu. Les faits chimiques les plus concluants coïncident 
parfaitement avec les caractères primitifs que le pa- 
triarche de Cos, et bien plus tard le savant Hallé, 
Nysser, Rostan et autres nous ont transmis; tous ad- 
mettent la limpidité, la fraicheur, la saveur fran- 
che et pure, la faculté de dissoudre le savon et de 
cuire les légumes, comme caractères immuables des 
bonnes eaux; or, les expériences de Dupasquier, celles 
de M. Boutron-Charlard et Ossian Henry, et enfin, 
sil m'est permis d'en parler, celles qui me sont pro- 
pres, démontrent qu'il suffit de dix centigrammes de 
sulfate de chaux ou de vingt centigrammes de chlorure 
ou d'azotate calcaire par litre d’eau, pour lui communi- 
quer une saveur fade et faire grumeler le savon. Cette 
réaction devient plus marquée à mesure que ces pro 
portions sont dépassées, ou lorsque plusieurs de ces sels 
se trouvent réunis dans la même eau. 

Le carbonate de chaux dissous dans un excès d'acide 
carbonique, peut bien échapper au gout et être sans ac- 
tion sur le savon, même à la dose d’un gramme par litre ; 


13 
mais si l'on emploie à la cuisson des légumes de leau 
ainsi chargée, dès que le calorique chasse l'excès de 
l'acide carbonique, l'eau se trouble, et la plus grande 
partie du sel calcaire se dépose sur les légumes et nuit 
à la cuisson. 

En résumé, je considère comme eaux potables de 
bonne qualité, celles qui réunissent aux caractères 
généraux déjà indiqués, l'avantage de ne pas contenir 
par litre plus de 60 centigrammes de matières sa- 
lines ou terreuses, plus de { centigramme de ma- 
tières organiques. 

Au delà de ces limites, bien que limpides encore, 
sans odeur , sans couleur, elles sont fades, grumèlent le 
$avon, cuisent mal les légumes. Toutefois, les organes 
digestifs les tolèrent chez les personnes en santé, et tant 
que les proportions des matières salines ne dépassent 
pas un gramme, elles n'ont sur l'économie aucune ac- 
tion marquée. 

Ces eaux, qui sans être précisément mauvaises, ne 
sont pas non plus précisément bonnes, je les caracté- 
rise par l'épithète d'indifférentes. La plus grande par- 
tie de l'eau de nos puits appartient à cette classe. 

Certaines eaux contiennent des sels minéraux en 
plus forte proportion encore ; j'en ai trop souvent, dans 
mes explorations, rencontré de telles. Elles sont limpi- 
des, sans odeur ni couleur, mais elles ont une saveur 
terreuse ; elles grumèlent abondamment le savon, con- 
tiennent de la matière organique en forte proportion, 
et laissent, par litre d'eau évaporée, un à deux grammes 
de résidu, dans lesquels les azotates et les sulfates en- 


1% 


trent au moins pour un quart. Ces eaux, généralement 
désignées sous le nom d'eaux crues et séléniteuses, fa- 
tiguent les organes digestifs des personnes qui n’y sont 
pas habituées, et ne sont pas plus propres à la cuisson 
des légumes et au blanchissage du linge, qu'à la bois- 
son. Il n'en faut faire usage que lorsqu'on ne peut ab- 
solument s'en procurer d'autres : je les appelle eaux 
malsaines. 

Pour donner à mon travail l'ordre et la clarté que 
nécessite la multiplicité des opérations, j'ai divisé les 
eaux du département par catégories, suivant leur na- 
ture, afin de les classer selon leur mérite. 

Voici la classification que j'ai cru devoir adopter : 


Fleuve. 
Rivières. 
Ruisseaux. 
Sources. 
Fontaines. 
mi D profondes. | Puits. 
Etangs. 
Lagunes. 
Marais. 


profondes. Po 
Sous-sol des Landes. 


courantes superficielles. 


superlicielles. 
slagnantes 


15 


CHAPITRE IE. 


Procédés adoptés par l'auteur pour reconnaitre et doser les 
diverses substances organiques ou inorganiques contenues 
dans les eaux. 


Pour arriver à une analyse complète et aussi exacte 
que possible des eaux que j'avais à examiner, j'ai fait 
usage de tous les moyens d'analyse qui étaient à ma 
disposition. Ces moyens, tendant à se contrôler les uns 
les autres, présentent toutes les garanties désirables 
d'exactitude. 

Ce sont l'appréciation des caractères physiques, 
l’action des réactifs, et enfin l'examen des résidus après 
l'évaporation complète des eaux. 

Les caractères physiques sont : la température, la 
limpidité, la couleur, l'odeur et la saveur, Ces carac— 
tères une fois constatés, je passais à l'examen par les 
réactifs : des liqueurs soigneusement fitrées me per- 
mettaient de doser avec exactitude soit les acides, soit les 
bases contenues dans les eaux à l'état de combinaison 
ou de liberté, puis je procédais à la troisième, à la plus 
concluante épreuve, l'évaporation à siccité. 

Les corps contenus dans les eaux étant de différen- 
tes natures, les uns gazeux et les autres solides, orga- 
niques ou inorganiques, j'ai dû m'occuper d'abord de 


16 
rechercher et de recueillir les corps gazeux ; pour cela, 
j'ai suivi le procédé le plus ordinairement employé , 
l'ébullition à vase clos. 

Les gaz contenus dans les eaux courantes ne pou- 
vant être que de l'acide carbonique , de l'oxigène ou de 
l'azote, j'ai disposé pour cette expérience l'appareil 
suivant. Un matras à long col, de la contenance exacte 
d'un litre d'eau, était rempli de l'eau à analyser, et 
après y avoir adapté, à l’aide d’un bouchon convenable 
effleurant l'eau , un tube recourbé rempli d'eau distillée, 
jengageais la courbure de celui-ci sous le récipient 
d'une petite cuve hydrargyro-pneumatique , surmontée 
d'une cloche allongée, exactement graduée et pleine de 
mercure : chauffant alors avec précaution le matras 
placé au bain de sable, sur un fourneau disposé à cet 
effet, j'arrivais à chasser complétement les gaz conte- 
nus dans l'eau du matras, et à les faire passer dans la 
cloche graduée, qui indiquait exactement leur volume. 
Quelques fragments de potasse à l'alcool, introduits 
alors sous la cloche, absorbaient peu à peu l'acide car- 
bonique, et lorsque l'absorption n'était plus apparente, 
je voyais, à la diminution du volume, la quantité de gaz 
qui avait été absorbée. Je transvasais ensuite avec 
beaucoup de soin dans une autre cloche graduée, et 
sous la euve hydrargyrique, le gaz non absorbé; j'y fai- 
sais passer un petit cylindre de phosphore; l'absorption 
de l'oxigène par ce corps inflammable diminuait d'au- 
tant le gaz restant, et lorsque le phosphore était sans 
action marquée, cette diminution était notée, et le gaz 
non absorbé, lavé à l'eau distillée, était examiné, me- 


17 


suré et noté : c'était de l'azote. C’est ainsi que j'ai re- 
cueilli l'acide carbonique, l'oxigène et l'azote. La mul- 
tiplicité de ces opérations m'a bientôt mis à même de 
constater que, dans l'eau de puits, l'air atmosphéri- 
que change à peine de composition, c'est-à-dire que 
l'oxigène et l'azote y restent dans les mêmes proportions 
que dans l'atmosphère. Il n’en est pas de même dans 
les eaux superficielles : il est rare d'y rencontrer l'oxi- 
gène et l'azote dans les proportions normales de l'air 
atmosphérique ; dans quelques-unes , la quantité d'azote 
est beaucoup plus considérable; dans le plus grand 
nombre , ce sont les proportions d'oxigène qui se sont 
accrues. J'ai donc admis l'air atmosphérique contenu 
dans les eaux de puits et de fontaine, comme étant 
dans les proportions normales, et n'ai mesuré isolé- 
ment les proportions d'oxigène et d'azote que pour les 
eaux courantes. 

Les sels et autres corps fixes contenus ordinairement 
dans les eaux, sont des carbonates, des sulfates, des 
hydrochlorates, des azotates, terreux ou alealins, de la 
silice, de l'alumine et de l'oxide de fer; leur présence 
était signalée à l'avance par les réactifs. Pour les re- 
cueillir, je réunissais dans de petites capsules en porce- 
laine exactement tarées, le produit de l'évaporation de 
trois lities d'eau; je desséchais convenablement ces 
produits à une température de cent degrés, et après 
les avoir pesés avec soin, pendant qu'ils étaient chauds, 
à l’aide d'une balance d'essai très-sensible , je notais avec 
la plus scrupuleuse exactitude, le poids de chacun 
d'eux. [ls étaient ensuite détachés, pulvérisés dans les 


9 


# 


18 
capsules mêmes, et traités par de l'alcool à 65 degrés, 
jusqu'à ce que ce véhicule ne leur enlevàt plus rien ; 
la partie insoluble dans l'alcool était desséchée de nou- 
veau et pesée, puis soumise à l'action de l'eau distillée. 

Ces diverses opérations permettaient de diviser en 
trois parties les sels contenus dans les résidus de léva- 
poration, savoir : ceux qui sont solubles dans l'alcool, 
ceux qui sont solubles dans l'eau et insolubles dans 
l'alcool , et enfin ceux qui sont insolubles dans ces deux 
menstrues. La séparation ainsi opérée, je n'occupais 
de leur dépouillement respectif, en commençant par 
la matière complétement insoluble, qui était composée 
de carbonate de chaux, de magnésie, de fer, de sul- 
fate de chaux, de silice, et quelquefois d’un peu d'alu- 
mine. 

Après l'avoir desséchée et pesée, je la traitais par 
l'acide hydrochlorique faible, qui la dissolvait pres- 
qu'en entier avec effervescence ; ce qui restait d'insolu- 
ble dans cet acide, était lavé, séché et examiné: c'était 
ordinairement de la silice, mélée d'un peu de matière 
organique, dont on la débarrassait par la caleination. 
Le solutum hydrochlorique était évaporé à sicerté et 
repris par de l'alcool à 65 degrés, qui en séparait le 
sulfate de chaux, dissous à la faveur de l'excès d'acide 
hydrochlorique, et dissolvait les hydrochlorates nou- 
vellement formés. La liqueur alcoolique était alors 
évaporée; vers la fin de l'évaporation, on ajoutait un 
peu d'acide sulfurique étendu; on continuait à chauf- 
fer pour chasser l'acide hydrochlorique, transformer 
les bases en sulfates, et volatiliser l'excès d'acide sul- 


19 

furique ; cela fait, on lavait le résidu avec de l'eau 
distillée, qui dissolvait les sulfates de magnésie et de 
fer, et laissait le sulfate de chaux; celui-ci était sé- 
ché et pesé ; son poids indiquait la quantité de chaux 
fournie par le carbonate caleaire que contenait le ré- 
sidu insoluble, traité primitivement par l'acide hydro- 
chlorique. 

Le solutum de sulfate de magnésie et de sulfate de 
fer était ensuite traité par le carbonate d'ammoniaque, 
qui en précipitait le fer; on lavait, desséchait et cal- 
cinait fortement pour avoir l'oxide pur, tandis que le 
solutum magnésien était évaporé et fortement calciné, 
pour volatiliser les sels ammoniacaux et obtenir la ma- 
gnésie pure, que je pesais avec soin. 

Ainsi se trouvaient isolés, la silice, le sulfate de 
chaux, le carbonate de chaux, de magnésie, de fer, 
ete., qui formaient la partie insoluble du résidu de l'é- 
raporation. 

Je passais ensuite à l'examen du solutum aqueux; 
il était évaporé à siccité et pesé, il ne contenait que 
des sulfates solubles mélés d'un peu de sulfate de chaux ; 
un simple lavage à l'eau distillée sufisait pour enlever 
les premiers. Après avoir dosé l'acide sulfurique à 
l'aide de l'azotate de baryte, j'isolais et dosais les bases 
par le phosphate de soude, l'antimoniate de potasse ou 
le chlorure de platine, qui précipitaient la magnésie, 
la soude, ou la potasse, seules bases avec lesquelles 
l'acide sulfurique eût pu former les sels solubles se 
rencontrant ordinairement dans les eaux. 

Enfin, le solutum alcoolique était placé dans une 


20 


capsule en porcelaine et évaporé à une douce chaleur, 
jusqu'à dessiceation parfaite; le résidu, desséché et exac- 
tement pesé pendant qu'il était chaud, pouvait renfer- 
fer des chlorures, des azotates et de la matière orga- 
nique. Le chlore était dosé par lazotate d'argent, 
l'acide azotique par le procédé Christisson ou par la 
limaille de cuivre et l'acide sulfurique; quant à la chaux, 
la magnésie, la soude, la potasse, avec lesquels ces 
acides pouvaient être unis, je les dosais par les procé- 
dés indiqués dans le précédent paragraphe. 

| me reste à dire à quels procédés j'ai eu recours 
pour isoler les corps qu'on ne rencontre qu'exception— 
nellement, c'est-à-dire la matière organique, l'iode, 
le brôme, l'ammoniaque; et dans quelques eaux ferru- 
gineuses, le soufre, le manganèse et l'arsenie. 


Matière organique. 


La matière organique contenue dans les eaux, peut 
être végétale ou animale; celle-ci ne s'y trouve qu'ac- 
cidentellement; celle-là au contraire s’y rencontre sou- 
vent, mais dans des proportions très-variables. 

Pour l'obtenir pure, il faut l'extraire directement, en 
faisant évaporer par ébullition une quantité donnée de 
l'eau à analyser. Dès les premières impressions de la 
chaleur, les eaux qui contiennent de la matière orga- 
nique albumineuse se troublent, et il s'en sépare, au 
moment de l'ébullition, une foule de petits globules qu’on 
voit nager dans la liqueur. Après quelques instants, 
on laisse refroidir, sans remuer, et l'on isole par dé- 


2 


cantalion cette matière, que l'on trouve réunie au fond 
du vase; on la dessèche, on la pèse et on note le poids. 
Cette matière, ainsi coagulée, est de l'albumine ani- 
male ou de l'albumine végétale, ce qui est indiqué dans 
le premier cas par la couleur et les sels ammoniacaux; 
dans le second, par l'absence des produits azotés. On 
achève à l'étuve l'évaporation de l'eau d'où l'on à séparé 
l'albumine, jusqu'à ce qu'elle soit réduite à quelques 
grammes; On la délaye alors avec de l’éther alcoolisé, 
qui dissout la matière organique non séparée par l'é- 
bullition, sans toucher au résidu salin qui l'accompa- 
gne. L'évaporation de l'alcool éthéré laisse la matière 
organique dans l'état de quasi pureté; en cet état, elle 
à une saveur amère, une couleur brune; elle se dissout 
dans/leau et dans l'alcool : c'est de la matière orga- 
nique passée à l'état d'humus. 

Un fait digne de remarque, c'est que les eaux les 
plus insalubres et les plus dangereuses à la santé, con- 
tiennent une forte proportion d'albumine végétale, et 
qu'à mesure que ce principe immédiat des végétaux est 
solidifié par l'action de l'air ou séparé par toute autre 
cause, l'insalubrité disparait. 

Quant à la matière organique passée à l'état d'hu- 
mus, son action est peu appréciable; on rencontre 
souvent des eaux qui en contiennent de fortes quanti- 
tés, et qui néanmoins sont bues impunément par les 
hommes et les animaux. C'est done surtout à l’albu- 
mine végétale qu'il faut attribuer l'altération rapide des 
eaux marécageuses et l'insalubrité qui accompagne cette 
altération ; on peut reconnaitre promptement là pré- 


22 

sence de l'albumine dans les eaux, en versant dans 
celles-ci quelques gouttes de solution de tanin pur ou 
d'alcool gallique : il se forme bientôt après une opacité 
blanchàtre, d'autant plus marquée que lalbumine sy 
trouve en plus forte proportion. 

Comme je l'ai dit, la matière organique animale se 
reconnait aux sels ammoniacaux et à l'ammoniaque 
qu'elle dégage quand on la chauffe à vase clos. 


Jode. 


Depuis que M. Chatin à annoncé la présence de 
liode dans toutes les eaux, il n'est plus permis de s'oc- 
cuper de leur analyse sans y rechercher spécialement 
ce corps simple. Ne connaissant point le procédé parti- 
culier à l’aide duquel ce chimiste est parvenu à recon- 
naitre dans certaines eaux des quantités infinitésimales 
d'inde, j'ai dû, parmi les procédés connus, en choisir 
un qui unit à la plus grande simplicité possible, assez 
de sensibilité pour déceler la présence de ce corps dans 
les eaux qui en contiendraient la millionième partie de 
leur poids. 

Le chloroforme, proposé par M. Rabourdin , le chlo- 
rure de palladium, proposé par M. Lassaigne, la solu- 
tion d'amidon activée par l'acide sulfurique, bien que 
très-sensibles, n'ont pu me permettre de reconnaitre 
liode qu'à plus d'un millionième du poids de l'eau en 
expérimentation, et je ne suis arrivé à constater sa pré- 
sence dans cette proportion qu'en me servant d'une solu- 
tion d'amidon aiguisée d'acide azotique. C'est avec sa- 


23 
tisfaction que j'ai vu tout récemment dans les journaux 
scientifiques, que MM. Chatin et Gaultier de Claubry 
donnaient aussi la préférence à l'acide azotique; il est 
facheux que M. Chatin n'ait pas dit si c'était là le moyen 
dont il s'était servi. 

Voiei le procédé que j'ai suivi. — L'eau alcalisée sur 
laquelle je devais opérer était rapidement évaporée jus- 
qu'à siceité; le résidu était traité par de l'alcool à 65 de- 
grés; je filtrais pour séparer les matières insolubles 
dans l'alcool, et je faisais évaporer complétement le li- 
quide alcoolique; je reprenais de nouveau le résidu par 
une petite quantité d'eau distillée, et je versais le tout 
dans un tube en verre blanc, bien diaphane, fermé par 
un bout; j'ajoutais une petite quantité de solution d'ami- 
don, quelques gouttes d'acide azotique, et j'agitais pour 
opérer le mélange ; puis je laissais reposer. A l’aide d'une 
feuille de papier blane placée derrière le tube, j'arri- 
vais à distinguer la coloration bleue, pour peu qu'elle 
füt apparente. Je n'ai pu la constater que dans un très- 
petit nombre d'échantillons. 


Brôme, 


Quelque soin que j'aie mis dans mes recherches, je 
n'ai pu découvrir des traces de brôme que dans les Eaux 
de la Gironde avoisinant la mer. 

Le procédé que j'ai suivi pour isoler le brome des 
eaux salées est celui indiqué par M. Ossian Henry : 
concentration du liquide après l'avoir légèrement alca- 
lisé par Ja potasse pure à l'alcool; précipitation par le 


24 


solutum d’azotate d'argent, et, après un repos convena- 
ble à l'abri de la lumière, lavage du précipité; on le re- 
eueille exactement et on le place dans un vase avec 
une petite quantité d'eau distillée et un excès de li- 
maille de zinc et d'acide sulfurique pur; on laisse en 
contact jusqu'à ce qu'il n'y ait plus d'action apparente, 
c'est-à-dire jusqu'à ce que le dégagement du gaz hy- 
drogène ait cessé : on filtre ce liquide, qui renferme du 
sulfalte, du chlorure, du brômure et de l'iodure de 
zinc; on le met dans un tube allongé, en y ajoutant un 
tiers environ de son volume d'éther rectifié , et quelques 
gouttes d'eau chlorée récente; on agite fortement et on 
laisse en repos : l'éther se réunit bientôt à la partie su- 
périeure du tube; et pour peu qu'il y ait du brome dans 
le liquide , il s'en empare et prend une teinte jaune. La 
coloration plus ou moins foncée du véhicule indique la 
présence d'une plus ou moins grande quantité de brôme. 

Le chloroforme, proposé par M. Rabourdin, ne m'a 
pas mieux réussi que l'éther; divers motifs me font 
croire qu'il vaut mieux s'en tenir à ce dernier. 


Ammoniaque. 


L'ammoniaque libre, et plus souvent l'ammoniaque 
combinée, se retrouve en quantité appréciable dans 
quelques eaux de puits et dans certaines eaux maréca- 
geuses; Jai pu le constater, en faisant évaporer à un 
feu doux, jusqu'à consistance pateuse, l'eau où j'en 
supposais, après l'avoir préalablement acidulée par 
quelques gouttes d'acide sulfurique. Je versais ensuite 


un léger excès de potasse à l'alcool : lammoniaque se 
décelait bientôt par son odeur vive et pénétrante, et 
un morceau de papier de tournesol rougi, placé à l'o- 
rifice du vase où se faisait l'opération, reprenait sa 
couleur bleue. 

En général, les eaux de sources ne contiennent 
qu'accidentellement de lammoniaque; les eaux sta- 
gnantes et les eaux pluviales sont celles où on la ren- 
contre le plus fréquemment. 


Soufre, Manganèse, Arsenic. 


Ces corps simples pouvant se rencontrer dans quel- 
ques eaux minérales ferrugineuses, J'ai dû les recher- 
cher dans celles de notre département. 

La présence du soufre se reconnait sans peine à l'o- 
deur hépatique que répandent les eaux qui en contien- 
nent; on peut le doser par une foule de réactifs, les 
sels diode, de plomb, d'argent, etc. 

Fréquemment, le manganèse accompagne le fer; 
pour les séparer, on les dissout dans l'acide sulfurique 
faible, on suroxide le fer par l'addition de quelques 
gouttes d'acide azotique et une légère ébullition. Pen- 
dant que la liqueur est bouillante, on la neutralise 
exactement avec le carbonate d'ammoniaque, qui pré- 
cipite le fer; le manganèse reste en solution; on 
évapore à siccité, et on calcine fortement pour l'obtenir 
pur. 

La présence de l'arsenic dans quelques eaux minéra- 
les, surtout dans celles où se trouvent le fer et le man- 


26 


ganèse, m'a engagé à le rechercher dans nos eaux 
ferrugineuses; je l'ai fait, en traitant le résidu de l'é- 
vaporation de plusieurs litres d'eau, par de l'eau distillée 
acidulée d'acide sulfurique pur; je versais le tout dans 
un appareil de Marsh perfectionné , c'est-à-dire disposé 
avec un tube à étranglement, renfermant une mèche 
d'amianthe, et je brülais le gaz hydrogène à son pas- 
sage, à l'aide d'une forte lampe à l'alcool. 

Tel est le sommaire des opérations chimiques aux- 
quelles toutes les eaux du département ont été succes- 
sivement soumises. Ce travail, long ét minutieux, n’a 
pas exigé moins de trois années de patientes recher- 
ches; les résultats en sont exposés dans les chapitres 
suivants. 


CHAPITRE HIT. 


Résultat de l'analyse des Eaux du département. 


ARTICLE A%. — A" SECTION. 


Eaux courantes superficielles. 


I. — FLEUVE. 


———— 


Gironde, 


Cest au Bec-d'Ambès, confluent des deux grandes 
rivières, la Garonne et la Dordogne, que de la réunion 
de leurs eaux se forme la Gironde. Resserrée d’abord 
entre la côte du Médoc et le Blayais, elle prend bien- 
tôt du développement, et sa largeur, qui est à peine 
de trois kilomètres devant Blaye, atteint douze kilomè- 
tres devant Talais. Les deux rives se rapprochent en- 
suite brusquement, et nonobstant la pointe de Grave, 
extrème limite du littoral, elle a encore six kilomètres 
de largeur. 

La masse d'eau qui entre et qui sort par eette énorme 
embouchure, varie selon les phases de la lune, l'état 
de l'atmosphère, la force des courants, ete. Quoi- 
qu'elle soit constamment agitée par les vents et par le 
mouvement que Jui imprime le flux et le reflux, la 


28 

composition de l'eau de la Gironde est très-variable; le 
mélange de l'eau douce que fournissent les deux gran- 
des artères supérieures, ne s'opère avec l'eau salée que 
d'une manière très-incomplète : on rencontre fréquem- 
ment des courants d'eau de mer presque pure, montant 
ou descendant le fleuve sans se méler à l'eau douce; 
c'est surtout dans les couches inférieures que ce phé- 
nomène s'observe. 

Dans les nombreuses prises d'eau que j'ai faites sur 
plusieurs points du fleuve et à diverses profondeurs, il 
m'est arrivé de rencontrer des nappes d'eau contenant 
deux fois autant de sel que les couches supérieures; 
jai pu constater aussi la différence qui existe entre 
l'eau prise au milieu du fleuve et celle puisée sur ses 
bords. À Royan, par exemple, l'eau de la grande con- 
che contient de moins 5 à 6 p. 100 de sel que l'eau 
prise le même jour et à la même heure, soit au milieu 
de la Gironde, soit sur les bords de la pointe de Grave. 
Mais c'est surtout en remontant le fleuve, et de Talais 
à Blaye, que l'inégalité est appréciable. 

Vingt opérations faites avec l’eau de la Gironde, prise 
sur divers points de son parcours, depuis Cordouan 
jusqu'au Bec-d'Ambès, m'ont permis de suivre pas à 
pas la marche de l'eau de mer jusqu'à sa disparition 
complète dans la Garonne. 

Ainsi, un kilogramme d'eau de mer prise à Cordouan, 
à haute mer, a laissé, après évaporation complète, un 
résidu salin, pesant, bien sec. ........ 35 gr. 905 

La mème quantité d'eau, puisée à Ja 
pointe de Grave, le mème jour. .....,. 34, 250 


29 

A Richard, au large, haute mer. ..... 33, 105 

À La Maréchale, au large, haute mer. . 13, 767 

Vis-à-vis Pauillac, au large, haute mer. 8, 974 

Vis-à-vis Blaye, au large, haute mer .. 5, 298 

Vis-à-vis La Roque, au large, haute mer. 2, 4107 

Au Bec-d'Ambès, au large, haute mer. . 0, 545 

A Lormont, l'eau de la Garonne ne contenait le 
mème jour que 0,152 de matières salines. 

A basse mer, la nature de l'eau de la Gironde est 
complétement changée ; l’eau salée, qui arrive jusqu'au 
Bec quand la mer est haute, dépasse à peine Pauillac 
quand elle est basse; encore y est elle affaiblie, puis 
qu'elle ne contient plus, par kilogramme, que 4,035 de 
matières salines, au lieu de 8. 

À Pauillac, l'eau du fleuve cesse de pouvoir être 
utilisée pour les irrigations; elle renferme trop de sel 
pour ne pas nuire à toutes autres plantes que les plantes 
marines. Aussi, quoique encore chargée des sédiments 
alluvionnaires que lui apportent les deux grandes ri- 
vières qui l'alimentent, la Gironde ne peut servir sur 
toute cette étendue au colmatage du sol; mais depuis 
Richard jusqu'au Verdon, on extrait le sel que ces eaux 
contiennent, et celte exploitation constitue une des ri- 
chesses de la localité. 

Toute cette partie du Bas-Médoc, baignée par la 
Gironde, manque de bonnes-eaux potables , et le mé- 
lange des eaux saumâtres du fleuve avec les courants 
d'eau douce, forme des mares d'autant plus dangereu- 
ses pour la santé publique, que des myriades d'êtres 
organisés, vivant très-bien dans ces eaux isolées, meu- 


30 
rent promptement dans les eaux mixtes, trop salées 
pour les uns, trop douces pour les autres. 

On verra par les résultats, comment varie la eom- 
position de l'eau du fleuve, depuis le Bec-d'Ambès jus- 
qu'à Cordouan. Ainsi qu'il sera facile de s'en convain- 
cre, le rapport de l'eau douce à l'eau salée décroit 
progressivement jusqu'à l'embouchure du fleuve; mais, 
selon toute apparence, il est encore appréciable à une 
assez grande distance et dans un rayon très-étendu, 
puisque l'eau de mer prise à Arcachon, contient du 
sel en proportion beaucoup plus forte que l'eau puisée 
à Cordouan, à dix kilomètres de la côte. 


31 


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34 
IL — RIVIÈRES. 


En général, les eaux des rivières dont le courant 
est rapide et le lit sablonneux ou caillouteux, sont pu- 
res, et plusieurs d'entre elles contiennent à peine un 
dix-millième de leur poids de résidu salin. Les eaux de 
ces rivières pourraient donc être regardées comme les 
meilleures pour la boisson, si les variations de leur 
température et leur opacité accidentelle, n'offraient de 
grands inconvénients. Cette extrème pureté les rend 
éminemment propres au blanchissage du linge, par la 
faculté qu’elles ont de dissoudre le savon sans le gru- 
meler. 

Comme toutes les eaux combinées à la chaleur, les 
eaux de ces rivières possèdent à un haut degré la fa- 
culté végétative; mais elles ne rendent aux terrains 
qu'elles parcourent aucun des principes que les végé- 
taux leur soutirent sans cesse. Elles rafraichissent, hu- 
mectent, raniment, mais elles ne nourrissent pas, com- 
me le font les eaux troubles et limoneuses chargées de 
sédiments minéraux enlevés aux sols argilo-calcaires. 

Le département est arrosé par plusieurs rivières, 
dont les eaux appartiennent aux deux catégories que 
je viens d'indiquer. La Leyre, l'Isle, le Ciron, four- 
nissent des eaux limpides et pures, ne contenant des 
sels minéraux qu'en faible proportion; la Garonne, la 
Dordogne, le Drot, au contraire, charrient et aban- 
donnent sans cesse des alluvions réparateurs. Ainsi, si 
l'on doit préférer pour la boisson l'eau pure et trans- 


35 
parente, l'eau limoneuse, chargée de débris organiques 
ou minéraux, convient mieux pour les irrigations, les 
arrosages et autres travaux agricoles. | 
Les rivières du département sont : la Garonne, la 
Dordogne, le Drot, lisle, la Dronne, la Leyre et le 
Ciron. Nous allons successivement les passer en revue. 


Garonne, 


Après avoir traversé les trois départements qui lui 
empruntent son nom, la Garonne entre dans celui de 
la Gironde, un peu au-dessus de La Réole, reçoit le 
Drot à Gironde, passe sous Langon et Cadillac, et ar- 
rive, grossie d'une foule de ruisseaux, devant la capitale 
de la Guienne, qui développe sur sa rive gauche la 
majestueuse étendue de ses quais; puis elle s'éloigne 
de la grande ville, passe à Lormont, Bassens, Mont- 
ferrand, Ambès, et vient enfin joindre ses eaux à cel- 
les de la Dordogne, pour former l'immense fleuve dont 
nous avons parlé. 

Depuis son entrée sur notre territoire jusqu'à sa 
jonction à la Dordogne, la Garonne roule constamment 
une masse de débris alluvionnels, qu'elle dépose sur 
toute l'étendue de cet immense parcours, enrichissant 
les berges du meilleur de tous les terreaux ; sa: compo- 

-sition chimique varie peu depuis Castets jusqu'au Bec ; 
la masse de sels solubles qu'elle renferme est très-mi- 
nime, mais les dépôts terreux qu'elle charrie varient 
beaucoup selon l'état de l'atmosphère: dans les temps 
secs, elle est opaque; après de fortes pluies, elle est 


36 
trouble et même bourbeuse; ce ‘qui ne permet pas 
de l'employer pour alimenter le système hydraulique 
dont Bordeaux aurait besoin pour sa nombreuse po- 
pulation. - 
Prise à Castets, à Langon, à Cadillac, à Bordeaux, 
à Lormont, à Bassens et au Bec-d’Ambès, l'eau de la 
Garonne, ainsi que nous l'avons déjà dit. ne présente 
que de légères différences sous le rapport de la compo- 


sition chimique. 


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39 


EAU DE LA GARONNE. 


a 


A BASSENS. 
HAUTE MER. 


Très—trouble; elle laisse déposer 
0,725 de vase par litre. 


Elle contient par litre : 


AU BEC-D'AMBES. 
HAUTE MER. 


Très —trouble; elle laisse déposer 
0,970 de vase par litre d'eau. 


Elle contient : 


Gaz acide carbonique... 0,0030 Gaz acide carbonique. ........ 0,0025 
GATIONIPONE Le cree ne 0,0035 Gaz oxigène...: ............. 0,0038 
GAZ OIE EE ah sde eser ce 0,0095 Gaz azote... RCUOCE 0,0092 
0,0160 0,0155 
pu | eee 
Carbonate de chaux........... 0,072  Carbonate de chaux... 0,076 
de magnésié., ..... 0,014 de magnésie....... 0,016 
Sulfate de chaux..….....,,..... 0,011  Sulfate de chaux... .....…. .… 0,018 
de magnésie. .....,.., 0,016 de magnésie. ....... . 0,055 
Chlorure de sodium. ......... 0,066 Chlorure de sodium... 0,271 
de magnésium. . .,. 0,022 de magnésium... (,076 
CBTCAICUM eee 0,010 de calcium. ....,.... 0,010 
Silicate d’alumine.. ........... 0,016  Silicate d’alumine............, 0,014 
OxIdeIde en Et aude mess ODOÆPMOxIHE TEE... 0,004 
Matière organique animalisée. 0,006 Matière organique animalisée. 0,005 
Jode , des traces très-légères. 

0,237 0,545 
ee een nr 

Dordogne. 


C'est un peu au-dessus de Castillon que la Dordogne 
pénètre dans le département de la Gironde. Après avoir 
arrosé dans son cours sinueux les rives fertiles du Li- 
bournais, longé les communes de Saint-Germain, de 
Cubzac, de Fronsac et de Bourg, elle vient méler ses 
eaux à celles de la Garonne au Bec-d'Ambès, confluent 
de ces deux magnifiques rivières. 

Puisée près de la berge et aux pieds des coteaux de 
Bourg, l'eau de la Dordogne ne présente pas la même 
composition chimique que celle qu'on recueille au mi- 


/ 


40 


lieu de sa largeur. Cette différence dans les résultats, 
dont je transmettrai plus loin les chiffres, tient, sans 
aucun doute, à la force avec laquelle les courants in- 
férieurs entrainent l'eau de mer dans la Dordogne. En 
effet, l'analyse m'a démontré que l'eau de la Garonne, 
à deux kilomètres du Bec, dans les temps ordinaires, 
ne contenait que des traces d'eau salée, tandis que 
dans la Dordogne, même à dix kilomètres de son em- 
bouchure, on en trouve encore des quantités très-ap- 
préciables. 

Ces résultats sont beaucoup plus sensibles dans l'eau 
puisée à une certaine profondeur, que dans celle re- 
cueillie à la surface. Cette variation dans la nature des 
couches d'eaux tient à la différence de leur densité, et 
il n'est pas rare de voir dans la Gironde, ainsi que je 
l'ai constaté devant Blaye et devant Pauillac, des mas- 
ses d'eau salée montant le fleuve au-dessous de couches 
d'eau bien moins salées qu'elles. Cette différence, très- 
appréciable à la fin du montant dans la Gironde et dans 
la Dordogne lors des grandes marées, est très-tranchée 
devant Bourg. En effet, tandis que l'eau prise à haute 
mer, sur les bords de cette rivière et à la surface, ne 
contenait que 0,282 de matières salines, celle que je 
puisais au milieu de sa largenr, vis-à-vis le même point 
et à deux mètres de profondeur, en contenait 0,765. 

En séloignant du Bec pour remonter vers sa source, 
l'eau de la Dordogne s'éclaireit à Libourne; elle est 
moins trouble à Coutras; elle est opaline à Castil- 
lon; à Sainte-Foy, elle est presque transparente dans 
les beaux jours. 


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43 
Le Drot. 


Petite rivière prenant sa source dans le département 
de la Dordogne qu'elle parcourt, ainsi que celui du 
Lot-et-Garonne; avant d'entrer dans le département de 
la Gironde, près de Monségur, elle baigne les murs de 
cette ville, et vient se jeter dans la Garonne, près de 
Casseuil. 

L'eau du Drot est généralement trouble, de couleur 
ambrée; sa saveur est un peu marécageuse : après 
deux jours de repos à vase clos, elle a laissé déposer 
0,062 de limon par litre. 


Ainsi dépurée , elle contient : 


Gaz acide carbonique. .............. 0,0025 
Gaz azote. …..,... HE Lee brie tt 0,0102 
GAZIOXIS NE See esscecee sers ee 0,0048 
0,0175 

Carbonate de chaux.. .......,..,.,,.. 0,087 
SUR LE Te CRANXS eee 0,036 
Chlorure de sodium.................., 0,042 
de caleium.. ..............., 0,027 

de magnésium .............. 0,014 

Silicate d’alumine. ..............,.... 0,012 
OXUE BIEL. starter es-ene 0,005 
Matière organique albumineuse....... 0,041 
0,264 


Cette eau, moins limoneuse que celle de la Dordogne 
et de la Garonne, est néanmoins chargée d'une assez 
grande quantité de sels calcaires pour qu'on puisse 
l'employer aux irrigations; la quantité de matière or- 
ganique augmente encore ses propriétés fertilisantes ; 


44 


mais on ne devrait en faire usage pour la boisson qu'a- 
près l'avoir filtrée au charbon, suivant le procédé que 
j'indiquerai plus loin. 


L'Isle. 


La rivière de l'Isle prend sa source dans la Haute- 
Vienne, traverse le département de la Dordogne, et 
vient arroser ensuite toute la partie du département de 
la Gironde comprise entre Saint-Antoine et Libourne, 
où elle vient se jeter dans la Dordogne. 

L'eau de l'Isle est légèrement ambrée; sa saveur n'a 
rien de remarquable; elle est nn peu opaline, et con- 
tient moins de matière organique que celle du Drot. 

Voici le résultat de l'analyse des eaux puisées à Ab- 
zac, à Laubardemont et à Libourne : 


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8L0‘0 DORE EEEEEEEE **XNEU9 9P ajeuoqien) 
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LI0‘0 CERERENERET TE) AQPOOCLCE, 4 Arts) 9p jen 
&80‘0 ss... "xne19 ap aJeu0q1en) 
0610‘0 


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46 


S'il était besoin d’un nouvel exemple pour mdiquer 
l'action dépurative que le roulement et Tagitation 
exercent sur les eaux, Fsle nous le fournirait : colorée, 
légèrement marécageuse, chargée de sels calcaires à 
Abzac, elle en à déjà perdu plus d’un tiers à Laubar- 
demont, et Ja moitié à Libourne; il est vrai que le 
pont d'Abzac qui traverse la rivière de l'Isle, venait d’é- 
tre terminé depuis quelques mois lorsque les échantil- 
lons sur lesquels j'ai opéré ont été puisés, et que le lit 
de cette rivière devant Abzac devait être encore garni 
de débris de démolition; toujours est-il que dans un 
cours de huit à dix kilomètres, sur un terrain sinueux 
et accidenté, l'eau de l'Isle a perdu plus du tiers des 
corps solubles dont elle s'était saturée sous le pont et 
dans les environs d'Abzac. 


La Dronne. 


Cette petite rivière, qui prend sa source dans le dé- 
partement de la Haute-Vienne, n'arrose qu'une faible 
partie de notre département, dans lequel elle entre aux 
Églisottes, pour aller se réunir presque aussitôt à l'Isle, 
un peu au-dessous de Coutras. 


L'eau de la Dronne est légèrement colorée; sa saveur est marécageuse, et 
elle fournit par l’ébullition de petits globules d'albumine végétale coagulée, 
Elle contient par litre : 


Gaz acide carbonique. .............., 0,0020 


Gaz oxigène. . ....... Dion nec 0,0054 
GAL AO Es ss ee es rscarees 0 (EE, 
0,0180 


Carbonate de chaux. ...,......,..... 0,104 
Bulfate de chaux. .............,..... 0,027 
Chlorure de sodium, . ..,,,.......... 0,031 
de calcium, 2... 0,012 

Silice et oxide de fer... ........… 0,014 
Matière organique albumineuse. .…... 0,017 
0,205 


#7 
Le Ciron, 


Prenant sa source dans le département de Lot-et- 
Garonne, le Ciron entre dans le département de la Gi- 
ronde près de Captieux; il traverse plusieurs com- 
munes de ce canton, se détourne vers Villandraut, et 
vient se jeter dans la Garonne; près de Barsac. 

L'eau du Ciron coulant sur un sol siliceux et alio— 
tique, se charge de la matière soluble de lalios, et 
prend une teinte jaune paille assez prononcée; elle 
contient peu de sels calcaires, est transparente, rougit 
sensiblement le tournesol, et favorise peu la végéta- 
tion; c’est de telles eaux qu'on peut dire qu'elles hu- 
mectlent et raniment, mais ne nourrissent pas les 
végélaux. 

EAU DU CIRON. 


A VILLANDRAUT. A BARSAC, 
PRÈS DE SON EMBOUCHURE. 


Elle est de couleur jaunâtre; sa sa- La couleur jaune est bien moins 
veur est marécageuse ; son odeur pré sensible; la saveur marécageuse est à 
sente aussi quelque chose d’herbacé, peine appréciable. 

Elle contient par litre : Elle contient par litre : 

Gaz acide carbonique... . 0,0020 Gaz acide carbonique... .... 0,0025 
CAZIOXISÈNE: «Echec ODOLD GAZ TOXNIGÈNE. . .. ...eece 0,0052 
GATE Te tem DO DB D MRAZ AO, ner eenessesecnre 0,0088 
0,0145 0,0165 

nl RES me 

Carbonate de chaux... . 0,052  Carbonate de chaux... ...... 0,062 
Sulfate de chaux............., 0,016  Sulfate de chaux . ........... 0,021 
Chlorure de sodium........ .. 0,028 Chlorure de sodium .....,.... 0,027 
Silice oxide de fer, ........... 0,012  Silice et oxide de fer... 0,014 
Matière organique,'......... .. 0,041 Matière organique... ..... 0,013 
0,149 0,137 


48 
La Leyre, 


La Leyre prend sa source dans le département des 
Landes, entre dans celui de la Gironde par le canton 
de Belin, parcourt le territoire de Belliet, de Lugos, 
de Salles, de Mios, de Biganos, du Teich; et après 
s'être divisée en deux bras, elle va aboutir au bassin 
d'Arcachon. 

Le sol que parcourt la Leyre est éminemment sili- 
ceux; des sables presque purs forment la base de son 
lit; aussi ses eaux sont-elles d’une pureté remarquable ; 
et, n'était la matière végétale aliotique qu'elle enlève à 
ses berges, ce serait de l’eau pluviale dans toute sa 
pureté. Elles sont, du reste, de toutes les eaux cou- 
rantes du département, tant superficielles que pro- 
fondes, certainement les plus pures. 


EAU DE LA LEYRE, A BIGANOS. 


Elle contient par litre : 


Gaz acide carbonique . ......,...... 0,0015 
GAZIOXIZÈNE. 25580 cocotiers 0,0037 
GAZON soon . 0,0078 

0,0130 
Carbonate de chaux. ...............ce 0,022 
SUfALE Te CHAUX... eee 0,010 
Chlorure de sodium, ..........,..... 0,017 
Silice et oxide de fer ............., . DAON 


Matière organique un peu albumineuse. 0,018 


49 


IE. — RUISSEAUX. 


L'eau des ruisseaux est généralement moins pure 
que l’eau des rivières; son écoulement, moins rapide, 
lui permet de se saturer de tous les principes solubles 
que lui fournissent en abondance les nombreux végé- 
taux qui vivent et meurent incessamment sur le sol 
qu'elle parcourt; elle doit done être considérée comme 
impropre à la boisson, non qu'elle contienne des sels 
minéraux trop abondants ou dangereux, mais en rai- 
son de la masse de matières organiques albumineuses 
qu'elle renferme. On doit la réserver pour les usages 
agricoles; et s'il devenait nécessaire d'en faire usage 
pour la boisson, il faudrait préalablement la filtrer au 
charbon. 

La composition chimique de ces eaux est à peu près 
la même sur tous les points du département; les pro- 
portions seules varient. 

Le département de la Gironde est sillonné par un 
grand nombre de ruisseaux. Ne pouvant soumettre 
toutes ces eaux à l'analyse chimique, j'ai pris dans 
chaque arrondissemeut ceux que leur importance si- 
gnalait plus particulièrement à mon attention. 

Ainsi, dans le 1% arrondissement, j'ai choisi le 
Mouron et la Saye; 

Dans le 2, le Lary, la Soulège et le Signol; 

Dans le 3°, l'Andouille, la Durèze et l'Engranne ; 

Dans le 4°, la Bassane, le Lizos et le Barthoz; 

4 


50 
Dans le 5°, l'Eau Bourde, l'Eau Blanche et la Jalle; 
Dans le 6° arrondissement , il n'y à aueun ruisseau 


d'eau douce. 


4er ARRONDISSEMENT. 


LE MOURON. 


Le Mouron est le ruisseau le plus 
considérable de l'arrondissement de 
Blaye; il prend sa source au-dessus de 
Saugeon, et se jette dans la Dordogne à 
Mercamps, après un trajet de 50 à 55 
kilomètres. 

L'eau du Mouron est l’une des eaux 
courantes du département les plus char- 
gées de matières salines. Elle contient 
aussi une grande quantité d’albumine 
végétale qui la rend impropre à la bois- 
son, mais qui doit lui donner une pro— 
priété végétative supérieure à celle des 
autres cours d’eau, 


PRISE AU PONT DE MAGRIGNE, L'EAU DU 
MOURON CONTIENT PAR LITRE : 


Gaz acide sarbonique..... .. 0,0020 
Gaz oxigéne. ..........e se. 0,0045 
(CEE one pe nn 000 EE 0,0105 
0,0170 
Carbonate de chaux... 0,145 
Sulfate de chaux.........,.... 0,027 
Chlorure de sodium........... 0,056 
de calcium. ....... . 0,010 
Silicate d’alumine..... .... .. 0,026 
Oxide Te En eee 0,006 
Matière organique albumi- 
NAT TA 0ade 020 Hidonsannes 0,034 
0,304 


LA SAYE. 


Moins considérable que le Mouron, 
la Saye prend sa source aux confins du 
département de la Charente, et, après 
un cours de 60 kilomètres, vient se je- 
ter dans l'Isle, au port de Girard. 

La Saye baïignant des rives sur les- 
quelles croissent une grande quantité de 
plantes aquatiques, ses eaux ont une 
odeur et une saveur marécageuse très— 
prononcées; elles sont moins chargées 
de matières salines que le Mouron. 


EAU DE LA SAYE PRISE A DEUX KILOMË— 
TRES DU PORT DE GIRARD, 


Par litre : 
Gaz acide carbonique... 0,0020 


Gaz oxigène... ...... descere 10 O0AT 
Gaziaztte eee 0) DLIOS 


0,0175 
Carbonate de chaux........ 0,068 
Sulfate de chaux......,..... 10 016 
Chlorure de sodium. ........ 10,097 
de calcium. .…......…. 0,020 
Silicate d’aumire, oxide de 
DER er cooutos 9e Aéarné 0,024 
Matière organique albumi-— 
NOUS. eee 10020) 
0,191 


) 


2e ARRONDISSEMENT. 


LE LARY. 


Eau colorée en jaune—verdâtre ; sa— 
veur fade herbacée ; dépose, par le re— 
pos, des particules terreuses !. 


Gaz acide carbonique... 0,0025 
GALIOLISÈNE Sense este tic 0,0065 
CAAAZ ONE See RU 0,0115 
0,0205 
Carbonate de chaux. . 0.122 
Sulfate de chaux... ........... 0,022 
Chlorure de sodium........... 0,051 
Silicate d’alumine et oxide de 
MALTE con aca  OeSeE 0,035 
Matière organique albumi— 
MÉUSE Re de tue en 0,027 
0,260 


LA SOULÈGE, 


A CAPLONG. 


Eau trouble; dépose un sédiment de 
couleur jaunâtre ; saveur herbacée. 


Gaz acide carbonique... 0,0050 
Gaz oxigène. ....... Sera se 0,0048 
GAZ AAA IR ne cocncer eee doc 0,0102 
0,0180 
Carbonate de chaux... ....... 0,102 
Sulfate de chaux .......... …. 0,037 
Chlorure de sodium... ....., 0,028 
de calcium. .. ......, 0,023 
Silicate d’alumine et oxide de 
TON cette ete se eee den SI 0,017 
Matière organique albumi— 
RENSE er enee M Hobce 0022 
0,229 
EE 


LE SÉGNOL, 


A 


Eau sensiblement 


MARGUERONe 


opaque; légère teinte 


roussâtre, saveur herbacte; contient un peu 


d'albumine végétale. 


Gaz acide carbonique. ..........,..... 0,0025 
GATIOLIEÉNENA RE ere en .…. 0,0050 
GAZ AZOIE eee den COCO OO Une. 0,0110 
0,0185 

Carbonate de chaux... .. en einen e 0,073 
SUCRE CHAUX ne ES 0,017 
Chlorure de sodium. . ............... 0,021 
decalCiUnte.s 20e DH 0,013 

Silicate d’alumine et oxide de fer... 0,021 
Matière organique albumineuse...... 0,028 
0,173 

Re mr 


? Pour éviter les redites, nous croyons devoir prévenir que tous nos chiffres 
se rapportent à un litre d'eau. Il est bien entendu aussi que l'évaluation des gaz à 
pour unité le litre, et le poids des matières salines le gramme, 


5e ARRONDISSEMENT. 


L'ANDOUILLE, 
À ROQUEBRUNE. 


Couleur jaune-verdâtre, Saveur et 
odeur marécageuses. 


Gaz acide carbonique ........ 0,0030 Gaz oxigëne........... de 
Gaz OXISÈNE, sers sssnere 0,0045 Gaz azote. ...... +... 
Gaz azote. ...…. si désrese ....… 0,0120 Carbonate de chaux.......... 0,113 
—— Sulfate de chaux......... +... 0,021 
0,0195 Chlorure de SOdIUM. see se 0,037 
———  Silicate d'alumine............. 0,024 
Carbonate de chaux........... 0,067 Matière organique albumi-— 
Sulfate de chaux... ............ 0,041 UT Rte OA UPS 
Chlorure de sodium. ... ..... 0,046 Oxide de fer.......s ++... 0,005 
de calcium... ....... 0,024 re 
Azotate alcalin, des traces. 0,238 
Silice et oxide de fer.......... 0,021 RTE) 
Matière organique très-albu— 
MINEUS. ...sssorvoneree 10042 
0,241 
EE el 
L'ENGRANNE, 


LA DUREZE, 
A LISTRAC. 
Eau limoneuse , saveur marécageuse. 


Gaz acide carbonique. 


PRÈS SAINT—GENISe 


Couleur ambrée, saveur et odeur 


marécageuses. 
Gaz acide carbonique. 4e 
Gaz OXIQÈNE,. ses : daurres 
Gaz 22016... eere ECO 
Carbonate de chaux........... 0,094 
Sulfate de Chaux... 0,037 
Chlorure de sodium. .......... 0,040 
de calcium. ......... 0,014 
Silice et oxide de fer...... ... 010LC 


Matière organique peu albu— 


MINEUSE, .e ose 


Dee NRA DER 


4e ARRONDISSEMENT. 


LE LIZOS, 
A AILLAS,. 


Eau limpide, un peu colorée en 
jaune; se trouble légèrement par l’é— 


bullition. 
Gaz acide carbonique... ..... 0,0020 
(AAOXILÈNEN 2. ssnece-eeree 0,0047 
MAZIAZOIB: 22e cn oecnreee 0,0123 
0,190 
Carbonate de chaux. ....... . 0,081 
Sulfate de chaux........... 0,035 
Chlorure de sodium.........…. 0,044 
Silicate d’alumine. ........... 0,013 
TRUE AA BE open an doc 0,006 
Matière organique albumi- 
MENSOr er ere are seneriee 0,018 
0,197 


LA BASSANE. 


Eau légèrement opaque et jaunâtre, 
sans saveur ni odeur. 


Gaz acide carbonique. ........ 0,0020 
CAMOXIPENE ES ere ee-e-eee 0,0045 
(CEVA EVE = Odossaoccucocoacne 0,0115 
0,0180 
——— 
Carbonate de chaux.......... 0,105 
SUIALE ENCHAUX-- 2e... e 0,042 
Chlorure de sodium. ......... 0,037 
de calcium. ......... 0,021 
Silicate d’alumine et oxide de 
LOS eee eneraessoie 0,022 
Matière organique albumi-— 
Een Too ob na acouse 0; 017 
0,244 


LE BARTHOS, 
A LAVAZAN, 


Eau sensiblement opaque; 


cageuse prononcée. 


saveur maré— 


Gaz acide carbonique........... ...., 0,0025 
ÉTAT EN Ra Mondeo so on roue . 0,0048 
CA AZOIE een rente rence 0,0122 
0,0195 

Carbonate de chaux........ ...-... 0,089 
SULALENAELCHAUXS--e esseesseeeestese 0,036 
Chlorure de sodium.................,, 0,054 
UE CAICIUME encres 0,022 

Silice et oxide de fer. -..... ......... 0,031 
Matière organique albumineuse..….... 0,026 
0,258 


5e ARRONDISSEMENT. 


L'EAU BOURDE, 
A CANÉJEAN, 


Légerement opaque, sans saveur ni 
odeur marquées. 


L'EAU BLANCHE, 
A LÉOGNAN. 


Plus opaque que la précédente ; odeur 
marécageuse. 


Gaz acide carbonique,. | quantité Gaz acide carbonique... } quantité 
Air atmosphérique... \indéterminée. Air atmosphérique... | indéterminée. 
Carbonate de chaux... ........ 0,103  Carbonate de chaux... .. 0,128 
Sulfate de chaux.............. 0,022 Sulfate de chauxs.....1.... 0,027 
Chlorure de sodium... .... 0,071 Chlorure de sodium .......... 0,078 
Silice et oxide de fer... 0,017 Silice et oxide de fer... 0,022 
Matière organique extractive. 0,026 Matière organique albumi— 

7 0,239 HOUSE. , re SDDOBOT à ee D, OSEE 

FT RSS 0,289 

LA JALLE 


DE BLANQUEFORT. 


L'eau de la Jalle de Blanquefort est de cou-. 
leur ambrée ; elle est transparente, a une saveur 
herbacée et point d’odeur. 


Gaz acide earbonique.… 
(AZ OXISÈNE. suce - 
(CHANCES EEE 


Carbonate de chaux... 
Sulfate de chaux... 
Chlorure de sodium... 


DRAC EE 
CCNEPEEEEEEEEE 
nsosess sus. 


Matière organique peu albumineuse.. 


Fes sacsranee 0,0020 
se 0,0046 
AE eee 0) OO 


0,0170 


0,058 
0,024 
0,035 
0,015 
0,032 


0,164 


6e ARRONDISSEMENT. 


(Nous avons dit qu'il ne renferme aucun ruisseau remarquable ). 


FU 


29 
IV. — SOURCES ET FONTAINES. 


Les sources qui jaillissent à la surface du sol sont 
nombreuses dans le département; toutes fournissent 
des eaux potables de bonne qualité, mais toutes ne sont 
pas remarquables. 

J'ai négligé les moins importantes pour ne m'oceu- 
per que de celles qui m'ont été signalées pour leur pu- 
reté, leur abondance ou les services qu'elles rendent. 


4 ARRONDISSEMENT. 
Blaye. 


Cet arrondissement est divisé en quatre cantons, 
qui ont pour chefs-lieux Blaye, Bourg, Saint-Savin et 
Saint-Ciers-Lalande ; il est baigné par la Dordogne et 
la Gironde, et traversé par deux autres cours d'eau, 
le Mouron et la Saye. 

Quelques fontaines publiques remarquables et un 
grand nombre de puits y fournissent l'eau nécessaire 
aux besoins domestiques et à la boisson. Nous ne nous 
occuperons, dans ce chapitre, que des eaux de sour- 
ces ou de fontaines. 

Blaye, chef-lieu de l'arrondissement, possède l'une 
des fontaines les plus abondantes du département; elle 
fournit, par six cannelles de 6 centimètres d'ouverture 
chacune, une eau limpide, agréable, sans odeur ni 
couleur, marquant de 9 à 10 degrés au thermomètre 


56 
centigrade, l'air étant à 24; elle suffit amplement à la 
boisson des habitants de la ville, et alimente un lavoir 
public, très-vaste, dont les eaux se rendent dans le 
fleuve. En voici l'analyse : 


Gaz acide carbonique. ......... ...., 0,0190 
Air atmosphérique......... eteccenose 0,0030 

0,0220 
Carbonate de chaux............,.,... 0.165 
Sulfate de chaux... 0,020 
Chlorure de sodium.................. 0,048 
Silice et oxide de fer............. ... 0,017 


Matière organique , des traces. 
Aucune trace d’iode. 


BourG. — La population de Bourg fait usage pour 
boisson de l'eau d'une fontaine placée au bas du coteau 
sur lequel est bätie la ville, non loin des bords de la Dor- 
dogne. Cette fontaine coule par quatre cannelles, de 
trois centimètres d'ouverture, et fournit en toute saison 
une eau fraiche et limpide, exempte d'odeur et de cou- 
leur; elle suffit non-seulement à la boisson des habi- 
tants, qui reconnaissent sa supériorité sur l'eau de 
leurs puits, mais encore, comme la fontaine de Blaye, 
elle alimente un beau lavoir couvert, très-bien disposé, 
dont les eaux s'écoulent dans la Dordogne. 

Cette eau, qui parait d’une grande fraicheur en été 
et tempérée en hiver, marque de 9 à 10 degrés au 
thermomètre centigrade. 


GAURIAC.— La pelite ville de Gauriac est privée de 
fontaine publique; la population n'emploie pour sa 
boisson que l'eau de puits. Cette commune renferme 


57 


cependant de petites sources superficielles, peu abon- 


dantes il est vrai, mais dont l'eau est bien supérieure 
à l'eau des puits de l'endroit. 


FONTAINE DE BOURG. SOURCE DE GAURIAC. 
Gaz acide carbonique. ........ 0,0220 Gaz acide carbonique. . ..…., 0,0165 
Air atmosphérique. ........... 0,0020 Air atmosphérique. .......... 0,0035 
0,0240 0,0200 
Carbonate de chaux. .. ...... 0,307  Carbonate de chaux, ........., 0,268 
Sulfate de chaux ............. 0,057 Sulfaté de chaux..........,,., 0,062 
Chlorure de sodium. .......... 0,065 Chlorure de sodium.......... 0,084 
de calcium... .......…. 0,062 de calcinm cree. 0,013 
Silice et oxide de fer........… 0,017 Silice et oxide de fer... 0,012 
Matière organique, des traces. Matière organique... ........ 0,006 
0,508 0,445 


BAyoN.— Comme la commune de Gauriac, celle de 
Bayon est privée de fontaine publique; les babitants ne 
font usage pour leur boisson que d'eau de puits, bien 
qu'il se trouve à peu de distance du bourg de belles et 
bonnes eaux de sources. 

Voiei l'analyse de ces dernières eaux, puisées dans le 
domaine de M. de Chataignier : 


SOURCE DU SOL, FONTAINE DU CAILLOU. 
Gaz acide carbonique. ........ 0,0195 Gaz acide carbonique. . ....... 0,0200 
Air atmosphérique, ......,.... 0,0025 Air atmosphérique... 0,0025 
0,0220 0,0223 
>arbonate de chaux. ......... 0,195  Carbonate de chaux.. ........ 0,170 
Sultate de chaux......... .... 0,045  Sulfate de chaux............... 0,110 
Chlorure de sodium. ...... .…, 0,036 Chlorure de sodium. ...,..... 0,090 
de calcium... ...... . 0,014 de calcium, .... 2... 0010 
Silicate d’alumine............. 0,020  Silice et oxide de fer........,. 0,015 
Oxide de fer et matière orga— Matière organique. ....,..,.... 0,008 

nique. .. dr-hpmera ee seee 0,906 

AE DEe 0,403 


08 

ÉTAULIERS, — Au centre du bourg d'Étauliers, dans 
la propriété de M. Perrault, il existe une fontaine 
très-abondante, dont l'eau jaillit à trois mètres du sol, 
et est retenue dans un bassin d'où elle se répand en- 
suite dans la propriété, et sert à des irrigations ; elle 
jouit dans la contrée d’une grande réputation, non- 
seulement à cause de sa fraicheur et de son abondance, 
mais aussi parce qu'elle renferme une petite quantité de 
crénate de fer, qui lui donne une propriété appéritive 
et emménagogue; aussi est-elle recherchée des per- 
sonnes qui ont une tendance à la chlorose. Comme 
toutes les eaux minéralisées par le crénate de fer, l'eau 
de la source de M. Perrault est légèrement atramentaire 
en sortant de la source; mais cette saveur disparait 
bientôt sous l'influence de l'air et de la lumière qui 
décompose le sel ferreux; l'oxide métallique se dépose 
sous forme d’une matière ocracée, et l'eau devient alors 
excellente au goût, car elle est d'ailleurs d'une grande 
pureté. Ainsi, celte eau, à sa source, est une eau miné- 
rale dont les effets sont remarquables, et quelques heu - 
res après avoir été puisée, elle est potable et de très- 
bonne qualité. 


SAINT-SA VIN. — À l'entrée du bourg de Saint-Savin, 
on remarque plusieurs sources jaillissant au niveau 
du sol, au pied d'un coteau pen élevé, d'où elles sem- 
blent provenir. La plus considérable de ces sources est 
eelle dite de la Garenne; ses eaux alimentent un la- 
voir public avant de se perdre dans un vaste fossé, 
qui la conduit dans les propriétés voisines : elles sont 


59 
d'une fraicheur remarquable, leur température n'étant 
que de 8 degrés ‘/, quand l'air est à 24; leur limpidité 
est parfaite, leur saveur franche et agréable; on pour- 
rait à peu de frais les conduire sur la place de Saint- 
Savin, et procurer par là aux habitants une boisson 
aussi agréable que salubre. 


SOURCE DE M. PERRAULT. SOURCE DE LA GARENNE. 
Gaz acide carbonique. ........ 0,0110 Gaz acide carbonique... 0,0165 
Air atmosphérique... . ...., 0,0015 Air atmosphérique .......,... 0,0020 

0,0125 0,0185 

Carbonate de chaux....,..... 0,042  Carbonate de chaux... ...... 0,162 
Sulfate de chaux.............. 0,007  Sulfate de chaux. ........... 0,037 
Chlorure de sodium.......... 0,034 Chlorure de sodium... ........ 0,062 
MIENATÉ TO MENe rence 0,021  Silice et oxide de fer... 0,016 
Silice et matière organique... 0,022 Matière organique... 0,004 
0,126 0,281 


2e ARRONDISSEMENT. 


Libourne. 


L'arrondissement de Libourne, le plus fertile et l'un 
des plus riches et des plus peuplés da département, 
est divisé en neuf cantons, ayant pour chefs-lieux Li- 
bourne, Brannes, Castillon, Coutras, Sainte-Foy, Fron- 
sac, Guitres, Lussac et Pujols. Il est arrosé par trois 
rivières navigables, l'Isle, la Dronne et la Dordogne, 
et par un grand nombre de ruisseaux dont nous avons 
déjà parlé. Indépendamment de ces cours d'eaux, le 
deuxième arrondissement renferme un grand nombre 


60 
de sources superficielles ou fontaines, que nous allons 
passer successivement en revue. 

Libourne, chef-lieu de l'arrondissement, est, après 
Bordeaux, la principale ville du département; sans 
avoir des fontaines élégantes, elle a l'inappréciable 
avantage d'être pourvue d'excellentes eaux, qu'elle dis- 
tribue dans ses divers quartiers à l'aide de fontaines à 
pompe d'une grande simplicité. Il est facheux qu'étant 
située sur la Dordogne et au confluent mème de la ri- 
vière de l'Isle, elle n'ait pas augmenté son système hy- 
draulique de l'eau nécessaire à l'irrigation de ses rues 
et de ses marchés. 

Émule de notre cité, Libourne ne voudra pas rester 
en arrière de Bordeaux, qui va enfin se voir doté d'un 
système hydraulique complet. 

Ses fontaines, ses puits nombreux, suflisent sans 
doute aux besoins domestiques ; mais un chàteau-d'eau, 
placé sur le point culminant de la ville, lui est indis- 
pensable pour ses aqueducs et ses bas quartiers. 

L'eau des fontaines publiques et celle des puits est, 
à peu de chose près, identique, ce qui fait supposer 
qu'ils sont alimentés par la même nappe d'eau. L'eau 
de la source des lavoirs fait exception; elle est remar- 
quable par sa pureté. 


61 


EAU DES FONTAINES DE LIBOURNE. 


FONTAINE DE LA HALLE. 
Marque 12 degrés, l'air étant à 24. 
Saveur fraîche, agréable, limpidité 

parfaite; sans odeur ni couleur. 


Gaz acide carbonique. ........ 0,0175 
Air atmosphérique. .....,..... 0,0020 
0,0195 

Carbonate de chaux... ....... 0,237 
Sulfate de chaux........,..... 0,042 
Azotate de potasse............ 0,026 
Chlorure de sodium ........ 0,031 
Silice et oxide de fer. ........ 0,012 
Matière organique... 0,007 
0,355 

RS 


SOURCE DES LAVOIRS. 


Fraîche, agréable, limpide, sans 
odeur ni couleur. 
Marque 10 degrés ‘/,, l'air à 24. 


Gaz acide carbonique... 0,0165 
Air atmosphérique......... 7 10:0025 
0,0190 

th 

Carbonate de chaux........... 0,158 
Sulfate de Chaux ee... 0,072 
Chlorure de sodium........... 0,018 
de calcium......... 0,012 

Silice et oxide de fer... ……, 0,011 
Matière organique. . ......... 0,006 
0,277 


SAINT-ÉMILION. — Petite ville fort ancienne, aussi 


FONTAINE 
DE LA RUE DE GUITRES. 
Mèmes caractères physiques que celle 
de la fontaine de la Halle. 
Marque 11 degrés ‘/,, l'air à 24. 


Gaz acide carbonique. ....... 0,0170 
Air atmosphérique. .. ........ 0,0020 
0,0190 

Carbonate de chaux.......... 0,213 
Sulfate de chaux.............. 0,047 
Azotate de potasse............ 0,028 
Chlorure de sodium .... ..... 0,026 
Silice et oxide de fer.. … 0,015 
Matière organique............ 0,008 
0,337 


FONTAINE REDEUILH, 


Saveur agréable , limpidité parfaite, 
Marque 10 degrés ‘/.. 


Gaz acide carbonique. .…....... 0,0135 
Air atmosphérique............ 0,0035 
0,0170 

Carbonate de chaux... 0,105 
Sulfate de chaux... ..... 0,075 
Azotate de potasse. ....... 0,042 
Chlorure de sodium... “ne OU: 
de calcium... ....... 0,053 

Silice et oxide de fer. ........ 0,018 
Matière organique ............ 0,008 
0,339 

CE REA 


remarquable par sa position pittoresque que par la 


62 

bonté de son vin, l'abondance et la pureté de ses eaux. 
Elle renferme deux fontaines publiques : l'une, la prin- 
cipale, coule des ruines de l'ancien Château du Roi, 
par deux cannelles de quatre à cinq centimètres d'ou- 
verture; elle fournit une eau fraiche, limpide, d'une 
saveur agréable, qui alimente un vaste lavoir; l'autre, 
un peu moins abondante, se nomme la Fontaine de la 
Place : l'eau qu'elle débite est aussi limpide, mais moins 
fraiche que la première; elle se répand dans la grande 
rue, dont elle lave le pavé, y entretenant en été une 
fraicheur aussi agréable que salutaire. Ces deux fon- 
taines suffisent, et au delà, à tous les besoins de la po- 
pulation. 


FONTAINE DU ROI FONTAINE DE LA PLACE. 
Marque 9 degrés, l'air étant à 25. Marque 10 degrés, l'air étant à 25. 
Gaz acide carbonique. . ..... 0,0160 Gaz acide carbonique. ........ 0,0170 
Air atmosphérique. …....... . 0,0025 Air atmosphérique... .. .… . 0,0025 
0,0185 0,0195 
Carbonate de chaux.........., 0,156  Carbonate de chaux. .......…. 0,302 
SUP ITENCNAUX eee ee 0,047 Suliate de chaux ............. 0,045 
Azotate de potasse............ 0,028  Azotate de potasse..........…. 0,021 
Chlorure de sodium, . ... .... 0,021 Chlorure de sodium... 0,025 
TETCAICIUM Eee. 0,030 de calcium. ......... 0,014 
Silice et oxide de fer... 0,023  Silice et oxide de fer.......... 0,009 
Matière organique... ........ 0,008 Matière organique... ........ 0,005 
0,313 0,421 


BARON. — Ce petit bourg ne renferme aucune fon- 
taine publique, bien qu'il existe dans la localité une 
foule de sources superficielles dont les eaux sont bien 
supérieures à celles des puits. 


63 


SOURCES SUPERFICIELLES DE LA PROPRIÉTÉ S....., 
A BARON. 


Fraîche, agréable, limpide, sans odeur ni couleur. 
Marque 10 degrés, l'air étant à 22. 


Gaz acide carbonique 
Air atmosphérique. 


Carbonate de chaux. .…. 
Sulfate de chaux... 
Chlorure de sodium, 
Silicate d’aluinine, .,... 
OxITONTE DEEE. re. 
Matière organique... 


DEREEEEEEEEEC 


tsssssrsrssse 


CCE ECO 


0,0165 
0,0025 


0,0190 


0,157 
0,092 
0,083 
0,037 
0,007 

0,011 


CASTILLON. — Castillon possède un assez grand nom- 


bre de fontaines dont l'eau, 


d'excellente qualité, suflit 


à la boisson des habitants; avantage d'autant plus im- 
portant pour la population, que l'eau des puits de la 


localité est fort mauvaise. 


Les trois fontaines principales sont : la fontaine Pey- 
ronin, celle de Lagrave et celle de Tranchard , dont les 
eaux abondantes et pures réunissent toutes les qua- 


lités désirables. 


FONTAINE LA GRAVE, 
Limpide, incolore, inodore; saveur 
fraiche, agréable. 
Marque 10 degrés, l'air étant à 22. 


Gaz acide carbonique... 0,0190 
Air atmosphérique. .......... 0,0020 
0,0210 

Carbonate de chaux... OA 5) 
Sulfate de chaux... .......... 0,085 
Azotate de potasse......... .. 0,013 
Chlorure de sodium.......... 0,085 
de calcinmM...-...... 0,017 

Silice et oxide de fer. ..... - 0,008 
Matière organique. . ....,..... 0,005 


FONTAINE TRANCHARD. 


Limpide, fraîche, agréable. 
Marque 9 degrés ‘/,, l'air étant à 22. 


Gaz acide carbonique. ....... 0,0170 
Air atmosphérique, ,....... . 0,0020 
-0,0190 

Carbonate de chaux........... 0,068 
Sulfate de chaux....,........ 0,021 
Azotate de potasse...……. .. , 0,025 
Chlorure de sodium........... 0,027 
Silice et oxide de fer... 0,013 
Matière organique...........…. 0,008 
0,162 


Cette eau est l’une des meilleures du 
département, 


ü4 


FONTAINE PEYRONIN. 
Légère, agréable, limpide. 
Marque 10 degrés, l'air étant à 22. 


Gaz acide carbonique... ............, . 0,0170 
Air atmosphérique, .................. 0,0020 


0,0190 

nl 

Carbonate de chaux. ......... te  DAUON 
SulEIIE TE CHAUR eee ee ee eines 0,031 
Azotale de pOtASSe.. ss. . 0,028 
Chlorure de SOdiUM, . esse... 0,046 
Silice et oxide de fer... sessessree 0,016 
Matière organique... recticto ce 0,008 
0,226 


courras. — Le canton de Coutras, arrosé par deux 
peutes rivières, la Dronne et l'Isle, est le plus fertile de 
l'arrondissement. Vu du haut des coteaux qui bordent 
la rivière de l'Isle, la plaine de Coutras présente l'as 
pect le plus pittoresque et le plus ravissant; les sinuo— 
sités de l'Isle, la richesse des päturages, la variété des 
cultures, tout dénote l'un de ces terrains privilégiés où 
se trouvent réunis la qualité du sol et l'abondance des 
eaux qui le vivifient. Ce canton joint à tant d'avanta- 
ges celui de posséder des eaux délicieuses qui jaillissent 
sur presque tous les points, et s'écoulent dans lune 
des deux rivières qui le traversent, après y avoir ré- 
pandu la fraicheur, la fertilité, la vie. 

La petite ville de Coutras renferme un grand nom- 
bre de sources superficielles appartenant toutes à la 
même nappe d'eau, de telle sorte qu'en analyser une, 
cest, à peu de chose près, connaitre la nature de 
toutes les autres. Nous allons indiquer les résultats 


65 
de l'analyse de la source ou fontaine Vidal, située au 
centre de la grande rue, comme type de l'eau des fon- 
taines de Coutras. 
FONTAINE VIDAL, A courras. 


Abondante, pure, fraiche, agréable. 
Marque 10 degrés, l'air étant à 23. 


Gaz acide carbonique. .............. 0,0170 
AITMAUMOSDHÉTIQUE er ee ec seeetee 0,0020 
0,0190 

Carbonate dECHANX.. es mcaceccee 0,075 
SUITE TE ICHAUX Sac, ee :... 0,029 
A0tate AR NOLASSE MAT. . Meme ec este 0,026 
Chlorure Kde/sodiumi "22... 0,041 
Silicexetoxideiderfer.. 5... 5... 0,016 
Matière lONGANIQUEL EEE ..-Lemesessces 0,002 
0,189 


SAINTE-FOY. — La ville de Sainte-Foy ne renferme 
dans son enceinte proprement dite, aucune fontaine 
jaillissante; mais on à établi sur quelques points, no- 
tamment à chacun des angles de la grande place, des 
puits-fontaines qui servent aux besoins domestiques et 
à la boisson. L'eau de ces puits-fontaines rentrant dans 
la catégorie des eaux profondes, nous aurons à les 
examiner plus loin. Je me bornerai ici à faire connai- 
tre les résultats de l'analyse de l'eau de la fontaine de 
la Porte de Bergerac, seule source superficielle que 
possède Sainte-Foy. 


CADILLAC-SUR-DORDOGNE. — Le petit bourg de Ca- 
dillac ne possède aucune fontaine publique; les habi- 
tants font exclusivement usage d'eau de puits. Toute- 
fois, à peu de distance du bourg, dans la propriété du 


66 
Branda, appartenant à M. de Vassal, il existe une fon- 
taine abondante très-renommée, dont j'ai voulu ana- 
lyser les eaux. 


FONTAINE DE LA PORTE DE FONTAINE DU BRANDA, 

BERGERAC, A SAINTE-FOY. A CADILLAG-SUR- DORDOGNE. 
Limpide, fraîche, agréable au goût, Saveur fraîche, agréable, limpidité 

mais peu abondante. parfaite, Sans odeur ni couleur. 

Gaz acide carbonique. .. .... 0,0160 Gaz acide carbonique. …...… 0,0125 
Air atmosphérique... ...... 0,0020 Air atmosphérique... 0,0025 
0,0180 = 
Carbonate de chaux........... 0,250 
Sulfate de chaux... .......... 0,067  Caïbonate de chaux. . ........ 0,218 
Aolate de potassé.......... 0,031 Sulfate de chaux. .... ....... 0 085 
Chlorure de sodium.........…. 0,127 Azotate de potasse..…........ 0,026 
Silice et oxide de fer... 0,014 Chloruré de sodium.,....... 0,112 
Matière organique. .…......... 0,002 Silice et oxide de fer... 0,019 
0,491 Matière organique... ......... 0,008 
0,468 


Rien de remarquable dans la nature chimique de 
l'eau de la fontaine du Branda, ne vient justifier la ré— 
putation dont elle jouit dans la localité. 


GUITRES. — Bàli sur un coteau au confluent de l'Isle 
et du Lary, Guitres possède deux fontaines publiques , 
dont lune est due à la munificence de M. le duc de 
Caze. L'eau de ces fontaines n'est pas de très-bonne 
qualité ; elle est loin de valoir celle de la fontaine Grin- 
champ, située à quelque distance du bourg. L'eau de 
celle-ci jaillit par deux cannelles de trois à quatre cen- 
timètres d'ouverture, et alimente un lavoir; sa saveur 
est fraiche et agréable, et sa température est à 9 de- 
grés ‘/,, l'air étant à 24, 


67 


EAU DE LA FONTAINE DE CAZE, ANCIENNE FONTAINE 
A GUITRES. DE GUITRES. 

Gaz acide carbonique... 0,0170 Gaz acide carbonique. ..…...... 0,0165 
Air atmosphérique... ...,...... 0,0020 Air atmosphérique ........... 0,0020 
0,0190 0,0185 
Carbonate de chaux... 0,416 Carbonate de chaux... ...... 0,385 
SULATE TE CHAUX... se 0, LE 10 SUIFAIE HE CHAUX à cesser ce ce 0,168 
Azotate calcaire. .......,,... .. 0,048  Azotate calcaire... F8 Mo ote 0,056 
Chlorure de sodium... ...., .. 0,052 Chlorure de sodium .......... 0,062 
de calcium... ....... 0,021 de calcium. ......... 0,028 
Silice et oxide de fer. ..…....… 0,022 Silice et oxide de fer. ..,...., 0,017 
Matière organique. ........... 0,007 Matière organique. ..... ..... 0,005 
0,753 0,721 


EAU DE LA FONTAINE GRINCHAMP, 
PRÈS GUITRES. 


Gaz acide carbonique......,...,..,... 0,0160 
Air atmosphérique. .. … ER canne 0,0025 
0,0185 

Carbonate de chaux. ............. …. 0,207 
DUATEITEENAUXR pere ces 0,088 
AZOTA EME PDLASSE Mr eee 0,052 
Chlorure de sodium. . .......... hace 0,162 
SIC EL OxIUE A6 FE. esse me 0,014 
Matière organique... dinaretite 0,006 
0,529 


LUSSAC occupe une position très-agréable sur un 
plateau élevé, entouré de ruisseaux et de riants val- 
lons. Si le bourg ne renferme aucune fontaine, on en 
trouve à peu de distance plusieurs qui fournissent des 
eaux d'excellente qualité; nous avons surtout remarqué 
les fontaines de Piquot et de Picampot : la première, 


68 

de forme carrée, de construction antique, bâtie à mi- 
coteau, au centre d'une prairie qu'elle irrigue dans 
tous les sens, fournit une eau limpide, pure, agréable au 
goût. La deuxième, à quelques centaines de mètres de 
celle-ci, est plus abondante encore ; elle est aussi, frai- 
che, agréable, limpide, mais elle contient un peu plus 
de sels calcaires et de matière organique. 


FONTAINE DE PIQUOT, 
PRÈS LUSSAC 


SOURCE DE PICAMPOT, 
ALIMENTANT UN LAVOIR, PRÈS LUSSAC, 


Gaz acide carbonique......... 0,0170 Gaz acide carbonique. 0,0160 
Air atmosphérique. ........... 0,020 Air atmosphérique. ........... 0,0020 
0,0190 0,0180 
Et —— a 
Carbonate de chaux... 0,201  Carbonate de chaux. ........…. 0,258 
Sulfale de chaux. ............… 0,032 Sulfate de Chaux. see ce. 0,018 
Chlorure de sodium........... 0,018 Ayzotate de potasse..…...... 00002 
Silice et oxide de fer.......... 0,016  Chiorure de sodium........... 0,022 
Matière organique. ......….. 0,005  Kilice et oxide de fer... ..... 0,024 
Matière organique .....,..... 0,009 

0,272 
HE 0,383 
pa | 


PUYSSEGUIN. — Commune rocheuse, fournissant d'ex- 
cellentes pierres et des argiles d'une: grande pureté. 
C'est sans doute à la présence des couches argileuses 
nterposées dans les bancs calcaires, qu'il faut attri- 
buer la bonne qualité des eaux de ses puits, bien supé- 
rieures à celles des puits des environs. Sur le bord de 
la route, et à peu de distance du bourg, il existe une 
petite fontaine dont l'unique cannelle fournit cons- 
tamment une eau pure et limpide. 


69 
EAU DE LA PETITE FONTAINE 


DE PUYSSEGUIN, 


Gaz acide carbonique.........,....... 0,0130 
Air atmosphérique. ..........,...... 0,0015 
0,0145 

Carbonale de CHAUX M. esse oscse 0,107 
SALE TE ACRAUXS 22-20-12 se 0,096 
AOC IAE ICRA Me remesedeneseeee ee 0,032 
Chlorure: de) sodium. ................, 0,085 
Silicate d'AlUMINC..... eee 0,015 
Oxide de fer et matière organique... 0,012 
0,347 


5° ARRONDISSEMENT. 


La Réole. 


L'arrondissement de La Réole est divisé en six can- 
tons, qui ont pour chefs-lieux : La Réole, Saint-Ma- 
caire, Monségur, Pellegrue, Sauveterre et Targon. 
Bien qu'arrosé sur plusieurs points par le Drot, la Ga- 
ronne et plusieurs de leurs petits affluents, le sol est 
généralement plus sec dans cet arrondissement que 
dans le reste de la Gironde. Ce fait trouve son explica- 
tion, tant dans la topographie du pays que dans la na- 
ture perméable du terrain, qui le rend moins propre à 
conserver l'humidité; aussi les sources sont-elles géné- 
ralement peu nombreuses, et les puits profonds. 

Chef-lieu de l'arrondissement, la ville de La Réole, 
bàtie sur un tertre élevé, ne renferme aucune fontaine 
remarquable; celles qui servent aux besoins de la po- 


70 


pulation sont de triste apparence et fournissent peu 
d'eau; encore est-elle de qualité inférieure. Mais il 
existe à quelque distance de La Réole une source qui 
jaillit à trente ou quarante centimètres du sol, et four- 
nit une eau abondante et pure; on la nomme la fon- 
taine du Turon; elle jouit dans la contrée d'une cer- 
taine réputation, en raison sans doute de la pureté, 
de ses eaux, qui est, en effet, remarquable. 


SAINT-MAIXANT, petite commune située partie sur 
le coteau littoral, partie dans la vallée de la Ga- 
ronne, renferme quelques sources et des puits nom- 
breux; les sources jaillissent du coteau; l'eau qu'elles 
donnent est fraiche, limpide, d'une saveur franche et 
agréable. En voici l'analyse : 


FONTAINE DU TURON. EAU DE SOURCE 
PUISÉE AU CHATEAU DE LAVISON, PRÈS 


Marque 10 degrés, l'air étant à 24. 
SAINT-MATXANT. 


Saveur fraiche, agréable, limpidité 
parfaite ; sans couleur ni odeur. Gaz acide carbonique... .. 0,0160 


Gaz acide carbonique. ...... . 0,0160 Air atmosphérique... 0,0020 


Air atmosphérique... .. ..... 0,0020 0,0180 
0:0160 Carbonate de chaux... . .... 0,177 
Carbonate de chaux. ......... 0,270 SPRETETE cuux hrorminr 06e 
SR ; Chlorure de sodium. . ........ 0,054 
Sulfate de chaux..……...,...... 0,081 Sd 0.014 
Chlorure de sodium... ...., UMTS EE UE CSC SRE : 
ea le 0.038 Silice et oxide de fer..…........ 0,016 
Silicate d’alumine..….... ..... 0,032 RARETE BABA AR RES RM 
Oxide de fer et matière orga— 9 
DES SRB 0 ne aone 0,011 mir 
0,584 
tes 


MONSÉGUR. — Ce canton est traversé par le Drot et 
par plusieurs petits ruisseaux; le plus considérable est 


71 
l'Andouille, qui prend sa source dans le département 
du Lot-et-Garonne. 

La petite ville de Monségur, située au sommet d'un 
coteau qui domine la vallée du Drot, possède une fon- 
taine publique, qui fournit à la population nne eau 
d'excellente qualité; l'excédant alimente un lavoir vaste 
et bien entretenu. 

L'eau s'écoule par deux cannelles de trois à quatre 
centimètres d'ouverture; sa température est de 9 de- 
grés ‘,, l'air étant à 22 degrés. Monségur renferme 
aussi un grand nombre de puits fournissant d'assez 
bonnes eaux dont nous examinerons la nature au cha- 
pitre des eaux profondes. L'eau de la fontaine pu- 
blique est limpide, d'une saveur agréable, sans couleur 
ni odeur, 


FONTAINE DE MONSÉGUR. 


Gaz acide carbonique...........,..... 0,0130 
Air atmosphérique... ............... 0,0020 
0,0150 

Carbonate de chaux.................. 0,124 
SUITE TC CRAUX ARR ES encens esese 0,065 
Chlorure de sodium. ..........,...... 0,054 
HEXGAICIM A Res ces ete 0,024 

de magnésium. ............. 0,011 

Silice et pxide de fer.......….:........ 0,024 
Matière organique. ..............028. 0,003 


74 
° ARRONDISSEMENT. 


Bazas. 


L'arrondissement de Bazas renferme sept cantons, 
dont les chefs-lieux sont : Bazas, Auros, Captieux, 
Grignols, Langon, Saint-Symphorien et Villandrault ; 
il est bordé par la Garonne et arrosé dans son intérieur 
par un grand nombre de cours d'eaux, dont le plus 
important est le Ciron, qui partage l'arrondissement en 
deux parties. 

Bazas est l'une des villes les plus anciennes du dé- 
partement; elle renferme plusieurs fontaines publi- 
ques ; les plus remarquables sont celle de Bragous, la 
Fond d'Espans et celle des Capucins. La première four- 
nit, par trois cannelles de quatre centimètres d’ouver- 
ture, une eau dont les sécheresses les plus prolongées 
ne diminuent pas l'abondance; les deux autres n'en 
ont qu'une; elles suffisent néanmoins aux besoins de 
leurs quartiers. La Fond d'Espans alimente en outre un 
vaste abreuvoir. 

Les environs de Bazas renferment aussi des sources 
nombreuses ; je signalerai surtout la fontaine d’Ausone, 
la source incrustante du Trou d'Enfer, la fontaine du 
Bourreau , l'eau ferrugineuse de Belloc, et l'eau sulfu- 
reuse de Recaire. Toutes ces sources sont remarqua- 
bles, les unes par les souvenirs qu’elles rappellent, les 
autres par leur action médicale. Nous laisserons celles- 
ci pour nous en occuper avec les eaux minérales. 


73 


FONTAINE DES CAPUCINS. 

Une cannelle. Marque 10 degrés, 

Limpide, saveur terreuse très-pro— 
noncée. 


Gaz acide carbonique......... 0,0220 
Air atmosphérique... ,...... 0,0015 
0,0235 
Carbonate de chaux........... 0,383 
Sulfate de chaux. ...........e 0,278 
Azotate de chaux... .........…. 0,095 
de magnésie. ...... 0,052 
Chlorure de sodium........... 0,340 
Silice et oxide de fer......... 0,022 
Matière organique... onda 0,009 
1,119 

EAU DU TROU D'ENFER. 

INCRUSTANTE, 


Limpidité parfaite, saveur fraîche et 
piquante, 


Gaz acide carbonique... 0,0270 
Air atmosphérique ........., . 0,0020 
0,0290 

Carbonate de chaux... ....... 0,607 
Sulfate de chaux. ......., #.210,055 
Chlorure de sodium.......... 0,037 
de calcium. ....... . 0,018 

Silice et oxide de fer......... 0,021 
Matière organique............ 0,004 
- 0,742 


FONTAINE D'ESPANS. 
Une cannelle. Marque 9 degrés !/.. 
Limpidité parfaite, saveur fraiche et 
agréable, 


Gaz acide carbonique. ........ 0,0160 
Air atmosphérique, ........... 0,0020 
0,0180 

Carbonate de chaux. ......... 0,232 
Sulfate de chaux... ......... 0,051 
Arotate derchaux. 5:42. 0,024 
de magnésie. ...... 0,018 

Chlorure de sodium... ...,... 0,042 
Silice et oxide de fer... 0,013 
Matière organique....... ..... 0,006 
770,386 


FONTAINE DU BOURREAU, 
A ‘/, KILOMÈTRE DE Bazas. 


Source abondante , eau limpide, frai- 
che et agréable. 

D'après la tradition du pays , c’est à 
cette fontaine que le bourreau lavait les 
instruments du supplice. 


Gaz acide carbonique. ........ 0,0170 
Air atmosphérique. .. ....... 0,0020 


0,0190 

Carbonate de chaux....,..... 0,226 
Sulfate de chaux.........,.... 0,063 
Chlorure de sodium.......... 0,060 
Silice et oxide de fer.......... 0,017 
Matière organique.. :........e 0,005 
0,371 


FONTAINE BRAGOUS. 
Trois cannelles. Marque 10 degrés, 
l'air étant à 24. 
Limpidité parfaite, saveur terreuse. 


Gaz acide carbonique. ........ 0,0180 
Air atmosphérique. ........... 0,0020 
0,0200 

Carbonate de chaux... ...... 0,507 
Sulfate de chaux. ............. 0,106 
Azotate de chaux ............. 0,065 
de magnésie......... 0,030 
Chlorure de sodium........... 0,182 
Silice et oxide de fer.......... 0,021 
Matière organique......,..... 0,007 
0,918 


FONTAINE D'AUSONE. 


Limpide, agréable, sans odeur ni 
couleur. 
Gaz acide carbonique... .. 0,0145 
Air atmosphérique. ........  0,0025 
0,0170 
Carbonate de chaux......... UNS 
Sulfate de chaux............., 0,022 
Azotate de potasse............ 0,018 
Chlorure de sodium.......... 0,042 
de calcium. ........ 0,016 
Silice et oxide de fer. ..... . 0,014 
Matière organique... . 0,003 
0,293 


74 
CANTON DE CAPTIEUX. 


Ce canton, l'un des moins fertiles de l'arrondissement, 
se ressent du voisinage des Landes; son sol, complé- 
tement sablonneux, est arrosé par le Ciron et plu- 
sieurs de ses affluents. 

L'alios qui recouvre une grande partie du sous-sol 
du canton de Captieux, maintient à peu de profondeur 
les eaux pluviales, qui, en été, sévaporent prompte- 
ment sous l'influence des rayons solaires, mais inon- 
dent en hiver presque tout le canton. Cette couche alio- 
tique imperméable à le double inconvénient de s'op- 
poser à l'infiltration des eaux dans les profondeurs du 
sol, et d'empêcher l'ascension onterstitielle de l'eau 
des couches souterraines lorsque le sol est desséché. 

Aussi le canton de Captieux ne possède-t-il aucune 
source ascensionnelle importante; les habitants ne font 
usage pour la boisson que d'eau superficielle ou du 
moins très-peu profonde, aceumulée dans des puits ou 
citernes à fleur de terre. Cette eau, de couleur jaune, 
de saveur marécageuse, forme une catégorie spéciale 
que nous examinerons en son lieu. 

Je ne parlerai ici que de la fontaine de Laguüe, si- 
tuée dans le bourg de Captieux, et remarquable par sa 
pureté; c'est de l'eau pluviale presque pure échappée 
à l'action de l'alios, et conservée dans quelque cavité 
souterraine argileuse. Voici sa composition : 


FONTAINE DE LAGUE, 
A CAPTIEUX 
Saveur agréable, fraiche, sans odeur ni ceu- 


leur. 
Marque 12 degrés, l'air étant à 20 


Gaz acide carbonique .............. 0,0070 
AGMALMOSDRÉTIQUE. es ecsece css 0,0020 
0,0090 

ARR EEE 

Carbonate de chaux. 4... 0,021 
Sulfaté dechaux......,....2huues.te 0,011 
Chlorure de sodium, ...,...,........, 0,036 
Silicetet oxide de. fer .,,.,..0e “HO 01? 
Matière organique... ...... ............ 0,006 
0,086 


CANTON DE GRIGNOLS. 


Ce canton est arrosé par plusieurs ruisseaux; les plus 
considérables sont le Lizos et le Berthos. Le terrain 
y est bien meilleur au point de vue agricole que dans 
le canton précédent; néanmoins il ne renferme au- 
cune source considérable; mais on trouve sur plu- 
sieurs points de petites sources dont l'eau serpente: 
à la surfrce du sol. Le bourg de Grignols renferme un 
puits-fontaine publie, dont la population fait usage 
pour ses besoins. À quelque distance du bourg, il 
existe une fontaine peu remarquable pour son abon- 
dance, mais très-renommée pour la pureté et la légè- 
relé de ses eaux; elle est connue dans la contrée sous 
le nom de Fontaine de Presbos. 


FONTAINE DE PRESBOS, 
PRÈS GRIGNOLS. 


Eau limpide, fraiche, agréable. 
Marque 11 degrés, l'air étant à 21. 


Gaz acide carbonique... ............ 0,0210 
Air atmosphérique ....... .... ...... 0,0025 
0,0235 

Carbonate de chaux...........,...... 0,082 
Sulfate de chaux..........ss.o.s.se.e 0,063 
Chlorure de sodium...... ..... ..... 0,065 
decalcinm..........4000 0,015 

Silice et oxide de fer......... eau 0,012 
Matière OrganiqUe, «ee unssss sossne 0,006 
0,243 


CANTON DE LANGONe 


Ce canton se divise en deux grandes parties, la 
haute et la basse-plaine : la basse-plaine, formée de 
terrains alluvionnels, est bordée par la Garonne; il ne 
S'y trouve aucune source jaillissante; elle renferme des 
puits nombreux. La haute-plaine, au contraire, for- 
mée de calcaire et de graviers, permet aux eaux plu- 
viales de traverser le sol, et de former dans les par- 
ties souterraines des nappes d'eau qui viennent se 
faire jour sur plusieurs point du coteau. L'une de 
ces sources, la plus remarquable pour son abondance, 
est celle qu'on désigne dans le pays par le nom de 
Fontaine du Briou, et dont les eaux alimentent un la- 
voir. 


Fee 
11 


LANGON. — La petite ville de Langon possède des 
fontaines publiques qui, jointes aux puits nombreux 
de la ville, suflisent à tous les besoins de la population. 


L'eau de ces fontaines est élevée au-dessus du sol, à 


l'aide de pompes à manivelles; elle est transparente, 


agréable au goût; sa température est de 11 degrés, 


l'air étant à 20. 


FONTAINE DU BRIOU, 
PRÈS LANGON, 
Eau limpide, agréable. 
Marque 10 degrés, l'air étant à 23. 


Gaz acide carbonique. ........ 0,0130 


Air atmosphérique. ..…....... . 0,0020 
0,0150 

Carbonate de chaux... nc 10,107 
Sulfate de chaux........... 0,081 
Chlorure de sodium. . ... . 0,054 
Azotate de chaux... oo 0,022 
Silice et oxide de fer.......… 0,014 
Matière organique .. ........ 0,005 
0,373 


On trouve rarement des azotates dans 
l'eau des fontaines rurales. J'attribue la 
présence de celui qui se trouve dans l’eau 
de la fontaine du Briou , aux fumiers qui 
recouvrent les terres aux environs de 
celte source. 


CANTON 


FONTAINE DE LA PLACE, 


A LANGON. 

Gaz acide carbonique... 0,0185 
Air atmosphérique... .. ...... 0,0020 
0,0205 
Carbonate de chaux.......... 0,195 
Sulrate de chaux ............. 0,102 
Chlorure de sodium........... 0,042 
de calcium. ......... 0,016 
Azotate de potasse............ 0,065 
Silicate d’alumine............. 0,017 

Oxide de fer et matière orga— 
DIQUE- .shonrcasctar FoBec nee 0,010 
0,447 


DE VILLANDRAULT, 


Comme le canton de Captieux, celui de Villandrault, 
limitrophe du département des Landes, participe de la 


nature de son sol. Villandrault, chef-lieu du canton, 


est un gros bourg baigné par le Ciron, sur lequel on 


a jeté un pont. Pas plus que les localités environnan- 


78 
tes, Villandrault ne possède de fontaine; sa popula- 
tion fait exclusivement usage d'eau de puits. A peu de 
distance du pont de Villandrault, jaillissent deux sour- 
ces assez remarquables, connues sous le nom de Fon- 
taines du Credo : lune est légèrement atramentaire, 
l'autre a une saveur franche et agréable. 

Il n'en est fait usage que par les personnes du voi- 
sinage, bien que la première ait été, pendant long- 
temps, recommandée dans les affections chlorotiques. 

Nous ne donnons ici que les résultats de l'analyse de 
la seconde, nous réservant de donner ceux de l'eau fer- 
rugineuse au paragraphe des eaux minérales. 


FONTAINE DU CREDO. 


Eau fraîche, agréable, sans odeur ni couleur. 


Gaz acide carbonique........,.,.,.... 0,0110 
Air atmosphérique... ss... 0,0015 
0,0125 

CarbonatedeICHAUX mere ere 0,092 
SUIFATE AE CHAUX... cocrssemese ee 0,064 
Chlorure de sodium.. ........, M D O0L5 
Silice et oxide de fer... ENS .. LU ULZ 
Matière organique..................e 0,006 
0,219 


5e ARRONDISSEMENT. 
Bordeaux. 


Ce vaste arrondissement, le plus riche et le plus po- 
puleux du département, est arrosé par la Gironde, la 
Garonne, la Dordogne, la Leyre, le Ciron, la Jalle de 
Blanquefort, et une foule de petits ruisseaux; il ren 


79 
ferme treize cantons, et borde les deux rives de la Dor- 
dogne et de la Gironde. 


CANTON DE BORDEAUX. 


Ce canton comprend, indépendamment de Bordeaux, 
les cinq communes qui forment sa banlieue : Bègles, 
Talence, Caudéran, le Bouscat et Bruges. 

Toutes ces communes renferment des sources nom- 
breuses, fournissant des eaux abondantes, fraiches et 
salubres. Bordeaux seul, bàti aux bords d'une grande 
rivière, sur un sol alluvionnel et dans la partie la plus 
déclive du bassin de la Gironde, ne contient aucune 
source capable de fournir l'eau dont il aurait besoin 
pour alimenter des fontaines publiques. 

Bordeaux possédait jadis une fontaine qui suflisait 
aux besoins de sa population; mais l'onde intarissable 
qui alimentait la fontaine Divona, à disparu avec ce 
monument, et aucune trace n'indique le lieu où elle 
jaillissait. Aujourd'hui, Bordeaux n’a que des sources 
peu importantes, encore sont-elles enfouies sous l'ex 
haussement considérable que le sol de la ville a éprou- 
vé, et ne sont plus pour les habitants, bien qu'ils leur 
aient conservé le nom de fontaines, que des puits plus 
ou moins profonds. Ce sont : 

1° La fontaine Bouquière, dont la source est actuel- 
lement à huit mètres au moins au-dessous du sol. 

2° La fontaine Daurade, enterrée à une profondeur 
à peu près égale, et qui fournit une eau de très-mau- 
vaise qualité, 


80 


3° La fontaine d'Audège, dont une pompe fait mon- 
ter l'eau à la surface du sol. 

4° La fontaine de l'Or. Son eau, moins impure que 
les précédentes, est élevée dans un vaste bassin par 
une pompe à manège et se distribue ensuite sur plusieurs 
points de la ville, où elle alimente les fontaines de la 
Grave, de la porte Bourgogne, de la place du Palais, 
de la rue de la Bourse, du quai des Chartrons, vis- 
à-vis les rues Raze et Borie, et enfin celle du marché 
des Chartrons. 

5° La fontaine de Figuereau. Cette fontaine, bien su- 
périeure aux précédentes en abondance et en qualité, 
est exploitée par les marchands d'eau. 

6° La fontaine Lagrange , propriété particulière, dont 
l'eau, à peu près de même nature que celle de Figue- 
reau, reçoit la même destination. 

Telles seraient les eaux auxquelles la population bor- 
delaise se verrait réduite, si la ville n'eut acheté les 
sources d'Arlac et du Tondut, situées à peu de distance 
de son enceinte, et fournissant de quinze à vingt pou- 
ces fontainiers d’une eau d'excellente qualité, avec la- 
quelle on à pu établir six nouvelles fontaines rue Saint- 
Christoly, place Saint-Projet, place du Poisson-Salé, 
rue des Minimes, place de la Bourse et allées d'Albret, 
derrière l'Hôtel-de-Ville. Quelques filets d'eau ont en 
outre été fournis à quelques-uns de nos établissements 
publics, tels que la prison départementale, l'hôpital 
civil, la caserne municipale, ete., etc. 

Le manque de sources superficielles dans l'intérieur 


de la ville, la mauvaise qualité des eaux souterraines 


 - 


S1 


chargées de toutes les infiltrations d’une grande cité, 
le peu d'abondance des sources qui lavoisinent, telles 
sont sans doute les causes qui ont fait différer l'établis- 
sement dans Bordeaux de fontaines publiques en rap- 
port avec les besoins hygiéniques de la population. On 
répugnait d'ailleurs à dépenser de fortes sommes pour 
aller chercher de l'eau au loin, alors qu'on avait sous 
les murs de la ville le plus beau fleuve d'Europe, et 
qu'on n'avait pour ainsi dire qu'à se baisser pour la 
puiser. Des essais nombreux, des propositions plus 
nombreuses encore furent faites à diverses époques, pour 
clarifier l'eau de la Garonne et lui donner la limpidité 
indispensable aux eaux destinées à la boisson. Toutes 
ces tentatives, toutes ces recherches furent infructueu- 
ses; on n’a pu jusqu'à ce jour trouver un moyen simple 
et peu dispendieux d'enlever aux eaux de notre rivière le 
limon si ténu et si délié qu’elles tiennent en suspension. 
Aussi, après de vains efforts, tous ces projets gigan- 
tesques de filtration, toutes ces théories brillantes de 
dépuration ascendante et descendante furent abandon- 
nés. La science dut Ss'incliner devant les dificultés 
insurmontables que présentaient la filtration quoti- 
dienne des vingt-quatre mille mètres cubes d’eau né- 
cessaires à la consommation de la cité. 

Il faut avoir suivi toutes les phases d’un pareil tra- 
vail, pour se rendre compte des obstacles que rencon- 
trerait celte immense opération ; on s’en fera une idée, 
lorsqu'on saura qu'à certaines époques, il faudrait, et 
cela chaque jour, séparer de la masse d'eau nécessaire 
aux besoins de la ville, deux à trois cent mille kilo- 


6 


82 
grammes d'une vase d’une ténuité extrême, traversant 
les couches filtrantes les plus épaisses, déposant dans 
leurs interstices le limon dont elle se compose, et obs- 
truant ainsi tous les filtres en peu de temps. 

Ce ne fut qu'après s'être assurée de l'impuissance des 
moyens de filtration proposés, que l'administration 
municipale, frappée chaque jour davantage des incon- 
vénients sans nombre qui résultent de l'insuffisance et 
de la mauvaise qualité des eaux de la ville, prit la ré 
solution d'établir un système hydraulique plus en rap- 
port avec les besoins de la population, et chercha sé- 
rieusement, hors des murs de la cité, la masse d’eau 
fraîche, limpide, salubre, que le fleuve ne pouvait lui 
fournir. 

Les sources ne manquaient pas : Bordeaux en est 
entouré; mais il fallait en trouver qui joignissent à la 
qualité et à l'abondance, une position qui permit de 
Tamener en ville à peu de frais. Les communes de 
Mérignac, de Talence, de Gradignan , de Villenave d'Or- 
non furent explorées ; mais ces recherches ne produi- 
sirent aucun résultat satisfaisant. 

Tel était l'état des choses, quand les bords de la Jalle 
de Blanquefort, où déjà on avait remarqué quelques 
sources abondantes, furent parcourues avec soin par 
un homme intelligent et capable *, qui reconnut bientôt 
que des coteaux du Taillant jailissaient, dans la Jalle 
méme et sur une vaste étendue, des sources abondantes 
et nombreuses. Avec un désintéressement qui l'ho- 


1 M, Jouis, 


83 

nore, il en informa M. Brun, alors maire de Bordeaux. 
Après bien des oppositions, des études furent enfin 
commencées sous la direction de M. Mary, ingénieur 
hydraulique de la ville de Paris, homme spécial dont 
le savoir et l'intégrité sont depuis longtemps reconnus. 
Ce savant praticien fut chargé de visiter les lieux, et 
il reconnut qu'en effet le volume des sources signalées 
était considérable; qu'elles réunissaient toutes les con- 
ditions désirables, qualité, abondance, durée; qu'il 
était, en un mot, à peu près impossible de trouver 
mieux. 

Le jaugeage en fut opéré par les soins de M. De- 
vannes, à qui M. David Johnston venait de confier la 
direction des travaux publies de la ville, et il fut cons- 
taté que les sources de la Jalle, réunies, présentaient 
une masse d'eau courante équivalant à 1,190 pouces 
fontainiers, soit 23,800 mètres cubes par vingt-quatre 
heures. 

Des modifications importantes furent apportées au 
plan que dressa alors M. Mary; dix années s'écoulè- 
rent en études, en nivellements, en discussions, et 
enfin le projet était sur le point d'être mis à exécu- 
tion, lorsque la révolution de 1848 vint encore en re- 
tarder laccomplissement. 

I fat repris en 1850; le tracé primitif reçut de nou- 
velles modifications; on rectifia le parcours, et sous 
lhabile direction de notre ingénieur hydraulique, un 
nouveau plan fut dressé. M. Mary, appelé pour don- 
ner son avis sur les changements apportés à son tra 
ail, s'entendit avee M. Devannes, et tous deux pré- 


84 


sentèrent à la Commission un projet complet qu'arrêta 
définitivement la délibération du Conseil municipal du 
2 juin 1851. Une somme de 4,200,000 fr., néces- 
saire à son exécution, fut votée dans la même séance. 
Les plans et devis ont été depuis approuvés par le gou- 
vernement, et l'autorisation d'emprunter accordée à la 
ville. Cet emprunt vient d'être réalisé à des conditions 
très-avantageuses. Rien ne s'oppose donc plus à ce que 
les travaux d'exécution ne soient enfin entrepris et 
poussés avec vigueur. Dans trois années, il faut l'es- 
pérer, la ville de Bordeaux, dotée d'un système hydrau- 
lique complet, n'aura, sous ce rapport, rien à envier 
à aucune autre cité. 

Quelques craintes s'étant élevées, à la suite de la sé- 
cheresse excessive des premiers mois de l'année 1852, 
sur l'abondance des sources du Taillant, M. le Maire 
ordonna un nouveau jaugeage ; il y fut procédé au mois 
de juillet, alors que toutes les sources environnantes 
avaient diminué de plus de moitié. Cette opération, faite 
avec le plus grand soin, sous les yeux d’une Commis- 
sion nommée à cet effet, permit de constater que les 
sources avaient subi l'influence de la sécheresse généra- 
le, mais d'une manière bien moins sensible, puisqu'elles 
fournissaient encore 800 pouces fontainiers, soit 16,000 
mètres cubes d'eau dans les vingt-quatre heures, quan- 
tité bien suffisante pour l'alimentation quotidienne de la 
cité. Toutes les craintes sont done évanouies; dans peu 
d'années, tous nos établissements publics, jusqu'à pré- 
sent si mal pourvus, et la population entière , auront en 
abondance des eaux fraiches et salubres. 


85 


Toutes les fontaines, tous les puits, et généralement 
toutes les sources qui se font jour dans le périmètre de 
la ville, fournissent une eau de qualité inférieure, que 
nous avons classée dans les 2° et 3° catégories. Les fon- 
taines de Figuereau, de Lagrange et des Enfants-Trou- 
vés, sont les seules qui, avec les sources d’Arlac et du 
Tondut, alimentant les six fontaines déjà désignées. 
puissent figurer dans la première. 


SOURCES FONTAINE DE FIGUEREAU, 
D'ARLAC ET DU TONDUT PROPRIÉTÉ DE LA VILLE, 
RÉUNIES, 


La source est à 3 ou 4 mètres du 
Alimentant les fontaines de Saint— Sol.On élève l’eau à aide de deux corps 
Projet, du Poisson Salé, des Mi— de pompe mus à bras. 
nimes, de Saint-Christoly, du cours 


d'Albret et de la place de La Bourse. Limpide, fraiche et agréable. 
Légère, fraîche, parfaitement lim— Gaz acide carbonique... 0,0160 
pide. Air atmosphérique.….....,.... 0,0020 
Gaz acide carbonique... 0,0145 0,0180 
Air atmosphérique. ......... .. 0,0020 FES 
Carbonate de chaux. . ....... 0,308 
0,0165 Sulfate de chaux .......... 0,027 
=—— Chlorure de sodium... ...... 0,097 
Carbonate de chaux. . 0.198 de calcium. ........ 0,068 
Sulfate de chaux... ........... 0,009 de magnésium... 0,015 
Chlorure de sodium........... 0,019 Silice et oxide de fer... 0,018 


de calcium... .... 0,010 Matière organique............ 0,002 


Silice et oxide de fer... 0,007 PRE. 
Matière organique ,..,........ 0,002 , 


86 


FONTAINE LAGRANGE. 
Fraiche, limpide, d’une saveur agréa- 
ble. 


Gaz acide carbonique... 0,0160 
Air atmosphérique..........., 0,0025 
0,0185 

Carbonate de chaux., ...... . 0,257 
Sulfate de chaux... ........ 0,021 
Chlorure de sodium........... 0,075 
de calcium... ....... 0,042 

de magnésium... .... 0,013 

Silice et oxide de fer, ........ 0,012 
Matière organique .........,.. 0,002 
0,422 


FONTAINE 
DES ENFANTS TROUVÉS. 
L'hospice des Enfants possède, au 
milieu de la grande cour, une fontaine 
alimentée par la source de St-Vincent, 
commune de Bègles , à l’aide d’une con- 
duite souterraine. 


Gaz acide carbonique. ....... 0,0145 
Air atmosphérique... ........ 0,0015 

0,0160 
Carbonate de chaux.......... 0,215 


Sulfate de chaux.............. 0,063 
Chlorure de sodium .... ..... 0,056 
de calcium.......... 0,038 

Silice et oxide de fer.. ... .. 0,016 
Matière organique...........… 0,003 
0,395 


Les sources Bouquière, Daurade, d'Audège, de l’'Or, n'étant plus superfi— 
cielles, je les ai comprises dans les sources profondes, puits. 


BANLIEUE DE BORDEAUX. 


BÈGLES. — La commune de Bègles est l'une des mieux 
arrosées de l'arrondissement; le ruisseau de l'Eau Bourde 
et trois autres cours d'eau là traversent dans toute sa 
longueur. Bègles possède aussi un grand nombre de 
sources superficielles, fournissant d'excellentes eaux. 


SOURCES SUPERFICIELLES DE BÈGLES. 


PROPRIÉTÉ JEANTET. PROPRIÉTÉ JOCQUEL. 


Gaz acide carbonique... 0,0175 Gaz acide carbonique. ........ 0,0180 
Air atmosphérique... 0,0015 Air atmosphérique. .......,... 0,0015 
0,0190 0,0195 

Ér D ee] 

Carbonate de chaux........... 0,247  Carbonate de chaux... ....... 0,238 
SuLAtETE CDAUXS ere. eet 0,068  Sulfate de chaux... PEU 0,071 
Chlorure de sodium... .…. 0,058  Azotate de potasse..….......... 0,068 
de calcium.......…. 0,034 Chlorure de sodium......... 0,032 

Silice et oxide de fer... …, 0,017 Silice et oxide de fer... . 0,012 
Matière organique. .. ......... 0,010 Matière organique... 0,006 
0,434 0,427 

CITES CEE 


87 

CAUDÉRAN. — Le sol de celte commune est grave- 
leux, léger; il contient peu d'alumine ; les eaux séjour- 
nent à peine à sa surface, et la rapidité avec laquelle 
elles le traversent, ne lui donne pas le temps de se 
charge: de tous les principes solubles qu'il contient ; 
aussi les eaux de Caudéran sont-elles généralement lim- 
pides, fraiches, agréables, et de bonne qualité. Voici 
les résultats donnés par l'analyse : 


EAU DE SOURCE 
PRISE À CAUDÉRAN, CHEZ LES FRÈRES 
ARNAUD. 
Saveur fraiche et agréable, limpidité 
parfaite, ni odeur ni couleur. 


Gaz acide carbonique... .. 0,0145 
Air atmosphérique. . ........ 0,0015 
0,0160 

Carbonate de chaux........... «0,345 
Sulfate de chaux......... .... 0,057 
Chlorure de sodium........... 0,064 
Silice et oxide de fer......... 0,014 
Matière organique... ... .. 0,002 
0,482 


TALENCE. L'une des communes les plus agréables de 
la banlieue de Bordeaux, si elle n'était envahie par les 
sécheries de morues, qui nuisent, par leur odeur re- 
poussante , à l'agrément des jolies villas que cette com- 
mune renferme. Ces sécheries ne sont pas d'ailleurs 
sans influence sur la qualité des eaux souterraines de 
la localité, en raison de la masse de sel marin que les 
eaux de lavage entrainent dans les profondeurs du sol, 
au grand préjudice de tous les puits environnants. 

Les eaux superficielles ne participent pas de l'alté- 
ration que font éprouver aux Eaux profondes les infil- 


88 


trations salées dont je viens de parler; elles sont géné- 
ralement d'excellente qualité. 


SOURCES 
SUPERFICIELLES DE TALENCE , PROPRIÉTÉ 
TOMASSON. 


Gaz acide carbonique. ........ 0,0155 


Air atmosphérique. ......... .. 0,0020 

0,0175 
Carbonate de chaux... .......…. 0,248 
Sulfate de chaux.............. 0,062 


Chlorure de sodium. ... .... 0,071 
de calcium... 0,027 


Silice et oxide de fer.......... 0,013 
Matière organique. ............ 0,004 
0,425 

D 


BOUSCAT. — Commune très-boisée, dont le sol, émi- 
nemment sablonneux, est mal cultivé et renferme de 
vastes terrains en friche. Il y a cependant de jolies pro- 
priétés dans la partie qui avoisine Bordeaux. Les eaux 
du Bouscat sont généralemént pures, limpides et de 
bonne qualité, bien que quelques puits fournissent des 
eaux très-chargées de sels calcaires. 


SOURCES SUPERFICIELLES DU BOUSCAT, 


RUE DE LA SEPPE. PROPRIÉTÉ BRISSON. 
Gaz acide carbonique. ........ 0,0140 Gaz acide carbonique. ........ 0,0150 
Air atmosphérique.........., 0,0015 Air atmosphérique. ........ . 0,0020 
-0,0155 0,0170 
-  ] LE Ciel 
Carbonate de chaux.........… 0,321  Carbonate de chaux........... 0,242 
de magnésie. ...... 0,020  Sulfate de chaux.........…, 0,094 
SUALE TBICRAUX. eee en 0,013 Chlorure de sodium.........…. 0,068 
Chlorure de sodium. .......... 0,065 de calcium ........ . 0,012 
de magnésium, .... 0,007  Silice et oxide de fer... 0,011 
dé calcium. ......... 0,030 Matière organique... 1100008 
Silice et oxide de ÉELteroee 0,025 0,390 
Matière organique............ 0,005 =, 

0,486 


89 


BRUGES. — Le sol de la commune de Bruges est hu- 
mide, marécageux ; les eaux employées à la boisson S'y 
ressentent un peu de la nature du sol; elles sont char- 
gées d'une bien plus grande quantité de matière orga- 
nique que dans les autres communes de la banlieue de 
Bordeaux. 


SOURCES SUPERFICIELLES DE BRUGES. 


RECUEILLIE PRÈS DU BOURG, 
DANS UN TERRAIN SEC ET GRAVELEUX, 


PRISE 
DANS UN SOL HUMIDE ET MARÉCAGEUX. 


Gaz acide carbonique. ........ 0,0125 Gaz acide carbonique. . ...... 0,0110 
Air atmosphérique. ..……. nues 0,0015 Air atmosphérique... ... 0,0015 
0.0140 0,0125 
! _. Carbonate de chaux.........… 0,167 
Garbonate de chaux... ge Sulfate de chaux......... SbEtid 0,038 
Sulfate de chaux AspOne 0,024 Chlorure de’sodium, . 20 0,052 
Chlorure de sodium. O0DCON Tac 0,032 de calcium... 0,012 
Silice et oxide denferseer-.eee 0,011 Silice et oxide de fer... 0,014 

Matière organique. .......,... 0,009 Maière organique _albumi— 
ET 4 UE Too dtiona ne soso 0,038 

0,252 L 

0,321 


CANTON DE BLANQUEFORT. 


Le canton de Blanquefort est l’un de ceux où les 
eaux de sources sont le plus abondantes. Bordé par 
la Garonne, et traversé par la Jalle, qui porte son 
nom , il peut être irrigué à volonté. 

Néanmoins, le bourg de Blanquefort ne possède 
aucune fontaine publique, et les habitants ne font 
usage que d'eau de puits. 


EYSINES. — La commune d'Eysines possède un grand 


90 


nombre de sources; les principales sont : la fontaine 
de Cantinolle, à M. Lemotheux; celle de M. Boué, et 
les sources abondantes de la propriété Abiet. 


FONTAINE DE CANTINOLLE, 
À M. LEMOTHEUX. 


Incolore, limpide, saveur fraîche et 
agréable. 

Marque 10 deg. ‘}, , l'airétant à 24. 

Son abondance peut être évaluée à 
100 pouces fontainiers environ. 


Gaz acide carbonique. ..…..... 0,0155 
Air atmosphérique. ........... 0,0020 
0,0175 

Carbonate de chaux... ...... 0,217 
Sulfate de chaux ............. 0,042 
Chlorure de sodium. ....,..... 0,045 
de calcium......,.... 0,024 

Silice et oxide de fer...,...… 0,017 
Matière organique......,..,... 0,010 
0,355 


FONTAINE DE M. BOUÉ, 
ANCIENNE PROPRIÉTÉ DURAND. 
Deux cannelles. 
Limpide, agréable, sans coule ni 
odeur. 
Marque 10 deg., l'air étant à 22. 
Gaz acide carbonique. . ..….. 0,0145 


Air atmosphérique. .......... 0,0020 

0,0165 
Carbonate de chaux. .......... 0,275 
Sulfaté de chaux:............: 0,012 
Chlorure de sodium.......... 0,055 
Silice et oxide de fer... ..... 0,008 


Matière organique... ........ 0,004 


La quantité de matière organique que contient l’eau de la fontaine de Can— 
tinolle, s'explique par l’état où se trouve le bassin qui la renferme : il est com— 
plétement envahi par des plantes aquatiques qui y meurent et s’y décomposent. 


SOURCE DE LA PROPRIÉTÉ ABIET. 


Cette eau sert à des irrigations, Au moment 
où elle jaillit à la surface du sol , elle contient : 


Gaz acide carbonique........... ..... 0,0165 
Air atmosphérique... s'aheraie 0,0015 
0,0180 

RE CRE 

Carbonate de chaux..........., se. 10,205 
SnteRTEChANX- eee ee 0,013 
Chlorure de sodium... ............... 0,042 
decalcinms.:.<..--e.. 0,016 

Silice et oxide de fer............. ... 0,007 
MAfIETENOTBANIQUE,.. se... esnsseusrse 0,004 
0,287 


91 


LE TAILLANT. — Cette commune n'a d'importance et 
ne mérite d'être remarquée qu'à cause de l'abondance 
et de la pureté des sources qu'elle renferme. C'est au 
pied d'un coteau boisé qui borde la Jalle, que sourdent 
de toutes parts les sources qui doivent fournir l'eau 
nécessaire à l'alimentation du grand système hydrau- 
lique que Bordeaux va établir pour l'arrosage de ses 
rues et les besoins de sa population. 

Ces eaux viennent de deux points différents; les 
plus éloignées de la ville se font jour dans la propriété 
de M. Tenet, au bas d'une petite prairie, d'où elles 
se dirigent vers un large fossé, qui les conduit à la 
Jalle. Elles se grossissent dans ce court trajet de celles 
d'une foule de petites sources, à ce point qu'elles for- 
ment un petit ruisseau, bien au-dessous du moulin du 
Thil, au moment où elles viennent se mêler à l’eau de 
la Jalle. Les autres sortent du coteau boisé dont j'ai 
parlé, et qui appartient à M"° Lapène. Elles sont nom- 
breuses, et fournissent à elles seules 5 à 600 pouces 
fontainiers, d'une eau pure, limpide, agréable au goût, 
qui, réunies à celles du Thil, compléteront l'approvi- 
sionnement nécessaire à notre cité. 

Pour connaltre le degré de pureté de ces diverses 
sources, J'ai dû les analyser séparément. Voici les ré- 
sultats que j'ai obtenus : 


92 


SOURCE MÈRE, AU THIL, 
A M. TENET. 


Eau fraîche, agréable, sans odeur 
ni couleur, d’une limpidité parfaite. 


Gaz acide carbonique... ...... 0,0120 
Air atmosphérique............ 0,0015 
0,135 

Carbonate de chaux. ......... 0,168 
Sulfate de chaux........... 20001 
Chlorure de sodium........... 0,035 
de calcium... ...... . 0,008 

Silice et oxide de fer.......... 0,009 
Matière organique............ 0,004 
0,235 


SOURCE PRINCIPALE 
DE MME LAPÈNE. 


Pure, limpide, agréable. 
Marque 10 degrés, l'air étant à 24. 


Gaz acide carbonique... 0,0150 
Air atmosphérique............ 0,0020 
0,0170 

Carbonate de ehaux........…. 0,214 
Sulfate de chaux.............. 0,014 
Chlorure de sodium. ......... 0,027 
de calcium. ......... 0,008 

Silice et oxide de fer... ...... 0,003 
Matière organique............. 0,004 
0,270 


EAU 
DE TOUTES LES SOURCES DU THIL, 
RÉUNIES , 
prise un peu avant leur jonction avec 
l'eau de la Jalle, à M. Tener. 


Mêmes caractères physiques. 


Gaz acide carbonique... ... 0,0145 
Air atmosphérique... . ..... 0,0020 
0,0165 
Carbonate de chaux........... 0,209 
Sulfate de chaux..…........... 0,014 
Chlorure de sodium........... 0,037 
de calcium. ..…, …… 0,010 
Silice et oxide de fer......... 0,006 
Matière organique .. ........, 0,006 
0,282 

EAU 


DE TOUTES LES SOURCES RÉUNIES , 


telle qu’elle sera pour l'alimentation des 


fontaines de Bordeaux. 
Gaz acide carbonique ......... 0,0125 
Air atmosphérique. ...…. Do 00e 0,0030 
0,0155 
Carbonate de chaux........ .. 0,212 
Sulfate de chaux......,....... 0,010 
Chlorure de sodium. ........., 0,036 
de calcium... ...... 0,010 
Silice et oxide de fer... 0,005 
Matière organique.. ......... . 0,006 
0,279 
= 


Le bourg du Taillant possède une fontaine qui four- 
nissait autrefois une eau pure et abondante; depuis 
quelque temps, elle a été entièrement négligée. Par 
suite de cette incurie, une grande partie de l'eau qui 
l'alimentait a été détournée, et le bourg est menacé de 


93 

perdre complétement une source qui fournissait de l'eau 
non-seulement pour la boisson, mais encore pour ali- 
menter un petit lavoir construit tout près de là. Il se- 
ait à désirer que l'autorité municipale ouvrit enfin les 
yeux et s'opposàt énergiquement aux empiétements de 
quelques voisins, qui compromettent l'existence de la 
fontaine et du lavoir. 


LUDON. — La commune de Ludon possède quelques 
sources superficielles fournissant de bonnes eaux ; celle 
de la propriété de M. Duffour-Dubergier nous fera con- 
naitre la nature de ces eaux, qui, quoique très-pures, 
contiennent cependant un peu trop de matière organi- 


que. 
FONTAINE SOURCES DE LUDON. 
DU BOURG DU TAILLANT. PROPRIÉTÉ DUFFOUR—DUBERGIER . 

Gaz acide carbonique... .0,0115 Gaz acide carbonique... 0,0125 
Air atmosphérique.........,.. 0,0020 Air atmosphérique... ...... 0,0015 
0 0135 0,0140 
Carbonate de chaux........... 0,231 Carbonate de chaux....... .. 0,135 
Sulfate de chaux.............. 0,010 Sulfate de chaux............…. 0,017 
Chlorure de sodium..... .... 0,038 Chlorure de sodium .......... 0,013 
de calcium.......... 0,017 Silice et oxide de fer..…....... 0,011 
Silice et oxide de fer......... 0,008 Matière organique. ........... 0,011 
Matière organique... .... 0,004 ———— 
———— 0,217 


CANTON DE CASTELNAU. 


Le canton de Castelnau présente, à côté des terrains 
les plus fertiles, les landes les plus incultes; l'eau , très- 
abondante et très-pure dans certaines communes, est 


9% 


rare et de mauvaise qualité dans plusieurs autres; il 
est arrosé par plusieurs ruisseaux; il renferme aussi 
de nombreux marais, dont les plus étendus sont ceux 
d'Arcins, et plusieurs étangs, parmi lesquels je citerai 
ceux de Lacanau et d'Hourtins. 


CASTELNAU. — Le bourg de Castelnau renferme une 
seule fontaine et un grand nombre de puits, qui four- 
nissent de l'eau en quantité plus que suffisante. L'eau 
de la fontaine sert à alimenter un lavoir; elle est bien 
supérieure à celle des puits. 


ARCINS. — Ce petit bourg est bâti sur un sol maré- 
cageux; il existe, à peu de distance, une source abon- 
dante, dont l'eau limpide et incolore serait propre à la 
boisson, si elle ne contenait pas de la matière organi- 
que végétale, qui en altère la qualité. L'échantillon 
que j'ai pris au mois de juillet dernier, contenait : 


FONTAINE DE CASTELNAU. 


Limpide, fraîche, sans couleur ni Gaz acide carbonique. . ..... 0,0125 
odeur; saveur agréable. Air atmosphérique. ........... 0,0030 
Gaz acide carbonique... 0,0090 THIERS 
Air atmosphérique. … ........ 0,0025 0) 

_  Carbonate de chaux... US 

0,0115  Suifate de chaux. . 0,041 

7 Chlorure de sodium... 107088 

Carbonate de chaux........... 0,215 Silice et an es fer 0.017 
Sulfate de chaux... ......... 0,087 Matière Re évétale a]. < 

Chlorure de sodium... ..,,... 0,062 Dion A SE led 28 

Rene. US 0 026 LATIBDSR mere meeee ee 0,02 
Silice et oxide de fer. ..... . 0,017 anc 
Matière organique. ........... 0,006 (02 
0,413 


SOURCE D’ARCINS. 


95 

MARGAUX. — La commune de Margaux, renommée 
pour les vins délicieux qu'elle produit, n'est pas aussi 
bien partagée sous le rapport des eaux. Les puits, qui 
seuls fournissent l'eau nécessaire aux besoins de la po- 
pulation, sont peu profonds, et l'eau, chargée de ma- 
tière organique, est de mauvaise qualité. 

À quelque distance du bourg, il y a une fontaine 
assez abondante connue sous le nom de Fontaine Ma- 
riotte, dont l'eau est meilleure que celle des puits, bien 
qu'elle soit encore de qualité inférieure. 


soussANs. — La commune de Soussans renferme peu 
de sources superficielles ; celles que l'on trouve sont de 
peu d'importance, et l'eau qu'elles fournissent n’est 
guère supérieure à celle des puits. 


FONTAINE MARIOTTE. SOURCES SUPERFICIELLES 

Gaz acide carbonique... 0,0110 DERSOHEES ES 
Air atmosphérique. .......... 0,0015 Gaz acide carbonique. …….…. 0,0140 
Air atmosphérique . .......... 0,0015 
0,0125 z 
Carbonate de chaux... 0,274 — 
Sulfate de chaux.............. 0,109  Carbonate de chaux. … 0,315 
Chlorure de sodium... ..... .. 0,135  Sujfate de chaux ..........…. 0,062 
de calcium... ....... 0,039 Chlorure de sodium 0,056 
Silice et oxide de fer. ........ 0,024 de calcium. ........ 11101033 
Matière organique. ........... 0,010 de magnésium... 0,021 
7 Silice et oxide de fer... 0,011 
0,591 Matière OTSANIUE, us. ss. 0,010 
0,508 


CANTON DE PESSAC,. 


Le canton de Pessac contient de bonnes eaux de 
sources; il est arrosé par les ruisseaux, l'Eau Bourde 


96 


et l'Eau Blanche, et quelques autres cours d'eaux 
moins importants. 


pEssAC. — Bien que l'on rencontre aux environs de 
Pessac des sources nombreuses, le bourg ne renferme 
aucune fontaine publique; les habitants font usage 
d'eau de puits, qui, du reste, est de très-bonne qualité. 


GRADIGNAN. — Cette commune renferme plusieurs 
sources abondantes; la plus considérable est celle de 
Montjau, dont le volume est de 150 à 200 pouces fon- 
tainiers : l’eau est d'excellente qualité. 


MÉRIGNAC. — L'une des jolies communes de l'arron- 
dissement ; le sol y est graveleux, les sources abondan- 
tes, et l'eau d'une pureté remarquable. 


VILLENAVE D'ORNON. — Commune agréable et fertile, 
arrosée par plusieurs petits ruisseaux; les puits y sont 
nombreux et peu profonds, l'eau excellente. 


LÉOGNAN. — Jolie commune bien cultivée, baignée 
par le ruisseau l'Eau Blanche; elle renferme plusieurs 
sources, qui autrefois alimentaient l’un des aquedues de 
l'antique Burdigala. 


CASTRES. — Petite ville bâtie sur un tertre grave- 
leux, dominant la Garonne; il n'y a point de fontaine 
publique dans la partie haute de la ville, mais il y en 
a une près du port. 


9 

SOURCES SUPERFICIELLES 

DE PESSAC. 
Gaz acide carbonique... . 0,0140 
Air atmosphérique... .. ..... 0,0020 
0,0160 
Carbonate de chaux... 0,182 
Sulfate de chaux.............. 0,044 
Chlorure de sodium... ..... . 0,086 
de calcium......"... 0,017 
Silice et oxide de fer.......... 0,014 
Matière organique .....,,.... 0,010 
0,353 
SOURCE MONTJAUX, 
A GRADIGNAN. 

Marque 10 deg., l'air étant à 24. 
Gaz acide carbonique... 0,0135 
Air atmosphérique. .....,..... 0,0025 

0,0160 
Carbonate de chaux... . .... 0,205 
Sulfate de chaux .. .... dei 0,027 
Chlorure de sodium, . ........ 0,054 
de calcium. ...,..... 0,024 
Silice et oxide de fer.......... 0,020 
Matière organique. ........... 0,004 
0,334 

SOURCE DE MÉRIGNAC. 
Gaz acide carbonique. . 0,0115 
Air atmosphérique... ...... 0,0025 
0,0140 
Carbonate de chaux... 0052156 
Sulfate de chaux... .......... 0,047 
Chlorure de sodium.........…. 0,042 
Silice et oxide de fer .....,... 0,024 
Matière organique, ,...,...... 0,007 
0,276 


Î 
SOURCE DE VILLENAVE-D'ORNON 
Gaz acide carbonique. } quantité 
Air atmosphérique... | indéterminée. 
Carbonate de chaux. . ........ 0,192 
Sulfate"deYchaux-t. 24 ....... 01054 
Chlorure de sodium. , . 5 0,048 
Silice et oxide de fer.......... 0,016 
Matière organique............ 0,007 
0,317 
ANCIENNE SOURCE ROMAINE, 
A LÉOGNAN, 

Limpide; fraïche, agréable. 

Marque 10 degrés, l’air étant à 23. 
Gaz acide carbonique... …. 0,0130 
Air atmosphérique. . . 0,0025 

0,0155 

Carbonate de chaux. ......... 0,151 
Sultatelde chaux ...........2. 0,049 
Chlorure de sodium........... 0,074 
Silice et oxide de fer... 0,011 
Matière organique. ......,..., 0,005 
0,290 

SOURCE DU MOULIN DE VAYRES, 


A LÉOGNAN. 


Claire, limpide, sans odeur. 


Gaz acide carbonique. .…...., 0,0145 
Air atmosphérique. ......... . 0,0030 
0,0175 

Em ee 

Carbonate de chaux.........., 0,171 
SUITE AB ICNAUT: 2-2. 0. 0,052 
Chlorure de sodium. . ...,.... 0,065 
Silice et oxide de fer... 0,021 
Matière organique .. ,,....., 0,008 
0,317 


En | 


98 


FONTAINE DE CASTRES, 


PRÈS LE PORT. 


Gaz acide carbonique......,....,..... 0,0115 
Air atmosphérique. .. ... .......... 0,0015 
0,0130 

CarhONaLE MIO CEUX. est-ce 0 LUS 
SUR LE TE TCHAUX EEE career te 0,044 
Azotate de potasse..…................. 0,031 
Chlorure de sodium................. 0,078 
Silice et oxide defer.. .............e 0,017 
MATIÉTEMONBANIUUE Aer re een esitee 0,009 
0,281 


sAUCATS. — Les sources Ÿ sont nombreuses, et ce- 
pendant il n'y à aucune fontaine publique; les puits, 
peu profonds, fournissent une eau légèrement colorée. 


SOURCE DE SAUCATS. 


Limpide, fraîche, agréable, sans couleur et 
sans goût. 


Gaz acide carbonique. ........ j quantité 
Air atmosphérique, ............ \ indéterminée 
Carbonate de chaux... ..... .... . 0,178 
Sulfate de Chaux... ere 0,044 
Chlorure de sodium......,......,.... 0,056 
(UHUUNARS scévactaddone 0,012 
Silice et oxide de fer... dates ... QUIZ 
Matière OMGANIQUE.. eee. 0,014 
0,318 


CANTON DE LA TESTE, 


Ce canton forme l'extrême limite du département ; il 
borde l'Océan à l'ouest, et le département des Landes 
au sud; le sol en est sablonneux, sec et aride : quelques 
puits peu profonds fournissent aux habitants une eau 
colorée, souvent albumineuse. J1 n'y a point de fon- 


99 
taines publiques dans ce canton ; nous aurons OCCASION, 
en parlant des eaux profondes, de faire connaitre la 
nature des eaux des Landes. 


CANTON DU CARBON-BLANC. 


Ce canton, bordé par la Garonne et la Dordogne, 
est l'un des plus pittoresques et des plus fertiles de l'ar- 
rondissement; indépendamment des nombreux cours 
d'eaux qui l'arrosent , il possède de nombreuses sour- 
ces superficielles. 


FONTAINE DES LADRES. — Située à peu de distance 
du Carbon-Blane, sur le bord de la grande route de 
Paris, la source dite des Ladres alimente un lavoir 
presque en sortant du sol; l'eau qu'elle fournit est lim- 
pide, fraiche, agréable; elle était fort renommée au- 
trefois, à cause de Ja propriété qu'on lui attribuait de 
g térir la lèpre; elle est à peu près abandonnée aujour- 
d'hui, quoique d'une excellente qualité. 


FONTAINE DES LADRES. 


Gaz acide carbonique... Fc 00 D ÉOBe 0,0080 
Air atmosphérique... ............... 0,0030 
0,0110 

CArDONALE UE CRANXS. rene.» 0,192 
Sulte de ichAUx Er... FOR -0 2. 0,030 
Chlorure de sodium... ............... 0,064 
UE TAICINME SE. areecese 0,037 

de magnésium. . .......... 0,014 

Silice et oxide de fer..,.....,....,.., 0,024 
Matière organique. tes deteste 0,006 


100 


FLOIRAC. — L'une des communes les plus vastes et 
les mieux situées du canton, elle renferme plusieurs 
sources sortant du coteau, sur lequel est bàti le bourg. 

L'une des principales est celle qui se fait jour dans 
la jolie propriété de Monrepos, et qui fournit à La Bas- 
tide l'eau potable, dont elle est complétement dépour- 
vue. Floirac renferme aussi un grand nombre de puits, 
fournissant de très-bonnes eaux. 


LORMONT. — Gros bourg sur le bord de la Garonne, 
entre deux coteaux qui l'abritent du vent du nord. 
Lormont possède une fontaine fournissant de l'eau ex- 
cellente, et un grand nombre de puits. 


SOURCE DE MONREPOS, FONTAINE DE LORMONT. 

+ RES RERS Gaz acide carbonique... } quantité 
Limpidité parfaite, saveur fraiche, Air atmosphérique. ..…. | indéterminée. 
agréable, sans couleur ni odeur. Carbonate de chaux. .......... 0,145 
ate a LAS 
Gaz acide carbonique... 0,0145 CL Re AGP SNOECSOOCES “e 

Air atmosphérique. ........... 0,015 Ne SOUS sn nes ce ’ 
M a Te : de calcium... 0,028 


de magnésium.,.... 0,014 


na Silicate d’alumine. .......,... 0,016 
Carbonate de chaux.........…. 0,235 Oxide de fer et matière orga— 

de magnésie.. …. 0,013 NUNENEaBIN 00 M0 sono 0,009 

Chlorure de sodium........... 0,081 2 

de magnésium, .... 0,042 0,335 

de calcium. ......... 0,070 ETS 
Sulfate de chaux. ............. 0,035 
Silice et oxide de fer........…. 0,013 
Matière organique...  0:005 


SAINT-LOUBES. — Bäti sur un coteau qui domine la 
vallée de la Dordogne, le bourg de Saint-Loubès occupe 
lune des plus jolies positions du canton. 


tof 


I existe près du bourg, sur l'emplacement de l'an- 
cien prieuré, une source dont les eaux sont excellentes. 
On pourrait y établir à peu de frais une fontaine pu- 
blique, qui suflirait aux besoins de la population 


SOURCE DU PRIEURÉ, 


À SAINT—LOUBES, 


Gaz acide carbonique. . .............. 0,0130 
Al AtMOSPRÉTIQUE.............e see. 0,0020 
0,0150 

es 

Carbone dE CHAUX eee ere asnese 0,252 
SUIAICNTeCHAUXE, res seieemiese 0,048 
Chlorure de sodium. .......,.......…. 0,062 
deCaldium..-. d--treeheeee 0,044 

de magnésium... ....... 0,032 
AzntatelÜe ChANX. 2-2. --reeeeste | e 
dORMAPNÉSIE.--seteeeee-e (01045 
Silice-et oxide de fer .............. .. 0,016 
Matière organique... ...... ....,....... 0,006 
0,505 


CENON LA BASTIDE. — Le bourg de La Bastide, situé 
dans la plaine, est complétement dépourvu d'eaux po 
tables; c'est, comme nous l'avons dit, au pied du co- 
teau de Monrepos, que jaillit la source qui alimente les 
bornes-fontaines qu'on y à récemment établies. Le co- 
teau de Cenon, comme celui de Floirac, renferme des 
sources abondantes qui se font jour sur plusieurs points. 
La fontaine Delbos, sur la grand'route de Bordeaux 
à Paris; la source de M. Faure-Laubarède, sur le ver- 
sant opposé , et celle de M. Firmin Dussaut, au centre 
du coteau, fournissent toutes des eaux fort bonnes, 


FONTAINE DELBOS. 


Gaz acide carbonique. j quantité 
Air atmosphérique. .. | indéterminée, 
Carbonate de chaux......... AO 162 
de magnésie.. ..... 0,018 
Sulfate de chaux... ......... 0,032 
Chlorure de sodium.......... 0,09% 
de magnésium... .... 0,018 
de calcium... ........ 0,012 
Silice et oxide de fer. ..... .. 0,021 
Matière organique, . ........ . 0,006 
0,363 


SOURCE FAURE- 


Gaz acide carbonique 
Air atmosphérique. . 
Carbonate de chaux... 

de magnésie 


Sullate de chaux... 


Chlorure de sodium. .…. 
de magnésium. 
de calcium, 

Silice et oxide de fer. .. 

Matière organique 


ons. 


2 


SOURCE FIRMIN DUSSAUD. 


Gaz acide carbonique... } quantité 
Air atmosphérique. ..…. | indéterminée. 
Carbonate de chaux. ......... 0,148 
‘ de magnésié. ...... 0,012 
SUITE AC CDAUX- eee OU ON 
Chlorure de sodium... ....... 0,036 
de magnésium. ..... 0,022 
AeNCAICIIMER nee 0,018 
Silice ét oxide de fer.......... 0,018 
Matière organique..........,.. 0,004 
0,295 
LAUBARÉDE. 
Ps re | quantité 
...….. Vindéterminée. 
PAR DELA 0,167 
AOC LE DA 0,013 
does Tee 0,030 
PE OU CLIEE 0,038 
OP AUS 0,021 
des RME 0,018 
de 0,022 
A .  (0*002 
0,311 


CANTON DE CRÉON, 


Ce canton, très-étendu, embrasse une grande par- 


tie de l'Entre-deux-Mers; 


il est traversé par plu- 


SIeUTS l'UISSEAUX, mais ne possède aucune source r'e- 


marquable,. 


La petite ville de Créon ne fait usage que d'eau de 


puits. 


CARIGNAN. — Plus favorisé que Créon, Carignan 


renferme des sources nombreuses et d'excellentes eaux, 


103 


Les résultats oi-dessous consignés font connaitre la 
qualité de la nappe d'eau qui alimente cette contrée. 


FONTAINE DE BELLEFOND, 
A CARIGNAN. 


Limpide, fraiche, agréable; du volume de 
3 pouces fontainiers. 


Gaz acide carbonique... ............ 0,0150 
Ai atmosphérique ....... 1... 0,0020 
0,0170 

Te 

Carbonaletde ChIUX. 2er 0,392 
SUITE AR TOR A eee 0,028 
Chlorure de sodium...... ...., ..... 0,042 
DENCAICI A rec eee 0,026 

de magnésium... .....,. 0,037 
Silice-eL'oxide ‘de fer......... 2. 0,018 
MAtibl@ OESARIQUEE .. 2: sense 0,003 
0,546 

CSPSDETINNE EEE 


CANTON DE PODENSAC. 


Ce canton, sur la rive gauche de la Garonne, est 
traversé par le Ciron et par plusieurs de ses petits af- 
fluents ; le sol de cette localité est siliceux. 

Podensac, chef-lieu du canton, renferme quelques 
bonnes sources, ainsi que le démontre l'analyse que 
nous avons faite de l'eau fournie par Fune d'elles. 


Lars. — Le bourg d'Hlats possède une source qui 
suffit amplement aux besoins de la population, et al 
mente un fort joli lavoir nouvellement construit. 

I y existe aussi un grand nombre de puits, dont 
l'eau est presque aussi pure que celle de la fontaine, 


104 


Bupos. — Remarquable par son ancien château sei- 
gneurial et la fontaine qui l'avoisine. Les eaux de cette 
fontaine suflisent pour faire marcher deux moulins ; 
elles sont aussi pures qu'abondantes, ce qui à valu à 
la source le nom de Font-Bonne. 


PORTETS. — Le bourg de Portets, situé sur le bord 
de la Garonne, possède une fontaine excellente, dont 
les eaux arrivent d’un coteau voisin. Cette source, plus 
que suflisante pour les besoins de la population, est du 
volume de trois pouces fontainiers environ. 


SOURCE DE PODENSAC. FONTAINE D'ILLATS. 

Gaz acide carbonique. | … quantité Limpidité parfaite, saveur fraîche et 

Air atmosphérique... . |indéterminée. agréable. Volume, 5 à 6 pouces fon— 
Carbonate de chaux....,..... 0,137 tainiers. 

Se re Ds ee Gaz acide carbonique. ........ 0,0160 

ilorure de s hic 0, UD pi musee 

de TES 0 012 Air atmosphérique. ....…. .…. 0,0025 

Azotate de chaux. ............ 0,016 En 0,0185 

Silice et oxide de fer.......... 0,015 SEEN 

Matière organique. 0.003 Carbonate de chaux... ...... 0,192 

RC ifate de CHAUXe 0 0,038 

0,259 Chlorure de sodium.........…. 0,042 

————  Silice et oxide de fer... . 0,016 

FONT-BONNE, Matière organique..........…. 0,004 

À BUDOS. 0,292 

EE 


Limpide, fraiche, agréable au goût. 
FONTAINE DE PORTETS, 


Gaz acide carbonique... 0,0145 
Air atmosphérique .......,.., 0,0020  Gazacide carbonique... | quantité 
Air atmosphérique... . | indéterminée. 
0,0165  Carhonate de chaux... 0,213 
Carbonate de chaux... 0,195 Sulfate de chaux. ............. 0,027 
Sulfate de chaux. ........... 0,062 SRE TEMPS Per COAOIRS 
Chlorure de sodium. ......… 0,044 eue de sons: Kobd ÉIpal 
UE . 0.013 : ilice et oxide Üe JET: secs 0,011 
Silice et oxide de fer... 0,016 AP PSPAANNEERSe Peu, 
Matière organique............ 0,002 0,304 
0,332 


105 


CANTON DE CADILLAC. 


Ce canton, situé sur la rive droite de la Garonne, 
est l'un des plus productifs de l'arrondissement ; il est 
sillonné par de petits cours d'eaux qui rafraichissent 
le sol et fournissent l'eau nécessaire aux besoins 
agricoles. 


CADILLAC. — L'eau des puits de Cadillac est lourde , 
séléniteuse, malsaine; mais cette petite ville possède 
une fontaine publique alimentée par l'eau de l'Euille, 
qui est d'excellente qualité. 


LANGOIRAN. — Joli bourg bàti sur un coteau qui do- 
mine la Garonne; les eaux y sont abondantes. 


FONTAINE DE CADILLAC. SOURCE DE LANGOIRAN. 
Gaz acide carbonique. ........ 0,0110 Gaz acide carbonique. .} quantité 
Air atmosphérique. .......,... 0,0030 Air atmosphérique. …, \indéterminée. 

70,0140 Carbonate de chaux. .......... 0,178 
— Sulfate de chaux..........,... 0,048 
Carbonate de chaux... ...... 0,157 Chlorure de sodium.......... 0,054 
Sulfate de chaux ............. 0,052  Silice et oxide de fer... ..... 0,017 
Chlorure de Sodium. ....,,..... 0,033 Matière organique... ........ 0,007 
Azotate de chaux... ......... 0,019 Le 
Silice et oxide de fer... 0,010 pa 0:304 
Matière organique... idodec 0,007 
0,278 


CANTON DE SAINT-ANDRÉ-DE=-CUBZACe 


Ce canton est bordé par la Dordogne sur une assez 
grande étendue; il est arrosé par la Virvée et plusieurs 
de ses affluents. 


106 

SAINT-ANDRÉ. — Le bourg de Saint-André, bati sur 
un plateau qui domine toute la rive droite de la Dor- 
dogne, ne renferme aucune source remarquable; la 
fontaine qui fournit Feau nécessaire aux besoins de la 
population, est évidemment alimentée par la même 
nappe d'eau que les puits; elle est d'ailleurs d'une bonne 
qualité. 

À quelque distance du bourg de Saint-André existe 
une fontaine abondante, renommée par la pureté et la 
bonté de ses eaux. L'eau de cette fontaine, dite font de 
Boudeau, est limpide, fraiche, agréable ; elle alimente 
un lavoir. 


FONTAINE L FONT BOUDEAU. 


DE SAINT—ANDRÉ—DE—CUBZAC, : : e # 
Gaz acide carbonique. ......., 0,0135 


en, FESSES = 
Gaz acide carbonique, . } quantité RE ECS VOReS 
Air atmosphérique. …. |indéterminée . = 
Carbovate de chaux... 0,302 0,0155 
Sulfate de chaux 0,104 
f Les M pt Sd g Carbonate de chaux... 0,134 
Azotale de potasse.….......…. 0,051 , 
Re x É Sulfate de chaux . ....... .., 0,032 
Cblorure de sodium... ..... 0,070 x : 
3 a CNIOTUTO UC SOUUM, ..<.-..... 0,037 
decalcinm. 1... 0,047 3 ee 
_. ” à Silice et oxide de fur......... 0,016 
Silice et oxide de fer. ......…, 0,014 He area nique 0 009 
Matiere organique, ......,.... 0,010 ‘ PSE éof di ti), 
& 0,228 
0,598 


107 


6e ARRONDISSEMENT. 
Lesparre. 


Si l'arrondissement de Lesparre est remarquable par 
la bonté des vins qu'on y récolte, il est bien mal doté 
sous le rapport des eaux. 

Baigné par la mer sur une grande étendue, une par 
tie de sa basse plaine disparait presque complétement 
pendant l'hiver, sous de nombreux marais, résultat du 
séjour des eaux pluviales et des eaux saumatres de 
la Gironde sur un sol peu perméable. Ces eaux crou- 
pissent pendant l'été, et répandent au loin des miasmes 
putrides, souvent pestilentiels. 

C'est dans ces localités surtout, dépourvues de bon- 
nes eaux potables, qu'il conviendrait d'établir des fon- 
taines publiques d'eau dépurée au charbon, où les ha- 
bitants pourraient, à peu de frais, trouver une boisson 
salubre, non-seulement pour eux, mais encore pour 
leurs bestiaux. 

Les sources y sont rares, peu abondantes, et con- 
tiennent presque toutes de la matière organique en 
forte quantité. 

En général, la population du 6° arrondissement 
ne fait usage que d'eau de puits; l'eau des sources 
isolées que renferment quelques belles propriétés est de 
même nature, et parait appartenir à la même nappe. 
Le beau domaine de Chàteau-Laflitte, si renommé par 
la linesse, le velouté et la supériorité de son vin, ren- 


108 


ferme de très-bonnes eaux, que nous prendrons pour 
type des petites sources superficielles qui se font Jour 
sur plusieurs points de l'arrondissement. 


SOURCES SUPERFICIELLES DE CHATEAU-LAFITTE, 


SOURCE PRÈS LE CUVIER. SOURCE DU JARDIN. 
Limpide, parfaite, saveur agréable. Limpide, fraiche, agréable. 


ps ’air à à OC 
Marque 10 deg, l'air étant à 22. Gaz acide carbonique... } quantité 


Gaz acide carbonique... } quantité Air atmosphérique... \ indéterminée, 
Air atmosphérique... \indéterminée, Carbonate de chaux... 0,325 
Carbonate de chaux. ......... 0,182  Sulfate dechaux............... 0,027 
Sulfate de chaux......... .... - 0,018 Chlorure de sodium, ......... 0,064 
Chlorure de sodium. ...... ... 0,084  Silice et oxide de fer... 0,021 
Silice et oxide de fer......... 0,017 Matière organique. ........... 0,015 
Matière organique... .. 0,010 = 
— — 0,452 

0,311 CT 


EAUX MINÉRALES FERRUGINEUSESe 


Le département de la Gironde ne renferme aucune 
source d'eau thermale, mais il possède quelques Eaux 
ferrugineuses froides, dont les plus remarquables sont 
celles de Bernos, de Saucats et de Belloc. 

Ces eaux, d'une saveur styptique très-prononcée au 
moment où elles sortent du sol, perdent bientôt et leur 
saveur et leur propriété médicale, quelques précau- 
tions que lon prenne pour la leur conserver. 

L'eau ferrugineuse de Bernos, l'une des plus char- 
gées et des plus abondantes du département, conserve 
à peine vingt-quatre heures quelques traces de fer en 


109 


solution ; ce métal y est combiné à l'acide crénique, dont 
la force de saturation est si faible, que l'action de Fair 
et même celle de la lumière, suflisent pour la détruire. 
Le fer se suroxide aux dépens de l'oxigène que ces 
eaux contiennent, et se dépose sous forme de flocons 
légers, de couleur ocracée; l'eau à alors complétement 
perdu sa saveur première. 

Les médecins ne peuvent donc attendre de bons ef- 
fets des eaux ferrugineuses du département, qu'en en- 
gageant leurs malades à aller les boire à la source 
même : sous tous les rapports, celles de Bernos, 
en raison de la situation agréable de la source, de 
leur abondance et de leur qualité, méritent la préfé- 
rence. 


Source de Bernos, canton de Saint-Vivien. — 
À quelque distance de Saint-Vivien, dans la propriété 
de Bernos, sur un petit plateau garni d'arbres touffus, 
sort en bouillonnant d'un sol sablonneux une source 
abondante, maintenue dans un bassin carré de quatre 
mètres environ. 

Cette eau, d’une saveur ferrugineuse très-pronon- 
cée, laisse sur son parcours un dépôt rougeàtre abon- 
dant, puis elle perd sa saveur et va serpenter dans 
une prairie peu éloignée. 

Elle est peu connue; les habitants de la localité ne 
paraissent pas même comprendre que cette eau ait une 
vertu médicale : sa température, au sortir de la source, 
est de 13 degrés, l'air étant à 24. 


110 
Source de Saucals, canton de Castres. — Cette 
eau, assez abondante, perd en très-peu de temps, 
comme la précédente, sa saveur atramentaire, el dé- 
pose également, dans une assez grande étendue, la 
matière rougeàtre dont nous avons fait mention. 


Source de Belloc, canton de Bazas. — Transpa- 
rente à sa source, elle se trouble à l'air et dépose, 
comme les précédentes, un sédiment ocracé, qui gar- 
nit une partie du bassin où elle est recue; sa sa- 
veur, très-prononcée d'abord, diminue promptement , 
et quelques heures d'exposition à l'air suffisent pour la 
lui faire perdre complétement. 


Source du Credo, près Villandrault. — À peu de 
distance du pont de Villandrault, jaillit une source fer- 
rügineuse, connue dans la localité sous le nom de 
Source du Credo. La saveur atramentaire de ses eaux 
et les bons effets qu'en ont obtenu bon nombre de per- 
sonnes, lui ont valu une certaine réputation. Elle offre 
les mêmes caractères physiques que les précédentes. 


Source de Monrepos, près Bordeaux. — Elle 
jullit du coteau boisé du Cypressat, est peu abon- 
dante, et présente les mêmes caractères que celles 
que nous venons de mentionner. Ilexiste dans le dé- 
partement un grand nombre d'autres sources ferru- 
gineuses aussi abondantes que celle-ci, et de même 


nature, 


ul 


SOURCE DE BELLOC, 
Gaz acide carbonique......... 0,0110 
Air atmosphérique. ........... 0,0020 
0,0130 
Carbonate de chaux. . ...... 0,182 
de fer... 5 0,016 
Sulfate de chaux... ........... 0,069 
Chlorure de sodium...... 0,027 
Crénale de (en.:.....5... «2e 0,026 
Silice et matière organique . 0,011 
0,331 


SOURCE DU CREDO. 


Gaz acide carbonique .. } quantité 
Air atmosphérique... | indéterminée. 
Carbonate de chaux. :........ 0,137 
HONTE me meme due 0,012 
Sulfate de chaux .......... .. 0,014 
Chlorure de sodium... ...... 0,033 
Crénate de fer... stats 0,018 
Silice et matière organique... 0,016 
0,230 


SOURCE DE SAUCATS. 


Gaz acide carbonique. ........ 0,0100 
Air atmosphérique... . 0,0020 
0,0120 

CSG LA 

Carbonate de chaux.........… 0,217 
UC: fente die 0,012 
SUNACTTEC HAN Reese 0,058 
Chlorure de sodium. .......... 0,047 
CRÉNAETACATEREENNN Sen en. 0,032 
Silice et matière organique... 0,012 
0,378 


SOURCE DE MONREPOS. 


Gaz acide carbonique... | quantité 
Air atmosphérique. ..…. | indéterminée. 
Carbonate de chaux... 0,210 
(ON bb 0000 sous 0,018 
Chlorure de sodium........... 0,055 
de magnésie. ..... .. 0,017 
Sulfaterdechaux.s..t........ 0,021 
Crénaterdemfenen.crnee---eccee 0,020 


SOURCE DE BERNOS 


Gaz acide carbonique. .............. 9,0105 
Air atmosphérique, .,..,,,..,.,,, 0,0015 
0,0120 

Garbonatelde chaux... 0,171 
de fer... Si css ct 0,019 

SULITA LE AG CHAUX re mdrssecesecesere 0,032 
Chlorure de SOdium.. ses, 0,042 
Grénate de (CL ere ere eeee 0,038 
Silice et matière organique, ….... 0,0 
0,313 


, “ . s “ n 
Je n'ai reconsu aucune trace d’arsenie ni de manganèse, soit dans le dépôt 
ocracé, soit dans le résidu de l’évaporation de ces eaux, 


112 

Eau sulfureuse de Recaire.— Cette source assez 
abondante, située à quelques kilomètres de Bazas, jouit 
d'une certaine réputation dans la localité; elle a une 
odeur sulfureuse très-prononcée en sortant de la source, 
mais qui disparait promptement à l'air; sa température 
est de 12 degrés, l'air étant à 22; elle mousse légère- 
ment par l'agitation, comme si elle contenait un mu- 
cilage; sa saveur est sulfureuse; elle noircit les sels de 
plomb : ces derniers caractères ne sont appréciables que 
pendant peu d'instants. 


EAU SULFUREUSE DE RECAIRE. 


Gaz acide carbonique.........., ..... 0,0135 
Air atmosphérique......... dandononoc 0,0015 

0,0150 
Carbonate de Chaux... sseereecee 0,195 
Sulfate TE CRhANXS Se: cree 0) US 
Chlorure’de sodium... ............... 0,067 
Silice et oxide de fer............. 0,916 
Matière organique albumineuse....... 0,004 


Acide hydro—sulfurique, des traces. 


113 


Eaux courantes profondes. 


V. — PUITS. 


L'eau de puits est généralement employée à la bois- 
son et aux usages domestiques par les populations ru- 
rales, qui se préoceupent beauconp plus, en les faisant 
creuser, de la proximité, que de la nature de l'eau. 

Les puits sont donc des excavations ordinairement 
circulaires, plus où moins profondes, revêtues de ma 
connerie, dans lesquelles les eaux souterraines vien- 
nent se réunir. Ces eaux, fournies par des nappes pro- 
fondes, proviennent d'infiltration; leur nature varie à 
l'infini, suivant la composition chimique des couches 
qu'elles traversent ou des terrains qu'elles parcourent : 
généralement , les eaux profondes sont beaucoup plus 
chargées de sels minéraux que les eaux superficielles, 
mais elles contiennent moins de matière organique. On 
conçoit, en effet, qu'en traversant les couches argilo- 
calcaires du sol, elles se dépouillent de celle-ci et se 
chargent de ceux-là, double effet d'autant plus sensible 
que les couches ont plus d'épaisseur, ou, ce qui re- 
vient au même, que les puits sont plus profonds. 

Nous allons suivre, pour indiquer la nature des eaux 
des puits du département , la marche que nous nous som- 
mes tracée pour les eaux de sources, c'est-à-dire par- 
courir successivement les arrondissements, les cantons 
el les communes principales. 


14 


4er ARRONDISSEMENT. 


BLAYE . 


Eau Limpide, saveur fraîche, agréa - 
ble. 

Marque 10 deg. ‘/, ,l'air étant à 22. 
Profondeur, 12 à 14 mètres. 


Gaz acide carbonique... ..... 0,0200 
Air atmosphérique............ 0,0020 
0,0220 

Carbonate de chaux... . 0,187 
Sulfate de chaux........... 0,081 
Chlorure de sodium........... 0,052 
Silicate d’alumine............. 0,025 
Ozide’de’fer...... 0,005 
Matière organique... ..,..... 0,002 
0,352 

BOURG. 


PUITS PURLIC DU DISTRICT. 
Eau Limpide, saveur fade, terreuse, 
Marque 9 degrés 1 l'air étant à 
22, Profondeur, 17 à 18 mètres. 


Gaz acide carbonique......... 0,0200 
Air atmosphérique............ 0,0015 
0,0215 

Carbonate de chaux........…. 0,409 
Sulfate de chaux ............. 0,215 
de magnésie. .…. .. 0,012 
Chlorure de sodium. ......... 0,090 
dercalcium: 5"... 0,127 

de magnésium. ..... 0,069 

Silice et oxide de fer... .,.... 0,032 
Matière organique...,.....,... 0,004 
0,958 


COMPS,. 
Eau limpide, saveur fade. 
Marque 10 degrés ‘/,, l'air étant à 
22. Profondeur, 12 à 15 mètres. 


Gaz acide carbonique... 0,0200 
Air atmosphérique. .....,.,... 0,0020 
0,0220 
Carbonate de chaux........ 0,576 
Sulfate de .chaux........... 0,078 
Chlorure de sodium. ....... 0,036 
AL CAICINMS 0-22 0,072 
Silice et oxide de fer ........ 0,019 
Matière organique... ......... . 0,003 
0,784 

GAURIAC. 


Eau limpide, saveur fade, terreusé. 

Marque 10 degrés, l'air étant à 22. 
Profondeur, 14 à 16 mètres jusqu’à la 
nappe d’eau. 


Gaz acide carbonique... 0,0200 
Air atmosphérique... . ..... 0,0020 
0,0220 

Carbonate de chaux. ....,..... 0,584 
Sulfate de chaux.............. 0,097 
Chlorure de sodium........... 0,105 
de CalCInM.......:.. 0,065 

Silicate d’alumine........ .... 0,017 
Oxide de fer... Re 0,006 
Matière organique . ...,..... 0,004 
0,878 

een 


! Quand le puits n’est pas nommé, où sa position précisée, c’est que tous les 
puits de la localité fournissent des eaux de même nature, 


115 


BAYON. 


Limpidité parfaite, saveur fade. 
Marque 10 degrés ‘/,, l'air étant à 
23. Profondeur, 12 à 15 mètres. 


SAINT-AUBIN. 


Limpide, fraiche, agréable, 
Marque 11 degrés, l'air étant à 24. 
Profondeur, 12 à 14 mètres, 


Gaz acide carbonique... . 0,0190 Gaz acide carbonique... . 0,0170 
Air atmosphérique... ......., 0,0020 Air atmosphérique... ..,... 0,0020 
0 0210 0,0190 
Carbonate de chaux........... 0,325 Carbonate de chaux....... 0,166 
Sulfate! de chaux........,.1... 0,165 Sulfate de chaux::.5:2. 000. 0,071 
Chlorure de sodium... .... 0,096 Chlorure de sodium .......... 0,063 
de calcium... ....., 0,014  Silice et oxide de fer... 0,017 
Silieate d'alumine.. ,......... 0,022 Matière organique... ..…. . 0,003 
(BEI CPI CS TASER PERTE 0,007 SE LUE 
Matière organique, ..... 0,005 0,320 
ons 6 

0,634 

SAINT=CIERS-LALANDE, 


PUITS VINCENT, 
A L'EXTRÉMITÉ DU BOURG, 
où viennent se pourvoir les habitants 
du marais, 


Limpidité parfaite, saveur fraiche, 
agréable. 
Marque 10 deg, , l'air étant à 23, 


Profond., 10 m. 
Gaz acide carbonique ........ 0,0130 
Air atmosphérique. ........... 0,0015 
0,0115 
Carbonate de chaux... ........ 0,145 
Sulfate de chaux. .......,..., 0,067 
Chlorure de sodium... ..... 0,055 
He CAIGIUM ee 0,026 
Silice et oxide de fer... 0,016 
Matière organique. .…..,........ 0,006 
0,315 


PUITS JOLY, 
AU CENTRE, 


Limpide, fraîche, agréable. 
Marque 10 deg., l'air étant à 23. 
Prof. 12 à 14 m. 


Gaz acide carbonique... 0,0125 
Air atmosphérique. ..,...., 0,0015 
0,0140 

Carbonate de chaux... 0157 
Sulfate de chaux... ......... 0,076 
AETSONTP rec 0,012 
Chlorure de sodium, .......,.. 0,064 
Silicate d’alumine. ........…. 0 OS 
OUXIUE TENTE eee. 1 10 008 
Matière organique... . 0,004 


116 


PUITS CAZENAVE, 
A L'ENTRÉE DU BOURG. 


Limpide, saveur fraiche et agréable. 
Marque 10 deg., l'air étant à 23. 
Profondeur, 11 m. 


Gaz acide carbonique... ..... 0,0135 
Air atmosphérique........... 0,0020 
0,0155 

ne 

Carbonate de chaux......,.... 0,135 
Sulfate de ChAUX. « ....ssseses 0,043 
Chlorure de sodium...... ess 0) OA 
Silicate d'alumine........... 0,022 
Oxide de fer, .........e.sere 0,006 
Matière organique... ......... 0,005 
0,285 

ES 


SAINT-SAVIN, 


Eau limpide, saveur terreuse. 
Marque 11 deg., l'air étant à 23. 
Profond., 8 à 9 m. 


Gaz acide carbonique. ....... 0,0185 
Air atmosphérique. .. ........ 0,0015 
0,0200 

Carbonate de chaux.......... 0,362 
Sulfate de chaux... ..... 0,193 
Chlorure de sodium .......... 0,117 
de calcium.......... 0,065 

Silicate d'alumine............. 0,016 
Oxide de fer. .. . ... .... 0,004 
Matière organique......., 2000003 
0,760 


ÉTAULIERS. 


Eau limpide, saveur fade. 
Marque 12 deg., l'air étant à 29. 
Profondeur, 6 m. 


Gaz acide carbonique......... 0,0190 
Air atmosphérique. ........... 0,0020 
0,0210 

Carbonate de chaux......... 0,415 
Sulfate de chaux. .... ........ 0,132 
Chlorure de sodium...... .... 0,104 
de calcium... ....... 0,055 

de magnésium. ..., 0,037 

Silicate d’alumine........ 0,018 
Oxide/deifer....-..:-sartins 0,006 
Matière organique ...,.,,...., 0,005 
0,772 

nl 


CAVIGNAC *. 
PUITS PUBLIC. 
Limpide, saveur désagréable. 
Marque 11 deg, , l'air étant à 23. 
Profondeur, 8 m. 


Gaz acide carbonique... .. 0,0170 
Air atmosphérique. ......... 0,0020 
0,0190 

Carbonate de chaux... 0,475 
Sulfate de chaux......... ,... 0,127 
de magnésie.…........ 0,032 
Chlorure de sodium........... 0,138 
de calcium ........ . 0,067 

de magnésium... . 0,024 

Azotate de chaux............…. 0,082 
Silice et oxide de fer......... 0,016 
Matière organique... ... .. 0,014 
0,975 


‘ L'eau du puits public de Cavignac est bien inférieure en qualité à celle des 
puits particuliers qui l’avoisinent. Celle-ci, en effet, ne contient pas plus de 
0,487 de sels de toutes natures, J’attribue cette différence aux corps étrangers 
que les enfants y jettent, et à la poussière que sa proximité de la grand'route 
permet au vent d'y apporter. Ce puits. fournissant de l'eau à la population pauvre 
du bourg, celle qui mérite le plus de sympathie, il serait urgent que l'autorité 
municipale le fit recurer et recouvrir d’une portière à châssis, qui le préservât 
du double inconvénient que nous venons de signaler, 


11 


et 


1 


2e ARRONDISSEMENT. 


Libourne. 


Les puits sont nombreux, de profondeur moyenne, 


l'eau à peu près identique. 


PUITS 
DE L'HÔTEL DU GRAND ORIENT. 
Limpide, fraiche, agréable. 
Marque 10 deg. ‘/,., l'air étant à 
22. Profoud., 8 m. 


Gaz acide carbonique... À 
Air atmosphérique......... do 


0,0180 
0,0020 


0,0200 
a 


Carbonate de chaux........... 0,185 
Sulfate de chaux. ............ 0,095 
Chlorure de sodium...…... .. 0,072 
de calcium......... 0,084 
Azotate de chaux............ 0,062 
Silice et oxide de fer...., ... 0,021 
Matière organique un peu ani- 
DIARGE vbs sas sos AURA 00007 
0,526 


La proximité des écuries n’est pro— 
bablement pas étrangère à la présence 
de l’ammoniaque dans l’eau de ce puits. 


PUITS 
DE LA PLACE D'ARMES. 
Limpidité parfaite, saveur agréable. 
Marque 11 deg., l'air étant à 22. 
Profondeur, 10 m. 


Gaz acide carbonique. ........ 0,0175 
Air atmosphérique. .....,..... 0,0020 
0,0195 
Carbonate de chaux... ,....…, 0,215 
Sulfate de chaux........ BE 0,097 
Chlorure de sodium ....... . 0,088 
Azotate de chaux... 0,075 
Silice et oxide de fer... . 0,017 
Matière organique un peu ani- 
MANISÉC Se ---h-tets aNO ee DL 0,008 
0,500 


Cette eau a beaucoup d’analogie avec 
celle de l'hôtel du Grand Orient. 


PUITS 


DES ENVIRONS DE LA HALLE. 
Limpide, agréable. 
Marque 11 deg. , l'air étant à 22. 


Profondeur, 11 m. 


Gaz acide carbonique......….. .. 0,0170 
Air atmosphérique... scodoee 0,0015 
0,0185 

Carbonate de chaux........... 0,235 
Sulfate de chaux. ..… 6,068 
: Chlorure de sodium........... 0,096 
de calcium. ......... 0,036 

Axotate de chaux... 0,954 
SINCO EL OXITE AE ETS. tee 0,022 
Matière organique... .AU0 007 
0,0518 


118 
CANTON DE BRANNES. 
Les puits sont assez profonds; l'eau repose sur un sol 


calcaire, dont elle se sature; elle grumèle abondam- 
ment le savon, euit mal les légumes. 


BRANNES. BARON. 
Marque 10 deg., l'air étant à 22. Marque 10 deg., l'air étant à 22, 
Profondeur, 11 m. Profondeur, 12 m.r 
Saveur fade, terreuse. Saveur terreuse plus prononcée. 

Gaz acide carbanique......... 0,0170 Gaz acide carbonique... 0,0165 
Air atmosphérique ...... ..., 0,0020 Air atmosphérique. ......… .,: 0,0015 
0,0190 0,0180 
Ro mtee e 0,505 Carbonate de chaux..........…. 0,365 
Sulfate de chaux... . 0,247 GEmapneste seras DHDAT 
Sulfate de chaux......... .…. . 0,183 
Azatate de‘chaux............. | 0,065 Le 99 
dé magnésie,. ...... de ca" SERRES 0,022 
Chlorure de sodium... 0,047 ARGUS Fe hi Le Au 5 0,082 

de calcium. ......... 0,073 BADAGDÉSIENT = 
de magnésium. . .…. 0,026 Chlorure de sodium ru CHA Et «0,1 13 
Silice et oxide de fer... . 0,018 ss ralclom ut ct A 

Matière organique... 0,0 AB Dee: 25: ASUS 
ne es 9009. Silice et oxide de fer.. ....... 0,014 
0.0990 Matière organique, ......,.... 0,007 
0,0959 

ESPIET. 


Marque 10 deg. Profondeur, 9 mètres. 
Saveur fraiche , agréable. 


Gaz acide carbonique. . .............. 0,0130 
Air atmosphérique. ..... ss 0,0020 
0,0150 

Garbonate de Chaux... ........:.,... 0,392 
Sulfate de chaux... PACA dB 0 0,102 
A7otateide potasse..:........ #0 0,056 
Chlorure de sodium.......,.......,.., 0,067 
dercalcium. 0, 0,024 

de magnésium... ..........1 0,018 

Silice etroxide de fer... Le, 0,014 
Matièrelorganique......... nue 0,004 
0,677 


1 


19 


CASTILLON, 


PUITS 
DE LA PLACE. 


Saveur désagréable, terreuse. 


Gaz acice carbonique. ........ 0,0190 

Air atmosphérique... ....... 0,0020 

0,0210 

Carbonate de chaux..........… 0,402 

Sulfate de chaux... ......... 0,502 
Azotate de chaux............ | 

de magnésie ...,.... | 0,105 

Chlorure de sodium. .,....... + 0,187 

de calcium... ........ 0,023 

de magnésium,. 0,019 

Silicate d’alumine.. .......... 0,021 

OXITE TE ER er -ssessce 100,006 

Matière organique, . ........ 0008 

1,273 

SAINT 


Point de fontaine p 


PUITS 


DE L'HOTEL DES DILIGENCES 


Marque 10 degrés, l'air étant à 22. 
Profondeur, 9 mètres. 


Gaz acide carboniqne.......... 0,0170 
Air atmosphérique... ... ..... 0,0015 
0,0185 
Carbonate de chaux. ....,.... 0,465 
Sulfate/de chaux... .......... 0,474 
Azotate de chaux.. ....., …, [l : 
de magnésie ....,,... \ 0,092 
Chlorure de sodium.......... 0,260 
de calcium......... . 0,041 
de magnésium. . .... 0,026 
Silice et oxide de fer.......... 0,022 
Matière organique.........,... 0,008 
1,388 

E-TERRE. 


ublique. Puits nombreux 


assez profonds, 11 mètres. 


Eau limpide, mais 


lourde et séléniteuse. 


Gaz acide carbonique.........,,,..... 0,0165 

Air atmosphérique... .. nee 0,0015 

0,0180 

Carbonate de chaux... ........... onde (set 

Sulfate de chaux. ....... OUR 0,414 
AZO(ALEICAICAITE mes ecran Î 

2 

desmagnésies....,...1...1. | 0,082 

Chlorure de sodium, . ......,......... 0,103 

DETCAICIUMe Re terre 0,044 

Silice et oxide de fer................…. 0,016 

MAtEreOTE NIUE ES enr ees 0,006 

0,972 


120 


CANTON DE COUTRAS. 


Puits du Château. — M ne reste plus du château 
célèbre qu'habitèrent pendant longtemps Catherine de 
Médicis, Marguerite sa fille, et Henri IV, qu'un joli 
puits de forme hexagone, d'un n.être de côté, recouvert 
d'une petite lanterne couronnée d'une calotte à écailles , 
sur laquelle repose un dauphin; le tout soutenu par 
six colonnettes, s'appuyant elles-mêmes sur des vases 
de diverses formes qui leur servent de socle. À six mè- 
tres de profondeur, il se rétrécit brusquement, et atteint 
ainsi le niveau de la nappe d'eau, à onze ou douze 
mètres au-dessous du sol. 

Ïl contient en toute saison trois à quatre mètres d’eru 
fraiche et limpide, d'une saveur agréable, marquant 
10 degrés, l'air étant à 22. 


PUITS PUITS D'ABZAC. 
DU CHATEAU DE COUTRAS. 
; Gaz acide carbonique... 0,0180 
Gaz acide carbonique. ….… 0,0175 Air atmosphérique. ........... 0,0020 
Air atmosphérique .,..., .... 0,0020 RAT 
Sr a PR 0,0200 
0,0195 
Carbonate de chaux. . ...... 0,138 
Carbonate de chaux... .... 0,071  Sulfate de chaux... ........... 0,085 
Sulfate de chaux . ….... … 0,029 Chlorure de sodium........…. 0,042 
Azotate de polasse.... ....... 0,027 és de calcium FORSENNCE 0,021 
Chlorure de sodium .......... 0,034 Silice et oxide de fer... ... 0,018 
Silice et oxide de fer.,......, 0,012 Matière organique .…........ - 0,010 
Matière organique. …... ..... 0,002 
ère organique AU 0,314 


Cette eau est la plus pure de toutes 
les eaux de puits da département. 


121 


GUITRES. 


Puits nombreux. Prof , 13 à 14 m. 
Eau limpide , saveur fade et terreuse. 
Marque 9 deg. ‘/., l'air étant à 22. 


Gaz acide carbonique... | quantité 
Air atmosphérique. .…. | indéterminée . 
Carbonate de chaux.,......... 0,510 
Sulfate de Chaux... ............ 0,215 
Azotate de potasse........... 0,057 
Chlorure de sodium... ........ 0,064 
de calcium.. ........ 0,030 

Silicate d’alumine. .... .. ... | 
02 
DRE UE EL: 2e e-cccceccnes | DES 
Matière organique. ........... 0,008 
0,910 
CE 
MARANCIN. 


Puits nombreux. Prof , 12 à 14m. 
Eau lourde et séléniteuse. 
Marque 9 deg., ‘/, l'air étant à 22. 


Gaz acide carbonique. ........ 0,0175 Gaz acide carbonique. ..…..... 0,0160 
Air atmosphérique... ...... 0,0015 Air atmosphérique... 0,0020 
0,0190 0,0180 
ee 
Carbonate de chaux... .. 0,413  Carbonate de chaux, .. ...... 0,168 
Sulfate de chaux... ,......... 0,285 Sulfate de chaux ............. 0,102 
Azotate de potasse. ........... 0,082 Azotate de potasse........... 0,057 
Chlorure de sodium., ........ 0,065 Chlorure de sodium. .......... 0,103 
de calcium... ....... 0,071 de calcium... ...… .. 0,021 
Silice et oxide de fer... .,.... 0,017 Silice et oxide de fer... 0,022 
Matière organique. ........... 0,005 Matière organique... ..... 0,006 
0,938 0,479 

SAINTE-FOY. 


SAINT-DENIS-DE-PILES. 
L'une des communes les plus consi- 
dérables du canton de Guiîtres. Point 
de fontaine publique. Puits nombreux, 
profonds de 7 à 8 mètres. 
Eau limpide , sans odeur ni couleur, 
Marque 10 deg. ‘/,, l'air étant à 22, 


Gaz acide carbonique.. jy quantité 
Air atmosphérique. .. | indéterminée. 
Carbonate de chaux........... 0,267 
Sulfate de chaux: ............. 0,166 
Azotate de potasse. .....,.... 0,047 
Chlorure de sodium. .......... 0,152 
de calcium. ...….. 15410 0:028 
Silice et oxide de fer.......... 0,017 
Matière organique............. 0,004 
0,681 


SAINT-MÉDARD DE GUIZIERS. 
Puits peu profonds, 6 à 7 mètres. 
Eau limpide, agréable. 

Marque 11 deg., l'air étant à 22, 


PUITS 
DE L'HOTEL DES MESSAGERIES. 


Gaz acide carbonique .. } quantité 
Air atmosphérique... | indéterminée. 


Carbonate de chaux... ...... 0,614 
Sulfate de chaux ....:..... …. 0,296 
Chlorure de sodium.... ...... 0,192 
de calcium... : 0,037 

Azotate de potasse..........., 0,085 
Silice et oxide de fer........, + 10 OÙ7 
Matière organique.......,..... 0,007 
1,248 


PUITS 


A L'ENTRÉE DE LA VILLE. 
Gaz acide carbonique... } quantité 
Air atmosphérique. ... | indéterminée, 


Carbonate de chaux... ...,.,.. 0,582 
Sulfater te chaux... et 0,375 
Chlorure de sodium.....,..... 0,167 
de Calcium. ......... 0,048 

Azolate de potasse............ 0,182 
Silice et oxide de fer. ....... 0,022 
Matière organique. ............ 0,010 
1,386 


PUITS-FONTAINE 
DE LA GRANDE—PLACE. 


Saveur fade, terreuse. 
Marque 11 deg. ‘/., l'air étant à 23 


Gaz acide carbonique... | quantité 
Air atmosphérique. .…. | indéterminée. 
Carbonate de chaux........... 0,592 
Sulfate de chaux. ............. 0,287 
Chlorure de sodium........... 0,215 
de calcium... 0,063 
Azotate de potasse.., ........ 0,137 
Silice et oxide de fer. . 0,021 
Matière organique, ............ 0.010 
1,325 

FRONSAC. 


Le bourg de Fronsac n'a point de 
fontaine publique. Les puits y sont nom- 
breux , assez profonds, l’eau de bonne 
qualité. 


PUITS DE FRONSAC. 


Gaz acide carbonique... } quantité 
Air atmosphérique... \ indéterminée. 
Carbonate de chaux.. ........ 0,272 
Sulfate de chaux............... 0,117 
Chlorure de sodium. . ....,... 0,078 
de calcium.......... 0,05 
de magnésium. . .. 0,027 
Silice et oxide de fer...,...... 0,014 
Malière organique. ....,...... 0,006 
0,550 


PUITS-FONTAINE 
DE L'ÉGLISE, 
Marque 10 deg. ‘/,, l'air étant à 23. 


Gaz acide carbonique... } quantité 
Air atmosphérique. ..….. | indéterminée. 
Carbonate de chaux... ..... 0,595 
Sulfäte de Chaux::.......... 0,325 
Chlorure de sodium...., ..… 0,227 
MINE soso: 0,056 
Azotate de potasse....,......, 0,172 
Silicate d’alumine... ...,..... 0,021 
Matière organique et oxide de } 0,014 

EN ee ane elase | 

1,410 
ee ee de 


CADII LAC-SUR-DORDOGNE 


Ne renferme non plus aucune source 
superficielle ; les puits fournissent à tous 
les besoins. 


PUITS- DE CADILLAC-SUR=-DORDOGNE. 


Gaz acide carbonique... } quantité 
Air atmosphérique... \ indéterminée. 
Carbonate de chaux. ........ 0,365 
Sulfate de chaux.......…. Fe OAlO? 
AZOIALELGAICAITE. eme -ee 0,044 
Chlorure de sodium. ...... .… 0,073 
de calcium... ..... 0,022 
Silice et oxide de fer......... 0,011 


Matière organique... . 0,007 


LUSSAC. — Le bourg de Lussac, entouré d'eaux su- 
perficielles, ne fait usage que d'eau de puits de mau- 


vaise qualité, bien qu'à quelques centaines de mètres 
il y ait d'excellentes eaux courantes. 


PUJOLS est un gros bourg situé sur un coteau do- 


123 
minant la vallée de la Dordogne; les puits y sont pro- 
fonds ; l'eau qu'ils fournissent est, comme celle de tous 
les puits du canton, lourde et séléniteuse. 


PUITS DE LUSSAC. PUITS DE PUJOLS. 
Eau limpide, saveur terreuse. Eau limpide, saveur fade, désa— 
gréable. 
Gaz acide carbonique... } quantité 
Air atmosphérique... . |indéterminée. Gaz acide carbonique... | quantité 
Carbonate de chaux... 0,402 Air atmosphérique... . | indéterminée. 
Sulfate de chaux.............. 0,287  Carbonate de chaux... ....... 0,519 
Azotate de potasse............ (0,210  Sulfate de chaux.. ........... 0,396 
Chlorure de sodiam.......... 0,265  Azotate de chaux. ...........) 4e 
de calcium.......... 0,048 de magnésie......... | 0,137 
Silice et oxide de fer... 0,016 Chlorure de sodium... ........ 0,165 
Matière organique. .......,. 0,004 de calcium. .....…. : (0142 
— de magnésium... .... 0,064 
1,232 Silicate d'alumine et oxide de 
——— TO nou eee ent oi 20e 0,041 
Matière organique............ 0,006 
1,466 
-20-SRRERee Es 


GENSAC, Situé également sur un plateau élevé, n'est 
pas mieux partagé que Puijols. 
Les puits y sont profonds, de dix-huit à vingt mètres. 


RAUZAN. — Commune populeuse et commercante ; 
puits nombreux et profonds. L'un de ces puits pré- 
sente une intermittence remarquable : il fournit pen- 
dant une partie de l'année une eau abondante et très- 
bonne, tarit tout à coup, et reparait après trois à quatre 
mois. Îl était à sec à l’époque où je visitai Rauzan. 


124 


PUITS DE GENSAC. 
Marque 9 degrés l’air étant à 23. 


Gaz acide carbonique. .} quantité 
Air atmosphérique. … |indéterminée. 
Carbonate de chaux. ..... ea OSOLS 
Sulfatée de chaux... ..........…. 0,387 
Azotale calcaire... 0,162 
Chlorure de sodium.......... 0,105 
de calcium... ..... 0,182 
Silicate d’alumine... ......... 0,028 

Oxide de fer et matière organi- 

MÉbER een are 0,012 
1,391 
LR 


PUITS DE RAUZAN. 


Gaz acide carbonique... quantité 
Air atmosphérique. ..…. | indéterminée. 
Carbonate de chaux. .......... 0,312 
Sulfate de chaux. ....... Fepene 0,167 
Chlorure de sodium...,....... 0,102 
de calcium... .. 0,184 
Silice et oxide de fer........…. 0,018 
Matière organique. ........... 0,006 
0,789 
SRE 


5e ARRONDISSEMENT. 


La Réole. 


Ce cheflieu d'arrondissement ne renferme aucune 
source superficielle ; l'eau des fontaines qui servent aux 


besoins de la population, est élevée au-dessus du sol 


par des pompes à manivelles; c'est pour cela que nous 
les avons rangées dans la catégorie des eaux profondes. 


PUITS-FONTAINES DE LA RÉOLE. 


Gaz acide carbonique... 0,0180 
Air atmosphérique .......,... 0,0020 
0,0200 

Carbonate de chaux... 0,325 
Sulfate de chaux. ............ . 0,187 
Azotate de potasse......,..... 0,042 
Chlorure de sodium.........., 0,095 
deicalcium......2.... 0,027 

Silicate d’alumine.. ,......... 0,021 
OXIB ACER eee e cet ee 0,007 
Matière organique... ,.,..., 0,006 
0,710 


PUITS DE LA RÉOLE. 


Gaz acide carbonique. ........ 0,0200 
Air atmosphérique. ........... 0,0020 
0,0220 

Carbonate de chaux... ....., 0,475 
Sulfate de chaux. .....,.. ... 0,267 
Azotate calcaire”. 122.220 0,073 
Chlorure de sodium... ..... 0,082 
UE CAICIANS. 2... 0,063 

de magnésium... 0,037 

Silicate d’alumine........ .... 0,021 
OxidB de TER rene ercemene 0,006 
Matière organique.....,,.,... 0,010 
1,034 


125 
GIRONDE. — Gros bourg assez peuplé. La population 
ne fait usage que d’eau de puits : il n’y à point de fon- 
taine publique; l'eau des puits est à onze mètres du 
sol; sa température est de 10 degrés, l'air étant à 22. 


PUITS DE GIRONDE. 


Gaz acide carbonique. ........ | quantité 
Air atmosphérique. .....,..,... | indéterminée. 
Carbonatetde Chaux... e...ee 0,516 
Sulfate dé Chaux Aer. srreenencceete 0,265 
Chlorure de sodium. ................, 0,102 
de CALCIUM er rer meer 0,036 
de magnésium... .......,.... 0,028 
Azotate de chaux... , babbacaecc ent 0,062 
SIHCENELOXIE TER IER 2. asc 0,026 
MATE TE Or ANIQUE.. .....- esse 0,003 
1,038 


SAINT-MACAIRE. — L'une des plus anciennes villes 
du département ; les rues y sont étroites, les maisons mal 
bâties et mal aérées. La ville ne possède aucune source 
superficielle; aucune eau courante ne vient rafraichir 
en été l'intérieur de cette vieille cité, qui se trouve 
ainsi réduite à user exclusivement d'eau de puits. 

Cette eau a une température de 11 degrés, l'air étant 
à 24; elle est limpide, sans odeur ni couleur, mais elle 
a une saveur fade et terreuse. 


CAUDROT. — Bourg considérable sur la Garonne, 
à quelques kilomètres de Saint-Macaire, est, comme 
celte ville, dépourvu d'eaux courantes superficielles ; 
l'eau des puits y est encore plus malsaine. 


126 


PUITS DE SAINT-MACAIRE. 


Gaz acide carbonique......... 0,0200 
Air atmosphérique. ........... 0,0020 
0,0220 

Carbonate de chaux.....,....…. 0,427 
Sulfate de chaux. ..... ....... 0,252 
Chlorure de sodium........... 0,065 
de calcium. ......... 0,044 


de magnésium, ..... 
Azotate de potasse,.…...... . 0,081 


Silicate d’alumine. ........... 0,021 
Oxide de/fer-.--. {pence 0,006 
Matière organique, ........... 0,008 

0,940 


PUITS DE MONSÉGUR. 
Eau limpide, saveur franche, agréable. 
Marque 10 deg., l'air étant à 23. 
Profondeur, 12 mètres. 


Gaz acide carbonique... . 0,0175 
Air atmosphérique... ........ 0,0020 
0,0195 

Carbonate de chaux. ......... 0,263 
Sulafe de IChANXS.-..-8......0 0,185 
Chlorure de sodium... ..... DD) 
de calcium:. ...:.... 0,060 

de magnésium... ... 0,028 

Silice et oxide de fer.......... 0,018 
Matière organique. . .......... 0,004 
0,640 


PUITS DE CAUDROT, 


Gaz acide carbonique... 0,0210 
Air atmosphérique. . ....., -. 0,0020 
0,0230 

Carbonate de chaux. .......…. 0,655 
Sulrate de chaux ............ 0,237 
Chlorure de sodium.......,... 0,092 
de calcium... ....... 0,048 

de magnésium... 0,034 

Azotate de potasse........ 9,065 
Silicate d'alumine............. 0,022 
Oxide.deifersresatesshesseeess 0,006 
Matière organique. ..,......,.. 0,003 
1,162 


PUITS DE SAINT-MAIXANT. 

Limpidité parfaite. 

Marque 10 degrés, l'air étant à 23. 
Profondeur, 11 mètres. 


Gaz acide carbonique... 0,0190 
Air atmosphérique. ........... 0,0020 
0,0210 

Carbonate de chaux... ...... 0,208 
Sulfate de chaux... ........... 0,072 
Chlorure de sodium. . ........ 0,089 
de calcium. ......... 0,036 

Silice et oxide de fer......,.., 0,017 
Matière organique. ........... 0,004 
0,426 


ROQUEBRUNE.— Bourg assez populeux, arrosé par le 
Drot et l'Andouille, auxquels il doit de l'emporter en 
fertilité sur les communes voisines; il n'y à point de 
fontaine publique. Les puits y sont profonds de dix à 
douze mètres; leur température est de 10 degrés ‘/,, 
l'air étant à 22; l'eau qu'ils fournissent est limpide, in- 
colore, mais de mauvaise qualité. 

Dans le canton de Pellegrue, le terrain est montueux 


127 
et coupé d'étroites vallées ; le sol argilo-calcaire, blan- 
chàtre , friable et très-froid. 

Le bourg de Pellegrue est situé sur un plateau éle- 
vé; il ne possède aucune fontaine publique, mais il a 
un puits communal couvert. Ce puits, où vont se pour- 
voir une partie des habitants, est très-profond (25 mè- 
tres au moins); il fournit une eau lourde, d'une saveur 
fade et désagréable. 


PUITS DE ROQUEBRUNE. PUITS DE PELLEGRUE. 
Marque 10 deg. ‘/., lairétant 322, Marque 9 degrés, l'air étant à 22, 


, D 9 tr 
Profondeur, 12 mètres. Profondeur, 25 mètres. 


Gaz acide carbonique... 0,0200 Gaz acide carbonique. … .... 0,0175 


Air atmosphérique ARE 0,0015 Air atmosphérique soso . 0,0015 
0,0215 GRO EN) 

Carbonate de chaux... 0,629 Carbonale de chaux... ….. 0,435 
Sulfate de chaux... . 0,268 Sulfate de chaux... .. 0,172 
Chlorure de sodium... 0,084 Chlorure de sodium. ....,.... 0,091 
de calcium... 0,052 de calcium. ......... 0,046 

de magnésium... 0,037 de magnésium... 0,021 

Azotale de chaux..........,.. 0,105 Azutate de chaux... ......... 0,042 
Silicate d’alumine. ............ 0,022 Silicate d’alumine..…......... 0,016 
Oxrde de fer; de 0,005  Oxide de fer.......... ....... 0,006 
Matière organique, ........... 0,009 Matière organique ........... 0,004 
1,211 0,833 

RE nel 


SAINT-FERME. — Joli bourg bien situé, sol léger, sa- 
blonneux, eaux courantes, abondantes ; point de fon- 
taine publique; puits nombreux, de profondeur moyen- 
ne; eau limpide et salubre. 


128 


PUITS DE SAINT-FERME. 


Marque 10 ‘/,, l'air étant à 23. Profon— 
deur, 12 mètres. 


Gaz acide carbonique......... | quantité 
Air atmosphérique............. \ indéterminée. 
Carbonate deMcHAUX. ee, 0,367 
Sulfate de chaux....,..... RU 000 091 
Chlorure de sodium.......,,......... 0,065 
16 CAICIUME Seche encres 0,062 
Silicate d’alumine..…. Mar esebats due 0,017 
Arzotate de CHAUX. RU ee -eece 0,044 
Oxide de fer. … IF. Pen eree 0,005 
Matière organique. .......,.,........ 0,006 
0,657 


SAUVETERRE. — Cette petite ville ne renferme aucune 
source superficielle; quelques filets d'eaux peu abon- 
dants et des puits nombreux, suffisent aux besoins de 
la population. On y à établi tout récemment, un puits 
à pompe qui tient lieu de fontaine publique; le bourg 
possède aussi plusieurs puits communaux. 


MAURIAC. — Petit bourg à sept ou huit kilomètres 
de Sauveterre; point de fontaine, puits assez nom- 
breux; eau séléniteuse et lourde. 


129 


PUITS DE SAUVETERRE,. 


PUITS-FONTAINE. 


Eau limpide, saveur franche. 
Marque 10 deg. ‘/,, l'airétantà 23. 


Gaz acide carbonique... 0,0135 
Air atmosphérique... ... ..... 0,0020 
0,0155 

Carbonate de chaux. ....,.... 0,247 
Sulfate de chaux............. 0,163 
Chlorure de sodium.........., 0,172 
de calciimMe.....s..s 0,048 

de magnésium... 0,031 

Silice et oxide de fer.......... 0,016 
Matière organique......,....., 0,008 
0,685 


PUITS DE LA GENDARMERIE 


L'eau de ce puits est excellente et 
bien supérieure à celle des puits du 
bourg ; le sol en est caillouteux. 

Marque 10 degr., l'air étant à 23. 

Profondeur, 13 m. 


Gaz acide carbonique. ....... 0,0155 
Air atmosphérique, .. ........ 0,0020 
0,0175 


Carbonate de chaux... ..... 0,197 


Sulfate de chaux.............. 0,122 
Chlorure de sodium ........., 0,046 

de calcium... ........ 0,024 

de magnésium. ...…. 0,016 
Azotate de potasse.........….. 0,035 
Silice et oxide de fer... 0,013 
Matière organique. .......... 0,005 


PUITS COMMUNAL DE LA HALLE. 


Eau incolore, inodore, saveur fade. 
Marque 11 degrés, l'air étant à 23. 
Profondeur, 14 mètres. 


Gaz acice carbonique. ..…...... 0,0190 
Air atmosphérique... ....... 0,0015 
0,0205 

Carbonate de chaux.........., 0,337 
Sulfate de chaux... ........., 0,245 
Chlorure de sodium. ......... 0,182 
de calcium... ..,..... 0,045 

de magnésium... 0,028 

Silice et oxide de fer....... 0,014 
Matière organique. . .......... 0,007 
0,858 


PUITS DE MAURIAC. 


Limpide, fade, terreuse. 
Marque 11 deg, , l’air étant à 23. 
Profondeur, 11 m. 


Gaz acide carbonique... .. 0,0195 
Air atmosphérique. . ........ 0,0020 
0,0215 

ES 

Carbonate de chaux. .......... 0,425 
Sulfate de chaux............…. 0,272 
Chlorure de sodium........... 0,102 
de calcium ........ . 0,064 

de magnésium... 0,026 

Silice et oxide de fer........…. 0,017 
Matière organique... ....... 0.006 
0,912 


130 
CANTON DE TARGON. 


Terrain silico-argileux peu fertile, manquant d'eau 
pour les irrigations. Targon, chef-lieu du canton, n’a 
aucune fontaine publique; des puits nombreux assez 
profonds fournissent l'eau nécessaire aux besoins de la 
population. 


PUITS DE TARGON. 
Eau limpide, mais lourde et séléniteuse. 
Marque 10 degrés, l'air étant à 23. 
Profondeur, 14 mètres. 


Gaz acide carbonique. ........,...... 9,0190 
Air atmosphérique, ....,........,.... 0,0020 
0,0210 

Carbonate de chaux.. .......,........ 0,495 
Sulfate de chaux... RS TRE EU 0,270 
Chlorure de sodium............,....., 0,094 
de calcium. ........ .. . .. 0,086 

Silice et oxide de fer... ............, 0,018 
Matière organique... esse ane et .… 0,006 
0,969 

es 


42 ARRONDISSEMENT. 


Bazas. 


Bazas renferme, indépendamment des fontaines dont 
nous avons parlé, un grand nombre de puits, dont 
l'eau est de qualité très-médiocre. 


cupos. — Commune populeuse au sud de Bazas; une 


131 


partie du terrain est marécageux, les habitants ne font 


usage que d'eau de puits. 


PUITS DE BAZAS. 


Eau limpide, saveur fade 
Marque 10 deg. ‘/,, l'air étantà 22. 
Profondeur, 14 m. 


Gaz acide carbonique......... 0,0195 
Air atmosphérique. .........., 0,0015 
0,0210 

Carbonate de chaux., ...... . 0,376 
Sulfate de chaux. ............. 0,257 
Chlorure de sodium........... 0,091 
deCaICiOM ee. 0,054 

de magnésium... 0,038 

Arzofate de (chaux... 10,072 
de magnésie....,.... 0,026 

Silice et oxide de fer... 0,014 
Matière organique ............ 0,008 
0,936 


PUITS DE CUDOS. 


Eau limpide, un peu fade. 
Marque 10 deg., l'air étant à 292, 
Profondeur, 11 m. 


Gaz acide carbonique... ..... 0,0175 
Air atmosphérique... 0,0045 
0,0190 

Carbonate de chaux........... 0,282 
Sulfate de chaux. . ........... 0,213 
Chlorure de sodium. ,..,.,.... 0,102 
de calcium... ...... 0,048 

Azofate calcaire... 0,066 
Silice et oxide de fer... ...... 0,015 
Matière organique. ...,,..,.,.…. 0,007 
0,733 


AUROS. — Chef-lieu du canton de ce nom, situé sur 


le sommet d'un coteau escarpé, ne renferme aucune 


fontaine, et la population, comme celle de Cudos, ne 
fait usage que d’eau de puits. 


BARIE. — Commune fertile, arrosée par la Garonne 


et la Bassanne ; terrain plat fréquemment inondé ; il n°y 


a point de fontaine ; l'eau de la Garonne sert à presque 


tous les usages domestiques, et l'eau des puits fournit 


à la boisson. 


132 


PUITS D'AUROS. 


Eau limpide, agréable. 
Marque 10 deg. ‘/,, l'air étant à 22. 
Profondeur, 8 m. 


PUITS DE BARIE. 


Eau limpide, saveur franche, agréable. 
Marque 10 deg., l'air étant à 22. 
Profondeur, 12 m. 


Gaz acide carbanique......... 0,0190 Gaz acide carbonique......... 0,0165 
Air atmosphérique ........... 0,0020 Air atmosphérique. ......... , 0,0020 
0,0210 0,0185 
Carbonate de chaux. ......... 0,280  Carbonate de chaux........... 0,234 
Sulfate de chaux. ........... 0,184 Sulfate de chaux......... .... 0,152 
Chlorure de sodium... ......... 0,086 Chlorure de sodium........... 0,074 
dé calCiUmMe,.. ee 0,127 de calcium. ......... 0,026 
Silice et oxide de fer... .. 0,021  Azotate de potasse........... 0,041 
Matière organique... ... .... 0,003 Silice et oxide de fer......... 0,016 
Matière organique, ........... 0,005 

0,701 
ES 0,518 
CSS ARS 


GRIGNOLS. — Ce canton est arrosé par plusieurs cours 
d'eau considérables, le Lizos, le Berthoz, etc. 

Le bourg de Grignols ne renferme que des sources 
superficielles d’un volume insignifiant; les puits sont, 
comme dans tout l'arrondissement, les seuls réservoirs 
d'eau potable dont fasse usage la population. I possède 
un puits-fontaine à pompe, qui fournit en toute sai- 
son une eau assez abondante, mais de mauvaise qua 
lité, comme celle de tous les puits du canton. 


LAVAZAN. — Le sol de cette commune est beaucoup 
plus siliceux que celui de Grignols, aussi les eaux y 
sont-elles plus pures. Lavazan n’a aucune fontaine pu- 
blique ; la nappe d'eau qui alimente ses puits, n'est qu'à 
huit ou dix mètres du sol. 


133 


PUITS DE GRIGNOLS. PUITS DE LAVAZAN. 
Eau limpide, saveur terreuse. Eau limpide, fraiche, agréable, 
Marque 10 deg., l'air étant à 24. Marque 10 degrés, l’air étant à 24. 
Profondeur, 12 mètres. 
Gaz acide carbonique... 0,0155 
Gaz acide carbonique... … 0,0200 Air atmosphérique. .........,. 0,0020 
Air atmosphérique. ........... 0,0025 
== 0,0175 
0 0225 RP 
SE GT DNA ENTE CDAUXE = eee 0,286 
Carbonate de chaux... 0,337 Sulfate de chaux............…. 0,156 
Sulfate de chaux... 0,306 Chlorure de sodium. .....… SCT 
Azotate de chaux. ............ | 0.107 de calcium... ...... 0,036 
de magnésie. NC: Azôtate de chaux. ............ 0,027 
Chlorure de sodium.......... 0,210  Silice et oxide de fer... 0,018 
de calcium... 0,036 Matière organique... .......... 0,004 
Silicate d'alumine.. .......... 0,022 = 
Oxide de fer et matière or— 0,601 
SAMQUE see messe etes ONU PRET 
1,029 


LANGON. — Les puits de Langon sont nombreux, 
peu profonds, creusés dans un sol caillouteux, et ali- 
mentés par de bonnes eaux. 


CASTETS EN DORTHE. — Petit bourg dans la basse 
plaine, avec un port sur la Garonne. Les puits de Cas- 
tets, creusés dans un sol argileux, fournissent une eau 
excellente, dépouillée d'une grande partie des sels cal- 
caires qui se trouvent dans l'eau des puits des cantons 
VOISINS. 


TOULENNE. — Petite localité près de Langon, remar- 
quable par son collége; il n'y a pas de fontaine publi- 
que, les puits fournissent à la population l'eau néces- 


saire à ses besoins. 


134 


PUITS DE LANGON. PUITS DE CASTETS-EN—-DORTHE. 
Eau limpide, saveur agréable. Limpidité parfaite, saveur fraîche et 
RS agréable. 

Marque 11 deg., l'air étant à 21. Marque 10 deg. , l'air étant à 22, 

Gaz acide carbonique.......…. 0,0175 Profond., 11 m. 
ir atmosphérique. .. ........ 0,0020 

SAS I RENIQUE Gaz acide carbonique ....…. .… 0,0135 

0,0195 Air atmosphérique. .......,... 0,0020 

Se 0,0155 

Carbonate de chaux........ 0,208 ——— 

SUITE AE CHAUX Me. ere.e 0,115  Carbonate de chaux... 0,137 

Chlorure de sodium .«......... 0,042 Suilfate de chaux. ............ 0,091 

de calcium. ......... 0,038 Chlorure de sodium ... ..…. 0,072 

Azotate de potasse. ..... .... 0,087 Azotate de potasse .."......…. 0,068 

Silice et oxide de fer. .…. .. 0,016  Silice et oxide de fer... 0,014 

Matière organique............ 0,004 Matière organique...........…. 0,003 

0,510 0,385 


PUITS DE TOULENNE. 
Ecau limpide, fraïche , agréable, 
Marque 10 deg. ‘/,, l'air étant à 22. 
Profondeur, 11 mètres. 

Gaz acide carbonique, . j Quantité. 
Air atmosphérique. . … | indéterminée. 


Carbonate de chaux... 0,217 
Sulfate de chaux... 0,104 
Chlorure de sodium .......... 0,042 
de calcium........,.. 0,026 

Azotate de potasse. ........... 0,058 
Silicate d’alumine..….....…. . 0,016 
Oxide de fer........... AE 0,004 
Matière organique... .... . 0,005 
0,472 


SAINT-SYMPHORIEN, — La constitution géologique de 
ce canton et de celui de Villandraut, est la même que 
celle du canton de Captieux. Nous aurons occasion 
d'en parler plus loin, quand nous nous occuperons 
de l'eau du sous-sol des Landes, 


135 


5e ARRONDISSEMENT. 


Bordeaux, 


Comme nous l'avons déjà dit, la ville de Bordeaux 
possède un grand nombre de puits; mais creusés dans 
un terrain rapporté, constamment imprégné de liqui- 
des animalisés, presque tous fournissent une eau mal- 
saine. 

Il est aisé de comprendre que les eaux d'infiltra- 
tions qui traversent le sol, altèrent les sources qui ali- 
mentent les puits. Tous les établissements publics et une 
grande partie des établissements privés ne font usage, 
pour les besoins domestiques, que d'eau de qualité infé. 
rieure, lorsqu'elle n'est pas malsaine : les résultats que 
je vais faire connaitre le démontreront suffisamment. 


PARTIE SUD DE LA VILLE, 


PUITS-FONTAINE PUITS-FONTAINE 

DE LA PLACE DU MAUCAILEOUX. DE LA PLACE CANTELOUP. 

Eau limpide, saveur fade, terrense. Gaz acide carbonique... ...., 0,0165 
Gaz acide carbonique... .… 0,0175 Air atmosphérique... 0,0015 
Air atmosphérique... . ..... 0,0015 0,0180 

0,0190 £ 
—— Carbonate de chaux. ......... 0,322 
Carbonate de chaux... 0,370  Suifate de chaux... 0,210 
Sulfate de chaux... ,......... 0,185 de magnésie. ..….. … 0,027 
de magnésie.…....... 0,015  Azotate de chaux: . … 0,078 
Arolate de chaux... Üo.072 Chlorure de sodium... 0,162 
de magnésie.... | ? de calcium. ......... 0,138 
Chlorure de sodium........... 0,134 de magnésium. .... 0,054 
de calcium. .….. 0,165 Silice et oxide de fer... 0,028 
de magnésium. 0,066 Matière OTSanIqUe.. ........ 0,009 
Silice et oxide de fer... ...... 0,035 ' — — 
Matière organique azotée.…. 0,011 1,028 


136 


PUITS-FONTAINE 


PLACE DU MARCHÉ—NEUF. 


Eau limpide, saveur terreuse. 


Gaz acide carbonique... . 0,0170 

Air atmosphérique......... .. 0,0020 

0,0190 

ESS 

Carbonate de chaux........... 0,445 

Sulfate de chaux..........,... 0,127 

de magnésie. ........ 0,018 

Azotate de chaux. nrrnernene | 0,125 
de magnésié......... | 

Chlorure de sodium......,.... 0,152 

de calcium......... 0,235 

de magnésium ..... 0,065 


Silicate d’alumine...........….. 0,022 
Oxide de fer et matière orga— 
EUR EU RE LEE cc 0,013 


PUITS-FONTAINE 


RUE DU MIRAIL, 


Gaz acide carbonique. ........ 0,0165 
Air etmosphérique. ........... 0,0015 
0,0180 
Carbonate de chaux... .....,. 0,715 
Sulfate de chaux.............. 0,195 
Azotate de chaux.. ...... ... | 
b] 
de magnésie ......... \ 0,062 
Chlorure de sodium. ....... . 0,180 
de calcium... ..... 0,137 
de magnésium... 0,091 
Silicate d'alumine et oxide de 
PO nb aus 0,042 
Matière organique azotée... . 0,009 
1,394 
res me 


HOSPICE SAINT=JEAN. 


PUITS DE LA COUR DES HOMMES. 


Gaz acide carbonique.......... 0,0160 

Air atmosphérique... METEO T00LS 

0,0175 

Carbonate de chaux... se OST 

Sulfaterde chaux. ds. .en 6,135 
Azotate de chaux... ..,..... | 

de magnésié ........ | 0,108 

Chlorure de sodium.....,..... 0,082 

de calcium, ......... 0,074 

de magnésium. ...... 0,026 

Silice et oxide de fer... 0,018 

Matière organique azotée,.……. 0,007 

0,0827 


PUITS DE LA COUR DES FEMMES. 


Gaz acide carbonique... 0,0165 

Air atmosphérique, ......... . 0,0015 

0,0180 

Carbonate de chaux. . ....... 0,345 

Sulfate! de chaux... ....-.22.4. 0,145 

Azotale de chaux… APCHo co | 0,068 
de magnésie..... \ 

Chlorure de sodium........... 0,084 

de calcium... ...,... 0,071 

de magnésium. ..…. 0,022 

Silice et oxide de fer. ... . 0,019 

Matière organique. ............ 0,006 

0,760 


137 


PUITS DE L'ABATTOIR GÉNÉRAL. 


Eau limpide, saveur fade, terreuse. 
Marque 12 deg., l'air étant à 22. 


Gaz acide carbonique... 0,0160 
Air atmosphérique.........,…. 0,0015 
0,0175 
Carbonate de chaux.......... 0,434 
Sulfate de chaux ............, 0,139 
de magnésie..…........s 0,010 
Azotate de chaux. rrsiresee | 0,071 
de magnèsie...... | 
Chlorure de sodium. .....,... 0,092 
de calcium... .... 0,084 
de magnésium... ... 0,031 
Silicate d'alumine., .......... 0,014 
Matière organique et oxide de 
féagonnonee, oi rnhsuoeponnaa D) UE) 
0,880 


PUITS DU PETIT-SÉMINAIRE. 


Limpide, sans couleur ni odeur, sa- 
veur terreuse. 


Gaz acide carbonique... 0,0145 

Air atmosphérique ...... .... 0,0015 

0,0160 

Carbouate de chaux ....,,.... 0,485 

Sulfate degchaux...…........., 0,365 

Azotate de HIT EEE + | 0 068 
de magnésie...… Co 2 

Chlorure de sodium......, 0,115 

dertalciume 0,102 

de magnésium... ... 0,044 

Silicate d’alumine...,......... 0,017 

Matière organique et oxide dè 

TER asset ans SC ane 0,009 

1,205 

———— 


ASILE DES FEMMES ALIÉNÉES. 


PUITS DE LA BUANDERIE. 


Acide carbonique... | Quantité 
Air atmosphérique... \ indéterminée. 
Carbonate de chaux... 0,475 
Sulfate de chaux . ....... 0,128 
Azotate de chaux ....... l 

de magnésie........, \ 0,078 


Chlorure de sodium ...,...... 0,167 
deicalcime. 0: 0,087 
de magnésium .. … 0,044 


Silcate d'alumine, ..... ..... 0,016 
Matière organique et oxide de 


PUITS DE LA CHAPELLE. 


Gaz acide carbonique... } quantité 
Air atmosphérique... | indéterminée. 


Carbonate de chaux... ....… 0,510 
Sulfate de chaux... 0,252 
Azotate de chaux... 

os | 0,064 


de magnésie......... Je? 


Chlorure de sodium... CAPE 0,098 
de calcium... 0,066 
de magnésium... 0,032 

Silicate d’alumine, matière or- 
ganique et oxide de fer... 0,014 
1,036 


10 


138 


GRAND SÉMINAIRE, 


PUITS À POMPE, 


Gaz acide carbonique. | quantité 
Air atmosphérique... \ indéterminée. 
Carbonate de chaux... . 0,416 
Sulfate de chaux... ........ 0,155 
Azotate de chaux...........…. 0,042 
Chlorure de sodium ........ . 10, LOS 
de calcium., ...... 0,064 
Silicate d’alamine.. ,......... 0,016 
Matière organique et oxide de 
(ERA sde eennene 0,007 
0,808 
PUITS-FONTAINE DE L’OR. 
Gaz acide carbonique... .... 0,0155 
Air atmosphérique... ..,.... 0,0015 
0,0170 
Carbonate de chaux.......... 0,445 
de magnésie. . … 0,017 
Sulfate de chaux. ........ ... 0,125 
de magnésie.......... 0,014 
Chlorure de sodium.......... 0,108 
de calcium... 0,092 
de magnésium... . 0,037 
Azotate de chaux. DE l 0,095 
de magnésie......... | 
Silicate d’alumine et oxide de 
(EN ESA Ent: lies 0,021 
Matière OTganique... se... 0,006 
0,960 


HOSPICE DES VIEILLARDS, 


EAU DU PUITS A POMPE. 
Gaz acide carbonique... { quantité 
Air atmosphérique. .... | indéterminée. 
Carbonate de chaux........... 0,292 
Sulfate de chaux. ......,...... 0,418 
Chlorure de calcium. ........ 0,118 
de sodium........... 0,112 
de magnésium. ..... 0,046 
Azotate de chaux............. | 
de magnésie.... | 0,107 
Silice et oxide de fer......... 0,022 
Matière organique., ........ 0,008 
1,123 


PUITS DU JARDIN. 


Gaz acide carbonique. . j quantité 
Air atmosphérique... \ indéterminée. 


Carbonate de chaux........... 0,436 
Sulfate de chaux... ....,....., 0,169 
AzutatellC CHAUX... ....-.. 0,948 
Chlorure de sodium... ..... 0,128 
de calcium... ..... , 0,082 
Silieate d'alumine, .…....... . . 0,013 
Matière organique et oxide de 
DÉS 0e de ob DATE 0,008 
0,880 


HOSPICE DES INCURABLES 


Eau Limpide, saveur fade. 
Marque 10 deg. ‘/,, l'air étant à 23. 


Gaz acide carbonique... } quantité 
Air atmosphérique. ... | indéterminée. 
Carbonate de chaux... ..... 0,364 
Sulfate de chaux........., 0,162 
Azolate de chaux.… 50100006 | 0,065 

de magnésie ......... \ 

Chlorure de sodium.......... 0,081 
de calcinm.......... 0,087 
de magnésium, ..... 0,032 
Silice et oxide de fer... .... 0,017 
Matière organique...........…. 0.008 
0,816 
RSR LA De 


PUITS DE PALUDATE. 


Gaz acide carbonique... j quantité 
Air atmosphérique... \indéterminée. 
Carbonate de’ chaux. ........ 0,514 
Sulfate de chaux......... .... 0,165 
de-magnésie. ...... 0,010 

Azotate de:clraux:1........... | , 
de magnésie... ..... \ 0,037 
Chlorure de sodium. ...... .…. 0,055 
de calcium.......... 0,047 
Silicate d’alumine... ......... 0,018 

Matière organique et oxide de 

A dbonocoaeee ton jonsbac 0,010 
0,856 
LL ment à 


139 


HÔPITAL MILITAIRE. 


PUITS DE LA BUANDERIE. 


Gaz acide carbonique... } quantité 
Air atmosphérique. … , | indéterminée. 


Carbonate de chaux... ....... 0,274 

de magnésie........ 0,012 

SuMate de chaux... .......... 0,163 

Azotate . magnésie.. .... .. | 0,065 
TENCDAUT eee eee] 

Chlorure de sodium........... 0,078 

de calcium. ......... 0,085 

de magnésium. . .. 0,042 

Silice et oxide de fer......,... 0,018 

Matière organique. ....,...... 0,005 

0,742 


PUITS DU SERVICE GÉNÉRAL, 


Gaz acide carbonique... } quantité 
Air atmosphérique... \ indéterminée. 
Carbonate de chaux.. ..,...., 0,357 
de magnésie ........ 0,021 
Sulfate de chaux... Déac ne 0,102 
Chlorure de sodium, ......... 0,070 
dercalcium. 4e. 0,078 
de magnésium... 0,052 

Azotate de chaux... ........ 

de magnésie..... | 0,081 
Silice et oxide de fer... ...... 0,015 
Matière organique. ........,. 0,004 
0,760 
Lsememsetel 


QUARTIER OUEST DE LA VILLE. 


CASERNE SAINT-RAPHAEL. 


PUITS A POMPE, 


Gaz acide carbonique... } quantité 
Air atmosphérique... | indéterminée. 
Carbonate de chaux. ......,.. 0,352 
de magnésie. .…...... 0,018 
Sulfate de chaux... ...... 02217 

Azotale de chaux. .….....…. | 

de magnésie......., | 0,116 
Chlorure de sodium........... 0,132 
de calcium... .... 0,105 
de magnésium... 0,018 
Silice et oxide de fer... 0,016 
Matière organique... 0,008 
1,022 
ne 


HOPITAL SAINT-ANDRÉ. 


PUITS A POMPE, 


Gaz acide carbonique, . } quantité 
Air atmosphérique. ..…. | indéterminée, 


Carbonate de chaux., ..,..... 0,324 
de magnésie.., .… 0,014 
SUMAIPATBNCAUX eee 0 240 
de magnésie... ....... 0,021 
Azotate de chaux... nest 1 0,098 
de magnésie......... \ 
Chlorure de sodium, ,,#.. 0,094 
de calcium... 0,106 
de magnésium. ...., 0,048 
Silice et oxide de fer, ..,...… 0,018 
Matière organique... ,........ 0,006 
0,964 


140 


CASERNE SÉGUR. 


PUITS À POMPE. 
Saveur terreuse très-prononcée. 


Gaz acide carbonique. ....…... 0,0140 


Air atmosphérique. ....….... . 0,0015 
0,0155 

Carbonate de chaux........... 0,565 
de magnésie ....... 0,037 

Sulfate de chaux........... 0,720 
Chlorure de sodium. . ........ 0,288 
de calcium. .. 0,217 

de magnésium... .... 0,082 


Azotate de chaux... ...,.... | 


de magnésie.. ....., \ 0,135 
Silice et oxide de fer......... 0,022 
Matière organique. ........... 0,009 
2,075 

PUITS BRONDEL, 

A BELLEVILLE. 

Gaz acide carbonique... 0,0125 
Air atmosphérique. ........... 0,0015 
0,0140 
Carbonate de chaux... ., 0,311 
Sulfate de chaux... 0,068 
Chlorure de sodium .......... 0,031 
de calcitm........... 0,054 
de magnésium, ..... 0,018 
Silice et oxide de fer... ,.... 0,012 
Matière organique... . 0,004 
0,498 


PUITS-FONTAINE DU COURS 
CHAMPION. 


PUITS A POMPE. 


Saveur fade 
Marque 10 deg. ‘/,, l'air étantà 22. 


Gaz acide carbonique. . 0,0155 
Air atmosphérique... ... … 0,0015 
0,0170 
Carbonate de chaux........... 0,365 
Sulfate de chaux. .. ......... 0,199 
Azotate calcaire., .........., . 0,034 
Chlorure de sodium... Lie 0,068 
de calcium... .. .... 0,017 
Silice et oxide de fer. .. .. 0,016 
Matière organique. ........… 0 007 
0,706 
PUITS 
DE LA MANUFACTURE DE TABACS. 
Gaz acide carbonique, . } Quantité. 


Air atmosphérique... . (indéterminée. 


* Carbonate de chaux... 0,249 
Sulfate de chaux. .......,..... 0,042 
Chlorure de sodium....,....…. 0,037 

HelCalCINMen see 0,064 

Silicate d’alumine. ........... 0,012 
Matière organique et oxide de 

Laon choc 08e 0,009 

0,413 


141 


CASERNE DES 


QUARTIER DE CAVALERIE. 
PUITS A POMPE, 


Eau limpide, saveur agréable. 


Marque 10 deg., l'air étant à 23. 


Gaz acide carbonique......... 0,0170 
Air atmosphérique. ........... 0,0015 


0,0185 

Carbonate de chaux... . .…. 0,267 

Sulfate de chaux ............. 0,172 

Chlorure de sodium, . ........ 0,106 

de calcium. ........ . 0,114 

de magnésium... 0,044 

Azotate de chaux... REA RS i 0,068 
de magnésie......... \ 

Silice et oxide de fer.......... 0,017 

Matière organique. ........... 0,006 

0,794 


PUITS-FONTAINE 


DU GRAND MARCHÉ. 


Gaz acide carbonique.. } Quantité 
Air atmosphérique. … | indéterminée. 
Carbonate de chaux. ......... 0,302 
Sulfate de chaux............. 0,165 
Chlorure de sodium... ..... . 0,213 
de calcium... ........ 0,207 
de magnésium... 0,064 
Azotate de chaux... ..... a 
de magnésie.... ..…. MUCE 
Silice et oxide de fer... 0,015 
Matière organique. . ..…. 0,009 
1,060 


FOSSÉS. 


INFANTERIE. 
PUITS À POMPE. 


Eau limpide, abondante. 


Gaz acide carbonique. ........ 
Air atmosphérique... . .... . 0,0015 


0,0175 

Carbonate de chaux. ......... 0,295 

Sulrate de chaux... 0,132 

Chlorure de sodium............ 0,106 

de calcium... .....….. 0,127 

de magnésium....... 0,038 

Azotate de chaux.… A OLD | 0,077 
de magnésie......... | 

Silicate d’alumine............. 0,016 
Matière organique et oxide de 

féls Meet da lo Ho +. 0,008 

0,799 


PUITS DES CORDELIERS. 


BAIN PUBLIC, 


Gaz acide carbonique... j Quantité 
Air atmosphérique... \'indéterminée. 
Carbonate de chaux........... 0,370 
SUHAIEITEICRAUT arte e 0,195 
Chlorure de sodium. . 0,122 
de calcium... ... 0,064 
de magnésium, ...... 0,032 
Azotate de chaux. nrnneens l 0,076 

de magnésie.... .... | 

Silice et oxide de fer.,......... 0,014 
Matière organique. ..,........ 0,007 
0,880 
ne 0) 


142 


CENTRE DE LA VILLE» 


PUITS-FONTAINE BOUQUIÈRE. 


Gaz acide carbonique... } Quantité 
Air atmosphérique... \ indéterminée. 
Carbonate de chaux.......... 0,442 
Sulfateïde chaux. ........ ... 0,135 
de magnésie........…. 0,032 
Chlorure de sodium........... 0,135 


de calcium... ...... 
de magnésinm...... 0,046 
Azotate de chaux... ...... ... | 


de magnésie..,....,…. \ FAURE 
Silicate d'alumine............. 0,022 
Matière organique et oxide de 
TERRA Use dr nene ses ssres 0,010 
0,999 
— 
PUITS DE LA RUE DU LOUP. 
Gaz acide carbonique... } Quantité 
Air atmosphérique... \ indéterminée. 
Carbonate de chaux... ..,.... 0,347 
Sulfate de chaux......,:,..... 0,211 
Chlorure de sodium, .:..... . 0,067 
de calcium... .... 0,105 
de magnésium... 0,031 
Azotatende chaux. 0.500. 0,062 
Silice et oxide de fer. ... ,... 0,014 
Matière organique .......... . 0,006 
0,843 
EL 


PUITS-FONTAINE DAURADE. 


Gaz acide carbonique... 0,0175 

Air atmosphérique. ........, ,; 0,0015 

0,0190 

Carbonate ge chaux........... 1,525 

Sulfate de-chaux...:..... ..., 0,675 

de magnésie, ........, 0,087 

Chlorure de sodium... 28022517 

CE CACIIME RS ee. 0,248 

de magnésium..... 0,094 

Azotate de chaux. DEEE | 0,147 
de magnésie. . ...,... \ 

Silice et oxide de fer . ....... 0,038 

Matière organique, ......,.... 0,014 

3,065 


PUITS-FONTAINE MAURIAC. 


Gaz alide carbonique... } quantité 
Air atmosphérique... \ indéterminée. 
Carbonate de chaux.......... 0,560 
Sulfate de chaux... ........... 0,165 
Azotale de chaux. neneesene l 0,082 
de magnésie..... \ 
Chlorure de sodium... er LONIDS 
de calcium... 0,219 
de magnésium. .... 0,075 
Silicate d’alumine.. .......... 0,014 
Matière organique et oxide de 
TEA Le esessaseseee Une 0,012 
1,292 


PUITS SAINT-SIMÉON. 


Gaz acide carbonique... } Quantité 

Air atmosphérique. ... | indéterminée. 

Carbonate de chaux.........,. 0,382 

Sulfate de-chaux.… 0.06 (1,974 

Chlorure de sodium..,.,,..... 0,082 
de calcium. ...,..,.. 0,164 
de magnésium... 0,048 

Azotate de Ge Douce (|) 0,078 
de magnésie ......…. | 


Silice et oxide de fer... 0,017 
Matière organique... . 0,008 


1,053 
PUITS 
DES FOSSÉS DE L'INTENDANCE, 
Gaz acide carbonique. ........ 0,0160 
Air atmosphérique. ........... 0,0015 
0 0175 


Carbonate de chaux........... 
Sulfaterde Chaux ee .2eee 0,325 


de magnésie.. ... .... 0,037 
Chlorure de sodium.......... 0,102 
detcalcium.::....r.. 0114 
de magnésium. .... 0,038 
Azotate de chaux. Fons cons | 0,066 
de magnésie.. ....,.. | 
Silice et oxide de fer... 0,021 
Matière organique azotée, 0,013 


PUITS 
DE LA RUE PORTE—DHEAUX. 


Gaz acide carbonique... j quantité 
Air atmosphérique. ..…. | indéterminée. 


Carbonate de chaux. .......... 0,427 

Sulfate de chaux... .... 0,315 

Azotate de SL vroceteL “CFA | 0,096 
de magnésie,...,..... \ 

Chlorure de sodium... 0,102 

de calcium. .......... 0,086 

de magnésium... 0,028 


= 


3 
PUITS 
DE LA RUE DU PALAIS—GALIEN. 
Gaz acide carbonique. . { quantité 
Air atmosphérique. \ indéterminée. 
Carbonate de chaux. .......... 0,675 
SuAlE tle/Chauxe 0 2-mreererst 0,598 
Azotate de chaux. ....... Hbade P 
; 7 | 0,105 
de magnésie......... | 
Chlorure de sodium... 1 0,164 
de calcium,........…. 0,127 
de magnésium. ..….. 0,056 
Silice et oxide de fer... 0,026 
Matière organique... ........ 0,012 
1,763 


QUARTIER SAINT=SEURIN. 


Silice et oxide de fer... 0,021 
Matière organique... sed MO 
1,084 
PUITS 
DE LA RUE NEUVE SAINT—SEURIN. 


Gaz acide carbonique. ...... . 0,0160 
Air atmosphérique. ......,.... 0,0015 


0,0175 

Carbonate de chaux... 0,302 
Sulfate de chaux. ............ 0/10 
Chlorure de sodium. ....... .. 0,048 
de calcium... ...... 0,074 

de magnésium... 0,036 
Azotate de chaux............. 0,062 
de potasse.......... . 0,028 

de magnésie.......... 0,046 

Silice et oxide de fer.......... 0,021 
Matière organique. .......... 0,009 
0,731 

EE 


PUITS DES ALLÉES D'AMOUR. 


Gaz acide carbonique... } quantité 
Air atmosphérique... | indéterminée. 
Carbonate de chaux. ........ …. 0,292 
Sulfate de chaux. ............ 0,206 
Chlorure de sodium... ..... .. 0,087 
de calcium. . ....... 0,058 
Azotale de potasse........,. 0,027 
de.chaux....:2.4%:090, 036 
Silice et oxide de fer ... .. 0,018 
Matière organique. ........... 0,005 
0,729 
——— 


PUITS CARAYON, 
RUES DE LA TRÉSORERIE ET BURGUET, 


Gaz acide carbonique... . 0,0155 
Air atmosphérique... .... 0,0020 
0,0175 

Carbonate de chaux. ........ 0,370 
de magnésie ..….. , 0,016 

Sulfate de chaux. …..,.... . 0,085 
Chlorure de sodium., ......,.. 0,025 
de calcium ......  DAUOS 

de magnésium... 0,058 

Azotate de chaux... ....., .. 0,137 
de magnésie. ... 0,065 


de potasse............ 0,030 


Silice et oxide de fer... ,..... 0,036 
Matière organique. ......,., :.:10;007 
0,934 


PUITS DE LA RUE CAPDEVILLE. 


Gaz acide carbonique, . } quantité 
Air atmosphérique. ,.,, \indéterminée. 


Carbonate de chaux... 0,307 
Sulfate de chaux...,,,........ 0.154 
Chlorure de sodium... ... ... 0,105 
de calcium. ,....... 0,063 
de magnésium . ... 0,026 

Azotate de chaux .......... | 
de magnésie...... .. | 0,048 
Silice et oxide de fer... oo onid 
Matière organique... 0,006 
0,723 


A4 


PUITS DE LA RUE DE LERME. 


Gaz acide carbonique... quantité 
Air atmosphérique... \'indéterminée, 


Carbonate de chaux.......... 0,277 
Sulfate de chaux... 0,082 
Azotate de chaux... ......... | ë 
de magnésie., ....... HOLOES 
Chlorure de sodium.....,..... 0,072 
de calcium.........…. 0,105 

de magnésium. ...….. 0,032 

Silice et oxide de fer, ...... 0,012 
Matière organique........... . 0,004 
0,649 


PUITS-FONTAINE D'AUDÈGE. 


Gaz acide carbonique. } quantité 
Air atmosphérique... { indéterminée. 
Carbonate de chaux... .... 0,472 
Sulfate de.chaux,. 0.00 0,215 
Chlorure de sodium .... ..... 0,097 
decalcium.......... 0,065 
de magnésium... .…. 0,035 
Azotate de SEUE E reste à 0,118 

de magnésie.... ..... \ 
Silicate d’alumine........ .... 0,024 
Matière organique et oxide de 

TEL ee trees 0,011 
1,037 


PUITS DE LA RUE HUSTIN. 


Gaz atide carbonique. } quantité 
Air atmosphérique. .. |indéterminée. 
Carbonate de chaux........... 0,325 
Sulfate de chaux... ......... 0,117 
Chlorure de sodium, , ......., 0,064 
de calcium., #00 DS 
Azotate de Chaux.......,..... 0,042 
Silice et oxide de fer... 0,013 
Matière organique, ...,..,... 0 004 
0,668 
| 


PUITS DE LA RUE LAROCHE. 


Gaz acide carbonique. j quantité 
Air atmosphérique. .… | indéterminée. 
Carbonate de chaux......,.... 0,330 
Sulfate de chaux... .1.. 0,292 
Azotale de chaux.........,... 0.177 
de potasse..,.s..... 0,033 
Chlorure de sodium. ...,...... 0,192 
de calcium 22.4 0,087 
Silice et oxide de fer.........…… 0,013 
Matière organique... ....... 0,007 
1,131 
RE 

PUITS 

DE L'INSTITUTION DES SOURDS-MUETS. 

Gaz acide carbonique . { quantité 
Air atmosphérique... | indéterminée. 
Carbonate de chaux... 0,410 
SHC CRAUXS. sec ice 0,175 
Chlorure de sodium........... 0,157 
de calcium ........ . 0,056 
de magnésium....... 0,023 

Azotate de chaux..." | 

de magnésie......... | SA0ST 
Silice et oxide de fer.. ....... 0,018 
Matière organique... 0.008 
0,914 


PUITS DE LA CROIX DE SEGUEY. 


Gaz acide carbonique. . } quantité 
Air atmosphérique. .... | indéterminée. 


Carbonate de chaux... ...... 0,292 
Sulfaterde» chaux 0 0,083 
Chlorure de sodium. ....,..... 0,068 
de calcium... . 0,047 

de magnésium... ... 0,031 

Azotate de chaux..." 0: l j 
de magnésie.......... \ 0,063 

Silice et oxide de fer... 0,017 
Matière organique... LUE 0,006 
0,607 


145 


QUARTIER NORD. 


PUITS DU PAVÉ DES CHARTRONS 


Gaz acide carbonique. j quantité 
Air atmosphérique. .... | indéterminée. 
Carbonate de chaux. . ....... 0,520 
de magnésie...... 0,032 
Sulfate de chaux ............. 0,305 
de magnésie.. ... . . 0,043 
Chlorure de sodium.... ...... 0,150 
de calcium... : 0,069 
de magnésium. ..... 0,037 
Azotate de chaux. senres ee i 0,086 

de magnésie..... cout 

Silice et oxide de fer ........ 0,014 
Matière organique... .….. 0,006 
1,262 


PUITS DU MAGASIN DES VIVRES 
DE LA MARINE. 


Gaz acide carbonique... j quantité 
Air atmosphérique... | indéterminée. 
Carbonate de chaux... ee 1,475 
de magnésie. ...... 0,062 
Sulfate de/chaux... 2.10, 901 
de magnésie.. 414 00,056 
Chlorure de sodium........... 0,225 
de calcium. ,,...... 0,012 

Silicate d’alumine et oxide de 
Ter Re rene rene tt mette so... 0,024 
Matière organique . .......... 0,008 
2,763 
PUITS 
DU COURS DU JARDIN PUBLIC. 

Gaz acide carbonique... | quantité 
Air atmosphérique... {indéterminée. 
Carbonate de chaux... .... .. 0,392 
Sulfate derchaux....".: 41.10 0,187 
Chlorure de sodium., ........ 0,136 
de calcium........…. 0,092 
de magnésium... 0,062 
Silice et oxide de fer... 0,018 
Matière organique, ..,,,,.,... 0,008 
0,895 


PUITS DU QUAI DES CHARTRONS. 


Gaz acide carbonique. | quantité 
Air atmosphérique . ... ! indéterminée. 
Carbonate de chaux... .. 0,620 
de magnésie....... 0,038 
Sulfate de chaux......... 0,376 
de magnésie. ....... . 0,062 
Chlorure de sodium......,.... 0,082 
de'calcium: 24 0,106 
de magnésium. ...... 0,062 
Azotate de chaux............. 0,046 
Silice et oxide de fer. ........ 0,021 
Matière organique... 2oGcone 0,009 
1,422 


PUITS DU QUAI PE BACALAN. 


Gaz acide carbonique.. | quantité 
Air atmosphérique. . .… | indéterminée. 


Carbonate de chaux... 1,372 
de magnésie...... 0,048 
Sulfate de chaux... 009; 800 
de magnésie.......... 0,104 
Chlorure de sodium..... ..... 0,182 
de magnésium. ....... 0,065 
Azotate de chaux............. | 
de magnésie........ SA 0,068 
Silicate d'alumine et oxide de 
BL = senesceeccs cet 0,020 
Matière organique.....,...,... -0,011 
2,112 


PUITS DE LA PLACE PICARD. 


Gaz acide carbonique. . } quantité 
Air atmosphérique... .…., \ indéterminée, 
Carbonate de chaux... .... 0,416 
Sulfate de chaux... ....s.. 0,202 
Chlorure de sodium..,,..,... 0,046 
de calcium ..... .… N,062 
Silice et oxide de fer... 0,014 
Matière organiqne.. .......... 0,008 
0,748 
HR 


146 


PUITS DE LA RUE DE LA COURSE. 


Gaz acide carbonique... ; quantité 
Air atmosphérique... | indéterminée. 
Carbonate de chaux... ......…. 0,622 
Sulfate de chaux. .....,...... 0,280 
Chlorure de sodium, ......... 0,102 
de calcium.......... 0,066 
de magnésium...... 0,021 
Azotate de chaux. sesvetesnens 0,054 

de magnésie.... se 

Silice et oxide de fer.......... 0,018 
Matière organique......... .. 0,005 
1,168 


BANLIEUE DE 


PUITS DES ALLEES DES NOYERS. 


Gaz acide carbonique. . } quantité 
Air atmosphérique... \ indéterminée. 


Carbonate de chaux.. ...... . 0,564 
Sulfate de chaux... . 0,436 
Chlorure de sodium....,, .... 0,108 
de calcium... ....... 0,084 
de magnésium... ..…. 0,026 
Azotate de chaux............. l 
de magnésie. ........, | 0,102 
Silice et oxide de fer... 0,014 
Matière organique ............ 0,007 
1,341 
BORDEAUX. 


Comme nous l'avons dit ailleurs, les communes de 
la banlieue de Bordeaux renferment des sources super- 
ficielles nombreuses et de bonne qualité; néanmoins, 
les habitants, en raison de la proximité, font usage 


d'eau de puits. 
. PUITS DE BÈGLES. 


Gaz acide carbonique... } quantité 


Air atmosphérique... \ indéterminée. 
Carbonate de chaux. .......... 0,310 
Sulfate/de "chaux... ......... 10,167 
Clilorure de sodium. ......... 0,084 
Ge CAICIUME re... 0,041 

Silice et oxide de fer.......... 0,016 
Matière organique. ..........…. 0,004 
0,622 

ee 


PUITS DE CAUDÉRAN. 


Gaz acide carbonique... j quantité 
Air atmosphérique... \ indéterminée. 
Carbonate de chaux... 0,297 
Sulfate de chaux. . ....,,,.... 0,068 
Chlorure de sodium... 0,07 

de calcium... .... 0,032 
Azolale de chaux......:. 4... [l 

de magnésie. ..,..,, V,028 
Silice et oxide de fer... 0,014 
Matière organique. .,.., ,,,. 0,006 

0,521 


1% 


PUITS DE TALENCE 
AVOISINANT LES SÉCHERIES DE MORUES. 


Gaz acide carbonique.......... 0,0145 Gaz acide carbonique. ........ 0,0160 
Air atmosphérique... ... ..... 0,0015 Air atmosphérique. ........... 0,0015 
0,0160 0,0175 
Carbonate de chaux ..... . . 0,305  Carbonate de chaux... 0,312 
Sulfate de chaux. ........... 0,102" Sulfate:de chaux............…. 0,081 
de magnésie.......... 0,022 Chlorure de sodium .......... 0,067 
Chlorure de sodium... ...... 0.187 de calcium...,..,... 0,052 
de calcium.........…. 0,034 de magnésium... 0,012 
de magnésium... . 0,042 Silice et oxide de fer ....... 0,014 
Silice et oxide de fer ........ 0,016 Matière organique... ...., .. 0,004 
Matière organique......,.. 0,007 0,542 
lode, des traces. an 
0,715 
BOUSCAT. 


PUITS DE LA PROPRIÉTÉ B. 


PUITS DU BOURG. 


Gaz acide carbonique.. | quantité 
Air atmosphérique. . … | indéterminée. 


Carbonate de chaux... 0,207 
Sulfate de chaux... . 0,082 
Chlorure de sodium. .......... 0,074 
de calcium... 0,021 

Silice et oxide de fer... 0,017 
Matière organique... 0,014 
0,415 


Per 


1 


PUITS DE TALENCE 
ÉLOIGNÉ DES SÉCHERIES DE MORUES. 


PUITS DU BOURG. 


Gaz acide carbonique. ......, 0,0170 Gaz acide carbonique... 0,0170 
Air atmosphérique, .. .,...... 0,0915 Air atmosphérique. ....,..... 0,0015 
0,0185 0,0185 
Carbonate de chaux... .… 0,476 Cerbonate de chaux... .010,297 
. Sulfate derchaux. "2.4: 0,247 Sulfate derchaux..... 2... 0,108 
Chlorure de sodium.........…. 0,066 Chlorure de sodium..…......... 0,052 
de calcium... ..... 0,052 de calcium. .…. Ê 0,015 
Silice et oxide de fer... 0,021 Silice et oxide de fer... 00 0ILE 
Matière organique... .,...... 0,008 Matière organique... ....... 0,006 
0,870 0,0496 

BRUGES. 


PUITS DE LA PROPRIÉTÉ P. 


Gaz acide carbonique... j quantité 
Air atmosphérique... | indéterminée. 
Carbonate de ehanx..…......... 0,192 
Sulfate de chaux... 0,068 
Chlorure de sodium... 0,046 
Silice et oxide de fer... 0,018 
Matière organique... 0,016 
0,310 
mens À 


118 


Je renvoie l'examen des eaux que fournissent les can- 
tons d'Audenge, Belin, la Teste, etc., au chapitre des 
eaux du sous-sol des Landes. 


CANTON DE BLANQUEFORT. 


Quoique le canton de Blanquefort soit un des plus 
favorisés sous le rapport des sources superficielles, les 
habitants n'en font pas moins usage de l'eau de leurs 
puits, très-inférieure en qualité; Blanquefort nous en 
donne la preuve : l'eau de ses puits est lourde, séléni- 
teuse, malsaine, et partout aux environs circulent, à 
la surface du sol, des eaux pures et légères. Il en est de 
même dans les communes du Taillan, d'Eysines, etc. 


PUITS PUITS 
DU BOURG DE RLANQUEFORT. DU BOURG DU TAILLAN. 
Profondeur, 16 à 18 mètres. Profondeur, 11 à 12 mètres. 

Marque 10 deg., l'air étant à 24. Marque 10 deg. /., l'air étant à 24. 
Gaz acide carbonique... 0,125 Re nes EE 
Air atmosphérique. ...,.,..., 01015 OM MOSnACnnnE EEE No? ù 
0145 
0,140 PRES 
Carbonate de chaux. . ...... 0,435 Carbonale de Chañx,- veus JE 
x 20ISuate APICHAUX. LE rc. 0,102 

SulAtE ACICRAUX..... 2... 0,267 x Ë 
SEL AE Chlorure de sodium... ...,.... 0,056 

Chlorure de sodium. ......... 0,122 ; Ve 
! de calcium.,......,. 0,032 
decalcium.......-. OUOGNE # : = 
à -Q Silice et oxide de fer... .. 0,016 
AZotate de chaux... .......... 0,078 RCD ET RO 0.006 
Silice et oxide de fer... 0,024 Ne IR TITRES Hate : pe 
Matière organique. , .......... 0,009 0,529 

1,031 


PUITS DU BOURG D'EYSINES. 


Gaz acide carbonique... 0,0135 
Air atmosphérique. ......, .. 0,0015 
0,150 

Carbonate de chaux. 0,315 
Sulfate de chaux... .. .. 0,182 
Chlorure de sodium... ...... 0,056 
APICAICIUN eee ae 0,021 

de magnésium....... 0,019 

Silice et oxide de fer. … . 0,021 
Matière organique ........,.. 0,012 
0,626 


= 
de) 


PUITS DE LA PROPRIÉTÉ AÀ., 


COMMUNE D'EYSINES. 


Gaz acide carbonique........ 0,0140 
Air atmosphérique.. ...... . 0,0020 
0,160 

=. 

Carbonate de chaux........... 0,275 
Sulfate de chaux.............. 0,167 
Chlorure de sodium... . 0042 
de calcium... ....... 0,034 

Silice et oxide de fer......... 0,018 
Matière organique... ..,...... 0,010 
0,546 


Les communes de Ludon et de Macau contiennent 
quelques bonnes sources; mais généralement l'eau des 


puits est de qualité inférieure, et rentre dans la classe 


des eaux indifférentes. 


PUITS DE MACAU. 


Gaz acide carbonique.. | quantité 
Air atmosphérique ... | indéterminée. 
Carbonate de chaux..........…. 0,435 
Sulfate de chaux.. ........... 0,208 
Chlorure de sodium. ......... 0,122 
de calcium... ,..... 0,016 
Silice et oxide de fer......... 0,014 
Matière organique. ........,.. 0,008 
0,803 
CANTON DE 


PUITS DE LUDON. 


Gaz acidé carbonique... } quantité 
Air atmosphérique... \ indéterminée. 
Carbonate de chaux. ........…. 0,476 
Sulfate de chaux... 0... 0,184 
Chlorure de sodium...... 3000; 107 
He CAlCIUME ee 0,024 
Silice et oxide de fer.. ....... 0s016 
Matière organique... . AGE 0,012 
0,819 
LL cnonmmttthsl 

CASTELNAU. 


Les puits sont nombreux; l'eau qu'ils fournissent, 


bonne dans quelques communes, est: très-inférieure 


dans d'autres; ils sont généralement peu profonds : 


creusés dans un sol siliceux très-perméable, l'eau con- 


1 


0 


tient presque partout de la matière organique en forte 


quantité. 


Le bourg de Castelnau, celui de Margaux, de Sous- 


sans, d'Arcins, sont alimentés par des eaux de puits 
assez chargées de matières organiques pour les rendre 


malsaines. 


PUITS DE CASTELNAU. 
Profondeur, 6 mètres. 
Marque 11 deg. , l'air étant à 23. 


Eau limpide, un peu colorée. 


Gaz acide carbonique. ...... . 0,0125 


Air atmosphérique... .. ..... 0,0015 
0,0140 

Carbonate de chaux. .......... 0,252 
Sulfate de chaux. ............. 0,087 
Chlorure de sodium. .......... 0,102 
de calcium... ...... 0,028 

Silice et oxide de fer... 110,026 
Matière organique aliotique..… 0,022 
0,517 

note) 


PUITS DE SOUSSAN 


un 


Gaz acide carbonique... 0,0120 
Air atmosphérique. ...,..... , 0,0015 
0,0135 

L 
Carbonate de chaux. .......... 0,363 
Sulfate de chaux......... 0,087 
Chlorure de sodium... OO 
de CAICUMEt-..-... 0,048 
de magnésium. .,, . 0,024 
Silice et oxide de fer......... 0,019 
Matière organique... 0,017 
0,630 
st 


PUITS DE MARGAUX. 


Gaz acide carbonique... 0,0130 
Air atmosphérique ...... .... 0,0015 
0,0145 

Carbonate de chaux. ......... 0,295 
Sulfate de chaux... ..., . 0,154 
Chlorure de sodium... ,........ 0197 
de calcium. ........, 0,049 

Silice et oxide de fer... ....…. 0,016 


Matière organique légèrement 
albumineuse..…............. 


PUITS D'ARCINS. 


Gaz acide carbonique... , 0,0125 


Air atmosphérique. ........... 0,0015 

0,0140 

ee 65. 1 

Carbonate de chaux........... 0,287 

Sulfate de chaux.............. 0,062 

Chlorure de sodium.......... 0,091 

deXcalCME AR. 0,014 

Silice et oxide de fer.......... 0,015 
Matière organiqueun peu al— 

DUMINÉUBE seems eee 0,026 

0,495 


15 


CANTON DE PESSACe 


Les eaux profondes de ce canton sont de très-bonne 


ualité, le sol qui les recouvre étant généralement sa- 
{ ; I 5 


blonneux. Pessac, Canéjean, Gradignan, Mérignac, 
Villenave-d'Ornon, Cestas, ont des puits qui rivalisent 


de pureté avec les sources superficielles les plus renom- 


mées. 
PUITS DU BOURG DE PESSAC. 
Profondeur, 7 à 8 mètres. 


Marque 10 deg. "},, l'air étantà 22. 
Gaz acide carbonique. ........ 0,0140 


Air atmosphérique. ......... . 0,0015 
0,0155 

Carbonate de chaux.......... 0,263 
Sulfate de chaux........., 0,087 
Chlorure de sodium........... 0,072 
de calcium... 0,025 

Silice et oxide de fer. ...... 0.018 
Matière organique. .......... 0,009 
0,47 


PUITS DE GRADIGNAN. 


Gaz acide carbonique. ......…. 0,0135 
Air atmosphérique. ........... 0,0020 
0,0155 

Carbonate de chaux......,..…, 0,282 
Sulfate de chaux... … 0,096 
Chlorure de sodium. . ... .... 0,082 
de calcium. ...... .. 0,048 

de magnésium... .... 0,027 

Silice et oxide de fer... 0,021 
Matière organique ........... 0,007 


PUITS DE CANÉJEAN. 


Peu profond. 
Marque 10 deg. ‘/,, l'air étant à 23. 


Gaz acide carbonique. .. .... 0,0125 
Air atmosphérique... ...... 0,0015 
0,0140 

Carbonate de chaux........... 0,256 
Sulfate de chaux............. 0,042 
Chlorure de sodium. .......... 0,054 
Silice et oxide de fer.......... 0,021 
Matière organique... ....... 0,008 
0,381 


PUITS DE MÉRIGNAC. 


Gaz acide carbonique... 0,0135 
Air atmosphérique. .........,. 0,0015 
0,0150 

Carbonate de chaux........... 0,245 
Sulfate de chaux... ......... 0,102 
Chlorure de sodium... 0 00 
GB CAICIUN- Re re.-« 0,031 

Silice et oxide de fer, .... .. 0,018 
Matière organique. .…........ 1207007 
0,470 

Eu 


152 


PUITS DE VILLENAVE-D'ORNON. PUITS DE CESTAS. 
Gaz acide carbonique... } quantité Gaz acide carbonique . } quantité 
Air atmosphérique... \ indéterminée. Air atmosphérique... | indéterminée. 
Carbonate de chaux.......... 0,282  Carbonate de chaux. .......... 0,192 
Sulfate de chaux.............. 0,064 Sulfate de chaux......... 0,035 
Chlorure de sodium .... .... . 0,087 Chlorure de sodium........... 0,082 
de calcinm.......... 0,061 de calcium ........ . 0,056 
Silice et oxide de fer......... 0,014 Azotale de potasse.........….. 0,034 
Matière organique............ 0 005 Silice et oxide de fer.. .....…. 0,022 
————— Matière organique un peu albu- 
0,513 IniNeuSe se EN 0,013 
0,434 


CANTON DE LA BRÈDE. 


Ce canton, quoique arrosé par plusieurs petits ruis- 
seaux, est cependant moins favorisé que celui de Pessac. 

Le bourg de La Brède possède un puits public, dont 
l'eau est assez pure en été; mais le sol où il a été creusé 
est tellement perméable, que dans les fortes pluies l'eau 
double de volume au détriment de sa qualité. Les puits 
dont le bourg est abondamment pourvu, sont généra- 
lement peu profonds, et l'eau qu'ils fournissent chargée 
de matières organiques. 


PUITS PUBLIC DE LA BRÈDE. PUITS 

DE LA MAISON MONTESQUIEU, 

Gaz acide carbonique... 0,0125 A LA BRÈDE. 

Air atmosphérique..........…. 0,0015 

ee 1Gazracite carbonique, ...:.0. 0,0155 
0,0140 Air atmosphérique . .......... 0,0015 
Carbonate de chaux... 0,182 0,0170 
Sulfate de. chaux. ............. 0,05 TER 
Chlorure de sodium... 0,072  Carbouate de chaux 0,295 
de calcium... . … 0,048 Sulfate de chaux........ ..... 0,084 
Silice et'oxide de fer... 0,018 Chlorure de sodium... 0,132 
Matière organique 0,014 de calcium... 0,042 
= Silice et oxide de fer. .....…. 0,018 
0,590 Matière organique... 0,018 


153 
Les puits de Léognan, de Castres, de Saucats, four- 
nissent une eau qui diffère peu quant à la quantité de 
matière saline, de celle de La Brède; mais elle con— 
tient beaucoup moins de matière organique, ce qui la 


rend préférable pour la boisson. 


PUITS DE LÉOGNAN. 
Gaz acide carbonique. ....... 0.0125 


Air atmosphérique. .......... 0,0020 
0,9145 

Carbonate de chaux, ....,..... 0,253 
Sulfate de chaux. ....... ..... 0,102 
Chlorure de sodium....e...... 0,064 
de calcium........... 0,038 

Silice et oxide de fer.......... 0,021 
Matière organique............. 0,007 
0,485 


PUITS DE CASTRES, 


HAUTE PLAINE 


Gaz acide carbonique......... 0,0125 
Air atmosphérique. . ......... 0,0015 
0,0140 

Carbonate de chaux....... …. 0,244 
SulRIeITE ChAUXS.2-....-...r 0,094 
Chlorure de sodium .......... 0,067 
de calcium........... 0,082 

Silice et oxide de fer... ..... 0,017 
Matière organique... ...... 0,007 
0,511 


PUITS DE SAUCATS. 


Gaz acide carbonique. . j quantité 
Air atmosphérique. \ indéterminée. 
Carbonate de chaux. .......... 0,273 
Sulfate de chaux............. 0,068 
Chlorure de sodium..... .... 0,052 
de calcium.......... 0,056 
Siiice et oxide de fer... HO, 016 
Matière organique... ... .... 0,008 
0,473 
ns El 


PUITS DE CASTRES, 


BASSE PLAINE. 


Gaz acide carbonique........ 0,0135 

Air atmosphérique. .......... 0,0015 

0,0150 

Carbonate de chaux... . ..…. 0,205 

Sulfate de chaux ............ 0,102 

Chlorure de sodium, . ........ 0,121 

de calcium. ...,..... 0,048 

de magnésium... .... 0,037 

Silicate d’alumine........ .... 0,021 
Matière organique et oxide de 

PÉDOC De bons ad HO DI 

0,545 


CANTON DU CARBON-BLANC. 


Les puits sont profonds, l'eau qu'ils contiennent est 


de qualité très-ordinaire; dans quelques localités, elle 


est mème malsaine. 


154 
CARBON BLANC. — Gros bourg situé sûr un plateau ; 
élevé; comme le plus grand nombre de nos communes 
rurales, il manque de fontaine publique; les puits y 
sont nombreux. 


AMBARÈS. — Joli bourg, bien bàti, terrain fertile, 
sol calcaire, eau séléniteuse. 


BOUILLAC. — Jolie commune sur le coteau qui borde 
la rive droite de la Garonne. Point de sources super- 
ficielles remarquables; puits profonds de 16 à 18 mè- 
tres, eau de bonne qualité. 


FLOIRAC. — Site élevé dominant la Garonne, terrain 
argilo-calcaire, puits très-profonds, 18 à 30 mètres; 
eau limpide, fraiche et pure. 


LORMONT. — Sources profondes, nombreuses, sol 
argilo-siliceux; puits abondants, eau limpide, saveur 
franche et agréable. 


SAINT-LOUBES. — Puits peu profonds, eau séléni- 
teuse, lourde, malsaine. 


CENON-LA-BASTIDE, — Les puits de La Bastide sont 
peu profonds, l'eau qui les alimente n'est pas à plus de 
ä ou 5 mètres du sol; cette eau, chargée de matières 
organiques, contient du crénate de fer, qui lui donne 
une saveur atramentaire assez sensible, et la rend im- 
propre à certaines industries, telles que la fabrication 
de la bière, celle des poteries blanches, ete. 


155 


PUITS DU CARBON-—BLANC. 


Gaz acide carbonique... 0,0130 

Air atmosphérique........... 0,0020 

0,0150 

Carbonate dé chaux... ...... 0,462 

Sulfate de chaux . ......... 0,196 

Chlorure de sodium .......... 0,115 

de calcium...,...... 0,076 

de magnésium ..... 0,042 

Silicate d’alumine ...... ..... 0,014 
Matière organique et oxide de 

Sa éd ete" son 00e Gooc 0,009 

0,914 


PUITS DE BOUILLAC. 


Profondeur, 14 mètres. 
Marque 10 deg. '/,. l'air étant à 23. 


Gaz acide carbonique... quantité 
Air atmosphérique... \ indéterminée. 
Carbonate de chaux... ...... 0,276 
Sulfate de chaux.............. 0,054 
Chlorure de sodium... Serie 0,062 
de calcium.......... 0,071 
de magnésium... .... 0,022 
Silice et oxide de fer.......... 0,014 
Matière organique. ........... 0,006 
0,505 


PUITS DE LORMONT. 


Profondeur 11 mètres. 
Marque 11 deg., l'air étant à 23. 


Gaz acide carbonique. } quantité 
Air atmosphérique. ... | indéterminée. 
Carbonate de chaux... ....... 0,252 
Sulfate de chaux. .......,..... 0,064 
Chlorure de sodium ....... . 0,036 
GAEICAICIUM -... -...- 0,028 
de magnésium... .. 0,026 
Silice et oxide de fer. ... ... 0,021 
Matière organique .......... 107002 
0,429 
nc | 


PUITS D'AMBARES. 


Gaz acide carbonique... 0,0165 

Air atmosphérique... ....... 0,0015 

0,0180 

Carbonate de chaux... ...... 0,620 

Sulfate de chaux ............. 0,465 

Azotate de chaux... + 20) 0,076 
de magnésie.......... | 

Chlorure de sodium. ....,...... 0,115 

de calcium... .,..... 0,252 

de magnésium, ...... 0,081 

Silice et oxide de fer... 0,014 

Matière organique....... ...., 0,008 

1,631 


PUITS DE FLOIRAC. 
VILLA ROSA. 


Profondeur, 31 mètres. 
Marque 9 deg. ‘/,, l'air étant à 23. 


Gaz acide carbonique... .... 0,0165 
Air atmosphérique. .......... 0,0015 
0,0180 

Carbonate de chaux........…, 0,280 
Sulfate.de chaux .............. 0,044 
Chlorure de sodium........... 0,056 
de calcium... ....... 0,032 

de magnésium... 0,017 

Silice et oxide de fer......... . 0,021 
Matière organique... ...... . 0.003 
0,453 


PUITS DE SAINT-LOUBES. 
Profondeur, 14 mètres. 
Marque 11 deg., l'air étant à 23. 


Gaz acide carbonique... j Quantité 
Air atmosphérique... | indéterminée. 
Carbonate de chaux... ...... 0,725 
Sulfate de chaux... ... 0,442 
Chlorure de sodium... 0,402 
de calcium... ...... 0,064 
de magnésium... 0,038 
Azotate de chaux... ...... … i Fe 
de magnésie ......... 00,265 
Silicate d'alumine............. 0,024 


Matière organique et oxide de 
0,010 


1,870 


156 


PUITS DE LA BASTIDE. PUITS DE CENON-LA-BASTIDE, 

Gaz acide carbonique. | quantité Gaz acide carbonique... quantité 
Air atmosphérique... \indéterminée, Air atmosphérique. . ..… \'indéterminée. 
Carbonate de chaux... ...... 0,167  Carbonate de chaux........... 0,325 
Sulfate de chaux. ............ 0,038 Sulfate de chaux... .........., 0,102 
Chlorure de sodium ........ . 0,051 Chlorure de sodium... ..... 0,046 
de calcium.. ,..... 0,042 de calcium... ..... . 0,038 
de magnésium... 0,018 Silice et oxide de fer... ....... 9,016 
Silicate d’alumine.. .......... 0,014 Mativre organique... , 0,002 
Crénate de fer et matière or— Fe 
HAIIQUE..... te eee eo 0,009 0,529 

0,339 


CANTON DE CRÉON. 


Créon n'a point de fontaine publique, les puits y 
sont nombreux, l'eau lourde et malsaine. 


LA SAUVE. — Le collège de la Grande Sauve possède 
des sources profondes, qui fournissent à ses puits une 
eau abondante et de bonne qualité. 


CARIGNAN. — Petite commune contenant de bonnes 
eaux, tant superficielles que profondes; le sol est silico- 
argileux, les puits abondants et peu profonds. 


LA TRÈNE. — Petit bourg dans la vallée de la Ga- 
ronne ; il est entouré de sources superficielles; mais les 
habitants n'emploient que l'eau de puits, qui est plus 
à leur portée. 


PUITS DE CRÉON. 


Eau limpide, inodore, saveur fade 
et terreuse. 


Gaz acide carbonique... 0,0145 
Air atmosphérique. .......... 0,0015 
0,0160 
Carbonate de chaux........... 0,362 
Sulfate de chaux. ..... ....... 0,340 
Chlorure de sodium........... 0,127 
de calcium. ......... 0,102 
de magnésium. ..... 0,054 
Silicate d’alumine. ........... 0,021 
Matière organique et oxide de 

raies ss bte Ste 0,009 
1,015 

EE | 


PUITS DE CARIGNAN. 


Eau Limpide, un peu fade. 
Profondeur, 11 à 12 mètres. 
Marque 10 deg. , l'air étant à 23. 


Gaz acide carbonique...) quantité 
Air atmosphérique. ..…. | indéterminée. 
Carbonate de chaux.......... 0,438 
SUIALEME CHAUX... 0. 0,057 
Chlorure de sodium...., ... 0,051 
de calcinm.......... 0,034 
Silicate d’alumine......... . . 0,016 


Matière organique et oxide de 


unes sn nsnsnsnnnnnse 


PUITS 
DU COLLÉGE DE LA GRANDE SAUVE. 


Eau limpide, fraiche, agréable et 
légère. 


Gaz acide carbonique... . . 0,0165 
Air atmosphérique, ......... 0,0020 
0,0185 

Carbonate de chaux. . ..... 0,177 
Sulfate de chaux... ........... 0,112 
Chlorure de sodium........... 0,068 
de calcium... ....…. 0,052 

Azotate de chaux............. 0,024 
Silice et oxide de fer.......... 0,018 
Matière organique. ........... 0,002 
0,453 

mme 


PUITS DE LA TRÈNE. 


Eau limpide, un peu fade. 
Profondeur, 11 à 12 mètres. 
Marque 10 deg. , l'air étant à 93. 


Gaz acide carbonique... quantité 
Air atmosphérique... \ indéterminée. 
Carbonate de chaux. ........ 0,422 
Sulfate,de chaux............. 0,130 
Chlorure de sodium. ...... ... 0,042 
de calcium..... ..... 0,036 
Silicate d’alumine... ......... 0,012 

Matière organique et oxide de 

ET etes sde 0,011 
0,660 


CANTON DE PODENSAC. 


PODENSAC. — Commune populeuse, sources abon- 
dantes, eau pure et agréable; puits profonds de 9 à 10 


mèlres, 


158 


gARsAC. — Bourg considérable; point de fontaine; 


eau de puits fraiche, agréable et pure. 


ILLATS. — Eaux abondantes et salubres, sol siliceux ; 
puits profonds d'environ 8 à 9 mètres. 


porTETs. — Eaux excellentes; puits nombreux et peu 


profonds. 


PUITS DE PODENSAC. 


Gaz acide carbonique... } quantité 
Air atmosphérique. .…. | indéterminée. 
Carbonate de chaux........... 0,192 
Sulfate de chaux.............. 0,034 
Chlorure de sodium. ...,.... 0,038 
de calcium... ........ 0,032 
Azotate de chaux........,..... 0,018 
Silice et oxide de fer......... 0,011 
Matière organique.. ........ 0,002 
0,327 


PUITS D'ILLATS. 


Gaz acide carbonique... j Quantité 
Air atmosphérique ..... \ indéterminée. 
Carbonate de chaux. ....,....…. 0,267 
Sulfate de chaux.. ............ 0,042 
AZOtAte AE CHAUX. ce... 0,016 
Chlorure de sodium ... ..... 0,048 
de calcium... ..… 0,034 
Silice et oxide de fer.......... 0,012 
Matière organique. ............ 0,002 
0,421 
0 


PUITS DE BARSAC. 


Gaz acide carbonique... j quantité 
Air atmosphérique... | indéterminée. 


Carbonate de chaux.........…. 0,348 
SUITE de CHAUX... ., se 0,068 
Chlorure de sodium........... 0,057 
Azotale de chaux... ......... 0,036 
Silice et oxide de fer . ..... 0,014 
Matière organique. ........... 0,006 
0,529 
PUITS DE PORTETS. 
Gaz acide carbonique.. } Quantité 
Air atmosphérique... \ indéterminée. 
Carbonate de chaux. ......... 0,293 
SUITE IENCRANX rer eee 0,067 
Azotate de chaux. nosehe ssl) 0,036 
de magnésie.... .... \ 
Chlorure de sodium... ..... . 
de calcium. ......... 0,064 
de magnésium... 
Silice et oxide de fer. ....... 0,012 
Matière organique. ........... 0,006 
0,478 


159 
CANTON DE CADILLAC, 


CADILLAC. — Jolie petite ville; elle possède une fon- 
taine publique; les puits y sont profonds et fournissent 
de très-mauvaises eaux. 


LANGOIRAN. — Eau de puits bien supérieure à celle 
des puits de Cadillac. 


PUITS DE CADILLAC. PUITS DE LANGOIRAN. 
Gaz acide carbonique... 0,0160 Gaz acide carbonique, . } quantité 
Air atmosphérique... ........ 0,0015 Air atmosphérique. .……. | indéterminée. 
a A DONAIE (E CHAUX. 2-2... 0,329 
0,0175 « Sulfate de chaux... .......... 0.112 
————— Chlorure de sodium, . ........ 0,063 
Carbonate de chaux... ....... 0,792 deYCaIéuns 4... 0,034 
Sulfate de chaux.......... …… 0,475 Silice et oxide de fer... … 0,014 
Azotate de chaux... ... …. | - Matière organique...........…. 0,008 
Fe 0,187 
de magnésie......... \ FR. 
Chlorure de sodium........... 0,130 0,560 
de calcium.......…. | 0.214 = — 
de magnésium. . .. | 
Silice et oxide de fer... 0,016 
Matière organique......,...…. 0,012 
1,826 


CANTON DE SAINT=ANDRÉ-DE=CUBZAC. 


SAINT-ANDRÉ. — Bourg populeux situé sur un haut 
plateau; puits nombreux, de 40 à 12 mètres de pro 
fondeur, eau limpide et de bonne qualité. 


SALIGNAC. — Point de fontaine publique; puits pro- 
fonds, eau limpide, un peu séléniteuse, 


160 


PUITS DE S.-ANDRÉ-DE-CUBZAC. 


Gaz acide carbonique... } quantité 
Air atmosphérique... \ indéterminée. 
Carbonate de chaux., ........ 0,251 
Sulfate de chaux.........,... + 10 105 
Azotate de chaux. ........... 0,067 
Chlorure de sodium. . ........ 0,078 
de calCInMe 2... 0,042 

Silicate d’alumine et oxide de 

TÉL ner ER een ep es use 0,020 
Matière organique............. 0,009 
0,575 


PUITS DE SALIGNAC. 


Gaz acide carbonique, . | quantité 

Air atmosphérique. .…, lindéterminée. 
Carbonate de chaux... ........ 0,384 
Sulfate de lChANT: 7. 0 62 


Chlorure de sodium. ......….. 0,056 
UC CaICIUM 1... MO U OZ 

de magnésium, ...…. 0,027 

Silice et oxide de fer. ,.... . 0,012 
Matière organique... ,,....... 0,006 
0,111 


6e ARRONDISSEMENT. 


Lcsparre, 


Construite au milieu d'une plaine fertile, la petite 


ville de Lesparre, bien bâtie et assez populeuse, ne ren- 


ferme aucune fontaine publique; les puits suffisent aux 


besoins de la population. 


CIVRAC. — Bourg peu important: point de fontaine ; 


puits peu profonds; eau lourde, séléniteuse, malsaine. 


QUEYRAC. — Bourg considérable, sol fertile, marais 


étendus; point de fontaine; puits nombreux, eau mal- 


Salne, 


161 


PUITS DE LESPARRE. PUITS DE CIVRAC. 
Profondeur, 9 à 10 mètres. Profondeur, 7 à 8 mètres. 
Marque 10 deg. , l'air étant à 22. Eau limpide, saveur un peu maré 


Eau limpide, saveur fade, terreuse. cageuse. 


Carbonate de chaux... 0,505 Gaz acide carbonique... } quantité 


SALE Te CRAUX, Ne rercesse 0,316 Air atmosphérique... . | indéterminée. 
Azotate de chaux........... … 0,042  Carbonate de chaux. ....... . 0,475 
Chlorure de sodium... 0,136 Sulfate de chaux........... .. 0,225 
de calcium. . ........ 0,012 Chlorure de sodium........... 0,185 

Silice et oxide de fer... . 0,014 de calcium. ......... 0,096 
Matière organique... 0,010 Silice et oxide de fer... ...... 0,027 
————— Matière organique. .....,.... 0,011 

1,035 ES 

— 1,019 

EE 


PUITS DE QUEYRAC. 


Profondeur, 6 à 7 mètres. 
Eau limpide , marécageuse. 


Gaz acide carbonique... | quantité 


Air atmosphérique... | indéterminée. 
Carbonate de chaux........... 0,525 
Sulfate de chaux. ............ 0,082 
Azotate de chaux... ee delete l 0.096 
de magnésie...... .. jee 
Chlorure de sodium... ........ 0,135 
de calcium. . ....... 0,102 
de magnésium. ...…. 0,037 
Silice et oxide de fer........... 0,022 


Matière organique albumin..… 0,013 


CANTON DE SAINT=-LAURENT, 


Terrain sablonneux, aride, peu fertile; point de 
sources superficielles, puits nombreux, peu profonds, 
eau chargée de matières organiques. 


SAINT-LAURENT. — Bourg assez populeux, puits 


12 


162 


plus profonds que dans les autres parues du canton, 


eau de meilleure qualité. 


PAUILLAC. — Bâtie sur le bord du fleuve, la petite 
ville de Pauillac manque de fontaine publique; les ha- 
bitants font usage d'eau de puits. 


SAINT-ESTÈPHE. — Joli bourg sur la Gironde; point 


de fontaine publique; puits nombreux, eau lourde et 


séléniteuse. 


PUITS DE PAUILLAC. 


Acide carbonique... | Quantité 
Air atmosphérique... | indéterminée. 
Carbonate de chaux. ........., 0,195 
Sulfate de chaux..........:.. 0,052 
Chlorure de sodium....... ... 0,115 
de calcium......... 0,034 
de magnésium, . .. 0,021 
Silice et exide de fer... 0,014 


Matière organique. ....,,..,.. 0,007 
lode, des traces. 


PUITS DE SAINT-ESTÉPHE. 


Gaz acide carbonique... } quantité 
Air atmosphérique... | indéterminée. 
Carbonate de chaux... 0,585 
Sulfate de chaux... 2... 10287 
de, magnésie.. ........ 0,026 
Chlorure de sodium........... 0,102 
de-calcium. ......... 0,024 
de magnésium, ..….... 0,038 
Silice et. oxide de fer......... 0,018 
Matière organique... 00,006 

lode, des traces, 

1,031 


PUITS DE SAINT-LAURENT. 


Gaz, acide carbonique... } 
.. |'indéterminée. 


Air atmosphérique. 


Carbonate de chaux, 
Sulfate de chaux... 


Chlorure de sodium 


nous 


de calcium. ....... , 
Silice et oxide de fer 
Matière organique albumin..…. 


quantité 


0,266 
0,080 
0,056 
0,022 
0,017 
0,016 


163 
CANTON DE SAINT=VIVIEN 
Situé à l'extrème limite du département du côté de 


la mer, ce canton n'est arrosé par aucun cours d'eau ; 
de nombreux marais salans occupent tout son littoral. 


SAINT-VIVIEN. — Ne renferme aucune source super- 
ficielle; les puits y sont nombreux, peu profonds, l'eau 
chargée de matières organiques. 


TALAIS. — Petit bourg, dont les eaux sont encore 
plus chargées que celles de Saint-Vivien. 


SOULAC. — Petite localité au pied des dunes; l'eau 
des puits est de mauvaise qualité. 


PUITS DE SAINT-VIVIEN. 


PUITS DE TALAIS. 


Gaz acide carbonique... } quantité Gaz acide carbonique... } quantité 
Air atmosphérique. ... | indéterminée. Air atmosphérique... | indéterminée. 
Carbonate de chaux... .,... 0,395 Carbonate de chaux. . ........ 0,346 
SEAT ACTE SERRES 0,210 Sulfate de chaux... .... 0,084 
Chlorure de sodium... ...,.... 0,135 de magnésie, ...... 0,014 
de magnésium... 0,042 Chlorure de sodium. ...... …. 0,147 
Silice et oxide de fer... .. 0,017 de calcium... :.... 064 
Matière organique albumin . 0,022 de magnésium. ..…. 0,048 
Jode , des traces. Silice et oxide de fer... 0,016 
7 0 821 Matière organique albumin... 0,034 
——— [ode, des traces, 
0,753 
PUITS DE SOULAC. 


Gaz acide carbonique. . } 


quantité 


Air atmosphérique. ..….. | indéterminée, 
Carbonate de chaux... ..… 0,382 
Sulfate de chaux... 0,177 
de magnésie,.. ... .... 0,027 
Chlorure de sodium... ..... 0,231 
de calcium... ......., 0,054 
de magnésium... 0,046 
Silice et oxide de fer. … .. . 0,014 
Matière organique albumin... 0,038 
lode, des traces, 
0,969 


164 


ARTICLE 2. — A" SECTION. 


Eaux siagnantes superficielles. 


l'SÉTANES" 


Les eaux que le sol des landes ne peut retenir, se 
rendent vers la mer par linclinaison naturelle du sol. 
Arrétées par les dunes qui bordent l'Océan, elles for- 
ment à leur base, sur une grande partie des côtes du 
golfe de Gascogne, une suite d'étangs communiquant 
ensemble et présentant une vaste étendue. Plusieurs de 
ces étangs appartiennent au département de la Gi- 
ronde; les principaux sont : l'étang de Hourtins, celui 
de Lacanau, et l'étang de Cazeaux ou de Sanguinet. 
Un nombre considérable d'autres étangs moins étendus 
se trouvent dans les communes du Porge, de Sainte- 
Hélène et du Temple, et se relient presque tous avec 
les deux grands étangs de Hourtins et de Lacanau. 

Ces grandes masses d'eau, retenues sur des surfaces 
de douze et même de quinze kilomètres d'étendue, sont 
d'une pureté remarquable, le sol qu'elles ont parcouru , 
composé de sable pur, n'ayant pu leur fournir que de 
très-petites quantités de sels minéraux et de faibles par- 
lies de matière organique, 


165 

Elles sont done bonnes pour la boisson ; néanmoins 
on doit leur préférer les eaux courantes, qui, saturées 
d'air et d'acide carbonique, sont beaucoup plus légères, 
et de plus facile digestion. Comme les eaux de quel- 
ques rivières que jai signalées, l'eau des étangs est 
peu fertilisante : elle ne fournit point aux végétaux les 
éléments de nutrition dont ils auraient tant de besoin 
sur le sol aride des landes, 

Mais ces eaux, qui sont, sans contredit, d'un grand 
secours pour les populations du voisinage, ont encore 
linappréciable avantage de pouvoir servir à l'arrose- 
ment des rizières (culture nouvellement introduite dans 
nos landes), sans compromettre la santé des travail- 
leurs; car elles ne laissent après leur évaporation que 
des quantités très-minimes de matière organique. Il ne 
faut done pas confondre, au point de vue de l'hygiène 
publique, l'eau des étangs et celle des marais et des 
ruisseaux; une différence énorme les sépare, ainsi que 
le démontrent les résultats suivants : 


EAU DES ÉTANGS 


DE HOURTINS. 


Eau limpide, sans couleur. 
Marque 17 deg. , l'air étant à 23. 


Gaz acide carbonique. ...... 0,0019 
Gamioxigbne, 4245.74 620) 2 0,0024 
(Crrr ET Dane orders 0,0072 
0,0115 
Carbonate de chaux... Pres 0,119 
Sulfate de chaux... ......... 0,011 
Chlorure de sodium.........., 0,052 
Silice et oxide de fer. ......... 0,008 
Matière organique, des traces. 
9,190 
— 


DE LACANAU. 


Eau très-limpide. 
Maïque 18 deg., l'air étant à 25. 


Gaz acide carbonique... 0,0017 
Gazhoxigène {19.2 LA El 0,0025 
FAT LOIR AS ares ec 0,0070 

0,112 
Carbonate de chaux. ......... 0,102 
Sulfate de chaux.............. 0,014 
Chlorure de sodium.......,... 0,046 
Silice et oxide de fer... 0,006 


Matière organique, des traces. 
0,168 


166 


DE CAZEAUX OU SANGUINET. 
Limpidité parfaite. 


Gaz acide carbonique... 0,0018 
Gaz oxigène. . :.. 0.0 00.402 0,0028 
Gaziazoie.-. +... SRE 0,0074 

0,0120 
Carbonale de chaux... .. .. 0,132 
Sulfate de chaux. ............, 0,016 
Chlorure de sodium... ...... 0,041 
Silice et oxide de fer......... 0,007 


Matière organique, des traces. 


* IL. — LAGUNES. 


On désigne dans nos landes, sous le nom de lagu- 
nes, des bassins naturels, de forme généralement cir- 
culaire, de profondeur variable, creusés sur un fond 
argileux ou aliotique que les eaux pluviales emplissent 
en hiver, et qui se dessèchent souvent en été, s'ils ne 
sont alimentés par quelques sources. 

Les lagunes les plus considérables du département 
sont celles de Rouquières, de Saint-Magne et de Trou- 
pins; ce sont aussi les seules dont j'aie étudié les eaux. 

Quoique l'eau des lagunes se rapproche beaucoup de 
celle des étangs par l'absence presque complète de sels 
minéraux, elle en diffère cependant en ce qu'elle con- 
tient une certaine quantité de matière organique, qui 
la rend souvent impropre à la boisson. 

Puisée en été, après une sécheresse assez prolongée, 
l'eau des lagunes est légèrement colorée; elle a une sa- 
veur fade et désagréable. 


167 


EAU DES LAGUNES 


DE ROUQUIÈRES. 


Limpide, mais colorée en jaunc— 
pailie. 
Marque 19 üeg., l'air étant à 24. 


Gaz acide carbonique... } quantité 
Air atmosphérique... ) indéterminée. 
Carbonate de chaux... Frécne 0,092 
Sulfate'dé chaux. ..... ....... 0,016 
Chlorure de sodium........... 0,042 
Silice et oxide de fer... .....…. 0,006 
Matière organique... . eee 0,014 
0,170 


DE TROUPINS. 


Limpide, fade, sans dégoût, peu 
colorée, sans odeur. 


Gaz acide carbonique, , } quantité 
Air atmosphérique... | indéterminée. 


Carbonate de ‘chaux. .…......... 0,086 
SUITALE de CHANX-. ee... 0,006 
Chlorure de sodium... .,. 0,034 
Silice et oxide de fer... sett 0;007 
Matière organique............. 0,011 

0,144 


DE SAINT-MAGNE. 


Saveur un peu marquée, colorée en 


jaune-paille. 


Gaz acide carbonique.. | 


Air atmosphérique 


Carbonate de chaux 
Sulfate de chaux ... 
Chlorure de sodium. . ........ 
Silice et oxide de fer 
Matière organique extractive. 


sus. 


quantité 


.… lindéterminée. 


0,010 
0,016 


0,175 


168 


IT, — MARAIS. 


Le département renferme un grand nombre de ma- 
rais, tant sur les bords de la Gironde que sur ceux de 
la Garonne et des étangs littoraux. 

Ces marais ne sont pas tous de même nature; quel- 
ques-uns sont sans action marquée sur la santé des 
populations; d'autres au contraire deviennent, pendant 
les chaleurs de l'été, des foyers pestilentiels. Les marais 
qui présentent ce dernier caractère au plus haut degré, 
sont situés dans les communes de Blanquefort, de Pa- 
rempuyre, de Montferrant sur la Garonne, de Sous- 
sans, d'Arcins, d'Avensan et de Vendays sur la Gironde. 

L'éducation de là sangsue à instantanément arrêté 
les travaux de dessèchement et de colmatage dont on 
s'occupait depuis plus de vingt ans, et qui avaient mo- 
difié et presque complètement changé la nature du sol 
bourbeux d'une partie des marais de la Garonne. Quel- 
ques années encore, et la plus grande partie des ma- 
rais de Blanquefort et de Parempuyre avoisinant la ri- 
vière allait disparaître; un sol alluvionnaire des plus 
fertiles aurait remplacé la fange humide et bourbeuse 
qui forme, à une grande profondeur, le sol de ces ma- 
rais. À cette amélioration si importante au point de 
vue agricole, si utile et si salutaire au point de vue de 
la santé publique, ont succédé des travaux d'une nature 
diamétralement opposée : les prairies nombreuses qui 
commençalent à recouvrir ces tourbières imparfaite— 


169 


ment colmatées, et que quelques centimètres de plus de 
terre argileuse eussent transformés en des terrains d'une 
fertilité remarquable, sont changées en cloaques per- 
manents, par le piétinement incessant des animaux 
qu'on affecte à la nourriture des sangsues : bientôt tous 
nos marais seront employés à la reproduction de ces 
annélides. Cette industrie oblige les éleveurs à mettre 
ces marais à sec alors qu'ils devraient être submergés 
par l’eau limoneuse de la Garonne, et de les tenir cou- 
verts d'eau précisément à l'époque où les chaleurs de 
l'été rendent plus actives et plus malfaisantes les exha- 
laisons miasmatiques dont ils deviennent le foyer. Le 
séjour de ces couches d'eaux répandues à dessein sur de 
vastes surfaces présente d'autant plus de danger, que 
la masse liquide ainsi abandonnée à une évaporation 
lente et continue, contient le plus souvent, indépen- 
damment d'une forte quantité de matière albumineuse 
végétale, des portions considérables de débris prove- 
nant des animaux qu'on donne en pàture aux sangsues. 

Il est donc urgent que l'administration supérieure 
réglemente au plus tôt une industrie qui nuit d'une 
manière aussi directe à la santé des populations rura- 
les des rives de la Garonne et de la Gironde. 

L'eau des marais à des caractères qui lui sont pro- 
pres, et qui permettent de la distinguer des eaux cou- 
rantes ; elle est ordinairement colorée; sa saveur et son 
odeur ont aussi quelque chose de particulier qui la dé- 
cèle ; l'ébullition la trouble légèrement; elle s'éclaireit 
par le repos, en déposant de petits globules albumineux 
coagulés par la chaleur ; souvent l’action du calorique 


170 
suffit pour la décolorer et lui enlever son odeur et sa 
saveur ; elle devient alors fade, nauséabonde, et son 
évaporation complète ne laisse pour résidu que de la 
matière organique et une pelité quantité de sels. 

Ces eaux ne servent point à la boisson; mais si dans 
quelques localités éloignées on était réduit à en boire, 
il faudrait d'abord les faire bouillir et les ventiler après 
leur refroidissement, ou, ce qui vaudrait mieux en- 
core, les filtrer sur de la poudre de charbon, ainsi qu'il 
sera indiqué plus loin. 


EAU DES MARAIS 


DE BLANQUEFORT, 


PUISÉE AU MOMENT DE LA PÊCHE DE LA 
SANGSUE, 


Cette eau est colorée en jaune-paille ; 
elle a une odeur de marécage et une 
saveur nauséabonde. 


Carbonate de chaux. .......... 0,105 
Sulfate de Chaux. ....... ..... 0,024 
Chlorure de sodium...,.....…. 0,046 
de calcium........... 0,018 

Silice et oxide de fer.....,.... 0,011 
Matière organique albumin.... 0,038 
0,242 


DE PAREMPUYRE, 


PUISÉE PENDANT LA PÈCHE DE LA SANGSUE. 


Légèrement colorée en brun fauve; 
saveur marécageuse. L'ébullition la trou- 
ble; elle s’éclaireit par le rayon qui sé— 
pare l’albamine végétale coagulée. 


Carbonate de chaux....... .. 0,086 
Sulfate de chaux.............. 0,019 
Chlorure de sodium .......... 0,042 
decalcium........... 0,012 

Silice et oxide de fer..….......…. 0,016 
Matière organique albumin . 0,041 
0,216 


DE MONTFERRANT, 
PUISÉE A L'ÉPOQUE DE LA PÈCHE, 


Légèrement colorée en brun; saveur 
marécageuse, odeur particulière. L’ébul- 
lition est sans action apparente. 


Carbonate de chaux........... 
Sulfate de chaux... 


Chlorure de sodium 


de calcium........., 
Silice et oxide de fer. 
Matière organique extractive.. 


0,09 ? 


AU N0 014 


0,056 
0,008 
PAT 0,010 

0,044 


0,224 


171 


92e SECTION. 


Eaux stagnantes profondes. 


I. — EAU DU SOUS-SOL DES LANDES. 


On sait que les eaux pluviales retenues à peu de 
profondeur par les couches aliotiques imperméables qui 
forment le sous-sol de nos landes, y croupissent, se 
chargent des principes solubles de l'alios, et forment 
ensuite cêtte nappe d'eau souterraine qui alimente tous 
ces puisards qui fournissent à la population landaise 
l'eau dont elle a besoin pour ses usages domestiques, 
sa boisson et celle des animaux. 

Ces eaux, presque entièrement privées de sels miné- 
raux, ont une couleur jaune-brun plus ou moins foncé, 
et contiennent une grande quantité de matière organi- 
que provenant soit de leur séjour sur l'alios, soit de la 
décomposition des végétaux, qui meurent sur ce sol 
perméable; aussi portent-elles le germe des maladies, 
trop souvent mortelles, que les chaleurs de l'été déve- 
loppent parmi les populations qui s'en abreuvent faute 
d'autre. 

La composition chimique de ces eaux n’a encore été 
consignée nulle part; c'est ce qui m'a déterminé à ap 


172 


porter dans l'examen analytique que J'en ai fait, des 
soins plus minutieux encore que pour les autres caté- 
gories. 

Lorsqu'en 1847 j'annoncai à l'Académie des Sciences 
de Bordeaux que le tuf de nos landes n’est point, 
comme on l'avait cru jusqu'alors, une agrégation fer- 
rugineuse, mais un amas sablonneux résultant de Fad- 
hérence des molécules siliceuses, liées entre elles par 
un sédiment végétal qui se dureit sous l'influence des 
rayons solaires, j'expliquai que cette matière extracti- 
forme, s'infiltrant tout d'abord dans l'intérieur des cou- 
ches sableuses qui constituent la presque totalité du 
sous-sol des landes, s'y dessèche, s'y solidifie , et forme 
ainsi un réseau imperméable, qui retient les eaux plu- 
viales et les empêche de pénétrer plus avant dans le 
sol. C'est cet agrégé végéto-siliceux, qu'on nomme 
alios. 

Les eaux pluviales séjournant sur ce terrain alioti- 
que, s'emparent de toutes les parties solubles de lalios 
et des débris organiques qu’elles baignent, prennent de 
la couleur, contractent une odeur particulière, et peu- 
vent devenir dangereuses pour la santé des popula- 
tions; elles ne sont pas toujours de même nature, et 
varient suivant leur profondeur. La matière végétale 
que contiennent celles qui séjournent à une profondeur 
de 3 à # mètres a perdu ses qualités délétères, parce 
que les diverses phases de la fermentation qu'elle à su 
bie l'ont transformée en une matière extractive en par- 
tie résinifiée, sorte d'humus qui parait être sans acuon 
sur l'économie animale, Je nommerai ces eaux alioli- 


173 
ques, parce qu'elles ne paraissent contenir que la par 
tie soluble de lalios. 

Les autres, retenues à 4 ou 2 mètres du sol, ont une 
couleur plus foncée, quelquefois légèrement verdàtre ; 
leur saveur et leur odeur ont quelque chose de maré- 
cageux; elles se troublent par l'ébullition, et bientôt 
après il se sépare un petit sédiment floconneux, ayant 
les caractères de l'albumine végétale : je les nommerai 
eaux aliotiques albumineuses. 

Cette dernière eau à beaucoup d'analogie avec celle 
des marais, dont elle est le diminutif; comme elle, elle 
perd en bouillant la plus grande partie de son odeur de 
marécage, sa saveur devient plus franche; renfermée 
dans des bouteilles soigneusement bouchées, elle peut 
se conserver un mois et plus sans altération, tandis 
que quand elle n’a n'a pas bouilli, quatre ou cinq jours 
suffisent pour l'amener à putréfaction. 

Filtrée au travers de la poudre de charbon, ou mise 
en contact avec des copeaux de bois de chêne, l’eau 
albumineuse perd, comme par l'ébullition, albumine 
qu'elle contient, et, avec elle, l'odeur et la saveur ma- 
récageuse; sa qualité est de beaucoup améliorée, et elle 
peut alors être bue sans danger. Des expériences com- 
mencées depuis plusieurs années et qui se continuent 
encore, ont démontré que ces eaux si malsaines, dont 
on est cependant réduit à faire usage dans certaines 
localités, subissent ainsi une modification des plus sa- 
lutaires. L'action du charbon ou du tanin de chêne est 
bien plus marquée sur les eaux franchement albumi- 
neuses que sur les eaux aliotiques; en effet, la poudre 


17% 
de eharbon absorbe la matière albumineuse, le tanin 
la coagule et la rend insoluble. 

Sans vouloir faire jouer à l'albumine végétale un 
rôle plus important que celui qu'on lui à attribué jus- 
qu'ici, je suis cependant tout disposé à admettre que 
c’est surtout à sa présence qu'il faut attribuer Faltéra-— 
tion rapide des eaux marécageuses, la fermentation qui 
s'y produit, et là formation des principes délétères 
qu'elles exhalent ou qu'elles retiennent en solution. 

De tous les principes immédiats des végétaux, lal- 
bumine est un de ceux qui se putrifie le plus prompte- 
ment; et en raison de sa nature animalisée, elle donne 
naissance à des produits azotés, qui contribuent au 
développement des fièvres paludéennes, si meurtriè- 
res dans quelques-unes de nos localités. On ne sau- 
rait donc trop recommander de filtrer au charbon tou- 
tes les eaux colorées de nos landes ou du Médoc qu'on 
destine à la boisson ; cette précaution devrait être prise 
surtout dans les années de sécheresse, où les eaux sont 
rares et où elles accumulent sous un petit volume les 
éléments morbides qui viennent d'être signalés. 

La construction de filtres dépurateurs est d'ailleurs 
si simple, si peu dispendieuse, que toutes les popula- 
tions de nos landes s'empresseront d'en faire usage, 
dès qu'on aura pu les convaincre des avantages qu'elles 
doivent en retirer. Comme il ne leur serait pas possible 
de distinguer les eaux purement aliotiques de celles qui 
sont albumineuses, je les engage à filtrer indistincte- 
ment toutes les eaux destinées à leur boisson, lors- 
qu'elles auront une couleur, une saveur ou une odeur 
quelconque, 


175 

Pour construire un filtre dépurateur, on place une 
barrique debout, après l'avoir bien nettoyée et défoncée 
d'un côté; on établit à 25 ou 30 centimètres du fond, 
une cloison circulaire ou double fond en bois de chène, 
percé d'un grand nombre de trous de la grosseur d'une 
plume à écrire; on étend sur ce fond une couche de 
gravier de 8 ou 10 centimètres d'épaisseur, et l'on ré- 
pand par-dessus une couche de 12 centimètres de 
charbon de chêne pulvérisé grossièrement. Ce charbon 
ne suflit pas toujours pour décolorer complétement les 
eaux; pour obtenir ce résultat, il faut ajouter au char- 
bon de bois un cinquième de charbon animal concassé, 
recouvrir le tout de & où 10 centimètres de sable fin 
bien lavé, et placer par-dessus une seconde rondelle 
ou fond, pour comprimer les matières filtrantes régu- 
lièrement étendues. Ce dernier fond, percé comme le 
premier, doit être fortement assujetti à l'aide de quel- 
ques clous ou de chevilles en bois de chêne. 

Ces dispositions prises, on remplit la barrique de 
leau qu'on destine à la boisson, et on la retire filtrée 
au fur et à mesure des besoins, à l'aide d’un petit ro- 
binet en bois placé à la partie inférieure. Pour obtenir 
une pression suflisante et une filtration rapide, il con- 
vient de maintenir la barrique pleine. 

Un filtre ainsi préparé peut fonctionner longtemps, 
sans qu'il soit besoin de renouveler les matières filtran- 
tes, car la propriété absorbante du charbon est considé- 
rable, On reconnaitra d'ailleurs que le charbon doit 
être changé, lorsque son action décolorante et absor- 


176 
bante ne suffira plus pour purifier complétement l'eau 
qu'on soumettra à la filtration ‘. 

Les postes des douanes situés sur le littoral, ceux 
surtout des communes de Saint-Vivien, du Verdon, 
de Talais, de Soulac, de Béchevelle, etc., sont privés 
chaque année pendant l'été de bonnes eaux potables; 
aussi une partie des douaniers de ces stations sont- 
ils périodiquement atteints de fièvres très-graves. J'ai 
la certitude que l'administration des Douanes prévien- 
drait en grande partie ces accidents, en établissant dans 
chacun de ces postes un filtre-tonneau, et en obligeant 
les employés à ne faire usage que d'eau filtrée. Les 
mêmes précautions pourraient être prises sur tous les 
points du département où l'on ne peut se procurer 
pour la boisson que des eaux aliotiques où albumi- 
neuses. Les avantages qu'on procurerait ainsi aux po 
pulations, sont trop évidents pour ne pas fixer l'atten- 
tion de l'administration départementale. 

Les cantons du département où se trouvent des eaux 
aliotiques et albumineuses, sont ceux d’Audenge, de 
Belin, de Captieux, de La Teste, de Saint-Sympho- 
rien, de Villandrault. Il faut y joindre quelques commu- 
nes des cantons de Castelnau, de Saint-Laurent et de 
Saint-Vivien. 

CANTON D'AUDENGE:+ 

Lé canton d'Audenge, borné par le bassin d'Arca- 

? Dans toutes les localités où l'on a fait, pendant l'été, un usage habituel de 
l'eau filtrée au Charbon, on a vu disparaître les fièvres pernicieuses ; et dans cer 


taines communes, des familles ont été préservées des épidémies annuelles par 
cette précaution si simple, 


177 

chon, est en pleine lande; c'est à peine si l'on trouve 
de loin en loin quelques couches de terre argileuse su- 
perticielle : le sable recouvre la presque totalité du sol, 
variant seulement de nature, selon qu'il sy trouve 
mêlé une plus ou moins grande quantité d'humus, pro 
venant de la décomposition permanente des végétaux. 

Les eaux, chargées de matières organiques albumi- 
neuses, qui les rendent promptes à s'altérer, y sont dé- 
testables *. 


AUDENGE. — Bourg peu considérable près du bassin 
d'Arcachon; l'eau qu'on y boit est jaunätre et sent le 
marécage; les puits sont peu profonds. Cette commune 
renferme un assez grand nombre de marais qui vicient 
l'air et occasionnent fréquemment des fièvres que la 
mauvaise qualité des eaux dont s'abreuve la population 
rend souvent mortelles. 


BIGANOS. — Commune assez populeuse arrosée par 
la Leyre; les eaux employées par les habitants sont à 
peu près de même nature que celles d’Audenge ; cepen- 
dant les puits y sont plus profonds et fournissent en gé- 
néral de l'eau purement aliotique; les eaux albumi- 
neuses y font exception. 


Mi08. — Le bourg de Mios est l'un des plus fertiles 
du canton; il doit cet avantage à l'humus dont le sol 


| Moutes ces eaux filtrées aû charbon perdent leur couleur, leur saveur désa= 
gréable et leurs principes délétères. Par cette opération, on les dépouille des 


neuf dixièmes de la matière organique qu'elles contiennent, 


12 


178 


est chargé : le maïs et le sei 
leur vigueur. L'eau de cett 


gle s'y font remarquer par 
e commune à une teinte 


brune; elle est recueillie dans de petits puisards peu 


rofonds; elle est presque partout aliotique et albumi- 
} ; 


nelise. 


EAU DES PUITS D'AUDENGE. 


Cette eau est renfermée dans des 
puits ou citernes peu profonds; eile est 
à 2 ou 3 mètres du sol. 

Elle est colorée; saveur et odeur 
désagréables. 


‘ 


Gaz acide carbonique... 0,0020 
(CÉLAE VER RES 0,0035 
Gaz oxigène.. .......: LACCA TE 0,0005 
0,0060 

Carbonate de chaux. ..... ..…. 0,056 
Sulfate de chaux... ..…. 0,007 
Chlorure de sodium... .... 0,035 
Silice et oxide de fer, ........ 0,012 
Matière organique aliotique.. 0,046 
0,164 


EAU DES PUITS DE BIGANOS. 


Plus colorée que celle d'Audenge; 
elle n’est qu'à 1 ou 2 mètres du sol. 


Corps gazeux comme la précédente. 


Carbonate de chaux... .. 0,061 
Sulfate de chaux... .......…. 0,012 
Chlorure de sodium........... 0,026 
Silice et oxide de fer ........ 0,010 

Matière organique aliotique, al- 
bumineuse..…. ...... ...…. 0,052 
0,0162 


EAU DES PUITS DE MIOS. 


Moins colorée que 
La nappe d'eau à 


celle de Biganos. 
2 mètres. 


Corps gazeux indéterminés. 


Carbonate de chaux. 


Sulfate de chaux... 


Chlorure de sodium . 
Silice et oxide de fer 


su. 


Matière organique aliotique, al- 


bumineuse...…. .... 


0,047 


179 
CANTON DE BELIN. 


Sol aride et sablonneux, couvert de bruyère; ce n'est 
que dans le voisinage des villages qu'on rencontre quel- 
ques bouquets d'arbres et des champs cultivés. Au mi- 
lieu de ces vastes plaines uniformes, la petite ville de 
Belin s'élève comme une oasis dans le désert, entourée 
d'une riche végétation qu'entretiennent et alimentent 
quelques filons argilo-calcaires. C’est à cette nature de 
terrain qu'est due en grande partie la bonté de ses eaux. 
Belin à un puits public pourvu d'une pompe à levier, 
dont l'eau est bien supérieure à celle des puits situés 
hors de son enceinte. À peu de distance de la ville, on 
trouve, dans la propriété de M. Peringuey, une source 
que pourraient envier les localités les mieux partagées. 


SALLES. — Cette commune, traversée par la Leyre, 
est relativement assez fertile; l'eau des puits du bourg 
est chargée de moins de matières organiques que celle 
des puits environnants. 


LE BARPT. — L'une des communes du canton où 
les eaux sont le plus détestables; on a peine à com 
prendre que des hommes puissent boire et employer 
pour leur besoins domestiques une eau aussi chargée 
d'humus. 


LE BUCH. — Petite station sur la route de Belin à 
Bordeaux ; l'eau y est encore plus mauvaise qu'au Barpt; 


180 


la nappe d'eau qui alimente les puits n'est pas à un 
| 


mètre et demi du sol, de sorte qu'elle se charge in- 
cessamment de toute la matière organique que lui 
fournit un sol perméable à l'excès 


BELLIET, traversé par un ruisseau abondant, ren- 
ferme une belle forge et plusieurs poteries; l'eau y est 
moins mauvaise qu'au Buch, mais elle est encore trop 


chargée d’albumine végétale, pour qu'on puisse se dis- 
penser de la filtrer au charbon. 


PUITS DE BELIN. 


Gaz acide carbonique. ....  0,0070 


Air atmosphérique. ......,... 0,0010 
0,080 

Carbonate de chaux........... 0,149 
Sulfate de chaux.. ........... 0,042 
Chlorure de sodium. ......... 0,054 
de calcium... ...... 0,048 

Silice et oxide de fer......... 0,013 
Matière organique aliotique.. 0,016 
0,322 


PUITS DU BARPT. 


Très-colorée, saveur désagréable. 


Carbonate de chaux... 0,067 

Sulfate de chaux. . .......... 0,021 

Chlurure de sodium........... 0,066 

HeCalCINMee re --E-Le 0,024 

Silice et oxide de fer... 0,016 
Matière organique aliotique, al- 

DUMINPNSE Fesses steese 0,186 

0,380 

a» 


PUITS DE SALLES. 


Gaz acide carbonique... } quantité 
Air atmosphérique... | indéterminée. 
Carbonate de chaux. .......... 0,098 
Sulfate le CHANXS-S --...--.0 0,027 
Chlorure de sodium....,,...…. 0,034 
de calcium... 100; 019 
Silice et oxide de fer.......... 0,018 
Matière organique aliotique.. 0,022 
0,218 


PUITS DE BUCH. 


Très—-coldrée, saveur désagréable. 


Carbonate de chaux... ........ 0,114 
SULATERENCTANXSE--eeerce 0,027 
Azotate de chaux !............ 0,116 
Silice et oxide de fer... 0,014 
‘Chlorure de sodium. ......... 0,086 

Matière organique aliotique, al- 
DUMINEUSES rc lee cescec 0,217 
0,574 


‘ Les étables sont très-rapprochées 
des puits. 


181 
PUITS DE BELLIET. 


Moins colorée, sans saveur. 
M olorée, san 


Carbonate de chaux..........., 0,092 
SUP AE CHAUR ER desc ee ee 0,042 
Chlorure de sodium........... 0,082 
Silice et oxide de fer.. ....... 0,015 
Matière organique aliotique... 0,105 

0,336 


CANTON DE CAPTIEUX. 


Dans ce canton, l'un des moins fertiles , Falios recou- 
vre une grande partie du sous-sol et retient à peu de pro- 
fondeur les eaux pluviales, qui en hiver l'inondent pres- 
que complètement. 

Le bourg de Captieux possède quelques sources su- 
perficielles dont l'eau est très-pure ; il y à aussi un grand 
nombre de puits peu profonds, dont l'eau est colorée, 
désagréable au gout et chargée de matière organique. 


Giscos.— Petit bourg isolé, dont les habitants, entiè- 
rement dépourvus d'eau de source, ne font usage que de 
l'eau de quelques puits creusés dans le sable et à 2 me- 
tres au plus du sol. Cette eau, de couleur jaune foncé, 
à une saveur marécageuse très-désagréable. 


PUITS DE CAPTIEUX. 


Gaz acide carbonique... } Quantité 

Air atmosphérique ..... \ indéterminée. 
Carbonate de chaux... ..,..... 0,027 
Sulfate de chaux. ............ 0,021 


Chlorure de sodium. ... ..... 0,038 
Silice et oxide de fer... ........ 0,016 
Matière organique. ............ 0,044 
0,146 

Te mn 


PUITS DE GISCOS. 


Gaz acide carbonique... | Quantité 

Air atmosphérique... | indéterminée. 
Carbonate de chaux... 0,027 
Sulfate de chaux:............. 0,013 
Chlorure de sodium... ...... 0.037 
Silice et oxide de fer. ....... 0,014 


Matière organique albumineuse 0,052 


0,143 


182 
CANTON DE LA TESTE. 


Ce canton forme l'extrême limite du département; il 
est borné à l'ouest par l'Océan, et au sud par le dé- 
partement des Landes; le sol en est sec et aride; quel- 
ques puits peu profonds fournissent aux habitants une 
au colorée, la seule dont ils puissent faire usage. 

La Teste, bätie près du bassin d'Arcachon, n’est pas 
mieux pourvue que le reste du canton; éloignée de 
grands cours d'eau, elle ne renferme aucune source 
superficielle abondante ; la population ne fait usage que 
d'eau de puits. 


ARCACHON.— Petite bourgade nouvellement bâtie sur 
les bords mêmes du bassin; elle se compose d'une foule 
de petites maisons aussi élégantes que commodes ; les 
puits, peu profonds, fournissent de l'eau moins colorée 
que celle de La Teste. 


GUJAN ne renferme non plus aucune source super- 
ficielle; l'eau des puits y est colorée et chargée de 
matière organique. 


PUITS DE LA TESTE. PUITS D’ARCACHON. 
Gaz acide carbonique... | quantité Gaz acide carbonique..| quantité 
Air atmosphérique... \indéterminée. Air atmosphérique. . .…. | indéterminte. 
Carbonate de chaux. .......... 0,155  Carbonate de chaux.........…. 0,137 
Sulfate de chaux. ............ 0,082  Sulfate de chaux. .........… . 0,074 
Chlorure de sodium........... 0,121 de magnésie....... ... 0,022 
detalcinme ter 0,034 Chlorure de sodium. ........…. 0,131 
Silice et oxide de fer.......... 0,016 ACICAITIUM = uece-cee 0,026 
Matière organique... ... 0,026  Silice et oxide de fer. ......, 0,017 
lode, des traces. Matière organique... ...... 0,020 
mr Iode, des traces, 
re 0,427 


183 


PUITS DE GUJAN. 


Gaz acide carbonique... {quantité 


Air atmosphérique. .…. lindéterminée. 
Carbonate de chaux........... 0,152 
Sulfate de chaux............. 0,078 
de magnésie.. ….. .… 0,035 
Chlorure de sodium. ........ 0,127 
de calcium.......... 0,020 

Silice et oxide de fer.....…... 0,018 
Matière organique. ..,..... 0,032 


Jode, des traces. 
0,462 


CANTON DE SAINT-SYMPHORIEN. 


Ce canton, limitrophe du département des Landes, 
a la même constitution géologique; il n'est arrosé que 
par le Ciron ou ses affluents. 


SAINT-SYMPHORIEN. — Chef-lieu du canton, est un 
gros bourg manquant de bonnes eaux; la population 
ne fait usage que d'eau de puits; elle est de très- 
mauvaise qualité, colorée et chargée de matière orga- 
nique. 


BALIZAC. — Petit bourg dont le sol fournit d'excel- 
lent minerai; l'eau est de même nature qu'à Saint 
Symphorien, mais elle est encore plus chargée de 
matière organique. 


PUITS DE SAINT-SYMPHORIEN. PUITS DE BALIZAC. 
Gaz acide carbonique... } quantité Gaz acide carbonique... j quantité 
Air atmosphérique... |indéterminée. Air atmosphérique... \ indéterminée. 
Carbonate de chaux........... 0,082  Cerbonate de chaux... . 0,077 
Sulfate de chaux,. .,......... U,014 Sulfate de chaux... 0,016 
Chlorure de sodium. .......... 0,038 Chlorure de sodium........... 0,042 
Silice et oxide de fer... 0,014  Silice et oxide de fer... 0 URLS 
Matière organique aliotique..… 0,042 Matière organique, aliotique, 
7 0,190 albumineuse............ …_ 0,047 
—— 0,195 


184 


CANTON DE VILLANDRAULTS: 


VILLANDRAULT. — Chef-lieu, baigné par le Ciron; 
on n’y fait usage que d'eau de puits, mais elle est géné- 
ralement meilleure que celle des communes qui Favoi- 
sinent; plus chargée de carbonate de chaux, elle con- 
tient beaucoup moins de matière organique. 


uzESTE. — Petit bourg à quelques kilomètres de Vil- 
landrault. Il est remarquable par son église, où se trou- 
ve, dit-on, le tombeau du pape Clément V, son fonda- 
teur. La grande majorité des puits de cette commune 
fournit une eau aliotique très-colorée ; quelques privi- 
légiés possèdent des puits creusés dans des couches 
silico-argileuses, dont l'eau est incolore et de très-bonne 
qualité. 


PUITS DE VILLANDRAULT. PUITS 
Gaz acide carbonique... } quantité DE LA COMMUNE D'UZESTE. 
Air atmosphérique... \indéterminée, Gaz acide carbonique... } quantité 
Carbonate de chaux........... 0,171 Airatmosphérique..... \ indéterminée. 
Sulfate de chaux... .......... 0,107  Carbonate de chaux.. ....... 0,082 
Azotate de chaux. ....., .:... 0,058  Sulfate de chaux............... 0,054 
Chlorure de sodium........... 0,087 Chlorure de sodium. ........ 0,068 
de calcium.......... 0,014 Silice et oxide de fer.....,.... 0,018 
Silice et oxide de fer... ..... 0,016 Matière organique albumin... 0,038 
Matière organique. ........... 0,016 —— 
0,469 0,260 


PUITS DU BOURG D'UZESTE. 


Gaz acide carbonique... | quantité 


Air atmosphérique... \ indéterminée. 
Carbonate de chaux. ........ 0,148 
Sulfate de chaux... ....,..... 0,037 
Chlorure de sodium........... 0,053 
Silice et oxide de fer.......... 0,017 
Matière organique peu album. 0,014 

0,269 


185 
EAU DE PLUIE. 


C'est toujours avec les vents marins ouest, nord- 
ouest et sud-ouest, qu'il pleut dans le département de 
la Gironde et surtout à Bordeaux; si, par exception; la 
pluie est amenée par d'autres vents, elle n’est que pas- 
sagère et dure peu. 

Dans le courant de l'année 1852, il n'a plu qu'une 
fois avec le vent du sud, et trois fois seulement avec 
les vents du nord ou du nord-est. 

La constitution chimique de l'eau de pluie se ressent 
évidemment de ce phénomène atmosphérique, et les 
émanations que nous apportent les vents d'ouest, doi 
vent être toujours imprégnées de vapeurs d'eau de mer. 
Bien pénétré de ces faits, et désireux de m'en convain- 
cre, j'ai recueilli à diverses fois de l'eau de pluie avec 
les vents d'ouest, et je me suis assuré que lorsque le 
temps est à la tempête et les vents d'ouest très-forts, 
la pluie contient du sel marin et de liode en quantité 
très-appréciable; qu'elle en contient beaucoup moins 
lorsque le vent d'ouest à peu d'intensité, et qu'elle n'en 
contient pas du tout lorsqu'elle nous vient d'une autre 
région que les côtes de l'Océan. 

C'est ainsi que le 24 avril 4852, par une pluie assez 
abondante et un fort vent du nord, 5 kilogrammes 
d'eau recueillie avec beaucoup de soin dans un vase 
vernissé contenant une petite quantité de solution de 
potasse très-pure, ne présentèrent aucune trace de 
chlorure, d'iodure, ni de brômure, Je ne fus pas plus 


186 
heureux le 16 septembre de la même année, avec 5 au- 
tres kilogrammes recueillis dans les mêmes circonstan- 
ces, sauf le vent qui soufflait du sud. Le 22 novem- 
bre 1851, au contraire, pareille quantité d'eau de pluie 
traitée de la même manière, mais obtenue pendant un 
fort vent d'ouest, m'avait donné des traces très-évi- 
dentes d'iodure et de chlorure. Toutes les expériences 
auxquelles je me suis livré depuis cette époque ont con- 
firmé ces premiers résultats; je n'ai trouvé des traces 
de ces sels que dans l'eau de pluie tombée pendant les 
forts vents marins; dans un temps calme, méme avec 
les vents d'ouest, l'eau de pluie en contient beaucoup 
moins; quelquefois même ce n'est qu'en opérant sur 
une quantité relativement considérable, qu'on en ob- 
tient quelques traces : j'ai pu le constater de nouveau 
au mois de décembre dernier. 

Ces faits expliquent comment je n'ai pas trouvé diode 
dans la grande généralité des eaux que j'ai examinées : 
recueillies presque toutes pendant lété et dans des 
temps secs, la faible quantité que les vapeurs marines 
peuvent en apporter dans les eaux de notre départe- 
ment avait probablement disparu, absorbée par les 
terres et les végétaux. 


187 
RESUME. 


Les faits résultant du travail et des observations qui 
précèdent, peuvent se résumer ainsi : 

La constitution physique et chimique des eaux du 
département de la Gironde, varie selon l'état de l'at- 
mosphère. 

Dans les temps secs et les vents de terre, les chlo- 
rures diminuent, l'iode disparait, les sels calcaires et 
la matière organique prédominent. 

Dans les temps pluvieux et les vents de mer, les sels 
marins augmentent, la matière organique diminue, 
l'iode devient appréciable. 

Le carbonate de chaux, le chlorure de sodium et la 
silice s'y rencontrent dans toutes les eaux, mais dans 
des proportions extrémement variables; les sels à base 
de potasse y sont très-rares; ceux à base de magnésie 
Sy rencontrent peu, et les azotates ne se trouvent que 
dans les eaux qui traversent les centres de population. 

L'arrondissement de Libôurne fait exception; les 
azolates y existent dans presque toutes les eaux, ap- 
portés sans doute par les terreaux de ville dont on re- 
couvre dans cet arrondissement une grande partie des 
terres cultivées. 

L'eau de mer qui baigne le littoral est plus ou moins 
salée, suivant qu'elle se rapproche ou s'éloigne de l'em- 
bouchure de la Gironde. 

Elle remonte le fleuve jusqu'à Ambès, où elle se di- 
vise; les courants en entrainent dans la Garonne une 


188 
faible partie; ils la poussent au contraire avec force 
dans la Dordogne, puisqu'on en trouve des traces très- 
appréciables à plus de 10 kilomètres de Bourg. 

Cette tendance des courants à se porter dans la Dor- 
dogne , est très-remarquable ; elle indique une des cau- 
ses de lenvasement de la Garonne. 

Les eaux courantes superficielles de notre départe- 
ment sont peu chargées de matières salines ; le sulfate 
de chaux et autres sels nuisibles à la végétation ne Sy 
trouvent qu'en très-pelite quantité, tandis qu'au con- 
traire, quelques-unes d'entre elles contiennent de la 
matière organique en forte proportion ; deux circons- 
tances qui les rendent on ne peut plus propres aux ir- 
rigalions. 

Au point de vue de l'hygiène publique, dont nous 
nous sommes occupé plus spécialement dans ce tra- 
vail, les eaux de sources et les eaux de rivières du dé- 
partement, lorsqu'elles sont limpides, sont éminem- 
ment propres à la boisson. 

L'eau des ruisseaux, au contraire, ne doit être em- 
ployée que pour les usages agricoles. 

Les eaux profondes, celles des puits, sont Leaucoup 
plus chargées de sels minéraux que les eaux superti- 
cielles, ce qui les rend lourdes et séléniteuses; d'où il 
résulte que, quoique contenant généralement moins de 
matière organique, elles sont néanmoins presque tou- 
jours malsaines; leur usage peut même n'être pas sans 
danger, lorsqu'elles ont traversé des terrains imprégnés 
de matières azotées. 

Les eaux stagnantes superficielles, étangs et lagu- 


189 


nes, sont les plus pures de toutes, et cependant elles 
conviennent moins pour la boisson, parce qu'elles ne 
contiennent que peu de bi-carbonate de chaux et d'air 
atmosphérique. 

L'eau des marais est très-souvent stagnante el 
toujours malsaine , parce qu'elle repose sur un sol po- 
reux, Simprégnant facilement de matières organiques; 
celles-ci fermentent promptement sous l'influence de 
la chaleur, et donnent naissance à des gaz et à des 
produits insalubres, dont se saturent ensuite les eaux 
qui viernent le recouvrir : on ne doit jamais en faire 
usage, à moins de l'avoir au préalable dépurée par le 
charbon. 

L'eau du sous-sol des Landes et de quelques localités 
du Bas-Médoc forme une catégorie toute particulière. 
Chargée de la matière soluble de l'alios, et très-sou- 
vent d'albumine végétale, elle peut devenir une cause 
d'insalubrité bien grande, si cette dernière Sy trouve 
dans de fortes proportions. 

Toute la partie du département située sur la rive 
droite du fleuve, est pourvue d'excellentes eaux pota- 
bles; c'est sur la rive gauche surtout que se trouvent 
les marais et les eaux aliotiques et albumineuses que 
nous venons de signaler. 

C'est aussi dans cette partie du département que se 
rencontrent les eaux ferrugineuses les plus remarqua- 
bles. Nous avons dit que ces eaux se décomposent ra- 
pidement, et qu'on ne peut compter sur leur action 
médicale que lorsqu'elles sont bues à la source même. 

L'eau de pluie qui tombe dans le département ne con- 


190 


tient de l'iode en quantité appréciable, que lorsqu'elle 
est amenée par les vents d'ouest, et dans ce cas elle 
contient aussi du chlore *. 

On sait que les eaux courantes superficielles éprou- 
vent dans leur parcours des variations rapides; Fai pu 
le constater plusieurs fois pour la Dordogne, Fsle, la 
Dronne et la Leyre : leurs eaux perdent et recouvrent 
plusieurs fois les mêmes produits, selon la nature des 
sols qu'elles parcourent; et, sous l'influence de l'air et 
de la lumière, favorisée par le roulement continu, elles 
se dépouillent promptement de la matière organique et 
de certains sels minéraux. 


Nous livrons ces faits à la science; ils sont le ré- 
sultat d'observations longues, patientes, consciencieu- 
ses; à elle d'en déduire les conséquences, et de dire le 
parti que pourront tirer de nos eaux les arts, l'indus- 
trie, l'agriculture. 

Pour nous qui dans le cours de ces recherches nous 
sommes constamment et exelusivement préoccupé de 
la santé publique, nous éprouvons, en arrivant au 


* A certaines époques de l’année, surtout au mois de mars, le département 
est assailli par des vents de nord-ouest {rès-secs , qui poussent avee une grande 
force vers la terre les émanations de la mer. 

Ces vents sont très-nuisibles à la végétation, surtout aux arbres fruitiers ; 
s'ils arrivent au moment de la floraison, il ne reste plus, au bout de quelques 
heures, aucune espèce de récolte. 

L'elet produit par ces vents salés peut être attribué à deux causes principales : 
l'action corrosive des chlorures et des iodures secs sur les jeunes pousses et sur 
les fleurs, et l’avidité avec laquelle ces sels anhydres s'emparent de l'humidité; 
peu d’instants leur suMisent pour dessécher et brûler les bourgeons, 


191 
terme de notre tache, le besoin d'appeler de nouveau 
l'attention de l'autorité départementale et des munici- 
palités, sur les populations déshéritées de nos landes. 

Un filtre-fontaine en maconnerie élevé au centre de 
chaque village; à défaut de maçonnerie, une cuve; à 
défaut de cuve, un tonneau, voilà ce que nous deman- 
dons pour elles. Il ne s'agit, on le voit, ni de longs tra- 
vaux, ni de dépenses considérables ; il n’y à pas même 
nécessité de faire intervenir la loi : de simples mesures 
administratives sufliront, pourvu qu'on leur donne un 
caractère obligatoire. 

Nous refusera-t-on quand nous demandons si peu? 
Nous ne saurions le croire, surtout quand nous consi- 
dérons l'importance des résultats que lon obtiendrait à 
ce prix. 

Certes, nous ne prétendons pas que la substitution 
d’une eau dépurée à l'eau corrompue dont ces popula- 
tions font usage fera immédiatement disparaitre les 
fièvres de toutes sortes qui les déciment si souvent ; 
nous savons que les effluves marécageuses pénètrent 
dans l'économie par la peau qui les absorbe, par les 
poumons avee l'air; mais on ne contestera pas qu'elles 
ny soient apportées plus directement encore par la 
boisson et les aliments. 

Il est donc certain qu'en contraignant les habitants 
de ces contrées si mal partagées à venir échanger au 
filtre commun le liquide insalubre dont ils font usage 
contre un breuvage limpide et sain, on aura supprimé 
la cause la plus prochaine de la faiblesse constitution- 
nelle, de l'étiolement et du rachitisme, si communs 
parmi eux, 


192 

Il appartiendrait à l'administration à la fois si éclai- 
rée et si paternelle des Douanes, de donner l'exemple 
de cette utile innovation; nul doute qu'en pourvoyant 
d'un tonneau-filtre chacun des postes disséminés dans 
les communes de Talais, de Soulac, du Verdon et sur 
tout le littoral, elle ne réduisit considérablement les 
cas de fièvres paludéennes auxquelles ses préposés sont 
plus sujets encore que les habitants du pays eux- 
mêmes. 

Les trois années de recherches et de peine que nous 
a coûtées ce travail n'eussent-elles que ce résultat, nous 
nous trouverions encore assez bien payé. 


19 


3 


EAUX COURANTES SUPERFICIELLES. 


OCÉ AN. 


Localités 
où l'eau a été puisée. 
Arcachon, sur la plage. 38 gram, 727 


Poids des corps fixes con- 
tenusdans un litre d'eau. 


Cordouan, à la Tour., 35 905 
Royan, à Foncillon.... 32 550 
Pointe-de-Grave.. 31 -256 
RIVIÈRES. 
DORDOGNE. 
A Bourg, au large... une 0100 
A Bourg, sur les bords.,...... 0,282 
A Libourne... robe eone 0,357 
AMBTANESe Suns asasee res 0,153 
ROIS ETION ES ere etre ec cese ae 0,17£ 
A Sainte-Foy. ................ 0,130 
GARONNE 
{clarifiée par le repos). 
A Castets...…. EL ARE Er 0,145 
BRRAN BONE MAUR ELU SNES 0,162 
{LL TLE(INII ET HRRRERRRE AT RER QT 0,168 
A Bordeaux, haute mer... 0,166 
A Bordeaux, basse mer. ...... 0,174 
BATONHONL. 20e Ji RUES 0,156 
A Bassens, haute mer......…. 0,237 
Au Bec-d'Ambès, haute mer. 0,545 
L’ISLE. < 
1: NT OSRÉSM PERS 0,269 
A Laubardemont. . ............ 0,167 
RDOMTN ES ec vccsc se acace 0,147 
LA DRONNE. 
ANUGuITAS.<.sStse, SARL EN 0,205 
LE DROT. 
PAMDNAÉ DUT. 0e ces ca oinioie à 6 0,264 
k LA LEYRE. 

/.\UH TT CT FSANSARENRRS rs 0NONS 
LE CIRON. 
AVillandratits sn... 0,149 
RO Rs. can acte 0,137 


FLEUVE, 
Localités Poids des corps fixes 
où l'eau à été GIRONDE, contenus 
puisée. daus un litre d eau. 
Au Verdon, au large......., 33,475 


À Richard, au large... 3: 


AlatMaréchale 00 7. Lao 
À Pauillac, en rade... obnoë 8,974 
A" Blaye, : au Pâté....…. Hope 5,298 
RUISSEAUX. 
17 ARRONDISSEMENT. 
Le Mouron, à Magrigne...…. 0,304 


La Saye, prèsle port de Girard. 


2° ARRONDISSEMENT. 


La Soulêge, à Caplong.......… 
Le Ségnol, à Margueron. .… . 0,173 


3° ARRONDISSEMENT. 


L'Andouille, à Roquebrune... 0 
La Durèze, à Listrac....... 107 
L'Angranne, près Saint-Genis. 0, 


4€ ARRONDISSEMENT. 


Le’iz0s, à Aillas. Per 0107 
PANBASSANNE Ses sensceeoe cos 
Le Barthos, à Lavazan.... ... 0,258 


5€ ARRONDISSEMENT. 


Eau Bourde, à Canéjean...... 0,239 
Eau Blanche, à Léognan...... 0,289 
La Jalle, à Blanquefort... 0,164 


13 


194 


EAUX COURANTES SUPERFICIELLES. 


SOURCES ET FONTAINES. 


PREMIÈRE CATÉGORIE. — EAUX DE BONNE QUALITÉ. 


1e7 ARRONDISSEMENT. 


laye: fontaine publique ...….. 
Bourg : fontaine publique... 
GaupiaC:  SOUTCE.--. ce see.» 
Bayon : du Caillou 
Étauliers : source Perrault... 
St-Savin: source la Garenne. 


2e ARRONDISSEMENT. 


Libourne : fontaine de la Halle. 
— de la rue de Guitres 

— des Lavoirs........ 
— Redeuilh........... 
Saint-Émilion, du Roi... 
— de la Place. 
Baron: source S..... ...... : 


Castillon : fontaine la Grave... 


— Fran0hards ee se 
— FEVrONIN sheet 
Coutras : fontaine Vidal.. .... 
Sainte-Foy : porte de Bergerac. 
Cad.-sur-Dordogne: du Branda. 
Guitres : Grinchant.. . ....... 
LUSSAL AP ICO IE eee 
— PICANPOT. es. 


Puysseguin : fontaine publique. 
3€ ARRONDISSEMENT. 


La Réole: fontaine du Turon. 
St-Maixent: château Lavison.…. 
Monségur: publique...'......… 


AE ARRONDISSEMENT. 


Bazas : fontaine du Bourreau, 0,371 


— d'Ausone 

= d'PSDADS-- ee : 
Captieux : fontaine Laguë .….…. 
Grignols: Presbos............ 
Langon : de la Place........... 
DUABrOUE Se... 


Yillandrault: du Crédo.,.,,... 


ss 


5€ ARRONDISSEMENT. 


0,260 Bordeaux : sources d’Arlac et du 
0,508 Tondut. ............ 
0,445 — Figuereau .......... 
0,403 — LABTANGE. 2 e-ccce 
0,316 -— Enfants-Trouvés .. 
0,126 Bègles: source Jeantet.. ...…. 
0,281 — source Jocquel. ..... . 
Caudéran : frères Arnaud... 

_ Talence: Tomasson.. ......... 
0,355 Bouscat : rue de la Seppe...…. 
0,337 — propriété Bresson... 
0,277 BYUSES = ADOUTE eee eee eee 
0,339 Eysines : Cantinolle.. ..... .. 
0,313 — propriété Boué...…... 
0,421 — propriété Abiet..….... 
0,387 Taillan : source—mère, an Thil. 
0,365 — sources du Thil réunies 
0,162 — source Lapène...… we 
0,226 — toutes les sources réu— 
0,186 MES... 
0,491 — fontaine du bourg... 
0,438 Ludon : Duflour-Dubergier. …. 
0,529 Arcins : SOurce.. ...... Jas0 A dE 
0,272 Castelnau: fontaine publique. 
0, 83 Margaux : fontaine Mariotte. . 
0,347 Soussans : source... 
PESSAC SONG ecrire ee 

0,584 Gradignan : Montjaux... ...., 
0.331 Mérignac: source... ......... 
0 305 Villenave-d’Ornon : source... 
É Léognan : source romaine... 
— moulin de Vayres... 

Castres : fontaine du port...... 

0,293 Saucats : sources... 
0,316 Carbon-Bl : font. des Ladres, 
0,086 Floirac: Monrepos............ 
0,243  Lormont: fontaine publique... 
0,447  Saint-Loubes : ancien Prieuré 
0,373 Cenon-La-Bast.: source Delbos. 
0,219 — source Dussault, 


195 


Suite du 5° ARRONDISSEMENT. 


Cenon — La — Bastide : source 


Faure-Laubarède.. ...., .. 0,311 
Carignan : fontaine Bellefond.. 0,546 
BOdÉRSAC = SOUTCE. 0.5 none 0,259 
Ilats : fontaine publique... 0,292 
Budos : Font-Bonne. ......., 0,332 
Portets : fontaine publique... 0,304 
Cadillac : fontaine publique. 0,278 


DEUXIÈME CATÉGORIE. — EAUX INDIFFÉRENTES. 


2e ARRONDISSEMENT. 
Guitres, de Caze.. ......4... 


— ancienne fontaine... 0,721 


Langoiran: source, ........., 0,304 
St-André-de- ; font. publique. 0,598 
Cubzac |! Font-Boudeau. 0,228 

G° ARRONDISSEMENT. 

Pauillac, Château—Lafitte : 

fontaine du jardin.. 0,311 
fontaine du cuvicr. 0,452 

42 ARRONDISSEMENT. 
0,753 Bazas : trou d'Enfer..…......…. 0,742 
— fontaine Bragous.. ..…, 0,918 


fontaine des Capucins.. 1,170 


196 


EAUX COURANTES PROFONDES, 


PUITS. 


PREMIÈRE CATÉGORIE, = EAUX DE BONNE QUALITÉ, 


127 ARRONDISSEMENT, 


0.352 
0,315 
0,339 
0,285 
0,320 


Blaye : de l'hôtel du Lion-d'Or. 
S.—C.—Lalande : de Vincent... 
— de Joly....... 
—— de Cazenave. 
Saint—Aubin : puits du bourg. 


2e ARRONDISSEMENT. 


0,526 
0,500 


Libourne: de l'hôtel des Princes. 
— de la place d'Armes. 
— dela Halle......... 

Coutras : du château... ....... 

Abzac: du bourg............ . 

Saint-Médard—de-Guiziers : de 
M. Camus... DÉBIT) 5 

Fronsac : du bourg............. 


3€ ARRONDISSEMENT. 


St-Maixant : château-Lavison. 
Sauveterre : caserne de la gen— 
TATMENE Eee eeerer-te 


4e ARRONDISSEMENT. 


BAC: AUMDOUTB.. eee. 0,548 
Langon: public ............... 0,510 
Castets-en—Dorthe : du bourg. 0,385 
‘Toulenne : du Collége.......... 0,472 


D° ARRONDISSEMENT. 


Bordeaux: Brondel, à Belleville. 0,498 
— Manufact. de tabacs. 0,413 
Caudéran: bourg............... 0,521 


Talence : bourg.. ......... 0,542: 
Bouscat: bourg-.......,...... 0,496 
Bruges : bourg... kaeche 0,415 
Letaillan bonne... 0,529 
Eysines: M Abiet..........…. 0,546 
PESSAC-ADDUTE eee ceeemerereee 0,474 
Canéjean DOUTER eee ceemchee 0,381 
Gradignan: bourg............. 0.563 
Mérignac : bourg.............. 0,470 
Villenave—d’Ornon : bourg... 0,513 
CESSE DONS eee. 0,434 
DaMBlede = ApuDiCe..eesescee 0,390 
—- maison Montesquieu. 0,589 
TéONnAN ADO eee 0,485 
SAUCITS DOUTE see e--eeee 0,473 
Castres: haute plaine..... .... 0,511 
— basse plaine.......... 0,545 
Bouillac: bourg....... esse 0,505 
Floirac: Villa—Rosa. ........…. 0,453 
Lormont :ADDUTS, 2... cote 0 429 
Cenon-La-Bast.: sur le coteau, 0,529 
La Grande-Sauve : Collège... 0,453 
Podensac : bourg.........…. .... 0,327 
Barsac: Dours... Hs tsar 0,529 
HS ENDONTE ee eee. 0,421 
PONS DOUTE Secret. 0,478 
Langoiran : bourg... ......... 0,560 
St-André-de-Cubzac : bourg. 0,575 
6€ ARRONDISSEMENT. 
PATIAC DOUTE -e-ceeece 0,438 
Saint-Laurent : bourg........, 0,457 


197 


DEUXIÈME CATÉGORIE, == EAUX INDIFFÉRENTES. 


127 ARRONDISSEMENT. —  Abattoir général... 0,880 
Bourg : du district...........…. 0,958 — . Gr.Séminaire, puits 
Coms: DONNE ere. 0,784 ORPODO Eee 0,808 
Gauriac : bourg............... 0,878 — id. du jardin.....: 0,880 
BAVON: Dour. Reste et... 0,634 — de LOr........... 0,960 
Étauliers : public... ouvre MES ESRI: 00 8È6 
Saint-Savin : bourg........... 0,760 = F RS 0,856 
Cavignac : public... … es 0,975 ARTE : 2 0,742 
2 ARRONDISSEMENT. id. service général. 0,760 
Brannes : bourg. ............. 0,990 — hôpital St-André.. 0,964 
BArON DOUTE... 0,959 Êz cours Champion, pu- 
Espict : bourg................. 0,677 blic............. 0,706 
Guîtres : bourg ............... 0,910 — caserne des fossés, 
St—Denis-de-Piles : bourg... 0,681 cavalerie. ....... 0,794 
Marancin : bourg....... ...... 0,938 — id. infanterie.. 0.799 
Cadillac-sur-Dordogne : public. 0,629 —  desCordeliers, bains 
Rauzan : bourg... ........ 0,789 publics. ...... 0,880 
Se ERONSISEE MENT — de la rue Bouquière. 0,999 
$ —  delarue du Loup.. 0,843 
La Réole : puits-fontaine public 0,710 —  delarueS.-Seurin. 0,731 
Saint-Macaire : ville. ........ 0,949 — des Allées d'Amour, 0,729 
Monségur :! ville... ...,....... 0,640 — dela r. Capdeville. 0,723 
Pellegrue : bourg.......... ... 0,833 —  Burguet-Carayon. 0,934 
Saint-Ferme : bourg........., 0,657 — dela rue de Lerme. 0,649 
Sauveterre : de la Halle... .. 0,858 — de la place Picard. 0,748 
MAMA CRMDOUlE eee. e 0,912 — du cours du Jardin- 
Targon bourg... ............ 0,969 BUDIC eee eeere 0,895 
A ARRONDISSEMENT. — de la rue Hustin..… 0,66$ 
S — des sourds—muets . 0,914 
EAN 0,936  —  delCr.-de-Sezuey. 0,607 
DSiourg... YA EE 0,733 Bègles : du bourg............. 0,622 
BROSSE DOU TES... re caen e 0,701 Eysines : du bourg... ... 0,626 
RANEZAN LE, ROUTE: ss son se COOL ra caut : du DOUPG. eee 0,803 
5° ARRONDISSEMENT. Eudon :"Ün DOurD:..-.-.-..... 0,819 
Bordeaux : hospice Saint-Jean , Margaux : du bourg........ . (D,ONL 
Soussans : du bourg........... 0,630 


cour des hommes. 0,827 


— id. cour des femmes 0,760 Carbon—Blanc : du bourg... 0,914 


198 


TROISIÈME CATÉGORIE. — EAUX MALSAINES, 


2 ARRONDISSEMENT. 


Castillon : puits de la plaoc.… 1,273 
— puits de l'Hôtel des 
diligences.. ..... 

Ste—Foy : puits de l'Hôtel des 
diligences.. ...... 

— puits à l’entrée de la 
USE aoacaadhon 

—  puits-fontaine de la 
grand'place. ..…. 

—  puits-fontaine près 


1,388 
1,248 
1.386 


1,325 


l'église........ AO 

HUSSAC chere Mer eee 11,282 

lTN ÈS sodcdoceo noasaobodbe . 1,466 

(HAT (HE o MAOdUna UNE 1,391 
3° ARRONDISSEMENT. 

LauR60 less itaavileseens 1,034 

GHONdE ne na ner este 1,038 

Gaudro Ste ee ape ce 1,162 

Roquebrune. He... AT 
4® ARRONDISSEMENT. 

CHER boadoanombaauonose 1,029 


5° ARRONDISSEMENT. 


Bordeaux : du Maucailloux..….. 1,058 
_- de la pl. Canteloup. 1,028 
— du Marché-Neuf.. 1,202 
— de rue du Mirail... 1,394 
— du Petit-Séminaire. 1,205 
— de l’Asile des fem— 

mes aliénées , buan- 


dErIE riorennes ALADUN 


Bordeaux : id. de la chapelle. 


de l'Hospice des 

vieillards... ....: 
de la caserne Saint- 

Raphaël......... 
de la caserne Ségur. 
du Grand—-Marché. 
de l’imp. Mauriac. 
de la rueSt-Siméon. 
de la font. Daurade. 
des fossés de l'In- 

tendance. ....... 
de la Porte-Dijeaux. 
de la rue du Palais- 

Giles 
de la rue Laroche. 
du pavé des Char— 

MONS en enreses 
du q. des Chartrons. 
du Magasin des vi— 

VTOS; s0 an sos se . 
du q. de Bacalan.. 
de rue de la Course. 
des al. des Noyers. 
de la fontaine d’Au- 

ÉTE reset 


Blanquefort : du bourg. ...... 


Ambarès : 
Saint-Loubès : 
du bourg.....:...:... 


Créon : 


Lesparre 


Civrac..….. 


du bourg........... 
du bourg... . 


6€ ARRONDISSEMENT. 


ons nnnns monte 


nn msnmnnnnuns 


1,019 


QUOYEAES seen mener be 1,012 
Saint-Estèphe................. 


1,031 


199 


EAUX STAGNANTES SUPERFICIELLES. 


ÉTANGS, 
Corps fixes. 
HONNINSE SEC ere 0,190 
LACANAR ER eee esse 0 LOS 
Cazeaux où Sanguinet......... 0,196 
LAGUXRES, 
Matière organique. Matière saline, Total. 
Des Bouquières. ..... ne 00e 0,014 0,156 0,170 
DES AITDUPElES Ses eee fetes» a ofsieie 0,011 0,133 0,144 
De Saint-Magne............. 0,016 0,159 0,175 
MARAIS. 
Blanquefort... DO DUC 0,038 0,206 ,0,242 
Parempuyre......... are mie te 0,041 0,175 0,216 
Montferrant........ See ea 0,044 0,180 0,224 


EAU BU SOUS-SOL DES LANDES, 


INT T TT cabane togdes asvuda 0,046 0,118 0,164 
BPANOS. esse etsecmecec echec 0,052 0,110 0,162 
MISE ere sceecerentt 0,047 0,112 0,159 
Relin......... dre et 0,016 0,306 0,322 
SALES Se ree dreceeseasee anse 0,022 0,196 0,218 
LenRarnte se. he. . 0,186 0,194 0,380 
HefBUCHasssseseaneress ere 0,217 0,357 0,574 
LITTORAL ARS REC EE 0,105 0,231 0,336 
ARTE See ee eareeces 0,044 0,102 0,146 
(LT Tea OA como 0,052 0,091 0,143 
PANTES tea sors unes 0,026 0,408 0,434 
ATCACRON A serre escales 0,020 0,407 0,497 
(CUTÉT RAP EPS RS Frcse 0,032 0,430 0,462 
Saint-Symphorien............, 0,042 0,148 0,190 
BAZ AC amas are encens 0,047 0,148 0,195 
Milandrault se Ares 0,016 0,453 0,469 
PES TOR nee tee lnal ess 0,024 0,245 0,269 
SAUL=MVIVIEN er eee 0,022 0,799 0,821 
MAIS 2 ste te eee 0,034 0,719 0,753 
CH Gogo nt 0,038 0,931 0,969 


Certains puits de Talais et de Soulac contiennent de l’eau saumâtre qu'il n’est 
pas possible de rendre potable, 


+ 


ts 


H'IAQAUS PAT. LATE AUAX 


pen A, 


RAPPORT 


MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ STATISTIQUE DE LONDRES 


SUIVI DE QUELQUES CONSIDÉRATIONS 


SUR LE SYSTÈME HYPOTHÉGAIRE ET LE CRÉDIT FONCIER: 


Par M. DARRIEUX. 


MESSIEURS , 


Chargé de vous présenter l'anayse des Mémoires re- 
us cette année de la Société Statistique de Londres , 
je viens remplir ce devoir au moment où, en France, 
le Gouvernement, convaincu avec raison des avanta- 
ges à obtenir d'une science qui semble les résumer tou- 
tes, à voulu lui imprimer une marche régulière en 
établissant une Commission de Statistique au chef-lieu 
de chaque canton. Tel est, en effet, le sens du Décret 
du 4° juillet 1852, dont la fidèle exécution mettra en 
Saillie l'état des forces vives du pays, en procurant à 
l'Administration les moyens de composer avec exacti- 
tude la plus utile de toutes les statistiques, celle qui 
embrasse la partie industrielle et agricole de la France. 


14 


202 


Lorsque les institutions d'un pays invitent tous les 
citoyens, par la voie du suffrage, à se grouper autour 
du Pouvoir, et même à s'y associer hiérarchiquement, 
pour prèter à l'État l'appui de leurs lumières dans l'in- 
térêt publie, et comme pour venir en aide au progrès 
social, il est du devoir de tous les hommes d'intelli- 
gence de se familiariser avec la science de l'économie 
politique, science dont les principes généralement 
adoptés et l'application bien entendue maintiennent 
l'Europe, depuis près de quarante ans, dans des dis- 
positions pacifiques. 

Il est donc indispensable que les hommes dont l'am- 
bition utile , le dévouement louable et les connaissan- 
ces spéciales les encouragent à aider de leur concours 
la marche de l'Administration publique, ne négligent 
jamais l'étude de la statistique, quant aux branches 
qui peuvent éclairer le Gouvernement sur l’état agri- 
cole, industriel et commercial de la France, compara- 
tivement à celui des autres nations. 

Le Pouvoir, désireux de mettre un terme aux dis- 
cussions stériles, pour obtenir, sans perte de temps, 
la réalisation de projets déjà débattus, appréciés, 
mais sans cesse ajournés, s'est gardé, néanmoins, de 
substituer le caprice de sa volonté aux enseignements 
résultant de l'observation des faits. 

Il a compris que la réserve, même dans le désir d'a- 
méliorer, ne doit jamais êtré négligée comme moyen 
de succès, et que par conséquent toute institution nou- 
velle, pour être accueillie sans défiance, doit être in- 
troduite sans effort. Telle est, sans doute, la pensée 


203 
qui a présidé à l'exposé des motifs présentés par le 
Ministre de l'Intérieur, de l'Agriculture et du Com- 
merce, pour faire adopter le Décret du 4% juillet 
1852, prescrivant la formation de Sociétés Statistiques 
cantonales dont les travaux doivent commencer le 4°* 
janvier prochain. 

Des Sociétés à peu près semblables fonctionnent de- 
puis longtemps chez la plupart des puissances du nord. 
M. le Ministre l'a lui-même rappelé dans ses motifs, 
ei a fait observer qu'en Angleterre toutes les grandes 
villes ont des Sociétés Statistiques libres, qui corres- 
pondent avec la Société centrale de Londres, celle-là 
même dont les intéressantes publications vous sont 
adressées avec exactitude. Déjà elle vous a fait parve- 
nir les trois premiers cahiers de cette année. Soumis à 
mon examen, je les dépose sur le bureau après les avoir 
parcourus ; non pour en présenter une fidèle analyse, 
ce qui dépasserait les limites d'un rapport, mais pour 
indiquer ceux des sujets dont l'intérêt doit captiver 
l'attention générale. 

En tête de ceux-ci, je placerai un Mémoire sur la 
Statistique et la législation commerciale, inséré dans 
le cahier du mois de juin dernier, et qui devait avoir 
passé sous les yeux du Ministre de l'Intérieur, de FA- 
griculture et du Commerce, lorsqu'un mois plus tard, le 
fe juillet, on soumettait à la signature du Prince-Pré- 
sident le Décret tendant à régulariser les investigations 
que réclament depuis longtemps les intérêts matériels 
du pays. 

Ce Mémoire, lu à la Société Statistique de Londres, 


204 


par un de ses membres, M. Leone Levi, n’est qu'une 
succincte analyse d'un grand travail du même auteur, 
analyse où sont d'abord déduites les causes qui, dans 
cerlaines branches, empêchent d'obtenir des rensei- 
gnements exacts. La difficulté, en effet, dans presque 
toutes les parties, est de coordonner des travaux épars, 
d'en composer un recueil méthodique, d'en former un 
tout exempt d'erreur. 

En France, le Pouvoir à compris cette difficulté ; 
aussi par le Décret du 4% juillet, il a eu l'intention 
d'obtenir d’une manière régulière les recensements de 
statiques agricoles et industrielles, auxquels des Com- 
missions composées d'hommes éclairés imprimeront 
désormais un caractère de vérité. 

Cette intention a-t-elle puisé quelque encouragement 
dans le Mémoire du statisticien anglais? Je l'ignore; 
mais, au surplus, voici l'entrée en matière de M. 
Leone Levi : 

« La Statistique, depuis quelque temps, a obtenu 
» une position élevée; et maintenant il est générale 
» ment reconnu que de toutes les sciences, c’est celle 
» qui offre le plus de ressources pour concourir au 
» progrès de la législation. 

« De l'ensemble et de l'exactitude des renseigne 
» ments qu'elle peut offrir, résulte une connaissance 
» plus étendue de l'état économique et commercial des 
» nations; Mais comme, Jusqu'à présent, le progrès 
» signalé de cette science n’est dû à aucun enseigne- 
» ment méthodique, il en résulte qu'il y a beaucoup à 
» faire pour obtenir que les avantages auxquels elle a 


205 
.» présidé, où que les améliorations qui peuvent lui 
» être attribuées, se traduisent en un bienfait généra- 
» lement répandu. 

« Le perfectionnement introduit dans quelques con- 
» trées, mais restreint à certaines branches, est sus- 
» ceptible de recevoir une application plus complète, 
» sans limite , et c’est ce qui nous permet de détermi- 
» ner quel pourra être, dans un temps donné, l'état 
» des nations considérées isolément, ou chacune d'el- 
» les à l'égard des autres. La voie à suivre pour attein- 
» dre ce but désiré, doit être bien tracée, et il faut 
» aussi que nos besoins actuels et l'imperfection de nos 
» travaux soient clairement exposés. » 

M. Leone Levi était aux prises avec cette préoccu- 
pation, lorsque le grand ouvrage par lui entrepris sur 
la législation commerciale de toutes les puissances lui 
a suggéré l'idée de faire connaître l’état du commerce 
et des finances de toutes les nations à deux époques 
séparées par un intervalle de dix ans, 1840 et 1850. 

Dans ce but, il avait envoyé dans les pays étrangers 
des tableaux questionnaires pour être remplis. Quel- 
ques-uns de ces tableaux lui ont été fidèlement ren- 
voyés avec les instructions demandées; mais les ren- 
seignements ainsi obtenus présentaient des dates si dif- 
férentes, et se rattachaient à des objets si divers, qu'il 
reconnut l'impossibilité de réaliser son premier dessein. 

Comment d'ailleurs, et d'après lui, en aurait-il pu 
être autrement? Les recensements de la population 
sont faits à des époques qui n'ont aucune concordance. 
Dans quelques pays, ils ont lieu tous les dix ans, et 


206 


dans d'autres, tous les cinq ou tous les trois ans ; de 
sorte que, si ce nest par approximation, on ne peut 
constater la population actuelle, et à une même date, que 
de deux ou trois nations. Dans quelques États, l'année 
financière a pour terme le mois de juin, et dans d’au- 
trees, elle finit en janvier ou en octobre. Il résulte de 
là, que des écrivains d'un mérite égal et dont l’auto- 
rité a une égale portée, se trouvent souvent en oppo- 
sition, encore qu'il s'agisse de documents ou de calculs 
de la même année. Et comme pour le total du produit 
de l’agriculture, à quelques exceptions près, aucune 
statistique n’a encore été faite, bien que ce soit là un 
sujet d'une très-haute importance, nous sommes obli- 
gés, dit M. Leone Levi, de nous en rapporter à des 
estimations qui sont souvent autant d'erreurs. 

C'est cette lacune signalée devant la Société Statisti- 
que de Londres, que le Ministre veut combler en France 
à l’aide des Commissions instituées par le Décret du 4° 
juillet 4852, Décret dont les moyens d'exécution font 
l'objet d'une circulaire du 48 septembre dernier, adres- 
sée par le Ministre de l'Intérieur à tous les Préfets, et 
où l'on voit que deux tableaux questionnaires, déposés 
au chef-lieu de chaque canton pour être remplis par 
les Commissions, sont soumis à un système de vérifi- 
cation et de contrôle qui, à l'avenir, ne laisseront plus 
de doute sur l'exactitude des faits industriels et agri- 
coles. 

Si M. Leone Levi Sest trouvé dans l'impossibilité de 
mettre à exécution son plan de statistique décennale de 
1830 à 1850, parce que quelques renseignements lui 


207 
ont fait défaut, il a néanmoins voulu assurer la mar- 
che progressive de la science dont il s'occupe. 

Dans ce but, il a commencé un travail qui compren - 
dra une série de tableaux où seront encadrés d'une 
manière synoptique les renseignements annuels desti- 
nés à faire connaître la population de tous les pays, en 
distinguant les races et la religion, l'état de leurs finan- 
ces, les contributions directes et indirectes, l'intérêt 
de la dette, la dette inscrite ou flottante de chaque 
État, les manufactures, le nombre des filatures et des 
factoreries , la quantité des divers produits naturels ou 
industriels, les importations et les exportations, le 
nombre et le tonnage des batiments de chaque nation. 
le système rail-way comprenant le nombre de milles de 
chemins de fer construits, de ceux en cours d'exécu- 
tion ou projetés dans chaque pays. 

Déjà, pour l'année 1851, M. Leone Levi a présenté 
à la Société Statistique de Londres plusieurs de ces 
nombreux tableaux, dont voici quelques extraits : 


Marine marchande du monde, 


NOMBRE ET TONNAGE DES BATIMENTS APPARTENANT AUX 
NATIONS CI-APRÈS : 


Pays, Navires. Tonneaux. 
Grande-Bretagne. ....... 104,000 5,100,105 
Hameie en. ie se Le ,49,019 554,557 
tu euous ere, 9,064 500,944 
11 SENS SRRRRAN ERA Acte 750 Ù 


A reporter... 51,585 1,552,604 
? ) 


Nan er 
Hampours--....... 
Bel PT cree 
Cap de Bonne-Espérance.... 
États-Unis . ......... 
FICHE ER ne 


HROSCANE sastane sc dope 
ÉPUSSe EE eee re 


Toraux 


Pays. 


ss... 


Navires. 

51,585 

4,000 
» 

286 

461 

54 


Productions du monde, 


Grande-Bretagne... .s. cursus sas. 


Autrichée. de. ès 


PAPAS 00. 
Danémarck- 2e mme... ture 


es ces es es 


ss... 


Tonneaux. 
4,532,604 
155,928 
89,285 
75,261 
20,550 
5,651 
5,156,652 
554,595 
158,928 
150,875 
149,109 
61,654 
27,525 
8,946 
24,641 
119,557 


9,055,147 


ER 


Hectolitres. 
168,000,000 
75,600,000 
175,600 ,000 
550,400,000 
145,600,000 
55,200,000 
55,600,000 
22,400,000 


el'utetene te 


4,002,400,000 


Pays. Hectolitres. 

RÉDOr EE EN 4,002,400,000 

M RESICUIES 02 Re ur 119 21,000,000 
AH Romains. ++... dance 8,400,000 
RE Dee : « A OS As 16,800,000 
RATES... 1-0 de 44,000,000 
PR... SOA 9,800,000 
ETONCE ETIENNE REPAS 8,400,000 
Re tp 8,400,000 
LT RUE ARRET ER TRNrT 8,400,000 
nn care ce de ite M 5,600,000 
ae once dt eut 4,200,000 
Mon eee 407,400,000 

CHARBON 
Pays. Tonneaux 

Grande-Bretagne... ..,..4202: 4... 54,000,000 
D 22 «e dondeonn ue 4,000,000 
PARC cn r2s225 8808022226 20,000,000 
LEUR Re FE 4,000,000 
Nonvelle-Galle. serrer 40,000 
BORA 2808 see ee 62,040,000 


MÉTAUX PRÉCIEUX. 


Pays, Francs. 
GAÉDRH IG sise à 24 sie ee rue bocoisis 562,500,000 
nn mm enter de 175,000,000 
Russietéten #5. 2224408 nl lux 85,750,000 
Grande-Bretagne (argent)......... 4,250,000 
M Er die nc e dos ) 

LE FRERE RTE 55,000,000 
HOT SES - 657,500,000 


SR ES 


210 


FER. 

Pays. Tonneaux. 
Grande-Bretagne.............. he 4,650,000 
AS UMR de en ermpene » 
FTANCE secs rem verser sc 600,000 
Belgique ........s.eess..sss. 205,000 
PISSIe ee ne demee pepe ds 440,000 
AMÉTICRB.. me esse seems » 
Sardaigne............ ARTE es 20,000 
Bavière ..... M SC rc ere 15,000 
ÉSpagne.. ..--.. consorts 16,000 
SAT TM MAR EMENANIREREN 140,000 
États du Pape..................: 700 

ŒOrAT 2 HD 0e 2,784,700 
es 
SOIE, 

Pays. Kilogrammes. 
ltalies ht dé. Le ee es Ut 6,250,000 
Sardaigne... ss... 2,200,000 
Éiaisidu pape esters der 700,000 
Deux-Siciles ................... 4,070,000 
Prusse .......seses Ne TE NAT 560,000 
Salonique....s..essssessee DURS 150,000 

1H Na eo deco sie 40,910,000 
Tableau général du commerce du monde. 
Pays. Importations. Exportations. 
Grande-Bretagne ....  2,500,000,0007 4 ,750,000,000f 
ETAPE X. . 4,125,000,000  1,400,000,000 


A reporter. ..  5,625,000,000  3,150,000,000 


Pays. 


Hambourg ......... 


Pays-Bas... 


.... 


Belgique. cus:s.t. tr 


Russie 


......... 


HÉDASNC.- : este 
MAMHATONES ere see 
MANÉITATK eee ee 


rss... 


Je Maurice ........ 


Ceylan 
Grèce . 
Cap de 


ss... 


B"<-Espérance 


DENON Re 
Terre de Vandiémen. 
Etats du pape...... 


TDOTAUX: 


211 


ss 


Importations. Exportations. 
5,625,000,000  5,150,000,000 
975,000,000 800,000,000 
550,000,000 500,000,000 
530,000,000 450,000,000 
400,000,000 515,000,000 
550,000,000 550,000,000 
57,500,000 45,000,000 
220,000,000 150,000,000 
162,500,000 157,500,000 
150,000,000 125,000,000 
225,000,000 462,500,000 
157,500,000 87,500 ,000 
142,500,000 140,000 ,000 
100,000,000 75,000,000 
62,500 ,000 50,000,000 
37,500,000 62,500,000 
62,500,000 10,000,000 
50,000,000 125,000,000 
50,000,000 50,000,000 
50,000,000 57,500,000 
25,000,000 21,000,000 
27,500 ,000 12,500,000 
21,250,000 50,000,000 
15,000,000 12,500,000 
57,500,000 50,000,000 
8,045,750,000  6,998,500,000! 
8,045,750,000! 


15,042,250,000! 


212 


Système railway. 


Pays. Kilomètres. Sommes employées. 
Grande-Bretagne et l'Irlande... 11,200  6,250,000,000f 
FRAME EE NS OR RE + 16,462  1,662,500,000 
L'Allemagne, .. Méta .. 8,547  41,668,750,000 
La France......... 0,900.0€ 2,908  4,225,000,000 
Ta pelpique 50270 000 854 257,500,000 
(DE NTI LE RER AA 520 75,000,000 
CANNES. ee Den TE 75,000,000 
L'Espagne ....... MOTTE tee 76 » 


TOTAL... 40,656 414,195,750,000! 


ans 


Voici le résumé de ce premier travail : 

Le tableau comparatif de l'état des finances des prin- 
cipales nations, parait être celui-ci : La Grande-Bre- 
tagne à 75 millions de francs de revenu au-dessus de 
sa dépense. 

L'Autriche 475 millions, et les États-Unis 25 mil- 
lions, pendant que le budget de la France présente un 
déficit de 50 millions, et celui de la Prusse de 7 millions 
500 mille francs. 

La dette de la Grande-Bretagne est la plus considé- 
able de toutes ; elle s'élève à 787,000,000 de livres ster- 
ing, ou 19 milliards 675 millions de francs. 

Celle de la France, à 5 milliards de francs ; 

Celle del'Espagne à3 milliards 875 millions de francs. 

Celle de l'Autriche et de la Hollande, à 2 milliards 500 
millions. 

Celle de Ja Russie, à 4 milliard 325 millions, et celle 


213 
des États-Unis, à 342 millions 500 mille francs ; mais 
la plupart des États de l'Union ont une agglomération 
de dettes de 4 milliard 100 millions de francs. 

Le total approximatif des grains récoltés dans les 
divers pays, d'après le tableau ci-dessus, s'élève à 
1,407,400,000 hectolitres. 

La quantité de froment produite dans la Grande-Bre- 
tagne est évaluée à 51,000,000 d'hectolitres. 

Or, comme sa population, de 27 millions d'âmes, 
consomme près de 57,000,000 d'hectolitres de blé, et 
qu'il en faut 4,900,000 hectolitres pour la semence, 
il en résulte que le vide à combler annuellement par 
l'importation est d'environ 11,000,000 d'hectolitres. 

Les minéraux constituent la principale richesse de 
la Grande-Bretagne. Les énormes quantités de fer et 
de charbon, si heureusement combinés dans les cou- 
ches de la terre, donnent à ce pays une supériorité 
marquée sous le rapport du bas prix de cette double 
production et de l'introduction de l'usage du fer dans 
plusieurs branches de l'industrie. 

La quantité de fer produite dans les pays dont la 
désignation précède, s'élève à 2,784,700 tonneaux, 
dont 1,650,000 tonneaux sortent des forges de la 
Grande-Bretagne ; 600,000 des forges de France; 
140,000 de celles de la Suède. Dans la production 
générale de 62,040,000 tonneaux de charbon de terre, 
la Grande-Bretagne y concourt pour 34,000,000 de 
tonneaux, et la France pour 20,000,000. 

Les métaux précieux extraits annuellemeut des mines 
de la Russie s'élèvent à 83 millions 750 mille francs. 


214 

Ceux du Brésiletdel Amérique du Sud, à 475,000,000. 

Ceux de la Californie, depuis la découverte des mi- 
jusqu'à la fin de l'année 1850, à 362,500,000 francs, 
et dans le courant de l'année 1851, à 300 miilions en- 
viron. 

La valeur des importations et des exportations des 
différents pays, dans leurs mutuels rapports com- 
merciaux, s'élève à 45 milliards 42 millions 250 mille 
francs, dont 8 milliards 43 millions 750,000 francs 
d'importations, et 6 milliards 998 millions 500 mille 
francs d'exportations. l 

La marine marchande de tous les pays comprend 
276,040 batiments, jaugeant ensemble 46,072,421 
tonneaux. 

Le système des chemins de fer, si merveilleusement 
développé dans un court espace de temps, présente en 
saillie les chiffres ci-après : 

I parait qu'il y en à maintenant 40,636 kilom. de li- 
vrés à la circulation, et qui ont coûté 11 milliards 193 
millions 750 mille francs. 

Sur cette étendue il y en à 11,200 kilom. en Angle- 
terre, dont la dépense s'est élevée à 6 milliards 250 mil- 
lions, ou environ 550,000 francs par kilomètre. 

En Amérique, il y en a 16,462 kilom., qui ontcoûté 
4,662,500,000 franes, ou 100,000 francs environ par 
kilomètre. En Allemagne, 8,548 kilom., dont le coût 
s'élève à 1,668,750,000 francs, ou 185,000 franes par 
kilomètre, Au mois d'octobre 4851, la France en avait 
2,908 kilom., qui ont couté 1,225,000,000 de francs, 
ou 420,000 francs par kilomètre. 


215 

Après avoir ainsi Succinctemement analysé les statis- 
tiques de l'agriculture, du commerce et de l'industrie à 
une époque fixe, ce qui servira de point de départ ou 
de terme de comparaison pour reconnaitre et détermi- 
ner, à l'avenir, la progression croissante ou décrois- 
sante de chaque État, dans toutes les branches, il est 
bien de porter son attention sur les lois qui règlent et 
protègent les transactions commerciales. 

Des relations sans nombre qui résultent du com- 
merce, naissent aussi des droits et des devoirs qu'il 
appartient à la législation de définir et d'établir. Ces 
droits et ces obligations résultent le plus souvent d'un 
principe d'équité, base de toute justice, et quelquefois 
des lois positives. Ces dernières ne forment qu'une 
faible partie de celles en vigueur dans les relations 
commerciales, pendant que les lois naturelles, fondées 
sur des principes d'une application universelle, sont 
les mêmes dans tous les temps et chez toutes les na- 
tions. Aussi les différents Codes de commerce qui ren- 
ferment de tels principes, ne font que reproduire une 
frappante ressemblance dans leurs dispositions impéra- 
üves; mais à cause de la différence des langues, du 
système des lois, et du plus ou moins de développe- 
ment imprimé à la jurisprudence commerciale, ces 
grandes maximes reposent enfouies sous un graml 
nombre de dispositions, ce qui laisse dans une bien 
nuisible ignorance les hommes voués au commerce. 

La loi de la Grande-Bretagne, réglant les intérêts 
des négociants avec les principes de l'association, des 
compagnies de banque, des contrats, de la lettre de 


216 


change, des assurances, de la navigation et de la fail- 
lite, contient 2,335 dispositions générales; en outre, 
il y a 90 Statuts touchant la législation commerciale. 

Sur ces mêmes sujets, en Amérique, on ne compte 
que 817 articles; mais aussi, dans ce pays, la loi n'em- 
brasse que les cas généraux, pendant qu'en Angleterre 
elle pénètre toujours dans des détails minutieux. 

En France, le Code de Commerce ne comprend que 
648 articles ; il est en vigueur en Belgique. Celui d'Es- 
pagne en comprend 1,219; celui de la Hollande, 923 ; 
du Portugal, 4,286; du Wurtemberg, 1,164; de la 
Hongrie, 575 ; de la Prusse, 2,358 ; de la Russie, 1,514 ; 
de la Sardaigne, 723; du royaume Lombardo-Véni- 
tien, 634; desiles Yoniennes, 608 ; des Deux-Siciles, 
TAA; et tous ces Codes réunis comprennent 415,515 
articles. 

A ces lois doivent être ajoutées celles du Brésil, du 
Danemarck, de Hambourg, du Hanovre, de la Suède, 
de la Norwége, de Lubec, de la Grèce et d'autres pe- 
tits États, ayant chacun des lois distinctes. 

De là, le négociant qui a des relations avec plusieurs 
pays, ignore complétement les lois qui protégent ses 
intérêts, ainsi que les droits qui lui sont garantis. 

En présence de ces graves inconvénients, il devient 
important de signaler l'utilité d'un Code International 
pour le commerce; par conséquent, d'extraire, pour 
les réunir, tous ces grands principes dont l'application 
est universelle, afin que sous la forme d'un Code, ils 
puissent être adoptés et suivis par toutes les nations. 

La réalisation d'un tel plan serait féconde en consé- 


217 

quences heureuses; elle dirigerait l'esprit publie, chez 
tous les peuples, vers l'unité de lois. Elle donnerait 
une nouvelle vie à l'administration de la justice à l'in- 
térieur comme à l'extérieur; et toutes les puissances, 
plus étroitement unies par ce nouveau lien , concour- 
raient à vaincre un de ces obstacles s’opposant encore 
à la marche du progrès universel. 

Et, en effet, une loi internationale est la base sur 
laquelle les droits mutuels des nations sont fondés; 
et si c'est une barrière à lusurpation, en temps de 
guerre, c'est aussi un heureux lien de justice en temps 
de paix. 

Telle est la pensée émise, tels sontà peu près les 
vœux exprimés par M. Leone Levi; mais si l'Académie 
trouve, comme je dois le craindre, que j'abuse de l'at- 
tention qu'elle me prête, en dépassant le cadre dans le- 
quel doit se renfermer un rapport, j'invoquerai, comme 
excuse, l'obligation qui semble nous être imposée par 
le Pouvoir, de nous occuper d'une manière plus suivie 
de travaux statistiques. 

Cette obligation résulte implicitement, et en pre- 
mier lieu, des motifs du Décret du 1‘ juillet, qui or- 
donne la formation d’une Commission de Statistique 
au chef-lieu de chaque canton; et en second lieu, de 
la Circulaire du 48 septembre dernier. 

Par cette Circulaire, le Ministre de l'Intérieur com- 
prend d'abord, de droit, dans le personnel de ces 
Commissions, non seulement les fonctionnaires salariés 
par l'État, par le département, par les communes, 


mais encore ceux non salariés; et, en outre, il invite 
15 


218 
Les Préfets à porter de préférence leurs choix sur les 
membres des Sociétés savantes, des Comices agricoles 
et du Corps médical. 

Ces Sociétes, habituées à prêter le concours de leurs 
lumières aux institutions qui réclament leur appui, 
s'empresseront de seconder les sages intentions du Pou- 
voir, toutes les fois surtout qu'il s'agira de venir en 
aide à l'Administration dans l'intérêt de l'agriculture. 

Et, en effet, le Décret du 4° juillet peut être consi- 
déré comme le corollaire ou le complément de celui du 
28 février 1851, qui autorise les Sociétés de crédit 
foncier ; car, faire connaitre la nature des terres, leur 
produit, leur valeur, c’est faciliter les opérations d'une 
Banque ayant pour mission de diminuer, de rendre 
moins lourd le poids des 8 milliards grevant hypothé- 
cairement le sol de la France. 

Depuis l'année 1838, époque à laquelle je présenta 
à l'Academie la première partie d'un travail sur les 
améliorations réclamées par nos lois pour combattre 
les causes qui privent l'Agriculture du erédit dont elle 
a besoin, le mouvement en faveur de la réforme hypo- 
thécaire n'a cessé d'être généralement approuvé. Ainsi, 
les Cours d'Appel, les Facultés de Droit, les juriscon- 
sultes et les auteurs les plus éminents, ‘ont répondu à 
la Circulaire de M. le Ministre de la Justice, du 2 mai 
1841, soumettant à leur examen les points principaux 
sur lesquels devrait porter la réforme, et on à générale- 
ment reconnu avec, M. Persil, que, sans publicité, 
l'hypothèqueestune sourcede fraude el de supercherie, 
pendant qu'avec la publicité, lhypothèque devient 


219 


la compagne de la bonne foi et peut faire renaître la 
confiance et consolider le crédit public 

C'est avec ce désir de mettre un terme aux hypothè- 
ques occultes, et de rendre aux transactions les avanta- 
ges autrefois garantis par la loi du 44 brumaire an 
VII, que les diverses chambres ont été appelées à se 
prononcer sur le projet tendant à modifier le régime 
des priviléges et des hypothèques, dont l'application , 
depuis près d’un demi siècle, à fait ressortir les vices 
el entrevoir les lacunes. 

Ce projet n'a cessé, depuis dix ans, d'être discuté 
par les divers Pouvoirs législatifs, et jusqu'à présent 
celle discussion, côté brillant des Chambres, n’a pro- 
duit aucun résultat utile. 

C'est aussi cette longue indifférence, en présence de 
laquelle demeure dans l'oubli l'amélioration réclamée de 
puis si longtemps par les besoins du commerce et de l'a- 
griculture, qui a motivé le Décret du 28 février dernier. 

Ce Décret, émané d'un Pouvoir sans contrôle, sous- 
trait les Sociétés de crédit foncier aux vices de la légis- 
lation existante, en leur traçant, à titre de préroga- 
tive, la voie à suivre, les formalités à remplir pour 
reconnaître où pour purger les hypothèques légales, 
les priviléges et les actions résolutoires dont seraient 
grevés les immeubles offerts en garantie par les em- 
prunteurs. 

Cest là une exception qui sans doute, plas tard, 
après avoir acquis la sanction de l'expérience, devien- 
dra la règle générale et cessera de soumettre à des 
principes différents des intérêts identiques. 


220 

Jusqu'alors, les Sociétés de prêteurs profiteront seu- 
les de cette dérogation au droit commun, et à côté de 
celte attribution, qui, dans l'intérêt de la justice, ne 
peut être que temporaire, se rencontre pour toujours 
l'avantage exclusif offert aux propriétaires par les ban- 
ques de crédit foncier, de mobiliser, pour la rendre 
négociable à volonté, une partie de leur fortune immo- 
bilière, grevée ainsi d'un capital devenu disponible, et 
dont on essaie de faciliter le remboursement au moyen 
d'annuités multipliées. 

Néanmoins, on ne doit pas perdre de vue toutes les 
conséquences à attendre d'une réforme hypothécaire 
générale offrant à tous les prèteurs la plus grande 
sécurité. Et si les améliorations réclamées par la législa- 
tion en vigueur sont obtenues, si elles ne laissent pla-- 
ner aucune arrière-pensée sur Jes garanties offertes, 
si, enfin, on peut faire obtenir à l’agriculture comme 
à l'industrie et au commerce la réduction apportée au 
taux de l'intérêt, — le crédit, dès lors, rendu à la terre, 
ajoutera bientôt à la production, la production à la 
richesse, puis au bien-être des cultivateurs, première 
garantie d'ordre et de moralisation. Personne n'ignore, 
en effet, que les populations heureuses sont à la fois 
reconnaissantes envers le Pouvoir qui les protège, et 
toujours attachées au sol qui les nourrit. 


(Séance générale du 2 décembre 4852.) 


221 


RAPPORT 


SUR UN OUVRAGE DE M. DULUC, MÉDECIN VÉTÉRINAIRE, 


ayant pour titre : 


DE LA RAGE OÙ HYDROPHOBIE 


CHEZ LE CHIEN ET AUTRES ANIMAUX ; 


Par M. ze Dr COSTES. 


MESSIEURS, 


Vous avez recu de M. Duluc, médecin vétérinaire, 

. un travail intitulé : De la Rage ou Hydrophobie chez 

le chien et autres animaux. Une commission a été 

nommée pour examiner ce travail, et je viens aujour- 

d'hui, comme son Rapporteur, vous faire part de son 

Jugement et vous soumettre les propositions qui en sont 
la conséquence. 

C'est à l'occasion des faits nombreux de rage obser- 

vés dans ces dernières années, surtout dans l'été de 

1852, que l'auteur à cru utile de publier le Mémoire 


! Au nom d’une Commission composée de MM, Grateloup, Gintrac, Burguet, 
Marchant, Dégranges, Costes, rapporteur. L'Académie , ratifiant les conclusions 
du rapport, a accordé à ce travail une mention honorable, et décidé que le rap— 
port serait publié dans ses Actes. 


222 
qu'il vous a envoyé. Dix ans d'expériences personnel- 
les l'ont mis à même de connaître des faits qui, trop 
méconnus, sont devenus la cause de bien des mal- 
heurs. 

La trop grande multiplicité des chiens est d'abord ce 
qui frappe l'observateur ; puis, la reproduetion, surtout 
de ceux qui, s'éloignant le plus du type naturel, of- 
frent par cela mème leur système nerveux à l'état anor- 
mal, Ainsi, comme le dit l’auteur : 

« On recherche les chiens de type distingué, et l’on 
se trompe, en cela que l'on prend pour tel ce qui 
n’est que le résultat, le plus souvent, d'une véritable 
dégénération; ces petits animaux, à peine dévelop- 
pés, chétifs, malingres, à qui l'on ne conserve la vie 
qu'à force de soins, et qui sont d'autant plus beaux 
(affaire de mode) qu'ils sont davantage avortés, ont 
généralement le système nerveux excessivement pré- 
dominant. Il n'est pas rare de les voir être atteints 
subitement de suffocations ou d'attaques dépilepsie 
par le trop grand bruit du passage d'une voiture; ils 
ont des convulsions à l'ouverture de la soupape d'une 
machine à vapeur, et on les rend malades en les 
grondant seulement. Aussi, avec de pareilles dispo 
sions organiques, il n'est pas étonnant qu'ils soient 
fréquemment frappés d’affections du système ner- 
veux, et parmi elles de la rage. » 


Les symptômes de cette maladie, surtout celui qui 
se trouve implicitement dans sa dénomination, dans 


223 

le mot d'hydrophobie, la signification qui semble en- 
core ressortir de cette épithète d'enragé, atteint de la 
rage, semblent très-propres à induire le publie en er- 
reur; c'est donc un service à rendre à la société, au 
point de vue de la prophylactique, que de dévoiler les 
erreurs qui semblent découler des notions qui s'atta- 
chent à certaines dénominations. 

Ainsi, on n'est pas étonné d'entendre dire à M. Du- 
luc : 


«Les premières fois que je fus consulté sur lhydro- 
phobie, je mis dans plusieurs circonstances de l'hé- 
sitation à me prononcer. On le comprendra sans 
peine; le mot rage entrainait pour moi l'idée de 
tout ce qu'il y a de plus terrible dans la pose, dans 
le regard, dans l'expression, et j'avais peine à recon- 
naitre celte épouvantable maladie dans un animal 
qui refusait, il est vrai, de manger, mais qui était 
doux, aimable, caressant, se trainant aux pieds de 
son maitre pour lui lécher les mains. Plusieurs fois, 
j'ai trouvé des chiens enragés dans des appartements, 
au milieu de personnes qui les caressaient et qui ne 
pouvaient penser que de pareils sujets fussent atteints 
de cette maladie. En 1847, une jeune dame ne vou- 
lant pas croire que son chien füt hydrophobe, ainsi 
que mes confrères et moi le lui avions assuré, com 
mit l'imprudence de lui faire prendre un purgatif. 
Elle donnait pour raison de son incrédulité : « qu'un 
» chien hydrophobe avait horreur de l'eau, et que 
» le sien buvait très-bien. » 


224 

L'erreur qui s'attache à la lettre de qualifications 
impropres est importante à dévoiler. 

L'auteur a fait quelques pas dans cette voie, dans le 
Mémoire que nous avons sous les yeux; mais lui-même 
n'a peut-être pas assez précisé la véritable distinction 
qu'il faut établir, au moins chez l’homme, entre la rage 
et l'hydrophobie, ou, si l'on aime mieux, entre l'hy- 
drophobie, maladie spontanée chez l'homme, simple 
névrose, et la rage communiquée ou l'hydrophobie due 
au virus rabique.' 

L'étude, que fait l'auteur, de l'étiologie de la rage, 
nous laisse à peu près dans l'obscurité; c’est qu'en effet 
dire que la rage est due à un virus, et convenir après 
que nous ne savons pas comment il se produit sponta- 
nément dans l'espèce canine, est assez peu satisfaisant, 
Nous ne pouvons donc qu'assigner de loin les condi- 
tions qui nous semblent jouer un rôle dans la produc- 
tion de ce virus. 

Si, dans l’état peu soigné du chien de campagne , ou 
mieux encore du chien vagabond , dans la privation d'eau 
que peuvent quelquefois amener les saisons estivales, on 
a cru trouver une cause de la rage, comment concilier 
ce fait que la rage a été observée en toute saison. 

Mais, au point de vue des cas de rage spontanée 
que l'on remarque quelquefois au sein des villes, sur 
des chiens qui n’ont cessé d'être bien soignés, nous 
devons admettre comme assez plausible l'explication 
qu'en donne notre auteur dans le passage suivant : 


«Il est d'observation que les chiens, ceux surtout à 


225 

longs poils, qui habitent les appartements étroits, 
peu aérés, dont la constitution n'a pas pris le déve- 
loppement vigoureux que favorisent l'exercice et l'air 
excitant et tonique de la campagne; ceux chez qui 
le tempérament sanguin-nerveux est prédominant , 
sont excessivement impressionnés par l'électricité at- 
mosphérique. 

» À l'époque des temps orageux, ils sont inquiets, 
tristes, agités, tirent la langue, battent des flancs, 
se plaignent fréquemment, aboient d'un hurlement 
plaintif et refusent la nourriture. 

» Je connais une chienne de forte taille, dite de 
montagne, à longs poils, qui est tellement excitable, 
que par les temps d'orage elle se plaint et jette des 
hurlements effrayants. La première fois qu'on remar- 
qua cette disposition de son tempérament, elle se 
trouvait renfermée dans une cour, et toute la nuit 
elle effraya les habitants de la maison et les voisins 
par des hurlements continuels; rien ne pouvait la cal- 
mer; elle se précipitait le long du mur, elle avait 
comme des accès de folie; dans la matinée, on lui ou- 
vrit la porte, elle alla courir dans la ville: quand elle 
revint, on ne remarqua plus aucun caractère d'inquié- 
tude : avec la température normale, elle était devenue 
calme. 

» Le manque et la mauvaise qualité des aliments 
ont été classés au nombre des causes occasionnelles de 
la rage ; on oubliait probablement, en énoncant une 
pareille assertion , qu'un grand nombre d'animaux affec- 
tés appartient à la classe des chiens dits de luxe, qui 


226 
sont les mieux soignés. Des expériences ont été faites, 
et les chiens sont morts d'inanition sans fournir un 
symptôme de rage. 

» Les chiens sont, de leur nature, voraces et essen- 
tiellement carnivores. Il leur faut la liberté, le grand 
air et l'agitation pour satisfaire leur tempérament san- 
guin. L'état de domesticité modifie tout cela. Une 
nourriture choisie, mais prise en dehors de leur con- 
venance, un manque complet d'exercice, la tempéra- 
ture constamment élevée des appartements, l'air échauf- 
fé, altéré, vicié qu'ils respirent , les soins assidus qu'on 
ne cesse de leur prodiguer, la servitude avec toutes 
ses douceurs et toutes ses exigences, les appétits véné- 
riens non satisfaits, la jalousie de plusieurs, qui se 
croient remplacés dans laffection de leur maitre par 
les simples caresses prodiguées à un enfant, tout cela 
change prodigieusement leur nature primitive, et rem- 
place leur tempérament vigoureux par une prédomi- 
nance nerveuse, irritable, pouyant en faire autant de 
causes prédisposantes aux névroses. » 


Mais la cause qui, pour l'homme, doit nous tenir 
toujours en éveil, c’est l'inoculation. À cet égard, on 
sait qu'elle n'a lieu que par l'introduction sous la peau, 
par une blessure, du virus rabique; et bien qu'il ne faille 
pas s'exposer à toucher la bave d'un chien enragé, 
même avec la peau des mains intacte, il est bon de 
savoir, pour sa tranquillité, qu'on n'est pas nécessai- 
rement atteint de la maladie bien qu'un chien enragé 
vous ait léché la figure ou les mains. C'est ce que les 


227 
faits ont prouvé, et ce que démontre M. Duluc dans 
les lignes que voici : 


«Le virus rabique ne paraît avoir aucune action 
sur l'économie, quand il est appliqué sur l’épiderme 
sain. J'ai fait beaucoup d'autopsies sans gants; la gueule 
des chiens à été principalement le but de mes recher- 
ches ; j'ai eu de la bave, de la salive, du sang, plein 
les mains, du vivant même de l'animal, en faisant mes 
expériences sur l’éthérisation; je me suis coupé une 
fois en ouvrant l'abdomen d'un chien mort, que l'on 
me priait d'examiner et où 7e trouvai les caractères de 
la rage, éclairé par les renseignements du maître du 
chien, sur l'état de l'animal avant sa mort. Jamais il ne 
m'est rien survenu; dans cette dernière circonstance, 
il est vrai, je me cautérisai immédiatement avec la 
pierre infernale. 

» Je n'induirai pas néanmoins, de ces circonstances, 
qu'on doive toujours agir imprudemment avec les chiens 
enragés, et leur essuyer sans crainte avec les mains 
la salive qui s'échappe de la gueule au début de la ma- 
ladie; loin de moi cette pensée: je ne mentionne, au 
contraire, ces faits que pour rassurer quelques esprits, 
trop préoccupés d'avoir eu chez eux des animaux hy- 
drophobes et de leur avoir donné des soins. 

» Mais il n'en est pas de même quand la peau est 
dénudée de son épiderme; une gercure, une écor- 
chure, une petite plaie, favorisent l'inoculation. » 


Une question importante que soulève l'étude de la 


228 


rage, c'est celle de la rapidité de l'absorption du virus. 
Elle n’est pas égale dans toutes les parties du corps, 
selon notre auteur, et ceci serait essentiel à savoir. Le 
moyen de détruire le virus sur place pourrait avoir une 
eficacité relative. — Peu de temps suflirait pour l'ab- 
sorption aux lèvres, à la conjonctive ; il pourrait falloir 
une heure, plus longtemps même sur d'autres parties, 
selon M. Duluc. 

Nous avons quelque peine à nous ranger de son avis, 
à cet égard. L'absorption a lieu par la circulation, sur- 
tout par la circulation veineuse, et nous avouons que , 
dans toutes les parties du corps, le cycle circulatoire 
ous parait le même. 

Au nombre des effets que produit le virus rabique, 
l'auteur ne pouvait manquer de mentionner les vési- 
cules où pustules que le médecin russe Marochetti pré- 
tend être un des caractères de la maladie; mais M. Du- 
luc ne les a jamais rencontrées chez les animaux, ce 
qui, pour le dire en passant, rend pour nous un peu 
problématique cette assertion de l'auteur, qui a trouvé 
dans une autopsie d'un animal mort enragé les carac- 
tères de la rage, car il n'y en a pas de précis, que 
nous sachions. 

Bien que le travail que nous examinons ne contienne 
rien de nouveau sur le sujet qu'il traite, cependant , 
en se mettant au point de vue de l'auteur, «qui, en 
écrivant ces quelques pages, déclare n'avoir eu qu'un 
seul but, celui de faire connaitre l'hydrophobie du 
chien sous toutes ses phases et avec tous ses symptô- 
mes, de répandre des connaissances trop ignorées, et 


229 
de mettre les propriétaires de ces animaux, parfois trop 
confiants où même trop imprudents, à l'abri de tout 
malheur, » nous devons convenir qu'il a atteint 
son but. C'est surtout par rapport à la symptomato- 
logie. Aussi, votre Commission at-elle désiré que nous 
missions sous vos yeux le tableau qu'il en a tracé, et 
qui lui à paru plein de vérité. 

Rien n’est plus variable que la forme de cette mala- 
die, et néanmoins elle à des traits si caractéristiques , 
qu'on ne peut la méconnaître, bien qu'une erreur soit 
plus facile au début. Aussi, nous estimons que l'auteur 
a eu raison de tracer à part les symptômes qui déno- 
tent la rage, soit chez le chien de forte race, soit chez 
le chien de luxe. 


« Le premier, dit l'auteur, devient triste, irritable, 
moins obéissant, laisse de sa nourriture, boit comme à 
l'ordinaire, souvent davantage, grogne aux étrangers, 
hérisse son poil, se calme difficilement , reste seul, re- 
cherche même les endroits retirés, et s'éloigne du bruit. 

» Le chien de luxe, et particulièrement celui de 
petite race, est inquiet, préoccupé, obéit, mais avec 
distraction, prend sa nourriture, l'abandonne et s'en 
éloigne parfois, comme s'il était subitement frappé par 
la pensée d'un devoir oublié et devant être rempli im— 
médiatement. Il boit sans répugnance tout liquide, 
rentre dans sa corbeille, n'y reste qu'un instant, change 
de place, caresse son maitre, et fixe sur lui des yeux 
si douloureux, que c'est à ce regard souvent qu'on s'a- 
perçoit que cet animal souffre. 


230 

» Les caractères généraux, qui d'ordinaire échap- 
pent à tout le monde, ne seraient que de peu d'impor- 
tance, puisque beaucoup de maladies de l'espèce ca- 
nine en fournissent de semblables au début, si l'on ne 
remarquait avec soin celte tristesse particulière, cette 
sorte de préoccupation mentale, qui, saisissable plus 
tard, en fera un symptôme pathognomonique, ainsi 
que le regard, qui, par son éclat passager, vient as- 
sombrir davantage cet état de tristesse. 

» Bien que j'établisse, pour faciliter l'étude de la symp- 
tomatologie de la rage, deux catégories parmi les chiens, 
il ne faudrait pas en conclure que les caractères observés 
chez les uns ne puissent pas se traduire chez les autres. 
Rien n’est plus variable que la forme sous laquelle se pré- 
sente cette maladie ; et en écrivant ces quelques pages, 
Je n'ai qu'un seul but , que j'ai déja énoncé, celui de faire 
connaitre l'hydrophobie du chien sous toutes ses phases 
et avec tous ses symptômes ; en les publiant, de répan- 
dre des connaissances trop ignorées, et de mettre les 
propriétaires de ces animaux, parfois trop confiants, ou 
mieux trop imprudents, à l'abri de tout malheur. » 


L'auteur cite des faits qui témoignent de la grande 
difficulté qu'il y a à reconnaitre l'hydrophobie dès son 
début, c'est-à-dire du moment où elle possède la funeste 
propriété de se transmettre par inoculation. Ces faits 
nous paraissent utiles à reproduire. Le premier a été 
rapporté par M. Bouley, professeur de l'École vétéri- 
naire d'Alfort, et appartient à Williams Youatt, pro- 
fesseur vétérinaire anglais : 


» 


» 


S 


) 


» 


» 


» 


» 


» 


S 


) 


231 
« Dans l'année 1813, un jeune enfant essaya d'en- 
lever à un chien sa ration du matin, qu'on venait de 
lui donner. 
» Le chien, en se défendant, l'égratigna légèrement 
d'un coup de dent. 
» Huit jours après, les symptômes de la rage se dé- 
clarèrent sur le chien; la maladie suivit son cours, 
et l'animal mourut. Peu de jours après la mort du 
chien, l'enfant tomba malade, les caractères de la 
rage se manifestèrent de la manière la plus évidente. 
La maladie suivit aussi fatalement son cours, et l’en- 
fant succomba. » 


Le second est relaté par M. Pierquin, dans son 


livre sur la folie des animaux. 


» 


» 


» 


« Une dame avait un lévrier habitué à coucher sur 
son lit; elle remarqua un matin qu'il avait déchiré 
la couverture, et qu'il buvait plus qu'à l'ordinaire, 

» Le jour suivant, ce chien la mordit au bout du 
doigt au moment où elle lui offrait à manger. Elle le 
conduisit chez un vétérinaire, qui ne reconnut au- 
cun des symplômes de la rage. Le jour suivant, le 
chien mourut. Il n'avait cessé de boire très-abon- 
damment jusqu'à la fin. Trente-neuf jours après, au 
moment ôù celte dame dinait avec son mari, elle 
éprouva quelques diflicultés de déglutir. Elle désira 
prendre un peu de vin, mais elle ne put l'avaler, et 
elle mourut de la rage après quatre jours de cruelles 
souffrances. » 


232 
Mais exposons le tableau de la maladie développée , 
tel que l'a tracé M. Dulue : 


« Après les prodromes , qui n'ont de durée que deux 
ou trois jours, apparaissent des symptômes beaucoup 
plus sérieux : le chien de race vigoureuse est plus 
abattu, porte la tête basse, se retire dans les lieux iso- 
lés, gratte la terre, la paille, y plonge la tête et la 
mord; il n'a pas de repos, est constamment en éveil; 
il entend de loin ceux qui viennent le visiter, se lève 
à leur approche, jette sur eux un regard fixe, péné- 
trant; ses reins sont légèrement voütés en contre-haut ; 
il porte la queue basse, entre les jambes. 

» Si on lui offre à manger, il refuse sa nourriture, 
ou en prend à peine. [l éprouve une grande difficulté à 
déglutir ; le bol alimentaire s'arrête parfois au passage 
pharyngien, et ne le franchit que par un violent effort, 
qui détermine un frémissement général sur tout l'indi- 
vidu. Il boit souvent, quelquefois avec avidité; mais il 
arrive qu'au déclin de cette période, la déglutition 
étant très-difficile, peut-être impossible, il lape le 
liquide et ne peut étancher sa soif. D’autres ont véri- 
tablement horreur de l'eau, mais ils sont très-rares. 

» Les corps brillants, luisants, lui donnent de la fu- 
reur; la salive est filante, mousseuse, et humecte les 
lèvres ou tombe en filaments. I aboie d'un hurlement 
lent, à plusieurs intonations, qui est caractéristique, 
et que l'on appelle le hurlement de la rage. S'il est 
libre, 1 s'éloigne de sa niche, court à la poursuite d'un 
objet imaginaire, revient, lape l'eau de son écuelle, 


233 

conserve son inquiétude et remue la paille de son lit. 

» Ces symptômes s’aggravent; alors apparaissent les 
accès. Ils sont provoqués par une douleur quelconque, 
par la difficulté qu'éprouve le chien à uriner, l'excita- 
tion d’un bàton, surtout la vue d’un animal de la même 
espèce, enfin par la seule influence de l'action de la 
maladie. Le corps se redresse, se dispose à l'attaque, 
les yeux brillent subitement, s'injectent de sang et 
deviennent effrayants de fureur ; fa gueule s’entr'ouvre 
pour mordre avant même d'avoir approché l'objet; la 
morsure est cruelle, car il y met toutes ses forces; il 
lache prise aussitôt, mais il y revient à plusieurs repri- 
ses, S'il est libre, il abandonne sa demeure, il court les 
chemins, les grandes routes, il prend les ruettes dé- 
tournées , le bord des ruisseaux ; il ne va pas très-vite, 
s'il n’est pas poursuivi; sa marche est souvent pénible, 
‘préoccupée; il a néanmoins l'instinct de sa conserva- 
tion, il évite le danger et comprend quand on le pour- 
suit. [l est poltron dans cette circonstance, car il se 
réfugie où il peut. Il rentre douze à vingt-quatre heu- 
res après, ayant mordu, en passant et presque sans s'ar- 
rêter, les animaux, les personnes, particulièrement les 
chiens qu'il rencontre. I est fatigué, bat des flancs, 
se couche sur le ventre, ouvre la gueule et sort la lan- 
gue, qui est d’un rouge foncé; l'œil est fixe, hagard ; 
un aspect de sombre fureur se dénote dans toute la 
pose de la tête et la crispation de la face, et cependant 
le maitre qui commande est encore obéi; mais il ne 
faudrait pas le frapper ou le contrarier trop fort, le 
faire boire de force, par exemple; car il pourrait, dans 


16 


234 
un transport de fureur facile à provoquer, oublier la 
main qui l'a nourri. Si à ce moment on lui présente 
un corps quelconque, un fer rougi au feu, il le mor- 
dra ; la sensibilité est beaucoup diminuée. 

» Apparaissent ensuite les symptômes de la dernière 
période. L'œil hagard devient terne, la gueule ne se 
meut plus avec autant de facilité, il y a commence- 
ment de paralysie, la salive est épaisse et ne parait 
plus à la commissute des lèvres; quelques chiens la- 
pent encore l’eau, d'autres sont affaissés et laissent 
échapper un burlement plaintif; le corps est amaigri, 
dans le marasme, les reins et les flancs sont relevés, 
la queue est entre les jambes, la paralysie du train de 
derrière indique que la mort n'est pas éloignée; enfin, 
après avoir beaucoup essayé, pendant quelques heures 
et à plusieurs reprises, d'enlever un obstacle de la 
gorge, avec ses pattes de devant, le chien enragé meurt 
sans pouvoir changer de place. 

» Cette maladie, de son début à sa terminaison par 
la mort, a une durée variable, mais qui est comprise 
entre le deuxième et le neuvième jour. 

» Le chien de luxe présente des différences impor- 
tantes à connaitre et qui se retrouvent également chez 
le chien de garde. 

» Il reste couché dans son lit, qu'il défait fréquem- 
ment; il est agité, inquiet, va sous les meubles et re- 
vient dans sa corbeille, après avoir fait des caresses à 
ses maîtres et leur-avoir jeté un profond regard de tris- 
tesse sombre, semblant leur demander un remède à ses 
souffrances. Îl obéit à leur voix, et, bien qu'il ne se dé- 


235 

range que difficilement, il peut encore exécuter les 
ordres qu'on lui donne. Il vomit parfois des matières 
verdàtres, sanguinolentes. Il urine difficilement ; il 
refuse la nourriture, et cependant, chose digne de 
remarque et qui prouve toute la docilité de ces ani- 
maux quand ils ont été habitués à une grande obéis- 
sance, c'est que le maitre peut, par son autorité, leur 
faire prendre quelques matières liquides. 

» Un des caractères de cette maladie, le plus im- 
portant à connaitre et que l’on a toujours observé 
chez toutes les espèces de chiens, c'est la dépravation 
de l'appétit; c'est, sans contredit, le symptôme le plus 
caractéristique du début de la rage. 

» Toutes les fois qu'un chien perd l'appétit, qu'il 
prend dans la gueule sa nourriture sans pouvoir la 
déglutir, s'il est triste, s'il vomit, si surtout il recher- 
che les terreaux, déchire des morceaux de bois, de chif- 
fon, boit son urine, ou mange ses malières excrémen- 
tüüelles, il faut être très-prudent à son égard ; et si la 
température est élevée ou très-froide, l'animal devra 
être surveillé attentivement; on éloignera surtout les 
enfants, qui, en le caressant ou en le contrariant, sont 
exposés à se faire mordre. 

» Le chien de salon est le plus disposé à ce délire, 
qui ne trompe jamais, au dire de M. Youatt, qui fait 
autorité en cette matière. « Si dans un salon vous 
» voyez un chien fixer son attention avec persévérance 
» Sur chaque coin, et en lécher le mur avec une per- 
» sistance infatigable ; tenez-vous en garde contre lui : 
» IL y à tout à craindre qu'il ne soit sous le coup de la 


236 
» rage, et l'on peut même, sans aueun autre symp- 
» tôme, aflirmer qu'il est décidément enragé. Je n’ai 
» jamais vu ce symplôme tromper. » 

» Le chien est préoccupé comme d'un objet lointain 
ou d'un bruit indéfinissable, il se précipite le long du 
mur, et semble vouloir attrapper des mouches; d'autres 
fois, couché sur une chaise, ses paupières s'abaissent, 
il cache sa tête dans ses pattes, il paraît endormi ; mais 
sa tête, glissant la première, emporte le corps : l'ani- 
mal tombe sur le parquet, et presque insensible à cette 
chute, se pelotonne comme s'il voulait se réduire en 
plus petit volume; un instant après, il semble se ré- 
veiller, ouvre les yeux et recommence à monter sur 
les chaises. 

» L'endroit de la morsure, au moment où se déclare 
la rage, enfle quelquefois et produit une grande dé- 
mangeaison. M. Youatt, qui l'a le plus observé sur l'es- 
pèce du chien, nous met en garde contre ces prétendues 
douleurs d'oreilles qui font que le chien se gratte conti- 
nuellement, et qui ne sont que des symptômes de rage. 

» Le hurlement que le chien enragé fait entendre 
est si particulier, qu'il suflit de l'avoir entendu une fois 
pour toujours se le rappeler. Il est parfaitement dis- 
tinct dans le bruit discordant que fait une meute aux 
abois. M. H. Bouley nous dit {Recueil de Médecine 
vélérinaire pratique, 1847) : 

« Il y a quelques jours, un dimanche, des élèves en 
» rentrant à l'École vétérinaire d'Alfort, à neuf heures 
» du soir, entendirent le hurlement de la rage poussé 
» par un chien de garde dans une maison voisine. 


237 

» Ils s'empressèrent de prévenir le propriétaire du 
» danger qui le menaçait. Le chien heureusement était 
» encore à l'attache, et y fut maintenu toute la nuit. 
» Le lendemain, on le conduisit à l'École, où il fut re- 
» connu enragé, au grand étonnement de son maitre, 
» qui ne pouvait croire que cet animal, si docile 
» encore, si caressant et qui lui obéissait comme 
» en santé, était atteint d’une aussi redoutable ma- 
» ladie. » 

» Cette modification de la voix à plusieurs tons, sac- 
cadés, lents et lugubres, est des plus significative. 

» Sa démarche devient pénible, le derrière se meut 
difficilement, s'affaisse quelquefois; le flanc est agité, 
le regard est de plus en plus inquiet, triste, étrange, 
fixe, douloureux, mais jamais effrayant comme chez 
le chien sauvage. 

» Enfin, ces symptômes augmentent :le chien refuse 
toute nourriture, maigrit, ne peut plus se mouvoir; la 
paralysie du train de derrière, presque toujours cons- 
tante, gagne les mâchoires, les yeux se fondent, dimi- 
puent de volume, deviennent ternes; les orbites ne 
sont plus que deux cavités rouges par la conjonctive, 
et l'animal est aveugle. Le corps tombe dans le ma- 
rasme et se déforme, les muscles diminuent de volume, 
la violence de cette horrible maladie semble tout ab 
sorber; enfin, l'animal meurt avant une huitaine de 
jours, sans avoir mordu personne de la maison S'il n'y 
à pas été provoqué. 

» Tous ces symptômes, réunis quelquefois chez un 
seul individu, qui caractérisent la rage du chien, et 


238 
qui, s'ils n'étaient pas si ignorés, éviteraient bien des 
malheurs, ne sont pas les seuls qu'il faut répandre. » 


Ilest, dans ce tableau, deux symptômes qui exigent 
quelques réflexions : c'est l'hydrophobie ou horreur de 
l'eau , et la grande salivation. Ces deux symptômes, 
caractéristiques selon beaucoup d'auteurs et l'opinion 
générale, n'ont pas toute importance qu'on leur a at- 
tribuée. 

Mais notre auteur va peut-être trop loin lorsqu'il dit 
que « l'existence de l'un et de l'autre de ces symptô- 
mes est assez futile. » Notons cependant que M. Wil- 
liams Youatt dit qu'il ne se rencontre pas plus d'une 
fois sur cinq, — et que notre auteur, qui a vu beau- 
coup de chiens enragés, dit n'avoir jamais remarqué 
celte grande répulsion de l’eau, au point d'en faire un 
caractère important, ni de salivation plus abondante 
que dans l’état normal. La croyance à l'hydrophobie 
comme symptôme de la rage, consacre une erreur po- 
pulaire. En effet, d’après M. Dulue, le chien hydro- 
phobe lape l'eau sans la déglutir, souvent avec avidité. 
Il boit avec prédilection son urine, et lèche longtemps 
après la place desséchée. 


« Chez lui, la salivation n’est pas abondante, comme 
on le pense généralement. Aux premiers jours de l'af- 
fection, on l'aperçoit sur le bord des lèvres; c’est sur- 
tout après un accès : elle est claire, filante, mousseuse, 
mais pas abondante. L'histoire de ces animaux enragés 
couverts d'écume est fabuleuse. Dans les dernières pé- 


239 

riodes de la maladie, la salive est plutôt rare que fré- 
quente, et c'est même à son épaississement dans le 
pharynx que l'on attribue non-seulement la gène dou- 
loureuse qu'éprouvent ces animaux, mais encore les 
mouvements qu'ils font avec les pattes de devant comme 
pour arracher un obstacle dans la gorge, et l'asphyxie 
qui leur donne la mort. 

» Ce mouvement que font les chiens avec les pattes 
de devant, cherchant à se débarrasser de la douleur 
qu'ils éprouvent dans le gosier, ne manque pas de 
faire supposer aux propriétaires que leurs animaux 
ont avalé un os. Il en est de même quand le chien est 
atteint de la paralysie des mächoires, dans le cas de 
rage mue, fausse-rage, où la gueule est toujours ou- 
verte. L'historique de l'os incriminé, et qui s'est mis 
tout exprès en travers du pharynx, remonte quelque- 
fois à plus de quinze jours de date. On croit fort, tant 
l'imagination est complaisante en pareille matière, que 
ce doit être à sa présence dans la gorge qu'est due la 
souffrance qu'éprouve l'animal. Quelqu'un, après m'a- 
voir consulté sur un chien que je déclarai atteint de la 
rage mue, me dit, afin de me persuader que je me 
trompais, que son animal n'avait qu'un os dans le go- 
sier, et que déjà il avait introduit la main dans la 
gueule pour l'en sortir; mais que n'ayant pas réussi, il 
se disposait à l'essayer de nouveau, espérant être plus 
heureux. Je l'engageai à ne plus recommencer. La nuit 
suivante, cette bête ne fit qu'aboyer du hurlement si 
caractéristique de la rage. Elle mourut dans la ma- 
tinée, 


240 


» Autre fait. Le 16 juillet 1852, une femme me 
portait dans ses bras, recouvert d'une serviette, un 
petit chien affecté de rage mue au début, et qu'elle 
m'assurait n'être indisposé que parce qu'il avait un os 
dans le gosier. Un enfant en avait été mordu il y avait 
plusieurs jours (heureusement, il n’y avait eu que pin- 
cement). La maitresse voyant la salive découler de la 
gueule de son chien, l'avait essuyée. Elle tenait dans 
ce moment un morceau de pain à la main, qui en avait 
été imprégné. Se contentant d'enlever la partie seule- 
ment du pain qu'elle supposait avoir été touchée par le 
liquide, elle avait mangé le reste. » 


En terminant l'exposition du tableau symptomatolo- 
gique de la rage, nous devons signaler avec approba- 
tion l'observation que fait M. Duluc relativement à cette 
opinion qu'il appelle à bon droit déplorable, à savoir : 
que la salive du chien est des plus propres à la cicatri- 
sation des blessures. 


« Des mères imprudentes, dit-il, pour faire guérir 
certaines plaies à leurs enfants, les font lécher par ces 
animaux. En Angleterre, on à aussi la croyance que 
les boutons à la figure, par exemple, cèdent à l'action 
bienfaisante de la langue d'un chien. C'est ainsi que 
William Vouatt a observé beaucoup de cas d'inocula- 
tion de virus rabique, par le simple contact sur les 
plaies de la salive d'animaux même que rien ne pou- 
vait faire supposer malades. Combien de personnes, 
parmi nous, ont aussi la mauvaise habitude de se faire 


! 


241 


ainsi embrasser, ignorant sans doute que, par une 
pareille imprudence, elles s'exposent à là mort la plus 
affreuse. » 


M. Dulue à consacré un article à ce qu'il a appelé 
lésions de la rage. Mais nous pensons que les traits 
qu'il a tracés de l'anatomie pathologique dans cette af- 
fection, ne caractérisent rien qu'une irritation vive des 
voies digestives, et qu'on ne saurait rien conclure de 
celle-ci à celle-là. 

Le mot quil dit sur la rage mue nous parait offrir 
de l'intérêt comme tableau descriptif et surtout par sa 
conclusion, qui nous parait marquée au coin de la 
prudence. Ainsi, comme lui, nous n’oserions affirmer 
que la rage qu'on appelle mue ou muette, parce qu'on 
pense que le chien qui en est atteint ne peut aboyer, 
n'est pas contagieuse. En effet, elle tire sa source de la 
morsure de l'animal enragé; et bien que celui qui a la 
rage me semble ne pouvoir mordre, ses machoires étant 
spasmodiquement écartées, rien ne dit que sa salive 
inoculée ne donnàt pas la rage. 

Pour une maladie si cruelle, l'article le plus impor- 
‘tant que devrait offrir la science, devrait être celui du 
traitement. Malheureusement, notre auteur , sous ce 
rapport, n'a rien à nous dire d'intéressant ni de nou- 
veau. Ainsi, quand on a vanté la cautérisation, et cela 
même au moment le plus rapproché de la morsure, on 
à tout dit; — car c’est vainement que, dans limpuis- 
sancé de la vraie médecine, on a eu recours à des 
moyens plus ou moins excentriques; ils ont tous échoué, 


242 
et les prétentions de l’homæopathie ont été aussi var- 
nes, quoi qu'elle en ait dit. Dans son exagération , elle 
s’est éblouie, et, comme dit M. Dulue, elle n’a cité que 
des faits inexacts et incomplets. 

Au reste, à l'égard des statistiques qu'on pouvait 
faire sur les résultats probables de tels ou tels traite- 
ments , il suflit de savoir que tous les individus inocu- 
lés, mème directement, du virus rabique, ne devien- 
nent pas enragés. 

Ainsi, M. Renaud, directeur de l'École vétérinaire 
d’Alfort, dans son Rapport lu à l'Académie nationale de 
Médecine, le 43 janvier 4852, s'exprime ainsi : 


« Depuis 1830 jusqu'en 1852, dit M. Renault, à 
» des époques différentes et dans des vues diverses, 
» tantôt j'ai fait mordre à plusieurs reprises par des 
» chiens complétement enragés que j'avais sous les 
» yeux, sur des parties où la peau est fine et dépour- 
» vue de poils, des chiens ou des herbivores, tantôt 
» j'ai puisé dans la gueule de ces chiens enragés, au 
» moment de leurs plus forts accès, une certaine quan- 
» tité de salive que j'ai inoculée sur plusieurs régions, 
» sous l’épiderme d’autres animaux. 

» Quatre-vingt-dix-neuf individus (chiens, chevaux 
» où moutons) ont été ainsi mordus ou inoculés. Sur 
ce nc bre: 
» Foixante-sept sont devenus enragés ; 


> 


Ÿ 


» Les trente-deux autres, restés en observation pen- 
» dant plus de cent jours, n'ont rien éprouvé. 
» Les trois quarts des animaux soumis à des expé-— 


243 
riencés sont devenus enragés, et un quart, sans avoir 
été soumis à aucun traitement, n'a rien éprouvé. 

» Les mêmes chiffres ont été obtenus à l'École vété- 
rinaire de Lyon. Si on rapproche les résultats des trois 
faits précédemment énoncés, où les personnes mordues 
par des animaux enragés ont été traitées par le mer- 
cure, de ceux observés sur les individus inoculés, et 
qui n'ont été soumis à aucun traitement, on trouve : 
que sur quinze personnes mordues par un chien en- 
ragé, et traitées par le mercure, trois sont devenues 
bydrophobes, et deux sont mortes accidentellement. 

» Que sur onze personnes traitées par M. Blais, à 
la suite des morsures d'un loup enragé, cinq personnes 
contractèrent la maladie. 

» Que sur vingt personnes mordues par une louve 
enragée, et soignées par M. Thiesset, sept moururent 
de cette affection. 

» En sorte que, sur quarante-six personnes mordues 
par des chiens ou des loups enragés, et soumises au 
traitement mercuriel, quinze de ces personnes, c'est- 
à-dire, le tiers en sont mortes. Comme on le voit, si 
l'on s’en tenait à la valeur mathématique des chiffres, 
on pourrait évaluer, à priori, qu'il est plus avanta- 
geux de ne rien faire que de soumettre les individus 
mordus par des animaux enragés à un traitement mer- 
euriel, surtout quand on observe que ceux qui ont 
servi d'expérience à M. Renault ont été placés dans les 
conditions les plus favorables au développement de 
cette maladie, tandis que les personnes mentionnées 
dans les faits précédents n'ont été mordues, le plus 


244 


souvent, qu'au-dessus de leurs vêtements, que leurs 
blessures ont même été cautérisées, et que deux d'en-- 
telles sont mortes de l'emploi de ce médicament. Telle 
est la valeur curative des traitements connus jusqu'à 
ce jour, employés pour combattre la rage. » 


A peine léthérisation, soit par l'éther , soit par le 
chloroforme, eut été connue, que l'analogie en indi- 
qua l'emploi contre la rage; mais on l’a tentée encore 
sans succès, et les expériences qu'a faites à cet égard 
M. Duluc sont curieuses, quoique également déses- 
pérantes. 

Or, puisque nous ne pouvons guérir la rage, dimi- 
nuons au moins les occasions qui peuvent la produire. 
De là, la nécessité de diminuer graduellement la popu- 
lation des chiens ; de là aussi, le devoir de s'occuper un 
peu plus de leur hygiène, pour ceux de luxe qu'on peut 
vouloir conserver; de là encore, la nécessité d’instituer, 
comme le demande l’auteur, une Commission spéciale 
chargée d'étudier la rage et de se livrer à des expé- 
riences tänt sur les causes de cette maladie que sur sa 
nature, sa marche, ses symptômes, sa propagation , 
et enfin son traitement. 

Messieurs, si je vous ai fait apprécier le degré de 
l'ouvrage que vous à envoyé M. Duluc, peut-être au- 
rai-je en même temps ratifié le jugement qu'en a porté 
votre Commission. En effet, ce travail à un mérite 
réel, c’est de vulgariser de saines idées sur le sujet qu'il 
traite. Il dissipe quelques erreurs, et ceci est toujours 
un grand service. S'il est un peu long, et peut-être 


245 

trop diffus pour que votre Commission vous propose de 
l'insérer en entier dans vos actes, il est tels passages 
qui offrent un véritable intérêt; ce sont ceux que votre 
Commission m'a prié de mettre sous vos yeux, pour 
qu'après leur lecture vous puissiez juger s'il vous parait 
utile de les publier. 

Ainsi, Messieurs, votre Commission vous propose 


d'accorder une mention honorable au travail de M. 
Duluc. 


TABLEAU MÉTÉOROLOGIQUE. 


JANVIER 1853. 


Moy. générale. | 59,34 


DU MOIS. 

A 69,11 

2 64,44 

3 60,45 

X 62,9% 

D 59,85 

6 60,80 

7 58,83 

8 52,06 

9 60,70 

10 64,40 

11 62,94 

12 65,52 

13 56,90 

1% 62,52 

A5 60,65 

16 56,20 

17 47,69 

18 60,49 

19 66,3% 

20 65,89 

21 60,79 

22 62,39 

23 62,25 

2} 64,20 

25 58,07 

26 45,28 

27 46,22 

28 54,42 

29 54,85 

30 56,82 

31 61,91 

MOYENNES 

du ie au 40! 61,06 
‘du 44 au 20! 60,51 
du 21 au 34| 56,72 


JOURS BAROMÈTRE A 00. 


a 
7 h. du m.| 2h. dus. | 9 h.dus. | Maxima, | Minima. 


TEMPÉRATURE. 


CRU. CR 


GES 


66,76 65,99 802 308 
62,18 61,08 8,4 5,5 
62,09 63,95 10,4 71 
61,46 61,39 9,9 3,1 
59,00 59,87 10,8 7,6 
59,99 60,19 12,5 6,3 
55,8% 54,62 11,5 5,7 
54,7% 55,24 14,5 10,0 
64,82 63,24 12,5 7,0 
59,85 59,74 12,1 5,0 
65,49 66,63 414,4 9,8 
63,00 64,49 12,5 6,0 

» 54,56 13,9 8,5 
64,43 64,94 13,6 7,8 
58,87 59,95 12,6 k,5 
51,18 » 12,2 8,0 
47,70 53,98 9,6 6.8 
61,43 64,34 10,0 3,2 
66,84 67,58 10,7 va 
63,48 63,48 11,2 3,5 
60,46 57,83 1,1 » 
60,58 60,79 14,5 7,2 
62,10 63,21 8,4 L,3 
64,69 63,39 6,7 k,1 
52,00 47,178 5,8 0,5 
k5,37 25,25 7,9 3,0 
47,52 48,34 11,8 6,6 
54,10 54,80 10,6 2,8 
33,79 55,08 13,9 6,8 
57,74 60,80 13,0 7,0 
63,24 66,79 8,1 5,4 
60,07 60,53 | 44008 5,77 
60,26 61,88 | 42,07 6,14 
56,514 56,64 | 140,16 k,77 
58,82 | 59,54 | 41,08 | 5,53 


Température moyenne du mois... 803, 


Pluie dans le mois... 68mm 


2x 


247 


FÉVRIER 1953. 


JOURS BAROMÈTRE A 0°. TEMPÉRATURE. 
DU MOIS. AE pe 

du m | 2h.dus 9h.dus Maxima Minima 

1 64,99 63,81 65,29 806 2,8 

2 66,10 64,31 63,29 9,1 1,6 

3 56,41 48,67 49,31 8,9 5,5 

4 47,93 46,1% 47,55 9,4 3,8 

5 50,58 50,56 51,38 9,7 2,6 

6 52,56 | 51,40 | 51,65 9,6 4,1 

7 50,43 49,02 49,03 6,7 3,0 

8 kk,49 40,87 37,48 SG 2,5 

9 35,03 34,15 34,30 Ma 3,3 

10 38,29 38,68 41,00 7,8% 1,2 

11 43,44 45,24 47,59 6,7 1,0 

12 44,98 43,07 43,59 4,0 —\1,1 

13 43,96 45,50 46,68 3,1 1,0 

1% 48,68 50,46 54,61 6,9 1,0 

15 54,59 53,73 53,07 5 0 —0,2 

16 52,26 50,67 52,83 8,4 2,3 

17 55,36 55,49 54,95 3,8 —1,4 

18 50,40 54,68 54,79 3,8 170 

19 47,84 48,00 51,80 k,5 — 5 

20 56,78 57,54 60,53 k,8 287 

21 64,64 65,08 65,71 5,5 nt L 

22 66,01 65,53 66,32 5,0 1,9 

23 64,146 59,38 54,68 8,6 ET 

24 58,88 61,12 60,58 Tr 1,7 

25 52,73 55,20 64,60 10,2 3,0 

26 60,36 56,83 55,54 10,4 2,0 

97 53,90 52,50 54,83 8,1 6,0 

28 51,78 54,34 58,49 5,5 i,3 
pu. à | es — 

DT 

du 4erau 40! 50,65 48,76 49,03 8059 3,04 

du 44 au 20| 49,80 50,44 51,74 5 A0 220738 

du 24 au 28| 59,05 58,75 59,34 6,20 | 0,60 

Moy. générale.| 52,75 | 52,14 52,98 | 7,40 | 4,46 


Température moyenne du mois... 401 Pluie dans le mois... 85mm 


248 


MARS 1853. 


ro TT TU 


[ 
JOURS BAROMÈTRE A 0°. TEMPÉRATURE. 
DUMOIS Ale ET EE 
7 b. du m.| 2h.dus. | 9h.dus. | Maxima. | Minima. 
[ 60,42 59,48 57,63 6°9 —197 
2 56,13 56,95 53,95 9,1 4,7 
3 51,1% 59,34 64,81 10,2 3,4 
k 69,10 69,63 70,44 9,1 —0,7 
5 69,22 65,6% 64,40 42,0 2,2 
6 64,54 64,64 65,86 41,7 1,2 
7 65,29 64,51 64,86 13,9 8,0 
8 65,38 65,17. 65,87 13,9 8,8 
9 65,95 65,33 65,05 14,4 8,4 
10 65,97 64,39 64,67 14,5 SJ 
A1 62,12 59,27 58,55 15,7 6,0 
12 58,15 57,59 58,08 15,1 9,2 
13 58,65 58,60 61,33 15,8 6,0 
A4 61,94 60,23 58,75 12,6 5,0 
45 52,78 48,28 45,40 12,1 4,5 
A6 44 A4 46,90 51,98 10,9 4,2 
17 54,31 54,55 54,62 11,5 2,0 
18 54,50 54,63 56,09 12,1 3,5 
19 51,57 61,51 64,68 1,9 —0,1 
20 65,84 64,64 64,6% 1,2 —2,1 
PA 64,27 58,24 56,93 Ter 4:64 
29 53,19 54,1% 55,84 9,2 —0,6 
23 56,41 55,31 54,81 7,5 —0,4 
2% 56,36 56,49 57,60 1,k —1,0 
25 56,38 53,66 52,49 8,6 —1,6 
26 53,26 53,25 55,20 10,5 4,0 
27 60,06 64,91 64,89 8,6 3,0 
28 64,88 62,32 61,32 10,5 —0,% 
29 57,26 56,58 56,51 43,4 4,0 
30 55,60 55,34 56,46 16,9 6,3 
31 51,81 57,46 57,07 8,2 7,8 
r MOYENNES 
du 4er au 10! 63,94 63,54 63,85 4010 5°9% 
du A1 au 20! 56,99 56,62 57,41 3,82 5,60 
du 21 au 31] 57,55 56,79 57,24 1,54 4,89 
Moy.générale.| 59,42 | 58,90 | 59,42 | 3,10 | 5,46 
Température moyenne du mois... 70,1 Pluie dans le mois.,. 43mm 


L'Académie n'accepte pas la solidarité des opinions 
émises dans les articles insérés au Recueil de ses 
Actes. C'est un avis général qu'elle reproduit chaque 
année en tête de la première livraison. Il a paru cepen- 
dant utile de le rappeler ici d’une manière spéciale, à 
propos d'un Mémoire de M. Duboul, intitulé : — Du 
Bouddhisme, et de son action civilisatrice en Orient , 
et publié dans le cahier du 3° trimestre de 1851. 

Ce travail à donné lieu, dans le sein de la Compa- 
gnie, à des réclamations nombreuses et à une réponse 
détaillée de la part d'un de ses membres, M. l'abbé Bla- 
tairou, suivie elle-même d’une réplique de M. Duboul. 

Comme il n'est point dans les usages de l'Académie 
d'autoriser une polémique publique entre ses membres, 
elle n'a pas cru pouvoir, quoique à regret, insérer la 
réponse de M. Blatairou dans ses Actes; mais voulant 
donner satisfaction aux convictions religieuses que le 
travail de M. Duboul à pu froisser, l'Académie déclare 
ne point accepter la responsabilité des assertions et des 
doctrines de ce Mémoire, qui sont personnelles à l'au- 
teur. 


(Le Conseil d'Administration de l'Académie. ) 


Errata du 14° volume des Actes (1852). 


Page 641, ligne 44, au lieu de ef nos loisirs, lisez : et nos 
misères. 

Page 801, au lieu de dagues à mains gauches, lisez : dagues 
et mains gauches; au lieu de épées du grand maître, lisez: 
épées de grand maître; au lieu de pertuisans, lisez : pertui- 
sanes; au lieu de l'étrinal, lisez : le pétrinal; au lieu de 
Sarrazin , lisez : Sarrazins. 


251 (') 


… HISTOIRE 


DES 


BASQUES OÙ ESCUALDUNAIS PRIMITIFS 


restaurée 


D'APRÈS LA LANGUE, LES CARACTÈRES ETHNOLOGIQUES ET LES MŒURS 


DES BASQUES ACTUELS * ; 


PAR M. A. BAUDRIMONT. 


Le voile qui recouvre l’histoire des races primitives 
qui ont habité le globe terrestre est si épais qu'il parait 
impénétrable. En effet, comment remonter à l'origine 
des nations, comment savoir d'où elles viennent et quels 
ont été leurs rapports mutuels, lorsque les moyens em- 


(*) C’est par erreur typographique que la pagination du trimestre précédent s’est 
arrêtée au n° 248, tandis que la note de l’Académie, relative au travail de 
M: Blatairou, aurait dû porter le folio 249, et l’errata qui la suit le folio 250. 


* Voir une note à la fin de ce Mémorre, pout l'intelligence du texte. 


17 


252 


ployés pour transmettre ces notions n'étaient pas en- 
core inventés? Comment, sans le secours de l'écriture, 
retrouver les traces des faits accomplis? 

Ce problème, je me le suis posé bien des fois, et je 
n'ai jamais désespéré de le résoudre, quoiqu'il m'eût 
d'abord été bien difficile de dire comment il serait 
possible d'y parvenir d’une manière satisfaisante; mais 
j'étais guidé par cette pensée, que les archéologues 
restaurent des monuments avec quelques-uns de leurs 
débris; que Cuvier est parvenu à restaurer des ani- 
maux antédiluviens, à laide de leurs ossements de- 
meurés à l’état fossile; que les géologues ajoutent tous 
les jours quelques pages à l'histoire primitive du globe 
terrestre, considéré à des époques qui ont de beau- 
coup précédé la création de l'homme. En effet, les 
masses minérales qui entrent dans la composition de 
la croûte observable du globe que nous habitons, leur 
constitution chimique et mécanique, leur disposition 
relative, tout parle aux yeux du savant qui sait les in- 
terroger : il y trouve de véritables annales, qui lui révè- 
lent des faits qui se sont accomplis même avant qu'au- 
cun être vivant ait pu les observer. Et, chose bien di- 
gne de remarque, à mesure que l'homme s'éloigne de 
son origine, il apprend à la mieux connaitre par suile 
des progrès de la science et du perfectionnement des 
méthodes d'observation! 

Pénétré de la pensée qu'il ne fallait point désespérer 
d'arriver au but que je me proposais d'atteindre, j'ai 
analysé tous les éléments qui m'ont paru pouvoir y 
conduire, et peu à peu je suis parvenu à me créer 


É —- 


253 


une méthode qui m'a paru assez satisfaisante pour 
m'engager à entreprendre de restaurer l'histoire d'un 
peuple primitif. 

L'histoire de nos ancêtres était, sans aucun doute, 
celle qui devait mériter la préférence; mais la France 
étant habitée par plusieurs races fort distinctes, le pro- 
blème que je me proposais de résoudre eût été trop 
compliqué pour un simple essai; j'ai dû le scinder et 
n'aborder que l'étude d'une seule race. Si j'ai com- 
mencé par celle des Basques ou Escualdunais, c'est 
parce qu’elle s’est conservée dans toute sa pureté, parce 
qu'elle habite en partie le sol de la France, et parce 
que je croyais y trouver une simplicité que je recher- 
chais par-dessus toutes choses. 

Depuis que j'ai accompli mon travail, j'ai dû chan- 
ger d'opinion à cet égard, car 1l n'est point de peuple 
qui puisse présenter dans son histoire primitive une 
plus grande complication que la race escualdunaise, 
par suite des rapports qu'elle a eus avec les princi- 
paux peuples que l’histoire et la géographie nous font 
connaitre, et je me suis aperçu que l'histoire des Es- 
cualdunais primitifs était celle du genre humain tout 
entier. 

On a déjà fait des tentatives pour retrouver les afi- 
nités des races anciennes. Les uns les ont faites en 
s'appuyant principalement sur la linguistique, et les 
autres sur l'ethnographie. 

Depuis la publication polyglotte de l’illustre Catherine 
de Russie, d’autres travaux du même genre ont été 
publiés par divers savants, parmi lesquels on distingue 


254 


d'une manière toute spéciale Pallas, Adelung, MM. Kla- 
proth et Balbi. 

On doit à plusieurs savants, et notamment à M. Pri- 
chard, des travaux considérables sur l'histoire naturelle 
de l'homme, où j'ai puisé de précieux renseignements. 

Les travaux de linguistique comparée de M. Kla- 
proth, et l'atlas ethnographique de M. Balbi, m'ont 
été très-utiles par les vocabulaires qu'ils renferment et 
qu'il m'eùt été impossible de me procurer ailleurs. Le 
parallèle des langues de M. Eichhoff m'a aussi rendu 
de grands services. 

A l'époque où j'écris, il n'existe point de diction- 
naire commencant par la langue basque, si lon ex- 
cepte un très-court vocabulaire que l’on trouve dans 
la grammaire d'Harriet, publiée en 1741 *. La non- 
existence d'un tel dictionnaire a rendu mon travail très- 
long et très-pénible; elle seule est cause que les raci- 
nes basques que je donne sont incomplètes. | 

Afin d'arriver au but que je me proposais d'attein- 
dre, j'ai dû d'abord composer le dictionnaire par ordre 
de matières qui termine cet ouvrage, et c’est de lui 
que je me suis constamment servi pour compléter mon 
travail. Pour cela, j'ai fait usage du dictionnaire de 


‘ M. Archu, Basque de naissance, et connu par sa traduction des fables de 
La Fontaine en langue euscharienne, a fait un dictionnaire complet de cette 
langue avec la coopération de M. Francisque-Michel ; mais ce dictionnaire, qui 
m'eût été si utile, n’est point encore paru. 

On publie en ce moment, à Saint-Sébastien (en Espagne ), une nouvelle 
édition du dictionnaire trilingue, espagnol, basque et latin, de Larramendi, 
et l’on annonce la publication d’un dictionnaire commençant par le Basque; 
mais cette dernière publication n’est malheureusement encore qu’à l’état de projet. 


255 


Larramendi, commençant par la langue espagnole. 

Avant de terminer ces observations, je suis heureux 
de pouvoir témoigner ma gratitude à divers savants, 
pour l'empressement qu'ils ont mis à me communiquer 
tous les renseignements qui ont pu m'être utiles : à 
M. Delas, conservateur de la Bibliothèque de la ville 
de Bordeaux, qui a mis à ma disposition les trésors de 
ce riche établissement ; à M. Archu, inspecteur de l'A- 
cadémie de la Gironde, auteur de plusieurs travaux sur 
la langue basque, pour les renseignements qu'il m'a 
donnés avec une obligeance sans égale; à M. Brunet, 
membre de l'Académie de Bordeaux, qui m'a donné plu- 
sieurs collections de proverbes et de poësies basques, re- 
cueillis et publiés par ses soins; à M. Pomiers, de Bor- 
deaux et Basque de naissance, qui, par amour pour son 
pays, à pu me procurer des livres fort rares sur les 
langues de l'Amérique du sud; à M. Latouche, de Paris, 
neveu du célèbre linguiste du même nom ; à M. Geffroy, 
professeur à la Faculté des Sciences de Bordeaux; à 
M. Le Marquière, de Paris, pour l'obligeance qu'ils ont 
mise à me procurer divers renseignements. 

Je commencerai par exposer l'ensemble de la mé- 
thode que j'ai adoptée; puis, après en avoir examiné 
les différentes parties, j'en ferai l'application au peuple 
Basque ou Escualdunais. 


256 


re PARTIE. 


MÉTHODE D'INVESTIGATION HISTORIQUE. 


INTRODUCTION. 


L'histoire comprend l'exposition de faits qui se sont 
accomplis dans des lieux déterminés, à des époques 
que l’on rapporte à la suite non interrompue du temps 
mesuré par le mouvement des astres. 

Elle ne laisse que peu de chose à désirer lorsque l'on 
a complétement satisfait à ces trois conditions : eæpo- 
sution fidèle, indication des lieux, fixation du temps. 

Les événements rapportés par l'histoire sont de plu- 
sieurs ordres : tantôt elle ne s'attache qu'à faire con- 
naitre la vie des hommes qui ont gouverné les peuples, 
et les principaux faits qui se sont accomplis sous leur 
direction ou leur gouvernement; d'autres fois, prenant 
les nations pour objet, elle fait connaitre leurs mœurs, 
les modifications qu'elles ont éprouvées, leurs migra- 
tions, les inventions dont elles ont doté l'espèce hu- 
maine, et les progrès qui se sont accomplis par elles. 
En un mot, cette partie de l'histoire s'attache à l'évo- 
lution sociale des nations, plutôt qu'aux actes spéciaux 
des individus qui les composent. 

C'est cette dernière partie de l'histoire qu'il m'a paru 
possible de faire surgir de la tombe où elle était ense- 
velie. Si elle est dénuée de l'intérêt dramatique qui se 
rattache aux actions de quelques hommes mis en évi- 


Er 


257 


dence par les circonstances, elle n'en à pas moins une 
grande importance; car, à mesure que les événements 
s'éloignent de nous, les détails s'effacent, et l'histoire 
des individus se trouve absorbée dans celle des nations. 

Ce n'est pas sans éprouver une indicible émotion, 
qu'après avoir franchi l'espace ténébreux qui sépare 
les temps historiques des temps primitifs, on peut con- 
templer le spectacle offert par le développement maté- 
riel et intellectuel des races humaines : on les voit d'a- 
bord grandir, puis se répandre à la surface du globe 
suivant des lois déterminées, et emporter avec elles 
leurs caractères primitifs, leur langue, leurs usages. 
Puis, on les voit s’isoler ou se pénétrer mutuellement, 
et opérer ainsi la diffusion et l'altération de leurs ca- 
ractères distinctifs. Mais, guidé par le flambeau de 
l'ethnologie et de la linguistique, on sait les distinguer 
et les reconnaitre partout où elles se trouvent; et, 
suivant une marche inverse, on peut remonter à leur 
origine. C’est en vain que plus de quarante siècles se 
sont écoulés, que des changements considérables se 
sont accomplis dans les caractères ethnologiques, les 
mœurs et les langues des différentes races qui couvrent 
la surface de la terre; il sera possible de reconnaitre 
d'où elles viennent, et, quelque rapide qu'ait été leur 
course, elle aura laissé des traces ineffacables pour ce- 
lui qui veut les observer. 

Les lieux parcourus par les races humaines dans 
leurs migrations, pourront quelquefois être fixés avec 
précision; d'autres fois, ils ne pourront l'être que d'une 
manière approximative. 


258 


Pour ce qui concerne le temps, il faut considérer 
l'époque à laquelle les événements se sont accomplis, 
et la durée de ces événements. 

Les époques ne peuvent être établies que d'une ma- 
nière relative, c'est-à-dire dans l'ordre même de la pro- 
duction des événements auxquels elles se rapportent : 
les plus anciennes avant celles qui le sont moins. 

La durée des événements ne pourra aussi être indi- 
quée que d’une manière relative. 

On verra bientôt comment on pourra retrouver la 
trace des événements antérieurs et les relations mu- 
tuelles des races. 

Ces notions pourront paraitre bien minimes auprès 
de ce que l'on espère rencontrer en étudiant l'histoire ; 
cependant, si l'on songe qu'elles sont les seules de ce 
genre et qu'elles seraient demeurées inconnues sans la 
création de la méthode que j'expose ici, j'ose espérer 
que l'on voudra bien les accueillir et leur accorder 
quelque valeur. 

Les moyens que l’on possède pour restaurer l'histoire 
d'un peuple, sont : 

4° L'histoire proprement dite, la tradition, la poé- 
sie, les légendes, les chroniques, les annales des peu- 
ples voisins; 

2° La religion ; 

3° Les monuments de toutes natures; 

4° La langue, les inscriptions, la littérature; 

5° Les caractères ethnologiques ; 

6° Les mœurs, les coutumes, les usages ; 

7° L'étude comparée des différents peuples qui habi- 


259 
tent le globe, depuis l'état primitif jusqu'à l'état social 
le plus avancé. 

Parmi les peuples qui habitent l'ancien monde, il 
n'en est peut-être pas un seul qui se présente à nous 
dans toutes les conditions qui viennent d'être indi- 
quées. 

Nous ignorons notre propre origine, et les premiers 
temps de notre histoire ne nous sont connus que par 
les écrivains romains. 

Les Égyptiens, les Grecs et les Romains ont changé 
de langue et de religion : leurs mœurs et leurs usages 
s'en sont ressentis. 

Les Juifs ne se sont conservés parmi les autres peu- 
ples que par leur religion. 

Les individus errants que nous nommons Bohémiens; 
que les Anglais, les Espagnols et les Basques nomment 
Égyptiens ; que les savants nomment Zinganes, et qui 
vivent à l'état nomade parmi les autres nations, ne 
possèdent par cela même aucun monument, et ils n'ont 
pu se conserver, comme peuple distinet, que par leur 
langue, leurs mœurs et leur religion. 

Les anciens Basques n’ont point eu d'historien qui 
nous ait fait connaitre les principaux faits qui se sont 
accomplis dans leur nation. 

Les Basques actuels sont chrétiens et catholiques. 
On ignore quelle était leur religion et même s'ils en 
avaient une avant d'embrasser le Christianisme. 

Leurs monuments historiques sont presque nuls; des 
iscriptions, on ne leur en connait pas, et leur litté- 
rature se borne à fort peu de chose. Il ne reste donc 
que leurs caractères ethnologiques, leurs mœurs et 


260 


leur langue qui puissent être interrogés pour en tirer 
des notions historiques. 

Les caractères ethnologiques et les mœurs des Bas- 
ques, tout en ayant une valeur réelle, ne peuvent 
donner de bien amples renseignements sur l'origine de 
ce peuple, et encore moins sur les faits principaux de 
son histoire. Il n'en est point de même de sa langue : 
conservée depuis plus de deux mille ans, sinon dans 
toute sa pureté, au moins dans toute son originalité, 
elle se trouve dans des conditions on ne peut plus fa- 
vorables pour une étude historique. 

Si aux caractères propres des Basques, à leurs mœurs 
et à leur langue, on ajoute l'étude comparée du déve- 
loppement de la civilisation tel qu'on peut l'observer à 
la surface du globe, on aura l'ensemble des moyens 
qu'il est possible d'invoquer pour reconstituer l'histoire 
de ce peuple. 

La première partie de ce travail sera divisée en quatre 
chapitres principaux, qui correspondront aux quatre 
points de vue particuliers qui viennent d'être signalés : 

1° Langue ; 

20 Caractères ethnologiques; 

3° Mœurs ; 

&° Étude comparée de l'évolution sociale. 

L'étude de la langue basque, indépendamment de sa 
grammaire, se subdivisera elle-même en trois parties 
correspondant aux trois conditions principales de his- 
toire : 

4° Faits; 
2° Temps; 
3° Lieux. 


261 


LANGUE. 


Détermination des faits historiques. 


L'étude d’une langue peut donner des renseignements 
précieux sur l'origine du peuple qui la parle, soit qu’on 
la considère au point de vue des mots qui la constituent, 
soit qu'on étudie son mécanisme ou la grammaire qui 
lui est spéciale. La valeur de chaque mot, l'étude des 
racines, des dérivés et des composés; la comparaison 
des racines d'une langue avec celles des autres lan- 
gues; le classement des mots dans un ordre emprunté 
aux sciences naturelles ou à la chronologie spéciale à 
l'évolution des sociétés humaines, peuvent donner les 
renseignements les plus précieux sur l'histoire sociale 
d'un peuple, rapportée au temps, aux lieux et aux re- 
lations qu'il a eues avec d’autres peuples. 

Les propositions qui précèdent vont être démontrées 
dans une suite de paragraphes. 


Le vocabulaire d'une langue est formé de mots qui 
ont chacun une signification déterminée. Les uns ser- 
vent pour désigner des êtres réels ou abstraits; les au- 
tres, à très-peu d'exceptions près, ne sont employés 
que pour indiquer l'état, les actes et les rapports de 
ces êtres considérés dans l'espace et dans le temps. 

Tous ces mots, quelles que soient les fonctions 


262 


grammaticales qu'ils remplissent , représentent chacun 
une idée spéciale. La réunion de tous ces mots ou de 
toutes ces idées représente l’ensemble des connaissan- 
ces des nations qui font usage du vocabulaire auquel 
ils appartiennent. 

On peut donc dire qu'il y a un rapport évident en- 
tre le vocabulaire d'une langue et les connaissances 
du peuple qui la parle. 


Il. 


Il découle de ce qui précède, que si l'on classe les 
mots principaux d’une langue par ordre de matières, 
en s'astreignant aux méthodes suivies dans les sciences 
naturelles, on aura une suite de tableaux qui représen- 
teront les connaissances d'un peuple dans chaque spé- 
cialité. 

Le tableau relatif à l'astronomie donnera des rensei- 
gnements sur l'étendue des connaissances astronomi- 
ques. Ce tableau pourrait servir, au besoin, pour sa 
voir si le peuple qui parle la langue qui à servi à le 
former, a connu les deux hémisphères terrestres, par 
suite des constellations qui s’y trouveraient inscrites. 

Le tableau relatif à la division du temps serait émi- 
nemment précieux; car il permettrait de savoir quel 
était primitivement le nombre des saisons, des mois de 
l'année, des jours de la semaine, et par suite, quelle 
était la région habitée par le peuple dont la langue est 
soumise à cette sorte d'examen. 

Des tableaux relatifs aux sciences naturelles, la mi- 


263 


néralogie, la botanique et la zoologie, on pourra en- 
core tirer de précieux renseignements; car des végé- 
taux et des animaux déterminés n'existent qu'entre des 
latitudes également déterminées. 

Tout, jusqu'au nom des objets usuels les plus com- 
muns, peut être utilisé pour rappeler les mœurs, les 
usages et les coutumes des peuples dans le premier 
àge de leur existence. 

Il est donc bien vrai de dire que le vocabulaire 
de la langue d'un peuple représente l'inventaire le 
plus complet des connaissances de ce peuple, et qu'il 
est possible de les en déduire. 


IL. 


Chaque idée propre à un peuple doit être en harmo- 
nie avec l'état social dans lequel il se trouve; quelques 
exemples serviront pour le démontrer : Les différences 
qui existent entre l'homme nu et celui richement vêtu ; 
entre l'arc et le fusil; la barque et le navire; l'âne, le 
cheval, le chameau, le lama, l'éléphant et la vapeur 
utilisée comme génératrice de force; l'idole et la divi- 
uité; le bon vouloir du despote et un code de lois, dé- 
montrent jusqu'à l'évidence que l'état social d’un 
peuple peut être déduit des mots composant la lan- 
que qu'il parle. 


IV. 


Non-seulement la présence des mots qui composent 


264 


un vocabulaire à une valeur historique, ainsi que cela 
vient d'être démontré; mais l'absence même des mots 
a une signification qu'il ne faut point négliger; car si 
les mots représentent des idées, l'absence des mots in- 
dique l'absence des idées. Par exemple, au point de 
vue des transactions commerciales, on a les idées sui- 
vantes : rien, échange, kauris, monnaie, papier 
monnaie ou son équivalent, crédit, qui correspon- 
dent à des états bien distinets de l'évolution sociale. 

En général, l'absence des mots dans le vocabulaire 
d'un peuple, indique un arrêt de l'évolution sociale 
dans l'ordre auquel appartient le mot qui manque. 


V. 


Lorsque l’on soumet les mots d’une langue à l'analyse 
logique, on trouve qu'ils peuvent être classés en qua- 
tre groupes : 4° les racines; 2° les mots dérivés de 
ces mêmes racines; 3° les mots composés ou formés 
par la réunion de plusieurs racines; et 4° les déri- 
vés des mots composés. 

Les racines sont les véritables éléments des langues, 
parce que c'est d'elles que tous les mots des langues 
sont tirés; aussi, leur étude est-elle de la plus haute 
importance pour les investigations historiques. 

Si l’on se borne à rechercher les racines d’une seule 
langue sans la comparer à aucune autre, on la réduit 
à ses éléments les plus simples. 

Ce genre d'analyse, qui est celui que l’on a généra- 
lement pratiqué, peut être utile pour apprendre à tra- 


265 


duire ou à parler les langues; mais il ne donne que des 
renseignements très-bornés lorsqu'il s'agit de la philo- 
sophie de la linguistique et de l'investigation des faits 
historiques. 

Le moindre inconvénient des racines extraites d’une 
seule langue, c'est-à-dire des éléments avec lesquels 
elle est constituée, est de donner plusieurs fois la même 
racine avec des significations et quelquefois une ortho: 
graphe différentes. Ainsi, on trouve dans les racines 
latines de M. Boinvilliers ‘ : filum, fil, et hilum, hile, 
qui dérivent du seul mot radical fil; car le hile est 
l'empreinte laissée sur la graine par le fl ou cordon 
ombilical. 

Dans la première page de cet ouvrage, on trouve 
encore : 

Acer, est aigre, acide ou rude. 
Actes, pointe ou bataillon. 
Acus, dit aiguille, ardillon. 


Les trois mots : acet, acies et acus, dérivent de la 
racine ac, qui, en grec et en latin, indique une pointe 
ou quelque chose d'aigu et de pénétrant, ainsi que 
cela a été démontré par Court-de-Gébelin, antérieure- 
ment à la publication de M. Boinvilliers. 

Un autre inconvénient attaché à la détermination 
des racines d’une seule langue, est de prendre pour des 
racines, des mots venant d'une autre langue et qui sont 


| Les racines de la langue latine, mises en vers français par M. Boinvilliers, 
Paris, MDCCCXXXI. 


266 


eux-mêmes composés. Par exemple, dans cette mème 
première page des racines latines de M. Boinvilliers, 
on {rouve : 

ApamaAs, diamant superbe. 


Le mot adamas est grec; il est composé de l’a pri- 
vatif, et de damaô, dompter, et veut dire indomptable; 
car le diamant est si dur, que les Grecs, si habiles dans 
l'art de tailler les pierres, n'ont pu l’entamer. Cela n’a 
pu être fait qu'en 1476, par L. de Berquem, qui par- 
vint à l’user à l’aide de sa propre poudre, c’est-à-dire 
à l’aide de diamants réduits en poussière. 

Si l'on examinait les racines grecques du P. Lance- 
lot, celles de M. Romain-Cornut, ou celles de M. l'abbé 
Bonnevialle et bien d'autres encore, on trouverait plu- 
sieurs prétendues racines grecques qui seraient des mots 
composés. 

Par exemple : le terme phalanæ, phalange, qui se 
trouve dans les deux premiers ouvrages, est un mot 
composé de deux racines grecques : palè, combat, et 
anyxô, rapprocher, serrer; combat serré, combat 
dans lequel les guerriers se rapprochent en se serrant 
les uns contre les autres. 

Le mot palè est lui-même un dérivé analogique, 
comme on le verra plus tard. 

En écrivant ces lignes, je n’ai point l'intention de cri- 
tiquer les travaux de littérateurs qui n’ont eu d'autre 
but que d'instruire la jeunesse. A leur place, j'aurais 
agi comme eux; car, dans ce cas, il vaut mieux répé- 
ter une racine ayant plusieurs acceptions, que de la 


267 


passer sous silence; et, dans les racines basques, j'in- 
troduirai plusieurs mots dérivés ou composés, qui se 
suivront immédiatement ou seront distingués par des 
astérisques (*). 

Comme résumé de ce qui vient d'être dit, je crois 
pouvoir affirmer qu'il n'est pas une seule langue qui 
possède toutes les racines qui entrent dans sa cons- 
hitution. 

Les langues que nous considérons comme très-an- 
aiennes, telles que le sanscrit, le grec et le latin, 
sont des langues usées, très-compliquées, qui ont 
perdu la plupart de leurs racines, ou qui ne les ont 
jamais possédées, parce qu'elles ont puisé des mots 
tout faits dans d’autres langues. 

On ne peut connaître la véritable valeur des ra- 
cines des langues, qu’en comparant entre elles celles 
des principales langues. 


VI. 


Escu, en eskuara, veut dire main. 

Une sorte de bouclier qui se porte à la main et qui 
n'est pour ainsi dire qu'une extension de la main avec 
laquelle on pare les coups portés par un adversaire, a 
recu le nom d'escutakia ‘. Ce nom est devenu fran- 
cais, en l’abrégeant selon le génie de notre langue. 

Les escus ont été décorés par des peintures repré 


| Escutakia vient probablement d’escu, main, et de leg ou tek, toit, abri, 
couverture, protéger, et voudrait dire abri manuel ou main protectrice. 


18 


268 


sentant des armoiries et des devises. Plus tard, on les 
a imprimés sur la pile des monnaies, et ces monnaies 
ont été nommées des escus, ou simplement des écus. 

Une même racine peut donc avoir plusieurs si- 
gnifications fort distinctes qui dérivent toutes d'une 
même idée primitive. 

Si un peuple a adopté un des mots dérivés, il est 
évident que la racine du mot adopté vient d'une autre 
langue, et très-souvent avec une autre significa- 
lion. 

La filiation des racines et leur recherche dans 
plusieurs langues peut donc être éminemment utile 
pour l'investigation des faits historiques des temps 
primitifs, car elle donne la clef des rapports des 
nations et de l'ordre chronologique selon lequel ces 
rapports se sont établis. 


VAL. 


Il arrive presque toujours que l'orthographe des mots 
change lorsqu'ils passent d'une langue dans une autre; 
cela tient au génie particulier de ces langues. 

Ce que les Escualdunais écrivent par es, les La- 
tins l'écrivaient par une seule s. Il résulte de à que 
la racine escu, avec la signification de bouclier, en 
passant chez les Romains, à été écrite par scu, et l'on 
a effectivement le mot scutum, un bouclier, un écusson. 

Le mot eskuarien esculahkia élant composé, il en 
résulte que le mot latin sculum, qui en vient directe- 


269 


ment, est loin d’être radical comme on le pense com- 
munément ‘. 

Le mot tallua ?, statue en eskuarien, dérive de no- 
tre verbe français tailler, que nous avons conservé sans 
altération, malgré la présence des Romains. 

Il doit paraître bien évident qu'une langue peut 
servir pour trouver les racines d'une autre langue, 
lors même que celte dernière est fort ancienne, el je 
dirai même lorsqu'elle est plus ancienne que la pre- 
mière, parce qu'une langue moderne peut posséder 
des racines qui remontent aux langues primitives. 


VIE. 


Le mot scriptum, écrit, latin, n’est pas plus une 
racine que le mot scutum. Ce mot rappelle, par l's et 
le c qui le commencent , l'action de la main qui est 
employée pour parler aux yeux, comme l'a dit Boileau ; 
et le reste du mot, si l'on cherche, doit représenter le 
son, le bruit de la voix, ou une (race, et peut-être 
lun et l’autre à la fois. 


2 


1 j1 faut aussi conclure de ce qui est contenu dans les paragraphes VI et VI, 
que notre mot escu ne vient pas de scutum latin. 

J'ajouterai encore ici que l’on regarde comme étant d’origine latine, tous les 
mots français dont les racines sont latines, et qu’en cela on est très-souvent dans 
Verreur, non—seulement à cause de l’exemple qui vient d’être donné, mais parce 
qu'une foule de mots celtiques ou basques ont des racines communes avec le latin , 
sans pour cela venir de cette langue, mais parce que les peuples qui parlaient ou 
parlent encore ces langues, les ont puisées à une source commune. 

* Prononcer £ailloua. 


270 


Scriptum peut donc se partager en sc et riptum, 
ou plutôt en sc et criplum. 

Pour représenter criptum, les Latins n'ont aucun 
mot primitif, mais nous avons Cri, crier, qui repré 
sente le bruit que la pointe fait en traçant sur la pierre ; 
car c'est sur la pierre que l’on a d’abord écrit dans les 
temps anciens. Les Grecs ont glypt6, glaphô et gra- 
phô, pour dire creuser, tailler, graver, tracer, écrire. 
Les mots français craie et crayon ont une même ori- 
gine que les précédents. 

Le mot scriptum, le verbe scribere, les mots fran- 
çais escril et escrire, dérivent en partie du basque et 
de l'onomatopée; et ces deux derniers mots de notre 
langue , que l'on croit dérivés du latin, sont, par leur 
orthographe, plus rapprochés de leur origine basque 
que les mots latins correspondants dont ils ne viennent 
pas. 

Le mot sculpture, soumis à la même analyse, veut 
dire couper, lailler avec la main. 

Dans le mot manuscriplum, latin, et le mot ma- 
nuscrit, francais, on trouve deux fois l’idée de main, 
rendue par des racines différentes, escu et manus ; 
et cela à été fait par les Latins, qui n'ont pas connu 
les véritables racines du mot scriptum. Il est plus cu- 
rieux encore de voir les Escualdunais dire escuscri- 
batua, pour exprimer un manuscrit, et avoir deux 
fois la même racine dans le même mot sans le savoir. 

Nous verrons plus tard quel immense parti lon peut 
tirer de cette sorte d'analyse des langues. 

En résumé : une langue a des racines étrangères 


RE ee 


271 


dont l'origine peut être ignorée de tous ceux qui la 
par lent. 

Une même racine peut entrer plusieurs fois dans 
le même mot, soit avec la même signification et par 
des mots différents, soit avec la même signification 
et des mots semblables. 


IX. 


Lorsque, par un travail assidu et par la comparaison 
des racines, on en recherche l’origine, on trouve que 
des mots très-simples, dans la constitution desquels il 
n'entre qu'un très-petit nombre de lettres et qui sont 
considérés comme de véritables racines par tout le 
monde, sont souvent susceptibles d'être décomposés en 
deux ou trois mots ayant une valeur sigmificative, 
réelle; c'est-à-dire que les racines trouvées don- 
nent une explication suffisante de leur origine, parce 
qu'elles s'appliquent nettement à la signification des 
mots qu'elles concourent à former. 

On pensera ce que l’on voudra des détails dans les- 
quels je vais entrer; mais je crois devoir les exposer ici. 

En général, les racines primitives se résument en 
une forme très-simple et quelquefois en une seule let- 
tre, qui est alors une voyelle. 

Il y a deux formes fondamentales qui veulent dire 
aller. 

L'une est Z, d'où 1b, 1v, Ir, It; autre est Va, ou 
Oua. 


La première forme se trouve dans le verbe latin ?re; 


272 


la seconde est dans notre verbe aller, va : Je vais, 
tu vas, il va. 

La lettre N est le signe de la négation dans presque 
toutes les langues; on la trouve dans ne, nec, nek, 
neg, non, no, nein, nicht, negare, etc. 

Cela établi, nous avons les mots negua, l'hiver en 
eskuarien ; neige en français, et niæ, génitif nivis en 
latin, qui veut dire aussi neige. 

Ura veut dire de l'eau en eskuarien ; et dans la com- 
position des mots, ce nom peut être réduit à wa, s'il est 
final, ou simplement à w, sil commence le mot ou se 
trouve dans son intérieur. 

Nequa, hiver en eskuarien, a son correspondant 
dans le mot neige français. Neg, ua, veut dire priva- 
tion d'eau, il n'y a plus d'eau. Mais ua, vient de 
va, aller, parce que l'eau coule dans le lit des ruis- 
seaux, des rivières et des fleuves ‘; et negua, veut en- 
core dire ne va pas, ne coule pas. 

La neige est de l’eau solidifiée qui ne coule plus. 

Le mot latin nix, nivis, vient de nec, iv, qui re- 
présente exactement la même idée avec d’autres racines. 

Un mot aussi simple que nix est donc susceptible 
d'être analysé, même sans le secours d'une autre 


Dans presque toutes les langues, le nom de l’eau, quel qu'il soit, veut dire 
aller, couler. Le mot latin aqua, le mot roman agua, viennent du verbe latin 
ago, ou dérivent de la même racine que lui. Le mot eau vient d’une forme du 
verbe aller : eo. Ura, eskuarien, et hydor, grec, sont déjà des mots composés 
qui contiennent la racine va, ou son équivalent. Le premier contient, si simple 
qu’il soit, la racine rhed, je coule, et renferme deux fois la même idée, ou aller 
en voulant. 


pa 


273 


langue que celle à laquelle il appartient : niæ veut 
dire qui ne coule pas. 


X. 


Chaque mot, à quelque langue qu'il appartienne, à 
une raison d'existence et a dû être formé d'après cer- 
taines lois naturelles. 

Je ne chercherai point ici à établir ces lois, dont la 
connaissance offre cependant un vif intérêt. Je ne cher- 
cherai pas non plus si tous les mots dérivent de l'ono- 
matopée, si les noms dérivent des verbes, ou si les 
verbes dérivent des noms, quoique cette discussion 
puisse avoir une valeur réelle; mais comme elle m'é- 
loignerait trop du but que je me propose d'atteindre, 
je me bornerai à adopter quelque chose qui puisse être 
immédiatement mis en pratique. 

Ce qui se passe aujourd'hui a du avoir lieu dans tous 
les temps : ou bien les idées nouvellement acquises 
sont représentées par des mots dérivés les uns des au- 
tres, ou bien elles le sont par des mots composés for- 
més par la réunion de plusieurs racines. 

Dans le premier cas, on est conduit d'une idée à une 
autre qui s’y rattache immédiatement. 

Dans le second, on combine plusieurs racines pour 
représenter une idée composée. 

Les dérivés sont de plusieurs ordres. 

Les uns sont grammalicauæ, et ont pour but de 
changer les fonctions grammaticales des mots, comme 
de faire un adjectif ou un verbe à l’aide d'un substan- 


274 


tif, ou le contraire, ete. Par exemple : de fer, on tire 
ferreux et ferrer; de graisse, on tire graisseux & 
graisser. 

La dérivation des mots peut porter, non plus sur les 
fonctions grammaticales qu'ils remplissent, mais sur 
leur propre signification, en passant d'une idée déter- 
minée à une autre idée qui s’y rattache par des liens 
étroits; mais, en passant de dérivés en dérivés, la si- 
gnification primitive peut se trouver tellement altérée, 
qu'il est souvent fort difficile de la reconnaitre. Ces 
dérivés seront appelés analogiques, pour les distin- 
guer des précédents. 

La racine ber signifie chaleur en langue eskua- 
rienne. 

De cette racine est venu le mot aber, animal, parce 
qu'une chaleur propre est le caractère de la vie chez 
les animaux supérieurs revêtus de plumes ou de poils. 

L'idée d'animal a dû conduire à celle de troupeau ; 
et l'on a abere, pour indiquer cette dernière acception. 
Enfin, on trouve que les Escualdunais indiquent la ri- 
chesse par le mot aberatsa. 


Cette remarquable filiation des mots permet de pen- 
ser que les Escualdunais primitifs étaient des peu- 
ples pasteurs, et que leurs richesses consistaient en 
troupeaux , puisque le mot richesse est immédiatement 
dérivé de celui de troupeau. 

Plus tard, nous parviendrons sans doute à détermi- 
ner quelle était la nature de ces troupeaux. 


Concluons donc, de ce qui est contenu dans ce pa- 
ragraphe : 


275 


1° Que les dérivés grammaticauæ allèrent peu la 
valeur des racines dont ils proviennent ; 

2 Que les dérivés analogiques qui portent sur 
la signification des racines, altèrent plus ou moins 
leur valeur et les rendent souvent fort difficiles à 
reconnaitre ; 

3 Que la filiation des dérivés analogiques peut 
conduire à des renseignements bien dignes d'inté- 
rêél sur les mœurs des peuples primihfs. 


XL. 


Lorsque les mots passent d’une langue dans une au- 
tre, ils éprouvent des modifications analogues à celles 
qui viennent d’être indiquées pour les dérivés du se- 
cond ordre. Ces modifications peuvent aller si loin, 
qu'ils finissent par indiquer des choses absolument con- 
traires de celles qu'ils indiquaient à leur origine. 

On à déjà vu comment l'idée de chaleur conduisait 
à celle d'animal, de troupeau et de richesse. 

La racine eskuariénne wr ‘, qui veut dire eau, 
donne urdin, bleu, parce que l'eau parait bleue lors- 
qu'elle réfléchit la couleur de l'atmosphère privée de 
nuages; et nous trouvons ouranos, qui veut dire ciel 
en grec, mot qui dérive évidemment de la racine es- 
kuarienne ur. 

Le nom du @e/ peut donc dériver de celui de l’eau, 


! Il faut prononcer our. V. la partie grammaticale de ce travail. 


276 


et le lien qui unit ces deux sis nifications, est la cou 
leur sous laquelle ils apparaissent. 

Par une analogie du même ordre, le mot océan, qui 
parait être dérivé du persan, oukianous , se décompose 
en « basque et Æyanos grec, qui veulent dire : eau 
bleue *. 

De la même racine sont encore venus ouron et urina, 
qui sont les noms de l'urine en grec et en latin; mais 
les dérivés de cette racine sont loin de se borner là : il 
y en a plus de trente, qui comprennent principalement 
les idées d'eau, d'urine, d'humidité, de bleu, de jour, 
de ciel, de verre, de mamelle, de pluie, de cruche, 
d'urne, de potier de terre, de plongeur, de sueur, 
d'hiver, de neige, elc., comme on le verra dans le 
catalogue des racines anologiques où parasynonymi- 
ques. 

On retrouve dans une foule de langues de l'ancien 
et du nouveau continent les mots alta, ama el papa, 
qui signifient alternativement père et mère. 

Comme on le voit, non-seulement les mots s'altè- 
rent, mais il en est de même des racines. 

Il arrive quelquefois que les significations des mots 
s'expliquent avec moins de travail : ainsi, le mot grec 
Daimôn, signifie tour à tour Dieu et démon. Cela 
vient, sans doute, de ce qu'il a aussi une valeur cor- 
respondante à celle de génie, et à ce que l'on admet 


* Remarquez que très-souvent, et dans toutes les langues, les noms des cou- 
leurs sont tirés des substances qui les possèdent : carmin , rose, violet, mur- 
ron, café, chocolat, puce, coquelicot, bleuet, flamme de punch, gorge de 
pigeon, liége, etc. 


277 


de bons et de mauvais génies; les bons génies condui- 
sent à l'idée de Dieu, et les mauvais, à celle de démon. 

On ne devra donc admettre l'origine des racines et 
des mots ainsi altérés, que lorsque leur filiation sera 
bien établie, en faisant voir les modifications successi- 
ves qu'elles auront éprouvées en passant d'une langue 
dans une autre. Cela est souvent assez facile, si l'on 
compare un nombre de langues suffisant pour établir 
celte filiation, 


XII. 


Non-seulement les mots changent de signification 
en passant d'une langue dans une autre, mais leur 
orthographe éprouve presque toujours des modifica- 
tions considérables. Cela est facile à concevoir, puis- 
que les différents peuples qui couvrent le globe ont des 
alphabets particuliers, et que la correspondance des 
alphabets n'est pas toujours facile à établir. En effet, 
comment établir les relations d'un alphabet qui a ein 
quante lettres, comme l'alphabet sanscrit, avec un al- 
phabet qui n’en à que vingt-cinq, comme le nôtre? 
Et quoique les Persans aient adopté l'alphabet arabe 
en y ajoutant quatre lettres, comment représenter en 
arabe ces quatre lettres qui manquent à l'alphabet de 
celte langue? Cela ne pouvait être fait qu’en analysant 
tous les sons de la voix, toutes les articulations dont 
elle est susceptible, et en les représentant par des si- 
gnes de convention. 

Mais cela n’a pu être exécuté qu'à une époque très- 


278 


rapprochée de nous, par divers savants, parmi lesquels 
M. Eichhoff occupe une place très-honorable, puis- 
qu'il a fait coïncider quarante alphabets avec le nôtre. 

Les anciens peuples n’ont done pu profiter de ces 
travaux, qui sont tout modernes. Aussi ne peut-on re- 
connaître les mêmes mots dans diverses langues qu'a 
près avoir trouvé comment les sons d’une langue sont 
traduits dans une autre. Il résulte de à qu'une même 
racine peut se trouver écrite el même prononcée de 
plusieurs manières fort différentes. Lorsqu'on la consi- 
dère dans plusieurs langues, et même lorsque l'on veut 
reproduire les diverses formes de cette racine dans une 
seule langue, comme la nôtre, par exemple, on trouve 
qu'elle peut être écrite à l'aide d'une foule de lettres 
qui peuvent se substituer les unes aux autres. Les let- 
tres se rangent ainsi par groupes, et lon trouve un 
de ces groupes qui peut renfermer jusqu'à quatorze 
lettres différentes pour une seule expression. 

J'ai adopté une manière toute particulière d'écrire 
ces racines, manière que j'avais introduite dans la chi- 
mie pour exprimer les substitutions par les corps iso— 
dynamiques. 

Par exemple, on trouvera la racine : 


D a 
F e m !. 
V 0 


‘ On pourrait aussi écrire (D, F, V) (a,e, 0) (m). Le résultat serait le 
même; mais il paraîtrait moins évident. 


279 


que lon pourra lire dam, sanserit; dom, latin, espa- 
gnol; fem, français; vom, anglais, racines qui cor- 
respondent toutes à une idée de domination active ou 
passive, et représentent successivement le maitre, son 
domaine ; la femme et la femelle, qui sont sous la domi- 
nation du mâle, etc. 

Je qualifie les racines ainsi altérées dans leur signi- 
fication et leur symbolisation, par le nom de parasy- 
nonymiques. 

Je joindrai à ce travail quelques exemples de ces 
transformations des racines, considérées soit au point 
de vue de leur signification, soit à celui de leur sym- 
bolisation. 


XIE. 


Si la détermination des racines des mots simplement 
dérivés est diflicile et sujette à erreur, celle des mots 
composés l'est souvent davantage; car la difficulté est 
de diviser le mot composé en plusieurs tronçons qui 
représentent ses véritables racines, et, cette division 
opérée, il faut assigner la valeur réelle de chacune 
d'elles; nouvelle difficulté qui rentre dans celle signa- 
lée dans le paragraphe précédent. Quelquefois même 
il faudra chercher les racines des mots dans plusieurs 
langues afin d'en trouver de satisfaisantes. Les notions 
développées dans le paragraphe précédent ont dû dé- 
montrer la nécessité d'agir ainsi; l'exemple suivant le 
démontrera d'une manière plus évidente encore. 

Par exemple, le mot ezcurra appartient au chêne 


280 


qui produit le gland comestible, et à ce gland même. 

On verra par la suite qu'il est d’une grande impor- 
tance de connaitre la formation précise de ce mot. 

Afin d'obtenir ce résultat, il importe d’abord de ju- 
ger s'il est simple ou composé. Pour cela, il faut l'a- 
nalyser. S'il se refuse à l'analyse, on pourra admettre, 
non pas qu'il est simple, mais que, relativement à la 
langue qui l'emploie, il peut passer pour tel. 

Le mot ezcurra se divise naturellement en ez cur ra. 
Nous négligerons la dernière syllabe, qui n’est qu'une 
terminaison grammaticale, et nous considéreronsles deux 
autres. 3, particule négative, qui semblerait indiquer 
qu'il manque quelque chose à ce gland. Que lui man- 
que-t-il donc? Évidemment, ce qui le différencie des 
autres glands, qui sont àpres et non comestibles. Cher- 
chons dans cette direction, et nous trouvons garra et ÿo- 
gorra, qui veulent dire rude, âpre. Cur est-il une 
modification de gar ou ée gor? Cela parait possible. 
Le 4 se change souvent en c dur ou en #, aeno,et 
0 en uw, portant le son ow français. Le gland comes- 
tible aurait done un nom qui voudrait dire sans âpreté. 
Mais dans cette explication le sujet manque, et il est 
rare que l’on forme des mots qui se trouvent dans cette 
condition. Divisons le mot autrement, nous aurons ezc 
urra, qui viennent d'ezca et d'urra. Ezca n’est pas 
eskuarien; mais cette racine est latine, et elle signifie 
aliment, nourriture. Urra étant le nom de la noi- 
sette en eskuarien, il en résulte qu'ezcurra voudrait 
dire noiselte, et probablement gland à manger, gland 
comestible. Évidemment, cette dernière signification 


281 


l'emporte sur la première, car elle satisfait à toutes les 
conditions désirables, et il faut l’adopter, quoiqu'elle 
soit le résultat de l’adjonction de deux racines tirées de 
langues différentes. 

La racine ezca ou esca peut d'ailleurs avoir existé 
dans la langue eskuarienne ; car on trouve encore le 
mot ezcalea, qui veut dire mendiant; et ce nom s'ap- 
pliquait sans doute exclusivement à celui qui deman- 
dait sa nourriture, ezca. 

Lorsqu'il s'agit de trouver les racines d’un mot com- 
posé, il faut done agir avec la plus grande circonspec- 
tion, et éviter d'accepter des racines insignifiantes ou 
n'ayant aucun rapport avec la signification du mot 
composé. 

Il est arrivé à la plupart des auteurs basques de com- 
mettre ce genre d'erreur lorsqu'ils ont voulu recher- 
cher les racines de leur langue. Le P. Larramendi, 
Iharce de Bidassoet, et l'abbé d’Arrigol, qui était bien 
certainement un des écrivains les plus judicieux et les 
plus réservés de cette nation, sont tombés dans ce dé- 
faut. Iharce de Bidassoet est allé si loin dans la com- 
paraison des racines, que, confondant les homonymes 
avec les synonymes, il a fait dériver {yr, de tiro un 
coup de fusil en basque! choses qui n'ont aucun rap- 
port, et qui feraient venir {yr, mot très-ancien, d'un 
coup de fusil, chose très-moderne *. 


‘Je dois faire remarquer que la racine basque tir est fort ancienne et signifie 
lancer, frapper. Tirua signifie un coup quelconque porté avec une arme de jet. 
Ce mot est passé dans la langue espagnole avec la même signification; on dit 
tiro de pistola, coup de pistolet. Les Basques désignent un are par tiruslaia, 
tireur de flèches. 


282 


L'origine des Basques est assez intéressante pour 
que l'on n’ait pas besoin de faire intervenir le merveil- 
leux afin de la signaler à l'attention des savants. Je le dis 
avec peine : il suffit que les racines d'un mot soient 
données par un Basque, pour que je croie devoir les sou- 
mettre à un examen rigoureux. Je n'aurai peut-être 
pas été moi-même à l'abri d'erreurs du genre de celles 
que je viens de signaler, malgré les efforts que j'ai 
faits pour les éviter. 


XIV. 


Un peuple accepte des mots composés aussi bien que 
des mots radicaux; il accepte mème des mots dont la 
signification ne diffère en aucune manière de ceux 
qu'il possède déjà, mais qui dérivent d'autres racines 
ou se prononcent autrement : c’est ainsi que nous avons 
les mots journalier et quotidien, qui ont une même 
valeur et des racines différentes, et que, récemment, 
nous avons introduit dans notre langue le mot anglais 
gentleman, qui est le représentant exact de notre mot 
gentilhomme. 

Il résulte de là qu'une langue possède souvent des 
mots dont elle n’a pas les racines, et qu'à une racine, 
comme jour et homme, correspondent des dérivés tirés 
d'autres langues. C’est encore ainsi que nous avons le 
mot cheval et le mot équitation qui dérive du latin 
equus, cheval. 

Le caractère d'une véritable langue-mère conservée 


283 


dans toute sa pureté, serait de posséder toutes ses ra 
cines et n'avoir d'autres mots que ceux qui en seraient 
dérivés ou seraient composés avec elles. IT faudrait 
encore qu'il n’y eùt qu'un seul mot pour chaque signi- 
fication. 

Quoique la langue eskuarienne ait conservé des ra- 
cines dont l'ancienneté ne peut être douteuse, puisque 
l'on a déjà vu que plusieurs d'entre elles sont antérieu- 
res à l'existence des langues grecque et latine, il n’est 
pas moins vrai qu'elle en a perdu un grand nombre, 
D'une autre part, elle a souvent jusqu'à cinq et six 
synonymes dérivés de racines différentes pour expri- 
mer une même idée. Cela démontre qu'elle a fait de 
nombreux emprunts à d'autres langues; et l'on en peut 
déduire que les Escualdunais ont eu des relations fort 
étendues avec d'autres peuples. Je démontrerai ulté- 
rieurement que la langue eskuarienne a des aflinités 
non équivoques avec plusieurs des langues les plus im- 
portantes qui aient été ou soient encore parlées sur le 
globe, telles que le sanscrit, le persan, l'hébreu, l'a- 
rabe, le turc, le grec, le latin, le français, les lan- 
gues slaves, les langues celtiques, les langues des Sa- 
moyèdes, des Esquimaux, des Guarani du Brésil, et 
d'une foule d’autres peuples. 


Détermination du temps. 


Dans la détermination du temps relatif aux événe- 
ments historiques, il faut considérer deux cas diffé- 
19 


284 


rents : 4° la fixation des époques où les événements 
ont eu lieu ; 2° la durée de ces événements. 

Ces deux cas peuvent être déterminés d'une manière 
relative et par un seul ordre de recherches. 


XV. 


Puisque les langues sont la représentation fidèle des 
connaissances des peuples qui les parlent, il est évi- 
dent qu'elles ont dû se former successivement, à me 
sure que ces connaissances se développaient. 

Si lon pouvait déterminer l'ordre dans lequel une 
langue s'est formée, on connaitrait par cela même 
l'ordre dans lequel se sont développées les connaissan- 
ces du peuple qui la parlait, et l'on aurait ainsi la 
chronologie relative de l'évolution sociale de ce peuple. 

La formation d'un vocabulaire disposé selon l’ordre 
chronologique n’est pas une chose impossible; la phi- 
losophie des sciences est assez avancée pour que l'on 
sache, non-seulement quelles doivent être les connais- 
sances primitives que l’homme peut acquérir, ce qui 
est assez facile à déterminer, mais même dans quel or- 
dre les connaissances ultérieures doivent se développer. 

Les premières connaissances acquises sont celles qui 
résultent de l'observation directe et immédiate des êtres 
naturels les plus faciles à distinguer les uns des autres : 
les principaux astres, les animaux, les végétaux, les 
pierres, les différentes parties du corps de l'homme et 
des animaux, les premiers degrés de la parenté, les 
phénomènes offerts par le feu et la lumière, quelques 


285 


idées générales où abstraites. Par exemple : les idées 
de soleil, de lune, d'étoile, d'animal, d'arbre ou 
d'herbe; la distinction des différentes parties du corps 
de l'homme, telles que la tête, les mains, les pieds, 
la bouche, le nez, les yeux, les dents, la langue, le 
sang, etc., seront acquises par l'homme, même dans 
l'état le plus sauvage. 

Si l’on considère, d’une autre part, que les progrès 
de la civilisation sont le résultat d'observations plus 
précises et plus détaillées, ou celui de diverses inven- 
tions, qui, s’'ajoutant les unes aux autres, finissent par 
constituer tout le domaine des connaissances de Fhom- 
me, on pourra trouver l'ordre successif de ces obser- 
vations ou des inventions. 

Les observations se perfectionnent en passant du su- 
perficiel au profond, de ce qui est le plus évident à ce 
qui exige un examen plus attentif et quelquefois des 
instruments spéciaux, comme cela a lieu dans les scien- 
ces, lorsque nos organes deviennent insuffisants : le 
microscope, le télescope, nous permettent d'observer 
un monde nouveau qui échappe à l'observation directe 
au moyen des sens que la nature nous à donnés, et la 
chimie, par ses réactions, pénètre encore plus loin. 

Le développement des connaissances humaines est 
soumis à des lois inévitables, qui ont été exposées par 
Ampère dans son Traité de la philosophie des scien- 
ces, et ces lois remontent, des observations les plus 
simples, aux conceptions les plus sublimes auxquelles 
ait pu parvenir l’homme dans notre état de civilisation 
moderne. 


286 


On peut donc établir la filiation des observations 
dans l’ordre chronologique de leur développement pour 
tous les états possibles de la civilisation. 

Le moindre examen démontre que les inventions ont 
dû se produire dans un ordre déterminé; par exemple, 
que les canons n'ont pu être inventés avant la poudre. 
Si l’on considère, en outre, que les inventions ont tou- 
jours pour but de perfectionner ce qui existe, en le 
simplifiant, le rendant plus précis ou moins onéreux, 
on pourra pénétrer jusque dans les détails. Sans quit- 
ter l’ordre des armes à feu, on trouvera que le fu- 
sil à mèche a dû précéder ceux à pierre; et parmi ces 
derniers, on trouvera encore que le fusil à rouet a dù 
précéder celui à batterie proprement dite, puisque le 
premier exige l'emploi d'une clef indépendante de lar- 
me, qui rend son maniement moins rapide. Par d'au- 
tres raisons, on trouvera que le fusil à piston est venu 
le dernier. 

On peut donc conclure des détails contenus dans ce 
paragraphe : qu'il est possible de construire un vo- 
cabulaire chronologique qui représente les différen- 
Les phases de l'évolution d'un peuple. 


XVL 


Les notions historiques que l’on peut déduire de la 
connaissance d’un vocabulaire sont loin de se borner à 
ce qui précède; car les relations qui s'établissent entre 
les peuples amènent un échange d'idées nouvelles et de 


287 


mots qui représentent ces idées. Ainsi, les Brezads *, 
confinés aujourd'hui dans trois départements de l’ex- 
trémité occidentale de la France, ont dans leur langue 
un grand nombre de mots fort anciens, que nous pos- 
sédons aussi à quelques modifications près. S'ils ne 
nous ont pas donné ces mots, nous les avons au moins 
puisés à la même source qu'eux; mais, depuis cette 
époque, combien de mots ne nous ont-ils pas emprun- 
tés? Et quels sont ces mots, si ce ne sont ceux que la 
civilisation a forcément introduits chez eux depuis 
qu'ils sont confinés dans les lieux qu'ils habitent? tels 
sont les mots mousquet, fusuil, bistolen, xanon, vou- 
let xanon, qui n’ont pas besoin d'être traduits pour 
être compris de ceux qui entendent la langue fran- 
caise. [l en est de même des mots basques : mosquetea, 
fusila, pistola, canoyac, bola. Toutefois, je crois de- 
voir faire remarquer que les mots canoyac et bola dé- 
rivent de racines purement basques, canoya, un tube, 
et boilla, une boule. Si nous n'avons pas emprunté 
ces racines aux Basques, je dirai encore que nous 
avons dü, directement ou indirectement, les puiser à la 
même source qu'eux; et, plus tard, ces mêmes racines 
sont retournées chez eux avec un nouvel emploi indi- 
quant une nouvelle application et une importation. 


XVIL. 


Les mots empruntés à une langue peuvent être re- 


Les Bas-Bretons se nomment eux-mêmes Brezads, et donnent le nom de 
Brezonne à leur langue. J’emploierai ces deux termes, pour éviter ce mot de 
Bas-Breton. 


288 


latifs à la guerre, au droit, au gouvernement, à la re- 
ligion, au commerce, aux sciences, aux arts, ou à 
toute autre partie de l’ordre social. 

L'ordre auquel appartiennent les mots empruntés à 
une langue indique la nature des relations qui ont 
existé entre le peuple dont on veut établir l’histoire, et 
celui qui parlait la langue à laquelle les emprunts ont 
été faits. 

Si les mots empruntés sont groupés dans l’ordre 
chronologique, il deviendra donc possible de connaitre 
non-seulement la nature des relations des peuples, mais 
même l'époque relative à laquelle ces relations ont eu 
lieu. 

Les termes empruntés au droit indiquent en général 
que les lois d'un peuple, celui dont viennent ces ter- 
mes, ont été imposées par force à un autre peuple, ce- 
lui qui les a reçus. C'est ainsi que les termes du droit 
français existent en Angleterre par suite de l'envahis- 
sement de ce pays par Guillaume-le-Conquérant; que 
le code Napoléon a été imposé à une partie de l'Alle- 
magne, et que les Polonais subissent la loi des Russes. 

Les termes empruntés au gouvernement ou à l'admi- 
nistration indiquent aussi une domination et l'intro 
duction d'un nouveau mode de gouvernement par un 
peuple vainqueur. 

Des observations analogues peuvent être faites pour 
ce qui concerne la religion, les sciences et les arts. 

On peut donc, en analysant la langue d'un peu- 
ple, déterminer la nature et l'époque des relations 
qu'il a eues avec d'autres peuples. 


289 
XVIIL. 


Pour ce qui concerne les sciences, il peut se pré- 
senter plusieurs cas assez embarrassants. Ainsi, la mau- 
vaise habitude que nous avons de fabriquer des termes 
scientifiques avec des racines grecques, pourrait faire 
croire, si l’on n'avait d'autres renseignements, que les 
Grecs possèdent où possédaient toutes les sciences dont 
les noms sont construits ainsi qu'il vient d'être dit, et 
que c’est à eux que nous les avons empruntées. D'une 
autre part, la langue basque se prêtant très-facilement 
à la construction des mots par ses propres racines, il 
arrive que la plupart des noms des sciences connues 
de ce peuple sont tout à fait basques en apparence, et 
que l’on pourrait croire que les Basques sont les inven- 
teurs de ces sciences, lorsque très-probablement ils les 
ont reçues toutes faites, et n’ont eu que la peine d'en 
imiter les noms avec leurs racines. C’est ainsi qu'ils ont 
sans doute formé, à une époque assez rapprochée de 
nous, les noms suivants : 


Jainkokindea , théologie, 
Erakindea, chronologie, 


qui sont formés des racines Jainkoa, Dieu; era, temps; 
kindea, science, qui correspondent exactement aux 
racines grecques 06os, xronos et logos, qui ont la 
mème signification. 


290 
On ne saurait affirmer que 


Izarkindea, qui signifie l'astrologie, 


et se trouve formé des racines 2zar, astre, et kindea, 
science, ait été formé de la même manière; car, sa- 
chant aujourd'hui que les Basques viennent de l'Asie, 
et sachant d'ailleurs que l'astrologie judiciaire à pris 
naissance dans ce continent à une époque fort éloi- 
gnée de nous et avant d'avoir pénétré chez les Grecs, 
il est possible que les Basques aient connu ce nom 
avant de venir en Europe. 

Il faut encore reconnaitre que plusieurs sciences ont 
en basque des noms plus précis qu'en grec ou en d’au- 
tres langues qui en dérivent : tel est le nom de neur- 
takindea (de neurta, mesure), par lequel ils dési- 
gnent la géométrie. Cela pourrait servir à démontrer 
que celte science n'a pas pris naissance en Égypte, 
comme on le pense communément; qu'elle est née en 
Asie, qui est le pays originaire des Basques, ainsi que 
je viens de le dire, et que là elle avait tout le caractère 
d'une science, lorsque, considérée dans son étymolo- 
gie grecque, qui signifie mesure du sol, elle ne re- 
présente qu'une pratique ou un art que nous nom- 
mons arpentage. 


XIX. 


La durée et l'intensité, si l'on peut se servir de ce 
terme, des relations des peuples, pourront être recon- 


291 


nues par le plus ou moins grand nombre de mots qui 
seront passés d’une langue dans une autre; et le temps 
qui s’est écoulé depuis l'origine de ces relations pourra 
aussi être déterminé jusqu'à un certain point, quand 
même ces relations auraient précédé l'invention de l'é- 
criture : on se fondera pour cela sur ce que les nations 
se sont généralement dispersées et fondues les unes dans 
les autres, et que les mots qui ont élé empruntés à 
une seule langue ont éprouvé les mêmes vicissitudes 
que la nation qui parlait cette langue, et se trou- 
vent dispersés dans une famille de langues. 

J'entends par famille de langues, un groupe de lan- 
gues réunies par leur plus grande affinité, ainsi que 
M. Balbi en a établi un grand nombre dans son re- 
marquable Atlas ethnograhique. C'est ainsi que nous 
verrons la langue basque dispersée dans la famille tur-— 
que, dans celle des Samoyèdes et dans celle des Es- 
quimaux. 

On comprendra facilement d’ailleurs que si l'histoire 
d'un peuple qui a eu des relations avec un autre peu- 
ple, est connue, cette histoire pourra donner des ren- 
seignements précieux, en permettant de fixer quelques 
époques d'une manière précise. 


XX. 


Si l’on dispose les mots principaux du vocabulaire 
d’un peuple dans l’ordre chronologique de leur appari- 
tion, et si, pour avoir des termes définis de comparal- 
son, ce vocabulaire est divisé en âges successifs cor- 


292 


respondant aux divers états sous lesquels l'homme existe 
ou a existé sur le globe, par exemple : en dge primitif 
ou premier âge, en deuxième, troisième, quatrième 
et cinquième âge, soit depuis l'habitant des iles de la 
mer du Sud jusqu'à nous, en passant par les princi- 
paux degrés de civilisation connus; si l'on compare 
ensuite ce vocabulaire avec ceux des autres langues, 
les aflinités se dessineront dans l'ordre même de leur 
apparition fixée dans le temps. 

Un travail exécuté comme il vient d'être dit satisfe- 
rait à toutes les conditions discutées et exposées dans 
les paragraphes précédents relatifs aux déterminations 
chronologiques. 

On verra, par suite de l'exécution de ce travail, que 
les Basques, dès le premier àge, ont eu des relations 
avec des peuples des deux Amériques et du nord de 
l'Asie; qu'ils en ont eu avec les Indiens sanscrits; et 
enfin, qu'à des époques plus rapprochées de nous, mais 
fort anciennes, ils en ont eu avec les peuples Sémiti- 
ques, les Grecs, surtout avec les Latins. L'étude chro- 
nologique de la langue basque poussée jusqu'à nos 
jours, démontrerait, s'il en était besoin, les relations 
de ce peuple avec les Français, les Espagnols et les 
Portugais. 


Investigation des lieux. 
Les lieux qui ont été successivement occupés par 


une race ou une nation, peuvent se déduire de plusieurs 
sortes de considérations : 


293 


1° De celle des noms mêmes des lieux qui peuvent 
appartenir à la langue du peuple dont on entreprend 
de restaurer l'histoire ; 

2° De celle des relations de cette nation avec d'au- 
tres nations qui n'ont cessé d'habiter les régions où 
elles existent encore, ou bien des régions indiquées 
par l’histoire ; 

3° Par les noms des familles qui peuvent se trouver 
dispersées à la surface du globe ; 

4° Par la déduction la plus plausible qui peut résul- 
ter de l'ensemble des recherches faites pour restaurer 
l'histoire d'une nation, 


XXI. 


Les hommes qui habitent une région pour la pre- 
mière fois, éprouvent la nécessité de donner des noms 
aux différents accidents des lieux qu'ils habitent, afin 
de pouvoir parler de ce qu'ils ont fait ou vu, ou de 
donner des renseignements, des indications ou des 
ordres. 

Ces noms, comme tous les autres, sont formés d'a 
près certaines lois et sont presque toujours significa- 
tif, c'est-à-dire qu'ils rappellent un des points les plus 
saillants de la localité qu'ils désignent. 

Si les noms ne sont point significatifs, ils ne sont 
point pour cela faits en associant des sons ou des lettres 
au hasard, mais à l’aide de noms empruntés à la lan 
gue du peuple qui habite la localité, noms qui rappel- 


294 


lent le plus souvent quelque circonstance ou quelque 
fait historique dont la trace est bientôt perdue; ou bien 
ce sont des noms d'hommes ou de familles. Comme ces 
noms ont souvent un caractère linguistique spécial, 
cela permet encore de reconnaitre leur origine. 

Enfin, les noms sont cons'ruits avec des racines 
perdues et entièrement sorties d'une langue, de telle 
manière qu'ils n'ont aucune signification détermina- 
ble; mais, dans ce cas, ils peuvent encore être de 
quelque utilité, parce qu'ils ont un caractère de famille 
qui permet de reconnaitre leur origine, c'est-à-dire 
de les rapporter à une langue connue. 

Plusieurs localités habitées actuellement par les Bas- 
ques ont des noms entièrement basques. 

Bayonne vient de Bai ona {bonne baie ); Mendi- 
belza, montagne Noire, montagne de France, Basses- 
Pyrénées; Mendigorria, (montagne Rouge). Bourg 
d'Espagne en Navarre, situé sur une montagne. /{salso 
(mer), village de France situé sur une montagne d'où 
l'on voit la mer, Basses-Pyrénées, etc. 


XXII. 


Les noms des lieux ou des contrées ont une prépon- 
dérance relative, lorsqu'on les considère au double point 
de vue de leur ancienneté et de leur durée. Les noms 
des montagnes, des fleuves, des lacs et des rivières, 
sont ceux qui persistent le plus, non-seulement parce 
que les objets qu'ils désignent sont eux-mêmes très- 
persistants, mais parce que généralement ces noms 


295 


sont acceptés par ceux qui viennent habiter les régions 
où se trouvent les objets auxquels il se rapportent. 
Souvent ces noms subissent des altérations considéra- 
bles dans leur terminaison et dans la manière de les 
écrire, mais on peut encore reconnaitre leur origine 
par leurs racines. 

Le mont le plus élevé de la chaine du Caucase se 
nomme Elburu. Si ce nom a une origine basque, on 
trouve qu'il vient d'elur, neige, et de buru, tête, et 
qu'il veut dire tête de neige. 

Vers 42° de latitude N. , et 75° de long. O., on trouve 
Bourouts dans la chaîne de montagnes qui sépare au- 
jourd'hui la Chine du reste de l'Asie. Faut-il encore 
voir dans ce nom le mot téle en Basque? 

Le pie Cayamburo, un des plus élevés de la chaine 
des Andes, sous l'équateur, n’a-t-il pas un nom qui 
rappelle aussi le mot téte, souvent appliqué aux mon- 
tagnes élevées? 

Près de Biel, dans le nord de l’Aragon, on trouve la 
Cabeza mayor, nom qui, en espagnol, signifie tête 
majeure, où la plus haute tête, c'est-à-dire le pic 
le plus élevé. Ce nom vient à l'appui des citations pré- 
cédentes, dans l'emploi du mot téle, pour désigner un 
pic ou une montagne élevée. 

Les noms des villes sont souvent moins anciens que 
ceux des accidents superficiels du globe. Cela se con- 
çoit facilement, puisque les peuples ont existé long- 
temps avant de bâtir des villes. 

Les noms des localités secondaires par leur impor- 
lance géographique sont aussi ceux qui s'altèrent le 


296 


plus rapidement; ou bien, au moins, c’est par eux que 
des noms appartenant à de nouvelles langues viennent 
s'intercaler parmi les plus anciens. 

Les noms les plus anciens relatifs aux accidents 
physiques du globe sont donc ceux qui appartien- 
nent à ceux de ces accidents qui sont les plus appa- 
rents; el moins il y a de ces noms appartenant à 
une langue déterminée, dans une contrée où l’on ne 
parle plus cette langue, et plus il y a de temps que 
celle contrée a élé abandonnée par le peuple qui la 
par lait. 

Et par contre, lorsque dans une contrée on ne 
trouve pas d'autres noms que ceux tirés de la lan- 
que du peuple qui l'habite, on est conduit à penser 
que ce peuple est autochthone de celte contrée, et 
qu'il n'a cessé de l'habiter depuis qu'il y est venu 
pour la première fois. 


XXII. 


Si dans une langue on trouve des mots appartenant 
à plusieurs autres langues, on est conduit à penser 
qu'il y a eu des relations entre les peuples qui parlaient 
ces langues, soit parce qu'ils étaient tous d'une même 
origine, soit parce qu'ils ont fait invasion les uns chez 
les autres, soit enfin parce qu'ils ont eu simplement 
des relations commerciales ou autres. 

Le problème qui vient d'être posé est un des plus 
compliqués et des plus difficiles à résoudre. Cependant, 


297 


la méthode exposée jusqu'à ce moment permet d'en 
avoir la solution. 

Il faudra voir : 

4° Si ces mots sont primitifs dans l’ordre chronolo- 
gique ; 

2% S'ils sont primitifs ou dérivés dans l'ordre gram-— 
matical ; 

3 Enfin, il faudra, par leur propre valeur, cher- 
cher la nature des relations établies entre les peuples. 

Cela étant bien considéré, on pourra en déduire si 
les mots dérivent d'une origine commune, s'il y a eu 
invasion, ou s'ils sont le résultat de relations commer- 
ciales ou autres. 

En admettant que cela ait pu être fait, il faudra 
chercher quelle est la combinaison qui se concilie le 
mieux avec les observations. 

C'est par des considérations de l'ordre précédent que 
j'ai pu établir le lieu d'origine des Basques, et ceux 
qu'ils ont habités à différentes époques, dont la moins 
éloignée de la nôtre remonte à plus de deux mille ans. 


XXIV. 


Les noms de quelques familles se conservent quelque- 
fois sans altération pendant un temps considérable, et 
lorsqu'un peuple à changé de langue, on retrouve en- 
core des noms propres qui se rapportent à sa langue 
primitive. 

Les noms des individus, combinés avec leurs carac- 


298 


tères ethnographiques, peuvent donner des renseigne- 
ments d’une assez grande valeur. 

Si le nom se rapporte aux carctères ethnographi- 
ques, il peut passer pour un véritable nom propre long- 
temps conservé. Sans celte concordance, il pourrait 
n'ètre qu'un sobriquet, ou bien il aurait une tout au- 
tre signification que celle dont il est ici question. 


XXV. 


Il n'y a point que le vocabulaire d'un peuple qui 
puisse être utilisé pour une restauration historique; 
les autres éléments de la langue de ce peuple offrent 
aussi des sujets de recherche d’une haute importance ; 


la prononciation, l'alphabet, la grammaire proprement 


dite, et la littérature, sont dans ce cas. 

Le mécanisme du langage, les lois auxquelles sont 
assujettis les mots pour l'expression de la pensée ou la 
grammaire, sont en général plus durables que ces mé- 
mes mots. Ceux-ci s'usent, se contractent, et dispa-- 
raissent des langues par mille causes diverses; tan- 
dis que les règles de leur association persistent tou- 
jours; seulement, ces règles vont en se compliquant à 
mesure que les langues font des acquisitions nouvelles. 

La langue française offre un exemple remarquable 
de la persistance des grammaires. Principalement for- 
mée de mots primitifs ou communs à une foule de lan- 
gues anciennes ou modernes, de mots celtiques, es- 
kuariens, latins et grecs, elle est assujettie à des lois 


299 


grammaticales qui ne sont ni celtiques, ni eskuarien- 
nes, ni latines, ni grecques :. 

Indépendamment de son mécanisme, chaque langue 
à encore un cachet spécial qui la caractérise. La pro- 
nonciation , l'orthographe des mots, leurs désinences, 
sont astreintes à des lois qui, pour n'être pas écrites, 
n'en sont pas moins très-évidentes. C'est à cette parti- 
cularité des langues que ceux mêmes qui ne les con- 
naissent pas savent les distinguer, soit à l'audition, soit 
à la lecture. 

Par suite des lois spéciales à chaque idiome, les mots 
qui passent d'une langue dans une autre subissent des 
modifications profondes, soit dans la manière de les 
prononcer, soit dans celle de les écrire. 

Ces modifications rendent souvent les origines fort 
difliciles à reconnaitre. 

Plusieurs savants linguistes ont déjà signalé les avan- 
tages que l'on peut recueillir de la comparaison des 
grammaires et de la suprématie qu'elles ont sur les 
mots des vocabulaires, pour reconnaitre les affinités des 
langues. Sans me préoccuper de cette suprématie, qui 
pourrait être contestée pour le cas particulier dont je 
m'occupe, ce ne sera point trop d'avoir recours à tout 
ce qui peut apporter quelque lumière pour éclairer un 
sujet aussi obscur. 

Je donnerai quelques détails sur la grammaire es- 


\ Je ferai remarquer en passant, que la grammaire française n’est pas telle 
qu'on l’expose généralement dans nos livres élémentaires : elle est plus simple et 
fait tous les jours des progrès à mesure que l’on apprécie mieux les fonctions 
grammaticales des mots qui composent notre langue. 


20 


300 


kuarienne, laquelle est bien digne de l'intérêt de ceux 
qui s'occupent de linguistique. Simple dans sa marche, 
aussi générale que possible et ne présentant aucune es- 
pèce d'exception, elle peut être signalée comme un 
type que l'on pourrait imiter, mais que l’on s’efforce- 
rait en vain de dépasser. 

La grammaire eskuarienne, conservée intacte pen- 
dant un grand nombre de siècles, est un fait des plus 
remarquables, non-seulement au point de vue de la 
linguistique, mais aussi de l’histoire de l'humanité. 


CARACTÈRES ETHNOLOGIQUES.. 


Si les langues peuvent être scrutées pour retrouver 
les traces de l'histoire primitive des peuples, elles ne 
peuvent cependant avoir une valeur absolue; et il est 
indispensable, non-seulement d'y joindre les caractères 
anthropologiques de ces peuples, mais même tous les 
documents, quels qu'ils soient, propres à nous éclairer. 

Les langues peuvent parfaitement servir pour éta- 
blir les affinités qu’elles ont entre elles; mais elles ne 
suffisent pas toujours pour démontrer celles des na- 
tions ou des races qui les ont parlées. On conçoit très- 
bien effectivement que plusieurs races différentes, réu- 
nies en corps de nation ou isolées, puissent parler la 
même langue; on conçoit bien encore que la même 
race, en se divisant ou en se fondant dans les autres 
races, puisse arriver à parler des langues différentes. 

Cette seule pensée fait naitre une foule de problèmes 
dont la solution est souvent fort diflicile et exige as- 


301 


surément un grand travail. J'en examinerai quelques- 
uns par la suite, et je m'efforcerai d'en donner une so- 
lution probable; mais ce ne pourra être par les seules 
études linguistiques : il faudra leur adjoindre des re- 
cherches sur les races humaines et sur leur conserva- 
tion , leur altération et les modifications plus ou moins 
profondes qu'elles éprouvent de la part du temps, des 
circonstances et des croisements. 

Je donne le nom d’ethnologie à une partie de l'an- 
thropologie qui comprend l'ensemble de ce qui est re- 
latif aux races considérées en elles-mêmes, dans leurs 
ascendants et leurs descendants, et dans leurs rapports 
avec les circonstances qui les entourent; l'ethnogra- 
phie n’en est elle-mème qu'une partie fort circonscrite. 

Les caractères ethnologiques qu'il faudra consulter 
pour essayer de résoudre les problèmes qui se ratta- 
chent à l'histoire des Escualdunais primitifs, appar- 
tiennent à cinq ordres principaux, susceptibles d'être 
divisés et subdivisés, qui comprennent : 

1° Les caractères anatomiques ; 

2° Les aptitudes et les facultés ! physiques ; 

3° Les aptitudes et les facultés instinctives; 

4° Les aptitudes et les facultés artistiques ; 

5° Les aptitudes et les facultés intellectuelles. 

Les caractères anatomiques se réduisent générale- 
ment, et faute de plus amples renseignements, à l’'as- 
pect extérieur des individus; c’est parmi eux que vien- 
nent se ranger la forme du visage et du crane, celle 
des màchoires et du nez, la taille, la couleur, etc. 


! Le mot faculté est pris dans le sens de puissance de faire ou d'exécuter, 


302 

Les aptitudes et les facullés physiques compren- 
nent les dispositions naturelles, qui permettent d’exer- 
cer certaines actions avec ou plus ou moins de facilité; 
c'est à elles que se rapportent la gymnastique et les 
professions manuelles. Ces dernières ont des con- 
nexions intimes avec le groupe des facultés artistiques. 

Les aptitudes et les facultés instinclives compren- 
nent une foule de penchants que l'homme possède sou- 
vent en commun avec les animaux supérieurs; il en 
est cependant plusieurs qui sont propres à l'homme. 
Ces penchants, lorsqu'ils sont modérés, passent ina- 
perçus. Développés jusqu'à un certain point et dans 
des circonstances déterminées, ils peuvent devenir des 
vertus, des vices, des tendances au crime et à la mo- 
nomanie. 

Parmi ces penchants, on distingue la làcheté, la 
bravoure; la probité, le penchant au larcin, au vol; 
la crainte, le courage, la témérité; l'indolence, la pa- 
resse, le penchant au travail; l'intempérance, l'abus 
de toutes choses; la charité, l'égoïsme; la franchise, la 
dissimulation , l'hypocrisie ; la loyauté, la ruse, la four- 
berie, etc. 

Les aptitudes et les facultés artistiques compren- 
nent tout ce qui se rattache aux beaux-aris, tels que 
la sculpture, le dessin, la peinture, et l'architecture, 
comprise dans le sens de sa valeur étymologique. 

Les aptitudes et les facultés intellectuelles compren- 
nent principalement la mémoire, la conscience, l'ap- 
préciation des relations et des analogies ‘, et les facul- 


1 C'est de cette faculté que dépendent le jugemént, le raisonnement, la dé 


303 


tés d'analyser, de réunir, d’abstraire et d'inventer. 

Plusieurs auteurs admettent la persistance des ca- 
ractères ethnologiques, malgré l'influence des circons- 
tances; d’autres admettent au contraire, et M. Pri- 
chard est de ce nombre, que les caractères ethnologi- 
ques s’altèrent avec une grande facilité, et surtout avec 
la latitude habitée par l'homme. Sans prétendre juger 
ici quelle est de ces deux opinions opposées celle qui a 
le plus de probabilités pour elle, on devra admettre, 
sans aucun doute, qu'à l'abri des croisements et dans 
des circonstances toujours les mêmes, les races se con- 
servent dans toute leur pureté. Ce sera sur ce théo- 
rème, dont la solution ne peut laisser le moindre doute, 
que je m'appuierai principalement. 

Les principaux problèmes que nous aurons à résou- 
dre, pour apporter quelque exactitude dans l'histoire des 
Basques primitifs, seront les suivants : 

1° Lorsqu'il existe des rapports linguistiques entre 
deux peuples qui diffèrent essentiellement par leurs ca- 
ractères ethnologiques, faut-il admettre que ces deux 
peuples dérivent d'une même souche, modifiée par les 
circonstances ; ou bien qu’étant nettement distincts par 
leur origine, les rapports linguistiques se sont établis 
par des communications de race à race? 

2° Lorsque des races possèdent des caractères eth- 
nologiques semblables et parlent des langues essentiel- 
lement différentes, faut-il admettre qu'elles ont une 
origine commune, ou le contraire? 


daction, l'induction, la généralisation, la détermination des lois de la nature 
et la coordination ou la classification, 


304 


3° Que peut-on conclure de ce que des peuples of- 
frent des relations restreintes entre les langues qu'ils 
parlent et leurs caractères ethnologiques? 

Afin d'éviter des répétitions, ces problèmes ne seront 
étudiés que dans la troisième partie de ce travail. Il est 
facile de voir que le troisième problème est complexe, 
et que les solutions que l’on peut en donner doivent va- 
rier selon la nature des relations linguistiques et eth- 
nologiques, 


MOEURS , COUTUMES , USAGES. 


Il'est des coutumes et des usages qui se perpétuent 
chez les peuples pendant un temps si considérable, 
malgré une foule de modifications religieuses, politi- 
ques ou sociales, que ces mêmes usages peuvent servir 
pour reconnaitre les affinités qui existent entre eux. 

Les Basques ont des coutumes bizarres qui se pra- 
tiquent lorsque les femmes accouchent, qui ont existé 
autrefois en Corse, et que l’on a retrouvées dans la 
province de Kardan, chez plusieurs hordes tartares, 
et jusque dans l'Amérique du Sud. 

Lorsqu'un Basque meurt, on fait de grandes réjouis- 
sances, et cet usage singulier existe encore au Chili. 

Les usages et les coutumes des peuples ne peuvent 
seuls permettre de juger les affinités des races, mais 
ils donnent des indices pour rechercher ces affinités 
par d'autres moyens plus précis. Si l'on trouvait réu- 
nis, par exemple, des usages semblables avec des affi- 
nités linguistiques et des relations ethnologiques, on 
serait forcé de conclure, même malgré l’histoire, qu'il 


305 


y a unité d'origine. Ce résultat pourra être obtenu 
pour plusieurs peuples qui offrent ces relations avec 
les Basques. 


ÉVOLUTION SOCIALE COMPARÉE. 


L'homme existe encore à notre époque à tous les de- 
grés de l'évolution sociale, dans les différentes régions 
du globe. On l'y trouve, depuis l’état sauvage où il vit 
sans vêtements et sans agriculture, jusqu'à celui de 
l'Europe moderne, en passant par tous les points in- 
termédiaires que l'histoire de l'évolution sociale nous a 
fait connaitre. 

L'étude comparée de l'homme dans ces différentes 
conditions, celle des moyens par lesquels il s'élève peu 
à peu de l’état de la plus grande simplicité à cette con- 
dition qui est la nôtre, peut fournir d'amples rensei- 
gnements pour faciliter l'étude de l'histoire primitive 
d'un peuple quelconque; car cette histoire nous ap- 
prend que toutes les races, suflisamment perfectibles, 
sont passées à peu près par les mêmes degrés de civili- 
sation, et que les mêmes inventions relatives, soit à 
leurs besoins de tous les jours, soit à leur défense per- 
sonnelle, ont été à peu près les mêmes partout. 

C'est ainsi que tous les peuples se sont servis de ha- 
ches de pierre, et qu'ils ont fait des poteries même à 
l'époque antédiluvienne ‘, et que partout ils ont su se 
servir de bâtons, de zagaies, d'ares et de flèches. 


! On a rencontré des débris de poteries mêlées à des ossements humains et 
enfouics dans des grottes, au—dessous de débris d'animaux dont plusieurs espè— 
ces sont perdues, telles que l’ursus spæleus, etc. 


306 


C'est là le résultat de l'observation; mais il est facile 
de se rendre compte de la filiation forcée de ces faits; 
car partout l'homme étant construit de la même ma- 
nière, à moins de n'être pas homme, et partout ayant 
rencontré les mêmes matériaux, soit minéraux, soit 
organiques, il a dû en disposer selon la nature de ses 
organes et le plus ou moins de puissance de ses facul- 
tés intellectuelles. 

De l'identité de l'être et des circonstances dans 
lesquelles il s'est trouvé, on déduit l'identité des 
produits qu'il a formés. 

Cette unité du mode d'évolution sociale et industrielle 
de l'homme a tellement été générale, que tous les jours 
elle vient se confirmer par les recherches des archéo- 
logues; mais, bien plus : l'histoire proprement dite, 
telle qu’elle a été écrite par Hérodote, Strabon et Dio- 
dore de Sicile, nous apprend que, du temps de ces his- 
toriens, plusieurs peuples européens étaient encore 
dans l’état de barbarie où se trouvaient à peu près les 
peuples océaniens lorsque la découverte en fut faite par 
les navigateurs. Les Eskuariens, et même nos propres 
ancêtres, étaient dans cette condition il y a environ 
deux mille ans. 

L'étude comparée de l'évolution sociale de l'homme, 
telle qu'elle peut être observée à notre époque sur 
divers points du globe, l'invariabilité du mode d'é- 
volution, peuvent donc être d'un grand secours pour 
l'étude de l'histoire primitive d'une race quelconque, 
car ce qui a eu lieu pour un peuple a eu également 
lieu pour les autres peuples, à quelques modifica- 
tions près. 


307 


I PARTIE. 


APPLICATION DE LA MÉTHODE D’INVESTIGATION HISTORIQUE. 


LANGUE. 


Je me suis efforcé de démontrer, dans la première 
partie de ce travail, qu'en soumettant la langue d’un 
peuple à un examen spécial, il était possible d'en tirer 
des renseignements considérables sur son origine et 
sur les relations qu'il avait pu avoir avec d’autres peu- 
ples; en un mot, que l'on pouvait en déduire des no- 
tions suflisantes pour restaurer son histoire sociale. 
Dans cette deuxième partie, je vais m’efforcer d'appli- 
quer la méthode d'investigation historique qui à été 
développée dans la première. 

L'étude de la langue d'un peuple comprend essentiel- 
lement celle des mots qui la forment et celle des rè- 
gles auxquelles leur association est soumise pour repré- 
senter les idées et les transmettre. 

L'ensemble des mots forme un vocabulaire. 

Les règles de l'association des mots constituent une 
grammaire. 

Les mots peuvent être considérés non-seulement au 
point de vue de leur signification directe, mais ils peu- 
vent aussi être étudiés aux divers points de vue de 
leurs racines, de leur dérivation et des analogies qu'ils 
présentent avec les mots des autres langues. 


308 


Pour compléter cette étude , il faudra classer les mots 
de cette langue dans l'ordre chronologique, rechercher 
à quelles époques se présentent les analogies qu'ils of- 
frent avec les mots d'autres langues, et il importera 
enfin de rechercher les lieux dont les noms peuvent 
avoir été formés avec les racines de cette langue. 

L'examen qui vient d'être fait conduit à étudier une 
langue dans l’ordre suivant : 

Grammaire, 

Vocabulaire, 

Racines, 

Parasynonymes, 

Vocabulaires comparés, 

Vocabulaire chronologique, 

Vocabulaire des noms de lieux. 

Avant de procéder à l'examen de ces diverses par- 
ties,, il est utile de rechercher l'origine des noms divers 
qui ont été portés par les Basques. 


Des noms divers de la nation basque 


Le peuple que nous désignons aujourd'hui sous le 
nom de Basque a été nommé successivement Jbérien, 
Cantabre et Basque; il se nomme lui-même Eskual- 
dunac, et il donne à sa langue le nom d'eskuara ou 
d'euskara. 

Tant de peuples ont formé des colonies en Espagne, 
que l’histoire ne permet pas d’aflirmer que les Basques 
actuels soient les descendants des anciens lbériens; ce- 


309 


pendant, cette opinion à de grandes probabilités pour 
elle. 

L'Espagne a porté très-anciennement le nom d’/bé- 
rie; et comme les Basques passent pour avoir été les 
premiers habitants de cette contrée, on a cru devoir 
les nommer Jbériens. 

D'une autre part, la Géorgie actuelle, située au pied 
méridional de la chaine du Caucase, a porté très-an- 
ciennement aussi le nom d’/bérie; et rapprochant ces 
noms, on à pensé que les Ibériens, partis du Caucase, 
étaient venus s'établir en Espagne et avaient donné 
leur nom à cette contrée. 

Lorsque Hérodote écrivait, dans le cinquième siècle 
avant Jésus-Christ, les Ibériens du Caucase avaient 
déjà émigré, et cette contrée, comme aujourd'hui, était 
habitée par plusieurs nations différentes. Ce serait donc 
au moins cinq siècles avant Jésus-Christ que les Ibé- 
riens auraient émigré. Selon Varron, ce serait quinze 
cents ans avant le Christ qu'ils se seraient rendus en 
Espagne par le nord de Ftalie, 

Arrivés dans la péninsule hispanique par le passage 
qui existe entre la Méditerranée et les Pyrénées, ils 
auraient d'abord habité la Catalogne, l'Aragon, puis les 
provinces qu'ils occupent encore. C’est là qu'ils auraient 
donné le nom d'/berus à l'Ébre *. 

Strabon, qui vivait dans le premier siècle de l'ère 


! Iberus veut dire un véritable fleuve: ou tirant ce nom d'Ibaia, ou eau 
courante, rivière ou fleuve, et d'eria, terre, ce nom voudrait dire terre arrosée 
par un fleuve. Ce nom convient parfaitement à la vaste plaine de l'Aragon, arro- 
sée par l'Ébre et ses afluents. 


310 


vulgaire , a désigné les Basques actuels sous le nom de 
Cantabres; ils habitaient alors la contrée où ils se 
trouvent maintenant. 

Les détails donnés par ce savant géographe sont si 
précis, qu'il ne peut y avoir aucun doute sur l'identité 
des Cantabres et des Basques. 

Strabon donne aussi des détails sur les Vascons, qui 
habitaient la contrée comprise entre les Pyrénées et la 
Garonne, et il les distingue nettement des Cantabres par 
leurs caractères ethnographiques et par leurs mœurs. 

Ce nom de Vascon parait être l’origine des noms Bas- 
que et Gascon, en changeant la mutable v en b et 
en g. 

Il faut remarquer ici que la transformation du b en 
v appartient au génie des langues du midi de la France, 
et que celle du v en g appartient aux langues du nord 
de ce pays ou aux Flamands *. 

Les Espagnols ont étendu le nom de Vascon aux 
Cantabres, qu'ils ont nommés Basques; et les Fran- 
cais, ne confondant point les Cantabres et les Vascons, 
ont donné le nom de Gascons à ces derniers, et celui 
de Basques à ceux que les Espagnols nommaient Bas- 
ques (lisez Baskèsses ). 

Le nom de Vascon vient d'un mot commun aux lan- 
gues les plus anciennes comme aux plus modernes, et 
qui veut dire successivement nourrilure, paire el 
pasteur (V. les dérivés analogiques ), et semble indi- 


‘ En Flandre, on dit wantier pour gantier; et une rue de Valenciennes porté 
encore le nom de rue Des Wantiers. On dit aussi Guillaume pour Willaume, 
et Gallois pour Wallons. 


311 


quer que les peuples qui habitaient l'Aquitaine étaient 
des peuples pasteurs. 

Les Basques se nomment eux-mêmes Escualdunac. 
Ce nom à donné naissance à des recherches qui n'ont 
point été heureuses. 

lharce de Bidassoet voit dans ce nom escu alde 
dunac, main favorable à ceux qui l'ont! Et il se 
fonde, pour appuyer sa trouvaille, sur ce qu'il n'est au- 
cun peuple qui soit aussi habile à se servir de ses mains 
que les Basques. Il est malheureux que des mains aussi 
habiles n'aient jamais produit d'œuvres artistiques; car 
elles eussent sans doute dépassé tout ce que l'on a pro- 
duit jusqu'à ce jour. 

On dit encore qu'ils se nomment ainsi, parce qu'ils 
vivaient de glands { ezcurrac ). 

On peut voir, dans ce mot composé : ezcu alde dun, 
man, où chêne, ou gland; région ou côté, et monta- 
gne, en tirant ce nom de la langue celtique et proba- 
blement d’une racine basque perdue. D'où, en choisis- 
sant dans ces racines, ce nom signifierait : habitant de 
la région montagneuse des chênes. Ce nom convient 
parfaitement à la partie des Pyrénées habitée par les 
Basques. 

Les Basques ne sont point d'accord sur le nom donné 
à leur langue : les uns veulent que ce soit ezkuara, 
el les autres veulent que ce soit euzkara et mème 
uskara. 

L'interprétation donnée au mot ezcualdunac vou- 
drait que le premier nom füt le seul vrai; il serait une 
contraction, qui voudrait dire : des chênes, ou habi- 
tant des chênes. 


312 


En résumé, ôn verra par la suite qu'il est éminem- 
ment probable que les Basques sont les descendants des 
Ibériens; que ce sont certainement les anciens Canta- 
bres dont parle Strabon; que le nom de Basque qu'on 
leur donne actuellement n'est point le leur, et que le 
nom Æscualdedunac, sous lequel ils se désignent d'une 
manière spéciale, a une signification fort incertaine, 
quoique ce soit bien évidemment un nom composé et 
qui doit être significatif *. 


Grammaire. 


La langue basque (eskuara) peut être parlée à l'aide 
de cinq voyelles et de vingt-quatre articulations * qui 
n'existent pas dans tous les dialectes; il résulte de là 
que son mécanisme verbal est fort simple. 

Les voyelles sont toutes très-sonores et rendent cette 
langue éminemment apte à être chantée; car tous les 
sons pourraient en être exprimés à pleine voix comme 
ceux de la langue italienne. 


‘ S'il était possible de rechercher dans le quichua , ou la langue des Incas, 
l'origine du mot escuara (escu, main; huarakca, fronde de ce nom signilie— 
rait manieur de fronde. 

Cette étymologie singulière rapprocherait les Basques des habitants des Iles Ba- 
léares, que l’on croit de la même origine, et qui n'ont reçu ce nom que parce 
qu'au moyen de la fronde ils lançaient des pierres avec une telle adresse, qu'ils 
s'étaient rendus fort redoutables. 

? Les voyelles se nomment bechao, en basque, et les consonnes oskide. 

Les premières rappellent l'organe de la bouche par la particule bech on bec, 
qui est conservée dans la langue brezonne avec la même signification. 

Les secondes rappellent le son par os, contraction d'ots, et veut probablement 
dire qui détermine Le son. 


343 

On trouve souvent plusieurs voyelles de suite dans 
la langue basque, et cela est peut-être cause que plu- 
sieurs d'entre elles sont aspirées; mais pour peu qu'on 
s'exerce à lire cette langue, on n'y trouve pas le moin- 
dre hiatus qui nuise à la diction. 

La langue basque ne possède pas le % grec, qui se 
retrouve dans la langue brezonne sous la forme ch’; 
dans l’allemande, sous celle de ch, et dans l'espagnole, 
sous celle de 7 ou de æ. 

A Itsaso, le c est prononcé fs, comme en Prusse, 
et ce son se rapproche du c italien {ch. Les habitants 
de ce village peuvent écrire harca pour hartza, ours. 
Il est éminemment probable que les Latins pronon- 
çaient ainsi le c, peut-être bien des deux manières, 
selon les dialectes. 

Le ch se prononce comme en Espagne, {chi. À Us- 
taritz et à [isatso, l’s se prononce comme le ch français. 

La lettre ñ, semblable à celle des Espagnols et au 
gn nazal des français, remplace la lettre » dans les dia- 
lectes parlés en Espagne. Il est probable que ce son 
est étranger à la langue basque proprement dite. 

Le v est rare dans la langue basque, et se trouve 
presque constamment remplacé par le son b. Les sons 
de l’f ou du ph ne sont employés que plus rarement 
encore, et tous lui sont étrangers. Dans le dialecte du 
Labourt, on écrit ebanyelio pour évangile. 

Je n'ai vu aucun auteur distinguer la prononciation 
de quelques villages français, /tsaso et Ustaritz, de 
celle des autres contrées basques; cependant, elle en 
diffère essentiellement, et l'opinion la plus probable, est 


314 


que cette prononciation est la moins altérée de toutes, 
parce qu'elle affecte un son particulier à chaque let- 
tre. En dehors de ce dialecte, le €, ls et le 3 se trou- 
vent confondus. Pour ces contrées, ces sons corres- 
pondent aux sons français {s, ch et s sifllante. 

Il résulte de ce court examen, que la prononciation 
basque la moins altérée, à quelques exceptions près, 
se rapproche infiniment de celle du latin, et que l'al- 
phabet des deux langues est le même, non-seulement 
quand on le considère dans les lettres qui servent à le 
former, mais quand on le décompose en ses véritables 
éléments phonaux. Nous verrons bientôt qu'il existe 
d'autres points de contact entre ces deux langues. 

La grammaire basque, hilzekinda, science de la pa- 
role, diffère essentiellement de toutes les grammaires 
d'Europe. Ce qui la caractérise particulièrement, c'est 
une simplicité extrème et une harmonie parfaite de 
toutes ses parties. 

La simplicité de la grammaire basque la rapproche 
tellement de la grammaire générale la mieux raisonnée, 
que l'on pourrait croire qu'elle est le résultat d'une 
profonde analyse des langues, si lon ne devait plutôt 
demeurer convaincu que cette simplicite est le résul- 
tat et la preuve de l'ancienneté de la langue à la- 
quelle elle s'applique, et de l'isolement complet du 
peuple qui la parle. En effet, les grammaires de l'Eu- 
rope moderne, et même les grammaires grecque et 
latine, ne paraissent présenter quelque complication 
que parce que, à n’en pas douter, les langues parlées par 
tous les peuples auxquels appartiennent ces grammai- 


345 
res, sont formées par les lambeaux de plusieurs autres 
langues; ce qu'il serait facile de prouver, et par la lin- 
guistique, et par l’ethnologie. 

Si l'on voulait s'en rapporter à quelques auteurs bas- 
ques qui ont écrit sur leur langue, celle-ci ne com- 
prendrait que deux espèces de mots : le nom et le verbe. 
Cest là une prétention fondée sur un système lin- 
guistique peu éclairé et qui veut trouver du merveil- 
leux là où il ne peut y en avoir. Si une langue était 
réduite à ces deux seules espèces de mots, telles que nous 
les comprenons, elle serait d'une pauvreté extrème et 
ne pourrait exprimer ni les divers états des êtres, ni 
leurs rapports mutuels. Mais par deux sortes de mots, 
il faut entendre, qu’à cela près de quelques faibles ex- 
_ceptions, tous les mots de la langue basque sont réduc- 
übles aux conditions grammaticales du nom et du ver-- 
be; c'est-à-dire que tous les mots peuvent être déclinés 
ou conjugués. 

Voici comment Darrigol prétend démontrer que la 
langue basque n’a pas de véritables conjonctions : 

« Mais pour ce qui concerne les conjonctions envi- 
» sagées comme une espèce particulière de mots, elles 
» se réduisent à peu de chose, n'étant pour la plupart 
» que des noms tantôt modifiés par les déclinaisons, 
» tantôt employés comme indéclinables ‘. » 

La langue basque, comme toutes les autres langues, 
a besoin de conjonctions pour réunir les parties du 
discours, ou plutôt pour indiquer la filiation qui existe 


! Dissertation sur la langue basque, p. 88-89, 


ol 


316 


entre les idées et les raisonnements; et si c'est parce 
qu'elles ne comprennent qu'un petit nombre de mots 
qu'il faut n’en pas tenir compte dans cette langue, il 
est évident que l'on peut, au même ütre, supprimer 
celte partie du discours dans toutes les autres langues. 

Qu'un mot puisse être pris et employé tour à tour 
comme substantif ou adjectif, cela se peut et se ren— 
contre dans toutes les langues; mais ce mot n'est pas 
moins alternativement substantif ou adjectif, sa valeur 
grammaticale ne dépendant pas de sa ressemblance 
écrite où phonique avec uñ autre mot, mais de son em- 
ploi dans le discours, ou, en propres termes, de sa 
fonction grammaticale. 

En résumé, la langue basque, quels que soient les 
moyens qu'elle emploie, satisfait à toutes les fonctions 
grammaticales des parties du discours reconnues dans 
les autres langues, et elle peut tout exprimer avec sim- 
plicité, netteté et précision. 

L’immense simplicité de la grammaire basque ne pou- 
vant être considérée comme le résultat d'un profond tra- 
vail de linguistique, se trouve être l'expression naturelle 
et naïve d'une langue primitive, qui a su se préserver 
de l'invasion des autres langues, soumises à des méca- 
nismes différents, souvent corrompues et représentant 
le mélange de plusieurs langues. Elle indique aussi, 
dans le peuple qui en fait usage, une grande indépen- 
dance de caractère, qui a pu être conservée depuis l'o- 
rigine de la race escualdunaise jusqu'à nos jours, mal- 
gré les vicissitudes qui sont indiquées par la chute 
successive d'un grand nombre d'empires. 


317 


Les principes de la grammaire basque se rappro- 
chent tellement des principes de la grammaire générale 
la mieux raisonnée, que si l'on devait un jour adopter 
une langue universelle, ce serait la langue basque qu'il 
faudrait prendre de préférence à toute autre. En un 
mot, là grammaire basque offre un modèle d'une si 
grande perfection, que l'on pourra peut-être l'imiter, 
mais qu'on ne le dépassera jamais. 

Les langues que l'on eroit les plus parfaites, telles 
que le sanserit, le grec, le latin, deviennent des mo- 
dèles de confusion lorsqu'on les compare à la langue 
basque. Si la simplicité des moyens mécaniques d'une 
langue indique une simplicité d'origine; la complica- 
tion de ces moyens, les exceptions qu'ils offrent à cha- 
que instant, doivent être la preuve du contraire. Les 
langues qui sont dans ce dernier cas ont dù accroître 
leur vocabulaire et leur grammaire par une foule d'em- 
prunts faits à d'autres langues. 

On a taxé les grammairiens basques d'exagération 
lorsqu'ils ont parlé de leur langue; mais ils sont plus 
qu'excusables : l'enthousiasme est permis quand on 
soccupe d'un sujet aussi remarquable et aussi digne 
d'intérèt. 

On ne peut douter que l'étude de la langue et de la 
grammaire basques ne puisse devenir l'origine de re- 
cherches linguistiques qui seraient à jamais restées en- 
sevelies dans l'oubli, si cet idiome n'avait été conservé 
d'une manière pour ainsi dire miraculeuse. 

Plusieurs auteurs pensent que les Basques avaient 
un alphabet fort ancien qu'ils ont abandonné; mais il 


318 
n'en reste aucune preuve. Si l’on consulte leur voca- 
bulaire, on trouve successivement : 


Escritura, écriture;  Librua, livre ; 
Escuseribatua, manuscrit; Abecea, alphabet ; 
Escola, Icasola, école; Escolamaistrea, maitre d'école; 


qui semblent indiquer que les Basques ont recu l'écri- 
ture des Romains, et que l'ouverture des écoles a été 
la conséquence de cette nouvelle acquisition. 

La similitude des mots basques et romains relatifs 
aux premiers éléments des langues et à leur enseigne- 
ment, pourrait peut-être porter à penser que ce sont 
les Romains qui ont recu un alphabet des Basques. Cela 
serait possible; mais Strabon, qui écrivait au siécle 
d'Auguste, nous dépeint les Basques ou Cantabres com- 
me des hommes nus ou couverts de peau, dont la plu- 
part vivaient dans des tannières : l'opinion contraire 
est donc infiniment plus probable. 

Lorsque l'on s'occupe de rechercher l'histoire des 
Basques par les mots de leur vocabulaire, il faut faire 
biep attention que chaque idée est souvent représentée 
par des mots fort différents, et qu'en prenant certains 
synonymes à l'exclusion des autres, on pourrait tom- 
ber dans l'erreur. C'est ainsi que l’on trouve aussi 
agercaya pour exprimer l'écriture; d’où l'on peut con- 
clure que les Basque avaient quelque moyen d'exprimer 
leur pensée par des signes tracés à la main; mais que 
ces moyens étaient inférieurs à ceux qu'ils ont adoptés 
définitivement, puisqu'ils les ont abandonnés. 


319 

La logique n'était pas étrangère aux Basques, puis- 
qu'ils ont deux mots pour la représenter : billegidea 
et dialectica. Le premier est un mot composé de raci- 
nes basques, le second est grec. 

Ils peuvent exprimer l'idée d'argument de plusieurs 
manières différentes; et, chose incroyable, argimen- 
dua parait d'origine basque, et veut dire : lumière de 
l'esprit. Cette étymologie est tellement significative, 
qu'elle porterait à penser que les Basques sont les vé- 
ritables créateurs de ce mot, contre l'opinion généra- 
lement reçue qui en fait honneur à Aristote; mais, il 
faut le reconnaitre, contrairement à son propre aveu. 

La littérature est représentée par Jakindea, qui est 
le nom de la science en général. C’est, en effet, par la 
littérature que les sciences peuvent être consignées 
dans des ouvrages et transmises d'âge en àge. 

La poésie n'était pas étrangère aux basques, puis- 
qu'ils ont une suite de mots divers et de différents âges 
qui s'y rapportent; et quoique nous n'ayons pas d'an- 
ciennes poésies basques, il est évident que cette partie 
de la littérature était connue de ce peuple. Toutefois, 
cela est-il dû au caractère du peuple basque, cela est- 
il inhérent à sa langue, qui, par cela même qu'elle est 
fort simple et pour ainsi dire mathématique, ne se prête 
pas aux élucubrations poétiques, le peu de poésie bas- 
que que l’on possède est plus prosaïque que poétique ; 
on n'y trouve ni profondeur d'imagination, ni coloris, 
ni richesse d'expressions. 


320 


Vocabulaire. 


ASTRONOMIE ET DIVISION DU TEMPS ‘. 


L'étude des connaissances astronomiques des Bas- 
ques et de leur manière de diviser le temps est une 
des plus importantes auxquelles on puisse se livrer, 
parce qu'elles peuvent donner des renseignements pré- 
cieux sur leur origine et les premiers lieux qu'ils ont 
habités ; aussi entrerai-je dans des détails aussi considé- 
bles que le comporte un sujet de cette importance. 

Les Basques ont donné le nom d'izsarjakindea (scien- 
ce des astres ), à l'astronomie et à l'astrologie. 

Par 23arra, ils entendent un astre ou une étoile. Ce 
nom parait vouloir dire lumière de la nuit (ikus 
zaroa ), comme ceruargia , Son synonyme, veut po 
sitivement dire lumière du ciel. 

Les noms du ciel, cerua et zeha, rappellent cælum 
des Latins. 

Le soleil ekia, eguzkia et iruzkia, a, dans le pre- 


 Larramendi, qui ignorait les sciences naturelles et médicales, ignorance dont 
il a donné plusieurs preuves dans son dictionnaire trilingue, a dû commettre bien 
des erreurs en astronomie, en minéralogie, en botanique, en zoologie, en ana— 
tomie et en médecine. J'ai fait tout ce que j'ai pu pour les éviter; mais je n’ai 
pas loujours réussi, faute de racines plus complètes que celles que j'ai tirées de 
ce même dictionnaire. 

Larramendi a aussi laissé des lacunes à remplir, et je n'ai pu les combler. Par 
exemple, il ne donne pour le nom du requin qu'une phrase, voulant dire : une 
espèce de loup de mer. Il est impossible que les Basques, hardis navigateurs , 
n'aient pas eu un nom spécial pour cet animal. 


321 
mier cas, une communauté d'origine avec la racine 
sanserile eg, qui veut dire lire ". 

La lune a reçu le nom d'ilargia; ee nom veut dire 
lumière morte, pour exprimer que la lumière de la 
lune est sans chaleur ou sans ardeur *. 

Les Basques ayant désigné l'obscurité par t/luna 
{sans lune ), il est probable qu'ils ont connu le nom 
de luna; mais ce n'a pu être que par les Latins, ainsi 
que le démontre la particule négative ?/, qui vient de 
cette langue. Les Basques auraient dit ezluna, ou lu- 
naguea, pour exprimer la même idée. Ils distinguaient 
la nouvelle lune i/berria, et la pleine lune illargibe- 
tea. Ils nommaient i/zarra, ou vieille lune, celle qui 
est sur son déclin. 

Les comètes sont nommées izarkea, ce qui veut 
dire éloile, ou astre vaporeux. 

Il y à plusieurs noms pour exprimer la nuit, et ce- 
lui de zaroa est de la même origine que notre mot 
sour . 

Le zodiaque est connu des Basques, qui lui ont donné 
_ le nom de senesia (signes), nom qui indique qu'ils ne 
l'ont pas reçu des Grecs. 

Les signes du zodiaque basque ne diffèrent en rien 
de ceux que nous avons adoptés. 

Le zodiaque des Chaldéens différait du zodiaque des 


! Les autres noms ont des racines incertaines; ils voudraient dire : Lumière 
du jour, véritable lumière, ou qui Lance ou dispense La lumière. 

Darrigol et d’autres auteurs ont cherché les racines d'ilargia, et n'ont rien 
trouvé de plausible. L'étymologie que je viens de donner me parait si simple et 

Laturelle, qu’elle doit être vraie. 


322 


Égyptiens; celui-ci n'avait pas le signe du bélier, que 
l'on trouve sous le nom d'aruzara dans le zodiaque 
basque. Les Basques n'ont donc point acquis la con- 
naissance du zodiaque par les Égyptiens; ils ne sont 
dont point passés par l'Égypte pour venir en Europe; 
ou, s'ils leussent fait, c'eût été à une époque anté- 
rieure à linvention du zodiaque égyptien, et plus tard 
ils auraient connu le zodiaque dans la péninsule hispa- 
nique, par leurs communications avee les Latins. 

Il paraît que les Grecs n'ont commencé à se livrer À 
l'étude de l'astronomie que quatorze siècles avant J.-C., 
et que ç’a été l'un des résultats du voyage des Argo- 
nautes. Ce voyage avait pour but de se rendre en Col- 
chide, située au S.-0. du Caucase, et qui touchait à 
l'Ibérie. Si les habitants de la Colchide connaissaient 
le zodiaque, ceux de l’Ibérie devaient le connaître aussi ; 
mais déjà les [bériens avaient émigré, si ce n'est le 
voyage des Argonautes qui ne leur a donné l'idée d'al- 
ler chercher une autre patrie, où ils seraient moins ex- 
posés aux invasions de leurs redoutables voisins du S.-E. 

Il n'existe chez les Basques aucune trace de la divi- 
sion du zodiaque en vingt-sept signes, qui parait avoir 
précédé, chez tous les peuples observateurs, la division 
en douze signes. Les Basques n'ont done pu connaitre le 
zodiaque que depuis l'établissement définitif de l'année 
solaire, qui en a fait fixer le nombre des signes à douze. 

Les Basques nomment l'année wrtea. Ts ont main- 
tenant quatre saisons : uda berria, le printemps; uda, 
l'été; udazkena, l'automne; negua, l'hiver. 

En analysant les noms des saisons, on trouve qu'ils 


323 


veulent dire : le nsuvel élé, l'élé, l'élé finissant, et 
l'hiver. 

Il est éminemment probable que les Basques n'ont 
d'abord distingué que deux saisons, wuda et negua, et 
que par la suite ayant changé de résidence, et par 
analogie avec les saisons des peuples devenus leurs 
voisins, ils ont employé les noms intermédiaires. 

Il est deux circonstances dans lesquelles on peut 
n'admettre que deux saisons : c’est lorsque l'on habite 
les pôles ou la région tropicale de l'Amérique méridio- 
nale. Dans le premier cas, on a une saison de glace, 
de sommeil et de nuit, et une saison dans laquelle l'eau 
reprend son état liquide; dans le second cas, on a la 
saison des pluies et la saison de la sécheresse. 

Cherchons laquelle de ces deux opinions il faut 
adopter. 

Negua veut dire plus d'eau, et convient aussi 
bien à la saison des glaces qu'à celle de la sécheresse. 
Uda n’a pas de racine qui le rende explicable; mais il 
paralt vouloir dire : le don de l’eau, la saison de l'eau ; 
et ce nom convient encore aussi bien à la saison d'été 
des terres polaires arctiques qu'à la saison des pluies 
des régions équatoriales de l'Amérique. 

Si l'on considère que negua est la paraphrase de 
notre mot neige; que negua correspond à la saison 
d'hiver chez les Basques, qui n'ont point dû avoir de 
raison pour changer la signification. de ce mot, il de- 
vient certain que ces noms conviennent aux terres 
polaires et non aux régions équatoriales du nouveau 
monde. 


324 


Les mois se nomment ?/a, illa, et illabete en lan- 
gue eskuarienne. 

Ila ou illa est une partie du nom de la lune qui n’en 
rappelle nullement la signification, puisque ce nom 
employé seul indique la mort. Mais il arrive souvent 
dans les langues que des fractions de mots composés 
entrent dans la construction de nouveaux mots com— 
posés, avec le sens entier du mot dont ils viennent, et 
rendent ainsi les analyses des plus difficiles. 

Ilabetea est le nom de la pleine lune, et doit, pour 
_ le cas présent, sans doute, être traduit par une lunai- 
son entière. 

Les mois de l'année basque sont représentés par 
plusieurs synonymes pour chacun d'eux. Plusieurs de 
ces synonymes sont oubliés dans certains dialectes et 
se retrouvent dans d'autres. Ces synonymes ont du 
être établis à des époques fort distantes les unes des 
autres, et pour satisfaire à cerlaines exigences. 

S'il est difficile de trouver la signification de quel- 
ques mois de l'année romaine, il ne l'est pas moins de 
trouver celle des mois de l'année basque ‘. Cependant, 
plusieurs des noms de ces mois se prêtent à une ana 
lyse qui parait satisfaisante sous tous les rapports. 
Considérés sous ce point de vue, les mois de l'année 


‘ Plusieurs érudits basques ont cherché l'interprétation de la signification des 
mois de l’année. Darrigol a donné une explication plausible de la plupart d’entre 
eux. 

J'ai consulté sur ce sujet M. Archu, qui, avec son obligeance habituelle, a 
bien voulu me donner des renscignements conformes à ceux de Darrigol, et qui 
viennent les corroborer. 


325 


basque appartiennent à trois catégories : 4° celle de 
noms dont l'analyse est diflicile et incertaine; noms 
qui paraissent appartenir à une époque fort ancienne ; 
2° celle de noms qui se prêtent à l'analyse, et qui, en 
général, se rapportent à l'agriculture; 3° celle de noms 
d'origine romaine. 

Les mois basques sont disposés selon cet ordre dans 
le tableau suivant : 


Beltzilla-llbaltza. Urtarilla. Janvier. 

Otsailla, Ceceila. Février. 
Epailla. Marcchoa. Mars. 
Jorailla. Aphirilla. Avril. 
Ostaroa. Mayatza. Mai. 

… Ci an Erearoa. Juin, 

Garilla. Uztailla. Juillet. 
Agorilla. Abostoa. Août. 

Irailla. Buruilla. Septembre. 
Urilla, Uria. Octobre. 
Acilla, 4zaroa. Cemendilla. Novembre. 

Lohilla, Lotazilla. Abendua. Abendua. Décembre. 


Beltzilla et Ibatza veulent dire la lune noire. 
Ce nom, qui ne trouve guère d'explication dans nos 
contrées, convient parfaitement aux terres polaires 
arcliques, où la lunaison de la fin de décembre et du 
commencement de janvier correspond à la plus grande 
obscurité de la nuit polaire de six mois. 

Urtarilla veut dire lune de l’année, comme nous 
disons : jour de l'an, pour exprimer le premier jour 
de l'année. Ce nom n'a dû être adopté par les Basques 
qu'après avoir accepté l'année romaine commencant 
avec le mois de janvier. 

Olzailla. La racine otz signifie : son, bruit, loup, 


326 

froid et agréable. On à cherché quelle pourrait être 
la signification la plus convenabie hour ce mois; et il 
faut avouer que l'on n’en à trouvé aucune, à moins 
d'admettre qu'il correspondait à quelque fête oubliée 
dans laquelle on faisait beauccup de bruit; ou que 
dans la région polaire, les loups se livrent dans ce mois 
à quelque action que nous igncrons, ou que c'était le 
mois convenable pour leur destruction. Ceceila, qui 
veut dire : lune du taureau, rappelle sans doute quel- 
que sacrifice qui se faisait à cette époque, ou peut-être 
encore que cette époque convenait à la chasse du tau- 
reau sauvage. 

Goragarilla, vagicilla, garilla, irailla, qui ap- 
partiennent à l'époque primitive, demeurent sans ex- 
plication plausible. 

Ekaina, d'eki gain, selon Darrigol, veut dire : s0- 
leil élevé, et indiquerait le solstice d'été dans notre hé- 
misphère, qui a effectivement lieu dans le mois de juin. 

Selon Darrigol, trailla voudrait dire : qu'il faut 
songer à s'approvisionner de fougère pour l'hiver. 
La fougère a-t-elle une importance telle pour les Bas- 
ques, qu'elle ait pu donner son nom à un mois de lan- 
née? Je ne le pense pas. Faut-il voir dans ?ra le nom 
que le lichen aurait porté chez les anciens Basques, et 
la nécessité de s'en approvisionner pour la nourriture 
des rennes? cela serait plus plausible, et lon pourrait 
savoir à quoi s'en tenir en consultant plusieurs voca- 
bulaires de terres polaires, où lon pourrait trouver 
quelque indice du mot ira, comme étant le nom du 
lichen. 


327 

Lohilla, ou lotacilla, veut dire mois, ou lune du 
sommeil. Ce nom convient parfaitement au mois de 
décembre dans les terres polaires, où l'homme, ren- 
fermé dans une caverne et presque engourdi, se trouve 
dans un état voisin de celui des animaux pendant l'hi- 
bernation. Ce nom a pu être conservé dans nos con- 
trées, où il signifie : repos du laboureur, ou sommeil 
de la nalure. 

Les mois de la deuxième catégorie correspondent 
aux opérations agricoles : épailla, lune de la taille des 
arbres, sans doute; 7orailla, lune du sarelage; osta- 
roa, lune de la feuillaison; erraoa, lune de ja saison 
brûlante; agorilla viendrait d'agor, tarir, et voudrait 
dire : lune de la sécheresse; buruilla, lune de la tête ; 
urria el urilla indiqueraient les pluies d'octobre ; acil- 
la, lune des semailles, et azaroa, saison des semail- 
les, conviennent au mois de novembre. 

Les mois de la troisième série, qui paraissent em- 
pruntés au calendrier romain, n’ont pas besoin d'ex- 
plication; cependant, il est quelques observations que 
je ne puis passer sous silence, car l'étude de la langue 
basque permet seule de les faire. 

On admet généralement que le nom latin du mois 
d'avril, aprilis, vient d'aperire, ouvrir, parce que 
dans ce mois la terre ouvre son sein pour donner issue 
aux plantes germées. Cette origine, il faut le recon- 
naître, ne peut paraitre convaincante; car, au lieu 
d'aller chercher le verbe ouvrir, qui n'a qu'un rapport 
fort indirect avec la germination, il eüt été plus con- 
venable de chercher quelque mot plus précis, comme 
germanal, que nous avons adopté lors de notre pre- 


328 


mière révolution. Cette origine ne paraissant pas bien 
fondée, il s'en présente une autre, qui a plus de valeur 
à cause de l'identité des mots. 

Abril, en eskuarien, veut dire sacrifier. Ce nom 
vient d'aber, animal, et d'il, tuer. Or, il est éminem- 
ment probable que le mois d'avril a reçu ce nom, parce 
qu'au renouvellement de la saison de printemps on 
faisait des sacrifices, comme nous faisons, quoique un 
peu plus tard, les Rogations, mais dans le même but. 

Dans le cas qui vient d'être exposé, le nom du mois 
d'avril ne vient pas du latin, mais directement de la 
langue basque, qui en à perdu l'usage, pendant que, 
passé chez ses voisins, il y est demeuré. Et, chose 
remarquable, il est retourné plus tard chez les Bas- 
ques, mais altéré, méconnaissable et avec une origine 
linguistique incertaine ! 

Cemendilla à la mème signification qu'acilla; mais 
acia S'y trouve remplacé par la racine latine semen, 
qui, comme elle, veut dire semence. 

Abendua. Tous les auteurs basques s'accordent à voir 
dans ce mot un synonyme d'Avent { Adventus ), épo- 
que qui précède la venue du Messie ou la fête de Noël *, 

Les noms des jours de la semaine sont plus dificiles 
à interpréter que ceux des mois. Ces noms diffèrent 


! Cette opinion peut être bien fondée; mais n'est-ce point abandon qu'il 
faut voir dans ce mot, pour dire que la nature ne produit rien dans ce mois, ou 
qu'il faut l’abandonner à elle-même? Le mot abandon n'est ni latin, ni brezon, et 
il existe dans les langues française et espagnole ; il faut done qu’il existe aussi dans 
la langue basque, ou au moins qu'il en vienne. On trouve dans Harriet : larga- 
tua et abandonatcea, pour abundonner ; mais ce dernier mot, qui a son ho— 
monyme et dont on a pu se passer pendant longtemps, a pu retourner dans Ja 
langue basque après l'avoir quittée pendant un temps assez long. 


= 


329 


essentiellement des nôtres, et ils démontrent que les 
Basques ont été longtemps privés de relations intimes 
avec les peuples qui ont étudié l'astronomie; car tous 
ces peuples ont adopté une semaine, des jours, et ont 
donné aux jours les mêmes noms des divinités paiennes 
que nous avons adoptés *. 

La semaine, astea, veut dire le commencement. 
Les trois premiers jours de la semaine sont nommés 
astelehena, aste artea, et aste azkena, le premier 
du commencement, le milieu du commencement, et 
la fin du commencement. Ces trois noms indiquent 
une période de trois jours seulement, qui a dû précéder 
l'adoption de la semaine de sept jours, période qui se 
rapportait probablement au commencement de quelque 
phase de la lune. 

Les noms des quatre derniers jours de la semaine 
basque ne se prêtent à aucune interprétation plausible. 
On ne pourra en avoir l'explication que par une étude 
approfondie de la langue et de l'histoire des peuples 
qui ont eu des relations avec les Basques dans les pre- 
miers àges de leur évolution. 


GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE. 


Les divisions de la terre ; les divers accidents de sa sur- 
? 
face ; les eaux, leur manière d'être dans la nature: les 
? ? ? 
principaux minéraux ou éléments solides de la croûte 
du globe, ont été rassemblés dans un chapitre spécial. 
o , 


! Les Portugais font exception, 


« 


330 


Les Basques ont donné le nom du luciazalda à la 
description de la terre. 

Le nom de la mer, t{saso, parait composé. Ses ra- 
cines, tirées du basque, 2tsal, ombre, et de sea, amas 
d'eau, dans les langues irlandaise et teutoniques, vou- 
drait dire : eau sombre, eau ténébreuse *. 

Les montagnes, dont la erète est formée de pierres 
qui leur donnent l'apparence des dents d'une scie, ont 
recu le nom d'arcaitzerra, pierre scie, que les Es- 
pagnols ont contracté dans le mot sierra. 

Les eaux courantes, errioa et chirripa, rappellent 
une racine primitive, 72, qui se retrouve dans les noms 
sanscrit, latins, français et espagnols : arivi; rivus, 
ripa; ruis (picard), ruisseau, rivière, rivage; rio, 
ribera, par le moyen des mutables b, p, v. 

Chirripa vient de cho, petit, et d'irripa, ruisseau. 

Le mot acha, pierre ou rocher, est remarquable pour 
nous, parce que c'est de lui que vient le nom de la 
hache, que l'on faisait primitivement en pierre; et, ob- 
servation bien digne de l'attention des philosophes, la 
hache des Basques, aizcora, dérive d'un autre nom 
basque de la pierre, aitza, et aizcora veut sans doute 
dire pierre coupanle. 

L'origine primitive des mots hache et aizcora est 
donc trouvée, et les racines qui permettent de remon- 


? On mé vetra souvent tirer des racines de plusieurs langues en apparence 
fort différentes, mais qui, en général, dérivent d'une même origine, soit parce 
qu'une race primitive a parlé une langue qui est demeurée par flagments dans les 
langues qui lui ont survéeu, soit parce que les hommes de même race ont dû 
parler la même langue à des époques déterminées de leur évolution sociale, 


331 

ter à cette origine existent dans la langue basque; elle 
vient de l’époque où les Celtes et les Basques, con- 
fondus dans une même nation, et probablement avant 
d'arriver en Europe, possédaient le mot acha dans 
leur langue, puisque l’un de ces peuples en a fait le 
nom de la hache, et que l'autre a conservé la racine 
acha. De plus, le mot acha a dù être créé après la 
séparation de ces peuples, parce que, sans cela, le 
nom de la hache, instrument très-vulgaire, très-ré- 
pandu , devrait s'être conservé chez les Basques. 

D'une autre part, ces deux noms : hache et aiz- 
corra, quoique fort différents, ne viennent pas moins 
confirmer que l’homme, passant par les mêmes modes 
d'évolution sociale, a dü former les mots par suite d’ap- 
plications de mêmes principes dérivant d'une loi géné- 
rale qui l’asservit à ses conditions d'existence. 

Arria est le nom de la pierre que les Basques font 
entrer le plus ordinairement dans la composition des 
mots; ils en ont fait pizarria, pierre fissile (ardoise) ; 
arricatza, pierre-charbon (houille ); et zuarria, feu- 
pierre (amianthe), parce que l'amianthe sert à faire 
des tissus qui résistent au feu. 

On dit que les anciens habitants de l'Inde brülaient 
leurs morts après les avoir enveloppés d’un tissu d'a- 
mianthe , afin d'en pouvoir recueillir les cendres. Ce 
serait là une preuve que les Basques ont habité l'Asie, 
et qu'ils y ont connu cette propriété remarquable de 
l'amianthe *. 


! L'amianthe est une substance minérale du groupe des amphibules, qui cris 


4 22 


332 

On trouve encore arria dans burnarria ‘ et mear- 
ria, qui sont les noms du sulfure d’antimoine, qui a été 
usité chez les Romains, dans l'Orient, et qui l’est en- 
core en Perse, pour noircir les sourcils et pour brunir 
l'angle externe de l'œil, afin que cet organe paraisse 
plus grand. 

Pillaria, nom du grenat, vient de celui de la gre- 
nade, pillatuna, dont les grains forment un assem- 
blage, pilla *. 

Le nom du vermillon, bermejoya, mérite aussi une 
mention. Ce nom vient de sa couleur, qui est celle de 
la flamme : bermea. Il résulte de cette observation, 
que ce nom est véritablement basque, puisque bermea 
dérive des racines bero et me, vapeur ou fumée en 
feu. Les Brezons nommaient le vermillon flammaish , 
nom qui rappelle aussi sa couleur de flamme. Ces 
mots viendraient à l'appui de ce qui a été dit en par- 
lant de la hache, s'il en était besoin. 


MÉTÉOROLOGIE. 


La météorologie a recu le nom de kemeairakinda, 


tallise en longs prismes soyeux et flexibles. J1 est possible de tiler cette subs— 
tance en la mêlant avec des fibres textiles organiques. Quand le tissu est fini, 
on le soumet au feu, qui brûle la substance organique, et laisse intact le tissu 
minéral. 

‘ Lenom de burnarria, qui signifie pierre de fer, pourrait bien n'être pas 
celui du sulfure d’antimoine naturel Sb S,. 

? Le nom du grenat peut servir pour démontrer combien les Basques altérent 
les étymologies, en tronquant des mots déjà composés pour en faire d'autres. 
Pilla, pris isolément, ne signifie plus grenade, mais assemblage, et n’a plus 
de rapport avec grenat. 


333 
ou science des vapeurs de l'air. Ce nom, par sa si- 
gnification, diffère beaucoup de celui que nous avons 
tiré du grec, et pour être plus précis il n’en est pas plus 
exact, car tous les phénomènes météorologiques n’exi- 
gent pas la présence d'une vapeur pour se produire : 
les vents secs sont dans ce cas. 

Les noms divers que la glace a reçus méritent quel- 
que attention. Leya semble rappeler notre mot Her, 
et indiquer que les parties de l’eau ont été reliées en- 
tre elles. Jzotza est un mot composé formé des ra- 
eines 23 et o{z. La première est d'origine teutonique, 
et à elle seule veut dire glace; la seconde est basque, et 
indique le froid ; z0{3 voudrait donc dire : glace pro- 
duile par le froid. Gela, qui rappelle le mot 7alan 
du sanscrit, celui de gelu du latin, et celui de ge- 
lée de notre langue, est une des racines du mot grec 
hyalos (cristal); car gela est en basque la même 
chose que yela. Hyalos renferme de plus la racine 
ura, eau, et voudrait dire eau congelée. Elura, la 
neige, parait venir d'e/, atome, poussière, et d’urra, 
eau : eau en poudre. 


VÉGÉTAUX. 


Ainsi que cela a déjà été dit, l'étude des êtres vi- 
vants, végélaux ou animaux, à de l'importance pour 
rechercher l'origine des races, non-seulement parce 
que les êtres organiques ne vivent qu'entre des latitudes 
déterminées, mais parce que la plupart des espèces sont 
propres à certaines contrées. C’est ainsi que le quin- 
quina est propre à l'Amérique du Sud, et que le che- 


334 


val, notre bœuf, l'éléphant, le rhinocéros, le chameatüi, 
étaient tout à fait étrangers à ce continent avant la 
découverte de Christophe Colomb. N'avons-nous pas 
nous-mêmes le marronnier et le coq d'Inde qui ont été 
importés dans les contrées que nous habitons, et qui, 
pouvant y prospérer, ne s'y trouvaient cependant pas 
parce qu'ils n'y avaient point été créés? 

Le café est originaire d'Arabie; le thé croit à la 
Chine; le cerisier, l'abricotier, le pêcher, ont été im- 
portés chez nous. 

Malheureusement, on ne peut avoir l'espoir de tirer 
tout le parti possible des productions naturelles, parce 
qu'un peuple ayant émigré pendant un grand nombre de 
siècles, et n'ayant plus sous les yeux les objets qui se 
trouvaient dans les climats qu'il habitait en premier lieu, 
a dû oublier leurs noms, qui sont alors perdus à ja- 
mais, à moins que des fractions de la même nation, 
retrouvées dans les lieux qui l'ont vu naître, ne vien- 
nent nous les rappeler un jour. C’est ainsi que le nom 
du lichen aurait une grande importance s'il existait 
dans la langue basque *. 


‘ Larramendi n’en parle pas, et M. Archu, à qui j'ai écrit à ce sujet, ne 
connaît pas le nom de ce végétal dans sa langue. J'ai déjà dit comment le nom 
du lichen aurait pu être donné à la fougère, et serait tra ou iratz ; mais cela 
est fort douteux. Harriet nomme la fougère hiretcea. En général, le nom du 
lichen, qui croit souvent sur des végétaux, a été donné à plusieurs maladies de 
la peau. Les Russes nomment ces deux sortes de lichens, lichaï. Larramendi 
donne le nom de leguen beltza, ou de lichen noir, à l'éléphantiasis, et semble 
indiquer par là que le nom du lichen existait dans la langue basque. 

Le nom du lichen, qui servait pour nourrir les rennes dans les terres polaires, 
s'est perdu dans les pays basques; mais il y est resté comme le nom d'une ma— 
ladie. 


335 

Les noms des êtres vivants ont quelquefois une si- 
gnification dont on peut tirer des indications considé- 
rables. 

Ou les noms ont suivi les peuples dans leur émigra- 
tion, ou bien ils ont été adoptés ou créés sur les lieux 
que ces peuples ont habités définitivement. 

Dans le premier cas, les noms ont pu être appliqués 
à des espèces différentes, mais voisines de celles qui 
les avaient primitivement reçus, et des noms analogues 
peuvent être retrouvés chez les peuples qui avaient des 
relations avec ceux qui ont émigré. 

On peut tirer de ces indications des renseignements 
sur les lieux habités par un peuple antérieurement à 
son émigration , et sur les peuples avec lesquels il a eu 
des relations. ( V.orena, zaldia, elefandia, naranjoa.) 

Dans le second cas, les noms sont acceptés de ceux 
qui habitaient les lieux où l'immigration s’est faite; ou 
bien ces noms sont construits avec des racines propres 
à la langue du peuple immigré, ou bien avec des raci- 
nes empruntées à plusieurs langues 

Ces deux cas donnent encore des indications pré- 
cieuses. Si les noms sont empruntés, le peuple immi- 
gré a été précédé par d'autres peuples dans les lieux 
qu'il habite. Si le nom est formé avec des racines mê- 
lées, on en déduit des relations du mème ordre, ou 
bien que les racines étaient communes aux deux lan- 
gues d'où les noms sont tirés. ( V. ezcurra.) Quand 
les noms sont faits avec des racines propres à la lan- 
gue du peuple émigré, le cas est plus difficile; mais 
il y a des probabilités pour que l'être qui à reçu un 


336 


nom ainsi formé, ait été nouveau pour ce peuple lors 
de son arrivée dans le lieu où il l’a trouvé, et qu'il lui 
ait fait un nom, soit en imitant les noms composés des 
autres langues, soit en rappelant quelque trait carac- 
téristique de l'être. Ces deux cas donnent encore des 
indications spéciales faciles à juger par ce qui a été dit 
dans la ['° Partie. 

Il a été question, dans la 1° Partie, des racines 
du mot ezcurra, qui est le nom du gland; il a été 
également question de la grenade. Je n'oserai rien con- 
clure du nom du thé, tea, parce que les Basques ont 
pu le connaitre dans la contrée qu'ils habitent. Le nom 
du châtaignier, gastaña, existe avec de faibles altéra- 
tions dans presque toutes les langues de l'Europe. 

Les noms de la vigne, mastia et matsa, ont quel- 
que analogie avec mustum et moust, qui sont les noms 
du suc de raisin en latin et en français. Le nom de 
l'olivier diffère du nom français juste autant que le 
génie de la langue basque l'exige. 

Les noms de l'orange, larana, larandia et naran- 
joa, méritent une attention toute spéciale; car ces noms, 
analogues à ceux des Français, orange; des Italiens, 
arancia; des Espagnols, naranja, et des Portugais, 
laranja, se retrouvent chez les Hindous, les Persans 
et les Arabes, sous les noms de naranj, de narang et 
de naringe, tandis qu'il est tout à fait étranger aux 
Grecs et aux Latins, qui employaient un nom composé 
équivalent de pomme d'or. 

Il faut ajouter en outre que les trois noms basques 
de l'orange contiennent arana, qui veut dire prune 


337 


dans la même langue. Larana est probablement la 
contraction de largo arana, grosse prune, et laran- 
dia viendrait de larana andia, grande prune. Quant 
au mot naranjoa, il pourrait bien être revenu dans la 
langue basque après avoir été altéré en passant chez 
des peuples divers. 

Malgré les probabilités des origines précédentes, il 
ne faut cependant pas perdre de vue que la terminai- 
son ranj peut venir du sanscrit, et veut dire : animer, 
colorer, rougir. On ne peut non plus passer sous si- 
lence les analogies qui existent entre le mot latin au- 
rantia, que l’on considère probablement à tort com- 
me un adjectif ‘, avec le mot italien arancia, qui est 
pourtant si rapproché d'arana. 

Le citron, qui a été importé de la Médie en Europe, 
est nommé cidra par les Basques *. 

L'abricot, importé d'Arménie, pays voisin de l'an- 
cienne Ibérie d'Asie, est nommé alberchiga ou abri- 
cola par les Basques. 

La pêche, importée de la Perse, pays encore voisin 
de l'Ibérie, est nommée murchica par les Basques. 

La datte, fruit du dattier, est nommée datila; le lys, 
lirioa, hilia. 

Le chanvre est nommé kanbara à Itsatso, et cala- 
mua dans les dialectes des autres pays basques. Il sem- 
ble rappeler par là que sa tige fistuleuse est analogue 


! A aurantia correspond l'adjectif aurantiacus, qui manque daos la plupart 
des dictionnaires. À 
? Je dois faire remarquer que le citronnier pousse en pleine terre dans la par- 


tie la plus occidentale et espagnole des pays basques. 


338 


à celle des roseaux, canna et calamus en latin. Kam- 
bara parait être d’ailleurs de la même origine que 
kanbous en hébreu, cannab en persan, cannabis en 
latin, et chanvre en français. Calamua*a ses homony- 
mes dans kalamas en sanscrit et calamus en latin. 

Canna et cala paraissent d'ailleurs venir d’un mème 
nom primitif. Il n'est pas moins fort difficile de décider 
lequel des deux noms du chanvre les Basques ont reçu 
le premier. 

Le nom du chou, aza, est celui d'une ombellifère 
en Perse. 

Le pois chiche, cicer des Latins, est nommé gar- 
bantzua par les Basques, et ce nom veut dire graine 
sèche, selon Larramendi; c'est de là que vient le nom 
espagnol garbanzo. 

Le nom de la fève, baba, rappelle celui des Latins, 
faba. 

Le nom du haricot, indi babac (fèves de l'Inde), 
semblerait indiquer qu'il vient de ce pays. 

L’aloès est appelé zubila et belarminiza; mais ce 
dernier nom paraît être celui du bois d’aloès, que les 
Chinois brülent comme parfum. 

Le nom du coton, linabera, peut vouloir dire véri- 
table toile. 

L’anil, plante indigofère, est nommée belarurdina, 
plante bleue. 

Les épices, telles que le poivre, la canelle, la mus- 
cade, ont reçu des noms qui rappellent ceux usités en 
Europe. 

Le nom du girofle, wrriltza, contient celui de la 


339 
noisette où du gland, parce que l'on a cru à tort que 
cette fleur non épanouie était un petit fruit, et celui 
de clou, à cause de sa ressemblance avec cet objet : 
c'est donc un gland-clou. 


ANIMAUX. 


Les animaux connus des Basques sont très-nom- 
breux; tous pourraient être l’objet de recherches spé- 
ciales; cependant, afin d'éviter des détails, je ne m’oc- 
cuperai que de ceux qui méritent des mentions parti 
culières. 

Le mot animal, abere, a déjà été l'objet d’une dis- 
cussion spéciale, dans laquelle j'ai cherché à démon- 
trer que ce nom venait de ber, chaleur, et qu'il était 
l'origine d'aberats, qui veut dire richesse. Comme 
être riche, c’est posséder, c'est avoir, il est éminem- 
ment probable que le verbe latin Aabere, considéré 
non comme verbe auxiliaire, mais comme indiquant 
la possession, vient d'aberats, et que notre verbe avoir 
a la même origine; cela deviendra bien plus sensible si 
on le prononce avèr. 

Le nom du chat, katua, ou gatua, est analogue à 
ceux usités chez les Arabes, les Grecs, les Latins et 
les principaux peuples de l'Europe. 

Les Basques ont donné le nom de caturdea à Vich- 
neumon *. On sait que cet animal peut vivre en do- 
mesticité comme le chat, et qu'il était en grande véné- 


1 « : , AT 
Viverra de Linné, Mangouste de Cuvier, 


340 

ration dans l’ancienne Égypte, parce qu'il détruit les 
œufs du crocodile, les reptiles venimeux et les petits 
animaux nuisibles. Les habitants de ce pays le nom- 
ment nems. Le nom d'ichneumon est grec et veut dire 
bon chercheur de traces, c’est-à-dire qui suit les ani- 
mauæ à la piste, en un mot chasseur. Le nom de 
caturdea veut dire chat-pore, ou peut-être chat aqua- 
tique. Quelle que soit l'opinion que l'on adopte, ces 
deux noms conviennent parfaitement à cet animal; car 
il vit en domesticité comme le chat, dont il remplit les 
fonctions, et dont il est d’ailleurs très-rapproché par 
son organisation. De plus, il a le corps couvert de 
soies rudes comme celles du sanglier, et il vit sur les 
bords des grands fleuves. 

Ce qui vient d'être dit de lichneumon permet de con- 
clure que les Basques ont parfaitement connu cet ani- 
mal, tout à fait étranger à l'Europe, puisqu'ils lui ont 
donné un nom qui rappelle non-seulement son analo- 
gie avec le chat domestique, mais encore son aspect 
ou ses habitudes. Toutefois, les mangoustes étant ré-— 
pandues dans toute l'Afrique et dans l'Inde, on n'en 
peut conclure que les Basques ont habité les bords du 
Nil, mais seulement l'Inde ou l'Égypte. 

Le chien a reçu plusieurs noms qui peuvent donner 
des renseignements sur les pérégrinations des Basques. 

Zacurra, ou chacurra, selon le dialecte, est pres- 
que identique avec le koukoura des Sanscrits qui ha- 
bitaient la presqu’ile de l'Inde. 

Potzoa rappelle pes et pessik, qui sont russes; pres 
el piest, qui sont polonais. 


341 

Ora rappelle ouri, qui est taitien. 

Le nom de l'éléphant, elefandia, exige une atten- 
tion toute spéciale. Cet animal, ainsi qu’on le sait gé- 
néralement, habite la région méridionale de l'Afrique 
jusqu'au cap de Bonne-Espérance, et la partie méridio- 
nale de l’Asie depuis l’Indus jusqu’à la mer orientale. 

Le nom basque de l'éléphant s’analyse fort simple- 
ment en ele handia, ou grand animal domestique; 
car ele est le nom des troupeaux formés de grands ani- 
maux. 

L'origine du nom de l'éléphant peut donc être tirée 
de la langue basque, soit que ce nom y ait été con- 
servé, soit qu'il y soit revenu par des peuples inter- 
médiaires après un temps plus ou moins long. 

Les parhomonymes * du nom de l'éléphant existent 
en grec, en latin, dans les langues celtiques et germa- 
niques, dans Éléphantine, nom d'une ville très-an- 
cienne de l'Égypte, et ne se retrouvent ni en sanscrit, 
ni en hindoustani, ni en arabe, ni en hébreu *. 

Si le nom de l'éléphant est d'origine basque, ce n’a 
pu être qu'en Asie que ce nom à été créé à une épo- 
que où cet animal était déjà réduit à l’état de domesti- 


Presque homonymes. 

? L'éléphant a plusieurs noms en sanscrit. Ces noms rappellent en général le 
nez ou les dents de cet animal; à: en est deux qui veulent dire nez-main. Il en 
est de même de l’hâtin des Indous, qui est sanscrit. Le nom arabe de l'éléphant 
est fil; son nom hébreu est schen habim, qui paraîtrait vouloir dire dent d'é— 
bène , mais qui est probablement une corruption de schen aben, dent de pierre. 
Cette version serait d'autant plus probable, que les nègfes changallas, d'Abyssi— 
nie, nomment encore aujourd'hui l'éléphant abbeéna. En russe, le nom de l'é— 
léphant est sloni ; en polonais, il est son; cependant, un dialecte de cette der- 
nière langue dit elefanty. 


342 


cité, et dans une contrée autre que l’ancienne Ibérie, 
Géorgie actuelle, où il n’y avait probablement point 
d'éléphants, puisque du temps d'Hérodote, comme au- 
jourd'hui , cet animal n'était connu qu’au delà de l'Indus. 

On peut même dire encore que l'éléphant n’a pas été 
dompté pas les Basques, parce qu'il eût eu un autre 
nom avant d'appartenir à un troupeau. Toutefois, ce 
nom primitif a pu être oublié chez une nation qui a 
été plus de trois mille ans sans avoir cet être extraor- 
dinaire sous les yeux. 

Les Basques ont dû connaître le cheval, zaldia, 
zamaria, et la jument, behorca, avant de venir en 
Europe; car ces noms ne rappellent aucun de ceux 
usités chez les peuples de ce continent ‘, Cette obser- 
vation est de la plus haute importance, car elle suflit 
à elle seule pour démontrer qu'ils ne viennent pas d'A- 
mérique, comme leur langue pourrait le faire soup- 
conner, puisque le cheval, absolument inconnu dans 
toute l'étendue de ce vaste continent, y a été importé 
postérieurement à la découverte qui en fut faite par 
Christophe Colomb, à la fin du quinzième siècle. 

Si les Basques avaient trouvé le cheval pour la pre- 
mière fois en arrivant en Europe, ils eussent fait de 
même que pour l'éléphant : ils lui eussent donné un 
nom qui eût rappelé au moins une de ses qualités les 
plus saillantes, ou bien ils auraient accepté un des 
noms de la localité, et c’est ce qui n’a point eu lieu. 


M. Klaproth trouve de l’analogie entre zamaria et khamoura en langue 
syriaque; mais cela ne change rien à l'observation qui vient d'être faite; au con— 
traire, puisque la Syrie est en Asie. 


343 

Les noms du taureau, cecena; du bœuf, dia; de 
la vache, beia , permettent, et au même titre, de faire 
les mêmes observations que pour ceux du cheval. 

Le nom de la vache, beia, a quelque analogie avec 
celui du bœuf en général, et en particulier avec celui 
qu'il porte dans les langues slaves, byk. 

Le nom du cerf, orena, servirait, sil en était besoin, 
pour démontrer que les Basques ont habité les régions 
septentrionales les plus reculées de notre hémisphère ; 
car ce nom rappelle celui du renne, qui rend de si 
grands services dans ces contrées, que, sans cet ani- 
mal, elles seraient presque inhabitables pour l'homme. 

Le nom du cerf, olen en langue russe, et oron 
en toungouse, rappelle la même origine et les contrées 
polaires ; car les toungouses, peuplade nomade de l'A- 
sie, poussent leurs pérégrinations jusqu'au cercle po- 
laire, depuis la rive droite de l'Iénisséi jusqu'à la mer 
orientale. 

On trouve enfin dans le nord et sur le bord occi- 
dental du golfe de l'Obi la presqu'île habitée par les 
Olénéi. 

Afin d'éviter de trop longs détails, les noms des ani 
maux offrant moins d'intérèt que les précédents, se— 
ront réunis par groupes. 


Noms significalifs. 


Otsoa, loup; hurleur, d'otsa, son, bruit. 

Arrabioa, scorpion; enragé, d'errabioa, rage; rabies en la- 
tin : à cause de la douleur que produit la piqûre faite par cet 
animal. 


344 


Zaina, sangsue ; de zaina, veine, en basque; saigner, français. 
Trichua, hérisson , hérissé ; 4riæ, cheveu en grec. 
Adar, rhinocéros; adar, corne. 


Noms composés par imitation. 


Ibaizaldia, hippopotame (cheval de rivière); ibaia, rivière; et 
zaldia, cheval. * 

Indiollara, poulet d'Inde; India, Inde; oilloa, poulet; ara, 
suff. habitant. 


Noms venus des Indes. 


Artza, ours; arksa, sanscrit; arktos, grec; ursus, latin. 
Musarra, marmotte; musas, rat, sansC.; mys, grec; Mus, lat. 
Pitosa, putois; putikas, sanscrit; putacius, latin. 

Aria, bélier; avis, sanscrit; ois, ars, grec; aries, latin. 
Anizara, oie; hamsas, sanscrit; anser, latin. 

Anatea, canard; anas, latin. 


Noms d'origine grecque. 


Ostra, buître; hiena, hyène. 


Noms basques ayant leurs analogues dans d’autres langues. 


Harmina , hermine; erratoya, rat; balena, baleine. 
Lehoya, lion; lincea, lynx; crocodiloa, crocodile; gamelica, 
chameau. 


ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE. 


Les connaissances anatomiques et physiologiques des 
Basques sont fort peu étendues ; elles comprennent ce- 
pendant les noms des principales parties du corps de 


345 
l'homme et des animaux, et ceux des fonctions qu’elles 
remplissent. Les noms de la plupart de ces parties ap- 
partenant au premier âge, permettent de faire des rap- 
prochements remarquables dont on peut déduire le plus 
ou moins d'ancienneté des nations. 

Le nom de la vie, bicia, se retrouve en grec, bios; 
en latin, vita; en français, vie; en espagnol, vida, 
et dans plusieurs autres langues. Il se retrouve encore 
dans plusieurs aliments, bihia et pipia, de mème que 
nous l'avons dans vivres. 

On a déjà vu que le nom de la mort, i/a, entre dans 
celui de la lune; et peut-être a-t-il été donné aux poils 
et aux cheveux, qui, dépourvus de sensibilité, sont 
comme des parties mortes du corps de l’homme. 

Ce nom ti/a, ou illa, qui signifie poil en général, a 
été spécifié par les Latins dans pilus et capillus, qui 
veulent dire poil de la peau et poil de la tête { pellis 
ila, et caput illa ). 

Buru, tête, parait être un nom composé; cepen- 
dant, il est fort ancien et remonte à plus de trois mille 
ans, puisqu'il a servi pour désigner l'Elburu, qui est 
le pic le plus élevé de la chaine du Caucase *. 

Burua pourrait dériver des langues sémitiques, et 
voudrait dire siége de l'esprit (de bou, possesseur en 
arabe, et rouach, esprit en hébreu ). 

Le cerveau, burmuna, veut dire moelle de la tête 
(buru , tête ; mun, moelle). Dans leur langue ; les Bas- 


4 D'après Varron, il y aurait environ trois mille trois cent cinquante ans que 
les Ibériens seraient arrivés en Europe, et probablement après avoir quitté le 
Caucase, dont ils ont dû être les premiers habitants, puisque c'est eux qui ont 
donné un nom au pic le plus apparent de cette chaîne de montagnes. 


346 
ques confondent la moelle des os avec la matière céré- 
brale; et nous, qui avons fait de grands progrès dans 
les sciences anatomiques, nous avons encore une trace 
de notre ignorance primitive dans le mot moelle épi- 
nière, qui n’est pas plus excusable. 

Combien de gens en France coupent-ils encore la 
queue de leur chat ou de leur chien, parce qu'ils pren- 
nent les cordons nerveux émanés de la moelle épinière 
pour des vers! 

Quelques mots, relatifs à l'anatomie, sont formés 
d'une manière très-remarquable : 

Bihotza, cœur, vient de bici otza : son ou bruit de 
la vie. 

Biscaya, membre, vient de bici caya : agent ou 
instrument de la vie. 

Bulharac, poumon, vient de bul aragha : chair 
bulleuse. 

Urina ou uriña, huile de baleine, vient dur, bas- 
que, et ignis, latin, ura ignea, eau de feu, eau in- 
flammable. Un autre synonyme de la même substance, 
lumera, lumière, vient confirmer cette origine. L'huile 
est une eau inflammable employée pour l'éclairage. 


MÉDECINE. 


La médecine, chez les Basques, ne pourrait donner 
lieu de faire des observations de quelque importance 
qu'autant que le vocabulaire en eût été recueilli par un 
médecin. Larramendi, étranger à cette science, a pu 
commettre des erreurs, qu'il ne m'a pas toujours été 
possible de corriger. 


347 

On remarquera que le nom de barber est employé 
dans le Labourd pour dire médecin. Ce nom est tout à 
fait moderne et ne remonte qu'à l'époque où le barbier 
eumulait avec sa profession celle d'exercer la médecine 
et la petite chirurgie *. 

Les noms de la fièvre, sucara et beroa, rappellent 
le feu et la chaleur que les malades éprouvent lorsqu'ils 
sont affectés de ce symptôme morbide. 

On verra encore que le mot legen sert pour dési- 
gner plusieurs maladies de peau. 

Larramendi * émet l'opinion que le nom de la /adre- 
rie est d'origine basque, et qu'il dérive de landerria, 
construit avec landerra, étranger, et eria, maladie, 
parce que la ladrerie viendrait des Cagots, restes des 
Goths vaincus, qui seraient demeurés dans la Cantabrie. 

L'opinion de Larramendi n’a aucune probabilité pour 
elle. Si une maladie porte le nom de /anderia dans la 
langue basque, ce ne doit point être la ladrerie, mais 
la pellagre des Landes; car landeria veut dire ma- 
ladie des Landes, maladie propre aux habitants des 
Landes. Cette maladie, qui existe toujours dans ce 
pays, et qui affecte principalement la peau des mains, 
qu'elle rend hideuses, diffère essentiellement de la la- 
drerie *. 

+ 

! J'ai vu à Bordeaux un diplôme datant de moins d'un siècle, qui autorisait 
un individu à pratiquer la chirurgie et à porter des plats à barbe pour enseigne ! 

? Dictionnaire trilingue, 1er vol., p. 21 

La ladrerie, presque entièrement disparue de l’Europe, existe encore dans 
la République de l'Équateur, où l'on à établi un hôpital dans lequel les malades 


23 


348 
ETHNOLOGIE. 


Sous ce titre, j'ai réuni quelques mots relatifs à la 
famille, aux races et aux nations. 

On verra plus tard que le nom de père, aila, est très- 
répandu dans diverses langues, à quelques modifica- 
tions près; que celui de mère, ama, l'est encore plus, 
et qu'il se trouve dans le sanscrit sans aucune modi- 
fication. 

Il est remarquable que le mot amila, qui veut dire 
tante paternelle en latin, soit exactement formé avec 
les mots basques ama, mère, et alta, père, et que ce 
mot veut dire mère paternelle. Cette origine du mot 
amila est si précise, que l'on ne peut douter qu'il soit 
formé avec des racines basques. 


MÉTAPHYSIQUE. 


Les Basques, privés de littérature et d'enseignement 
scientifique, ont dans leur langue beaucoup plus de 
mots pour exprimer des abstractions que l'on ne pour- 
rait le penser. Plusieurs de ces mots sont composés et 
formés d’une manière vraiment heureuse. 

Le nom basque de la métaphysique, meicetakindea, 
qui se décompose en me icela kindea, semble vouloir 


sont entièrement séquestrés. Cette maladie est attribuée, sur les lieux, à l'usage 
de la viande du porc. 

Les Juifs avaient la même opinion sur l’origine de cette maladie, et c'est pour 
cela qu’ils défendaient de manger la chair de cet animal. 


349 

dire science ou connaissance des subtilités naturelles. 

Les noms de l’âme, arima et anima, paraissent ti- 
rés directement du latin, parce que cette dernière lan- 
gue, ainsi que la nôtre, a beaucoup de dérivés de cette 
racine ‘. L'opinion contraire aurait moins de probabi- 
lités pour elle. Ce n’est peut-être même qu'avec la re- 
ligion chrétienne que ce nom a pénétré chez les Bas- 
ques. 


ARITHMÉTIQUE. 


L'arithmétique, cembateen jakindea, ou science des 
nombres, permet de faire des observations très-impor- 
tantes. 

L'examen des divers systèmes de numération usités 
chez différents peuples a déjà été l’objet des études d’un 
grand nombre de savants; car, à eux seuls, ils pour- 
raient suilire pour reconnaitre l'origine et la filiation 
des nations. 

On peut considérer dans la numération, les noms 
des nombres élémentaires et la manière d'exprimer les 
nombres élevés. 

Les noms de nombres basques s’éloignent de tous 
ceux qui sont connus, à l'exception : 1° de bi, deux, 
qui se retrouve en latin dans bis, qui veut dire deux 
fois; 2° de sei, six, qui se rapproche de l'hébreu, du 


! Les noms de l'âme ont leur origine dans celui de l'air, Anima vient du 
sanscrit et du grec, ânas, anilas, air; anémos, vent. Arima viendrait d’aer, 
grec et latin, qui a la même signification. 

L'âme, mal définie dans les premiers temps, a dû tirer son origine de mots 
indiquant des êtres ou des choses que l’on croyait impondérables. C’est là une 
preuve de la dérivation successive et significative des mots. 


350 
sanscrit, du latin; qui est italien, presque espagnol, 
et se rapproche en général des principales langues de 
l'Europe; 3° d'ica, qui existe dans onze, amaica, et 
est presque le nom de l'unité en sanscrit. 

Bat, un, est une racine qui entre dans la composi- 
tion des mots pour exprimer l'idée d'unir, de réunir, 
comme on dit en latin adunare, et en vieux français 
aduner. 

Le nombre cinq, bozt ou bortz, semble rappeler 
l'idée de la force, symbolisée par une main entière 
comprenant cinq doigts ‘. 

Le nombre dix, amar ou hamar, me paralt venir 
du verbe amar, qui veut dire lier, ou plutôt fixer 
à l'aide d'un nœud. Ce rapprochement rappelle une 
machine à calcul d'origine chinoise, qui passe pour 
avoir été inventée environ deux mille sept cents ans 
avant J.-C. 

Cette machine est formée de trois baguettes parallè- 
les sur lesquelles les dixaines étaient indiquées par des 
nœuds ou des pièces mobiles. 

N'y a-t-il point un rapport entre cette machine à 
calculer et le nombre dix hamar ? 

Si ce rapprochement était fondé, on pourrait dire 
que les Basques n'ont formé leur système de numéra- 
tion qu'en apprenant à calculer à l’aide de la machine 
qui vient d'être indiquée, et que cela n’a pu être plus 
tôt que deux mille six cents ans avant l'ère vulgaire. 


Il a été démontré depuis longtemps que l’universalité du système de numé— 
ration décimale était due à ce que l’on se sert des doigts pour compter. Une main 
entière représente donc cinq unités; ces cinq unités réunies se trouveraient ca— 


ractérisées par l'union des doigts qui fait la force de la main. 


ne dr 


: 351 

Le système de numération des Basques est décimo- 
vigésimal ; ils disent : berogei, hirurogei, laurogei, 
deux vingts, trois vingts et quatre vingls, pour ex- 
primer 40, 60 et 80. 

Ce système de numération rapproche les Basques 
des Brezads, des Français et des Géorgiens; il les éloi- 
gne des Hébreux, des Arabes, des Sanscrits, des Grecs, 
des Latins, des Goths, des races germaniques, des Po- 
lonais, des Russes, des Lithuaniens, des Espagnols, 
des Portugais, des Italiens et de la langue Romane, 
restée à l’état de patois dans l’ancienne Aquitaine. 


GÉOM!TRIE. 


La géométrie sera d’un faible secours pour l'histoire 
des Basques; seulement, elle permettra de faire quel- 
ques observations. 

Le nom de la ligne, cnuza, donne lieu de penser 
que nous en avons dérivé celui du sinus, et que ce 
nom n’a pas l’origine invraisemblable qu'on lui attribue 
généralement. 

Le nom wrka, ou bien hurka, qui entre dans la 
composition des noms des polygones, et qui signifie an- 
gle, permet de penser qu'il existait libre dans la lan—* 
gue basque. Il y existe encore, mais veut dire pendre, 
et il entre dans la composition du mot potence, wr- 
khabea. 

Le mot latin furca, et son équivalent fourche en 
français, doivent être de la même origine. 


352 

Les noms du cercle et de la sphère rappellent les 
mots boule et pelotte, français. 

Le nom de l'axe, acha, rappelle les noms sanscrit, 
aksas; grec, axôn; latin, aæis; lithuanien, aszis; 
allemand, achse; anglais, axle; français, axe; ita- 
lien, asse; espagnol, exe; et portugais, eiæ0. 

Le cône et le cylindre ont reçu des noms singuliers 
qui ne sont tirés d'aucune des langues européennes ; 
ils se nomment : bigancia, deux faces, et hirgaña, 
trois faces *. 


MÉCANIQUE. 


Les noms relatifs à la mécanique sont peu nombreux 
et sont l'indice que cette science, considérée aux points 
de vue rationnel et technique, est peu cultivée chez 
les Basques. 

Lancaya, nom collectif des machines, veut dire 
instrument où agent du travail. 

Le nom de la balance est le même qu'en latin, Zibra. 

Le nom de l'hydrotéchine est ulancaikintza. M vient 
d'ur, eau; lancay, machine ; kintza, art. 

Le nom de la mécanique considérée comme science 
n'existe point chez les Basques; et cela n'a rien qui 
puisse étonner, puisque la mécanique ne date que de- 
puis les travaux de l’illustre Galilée. C'est le P. Mer- 
senne qui rendit compte de ses travaux en France 
dans un ouvrage intitulé : Les Mécaniques de (ratilée. 


* Ces noms ont l'inconvénient d'être tirés de deux dialectes différents; mais 
je les ai laissés tels que je les ai trouvés dans le dictionnaire de Larramendi, 


353 


On pourrait être étonné de ne point trouver le nom 
de la mécanique dans le dictionnaire de Larramendi, 
et d'y trouver celui d'hydrotéchie, si lon ne savait 
que les Basques sont très-habiles dans l’art de conduire 
l'eau, à de grandes distance et à peu de frais, pour 
arroser leurs champs ou leurs jardins. 


PHYSIQUE. 


La langue basque offre un vocabulaire assez étendu 
de noms qui se rapportent à la physique. Toutefois, ces 
noms, indispensables aux usages de la vie, ne repré 
sentent pas une science constituée. Le nom qu'ils ont 
donné à la physique, icetakinda, veut dire science de 
la nature, comme le nom grec qui y correspond. 

Le nom de la vapeur, baoa, rappelle celui de buée, 
usité dans les patois du nord de la France. 

On trouvera dans les parasynonymes un assemblage 
de mots de même origine que bero, chaleur, et argi, 
lumière. 

Les Basques ont donné le nom d'üman à aimant; et 
je soupçonne que le nom de solimana, donné au mer- 
cure, est à moitié latin et à moitié basque, et veut dire 
aimant du soleil, ou plutôt aimant de l'or, parce 
que le mercure s'allie à l'or avec facilité. 

Le nom de la boussole, i{sasorratza, veut dire ai- 
quille de mer. 


« 


CHIMIE. 


Rien ne démontre que les Basques aient eu des con- 
naissances en chimie; cependant, plusieurs noms qu'ils 


ont donnés à quelques phénomènes et à plusieurs pro- 
duits sont remarquables. Tous ces noms, générale- 
ment originaux ou tirés de racines basques, donnent 
l'assurance que cette langue se prêterait à tous les dé- 
veloppements scientifiques imaginables, si les Basques 
se livraient sérieusement à l'étude des sciences. Toute- 
fois, leur pays est trop restreint et leurs dialectes trop 
nombreux pour qu'ils puissent publier des ouvrages 
importants dans leur langue avec l'espoir d'en couvrir 
les frais. 

La combinaison cum binatio, ou réunion deux par 
deux, est rendue par le mot équivalent binakidea. 

Le nom du sédiment, liac, rappelle notre mot le. 

Larramendi émet l'opinion qu'alambicar, qui veut 
dire distiller, et que l’on sait d'origine arabe, signifie 
double travail de la vapeur, parce que, dans la dis- 
tillation , elle se forme et se condense ensuite. Pour 
cela, il décompose ce mot en lan, travail; bi, deux, 
et kea, vapeur. 1 

Le nom de l'évaporation, kemeartzoa, qui vent dire 
réduire en vapeur subtile, parait être l'origine du 
verbe espagnol quemar, brüler (réduire en fumée ). 

Le verbe ur, liquéfier, veut dire réduire en eau. 

La flamme, bermea, veut dire esprit du feu. 

La cendre, hauæa, est sans doute de même origine 
qu'aulza, qui veut dire poudre, poussière. 

Le nom de l'or, urrea, parait être dù à sa ductilité ; 
il viendrait de la racine sanscrite ur, étendre. Cette 
racine vient elle-même dura, qui est le nom de l'eau 
en basque. 


Le nom du cuivre, cebrea, est analogue au cuprum 


399 
des Latins. Urraida veut sans doute dire semblable à 
l'or. 

Beruna, le nom du plomb, veut sans doute dire fu- 
sible, de ber, chaleur. 

Le nom du nitre, gatzua, veut dire sel-feu. Ce 
nom lui vient de ce qu'il active la combustion lorsqu'on 
le jette sur des charbons ardents. Il est probable que 
les Basques connaissaient ce nom avant de venir en 
Europe; sans cela, ils eussent probablement adopté un 
des noms latins nitrum ou sal petreus. 

Beira rappelle le nom du verre, et ce nom ne parait 
pas avoir été accepté en Europe. 

Le nom de cupritza, donné au verdet, a dû être 
formé avec la racine latine cuprum , et par conséquent 
adopté en Europe. Ce produit est fabriqué dans les en- 
virons de Montpellier depuis un temps immémorial. 

Le nom de l'huile, oliva, rappelle l'olivier et le nom 
latin oleum. 

Les noms du vin sont nombreux, et l'un d'eux, noa, 
mérite une mention toute spéciale à cause du nom de 
Noé, à qui l'on en attribue l'invention. Ce nom est-il 
une indication traditionnelle qui rappelle que les Bas- 
ques ont eu connaissance de Noé? Il serait de la plus 
haute importance d'avoir une solution précise de cette 
question. “ 

Un des noms de l’eau-de-vie, wsutua, veut dire eau 
de feu. 

Un des noms de la cire, argicaya, indique qu'elle 
était employée pour l'éclairage; car ce nom veut dire 
producteur de lumière. 


390 

Le nom de Falchimie, urrekintza, veut dire art de 
l'or. 

Le nom de filosofarria, pierre philosophale, moitié 
grec, moitié basque, renferme deux fois le son /, qui 
n’est pas de cette dernière langue. C'est done un mot 
récemment introduit dans la langue basque. 


ÉTAT SOCIAL. 


Toutes les connaissances d’un peuple, toutes ses con- 
ditions d'existence, se rapportent à son état social. Ce- 
pendant, j'ai réuni dans un article spécial ce qui se 
rattache le plus immédiatement à cet ordre : le mode 
de gouvernement, les différents rangs de la société, la 
législation, la guerre, la navigation. La religion, qui 
joue un rôle si important dans l'existence des peu- 
ples, a été traitée à part pour ne point trop augmenter 
cet article. 


Gouvernement 


Des deux noms d’une république, dierondea et er- 
republica, le premier est basque, le second est positi- 
vement latin, et tous deux ont à peu près la même va- 
leur. 

Les différents noms de l'empire, mempea, jabaria, 
agindea, veulent dire commander ou diriger. 

Bateronkia, royaume, semble indiquer une réu- 
nion sous un seul chef ou en une seule masse; erre- 
ñua doit être latin. 

Les noms des chefs, burua et buruzagia, dérivent 
de tête et correspondent à notre mot capitaine, dans 


me 


357 
le sens où nous disons que tel guerrier fut un grand 
capitaine; agintaria correspond au mot duc, et indi- 
que cependant plutôt celui qui fait agir que celui qui 
dirige. 

Des noms de la noblesse, le plus ancien semble vou- 
loir dire : lumière de la lignée où de la famille, et 
ce nom indique le haut prix que les Basques attachaient 
à une origine distinguée. Le mot noblecia est proba- 
blement d'origine française ou espagnole. 

Le nom du peuple, jendaiea, est de la même ori- 
gine que gens, latin et francais, et se retrouve dans 
le verbe grec gennaô, engendrer, et dans la racine 
sanserite jan, naître, produire. Ces filiations linguis- 
tiques indiquent que les Basques primitifs ont rattaché 
l'idée de race à celle de peuple, et peut-être bien aussi 
celle d'une espèce de confraternité. 

Jauna, nom par lequel on honore celui à qui lon 
parle, se rattache à une foule de noms répandus dans 
toutes les langues principales d'Europe et d'Asie, et 
qui expriment l'idée d’un homme supérieur, et quel- 
quefois même de la Divinité. ( V. les parasynonymes. } 

Les Basques ont plusieurs noms pour exprimer la 
domesticité, la servitude et l'esclavage. Kitagea veut 
dire privé de liberté, et c’est bien le nom de l’escla- 
vage. Mempecoa et serbitua paraissent tirés du latin. 
Lotekintza, employé comme servitude, rappelle peut-- 
être l'ilotisme de Lacédémone. Le nom de mutyla 
rappelle peut-être aussi le nom des eunuques, par l'o- 
pération barbare subie par ces malheureux. Morroya 
et morroca semblent rappeler les esclaves Maures que 
lon employait dans les temps anciens. 


358 

Tous ces termes, moins un, recus de l'étranger, dé- 
montrent que les Basques les ont acceptés pour parler 
de ce qui se passait chez d'autres peuples, plutôt que 
de ce qui avait lieu chez eux. Xitagea parait avoir été 
employé pour dire qu'un homme avait perdu sa hberté ; 
car Strabon nous apprend que les Basques avaient un 
tel respect pour leur propre liberté, qu'ils ne faisaient 
point d'esclaves. 

Le nom de /anderra, employé pour exprimer l'é- 
tranger, paraît dériver du mot teutonique land, qui 
veut dire terre : ceux qui habitent la terre étrangère. 

Les Basques ont connu des pauvres et des riches, 
et parmi ces derniers, ils distinguaient ceux qui étaient 
peu fortunés de ceux qui demandaient leur nourriture, 
ezkaleac. 

Le riche, aberatsa, était le possesseur. (V. p.274.) 

Les Basques nommaient les Zinganes ou Bohémiens 
errants, Asiagambaria et Igitucoa. Par le premier 
mot, on peut admettre que les Basques n'ignoraient 
pas que ce peuple vagabond était originaire de l'Asie : 
découverte assez récente pour les Européens, et qui a 
été faite au moyen de la linguistique. Le second nom 
aura été adopté postérieurement et à l'exemple de plu- 
sieurs peuples européens, qui faisaient venir les Zin- 
ganes de l'Égypte. 

On peut encore conclure que les Basques ont eu des 
professions variées, et ont connu le mariage depuis un 
temps très-considérable, parce qu'ils ont des mots 
fort anciens pour exprimer ces choses. 


ns, 


Législation. 


La loi écrite n’a pu évidemment exister qu'après 
l'introduction de l'écriture chez les Basques; aussi lé 
criture proprement dite ayant été introduite par les 
Latins, le nom de la loi, lege, doit être d’origine la- 
tine ou romaine. 

Le droit, neurtartea, veut, à proprement parler, 
dire l'art des mesures, mais peut-être bien aussi le 
code des règlements. 

Le jugement, debedea, parait avoir dû être consi- 
déré comme un devoir auquel il faut satisfaire. 

Les Basques, d’ailleurs, connaissaient les délits et 
les crimes, et ont des noms pour les distinguer. 

Le nom du bourreau, burreba ou burreroa, parait 
être l’origine certaine de notre mot bourreau, car il 
dérive du mot burua, qui veut dire téte en basque, 
et qui démontre que l'office de l’exécuteur des hautes 
œuvres était de donner la mort en coupant la tête. 


Guerre. 


Les noms relatifs à la guerre né manquent pas chez 
les Basques, qui de tout temps ont été des hommes in- 
trépides. 

Les noms du guerrier, gudaria et gerratia, rap- 
pellent la même origine que notre mot guerre. Mais 
quelle est la racine primitive de ces mots? On retrouve 
la racine gud dans ingudea, enclume. La particule 
in indique, à n’en pas douter, que ce mot dérive du 


360 
latin incus, incudis, qui exprime la même chose. Cu- 
dere veut dire forger, et a dù signifier primitivement 
frapper, battre; car cusio est l'action de frapper ou 
de battre la monnaie. Le guerrier est done celui qui 
frappe ‘. 

En général, j'ai remarqué que, dans la plupart des 
langues, une bonne partie des noms indiquant le guer- 
rier ou la guerre, dérivent de frapper, battre, ou de 
l'instrument avec lequel on frappe. 

Les mots battre, se battre, combattre, donnent 
une idée de ce qui vient d'être dit. 

Le mot grec palè vient de la racine pal, bâton, 
pieu, qui est resté dans notre langue jusque dans le 
dernier siècle écoulé, et qui existe encore dans la lan- 
gue espagnole, palo. 

Mazè vient probablement de la racine primitive mac, 
faire, agir, combattre; et, de plus, ce mot renferme 
peut-être aussi le nom de la main, xévr. 

Le verbe latin pugnare vient de pugnus, le poing, 
comme nous disons en venir aux mans. 

Le mot soldadua est probablement moderne et in- 
dique le militaire payé ou soldé pour se battre. 

Le mot campicheca, tente, veut dire abri de cam- 
pagne. 

Le mot arma est commun aux Latins et à la plupart 
des peuples modernes. 


‘ On pourrait pousser plus loin l'analyse des mots gudaria et gudartaria , 
en gud arria et gud art arria, qui voudraient dire : coup de pierre , Ou quer— 
rier lancant des pierres, Ou guerrier exercé à lancer des pierres; mais uria 
et taria sont des sufixes qui servent pour former des adjectifs. 


301 

Le mot lanza, lance, qui était sans doute un jave- 
lot destiné à être lancé à la main, est resté dans notre 
langue. 

Le mot pica, pique, ou instrument long et aigu , est 
commun à un grand nombre de langues. 

Les noms de la flèche sont nombreux; ils indiquent 
que les Basques en ont puisé dans plusieurs langues. 
Istoa, ou plus simplement ist, est tiré de l'onomato- 
pée et exprime le sifflement de la flèche lorsqu'elle est 
lancée; quecia, une pointe où un dard de querre; 
sayeta rappelle le mot sagitta des Latins et celui de 
zagae, si répandu qu'on le rencontre dans presque 
toutes les langues. 

Les noms de la fronde, aballa et aballaria, rap- 
pellent la balle qu’elle sert à lancer. 

Le nom ezpala, qui est sans doute un mot composé, 
est de la même origine qu'espada, spada et épée. 

Il est une foule d'autres mots moins importants qui 
offrent encore des analogies remarquables et que l’on 
trouvera dans le vocabulaire. 


Navigation. 


Des noms relatifs à la navigation, il en est un fort 
remarquable, c’est batoa ou batel. Ce nom dérive, à * 
n'en pas douter, de bat, nom de l'unité, et indique que 
les bateaux, contrairement aux canots évidés dans le 
tronc d'un arbre, sont formés de pièces réunies. Le 
nom du bateau dérive donc de la langue eskuarienne, 
et les Basques sont probablement les inventeurs des 


302 
barques formées par un assemblage de morceaux de 
bois. 

Le nom du navire, untzia, rappelle les noms étran- 
sers onou, des Samoyèdes, et ongosou, des Toungou- 
ses, peuples qui habitent près des régions polaires, et 
viennent confirmer ce qui a été dit précédemment 
relativement aux lieux anciennement habités par les 
Basques. 


RELIGION. 


Avant d'être chrétiens, les Basques avaient reconnu 
un être supérieur qu'ils nommaient Jaincoa, Seigneur 
d'en haut. Ce nom composé, dont le premier terme se 
rattache à une racine répandue chez tous les peuples 
tant anciens que modernes de l'Europe et de l'Asie 
( V. les parasynonymes), peut être fort ancien; ce- 
pendant, il n’a dû dater que de l'époque où plusieurs 
familles réunies se sont données un chef commun, qui 
a pu être appelé Jauna; car pour distinguer le Sei- 
gneur d'en haut, il faut avoir reconnu celui d'en bas, 
ou celui auquel on obéit sur cette terre. 

Ïl n’y a aucune trace linguistique qui ait pu me dé- 
montrer que les Basques aient été idolàtres ou poly- 
théistes. Est-ce dû au défaut de leur imagination, qui, 
pleine de positivisme, ne crée ni n’adopte les idées fan- 
tastiques, superstitieuses et religieuses des races sémi- 
tiques? On peut le penser. Les Basques ont eu des cou- 
tumes bizarres, qu'ils ont transportées d’une région dans 
une autre, mais qui n'ont aucun rapport à ces croyan- 


363 
ces plus poétiques que rationnelles, où les produits 
d'une imagination exaltée tiennent lieu de la réalité. 

Il ne faut cependant point oublier de noter qu'Ignace 
de Loyola, fondateur de l'Ordre des Jésuites , était Bas- 
que; mais cet homme à fait preuve de fanatisme plutôt 
que de religion. 

Le nom de l'idole Ceagia parait venir de la particule 
ez *, et d'agin ou egin, faire agir, et paraitrait vou- 
loir dire sans puissance. 

Il va sans dire qu'à de très-faibles exceptions près, 
les noms relatifs à la religion catholique, observée par 
les Basques, sont modernes et des sub-homonymes de 
ceux qui sont usités chez les autres nations. 

Ils distinguent le paradis, paradisua, du ciel, ze- 
rua *. 

D'où l'on peut penser que les Basques méprisaient 
les idoles, et les considéraient comme de faux dieux 
ou des êtres impuissants et dont on attendrait en vain 
quelque secours. 

Les Basques ont cependant le mot arrilu, synonyme 
d'ensorceler, et le mot sorregin, qui veut dire 7e- 
ter un sort, qui témoignerait qu'ils ont partagé cette 
fausse croyance, qu’un individu pouvait jeter un sort 
à un autre et en faire ainsi sa victime. Cela n’a d'ail- 
leurs rien d'étonnant : l'ignorance et la superstition 
laissant le champ libre à l'imagination, permettent 


| Ez est souvent transformé en ce dans la langue basque. 

? Le nom du paradis, que l’on dit d'origine persane, s’analyse fort bien en 
grec, et voudrait dire auprès de Dieu. Ce serait le séjour dans lequel les élus 
seraient appelés à jouir de la présence de Dien. 


24 


364 


d'admettre une foule de choses impossibles. If n'y à que 
la science et la saine philosophie qui aient pu extirper 
ces erreurs si fatales au genre humain. 

Le nom de Jaincobagea est la paraphrase d'athée 
et veut dire sans Dieu. 

Le nom de donedea, donné aux choses saintes, vient 
d’une racine qui exprime la domination et qui est ré— 
pandue dans une foule de langues. ( V. les racines pa- 
rasynonymiques. ) 

Les noms divers de la création sont remarquables, 
en ce sens qu'ils expriment en général l’action de fœre, 
du verbe egin, et mème celle de faire quelque chose 
avec rien, baguelic. 

Les Basques paraissent n’avoir connu les temples, 
temploa, que par les Romains. Effectivement, on ne 
trouve dans les pays basques aucune trace d'anciens 
monuments qui auraient pu être consacrés à un culte 
religieux. Le nom elizea est une simple imitation du 
mot ecclesia, qui est d'origine grecque *. 

Obi, sépulture, est aussi le nom d'un fleuve consi- 
dérable du nord de l'Asie *. 


‘ Église vient d'eklégô, choisir. On traduit généralement le nom d'église par 
l'assemblée des fidèles; mais ce nom peut dire plus encore : il indique un choix 
de personnes tirées de la foule des autres personnes; car Leégô seul veut dire choi- 
sir, appeler, et ek lego veut dire tirer de la foule ceux qu'on appelle; en un 
mot, choisir. Les membres de l'Église sont les élus. 

Élirea, nom basque, est plus prochain du verbe français élire que de tout 
autre nom. 

? Ce nom semblerait indiquer que le verbe latin obire n’a pas besoin d'un 
complément pour exprimer l'action de mourir. Par exemple : obire, seul, veut dire 


mourir, aussi bien qu'obire diem 


mm 


365 


AGRICULTURE. 


Les noms de l'agriculture, achurza, aitzutza, ont 
cela de singulier que tous deux commencent par ach 
et aitz, qui sont des noms de la pierre ou du rocher 
en basque. Or, comme on ne cultive point les pierres, 
mais que l’on peut cultiver à l’aide de pierres, il est 
probable que les premiers instruments agricoles des 
Basques étaient armés de pierres dures qui leur per- 
mettaient de pénétrer dans le sol. 

L'agriculture, chez les Basques, a donc dû précéder 
l'emploi du fer et du bronze pour faire les instruments 
agricoles. 

Dans les terres polaires, où les métaux sont rares et 
où l’on n’a pas même un morceau de bois pour faire un 
manche d'outil, on emploie les bois du renne ou de l’é- 
lan pour faire des instruments agricoles. 

Le nom du joug du bœuf, u{zarria, contient aussi 
un troisième nom de la pierre arria. Cette coïncidence 
est vraiment remarquable *. 

Il est probable que le joug n’a pu être fait avec de 
la pierre, car il eût été fort pesant et bien peu solide; 
mais, sous ce nom, on confondait probablement l’ins- 
trument aratoire et le joug des bœufs, qui pouvaient ‘ 
être réunis en une seule pièce *. 


Utz pourrait ètre de la même origine que les racines sanscrites us et de, 
pénètrer, percer. Utzarria voudrait dire pierre qui perce , qui entame La terre. 


? Dans les montagnes du nord de l'Espagne, on emploie une charrue excessi- 


366 

Lantzea, qui veut dire encore agriculture, vient 
sans doute de landa et d'antzea, industrie de la terre. 

La ferme porte le nom d'acienda, d'acia, semence, 
grain, parce que c’est dans ses greniers que l’on con- 
serve les grains provenant des récoltes. 

Dans le dialecte du Labourd, l'a d'acienda est aspiré, 
et l'on écrit hacienda. La ferme étant la demeure de 
celui qui dirige les travaux des champs, il est possi- 
ble que les verbes /acere, latin; hacer, espagnol, et 
faire, français, dérivent de hacienda. 

Les noms suivants présentent des analogies encore 
plus douteuses que les précédentes : 

Le nom de la charrue, goldea, semble venir de ce 
qu'elle coupe le sol en faisant des sillons. 

Le nom de la herse, area, semble venir de ce qu'elle 
égalise le sol et en fait une aire. Le nom de la charrue 
en latin, aratrum, parait avoir une origine semblable. 

Pour que l'homme se livràt à l'agriculture, il à fallu 
qu'il observat que les plantes se reproduisent par leurs 
graines, et qu'il fit de plus cette réflexion : qu'une plante 
en donnant plusieurs, il serait possible de multiplier 
beaucoup celles qui sont utiles, en recueillant leurs 
graines et les enfouissant dans une terre disposée pour 
cela. 

Ce résultat des observations et des réflexions de nos 


vement simple : elle est formée par deux pièces de bois, réunies en T, mais 
faisant entre elles un angle d'environ 500. La pièce représentée par la tige du 
T peut être fixée au oug. La deuxième pièce, représentée par la barre de cette 
lettre, entame la terre par une extrémité, tandis que Pautre, tenue dans la main 
du laboureur, sert pour diriger tout l’appareil. 


307 
premiers pères, dont nous jouissons sans même nous 
enquérir de son origine, a dû demander bien du temps 
si nous en jugeons par les progrès des inventions de no- 
tre époque; car il a fallu arriver jusqu'au milieu du dix- 
huitième siècle, pour que lillustre botaniste Linnœus 
nous enseignàt comment les plantes se fécondent. 

Si l'étude de la nature à pu conduire à l'agriculture, 
il est une pratique, fort ancienne déjà, qui a du de- 
mander plus de temps encore pour se produire : c’est 
l'emploi des engrais pour fumer les terres. Il a fallu 
observer que les plantes poussaient en plus grande 
abondance dans les lieux où l’on avait déposé des ex- 
créments : de là, l'idée d'en introduire dans le sol pour 
en réparer les pertes et en augmenter le rendement. 

L'agriculture est l'indice d’une augmentation de la 
population et d’un progrès de la civilisation. 

Les Basques nomment l’engrais abono, et par là ils 
semblent vouloir dire bonificateur où améliorateur. 
Hon veut dire bon en basque, et l'emploi du b semble- 
rait indiquer qu'ils ont tiré cet usage des Latins. Je dis 
des Latins et non des Francais, parce que les Basques 
du Labourd, qui sépare la France du reste de la Canta- 
brie, ont un autre terme et disent cekina. 

Il résulte de là que les Basques connaissaient les en- 
grais avant de venir en Europe, mais qu'ils ont acquis 
de nouvelles notions sur cette matière par les peuples 
de Fltalie. 

Pour l'expression de fumer les terres, les Basques 


ont encore gorotzu, cimaurtu, basaralu et inaur- 
kindu. 


368 
Le premier verbe à quelque analogie avec le nom 
grec kôpros, et, il faut le dire, avec notre mot crotte. 
Le second parait se rapprocher du mot fimus des 
Latins; le troisième, venant de bas aratu, semblerait 
vouloir dire cultiver ou rendre producteurs des lieuæ 
incultes ou sauvages. 


INDUSTRIE. 


L'industrie, peu développée chez les Basques, com- 
prend cependant quelques arts dont les noms sont ras- 
semblés dans le vocabulaire. 

Le nom ekintza, fabrique, vient du verbe egin, 
faire *. 

Les noms 2cazkintza, fabrique de charbon, et bei- 
rakinlza, verrerie, s'expliquent facilement. 

Le nom du cordonnier, zapataria, est l'origine du 
mot zapatero des Espagnols, et se retrouve par sa ra- 
cine dans notre mot savaile. 

Le nom du moulin, errota, rappelle la forme cireu- 
laire de la meule par celle d'une roue, rota en latin. 

Aizerrota, moulin à vent, vient d’aice, vent, et de 
la racine précédente. 

Errotarria, nom de la meule, veut dire roue de 
pierre. 

Le verbe filer, irun, rappelle celui d'une ville d'Es- 
pagne non loin de la Bidassoa. 


* La racine de ce verbe paraît n’être pas étrangère aux racines ag, mouvoir 
en sanscrit; ago, faire, agir, en latin, et ag, aller, conduire, en grec. 


369 

Aria, le nom du fil, semblerait indiquer que l'on a 
filé la laine du bélier, aria, avant de chercher dans les 
plantes une fibre textile. Ce nom a encore cela de sin- 
gulier, qu'il rappelle le fil d'Ariane dont se servit Thé- 
sée pour se guider dans le labyrinthe de Crète *. 

Les verbes eo et cheitu semblent exprimer : l’un, éo, 
le mouvement que fait le tisserand; l’autre, l'emploi de 
la main, xéir en grec. D'où il résulterait que si les 
Basques ont précédé les Grecs dans l’art de filer la laine, 
ceux-ci leur ont enseigné à tisser leur fil. 

L'un des noms du tisserand, cheila, vient à l'appui 
de cette origine ; il voudrait dire main et laine, ou tra- 
vail manuel de la laine. 

Le nom de la toile, enta, veut dire une chose tissée ; 
celui de tela a été introduit postérieurement chez les 
Basques par les Latins et peut-être par nous. 

Un des noms de la soie, ciricua, en rétablissant 
l'orthographe, semble indiquer que les Basques ont 
connu cette substance par la Syrie; et c'est effective 
ment par cette contrée qu'elle a dù être introduite en 
Europe avant que le ver à soie y fût cultivé. 


COMMERCE. 


Les Basques ne produisant que pour eux-mêmes, 
se Sont généralement peu livrés au commerce. Les noms 
du vocabulaire relatifs à cette partie sont représentés 


! Ce nom fort remarquable rapproche les Grecs des Basques par leur origine 
la plus reculée. Le verbe grec hard, ajuster, allier, accommoder, vient proba— 
blement de la même origine, et serait postérieur à l'emploi de la laine du bé— 
lier pour faire du fil formé de brins de laine que l’on ajuste et relie ensemble. 


370 
par quelques verbes qui se trouvent dans le catalogue 
de ces dernies, tels qu'acheter, erostea; vendre, sal- 
cea, bercerencea; payer, pagatu, elc. 


ARCHITECTURE. 


Sous le nom d'architecture, j'ai réuni plusieurs ter- 
mes relatifs aux habitations et aux constructions en gé- 
néral. 

Murrua rappelle le mot latin murus, et les mots 
français mur et muraille. 

Eïtchea, echea, maison, rappellent le même nom, 
Oixos en grec, le mot chai, français, usité à Bordeaux 
pour désigner un grand cellier à l'usage des négociants 
en vins, et le mot che, des chinois 

Iria où hria, ville, parait venir de l'hébreu, îr, 
mot qui a la même valeur. 

Le nom d’une forteresse, gaztellu, rappelle celui de 
castellum , latin; de castel, de chastel et de château, 
français. 

Les noms qui viennent d'être comparés sembleraient 
indiquer l'inverse de ce qui a eu lieu : que les Basques 
ont connu les murailles par les Latins ; puis que, mar— 
chant vers la Grèce, ils y ont connu les maisons ou 
constructions spacieuses et commodes à plusieurs com- 
partiments; que, marchant toujours vers lorient, ils 
ont connu les villes par le peuple hébreu; et que, re- 
venant enfin vers l’ouest, ils ont accepté le mot castel- 
lum, une forteresse ou un château fort; dont ils ont 
fait gazstelua. 


4 


RÉ 


371 

L'itinéraire qui vient d'être tracé n'étant point en 
rapport avec les indications tirées des autres parties 
étudiées jusqu'à ce moment, il est plus convenable d'ad- 
mettre que les Basques, les Latins et les Grecs, ont pu 
puiser à une même source les noms qu'ils possèdent 
en commun; que cest bien aux Hébreux que les Bas- 
ques ont emprunté 22, le nom des villes, à leur arri- 
vée dans le nord de la Chaldée. Quant au mot gaztelu, 
il est propre aux Basques, et c'est par eux qu'il a dû 
être communiqué aux Latins, puisque les Brezads pos- 
sèdent le mot castel et qu'ils viennent de la même ori- 
gine que les Basques. 

Un autre mot, tiré du vocabulaire de l'architecture, 
vient rappeler cette communauté d'origine : c’est es- 
tratea, rue, qui rappelle les mots séreet des Anglais 
primitifs, et stread des Brezads, leurs congénères. 

Le mot cale se retrouve dans le castillan, calle, rue. 


BEAUX-ARTS. 


Les beaux-arts ont été peu cultivés par les Basques. 
Vivant indépendants, ils se contentent de leur liberté. 
Je dois cependant dire qu'ayant traversé à petites jour- 
nées les pays basques espagnols dans toute leur lon- 
gueur, depuis Santillana jusqu'à Saint-Sébastien, en 
passant par Puente de Arce, Bilbao, Azpeitia et Tolosa, 
J'ai rencontré des châteaux de la renaissance ruinés, qui 
attestaient une élégante architecture et étaient recou- 
verts de riches sculptures. Le portail de l'un d'eux était 
encore debout; son sommet était surmonté d'une statue 


372 

de femme habillée portant un cornet, qui était d'une 
grande pureté de forme et d’un effet admirable. Sur les 
maisons de Santillana, on remarque un grand nombre 
d'écussons très-bien sculptés; mais là on n’est pas à 
proprement parler dans les pays basques. On peut 
encore citer le monument élevé à la mémoire de Loyola, 
dans une pleine située près d’Azpeitia. 

Le nom de la sculpture, otallua, et celui des sta- 
tues, {allua, rappellent notre verbe tailler, ainsi que 
je l'ai déjà dit *. 

La musique, otsankida, rappelle le son qui la pro- 
duit : ofs. 

Le nom de la danse, dantza, rapproche les Basques 
des Brezads, et les éloigne des Espagnols, qui disent 
bailar pour danser. 

Le chant, cantua, se retrouve dans le latin, le bre- 
zon et le français. 

Comme on a dansé et chanté à toutes les époques, il 
est probable que les peuples qui ont des noms sembla- 
bles, ou à peu près tels, pour exprimer ces actions, 
sont de la même origine. 

Il serait illogique d'admettre que les mots cantua 
et dantza fussent tirés du latin : les Basques ont 
chanté avant qu'il fût question du peuple qui a parlé 
celte langue. 


OBJETS USUELS. 


Sous le nom d'objets usuels, j'ai réuni une foule 


Le nom piédestal, français, vient peut-être du mot tallua. 


373 
d'objets, d'outils et d'instruments qui n'ont pu trouver 
place dans les divisions précédentes. Ces objets sont 
fort nombreux et peuvent donner des renseignements 
très-utiles. Cependant, pour ne point trop prolonger 
une dissertation déjà fort longue, je ne m'occuperai que 
des principaux. 

Le marteau, mallua, et la bits lima, rappellent 
le nom du maillet et de la lime, français, ainsi que 
malleus et lima, latins. Il a déjà été dit d'où vient le 
nom de l'enclume. 

Le nom de la faux, igitaya, semble indiquer qu'elle 
vient d'Égypte, à moins que son nom ne vienne d’egin, 
faire, agir, et de {ailler ‘, et veuille dire couper en 
agissant. [taya voudrait dire aussi couper en allant. 

La fourche, sardea, semble dire de Sardaigne. 
Cependant, la fourche est une chose si simple, offerte 
naturellement par les branches des arbres, que l’on 
peut douter de cette origine. Hurka, un angle, parait 
être l’origine des mots furca et fourche. 

Jostorratza, le nom de l'aiguille à coudre, est un 
nom composé qui semble indiquer tout à la fois le verbe 
joindre et le nom de la couture; de telle manière que 
joindre et coudre viendraient d’une même racine. 

Le nom du plat, platea, et le nom de la tasse, taza, 
rappellent les noms qui les expliquent en français; le 
dernier est aussi persan. Luborlla, plat de terre, veut 
dire un rond de terre. 

Cullida et collara, cuiller, rappellent l'action de 
cueillir. 


* Cette racine a dù exister dans la langue basque. (r. 1 Partie, p2697) 


374 

Canibeta, nom du couteau, rappele le Ænife, an- 
glais, et notre canif. 

Les noms divers de la cuisine rappellent zu, nom 
du feu employé pour cuire les aliments; comme les. 
noms français, espagnol, italien, portugais, allemand 
et anglais rappellent l'action de cuire. 

Le nom dela bière, gararnoa, veut dire vin d'orge. 

Les noms du fromage, gazla, gazlaya, et même 
gasna, rappellent notre mot français gâlé, gasté, qui 
en est la racine, et caseum pourrait bien aussi en dé- 
river. Ce nom viendrait de ce que l’on fait le fromage 
avec du lait gâté. 

Avee un peu d'attention, les autres noms du voca-. 
bulaire consacrés aux objets divers fourniront d’autres 
analogies. 

Le nom du rayon de la roue, besagu, parait être 
connu des Basques depuis fort longtemps; cependant, 
leur pays est encore sillonné par une foule de voitures 
de charge ou de transport dont les roues sont pleines 
ou seulement évidées par deux ouvertures percées dans 
les madriers qui les forment. Les essieux de ces voitu- 
res sont généralement en bois; aussi font-elles enten— 
dre un bruit fort incommode. 


DIVERS. 


Dans ce groupe se trouvent réunis des noms qui 
n'ont pu trouver place dans les groupes précédents. On 
peut remarquer parmi EUX : 

Andrea, dame, maitresse de maison, féminin du 
grec anèr, gen. Andéros, mari; rencontre bizarre, qui 


375 
placele mari chez les Grees et la femme chez les Basques! 

La lampe, argiontzia, veut dire vase-lumière! 

Lampa vient probablement du grec. 

Baga, vague de la mer. Vague, qui est aussi le signe 
de l'incertitude ou de l'indétermination dans notre lan- 
gue, devient une négation dans le dérivé basque bagea. 

On a cherché l’origine du mot français bouteille 
sans la trouver. Ce nom vient du diminutif de bota, 
une outre à vin, en basque et en espagnol. Botella 
est une petite outre ou une bouteille *. 

Quand on compare la vie à un sentier, on ne se 
doute pas généralement que sentier et vie deviennent 
presque homonymes dans la langue basque, comme 
dans la nôtre d’ailleurs : bicia, la vie; bidia, une 
voie. 

On trouve du reste, dans ce groupe, d'autres ana- 
logies faciles à saisir et qu'il est inutile d'indiquer : tel- 
les sont celles relatives aux mots ampolla, barrica, 
caxæa, hucha, arca, espia, salaria, ermua, trabail- 
lua , plama, virgina et usura, qui correspondent à 
ampoule, barrique, caisse, huche, arche (coffre), 
espion, salarié (espion), ermite, travail, feuille de 
papier, vierge et usure. 


! Le nom de l'outre, bota, vient sans doute de celui des bottes avec les- 
quelles nous nous chaussons, parce qu'on les a d'abord faites avec des peaux 
sans coutures et liées à leurs ouvertures naturelles comme une outre. 


376 


ALJECTIFS, VERBES, ADVERBES, PRÉPOSITIONS, CONJONCTIONS, 


Les généralités relatives aux parties du discours de 
la langue basque se trouvent dans les notions gramma- 
ticales placées en tête des II° et IV® Parties. 


Racines de la langue eskuarienne. 


Si l'analyse des langues et la comparaison des mots 
qui les constituent peuvent donner des renseignements 
sur l’histoire sociale des peuples primitifs, l'étude de 
leurs racines ne parait pas devoir être moins féconde en 
heureux résultats. En effet, il y a une analogie évi- 
dente entre rechercher les racines d'une langue et re- 
monter à l'origine du peuple qui la parle. La compa- 
raison de ces racines avec celles des autres langues, 
l'étude de la formation des mots, nous permettraient 
pour ainsi dire d'assister à l'évolution sociale des races 
et des nations. 

Il serait bien à désirer que l'analyse des langues fût 
facile à faire, car il est évident que l’on en retirerait 
d'immenses avantages; mais il n’en est point ainsi : ce 
n’est que par un grand travail et une application cons- 
tante que l’on y peut parvenir. Ce qui a été dit dans la 
re Partie le démontrerait, si cela n’était une chose re- 
connue de tous ceux qui se sont occupés de linguistique. 

Il faudrait d'abord savoir au juste ce que l’on en- 
tend par racines d'une langue, et où l’analyse peut et 
doit s'arrêter. Il n’y a rien de décidé à cet égard. Les 


377 

uns veulent que toutes les racines des langues soient 
tirées de l’onomatopée. Un auteur, dont je tairai le 
nom, veut qu'elles soient tirées de l’interjection. D'au- 
tres veulent qu'elles viennent des noms des êtres; les 
autres les voient dans les verbes. Au lieu de discuter 
la valeur de ces diverses opinions, je vais me borner à 
raconter ce qui m'est arrivé en cherchant les racines 
de la langue basque; cet exemple sera plus utile qu'une 
dissertation. 

Après avoir fait-un vocabulaire d'environ deux mille 
acceptions principales de la langue basque, j'ai cher- 
ché les racines de ces acceptions, et j'en ai trouvé onze 
cent cinquante-huit *. 

L'étude et la réflexion m'ont appris que plusieurs raci- 
nes que j'avais adoptées sont des mots dérivés, ou même 
quelquefois des mots composés. Ezfin, quelques mois 
après le premier travail, j'ai soumis à un nouvel exa- 
men les racines commençant par la lettre À, et sur cent 
soixante-deux racines, j'ai obtenu les résultats suivants : 


Racines ayant la même valeur dans diverses 


EDEN CEA CIEL SP EPP ETES ARE COL RES 7 

Racines analogiques ou ayant une acception 
prochaine dans d’autres langues... 42 
Racines dérivées d’autres racines basques. 23 
Mots composés... écho escorte douce Ten 
Racines réelles et propres à la langue basque. 73 
162 


! Le nombre des racines élémentaires de la langue basque ne s’élèverait guère 
au dela de deux mille, si l'on opérait sur les treize à quatorze mille mots dont 
elle se compose. C’est parce que les mots élémentaires ont été choisis qu'ils ont 
donné un nombre de racines relativement aussi élevé : presque tous les autres 
sont des dérivés. 


378 


Sur les soixante-treize racines qui aujourd'hui me 
paraissent propres à la langue basque, il y en a douze 
qui peuvent être composées et dont j'ai une des racines 
constituantes. [| y en a encore quatre autres qui me 
paraissent l'être, mais dont je n'ai aucune racine; le 
nombre des racines proprement dites est donc réduit 
à cinquante-sept. Dans quelques mois, il le sera peut- 
être à cinquante, et dans un an il pourra y en avoir 
encore moins, si j'ai le loisir d'y songer. 

On ne trouve pas les racines d’un mot quand on le 
veut; il faut pour cela saisir des analogies qui ne se 
présentent pas toujours d'elles-mêmes. C'est ce dont 
il sera facile de se pénétrer en cherchant les analogies 
qui relient les mots suivants : 


Hamua............. hameçon. 
Haha ere 

AmarIILE ELA IA MmMÈrEt 
Amarra...........…. Cancre (crustacé ). 


Amaratu........... . amarrer. 
Amore............... amour. 
Hamon.........….. harpon. 


En faisant dans l'orthographe de ces noms quelques 
changements permis par les divers dialectes de la lan- 
gue basque, les réduisant à leur forme indéfinie et les 
mettant dans un autre ordre, nous aurons le tableau 
suivant, qui rendra les analogies plus faciles à saisir : 


AIRE dE ARTE mère. 
ANOMEE  ER eos e amour. 


— nn 


Amar... REC ARE lien. 
Amar ae. leo dix. 

1 CNT PEER ERS . hamecon 
Hamon 53.13. ab harpon. 


Amarra.........….…. homard. 


Les liens qui unissent une mère à ses enfants sont 
le plus bel exemple de l'amour. Lier, c'est amarrer: 
amarrer, c'est arrêter, c’est fixer les animaux à l'ex- 
trémité d’un lien terminé par un hamecon ou un har- 
pon. 

Il a déjà été dit comment le nombre dix, amar, de- 
rive d'amaratu, et il suffit de considérer les pattes des 
crustacés, tels que les crabes et les homards, pour 
comprendre comment ces animaux peuvent amarrer 
leur proie *. 

On a vu qu'aizcora, la hache, dérive d’aitz, pierre 
ou rocher. Il doit en être de même d'aiztua, le cou- 
teau, et d'aitzura, bècher *. Asbida, le larynx, de- 
vient asne bidea, la voie de la respiration ou le 
passage de l'air. Acienda, la ferme, devient l'endroit 
où l’on serre le grain, acia; et bien d’autres mots en- 
core que je pourrais expliquer sans sortir de la lettre À. 

Parmi ceux-ci, il en est un trop remarquable pour 
que je le passe sous silence : c’est airgea, ténèbres. 
Ce mot s'analyse assez facilement en air gea *, sans 
air... Si l'on considère que, dans les temps primi- 


! Amar est basque , hébreu et français, Homard est sans doute une corrup— 
tion d'hamar 


? Aitzura renferme aussi le nom du bois. 
* Gea Vient de bagea. Les Basques, peu soucieux de conserver les traces de 


25 


380 
its, on a dû confondre l'air avec le ciel, le jour et la 
lumière, on admettra facilement qu'airgea veuille dire 
sans lumière où ténèbres. 

Les exemples qui précèdent et ce qui à été dit dans 
la Irc Partie de ce travail doivent démontrer que l'ana- 
lyse des langues peut remonter beaucoup plus haut 
qu'on ne le soupçonne ordinairement, et que les raci- 
nes véritablement primitives doivent être en très- petit 
nombre. 

&i cent soixante-deux racines, qui viennent d'être 
examinées, se réduisent à cinquante-sept, deux mille 
racines que la langue basque pourrait donner par l'a- 
nalyse immédiate, se réduiraient à sept cent trois. 

M. Eichhoff a réduit les racines verbales de la lan 
gue sanscrile à cinq cent cinquante. Mais de ces ra- 
cines, qui sont presque toutes représentées par des ver- 
bes actifs, on remonte difficilement aux mots usuels 
des langues. 

En poussant aussi loin l'analyse de cette sorte de 
racines, on arrive à des expressions si générales, que 
l'on retombe presque toujours dans les mêmes. Ainsi, 
dans le petit nombre de racines admises par M. Eichhoff, 
il y en à cinquante-quatre qui sont traduites par ou- 
vorr ! 

Il résulte de ce qui précède, que l'on prend géné- 
ralement pour des racines des mots qui n'en Sont pas, 


l'origine des mots composés qu'ils forment, coupent leurs racines pour les en 
ployer : ils en mettent la première partie au commencement des mots, ou la der- 
nière à la fin. D'autres fois, ils les retournent : ex, particule négative, se change 


souvent en ce. 


38 | 


puisqu'en les soumettant à une analyse convenable, on 
parvient à les décomposer et à leur trouver un sens 
déterminé qui convient parfaitement à leur signifi- 
cation. 

L’utilité des racines des langues et les difficultés que 
lon éprouve pour les trouver, permettraient d'en dis- 
tinguer deux espèces : les racines primilives et des 
racines que je nommerai élémentaires, parce qu'elles 
sont les éléments des langues, qu'elles soient simples 
ou composées, comme les éléments chimiques de no- 
tre époque sont les éléments des combinaisons, que leur 
simplicité ait été démontrée ou non. 

Si l’on réduisait plusieurs langues en leurs racines 
élémentaires, et si l'on comparait ces racines, elles se 
rangeraient en trois groupes analogues à ceux qui ont 
déjà été établis pour les racines basques : 

4° Racines communes à plusieurs langues avec une 
même signification ; 

20 Racines communes à plusieurs langues avec une 
signification dérivée; 

3° Racines propres à chaque langue. 

Pour savoir quel parti l'on peut tirer de ce classe- 
ment des racines, admettons pour un moment qu'une 
race primitive se divise en plusieurs nations, et que 
ces nations finissent par avoir de nouvelles relations 
entre elles et avec des nations provenant d'autres races. 

Dans cette condition, chaque nation perd un certain 
nombre de racines primitives, crée des dérivés et des 
mots composés. Plus tard, en communiquant avec 
d'autres races, elle acquiert des racines qu'elle avait 


382 
perdues, et elle en prend d'étrangères à son idiome 
primitif. Lorsque ces nations seraient arrivées à ce 
point, les racines du tableau précédent se répartiraient 
selon le tableau suivant : 

1° Les racines communes à plusieurs langues se- 
raient évidemment des racines primitives. 

2° Les racines dérivées permettraient de remonter 
à des racines primitives. 

3° Les racines propres comprendraient : 

a. — Des racines primitives conservées dans cer- 
taines langues et oubliées dans les autres; 

b. — Des racines revenues après avoir été plus ou 
moins altérées; 

c. — Des racines puisées dans des langues primiti- 
ves différentes de celles soumises à l'analyse ; 

d. — Un résidu formé de racines tellement altérées 
qu'elles seraient méconnaissables, et de racines déri- 
vées et composées qui auraient échappé à l’analogie et 
à l'analyse. 

Ce travail, que je n'ai pu qu'ébaucher et dont je ré- 
serve les résultats généraux pour une autre publication, 
me conduit à conclure : 

1° Que la langue basque contient beaucoup de raci- 
nes primitives perdues -pour les autres langues ; 

2° Qu'elle est beaucoup plus ancienne que les lan- 
gues grecque et latine ; 

3 Qu'elle à concouru à former toutes les langues 
dites aujourd'hui indo-germaniques, la langue tur- 
que, la langue des Esquimaux, et celle de plusieurs 
peuplades de l'Amérique méridionale. 


383 
Ces conclusions seront confirmées d'ailleurs par l'é- 
tude qui va suivre des racines parasynonymiques, du 
vocabulaire chronologique et des études topologiques. 


Parasynonymes ou dérivés analogiques. 


Les parasynonymes ont été définis p. 277, $ XII. 
Je me suis en outre assez étendu sur les racines déri- 
vées, pour qu'il soit utile d'entrer dans de nouveaux 
détails à ce sujet. 

Les parasynonymes, tout en démontrant comment 
les racines et les mots s’altèrent en passant d'une lan- 
gue dans une autre, permettent de reconnaitre l'uni- 
versalité et l'ancienneté des racines de la langue basque. 

La racine ber, chaleur, dont sont successivement 
dérivés les substantifs animal, troupeau, richesse, et 
le verbe habere des Latins, se retrouve dans le sans- 
crit, l'hébreu, le grec, le latin, le francais et les lan- 
gues celtiques et germaniques. 

La racine su, feu, se retrouve dans le sanscrit, l'hin- 
doustani, dans les langues celtiques et germaniques, 
et dans celles des Esquimaux et des Groënlandais, avec 
des significations variées qui correspondent à soleil, 
œil, beau temps, etc. 

La racine w, tirée d'ura, l'eau, donne lieu à un 
grand nombre d'acceptions différentes, déjà signalées 
p. 276. 

Cette racine est plus ancienne que les noms primi- 
tifs grec et latin wrina et oyron, qui en dérivent im- 
médiatement. 


384 

La racine arg est aussi fort ancienne et donne nais- 
sance à des dérivés grecs et latins. 

Je n'ai pu décider si les racines sanscrites ég et dg, 
qui veulent dire luire, briller, sont plus anciennes 
que les mots basques egun, jour, et ekia, soleil; mais 
selon toutes les probabilités, les racines sanserites sont 
dérivées des mots basques, parce qu'ils sont tout à 
fait primitifs. C'est ici le lieu de dire que des verbes 
peuvent dériver de noms substantifs; car le soleil est le 
type de ce qui brille et n’a pu recevoir ce nom d'aucune 
autre lumière terrestre, parce qu'il les a précédées tou- 
tes. Il est donc éminemment probable que deux racines 
sanscrites très-anciennes sont dérivées de la langue 
basque. 

Comme conséquence de ce qui vient d'être dit, la 
racine sanscrite wr, mouvoir, étendre, vient plutôt de 
la racine basque ura, eau, que celle-ci ne vient du 
sanscrit. Les idées sont la conséquence de l'existence 
des êtres, et il a fallu de l’eau, qui s’étendit et coulàt 
dans tous les sens, pour donner celle de répandre. Si 
les eaux courantes paraissent dériver de mots qui, en 
général, veulent dire aller, ces mots sont générale- 
ment composés et veulent dire : l’eau va en coulant 
dans le lit des fleuves et des rivières. 

L'examen des parasynonymes suflira pour démontrer 
que la langue basque est une des langues les plus an 
ciennes qui soient parlées sur le globe; il n’y a peut- 
ètre que les langues arabe et chinoise qui puissent lui 
être comparées sous ce point de vue. 


389 
Vocabulatres comparés à la langue basque. 


Ces vocabulaires sont une dépendance du vocabu- 
laire chronologique; mais comme ils servent pour dé- 
terminer les faits, les lieux dans lesquels ces faits se 
sont accomplis et les relations des peuples, et qu'il eût 
été difficile de les faire rentrer dans le vocabulaire 
chronologique, je les ai conservés à part. 

Les vocabulaires comparés comprennent l'hébreu et 
le chaldéen , l'arabe, le persan , le sanscrit, le grec, le 
latin, le guarani, l'esquimau, le français, et quelques 
mots qui se rapportent à diverses langues réunies en- 
semble et par groupes, selon les lieux habités par les 
peuples qui les parlent. Le latin, l'espagnol et le fran- 
çais, se trouvent d'ailleurs comparés avec le basque 
dans toute l'étendue du vocabulaire général. 

L'examen des vocabulaires comparés conduit aux re- 
lations suivantes : 

Tous les peuples dont les vocabulaires ont été ana- 
lysés, ont eu des relations dès l’âge primitif. 

Cet âge a duré longtemps pour les Basques, puis- 
qu'ils s'y trouvaient encore, à peu de chose près, à 
l'époque où Strabon écrivait. 

Dès l'époque où les Basques furent en eontact avec 
les Samoyèdes, ils ont connu les navires ou des bar- 
ques d’une dimension assez considérable. 

Plus tard, les Basques ont eu de nouvelles relations 
avec les Hébreux, à l’époque où ceux-ci construisaient 
des villes; ils en ont eu aussi avee les Persans, lorsque 


386 
l'on avait déjà inventé les serrures, puisque c’est de ce 
peuple qu'ils tiennent le nom de la clé. 

Les Basques paraitraient s'être trouvés avec les In- 
diens-Sanscrits, dont ils auraient emprunté le nom 
de l'essieu. Cependant, il est probable que ces dernières 
relations n'ont pas existé, et que ce nom a été tiré des 
autres langues, telles que le grec et le latin. Cela n'a 
rien qui puisse étonner, puisqu'il existe un très-grand 
nombre de mots sanscrits dans ces deux langues. 

Les relations des Basques avec les Turcs remontent 
aussi jusqu'à l'époque primitive; cependant, il est pro- 
bable qu'à cette époque la race turque n'existait pas; 
mais comme elle a eu nécessairement des ascendants, 
les Basques doivent en faire partie, puisqu'il y à une 
relation très- fréquente entre les noms primitifs des 
deux langues. 

Les Turcs me paraissent être des métis. 

Si l'on analysait leur langue comme jai analysé 
celle des Basques, on retrouverait facilement les races 
qui ont concouru à leur production. 

Je crois pouvoir dire dès aujourd'hui que, par leurs 
caractères ethnographiques et par leur origine topolo- 
gique, les Turcs me semblent venir des Basques et de 
la race mongole. 

Les relations des Basques et des Arabes ont été fort 
étendues et se rapportent probablement à plusieurs 
époques fort distinctes, quoique les termes communs à 
ces deux races ne paraissent pas l'indiquer ; mais l'exa- 
men des circonstances générales dans lesquelles ces 
deux peuples se sont trouvés, permet de le penser. Il 


387 

est difficile, d'ailleurs, de conclure quelque chose d’ab- 
solu relativement à l'ensemble des relations des peuples 
dès le premier âge, parce qu'il faudrait faire, pour cha- 
cun d'eux, un travail semblable à celui que je fais en 
ce moment pour les Basquese Il à pu y avoir des in- 
vasions et des pérégrinations que l'histoire ne nous fait 
pas connaitre. Les Arabes sont aujourd'hui répandus sur 
une zone considérable, qui s'étend de la presqu'ile arabi- 
que à l'océan Atlantique. [ls ont eu des rapports assez 
récents avec les Basques, qui les ont chassés du nord 
de l'Espagne, et ils ont sans doute une foule de métis 
qui s'étendent à des latitudes plus boréales. Il est donc 
probable, ainsi que je l'ai dit, que les Basques se sont 
trouvés plusieurs fois en présence des Arabes. Il ne 
faut pas oublier non plus que les Basques ont eu des 
relations immédiates avec les peuples qui ont parlé les 
divers dialectes de la langue hébraïque, et que beau- 
coup de mots de ces langues peuvent se trouver tout à 
la fois et dans la langue basque, et dans la langue 
arabe. Par exemple : le mot hébreu arag, qui veut 
dire {uer, se retrouve dans le basque aragia, viande, 
et dans le mot arabe «’rq, os couvert de chair. 

Les relations des Basques, des Esquimaux, des Gua- 
ranis et des Quichuas, remontent à l'époque primitive. 

Les Esquimaux appartiennent à la race mongolique 
et n'ont pu avoir avec les Basques que des relations 
telles qu'il peut s'en établir de race à race. Ces rela- 
tions tendent à démontrer que les Esquimaux, nés dans 
le sud de l'Asie et refoulés dans le nord de ce conti- 
nent, se sont rencontrés avec les Basques, et que ce 


388 
n'est qu'après avoir établi ces relations qu'ils se sont 
rendus en Amérique. 

Des observations, que je publierai ultérieurement, 
me portent à penser que les Esquimaux actuels sont 
-des métis de la race momgole par les hommes, et des 
races du nord de l'Amérique par les femmes. 

En résumé, les Basques ont eu, dès l'époque primi- 
tive, des relations indubitables avec les peuples sémi- 
tiques, les peuples indo-germaniques, les peuples qui 
habitent les régions les plus septentrionales de l'Asie, 
et de plus, avec des peuples qui habitent le nord de 
l'Amérique septentrionale et d'autres peuples qui ha- 
bitent une vaste étendue de l'Amérique méridionale, 
comme on le verra par les études topographiques. 


Vocabulaire chronologique. 


Pages 283 et suivantes je me suis longuement étendu 
sur les moyens qu'il était possible d'employer pour re- 
trouver les époques des faits accomplis, dont les traces 
pouvaient être retrouvées par des études linguistiques 
et anthropologiques. J'ai été ainsi amené à la création 
d'un vocabulaire chronologique. Il ne reste donc plus 
qu'à exposer comment ce vocabulaire a été exécuté. 

Si la raison ne donnait les lois de la filiation du pro- 
grès de la civiliation, la simple observation de ce qui 
se passe dans les différentes régions habitées du globe 
suffirait pour l'établir. 

On voit ainsi que la civilisation, parvenue chez nous 
à un développement considérable, existe à tous les de- 


389 
grés chez les peuples de l'Océanie, de l'Afrique, de 
l'Asie et de l'Europe, et même dans le seul continent 
américain. 

En partant du principe développé pages 205 et sui 
vantes, qui établit qu’il y a une relation forcée entre 
l’homme et les produits de ses travaux, selon les cir- 
constances qui l'entourent, on est conduit à appliquer 
à une race quelconque les résultats de l'observation gé- 
nérale. 

L'évolution sociale a été divisée en plusieurs âges. 

En réalité, il n'y a qu'un seul âge, qui a commencé 
avec l’homme et qui finira avec lui; mais afin d’avoir 
des termes de comparaison, j'ai établi cinq âges, qui 
représentent les divers degrés de l’évolution sociale ob- 
servée à la surface du globe. 

Les points, d'arrêt reconnus chez les races qui peu- 
plent le globe m'ont servi pour établir les âges, de 
même que Werner a dù diviser les terrains considérés 
géologiquement, d'après les arrêts observés dans les 
formations qui l'entouraient. 

Les àges de la civilisation ne sont point absolus; car 
il est des races plus perfectibles que d'autres, lors- 
qu'aucune tyrannie ne pèse sur elles ; c’est ainsi que les 
Grecs ont pu, dès les premiers temps de l’histoire, 
créer des chefs-d'œuvre scientifiques, littéraires et ar- 
tistiques , qui seront à jamais des modèles de perfec- 
tion, tandis que les Basques, jouissant d'une grande 
liberté, n’ont rien produit de semblable. 

Le vocabulaire chronologique peut être établi dans 
l'ordre suivant : 


390 


AGE PRIMITIF. 


Age d'or; nourrilure sans travail; habitants des 
îles de l'Océanie avant leur découverte par les Eu- 
ropéens. 

Étres et phénomènes cosmologiques : lune, soleil, 
étoile, jour, nuit, etc. 

Étres terrestres anorganiques el organiques : 
montagne, plaine, rivière, mer, etc. 

Nom du peuple dans la langue qu'il parle et dans 
celle de ses voisins. 

Nom de l'homme. 

Noms des parties du corps de l'homme et des ami- 
maux : tête, membres, ailes, etc. 

Idées générales et abstraites : feu, lumière, eau, etc. 

Parenté : père, mère, enfant, fils, fille, etc. 

Objets divers el instruments : baton , are, flèches, 
lance ou zagaie, elc. 

Mots divers représentant nos préposiions el nos 
adverbes : haut, bas, loin, près, etc. 

Arts libéraux : premières traces de l'art par des 
sculptures. 


DEUXIÈME AGE. 
Travail indispensable à l'alimentation. Climat 


nécessitant des abris, des vêtements et du feu. Peu- 
ples autochtones de l'Amérique, Celles et Brelons. 


391 
Plusieurs peuples de l'Afrique. Premiers âges de 
la Grèce et de Rome. 

Supershition, idoldtrie, culte : idole, autel, tem- 
ple, sacrificateur, etc. 

Hiérarchie sociale : chef, castes privilégiées, escla- 
ves; tente, hutte, village, ville. 

Les objets et les actes qui se rapportent à cet âge 
varient selon que la nation à laquelle ils se rattachent 
ne vit que de chasse, de pèche, de troupeaux ou d’a- 
griculture. 

Peuples chasseurs : appats, piéges, peaux, etc. 

Peuples ichthyophages ou pécheurs : filet, ligne, 
hameçon, harpon, etc. 

Peuples pasteurs : troupeaux, pâturages, toi- 
sons, etc. 

Peuples agriculteurs : sol arable, instruments ara- 
toires ; semer, récolter, etc. 

Les peuples de cet àge sont nomades, à cela près de 
ceux qui se livrent à l'agriculture : ils sont tous guer- 
riers. Les peuples nomades ont des tentes et divers ob- 
jets de campement; ils ont tous des armes plus perfec- 
tionnées que ceux de l’âge précédent; ils commencent 
à porter des armes défensives. À cette époque, se ratta- 
chent donc des armes variées, des vêtements, des ob- 
jets de luxe, et, de plus, des noms d'animaux domptés 
ou réduits à l'état de domesticité, qui varient selon les 
lieux. 


TROISIÈME AGE. 


Cet âge, qui est la continuation du précédent, est 


392 
caractérisé par le développement des idées religieuses ; 
l'idée d'un Dieu unique, celle de l'existence et de l’uni- 
versalité de l'âme, commence à se produire. On remar- 
que l’organisation d'un gouvernement, la création de 
monuments publics, la tactique militaire. 

Chez les Romains et surtout chez les Grecs, avec 
les mêmes moyens d'exécution, mais guidés par une 
intelligence supérieure, l’architecture et les beaux-arts 
ont pris un développement considérable. Les sciences 
naturelles ont été créées par le génie d’Aristote; l’arith- 
métique et la géométrie ont été fondées par les génies 
de Pythagore et d'Euclide. 

L'apparition de quelques machines élémentaires, la 
fabrication de divers produits, le commencement de la 
métallurgie, le commerce, l'invention de la monnaie, 
celle de l'écriture, celle des beaux-arts, le perfec- 
tionnement de l'astronomie, la création de l’année so— 
laire et l'origine de quelques sciences, caractérisent ce 
troisième àge. 

On a donc à signaler tous les mots nouveaux qui 
correspondent à ce nouvel ordre de choses ‘ 


QUATRIÈME AGE. 


Religion et hiérarchie, comme les précédents; ré- 
publique. 

Constructions : édifices publics plus développés que 
dans l'âge précédent. 


« 


est pour éviter 


On les tronvera réunis dans le vocabulaire chronologique ; 


un double emploi qu'on ne les donne pas ici 


a 


393 

Navigation perfectionnée par les connaissances as- 
tronomiques et les instruments de physique; usage de 
l'aimant. 

Commerce très-étendu par le perfectionnement de 
la navigation : introduction des noms de différents peu- 
ples qui habitent le globe ; développement des connais- 
sances géographiques. 

Armes à feu : attaque et défense des places. 

Création des sciences expérimentales : physique, 
chimie, développement de la mécanique pratique, per- 
fectionnements considérables apportés à l'astronomie, 
création de la géologie, nouvel aspect des sciences re- 
latives aux êtres organiques. 

Arts chimiques : vitrification, porcelaine, aci- 
des, sels, potasse, soude, savon, métallurgie du fer, 
trempe de l'acier, tannage des peaux. 

Existence des beaux-arts. 


CINQUIÈME AGE. 


Cet àge, qui représente l'état de notre civilisation 
depuis quelques siècles, se trouve caractérisé : 

Par des oscillations dans les idées religieuses ; 

Par le renversement de la féodalité, la création et le 
renversement du gouvernement représentatif ou parle- 
mentaire ; 

Par la discussion des idées philosophiques, socialis- 
tes et humanitaires ; 

Par des invasions réciproques qui opèrent un échange 
mutuel d'idées et de mots; 

Par une foule d'inventions qui facilitent la commu- 


394 
mation de la pensée, soit en la répandant avec une 
grande diffusion, soit avec une rapidité extrême : tel- 
les sont l'imprimerie, l'application de la vapeur à la 
navigation et aux chemins de fer, la télégraphie ; 

Par la création d'une foule de machines et d'indus- 
tries nouvelles, qui occupent des populations tout en- 
uères ; 

Par d'immenses progrès dans les sciences, qu'elles 
soient abstraites, comme les mathématiques, ou qu'elles 
aient la nature pour objet, comme la physique, la chi- 
mie et les sciences naturelles proprement dites; 

Par des progrès non moins grands dans les beaux- 
arts et la littérature. 

On remarque en outre : 

Substitution du crédit à la monnaie; 

Introduction d'un jury dans les tribunaux; 

Abolition de l'esclavage ; 

Création de colonies pénitentiaires ; 

Abolition momentanée de la peine de mort; 

Tendance à l'abolition de la guerre; 

Amélioration matérielle et morale des classes infé- 
rieures de la société. 


Dans l'application, je n'ai pas poussé l'étude du vo- 
cabulaire historique relatif aux Basques au delà de la 
troisième époque, parce que depuis que cette époque a 
commencé, l’histoire a parlé. 

Le vocabulaire historique a été comparé avec les vo- 
cabulaires des autres langues. Cela n'a pu être fait 


395 
pour tous les mots qu'il renferme, soit par le manque 
de vocabulaires, soit par leur insuflisance. 
Les noms appartenant à chaque langue ont été comp- 
tés, et voici le résultat obtenu pour le premier àge : 


Français et Brezon AS TALIN:...5..,.:.....:.... 44 
MUNC:=. 2 dne-csscecececoe AA -LNONO de l'ASI6....... sa cet 40 
Sanscrit....... ae 8 — Amérique du Sud... 8 
Esquimau .:.............. 7 — Langues germaniques. 6 
Hébreu AU. pennt 6EI'Arabeste in PENES 
PERSAN SE. + he ee 2 FEES Sax ON: Se. nest. 3 
Roman... suc. 13 — Thubétain et Grec... 2 


Espagnol, chinois, berbère, japonais, mongol, koph- 
te, coréen, langues du Caucase, un mot pour chacune 
de ces langues. 

Le petit nombre de mots primitifs reconnus pour 
avoir appartenu à plusieurs langues, tient au peu d'é- 
tendue du vocabulaire chronologique. Si ce vocabu- 
laire eut été plus considérable, beaucoup d’autres mots 
seraient venus y prendre place. Cela sera rendu évi- 
dent par les vocabulaires comparés, qui ne sont qu'une 
extention du vocabulaire chronologique. 

Dans les deux àges suivants, les relations des lan- 
gues s'établissent avec moins de facilité; je n'ai pas pu 
d'ailleurs me procurer toujours des vocabulaires assez 
complets pour y trouver tous les mots utiles; cepen- 
dant, voici le résultat de mes observations : 

Dans le second âge, le latin domine, puis le fran— 
çais, l'arabe, le syriaque , hébreu , le sanscrit, les lan- 
gues du Caucase. 


396 


Dans le troisième âge, le latin est très-abondant, 
le français vient ensuite, puis le saxon, l'allemand et 
l'espagnol; les noms des autres langues donnent des 
résultats insignifiants et négligeables. 

Les résultats numériques qui viennent d’être signalés 
n'ont pas besoin de commentaire; cependant, je pense 
qu'ils pourraient conduire à des erreurs, si on les ad- 
mettaient en masse et sans pousser l'analyse plus loin. 

Il importe de considérer d'abord si les mots des lan 
gues, qui correspondent au Basque, sont simples ou 
composés, directs ou dérivés. Il faut voir en outre, en- 
fin, si les caractères anthropologiques sont d'accord 
avec la linguistique. 

Si les noms des langues comparées au Basque sont 
dérivés ou paraissent l'être par leur longueur, ils ne 
sont point primitifs pour la race qui les emploie; par 
exemple : les Basques eux-mêmes ayant deux noms 
pour désigner le soleil, ekia et eguzkia, ces deux 
noms ne peuvent être de la même époque, et le second 
est moins ancien que le premier, puisqu'il exprime une 
idée composée dont la première fait d'ailleurs partie. 

Si les mots ont une acception dérivée, ils ne peu- 
vent indiquer les mêmes rapports que s'ils en avaient 
une qui fut directe. En effet, dans ce cas, on ne peut 
affirmer que les peuples viennent de la même souche, 
mais seulement qu'ils ont eu des rapports entre eux. 
Cependant, l'identité de race n’est pas impossible dans 
ce cas; car des rapports ultérieurs avec d'autres races 
peuvent conduire à changer les noms. Enfin, si les ra- 
ces diffèrent par leurs caractères anthropologiques, on 


397 
ne peut non plus aflirmer que l'identité de quelques 
mots de leur vocabulaire commun ait le caractère in- 
faillible d'une mème origine. 

Mais lorsque le vocabulaire coïncide avec les carac- 
tères anthropologiques, je pense que l'on en peut con- 
clure que les nations qui se trouvent dans celte cir- 
constance dérivent d'une même race primitive. 

Il peut arriver enfin qu'une race déterminée soit mo- 
difiée par les circonstances, et surtout par le mélange 
avec d'autres races, et c’est là le:cas le plus fréquent. 

En tenant compte de toutes ces considérations, voici 
ce qui me parait résulter de l'examen du vocabulaire 
historique : 

Les Basques, les Celtes ( désignés sous le nom de 
Français et Brezads dans le résumé du vocabulaire 
chronologique }, les Germains et les Saxons, les Sans- 
crits et les Latins, sont de la même origine que les 
Basques. Quelques-uns sont modifiés par les circons- 
tances, et peut-être par des races qui en sont très-voi- 
sines par leur organisation : tels sont les Sanscrits et 
les Latins. 

Les peuples sémitiques proprement dits, les Arabes, 
les Persans, peuvent être de la même origine que les 
Basques; mais ils ont été modifiés par le métissage. 

Les Turcs, ceux qui ont parlé et parlent encore la 
langue romane et qui en sont les descendants, sont des 
métis de la race basque et de la race mongolique. 

L'Amérique du Sud à compté parmi ses habitants 
divers peuples d'Europe, chez lesquels il y a eu des 
Basques, des Sanscrits, et probablement des Celtes, 


398 
dont les races se sont fondues avec celles indigènes, 
parce que probablement ces peuples, qui ne sont arri- 
vés en Amérique qu'en y faisant naufrage, n'avaient 
point de femmes avec eux. 

J'ai déjà dit que les Esquimaux, reconnus de race 
mongolique, ne pouvaient descendre des Basques. 

Les quelques mots de la langue basque qui corres- 
pondent à l'esquimau peuvent, pour la plupart, être 
rapportés à la langue sanscrite. 

Les mots esquimaux du premier àge qui se rappor— 
tent à cette langue sont au nombre de sept, pouvant 
être groupés ainsi : 


BASQUE. BANSCRIT. 
Signification directe... Halde Sn donne 10 
— IndINe CO MAR. me eeeree-cbee nil 
_— nulle: DIT eric LDH 543 
7 7 


Les mots esquimaux sont d'ailleurs tirés de plusieurs 
régions; ils appartiennent donc à une famille et non 
point à une nation proprement dite *. 


Vocabulaire toponymique. 


Les noms des lieux qui paraissent d'origine basque 
pouvant être utiles pour retrouver Îles régions qui ont 


1 Je n'ai point eu d'autre vocabulaire à ma disposition que celui de l'Atlas 
ethnographique de M. Balbi, qui ne comprend que vingt-six mots en comptant 


les dix premiers noms des nombres, en tout seize noms d'êtres primitifs. 


399 


été successivement habitées par les Basques, je les ai 
recherchés avec soin. 

J'en ai trouvé peu; mais comme ils sont en rap- 
port avec les renseignements donnés par le vocabulaire 
général , il en résulte qu'ils offrent une certaine valeur. 
Les voici par région. 


Nord de l'Asie. 


Ont, fleuve, sépulture. 

Ce fleuve a pu recevoir ce nom, parce que les Bas- 
ques y jetaient leurs morts au lieu de les enterrer 
comme on le fait en Europe. Cette pratique est encore 
usitée dans l'Inde, et on lui attribue l’origine du choléra. 

Lac Baïcaz, bacaillab, morue en basque. 

Les eaux de ce lac ne contiennent probablement pas 
de morue, mais un poisson qui y ressemblerait et qui 
aurait permis aux Basques d'en conserver le nom, en 
l'attribuant à une autre espèce en Europe. Baïcal pa- 
rait être un nom composé dans lequel entrerait la 
particule affirmative bai, et baïcal voudrait dire un 
Dre... x 

La région comprise entre l’origine de lObi, le cours 
de ce fleuve et le lac Baïcal, s'étend depuis le 65° jus- 
qu'au 407° degré de longitude orientale; elle se trouve 
bornée au midi par la chaine des monts Altaï. 

D'après une carte de M. Klaproth, les Samoyèdes 
occupaient celte region au siècle de Cyrus, 530 ans 
avant J.-C. Une nation de race mongole existait de 
l'autre côté du lac Baïcal. Aujourd'hui, les Samoyèdes 


400 


ont été refoulés plus au nord, et les Toungouses les ont 
remplacés. 

La rivière Angara, qui prend sa source dans le lae 
Baïcal et va se perdre dans l'Iénisséi, paraît avoir un 
nom basque; mais je n'ai pu l'expliquer. 


Région moyenne de l'Asie. 


En côtoyant la chaîne des monts Altaï et s'avancant 
vers le S.-O., puis tournant vers le midi, on rencontre : 

Les lacs Balkhach et Issicoul, et une nouvelle région 
située au S. de la grande Boukharie actuelle, entre 40 
et 50° de latitude, où se trouvent plusieurs noms qui 
paraissent basques ; 

La rivière Sarasou, Bourouts, de buru, tête; du 
côté oriental des montagnes, d’autres lacs; puis Bar, 
ou, et Aksou, aksu, pointe de feu? 

La MER D’ARAL, connue aussi sous le nom de Mer 
des Aigles, tire son nom du basque, arranoa, aigle. 


Caucase. 


Ecsuru. Ce nom est celui du pie le plus élevé de la 
chaine du Caucase; il veut dire tête de neige en basque. 

MoxTs CÉRAUNIENS. Strabon signale ces monts, où 
Il existe une foule de reptiles et de serpents venimeux. 
Cerau est le nom de la vipère en basque *. 


! Kerayna orè, montagne de la chimère. 


Selon le mythe grec, la chimère était un monstre composé de la tête d'un lion, 


401 


Igérie. Le nom de cette province vient sans doute 
des fleuves qui l'arrosent. Jb, erria, terre arrosée par 
des eaux courantes. ( V. la note p. 309.) 


Nord de l'Italie. 


Car. On trouve dans toute l'Italie, et en Sicile, beau- 
coup de villes et de localités commençant par cette par- 
ticule, qui vient sans doute de chat, petit. Dans le 
nord, au sud du lac Oglio, est Chaari | petit bélier), 
ville de six mille huit cent cinquante habitants. 

ArANA, prune; autre localité au sud du lac Majeur. 


Pays basqus. 


Presque tous les noms de cette contrée, située en 
partie dans le nord de l'Espagne et en partie dans l'ex- 
trême S.-0. de la France, sont d’origine basque; i!s 


du corps d’une chèvre et de la queue d’un dragon... Ce prétendu monstre était 
une montagne au sommet de laquelle était un volcan entouré de lions. 1 y avait 
au milieu des pâturages où paissaient des chèvres, et au pied, beaucoup de ser- 
pents. ( Dict. ab. de la fable; par Chompré. ) 

Ovide nommait cette montagne Chimerifera; Chompré la place en Lycie. Le 
dictionnaire grec de Jos. Planche vent qu’elle soit en Épire : elle est en réalité 
dans l’ancienne Albanie, au N.—E,. de l’ancienne Ibérie caucasienne. 

L'erreur de Planche vient sans doute de ce qu’il a confondu l’ancienne avec ta 
nouvelle Albanie, qui est effectivement la même contrée que l'ancienne Épire. 

La description scientifique de Strabon, La Fable, tout vient confirmer que les 
monts Cérauniens doivent leur nom à celui de la vipère : cerau. 

La racine du mot cerau est d’ailleurs demeurée dans la langue grecque : c'est 
kèr, maladie, peste, mort fatale. Cette racine est sans doute la mème qu'eria, 
maladie en basque. 

Ceraua viendrait donc de kèr, peste, venin, et d'aoa, bouche : bouche ou 
gueule venimeuse. 


402 


ont été étudiés à diverses reprises par plusieurs auteurs, 
parmi lesquels on peut citer Iharce de Bidassouet et 
G. de Humboldt *. 

Quoique les noms des accidents géiques des pays 
basques soient d'une origine certaine, on n’a pu les 
expliquer tous d'une manière heureuse; ceux mêmes 
des principales divisions de cette contrée sont restés 
pour la plupart sans explication plausible. C'est à une 
preuve évidente que la langue basque a perdu beau- 
coup de racines faute d'avoir une littérature qui ait 
pu permettre de les conserver. 

On retrouve dans les noms des pays basques, et dans 
beaucoup d’autres noms de l'Amérique du Sud, beau- 
coup de racines homonymes qui ne peuveut être ex- 
pliquées d'une manière certaine. 

Les noms véritablement basques dépassent rarement 
Santander dans l’ouest, et l'Aragon dans l'est. 

On peut conclure de là que les Basques n’ont point 
fait un long séjour en Catalogne et en Aragon, et que 
depuis plus de deux mille ans que Strabon en a parlé, 
ils sont restés dans les limites où ils se trouvent actuel- 
lement. C'est d’ailleurs une grande erreur de vouloir 
que les Espagnols soient les descendants directs du peu- 
ple basque *. 


1 G. de Humboldt a fait un ouvrage remarquable sur la langue des Basques 
et sur les noms des lieux qu’ils habitent. J'ai le profond regret de n'avoir pu me 
procurer cet ouvrage, et de ne le connaître que par les éloges qu’en font les &- 
teurs. Il est évident qu'il aurait pu m'être d’un grand secours, et cela d'autant 
plus, qu'il est l'œuvre d’un des plus grands philologues de notre époque. 


? Les pays basques sont bornés à l'est par l’Aragon. Ce pays est habité par 
une race qui diffère des Basques. Les Aragonais sont en général d’une belle sta— 


EE 


403 


La majeure partie des Espagnols est d'une tout au- 
tre race que celle des Basques; toutefois, elle en dé- 
rive, comme je le démontrerai dans un ouvrage géné- 
ral sur l'origine des nations; mais ce n’est point en Es- 
pagne que cette nouvelle race à été produite. 

Les travaux qui ont été faits sur les racines des noms 
des contrées basques me permettent de ne pas m'occu- 
per de ce sujet. 


Amerique méridionale. 


On retrouve plusieurs noms d'origine basque dans 
l'Amérique méridionale, depuis le fleuve des Amazones 
jusqu'au Rio de la Plata. On en trouve aussi vers les 
Cordillières en remontant au nord, jusque dans la 
Louisiane. 

ANDEs. Andiac, hautes. Il était impossible de don- 


ture; ils ont la poitrine très-développée, contrairement aux autres Espagnols ; 
leurs cheveux sont bruns foncés ou noirs, Mais ce qui les distingue de toutes les 
autres races qui les environnent, c’est le volume considérable de leur tête. A ce 
sujet, je raconterai une aventure qui m'est arrivée et qui permettra d'apprécier 
l'énorme différence qui existe sur ce point entre les Aragonais et les Bordelais, 
qui sont d’ailleurs en général de la même origine que la plupart des Espagnols. 

En 1846, je quittai Paris pour me rendre en Espagne. En passant par Bor- 
deaux, je voulus acheter une casquette, et il me fut impossible d'en trouver une 
dans laquelle ma tête püt entrer, quoique j’aie cherché dans un grand nombre de 
magasins, Je partis donc sans casquette, et me rendis ainsi jusqu’à Saragosse. 
Là, je voulus de nouveau en acheter une, qui me devenait indispensable pour 
voyager à cheval. J’entrai chez un chapelier français qui habitait le Coso, et, à 
men grand étonnement, toutes les casquettes de son magasin se trouvèrent trop 
grandes pour ma tête : sur plus de cinquante, il n’y en eut qu’une seule qui püt 
aller ! 


I faut ajouter que ma tête à 59 centimètres de circonférence. 


#04 


uer un nom plus caractéristique à cette chaine de mon- 
tagnes, qui traverse les deux Amériques dans toute leur 
longueur. 

UruGuax, d'ura ugaya, eau permanente alimentée 
par des sources. 

Ce nom convient tellement à la contrée arrosée par 
l'Uraguay, qu'il est impossible de ne pas y voir un nom 
basque; et cependant je ne pense pas que ce nom ait 
été donné à cette contrée par des Basques depuis la dé 
couverte de Christophe Colomb *. 

ParaGuay. Para veut dire pluie en quichua, et 
Paraguay voudrait dire eau permanente alimentée 
par les pluies. 

L'ORÉNOQUE parcourt une contrée remplie de cerfs : 
oren en basque. 

Unax, & bai, bonne eau. Large rivière du Pérou, 
qui sort d'un lac formé par la rivière Parapiti. 

Il existe aussi en France, dans le département des 
Basses-Alpes, une rivière qui porte le mème nom : 
Ubaye. Cette contrée a d'ailleurs pu être habitée par 
les Basques lors de leur passage dans le midi de la 
France. On trouve encore une rivière du nom d'/bar 
qui prend sa source en Albanie. 

Ubay est d'autant plus d'origine basque, que le son 
du à est étranger à la langue quichua qui est parlée au 
Pérou. 

Pizca ciQuir, montagne de la Colombie. Le mot 
pilla veut dire un assemblage en basque. 


æ 


‘ Uru veut dire plaine, ou lieu bas en quichua. En comhiaant les deux lèn- 


çues basque et quichua, on aurait plaine inondee par des eaur Ge pluie. 


405 

Une cérémonie qui a lieu en Colombie, et dans la- 
quelle on offre au chef d’une fête un monceau de fruits 
et de pâtisseries qui porte le nom de pillarico, me 
donne lieu de penser que pilla a la mème valeur dans 
la langue du pays. Pilla veut dire couronne en qui- 
chua. 

Picacuo, montagne de la Colombie. Ce nom est bas- 
que et veut dire montagne ou pic de pierre. 

CayamBouro, montagne des Andes sous l'Équateur, 
un des plus haut sommets. Les trois parties du nom 
sont basques; la dernière, bouro, veut dire tête. 

Arinos. Ariña, rapide. Rivière du Brésil. 


On pourrait encore augmenter ce petit vocabulaire ; 
mais ce qui précède suffit pour démontrer qu’il est émi- 
nemment probable que des Basques ont très-ancienne- 
ment habité l'Amérique méridionale. 

On a pu être étonné de me voir invoquer la langue 
quichua pour expliquer des noms appartenant aux ré- 
gions du Brésil ou de la Colombie; mais le peu que j'ai 
pu connaitre de ces langues me donne lieu de penser 
qu’elles ont beaucoup d'analogie entre elles, et de plus, 
avec le basque, le sanscrit, le latin et le français *. 


! Je possède le vocabulaire quichua du P. Diego de Torres. J'y fai trouvé 
plusieurs mots tout à fait basques, et un plus grand nombre encore de ‘mots 
dérivés de cette dernière langue. Je publierai ultérieurement le résultat de mes 
observations. 


406 


He PARTIE. 


RÉSUMÉ ET CONCLUSIONS. 


La [re Partie de ce travail a été consacrée à l'expo— 
sition d’une méthode ayant pour but de rechercher les 
traces des faits qui se rattachent à l’histoire sociale des 
peuples primitifs. 

La II° Partie de cette méthode a été appliquée d'une 
manière toute spéciale à la langue des Escualdunais ou 
Basques primitifs. 

Dans cette IIIe Partie, je me propose de résumer les 
faits recueillis à l’aide de la méthode, et de les présen- 
ter autant que possible sous la forme historique. 

La IVe Partie comprendra tous les documents ana- 
lysés dans la Il Partie et appliqués dans la IF. 

L'histoire des Escualdunais sera divisée en cinq épo- 
ques qui se rapporteront aux lieux qui ont été succes- 
sivement occupés par les Basques. 


1e ÉPOQUE :. 


Région indéterminée. 


La [re Époque de l'histoire des Escualdunais remonte 
à l'antiquité la plus reculée. 


‘Je donnerai le nom de race à un ensemble d'individus dérivant d’une même 


407 

L'originalité de la langue basque, la sublime naïveté 
de sa grammaire, l'universalité de ses racines, la pos- 
sibilité d'en dériver des mots appartenant à des lan- 
gues fort anciennes et éteintes depuis longtemps, nous 
forcent d'en reconnaitre l'ancienneté. 

Une langue ne pouvant s'être formée sans avoir été 
parlée, il faut reconnaitre que la nation basque a pré- 
cédé la plupart des nations connues, et que les plus 
anciennes sont, ainsi qu'elle, dérivées d’une souche 
unique. 

L'examen comparé des vocabulaires des langues dé- 
montre que les deux grandes sous-races que l'on nom- 
me aujourd'hui 2ndo-germanique et sémitique, déri- 
vent d'une souche unique dont les basques faisaient 
partie, et tout porte à penser que ce peuple en à con- 
servé la langue presque intacte jusqu'à nos jours. 

La race basque se serait donc divisée en deux sous- 
races : lindo-germanique et le sémitique. 

La race indo-germanique comprend principalement 
les Sanscerits, les Latins, les Celtes, les Germains . 

La race sémitique se compose essentiellement des 


famille, possédant les mêmes caractères anthropologiques, mais pouvant parler 
» différentes langues et habiter.des contrées séparées les unes des autres. 

Les sous races seront des rameaux des races, parlant des idiomes appartenant 
à une même famille. 

Les nations seront formées par une réunion d'individus de même race et par- 
lant la même langue. 

Les peuples pourront être représentés par plusieurs races habitant le même lieu, 
parlant mème des langues différentes, mais soumis aux mêmes lois politiques. 


* Les Slaves et les Finnois appartiennent, au moins en partie, à cette sous— 


late, mais il ne pout en ètre question dans ce travail que d'une manière incidente, 


408 


Hébreux, des Syriaques, des Chaldéens et des Arabes. 

J'ai déjà eu l'occasion de dire que les Turcs descen- 
dent des Basques et des Mongols. 

Les Grecs me paraissent aussi être une race mé- 
tissée; mais je ne puisencore me prononcer à leur égard. 
Leurs rapports avec la race escualdunaise n'en sont 
pas moins évidents. 

A une époque fort ancienne, tous ces peuples, ou 
leurs ascendants, ont parlé la même langue. 

La langue basque ayant peu varié, il est plus que 
probable que c'est elle qui est la langue mère dont dé- 
rivent toutes celles de la même famille. 

Cette opinion, déjà émise par Iharce de Bidassouet 
et Darrigol, et qui pouvait paraître hasardée, me sem- 
ble aujourd'hui confirmée. 

Pour en être convaincu, il suffira de reproduire des 
observations qui le démontrent. 

La langue hébraïque est fort ancienne; mais on sait 
qu’elle a beaucoup varié chaque fois que les Hébreux 
ont été emmenés en captivité chez d'autres nations. Au 
sortir de la captivité d'Égypte, leur langue avait été 
considérablement modifiée par le cophte. Pendant 
soixante-dix ans que dura leur captivité dans Baby- 
lone, ils adoptèrent un grand nombre de mots Chal- 
déens. 

La langue hébraïque, que l’on regarde avec raison 
comme une des plus parfaites, a donc varié, tandis 
que celle des Basques est demeurée intacte. 

Il n’y à d'ailleurs rien de plus variable qu’une lan- 
gue. Il faut qu'un peuple habite des montagnes pres= 


409 
que inaccessibles, et qu'il ne fasse pas d'incursions chez 
ses voisins, pour que sa langue demeure intacte. 

On a retrouvé dans le désert habité par les Hébreux, 
après leur sortie d'Égypte, des inscriptions gravées sur 
les roches de Sinaï, parmi lesquelles se trouve souvent 
Tao, le nom de Dieu. Le nom basque Jau, commence- 
ment de Jauna, Seigneur, est sensiblement le même :. 

A l'époque primitive, les Basques avaient le makila, 
espèce de bàton où de casse-tête qu'ils ont conservé 
jusqu'à nos jours, et qu'ils manient avec une grande 
adresse. 

Le nom de ce bâton est d'origine basque, puisqu'il 
vient des racines mak *, agir, faire, et la, la mort; 
instrument qui fait ou donne la mort! 

De malkila les Hébreux ont fait maquel. 

L'inverse est aussi arrivé : 

De bou, père ou possesseur en Arabe; et de rouack, 
esprit en Hébreu, père ou possesseur de l'esprit, les 
Basques ont fait burua, tête. 

La comparaison d’autres langues anciennes avec le 
‘basque, conduit à des résultats analogues aux précé- 
dents. 

Le nom du feu, sua en basque, se retrouve dans 
plusieurs dérivés sanserits. ( V. le vocabulaire com- 
paré. } La racine eg, luire, paraît venir d'ekra, le so- 


! The voice of Israël from the roks of Sinaï, by the reverend Ch. Forster. 


London 1851. 


? Mak est une racine de la langue primitive, perdue pour la langue basque 
et qui se retrouve dans toutes les autres langues. 


410 


leil, et d'eguna, le jour. La racine wr, étendre, com- 
mune au sanscrit et au basque, viendrait d'ur, eau en 
basque. 

La racine sanscrite Jan, naitre, a donné naissance 
à gendea, race; bak et vag, aller et se mouvoir, ont 
donné naissance à baga, vague ( de la mer). 

Ki, savoir, a servi pour former kindea, science; de 
pitan, boisson, les Basques ont fait piltara, cidre. 

Du basque ur, eau, est dérivé oyron, urine en grec; 
de la même racine est venu oyranos, ciel. 

D'une autre part, on a vu que la racine grecque kèr 
entre dans le nom de la vipère, cerau. 

Les origines basques de la langue latine sont nom- 
breuses : 

D'ur, eau, vient urina, comme en grec. 

D'il, poil ou cheveu, sont venus pilus, poil, et ca- 
pillus, cheveu. 

Amare, aimer, vient d'ama, mère, et d'amnar, lier, 
fixer à l’aide d'un lien. 

Habere vient d'aberalsa, richesse , qui dérive de 
ber, chaleur. 

Facere vient de hacienda, ferme, venant d'acia, 
semence. On a vu d’ailleurs comment escu, le nom de la 
main, entrait dans scriplum et dans sculum. 

La langue latine, par contre, a conservé des racines 
de la langue basque. On y trouve cudo, frapper, for- 
ger, qui entre dans gudaria, guerrier, et ingudea, 
enclume; esca, nourriture, aliment, que l’on retrouve 
dans ezcurra, gland comestible, et dans ezcalea, men- 


diant. 


411 

D'è man, vient eman, donner ‘. 

Il serait possible de multiplier ces exemples, s'ils ne 
sufisaient pour établir d'une manière certaine la com- 
munauté d'origine des Basques, de la race indo-ger- 
manique et de la race sémitique. 

Je donnerai le nom de souche escualdunaise à celle 
dont ces deux races dérivent. 

Il découle encore de ce qui précède, l'immense pro- 
babilité que la langue basque est la langue primitive 
qui à été parlée, sinon par toutes ces sous-races, au 
moins par leurs ascendants. 

L'ancienneté de la langue basque est d’ailleurs prou- 
vée par la simplicité et l'on peut dire par la pureté de 
sa grammaire, les exceptions grammaticales pouvant 
être considérées comme la preuve assurée d'un mélange 
de divers idiomes. 

L'orthographe des mots, leurs désinences, les con- 
jugaisons des verbes, représentent autant d'invasions 
ou d'acquisitions étrangères que d'irrégularités ou d’'ex- 
ceplions *. 

Le lieu primitivement habité par la souche escual- 
dunaise ne peut être déterminé directement à l'aide des 
renseignements qui découlent de la Il° Partie de ce 
travail. Ce n'est qu'en combinant tous les résultats, en 


! Man est la racine de manere, demeurer, resler. Emun veut dire quitter 


un lieu pour aller dans un autre, faire sortir.une chose du lieu où elle 
demeurait. 


? Je me propose de publier une grammaire générale déduite de l’observation 
de la nature, dans laquelle, remontant jusqu’à l’origine du langage, je démon— 
lrérai cette assertion de manière à ne laisser aucun doute. 


42 
1 


412 
tenant compte des émigrations successives et en faisant 
une étude générale et comparée de tous les rameaux 
de ces races, que l’on pourrait avoir quelque rensei- 
gnement précis. 

Ce lieu pourrait être dans les terres voisines du cer- 
cle polaire arctique, dans la Mésopotamie, dans l'Inde 
ou dans la région caucasique. 

La première supposition est celle qui présente le plus 
de simplicité; car on se rend facilement compte des 
émigrations successives qui ont eu lieu. Ces émigra- 
tions se trouvent suffisamment justifiées par l’accrois- 
sement de la population et par la tendance à chercher 
un climat meilleur que celui que l'on habite. 

Cette supposition a pour elle le phénomène constant 
de l'invasion des régions méridionales par des peuples ve- 
nus du Septentrion, le contraire ayant rarement eu lieu. 

Des régions polaires, seraient partis successivement 
les Hébreux, les Arabes, les Sanscrits, les Basques, 
les Grecs, les Latins, les Celtes, les Germains, etc. 

Dans cette supposition, les Basques seraient allés 
jusque dans l'Inde, où ils auraient connu l'orange, l'é- 
léphant, l’ichneumon; puis ils seraient revenus habi- 
ter le Caucase, qu'ils auraient quitté définitivement pour 
se rendre en Espagne. 

Plusieurs objections s'élèvent cependant contre cette 
première hypothèse : comment le Nord, pays peu fa- 
vorable au développement de la population, pourrait 
il avoir donné naissance à tant de nations? Il n’est 
pas probable non plus que l'homme soit né dans un 
lieu si peu favorable à son existence. On peut seule 


ment admettre qu'il y aurait survécu à la suite d’un 
déluge qui aurait anéanti le reste de la race humaine. 
En outre, l'examen des lieux habités par les diverses 
races qui peuplent le globe, démontre que rarement 
elles s'étendent sur une zone de plus de 40° de latitude, 
à moins d'être métissées. 

Les trois hypothèses qui suivent exigent que les Bas- 
ques quittent une première région pour aller habiter 
les terres circompolaires. 

Si l’on fait naître la race basque dans la Mésopotamie 
ou quelque autre contrée d'Asie située à peu près à la 
même latitude, on suit encore la marche des sous-ra- 
ces; mais les Basques, repoussés vers les terres polai- 
res, les quittent après un temps assez long, et reve- 
nant sur leurs pas entre la mer d'Aral et les monts 
Moussours, vont jusque dans la Mésopotamie, et de là 
dans le Caucase. 

Si les Basques viennent de l'Inde, les mêmes événe- 
ments s'accomplissent ; ils peuvent connaitre l'éléphant 
à l'état domestique. Ils quittent les Sanserits, qu'ils 
n'ont connu que dans le premier âge, et ils se ren- 
dent dans le nord de l'Asie, pour ne plus revenir dans 
l'Inde. 

Enfin, la troisième supposilion, qui ferait venir les 
Basques du Caucase, aurait pour elle l'avantage de 
coïncider avec la Bible, qui nous apprend que l'arche 
de Noé s’est arrêtée sur une montagne de l'Arménie : 
cela aurait permis que le Caucase se peuplàt prompte- 
ment, et les Basques auraient pu se former en corps 
de nation. 


414 

Cette dernière supposition conduirait à faire émigrer 
les Basques pour les terres polaires, et à les faire re- 
venir ensuite au Caucase. 

Il faut remarquer qu'entre le déluge historique et l’é- 
migration définitive des Basques pour les contrées 
qu'ils habitent maintenant, il y a un espace de dix- 
huit siècles, qui permet d'adopter telle opinion que 
l'on voudra. 

En résumé, une souche unique à donné successive- 
ment naissance à la race indo-germanique et à la race 
sémitique. Les Basques proviennent directement de 
cette souche, et de leur langue sont dérivées toutes 
celles des races de la même origine. 


Le lieu primitif d'où sont émanées toutes les races . 


provenant de la souche escualdunaise demeure indé- 
terminé. 


2° ÉPOQUE. 


Region polaire. 


C'est sans doute contraints par la guerre que les 
Basques ont quitté la région qu'ils ont primitivement 
habitée, pour se rendre dans le nord de l'Asie; car on 
ne quitte pas volontairement une contrée richement 
dotée par la nature, pour une autre contrée où lhom-— 
me ne peut vivre que de privations et par un grand 
travail. 

La région principalement habitée par les Basques à 
déjà été indiquée; elle était comprise entre le fleuve 


er 


#15 
Obi et le lac Baïcal, depuis environ 65° jusqu'à 107° 
de longitude orientale, et depuis environ 50° de lati- 
tude jusqu'aux extrémités polaires. 

Dans cette région, les Basques ont admis deux sai- 
sons voulues par les circonstances : negqua, saison de 
neige et d'hiver; wda, saison dans laquelle l'eau re- 
prend sa forme liquide et arrose la terre. Beltzilla, la 
lune noire, correspondait à cette époque de l'année où 
le soleil ayant abandonné la région polaire, il règne 
une obscurité profonde juste au solstice d'hiver. £ki- 
na, le mois du soleil élevé, correspondait au solstice 
d'été, lorsque le soleil a pris sa plus grande élévation 
au-dessus de l'horizon. 

Dans cette contrée, les Basques ont connu le renne, 
orena, dont le nom est resté chez les Russes, olen, et 
chez les Toungouses, oron. Là ils ont connu le lichen, 
qui sert pour nourrir cet animal, végétal eryptogame, 
dont le nom, legen, est resté pour désigner plusieurs 
maladies de la peau : le legen simple ou herpes; le le- 
genarra, a lèpre, et le /egen beltza ou lichen noir, 
qui correspond à l’éléphantiasis, selon Larramendi. Le 
traineau, narra, dont le nom est resté chez les Kamt- 
chadales, narta, a été mis en mouvement par le renne. 
Les Basques ont aussi connu le chien, potzoa, dans 
cette région; son nom est resté chez les Russes, pes, 
pessik, et chez les Polonais, pres et piesi. 

Dans le lac Baïcal, les Basques ont sans doute pé- 
ché ce singulier poisson, qui, selon Pallas, contient 
une quantité considérable d'huile, et que les Russes 
nomment solomanha. C'est probablement de ce pois- 


416 
son qu'ils üraient l'huile, uriña, eau de feu, dont ils 
alimentaient leurs lampes. 

Dans ces régions, les Basques ont construit le ba- 
toa, bateau , formé de plusieurs pièces de bois réunies. 

Dans ces mêmes régions, les Basques ont dû même 
construire des navires, ontziac, d'une plus grande di- 
mension, que les Samoyèdes de Touroukhansk nomment 
encore onou, et que les Toungouses désignent sous le 
nom d'ongosou. Si cela est, pour faire usage des navi- 
res, les Basques ont dû s'étendre jusqu’à la mer gla- 
ciale Arctique, ou jusqu'à la mer d'Okhotsk, située à 
l'orient de l'Asie. 

Il faut cependant remarquer qu'on{zia veut dire non- 
seulement un navire, mais un vaisseau ou un vase en 
général, comme cela est prouvé par le nom composé 
de la lampe argiontzia, vase-lumière. Cela étant et 
subissant la loi qui préside au développement du lan- 
gage par une suite d'analogies non interrompues, lors- 
que ce n’est point par des acquisitions directes, plu- 
sieurs peuples qui ont connu le nom onfzia comme 
celui d'un vase, ont pu l'appliquer ultérieurement à un 
vaisseau de mer, à un navire. 

Les Basques ont laissé dans les terres polaires d'au 
tres traces que celles dont le souvenir vient d'être in- 
diqué; on les retrouvera dans les vocabulaires compa- 
rés des Samoyèdes, des régions polaires et des Slaves. 

C'est dans le nord de l'Asie que les Basques ont connu 
des individus de la race mongole, comme eux re- 
poussés d’une terre plus prospère. C'est là qu'ils y ont 
fait un échange de mots et d'idées, que les Mongols 


417 
ont transportés avec eux dans le nord de l'Amériqué. 

Il a été possible à des hommes experts dans la navi- 
gation de se rendre d'Asie en Amérique : de 52 à 55° 
de latitude septentrionale, les îles Aléoutiennes forment 
un cordon non interrompu qui à rendu le passage fa- 
cile. Lors de la découverte de l'Océanie par les Euro- 
péens, tous les peuples qui en habitent les îles se con- 
naissaient entre eux; ils connaissaient même les nè- 
gres, ainsi que cela est dit dans la relation du second 
voyage du général Alvaro de Mendana, de Neyra, qui 
aborda l’île Christine en 1595. Les Indiens voyant un 
‘nègre avec les Espagnols, montrèrent le sud, faisant 
entendre qu'il y avait des contrées habitées par des 
peuples de cette couleur; que les nègres se servaient 
de flèches, et que leurs grandes pirogues étaient desti- 
nées à des expéditions dans le pays de ces hommes 
noirs. 

L'Océan n'était donc pas une barrière insurmonta- 
ble pour les peuples primitifs. 

Il résulte de mes observations, que les Esquimaux 
sont des métis de la race mongole par les hommes, et 
d'une race américaine par les femmes. 

Les Samoyèdes me paraissent être des descendants 
des Basques, modifiés par les circonstances et peut- 
être par le métissage, mais qui en ont conservé les 
principales mœurs et les habitudes. 

Ces deux derniers peuples, dont la taille est aujour- 
d'hui rabougrie, peuvent servir pour démontrer com— 
ment la race humaine s’altère lorsqu'elle n’est pas dans 
des conditions convenables à son existence. 


418 

Les races polaires ne sont point des petits hommes : 
ce sont des hommes d'une taille plus élevée qui se sont 
affaissés. Cela est sans doute dû à ce que ces hommes 
n'ont point trouvé dans leur nourriture, presque entiè- 
rement formée de poisson et de graisse, une quantité 
suffisante de phosphate de chaux pour donner à leur 
système osseux la résistance convenable : la pesanteur, 
agissant sans relàche, à diminué leur hauteur sans 
leur faire rien perdre sur leur largeur, et c'est cela qui 
les rend hideux et difformes, car un petit homme pour- 
rait être aussi bien fait qu'un grand. C’est aussi cela qui 
fait que chez les Esquimaux, les pommettes des joues 
paraissent encore plus saillantes que celles de la race 
mongole en général. 


8° ÉPOQUE. 


Région moyenne de l'Asie. 


Les Basques, trop courageux pour demeurer éter- 
nellement dans les régions polaires, sont revenus vers 
le Sud; ils ont passé entre la mer d’Aral ou des Aigles, 
Aranoa, et cette immense chaine de montagnes qui 
enveloppe la Chine et la protége contre les invasions 
étrangères. 

C'est dans cette région qu'une partie des Escualdu- 
nais, se croisant avec des Mongols, et peut-être pos- 
térieurement au départ des Basques pour le Caucase, 
ont donné naissance à la race turque, qui s'est beau— 


419 
coup développée, a constamment marché vers l'Ocei- 
dent, et oceupe aujourd'hui l'Aquitaine sous le nom de 
Gascons, et l'Espagne, dont elle forme les plus nom-— 
breux habitants. 

Il est probable que les Basques se sont avancés dans 
l'Inde par le Nord, du côté d'Hérat, jusqu'à la région 
des éléphants. C’est là qu'ils ont pu avoir quelques nou- 
velles relations avec les Sanserits; ils sont ensuite re- 
venus sur leurs pas, et ont eu des rapports nombreux 
avec d'autres rameaux de la souche escualdunaise, dis- 
tinguée aujourd'hui sous le nom de race sémitique. 

C'est dans ces lieux que les Basques ont connu les 
villes ro (Ir en hébreu ), que les peuples sémitiques 
construisaient d'une manière durable et fort distinctes 
des huttes habitées dans le nord par les Basques. C'est 
par les Latins que les Basques ont reçu beaucoup de 
noms d'une civilisation fort avancée; c'est par les Bas- 
ques que les Hébreux ont sans doute connu le renne, 
qu'ils nommaient rés; celui du loup, {séb, car le nom 
olsoa est significatif en basque, et veut dire Aurleur. 
Toutefois, les Hébreux ont ozen, oreille, fort rappro- 
ché du mot ofsa, son en basque, dont vient le nom du 
loup. 

C'est d'arag, tuer, en hébreu, que les Basques ont 
fait araghia, chair à manger ou viande. 

Les Basques ont pu recevoir de nouveaux mots sé 
mitiques par les Phéniciens, après leur arrivée en Es- 
pagne. 

Les Arabes, de race sémitique, comme les Hébreux, 
les Chaldéens., les Syriaques, et probablement les Phé- 


420 
niciens, ont dans leur langue beaucoup de mots pri- 
mitifs dont l’origine ne peut s'expliquer que par le 
basque. Ces deux peuples ont dù avoir de nouveaux 
rapports dans l'Asie méridionale. On sait par l'histoire 
qu'ils en ont eu d'assez récents dans la Péninsule his- 
panique. 

Les Basques ont aussi eu des rapports avec les an- 
ciens Persans. C'est de ce dernier peuple que les Bas- 
ques ont tiré le nom de la clé, gilça en basque; ki- 
lid en persan; et il faut remarquer que notre mot clé 
n'est lui-même qu'une contraction de ce dernier. 

Les anciens Persans ont dû exercer une influence 
considérable sur une foule de langues comprenant le 
latin , le grec, et les deux principaux idiomes français, 
le celtique et le roman *. 

C'est à cette époque que les Basques ont reçu des 
peuples sémitiques l'écriture, qu'ils ont nommée ager- 
caya. 


‘ Dans la crainte de n'avoir plus l’occasion de revenir sur ce sujet, je dirai 
ici que les Toulousains m'ont toujours paru être d'anciens Babyloniens. Les Tou- 
lousains et les Persans sont les seuls hommes qui nous rappellent les traits des 
statues et des basreliefs trouvés dans la Mésopotamie. J'ai trouvé depuis, que le 
Père Angelo Joseph, carme déchaussé, et auteur d’un dictionnaire persan, a pu— 
blié une liste de mots qui établissent des analogies considérables entre le patois 
toulousain et le persan. Il y a donc une relation évidente entre les Babyloniens, 
les Persans et les Toulousains. C’est du persan que vient le mot matar, tuer, qui 
est roman et espagnol. La petite phrase corrompue, échec et mat, employée dans 
le jeu d'échec, vient du persan, scia mat, et veut dire Le roi est mort. 


421 


42 ÉPOQUE. 


Région caucasienne. 


Les Escualdunais, après s'être répandus dans la ré- 
gion moyenne et occidentale de l'Asie, ont été repous- 
sés, au moins en partie, dans la région comprise en 
tre la mer Noire et la mer Caspienne, jusque dans le 
Caucase. Cette dernière région convenait d'ailleurs à 
ce peuple, qui, ayant vécu par lui ou par ses ancé- 
tres dans le nord de l'hémisphère arctique, retrouvait, 
à une altitude convenable, un climat analogue à celui 
qu'il avait habité pendant si longtemps. 

Les Escualdunais ont donné le nom d'Elburu, tête 
de neige, au pic le plus élevé de la chaine du Caucase. 
Une branche de cette chaine, qui s'étend vers la mer 
Caspienne, a reçu celui de Monts cérauniens où Monts 
des Vipères, nom tiré de ceraua, la vipère, à cause 
du grand nombre de serpents venimeux qui sy trou 
vent. Ces monts portaient aussi le nom de Monts de la 
Chimère, chez les Grecs et les Romains :. 

L'Aragwi (sans doute l’Araghus de Strabon), qui 
roule ses eaux dans le Caucase, rappelle l'Aragon, qui 
a donné son nom à une province d'Espagne, où coule 
aussi l'Ébre , Tberus des Romains, qui a été primitive- 
ment habitée par les [bères, après qu'ils eurent quitté 
le Caucase. Ce nom, quoique donné par les Ibères, peut 


‘ Pallas cite le Schlangemberg ou Montagne des serpents qui existe dans le 
Caucase. / Foyage de Pallas. } 


422 
venir de la racine hébraïque arag, tuer, qui a peut- 
être appartenu à la langue basque, sans qu'il me soit 
possible de dire pourquoi ce cours d'eau à été ainsi 
désigné. 

Les noms qui rappellent le séjour des Escualdunais 
dans le Caucase, datent peut-être d'une époque plus 
ancienne : ils ont pu être donnés lors du premier sé- 
jour de leurs ancêtres dans cette région, et ils sont 
peut-être aussi la preuve que les anciens Hébreux et 
les Escualdunais ont parlé la mème langue à l'époque 
de Noé. 

Cette opinion est encore confirmée par no4@, vin, 
qui rappelle Noé, l'inventeur de cette boisson *. 

On sait d’ailleurs que Noé a habité l'Arménie, voi- 
sine de l'ancienne Ibérie et du Caucase, et que dans ces 
pays la vigne croit avec facilité et donne d’excellent vin. 

La Géorgie actuelle est située dans le même lieu que 
l'ancienne Ibérie; ses habitants parlent une langue dont 
le vocabulaire n’a que des analogies rares et incertai- 
nes avec celui des Basques. 

Au point de vue grammatical, elle offrirait ce rap- 
prochement, qu'elle n'a pas d'articles, et que les pré- 
positions sont représentées par des suflixes. La numé- 
ration des Géorgiens est décimovigésimale, comme celle 
des Basques; mais les noms de nombres de ces deux 
peuples n’ont aucune analogie entre eux. 

Quant à l'alphabet des Géorgiens, il n'a aucune ana- 
logie non plus avec celui des Basques. 


i 


Noë veut dire repos en hébreu, 


423 

M. Brosset jeune, dans sa grammaire géorgienne, 
rappelle que cet alphabet à été inventé par P'harnavaz, 
roi de Géorgie, qui chassa de ce pays le vice-roi qu'A- 
lexandre-le-Grand y avait placé; par conséquent, dans 
le troisième siècle qui a précédé l'ère vulgaire. 

Malgré l'énorme différence existant entre la langue 
des Géorgiens et celle des Basques, ces deux nations 
possèdent les mêmes caractères ethnologiques et parais- 
sent provenir d'une même souche. 

La beauté des Géorgiennes, la couleur de leurs che- 
veux, qui est la même que celle des femmes basques, 
tout porte à confirmer celte assertion. 

Les Géorgiens actuels, s'ils ne sont les descendants 
des anciens Ibériens, sont évidemment leurs collaté- 
raux, et viendraient par conséquent des Basques ré 
pandus en Asie. 

Selon M. J. Klaproth, il y aurait encore dans le Cau- 
case un peuple nommé Gudamakari, habitant les hau- 
tes montagnes à l'est de l'Aragwi, qui conserverait son 
indépendance et parlerait encore la langue des an- 
ciens Géorgiens. 

Il eût été de la plus haute importance, pour élucider 
l'histoire des Escualdunais, de se procurer des rensei- 
gnements sur la langue des Gudamakari, qui serait la 
même que celle des Basques actuels, s'il est vrai qu'ils 
descendent des anciens Ibériens du Caucase. Quelques 
recherches que j'aie faites ou fait faire, je n'ai pu m'en 
procurer un seul mot, si ce n'est celui de Gudamakari, 
nom par lequel on les désigne. 

J'ai done cherché ce que voudrait dire en langue 


424 
basque ce nom, qui est composé et qui doit être si 
gnificatif. 

Je n'hésite point à dire que ce nom est d'origine basque : 
la première partie, guda, veut sans aucun doute dire 
guerrier. Le reste peut être interprété de diverses ma- 
uières; mais il en est une qui l'emporte sur les autres. 
Si l’on employait deux 7 au lieu d’une, on aurait Guda 
mak arri : guerriers qui combattent à coups de pierre; 
de guda, guerrier; mak, combattre {racine perdue de 
la langue basque); arri, pierre. Si l'on songe aux ha- 
bitants des iles Baléares, d'origine escualdunaise, qui 
étaient si redoutables par l'adresse avec laquelle ils lan- 
caient des pierres au moyen de la fronde, événement 
consacré par l’histoire et conservé dans le nom même 
de ces iles, l'explication du mot gudamakari devien- 
dra très-probable, si elle ne doit être considérée com- 
me l'expression de la vérité. 

L'avenir donnera une solution certaine à cette ques- 
tion; car il existe une Bible en gudamakari : si je puis 
me la procurer, il me sera bien facile de savoir si elle 
est en langue basque. 


5° ÉPOQUE. 


Arrivée des Escualdunais en Espagne. 


Les Basques, sans cesse harcelés par les peuples de 
la région méridionale et occidentale de l'Asie, ont dù 
abandonner l’Ibérie en traversant le Caucase. L'époque 
de cette émigration remonterait à quinze siècles avant 


425 

l'ère vulgaire, selon Varron. De là, ils ont cotoyé la 
mer Noire et se sont rendus, par terre, dans le nord 
de lltalie, où ils ont laissé des traces par quelques 
noms de localités que j'ai cités. De ce point, ils se sont 
étendus, en rayonnant, en ltalie, en Corse, en Sar- 
daigne, en Sicile, dans les iles Baléares, dans la Pro— 
vence française, et de là en Espagne. 

Le rameau escualdunais, qui s’est rendu en Espa- 
gne, est venu finalement se fixer dans les Pyrénées, 
où il à retrouvé le même climat que dans le Caucase. 
C'est là qu'il a su conserver son indépendance et l'i- 
diome merveilleux qu'il parle. 


Colonie basque en Amérique. 


Ainsi que je l'ai fait voir, on trouve dans l'Amérique 
du Sud une région considérable dont les points les 
plus importants ont reçu des noms d'origine basque; 
tels sont l'Uruguay, l'Orénoque, l'Ubay, l'Arinos, les 
Andes, le Pillachiquir, le Picacho, le Cayambouro, et 
bien d'autres noms, moins importants il est vrai, qui 
sont là pour démontrer cette assertion. 

M. de Humboldt a trouvé de l’analogie entre la gram- 
maire des Basques et celle des Quichuas, qui habitent 
le pays des Incas et qui en sont les descendants; mais, 
indépendamment de cela, beaucoup de mots quichuas 
et de mots guaranis ont une analogie profonde avec 
ceux de la langue basque, et de plus, avec le sans- 
crit et le français. Toutefois, ces mots sont dispersés 
dans divers dialectes; cependant, ils ont exercé une 


426 
influence assez grande sur la langue de ces peuples, 
pour que l'on puisse admettre que ce n’est pas une 
seule fois, mais bien des fois, que des Européens sont 
échoués en Amérique. 

M. A. de Humboldt signale une tradition qui exis- 
tait dans l'Amérique du Sud, selon laquelle des mu- 
railles auraient été bâties par des hommes blanes ayant 
de la barbe et qui habitaient les Andes. Il existe en- 
core, en Amérique, une tribu d'hommes blanes qui 
est anthropophage et fort redoutée de ses voisins... 
Jl ne peut donc exister le moindre doute que, bien 
longtemps avant la découverte de Christophe Colomb, 
des hommes blancs ou des Européens ont habité FA-' 
mérique. Parmi ces hommes, il y eut des Basques. 
Cette assertion n’a rien qui doive étonner : les Basques, 
hardis navigateurs, qui passent pour sêtre livrés les 
premiers à la pêche de la morue, auraient été entrai- 
nés jusque dans le Nouveau-Monde. Là, privés des 
moyens de reconstruire un navire, n'ayant point de 
connaissances astronomiques et géographiques sufli- 
santes, étant d’ailleurs dépourvus de ces instruments 
merveilleux dont on fait maintenant usage dans la na- 
vigation pour déterminer les latitudes et les longitudes, 
ils ont dù rester où ils se trouvaient. 

Tout ce qui précède, la communauté d'origine des 
Basques, des principaux peuples de l'Asie et de l'Eu- 
rope; la connaissance qu'ils avaient de l'éléphant et du 
cheval, suffisent d’ailleurs pour démontrer que les Bas- 
ques ne viennent point d'Amérique, mais qu'ils y sont 
allés. 


427 


L'époque à laquelle les Basques se sont rendus d'Eu- 
rope dans l'Amérique méridionale, ne peut être détermi- 
née; elle doit remonter cependant assez loin, car on n’a 
pas trouvé, dans les langues des peuples de ce continent, 
de noms qui rappelassent notre civilisation moderne. Ce 
n'a cependant pu être antérieurement à l'émigration 
du Caucase, qui remonte à quinze cents ans au delà 
de l’ère vulgaire, comme cela a déjà été dit. 

Les Basques, lors de leur arrivée en Espagne, ne 
connaissaient point l'écriture qu'ils emploient actuelle- 
ment; ils avaient, pour conserver leurs pensées, un 
moyen moins parfait, qu'ils nommaient agercaya *, 
auquel ils ont renoncé après avoir reçu un alphabet 
des Romains. Les Géorgiens, qui les ont remplacés 
dans l’ancienne Ibérie, n’ont eux-mêmes reçu un al- 
phabet que trois siècles avant l’'avénement du Christ. 

Strabon dit que les Ibères se rassemblaient le jour de 
la pleine lune, et qu'ils passaient la nuit à rendre un 
culte à une divinité anonyme. Il n'est resté aucune 
trace qui démontre d’une manière certaine qu'ils aient 
adopté le culte polythéiste des Romains. Le nom de 
ceagia, impuissant, qu'ils donnaient aux idoles, ten- 
drait à démontrer qu'ils étaient peu disposés à recon- 
naitre la divinité de ces êtres fantastiques. On sait que, 
plus tard, ils sont devenus chrétiens. 

Les Basques ont toujours aimé l'indépendance et 
ont souvent préféré la mort à la perte de leur liberté 


! Depuis que j'ai écrit ce paragraphe, j'ai appris que l'écriture des anciens 
Basques avait été retrouvée depuis quelques années : elle s’écrivait de droite à 
gauche, comme celle des peuples sémitiques. 


28 


428 


ou à une vie sans honneur. Strabon, qui vivait à une 
époque fort différente de la nôtre au point de vue des 
idées morales, rapporte d'une manière singulière quel- 
ques faits qui sont très-honorables pour les Basques, 
et qu'il considère tout simplement comme des actes de 
férocité. « Les Ibériens sont féroces, — dit-il. — Des 
» individus que l'on avait mis en croix, n'ont cessé 
» d’entonner des chants guerriers jusqu’à leur mort! » 

Le chef d'une famille qui venait d'être fait prison- 
nière, ordonna à l'un de ses fils, encore enfant, qui 
avait les mains libres, de prendre un glaive qui était 
près d'eux, de les mettre tous à mort et de se frapper 
ensuite. Ce qui fut exécuté. 

Un jeune Ibère prisonnier se jeta dans un feu ardent, 
plutôt que de céder à la brutalité de Romains qui s'é- 
taient enivrés dans une orgie! 

Quel est le plus féroce, de celui qui crucifie des guer- 
riers malheureux, ou de celui qui chante en recevant 
la mort? Quel est le plus féroce, de celui qui asservit 
inutilement des hommes, ou de celui qui meurt parce 
qu'il ne peut conserver sa liberté? Quel est le plus fé- 
roce, de celui qui s'enivre et qui veut assouvir d'igno- 
bles passions, ou de celui qui souffre une mort cruelle 
pour éviter une flétrissure ? 

Honte aux Romains! honneur aux Basques! 


Je me résumerai en quelques mots. Les peuples de 
l'Europe et de l'Asie occidentale descendent d’une même 


429 


famille, d'un mème père : la race indo-germanique, 
comme la race sémitique. 

La langue basque est, à n’en pas douter, la langue 
la plus ancienne qui soit parlée sur le globe. 

Les Escualdunais, que l'on nomme Basques aujour- 
d'hui, ont habité le nord de l'Asie, l'Asie centrale, le 
Caucase, et se sont rendus en Espagne. Ils ont fourni, 
probablement sans le vouloir, des colons à l'Amérique. 

La plupart des nations de l’Asie occidentale et de 
l'Europe ont des aflinités non équivoques avec la race 
escualdunaise, qui sont démontrées par les langues 
qu'elles parlent et par leurs caractères anthropologiques. 

En général, l’altération de la race est en rapport 
avec celle de l'idiome qu’elle parle. 

Il faut ajouter que les affinités des Escualdunais 
avec les autres nations ne se bornent pas à celles que 
j'ai signalées. 

La famille nubienne, qui est nègre et habite l'Afri- 
que orientale sur les bords de la mer Rouge, parle une 
langue dont plusieurs mots se rapportent à celle des 
Basques. 

Plusieurs lieux du nord de l'Afrique portent des noms 
qui se traduisent d’une manière significative en Basque. 
Un seul suflira pour donner une idée de l’universalité 
de cette langue : Sahara, le grand désert, veut dire 
plaine ou sable de feu. 

Je termine ici cé que j'ai à dire sur les Basques; 
mais j'aurai l'occasion de revenir sur ce sujet en fai- 
sant une application de ma méthode d'investigation 
historique aux principales nations du globe. 


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431 


RAPPORT 


SUR 


LES TRAVAUX DE LA SOCIÉTÉ D'AGRICULTURE, 
SCIENCES ET BELLES-LETTRES DE ROCHEFORT 
et notamment sur 


les doublages en cuivre employés pour les carènes de navires; 


Par M. W. MANÈS. 


MESSIEURS, 


Le Recueil, que vous m'avez chargé d'examiner, des 
travaux de la Société d'Agriculture, Sciences et Belles- 
Lettres de Rochefort, pendant l'année 4851 à 52, n'est 
pas très-volumineux, car il ne contient que cinq no- 
tices assez courtes; savoir : 

Sur les chaudières de bateaux à vapeur ; 

Sur les doublages en cuivre pour carènes de navires; 

Sur le mouvement de la population de Rochefort en 

1851; 

Sur les fortifications de Cherbourg ; 

Sur les améliorations agricoles introduites dans le 

domaine du Négrier. 


432 


Parmi ces diverses notices, il n’est que les deux pre- 
mières qui m'ont paru mériter de fixer votre attention. 

La Notice sur les chaudières de bateaux à vapeur a 
été écrite par M. Auriol, ingénieur de la Marine, à 
la suite de l’examen qu'il a fait du résumé qui a été ins- 
crit dans les Actes de l'Académie, sur les chaudières à 
vapeur en général. 

M. Auriol y donne, concernant les chaudières à va- 
peur employées dans la marine militaire, des détails 
intéressants que je dois vous faire connaitre. 

On se sert uniquement, dans la marine militaire, de 
chaudières en tôle, dont on à diminué le poids par la 
suppression des fers en cornières dans les angles. La 
forme de ces chaudières est exclusivement, depuis sept 
à huit ans, celle des chaudières tubulaires, avec tuyaux 
chauffeurs dans les coffres à vapeur. Ces sortes de chau- 
dières encombrent un peu moins que les chaudières à 
tombeau , et permettent de pousser plus haut la tension 
de la vapeur; mais elles élèvent un peu la position du 
centre de gravité, ce qui est contraire à la stabilité du 
navire, et sont d'un entretien plus difficile, qui peut 
cependant être obtenu d'une manière satisfaisante par 
des extractions régulières d'eau. 

Toutes les faces planes et parallèles de ces chaudières 
sont consolidées par des boulons qui ne permettent ni 
l'écartement, ni le rapprochement. 

Les corps cylindriques sont terminés par des calottes 
hémisphériques. | 

Les tubes calorifères employés sont en cuivre plutôt 
qu'en fer étiré, parce qu'ils s’oxident moins, durent 


133 
plus longtemps et ont une plus grande faculté conduc- 
trice de la chaleur. 

La tension de la vapeur ne dépasse pas, sur nos bà- 
timents, celle de deux atmosphères. On n’y fait point 
usage de la haute pression, pour ne pas être obligé 
d'augmenter l'épaisseur de la tôle et le poids des appareils. 

On dispose sur la plupart des navires de plusieurs 
degrés de détente, suivant les diverses circonstances de 
mer et de vent, en mème temps qu'on éteint les feux 
dans une proportion correspondante du nombre des 
corps de chaudières employés : c'est là un moyen sûr 
de diminuer la dépense et de ménager le charbon pour 
une plus longue route ; car on sait, par expérience, 
que par l'emploi de la détente, la vitesse du sillage du 
navire est diminuée dans un rapport beaucoup moindre 
que la consommation du combustible. 

Quant aux dangers d'explosion, on s’en met à l'abri 
par un service régulièrement établi et exécuté : 

1° On porte une attention particulière sur les rivets, 
qui se détruisent plus promptement que la tôle; sur les 
bouts rivés des tubes, à l'extrémité des foyers et au re- 
tour de la flamme; sur les boulons, sur les joints, et 
l’on répare immédiatement les petites avaries, à mesure 
qu'on les voit. 

20 On veille à ce que les soupapes de süreté soient 
toutes en bon état et fonctionnent sans surcharge. 

3° On prend garde à ce que les feux soient bien con- 
duits. L'usage est de mettre sur les grilles environ dix 
centimètres d'épaisseur de charbon en morceaux gros 
comme des pommes et des noix, d'allumer avec du bois, 


434 

deramener toujours la houille crue versles portes desfour- 
neaux, et de la pousser vers le fond lorsqu'elle est con- 
vertie en coke; de lui laisser développer toute sa flamme, 
d'éviter toute augmentation brusque de chaleur et tout 
refroidissement, d'empêcher que le combustible ne colle 
aux grilles et ne forme une croûte, de nettoyer les 
cendriers. 

Un perfectionnement remarquable est résulté de la 
suppression du registre de la cheminée et de son rem- 
placement par des registres particuliers appliqués con- 
tre les ouvertures des cendriers des divers fourneaux. 
Par là, on peut régler ou modérer le tirage de chaque 
fourneau , suivant l’activité du feu. 

4° On veille à ce que l'alimentation se fasse bien, et 
à ce qu'il n’y ait point d'adhérence entre le fond des 
chaudières et les dépôts des sels calcaires qui s'inter- 
posent entre l’eau et la tôle, attendu que ces dépôts di- 
minuent l'efficacité de la chaleur et obligent à chauffer 
davantage, d'où il résulte que la consommation du 
combustible augmente , et qu'on fait rougir le métal, 
dont la ténacité est alors altérée. 

Des divers moyens qui ont été indiqués pour préve- 
nir les dépôts salins, celui de l'emploi de l'argile à un 
extrême degré de ténuité a été en usage dans la marine 
pendant plusieurs années, et a eu des succès incontes- 
tables. L’argile mêlée aux sels empéchait leur adhérence 
aux parois, et les extractions d'eau entrainaient à la 
fois les sels et l'argile, qui était continuellement rempla- 
cée; mais comme cette argile passait avec la vapeur 
dans les tuyaux, dans les articulations, dans les gar- 


435 


nitures, et jusque sur les pistons des cylindres dont le 
service était compromis, On a dù y renoncer. 

M. Polonceau considère toutes les tentatives de ré- 
duire les dépôts dans les chaudières des locomotives, 
comme très-incomplètes et sujettes à de graves incon- 
vénients ; il a successivement essayé différents produits 
chimiques ayant pour base des sels de soude, du sel 
marin, du tannin, des décoctions de bois, et n’a ob- 
tenu que des résultats peu satisfaisants. Les acides vé- 
gétaux n'ont pas assez d'action, et les acides minéraux 
rongent le métal. 

M. Auriol conclut que le plus sûr moyen de conser- 
ver les appareils évaporatoires en état de propreté et 
de bon fonctionnement, se réduit, au moins jusqu’à 
présent, à établir un service régulier dans les extrac- 
tions d'eau, qui doivent être continues ou très-fré- 
quentes. 

Dans la Notice sur les doublages en cuivre pour les 
carènes de navire, M. Auriol expose le résultat des 
travaux d'une commission qui, par ordre du gouver- 
nement anglais, s'est occupée récemment de rechercher 
quelles pouvaient être les causes de la prompte détério- 
ration des doublages en cuivre. 

On sait que les doublages ont un double but : 4° em- 
pêcher les vers et autres animaux marins de s'introduire 
dans le bois et de détruire le vaisseau; 2° empêcher 
l'adhérence des algues et coquillages à la carène du na- 
vire, ce qui ralentit considérablement sa marche et 
nuit à ses qualités nautiques. 

Mais on ne tarda pas à s’apercevoir que lesdits dou- 


436 


blages s'usaient rapidement, et on chercha les moyens 
d'y obvier. 

En 1824, le célèbre chimiste Davy vit la cause de 
cette destruction dans la condition électrique du métal 
en rapport avec l'eau de mer : il imagina de rendre la 
surface totale du doublage négative par la superposi- 
tion, dans le sens de la longueur du navire, de bandes 
minces et étroites d’un métal positif, comme le zinc, 
de manière à occuper environ la deux centième partie 
de la surface du doublage, et ces essais furent couron- 
nés d'un plein succès; le cuivre fut préservé de toute 
oxidation. Davy prévit alors que le cuivre, ainsi pro- 
tégé, pourrait bien se couvrir d'un dépôt de sels cal- 
caires et magnésiens, sur lequel les algues et les co- 
quillages viendraient s'attacher ; mais il pensa qu'on 
pourrait prévenir cet effet en diminuant, dans une juste 
proportion, la quantité du métal protecteur. Il faut 
croire, toutefois, que cet inconvénient persisla à se 
montrer, Car c'est pour cette cause que cette belle ap— 
plication d’un principe philosophique dut être, en moins 
de deux ànnées, complétement abandonnée. 

Plus tard, on erut trouver la cause de la destruction 
des doublages en cuivre dans la qualité du métal; il 
parut que l’eau de mer agissait plus directement sur le 
cuivre pur que sur le cuivre allié, et on proposa pour 
doublages des cuivres alliés soit à de l’étain, soit à du 
zinc, soit à du fer. Le métal de Müntz, composé de 
deux parties de cuivre et une partie de zine, fut alors 
employé avec quelque avantage; le bronze donna aussi 
de bons résultats. 


k37 

M. Prideaux, chimiste attaché officiellement à l’ar- 
senal de Plimouth, émit, lui aussi, en 1841, cet avis 
que le cuivre allié était le meilleur pour le doublage. 
Depuis, et après avoir effectué un grand nombre d'a- 
nalyses sur plusieurs spécimens de doublages de bonne 
ou mauvaise qualité, vieux ou neufs, il dut reconnaitre 
qu'il n'ya point de différences caractéristiques ou cons- 
tantes entre les bons et les mauvais cuivres de doubla- 
ges. Le tableau suivant des alliages trouvés par lui dans 
divers cuivres, et où l’on voit que le cuivre qui a duré 
trente ans était le plus pur de tous, l'a amené à cette 
conclusion : 


CUIVRE AYANT DURÉ CUIVRE 
à 


30 ans. | 17 ans. | 5ans. [rapide usure. 


Étain..….....| 0,08 0,07 0,40 0,07 
Zincubieu 0,09 | 0,44 0,24 0,45 
Fer...…....| 0,07 0, 26 0,45 0,56 
Argent... 0,01 0,14 0,01 0,06 

ToTar....| 0,25 0,61 0,45 0,64 


M. Prideaux examina aussi les effets des clous em- 
ployés, et vit que, dans quelques cas, ils semblaient 
avoir protégé le cuivre, ce dernier étant plus épais au- 
tour d'eux; que, dans d'autres cas, ils avaient eu un 
effet contraire, le cuivre étant usé autour des clous. 

À l'aide du galvanomètre , les clous furent trouvés 
pour la plupart négatifs au cuivre ; mais lorsqu'ils 


438 


étaient couverts de vert de gris et que le cuivre était 
propre, ils lui étaient positifs. 

Voici la composition comparative de clous anglais 
trouvés très-bons pour doublages, et des clous français, 
destinés au même usage, qui sont fabriqués à Roche- 
fort pour tous les ports militaires : 


Tor. 98,59 


CLOUS ANGLAIS CLOUS FRANÇAIS 
pour doublages en enivre. pour doublages en cuivre. 
Cuivre 62, 62 Cuivre... 92, 00 
VAT ONERR PER 24, 64 Etain... 8, 00 
Plomb... 8, 69 Tora.. 400, 00 
LE Fa d OLA APRES 2, 64 


M. Auriol fait observer, en terminant, que de toutes 
les recherches faites sur les causes qui affectent les 
doublages par des hommes du plus haut mérite, en An- 
gleterre comme en France, il n'est guère possible de 
tirer une conclusion nette et claire. Aussi, M. Pri- 
deaux, résumant en 1850 les divers travaux effectués, 
a-t-il déclaré publiquement, dans le Journal des Mi- 
nes, que presque aucun progrès n'avait été réalisé de- 
puis 1824. 

Dans ces derniers temps, M. Bobierre, ayant été 
chargé par le Tribunal de Commerce de Nantes de re- 
chercher les causes de l'altération du bronze employé 
au doublage d'un navire du nom de Sarah, fit à ce su- 


439 
jet beaucoup de recherches, et les a exposées à l’Institut 
dans plusieurs Mémoires, dont voici le résumé : 

« Les doublages en bronze sont préférables, au point 
» de vue de la durée et de la solidité, aux doublages 
» en cuivre ou en laiton. Les altérations anormales, 
» souvent ruineuses pour les armateurs, et qui ont, 
» depuis quelques années, été l'objet de nombreuses 
» contestations, sont le résultat d’une fabrication dé- 
» fectueuse. La présence de l’arsenic dans les bronzes 
» à doublage n’entraine pas nécessairement l’altération 
» rapide de ces alliages, ainsi que cela paraît avoir lieu 
» pour les cuivres rouges. L'expérience a prouvé que 
» les bronzes à doublage ayant fait un excellent service 
» à la mer, renfermaient en général de 4,5 à 5,5 d'é- 
» {ain sur 100 de métal, tandis que presque tous les 
» bronzes qui ne contiennent que 2,4 à 3,5 d'étain 
» pour 100, sont hétérogènes et s’altèrent inégale 
» ment. » 

Ces résultats sont, comme on voit, fort différents de 
ceux obtenus par M. Prideaux. M. Bobierre ajoute d'ail- 
leurs que le désir de laminer à bas prix, en diminuant 
la dureté de l'alliage et l'appat offert au fabricant par 
l'infériorité de prix des cuivres aigres, sont les causes 
principales de la pauvreté en étain et de l'hétérogénéité 
des bronzes à doublages livrés aujourd'hui à la marine 
marchande. Il n’est pas dès lors étonnant que, vu la 
grande incertitude existante sur la bonne fabrication de 
ces bronzes, le doublage en cuivre rouge soit encore 
généralement conservé, malgré son prix élevé. 

On à cherché encore à préserver de l'oxidation les 
cuivres de doublage, en recouvrant ceux-ci d'un en- 


k40 


duit; mais quelles que soient les prétentions des inven- 
teurs des divers enduits proposés, ils n'empêcheront 
jamais les coquilles, les herbes et les mousses, de s'at- 
tacher aux flancs des navires, qu'ils transformeront 
bientôt en espèces d'îles flottantes. Ce moyen ne saurait 
donc être recommandé. 

M. Arman, de notre ville, bien loin de chercher à 
empêcher l'oxidation du cuivre de doublage, voit dans 
cette oxidation même une des garanties du maintien en 
bon état de marche de la carène du navire. Dans lopi- 
nion personnelle de cet habile constructeur, le dou- 
blage en cuivre n’a d'efficacité spéciale qu'à cause pré- 
cisément de son usure continue à la mer. En effet, les 
coquillages qui s’attachent sur la carène d'un navire dou- 
blé, rencontrent sur la paroi une couche permanente 
d'oxide, et c'est sur elle qu'ils adhèrent ; mais bientôt ils 
sont emportés avec la couche d'oxide et de petites pail- 
lettes de cuivre qui se détachent successivement sous 
la pression du courant continu qu'opère la marche du 
navire. L'oxidation du doublage empèche ainsi l'en 
crassement de la carène, qui fait perdre au bâtiment 
une grande partie de sa marche, et la durée de ce 
doublage est dès lors proportionnée à l'épaisseur du 
métal employé. 

Nous appelons l'attention des industriels sur cette 
question intéressante, qui laisse encore bien des doutes 
et des incertitudes, et nous les invitons à chercher les 
moyens d'assurer enfin de bons résultats dans la pra- 
tique. 


Bordeaux, ce 4 août 4853. 


441 


RAPPORT 


sur 


L'ÉLOGE DE ROMAS; 


Par MN. ABRIA !. 


MESSIEURS, 


En mettant au concours l'éloge de l'un des membres 
de l'ancienne Académie de Bordeaux, vous avez voulu 
payer à la mémoire de de Romas le juste tribut de louan- 
ges auquel il a droit, et rappeler aussi l'attention des 
physiciens sur les expériences célèbres auxquelles est 
resté attaché le nom de notre compatriote, et sur les 
observations qui les ont accompagnées. C'est à de Ro- 
mas, en effet, que l'on doit l'étude des propriétés élec- 
tiques des nuages orageux, la plus remarquable, sans 
contredit, par l'intensité et la variété des effets obte- 
nus; et quoique les Mémoires véritablement importants 
que nous lui devons soient en petit nombre et puissent 
se résumer en quelques pages, les observations qu'il a 
faites dans les recherches qui ont rendu son nom célè- 


Commission composée de MM. Manès, Raulin, Baudrimont, Magonty, et 
Abria, rapporteur. 


442 


bre n'ont rien perdu de leur importance, et l’on est 
loin d'en avoir déduit toutes les utiles conséquences qui 
paraissent devoir en résulter. 

Le seul Mémoire qui vous soit parvenu sur la ques- 
tion que vous avez posée, offre un résumé fidèle et com- 
plet des divers travaux scientifiques de l’assesseur au 
présidial de Nérac ‘. Ces travaux, assez nombreux, ne 
sont pas tous remarquables au même degré. Quelques- 
uns même renferment de graves erreurs; mais ils in- 
diquent un esprit inventif, ardent au travail, ingénieux 
et hardi dans les procédés d'expérimentation. Leur au- 
teur aurait cerlainement occupé un rang élevé parmi 
les physiciens de son époque, s'il avait reçu une forte 
éducation scientifique. A côté de Mémoires sur la tri- 
section de l'angle, le mouvement perpétuel, le raccour- 
cissement du télescope de Newton, la détermination des 
latitudes par l'inclinaison de l'aiguille aimantée, qui 
n'ont absolument aucune importance, nous remarquons 
quelques recherches sur le baromètre, le thermomètre, 
la capillarité et la météorologie, qui contiennent des 
observations intéressantes et faites avec soin. Il est à 
regretter même aujourd'hui que nous ne possédions pas 
un journal d'observations météorologiques qui parait 
avoir été tenu par de Romas avec exactitude, et qui 
nous fournirait certainement quelques données utiles 
sur le climat de l'Aquitaine. 

Les véritables travaux scientifiques de notre compa- 


! Les Mémoires de de Romas n'ont pas été tous imprimés, mais la plupart 
ont été conservés dans les archives de l’ancienne Académie de Bordeaux, archi 
vés qui sont déposées aujourd’hui à la Bibliothèque de la ville. C’est là que l’au— 
teur a puisé les principaux éléments de son travail, 


443 


triote, ceux qui lui assignent une place honorable parmi 
les physiciens du dix-huitième siècle, sont relatifs, on 
le sait, à l'électricité atmosphérique. L'auteur du Mé- 
moire les rapporte avec détails; il fait ressortir la portée 
des observations faites par de Romas dans le cours de 
ses recherches, observations qu'on peut résumer ainsi : 

1° L’intensité électrique de l'atmosphère croit avec 
la hauteur au-dessus du niveau du sol. Cette remarque, 
parfaitement exacte, conduisit le physicien de Nérac à 
lancer un cerf-volant vers les nuages orageux. 

2 L'électricité se manifeste par un temps serein, ob- 
servation qui fut faite à la même époque par Lemonier. 

3° On peut obtenir des signes d'électricité dans des 
pluies non accompagnées d'orage, et aussi avant qu'on 
n’entende le bruit du tonnerre. : 

4° Les nuages sont entourés d'atmosphères électri- 
ques, quelquefois très-étendues, soumises à l'influence 
des vents. 

5° Le bruit du tonnerre, la lumière des éclairs, per- 
dent notablement de leur intensité quand on décharge 
les nuages orageux. 

Cette dernière observation est une des plus impor- 
tantes parmi celles qu'on doit à de Romas. Elle prouve 
qu'en déchargeant, à l'aide de paratonnerres mobiles 
et suffisamment élevés, les nuages orageux, on pour- 
rait atténuer singulièrement, peut-être même annuler, 
les désastreux effets de la foudre. Aujourd'hui, qu'à l’aide 
de ballons captüfs il nous serait aisé de faire pénétrer 
dans la région des nuages des canaux par lesquels 
pourrait s'écouler leur fluide électrique, nous parvien- 

29 


kh4 

drions peut-être à prévenir la formation de la grèle, ou 
du moins à affaiblir l'intensité des causes qui parais- 
sent lui donner naissance. Les intérêts engagés dans 
la question sont assez nombreux, ils ont trait à une 
portion trop considérable de la richesse nationale, pour 
ne pas justifier une dépense qui épargnerait peut-être 
à l'agriculture des pertes énormes, et préviendrait des 
malheurs auxquels jusqu'ici on n’a jamais pu porter un 
remède efficace. Si ces essais sont tentés quelque jour, 
et si leurs résultats répondent aux espérances que l’on 
est en droit de concevoir, l'honneur des services qu'on 
rendra ainsi à l'humanité devra rejaillir en partie sur 
notre illustre compatriote, qui, le premier, aura mis sur 
la voie par des expériences aussi hardies qu'étonnantes 
dans leurs résultats. 

On ne peut disputer à de Romas le mérite d’avoir fait 
sur l'électricité atmosphérique des expériences qui, par 
la grandeur de leurs effets, ont considérablement dé- 
passé celles qui se faisaient à la même époque; on ne 
saurait non plus, nous le croyons, lui contester, sans 
injustice, d'avoir eu, en même temps que Franklin, li- 
dée d'appliquer le cerf-volant à l'exploration électrique 
de l'atmosphère. 

On a remarqué bien des fois que les auteurs se bor- 
nent généralement à copier leurs devanciers, sans pren- 
dre la peine de remonter aux sources et aux Mémoires 
originaux. Dans l’histoire de l'électricité atmosphéri- 
que en parliculier, les différents historiens se sont 
contentés de copier Priestley, que l'on ne peut vrai 
ment considérer dans cette question comme un modèle 


445 


d'impartialité. Franklin à eu le mérite incontestable 
d'indiquer le premier le pouvoir des pointes comme 
propre à vérifier l'identité de la foudre avec l'électri- 
cité, comme propre aussi à préserver les édifices des 
désastreux effets de ce météore; mais il faut ajouter 
quelques remarques pour que l'histoire de la science 
sur ce point soit complète et conforme'à une rigoureuse 
exactitude. 

4° Dès le mois d'août 1749, l'Académie de Bordeaux 
proposait pour sujet de prix la question des rapports 
entre la foudre et l'électricité. D'après le témoignage de 
Franklin lui-même, c'est le 7 novembre 1749, c’est-à- 
dire deux mois au moins après la publication du pro- 
gramme de l'Académie de Bordeaux, qu'il inscrivait sur 
son registre d'observations les analogies entre la foudre 
et le fluide électrique, et qu'il se trouvait conduit à es- 
sayer le pouvoir des pointes. Sa lettre à Collinson, dans 
laquelle il propose ce moyen, et qui forme veritable- 
ment le premier document authentique, est du 29 juil- 
let 1750. Il nous semble qu'il serait juste, dans l’his- 
toire de la science, de faire remarquer que l'Académie 
de Bordeaux a réellement provoqué les méditations des 
physiciens sur l'identité de la foudre et de l'électricité. 

2° D’Alibard est le premier qui ait obtenu des signes 
d'électricité atmosphérique, le 10 mai 1752. Ce n’est 
qu'en septembre de la même année que Franklin en ob- 
tint avec la verge de fer qu'il avait fait placer sur sa 
maison. Rien ne prouve, comme l'affirme Priestley, que 
l'expérience du cerf-volant ait été faite par Franklin 
en juin 1752. La lettre où le physicien de Philadelphie 
l'annonce, est du 19 octobre de la même année; et d'a- 


446 


près la manière dont elle est écrite, tout porte à croire 
que l'expérience était récente. 

3° Dès le 13 juillet 1752, par conséquent avant la 
lettre de Franklin, probablement avant son expérience, 
de Romas avait écrit à l'Académie de Bordeaux qu'il 
songeait à un moyen très-peu coûteux {la dépense, dit- 
il, ne doit pas excéder six francs) et emprunté à un 
jeu d'enfant, pour porter une aiguille électrique dans 
la région des nuages. Quoique le physicien de Nérac 
n'ait pas nommé le cerf-volant, il nous parait vraiment 
dificile, d'après ces expressions, de croire qu'il ait eu 
en vue un autre appareil. 

Nous croyons donc que de Romas a fait autre chose 
que répéter les expériences du physicien de Philadel- 
phie; on ne saurait lui contester l'invention de l'appa- 
reil qu'il a employé. C’est en effet dans ce sens que l'A- 
cadémie des Sciences de Paris s’est prononcée en 1764; 
et si notre compatriote n'a pu obtenir de son vivant la 
justice qui lui était due, il est de toute équité qu'on re- 
connaisse aujourd'hui ses droits. 

Votre Commission pense que le Mémoire qui vous à 
été adressé remplit les conditions imposées par le pro- 
gramme de l'Académie, et que les savants liront avec 
intérêt les détails donnés par l’auteur sur un physicien 
dont la biographie était tout à fait inconnue. Nous 
avons donc l'honneur de vous proposer de lui décerner 
le prix, et d'autoriser l'insertion de son travail dans le 
Recueil de vos Actes. Il nous parait très-digne d'y figu- 
rer avec honneur. 


12 janvier 1853, 


447 


ÉTUDE 


sur les 


TRAVAUX DE ROMAS; 


Par M. MERGET, 


Professeur de Physique au Lycée impérial de Bordeaux, 


Sie vos non vobis. 


La découverte de la nature électrique de la foudre, 
faite au milieu du dernier siècle, eut un immense re- 
tentissement en Europe, et produisit sur les imagina- 
tions étonnées l'impression la plus universelle et la plus 
profonde. Accueillie avec de véritables transports d’en- 
thousiasme par des générations ardentes aux nouveau- 
tés et avides d'émotions, elle conserva longtemps sa 
vogue, et, de nos jours encore, quoiqu'il suffise de l'in- 
telligence d'un enfant pour comprendre les principes 
sur lesquels elle repose, quoiqu'elle ait été suivie de 
beaucoup d'autres découvertes dont l'enfantement exi- 
geait pour le moins autant de génie, et dont les appli- 
cations ont été plus utiles et plus fécondes en grandes 
conséquences , elle n'a pas cessé d'occuper le premier 
rang parmi les plus populaires. Les poëtes ne laissent 


748 


pas échapper une occasion de rimer en son honneur 
des vers qui n'ont servi jusqu’à présent qu'à prouver la 
difficulté d'accorder la physique avec la césure, et les 
savants eux-mêmes, malgré leurs habitudes sérieuses, 
se résignent rarement à parler d'elle sans méthaphores. 

On a fait moins de réthorique bruyante pour la va- 
peur elle-même, quoiqu'elle méritàt, à bien plus de ti- 
tres, les honneurs de l'amplification oratoire ;. préfé- 
rence partiale qui resterait inexplicable si l'on ne savait 
que nos plus chaudes admirations sont toujours celles 
dont s’'accommode le mieux notre vanité. Les autres 
grandes victoires que l'homme a remportées sur les 
agents naturels, lui ont, il est vrai, coûté plus de pei- 
ne, et lui rapportent aussi plus de profits que celle qui 
a établi sa domination sur la foudre, mais jamais au- 
cune ne fut plus flatteuse pour son amour-propre. Ha- 
bitué comme il l'était à trembler devant les éclats du 
tonnerre, il salua de ses plus vives acclamations le jour 
où il put enfin commander en maitre à ce redoutable 
météore; moins il comptait sur la victoire, plus il se 
trouva fier de l'avoir remportée, et, suivant la cou- 
tume des poltrons, il manqua de modération dans son 
triomphe. 

Il est résulté de cet engouement de l'opinion une dis- 
position très-marquée à exagérer les mérites du savant 
qui passe pour avoir démontré le premier que la foudre 
est un phénomène électrique; aussi Franklin, auquel 
on attribue généralement l'initiative de cette glorieuse 
démonstration, est-il en possession d'une brillante re- 
nommée scientifique dont le temps n’a pas terni la splen- 


449 


deur; et quand la reconnaissance des peuples exalte 
l'ouvrier imprimeur de Philadelphie, devenu par occa- 
sion physicien éminent et grand homme d'État, elle fait 
passer l'inventeur des paratonnerres avant le fonda- 
teur de la République américaine. 

La réputation de Franklin comme homme politique 
ne lui a cependant pas été inutile pour consolider et 
pour étendre sa réputation comme physicien. L'éclat 
jeté sur sa personne par le rôle important qu'il joua 
dans le plus grand événement de l’histoire du dix-hui- 
tième siècle, la vénération enthousiaste dont il fut l'ob- 
jet, nelaissèrent plus à l'opinion assez de liberté pour 
juger le savant. On proclama de confiance la supério- 
rité de ses litres, sans trop se donner la peine de les 
examiner; et comme si ce n'était pas assez de la part 
de gloire qui lui était due pour ses travaux personnels, 
on Ja grossie de la part d'autrui; car, en physique 
comme ailleurs, on prête volontiers aux riches. 

Il s'en faut de beaucoup cependant qu'on doive rap- 
porter à Franklin seul le mérite d'avoir découvert l'iden- 
tité de la foudre avec la matière électrique. Annoncée 
comme possible, et pressentie instinctivement assez 
longtemps avant d'avoir été réalisée, cette mémorable 
découverte devint, vers le milieu du siècle dernier, le 
but des préoccupations et des travaux du plus grand 
nombre des électriciens, et pendant quelques années, 
elle fut maintenue à l'ordre du jour de la science. Des 
travailleurs hardis et infatigables, des sociétés savantes 
éclairées, la prirent pour point de mire de leurs actives 
investigations, et la poursuivirent sans relâche, dans 


450 
des voies diverses, avec des succès fort inégaux, mais 
avec le même courage intrépide et la même émulation 
de zèle. Ce fut à la ligue de tous ces généreux efforts, et 
non pas à l'inspiration isolée d’un homme de génie, que 
l'on fut enfin redevable de la conquête de la vérité. 

Parmi les physiciens qui prirent part avec le plus 
d'ardeur à cette émouvante lutte où l'homme osa fière- 
ment se mesurer avec une des forces les plus redouta- 
bles de la nature et parvint à l'asservir, les annales de 
la science mentionnent, très-diserètement, un juge obs- 
cur de Gascogne, un certain M. de Romas, que les his- 
toriens de la physique ont jusqu'à présent jugé trop 
provincial pour accorder à ses travaux l'honneur d'un 
sérieux examen. 

M. de Romas naquit en 1706 dans cette petite ville 
de Nérac qui fut aussi le berceau de la famille de Mon- 
tesquieu. Entrainé, dès sa jeunesse, par une vocation 
bien décidée vers l'étude des sciences, l'obligation de se 
faire un état l'empêcha de suivre sa passion dominante; 
il se tourna donc vers la magistrature, et ses études de 
droit terminées, il obtint la modeste place d'assesseur 
au présidial de sa ville natale. 

Qu'il ait été magistrat plein de zèle et légiste recom- 
mandable par ses lumières, nous l'accordons sans peine, 
et cela se montre assez clairement par l'estime générale 
qu'il sut conquérir dans l'exercice de ses délicates fonc- 
tions. On peut croire cependant qu'il ne ressentit Ja- 
mais pour les spéculations abstraites du droit qu'une 
affection très-modérée, et qu'au lieu de consacrer ses 
loisirs à méditer Cujas et Bartole, il préféra les em- 


ployer à étudier la physique dans les ouvrages de Nol- 
let, dont il adopta les vues et dont il fut à l'occasion le 
zélé partisan. 

Toujours est-il qu'il nous à laissé, non pas des com- 
mentaires sur des questions de jurisprudence, mais de 
nombreux écrits scientifiques, qui fixèrent assez l’atten- 
tion des hommes spéciaux de son temps pour lui mé- 
riter les suffrages des deux Académies des Sciences de 
Bordeaux et de Paris, dont la première lui conféra le 
titre de membre correspondant en 1745, et celui d'as- 
socié en 1754; la seconde, le titre si rarement accordé 
de membre correspondant, en 1755. 

L'homme privé ne nous est pas mieux connu que le 
jurisconsulte. La vie de M. de Romas s’écoula modes- 
tement et sans épisodes dans la sphère calme d’une pe- 
tite ville de province ‘; il la partagea tout entière entre 
l'accomplissement des devoirs de sa charge et la pour- 
suite de ses entreprises de physique; il n’a légué à la 
posterité, sous bénéfice d'inventaire, ni Mémoires pos- 
thumes, ni Impressions de voyage, et pour le connai- 
tre, nous en sommes réduits à chercher dans ses œu- 


M. de Romas, qui paraît avoir eu des goûts très-sédentaires, ne quitta Né- 
rac qu'à de rares intervalles, pour venir à Bordeaux, où il ne fit que des séjours 
de courte durée. Le retentissement que donnèrent à son nom ses belles expériences 
sur le cerf-volant électrique, lui attira la visite de quelques personnages il 
lustres, entre autres celle du chevalier d'Acosta, ancien ambassadeur du Portugal 
auprès des Provinces—Unies, et celle de la célèbre lady Montague. Le chevalier 
d’Acosta, exilé par le très-philosophe marquis de Pombal, devint l'ami ne notre 
compatriote, auprès duquel il se fixa; quant à lady Montague, elle se lia plus 
particulièrement avec Mm° de Romas, qui la combla de prévenances, lui offrit 
l'hospitalité la plus généreuse, et sut gagner l'affection de !a spirituelle touriste. 


452 
vres scientifiques des révélations éparses sur les traits 
dominants de son caractère. 

A le juger par son style incorrect et diffus, où les 
négligences les plus fortes et les infractions les plus 
hardies aux règles grammaticales viennent trop souvent 
mettre en relief des pensées qui étonnent par leur naï- 
veté, M. de Romas ne recut sans doute qu'une éducation 
fort incomplète, et l'isolement auquel le condamna son 
existence toute provinciale, l'empêcha d'arriver à cette 
maturité de talent que l'on peut acquérir par le com- 
merce des hommes, quand elle n’est pas donnée par la 
culture sévère de l'esprit. 

Les documents, fort peu nombreux d'ailleurs, où il 
est question de lui, tout en attestant sa parfaite bon- 
homie et les excellentes qualités de son cœur, insinuent 
qu'il ne fut pas exempt de ce défaut de vanité presque 
inséparable d’une origine gasconne; et aussi trouve-t- 
on plus d’une fois dans ses Mémoires la preuve qu'il 
joignait à une simplicité primitive de caractère, une 
confiance en lui-même qu'on excuse volontiers tant elle 
est de bonne foi. 

Ce qui rachète largement ces imperfections légères, 
c’est l’ardeur intrépide et désintéressée qu'il montra pour 
les recherches scientifiques, recherches qui furent cons- 
tamment l’objet de ses plus chères prédilections, et pour 
lesquelles il n'hésita pas, dans l’occasion, à exposer sa 
santé et sa vie. L’àge même ne parait pas avoir amorti 
la passion généreuse avec laquelle il s'y livra; et il faut 
qu'il l'ait bien vivement ressentie, pour que ses forces 
aient pu suffire à la multiplicité des études qu'il em- 


453 


brassa. Il n’y a pas, en effet, de branche de la physique 
sur laquelle notre curieux compatriote n'ait porté ses in- 
vestigations ; etcommes'iltrouvait trop restreint pour ses 
facultés le vaste champ de cette science, nous le voyons 
s'occuper encore de météorologie, de mécanique, de 
géographie, de navigation, d'agriculture, d'élève des 
bestiaux, expérimenter, inventer des machines, faire 
des essais de toutes sortes, écrire enfin trois gros vo- 
lumes de Mémoires, le tout en remplissant exactement 
les devoirs de sa charge et sans jamais trahir la moin- 
dre lassitude. Les manuscrits des Mémoires dont nous 
venons de signaler l'existence, après avoir fait partie 
jusqu’à la fin du dernier siècle des archives de l'ancienne 
Académie de Bordeaux, appartiennent maintenant à la 
Bibliothèque de notre ville, où j'ai pu les consulter à 
loisir, grace à l’obligeance bienveillante de l'habile con- 
servateur de ce riche établissement. M. Delas ne s'est 
pas contenté de mettre à ma disposition les documents 
bibliographiques que je devais consulter , il s'est cor- 
dialement empressé de me fournir tous les renseigne- 
ments propres à faciliter et à étendre les recherches 
que j'avais entreprises; je suis heureux d'acquitter ici 
la dette de reconnaissance que j'ai contractée envers 
lui. 

Par un malheur à peu près inévitable, quand on veut 
toucher à tout, on s'expose à ne rien approfondir, et 
il est arrivé à M. de Romas ce qui arrive presque tou- 
jours en pareil cas aux hommes qui ne savent pas ré- 
gler leur mobile imagination. Il effleura beaucoup de 
sujets sans en creuser aucun; il eut par moments des 


15% 
inspirations très-heureuses, sans jamais se montrer ca- 
pable d'en tirer parti jusqu'au bout; et, en moyenne, 
avec des facultés brillantes, mais mal employées, il ne 
s'éleva que par accident au-dessus du niveau de la mé- 
diocrité. 

Parmi les nombreux travaux dus à son infatigable 
activité, ceux qui sont étrangers à l'électricité n'offrent 
aucune partie digne de remarque, et ne renferment pas 
un seul résultat qui mérite de fixer notre attention; 
souvent, au contraire, ils contiennent des erreurs con- 
sidérables, dont quelques-unes appartiennent en propre 
à l'auteur et doivent lui être reprochées, tandis que les 
autres tiennent à l'imperfection des méthodes scienti- 
fiques en usage à l'époque où il vivait. L'analyse de ces 
divers travaux serait sans intérêt et sans profit; nous 
les passerons donc sous silence, pour nous attacher ex 
clusivement à l'examen des recherches de notre compa- 
triote qui ont pour objet les phénomènes électriques. 

Au temps où vivait M. de Romas, l'électricité tenait 
une grande place non-seulement dans les discussions 
des savants, mais aussi dans les préoccupations des 
hommes du monde, et plus encore en France que dans 
le reste de l'Europe. C'était la grande époque où se fon- 
dait cette branche si attrayante et si curieuse des scien- 
ces physiques; chaque jour apportait une découverte 
nouvelle, et, à chaque pas en avant dans ce vaste 
champ dont les perspectives infinies se déroulaient pour 
la première fois devant les yeux étonnés et ravis des 
physiciens, quelque fait aussi merveilleux qu'inattendu 
venait frapper les imaginations et enflammer les espé- 


455 
rances des intrépides explorateurs de ce nouveau monde 
scientifique. . 

On vit alors dans tous les pays civilisés s'organiser 
une véritable croisade philélectrique, entreprise avec 
celte fougue que donne l'enthousiasme, et continuée 
avec celte persévérance invincible qu'inspire une foi 
forte, car on croyait à l'électricité et on lui demandait 
même des miracles. Tout le monde se mit bravement 
en campagne, les uns avec leur léger bagage d’ama- 
teurs, les autres avec leur bagage plus lourd de savants, 
ce qui nous explique sans doute comment il se fit que 
les savants n'arrivèrent pas toujours les premiers. L'en- 
gouement devint irrésistible et gagna toutes les classes 
du public, depuis les quakers de Philadelphie, qui ou- 
blièrent la bible pour les globes de verre et de soufre, 
jusqu'aux grands seigneurs élégants et raffinés de Ver- 
sailles. Ce qui est plus significatif encore, les marquises 
à talons rouges assiégeaient en foule les cabinets des 
physiciens, où elles venaient chercher les émotions de 
l'étincelle, et, d'un bout à l'autre de l'Europe, elles en- 
tretenaient des correspondances fort sérieuses, non plus 
avec leurs marchandes de modes, mais avec les élec- 
triciens les plus éminents de la capitale; quelques-unes 
même poussèrent le fanatisme de la propagande jusqu'à 
se faire professeurs publics d'électricité *. 


! Ce fait assez curieux se présenta en Italie : Me Laura Bassi, membre de 
l'Académie de l'Institut de Bologne, dirigeait une école de physique expérimen— 
tale, fréquentée par un grand nombre d'auditeurs. Une autre Italienne, Mlle 
Ardinghelli, se fit aussi remarquer par son ardeur à étudier l'électricité : cette 
jeune personne, qui appartenait à une des familles les plus illustres et les plus 


456 


La France, comme on se l'imagine sans peine, ne 
fut pas le pays qui prit part avec le moins d'ardeur à 
ces luttes de la science, ni celui qui fournit le moindre 
contingent d'infatigables travailleurs. Les sociétés sa 
vantes de notre ingénieuse patrie se placèrent à la tête 
de cet important mouvement ; elles furent les premiè- 
res à donner l'élan à l'opinion, et par l'empressement 
avec lequel elles discutèrent les grandes questions alors 
à l'ordre du jour, par les prix qu’elles proposèrent comme 
une glorieuse récompense aux meilleurs travaux desti- 
nés à en donner la solution, elles contribuèrent puis- 
samment à l'accroissement de l'émulation universelle. 

Parmi ces sociétés savantes, celle qui montra le 
plus d'activité, d'intelligence et d'esprit d'initiative, 
celle dont l'action éclairée et forte se fit le plus eflica- 
cement sentir, et qui contribua, pour la plus large 
part, à diriger les esprits dans la voie du véritable pro- 
grès, fut sans contredit l'Académie des Sciences de 
Bordeaux, qui traversait alors une période glorieuse et 
trop peu connue de son histoire. Il y aurait injustice à 
ne pas rappeler ici les services éminents rendus par ce 
corps savant à la cause du progrès scientifique; cette 
étude se rattache d’ailleurs très-étroitement au sujet que 
nous traitons. 


anciennees de Toscane, fit imprimer en 1749, alors qu’elle n'avait que seize 
ans, une traduction italienne de l'Hémostatique de Hales, avec des remarques 
très-savantes et très-judicieuses. Plus tard, elle publia une traduction de la 
Statistique des Végétaux du même auteur. Toutes deux étaient des disciples de 
l'abbé Nollet, qui les tenait au courant du mouvement de la science, et qui leur 
dédia deux de ses lettres imprimées sur l'électricité. 


457 

En 1747, les premiers travaux sérieux sur l'électricité 
venaient à peine d'être révélés au monde savant; leur 
haute portée philosophique ne pouvait encore être que 
très-diflicilement comprise; et l'Académie des Sciences 
de Paris elle-même, n’osant pas se prononcer, se con- 
tentait prudemment d'attendre, pendant que l'Académie 
de Bordeaux, devinant dès-lors avec une rare puissance 
de pénétration toute l'importance des faits nouveaux 
dont la science s'était récemment enrichie, pressentait 
heureusement et montrait dans l'avenir les grandes dé- 
couvertes auxquelles ces faits devaient inévitablement 
conduire, en même temps qu'elle encourageait les sa- 
vants à en poursuivre la conquête. 

Cest ainsi que nous la voyons, en 1748, proposer 
pour sujet du prix des sciences la recherche des rap- 
ports entre le magnétisme et l'électricité; et, en 4749, 
celle des rapports entre l'électricité et la foudre. 

Une initiative aussi éclairée et que signalait tant d'à- 
propos doit nous faire concevoir une haute idée de la 
valeur scientifique des hommes éminents qui n’hésité- 
rent pas à la prendre; elle suffirait, à défaut d'autres 
preuves, pour nous apprendre que la compagnie illus- 
tre dont la réputation jetait alors tant d'éclat sur notre 
ville, renfermait dans son sein des esprits d'élite ca- 
pables au besoin de réaliser les grandes choses dont ils 
provoquaient l’entreprise. 

Cependant, parmi tous les memires de l'Académie, 
on ne comptait pas alors un seul physicien de profession. 
Ces promoteurs hardis de grandes découvertes étaient 
des hommes du monde, simples amateurs des sciences, 


458 


à la culture desquelles ils ne pouvaient consacrer que 
les heures trop peu nombreuses de leurs loisirs. Rap- 
prochés par la communauté des goûts autant que par 
la distinction des manières et par toutes les qualités ai- 
mables de l'esprit et du caractère, ils formaient une de 
ces sociétés souverainement élégantes et polies dont 
alors l'aristocratie de la naissance faisait noblement et 
délicatement les honneurs à l'aristocratie du talent, et 
où les savants trouvaient toujours des protecteurs géné- 
reux et éclairés, devenus bien souvent leurs émules. 

Le fondateur et l'inspirateur de ce petit cénacle de 
savants bordelais était le chevalier de Vivens, un des 
esprits les plus cultivés de son époque, tout à la fois 
agronome de premier ordre, littérateur brillant et sa- 
vant plein de zèle, digne enfin, par les excellentes qua- 
lités dont il présentait le rare assemblage, de présider 
les hommes éminents dont il aimait à s'entourer, et 
auxquels il offrit souvent une généreuse hospitalité dans 
son château de Clairac. 

C'est dans cette riante demeure que se réunissaient, 
pour s'entretenir de leurs travaux de prédilection et 
pour se communiquer les résultats de leurs méditations 
fécondes, l'immortel auteur de l'Esprit des Lois, qui 
se délassait de ses hautes spéculations sur la philoso- 
phie et sur l'histoire par la culture suivie de la physi- 
que et de l'histoire naturelle; le baron de Secondat, son 
fils, auteur de plusieurs opuscules scientifiques juste- 
ment estimés, et d'une excellente histoire de l'électri- 
cité; le docteur Raulin, qui fut depuis médecin par 
quartier de Louis XV; les frères de Dutilh, ardents et 


459 


habiles expérimentateurs; les abbés Guasco et Venuti , 
et enfin M. de Romas, qui habitait dans le voisinage. 

Ce dernier était sans contredit la tête scientifique la 
plus forte de l'assemblée, et, à côté des trop apparentes 
erreurs que l'on peut signaler dans ses œuvres, des ins- 
pirations heureuses et des traits d’une sagacité peu com- 
mune dénotent de sa part une incontestable aptitude 
aux investigations scientifiques. Malheureusement, pour 
féconder les remarquables qualités dont il avait reeu le 
germe, il lui manqua, ce qui ne se remplace guère, 
une éducation première forte et sagement dirigée. Re- 
légué dans une province éloignée, il vécut au milieu 
d'un cerele d'amis trop indulgents pour ses erreurs; il 
n'eut à redouter ni les luttes de la discussion, ni les 
mordantes attaques de la critique; on lui épargna les 
avertissements rigoureux, mais salulaires, qui relè- 
vent l'homme qui bronche, et le replacent dans la voie 
droite; aussi sa marche fut-elle toujours très-irrégu- 
lière et très-inégale ; et si nous analysions ses nombreux 
Mémoires, nous aurions malheureusement plus d'une 
chute à constater. 

Le défaut d'éducation scientifique sérieuse devait être 
moins nuisible à M. de Romas dans ses recherches sur 
l'électricité que dans celles auxquelles il se livra sur 
les autres branches de la physique. De son vivant, 
comme nous avons eu déjà l’occasion de le dire, on dé- 
butait à peine dans l'exploration du vaste champ de l'é- 
lectricité. Tout était à faire, ou presque tout; et une 
imagination ardente, jointe à une activité infatigaPle, 
pouvait conduire au succès aussi bien et mieux peut- 

30 


460 


être que la réflexion froide s'appuyant sur des connais- 
sances acquises. Aussi le modeste amateur de Nérac 
se montra-t-il quelquefois, dans ses travaux sur les phé- 
nomènes électriques, mieux inspiré que les savants les 
plus exercés et les plus habiles. Nous devons toutefois 
nous hàter de dire que c'est comme expérimentateur 
seulement, et non pas comme théoricien, qu'il peut 
ètre mis en parallèle avec eux. Jugeons-le d’abord comme 
théoricien. 

Deux systèmes, à celle époque, se partageaient les 
préférences des physiciens: celui des affluences et des 
effluences, dont l’auteur , l'ingénieux abbé Nollet, expli- 
quait tous les phénomènes de l'électricité par l'action 
d’effluves simultanées qui s'échappaient des corps pen- 
dant l'acte de l’élecirisation ; et celui des électricités en 
plus et en moins, imaginé par Franklin. Ce physicien 
suppose d'abord qu'il existe un seul fluide très-délié , 
auquel il donne le nom de fluide électrique. Cet agent 
est répandu partout; ses molécules se repoussent, et le 
verre résiste victorieusement à leur passage. Plongés 
originairement dans ce fluide, les corps en prennent 
en raison de leur attraction et de leur capacité, jus- 
qu'à ce qu'il se soit mis en équilibre avec lui-même 
dans tous les corps de la nature. Alors, aucun n'est 
électrisé; ils sont tous dans l'état naturel. Mais du 
moment que le frottement ou toute autre action quel. 
conque détermine la rupture de cet équilibre, les at 
tractions des corps pour les fluides électriques perdent 
leuf rapport d'égalité : les uns acquièrent une surabon- 
dance de fluide électrique, les autres manquent d'une 


461 


partie de leur fluide naturel, et c'est cet excès ou ce 
défaut de fluide qui les constitue dans deux états élec- 
triques différents. 

Le système de l'abbé Nollet, dont l'idée première est 
empruntée aux tourbillons de Descartes, n'avait abso- 
lument aucune valeur scientifique. Accepté d'abord 
avec une assez grande faveur, faute de mieux, il fut 
promplement abandonné pour celui de Franklin, plus 
simple et par conséquent plus séduisant, mais n’em- 
brassant qu'un petit nombre de faits, et ne se prêtant 
pas au calcul mathématique des lois ; aussi, ce dernier 
tomba-t-il à son tour devant l'hypothèse des deux élec 
tricités, dont celle de l'électricité en plus et en moins 
n'est qu'une maladroite reproduction. 

Pour le dire en passant, cette hypothèse des deux 
électricités sur laquelle la science moderne est aujour- 
d'hui victorieusement assise, et à laquelle elle est rede- 
vable de la plupart de ses admirables progrès, a pris 
naissance en France vers le commencement du dernier 
siècle, et elle a été formulée avec la plus grande net- 
teté par Dufay, dont les remarquables Mémoires, insérés 
tout au long dans le Recueil de l'Académie des scien- 
ces, furent comme non avenus pour les savants con- 
temporains. Mais Dufay était français, ce qui est la 
plus sûre condition pour n'être pas écouté en France ; 
on lui contesia ses belles expériences, alors qu'il suffi- 
sait d'avoir des yeux pour s'assurer de leur rigoureuse 
exactitude, et ses découvertes eurent le sort de bien 
d'autres découvertes faites dans notre pays. Il fallut 
qu'elles abandonnassent leur sol natal pour aller se faire 


462 

naturaliser étrangères; et quand elles nous revinrent 
défigurées et assez mal comprises avec le passeport de 
Franklin, alors on ne trouva plus pour elles des for- 
mules d'admiration assez hyperboliques; elles eurent 
leurs enthousiastes incorrigibles, leurs défenseurs in- 
trépides toujours prêts à rompre des lances contre qui- 
conque oserait manifester des velléités d'opposition, et 
trop long temps, dans l'opinion presque unanime des 
savants européens, le physicien de Philadelphie passa 
pour le véritable fondateur de la théorie électrique. Pen- 
dant qu'on parlait partout, et à tout propos, de Fran- 
klinisme, de Franklinistes et de système Franklinien, 
on poussait l’ingratitude jusqu'à oublier le nom même 
de Dufay. 

Nous devons rendre cette justice à M. de Romas, qu'il 
ne sacrifia pas aux dieux étrangers et qu'il resta fidèle 
au drapeau national; mais la Physique n'y gagna pas 
grand chose; et sil repoussa vigoureusement les idées 
de Franklin, ce fut pour adopter celles de l’abbé Nollet : 
évitant ainsi Charybde pour aller, tête baissée, se jeter 
dans Scylla. Du reste, les questions de pure théorie ne 
paraissent pas avoir pris une bien large place dans ses 
préoccupations, et il ne les a que très-superticielle- 
ment abordées dans deux Mémoires, fort courts, s'ils ne 
sont pas très-bons. 

Dans l’un de ces Mémoires, pour prouver la réalité 
des matières aflluente et ceffluente, il prétend que lors- 
que la décharge électrique se produit entre deux corps 
conducteurs , deux étincelles bien distinctes prennent 
naissance sur ces deux corps, viennent se choquer 


163 

avec bruit au milieu de l'intervalle qui les sépare, et 
reviennent ensuite très-fidèlement chacune à son point 
de départ primitif. Il ne fournit absolument aucune 
preuve en faveur de cette singulière assertion: il se 
contente d'affirmer très-cavalièrement que les choses se 
passent comme il dit les avoir vues, et on à peine à 
comprendre d'où lui vient l'imperturbable assurance 
avec laquelle il se porte caution pour un fait aussi ma- 
tériellement faux. 

Lors même qu'il aurait exactement observé, nous 
n'avons pas besoin de dire que son observation n'aurait 
pu fournir aucun argument en faveur de l’insoutenable 
système des affluences et des effluences. 

Le second Mémoire qu'il composa pour la démons- 
tration de ce système est consacré à établir ce point de 
fait, nié par les Franklinistes et affirmé contradictoire- 
ment par les partisans dé l'abbé Nollet, que le verre est 
perméable à la matière électrique. Cette question était 
alors assez vivement controversée parmi les savants, à 
l'occasion de l'explication récente donnée par Franklin 
de la charge et des effets de la bouteille de Leyde, et 
dans laquelle ce savant admettait limperméabilité du 
verre au fluide électrique. 

M. de Romas, qui se moque de cette explication, et 
qui s'oublie jusqu'à l'appeler entortillée, imagina, pour 
prouver que le verre est perméable, quelques expé- 
riences assez ingénieuses et qui lui parurent décisives. 
Il s'en fallait de beaucoup cependant qu'il eût le droit 
de chanter victoire, car il n’opéra qu'avec du verre ex- 
trémement mince; et s'il est vrai que sous de faibles 


464 
épaisseurs, cette substance livre passage à la matière 
électrique, elle perd cette propriété sous des épaisseurs 
un peu considérables. 

En dehors des deux Mémoires que nous venons d’a- 
nalyser fort brièvement, et de quelques pages où il 
raconte les effets du traitement électrique essayé par 
lui dans deux cas de paralysie, tous les autres travaux 
que M. de Romas entreprit sur l'électricité ont eu pour 
objet l'étude de l'électricité atmosphérique, et c'est dans 
ces derniers que nous devons chercher ses véritables 
titres de gloire. 

Dès 1750, nous le voyons fortemement préoccupé de 
cette pensée, que la foudre est un phénomène électri- 
que, et déjà il se livre à d'actives recherches pour con- 
firmer par l'expérience ses idées théoriques. Le point 
de départ de ces recherches fut l'observation des effets 
produits par la chute de la foudre sur le chäteau de 
Tampouy, près de Nérac ( juillet 4750 ). Comme on 
remarqua, dans cette circonstance, deux lames de feu 
qui se croisèrent à plusieurs reprises avec des siffle 
ments assez forts, et que des corps solides volumineux 
furent soulevés et transportés à des distances considé- 
rables, Romas vit dans ces particularités une ressem- 
blance avec les phénomènes d'attraction et de répulsion 
des corps légers par les corps électrisés, et avec la 
double étincelle qui, d'après lui, part entre deux con- 
ducteurs au moment de la décharge. Ces analogies 
étaient assez mal choisies; mais telles qu’elles étaient, 
elles frappèrent son imagination; et à la fin du Mé- 
moire où il les consigne, il écrivait les mots suivants, 


que nous transcrivons comme échantillon de son style, 
et qui annoncent de sa part l'intention bien arrêtée 
d'étudier à fond cet intéressant sujet : « Je me réserve, 
» si ce Mémoire est bien reçu, de traiter un peu plus 
» amplement, dans un autre que je me propose de 
» donner sous la forme d'un ouvrage lié, de toutes les 
» parties qui me paraitront les plus propres à faire 
» connaitre l’analogie de la foudre et de l'électricité . » 

Le temps marqua pour la confection de cet ouvrage ; 
notre compatriote fut devancé dans ses recherches, et 
la gloire de démontrer par des expériences décisives 
l'identité de la foudre et de l'électricité, lui fut enlevée 
au moment peut-être où il était sur le point de la con- 
quérir. Sans se laisser atteindre par le découragement, 
il entra avec résolution dans les voies nouvelles où 
d’autres plus heureux l'avaient précédé; il prit une 
part très-active au mouvement scientifique que provo- 
qua cette grande découverte; et sil ne brilla pas au 
premier rang, ses remarquables travaux lui assignaient 
au second une place encore fort honorable. Cette place 
cependant lui fut injustement contestée, et on le dé- 
pouilla sans serupule des titres scientifiques qu'il avait 
si laborieusement amassés, pour en faire honneur à un 


[1 paraît qu’à la suite du cas de foudre de Tampoüy et des réflexions dont il 
fut le point de départ, Romas conçut le projet d’un instrument destiné à attire 
le tonnerre. Cet instrument, qu’il ne décrit nulle part, mais auquel il fait quel— 
ques allusions dans sa lettre à Lutton, consistait, autant qu'on peut en juger sur 
de vagues indications, en un conducteur isolé terminé par une boule, ce qui aue 
rait fait un fort mauvais paratonnerre.M. de Vivens, qui eut connaissance du nou- 
vel instrument, et qui lui donna même le nom de brontomètre, comprit sans 
doute les dangers que son emploi aurait inévitablement entrainés, et détourna 
Romas de publier son invention, 


466 


autre. Ce sont ces titres que nous allons nous efforcer 
de lui restituer; ils appartiennent d'ailleurs à l’histoire, 
jusqu'à présent incomplétement ou inexactement ra- 
contée, de la découverte de l’identité de la foudre avec 
la matière électrique. En rétablissant cette histoire dans 
sa vérité, nous ne sortirons pas de notre sujet : l'expo- 
sition pure et: simple des faits est le meilleur éloge 
qu'on puisse faire du physicien de Nérac. 

Le premier rapprochement entre l'électricité et le 
tonnerre est dù au physicien anglais Gray, qui s'ex- 
prime de la manière suivante dans une lettre adressée, 
en 1735, à Cromwell Mortimer, secrétaire de la So 
ciété Royale de Londres, et publiée peu de temps après 
dans les Transactions philosophiques. «West probable 
» qu'avec le temps on trouvera un moyen de rassem- 
» bler une plus grande quantité de feu électrique, et 
» par conséquent d'augmenter la force de ce feu, qui, 
» par plusieurs expériences, st licet magnis componere 
» parva, parait être de même nature que celui du ton- 
» nerre et des éclairs. » 

A l'époque où Gray s’'exprimait de la sorte, les faits 
connus de l'électricité n'étaient encore ni assez nom-— 
breux, ni assez bien interprétés, pour qu'on attachàt 
quelque importance au rapprochement indiqué par ce 
savant; aussi sa lettre ne produisit aucune impression 
sur l'esprit des physiciens contemporains , et elle 
n’exerca aucune influence sur la direction de leurs 
recherches. 

Plus tard, en 1748, l'abbé Nollet se montrait un 
peu plus explicite ; à cette date, les faits s'étaient mul- 
tipliés, et devant le faisceau de convictions qu'ils ap- 


467 


portaient, ingénieux physicien se laissait aller aux 
réflexions suivantes : « Si quelqu'un entreprenait de 


» 
» 
» 
» 
» 
» 
» 
» 
» 
» 
» 
» 
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4 


prouver, par une comparaison suivie des phénomè- 
nes, que le tonnerre est entre les mains de la nature 
ce que l'électricité est entre les nôtres; que ces mer- 
veilles dont nous disposons à notre gré, sont de peti- 
tes imitations de ces grands effets qui nous effraient, 
et que tout dépend du même mécanisme; si l'on 
faisait voir qu'une nuée préparée par l’action des 
vents, par la chaleur, par le mélange des exhalai- 
sons, etc., est vis-à-vis d'un objet terrestre ce qu'est 
le corps électrisé en présence et à une certaine dis- 
tance de celui qui ne l’est pas, j'avoue que cette idée, 
si elle était bien soutenue, me plairait beaucoup; et 
pour la soutenir, combien de raisons spécieuses ne se 
présentent pas à un homme qui est au fait de l’élec- 
tricité! L'universalité de la matière électrique, la 
promptitude de son action, son inflammabilité et son 
activité à enflammer d'autres matières, la propriété 
qu'elle à de frapper les corps extérieurement et inté- 
rieurement jusque dans leurs moindres parties, 
l'exemple singulier que nous avons de cet effet dans 
la bouteille de Leyde, l'idée qu'on peut légitimement 
s'en faire en supposant un plus grand degré de vertu 
électrique, ete., tous ces pointsd’analogie que je médite 
depuis quelque temps commencent à me faire croire 
qu'on pourrait, en prenant l'électricité pour modèle, 
se former, touchant le tonnerre et les éclairs, des 
idées plus saines et plus vraisemblables que tout ce 
qu'on à imaginé jusqu'à présent. » 

Tout cela, sans aucun doute, est fort joli; mais il 


168 

n'y avait encore que des mots mis en circulation, et 
les sciences ne vivent pas seulenent de beau langage. 
Dans une question de cette importance, il fallait des 
faits coneluants, et ce fut pour provoquer leur produc- 
tion, qu'en 1749 l'Académie de Bordeaux proposa har- 
diment, pour prix des sciences physiques, la démons- 
tration des rapports de la foudre avec l'électricité. 

Cette initiative audacieuse partant d'un corps sa- 
vant dont la réputation était alors à son apogée, et 
dont les hommes les plus éminents de l'Europe s'em- 
pressaient de briguer les suffrages, a eté dédaigneuse- 
ment passée sous silence par les divers historiens de 
l'électricité. On peut affirmer cependant qu'elle exerça 
l'influence la plus salutaire et La plus décisive, et qu’elle 
donna la première impulsion au grand mouvement 
scientifique dont nous la voyons immédiatement suivie. 

Le simple rapprochement de quelques dates nous 
fournira des lumières à cet égard. 

C'est en 1749 que l'Académie de Bordeaux propose 
son prix sur la nature électrique de la foudre; et ce 
qui prouve que Fappel fait par elle aux savants de tou- 
tes les nations fut entendu, c'est que jamais il n'y eut 
pareille abondance de Mémoires; de sorte qu'en 1750, 
les juges du concours se trouvèrent fort embarrassés 
lorsqu'il fallut faire un choix parmi les nombreux can- 
didats dont les dissertations étaient soumises à leur exa- 
men ‘. 

Le prix de l'Académie fut solennellement décerné en 


‘ Ce fut M. Bergeret, médecin de Dijon, qui remporta le prix; sa dissertation 
ne renferme aucun fait nouveau: il se borne à résumer les faits alors connus, et 
il les interprète avec assez d’habileté en faveur de l'afirmative. 


469 


séance publique, au mois d'août 1750; à la date du 29 
juillet de la même année, Franklin adressait de Phila- 
delphie, à son ami Collinson, membre de la Société 
Royale de Londres, deux longues et remarquables let- 
tres, dont la première est consacrée à l'énumération et 
à l'interprétation des faits alors connus, qui tendaient 
à prouver que le tonnerre était un phénomène électri- 
que, et dont la seconde était accompagnée d'un Mé- 
moire, intitulé : Opinions el conjectures sur les effets 
de la matière électrique, qui résultent des expcrien- 
ces el des observntions faites à Philadelphie en 1749. 
Dans ce Mémoire, l'auteur propose d'utiliser le pouvoir 
que possédent les pointes de soutirer l'électricité des 
corps conducteurs, pour vérifier d'abord si les nuages 
orageux sont électrisés, et pour se préserver ensuite 
des atteintes de la foudre. 

La coïncidence est au moins remarquable, et vaut la 
peine qu'on la signale. 

A l'époque où l'illustre physicien de Philadelphie 
écrivait les deux remarquables lettres que nous venons 
de mentionner, connaissait-il, oui ou non, le pro- 
gramme de l'Académie de Bordeaux? C'est là, nous 
devons le dire, une question d’une délicatesse extré- 
me, qu'il faudrait trancher non pas avec des présomp- 
tions, mais avec des documents authentiques, et ces 
documents nous font absolument défaut. Franklin, pour 
sa part, ne dit pas un mot, ne laisse pas échapper une 
allusion qui autorise à croire qu'il ait puisé ailleurs 
que dans ses méditations personnelles l'heureuse inspi- 
ration qui le conduisit à s’occuper de l'électricité atmos- 


#70 


phérique, et la réserve impénétrable dans laquelle il se 


renferme laisse le champ libre à toutes les suppositions. 
Un de ses amis lui ayant demandé, en 1755, d'où cette 
inspiration lui était venue, voici la réponse qui lui fut 
faite (Philadelphie, mars 1755) : ©A l'égard de la 


» 


question que vous me faites, d'où m'était venue la 
première idée de proposer l'expérience d'attirer la 
foudre afin de constater son identité avec le fluide 
électrique, je ne puis mieux y répondre qu'en vous 
donnant un extrait des minutes que j'ai coutume de 
garder des expériences que je fais, et des mementos 
de celles que je propose de faire, avec les motifs sur 
lesquels je me fonde et les observations qui en résul- 
tent; minutes d'où je tirais ensuite de quoi composer 
mes lettres. Vous verrez par cet extrait que cette 
idée n'était pas un hors-d'œuvre, et qu'il ny avait 
pas d'électricien à qui elle ne pût se présenter. 7 no- 
vembre 1749. Propriétés communes au fluide élec- 
trique et à la foudre : 4° de rendre de la lumière; 2° 
couleur de cette lumière; 3° direction en zig-zag ; 4° 
rapidité du mouvement; 5° facilité à se laisser con 
duire par les métaux; 6° bruit où craquement dans 
l'explosion; 7° de subsister dans l'eau ou la glace; 8° 
de déchirer les corps au travers desquels il passe; 9° 
de tuer des animaux; 10° de fondre les métaux; 14° 
d'allumer des substances inflammables; 12° l'odeur 
sulfureuse. Le fluide électrique est attiré par les 
pointes. Nous ne savons pas si la foudre a cette pro- 
priété. Mais puisque ces deux substances conviennent 
en tous les points dans lesquels on à pu les comparer 


47 
» jusqu'à présent, il est probable qu'elles conviennent 
» également en celui-ci; il serait à propos d'en faire 
» l'expérience. » 

Quoique nul ne puisse servir de témoin dans sa pro- 
pre cause ; quoique Franklin, sans jamais avoir eu per- 
sonnellement recours au mensonge pour accroitre sa 
réputation, ait fait la sourde oreille alors que des amis 
offlicieux mentaient sciemment à son intention, nous 
admettrons que la pensée de comparer la foudre à l'élec- 
tricité lui soit réellement venue, pour la première fois, 
en novembre 1749. Ce qui n'en reste pas moins irré- 
“vocablement acquis, c'est que la note où il consigne 
celte pensée, est postérieure de plusieurs mois à la pu- 
blication du programme de l'Académie de Bordeaux. 
Or, depuis le mois d'août 1749, date de l'apparition de 
ce programme, Jusqu'au mois de novembre, il s'écoula 
plus de temps qu'il n'en fallait pour que le prix sur la 
foudre fut annoncé aux physiciens anglais d'abord, et 
bientôt après aux physiciens américains, qui étaient 
alors en correspondance très-active avec les savants 
de la mère-patrie. 

Si l'on objecte que nous accordons trop d'impor- 
tance à une Société savante de province, en supposant 
qu'on tenait compte d'elle et de ses programmes en 
Angleterre, nous répondrons que l'Académie de Bor— 
deaux, toute provinciale qu'elle était, jouissait alors 
d'une réputation (rès-étendue et très-justement méri- 
tée. Les électriciens surtout avaient les yeux fixés sur 
elle, et apportaient une scrupuleuse attention à suivre 
ses (ravaux; ils puisaient dans les remarquables sujets 


k72 


de prix dont elle avait le talent de faire choix ‘, linspi- 
ration féconde de leurs recherches, et dans l'espoir de 
conquérir ses suffrages, le stimulant le plus énergique 


‘ L'Académie de Bordeaux a successivement posé toutes les grandes questions 
de la physique et de la chimie; mais elle n’a pas toujours trouvé des hommes de 
génie pour les résoudre : elle était évidemment en avance sur son siècle. Pour en 
fournir la preuve, nous allons transerire ici quelques-uns des sujets de prix pro— 
posés par elle de 1726 à 1752. Ces sujets, choisis avec un rare bonheur et 
avec un merveilleux presseutiment de l'avenir, embrassent les problèmes les plus 
vastes et les plus féconds de la science, ceux dont la solution devait enrichir no- 
tre âge des plus brillantes découvertes : 


1726. Cause et nature du tonnerre et des éclairs. 

1739. L'air de la respiration passe-t-il dans le sang? 

1741. Origine des fontaines. — Fertilité des terres. 

1742. Sur l'électricité des corps. — Le prix fut remporté par Désaguliers, alors 
réfugié en Angleterre; et le Mémoire couronné révéla des faits nou- 
veaux qui contribuërent eficacement à l'avancement de l'électricité. 

1743. Théorie de l'élévation des vapeurs. 

1746. Cause de la rouille des métaux. 

Id. Mécanique des sécrétions. 

1747. Cause de l'augmentation de poids que certaines matières acquièrent 
par la calcination. 

1748. Rapport entre la cause des effets de l'aimant et celle des phénomènes 
électriques. 

1750. Rapport qui se trouve entre les phénomènes du tonnerre et ceux de 
l'électricité. | 

1752. Nature et formetion de la grêle. 


On attribue le choix de ces beaux sujets à Montesquieu, qui ayait une prédi- 
lection marquée pour les spéculations scientifiques, et qui parvint à la faire par— 
tager à ses collègues de l’Académie de Bordeaux. Avant lui, cette Académie, dont 
il fut le directeur en 1717, 4723 et 1734, était exclusivement littéraire ; il en 
fit un corps scientifique èn 1710, et ce fut lui encore qui fit instituer ce prix 
annuel des Sciences, brigué dès l’origine par les savants les plus éminents de 
l’Europe. 

L'auteur de l'Esprit des Lois cultivait lui=même les sciences avec distinction ; 
il composa plusieurs Mémoires sur des sujets de physique et d'histoire naturelle, 
et il avait coutume de dire qu'une bonne expérience vaut mieux qu'un beau 
discours. 


473 

de leurs efforts. Elle était alors, de toutes les com- 
pagnies savantes de l'Europe, celle qui se montrait la 
plus digne de diriger et d'accroître le mouvement scien- 
tifique dont elle fut la première et la seule peut-être à 
comprendre l'immense portée, et l'on n'a pas encore 
assez fait valoir la décisive influence qu'il lui fut donné 
d'exercer sur l'avancement des sciences pendant plus 
de la première moitié du dix-huitième siècle. 

Ce qu'il y a d'assuré, c’est qu'elle était connue et 
dignement appréciée en Angleterre. Ses membres les 
plus éminents, M. de Vivens, M. de Secondat, et le 
grand Montesquieu lui-même, y avaient séjourné pen- 
dant de nombreuses années, avaient été nommés mem- 
bres de la Société Royale de Londres, et entretenaient 
avec les hommes les plus illustres de cette Société des 
relations actives et amicales, pendant que, d’un autre 
côté, plusieurs Anglais de distinction faisaient partie de 
l'Académie de notre ville. Enfin, ce qui lève tous les 
doutes, c'est que le Mémoire auquel l'Académie décerna 
le prix de physique en 1742, venait d'Angleterre, et 
qu'il avait pour auteur Désaguliers, un des électriciens 
les plus renommés. de cette époque. Dans une autre 
circonstance, le prix de physiologie fut remporté par le 
docteur Stuart, médecin de la reine d'Angleterre ; et 
sur la liste des lauréats de 1740 à 1750, nous voyons 
figurer les noms de savants suisses, prussiens, saxons 
et polonais. 

Quand Franklin, qui s'occupait activement depuis 
1745 de l'étude des phénomènes électriques, et qui 
pendant plusieurs années n'écrivit pas un seul mot se 


k74 

apportant de près ou de loin à l'électricité atmosphé- 
rique, se tourna brusquement de ce côté en 1749, il 
est donc probable que ce fut l'éveil donné aux savants 
par l'Académie de Bordeaux, qui fut la cause de cette 
nouvelle direction imprimée à ses études. Dans tous les 
cas, en ne tenant compte que des documents officiels, 
les seuls après tout qui fassent foi, le mérite d'avoir 
attiré l'attention du monde savant sur le grand pro- 
blème de l'identité de la foudre et de l'électricité, et 
d'en avoir ainsi préparé la solution, ce mérite, nous 
ne saurions trop le répéter, revient tout entier à l'Aca- 
démie de Bordeaux. C'est à nous, quand l'histoire des 
sciences l'oublie, de nous en souvenir et de le procla- 
mer bien haut. 

Ce qui appartient à Franklin, et sa part est encore 
assez belle, ce sont ses expériences sur la fusion des 
métaux par la bouteille de Leyde, expériences qui vin- 
rent ajouter une nouvelle et frappante ressemblance de 
plus entre les effets du tonnerre et ceux de l'électricité ; 
c'est enfin la pensée originale et féconde qu'il eut d'ap- 
pliquer le pouvoir des pointes, analysé par lui avec 
une sagacité rare, à la démonstration de la présence 
du fluide électrique dans les nuages orageux. 

Voici, d'après une traduction littérale, le passage de 
sa lettre où il fait part de cette pensée à Collinson; et 
comme point important à noter au débat, ne perdons 
pas de vue que cette lettre n'était pas destinée à lim 
pression : 

« Pour décider cette question, savoir si les nuages 
» qui contiennent la foudre sont électrisés ou non, 


S 


) 


475 

j'ai imaginé de proposer une expérience à tenter en 
un lieu convenable à cet effet. Sur le sommet d'une 
haute tour où d'un clocher, placez une espèce de 
guérite assez grande pour contenir un homme et un 
tabouret électrique; du milieu du tabouret, élevez une 
verge de fer, qui passe en se courbant, hors de la 
porte, et de là se relève perpendiculairment à la hau- 
teur de vingt ou trente pieds et se termine par une 
pointe fort aigue. Si le tabouret électrique est pro- 
pre et sec, un homme qui y sera placé lorsque des 
nuages orageux passeront au-dessus, pourra être 
électrisé et donner des étincelles, la verge de fer lui 
attirant le feu du nuage. S'il y avait quelque danger 
à craindre pour l'homme {quoique je sois persuadé 
qu'il n'y en ait aucun) ‘, qu'il se place sur le plan- 
cher de sa guérite, et que de temps en temps il ap- 
proche de la verge le tenon d'un fil d'archal qui a 
une extrémité attachée aux plombs de la couverture, 
le tenant par un manche de cire; de cette sorte, les 
étincelles, si la verge est électrisée, frapperont de la 
verge au fil d'archal, et ne toucheront point l'hom- 
me. » 

Après avoir parlé de la sorte, que va faire Franklin? 


Si ses convictions sont fortement arrêtées sur l'effica- 
cité du moyen qu'il propose, il devra se hâter de l'é- 
prouver par l'expérience. Il a si peu de chose à tenter 
et la matière présente tant d'importance , que des 


! Cette parenthèse a tort; c’est pour ne s'être pas assez méfé d'elle que Rich= 


mann fut foudroyé en 1753, 


31 


476 

retards ne se comprendraient guère de la part d'un 
savant convaincu et sûr de son fait. Rien ne prouve 
cependant qu'il ait eu, même un seul instant, l'inten- 
tion de se mettre à l'œuvre, ni qu'empêché d'agir per- 
sonnellement, il ait pressé quelque autre savant d'ex- 
périmenter à sa place. Ainsi, c'est en 1749, sil faut 
l'en croire, que l'expérience des barres pointues lui 
vient à la pensée; il laisse écouler 1750 sans rien en- 
treprendre pour la réaliser. En 1751, les lettres où il 
en propose l'exécution sont imprimées en Angleterre 
par Collinson; en 1752, la traduction française de ces 
lettres est publiée par d’Alibard. Ces deux savants, à l'oc- 
casion de cette double publication, sont en relations fré- 
quentes avec l’illustre physicien de Philadelphie, qui 
entretient en outre, à la même époque, une correspon- 
dance scientifique très-suivie avec Kinnersley, son com- 
patriote, et cependant il ne dit pas un seul mot, il ne 
tente aucune démarche pour engager ces habiles expé- 
rimentateurs à vérifier ses hardies prévisions, qu'il ou- 
blie comme s'il les trouvait trop peu fondées pour que 
l'expérience vienne jamais les confirmer. 

Ses panégyristes ont bien répété qu'il attendait, pour 
se mettre à l'œuvre, l'achévement d'un clocher qu'on 
était alors en train de construire à Philadelphie, et que 
ce fut la faute de ce malencontreux clocher si les cho- 
ses n'allèrent pas plus vite; mais cette explication, 
puisée on ne sait trop à quelle source, n'a jamais été 
donnée par Franklin lui-même, qui n'aurait pu l'in- 
voquer pour la défense de sa cause sans formellement 
se contredire; car il reconnait dans ses lettres, de la 


#77 


facon la plus explicite, qu'une maison, un arbre, un 
mat de vaisseau peuvent parfaitement servir à défaut 
d'un clocher. 

«Je demande, dit-il, si la connaissance du pouvoir 
» des pointes ne pourrait pas être de quelque avantage 
» aux hommes pour préserver les maisons, les églises, 
» les vaisseaux, etc., des coups de la foudre, en nous 
» engageant à fixer perpendiculairement sur les parties 
» élevées de ces édifices des verges de fer en forme 
» d'aiguilles. Ces verges ne tireraient-elles pas proba- 
» blement en silence le feu du nuage avant qu'il vint 
» assez près pour frapper. » 

Toutes ces idées étaient excellentes sans doute, mais 
il ne suflisait pas de les développer plus ou moins in- 
génieusemeut et d'en faire la matière d'amplifications 
littéraires ; il fallait se hâter de les appliquer, et per- 
sonnne n'y songea, ni en Amérique ni en Angleterre. 
On dirait que les graves physiciens de ces deux pays, 
où la prudence est un des traits dominants du carac- 
tère national, voulaient prendre le temps de réfléchir 
avant de se mesurer avec un météore aussi redoutable 
que la foudre, et qu'ils se réservaient, avec sagesse, 
pour le premier jour où se présenterait une bonne oc- 
casion. Ce fut en France, sur cette terre native de 
l'intelligence et de l'audace, que les idées de Franklin 
furent pleinement comprises, et le danger des expé- 
riences qu'il proposait, au lieu d'être un obstacle, se 
changea en un attrait de plus pour ceux qui tentèrent 
de les réaliser. 

Par une singularité qui n’a pas été remarquée, ce 


k78 


fut le roi Louis XV qui devint le promoteur de ces mé- 
morables expériences, et c’est à peu près le seul grand 
événement accompli sous son règne auquel on puisse 
rattacher honorablement son nom. 

Pour le distraire de l'ennui chronique sous lequel il 
s'affaissait, les courtisans chargésdu soin difficile d'amu- 
ser sa royale personne, imaginèrent, entre autres expé- 
dients, d’avoir recours à l'électricité. Le moyen réussit: 
Louis XV suivit avec intérêt les expériences électriques 
qui furent répétées en sa présence, et lon sait que ce 
fut sous ses yeux que l'abbé Nollet, en 1746, fit passer 
la commotion de la bouteille de Leyde à travers une 
chaine formée par deux cents hommes des gardes fran- 
çaises. Depuis lors, il parait que le roi ne resta pas 
étranger au mouvement de la science, et qu'il se tint 
assez régulièrement au courant des principales décou- 
vertes. Voici, en effet, ce que nous lisons dans une let- 
tre en date du 20 mai 1752, adressée par l'abbé Ma- 
zéas au célèbre docteur Hales : 

« Monsieur, les expériences de Philadelphie , que 
» M. Collinson, de la part de la Société Royale de Lon- 
» dres, a eu la bonté de communiquer au public, ayant 
» été universellement admirées en France, le Roi dé- 
» sira de les voir exécuter. Sur quoi M. le duc d'Ayen 
» ayant offert à Sa Majesté sa maison de campagne de 
» Saint-Germain pour les y faire exécuter par M. de 
» Lor, maitre de physique expérimentale, Sa Majesté 
» les vit avec beaucoup de satisfaction et fit un grand 
» éloge de MM. Franklin et Collinson. Ces applaudis- 
» sements du Roi ayant inspiré à MM. de Buffon, d’A- 


479 
» libard et de Lor l'envie de vérifier les conjectures de 
» M. Franklin, sur l’analogie du tonnerre et de l'élec- 
» tricité, il se préparèrent à en faire l'expérience. M. 
» d'Alibard choisit, etc. (suivent les détails de Pexpé- 


S 


CA 


» rience de Marly ). » 

Louis XV, qui ne se piquait pas de prévoir de loin, 
ne se doutait guère que cet amateur de physique dont 
il applaudissait les travaux et auquel il prodiguait avec 
tant de générosité ses éloges, entrainerait bientôt toute 
la France dans une irrésistible croisade en faveur de la 
liberté des colonies anglaises de l'Amérique, et serait 
un des fondateurs de cette république des États-Unis, 
dont l'établissement ne contribua pas médiocrement à 
la ruine de la monarchie francaise. 

Par une coïncidence dont on nous permettra de 
signaler l'étrangeté, le nom du plus actif démolisseur 
de cette grande monarchie appartient encore à l’his- 
toire de l'électricité; car ce fut un plaidoyer pour les 
paratonnerres, prononcé dans une cause qui fit grand 
bruit vers la fin du siècle dernier, qui revéla pour la 
première fois à la France le nom de M. de Robespierre. 

Voilà pourtant par quelle série d'enchainements les 
plus petites causes engendrent quelquefois les plus 
grands effets. Si Louis XV n'avait pas montré tant 
d'enthousiasme à Saint-Germain, les savants qui l'en- 
touraient n'auraient pas été tentés peut-être de de- 
mander à l'expérience la vérification des idées de Fran- 
klin, l'invention du paratonnerre se trouvait par le fait 
indéfiniment ajournée, Robespierre perdait la belle 
occasion que cette invention lui offrit de sortir de l'obs- 


480 
curité du barreau de sa ville natale, il n'était pas 
nommé député à l'Assemblée Nationale, ne faisait pas 
partie de la Convention; et lui de moins, qui sait ce 
qui serait arrivé? 

Buffon et d'Alibard ‘, qui ne s'imaginaient pas que 
leur zèle monarchique aurait de pareilles conséquences, 
se mirent immédiatement à l'œuvre, et ils érigèrent, le 
premier à Monthard, le second à Marly-la-Ville, des 
tiges métalliques isolées et terminées en pointe, d'après 
les prescriptions de Franklin. Ce fut du côté de Marly 
que le hasard dirigea la première nuée orageuse, et le 
10 mai 1752 s'accomplit le grand événement qui doit 
former une époque à jamais mémorable dans les fastes 
de la physique, et qui apprit à l'univers savant que le 
fluide électrique est le principe de ce terrible météore 
que les nuages enfantent au sein des tempêtes. 

Neuf jours plus tard, le 19 mai 1752, Buffon cons- 
tatait l'électrisation des barres qui s'élevaient au-dessus 
des tours de Monthard; et de Lor, de son côté, faisait Ja 
même observation à Saint-Germain-en-Laye, avec une 
tige de fer de cent pieds de hauteur. A la suite de ces 
hardis expérimentateurs, les savants français s'élan- 
cèrent avec une généreuse émulation dans le nouveau 


! L'abbé Bertholon affirme très — explicitement que re fut Buñon qui conçut le 
premier le projet de vérifier les idées de Franckin sur l'électricité des nuages 
orageux, et qu'il fit élever dans cette intention, sur la tour de Montbard, une 
barre de fer isolée, à laquelle il joignit un conducteur, pour tirer plus commo— 
dément des étincelles, et des timbres, qui devaient l'avertir par leur bruit de la 
présence du fluide électrique. D’Alihard n'aurait êté déterminé à construire un 


appareil semblable que sous l'inspiration et par l'exemple de son maitre, Bufon. 


481 
champ de recherches fécondes qui s'ouvrait devant eux. 

Après avoir rendu compte de l'expérience de Marly, 
dans un Mémoire dont la lecture à l'Académie des scien- 
ces provoqua le plus vif enthousiasme , d'Alibard s'em- 
pressa de faire connaitre les détails de cette expérience 
à Franklin, avec lequel il était déjà en correspondance. 
« Je lui fis part, dit-il, dans le temps, du succès de 
» mon expérience sur le tonnerre, et lui envoyai le Mé- 
» moire que j'en avais donné à l'Académie des sciences 
» le 43 mai 1752; il en fut charmé, et m'envoya avec 
» sa réponse son premier supplément, dont je vérifiai 
» également les expériences. Le second ne m'a été rendu 
» que longtemps après, en 1753. » 

Cette réponse ne se trouve nulle part dans la corres- 
pondance imprimée de Franklin, et on doit le regret- 
ter, car en présence de ce document, il n'aurait pas 
été possible à certains écrivains de dénaturer, comme 
ils l'ont fait, l'histoire de la découverte de l'électricité 
atmosphérique. On a dit très-souvent, en effet, et cela 
se répète encore aujourd'hui dans les livres spéciaux 
les plus dignes de foi, que pendant que d’Alibard expé- 
rimentait en France, Franklin, à Philadelphie , lassé 
d'attendre son éternel clocher, et ignorant d'ailleurs 
complétement ce qui se passait en Europe, avait spon- 
tanément imaginé de diriger vers les nuages orageux 
un cerf-volant à corde isolée, muni d'une pointe mé- 
tallique. On fixe en outre au 22 juin 1752 la date du 
premier emploi du cerf-volant. On ajoute que la même 
expérience fut répétée en France, en 1753, par M. de 
Romas, qu'on représente généralement comme un imi- 


482 


tateur assez habile du physicien de Philadelphie, et 
auquel on n’accorde d'autre mérite que celui d’avoir su 
perfectionner quelques détails de l'expérience qu'il re- 
produisait. 

Voilà ce qu'affirment des historiens sérieux, tels que 
Priestley, par exemple, en Angleterre, et M. Becquerel 
en France. D'autres vont plus loin encore, et pour 
augmenter l'éclat de l'auréole de Franklin, ils vont jus- 
qu'à supprimer d'Alibard lui-même. Nous lisons, en 
effet, ce qui suit dans le récit de la vie de Franklin 
composé, pour la Biographie universelle, par un des 
physiciens les plus en renom de notre époque : « Il 
» reconnut aussi le pouvoir que possèdent les pointes 
» de déterminer lentement et à distance l'écoulement 
» de l'électricité; et tout de suite, comme son génie le 
» porlal aux applications, il conçut le projet de 
» faire descendre ainsi sur la terre l'électricité des nua- 
» ges, si toutefois les éclairs et la foudre étaient des 
» effets de l'électricité. Un simple jeu d'enfant lui ser- 
» vit à résoudre ce hardi problème. Il éleva un cerf- 
» volant par un temps d'orage, suspendit une clé au 
» bas de la corde, et essaya d'en tirer des étincelles. 
» D'abord, ses tentatives furent inutiles; enfin, une pe- 
» tite pluie étant survenue, mouilla la corde, lui donna 
» ainsi un faible degré de conductibilité, et, à la grande 
» joie de Franklin, le phénomène eut lieu comme il 
» l'avait espéré. Si la corde avait été plus humide, ou 
» le nuage plus intense, il aurait été tué, et sa décou- 
» verte périssait probablement evec lui. » 

Ce récit, aussi touchant que pittoresque, est fort 


Ÿ 


183 


habilement arrangé pour faire naître l'intérèt , et doit 
plaire aux âmes sensibles ; il ne lui manquerait abso- 
lument rien pour devenir un petit chef-d'œuvre de 
narration, Sil n'était faux par malheur d'un bout à 
l'autre. Ce qui est véritablement et non pas dramati- 
quement vrai, c’est que Franklin n’a pas reconnu le 
premier le pouvoir des pointes, constaté par d'autres 
expérimentateurs avant lui ‘; son unique mérite fut de 
mettre ce pouvoir en évidence, par des expériences plus 
variées et plus précises, et surtout d'indiquer le parti 
qu'on pouvait en tirer pour étudier la constitution des 
nuages orageux. Il ne fit pas un pas de plus; loin de 
demander {out de suite à l'expérience la confirmation 
de ses prévisions théoriques, et bien que d'après un 
témoignage honorable son génie le portàt aux applica- 
tions, il resta indifférent et inactif pendant près de 
trois années, attendant tranquillement que d’autres 
expérimentassent à sa place, et ne prenant pas même 
la peine de les encourager. Ce fut seulement après avoir 
appris leur succès, que lui-même se mit tardivement à 
l'œuvre, et qu'il entreprit l'expérience du cerf-volant, 
laquelle, par parenthèse, il conduisit fort gauchement, 
sans avoir été toutefois exposé un seul instant à périr, 
ni sa découverte avec lui. 

Malgré toutes les assertions contraires , il est incon- 
testable que la pensée de substituer le cerf-volant aux 
pointes s'offrit à Franklin seulement après qu'il eut ap- 
pris par les journaux d'Europe et par la lettre de d’Ali- 


! Notamment par Jalabert, de Genève, 


484 


bard les détails de l'expérience si concluante de Marly- 
la-Ville. Priestley lui-même en convient dans son his- 
toire de l'électricité, publiée à Londres en 1767. Or, 
Priestley était l'homme du physicien de Philadelphie ; il 
marchait au premier rang de ses admirateurs les plus 
fanatiques, et il n'est pas permis de supposer que Fran- 
klin, alors en mission à Londres, ne lut pas le chapi- 
tre qui le concernait, dans une histoire écrite sous ses 
yeux et dont il patronait l'auteur. 

Voici le texte de Priestley : « M. Franklin est le pre- 
» mier ( nous savons maintenant à quoi nous en tenir 
» sur celte priorité), qui ait soupconné l'identité des 
» éclairs et du fluide électrique; il a indiqué d'avance 
» le moyen de constater cette identité, en proposant 
» d'isoler à l'air libre, en temp d'orage, une aiguille 
» électrisable par communication; le premier spectacle 
» électrique que .cet instrument ait offert, a paru en 
» France sous les yeux de MM. de Lor et d'Alibard. 
» M. Franklin, animé par le succès de ces deux Mes- 
» sieurs, éprouva lui-même le succès de son aiguille à 
» Philadelphie, où il était alors. Ce physicien ayant eu 
» aussi un heureux succès, pensa bientôt qu'au moyen 
» d'un cerf-volant il pourrait se procurer un accès plus 
» sûr et plus facile dans la région où s’engendre la fou- 
» dre : l'idée de ce moyen se trouva juste, par l'épreuve 
» qu'il en fit au mois de juin de la mème année 1752, 
» dans là campagne de Philadelphie, où il jugea à 
» propos d'opérer sans autre témoin que son fils, pour 
» éviter la risée des sots. » 

Quoique l'ensemble de ee récit soit vrai, il y à ce- 


485 

pendant quelque chose d'inexact, c’est la date assignée 
par Priestley à l'expérience du cerf-volant. Cette expé- 
rience n'ayant été faite à Philadelphie qu'après l'an 
nonce, par la lettre de d'Alibard, de l'expérience de 
Marly-la-Ville, il est matériellement impossible que 
Franklin se soit mis à l'œuvre pendant le mois de juin, 
car la nouvelle de la réussite de Marly mit plus d'un 
mois à passer de France en Angleterre, et de l'Angle- 
terre dans l'Amérique du Nord. Il est infiniment pro- 
bable que l'essai du cerf-volant eut lieu seulement à la 
fin d'août, ou même pendant le courant de septembre, 
car Franklin fixe lui-même au mois de septembre 1752 
la date de l'épreuve de la verge de fer élevée au-dessus 
de sa maison ; et d'après le témoignage de Priestley, ce 
nest qu'après le succès de cette épreuve qu'il imagina 
de recourir au cerf-volant. 

Ce qui ajoute un degré de probabilité de plus à l’opi- 
nion que nous venons d'émettre, c'est que la lettre dans 
laquelle Franklin annonce à Collinson les résultats de 
l'expérience du cerf-volant, est écrite de Philadelphie à 
la date un peu reculée du 49 octobre 1752, et il y est 
constamment parlé de cette expérience comme si elle 
était toute récente. 

Cette lettre de Franklin fut lue aux membres de la 
Société Royale de Londres dans les premiers jours de 
janvier 1753; le 15 du même mois, Watson la traduisit 
et la fit parvenir à l'abbé Nollet, qui sempressa d'en 
donner immédiatement communication à l'Académie 
des Sciences. 

Cinq mois après, le 13 mai 1753, M. de Romas, 


486 


auquel il est temps que nous revenions, accomplissait 
de son côté, à Nérac, l'expérience du cerf-volant, et 
comme il suivait Franklin d'assez loin, on put s’ima- 
giner qu'il n'avait été que le très-humble copiste du 
physicien de Philadelphie. Priestley, qui a toujours le 
ton très-tranchant, l’affirme sans hésiter. « MM. de Lor 
» et d'Alibard, dit-il, firent également l'expérience du 
» cerf-volant en Angleterre, l'année suivante (ce qui est 
» complétement faux }, et M. de Romas voulant s'assu- 
» rer par lui-même de ce qu'il entendait raconter à ce 
sujet, la répéta en France avec beaucoup plus d'ap- 
pareil. » j 


CA 
Ÿ 


S 
Ÿ 


Cette assertion si précise, placée dans un livre qui 
obtint un éclatant succès de vogue et qui devint bien- 
tôt très-populaire, désespéra notre ingénieux compa- 
triote, qui se redressa de toutes ses forces contre un 
pareil déni de justice; mais la première impression, la 
seule qui dure en France, était produite; il eut beau 
réclamer, il ne parvint pas à faire rapporter par l'opi- 
nion publique le jugement inique qui le frappait dans 
sa réputation. 

Il est faux cependant que Romas ait emprunté à au- 
trui la pensée première de l'application du cerf-volant 
à l'étude de l'électricité des nuages; les documents les 
plus authentiques, fournis par lui sur cette question et 
vérifiés par l'Académie des Sciences, établissent pé- 
remptoirement l'originalité de ses recherches ; c'est 
d'après ces documents que nous allons essayer de réta- 
blir les faits dans leur vérité. 

L'expérience de Marly-la-Ville fut faite, comme nous 


487 
avons eu déjà l'occasion de le dire, le 42 mai 1752; 
Romas en reçut la nouvelle par la Gazette de France, 
vers la fin du même mois; et sans perdre de temps, il 
se mit à l'œuvre pour la répéter; non pas, il prend le 
soin de le déclarer, « qu'il doutât du succès, mais 
» pour étudier les nouveaux phénomènes qu'elle 
» offrait, et en tirer, s'il lui élait possible, quelque 
» utilité pour la société civile ou pour les progrès de 
» la physique. » Les détails des recherches qu'il entre- 
prit alors sur les barres isolées, sont consignés dans six 
lettres adressées à l'Académie des Sciences de Bordeaux, 
du 12 juillet 1752 au 414 juin 1753. Pendant la période 
comprise entre ces deux dates, M. de Romas fit preuve 
d'une activité vraiment infatigable, servie par une rare 
habileté d'expérimentation. S'attachant sans relàche à 
varier ses essais, il eut bientôt imaginé des dispositions 
nouvelles pour perfectionner l'isolement des barres com- 
me pour les rendre plus capables de résister à l'effort des 
vents, et 1l ne laissa pas passer un seul jour sans le 
marquer par d'utiles travaux. Afin d'être averti de 
l'électrisation de ses appareils, sans être assujetti à la 
gène d'une observation continuelle, il termina les con- 
ducieurs par des carillons électriques, dont les tinte- 
ments répétés l'avertissaient en temps opportun et ren- 
daient toute omission impossible. Grèce à cet ingénieux 
perfectionnement, appliqué par lui dèsle 43 juillet 1752, 
et dont Nollet et Bertholon eurent le tort d'attribuer 
l'invention à Buffon, il put noter quelques faits très- 
importants d'électricité atmosphérique, tels que l’élec- 
trisation des barres en temps serein, leur électrisation 


188 
par la pluie sans qu'il y eùt d'orage, l'apparition des 
étincelles longtemps avant l'audition du bruit du ton- 
nerre, et enfin l'existence d'atmosphères électriques 
très-étendues autour des nuages orageux. 

Cette dernière observation, la plus importante sans 
contredit de toutes celles qui viennent d'être citées, fut 
faite un jour que des nuages orageux passaient, à l’est 
de son observatoire, à une distance de plus d’une lieue ; 
Romas constata que les barres s'électrisaient lorsque le 
vent soufllait de l'est, et que les signes électriques ces- 
saient brusquement lorsque les raffales venaient de 
l'ouest. Les atmosphères électriques qui environnent 
les nuages orageux peuvent done avoir des dimensions 
considérables, et nous voyons en outre qu'elles obéis- 
sent à l'impulsion des vents, fait curieux rarement ob- 
servé depuis lors, et dont les conséquences météorolo- 
giques n'ont pas été Jusqu'à présent suffisamment 
approfondies. L'existence des atmosphères électriques 
vient à l'appui de l'ingénieux système proposé par l'abbé 
Laborde pour l'explication des pluies d'orage. 

Dans la belle série des expériences que nous venons 
d'énumérer, Romas s'imposa d'abord l'obligation rigou- 
reuse de suivre à la lettre les prescriptions de Franklin; 
mais venant à douter bientôt qu'il fût nécessaire que 
les barres isolées s'élevassent verticalement, il les dis- 
posa de manière à pouvoir les incliner à son gré, et il 
reconnut que plus elles s’approchaient de l'horizontale, 
moins fortement elles s’électrisaient. Cela le conduisit 
à conclure que l'intensité des phénomènes électriques 
observés croitrait en raison de l'élévation des barres au- 


489 


dessus du sol; et pour s'assurer de la justesse de cette 
conclusion, il dressa au-dessus du faite de sa maison, 
el en les séparant par une distance de quinze pieds, 
deux barres dont une était de dix pieds plus haute que 
l'autre. Il constata que, dans les mêmes conditions, 
c'était la première qui donnait toujours les plus fortes 
éuncelles; et à partir de ce moment, il n'eut plus qu'une 
pensée, « celle de porter des conducteurs le plus haut 
» possible dans la région des nuages, afin d'augmenter 
» le feu du ciel. » Entre autres moyens, il imagina 
d'abord de se servir d’un très-long mât; mais arrêté 
par les difficultés de la mise en place, il chercha quel- 
que combinaison plus simple encore, et ce fut alors 
que l'idée de tirer parti du cerf-volant s'offrit à son es- 
prit inventif. 

Il s'empressa de prendre date sur le champ, dans 
une lettre qu'il écrivit à l'Académie de Bordeaux le 13 
juillet 4752, et où, tout en informant ce corps savant 
du succès des expériences faites avec l'appareil de 
Franklin, il annonçait qu'il se proposait de les répéter 
avec un procédé d'une complication moins grande, 
emprunté à un simple jeu d'enfant. Ces paroles trop 
vagues étaient insuffisantes, il faut bien l'avouer, pour 
signifier que Romas, en les employant, pensait au cert- 
volant électrique; mais en même temps qu'il révélait à 
moilié son secret à l'Académie, afin de ne pas le faire 
tomber trop tôt dans le domaine publie, le 9 juillet il 
faisait une confidence sans périphrases et sans restric- 
üons à un gentilhomme de Nérac, M. de Dutilh, qui 
l'aidait avec le plus grand zèle dans ses recherches; et 


490 


le 49 août, comme il expérimentait au château de 
Clairac devant MM. de Vivens et de Secondat, il renou-— 
vela cette confidence au chevalier de Vivens et au curé 
de Clairac, en l'accompagnant des détails les plus cir- 
conslanciés. 

En 1764, lorsque l'Académie des Sciences fut ap- 
pelée à prononcer entre Romas et Franklin , les person- 
nages honorables que nous venons de citer n'eurent 
pas de peine à retrouver leurssouvenirs, et les témoigna- 
ges irrécusables qu'ils s'empressèrent de fournir, éta- 
blirent sans contestation possible l'originalité desrecher- 
ches de notre compatriote. Ce fut en s'appuyant sur 
leurs déclarations, que Nollet et Duhamel, les commis- 
saires nommés par l'Académie, arrivèrent à formuler 
comme il suit les conclusions de leur rapport : « Ayant 
» égard à toutes ces preuves, nous croyons que M. de 
» Romas n’a emprunté à personne l'idée d'appliquer le 
» cerf-volant aux expériences électriques, et qu'on doit 
» le regarder comme le premier auteur de cette inven- 
» tion, jusqu'à ce que M. Franklin ou quelque autre 


Y 
TZ 


fasse connaitre par des preuves suffisantes qu'il y a 
pensé avant lui. (4 février 1764.) » *. 

Avec sa prudence ordinaire, Franklin se garda bien 
de réclamer; il resta bouche close, comme s'il recon- 
naissait pour sa part l'équité du jugement de l'Acadé- 
mie; mais cette résignation sournoise ne l'empêcha pas, 
trois ans après, en 1767, de laisser son ami Priestley 
parler de Romas dans les termes cavaliers que nous 


SM 
Ÿ 


1 Nous trouvons le Rapport tout entier à la suite de ce Mémoire ( Note 4 ). 


491 


avons transcrits plus haut. On peut alléguer, il est vrai, 
pour sa justification, qu'il ignorait la déclaration des 
commissaires de l'Académie, ce qui est très-possible 
sans être aucunement probable. Mais ce qui est hors 
de doute, dans tous les cas, c’est qu'il connaissait dans 
toute leur étendue les prétentions de son compétiteur ; 
car ce dernier, à la date du 49 octobre 1753, lui avait 
adressé deux Mémoires où ces prétentions sont très- 
nettement exprimées, et où l'expérience du cerf-volant, 
racontée dans tous ses détails, est présentée comme 
une expérience originale. 

A de semblables avances, Franklin se contenta de 
répondre, le 29 juillet 1754, par la très-laconique 
lettre qui suit : 

« Monsieur, la très-obligeante lettre dont vous 
» m'avez favorisé le 19 octobre, et vos deux excellents 
» Mémoires sur le sujet de l'électricité, ne m'ont été 
» rendus qu'hier par un vaisseau qui est sur le point 
» de partir pour Londres. Je ne puis que vous en ac- 
» cuser la réception, et vous assurer que la corres- 
» pondance que vous m'offrez d'une manière si polie 
» me sera extrèmement agréable. Je suis obligé de dif- 
» férer une plus particulière réponse à la plus prochaine 
» commodité. Je vous envoie en même temps un de 
» mes nouveaux Mémoires sur la foudre, qui ne sera 
» peut-être pas imprimé avant de parvenir jusqu'à 
» Vous. 

« Je suis respectueusement, Monsieur, 

« Votre très-humble et très reconnaissant serviteur. 

€ B. FRANKLIN. » 


492 


La réponse promise n'arriva jamais, et Romas dut 
prendre pour du comptant, en attendant mieux, ces 
protestations de politesse banale sous lesquelles d'habi- 
tude on étouffe la franchise. On dirait que Franklin, 
auquel l'opinion publique, trop prévenue, attribuait si 
libéralement le double mérite d'avoir conçu et réalisé 
l'expérience qui démontre la présence de l'électricité 
dans les nuages orageux, ne persis{a dans son silence 
obstiné que pour entretenir une méprise, fort profita- 
ble sans doute à sa réputation, mais très-nuisible à la 
réputation de ses émules scientifiques. I semble envier 
à ces derniers, expérimentateurs plus actifs et plus ha- 
biles, l'honneur de lavoir devancé ou surpassé dans 
leurs hardies expériences; il lui en coûte d'avouer 
qu'il a eu des collaborateurs dans cette grande décou- 
verte qui à immortalisé son nom; aussi, pour éviter cet 
aveu, pénible à son amour-propre, fait-il de la diplo- 
matie, et s'il ne ment pas pour le triomphe égoïste de 
sa cause, du moins il ne défend pas à ses amis de men- 
ür quand il y trouve son profit. 

Ce ne fut pas seulement envers Romas qu'il se com- 
porta de la sorte; il ne traita pas avec plus de gé- 
nérosité d’Alibard, dont il n’a pas prononcé une seule 
fois le nom dans sa volumineuse correspondance scien- 
tifique, et dont il tenta peut-être de se faire attribuer 
les beaux travaux. 

Ainsi, pendant que l'Europe tout entière donne à 
l'expérience si audacieusement abordée par le physicien 
français le nom d'expérience de Marly-la-Ville, Fran- 
klin seul l'appelle l'expérience de Philadelphie (lettre du 
48 octobre 4752), et quand il résume, dans une lettre 


493 


adressée à Collinson (septembre 1753), l'ordre histo - 
rique de ses recherches sur l'électricité atmosphérique, 
après la description de quelques expériences infruc- 
tueuses sur l'électrisation de l'air par le frottement, il 
ajoute, sans faire la plus légère allusion à d'Alibard, 
dont il semble même ignorer le nom : « En septembre 
» 1752, j'élevai une verge de fer pour tirer l'éclair dans 
» ma maison, afin de faire quelques expériences dessus, 
» ayant disposé deux timbres pour m'avertir quand la 
» verge serait électrisée. Cette pratique est familière à 
» tout électricien. » 

Nous n’accusons pas Franklin d'avoir mis une pré- 
méditation calculée dans son silence; toujours est-il 
que ce silence, avec lequel s'accordent si bien les as— 
sertions de Priestley, donna le change à l'opinion pu- 
blique, lui fit méconnaitre les titres des émules du 
savant américain, et fut cause qu'elle attribua sans 
examen à ce dernier la part du lion, qu'il trouva trop 
belle sans doute pour la refuser. ( Note B. } 

Pour ajouter encore à l'éclat de sa renommée, la 
poésie s'empara de ses travaux, et l’on se fatiguerait à 
citer les vers plus ou moins heureux inspirés par sa 
fameuse expérience du cerf-volant électrique, beaucoup 
moins poétique dans la réalité que dans les descriptions 
emphatiques dont elle a fourni le thème. Quoiqu'il nous 
en coûte de détruire les illusions entretenues par les 
descriptions des poëtes, nous devons dire, pour être 
vrai, que cette expérience tant vantée fut conduite 
d'une facon fort prosaique, et il est facile d'y signaler 
des lacunes qui auraient rendu le succès impossible 
sans l'intervention du hasard qui arrangea tout. L'es- 


494 


prit de pénétration et d'analyse dont Franklin donne 
ailleurs tant de preuves, semble ici lui faire défaut : 
ses préparatifs sont incomplets et mesquins, ils les dé- 
robe soigneusement à ceux qui l'entourent; seul dans les 
champs avec son jeune fils, il se cache comme s’il allait 
commettre une mauvaise action, et quand on lui de- 
mande le motif de ces précautions extraordinaires, il 
répond qu'il a voulu éviter la risée des sots, qui for- 
maient sans doute à Philadelphie une bien formidable 
majorité, Il construit avec deux bâtons en croix, sur 
lesquels il étale son mouchoir de poche, un cerf-volant 
qu'on peut trouver fort économique, mais qui devait: 
être lourd et difficile à enlever; il ne se préoccupe pas 
du défaut de conductibilité de la corde, ne prévoit au- 
cun des dangers auxquels peut l'exposer la tension élec- 
trique trop forte des nuages, et combine tout, enfin, 
comme s'il voulait se ménager un échec, qui lui serait 
infailliblement arrivé, si la pluie, qu'il n'avait pas mis 
- de la partie et sur laquelle il n'était pas logique de 
compter, n'était pas venue tout exprès pour le faire 
réussir malgré lui. 

Demandons-nous maintenant comment, appelé à ré- 
soudre le même problème, M.de Romas parvint à sur- 
monter les mêmes difficultés. 

La comparaison ici est tout à l'avantage de notre com- 
patriote, et c'est lui qui se montre le physicien habile 
et consommé ; il prépare son expérience avec sagesse, 
la conduit avec vigueur, sait en calculer toutes chan- 
ces bonnes et mauvaises, et sa confiance dans les me- 
sures profondément raisonnées qu'il prend est sigrande, 
qu'au lieu de se cacher comme un physicien honteux, 


495 
il invite de nombreux assistants à venir admirer les 
éclatantes merveilles qu'il leur annonce. 

Le premier cerf-volant qu'il lança n'avait pas moins 
de dix-huit pieds carrés de surface: il était simplement 
attaché à une corde de chanvre comme celui de Fran- 
klin; mais cet appareil gigantesque ayant été enlevé 
une première fois, le 1% mai 1753, on ne put tirer de 
la corde aucune étincelle, quoiqu'il tombât alors une 
pluie légère, et que les barres isolées donnassent ce 
jour-là des signes manifestes d'électricité. Ce premier 
insuccès, fait pour décourager une volonté moins ar- 
dente et moins forte que celle de Romas, ne l'arrête 
pas un seul instant; il l'explique avec sagacité par la 
remarque « qu'une corde de chanvre qui n'est pas 
» mouillée ne conduit jamais bien le feu électrique que 
» lorsque l'électricité est très-forte ; » et il cherche aus- 
sitôt un moyen de remédier à ce défaut de conducti- 
bilité. 

« Si j'eusse été moins ardent, dit-il, à faire ces expé- 
riences, j'aurais bien pu laisser les choses dans l'état 


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de simplicité où elles étaient, et renvoyer mes ob- 


CA 


-servations à un autre temps où j'aurais un orage 
violent suivi de pluie. Mais mon impatience me faisait 
entrevoir que des affaires de famille ou de mon état 
m'ôteraient peut-être les plus belles occasions ; que 
d'ailleurs il était intéressant de faire aussi des expé- 
riences pendant un orage qui ne nous donnerait ni 

» grêle ni pluie; je me déterminai done à huiler le 

papier du cerf-volant et à garnir la corde, d'un bout à 

» l'autre, d'un fil-trait de cuivre, de la même manière 


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496 
» qu'on en garnit les cordes de violon, avec cette dif- 
» férence que ce fil n’y fut pas mis aussi serré qu'il 
» l'est sur les cordes de violon (Sav. Etr., t. Il, page 
» 396.) » 

Le cerf-volant ainsi préparé fut muni d'une corde de 
260 mètres de longueur, et lancé le 7 juin 1753, vers 
des nuages orageux; il atteignit la hauteur de 183 mè- 
tres. Le bout de la corde fut attaché à un cordon de 
soie de 445 de long, et ce cordon lui-même vint se 
rattacher à un lourd pendule suspendu au-dessous de 
l'auvent d'une maison voisine des promenades de Né- 
rac. À la corde, et tout près du cordon de soie, fut 
rattaché un cylindre en fer blanc de 35 centimèt. de 
long sur 3 centimèt. de diamètre, sur lequel devaient 
ètre tirées les étincelles en cas d'électrisation; mais 
comme Romas comprit sans peine qu'il serait dange- 
reux d'approcher de ce cylindre la main ou tout autre 
corps conducteur tenu par elle, il imagina, pour éli- 
miner toutes les chances d'accident, un instrument qui 
eut désormais sa place marquée dans tous les cabinets 
de physique, l'excitateur à manche de verre, qui a 
donc été, non-seulement inventé, mais aussi nommé 
par Romas, ce qu’on ignore trop généralement. 

Les premières étincelles qu'il tira avec l’excitateur 
étant très-faibles, il osa s'aventurer à les tirer avec les 
doigts, et tous les assistants, au nombre de plus de 
deux cents, qui suivaient, sous le coup d'une émotion 
facile à comprendre, ces hardies expériences, voulu- 
rent faire comme lui. Avec cette insouciance du dan- 
ger, sous quelque forme qu'il se présente, qui caracté- 


497 


rise, entre tous, les Français du Midi, et pleins d'ar- 
deur dans leur empressement, on les vit s’efforcer à 
l'envi de toucher le cylindre de fer-blanc, les uns avec 
les doigts, les autres avec leurs cléfs ou leurs épées, 
certains enfin avec leurs cannes et leurs bàtons. Cette 
joyeuse assemblée, dont la verve toute méridionale se 
traduisait par de vifs propos et par de bruyants éclats 
de rire, jouait gaiement avec le tonnerre, qui faisait 
patte de velours, quand tout à coup et sans que rien 
fit présager ce brusque retour offensif, Romas reçoit 
une commotion violente qui le secoue jusque dans les 
malléoles des pieds, et que les plus courageux de la 
troupe qui l'entoure veulent néanmoins recevoir comme 
lui. Huit d'entre eux ayant formé la chaine, et le pre- 
mier ayant tiré une éuüncelle du cylindre de fer-blanc, 
le choc électrique arriva jusqu'au cinquième de ces 
hardis expérimentateurs. 

Mais de gros nuages noirs s'élevaient à l'horizon, l'o- 
rage s’approchait et s’animait de plus en plus, le dan- 
ger aussi devenait de plus en plus imminent. Alors 
Romas, qui s'aperçoit que l'heure des jeux est passée, 
éloigne la foule qui le presse, et restant seul à côté du 
cylindre conducteur, il en tire, avec l’excitateur, des 
étincelles d'un pied de long et de trois lignes de diamètre, 
dont le craquement retentit à deux cents pas. Malgré le 
péril croissant dont l’avertit une forte impression de 
toile d'araignée au visage, à peine s'écarte-t-il de quel- 
ques pas de son poste d'observation, où il est seul, af- 
frontant stoïquement la mort pour les intérêts sacrés de 
la science, avec cette fermeté calme qui est le signe du 


198 


véritable courage, et conservant au milieu de cette scène 
émouvante, la plus solennelle sans contredit qu'aient 
enregistrée nos annales scientifiques, assez de sang- 
froid pour observer les phénomènes qui se manifestent 
dans les nuages amoncelés au-dessus de son appareil, 
et ceux que présente le conducteur en fer-blanc. 

Il sent d’abord une forte odeur sulfureuse, qu’il com- 
pare à celle des machines électriques; il distingue, mal- 
gré l'éclat de la lumière du jour, un cylindre lumineux 
de trois ou quatre pouces de diamètre, qui entoure la 
corde du cerf-volant ; il entend un bruissement continu, 
comparable au bruit d’un soufflet de forge, et enfin il 
décrit avec une vérité saisissante les phénomènes sin- 
guliers présentés par les pailles, qui exécutèrent au- 
dessous du conducteur une curieuse danse de pantins. 

À ces diverses observations, il en ajoute encore une 
dernière, qui les domine toutes par son importance : c’est 
qu'à partir du moment où les étincelles tirées du con- 
ducteur de fer-blanc furent un peu fortes, jusqu’à la fin 
de l'expérience, les nuages orageux ne donnèrent plus 
ni éclairs ni pluie, et qu'à peine entendit-on le ton- 
nerre, ce qui n'eut plus lieu après la chute du cert- 
volant. 

Cette observation capitale, dont on ne saurait con- 
tester la fidélité, méritait qu'on en tint compte, et elle 
ouvrait une large et brillante carrière, dans laquelle il 
est regrettable qu'on ne soit pas entré. Elle faisait en- 
trevoir la possibilité de transformer les nuages orageux 
en nuages ordinaires, à l'aide de conducteurs élevés à 
des hauteurs convenables, et par conséquent de pré- 


499 


venir la formation de la grèle, qui semble incontesta- 
blement liée à la présence, dans les nuages, d'une grande 
quantité de fluide électrique fulminant. 

Un juge bien compétent sur cette matière, M. Arago, 
s'autorisant principalement des expériences de Nérac, 
qu'il place bien au-dessus de toutes celles du même 
genre qui ont été tentées ailleurs, croit au succès de 
celte hardie entreprise. Il propose seulement de rem-— 
placer les cerfs-volants par des ballons captifs, et il af- 
firme, avec l'autorité qui s'attache à sa parole, qu'on 
arriverait ainsi à faire avorter les plus forts orages. Si 
Jamais cette grande conquête se réalise, c’est à notre 
compatriote que reviendra l'honneur de l'avoir préparée. 

Franklin, comme nous le voyons, est dépassé de 
cent coudées; et quand on lit le récit des admirables 
expériences dont nous venons d'esquisser les traits prin- 
cipaux, on se demande pourquoi Romas, qui en avait 
eu l'idée en 1752, différa cependant leur exécution jus- 
qu'en 1753. Ce retard, qui fut si préjudiciable à sa 
gloire, et qui facilita l'usurpation de renommée dont 
Franklin se rendit coupable, fut dû indirectement à une 
démarche de l'Académie de Bordeaux. 

Cédant aux sollicitations de ce corps savant, qui, 
tout en le félicitant des beaux résultats auxquels il était 
parvenu avec les barres isolées, l'engageait à épuiser ce 
sujet avant de l’abandonner, Romas continua ses re- 
cherches jusqu'à la fin du mois d'août. Absorbé par le 
soin des observations délicates auxquelles il se livrait, il 
chargea son collaborateur M. de Dutilh, qui était en même 
temps dépositaire de son secret, de construire le cert- 


500 

volant dont il avait déjà annoncé à l'Académie l'inten- 
tion de faire bientôt usage. Par malheur, M. Dutlh fut 
négligent ; il laissa passer la saison des orages sans rem- 
plir la mission de confiance qu'il avait reçue, et force 
fut, par conséquent, de remettre la partie à l'année sui- 
vante. M. Duthil s'accusa plus tard publiquement de 
celle négligence; mais son loyal mea culpa ne modifia 
pas le jugement partial qu'avait déjà porté l'opinion. On 
n'en continua pas moins de regarder Franklin comme 
l'homme aux grandes vues et au génie supérieur, qui 
avait partout donné l’impulsion et l'exemple, pendant 
que les autres physiciens passaient pour de simples imi- 
tateurs à la suite. 

En décrivant, comme nous venons de le faire, l'ex- 
périence du 7 juin 1753, nous avons donné la subs- 
tance du Mémoire dans lequel Romas en à consigné 
toutes les circonstances. Ce Mémoire, auquel l'Acadé- 
mie de Bordeaux accorda les honneurs d'une lecture en 
séance publique, et que l'Académie des Sciences de 
Paris jugea digne de l'insertion dans le Recueil des sa 
vants étrangers, est sans contredit le plus remarquable 
de ceux que Romas à produits. Non-seulement le fond 
se recommande par les plus solides qualités, mais le 
style même s’y relève; il emprunte quelques accents à 
la majesté du sujet; le tour de phrase est vif, chaleu- 
reux et quelquefois entralnant; il est probable que l'au- 
teur prit la plume au sortir de la grande expérience à 
laquelle il essaie de nous faire assister, et l'émotion 
qu'il ressentait encore suffit pour le transformer pendant 
quelques instants en bon écrivain. 


501 

Ce Mémoire, plein de choses et trop peu connu des 
savants, se termine par des conseils que Romas adresse 
à ceux qui, suivant son expression, ayant un mâle 
courage, voudraient répéter l'expérience du cerf-vo- 
lant. Ces conseils sont donnés avec une précision ri- 
goureuse, à laquelle on ne saurait rien ajouter après un 
siècle de progrès dans la théorie et dans la pratique de 
l'électricité; ils ne sont pas applicables seulement au 
cas du cerf-volant, mais encore à celui des barres; et 
s'ils avaient été formulés plus tôt, l'infortuné Richmann 
ne serait pas mort foudroyé à Saint-Pétersbourg. 

Après avoir accompli sa gorieuse expérience, Romas 
ne suspendit pas les travaux qu'il avait si admirable 
ment inaugurés; il continua ses recherches sur l’élec- 
tricité atmosphérique, soit avec les barres, soit avec le 
cerf-volant, et consigna les nombreux résultats de ses 
observations dans un journal d'expériences qui n’a pas 
été conservé. Quelques extraits de ce journal, relatifs 
à l'électricité de l'air en temps ordinaire et en l'absence 
de tout nuage orageux, lui fournirent la matière d'un 
Mémoire présenté à l'Académie de Bordeaux (avril 
1753), et qui existe encore en manuscrit. 

Romas erut avoir constaté le premier l'électricité de 
l'air atmosphérique par un ciel serein ; mais la mauvaise 
fortune qui ne cessait de le poursuivre voulut que le 
docteur Lemonier eùt fait avant lui la même découverte, 
dont il donna communication à l'Académie des Scien- 
ces en novembre 1752. 

Nous devons dire cependant que les expériences de 
Nérac, si elles vinrent après celles de Paris, furent fai- 


502 
tes sur une bien plus large échelle; que les conclusions 
en furent plus nettement formulées, et qu'elles établi- 
rent certains faits entièrement nouveaux, tels que les 
suivants : augmentation de l'électricité de l'air avec la 
hauteur; électrisation en sens contraire de l'air et de 
quelques nuages d'un aspect particulier. 

Dans la plupart de ses expériences avec le cerf-vo- 
lant, Romas déploya une audace qui n'a jamais été 
égalée, et il arriva à des résultats vraiment prodigieux. 
Plus d'une fois sa vie fut exposée, sans que jamais il 
reculàt. En 1756, par exemple (21 juin), il reçut une 
commotion si terrible, qu'il fut violemment renversé par 
terre. La crainte de voir se renouveler pareil accident 
lui fit imaginer une petite machine, portée sur un char- 
riot mobile, et à l'aide de laquelle il déroulait la corde 
de son appareil sans avoir besoin d'y toucher. Il rem-, 
plaça aussi, à la même époque, l'excitateur à manche 
de verre par un instrument d'un nouveau genre, con— 
sistant en un fil métallique attaché à la corde du cerf- 
volant, et manœuvré de loin à l'aide d'un cordon en 
soie; mais il revint bientôt à ses premières dispositions. 
En 1757, les effets qu'il obtint dépassèrent en intensité 
tous ceux qu'il avait obtenus jusqu'alors. Ce ne furent 
plus des étincelles de sept à huit pouces de longueur, 
mais des lames de feu de neuf à dix pieds de longueur 
et d’un pouce de grosseur, qui faisaient autant de bruit 
que des coups de pistolet. « En moins d'une heure, dit- 
» il, j'eus certainement trente lames de cette dimen- 
» sion, sans compter mille autres de sept pieds et au 
» dessous, Mais ce qui me donna le plus de satisfaction 


503 


» dans ce nouveau spectacle, c'est que les plus grandes 
» lames furent spontanées, et que, malgré l'abondance 
» du feu qui les formait, elles tombèrent constamment 
» sur le corps non électrique le plus voisin. Cette cir- 
» constance me donna tant de sécurité, que je ne crai- 
» gnis pas d'exciter ce feu avec mon excitateur dans le 
» temps même que l'orage était assez animé, et il ar- 
» riva que lorsque le verre dont cet instrument est cons- 
» truit n'eut que deux pieds de long, je conduisis où je 
» voulus, sans sentir à ma main la plus petite commo- 
» on, des lames de feu de six à sept pieds, avec la 
» même facilité que je conduisais des lames qui n'a- 
» vaient que sept à huit pouces. » {Mémoires des sa- 
vants étrangers, 1. I, année 1755. 

Le peuple de Nérac, qui assistait fréquemment à ces 
imposantes scènes, ne pouvait se défendre d'un senti- 
ment de terreur superstitieuse devant l'homme qui se 
jouaitainsi du tonnerre, et l'assesseur au présidial, armé 


S 


de sa mystérieuse baguette de verre, passait, auprès de 
ses administrés, pour un sorcier plutôt que pour un lé- 
giste. 

De peu s’en fallut que les Bordelais ne partageassent 
la même opinion, et partout, à cette époque, la masse 
du peuple regardait d'un assez mauvais œil ces savants, 
qu'elle trouvait trop habiles dans l'art de conjurer la 
foudre pour ne pas supposer qu'ils devaient leur pou- 
voir à quelques maléfices. Dans plus d'une ville, on fut 
sur le point de faire un mauvais parti aux amateurs fort 
innocents cependant de paratonnerres et de cerfs-vo- 
lants, et Bordeaux même eut sa petite émeute anti-élec- 


504 

trique ; voici à quelle occasion : M. de Romas, s'étant 
rendu dans notre ville, en 1759, pour répéter ses ex- 
périences en présence de M. de Tourny, qui désirait les 
connaitre, choisit le Jardin-Publie pour y installer ses 
appareils, et en attendant un jour d'orage, il déposa 
provisoirement son cerf-volant chez un cafetier logé dans 
les batiments de la terrasse. Le hasard ayant permis que 
la foudre tombàt sur ces bàtiments, quoiqu'elle n'eût 
pas atteint la pièce qui renfermait le cerf volant , la voix 
publique accusa cet innocent appareil d'avoir attiré la 
matière fulminante. Le cafetier épouvanté se hàta de 
s'en débarrasser, et la foule, qui s'en empara, le mit im- 
pitoyablement en pièces. L'expérience projetée ne put 
pas avoir lieu. Depuis ce jour, quand Romas passait 
dans les rues de notre ville, le peuple le montrait au 
doigt, en disant : « Voilà le maître du tonnerre; voilà 
» celui qui fait tomber la foudre à sa volonté. » ( Note 
C.) 

Après avoir si laborieusement étudié l'électricité at- 
mosphérique, M. de Romas fut naturellement conduit 
à rechercher les moyens de se préserver des atteintes 
de la foudre; mais ici la haute pénétration dont nous 
venons de lui voir donner tant de preuves, lui fait com- 
plétement défaut. Par ignorance ou par secrète irrita- 
tion contre Franklin, dont il avait beaucoup à se plain- 
dre, il repoussa les paratonnerres, sous prétexte que 
l'électricité pourrait fort bien abandonner le conduc- 
teur et se porter vers les corps voisins, au lieu de sui- 
vre la voie qui lui était ouverte et d'aller se perdre dans 
le sol. Or, le moyen qu'il propose pour remédier à cet 


505 
inconvénient, aurait eu pour effet infaillible de l'aceroi- 
tre, car ce moyen consiste à isoler le conducteur avec 
soin et à le terminer brusquement à quatre ou cinq pou- 
ces du sol. Il prétend que, grace à cet isolement, le 
condueteur aura le temps de se charger, et qu'on verra 
le fluide électrique s’écouler par sa partie inférieure sous 
forme d'aigrettes, tandis qu'avec la disposition de Fran- 
klin, comme on n'a ni aigrettes ni étincelles à cause 
de la communication intime avec le sol, l'absence de 
ces signes électriques visibles lui fait supposer que le 
conducteur ne se charge pas. 

Il ne parait pas avoir persévéré longtemps dans ces 
étranges idées, que nous trouvons exposées dans une 
de ses lettres à l'Académie, mais auxquelles il ne donna 
pas de place dans l'ouvrage ex-professo qu'il publia , en 
1776, sur les moyens de se préserver de la foudre dans 
l'intérieur des maisons. 

Dans ce dernier ouvrage, qui est un de ceux dont la 
confection lui coûta le plus de soins, et où ne manque 
pas l'esprit de déduction, il part de cette idée très-sim- 
ple et très-vraie, qu'un nuage orageux ressemble par- 
faitement , à la forme près, au conducteur électrisé d'une 
machine; que l'éclair est figuré par l'étincelle qui part 
de ce conducteur, et la personne foudroyée par le 
doigt avec lequel on excite l'étincelle. Ces faits une fois 
acquis, ce qu'il y avait de plus immédiat à constater, 
c'est qu'en présentant une pointe au conducteur, on le 
décharge en évitant l'éüncelle; mais au lieu d'utiliser 
celte remarque, qui le mènerait droit aux paratonner- 
res, M. de Romas observe que si on soumet à l'action 
du conducteur chargé de fluide électrique des corps 


506 


d'une conductibilité nulle ou imparfaite, entourés d'au- 
tres corps bons conducteurs, tels que les métaux, et 
communiquant eux-mêmes avec le sol, c'est sur ces 
derniers exclusivement que se porte la décharge, pen- 
dant qne les premiers se trouvent ainsi radicalement 
préservés. Îl observe encore que si on dirige la décharge 
de la machine électrique sur un conducteur ramifié en 
communication avec le sol, la matière électrique suit 
fidèlement les diverses ramifications, en s’affaiblissant 
d'autant plus que ces ramifications sont plus nom- 
breuses. 

S'appuyant sur ces observations, qui sont toutes ri- 
goureusement exactes, et dont il confirme du reste 
l'exactitude par des expériences conçues et exécutées 
avec sagacité, il est conduit à proposer le procédé sui- 
vant pour se préserver de la foudre dans l'intérieur des 
maisons : 

Il veut qu'on tapisse le plafond d'un réseau de fils 
d’archal croisés descendant le long des murs et venant 
se rattacher à des clous de fer enfoncés dans le plan- 
cher. Ces clous eux-mèmes doivent être reliés par un 
fil d'archal d’un assez gros diamètre, dont les deux ex- 
trémités réunies servent à former une corde tressée 
aboutissant à une partie du sol extérieur très-humide. 

Au centre de celte véritable cage en fil d'archal, il 
suspend, à l’aide de cordons de soie isolants, une caisse 
en bois sec et résineux, enduite partout de substances 
isolantes et à fenêtres exactement vitrées. C'est dans 
cette caisse qu'on doit se réfugier en temps d'orage, et 
il recommande de la construire assez spacieuse, pour 
qu'on puisse y passer les heures du danger en bonne 


507 


compagnie; à la rigueur cependant, il fait remarquer 
qu’on pourrait se contenter des fils. 

Théoriquement parlant, ce procédé de préservation 
est bon. Le tonnerre qui frapperait un appartement 
muni de l'appareil que nous venons de décrire, sui- 
vrait très-probablement, on peut même dire certaine- 
ment, les fils conducteurs, et il irait se perdre dans le 
sol; cependant, quelques-uns de ces fils, ou tous en- 
semble, venant à se fondre, le redoutable météore pour- 
rait fort bien s’écarter de sa route et se porter sur les 
corps conducteurs renfermés dans l'appartement. Le 
mieux est donc de ne pas s’y fier, et de dire avec un 
homme d'esprit : «Il est des grands seigneurs dont il 
» ne faut pas s'approcher; le tonnerre est de ce nom- 
» bre »° 

Du reste, Romas, comprenant très-bien que, dans 
une question de cette importance, il ne suffisait pas de 
faire de la théorie, imagina une expérience très-origi- 
nale pour démontrer ce qu'on pouvait attendre de son 
procédé dans la pratique. Un jour qu'il avait lancé son 
cerf-volant vers un nuage orageux, et qu'il'tirait du cy- 
lindre de fer-blanc des étincelles de dix à douze pieds de 
longueur, il plaça juste au-dessous de ce cylindre, dans 
une cloche en verre renversée et recouverte d’une cage 
en fil de laiton reposant elle-même sur le sol, un pigeon 
au-dessus de la tête duquel pendait une chaine métal- 
lique fixée à un des barreaux supérieurs de la cage. II 
dirigea des étincelles en grand nombre sur ce frêle ap- 
pareil; le pigeon parut effrayé, et de plus courageux 
que lui, mis à sa place, n'auraient pas fait meilleure 

33 


508 

contenance; mais il en fut quitte pour la peur, et se tira 
définitivement de cette rude épreuve sans perdre une 
seule plume. Lorsqu'il fut bien démontré que l'électri- 
cité était impuissante contre lui, le pigeon fut remplacé 
par un énorme chien de boucher, simplement attaché 
à un pieu voisin par un cordon de soie. Romas attendit 
que l'orage füt assez affaibli pour ne plus donner que 
des étincelles longues de cinq à six pouces, et l'une 
d'elles lui suffit pour foudroyer le robuste animal. Quoi 
qu'il en soit, ni pigeon ni chien n'eurent assez de cré- 
dit pour faire adopter les cages en fil d’archal, et le pa- 
ratonnerre n'eut pas un seul instant à redouter la con- 
currence. 

À la suite de l'opuseule dont nous venons de donner 
une rapide analyse, Romas fit imprimer une longue let- 
tre qu'il avait adressée en 1768, avec demande d'inser- 
tion, à M. Lutton, directeur du Journal encyclopédi- 
que, et dans laquelle il défendait avec énergie ses droits 
méconnus contre les assertions mensongères de Priest- 
ley, dont l'histoire de l'électricité avait été publiée par 
fragments dans le journal de M. Lutton. Celui-ci, qui 
a tout l'air d'un spéculateur anglais, entrepreneur de 
gazeltes françaises, fit d'abord la sourde oreille; plus 
tard, vivement pressé par les instances de Romas, et 
relancé jusque dans Paris par quelques amis de notre 
compatriote, il répondit qu'il ne se rappelait pas avoir 
reçu la lettre dont on lui parlait, et que, du reste ; il n'a- 
vait d'autre service, dans le journal, que celui des abon- 
nements. 

Ainsi éconduit, Romas, après une attente de quel- 


509 
ques années, résolut de faire imprimer et de livrer à la 
publicité cette lettre, où sa justification est mise dans 
la plus éclatante lumière, et il la joignit au Mémoire 
pour se préserver de la foudre dans l'intérieur des mai- 
sons, formant du tout un petit volume in-12, qui parut 
à Bordeaux en 1776. 

Cette lettre ne renferme rien de plus que les docu - 
ments à l’aide desquels nous avons établi déjà l'origina- 
lité des recherches de notre compatriote sur l'électricité 
atmosphérique; nous pouvons donc nous dispenser d'en 
faire l'analyse. Ce que nous devons mentionner ici, c'est 
qu'elle est écrite avec un sentiment des convenances et 
avec une dignité calme qui méritent des éloges sans 
restriction. Malgré l’évidente mauvaise foi de ses ad- 
versaires, Romas ne se départ pas envers eux de la rè- 
gle de la modération la plus généreuse; il ne répond 
pas à l'injustice par l'injure, et n'oublie pas un seul 
instant les obligations de son double titre de magistrat 
et de gentilhomme. 

Loin qu'il cherche à se venger des procédés déloyaux 
dont il est victime, en rabaissant les mérites et la gloire 
de Franklin, il est le premier à les proclamer et à re- 
connaltre hautement tout ce qu'il doit à l'homme de gé- 
nie qu'il honore toujours comme son maitre. — « Si 
» l'aiguille de Franklin n'eut pas réussi, dit-il, peut- 
«être n’aurais-je jamais eu l'idée du cerf-volant; j'ai 
» travaillé sur le fond de Franklin : je lui ai rendu cet 
» hommage dans ma lettre du 48 octobre 1753. » Mais 
une fois cette concession faite, laissant de côté les hom- 
mes pour lesquels sa belle âme ne saurait ressentir au- 


510 


cune animosité, il prend les faits corps à corps, et il 
démontre avec force et clarté que « niles hommes, ni 
» Dieu qui sait tout, ne peuvent lui reprocher d'avoir 
» emprunté à personne la plus petite pièce qui concerne 
» son instrument. » 

La démonstration ne vint pas assez tôt pour qu'on 
rendit à Romas, de son vivant, la justice qu'il récla- 
mait. Îl mourut avant la publication du livre dans le- 
quel il revendiquait ses droits, attristé à ses derniers 
moments par la pensée de l'injustice dont ses contem- 
porains se rendirent coupables envers lui, mais consolé 
peut-être par l'espérance que la posterité, à laquelle il 
léguait les pièces du procès, se chargerait de la répa- 
ration due à sa mémoire. 

Cette réparation s’est fait trop longtemps attendre ; 
le bruit sourd, précurseur des grands événements qui 
se préparaient , l'avènement d'un nouveau prince, les 
préoccupations d'un avenir déjà plein de menaces, fi- 
rent qu'on ne prêla qu'une attention distraite à des ré- 
clamations toutes personnelles et dont l'intérêt dispa- 
raissait devant les émotions des luttes passionnées de 
chaque jour. 

Un siècle s'est écoulé depuis que notre intrépide com- 
patriote accomplissait ses belles et audacieuses expé- 
riences, sans qu'aucune voix se soit élevée pour protes- 
ter en sa faveur. C'est au corps savant dont il fut un 
des membres les plus zélés, que revenait la tâche de 
mettre un terme à cet injuste oubli, et de replacer au 
rang qu'il doit occuper parmi nos célébrités provineia- 
les, le savant persévérant et courageux qui lui dut l'ins- 


511 

piration de ses travaux les plus remarquables, et qui 
resta médiocre lorsque cette inspiration lui manqua. 

On ne saurait donc louer M. de Romas sans faire re- 
monter l'éloge jusqu'à cette illustre Académie des Scien- 
ces de Bordeaux, la première sans contredit des Aca- 
démies de province, supérieure même sur quelques 
points à l'Académie des Sciences de Paris, pendant la 
période commune de leur existence de 1716 à 1789, 
et dont le glorieux passé nous venge des jalouses cla- 
meurs de ces détracteurs ignorants qui osent soutenir, 
malgré l'éclatant démenti de l'histoire, que le culte sé- 
vèré des sciences ne saurait convenir aux hommes nés 
sur le sol fécond qui enfanta les Montaigne et les Mon- 
tesquieu. 


Bordeaux, 4852. 


512 


Note A. 


Rapport présenté à l'Académie des Sciences, le 4 février 1764, 
par MM. DunameL et NOLLET, commissaires. 


On voit par la lettre de Watson (45 janvier 4753), que M. 
Fraoklin a fait indubitablement usage du cerf-volant électrique 
plus de quatre mois et demi avant M. Romas. 

Mais comme on peut inventer longtemps avant que d'exécuter, 
et que la lettre de M. Watson, en annonçant le fait, ne dit pas si 
M. Franklin y avait pensé longtemps auparavant, M. de Romas 
cherche à constater l'époque de son invention, et prouve qu'au 
mois de juillet 4752 il avait déjà imaginé d’éprouver l'électricité 
de l'atmosphère ou des nuages par le moyen d’un cerf-volant. 

Il le prouve : 4° par une lettre de M. le chevalier de Vivens, 
qui est un homme très-initié dans les sciences, et dont le témoi- 
egnage doit être d'un très-grand poids. M. de Vivens dit en ter 
mes formels, qu'il se souvient très-bien qu’à l'occasion de quel- 
ques expériences électriques que fit M. de Romas en sa pré- 
sence, le 49 août 4752, celui-ci lui fit part du projet qu’il avait 
conçu de tirer l'électricité des nuées par le moyen d’un cerf-vo- 
lant. 

Il le prouve : 2° par la lettre d’un curé du voisinage, qui paraît 
avoir pris beaucoup de part à ces expériences, et qui, n'osant 
pas par scrupule déterminer au juste le jour auquel M. de Romas 
lui fit la confidence de son projet de cerf-volant, affirme que c’é- 
tait à cinq ou six jours près d’une expérience qu'on sait d’ail- 
leurs avoir été faite le 49 août 1752. 

Il le prouve : 3° par le témoignage très-circonstancié de M. de 
Dutilh, où il paraît que la plupart de ces expériences ont été fai- 
tes, et qu'il y a contribué par ses dépenses et par ses soins. 
M. de Dutilh, en attestant que M. de Romas a imaginé le cerf- 
volant électrique un an avant que d'en faire usage, avoue qu'il 
s'était chargé de la construction de l'instrument dès le mois d'août 


513 
4752, et se reproche d'en avoir négligé l'exécution eë& d’avoir 
laissé passer la saison de s’en servir en 1752. 

M. de Romas le prouve : 4° par un certificat en forme, de l'A- 
cadémie des Sciences de Bordeaux, par lequel il paraît que M. de 
Romas a fait remettre, le 42 juillet 4752, à l'Académie, une let- 
tre dans laquelle il fait mention, non pas explicitement du cerf- 
volant, mais d'un moyen plus propre, dit-il, que les barres de 
fer élevées en l'air pour éprouver l'électricité des nuages, moyen 
qu'il appelle un jeu d'enfants. , 

Nous avons vu de plus une lettre de M. Franklin, en réponse 
à M. de Romas qui lui avait fait part de son cerf-volant électri- 
que, dans laquelle réponse M. Franklin ne revendique nullement 
cette nouveauté, comme il semble qu'il aurait dû faire s’il eùt 
pensé en être le premier auteur. 

Ayant donc égard à toutes ces preuves, nous croyons que 
M. de Romas n’a emprunté à personne l'idée d'appliquer le cerf- 
volant aux expériences électriques, et qu’on doit le regarder 
comme le premier auteur de cette invention, jusqu'à ce que M 
Franklin ou quelque autre fasse connaître, par des preuves suffi 
santes, qu'il y a pensé avant lui. 


Note B. 


L'éclatante réputation scientifique dont Franklin jouit encore 
parmi nous, date du voyage qu'il fit en France pour négocier 
l'intervention de notre pays en faveur des États-Unis d'Amérique ; 
elle lui fut faite par les beaux esprits philosophiques du dix- 
huitième siècle, qui le présentèrent comme la personnifica- 
tion des idées dont ils poursuivaient le triomphe. Il est évident 
maintenant, pour tout juge impartial, que ses admirateurs allè- 
rent trop loin dans leur enthousiasme, et qu'ils exaltèrent outre 
mesure ses mérites scientifiques. Il serait temps que la vérité fût 
rétablie sur ce point, et nous avons un intérêt d'autant plus sé- 
rieux à la rétablir, que les savants aux dépens desquels elle a été 
faussée sont nos compatriotes, 


514 


Les Anglais, qu'on n'accusera pas de partialité pour nous, ren- 
dent aux travaux de ces savants la justice que nous ne leur accor- 
dons pas encore, etils savent mettre Franklin à la place qui lui 
appartient. Le jugement qu'ils portent sur son compte a été for- 
mulé avec autant de modération que d'équité, par le docteur 
Wheweli, directeur du collége de la Trinité à Cambridge, auteur 
d’une récente et fort remarquable histoire des sciences naturel- 
les. Voici en quels termes s'exprime ce savant, dont personne 
ne conteste ni la vaste érudiction ni l'honorable caractère. 

« En 4750, Franklin émit quelques vagues conjectures tou- 
» chant l'existence de l'électricité dans les nuages; mais il m'était 
» pas possible, avant l'explication des phénomènes d'influence à 
» distance pas Wilcke et par Æpinus, de comprendre véritable- 
» ment l'état électrique des nuages. Cependant , en 1752, d'Ali- 
» bard et d’autres savants français furent désireux de vérifier les 
» conjectures de Franklin sur l'analogie du tonnerre et de l'élec- 
» tricité ; ils le firent en érigeant à Marly, etc.» 

Quant à la portée qu'il attribue aux idées théoriques du physi- 
cien de Philadelphie, le docteur Whewell, après avoir rappelé 
que la théorie d'un fluide unique fut imaginée simultanément par 
Watson et par Franklin, tandis que ce dernier passe pour en être 
seul l'auteur, s'explique ainsi sur la valeur de cette théorie : 

« En 4754, Symmer soutenait encore l'existence des deux 
» fluides, et Cigna faisait disparaître le défaut principal du sys- 
» tème de Dufay, en démontrant que les deux électricités se 
» produisent en même temps. Malgré cela, l'apparente simplicité 
» de l'hypothèse d'un seul fluide lui donna beaucoup de partisans : 
» c'était elle que Franklin avait adoptée dans l'explication de la 
» bouteille de Leyde ; et quoique après la première conception 
» de la charge électrique, qui la faisait considérer comme une 
» rupture d'équilibre, il n’y avait rien dans les développements 
» ou les détails des vues de Franklin qui méritât de leur at- 
» tirer aucune autorité, sa reputation et son habileté comme 
» écrivain donnèrent une influence très-grande à ses opinions. 
» Aussi, pendant un certain temps fut-il considéré en Europe 
» comme le créateur de la science, et les termes Frandklinisme, 


515 

» Frankliniste, système Franklinien, se rencontrent presque à 
» chaque page dans les ouvrages relatifs à l'électricité pabliés sur 
» le continent. 

» Au fond , cependant , les phénomènes électriques auxquels 
» Franklin ajouta le moins, je veux parler des phénomènes d'in- 
» fluence, furent ceux qui donnèrent la plus puissante impulsion 
» au progrès de la science, et ils s'accordent généralement avec 
» la conception des deux électricités introduite par Dufay et 
» confirmée par les travaux de Coulomb et de Poisson. Quoique 
» les relations des corps non conducteurs avec l'électricité et 
» quelques autres phénomènes encore restent imparfaitement 
» expliqués dans la théorie des deux fluides, nous pouvons dire 
» cependant qu’elle est sûrement et définitivement établie ; et 
» nous devons, je le crois, attribuer à Dufay plus de mérite 
» qu'on ne lui en accorde pour la part qu’il prit à cet établis- 
» sement. Il vit clairement, en effet, et il énonça d'une manière 
» qui prouvait qu’il appréciait avec précision leur caractère, les 
» deux principes fondamentaux suivants : 4° les conditions de 
» l'attraction et de la répulsion; 2° l'existence apparente de deux 
» espèces d'électricité. 

» Le mérite réel de Franklin, comme inventeur, fut d’avoir été 
» un des premiers à concevoir distinctement la charge électrique 
» comme une rupture d'équilibre. La grande réputation dont il 
» jouissait lui vint de la clarté et de l'esprit avec lequel il racon- 
» {ait ses découvertes, de la grandeur du sujet qu'il traitait en 
» s'occupant des éclairs et du tonnerre, et en partie peut-être 
» de son caractère comme Américain et comme homme politique ; 
» car il était déjà en 1736 engagé dans les affaires publiques 
» comme secrétaire général de l’Assemblée de Philadelphie, Ce- 
» pendant, le moment n’était pas encore venu où ses amis dirent 
» de lui : 

Eripuit cœlo fulmen, sceptrumque tyrannis. 


A propos de ce vers latin tant de fois cité, nous ferons remarquer 
en passont, que, tout sublime qu’il est au point de vue poétique 
pur, il n’en renferme pas moins deux pensées fausses ; et à ce 
prix, on peut trouver le sublime un peu cher. 


516 

On sait en effet que les colons américains s’insurgèrent contre 
la Métropole, non pas parce qu'elle les gouvernait iyrannique- 
ment, mais, ce qui est infiniment moins poétique, parce qu’elle 
voulait leur faire payer trop cher le droit de boire ieur thé. Voilà 
donc le second hémistiche convaincu d’exagération; quant à la 
pensée que le premier exprime, et dont le sens est que l'homme 
a désarmé la divinité de sa foudre, Bernardin de Saint-Pierre, 
qui valait Turgot en histoire naturelle, qualifie cette pensée d'im- 
pie, et il justifie cette épithète par les considérations suivantes : 

« Le tonnerre n’est point un instrument particulier de la jus- 
» lice divine. Il est nécessaire au refroidissement de l'air dans 
» les chaleurs de l'été. Dieu a permis à l'homme d'en disposer 
» quelquefois, comme il lui a donné le pouvoir de faire usage du 
» feu, de traverser les mers, de se servir de tout ce qui existe 
» dans la nature. C’est la mythologie des anciens qui, en nous 
» représentant Jupiter toujours armé du foudre, nous en inspire 
» tant de terreur. Il y a dans l'Écriture sainte des idées de la 
» divinité bien plus consolantes, et une bien meilleure physique. 
» Je puis me tromper, mais je ne crois pas qu'il y ait un seul 
» endroit où elle nous parle du tonnerre comme d’un instrument 
» de la colère divine. Il n’est pas compté parmi les dix plaies 
» d'Égypte ; Sodome fut détruite par une pluie de feu et de sou- 
» fre; dans les menaces faites au peuple dans le Lévitique, iln’est 
» pas question du tonnerre. Au contraire, ce fut au bruit des 
» tonnerres que la Loi fut promulguée sur le mont Sinaï; enfin, 
» dans le beau cantique où Daniel invite tous les ouvrages du 
» Seigneur à le louer, il y appelle les tonnerres; et il n’est pas 
» inutile de remarquer qu'il comprend dans son invitation tous 
» les météores qui entrent dans l'harmonie nécessaire de l'Uni- 
» vers. Il les qualifie du titre sublime de puissances et de vertus 
» du Seigneur. » 


Note C. 


Cette accusation d'attirer la foudre, et d'être ainsi plus dan- 
gereux qu'utiles, fut aussi portée dans l'origine contre les para- 


517 


tonnerres; elle fut soutenue avec obstination, à l'aide d'argu- 
ments théoriques, par des savants distingués, tels que Wilson 
et Nollet, et leur opposition, qui nous étonne aujourd'hui, 
nous paraîtra justifiable si nous nous rappelons que Franklin, se 
trompant lui-même théoriquement, expliquait l'efficacité de ses 
barres en disant qu'elles soutiraient l'électricité des nuages ora- 
geux. Ce mot soutirer effraya longtemps les imaginations, et fut 
cause sans doute de la lentenr avec laquelle l'emploi des para- 
tonnerres se vulgarisa. Ce fut aux États-Unis qu'ils se multipliè- 
rent d'abord avec le plus de rapidité, grâce à l'esprit pratique du 
peuple de ce pays et aux recommandations incessantes de Fran- 
klin, dont l'influence alors était toute puissante. 

En Europe , les choses marchèrent moins vite, et pendant long- 
temps encore les particuliers refusèrent de laisser ériger au-des- 
sus de leurs demeures ces tiges de fer pointues dont ils redou- 
taient le mystérieux pouvoir. L'exemple vint d'en haut : à Lon- 
dres, en 1768, le chapitre de l’église Saint-Paul, après avoir 
pris l'avis de la Société royale, décida que l'église métropolitaine 
serait munie d'un paratonperre; un second s’éleva quelque temps 
après sur le palais de Buckingham-House, et bientôt les maga- 
sins à poudre et les principaux châteaux eurent chacun le leur. 
Le grand-duc de Toscane , la République de Venise, l'empereur 
d'Autriche et le roi de Prusse se montrèrent favorables à l’intro- 
duction des paratonnerres dans leurs États; cependant, par une 
de ces bizarreries qui se rencontrent souvent dans son caractère, 
le grand Frédéric, qui en fit placer partout sur ses magasins mi- 
litaires, n'en voulut pas pour le palais de Sans-Souci. La France 
resta longtemps en arrière, malgré les efforts de quelques savants, 
parmi lesquels il faut citer en première ligne Leroy et Charles, 
de l’Académie des Sciences. En 4784, il n’y avait encore pres- 
que rien de fait, et lorsque à Saint-Omer, M. de Vissery s’'avisa 
d'armer sa maison d'un paratonnerre, la foule s’amassa mena- 
çante, et peu s’en fallut qu’elle ne fit un mauvais parti au témé- 
raire novateur. La municipalité de Saint-Omer, qui partageait 
alors les passions aveugles de ses administrés , au lieu de soute- 
nir M. de Vissery, lui enjoignit d’abattre l'appareil suspect ; M. de 


518 

Vissery résista , il fit appel devant le Tribunal d'Arras, et confia 
le soin de défendre sa cause à M. de Robespierre, qui n’était en- 
core qu'un très-obscur avocat de province. Cette cause eut beau- 
coup de retentissement; l'attention publique en suivit les diver- 
ses phases avec un vif intérêt, et on accueillit avec d’unanimes 
applaudissements le jugement du Tribunal d'Arras, rendu le 34 
mai 4783, qui cassait l'arrêté de la municipalité de Saint-Omer. 
M. de Robespierre , au dire du Journal des Savants, traita son 
sujet avec beaucoup d'érudition et d'esprit; le plaidoyer qu'il 
prononca dans cette circonstance fut lu par toute la France, et 
né contribua pas médiocrement à étendre au loin la réputation de 
l'auteur. 

A Sienne, une émeute fut aussi sur le point d'éclater, parce 
qu’on avait élevé un paratonnerre sur la tour qui domine la place 
du Marché. 

L'affaire de Saint-Omer eut pour effet d'attirer l’attention des 
corps scientifiques sur la question des paratonnerres ; l’Acadé- 
mie de Dijon fut celle qui s’en occupa la première, et elle char- 
gea MM. Guiton de Morreaux et Maret de lui faire un rapport sur 
ces appareils, dont ces deux savants constatèrent l'utilité, en 
même temps qu’ils formulèrent quelques-unes des règles relatives 
à leur bonne construction. 

Leroy et Charles donnèrent à ces règles une plus grande pré- 
cision, et enfin, en 4823, elles furent formulées avec toute l’au- 
torité du talent et de l'expérience, dans l'instruction pour l'éta- 
blissement des paratonnerres, rédigée par Gay-Lussac au nom 
de la commission choisie par l'Académie des Sciences. 


519 


FRAGMENT 


DE 


L'HISTOIRE DES ARTS 


A BORDEAUX ; 


Par M. J. DBELPIT, 


ACADÉMIE DE PEINTURE ET SCULPTURE SOUS LOUIS XIV ?, 


Dans la première moitié du dix-septième siècle, à 
Bordeaux, comme dans toute la France, la direction 
des arts était nulle et leur culture considérée à peu 
près comme un métier. Or, selon l'esprit de ce temps, 
tels métiers devaient être héréditaires; d’autres étaient 
soumis à des règlements qui fixaient le nombre des mai- 
tres et celui des apprentis, le temps de l'apprentissage, 
les matières qui devaient être employées. Le fise en était 


* Les documents qui m'ont fourni le sujet de cette Notice sont peu nombreux ; 
üyena vingt-deux, imprimés ou manuscrits, M. Lacour , leur possesseur, qui les 
tient de son père, les a fait réunir par une élégante reliure portant cette inserip— 
tion : Titres et documents relatifs à l'École académique de peinture et sculp— 
ture sous Louis XIV. Il se propose d’en faire hommage à la ville; mais, en at- 
tendant, il m'a semblé que leur analyse était assez intéressante pour être détachée 
de l’Histoire des Arts à Bordeaux, que je prépare, et séparée de la description 
des édifices et autres objets d'art contemporains qui doivent naturellement l’ac— 
compagner, 


520 

venu jusqu à créer des offices pour les métiers, et à les 
vendre, non au plus habile, mais au plus offrant. Au 
commencement du règne de Louis XIV, lorsqu'on vou- 
lut soumettre des règlements faits pour des corporations 
d'ouvriers à l'action du courant qui portait alors toutes 
les idées vers la centralisation, l'effet immédiat de cet 
essai d'organisation du désordre produisit dans les arts 
des conséquences étranges, et que semblait pourtant 
justifier la logique d'un principe faux en lui-même. 

Ainsi, la corporation des Maîtres peintres de Paris, 
qui se faisait appeler : Académie de Saint-Luc, mais 
qui n'en était pas moins la corporation des peintres ou- 
vriers, prétendit avoir le singulier privilège d'empêcher 
quiconque ne lui était pas afilié de s'occuper de pein- 
ture, et, par conséquent, fit saisir et vendre à son pro- 
fit les tableaux de tous les artistes qui ne faisaient pas 
partie de la communauté. 

Quelques-uns des plus habiles artistes de Paris, fati- 
gués par les exigences de cette corporation absurde dans 
sa logique, se déterminèrent, vers l’année 1648, à 
reunir leurs efforts pour secouer ce joug humiliant. 
M. Charles Lebrun, qui venait d'Italie, joignit à leurs 
efforts l'influence de sa célébrité, et la fondation de 
l'Académie royale de peinture fut résolue. 

Ce n’est pas ici lelieu d’en faire l’histoire et d’en décrire 
l'organisation; qu'il nous suflise de dire que la nouvelle 
Académie, comme elle devait s’y attendre, eut à lutter vio- 
lemment contre l'influence de la communauté des maitres 
peintres. Cette corporation, déjà puissante par son an- 
cienneté, fut soutenue, nous le disons à regret, par la 
jalouse rivalité d'un artiste éminent, émule de M. Le- 


521 
brun, M. Pierre Mignard. Néanmoins, malgré, ou 
peut-être à cause des troubles civils, l'Académie 
triompha de tous les obstacles que la jalousie ajouta aux 
hésitations et aux fausses démarches inséparables d'un 
établissement nouveau sur un terrain inconnu. 

Dès l'année 1654, la nouvelle Académie réforma ses 
statuts, prit pour protecteur ME le cardinal Mazarin, 
et obtint, entre autres priviléges accordés par le Roi le 
28 décembre 165%, confirmés en janvier 1655, et en 
registrés au Parlement le 25 juin suivant, que les mem- 
bres de l'Académie seraient exemptés de tutelle, de cu- 
ratelle et de faire le guet, et qu'ils jouiraient, en outre, 
du droit de committimus pour tous leurs procès, comme 
les membres de l'Académie française et les ofliciers com- 
mensaux du roi ‘. 

Les progrès de la nouvelle Académie furent long- 
temps encore enrayés par l'influence des nombreux et 
puissants amis de M. Mignard; mais, à la mort de M: 
le cardinal de Mazarin, M. Colbert, nommé vice-pro- 
tecteur de l’Académie, prit chaudement en main la cause 
de cette Compagnie, et son existence fut désormais as- 
surée. 

En 1663, l'Académie obtint une pension de 4,000 
livres. Le roi, qui s’en était déclaré hautement le pro- 
tecteur, fit encore plus : en 1665, il fonda à Rome l'É- 
cole de France, où les jeunes lauréats de l’Académie de 
Paris devaient se perfectionner par l'étude des maitres. 
L'influence de l'Académie grandit; on en comprit l'uti- 


| Titres. de l'École académ. de Bordeaux , n° 1. 


522 


lité, et enfin, sur l'instigation de M. Colbert, au mois 
de novembre 1676, Louis XIV rendit une ordonnance, 
enregistrée le 22 décembre suivant, qui autorisait la 
création d'une espèce d'Université des Beaux-Arts sous 
le titre d'Écoles académiques de peinture et de sculp- 
Lure. 

Pour encourager les beaux arts, qui font à l'intérieur 
la splendeur et la félicité d’un État, comme la gloire 
des armes la procure au dehors, cette ordonnance per- 
mettait au sieur Colbert, ce sont les propres termes des 
lettres patentes, de créer, dans les différentes villes de 
France, des écoles académiques de peinture et de sculp- 
ture, sous la conduite et administration des officiers de 
l'Académie royale de Paris. M. Colbert en était déclaré 
chef et protecteur, et pouvait seul en approuver les sta- 
tuts et les règlements *. 

En conséquence, l’Académie de Paris, sous la direc- 
tion de M. Lebrun, rédigea des statuts, approuvés par 
M. Colbert, pour l'établissement d'écoles académiques 
dans les principales villes du royaume. Ce fut une me- 
sure aussi habile que hardie. On comprend en effet 
qu'elle était destinée à exercer une immense influence 
sur l'avenir des arts; malheureusement, par des cir- 
constances diverses, ce plan gigantesque ne put être 
exécuté dans son ensemble. 

Il ne faut pas d’ailleurs se laisser tromper par la si- 
militude des mots et perdre de vue que, selon les temps 
et les lieux, les mêmes expressions ont souvent une si- 


1 Titres... de l'École académ. de Bordeaux, n° 2, 


gnification toute différente. Nous avons vu que la pré- 
tendue Académie de Saint-Luc n'était rien moins qu'une 
association académique comme nous le comprenons 
aujourd'hui. L'Académie royale de peinture elle-même 
n’était pas alors ce qu'est devenue depuis l'Académie 
des Beaux-Arts; et, par conséquent, les écoles acadé- 
miques qu'il s'agissait d'établir dans les villes de pro- 
vince, n'avaient, pour ainsi dire, rien de commun avec 
ce que nous appelons aujord'hui une Académie. 

Quoi qu'il en soit, il paraît que cette mesure, digne 
du génie de M. Colbert, ne reçut d'autre application 
qu'à Bordeaux, dans cette ville rebelle qu'agitaient en 
core tant de passions diverses, et que d'innombrables 
ouvriers, dirigés par, M. de Vauban, entouraient de ci- 
tadelles formidables, uniquement destinées à réprimer 
et punir nos turbulents ancêtres. Il est donc important, 
pour notre histoire particulière et pour l'histoire géné- 
rale des arts, d'examiner avec soin les effets produits 
par cet essai d'organisation artistique. 

Nous avons un exemplaire imprimé des statuts rédi- 
gés par l'Académie royale de Paris ‘. Voici le résumé 
de leurs principales dispositions : 

Le protecteur des écoles académiques avait le droit de 
choisir dans chaque ville le vice-protecteur de cette école, 
et l'Académie-mère elle-mème nommait les gouverneurs 
des écoles, sur lesquels elle se réservait un certain droit 
de surveillance et de juridiction. Ces gouverneurs étaient 
d'ailleurs tenus de se conformer aux préceptes el ma- 


* Titres. de l’École académ. de Bordeaux, n° 2. 


34 


524 l 
nière d'enseigner de l’Académie. Ils pouvaient se faire 
aider par des gens capables, auxquels ils transmet- 
taient tous leurs priviléges; mais, au moins quatre fois 
par an, les ofliciers délégués pour la direction des éco- 
les devaient soumettre les ouvrages de ‘leurs élèves à 
l'examen des académiciens de Paris. 

Du reste, il était expressément défendu dans les éco- 
les de parler de toute autre matière que de peinture et 
de sculpture, et l'article 5 est assez remarquable sous 
ce rapport. Le lieu où les exercices se feront, y estil 
dit, estant consacré à la vertu, s'il arrivoit qu'au- 
cun vinst à blasphémer le saint nom de Dieu ou par- 
ler de la religion et des choses saintes avec irrévé- 
rence, ou proférer des paroles deshonnêétes, il sera 
banny des dites écoles. 

Les ecoles devaient être ouvertes tous les jours pen- 
dant deux heures, excepté les jours de fête.., ete. 

Les lettres patentes de 1676 qui autorisaient la créa- 
tion des écoles académiques, ne furent mises à exécu- 
cution, comme nous l'avons déjà dit, ni à Lyon, ni à 
Toulouse, ni à Marseille, ni à Rouen; pendant douze 
ans, il n’en est question nulle part. Cependant, il pa- 
rait que le 26 juillet 1688, il y avait déjà longtemps 
que M. Leblond de Latour, peintre ordinaire du roi et 
membre de l'Académie de peinture de Paris, fixé à Bor- 
deaux depuis 1656, avait essayé, aidé de M. Larraïdy” 
et de quelques autres artistes ou amateurs, de faire créer 
une école académique à Bordeaux. 

Il résulte d'une lettre que M. Guérin, secrétaire de 
l’Académie de peinture de Paris, écrivait ce jour-là à 


525 

son collègue à Bordeaux ‘, M. Leblond de Latour, que 
ce n'était pas sa faute si la demande des artistes borde- 
lais n'avait pas encore reçu de solution, mais que la 
maladie de M. de Louvois avait tout retardé. M. Guérin 
félicitait d’ailleurs M. Leblond d'avoir découvert l'auteur 
d'une lettre malicieuse écrite par un anonyme à l'Aca- 
démie, et qui méritait d'être puni ?. 

Néanmoins, le 21 janvier 1689, rien n'avait encore 
été fait, et M. Guérin écrivait de nouveau que la de- 
mande des peintres bordelais avait dû être accordée lors 
de la présentation de l'Académie à M: de Louvois, à 
l'occasion du premier de l'an; mais que le Ministre était 
si occupé, qu'on n'avait pas osé l'importuner de cette 
affaire. [l ajoutait que M. Lebrun avait pris à cœur 
celte demande et promettait de s’en occuper activement. 
Il félicitait ces messieurs d'avoir écrit directement à 
l'Académie. Cette lettre devait être un moyen de plus 
pour s'occuper de leur affaire *. 

Dans l'intervalle, M. Lebrun mourut (23 février 
1690) ; il y avait à craindre que son successeur, ce 
même M. Mignard qui s'était si fortement opposé à la 
création de l'Académie de Paris, ne mit pas beaucoup 
de zèle à terminer une affaire que son prédécesseur et 
son antagoniste avait patronée; il parait qu'il en fut 
autrement. Arrivé enfin au pouvoir, objet de sa jalou- 
sie et de sa convoitise, M. Mignard, comme tant d'au- 
tres, envisagea les choses sous un tout autre aspect 
qu'il ne l'avait fait jusqu'alors; etenfin, le 3 juin 1690, 


! Nicolas Guérin avait été reçu membre de l’Académie le 20 décembre 1681, 
? Preuves, n° 1. 
* pièces justificatives, n° 2, 


526 
l'Académie royale, ayant pris l'avis de M le marquis 
de Louvois, fit expédier des lettres sous forme authen- 
tique autorisant l'établissement de l'École académique 
de Bordeaux. 

Ce document important, car il est probablement uni- 
que en son genre, mérite d'être reproduit en entier. Il 
est écrit sur parchemin, dans la forme des lettres pa- 
tentes, parfaitement conservé, et revêtu des signatures 
autographes des principaux membres de l'Académie des 
Beaux-Arts de cette époque. Malheureusement, la terreur 
qu'inspirait la stupidité des prétendus patriotes de 1793, 
en a fait enlever le sceau de l’Académie, dont l'emprein- 
te portait peut-être quelques emblèmes dangereux. 


« L'ACADÉMIE ROYALLE DE PEINTURE ET DE SCULP- 
TURE establie par lettres patentes du Roy, vérifiées en 
Parlement, présentement sous la protection de mon- 
seigneur le marquis de Louvois et de Courtenveaux, 
conseiller du roy en tous ses conseils, ministre et se- 
crétaire d'Estat, commandeur et chevalier des ordres de 
Sa Majesté, surintendant et ordonnateur général des 
bastiments, arts et manufactures de France, 

» À TOUS CEUX QUI CES PRÉSENTES LETTRES VERRONT, 
sALUT. La Compagnie s'estant fait représenter les let- 
tres à elle cy devant escrittes par plusieurs peintres et 
sculpteurs de Bourdeaux, qui proposent de faire un es- 
tablissement académique dans leur ville, au désir et 
conformément aux lettres patentes du Roy, portant l’es- 
tablissement des Académies de peinture et de sculpture 
dans les principales villes du royaume, et règlement 
dressé à ce sujet, du mois de novembre 1676, registrez 


527 

en Parlement le 22 décembre en suivant, après avoir 
examiné les délibérations particulières et résultats sur 
ce projet dudit établissement, et voulant de sa part con- 
tribuer au zèle que les dits peintres et sculpteurs font 
paroistre de se perfectionner dans leur art autant qu'il 
leur sera possible, à résolu et arresté, sous le bon plaisir 
de monseigneur de Louvois, son protecteur, de consen- 
tir à l'établissement demandé par lesdits peintres et 
sculpteurs de Bourdeaux, à la charge d'observerles règle- 
ments contenus esdites lettres patentes, et de se con- 
former, autant que faire se pourra, à la dissipline qui 
s’observe dans cette Académie royalle; à l'effect de quoy 
elle a ordonné qu'il leur seroit envoyé une expédition 
en parchemin du présent résultat, signé de monsieur 
le directeur, de messieurs les officiers en exercice, de 
messieurs les recteurs et adjoints-recteurs, et des deux 
plus anciens professeurs, scellez de son sceau et con- 
tre signez par son secrétaire, et une copie collationnée 
des lettres patentes et règlements, qui pourront servir 
à leur établissement et à la régie de leur compagnie. » 


À Paris, le troisième juin mil six cens quatre vingt dix. 


Signé : MIGNARD, GIRARDON, DESJARDIN, DE SÈVE, COYPEL, 
recieurs; COYSEVOX , PAILLET, adjoints-recleurs; 
REGNAUDIN , BLANCHARD , HOUASSE, JOUVENET, Pr'O- 
Jesseurs; BOULOGNE le jeune, P. SEVE, N. DE 
PLATE-MONTAGNE ', J.-B. LECLERC EDELINCK. 


Au dos est écrit sur le pli: 
Visa : MIGNARD *. Par l’Académie : GUÉRIN. 


‘ Nicolas Vanplattenberg (Plate-Montagne), connu sous le nom de Montagne 
et de van Platen. 


? Titres. de L'École academ. de Bordeaux, n° 3, 


528 
Remarquons, en passant, que les lettres patentes de 
1676 ne parlent, comme nous l'avons vu, que de l’éta- 
blissement en province d'écoles académiques, et que 
cependant il résulte des termes de l'acte que nous ve- 
nons de transcrire, que l’Académie royale elle-même 


comprit que l'Ecole académique de Bordeaux devait 
être considérée comme une Académie; car il y est 


dit : « Conformément aux lettres patentes portant 
» l'établissement des Académies... dans les princi- 
» pales villes... ;» et peu après, les artistes bordelais 
composant la nouvelle Société l’intitulèrent Académie 
royale. 

Il fallut près d'un an pour que les lettres de l'établis- 
sement de la succursale bordelaise pussent recevoir un 
commencement d'exécution, après plusieurs hésitations 
et tàtonnements, soit pour trouver un local, soit pour 
réunir un nombre suffisant d'artistes qui voulussent 
faire partie de la nouvelle société. Aucun document ne 
nous fait connaitre comment furent choisis la pre- 
mière fois les membres de l’Académie. Après plusieurs 
tentatives inutiles, disons-nous, les nouveaux acadé- 
miciens parvinrent enfin à se réunir en nombre sufli- 
sant, le 29 avril 4691, et à constituer définitivement 
leur Académie. Le procès-verbal de cette première as- 
semblée n’est pas long, et nous croyons devoir le trans- 
crire tout entier. Il fera mieux juger, que ne pourrait 
le faire une analyse, ce que fut cette première réu- 
nion. 


«Aujourdhuy vingt neufviesme d'avril mil six cens 


529 

quatre vingt onze, nous soussignez, composant l'Aca- 
démie royalle de peinture et de sculpture établie à Bor- 
deaux, estant assemblés dans le palais archiépiscopal, 
conformément à la délibération précédente , en présence 
de monseigneur l'Archevèque de Bordeaux, nostre vice- 
protecteur, avons procédé à la nomination et l'élection 
des professeurs et adjoints de la ditte Académie, et com- 
mencé par nommer monsieur Leblond de Latour pour 
premier professeur, en considération de son méritte 
et de ce qu'il a l'avantage d’estre du nombre de ceux 
qui composent l'illustre compagnie de lAcadémie 
royalle de Paris, laquelle nomination a esté unani- 
mement faitte. Ensuitte avons procédé à la nomination 
des autres comme s'ensuit; le tout à la pluralité des 
VOIX : 


Professeurs : MM. 


LEBLOND DE LATOUR, peintre.  BENTUS , peintre. 


DUBOIS , sculpteur. THIBAULT , Sculpteur. 
FOURNIER aisné , peintre. DUCLAIRC aisné , peintre. 
GAULIER , sculpteur. BERQUIN le jeune, sculpteur. 
LARRAIDY, peintre. TIRMAN , peintre. 

BERQUIN aisné, sculpteur. DORIMON , sculpteur. 


Adjoints à professeurs : MM. 


FOURNIER le jeune, pucLaïRc le jeune,  CONSTANTIN-. 


» Desquelles élections ei dessus avons dressé le pré- 
sent procez-verbal pour servir et valoir en temps et 


530 


lieu, et a mondit seigneur Archevesque déclaré aprouver 
les dittes élections *, » 


Cette pièce, écrite de la main de M. Larraïdy, est 
revêtue des signatures autographes de tous ceux de ces 
messieurs qui étaient présents ou savaient signer *; car 
il y manque trois signatures : un des MM. Berquin, 
MM. Dorimon et Constantin; elles sont précédées de la 
signature de M l’Archevèque, qui, le premier, a si- 
gné : Louis, Arch. de Bordeaux. 

Remarquons encore que les lettres patentes de 1676 
réservaient expressément à l'Académie de Paris le droit 
de désigner les officiers directeurs des Écoles académi- 
ques, et qu'ici ce sont les nouveaux membres qui choi- 
sissent eux-mêmes les professeurs. 

Quoi qu'il en soit, cet acte curieux nous révèle le 
nom de quinze artistes bordelais, à peu près inconnus 
ou oubliés, qui, il y a près de deux cents ans, dans 
l'enceinte resserrée de nos fortifications si souvent 
émues du bruit des armes, à quatorze ans d'une com- 
motion violente qui avait vivement ébranlé la cité, s'oc- 
cupaient d'art avec assez de zèle et de talent pour éta- 
blir une École académique de peinture et de sculpture 
dans une ville où il n’en existe pas au milieu du dix- 
neuvième siècle, et où il serait peut-être difficile , à en 
juger par ce que nous connaissons du mérite de quel- 


! Titres... de l'École académ. de Bordeaux, n9 7. 
* On s’étonnera peut-être de cette supposition; mais elle est justifiée par 


quelques exemples. Il passe pour certain que le célèbre Carle Vanloo ne savait ni 
lire ni écrire, 


531 
ques-uns des fondateurs de notre ancienne Académie, 
de réunir un nombre si considérable de peintres et de 
sculpteurs aussi habiles et aussi instruits. 

Constatons le fait, sans chercher à l'expliquer; mais 
profitons de cette occasion pour consigner ici tous les 
renseignements que nous avons pu recueillir sur cha 
cun de ces artistes, et prier tous ceux de nos compa- 
triotes qui connaitraient d’autres renseignements sur 
ces personnages ou sur d'autres artistes de Bordeaux, 
de vouloir bien nous les communiquer, leur promet- 
tant de faire tout ce qui dépendra de nous pour que ces 
notes ne soient pas perdues, et que la reconnaissance 
en revienne à ceux qui nous les auront communiquées. 

M. Leblond de Latour, peintre et écrivain distingué, 
que ses collègues nommèrent à l'unanimité premier pro- 
fesseur de l'Académie de Bordeaux, en considération de 
son mérite et de l'honneur qu'il avait déjà d'être mem- 
bre de l’illustre compagnie de l'Académie royale de Pa- 
ris, n'est mentionné dans aucune biographie. Ses ou- 
vrages de peinture ne sont indiqués dans aucun cata- 
logue de tableaux, et pas un catalogue de bibliothèque 
ne fait connaître les livres qu'il a publiés. 

Quand je dis aucune bibliothèque, je me trompe; il 
en est une, celle de la ville de Bordeaux, qui possède 
un exemplaire, probablement unique, d'un ouvrage 
publié par M. Leblond de Latour, et qui nous permet 
de constater que la considération dont l'artiste jouis- 
sait auprès de ses collègues, était justement méritée. Ce 
livre nous vient de la bibliothèque des Capucins de Bor- 
deaux; il à pour titre : Lettre du sieur Leblond de 


Latour à un de ses amis, contenant quelsques ins- 
truclions touchant la peinture ; dédiée à M. de Bois- 
garnier, R. D. L. C. D. F. à Bourdeaux; par 
Pierre du Coq, imprimeur et libraire de l'Université, 
1669, in-8° de 79 pages. 

Ce M. de Boisgarnier, ami et protecteur de M. Le- 
blond de Latour, est encore un amateur des arts à Bor- 
deaux dont le nom était tout à fait oublié ; il possé- 
dait une des plus belles collections de tableaux qu'il y 
eût dans la province. Ce n'était pas peu dire; car les 
Musées publics n'absorbaient pas, alors comme aujour- 
d'hui, tous les chefs-d'œuvre, et il y avait à Bordeaux 
plusieurs collections célèbres : entre autres, pour ne 
parler que de deux ou trois, celles des d'Épernon, des 
Sourdis et celle de M. Raphaël Trichet, dont les Livres 
enrichirent la Bibiothèque royale, et les tableaux la 
célèbre collection de la reine Christine, de Suede. 

La lettre du sieur Leblond de Latour à un de ses 
amis est illustrée, comme nous disons aujourd'hui, 
d'une épigramme en son honneur, par M. de Lama- 
the, avocat au Parlement de Paris; elle n’est pas lon- 
gue, la voici : 


Latour nous fait voir dans son livre 
Qu'il a su joindre deux talents 
Fort rares et fort diflérents, 

Et qui sauront le faire vivre 

Malgré les jaloux et les ans. 


Si l'exemplaire que possède notre bibliothèque est 
unique, comme tout nous porte à le croire, il s'en 


533 
est fallu de bien peu que la prédiction poétique de M. 
de Lamathe ne devint un rêve complet; mais, grace à 
la publicité que les Actes de l’Académie donneront, je 
l'espère, à ces lignes, elle est assurée de s'accomplir 
encore pendant quelque temps. 

M. Antoine Leblond de Latour signe sa lettre du ti- 
tre de peintre de l'Hostel de Ville de Bourdeauæ. Ce 
titre, Joint à l'aveu de la supériorité que lui reconnu- 
rent unanimement ses collègues, sont les seuls indices 
qui puissent nous faire apprécier son mérite artist 
que ‘. Quant au mérite littéraire de M. Leblond, sa 
leltre prouve qu'il écrivait avec une habliété peu com- 
mune dans ce temps, et qu'il était non-—seulement 
instruit dans son art, mais qu'il avait même des pré- 
tentions tant soit peu verbeuses à la théologie et à la 
métaphysique. 

En commençant son ouvrage, M. Leblond développe 
cette pensée, que la peinture étant une sorte d’émana- 
tion de la puissance divine, puisqu'elle aussi sait créer, 
elle doit surtout avoir pour but de glorifier Dieu en 
représentant la beauté de ses créatures. 

De l'exposé de cette théorie, il passe à un éloge pom- 
peux de Louis XIV; mais l’entousiasme pour son art 
l'amène bientôt à une appréciation philosophique du 
règne des conquérants et des Mécènes, diamétrale- 


* M. Leblond de Latour, d’après une note communiquée par M. Aruaud Det- 
cheverry, archiviste de la Mairie, aux rédacteurs des Archives de l'Art fran- 
gais, t. 1er, page 125, prèta serment en qualité de peintre de l'Hôtel-de-Ville 
le G juin 1665. Il remplaça M. Philippe Delay, peintre de Paris, décédé après 
dix-sept ans d'exercice, 


534 


ment opposée et certainement plus vraie que celles qu'on 
en fait ordinairement ; il en conclut que ce ne sont pas 
les grands règnes qui créent les grands hommes, mais 
que ce sont les grands hommes qui font les grands rêgnes. 

Sous le rapport de l'art proprement dit, M. Leblond 
se montre admirateur de la couleur et du Titien. Les 
préceptes et les règles qu'il donne sont très-simples et 
peu nombreux; mais ils sont dictés avec une certaine 
hauteur de vues qui leur prête je ne sais quoi de magis- 
tral, tout à fait en rapport avec le style dans lequel ils 
sont écrits. L'auteur parait avoir la conscience intime 
de leur valeur et du mérite personnel de celui qui les 
donne. 

J'ai remarqué (pag. 37) le récit détaillé du procédé 
dont le célèbre M. Poussin, que l'auteur avait sans doute 
vu travailler, et dont la mémoire et la gloire étaient alors 
toutes récentes, se servait pour composer et éclairer 
ses tableaux. Le fameux M. Poussin, cel homme ad- 
mirable et presque divin, composait en petit, avec de la 
cire molle, qu'il maniait avec une adresse et une tran- 
quillité singulières , les différents accidents des ter- 
rains et des monuments de la scène qu’il voulait repré- 
senter, dans la position et le geste convenables; puis, 
arrangeant de petits mannequins habillés et drapés à 
l'aide d’une baguette, il recouvrait toute sa composition 
d'une grande caisse, où la lumière pénétrait par des 
ouvertures semblables à celles qui éclaireraient le ta- 
bleau dans le local qu'il devait aller occuper. Il prati- 
quait ensuite sur le devant de la caisse un trou qui lui 
permettait de dessiner sa composition sans y introduire 


535 
aucun jour étranger, car son œil le fermait exacte- 
ment. Plusieurs artistes modernes ont employé avec 
succès le procédé dont l'invention est ici attribuée à 
M. Poussin; mais ces détails n’en sont pas moins uti- 
les et curieux. 

M. Leblond de Latour avait joint à son livre une 
planche représentant les proportions de trois figures : 
un homme, une femme et un enfant. Elle nous eût per- 
mis d'apprécier M. Leblond comme dessinateur; mais 
celte planche a été enlevée, ou n’a jamais été mise dans 
l'exemplaire de notre bibliothèque. 

On ne trouve dans cet ouvrage aucune indication 
relative à la famille et au pays de l'auteur. Cependant, 
pour s’excuser d'avoir écrit son livre, M. Leblond, s’a- 
dressant à son ami, lui dit : Ayant considéré que no- 
tre petit Marc-Antoine pourroit quelque jour profiter 
de ce petit travail. Le petit Marc-Antoine était le fils 
de l'auteur. Il succéda à son père dans la charge de 
peintre de l'Hôtel-de -Ville de Bordeaux, dont il reçut 
la survivance le 30 août 1690 ‘, et qu'il exercça jus- 
qu'au 1% septembre 1742. 

Dans l'absence de tout autre renseignement sur M. 
Leblond de Latour, j'ai recueilli tous les indices qui 
peuvent se rattacher plus ou moins directement à son 
nom, el voici ce que j'ai trouvé : 

Antérieurement à l'époque dont nous nous occupons, 
en 4626, il y avait à Amsterdam un artiste du nom de 
Leblond, qui a gravé des ornements, des damasquinu- 
res, etc. Était-ce le père de notre auteur? 


| Preuves, n° 3, 


530 

Il serait d'autant plus diflicile de l'assurer, qu'à peu 
près à la même époque existait un autre graveur, Mi- 
chel Leblond ,-dont on a, entre autres, douze sujets tirés 
de la vie de la Vierge, d'après les compositions d'AI- 
bert Durer. D'un autre côté, M. Dussieux, dans l’ou- 
vrage intitulé : Les Artistes français à l'étranger, 
pag. 125, cite Jean-Baptiste-Alexandre Leblond, né à 
Paris en 1679, célèbre dessinateur de jardins, d'orne- 
ments et d'architecture, passé en Russie en 1716, où 
il mourut en 1719, premier architecte du Czar; et, 
dans la liste chronologique des membres de l'Académie, 
que le même M. Dussieux à publiée dans les Archives 
de l'art français, 1. 1, pag. 271, figure encore un Jean 
Leblond, peintre d'histoire, né vers 1635, reçu mem- 
bre de l'Académie le 4°° août 1681, et mort le 43 août 
1709. 

Quoi qu'il en soit, d'après la liste de M. Dussieux, 
Antoine Leblond de Latour, dont nous nous occupons, 
avait été reçu membre de l'Académie royale de pein- 
ture de Paris le 28 décembre 1682; mais aucun autre 
renseignement n'accompagne son nom. M. Dussieux 
donne aussi la liste des membres agréés par l'Académie, 
qui n'ont jamais été reçus, et il y mentionne { pag. 399) 
le mème Jean Leblond, qu'il avait déjà indiqué comme 
recu en 1681. M. Dussieux a confondu Jean avec An- 
toine Leblond. Antoine Leblond, dont le séjour à Bor- 
deaux est constaté en 1665, 1668, 1688 et 1690, fut 
sans doute agréé par l'Académie en 1682, mais ne fut 
probablement jamais reçu membre titulaire. 

Postérieurement à l'époque où vivait Antoine Le- 
blond, on trouve que, vers 1740, l'abbé de Saint-Ro- 


537 

main-de-Blaye était M. Denys Leblond. Était-ce un 
descendant de notre académicien? On peut le suppo- 
ser, car cet abbé, grand amateur des arts, fit graver 
par Charles Dupuis, graveur distingué dont l'histoire 
est aussi mêlée à celle des arts à Bordeaux, le célè- 
bre et joli tableau du Mariage de la Vierge, par Carle 
Vanloo. Ce tableau appartenait probablement, à cette 
époque, à l'abbé Leblond ou au cardinal de Polignac, 
à qui l'abbé dédia la gravure, chef-d'œuvre de Charles 
Dupuis. 

À ces indices, j'ajouterai que la notice des tableaux 
du Musée de Bordeaux dit que le célèbre M. Taillasson , 
également né à Blaye, était un des descendants de M. 
Leblond de Latour. 

Après M. Leblond de Latour, l'homme le plus remar- 
quable de l'École académique de Bordeaux était sans 
contredit M. Larraidy, peintre et secrétaire de l'Aca- 
démie, homme instruit et considéré, comme nous le 
verrons bientôt par les lettres qu'il écrit et qu’on lui 
écrit, mais sur lequel nous n'avons aucun autre ren 
seignement. 

M. Dubois, sculpteur, fut nommé, le premier, profes- 
seur après M. Leblond de Latour; il faisait précéder sa 
signature d’un P. Nous ne savons rien autre chose de lui. 

M. Fournier aîné, peintre, jouissait sans doute 
d'une certaine estime, quisqu'il est porté sur la liste 
des professeurs avant M. Larraidy; M. Fournier jeune, 
peintre, qui fut nommé premier adjoint à professeur , 
était probablement son frère. Tous les autres académi- 
ciens sont également inconnus. M. Gaulier ou Gaul- 


538 


lier, Pierre et Jean Berquin, frères, Thibault et Dori- 
mon, tous sculpteurs; MM. Bentus et Tirman, pein— 
tres. M. Duclaire ainé, professeur de peinture, signe : 
Duclaircq; tandis que M. Duclaire jeune, adjoint à 
professeur, signe : Duclercq. Quant à M. Constantin, 
le troisième des adjoints à professeur, nous ne savons 
mème pas s’il était sculpteur ou peintre. 

Espérons que ces remarques et nos recherches ulté- 
rieures ne seront pas tout à fait inutiles, et qu'elles 
contribueront à arracher à l'oubli quelques-uns des 
hommes généreux dont les efforts tentèrent de doter 
notre patrie d'une institution qui manque encore au- 
jourd’hui non-seulement à son éclat et à sa gloire, mais 
à sa prospérité et à son bonheur. 

En attendant, reprenons l'histoire de la trop courte 
existence de l'École académique bordelaise. 

Quoique les lettres patentes de 1676 eussent réservé 
au protecteur de l’Academie royale le privilège de dé- 
signer le vice-protecteur de l'École académique, les 
nouveaux académiciens choisirent eux-mêmes, pour 
vice-protecteur de l'École académique de Bordeaux, 
l'archevèque du diocèse, Mf' d'Anglure de Bourlemont '; 
c'était non-seulement le choix le plus distingué qui 
püt être fait, mais le plus heureux. L'intendant et le 
gouverneur de la province avaient peu de crédit, le 
Parlement était exilé, et pour faire tolérer dans une 
ville de province un établissement où l’on devait faire 


! Louis d’Anglure de Bourlemont, nommé Archevèque de Bordeaux le 6 
septembre 1680, mort le 9 novembre 1697, à l’âge de 70 ans, 


539 

posé des personnes nues devant une réunion de jeunes 
hommes, il ne fallait rien moins que la protection du 
manteau vénéré du chef du sacerdoce bordelais. Heu- 
reusement, M“ d'Anglure de Bourlemont avait une 
piété tempérée par une large et haute éducation; il 
comprit parfaitement, comme tant d'autres de ses pré 
décesseurs et de ses successeurs, qu'il est des circons- 
tances où l'intérêt de la société doit l'emporter sur les 
mesquines exigences d'un zèle peu éclairé; et non-seu- 
lement il consentit à être le protecteur de l'École aca- 
démique, mais il lui donna un asile dans son palais 
archiépiscopal. Le chef du clergé bordelais payait ainsi 
aux artistes une partie des services que l'art rend à Ja 
Religion. 

Une marque de protection aussi ouverte et aussi 
illustre stimula le zèle de MM. les Jurats, et les encou- 
ragea à prêter aussi leur concours à cette utile institu 
tion. Nous allons bientôt voir l'École académique passer 
du palais archiépiscopal dans les bàtiments de la Muni- 
cipalité. 

Dès le 13 août 1691, une délibération de la Jurade 
de Bordeaux permit à MM. Leblond de Latour, Four 
nier el autres peintres et sculpteurs, d'établir une 
École académique dans la ville, et leur concéda , dans 
ce but, une des salles du collège de Guyenne, à con- 
dition d'y faire à leurs frais les ouverture et les ferme- 
tures nécessaires ‘. 

Munis de cette autorisation, et avec l'agrément de 


1 Prouves. n0 4. 


2 


540 

M. Bardin, principal du collège, les artistes bordelais 
mirent à profit le temps des vacances, et le 12 décem- 
bre, une députation se présenta en Jurade pour prier 
MM. les Jurats de vouloir bien leur faire l'honneur 
d'assister , le dimanche suivant, à une messe solen- 
nelle qu'ils se proposaient de faire célébrer dans la 
chapelle du collége de Guyenne pour l'inauguration de 
l'Académie. Les Jurats répondirent, que pour rendre 
celte cérémonie plus célèbre, ils y assisteraient revè- 
tus de leurs robes rouges . 

En conséquence, le dimanche 16 décembre 1694, 
au bruit du canon et cloche sonnante, MM. les Jurats, 
vêtus de leurs robes rouges, sortirent de l'Hôtel-de-Ville, 
précédés du chevalier du guet et de ses archers, des 
héraults, massiers, trompettes, huissiers et autres offi- 
ciers, pour se rendre dans la chapelle du collége de 
Guyenne. 

En tête de la Jurade, en l'absence de M. le marquis 
d'Estrades, maire de Bordeaux, marchait M. d'Aste, 
premier jurat, suivi de MM. Eyraud, Lavaud, Borie 
de Poumarède, Leydet et Jeantille de Moras, jurats; 
venaient ensuite M. de Jehan, procureur syndic, et 
M. du Boseq, clere de la ville. Arrivés dans la cha- 
pelle, ornée pour cette circonstance, et dans laquelle 
on avait mis vis-à-vis la chaire un portrait du Roi, 
sous un dais élevé sur un trône, messieurs les Jurats 
furent placés au haut du balustre et du côté de l'Évan- 
gile; M“ le marquis de Sourdis, commandant pour 


? Preuves, n° 5, 


541 

S. M. en Guyenne, avait été placé au milieu du par- 
terre ‘ avec beaucoup de personnes éminentes; et M: 
d'Anglure de Bourlemont, archevèque de Bordeaux, 
en camail et rochet, vint prendre place sur le marche- 
pied de l'autel, du côté de l'Épttre. Pendant la messe, il 
fut chanté un motet en musique et symphonie, et le 
panégyrique du Roi fut prononcé avec éloquente et 
applaudissements par M. l'abbé Barré *. 

Le lendemain, 17 décembre, l'École fut ouverte, et 
les études commencèrent dans la salle, au-dessus de 
laquelle on lisait en gros caractères : Académie de 
peinture et sculpture. 

Nous ne savons pas d’une manière précise combien 
de fois la nouvelle Académie s’assembla , et si elle le fit 
régulièrement; mais d'après le peu de documents qui 
nous sont restés de cette époque, nous serions tenté de 
croire que l’Académie, une fois installée, se borna 
principalement au professorat et se rassembla très-ra- 
rement pour autre chose. 

Cependant, dès le 26 janvier 1692, deux membres 
nouveaux se présentèrent pour faire partie de l'Acadé- 
mie : c'étaient M. Leblond de Latour, peintre, fils du 
principal fondateur de l'Académie de Bordeaux *, et 


! François d'Escoubleau de Sourdis, chevalier des ordres du roi, l’un de ses 
lieutenants— généraux en ses armées, gouverneur et lieutenant — général. pour 
S. M, des villes et duchés d'Orléans, pays Orléanais, Chartrain, Perchegouet , 
Sologne, Vendômois, Blaisois et dépendances d’iceux, et de la ville et château 
d'Amboise, commandant en Guyenne et pays circonvoisins , avait fait son entrée 
à Bordeaux le 11 avril 1690. 

? Preuves, n° 6. 

* Marc—Antoine Leblond de Latour avait été reçu, en survivance de la place 
de son père, le 30 août 1690. Preuves, n9 3, 


542 

M. Lemoyne, sculpteur. L'Académie les agréa. Elle 
demanda au peintre, pour morceau de réception, un 
Christ en croix avec une Madelaine à ses pieds, sur 
une toile d’un mètre de hauteur, élant du devoir, dit 
le procès verbal, que le premier tableau exposé dans 
l’Académie soit à la gloire du Sauveur. Cependant, 
on demanda au sculpteur un portrait du Roi en grand, 
en bois de noyer, pour mettre au-dessus de la porte 
de l'Académie. 

Les récipiendaires n'étaient sans doute pas riches, 
et l'Académie modifia, dès la première fois, le montant 
du cadeau en argent que ses Statuts exigeaient des 
nouveaux membres. Elle ne leur demanda que 50 liv. 
à chacun. Cette somme leur parut néanmoins trop 
forte. Le 4 mars suivant, il y eut une nouvelle réunion 
de l'Académie, qui abaissa à 30 liv. pour chacun le 
présent des membres élus, et fixa à six mois le délai 
pour exécuter leur morceau de réception. 

Les nouveaux élus , présents à la séance, acquiescè- 
rent à la délibération ‘. Néanmoins, ils eurent sans 
doute beaucoup de peine à se procurer cette somme, 
car sept mois après, le 4 octobre, une nouvelle déli- 
bération de l'Académie les admit à prendre séance en 
payant la moitié de la somme fixée, c'est-à-dire 45 liv., 
l’autre moitié devant être payée en livrant leur mor- 
ceau de réception *. 


\ Titres..…., n° 8. 

? 50 liv. était une somme assez importante à cette époque. En 1625, Guil- 
laume Cureau, peintre de l’Hôtel-de-Ville, eut une discussion avec les Jurats dont 
il avait fait les portraits. Il demandait 60 liv. pour chacun. Les Jurats préten— 
daient qu'ayant fourni les cadres, ils ne devaient payer que 30 liv. 


543 

Quoi qu'il en soit, voici donc l'École académique 
complétement installée, fonctionnant régulièrement, 
s'adjoignant de nouveaux membres, et commencant le 
Recueil de ses registres et des objets d'art qui devaient 
former avant peu un véritable et précieux Musée. Mal- 
heureusment, la gloire des grands règnes a besoin, elle 
aussi, de s'alimenter par les finances, et aux exigences 
du fisc vinrent se joindre les convulsions administrati- 
ves, qui devaient nécessairement amener l'établisse- 
ment de cette séduisante unité d'action que nous allons 
voir fonctionner et étouffer l'École académique dont 
l'existence paraissait si bien assurée. 

‘En effet, la tranquillité dont jouit l'École académi- 
que ne fut pas longue. Cette même année, elle com- 
mence à être attaquée par les traitants. Le 5 mars 
1692, M. d'Estrehan, personnage important, et qui 
était récemment venu à Bordeaux, écrit à Mf' l'Arche- 
vêque qu'il n’a pas répondu plus tôt à la lettre du 16 fé- 
vrier, parce que M. Mignard est malade. Enfin, il l'a 
vu aujourd'hui même, dit-il, et dans une grande con- 
férence qu'ils ont eue malgré les souffrances de M. Mi- 
gnard, celui-ci a promis de porter l'affaire à la pre- 
mière réunion de l'assemblée, et de s'employer de tout 
son crédit auprès de M. de Ponchartrain pour faire 
conserver ses priviléges à l'Académie de Bordeaux. 

Comme M. Mignard est très-vieux et fort souffrant , 
M. d'Estrehan n'a pas négligé de se présenter chez les 
principaux directeurs de l'Académie qui pourraient le 
remplacer. Ils ont promis de faire prendre une délibé- 
ration favorable à l'intérêt de leur École académique, 


544 

car c'est ainsi, selon eux, que l’Académie de Bordeaux 
se doit qualifier. Et M. d'Estrehan recommande, comme 
il en a déjà averti M. Larraidy, que l'Académie n’ou- 
blie pas de garder ce degré de subordination envers les 
anciens barbons de Paris, qui en sont fort jaloux. Pour 
guérir la délicatesse du cœur de ses gros maîtres, il 
faut se servir du terme nominal d'École académique 
quand on leur écrit, mais laisser vulgariser le nom 
d'Académie à Bordeaux et partout ailleurs. 

La lettre de M. d'Estrehan contient une particularité 
curieuse. Îl annonce à l'Archevèque, que dans une pro- 
chaine lettre il lui rendra compte des démarches que 
fait M. de Pontac contre M. d'Hugla, ce qui cause de 
nouveaux embarras dans l'affaire de Bonséjour ‘. 

Le 5 août 1692, M. Larraidy, secrétaire de l'Aca- 
démie, écrivit à M“ le Chancelier pour se plaindre que, 
contrairement aux priviléges accordés aux Académies 
par les lettres patentes qui les ont établies, les agents 
chargés du recouvrement des taxes imposées sur les 
métiers et arts mécaniques, veulent comprendre les 
académiciens dans leurs rôles, contrairement à linten- 
tion de S. M., qui les eùt nominativement désignés 
dans son édit si elle avait voulu les assujettir à la taxe. 
L'Académie priait, en conséquence, MF le Chancelier 
de vouloir bien faire comprendre à M. de Bezons ?, in- 
tendant de Guyenne, la différence que S. M. faisait 
entre les corps académiques et les corps de métiers, 


\ preuves, n° 11. 


? Preuves, n° 8. 


545 

ME de Bourlemont, archevèque de Boraeaux, vou- 
lut bien ajouter sa recommandation à leur lettre, et 
écrivit à M* le Chancelier en même temps que l'Aca- 
démie ‘. Pour ne négliger aucune ressource, M. Lar- 
raidy , secrétaire de l'Académie, écrivit aussi à M. 
d'Estrehan pour lui demander son appui et le prier de 
voir en leur faveur MM. Mignard et Guérin *. 

Ces mesures obtinrent enfin un plein succès. Un 
arrêt du Conseil ( nous ne l'avons pas trouvé), fit 
rayer les académiciens desdits rôles, et désormais ils 
purent continuer paisiblement leurs travaux. 

L'orage semblait évité; mais à toutes les époques, les 
agents du fise se sont montrés fort ingénieux à trouver 
de nouvelles sources d'impots. 

Bientôt après, les édits du mois d'août 1701 et de 
juillet 1702 déclarèrent et confirmèrent l'hérédité des 
offices de syndic et d’auditeur des comptes des com 
munaulés. Sur l'avis du sieur de Labourdonnaye, alors 
intendant de Guienne , la communauté des peintres, 
sculpteurs et doreurs de Bordeaux, fut taxée à 1,200 liv. 
et les membres de l'École académique furent sommés 
par huissier, le 28 juin 1703, en la personne de M. 
Leclerc ainé, demeurant au coin de la rue Maucoudi- 
nat, au nom du sieur Valtrin, de payer la taxe comme 
les autres. 

Les poursuites furent plus vives que la première fois, 
et les académiciens, ne sachant comme s'en garantir, 


? preuves , n° 9. 
! preuves, n° 10. . 


540 
M: d'Anglure étant mort, ils dénoncèrent cette nou- 
velle tracasserie aux maire et jurats , et pour les enga- 
ger à vouloir bien prendre l'Académie sous leur protec- 
tion, ils les prièrent dors et déjà de désigner lun d'en- 
tre eux pour visiter les travaux de l'École et faire faire 
à leur salle les réparations nécessaires. 

En même temps, M. Larraidy adressa une réclama- 
tion à M. de Labourdonnaye, dans laquelle 1l exposa 
que les académiciens n'avaient jamais été compris dans 
les taxes imposées aux corporations, el le pria de dé- 
fendre au sieur Valtrin de les poursuivre. Le 45 avril 
1704, M. de Labourdonnaye ordonna au sieur Valtrin 
de lui expliquer, dans trois jours, les motifs qui lui 
faisaient poursuivre injustement les membres de l'Aca- 
démie *. 

Le 20 avril 4704, le sieur Valtrin répondit, avec cette 
aisance et cette fatuité qui caractérisaient, alors comme 
aujourd'hui, les hommes qui ne reconnaissent rien de 
supérieur à l'administration à laquelle ils ont l'honneur 
d'appartenir : 

1° Que les lettres patentes de l'Académie ne contien- 
nent aucune exemption des charges particulières des 
villes ; 

90 Que la taxe demandée est pour la confirmation 
de l’hérédité des offices de la communauté dans la- 
quelle les suppliants sont compris, et qui à déjà 
payé 500 liv. pour cet objet; 

3° Que les suppliants ne rapportent aucun titre jus- 


! Titres. de L'École acad., n° 16. 


547 
üficatif de l'établissement de l'Académie de Bordeaux, 
ni une liste de ceux qui en font partie. 

En conséquence, le 25 avril, M. de Labourdonnaye 
ordonna, qu'avant de faire droit, les académiciens 
seraient tenus de produire, dans le délai de huitaine, 
les titres qui leur étaient demandés et l'extrait du rôle 
contenant les taxes qu'ils avaient payées. 

Les pièces que nous venons d'analyser prouvent qu'il 
ne fut pas difficile au sieur Leclerc aîné, en l'absence 
du secrétaire, de produire les pièces demandées. Il les 
remit le 7 mai 1704; quant à l'extrait du rôle, il ré 
pondit avec raison, que n'ayant jamais payé aucune 
taxe, il lui serait difficile d'en rapporter le rôle. 

Néanmoins, l'affaire fut loin d'être terminée, et les 
académiciens eurent encore à lutter contre les mesqui- 
nes tracasseries des agents du fisc. 

Dans sa détresse, l'École académique de Bordeaux 
s'adressa à sa mère, l'Académie royale de Paris, et M. 
Guérin; son secrétaire, toujours zélé pour ses collègues 
bordelais, écrivit, le 29 septembre 1704 ‘, à M. de 
Labourdonnaye, pour le prier, puisqu'il ne trouve pas 
assez authentique le certificat que l'Académie de Paris 
a déjà envoyé, de suspendre sa décision jusqu’au retour 
du Roi de Fontaineblau, car S. M. n’a point changé 
de sentiment à l'égard de l'Académie : elle continue tou- 
jours à l'honorer de ses faveurs, et l'intention formelle 
du Roi est d'élever en France les arts de peinture et 
de sculpture à la plus haute perfection qu'il est 
possible. 


ÜPreuves, n9 11. 


948 

On est heureux de trouver de loin en loin de ces 
nobles et belles paroles pour relever l'âme attristée du 
spectacle pénible de ces ignobles luttes que l'insatiable 
avidité du fisc livrait aux malheureux artistes. Pour 
donner plus de poids à sa déclaration, M. Guérin fit 
signer sa lettre des principaux officiers de l'Académie, 
MM. Coysevox, Girardon et Coypel. 

Le 30 mars 1705, M. Guérin éerivit à M. Larraidy ‘, 
qu'il qualifie de peintre ordinaire du roi en son Acadé- 
mie de Bordeaux, que l'Académie de Paris est aussi 
impatiente que celle de Bordeaux de voir que ses solli- 
citations auprès de M. Mansard ? ne produisent aucun 
résultat, malgré les instances de M. Coysevox, nouveau 
directeur de l'Académie. 

Deux choses méritent d’être remarquées dans cette 
lettre. M. Guérin la termine en assurant M. Larraidy 
de son dévouement à son illustre Compagnie. Cette 
épitre est scellée de deux cachets : l'un, porte des ini- 
tiales croisées, comme c'était alors l'usage; l'autre, un 
écu coupé : au premier, de sable au soleil d'or; au 
deuxième, d'azur à la fleur de lys d'argent. 

Ces armoiries sont timbrées d’un casque de chevalier, 
et sont exactement celles du célèbre M. Lebrun, pro- 
moteur et premier directeur de l'Académie de peinture. 
M. Lebrun avait-il adopté les armes données à l'Acadé- 
mie, ou l'Academie, par reconnaissance, se servait- 
elle toujours du cachet de son ancien directeur? Quoi 


1 Preuves, n° 12. 

? Jules Ardouin Mansard, neveu du célèbre architecte français Mansard, 
nommé surintendant des bâtiments et des manufactures royales en 1699, mort 
le 11 mai 1718, 


549 
qu'il en soit, cest une circonstance qui nous à paru 
curieuse à noter. 

L'École académique de Bordeaux est done obligée de 
faire de nouvelles démarches. Le 21 avril 4705 *, son 
secrétaire écrit, au nom de l’Académie, à M. Mansard, 
lui rappelle les faits, et fait valoir les services déjà ren- 
dus par l'École bordelaise, dont il est sorti trois ingé- 
nieurs alors au service. Pour intéresser plus particuliè- 
ment M. Mansard à cette affaire, il ajoute adroitement 
que l'Académie de Bordeaux compte sur la protection 
de celui qui à été choisi par Louis-le-Grand, parmi 
tant de beaux génies, pour diriger les beaux-arts, pour 
obtenir de S. M. l'exemption qui seule peut empêècher 
la destruction de tous les fruits obtenus par tant d'an- 
nées d'efforts. 

M. Larraidy écrivit en même temps à l’Académie de 
Paris, et à M. Guérin en particulier ?. Néanmoins, ce 
ne fut que le 24 septembre 1705 que M. Guérin an- 
nonça aux académiciens de Bordeaux que leur demande 
avait été enfin mise sous les yeux de M. d'Armenon- 
ville, directeur des finances, et qu'on en espérait une 
heureuse issue ©. 

Il était temps, car M. Larraidy avait écrit, le 21 
novembre 1705, à M. Guérin *, que les poursuites du 
traitant étaient devenues si fatigantes, que les académi- 
ciens bordelais s'étaient résignés à payer provisoire- 


! Preuves, n° 13. 
? Preuves , n° 14. 
* Preuves, n° 15. 
* Preuves, n° 16. 


550 
ment, jusqu'à ce que M. d'Armenonville leur ait enfin 
rendu justice. On sent que l'Académie était lasse, et que 
sa fin approchait. 

Cependant, le 12 janvier 1706, un arrêt du Conseil 
d'État ‘, rendu sur la requête de l'Académie de Paris, 
au rapport du sieur Fleuriau d'Armenonville, et dont 
l'expédition est contresignée Leseurre, déchargea les 
membres de l'École académique de Bordeaux, et tous 
ceux des Écoles que l'Académie avait établies dans 
d'autres villes { nous n’en connaissons aucune , comme 
nous l'avons déjà dit), de leur contribution à la taxe 
spéciale, dont ils demandaient à être exempts. 

La tranquillité que cet éclatant succès procura aux 
membres de l'École académique ne fut pas de longue 
durée. Pour faire de grandes choses, il faut de grandes 
sommes, et pour se procurer ces grandes sommes, les 
grands rois eux-mêmes sont obligés d'employer de pe- 
tits moyens. 4 

Vers 1709, les académiciens récemment exemptés 
des taxes ordinaires des corporations, furent sommés, 
par le même M. Valtrin, directeur de la recette géné- 
rale des finances de Guyenne, demeurant rue du Cha- 
peau-Rouge, à Bordeaux, de payer leur quote-part de 
la somme de 25 liv. pour le dixième des revenus du 
commerce et industrie des marchands, négociants et 
artisans d'icelle. On voit par là que les idées qui 
paraissent jeunes et belles à quelques adorateurs du 
budget, sont renouvelées des vues démocratiques d'un 


\ Titres..., n9 22. 


551 
grand socialiste, Louis XIV, qui voulait, lui aussi, que 
tout appartint à l'État. 

M. Larraidy, secrétaire de l'Académie, mit donc 
encore la main à la plume, et s'adressant au nouvel 
intendant de Guyenne, M de Lamoignon, comte de 
Launay-Courson, etc., lui cita l'arrêt tout récent que 
l'Académie avait obtenu du Conseil d'État, et lui démon- 
tra, avec une certaine fierté, que les académiciens ne 
pouvaient être confondus avec les autres peintres, 
sculpteurs et doreurs qui ne sont pas du corps acadé- 
mique, et n'ont pas la jouissance des privilèges ac- 
cordés, à juste titre, à un art que les plus grands 
hommes des siècles passés ont tenu à honneur d’exer- 
cer, el pour lequel les plus grands conquérants ont 
eu de la vénération. 

Une note marginale de la main même de MF de La- 
moignon témoigne que l’intendant approuva la récla- 
mation de l'Académie . 

Cette requête de 1709 est le dernier vestige, j'allais 
presque dire le dernier soupir de l'existence de l'École 
académique de Bordeaux. Elle s’éteignit bientôt après, 
sans doute, sans quoi nous eussions trouvé des traces 
de nouvelles exigences du fise. Il suflit, pour anéantir 
notre Académie, d'un simple accident, peut-être de la 
mort de M. Larraidy. Ne nous en étonnons pas. Si les 
arts ont quelquefois fleuri au milieu des guerres civiles 
etdans l'effervescence des partis politiques, it n'existe pas 
un seul exemple qui nous les montre en progrès à une 


MTelres mul. 


552 
époque de décrépitude et d'abaissement. Or, ce règne 
si glorieux de Louis-le-Grand portait enfin ses fruits si 
connus, mais trop souvent oubliés. Tout décroissait, 
excepté la misère et la corruption. L'Académie de Pa- 
ris se soutenait à peine, celle de Bordeaux disparut. 

Il y avait à peine vingt ans que la pensée mère de 
Colbert, l'organisation et l'affiliation des Académies pro- 
viaciales à celle de Paris, avait été formulée, et déjà 
elle était complétement oubliée ‘; le goùt des arts s'était 
perdu, parce qu'il n’y avait plus eu ni discipline ni règle. 
Contrairement à une assertion trop souvent répétée, 
cette notice nous fait voir, que lorsque Louis XIV pro- 
tège les arts et institue des Académies et des Écoles, les 
arts fleurissent ; lorsqu'il les néglige , les académies s’étei- 
gnent et les arts tombent. Louis XV réorganise les 
Académies, et les arts renaissent. Je n'ai pas besoin de 
citer ce qui s'est passé de nos jours, en 1793, et à l'or- 
ganisation de l'Institut. 


‘ L'École ou l'atelier de peinture fondé à Toulouse par M. Dupuy-Dugrez n'a- 
vait rien de commun avec les Écoles académiques fondées par M. Colbert, puis— 
que les médailles qu’on y distribuait portent cetle inscription : Tolosæ Pallad. 
præmium graphices privato sump datum. Et, chose singulière et qui montre 
combien les documents que nous venons de publier sont précieux et contredisent 
l'opinion jusqu'ici la plus répandue sur ce sujet, c’est que le savant auteur de 
l'Histoire des Institutions de Toulouse, M. Dumège, auquel nous empruntons 
cette note, en prend l’occasion de faire les réflexions suivantes : « Les magistrats 
» municipaux ne pouvaient s’habituer à la pensée qu'il y aurait dans cette École 
» des modèles vivants des deux sexes..….; il ne put vaincre à cet égard l'opposi- 
» tion systématique des magistrats. Il crut alors devoir s'adresser au roi; mais 
» on ne croyait pas qu'il dût y avoir des artistes en province, et Louis XIV rejeta 
» le projet de Michel. » Hist. des Inst. de Toulouse, t. IV, pag 361 et 362, 
Et voilà comment s'écrit l’histoire ! 


553 


PIÈCES JUSTIFICATIVES ET PREUVES. 


N° 1. 


Lettre de M. Guérin, secrétaire de l'Académie Royale de 
Peinture et de Sculpture de Paris, à M. LEBLOND DE 
Larour, à Bordeaux. 


Monsieur, 


Ne vous impatientes pas, s’il vous plaist, si jusqu’à pré- 
sent vous n’avez point eu de nouvelle sur vostre affaire ; 
les indispositions de Monseigneur de Louvois en ont esté 
cause, et le voyage qu'il faict à Forget pour prendre des 
eaux. Jay bien de la joye que vous ayes découvert celuy 
qui a escript la lettre malicieuse que je vous ay envoyée. 
Il mérite assurément d’en estre puni. J'en parleray samedy 
prochain à l’Académie. Soyes, s’il vous plaist, persuadé 
que je n’ay point oublié ce que vous désirez de moy, et 
que je ne laisseray pas eschapper les moments où je vous 
pourray rendre service, que je m'y employe tout entier, car 
je suis assurément à M. Larraidy et à vous, Monsieur, 


Vostre très-humble et très-obéissant serviteur, 


GUÉRIN. 
Ce 26 juillet 1688. 


Au dos : A Monsieur 


Monsieur Leszonn pe LATOUR, peintre ordinaire du Roy, en son 
Académie Royalle de Peinture et Sculpture, 


À Bourdeaur, 


No 2. 


Lettre de M. Guérin, secrétaire de l'Académie Royale, à 
MM. les Membres de l'École académique de Bordeaux. 


Messieurs, 


Je vous avoue que c'est avec chagrin que j'ay esté si 
longtemps sans avoir l'honneur de vous escrire; mais j’es- 
pérois toujours que vostre affaire finiroit et que je pourrois 
vous mander quelque chose de plus positif, car toute lA- 
cadémie va rendre au commencement de l’année ses de- 
voirs à Monseigneur de Louvois , son protecteur. Je croyais 
que l’on trouveroit l’occasion de luy faire signer les arti- 
cles qui ont esté dressés pour vostre Establissement, car il 
ne reste que cela à faire : je les avois portez pour ce sujet; 
mais on le trouva si occupé par les grandes affaires qu'il a, 
que l’on ne trouva pas à propos de l’en importuner. Je suis 
bien aise que vous ayez escrit à l’Académie, cela me don- 
nera occasion de presser. Pour moy, je n’ay rien à me re- 
procher, et feray toujours tout ce qui sera possible pour 
vous rendre service. Je vous manderay ce que l’Académie 
aura ordonné sur vostre lettre, que je luy présenteray le 
dernier samedy de ce mois, qui est la première assem- 
blée. 

Je viens de faire voir à M. Lebrun la lettre que vous me 
faites l'honneur de m’escrire, et celle pour l’Académie. Il 
est toujours dans la même disposition de vous rendre ser- 
vice et de seconder vostre zèle autant qu’il pourra. Je le voy 
dans la pensée de finir vostre affaire au plus tost. 


555 


Je suis toujours, avec beaucoup d’estime pour vostre mé 
rite et bien du respect, Messieurs, 


Votre très-humble et très-obéissant serviteur, 


GUÉRIN. 
Ce 24 janvier 1689 


N° 3. 


Extrait des Registres de la Jurade, du mercredi 
30 août 1690. 


S’est présenté Antoine Leblond de La Tour, peintre or- 
dinaire de la ville, qui a prié MM. les Maires et Jurats 
vouloir recevoir à sa place en survivance , Marc-Antoine- 
Leblond de Latour, son fils, en qualité de peintre ordinaire 
de la ville, pour jouir, après le décès dudit Antoine-Leblond 
de Latour, son père, des mesmes gages, émoluments, hon- 
neurs et prérogatives. À esté délibéré qu’acte est octroyé 
audit Latour, et qu’à sa place est reçu en survivance Marc- 
Antoine-Leblond de Latour, son fils, pour jouir par ledit 
Marc-Antoine des mesmes gages, émoluments, honneurs 
et prérogatives après le décès dudit Antoine, son père, et 
à l'instant le Marc Antoine Latour a presté le serment au 
cas requis. 


D'Estranes , »aire; »'EsriGnozs pe LANCRE, GRécoIRE . 
BarkEyRE, BoRie, J. CaRrENTEY , jurats': Durosco. 
clerc de ville. 


\ Le sixième jurat était M. Secondat de Montesquieu, absent. 
36 


556 


N° 84. 


Extrait des Registres de la Jurade de 1691, du 13 
août 16914 


Les maire, jurats, gouverneurs de Bordeaux, juges cri- 
minels et de police, ayant esgard à la requeste des sieurs 
Leblond de Latour, Fournier, Larraidy, Dubois et Berquin, 
et autres peintres et sculpteurs, leur permettent, confor- 
mément aux patentes de Sa Majesté du mois de novembre 
1676, et règlement fait en conséquence, et l'approbation 
de l’Académie Royalle de Peinture et Sculpture du 5 no- 
vembre 1690, d’establir en la présente ville une Escole 
académique de peinture et sculpture; à ces fins, leur ont 
concédé une salle dans le Collége de Guyenne pour faire 
leurs exercices, à la charge de faire toutes les fermures né- 
cessaires pour empescher l'interruption qui pourroit sur- 
venir, tant par les escoliers que principal et régent, et qu’ils 
feront une ouverture à la grande rue, de sept pieds de hau- 
teur et quatre de largeur, et que les degrés qui y faudra 
faire seront en tout enfoncés dans la muraille que faire ce 
pourra; en oultre , les fenestres du costé du parterre seront 
fermées jusques au second grilhat , et que lesdits peintres 
et sculpteurs pourront faire ouvrir, si bon leur semble, les 
deux fenestres qui sont sur la rue, comme aussy de mestre 
une inscription sur la porte , en ces termes : Académie de 
Peinture et Sculpture. Et pareillement que, au cas que les- 
dits sieurs maire et jurats eussent besoing de ladite salle, 
lesdits peintres et sculpteurs seront obligés de la quitter, 
et pourront emporter toutes les peintures, sculptures et 
autres effets, pourvu qu'elles ne soient attachées à la mu- 


551 
raille , et à la charge aussy de remettre les choses en pre- 
mier estat. 


Borte, CaRPENTEY , Daste, Eyraun, Lavaun, jurats. 


(La délibération fut, par mégarde, copiée deux fois sur le registre, au f0 113 
et au fo 115). 


N° s. 


Extrait des Registres de la Jurade de Bordeaux, 
du 12 décembre 1691. 


Se sont présentés en Jurade les peintres et sculpteurs de 
la présente ville, qui ont prié MM. les maire et jurats de 
vouloir, dimanche 16 du courant, leur faire l'honneur d’as- 
sister à une messe et au panégyrique du Roy, qu'ils veu- 
lent faire faire dans le Collége de Guyenne, à l'honneur 
d'une nouvelle Académie de peinture et de sculpture qu’ils 
ont estably dans la présente ville, dans ledit Collége, dont 
MM. les maire et jurats sont patrons, sur quoy eu déli- 
bération. 

Les maire et jurats gouverneurs de Bordeaux, juges cri- 
minels et de police, ont délibéré de se donner (sic) à la- 
dite cérémonie revestu de leurs robes rouges, pour la ren- 
dre plus célèbre et sans tirer à conséquence. 


EyrauD , LEYDET, POUMAREDE , JENTILLE DE 
Monas, jurats. 


DS 
N° 6. 


Extrait du Registre de la Jurade de Bordeaux, du 
dimanche 16 décembre 1691. 


MM. les jurats estant assemblés dans l’Hostel-de-Ville, 
en exécution de la délibération du 42 du courant, sont par- 
tis dudit Hostel revestus de leurs robes rouges, précédés 
du chevalier du guet et de ses archers, du héraut massié, 
trompettes et huissiers, et autres officiers accoutumés, pour 
se rendre dans la chapelle du Collége de Guyenne, et as- 
sister à l'ouverture de l’Académie de peinture et sculpture, 
comme estant patrons dudit Collége et ayant donné la per- 
mission ; là où estant arrivés , ils auroient esté placés au 
haut du balustre, du costé de l'Évangile, et Monseigneur 
le marquis de Sourdis, commandeur dans la province, s’y 
estant rendu , a esté placé au milieu du parterre; et Mon- 
sieur l’Archevesque ayant esté prié d’y assister par ceux de 
ladite Académie , auroit esté placé sur le marchepied de 
l'autel, du costé de l'Épistre, en camail et rochet, où il se 
fit un discours contenant le panégyrique du Roy, prononcé 
par l'abbé Barré; et du costé des fenestres, il y avait le 
portrait du Roy sous un dais eslevé sur un trosne et vis- 
à-vis de la chaire où l’on a accoutumé de prescher; et la cé- 
rémonie finie, lesdits seigneurs , jurats, procureur, scindiq 
et clerc de ville se retirèrent audit Hostel, au mesme rang 
et ordre que dessus , pour y quitter leurs robes. 


La Jurade était alors composée de : 


MM. D’EsrRane , maire, absent; p’ASTE, Exraup, Lavaun , 
BoriE DE Poumarène, LEyner, JENTILLE pE Moras , ju- 
rals; dE JEAN, procureur-syndic; Du Bosc, clerc de ville. 


359 


N° 7. 


Lettre de M. D'ESTREHAN , à Monseigneur l'Archevéque 
de Bordeaux. 


A Paris, le 5e mars 1692. 


J'ay différé, Monseigneur, à répondre à la lettre que 
V. G. m'a fait l'honneur de m'’escrire le 46 du passé, au 
sujet de la taxe de MM. les peintres et sculpteurs de l'A- 
cadémie de Bourdeaux, parce que M. Mignard, chef de 
l’Académie Royalle, était indispozé , et que c'étoit à luy 
qu'il falloit insinuer les justes remontrances pour soutenir 
l'exemption portée par les lettres patentes. 

Enfin, Monseigneur, j'ay eu ce matin une longue con- 
férence avec M. Mignard , que j'ay trouvé fort incommodé 
d’un rhumatisme; et l'ayant prié, de vostre part, d’avoir 
la bonté de protéger l’Académie de Bourdeaux dans cette 
occasion , il m'a dit qu’il n'avait encore eu aucune connois- 
sance de cette affaire; mais que dans la première assemblée 
qui se tiendra, il ne manquera pas d'en parler, et qu’il em- 
ployera volontiers tout son crédit et tous ses amys auprez 
de M. de Pontchartrain, pour faire conserver l’Académie 
de Bourdeaux dans les mêmes priviléges et prérogatives 
que celle de Paris, étant juste qu’elle jouisse des mesmes 
advantages, puisqu'elle travaille pour le bien publie et pour 
la gloire du Roy. Il m'a ajouté qu'à votre considération, 
Monseigneur, il redoublera ses empressements en faveur 
de ces Messieurs, et qu’il prendra plaisir à donner en cette 
rencontre des marques de son devoir et de son respect. 

Comme M. Mignard est valétudinaire et fort âgé, et que 
peut-estre sa santé ne luy permettra pas d'aller à l’assem- 
blée, j'ay fait le même compliment aux principaux direc- 


560 


teurs qui sont en tour d'y assister, et qui m'ont promis de 
faire prendre une délibération pour appuyer et favorizer 
cet intérêt de leur école académique, car c’est ainsy qu'ils 
prétendent que l’Académie de Bourdeaux se doit qualifier 
envers celle de Paris. J'en ay adverti autrefois M. Larraidy. 
C'est un degré de subordination dont ceux-cy paraissent 
fort jaloux, surtout les anciens Barbons, qui veulent faire 
valoir le droit de supériorité sur les filiations subalternes 
des provinces. Pour guérir cette délicatesse qui touche le 
cœur des gros maîtres , il faudrait se servir du terme no- 
minal d'école académique quand on leur écrit, et laisser 
vulgariser le nom d’Académie à Bourdeaux et partout ail- 
leurs, comme je l’ay conseillé sur les lieux. 

Je vous rendray conte, Monseigneur, par le prochain 
ordinaire , des mouvements que se donne icy M. de Pontac 
contre M. d'Hugla, ce qui cause de nouveaux embarras 
dans l'affaire de Bonséjour. 

Je vous suis toujours, Monseigneur, et vous seray à ja- 


mais entièrement dévoué. 
D'ESTREHAN. 


No 8. 


Requête de l'École académique de Bordeaux, envoyce à Paris 
à Monseigneur le Chancelier, le à août 1692. (Copie.) 


Monseigneur le Chancelier, 


Les peintres et sculpteurs qui composent l’Académie de 
la ville de Bourdeaux, remontrent très-humblement à vostre 
Grandeur, qu'ayant plu au Roy d'accorder des lettres paten- 
tes pour lestablissement des Académies de peinture et 


561 


sculpture dans les principales villes du royaume où elles 
seront jugées nécessaires, on à estably une académie des 
mesmes arts à Bordeaux, par des lettres patentes qui ont 
esté envoyées par l’Académie Royalle de Paris à quelques 
peintres et sculpteurs de la mesme ville , qui ont observé 
toutes les formalitez requises, ayant pris Monseigneur leur 
Archevesque pour leur vice-protecteur, conformément aux 
intentions de Sa Majesté, qui veut qu’on choisisse pour 
vice-protecteur une personne esminente en dignité, dans 
les mesmes provinces où les Académies seront establies. 
Lesdits académistes ayant joui assez paisiblement jusqu'à 
présent de leurs estudes depuis leur establissement, qui 
n'est que du mois de décembre 4691, se voyent aujourd’huy 
troublés à leur avènement par les autres peintres et sculp- 
teurs de la mesme ville , qui, d'intelligence avec ceux qui 
sont chargés du recouvrement des taxes imposées sur les 
métiers et.arts mécaniques , les veulent comprendre dans 
leur corps pour les y rendre sujets, sans avoir égard aux 
patentes et aux priviléges accordés par Sa Majesté auxdits 
peintres et sculpteurs qui entretiennent l'Académie à leurs 
dépens , au profit de la jeunesse et à l’ornement de la ville. 
Que si cela avoit lieu, Sadite Majesté auroit compris dans 
son esdit les Académies des Arts et des Sciences ; mais n’en 
faisant aucune mention, vous estes très-humblement sup- 
plié, Monseigneur, de vouloir faire connaître à M. de 
Bezons, intendant de cette province, la distinction que Sa 
Majesté fait des Académies d’avec les corps de métiers, afin 
qu’on laisse jouir les suppliants, qui sont au nombre de 
quatorze, du fruit de leurs estudes, et qu'ils ne soient pas 
inquiétés pour raison desdites taxes par les autres peintres 
et sculpteurs de la ville, qui sont beaucoup plus en nombre 
qu'eux, et ils continueront leurs vœux et leurs prières pour 
Ja santé et prospérité de vostre grandeur. 


562 
N°9. 


Lettre de Monseigneur l'Archevêque de Bordeaux, à Mon- 
seigneur le Chancelier, le 5 août 1692. (Copie.) 


Monseigneur, 


Je dois vous dire que dans l'Académie des peintres et 
sculpteurs qu'il a plu au Roy faire establir icy, il s’y trouve 
des sujets qui s'appliquent avec diligence, et font espérer 
de bien réussir. Ils ont l'honneur, Monseigneur, de vous 
présenter une requeste pour estre conservés dans les pri- 
viléges que le Roy leur accorde; cette grâce leur donnera 
du cœur pour travailler avec plus de soin. Je joins mes 
supplications aux leurs, et suis avec tous respects, Mon- 
seigneur , 


L LOUIS, 


Avrchevesque: de Bourdeaux 


No 10. 


Lettre de M. Larraiy, secrétaire de l'Académie de Bor- 
deaux, à M. D'ESTREHAN, à Paris, envoyée le 5 août 
1692. (Copie.) 


Monsieur, 


Comme on nous veut inquiéter au sujet des taxes impo- 
sées sur tous les corps de métiers, nous sommes après à 
défendre nos droits avec toute la vigueur possible, estant 
animés par Sa Grandeur, qui prend nostre cause fort à 


503 

cœur, ayant bien voulu se donner la peine d’escrire à Mon- 
seigneur le Chancelier, en lui envoyant une requeste de 
nostre part, suivant l’avis que j'en ay recu de M. Mignard, 
qui m'a fait l'honneur de m'’escrire qu’il n’y auroit auçune 
difficulté pour obtenir ce que nous souhaitons, si Monsei- 
gneur se donnoit cette peine: mais comme on a besoin de 
sollicitations dans les meilleures causes, j'ose vous prier, 
par ces lignes, de continuer vos bontez pour l'exercice de 
la vertu, et sollicitant incessamment une réponse de Mon- 
seigneur le Chancelier à Monseigneur lArchevesque. Si 
“ous jugez à propos et que vous ayez la commodité de voir 
M. Mignard et M. Guérin, qui sont forts dans nos intérests, 
nous laissons le tout à vostre volonté Comme je suis per- 
suadé que vous ne vous lassez jamais de faire du bien, j'at- 
tends cette grâce de vous pour joindre à toutes les autres , 
qui m'engagent à me dire éternellement, Monsieur, 


Votre très-humble et obéissant serviteur, 
LARRAIDY. 


N° 11. 


Lettre de M. Guérin, secrétaire de l'Académie Royale de 
Peinture et Sculpture de Paris, à Monseigneur de La- 
BOURDONNAYE, conseiller du Roi en ses conseils, maitre 
des requêtes ordinaires de son hôtel, intendant de la 
généralité de Bordeaux, écrite de Paris le 29 septem- 
bre 1704. (Copie. ) 


Monseigneur , 


L'Académie Royalle de Peinture et de Seulpture a cru 
que vous écouteriez favorablement la très-humble prière 


564 

qu’elle se trouve obligée de vous faire en faveur de l'École 
académique établie à Bordeaux, en conséquence des lettres 
patentes du Roy, et elle espère que vous lui ferez la justice 
de la protéger contre les traitans , qui prétendent la com- 
prendre dans l'imposition qui est faitte sur les corps de 
métiers. Ceux qui composent cette École ont écrit à la Com- 
pagnie que vous aviez différé à prononcer sur leurs con- 
testations , jusqu’à ce que vous eussiez esté mieux informé 
que l’Académie n’est point comprise dans cette taxe. Elle 
a déjà envoyé un certificat pour justifier de ce fait, qui est 
connu de tout le monde, et ce qu'elle prend à présent la 
liberté de vous demander, Monseigneur, est que comme 
ce certificat n’a pas paru assez autentique, d'avoir la bonté 
de faire différer les poursuites jusqu’après le retour du Roy 
de Fontainebleau , pour avoir le tems de prendre des me- 
sures pour les faire cesser, Sa Majesté n'ayant point changé 
de sentiment à l'égard de l’Académie, qu’elle honore tou- 
jours de ses grâces, de pensions et d’un appartement dans 
le Louvre. La Compagnie est persuadée que vous lui ac- 
corderez ce qu’elle attend de vostre bonté, avec d'autant 
plus de confiance, que vous savez que l'intention du Roy 
est d'élever en France les arts de peinture et de sculpture 
à la plus haute perfection qu'il est possible, et que Sa Ma- 
jesté n’a point trouvé de meilleur moyen pour y réussir que 
l’establissement de l'Académie. Elle a fait signer ce placet 
par ses principaux officiers, qui ont autant de respect que 
d'estime pour vostre personne. 


CoysEvaux, GIRARDON , COYPEL. 


Par l'Académie, 


GUÉRIN. 


565 


No 12. 


Lettre de M. Guérin, secrétaire de l'Académie Royale de 
Paris, à M. Larrainy, secrélaire de l'École académique 
de Bordeaux, : 


Monsieur, 


Je ne doute point que vous ne soyez dans une grande in- 
quiétude de ne point recevoir des nouvelles de vostre affaire, 
estant dans une situation aussi fächeuse que celle que vous 
me faittes l'honneur de me marquer. L'Académie est aussi 
dans l’impatience de voir que ses sollicitations auprès de 
M. Mansard ne produisent point l’effect qu'il faict toujours 
espérer à la Compagnie, mais dont elle ne voit pas la fin. 
Aussitost que j'ay eu receu vos deux dernières lettres , l’A- 
cadémie m’ordonna d’en eserire à M. Mansard, et de luy 
renouveler les instances en vostre faveur. Je luy ay mesme 
envoyé vos deux dernières lettres, afin qu'il fût convaineu 
de l’estat où vous vous trouvez; mais quoiqu'il ayt receu 
ces deux lettres, et que dans l’entretemps de l’une à l’autre 
il ayt encore promis à M. Coysevox, nostre directeur, qui 
eut occasion de luy parler, qu’il songeoit à vostre affaire et 
qu'il donneroit à l'Académie la satisfaction qu’elle attend de 
lui, jusqu'à aujourd’hui je n’ay receu aucune nouvelle. 
Comme je vous fais un récit fidèle de ce qui s’est passé, 
vous jugerez de l'embarras de la Compagnie et des mesu- 
res que vous croirez le plus à propos de prendre dans de 
pareilles circonstances. Si j'aprens quelque chose de plus 
favorable, je vous le feray savoir aussitost. Ce que je vous 
puis assurer, est que je n’ay manqué à rien de ce que je 


506 
pouvais faire de ma part, estant très-parfaittement à vostre 
illustre Compagnie et à vous en particulier, Monsieur, 
Votre très-humble et très-obéissant serviteur, 


GUÉRIN. 
Ce 50 mars 14705. 


Au dos : A Monsieur 


Monsieur Larraipy, peintre ordinaire du Roy, en son Académie 
de Bourdeaux, : 
À Bourdeaux. 


N° 13. 


Lettre de M. Lanrainy , secrétaire de l'École académique 
de Bordeaux, à MM. de l'Académie Royale, envoyée le 
21 avril 1705. ( Copie.) 


Messieurs , 


Comme nous sommes informés des bontés que vous avez 
toujours pour nostre Compagnie , nous ne cessons de vous 
en marquer nos très-humbles reconnaissances, en vous 
priant de nous continuer l'honneur de vostre protection, de 
laquelle nous avons toujours plus de besoin dans les pour- 
suittes continuelles du traittant. Nous aimons mieux souf- 
frir les contraintes, que de consentir à la destruction de 
nostre Académie. Nostre espérance ne nous paroît point 
mal fondée, tant que vous daignerez vous employer à l'af- 
fermissement de vostre ouvrage; et comme nous croyons 
bien que M. Mansard effectuera ce qu'il voûs a promis en 
nostre faveur, nous l’attendons toujours avec soumission. 

Nous nous donnons , Messieurs, l'honneur de lui écrire 
à ce qu'il lui plaise nous obtenir ce que vous avez la bonté 


5067 
de lui demander pour nous ; mais comme nostre Compä- 
gnie ne fera jamais rien sans vostre participation , nous 
vous envoyons la lettre, affin d'en disposer selon vostre 
prudence ordinaire, persuadés que vous ne ferez rien qu’à 
nostre avantage ; aussi serons-nous toujours avec respect, 
Messieurs, 


Vos très-humbles et très-obéissants serviteurs. 


LES ACADÉMICIENS DE BORDEAUX. 


Par l'École académique : 


LARRAIDY. 


No L4. 


Lettre de l'Académie de Bordeaux, à M. GuéRin, secrétaire 
de l'Académie Royale de Paris, envoyée le 21 avril 
1705. (Copie.) 


Monsieur, 


Nostre Compagnie est si sensible aux continuations de 
vos bontez, qu’elle espère une heureuse issue de nostre 
affaire tant que vous daignerez continuer vos sollicitations. 
Nous suporterons toujours les contraintes autant que nous 
pourons, fondez sur cette espérance. Comme nous apre- 
nons, par vostre dernière, que M. Mansard est toujours 
dans la volonté de donner à l’Académie Royalle la satisfac- 
tion qu’elle attend, nous nous donnons l'honneur de lui 
écrire et nous envoyons la lettre à vostre illustre Compagnie, 
qui en disposera à sa volonté. Ayez, s'il vous plait, la bonté 
de nous faire savoir le succès d’icelle, et soyez persuadé 


568 
que nous sommes avec toutte la reconnoissance et le zèle 
possible, Monsieur, 


Vos très-humbles et très-obéissants serviteurs. 
LES ACADÉMICIENS DE BORDEAUX. 


Par l'École académique : 
LARRAIDY. 


No 15. 


Lettre de M. Guérin, secrétaire de l'Académie Royale, à 
M. Larrarny , secrétaire de l'Ecole académique de Bor 
deaux. 


Monsieur, 


Je viens d’aprendre tout présentement que l’on à mis les 
Mémoires que j'ay faicts sur vostre affaire entre les mains 
de M. d'Hermenonville, directeur général des finances, et 
qu'il a promis d'y mettre ordre incessamment. Comme je 
cherche à vous faire tout le plaisir qu’il m'est possible, j'ay 
voulu vous en donner avis au plus tost, sans même atten- 
dre le temps de l’Assemblée, qui se fera samedy prochain. 
Lorsque je sçaurai quelque chose de plus, je vous le feray 
sçavoir. 

Je suis très-parfaitement à vous et à vostre Compagnie, 
Monsieur, 

Vostre très-humble et très-obéissant serviteur. 
GUÉRIN. 
Ce 24 septembre 1705. 


Au dos : A Monsieur 
Monsieur Larrarpy, peintre ordinaire du Roy, en sor Académie 
de Peinture et de Sculpture, 


A Bourdeaux. 


569 
N° 16. 


Lettre de M. Larrarny, secrétaire de l'École académique 
de Bordeaux, à M. GuÉnin, secrétaire de l'Académie 
Royale de Paris, envoyée le 21 novembre 1105. (Copie.) 


Monsieur , 


Nostre Compagnie, toutte persuadée de vos bontez et de 
la continuation de vos soins pour elle, m'a chargé de vous 
remercier, de sa part, de la dernière dont vous m’avez ho- 
noré, qui nous à servi jusqu'à présent de rempart contre 
les poursuittes du traittant; mais enfin, ennuyé de tant de 
remises, dont, dit-il, on nous repaist à Paris, il continue 
à nous chagriner fortement, de manière que nous payons 
actuellement les contraintes qui nous viennent de sa part. 
Cela fait que nous réitérons nos instances auprès de vostre 
illustre Compagnie , à ce qu’elle ait la bonté de solliciter 
M. d'Hermenonville à nous sortir de peine. Nous attendons 
nostre repos de la continuation de sa protection, et nous 
vous prions de joindre vos instances aux nostres à la pros- 
chaine Assemblée, et de nous donner avis des délibérations 
qui seront prises à ce sujet. C’est la grâce qu’attendent de 
vous ceux qui sont en général, et moy en particulier, 
Monsieur, 


Vostre très-humble et obéissant serviteur. 


Par l'École académique de Bordeaux : 


LARRAIDY. 


TABLEAU MÉTÉOROLOGIGQUE. 


AVRIL 1853. 


oo 


JOURS BAROMÈTRE A 0. TEMPÉRATURE. 
DENOMIMOL Le RARES seen Nid <a 
7 h. du m.| 2h. dus. | 9h.dus. | Maxima. Minima. 
EDIT RE EU EE EU SOVERNT EE 2 | SN 
i 153,178 | 756,35 | 760,60 1401 805 
2 64,33 64,69 65,02 15,3 45,0 
3 60,91 64,09 63,46 16,1 6,0 
k 64,32 | 65,78 | 67,51 | 43,4 10,4 
5 68,57 | 68,88 | 69,19 | 14,6 11,6 
6 66,88 63,37 64,64 22,0 3,0 
7 61,48 62,53 63,76 20,8 14,0 
8 62,38 63,05 65,04 44,7 9,4 
9 69,23 68,1% 70,08 414,4 52 
10 70,78 67,53 67,51 15,2 4,0 
41 6®,72% 67,89 » » k,0 
42 65,7% 61,86 59,43 » » 
13 56,48 54,07 57,170 » » 
4% 60,41 62,28 65,17 11,5 » 
15 66,67 | 67,74 | 69,17 | 14,4 3,2 
46 69,09 67,77 67,91 45,5 4,5 
17 67,26 66,39 66,03 12,7 4,0 
18 64,54 62,17 60,60 20,0 6,8 
49 58,75 57,06 53,03 22,0 9,0 
20 59,02 60,29 60,71 16,6 9,5 
24 57,90 55,76 55,31 15,5 6,7 
71?) 54,29 54,23 56,41 16,2 14,0 
23 58,86 63,145 66,86 A2, 10,4 
24 67,37 65,35 63,68 17,9 6,0 
Ds) 57,98 56,47 59,48 11,5 0,7 
26 59,52 59,02 61,34 13,2 4,5 
27 60,35 57,76 53,78 44,1 5,7 
28 53,40 53,08 53,08 15,2 10,0 
29 52,50 54,33 55,43 14,6 8,6 
30 55,4% | 55,67 57,29 18,7 5,7 
MOYENNES E | TE 
du irau 40! 64,24 64,1% 65,38 46°06 8,01 
du 44 au 20| 63,57 62,81 62,75 | 46,10 5,86 
du 21 au 30| 57,72 | /57,48 58,27 | 15,10 71,40 
Moy. générale.| 64,84 | 64,38 | 62,44 | 45,71 | 7,22 


Température moyenne du mois... 1105. Pluie dans le mois... 42mm 


571 


MAI 18553. 


JOURS BAROMÈTRE A 0°. TEMPÉRATURE. 

L 

DU MOIS. ATP Ml 
7 h. du m | ?2h.dus. | 9h.dus. | Maxima. | Minima. 
Hi = En 0 SRE CRE RARES ETS 

À 157,58 | 755,45 | 754,85 24°0 9,2 

2 54,96 | 55,57 58,23 20,0 9,3 

| 3 59,3 59,89 | 60,45 | 144,4 9,1 
% 60,48 | 58,31 56,84 47,9 8,9 

| 5 54,76 54,83 | 54,69 20,4 8,8 
4 53,24 52,72 53,02 17,8 9,5 

8 53,60 » 57,28 17,8 | 9,6 

9 54,93 | 84,24 | 58,52 18,7 7,1 

10 61,58 | 61,09 | 60,44 16,2 4,6 

11 55,95 | 54,32 | 55,96 12,9 10,3 

12 59,75 | 60,46 | 60,66 416,3 7,9 

13 59,70 | 57,52 | 57,02 24,0 8,2 

1% 55,70 53,77 53,98 21,6 12,4 

15 53,62 | 52,34 | 53,37 20,1 12,6 

16 53,02 | 52,50 52,35 47,6 12,8 

47 53,25 | 53,42 | 56,21 18,1 14,0 

18 59,76 | 62,67 | 65,33 16,3 11,5 

19 | 65,66 | 64,55 | 64,55 18,1 8,8 

20 64,65 63,51 63,20 20,7 11,9 

21 64,39 58,69 | 57,90 21,6 11,8 

22 56,12 54,25 | 53,95 20,1 14,3 

23 51,25 54,63 51,93 21,4 13,6 

24 47,64 | 44,75 h7,87 21,0 414,5 

25 48,96 18,49 49,44 25,9 10,2 

26 54,22 | 54,16 52,58 23,3 12,6 

27 54,23 | 56,37 59,57 18,6 15,0 

28 64,18 | 62,53 63,89 18,6 43,2 

29 63,91 63,78 63,71 47,9 13,0 

30 62,98 | 64,60 60,87 16,2 12,2 

31 | 60,14 58,39 | 57,59 | 20,4 9,0 

| HOVENNES 

du terau 40) 56,24 | 55,85 | 56,64 | 41769 8,75 
du 44 au 20! 58,41 57,54 58,26 | 48,27 | 40,74 
du 24 au 311 56,27 55,64 56,30 | 20,43 | 42,34 
Moy. générale.| 56,85 | 56,32 57,04 | 18,85 | 40,64 


Température moyenne du mois... 1407 Pluie dans le mois... 74mm 


572 


JUIN 1853. 


E I 
JOURS BAROMÈTRE A 0°. TEMPÉRATURE. 
LE MOIS. EEE, RES 
7 h. du m.| 2h.dus. | 9h. dus. | Maxima. Minima. 


RSS | RER | CNE | eee > | eue menrens 


! 156,84 | 57,49 | 39,66 | 4597 1206 

2 64,43 | 60,98 | 64,25 | ‘93,4 44,0 

3 64,48 | ‘60,46 | ‘69,78 |. 49,4 12,4 

k 58,24 | 56,60 | 58,04 | 22,7 14,5 

5 58,24 | 57,39 | 58,35 | 241 | 494 

6 88,71 | 59,65 |. 64,64 | 29,3 | 14,2 

7 62,74 | 63,48 | ‘65,14 | ‘49,9 11,6 

8 65,38 | 65,00 | 66,28 | 23,0 | 12,9 

9 64,149 | 64,89 |. 60,39 | ‘26,1 12,5 

10 89,17 | 57,89 | 86,97 | 148,4 44,9 

si 56,03 |. 56,09 |. 57,05 |. 47,5 13,7 

12 57,25 | 59,99 | 60,92 | 148,7 11,5 

13 64,49 | 64,96 | 64,67 | 148,5 12,2 

14 60,30 | 62,45 | 64,44 | 48,4 | 140,9 

15 66,94 | 67,24 | 67.80 | 49,3 8,2 

16 65,54 | 64,48 | 68:70 | 21,2 1433 

A7 66,37 | 66,27 | 65,84 | 923,7 1522 

18 65,39 | 62,76 | 62,57 | 923,9 1,1 

19 64,03 | 59,37 | 58,77 | 241,1 13,5 

20 | 58,24 | 58,08 | 58,84 |‘ 49,9 13,0 

21 86,44 | 55,39 | 55,59 | 18,6 14,6 

92 50,73 | 52,66 | 54,82 | 18,4 11,8 

23 86,08 | 57,61 | 59,41 | 20,8 14,3 

2 61,32 | 62,35 | 63,76 | 20,9 14,9 

| 95 65,23 | 64,96 | 65,25 | 24,8 re 
| 96 64,78 | 64,82 | 65,33 | 49,9 16,8 
| 27 64,03 61,30 59,67 25,3 414,0 
28 58,50 |. 56,91 | 60,53 | 33,5 18,0 

29 64,85 | 60,74 | 61,23 | 96,7 16,9 
140 60,94 | 64,14 |. 62,92 | 24,4 16,5 
BG TA ERe Al — messe 

MOYENNES | 

du 4e au 40! 760,58 | 60,02 | 60,78 | 24044 | 1287 
duiau20| 62,16 | 64,76 | 62,36 | 49,89 | 49,48 
du 24 au 30| 59,95 | 59,78 | 60,85 | 23,00 | 44:59 
Moy. générale.| 60,89 | 60,52 | 64,33 | 24,44 | 43,31 


Température moyenne du mois... 1704, Pluie dans le mois... 111mm 


573 


HISTOIRE 
BASQUES OU ESCUALDUNAIS PRIMITIFS 


. restaurée 


D'APRÈS LA LANGUE, LES CARACTÈRES ETHNOLOGIQUES ET LES MŒURS 


DES BASQUES ACTUELS; 


PAR M. A. BAUDRIMONT. 


(Suite et fin ‘.) 


IVe PARTIE. 


PIÈCES A L'APPUI DE L'HISTOIRE DES ESCUALDUNAIS 
OU BASQUES PRIMITIFS. 


Notions grammaticales de la langue euskarienne, 


Les langues ont pour but de transmettre par des si- 
gnes la connaissance des êtres réels ou abtraits, de 
leurs modifications, de leurs relations et de leurs actes, 
rapportés au temps et à l'espace. 

Les signes sont parlés, écrits, ou transmis par des 
moyens très-variables, dont il n’y a pas lieu de s’oc- 


! Voir le commencement de ce travail, 2e trim, 1853, p. 251 à 429. 


37 


574 


cuper ici. Les signes parlés, associés d'une manière 
déterminée, constituent le langage; les signes tracés 
à la main représentent l'écriture. 

La grammaire générale à pour but d'exposer les 
lois auxquelles se trouve transmise la communication 
de la pensée. 

Les grammaires spéciales exposent simplement les 
règles relatives à une langue déterminée. 

Une grammaire spéciale doit comprendre dans son 
ensemble : 

4° L'étude des signes .parlés et écrits ; 

2° L'étude des modifications que les mots éprouvent, 
afin de faire connaître les rapports des êtres et de leurs 
actes considérés dans le temps et dans l'espace; 

3° L'étude des règles de l'association des mots pour 
formuler les idées, ou de la syntaxe; 

4° L'étude des fonctions grammaticales des mots et 
de leur dérivation lorsqu'ils passent d'une partie du 
discours dans une autre. 

Ces trois dernières parties seront réunies en une 
seule, pour ne point entrer dans trop de détails. 

La grammaire basque peut être étudiée d'abord en 
elle-même, puis dans ses rapports avec les principales 
grammaires des langues avec lesquelles la langue bas- 
que offre des relations, et enfin dans ses rapports avec 
la grammaire générale. C'est sous ce triple point de vue 
qu'il conviendrait de l'examiner. Ne pouvant avoir pour 
but de la développer dans toute son étendue, je me bor- 
nerai à en exposer les principes généraux. Ce qui a été 
dit précédemment pourra servir à en compléter l'étude. 


575 


EXAMEN DES SIGNES ÉLÉMENTAIRES DE LA LANGUE 
EUSKARIENNE. 


Les signes parlés comprennent essentiellement des 
sons et des arliculalions. On peut encore considérer 
les accents, appartenant à la partie musicale des lan- 
gues parlées, qui portent sur la quantité ou la durée 
relative des sons, et sur leur intonation, dont nous- 
n’aurons pas à nous occuper. 

Les signes écrits sont généralement des lettres que 
lon divise en voyelles et en consonnes, selon qu’elles 
représentent des sons on des articulations. 

Il est rare qu'une langue possède autant de lettres 
que de sons et d'articulations. On y supplée par des 
combinaisons de voyelles et de consonnes. 

La langue basque comprend cinq sons représentés 
par autant de voyelles, et vingt-quatre articulations 
spéciales représentées par dix-neuf consonnes ‘. 

Les Basques écrivent avec l'alphabet romain, tel que 
tous les peuples de l’Europe occidentale l'ont adopté. 

Ils le nomment abecea. \ 

Les vingt-cinq lettres adoptées par les Basques sufli- 
sent pour rendre tous les sons et toutes les articula- 
tions de leur langue, ainsi que cela est exposé dans le 
tableau suivant : 


En employant le X, le c et qu se trouvent supprimés. 


576 


Sons et Articulations de la langue basque. 


Lettres 
simples 


ou 


composées. 


CTSENCES 


Rx SO TUTAzRERS RS On o5at 


VALEUR DES LETTRES ET OBSERVATIONS. 


Voyelles. 


a français. 

é fermé. 

i 

0 

ou français, u de presque toutes les langues, excepté 
la française et la turque. 


Douteuse. 


i, Ou j, ou g; yan, manger; Faincoa, Dieu, pour 
Jaincoa. 


articulations. 


b français. 

c français et ts à Itsasso. 

d français. 

[ française. — Presque inusitée. 

gu ou gh.— Toujours dur, même devant e et à : gi = 
gui francais. 

h aspirée française. 

ch espagnol, tchi : {tchi) a, (tchi) é, (tchi) à, 
(tchi) 0, (tchi) u. 

j français, en France; Î 

c dur et qu. — Remp 

k aspiré. 

1 française. 

ll espagnoles, 11 mouillées françaises. 

m française. 

n française. 

ñ espagnole, gn français, comme dans Espagne. 

p français. 

y grec, f française. — Presque inusitée. 

k. — Qu est abandonné par plusieurs écrivains. 

r française. 

s toujours sifilante; ch français à Itsasso ; simu, 
singe — chimou. 

t français. 

v français, — Rare. 

kset ts. 

z espagnol, s toujours sifllante ou ç prononcé la lan- 
gue contre les dents supérieures. 


aspiré en Espagne. 
ace ces deux articulations. 


577 
Lorsque plusieurs voyelles sont réuniés, on les lit 
successivement, et jamais leur combinaison ne donne 
naissance à des sons particuliers, comme cela a lieu 
en francais. 


ai = ai — au — ao — ei — Éi — eu — éoù — 
OÙ — OÙ — Où — O0Ù — ui — oui. 


La langue basque peut être lue comme la langue es- 
pagnole, à cela près du 7, qui s'articule comme il a été 
dit au tableau des articulations. 

La langue basque a quatre dialectes principaux. A 
.ces quatre dialectes, il faudrait peut-être en ajouter un 
cinquième, celui d'Itsasso, qui offre des particularités 
vraiment remarquables, surtout dans la prononciation. 

Les mots, en passant d'un dialecte à un autre, su- 
bissent souvent des altérations assez profondes dans 
leur prononciation, et par suite dans leur orthographe. 

Les différents dialectes d’une langue qui n’est fixée 
par aucane espèce de littérature, sont le résultat de 
mots altérés et mal prononcés. 

L'altération de la prononciation se faisant en passant 
d'une voyelle ou d'une consonne à une autre voyelle 
ou à une autre consonne qui en est prochaine, par le 
mécanisme employé pour la prononcer ou l'articuler, 
il en résulte que ces altérations sont soumises à cer- 
taines lois, et que, partant d’un mot altéré, on peut 
remonter à son origine. 

L'étude des lettres qui peuvent passer de l'une à l'au- 
tre, est indispensable pour rechercher les racines et les 
origines des langues. 


578 

Les lettres qui peuvent ainsi passer de l'une à l'au- 
tre portent le nom de mutables. 

On peut établir des groupes représentant les muta- 
bles d'une seule langue ou les mutables de plusieurs 
langues. 

Les principaux groupes des mutables de la langue 
basque sont : 


Voyelles. 
4, 0. TN à 
E510: SAUT: 
DAYS 
Consonnes. 
HiFi nB5 Ps C dur, K, G, Qu. 
D, T. LR. 
N, \. CS: 
Ch, X. 


Les principes grammaticaux de la langue basque 
sont d'une simplicité extrême, et ne souffrent d'ailleurs 
qu'un très-petit nombre d'exceptions. Ces deux condi- 
tions permettent de les exposer nettement et complé- 
tement en quelques mots. 

Tous les noms substantifs et adjectifs sont représen- 
tés chacun par un mot spécial, qui ne prend une signi- 
fication déterminée que par une suite de terminaisons, 
fort simples d'ailleurs, qui tiennent lieu d'articles, de 
cas et même de prépositions, comme on le verra dans 
le tableau de la déclinaison. 

Les comparatifs, très-multipliés et indiquant tous 
les degrés imaginables des rapports des êtres, excepté 


579 
ceux de l'infini et de la transition insensible, sont as- 
sujettis aux mêmes lois. 

La langue basque n'admet point la distinction du 
genre grammahcal, où il n'y en a qu'un seul pour 
tous les noms. 

Le nom indéfini, ou l'espèce, chez les animaux su- 
périeurs, se trouve représenté par un nom radical ou 
plutôt élémentaire. Lorsque parmi les animaux on veut 
distinguer le mâle ou la femelle d’une manière toute 
particulière, on emploie les suffixes arra et emea : 
oreh, cerf; oreñarra, cerf mâle; oreñemea, biche. 

Les pluriels sont indiqués par les modificateurs suf- 
fixes. 

L'accord des substantifs et des adjectifs ou qualifica- 
teurs ne se fait pas comme dans la-plupart des autres 
langues. 

Lorsque plusieurs noms substantifs, adjectifs et même 
adverbes, se suivent et se rapportent à un même sujet, 
il n'y à que le dernier qui se décline; les autres sont 
représentés par le mot élémentaire, sans aucune mo- 
dification : ur garbia, et non ura garbia, eau claire; 
nongo ‘ gizona da orti, d'où est cet homme? 

Les noms de nombre suflisent pour indiquer le plu- 
riel : bi elche handi beltz, deux grandes maisons 
noires. l 

Enfin , dans la phrase suivante, qui est assez longue, 
le verbe suffit pour indiquer le pluriel : gizon ela emas- 
le, handi ela chipi, zahar eta gazte, aberatsa eta 


! 4 est supprimé dans nongoa. 


580 
pobre, adi-zazue oroc; hommes et femmes, grands 
et petits, vieux et jeunes, riches et pauvres, écoutez 
tous. 

Les pronoms personnels, les pronoms démonstratifs, 
les noms propres des personnes, les surnoms, la plu- 
part des noms de lieux et les adverbes ne prennent point 
les désinences a, ak ou ek au nominatif singulier ou 
pluriel. | 

Les mots dont l’a final est précédé de ai, b, c, à, 
m, p, ü, ne le perdent en aucune circonstance, com- 
me : anaia, frère; arreba, sœur; aza, chou; arro- 
da, roue ; haga, perche; erroma, Rome; capa, man- 
teau; alta, père. 


Déclinaison. 


La langue basque n’a qu'une seule déclinaison, qui 
comprend au moins treize cas. 

Les flexions de la déclinaison tiennent lieu d'articles 
et peuvent suppléer à plusieurs prépositions. 

L'aceusatif, indiquant le régime des verbes actifs, 
n'existe point dans la langue basque. 

Les noms, les adjectifs, le génitif, les pronoms, les 
infinitifs des verbes, le futur de l'infinitif, les partici- 
pes, plusieurs adverbes et les racines qui donnent naïis- 
sance aux postpositions { prépositions des autres lan- 
gues ), sont susceptibles d’être déclinés. 


581 
Exemple de Déclinaison basque. 


SUFFIXES 
FONCTION VALEUR FRANÇAISE Es , Où VALEUR FRANÇAISE 
GRAMMATICALE | des mots basques indéterminés| ÉSIENCES des 
du mot basque. déclinés. È : déterminant sufixes basques. 
invariables. fee 


SINGULIER, 
a do=sa le 1e 
GER lnle la 
aren ss... du, de la. 


an | dans le, dans la. 
(10 RSS (RE LIRE Ù FE 


avec le, avec la. 


vers le, vers la. 
aganat 


NOM en Der ES manner AT dec arentaco C Dour le, pour la. 


: Ë zat.. 
Du père... | Aitaren ‘| 47654 
Du Aiten © etik......| du, dela, de la part de. 


. rence ..| par, par le moyen de. 
PRONOM ©.......... A DE eee reel Cents le : PAP" Ps 
ADJECTIF. ....... MINI Tec eouscretl'MHeLEZ, 0. PLURIEL. 
ENFINITIF ...s.cec ce Dire... | Errate nn 
Celui ou ‘celle qui es. 
Lu L 
Fur’ de l’Inrinit. doit étre chanté Cantatceco, ek.....… Loc 
PARTICIPE -........ Déchiré.. oda06o Urratu. ENT. |NUES, 
Nom tenant lieu de) 
prépos. lorsqu'il, Hors, dehors .....| Campo...) etan ....… dans les, parmi les. 
prend la flex. an. ( 
(TETE 
ei. .....( AUXe 
EHIN- co... 
ekila.....( avec les. 
etara 
enganat, .{ YTs les. 
entako.... 
DE. 1 pour les. 


entaric...| des, de la part des. 
ez.. .....| par le moyen des. 


! Troisième cas du singulier, soumis à la déclinaison régulière, et voulant dire : celui ou 
celle du père, de celui du père, etc. , au singulier, et ceux ou celles du père, de ceux 
ou de celles du.père, etc., au pluriel. 

? Troisième cas du pluriel, soumis à la déclinaison : celui ou celle des pères, etc. ; 
ceux ou celles des pères, etc. 

* Les pronoms personnels se déclinent irrégulièrement ou d’après une déclinaison qui leur 
est propre; toutefois, leurs cas sont très-reconnaissables à l’aide de cette déclinaison, qu'ils 
p’altèrent que dans les premières lettres. — Les adjectifs possessifs, que plusieurs grammai- 
riens confondent avec les pronoms, se déclinent régulièrement. 

* Ce temps de l’infinitif est propre à la langue basque, 


582 

Un nom peut se décliner jusqu'à six fois l'une dans 
l'autre; mais il n'y a que les trois premières qui soient 
usitées. 

L'exemple suivant donnera une idée de cette singu- 
lière sorte de déclinaison : 
AORACINE see erece Ait, père. 
2° GÉNITIF............ Aîtaren, du père. 
30 GÉNITIF DÉGLINÉ. Aitarena, celui du père. 
4° NOMIN. DU GÉNIT. Aitarenarena, celui de celui du père. 


5° ...........,.......... Aitarenarenganicacoarena , celui de celui 
de celui du père. 


6° ...................... Aitarenarenganicacoarenarena, celui de 
celui de celui de celui du père. 

FDeneseere ses... +... Aitarenarenarenganicacoarenarena, ce- 
lui de celui de celui de celui de celui du 
père. 


PRONOMS PERSONNELS. 


Singulier. Pluriel. 
Are Personne. Ni ou nik. Gu ou que. 
2e Personne... Hi ou hik. Zuek. 


3° Personne... Hura, hare, hunek. Hec ou hanc. 
VERBE. 


En général, un verbe basque comprend, dans son 
énonciation : 4° un pronom; 2° le nom que l'on con- 
jugue ; 3° le verbe auxiliaire. 

Le pronom est supprimé dans quelques temps des 
verbes, par exemple dans l'impératif. 

Le nom verbal varie peu dans sa désinence; sa ter- 
minaison est en ea à l'infinitif; en en à l'indicatif pré- 
sent; en {u au participe passé, à moins d'irrégularité ; 
et en co au futur de l'indicatif. L'impératif est le radical 
et n'est pas distingué par une terminaison spéciale. 

La langue basque n’a qu'un seul verbe : 2zatea. 


583 


Ce verbe correspond aux verbes français étre et 
avoir, considérés comme auxiliaires. 

Il est conjugé de deux manières distinctes, selon 
qu'il indique une forme active ou passive et neutre. 

On se sert des deux modifications de ce verbe pour 
conjuguer une foule de quahficalifs, que l'on désigne 
généralement sous le nom de verbes. 

La conjugaison suivante comprend les deux formes 
du verbe izatea, et peut servir pour conjuguer tous 
les prétendus verbes *. 


INFINITIF 
PRÉSENT............. Izatea...…. Être ou avoir. 
PARTICIPE PRESENT. {zaten .….. Étant ou ayant. 
PARTICIPE PASSÉ ..….. Izan....….. Été, ayant été, ou ayant eu. 
PARTICIPE FUTUR... {zanen..... Devant être ow devant avoir. 


INDICATIF. 
Rp PASSÉ DÉFINI 
ET PLUS-QUE-PARFAIT. 
Pronoms ?. Forme active. Forme neutre et passive Forme active. Forme passive. 
Ni. Dut. Niz. Izan nuen. Izan nizen. 
Hi. Duk. Hiz. buen. hinzen. 
Zu. Duzu. Zira. zinuen. zinen. 
Hura. Du. Da. zuen. zen. 
Gu. Dugu.  Gira. ginuen. ginen. 
Zuek. Duzue,  Zarete. zinuten. zinelen. 
Hek. Dute. Dira. zuten. ziren. 
PASSE DEFINI 
He PRAlSS ET PASSÉ ANTÉRIEUR. 
Nuen. Ninzen. Izan dut. niz. 
Huen. Hinzen. duk. hi1z. 
Zinuen. Zinen. duzu. zira. 
Zuen. Zen. du. da. 
Ginuen. Ginen. dugu. gira. 
Zinuten. Zineten. duzue. zirete. 
Zuten. Ziren. dute. dire. 
! Le verbe avoir indiquant la possession , est représenté par ukhatea à l'in 


finitif présent; il l'est par khan à l'impératif. 
* Les pronoms doivent être répétés partout, excepté dans l'impératif. 


584 


FUTUR. 


Forme active. 
Izanen dut. 


Formo passive, 


Izanen niz. 


FUTUR ANTÉRIEUR. 


Forme active. 


Izan duket. 


Forme passive. 


Izanen ninzen. 


duk. hiz dukek., hinzen. 
duzu. zira. dukesu. zinen. 
du. da. duke. zen. 
dugu. gire. dukegu. ginen. 
duzue. zarete. dukesue. zineten. 
dute. dire. dukete. ziren. 
CONDITIONNEL. 
PRÉSENT. PASSÉ. 
Nukien. Ninteke. Izan nukien, Izan ninteke. 
Hukien. Hinteke. hukien. hinteke. 
Zinukien. Ziniteke. zinukien. zinitezke. 
Zukien. Liteke. zukien. liteke. 
Ginuken. Ginitezke. ginukien. ginitezke. 
Zinuketen.  Zinitezkete, zinukien. ziniteskete. 
Zuketen. Litezke. zuketen. litezke. 
IMPÉRATIF. 
Ezak. Hadi. Dezagun.  Giten. 
Zazu. Zite. Zazue. Litezte. 
Beza. Bedi. Bezate. Bite. 
SUBJONCTIF. 
PRÉSENT. PASSÉ. 
Dezadan. Nadin où Nodila. Izan dezadan. Izan nadin. 
Dezeian. Hadin Hadila. dezeian. nadin. 
Dezazun. Ziten Zitela. dezazun. ziten. 
Dezan. Dadin Dadila. dezan. dadin. 
Dezagun. Giten Gitela. dezagun. giten. 
Dezazuen. Ziterten Ziteztela. dezazuen. zitezten. 
Dezaten. Diten Ditela. dezaten. diten. 
IMPARFAIT. PLUS-QUE-PARFAIT. 
Nezan. Nindadin. Izan nezan. Izan nindadin. 
Hezan. Hindadin, hezan. hindadin. 
Zinezan. Ziniten. zinezan. ziniten, 
Lezan. Zadin. lezan. zadin. 
Ginezan. Giniten. ginezan. giniten. 
Zinezaten. Zinitezten. zinezaten. zZinitezten. 
Lezaten. Ziten. lezaten. ziten. 


Le premier verbe se traduit en français par le verbe 
être, et le second, par le même verbe ou le verbe 
avoir, selon le besoin, 


585 

Il n'y à de temps simples dans ces verbes que le pré- 
sent et l'imparfait de l'indicatif et du subjonctif, le pré- 
sent du conditionnel et l'impératif. 

A l’aide des temps simples et de la valeur attribuée à 
chaque temps de l'infinitif, il est facile de traduire en 
français les deux conjugaisons qui viennent d'être ex- 
posées ; par exemple : les futurs i3anen niz et izan en 
dut, veulent dire devant être je suis, ou plus simple- 
ment Je serai, et devant avoir je suis, ou j'aurai. 

Le premier mode de conjugaison auxiliaire sert pour 
représenter les verbes actifs. 


EXEMPLE DE CONJUGAISON D'UN VERBE ACTIF : 


Nic hilzen dut........…, Je tue. 
Hic hilzen due... Tu tues. 
Hare hilzen du... I tue. 


La deuxième forme du verbe auxiliaire est employée 
pour conjuguer les verbes neutres, passifs ou réfléchis. 


EXEMPLES : 


19 Verbe neutre. 
Ni hilzen niz............ Je meurs. 
Hi hilzen niz............ Tu meurs. 
Hura hilzen da... Il meurt. 


20 Verbe passif. 
Ni maithatua niz....….. Je suis aimé. 
Hi maithatua hiz...…. Tu es aimé. 
Hura maithatua da... Il est aimé. 
30 Verbe réfléchi. 
Ni gidatzen niz....….. Je me conduis. 
Hi gidatzen hiz....…. Tu te conduis. 
Hura gidatzen da... Il se conduit. 


586 

On voit par ces exemples comment le nom Ai! peut 
signifier {uer où mourir, selon qu'il est conjugué avec 
dut où niz. 

Le verbe egin, faire, sert quelquefois d'auxihaire 
pour conjuguer d’autres verbes, comme dans la langue 
brezonne; mais il n'est employé que pour les verbes 
unipersonnels. Exemple : uria egitea, pleuvoir; elhura 
egitea, neiger. C'est ainsi que, dans notre langue fran- 
caise, on dit il fait beau, en parlant du temps. 

La partie déterminante * d'un nom verbal varie se- 
lon les modes et les temps auxquels elle s'applique. 

L'impératif est la racine dont les autres temps sont 
tirés; sa terminaison est très-variable. Exemple : urra, 
déchire; gozal, déjeune ; yants, descends; erran , dis; 
urrun, écarte; leher, écrase; bihi, égrène; egor, en- 
voie; egin, fais, etc. 

Cette racine entre avec ou sans terminaison spéciale 
dans la formation des prétérits, du plus-que-parfait et 
du futur passé de l'indicatif, dans les conditionnels pré- 
sent et passé, dans l’imparfait et le prétérit du sub- 
joncuif. 

Ten, tzen et sten, sont les terminaisons du présent 
et de l’imparfait de l'indicatif; nen et co sont celles du 
futur de l'indicatif; na est celle du plus-que-parfait du 
subjonctif. 

Les terminaisons de l'infinitif du verbe 2zan peuvent 


! Celle qui détermine le mode d'action ou d'état; celle que l’on nomme vul= 
gairement verbe et qui est cependant fort distincte des verbes latins, espagnols, 
ete., qui contractent en un seul mot : le pronom, le nom verbal et le verbe 
auxiliaire, comme amo , lego, canto , etc. 


587 
donner une idée des terminaisons des infinitifs des au- 
tres verbes. 

Indépendamment des conjugaisons qui viennent d’é- 
tre exposées, le verbe auxiliaire peut encore éprouver 
vingt-deux modifications pour exprimer les rapports du 
sujet à son complément; seize de ces modifications 
sont applicables à des compléments èmpersonnels, et 
six à des compléments personnels. 


EXEMPLES RELATIFS AUX CAS IMPERSONNELS : 


A — Yaten dut ..….....… Je mange. 

2° — Yaten ditut......……. Je les mange. 

3% — Yaten daizquidac. Tu me les manges. 
4e — Yaten doiat..…..….… Je te le mange. 


EXEMPLES RELATIFS AUX CAS PERSONNELS : 


Yaten naïüc...... Tu me manges ( moi-même ). 
— haut... Je te mange à toi-même. 
Etc. 


Les verbes ont en outre des formes spéciales, selon les 
conditions relatives des êtres qui parlent entre eux. Ils 
ont une forme enfantine, une forme d'égalité, une forme 
respectueuse et une forme pour parler aux femmes. 

La forme respectueuse des Basques est spéciale, et 
n’est représentée par aucune des trois personnes ordi- 
naires des autres langues. 


EXEMPLE : 


Dauchut….. enfantin. 
Dayat égalité. 
Dautzut.... respectueux. 


Je vous les donne. Emaiten 
. Daunat..….…. féminin. 


588 

La langue euskarienne a des conjonctions comme 
les autres langues; on en trouvera une liste à la fin du 
vocabulaire. Elle a aussi des adverbes. 

Les adverbes de lieu varient selon qu'il y à ou qu'il 
n'y à pas mouvement. 

Le tableau suivant donnera une idée de ces varia- 
tions : 


où 


om" 


SÉJOUR, |.  DÉPANT. TENDANCE, PASSAGE 
RE SE nl 
Non ou nun?|Nundi …, c ‘?|Nora .…… t '?|Nondican? Où? 
Hemen. Hemendi. c. |Hurra....t. |Hemendican. |Ici où je suis. 
Or. Oréteneee C2 |ONra. t. Ortican. Là où tu es. 
AU. Andi CAT... t. |Andican. Là où il esl. 
Goian. Goili..... C:LA|GormE t. |Goitican. En laut. 
Barruan. Barrenet\ c. Barrena . t. Barrenetican. |Dedans. 


Campoan. |Campoti. c. |Campora.t. |Campotican. |Dehors. 


Un même adverbe de lieu a une terminaison varia- 
ble, selon la question à laquelle il répond; ces ques- 
tions sont : noiz, quand? noizco, pour quand? et 
noiztic, depuis quand? 

Les terminaisons sont celles de la question, ou à peu 
près : gaur, aujourd'hui, oran, maintenant, donnent 
gaurco, orango, pour la deuxième question, et goz, 
de bonne heure, donne goitetic pour la troisième. 

Il existe des degrés de comparaison pour les adjectifs 


1 Quand la question prend un c ou un t final, la réponse le prend également, 


589 
et les adverbes, dont le tableau suivant donnera une 
idée : 


DEGRÉS DE COMPARAISON DES ADJECTIFS ET DES ADVERBES. 


Positif... comparatif... superlatif. 
(Nom)... ago suffixe... arras ou haiñitz prélibres ‘ ou 
en suffixe. 


Les adjectifs se déclinent, les adverbes ne se décli- 
nent pas. 


Adverbe irrégulier. 


Ongi ou onsa, bien ; hobeki, mieux; arras ou haiñitz ongi, ou 
hobekien, très-bien, le mieux. 


Les prépositions sont remplacées dans la langue 
basque : 4° par plusieurs cas de la déclinaison ; 2° par 
des mots au quatrième cas du singulier terminé en an. 

Ces mots se placent après ceux auxquels ils se rap- 
portent, de telle manière qu'ils sont des postpositions : 
c’est ainsi que les nomme Larramendi, plutôt que de 
véritables prépositions; mais leur fonction grammati- 
cale est la même que celle des prépositions des autres 
langues. 

Plusieurs postpositions régissent le génitif, comme 
gizonaren aurrean, avant l'homme; elizaren aldean, 
près de l'église. 

En résumé, la langue basque n’admet point la dis- 
tinction des genres, et ne connait l'accord du nom et 
de l'adjectif ni en nombre, ni en cas. Il résulte de cela, 

Je donne ce nom pour indiquer que la particule se place avant le mot au- 


quel elle se rapporte et qu'elle demeure libre. 
38 


590 


que les adjectifs ne peuvent être distingués des subs- 
tantifs que par la fonction grammaticale qu'ils rem- 
plissent. L'article et une grande partie des prépositions 
se trouvent remplacés par une déclinaison fort étendue. 
La distinction du nominatif et de l'aceusatif, qui rem- 
plissent une fonction grammaticale si élevée et portent 
une si vive lumière dans le discours, n'existe point dans 
la langue basque, quoiqu'elle soit congénère de la langue 
latine. Il n’y à qu'un seul verbe, qui se modifie pour 
conjuguer activement ou passivement. La conjugaison, 
qui est très-riche, comprend l’énonciation complète du 
pronom personnel, du mot que l'on conjugue et du verbe 
proprement dit. Les prépositions sont en général rem- 
placées par des noms au cas en an. La langue basque 
a d’ailleurs des adverbes nombreux, des comparatifs 
pour les adjectifs et les adverbes, des conjonctions et 
des interjections. 

La grammaire basque se rapproche de la grammaire 
anglaise par son défaut de genre et par la généralité 
de sa conjugaison; mais elle s'éloigne des grammaires 
de la plupart des langues, tant anciennes que moder- 
nes de l'Europe, par son verbe, qui n’est point con- 
tracté en un seul mot et présente tous ses éléments 
primitifs : le pronom, le nom, et le verbe proprement 
dit. 

Il va sans dire que la langue basque, comme toutes 
les autres langues, a quelques interjections. Ces inter- 
jections étant pour la plupart le eri animal particulier 
à l'homme, doivent exister et existent dans toutes les 
langues. 


591 


VOCABULAIRE BASQUE, 


CLASSÉ PAR ORDRE DE MATIÈRES, 


EXPLIQUÉ PAR L'ESPAGNOL, LE LATIN ET LE FRANÇAIS. 


I.— Langue, Grammaire, Littérature, Poésie, Enseignement. 


BASQUE. 


Hitzekinda. 
Hiskuntza, miatzoa. 
Hitza, min(zoa, verba, 


Hitzegin, verbegin, mintzo 


edas. 
Mutadia, isitza. 
Agercaya, escritura. 
Librua, Liburua. 
Escuscribatua, 
Azgarria, Margoa. 
Abecea, 
Bechaoa. 
Bibechaoa. 
Oskidea. 
Geibechia. 
Icena. 
Otsicena. 
Egopearra. 
Eraskitza. 
Besteri dichecan icena. 
Osicheca, 
Orticena. 
Leipintza. 
Isaskida. 
Artizkindea. 
Dialectica, billegidea. 


Abilidadea, gaytasuna, cintzo- 


tazuna, 
Megopea, ispiritua. 


ESPAGNOL, 


Gramatica, 
Lengua, idioma. 
Habla, palabra. 


d | Hablar. 


Geroglifico. 
Escritura. 
Libro. 
Manuscrito 
Letra, caracter. 
Alfabeto, 
Vocal. 
Diptongo. 
Consonante 
Silaba. 

EI nombre. 
Onomatopeya, 
Sustantivo. 
Verbo. 
Adjetivo. 
Articulo. 
Pronombre. 
Preposicion. 
Conjuncion. 
Orthografia. 
Logica, dialectica. 


Habilidad. 
Espiritu. 


Iracasdea, jakintza, jakindea, Erudicion. 


Coudera, istorioa. 


Historia. 


LATIN, 


Grammatice. 
Lingua. 
Verbum. 


Loqui, Fari, 


Hieroglyphus. 
Syngraphia. 
Liber. 
Manusceriptum, 
Littera. 
Alphabetum. 
Vocalis. 
Diphthongus. 
Littera eonsouans. 
Syllaba. 
Nomen. 
Onomatopeia. 
Substantivum. 
Verbum. 
Adjectivum nomen. 
Articulus. 
Pronomen. 
Præpositio. 
Cunjuuctio. 
Orthographia. 
Logica, 


Ingenium 


Spiritus. 
Eruditio. 
Historia. 


FRANÇAIS. 


Grammaire. 
Langue, idiome. 
Parole. 


Parler, dire. 


Hiéroglyphe. 
Écriture. 
Livre. 
Manuscrit. 
Lettre, caractère 
Alphabet. 
Voyelle. 
D'iphthungue. 
Consonne. 
Syllabe. 

Nom. 
Onomatopée. 
Substantif. 
Verbe ( gram. ). 
Adjectif. 
Article. 
Pronom. 
Préposition. 
Conjonction. 
Orthographe. 
Logique, dialectiq. 


Génie, habileté. 
Esprit (faculté). 
Érudition. 
Histoire. 


BASQUE. 


Ceja kindea. 
Aritadiera. 
Eraldetarra, 
Ecadoikia. 


592 


ESPAGNOL, 


Ignorancia. 
Raciocinio. 
Racional. 
Juicio. 


Argüimena,  arguimendua, } 

iharduntza. } ALEUDENTO, 
Irudidea. Idea. 
Irudia. Aperencia. 
Bida urrecoa, Silogismo. 
Ocipabia. Dilema. 
Utseragoa. Abstracto. 
Lototkindea ,  biursakindea, ; 

Lotoskintza, biursakintza. | PO6SiA- 
Biursatea , lotostea. Poema. 
Escola, icasola. Escuela. 
Maistrea. Maestro. 
Escolamaistrea. Maestro d’escuela. 
Jakindea , jakintza. Literatura. 
Biursa, lototsa, versoa, neurt- } y 

à | Verso. 

hitzac. | 
Aslea. Autor. 
Obrac. Obras. 


LATIN, 


Ignorantia. 
Ratiocinium. 
Rationalis. 
Judicium. 


Argumentum 
Idea: 


Representatio. 


Syllogismus. 
Dilemma. 


Abstractum. 


Poesis, 


Poema. 
Schola. 
Magister. 
Scholasticus. 
Litteratura. 


Carmen. 


Auctor. 
Opera. 


FRANÇAIS. 


Ignorance. 
Raisonnement. 
Rationel. 
Jugement ( opéra- 
tion de l'esprit). 


Idée. 


Apparence. 
Syllogisme. 
Syllogisme. 
Dilemme ( argu- 
ment cornu ). 
Abstrait. 


Poésie. 


Poëme. 

École. 

Maître. 

Maître d'école. 
Littérature. 


Vers ( paroles ). 


Auteur. 
Œuvres. 


IT. — Astronomie et Division du temps. 


Izarjakindea. 


Izarkida, 

Izarra, Ceruargia 
Cerua, zelia. 
Ekia, eguzkia, iruzkia arch. 
Illargia , ilargia, arguzaita. 
Iiberria, illarguiberria, 
Iigora. 

Illargibetea. 

Ilbera. 

Jzarra. 

Izarra. 

Izarkea. 

Izarcoloca. 


‘ 
. 


Astronomia y Astronomia et 


astrologia. 
Constelacion. 
Astro. 
Cielo. 


Sol. 


Luna. 

Luna nueva. 
Luna creciente. 
Luna llena. 
Luna menvuante. 
Luna que acaba. 
Estrella. 
Cometa. 
Planeta. 


* Ceru argia ( lumière du ciel ). 


astrologia. 
Sidus. 
Astrum. 
Cœlum. 
Sol. 
Luna. 
Novilunium, 


Plenilunium, 
Stella. 


Cometa. 
Planeta. 


Astronomie et 
astrologie. 

Constellation. 

Astre. 

Ciel. 

Soleil. 

Lune. 

Nouvelle lune. 

Lune croissante, 

Pleine lune. 

Lune décroisste, 

Fin de la lunaison. 

Étoile. 

Comite. 

Planète. 


593 


BASQUE, ESPAGNOL, LATIN. FRANÇAIS. 

Artizarra ‘, Aurkzarra, Venus. Hespero, lucero Jubar. Vénus (planète). 
del alba. 
Saturno. Saturno. Saturno. Saturne (planète. ) 
Lurra. Tierra. Terra. Terre. 
Eguna. Dia. Dies. Jour. 
Gaüa, gauba, airatsa, zaroa. Noche. Nox. Nuit. 
Acha. Eje. Axis, Axe. 
Eucacha. Polo. Polus. Pôle. 
Iguru berdinzallea. Ecuador. Equator. Équateur. 
Eguerdi boillia. Meridiano. Cireulus meri-- Méridien. 
dianus. 
Arguzteguia. Ecliptica. Ecliptica. Écliptique. 
Marboilla. Horizonte. Horizon. Horizon. 
Eguerdia. Mediodia. Meridies. Midi. 
Sortaldea. Oriente (Levte) Oriens. Orient ( Levt). 
Sartaldea . Ocaso (Occidte) Occasus (Occids) Occidt (Coucht). 
Ifaraldea. Las partes sep- Regio septentrs Le Nord. 
tentrionales. 

Cigupea. Nadir. Nadir. Nadir. 
Erpiña , burgaïña. Zenith. Zenith. Zénith. 
Argea, argigea, argutsa. Eclipse. Eclipsis. Éclipse. 
Artizarra. Estrella del norteStella polaris. Étoile polaire. 
Izar carra. Canicula. Canicula, Syrius Syrius. 
Izar pilla ala deritzana. Casiopea. Cassiopea. Cassiopée. 
Izarlira. Lyra. Lyra. La lyre. 
Izarots0a. Lobo. Lupus. Le loup. 
Izardi zazpikia *. Pleyades. Pleiades. Pleyades. 
Ceruco esnebidea. * Via lactea Via lactea. Voie lactée. 
Senesia. Zodiaco, Zodiacus. Zodiaque. 
Izardia, izarpilla, izarmolzua. Signodelzodiaco Signum zodiaci. Signe du zodiaq. 
Aziizarra. Aries, Aries. Le bélier. 
Cecena. *: Toro. Taurus. Le taureau. 
Birichiac. Geminis. Gemini. Les gémeaux. 
Argiamarra. Cancer. Cancer. L'écrevisse. 
Izar leoya. Leon. Leo. Le lion. 
Virgiñizarra, Virgo. Virgo. La Vierge. 
Izar libra. Libra. Libra. La balance. 
Lupu izartia. Escorpion. Scorpio. Le scorpion. 
Sayetizarra. Sagitario. Sagittarius: Le sagittaire. 
Akelargia, Capricornio. Capricorne. Le capricorne. 
Urjarioa. Aquario. Aquarius. Le verseau. 
Arraizarra, Piscis. Pisces. Les poissons. 


‘ Larramendi a sans doute fait erreur : artirarra est l'étoile de l'ours ou 
l'étoile polaire. 


? Les sept chamois. 


594 


BASQUE. ESPAGNOL, 
Era, dembora. Era, tiempo. 
Era boillanza. Ciclo. 
Eunkia, mendea, secula. Siglo. 
Urtea. Año. 
Uda. Estio, verano. 
Udazkena, udazena, udarrazkia Otoño. 
Negua, L.; Neguja, Itz. Invierno. 
Uda berria. Era lora L.; pri- : 

madera, Itz. k | Primavera. 
Jlla, ila, illabetea. Mes. 
Beltzilla, urtarilla. Enero. 
Otsailla, ceceila. Febrero. 
Epailla, Marchoa. Marzo. 
Jorrailla, apirilla, opea. Abril. 
Maihaca. Mayo. 
Garagarilla, vagicila, erearoa. Junio. 
Uztailla, garilla. Julio. 
Agorilla, aboztua. Agosto. 
Eriarua. Setiembre. 
Urrià, urrilla, beldilla. Octubre. 
Acilla, cemendila, azaroa. Noviembre. 
Abendua, lotacilla. Diciembre. 
Astea. Semana. 
Astelena, ilena. Lunes. 
Asteartea, matizena. Martes. 
Asteaskena , egastena. Miercoles. 


Osteguna, orceguna, eguena. Jueves. 
Ostirala, orcirala, baricua. Viernes. 
Larumbata, zapatua, iracoitza. Sabado. 
Igandea, jandea, domeca. Domingo. 
Egunsentia , eguanza, eguaisea 
arthatsa, argiaren begia. 
Goiza. La mañana. 


Auroro, aurora. 


Arratsaldea, arrastegia. La tarde. 
Guereïza , kereiza ,  itzala ISOmbra 

añoa, errañoa. Ë 
Illuna, airgea Tinieblas. 
Oren, muga, hora. Hora. 
Ordu. Momento, instante. 


LATIN. 


Tempus. 
Cyclus. 
Seculum. 
Annus. 
Æstas. 
Autumnus. 
Hiems. 


Ver. 


Mensis. 
Janaarius. 
Februarius. 
Mars. 
Aprilis. 
Maius. 
Junius. 
Julius. 
Augustus. 
September. 
October. 
November. 
December. 
Hebdomada. 
Lunæ dies. 
Dles martis. 


Dies mercurii. 


Dies Jovis. 
Dies veneris. 
Sabbatum. 


Dies dominica. 


Aube. 


Manè. 
Vesper. 


Umbra. 


Tenebræ, 
Hora. 
Momentum, 


IT. — Géologie et Minéralogie. 


Luciazalda. Geografa. 
Lurra. Tierra. 
Mundua, Mundo. 


Geographia. 
Terre. 
Mundus. 


FRANÇAIS. 


Ëre ( temps ). 
Cycle. 

Siècle. 

An, année. 
Été. 
Automne. 
Hiver. 


Printemps. 


Mois. 
Janvier. 
Février. 
Mars. 
Avril. 
Mai. 

Juin. 
Juillet. 
Août. 
Septembre. 
Octobre. 
Novembre. 
Décembre. 
Semaine. 
Lundi. 
Mardi. 
Mercredi. 
Jeudi. 
Vendredi. 
Samedi. 
Dimanche. 


Aurore. 


Matin. 
Soir, 


Ombre. 


Ténèbres. 
Heure. 
Moment. 


Géographie. 
Terre. 
Monde. 


595 
BASQUE. ESPAGNOL, LATIN. FRANÇAIS: 
Itsasoa , ichasea. Mar, Oceano. Mare, Oceanus. Mer, Océan. 
Ichaso betea, ichaso sabela. Pielago. Pelagus. Haute mer. 
Ujola, ubeldea, ugoldea, idola. Diluvio. Diluvium. Déluge. 
Airea. Aire. Aer. Air (atmosphre) 
Lutugea. Continente. Continens. Continent. 
Ugartea, uribitartea. Isla. Insula. Ile. 
Aintzirra, umancia. Lago. Lacus. Lac. 
Ugayozcoa. Agua manantial Jugis aqua. Eau permanente 
Cingiradia, aintsiralea, umancitea Marea, pantano. Palus. Marais. 
Errioa, ibaya. Rio, Fluvius. Fleuve, rivière. 
Erreca, chirripa. Arroyo. Rivus. Ruisseau. 
Mendia. Montaña, monte Mons Montagne. 
Arcaitzerra. Sierra de montes Rupes. Montagne den— 
tée en scie. 
Picacha. Picacho. Saxicacumen. Pic. 
Mendisca Colina, collado, Collis. Colline, 
ceno. 
Lurruspea. Cueva. Specus, crypta, Caverne. 
spelunca. 
Meatzea. Mina. Mina. Mine. 
Mea. Veta. Vena metallifera Filon. 
Menasta. Mineral. Fossile. Minéral. 
Ondoa. Pie de montaña. Radix, basis  Piedde montagne 
Arepillac, ondar, munoac. Dunas, mogote, Dunæ. Dune. 
megano. 
Lutarra. Terreno. Terrenus. Terrain. 
Lurra, Lurgaña. Suelo. Solum. Sol. 


Tbarra, hara, irura, errepira 


» | : allé 
Den ae { Valle. Vallis. Vallée. 


Lauba, celaya, nava. Llano. Planities, æquor Plaine, 
Oïbana, selva. Selva. Silva, nemus. Forêt. 
Peña, aïitza, acha, arcaitza.  Peña. Rupes, petra Rocher, pierre. 
saxum. 
Arria, Piedra. Lapis, saxum, Pierre. 
petra. 
Arri boilla, arri leuna. Guijarro, pe— Saxum. Caillou roulé. 
dernal. 
Arri mugerra, chingarria. Silex. Silex. Silex. 
Buztinzurria. Arcilla. Argilla. Argile. 
Pizarria, lauza. Pizarra. Schistus. Schiste, ardoise 
Agorria, Porfido. Porphyrus. Porphyre. 
Marmola. Marmol, Marmor, Marbre, 
Clera. Greda. Creta. Craie. 
Quisoa, Iyelsoa, Yeso, Gypsum. Gypse. 
Arricatza, lapitza, Lapiz, carbon Carbo fossilis. Houille, 
de picdra. 
Lapitzaria. Lapicero, Lapis delinea— Ampélite. 


torius. 


BASQUE. 


Agata. 
Tella, pusca. 
Basa mortua, eremua, ermua. 


Area, ondarra, legarra , sablea. 


Sutokarpia. 
Ludardara, lurricara. 


Arrocarria, 
Belchurica. 

Eztera, zorrostarria. 
Arrandarria. 


Policarria ( pierre à polir ). 
Zuarria. 

Bilguztarria. 

Diamantea, arturgia. 
Bertistea, ferdatistea. 
Caztistea. 


Pillalarria, 

Meatzeco, cristala, leyarra. 
Gatza. 

Solimana, azogea, cillar bicia. 
Burnarria, mearria. 


Bermejoya, arminea. 


[V. 


Kemeairakinda. 
Kemeaira. 
Aicetorkia. 

Aroa , giroa, adina. 
Aicea. 

Urtaiza. 


Iphar, AÀ.; Artecaicea, L. 
Hegora. 

Oltzodarra, ostrellaca, 
Odeguzkia. 

Odeia, odoya, osa. 
Ecaitza, ecacha. 


596 


ESPAGNOL, LATIN. FRANÇAIS. 

Agata. Achates. Agathe. 

Tejo. Saxum. Galet. 

Paramo , de— Solitudo, eremus Désert, solitude, 

sierto. 

Arena, sable. Arena. Sable. 

Volcan. Vulcanus. Volcan. 

Terremoto. Terræ motus. Tremblement de 
terre. 

Piedra ponce. Pumex. Ponce. 

Onique. Onyx. Onyx, agathe. 

Piedra deamolar Cos. Pierre à repasser 


Piedra de aguila Ætites. 


Esmeril. Smyris. 
Amianto. Amiantus. 
Opalo. Opalus. 
Diamante. Adamas. 
Esmeralda. Smaragdus. 


Rubi y carbun— Rubimus. 
culo. 
Granate. Granatus. 
Cristal de roca. Crystallus. 
Sal. Sal. 
Azogue. Hydrargyrum. 
Alcool, antimo- Stibium. 
nio, 
Ciuabrio, ver- Cinnabaris. 
mellon. 


— Météorologie. 
Meteorologia. Meteotologia. 
Meteoro. Meteorus. 
Clima. Climas. 
Sazon. Temperies. 
Viento, Ventus. 
Euro, viento Eurus. 
levante. 
Aquilon. Aquilo. 
Viento del sud. Auster, notus. 
vis. Iris. 
Parhelias. Parhelius. 


Nube, nublado. Nubes. 


Ætite ( pierre 

d'argile ). 
Émeri. 
Amianthe. 
Opale. 
Diamant. 
Émeraude. 
Rubis. 


Grenat. 

Quartz. 

Sel. 

Mercure (métal) 

Sulfure d'anti— 
moine, 

Cinabre. 


Météorologie. 
Météore, 
Climat. 
Saison. 

Vent. 

Zéphir. 


Vent du Nord. 
Vent du Sud. 
Iris, arc-en-ciel 
Parhélie. 
Nuages. 


Tempestad, tor- Tempestas, pro- Orage, tempête. 


menta, cella. 


597 


BASQUE. ESPAGNOL, LATIN. FRANÇAIS. 

Pur M Le. |'Relampago. Fulgur. Éclair. 
Turmoya , ostotsa, odotsa, 0s— 

tiya, iurtzuria, igorciria, ? Trueno. Tonitru. Tonnerre. 

iñusturia, iusturia, calerna. 
Euria, uria. Lluvia. Imber. Pluie. 
Elurra. - Nieve. Nix. Neige. 
Abazuza, chingorra, iñatacia, | 

babazuca, cizarcora, ezca— ? Granizo. Grando. Grêle. 

barra. 
Ecea, ecetea, bustia. Humedad. Humiditas. Humidité. 
Intza. Rocio. Ros. Rosée. 
Lañoa, lañua, inuntza, lan— |. ; 

choa, brumâ. Niebla. Nebula. Brouillard. 
Otza. Frio. Frigidus. Froid. 
Izotza, orma, leya, gela. Hielo. Gelu, glacies. Glace. 
Escarcha, ecachea, bitsuria.  Escarcha. Pruina. Gelée blanche. 


V. — Végétaux; leurs parties et leurs produits. 


Belarjakindea, belarrenezagea. Botanica. Botanices. Botanique. 
Zuhatza. Vegetal. Planta. Plante. 
Sustraya, erroa, funtza, betarra. Raiz. Radix. Racine. 
Zortena, chortena, zurtoina, | rallo. Seabus, caliss Tige. 

ocia, gara. ) 
Motea, ninica. Brota en los arholes Gemma. Bourgeon. 
Lora, motea, leca. Brota en las flores Calix. Calice (de fleur). 
Ostoa, ostroa, orria. Oja. Frons, folium. Feuille. 
Lorea , lora. Flor. Flos. Fleur. 
Ostaleac. Bayas. Baccas. Baies. 
Fruta, frutea, alorta. Fruta. Fructus. Fruit. 
Acia, belarracia. Semen, semilla. Semen. Graine, semence 
HER ae Hiamuls | Arbol. Arbor: Arbre. 
Belharra, bedarra, L.; hierba. Yerba. Herba. Herbe. 
Adarra, Brazo, rama. Ramus. Branche. 
Zutondea, zucoitza, ondoa. Tronco. Truncus. Tronc d'arbre. 
Aritza, arecha. Roble. Robur. Chêne. 
Artea, ezcurra. Encina. Quercus ilex. Chêne vert. 
Ezcurra, ezcurracia. Bellota. Glans. Gland comestible 
Zi. Borla. Glans. Gland. 
Gastaña. Castaño. Castanea Châtaignier. 


Pagoa, fagoa, Haya. Fagus. Hêtre. 


598 


BASQUE. ESPAGNOL. LATIN. FRANÇAIS, 
Picozoroa. Sicomoro. Sycomorus. Sycomore. 
Ezpela, urrosta. Box. Buxus. Buis. 
Zumarra. Alamo negro.  Ulmus. Orme. 
Cipresa , necosta. Cipres. Cupressus. Cyprès. 
Pinua , pinoa. Pino. Pinus. Pin. 
Abetoa. Abeto. Abies. Sapin. 
Agina. Tejo, tejon. Taxus. jf 
Gorostia. Acebo. Ulex aquifolium Houx. 
Urriza. Avellano. Corylus. Coudrier, noïsetier. 
Urra. Avellana. Avelana. Aweline, noisette 
Inchaurra, nogerra. Nogal. Juglans regia. Noyer. 
Inchourra , eltzaurra. Nuez. Nux. Noix. 
Tea. Te. Thea. Thé. 
Cafea, baba ismiña. Cafe. Cofœum. Café. 
Pillaltuna , mingrana. Granada. Malum punicum Grenade. 
Matsa, mastia, aihena. VAGUE 07 Vitis. Vigne. 
Oliva, olivoa. Oliva, olivo. Olea, oliva. Olivier. 
Larana, larandia, naranjoa. Naranjo. Malus aurantia, Oranger. 
Cidroa. Cedro. Citrus medica. Citronnier. 
Cidra. Limon. Citrum. Citron. 
Arana, ocarana. Ciruelo Prunus. Prunier. 
Alberchiga. Albaricoque. Prunus arme— Abricot. 

niaca, L. 

Mirchica ( har ). Melocoton.  Persicum. Pêche ( fruit ). 
Sagarra (bar ) Manzana. Malum. Pomme. 
Marrabidia, malluguidia, L.  Fresal. Fragarla. Fraisier. 
Chirivia. Chirivia. Siser. Chervi. 
Otzerri. Cicuta. Cicuta. Ciguë. 
Garraisca. Cidronela. Artemisia pontica. Citronelle. 
Gireguzkia Girasol. Heliotropium. Héliotrope ? 


Erramua, erreñotza, L.; Ju 


lusraia, 1t:? Laurel. Laurus. Laurier. 
Erruibarboa. Ruibarbo. Rhabarbarum. Rhubarbe. 
Meloya, meloca, moloya. Melon Melopepo. Melon. 
Angurria. Sandia, melon Cucurbita an-— Pastèque. 

de agua. guria. 

Khuia ( A.) Calabaza. Cucurbita. Citrouille. 
Aza, L.; berroa, fr. Col, berza. Brassica. Chou. 
Garbantzua. Garbanzos Cicer. Pois chiche. 
Ilarra, Itz. Guisante. Pisum. Pois. 
Gorroba. Aganobo, arveja Vicia. Vesce. 
Illarra. Arveja. Ervilia. Ers? pois? 
Baba. Haba. Faba. Fève. 


Baberrumac, maillarrac, in- | 
dia babac; hilara, Itz. | 

Dilista, chilistéa, L.; nan- 
tilla, Itz. 

Datila, Datil. Fructus palmæ. Datte. 


Alubias, judias. Phascolus. Haricot. 


Lenteja. Lens. Lentille. 


BASQUE. 


Lirioa , lilia, lilioa. 

Zabila , belarmintza. 

Baratzuria , baracatza. 

Tipula, kipula. 

Ihial(@A), ia uya, L. 

Garia, ocaya, L.; ogija, fr. 

Cecalea, cikiroa, cekela, ce- 
kelea. 

Garagarra, L:; Moraina, fr. ? 

Oloa, L.; cherespluna, fr. ? 

Maïiza, artoa, L. 

Arroza, L.; irisa, fr. 

Goroldioa , oroldioa. 

Zuricacha. 

Altzbelarra. 

Ciursa. 

Osiña, osina, asuna, 

Calamua , L. 

Lizuna, lizunqueria, 

Zumintza. 

Liñabera. 

Canela, “Liz 

Pimiña, piperra. L.; bipera, 1tz. 

Inchaur, muscatua. 

Belarurdiña. 

Urriltza. 

Erresina. 

Ganuskiaren licurta. 

Licurta, licalea, 


599 
ESPAGNOL, 


Lirio. 
Aloe. 
Ajo. 
Cebolla. 
Junco. 
Trigo. 


Centeno, 


Cebada. 
Avena. 
Maiz. 
Arroz. 


Moho, musgo. 


Brezo. 
Escabiosa, 


Euphorbio (arbol). 


Ortiga. 
Cañamo. 


Moho (del pan). 
Aloe, linalve. 


Algodon. 
Canela. 
Pimienta. 
Moscada. 
Aüil 
Girofle. 
Resina. 
Trementina. 
Goma. 


LATIN. 


Lilium. 
Aloe. 
Allium. 
Cæpa. 
Juncus. 
Triticum. 


Secale. 


Hordeum. 
Avena. 

Mais. 

Oryza. 
Muscus. 
Erica. 
Scabiosa. 
Eupharbium. 
Urtica. 
Cannabis. 
Mucor. 
Agallochum. 
Gossypium. 
Cinnamomum 
Piper, 
Moschata nux. 
Indicum. 
Caryophyllum. 
Resina. 
Terebenthina. 
Gummi. 


NI. — Animaux. 


Ihizia ( A.). 

Aberea, abrea, animalia. 
Eurtarra. 

Urtarra, 

Urlurrecoa. 

Aicetiarra. 

Lavoinduna 

Ointzagea. 
Animaliachoa, aberechoa, 
Bizaberac. 

Guizona. 


Emacumea, andrea, andracu- l 


mea, Emaztekia, 


Animal. 
Animal. 

An. terrestre. 
An. acuatico. 
An. amfhio. 
An. volatil. 


Animal. 
Animal. 

An. terrestris, 
Aquatil. 
Amphibium. 
An. volatile. 


An. cuadrupedo. Quadrupes. 


An. reptil. 
Animalejo. 
Insecto. 
Hombre. 


\ Muger, 


Reptile. 
Animalculum. 
Insectum. 
Homo. 


Mulier, fæmina. 


FRANÇAIS. 


Lys. 

Aloës ( plante ). 
Ail. 

Oignon. 

Le jonc. 

Blé ( plante ). 


Seigle. 


Orge. 
Avoine, 
Maïs. 

Riz. 

Mousse (plante) 
Bruyère. 
Scabieuse. 
Bupherbe (plante). 
Ortie. 
Chanvre. 
Moisissure. 
Bois d’aloës. 
Coton. 
Canelle. 
Poivre. 
Muscade. 
Indigo 
Girofle. 
Résine. 
Téréhenthine. 
Gomme. 


Gibier. 
Animal. 

An. terrestre. 
An, aquatique. 
An. amphibie. 
Volatile. 
Quadrupède. 
Reptile. 
Animalcule. 
Insecte. 
Homme. 


Femme, 


BASQUE. 


Emaztea. 

Arra. 

Emea. 

Chimua. 

Artza. 

Azcenarra, 
Misarra, musarra. 


Catua, L 

Lehoya. 
Catamotza? L. 
Leoinavarra ? 
Leoiarremea ? 
Lincea. 

Armiña, armiñoa. 


600 


Erbiñudea, pirocha, ogigastaya. Comadreja. 


Pitosa, piztia, udoa, mierlea, } 
catacuisaneha, martea. 


Udoa, uncharta. 
Caturdea. 


Otsoa, L.; oxoa, Itz., A. 


Zacurra, chacurra, ora, potzoa, Perro. 


Azeria. 
Hiena. 
Basurdea. 


Cherria, charria, L.; urde, Itz. Puerco. 


Elefandia. 


Abere adar bacocha. 


Ibaizaldia. 


Zaldia, L.; zamaria, Har. 
Astoa, L.; astuca, Itz, 


Cecena , L. 
Idia, L. 
Beia. 


Basauntza, arcaitzauntza, L. 


Oreña, orina, L.; Orkhatz | iermn 


oreñmea, Ar. 
Gamelica, L. 


Vicuña, basaunza motabat. 


Akerra. 
Untza. 
Aria. 


Chiquiroa, L.; Aharia, Itz. 
Aricho, L.; achari, A. 


Erbia. 


Unchia, conejua, L. 


Sagua, sabua, 


ESPAGNOL, LATIN, FRANÇAIS. 
Muger casada. Uxor. Femme mariée, 
Macho. Mas. Mâle. 
Hembra. Fæmina. Femelle. 
\°on0. Simius. Singe. 

Oso. Ursus. Ours. 
Tejon, tarugo. Melis. Blaireau, 
Marmota. Mus montanus Marmotte. 
arctomys mar- 
mota, L. 
Gato, gata. Felis, catus. Chat. 
Leon. Leo. Lion. 
Tigre. Tigris. Tigre. 
Leopardo. Leopardus. Léopard. 
Onza. Panthera. Panthère, 
Lince. Lynx. Lynx. 
Armiño. Mus ponticus. Hermine. 
Mustella. - Belette. 

| Garduña, Muztella. Martre ou fouine? 
Huron. Viverra, L. Furet. 

* Ichneumon,  Ichneumon.  Ichneumon. 
Lobo. Lupus. Loup. 

. Canis. Chien. 
Zorro. Valpes. Renard. 
lena. Hyena. Hyène, 
Jabali. Aper. Sanglier. 

Porcus. Porc. 

Elefante. Elephas. Éléphant. 
Rinoceronte. Rhinoceros. Rhinocéros. 
Hipopotamo.  Hippopotamus. Hippopotame. 
Caballo. Equus. Cheval. 
Asno, burro. Asinus. Ane. 
Toro. Taurus. Taureau. 
Buey. Bos. Bœuf. 
Vaca. Vacca. Vache. 
Gamuza. Rupicapra. Chamoïs. 

| Cervus. Cerf, biche. 
Camello. Camelus. Chameau. 
Vicuña. Capra peruana. Vigogne. 
Macho de cabra. Hircus. Bouc. . 
Cabra. Capra. Chèvre. 
Carnero, Aries. Bélier. 
Carnero castrado Vervex. Mouton. 
Cordero. Agnus. Agneau. 
Licbre. Lepus Lièvre. 
Conejo. Cuniculus. Lapin. 
Soriza, Sorex. Souris, 


601 


BASQUE. ESPAGNOL LATIN. 
Arratoya, erratoya. Raton. Mus. 
Basacua, lumisarra. Liron. Glis. 
Tricua, kirikioa, sagarroia.  Erizo. Erinaceus, echinus. 
Satorra, satsuria. « Topo. Talpa. 
Cherritricua , tatoa. Tato. Tatus. 
Balena. Balena. Balena. 
Adar bacocha. Unicornio. Unicornis, mo- 
noceros. 

Soriba, Itz.; egaztia, egaztina. Ave. Avis. 
Egoa, L.; heggala, Itz. Ala. Alæ. 
Egatsa. Pluma. Plumo. 
Mocoa, aotzia, L.; mutura, Itz. Pico. Rostrum. 
Arranoa. Aguila. Aquila. 
Buzoca , saya. Buitre. Vaultur. 
Mozolloa. Mochuelo. Noctua. 
Cucua. Cuclillo. Cuculus. 
Enada, elaya, ainhara, L. Golondrina. Hirundo. 
Choarrea, curroca, echachoïca, } Gorri dal Pass 

ormochoria, parrachoria, | "7/01, Parea! F'asser. 
Erresinola. Ruiseñor. Luscinia. 
Buztanicara. Chirivia. Motacilla. 
Loroa, L. ; Peruceta, Itz Papagayo. Psittacus 
Okilla, catachoria, aotzilaria. Pico, picama-— Picus. 

deros. 

Sayea. Avestruz. Struthio-camelus. 
Egazterrena. Pavo real, Pavo. 
ne ne Er Pavo. Gallus indicus, 
Nauderra , faisana. Faisan, Phasianus. 
Ollarra, L.; oïloa cocorasea, 

Itz.; oillarra, Ar. | Galo. FE 
Oilloa. Gallina. Gallina. 
Eperra. Perdiz. Perdix. 
Usacumea , ussoa. Pichon. Columba. 
Belea, belaa, erroya, belija, ; 

Itz.; belia, Ar, | Cuervo. Corvus. 
Belcharga. Cisne. Cygnus. 
Antzarra, L.; ancara, Itz. Oca, ansar, ganzo Anser. 5 
Atea, ataa, ahalea, L.; aha- hade. Ans. 

tea, Itz. J 
Suguea. Culebra. Coluber. 
Sugarrasta, L.; subija, Itz. Sierpe, serpiente Serpens. 
Sugue lotaria. Aspid. Aspis. 

Ciraua, ceraua. Vibora. Vipera. 
Crocodiloa. Cocodrilo. Crocodilus. 
Muskerra. Lagarto. Lacerta. 
Zapoa; apoa, L., Itz. Sapo, escuerzo. Bufo. 
Iguela, inguela, zarrapoa, l'Rana. Rons 


ugarayoa. 


FRANÇAIS. 


Rat. 
Loir. 
Hérisson. 
Taupe. 
Tatou. 
Baleine. 
Narwal? 


Oiseau. 
Aile. 
Plume. 
Bec. 

Aigle. 
Vautour. 
Chouette. 
Coucou. 
Hirondelle. 


Moineau, 


Rossignol. 

Fauvette ? 

Perroquet. 

Pic, pivert, bec- 
bois. 

Autruche. 

Paon. 


Dindon. 
Faisan. 
Coq. 


Poule. 
Perdrix. 
Pigeon. 


Corbeau. 


Cygne. 
Oie. 


Canaré. 


Couleuvre. 
Serpent. 
Aspic. 
Vipère. 
Crocodile, 
Lézard. 
Crapaud. 


Grenouille, 


BASQUE. 


Arrai, L.; arraina, L., 1tz. 


Arraizpata. 


Ugotsa, caboca, Itz. 
Amurraya, amuarraina, ar 


rancaria. 
1z0kia 
Carpa, L. 
Legatza, lebatza. 
Bacaillaba. 
Sardiña igarra. 
Atuna. 
Goïizcata. 
Sortarraya ? 
Aingira, L.: 


ra, amaratza. 
Arrabioa, lupua. 
Armiarma. 


Amama, amelauna. 


Arbisca. 
Erlea. 


Chingurria, chindurria, chi- 


naurria. 
Eulia, ulia. 
Elchoa, eltzoa. 


Larrapotea, otiya, othia, 


Chimica. 


anegira, Îtz. 
Camarroa, changurrua, amar- | 


) 


af 
| 


Cucusa, arcacusoa, ardia, L.; |} 


cucusua, Itz. 


Zorria, L.; corija, Itz. 


Gusonoa. 

Arra, gachoa. 
Izaya, izaina. 
Lapa, Magurioa. 
Ostra , ostrea. 
Chirlac. 

Altistea perla. 


Arrokia, belokia, ezpoiñia. 


Hilicuskera. 


Aberea, abrea, animalia. 
Aberea, abrea, atzienda. 


\ 


602 


Anatomia. 
Animal. 
Bestia, bruto. 


ESPAGNOL. LATIN, 
Pescado. Piscis, 
Espada. Xiphias. 
Sollo. Lucius. 
Trucha. Tructa. 
Salmon. Salmo. 
Carpia. Cyprinus. 
Merluza. Merlus. 
Bacalo, abadejo. Morua. 
Arenque. Harengus. 
Atun. Thinnus 
Esturion, sollo. Sturio. 
Torpedo tremielga. Torpedo. 
Anguila. Anguila. 
Cangrejo. Cancer marinus. 
Escorpion, alacran. Scorpio. 
Araña. Aranea. 
Telaraña. Araneæ tela. 
Insecto. Insectum. 
Abeja. Apis. 

l Hormiga. Formica. 
Mosca. Musca. 
Mosquito. Culex. 
Langosta, sal Locusta. 

taregla. 
Chinche. Cimex. 
Pulga. Pulex. 
Piojo. Pediculus. 

Gusano deseda, Bombix. 
Gusano. Vermis. 
Sanguijuela. Hirudo. 
Marisco. Conchæ marinæ 
Ostra. Ostrea. 
Almeja, Modiola ? 
Perla. Margarita. 
Esponja. Spongia. 


VII. — Anatomie et Physiologie. 


Anatome. 
Animal. 
Bestia. 


FRANÇAIS. 


Poisson, 

Espadon ( pois- 
son ). 

Brochet. 


Truite. 


Saumon. 
Carpe. 
Merlus. 
Morue. 
Hareng. 
Thon. 
Esturgeon. 
Torpille. 
Anguille. 


Cancre. 


Scorpion. 
Araignée. 

Toile d’araignée 
Insecte. 

Abeille. 


Fourmi. 


Mouche. 
Cousin (insecte) 
Sauterelle. 


Punaise. 
Puce. 


Pou. 

Ver à soie. 
Ver. 
Sangsue. 
Coquille. 
Huitre. 
Moule. 
Perle. 
Éponge. 


Anatomie. 
Animal. 
Bête. 


BASQUE. 


Gorputza. 

Frintza, larmea, narmea. 

Incerdia. 

Burua. 

Arpegia, aurpegia, begitar— 
tea, bisaya. 

Betaguiria, irudia. 


Ocotza, cocotza. 
Bizarra, bidarra. 
Ilea, ulea, biloa. 


Munen, muna, muña, L.; ba- 
resarca , Itz. 

Burmuna, L. 

Goraiña. 

Bidadigarria. 


603 
ESPAGNOL, 


Cuerpo. 
Cutis. 
Sudor. 
Cabeza. 


| 
À 


Parecer del ros- 


tro. 
Barba. 
Barba, 
Pelo. 


Sesos, cerebro. 


Cerebelo? 
Nervio. 
Sensibilidad. 


Lela, loloa, gueza, aula, goza. Insipidez. 


Aditua, gosartua, zenzu. 
Irudia, irudetsia. 


Irudeslea , irudikiña , irudi— 
gillea. 

Burua. 

Izpiritia ( A ). 

Becokia , betondoa, copeta, 
belarra , belarria. 

Bécinta, bepurua 

Begia. 

Icustea. 

Sudurra, surra. 

Usaya, usaña. 

Usña, usma, usaikifa. 

Aoa, aboa, auba, aba. 

Mia, mihia, mifa, mingaña. 

Asbida. 

Bozoa, Aozquia. 

Ortza. 

Marlila. 

Belarria, bearria. 


Bizcaya, L. 

Bezoa, L.; sarcea, Itz. 

Bernea, zancoa, aztala, ber- 
nazakia, L. 

Escua. 


Entendimiento 


Imaginacion. 


l Imaginativa. 


Caletre. 
Espiritu. 
| 


| Frente. 


Cejo. 
Ojo. 
Vision. 
Nariz. 
Olor. 
Olfato. 
Boca. 
Lengua. 
Laringe. 
Voz. 
Diente. 
Marfl. 
Oreja, oido, 


Miembro. 
Brazo. 
Pierna. 


Mano. 


Cara, rostro. 


LATIN 


Corpus. 
Cutis. 
Sudor. 
Caput. 


Os, oris. 


Orisapparentia. 


Memtum. 
Barba. 
Pilus, capillus 


Cerebrum. 


Cerebellum ? 
Nervus. 
Sensibilitas. 
Insipiditas. 
Intellectus. 


Imaginatio. 


Facultas ima— 
ginendi. 

Mens. 

Spiritus. 


Frons. 


Superclium. 
Oculus. 
Visio 
Nasus, narcs. 
Odor. 
Odoratus. 
Bucca. 
Lingua. 
Larynx. 
Vox. 

Dens. 
Ebur. 
Auris. 


Membrum. 
Brachium, 
Crus. 


Manus, 


FRANÇAIS, 


Le corps. 
Peau. 
Sueur. 
Tête. 


Visage, face. 


Mine, physio— 
nomie. 

Menton. 

Barbe. 

Poil, laine, che- 
veu. 


Cerveau. 


Cervelet? 

Nerf. 

Sensibilité. 

Insipidité. 

Intelligence, fa— 
culté. 

Imagination, in- 
vention. 

Imagination, fa- 
culté. 

Esprit. 

L'esprit. 


Front. 


Sourcil. 

Œil. 

Vision. 

Nez. 

Odeur. 

Odorat, olfactr 

Bouche. 

Langue. 

Larynx. 

Voix. 

Dent. 

Ivoire. 

Oreille (son, au- 
dition ). 

Membre. 

Bras. 


Jambes, 


Main, 


604 


BASQUE. ESPAGNOL. 


Ofa, oifa, L.; cangoa, Har. Pie. 

Atza, heatza, erhia, L.; | Dedo. 
hura, Itz. } 

Lepoa, iduna, garrondon. Cerviz. 

Sobalda, lesaburna, soiña, soina. Hombro. 


Bularra, L.; bularac, Itz. Pecho. 

Sabela, L. Vientre. 
Muna, muña, mamia. Tuetano. 
Gartzurra. Vertebra 


Sayetsac, sayet sezurrac, al— 


boco ezurrac. 


Costilla. 


Bacia. Bacin. 
Nasarkia. Musculo. 
Haragia, okela. Carne. 
Zaintulea. Tendon. 
Barbillea. Contraccion. 
Utzequia, bustana, hopa. Cola. 
Belauna , belaña. Rodilla. 


Ucondoa, ucalondoa, besacoscoa Codo. 
Esqueletoa, ezur, azurrutza.  Esquelelo, 
Ezurra, azurra, L.; esteija, Itz. Hueso. 
Titia, ditia, ugatza. errapia. Teta, pecho. 
Bularra, ugatza, boillezna. 
Eznea 

Biria, birica, biriac, biricac. 
Atsedea, atra, asnasea, arnasea. Respiracion. 
Bicia, bicitza. Vida. 

Ila, illa, balbea. 


Leche, 


Biotza. Corazon. 
Zaña, zaifia, Zaina. Vena. 
Arteria. Arteria. 
Lazañac. Carotida. 
Odola. Sangre. 
Bollagira, ingurandea. Cireulacion. 


Egostokia, estomago, urdal- 


la, L.; urdabila, esto— > Estomago. 
maca, Itz. 
Mora, estea, estzea, L.; tri-} 3 
cite | Intestino. 
Legosia. Quilo. 
Chegosketa, chegoskera, era- Digestion. 


jatea, Ichiriztea, echoitza. 


Gibela. Higado, hepar. 
Supita, erracita ? colera ? Colera. 

Barea. Bazo, melza. 
Giltzurruna, guntzurruna,. Riñon. 

Bisiga , mascuria. Vejiga. 


Pysia, chysya, gernua, garnura, Orina. 


Pecho de muger. 


Pulmon, livieno. 


Muerte, muerto. 


LATIN, 


Pes, 
Dix. 


Cervix. 
Humerus. 
Pectus. 
Venter. 
Medulla. 
Vertebra. 


Costa. 


Pelvis, 
Musculus. 
Caro. 

Tendo, 
Contractio. 
Cauda. 

Genu, poples. 
Cubitus. 

Ossa articulata. 
Os. 

Mamma. 
Mammæ. 
Lac. 

Pulmo. 
Respiratio. 
Vita. 
Mortuus, mors. 
Cor. 

Vena. 
Arteria. 
Carotida. 
Sanguis. 
Cireulatio. 


Gaster. 


Iitestinum. 
Chylus. 
Digestio. 
Jecur, hepar. 
Bilis. 

Splen, 

Ren. 

Vesica. 
Urina. 


FRANÇAIS. 


Pied. 
Doigt. 


Cou? 

Épaule. 
Poitrine. 
Abdomen, ventre 
Moelle. 
Vertèbre. 


Côte. 


Bassin. 
Muscle. 
Chair ( viande). 
Tendon. 
Contraction. 
Queue. 
Genou , jarret. 
Coude. 
Squelette. 
Os. 
Mammelles. 
Sein. 

Lait. 
Poumon, 
Respiration. 
Vie. 

Mort. 
Cœur. 
Veine. 
Artère. 
Carotide. 
Sang. 
Circulation. 


Estomac. 


Intestin. 
Chyle. 
Digestion. 


Foie. 
Bile. 
Rate, 
Rein. 
Vessie. 
Urine, 


BASQUE, 


Verga. 

Barrabilla. 

Acia. 

Emasabela. 

Illodoltzea, ilbetctzea. 

Arraultza. 

Humekia. 

Chilbora, cila. 

Limuria, labaña. 

Emajautzea, andraketa, pail- 
lardiza. 

Errun. 

Seboa, Ciboa, bicorra. 

Failcorra , saiña, sain. 

Coipea, gantza. 

Lumera, uriña. 


Azala, atzazala, azcazala. 

Aztaparra. 

Adarra. 

Croca, chungurra, burcoilla, 
cuneurra. 

Aurdera , seindera. 

Gaztetasuna, nerabetasuna. 


Zartza, zarrera, zarraldia. 
Galordea. 
Basca, janaria, othoraza. 


Edaria. 

Gosea, amia. 
Egarria, edayalea. 
Bidutzia, gueyurtia. 


605 


ESPAGNOL: LATIN. 
Verga. Virga. 
Testiculo. Testiculus. 
Esperma. Semen, 
Utero. Uterus. 
Menstruacion. Menstruatio. 
Huevo. Ovum. 
Feto. Fœtus, 
Ombligo. Ombilicus. 
Lubrico. Lubricus. 

| Fornicacion.  Fornicatio. 
Ovar. Ovum parere. 
Sebo. Sebum. 
Manteca. Axonge. 
Grasa. Adeps. 
Grasa de ba— Balenæ pin- 

llena. guedo. 
Uña. Unguis. 
Garra. Unguis. 
Cuerno. Cornu. 
Giba, joroba. Gibbus. 


Infancia, niñez. Infantia. 
Juventud, mo- Juventus. 
cedad. 


Vejez. Senectus. 
Nutricion. Nutritio. 
Alimento, sus— Cibus. 
tento. 
Bebida. Potus. 
Hambre. Fames. 
Sed, ansia, Sitis. 
Monstruo, Monstrum. 


VIT. — Ethnologie. 


Dierria. 

Encartea, encartza, 
meta, samantza. 

Arraca, leinna , etorkia. 


Humeac, sumeac. 


encar— k 
Generacion. 


Nacion. Natio. 


Generatio. 


Linage, estirpe, Genus, stirps. 
raza. 


Prole. Proles, 


ERANÇAIS, 


Verge. 

Testicule. 
Sperme. 
Matrice. 
Menstruation. 
Œuf, 

Fœtus. 

Ombilie, nombril 
Lubrique. 


Fornication. 


Pondre. 

Suif. 

Saindoux. 
Graisse. 

Huile de baleine 


Ongjle, 
Grife. 
Corne. 


Bosse. 
Enfance. 
Jeunesse. 


Vieillesse. 

Nutrition. 

Aliment, nour— 
riture. 

Boisson , breuvage. 

Faim. 

Soif. 

Monstre. 


Nation. 
Génération. 
Race. 

Race. 


39 


606 


BASQUE, ESPAGNOL. 
Gendea. Gente, 
Mota, mueta. Linage, especie. 
Aila. Padre, 
Ama. Madre. 
Semea. Hijo. 
Alaba. Hija. 


Anaya, anagea, neüea. Hermano. 
r du frère ). 
Arreba ( sœur d ) (LEE 


Aizpa, aizta (sœur dela sœur). | 


Osaba. Tio. 
Illoba , illobea, senidumea. Sobrino. 
Gusua. Primo. 
Europarra, europacoa. Europeo. 
Asiarra, asiatarra. Asiatico. 
Indiarra, indiatarra. Indiano. 


LATIN. FRANÇAIS. 
Gens. Peuple. 
Genus, species. Genre, espèce. 
Pater. Père. 

Mater. Mère. 
Filius. Fils. 
Filia, Fille. 
Frater, Frère. 
Soror. Sœur. 
Avunculus. Oncle. 
Sobrinus. Neveu. 
Consobrinus. Cousin. 
Europæus. Européen. 
Asiaticus. Asiatique. 
Indicus. Indien. 


IX. — Pathologie, Médecine. 


Sendakindea, éruskindea. Medicina. 
Barber ( Archu, Labourt).  Medico, 
Erjakindea, minjakindea. Patologia. 
Osakintza. Cirugia. 
Obratu, ekin. Operar. 


Senda, gallintza, sendacaikinza. Farmacia. 
Curatu, geritu, sendagaitu, Curar. 


Eria, gaisotasuna, erarzuna. Enfermedad. 
Balioza. Valido. 
Elgaitsa, sucarra, beroa, ba— } 

unes { Calentura. 
Errabia. Rabia. 
Birikeria, biricamiña. Pulmonia. 


Gozaifen galcordea. 


Paralisis, perlesia. Paralysis. 


Medecina. Médecine. 
Medicus. Médecin, barbier 
Pathologia, Pathologie. 
Chirurgia. Chirurgie. 
Operari. Opérer. 
Pharmacia. Pharmacie. 


Curare, sanare. Guérir. 
Infirmitas, mor- Maladie, infir— 


bus. mité. 
Validus. Valide. 
Febris. Fièvre. 
Rabies. Rage. 
Pulmonia. Pneumonie. 


Paralysie. 


Ero, erotu. Perder el juicio In insaniam in- Déraisonner ( de- 
cidere. venir fou ). 
Usuria. Dysuria. Dysuria, Dysurie. 
Sabeldarsuna. Dysenteria. Dysenteria. Dysenterie, 
Suazala. Erysipela, Erysipelas. Érysipèle. 
Maizanarra, susterra. Herpes. Herpes. Dartre. 
Supitzaya. Empeine. Impetigo. Impetigo. 
Legenarra, sorayotasuna. Lepra,. Lepra. Lèpre. 
Legen beltza. Elcfancia. Elephantia. Éléphantiasis. 
Zauria. Ulcera, Uleus. Ulcère. 
Minbicia, minjalea, Cancer. Cancer. Cancer (maladie) 


607 


BASQUE. ESPAGNOL, LATIN, FRANÇAIS, 

Autsia. Quebrado. Fractus. Rompu, cassé. 
Guiltzagea , locazurguetu. Descoyuntura. Luxatio. Luxation. 
Zorna, guerlia, licustela. Pus. Pus. Pus, 
Ustu, utsitu. Evacuar Evacuare. Évacuer. 
Ustutzea, utsitutzea. Evacuacion. Evacuatio. Évacuation. 
Sangria , Zancia. Sangria. Venæ sectio, san-Saignée. 

guinis missio 
Sualea. Boton de fuego. Cauteriumigni— Cautère. 

tum. 


Ira, pozoina, edena, mene-— 


| Veneno. Venenum. Poison. 
noa , venenoa. | 


X. — Métaphysique. 


Meicetakindea. Metañsica. Metaphisices. Métaphysique. 
Arima, anima, Alma, Anima. Ame. 
Burua. Caletre. Mens. Esprit. 


Indarra, kemena, erremanka, 
portidea, sendogoa. 
Bucahagea, ondobagea, at- }Infinidad, in— {nfinitas, infini-Infinité, infini. 


Fuerza. Vis. Force. 


zenbagea. \  finito. tus. 
Cecaya, gayeza. Immaterial. Immaterialis. Immatériel. 
Neurtezdea. Immensidad. Immensitas. Immensité. 
Dune à JE QE = Immortal. [mmortalis. Immortel. 

Zuna , illecifia. | 
Bicicaya. Espiritu vital. Spiritus vitalis. Esprit vital. 
ne DEEE Ser. Essentia. Être ( subst. ). 
Cerabea, irozcaya. Materia. Materia. Matière. 
Gorpuschoa. Cuerpecillo, ci- Corpusculum,  Corpuscule. 

to, zuelo. 

Pisca, puisca, partechoa. Particula. Particula. Particule, 
Pitsa, Fitsa, icabea, ela, Atomo. Atomus. Atome. 
Era, dembora Tiempo. Tempus. Temps, durée. 
Artea, tocartea. Espacio. Spatium. Espace. 
Soïldura, utsunea. Vacio, elvacio. Vacuum. Vide (substant"). 
Causa. Causa. Causa. Cause. 
Causa, equiñoya, eguillea. Causa eficiente. Causa eficiens. Cause cficiente. 
tr POSE | Causa final, Gausa finalis. Cause finale. 
Causa gayezcoa. Causa material, Causa materialis Cause matérielle 
Causa lena, lenengoa. Causa primera. Causa prima. Cause première, 
Arrengog. Causal. Causalis. Causalité. 
Causatu, sortu, eracarri egin, Causar. Eficere, edere, Causer, déter- 


gignere. miner, 


608 


XI. — Arithmétique. 


BASQUE. 


Cembateen, jakindea. 
Cembatea. 

Batasuna, batagoa. 
Conticheca, partida. 
Cerbakitu. 

Diaskitea. 

Ucitu, bereci. 


Uzcuya, uzeoa, uzcura, berezoca Division. 


Dindea, doidea, lagindea. 
Berdindea. 

Araldea, ondedaira. 
Ceroa, ciabolla. 


Algebrea. 
Bat. 

Bi. 

Hiru. 
Lau. 
Bost. 
Sei. 
Zaspi, 
Zortzi. 
Bederatzi. 
Amar. 
Amaica. 
Amabi, 
Amairu. 
Amalau. 
Amabost. 
Amasei. 


Amazazpi. 


Amazortzi. 


Emeretzi. 

Ogei. 

Ogeitabat. 
Ogeiltabi. 

Ogei eta amar. 
Bérrogei, 

Berrogei eta amar. 
Hirurogei. 
Hirurogei eta amar, 
Laurogei. 


ESPAGNOL. LATIN. 
Aritmetica. Ariihmetica. 
Numero. Numerus. 
Unidad. Unitas. 
Adic on, suma. Summa. 
Sustraccion.  Substrahere. 
Multiplicacion, Multiplicatio. 
Dividir. Dividere. 

Divisio. 
Proporcion. Proportio. 
Equacion. Equatio. 
Serie. Series. 
Cero. Arithmeticæ 

nota. 

Algebra Algebra. 
Uno, una. Unum. 
Dos. Duo. 
Tres. Tres. 
Quatro. Quatuor. 
Cinco. Quinque. 
Seis. Sex. 
Siete. Septem. 
Ocho. Octo. 
Nueve. Novem. 
Diez. Decem. 
Onze. Undecim. 
Doce. Duodecim. 
Trece. Tredecim. 
Catorce. Quatuordecim. 
Quince Quindecim. 
Diez y seis. Sedecim. 


Diez y siete. 


Diez y ocho. 


Diez y nueve. 
Veinte. 
Veinte y uno. 
Veinte y dos. 
Treinta, 
Cuarenta. 
Cincuenta. 
Sesenta. 
Setenta. 
Ochenta, 


| Septem decim. 


| Decem et septem 
{ Decem et octo. } 
| Duo de viginti | 


FRANÇAIS. 


Arithmétique. 
Nombre. 
Unité. 
Addition. 
Soustraire, 
Multiplication, 
Diviser. 
Division. 
Proportion, 
Équation. 
Série. 

Zéro. 


Algèbre. 
Un, une. 
Deux. 
Trois. 
Quatre. 
Cinq. 
Six. 
Sept. 
Huit. 
Neuf. 
Dix. 
Onze. 
Douze. 
Treize. 
Quatorze. 
Quinze. 
Seize. 


Dix-sept. 


Dix-huit. 


Decem et novem Dix—neuf. 


Viginti. 


Vingt. 


Unus et viginti. Vingt et un. 
Duo et vigenti. Vingt-deux. 


Triginta. 
Quadraginta. 
Quinquaginta. 
Sexaginta. 
Séptuaginta. 
Octoginta. 


Trente. 
Quarante. 
Cinquante. 
Soixante. 
Soixante—lix. 
Quatresvingts. 


BASQUE. 


Laurogei eta amar. 
Ehun. 

Berrehun. 
Hirurehun. 

Milla. 

Birmilla. 
Hirumilla. 

Milliun. 


609 


ESPAGNOL, 


Noventa. 
Ciento. 
Doscientos. 
Trescientos. 
Mil. 

Dos mil. 
Tres mil, 
Millon. 


LATIN 


Nonoginta. 
Centum. 
Ducenti. 
Trecenti. 
Mille. 

Duo millia. 
Tres millia. 


XII. — Géométrie. 


Neurtakinda. 

Neurtua. 

Leuna, cinuza. 

Erodusa. 

Chakezkia. 

Eskina. 

Zocoa, chocoa, bazterra. 


Ciria, 

Camutza, ciacaitza. 
Bidastigoala. 

Bollesia, bollagira, ingura. 
Eïdioya, ertcia, centroa. 
Lerroa, ciluza. 
Marrerdia. 

Arrautzera, itarca. 
Marmacurra, L. 
Hiraurka. 

Ondapea. 

Aldaurkea. 

Alda, aldea, alboa. 
Laurca. 

Zortziaura. 

Leplauntia. 

Alde ascotacoa. 

Seialda, seiaurea. 
Seigaïña, 

Geigantia. 

Plauna. 

Seplauntia, 

Hirgaña. 

Auzkia, aisala, asyala, naiña. 
Bigancia. 

Boilla, bola, pella. 


Geometria. 
Medida. 
Linea. 
Punto. 
Angulo. 
Esquina. 
Rincon, 


Cuño. 
Obtuso. 
Paralelo. 
Circulo. 
Centro. 
Radio. 
Diametro. 
Ovalo. 
Lunula, 
Triangulo, 
Base. 
Hypotenusa. 
Lado. 
Cuadro. 
Octogono. 
Paralelogramo. 
Poligono. 
Hexagono. 
Cubo, hexaedro. 
Cubico. 
Plano. 
Paralelipedo. 
Cilindro. 
Superficie. 
Cono. 
Globo. 


FRANÇAIS. 


Quatre-vingt-dix 
Cent. 

Deux cents. 
Trois cents. 
Mille. 

Deux mille. 
Trois mille. 


Mille millia Million. 
Geometria. Géométrie. 
Mensura, dimensus Mesure. 
Linea. Ligne. 
Punctum. Point. 
Angulus. Angle. 
Angulus. Angle (saillant) 
Angulus. Angle, coin (an- 
glerentrant ) 
Cuneus. Coin. 
Obtusus. Obtus, camus 
Parellellus. Parallèle. 
Circulus. Cercle. 
Centrum. Centre. 
Radius. Rayon. 
Diameter. Diamètre. 
Ellipse. Ellipse, ovale. 
Lunula, Lunule, 
Triangulum, Triangle. 
Basis. Base. 
Hypothenusis. Hypothénuse. 
Latus. Côté. 
Quadrum. Carré. 
Octogonum.  Octogone. 
ParallelogramumParallélogramme 
Multilaterus.  Multilatère. 
Hexagonum. Hexagone. 
Cubum. Cube. 
Cubicus. Cubique. 
Planum. Plan. 
Parallelipipedus Parallélipipède. 
Cylindrus. Cylindre. 
Superficies. Superficie. 
Conus Cone. 
Sphæra, Sphère, 


BASQUE. 


Acha. 

Aurkelougoya. 
Zortzi. 

Ogeiaurkea. 

Beruna, berdincaya. 


Cartajoia. 


Oinkida, ciakida. 
Gira. 

Marroldu. 
Berunean. 


610 


ESPAGNOL. LATIN. 
Eje. Axis. 
Tetraedro. Tetraedron. 
Octaedro. Octoedrum. 
Icossedro. Icosaedrum. 
Nivel. Libella. 
Escuadra , car— Norma. 
tabon. 
Compas. Circinus. 
Giro, cerco.  Gyrus. 


Reglar, pautar. Delineare. 


A plamo. 


Verticalis. 


FRANÇAIS. 


Axe. 
Tétraèdre. 
Octaèdre. 
Icosaèdre. 
Niveau ( fil à 
plomb ). 
Équerre. 


Compas. 

Tour, rond, cercle 
Régler, rayer. 
Vertical, à plomb 


XIII. — Mécanique. (V. Industrie, 4rts mécaniques. ) 


Lancaya, lanabesa. 


Aimbastuna. 


Mugida, ibillia, igina, uherriza. 


Ciya. 
Libra. 
Ulancaikintza. 


Icetakindea. 
Iceta. 


Izaira , izatea, sortiza. 


Gorputza. 


Gorputz trincoa. 
—  argiguroa. 


—  ezakia. 
— arantia. 
—  gogorra. 


Maquina, artiä— Machina. 

cio. 
Equilibrio. Equilibrium. 
Movimiento. Motus 
Cuña. Cuneus. 
Balanza. Libra. 
Hydrotechnia. Hydrotechnia, 


XIV. — Physique. 


Physica. Physica. 
Naturaleza. Natura 
Naturaleza. Natura. 
Cuerpo. Corpus. 
Cuerpo denso. Corpus densam. 
——  diafano — transpar. 
—  fluido. — fluidum. 
— regular, — regulare. 
—  solido. — solidum, 


Machine. 


Équilibre. 
Mouvement. 
Coin. 
Balance. 
Hydrotechnie. 


Physique, 
Nature ( collec— 
tion des êtres 
composant l’u- 
nivers ). 
Nature (considé- 
rée comme 
puissance). 
Corps ( être ma- 
tériel ). 
Corps dense. 
— diaphane. 
transpart. 
— fluide. 
— régulier. 
— solide. 


BASQUE: 


Gorputz ostia. 

argitua. 

ariña, 

arguitsua. 

arroa. 

Lodikia, ciokia, trincokia. 
Beregoitza. 


Utsunea. 

Mea, 

Jatorria, etorkia. 
Sendarra. 
Gogorra. 

Zuta, zutina. 


Idortaria, chucatzaria. 
Pusea, Zatia. 


Biltzea, batzea, biribillatzea. 
Dia, taldea, pilla, molsoa, } 

montoya. | 
Mospilla. 


Otsa. 

Pisua. 

Pisatu. 

Berotu. 

Baoa, Kemearra. 

Beroa, berotasuna, sukindea. 
Icuskindea. 

Argia. 

Igargikea. 

Igarguia. 


Distiatu, tistiatu, ganargitu. 


Mirailla, 
Miserac, Har. 
Imana. 
Itsasorratza. 


611 


ESPAGNOL, LATIN, FRANÇAIS, 


Cuerpo sonoro, Corpus sonorum Corps sonore. 
illuminado — illuminatum — éclairé. 


— leve. — leve. — léger. 
—  luminoso — luminosum. — lumineux. 
— raro. — rarum, — rare. 
Densidad. Densitas. Densité. 
Elasticidad?  Elasticitas, vis Élasticité. 
elastica. 
Vacio. Vacuum. Vide. 
Fluido, Inanis. Fluide. 
Emanacion. Emanatio. Émanation. 
Solido. Firmus, solidas Solide, ferme. 
Duro. Durus. Dur ( phys. ). 
Yerto, tieso, de- Rigidus. Droit, roide. 
recho. 
Absorbante Absorbens. Absorbant. 
Pieza, pedazo. Pars, portio. Partie, pièce, 
morceau. 
Agregacion,  Aggregation. Aggrégation. 
Agregado, con— Congeries. Assemblage. 
junto de cosas 
Desmocho. Partium mutila- Amas de parties 
tarum congeries coupées. 
Sonido. Sonitus. Son. 
Peso. Pondus. Poids. 
Pesar. Ponderare. Peser. 
Calentar. Calefacere. Chaufer, 
Vapor. Vapor. Vapeur. 
Calor. Calor. Chaleur, 
Optica. Optice. Optique. 
Luz. Lux. Lumière, 
Opacidad. Opacitas. Opacité. 
Diafanidad, trans- Luciditas. Transparence. 
pareneia. 


Brillar, relucir, Micare. Briller, luire. 


resplandecer, 


Espejo. Speculum. Miroir. 
Anteojos. Perspicillum. Lunettes. 
Iman. Magnes. Aimant. 
Brujula. Pixis nautica. Boussole. 


XV. — Chimie 


Lenmena, lenastea. 
Nastua. 


Elemento, orum Élément. 
Mixtus. Mixte (composé 
mélange). 


Elemento. 
Mezclado. 


BASQUE. 


Nasiero, naskera, naspilla. 
Binakidea. 

Licura 

Liac, ondakina. 

Iraci, iragaci. 

Alambicar. 

Kemearra, baoa. 

Kemeac, kemearrac. 
Celaustea, kemear(zaa. 
Urtu. 


Sua. 
Garra, carra, bermea. 


Kea, gea. 


Hauxa. 
Maca, macatu. 


Sufrea, L., Itz. 

Icatza, iketza. 

Urrea, urregoria. 

Cillarra. 

Solimana, cillar bicia, azogea. 


Cirraida, estañua. 
Beruna. 

Cebrea, urraida. 
Broncea, 

Burnia, burdina. 
Cirberukia, petrea. 


Arminca, bermejoya. 

Gatzastea. 

Caliza, edacaya, edontzia, ga— 
porra. 

Carobia. 

Erdoya, ordoya. 

Gatzua. 

Menoslora. 


Anoduna. 

Licurta indietaca. 

Beira, beirakia, vidrioa. 
Nauturrea. 

Ozpifa, arlacha, vinagrea. 
Cupritsa. 

Liardora. 

Upezmea, 


612 


ESPAGNOL 


Mezcla, mixtura Mixtio. 


Combinacion. 
Licor. 

Pie. 

Colar. 
Alambicar,. 
Vapor. 
Espiritu, vapor. 
Evaporacion. 
Derretir. 


Fuego. 
Llama. 
Humo. 


Ceniza. 
Podrirse. 


Azufre. 
Carbon. 
Oro. 
Plata. 
Azogue. 


Estaño. 
Plomo. 
Cobre. 
Bronce. 
Hierro. 
Peltre 


Vermellon. 
Alcali. 
Cal. 


Horno de cal. 
Cardenillo. 
Nitro. 
Caparrosa. 


Alumbre. 
Atincar, borax. 
Vidrio. 
Esmalte. 
Vinagre 
Verdete. 
Tartaro. 


Cremor tartaro. 


LATIN. FRANÇAIS, 
Mélange. 
Combinatio. Combinaison. 
Liquor. Liqueur. 
Sedimentum. Sédiment, lie. 
Colare. Passer, filtrer. 
Stillare, Distiller. 
Vapor. Vapeur. 
Spiritus. Esprit (vapeur). 
Evaporatio Évaporation. 
Liquore, lique— Fondre, liquéfer 
facere, 
Ignis. Feu. 
Flamma Flamme. 
Fumus. Fumée (vapeur 
apparente ). 
Cinis. Cendre. 
Putrescere, Se putréfier, se 
corrompre. 
Sulphur. Soufre. 
Carbo. Charbon. 
Aurum. Or. 
Argentum. Argent. 
Argentum vivum Mercure ( mé— 
hydrargyrum tal. 
Stannum. Étain. 
Plombum. Plomb. 
Cuprum. Cuivre. 
Œs Bronze. 
Ferrum. Fer. 
Stannum plumbo Alliage de plomb 
admixtum. et d’étain. 
Cinnabaris Vermillon. 
Alkali. Alcali. 
Calx. Chaux. 


Calcaria fornax. Four à chaux. 
Ærugo, rubigo. Vert-de-gris. 
Nitrum. Nitre. 
Atramentum su- Couperose verte 


torii. (sulf. de fer). 
Alumnus,. Alun. 
Borax. Borax. 
Vitrum. Verre. 
Encaustum. Émail. 
Acetum. Vinaigre. 
Ærugo Vert—de-gris. 
Tartarus. Tartre. 


Cremor tartari Crème de tartre. 


613 


BASQUE. ESPAGNOL. 

Azucrea. Azucar. 
Olioa. Aceite. 
Ardoa, ardaua, arnoa, matsa, Vino. 

noa. 
Sagarnoa. Cidra. 
Gararnoa. Cerbeza. «s 
Uricekia, urecion, ucartua , | Aguardiente. 

usutua. | 


Tinta, coransia. Tinta. 
Tintura, gambustea, coranstea, Tintura. 
Larrua, narrua, Piel, cuero. 


Eztia. Miel. 
Ez coa , arguzagia, argicaya, | PE 

ezkidea. | 
Chaboya, salboina, jaboca. Jabon. 
Urrekintza. Alquimia. 
Eraldaira. Transmutacion. 
Filosofarria. 


LATIN, 


Saccharum. 
Oleum. 


Vinum. 


Vinum & malis. 
Cerevisia. 
Spiritus vini. 


Atramentum. 
Tinctura. 
Pellis, corium. 
Mellis. 


Cera. 

Sapo. 
Alchimis. 
Transmutatio. 


phicus. 


FRANÇAIS. 


Sucre. 
Huile. 


Vin. 

Cidre. 

Bière. 
Eau-de-vie. 


Encre. 
Teinture. 
Peau, cuir. 
Miel. 


Cire. 


Savon. 
Alchimie. 
Transmutation. 


Piedra filosofal. Lapis philoso— Pierre philoso— 


phale. 


XVI. — État social : Gouvernement , Législation, Guerre, Navigation, 


Chasse et Péche. 


Dierondea, errepublica, Republica. 
nu jabaria , agindea, Imperio. 
ringia. 
Bateronkia, einua. Reino. 
Erregue. Rei. 
Burua, buruzagia, agintaria. Gefe. 
Leñargia, noblecia. Nobleza. 
Jendaiea. Pueblo. 
Jauna. Señor. 
Kitagea, mempea, lotekintza. Esclavitud. 
Serbitua. Servitud. 
Kitagea, lotekia, mempecoa.  Esclavo. 


Kitagea, mempecoa, lotekia 


sr 21e 
esclavoa. { Siervo. 


Respublica. 
Imperium. 


Regnum. 
Rex. 

Dux, præses. 
Nobilitas. 
Populus. 
Dominus. 


Servitus. 


Servitus. 


Mancipium. 


Servus. 


Morroya, nescamea, seya, mu- | Servidor, criado Famulus. 


tyla, mirabea, \ 
Charra, chatarra. 
Landera, landericoa. 
Lancaitza, eztakindua, azal- } 
keretsua. | Harbaro, 


Proletario. 
Forastero. 


Proletarius. 
Barbarus. 


Barbarus. 


République. 
Empire. 


Royaume. 

Roi. 

Chef. 

Noblesse. 

Peuple. 

Monsieur, sei— 
gneur. 

Esclavage. 

Servitude. 

Esclave. 


Serf. 
Domestique, 
Prolétaire. 
Étranger. 


Barbare. 


614 


BASQUE. 


Basotia, basatarra, oyandarra, | Silvestre 
ÿF 5 


sarobearra. 
Tarra. Vecino. 
Ermita. Ermita. 


Eskalea eskean, debillerra 


eraumesa, noarroina. \ Mendigo. 


Karitate. Caritad. 
Aberatsa. Rico. 
Maïzterra. Colono. 
Asiagambaria , igitucoa. Gitano. 
Jostallua, jardunaya. Juglar. 
Cabildez, profesioa. Profesion. 
Senartea, escontza. Matrimonio. 


Astura, bezoa, oicuna, oitura, } Uso, costum— Consuetudo, 


plegua, costuma. { bre, habito. 
Hiztuna. Orador. 
Era. Era. 
Eragoa. Cronica. 
Itsaspitegia. Estanco. 
Neurtartea , araudea, Derecho. 
Lege, legea. Lei, 
Escuciatua. Codigo. 
Hogena, hobena, legautsia.  Crimen. 
Araustea. Delito. 
Debedea. Fallo. 
Eripea, condenacioa. Condenacion. 
Lapurra, ohoina. Ladron. 
Erallea. Asesino, 
Burreba, borreroa, gicerlea.  Verdugo. 


Erbestetua , erretic, botatua, 


egotzia, camporatua. | Desterrado. 


Gaïstakidea. Complice, 
FR bidcetaco, lapurra, | Saiteador. 
Guerra, guerrea. Guerra. 
Gerratia, gudartaria, solda— 
dua, gudaria. | Soidado. 
Diandea, kersitua. Ejercito. 
Ointaridia. Infanteria. 
Zaldundia, zamaldundia. Caballeria. 
Brigada. Brigada. 
Pilla, zadia, giza, cambetea. 
: bres. 
Bandera. Bandera. 


ESPAGNOL, 


LATIN. FRANÇAIS. 

Sylvestris. Sauyage. 

Incola. Habitant. 

Solitarius. Ermite. 

Mendicus. Mendiant. 

Charitas. Charité. 

Dives. Riche. 

Colono. Colon. 
Bohémien. 

Ludio. Jongleur. 

Professio. Profession. 

Matrimonium. Mariage. 
Coutume, usage. 

mos. 

Orator Orateur. 

Æra. re. 

Annales. Chronique, an— 

nales. 


Mercium vetita- Débit de la régie. 
rum locus. 


Jus. Droit. 

Lex. Loi. 

Codex. Code, 

Crimen, Crime. 

Delictus. Délit. 

Decisio. Jugement, sen— 
tence. 

Damnatio. Condamnation. 

Fur, latro. Voleur. 

Sicarius. Assassin. 

Carnifex, tortor Bourreau. 

Proscriptus. Proscrit. 

Particeps. Complice. 


Grassator, latro.Brigand. 


Bellum. Guerre. 
Miles. Guerrier. 
Exercitus. Armée 
Peditatus. Infanterie. 
Equitatus. Cavalerie. 


Manus, turma. Brigade. 


Partido de hom- Cohors, manus.Parti. 


Signum , vexil— Drapeau, ensei- 
lum. gne. 


BASQUE. 


Banderetuna, banderatua. 


Gudatu, gatezcatu, pelcatu. 
Bitoria, victoria. 

Diandea, pillandea, 
Campicheca. 


Arma , armes. 

Lanza, lancia. 

Pica. 

Tiruztaya. 

Sayeta, guecia, istoa, lutzia 
Dardua, azagaya, chochoa. 
Ubalarria, aballa. 

Ballestä. 

Arbtalea, 


Puñala, traketa, ucabicia, L.; 
Puñeta, Itz. 

Ezpata, L.; apala, Itz. 

Alfangea, L ; sabrea, Itz. 

Agapurua. 

Makila, makilla, hua, ma-— 
khila, L. 

Brokela, ezcutakia, adarga. 


Burantza. 
Soiburnia, bularcaya. 
Cota, cotea. 


Ontzia, untzia. 

Batela, L.; batoa. 

Barcochoa, Chanela. 

Uasca, urasca. 

Arrauna, errauna, boacaya. 

Vela, L. 

Lenra, buztega, L.; gober- 
naria, Itz. 

Uricala. 

Eïiza, ihicia. 

Artea, lakioa, lazoa. 

Cebo, cebar. 

Arrantza. 

Zurda. 

Amua. 

Harpoa. 

Butroea. 


615 


ESPAGNOL. LATIN. 
Abanderado.  Vexilifer. 
Combatir, pelear Pugnare. 
Victoria. Victoria. 
Campo. - Acies. 

Tienda de cam- Tentorium, 
paña. 

Arma. Arma, orum. 

Lanza. Hasta, lancea. 

Pica. Hasta, 

Arco. Arcus. 

Saeta, flecha. Sagitta. 

Dardo. Telum. 

Honda, Funda. 

Ballesta. Balista. 

Catapulta (ma- Catapulta. 
quina ). 

Puñal. Pugio. 
Espada. Ensis, gladius 
Sable. Acinaces 
Maza, Claya. 

l Fustis, palus, 

| 0 sudes. 


Proquel,escudo, Clypeus, pelta, 


adarga. 
Morrion. 
Coraza. 
Cota de malla, 


Navio, nao. 
Bo:e. 
Barquilla, 0. 
Barca. 
Remo. 

Vela. 


l Timon. 


Naufragio, 
Caza. 

Cepo, lazo. 
Cebo. 
Pescado 
Sedal, codal. 
Anzuelo, 
Arpon. 


cetra. 
Cassis, galea, 
Lorica. 
Lorica hamis 

conserta. 
Navis. 
Scapha. 
Cymbula. 


Cymba, scapha. 


Remus, 
Velum. 


Gubernaculum. 


Naufragium. 
Venatio. 
Laqueus. 
Illex. 
Piscatio. 
Linea. 
Hamus. 
Harpago. 


Buitron, butron Nassa. 


FRANÇAIS. 


drapeau. 
Porte {enseigne. 
bannière. 
Combattre. 
Victoire. 
Camp d’une armée. 
Tente. 


Arme, 

Lance. 

Pique. 

Arc ( arme ). 
Flèche. 

Trait, flèche, 
Fronde. 

Baliste (de guerre). 
Catapulte. 


Poignard, 


Épée, 
Sabre, 
Massue, 
Bâton, 


Bouclier. 


Casque. 
Cuirasse, 
Cotte de mailles. 


Navire. 
Bateau. 
Barque. 
Barque. 
Aviron. 
Voile. 


Gouvernail. 


Naufrage. 
Chasse. 

Piége. 

Appât. 

Pêche. 

Ligne à pêcher, 
Hameçon. 
Harpon. 
Nasse, filet, 


616 


XVII. — Religion. 


BASQUE. 


Jaincoa, Jincoa 

Jesus. 

Aingerua. 

Aingeru guardacoa, aitzinda— 
ria, gure Zaya, Zaina, Zait— 
zalea, beguiralea. 

Done, jaun done. 

Paradisua, L. 

Ifernua. 

Dealrua, dealruja, deabrua. 

Demonioa. 

Bostliburu. 

Hitzaldia. 


Etorkuzunen, asmeguia profecia. 


Donakia, donatia, donetia, do— 
netua. 

Ganutsa, eztondea, 

Habro. 

Ceagia. 

Asmariac, somariac, igerleac, 
egaztietatic. 

Sacrificaria, sacrificatzallea , 
doscainlea. 

Donguedea. 

Mirabilla, marabilla, miraria. 

Mira, mirara, milagroa. 

Mirakindea. 

Mirakinde beltza. 


Arritu , sorgindu, sorregin. 


Jaincobaguea. 

Donedea. 

Christaua, guiristioa 

Fedea, sinisteragillea. 

Cinez ezertatu. 

Batayoa, batcoa. 

Apoiza, apeza, abodea. 

Abrildu. 

Iñoteriac, jauteriac, aratuz— 
teac, zampantzartac. 


ESPAGNOL. LATIN. 
Dios. Deus. 
Jesus. Jesus. 
Angel. Angelus. 


Angel de la Angelus custos. 


guarda. 
Santo. Sanctus. 
Paraiso. Paradisus. 
Infierno. Infernus. 
Diablo. Diabolus. 
Demonio. Dœmonium. 
Pentateuco. Pentateucum. 
Oracion, ruego. Oratio. 
Profecia. Prophetia, vati- 
cinium. 
| Sagrado, a,  Sacer, a, um. 
Profanidad. Profanatio. 
Hado. Fatum, sors. 
Idolo. Idolum. 
| Auguro. Augur. 
| Sacrificador.  Sacrificus. 
Supersticion. Superstitio. 
Maravilla. Mirum. 
Milagro. Miraculum. 
Magia, Magia. 
Magia negra, Magia diabolica 
diabolica . 
Encantar. Incantare. 
Atheo, a. Atheus. 
Religion. Religio. 
Cristiano. Chbristianus. 
Fe. Fides. 
Abjurar. Abjurare. 
Bautismo. Baptismus. 
Cura , sacerdote.Presbyter, 
Immolar. Immolare. 


Carnaval. Bacchanalia. 


FRANÇAIS. 


Dieu. 
Jésus. 
Ange. 


Ange gardien. 


Saint. 
Paradis. 
Enfer. 
Diable. 
Démon. 
Pentateuque. 
Prière. 
Prophétie. 


Sacré. 


Profanation. 
Destin, sort. 
Idole. 


Aügure. 


Sacrificateur. 


Superstition. 
Merveille. 
Miracle. 
Magie. 
Magie noire. 


Enchanter, en— 
soreeler, jeter 
un sort. 

Athée. 

Religion. 

Chrétien. 

Foi. 

Abjurer. 

Baptème. 

Curé, prêtre. 

Immoler, tuer. 


Carnaval, 


BASQUE. 


Garizuma. 
Naspilla, nastapilla, 


Bagetic, egitea, utzetic, ece- 
reztic, deuseztic, ateratzea, 

Temploa , elizea. 

Altarea, aldarea, 

Obia, ehortzuloa. 

Tumboloa. 

Obarria. 


617 


ESPAGNOL. LATIN. 
Cuaresma. Quadragesima. 
Caos. Indigesta rerum 

moles. 
Creacion. Creation. 
Templo. TTemplum. 
Altar. Altare. 
Sepultura Sepultura. 
Tumulo. Tumulus. 


Lapida sepuleral Lapis sepulchrasis. 


XVIII. — Agriculture. 


Achurza, aitzutza, lantzea. 

Scloa , alorra, ordakia, soroa. 

Ostadia, erial. 

Naroa, ugaria, joria, mucu— 
Tua, Murna. 

Agortasuna. 

Luralferra. 

Acienda, aciendea. 

Baratza. 

Baratzaya, L. 

Goldea, Lar.; goldiga, Lab. 

Utzarria. 

Arrea, area. 

Goldatu, eisar. 

Landa, soloa, soroa, Larroa, L. 

Landeta , sorodia, larraga, } 
larreta. 

Alea, bihia, garua, pipia. 

Lustoa, Lar, fr. 

ltua, heia, bagastegia. 

Cekina, Lab.; Abono, Lar. 

Sastu, goroztu, basaratu, ci— } 
maurtu, inaurkindu. | 

Suguzuzta, uzta. 

Erein, ereindu. 

Atzitu, batu, biribillatu. 

Laudatu. 

Bihitegia, 

Sarcoya, basoa, oyana. 

Arizaya. 

Ganadua. 


Agricultura. Agricultura. 
Campos. Sata. 

Erial. Ager incultus. 
Abundancia,  Ubertas, co— | 

pia. | 

Esterilidad. Sterilitas. 
Erial. Ager incultus. 
Hacienda. Rustieum prædium 
Huerto. Hortus. 
Hortolano. Olitor. 

Arado. Aratrum. 
Yugo. Jugum bovis. 
Aroyo euadrado Aratrum dentalum 
Arar. Arare. 

Prado, Pratum. 
| Pradera. Pascua. 

Grano. Granum. 

Paja. Palea. 
Muladar. Sterquilinium. 
Estiercol. Stercus, fimum. 
Estercolar. Stercolare 
Mies, siega,  Messis. 
Sembrar. Serere, seminari 
Coger, recoger. Congerere. 
Plantar. Plantare. 
Desvan. Granarium. 
Selva. Sylva. 

Pastor. Arietor pastor. 
Ganado. Grez, pecus. 


FRANÇAIS. 


Carême. 
Cahos. 


Création. 


Temple, église. 
Autel. 
Sépulture. 
Tombeau. 

Pierre tumulaire 


Agriculture. 

Terres cultivées 

Champ inculte. 

Fertilité, abon— 
dance. 

Stérilité. 

Friche. 

Ferme. 

Jardin. 

Jardinier, 

Charrue. 

Joug des bœufs. 

Herse. 

Labourer, 

Pré, 


Pâturages. 


Grain, céréales. 
Paille. 

Fumier. 
Engrais. 


Fumer les terres 


Moisson. 
Semer. 
Récolter, 
Planter, 
Grenier. 
Forêt. 
Berger. 
Troupeau (en 
général ), 


618 


BASQUE. ESPAGNOL, LATIN. FRANÇAIS. 
Elea , aberea. Ganado mayor. Armentum. Troupeau de 
grand bétail. 
Eïumea, abrumea. Ganado menor. Grex. Menu troupeau. 
Illea, ulea. Lana. Lana. Laine. 
Arullea. Esquileo. Vellus. Toison. 
Bicaña. Nata. Pinguedo lactis. Crème. 


XIX. — Industrie, Arts mécaniques et Arts chimiques. 


Mana, Antzea. Industria. Ars, industria. Industrie. 
Jrun , irulea, ardazketan , | Hijar. Nere. Filer. 
egon ou egin. 

Aria, pillera , fillera. Hilo. Filum. Fil à coudre. 

Eo, cheitu. Tejer. Texerc. Tisser. 

Eulea ,.cheila, L. Tejedor. Textor. Tisserand. 

Cuerda, esgarria, Locarria , | era Fnfé. Corde: 

baga, L. | 

Euta, L.; ehoïhala, Itz.; euta. Tela, lienzo.  Tela. Toile. 

Illea, ulea. Lana. Lana. Laine. 

Oyala. Paño. Pannus. Drap. 

Seda, ciricua. Seda. Sericum bombix Soie. 

Errota, igara, bolua, L. Molino. Molendinum. Moulin. 

Aizerrota, aïzigara, aizabolua. Molino de viento Mola alota. Moulin à vent. 

Errotarria, eotarria, L. Muela de molino Mola. Meule. 

Erremeniaria, L. Herrero. Faber ferrarius. Forgeron. 

Dendaria, ecojoslea, L. Sastre. Sartor. Tailleur. 

Zapataria, oskegillea, L. Zapatero. Sutor. Cordonnier. 

Arotza, zuarotza, zurgina,. Carpintero. Faber ligniarius Charpentier. 

Ekintza. Fabrica. Oflicina Yabricandi. Fabrique. 

Icaskintza. Carboneria. Carbonis fabrica Fab. de charbon 

Bcirakintza. Vidrieria. Vitri fabrica. Verrerie. 

Ola, burniola. Herreria. Officina ferraria. Forge ( fonderie 
de fer. 


XX. — Commerce ‘. 


Tratua, haremana. Comercio. Commercium. Commerce, 
Erospena. Compra. Emptio. Achat. 


1 V. les verbes acheter, vendre, payer, etc. 


BASQUE. 


Salpena , Har. 
Dirua, moneda. 


619 


ESPAGNOL. LATIN, 
Venta. Venditio 
Moneda. Moneta. 


FRANÇAIS. 


Vente. 
Monnaie. 


XXI. — Architecture et construction des bâtiments. 


Chaola, echola. Cabaña. Casa. Hutte. 
Lagoya, sabaya. Cloza. Tectum, terreum Hutte, tanière. 
Adrillua, adrallua, buztiñerra. Ladrillo. Later. Brique. 
Echea, ichea. Casa. Domus Maison. 
SELS ARE Cocina. Culina, coquina Cuisine. 
caratza, L.; cusina, Itz. 
Sala, L., Itz.; mandiota, 
tarbea, sollerua. | Sala. Aula. Salle. 
Echurubea, utsagiria, L, Patio. Impluvium. Cour. 
Zamaltegia. Caballeriza. Equile. Écurie. 
Leorpea, echapea, L., Itz. Sotechado. Tectum. Hangar, remise. 


Soilleriia, vicitza, goiticoa. 


Soto, gelupea. 


Kertokia, chimitua, chiminea, L. 


Iria, uria, erria, Lar. 

Iria, biria, uria 

Jauregia, echandia. 

Bittoquia. 

Plaza. 

Calea, carrica, ataria, estra— 
tea, L. 

Leyoa, icharguia, ventana. 
Ichagoya , atarbea, 
bea, tellatua. 

Coloma, habea. 
Metola, 
Metarria. 
Guizameta. 


Dorrea. 

Murrua, 
Esindartzea. 
Gaztelu, gaitza, 


Piso, alto. Altior domus 


contiguatio. 


Cueva, bodega , Specus, cella. 
sotano. 


Chimenea. Caminus. 
Lugar, pueblo. Pagus. 
Ciudad. Urbs. 
Palacio. Palatium. 
Teatro. Theatrum. 
Plaza, lugar. Forum. 

| Calle. Via. 
Ventana. Fenestra. 


pots | Techo, tejado. Tectum. 


Columna. Columna, 
Columna de madera Columna lignea 
Obelisco. Obeliscus. 
Coloso. Colossus. 
Torre. Turris. 
Muralla. Murus. 
Fortificacion,  Munitio. 
Ciudadela. Arx. 


Étage, 
Cave. 


Cheminée. 
Village. 

Ville. 

Palais, 
Théâtre. 

Place publique. 


Rue. 
Fenêtre. 
Toit. 


Colonne. 
Colonne de bois. 
Monolithe. 
Colosse ( statue 
colossale. 
Tour. 
Rempart. 
Fortification. 
Citadelle, 


BASQUE. 


Ciamartea. 

Pintura, antzeskintza. 
Otallua. 

Otsankida, musica. 
Tallua, tallunza. 
Talluntza. 


Dantza, oinearidea. 


Canta, cantea, cantua, otsastea. 


Lira. 
Tuta, A. 


Adarturunta, autsaoya. 
Biurturunta 
Chirola 


620 


XXII. — Beaux-Arts. 


ESPAGNOL. LATIN. 
Dibujar. Delineatio. 
Pintura. Pictura. 
Escultura. Seculptura. 
Musica. Musica. 
Estatua. Statua. 
Imagen. Icon, nis. 
Baile. Saltatio. 
Canto. Cantus. 
Lira. Lyra. 
Cuerno (trom- Cornu tuba. 
peta ). 
Corneta. Cornu buccina. 
Gaita. Symphoniacus, 
Chifla. Tibia tribus fo- 
raminibus. 


FRANÇAIS. 


Dessin, 
Peinture. 
Sculpture. 
Musique. 
Statue, 
Planche (figure, 
gravure) 
Bal, danse. 
Chant. 
Lyre. 

Trompette (corne 
de bœuf). 
Cornet (musique) 
Cornemuse. 

Galoubet. 


XXII. — Objets usuels : Instruments et Outils divers. 


Erremienta, burnilancaya. 


Herramienta. 


Errementaritegia, burnikinztegia Fragua. 


Auspoa, haicemetecua, Itz. 
tenaza 


Currica , betzearra, 
L.; trucasac, Itz. 

Mallua, mallukia, L. 

Ingudea, chungurea, L. 

Lima, Itz.; limea, L. 

Cerra , L. 

Aïzcora, puda, L. 


Puda, ayotza, iñauseaya, L. 


Ganibetea. 

Pala, chabola, L. 

Escubarea, L. 

Aitzurra , achurra. 

Andiagoa, L.; hancarra, 

Sardea , L. 

Igitaya, itaya, L.; porcacija 

Gurdestalia , orgestalia, 
orgac, Itz. 

Titarea, azcutaya, L 
tarja, Itz. 


On] 


Fuelle. 

4 | Tenaza. 
Martillo. 
Ayunque. 
Lima. 
Sierra. 
Hacha. 
Podadora. 
Cuchillo. 
Pala. 
Rastrillo. 
Azada. 
Azadon. 
Horca. 


Itz. 


, Iz. Falce, hoz. 
L 


él Carriola, 


VE | Dedal, 


Instrumentum. 
Ferraria. 
Follis. 


Forceps. 


Malleus. 
Incus, dis. 
Lima. 

Serra, 

Securis. 
Scirpicula. 
Culter. 

Pala. 

Rastrum. 
Ligo, pastinum. 
Ligo, grandior. 
Merga. 

Falx, cis. 


Carracutium. 


Digitale. 


Instrument. 
Forge 
Souflet. 


Tenaille. 


Marteau. 
Enclume. 
Lime. 
Scie. 
Hache. 
Serpe. 
Couteau. 
Bêche. 
Rateau. 
Houe. 
Pioche. 
Fourche. 
Faulx. 


Brouette, 


Dé, 


621 


ESPAGNOL, 


BASQUE. 


Cicela, L.; hausturra, Itz. 


tijera. 
Jostorratza. Aguja. 
Eztena. Estilo. 


Cacoa, macoa, L.; corceta, Itz. Gancho, 
Maya, maea, maina, mahaina. Mesa. 


Zamaüa, zabaua, dafailla. Mantel. 
Serbilleta, L. Servilleta. 
Botella, beiracolla, L. Botella. 
Beira, L.; baso, Itz. Vaso. 
Hupea, dupa. Cuba. 
Catillua, L.; asca, Itz. Escudilla. 
Platea, luboilla. Plato. 


Platina, platerchoa, luboichoa. Platillo. 
Taza, edoncia, L. Taza. 
Cuchara, cullida, collara. Cuchara. 
Canibeta, aïztua, L.; na—} 
bala, Itz. | 


Euslea, forcheta , achordea.  Tenedor. 
Sucaldea, subatea, suina, ez- Cia 
caratza. F 
Zartagia. Sarten. 
Bazeca, janaria, othoranza. Alimento. 
Aragia, okela. Carne. 
Arzai- bitanza. Merienda. 
Salda, Har. Caldo. 
Irina, Harina. 


Legamia, oranza, aïliza, al- 
chagarria, beranzagia, az— 


carria, chanchadurea. mento 
Ogia, L.; ogoja, Itz. Pan. 
Arnuya, Itz; arnoa, noa, L. Vino. 
Gararnoa. Cerveza. 
Sagarnoa. Cidra, 
Pittara. Bebida. 
Gazta, gasna. Queso. 


Guria, L.; burua, Itz. 
Burruncia, burduncia, guerrena Asador, 
Labea, L.; cacuja, Itz. Horno. 
Alaja, alajea, alhaja. Mueble. 
Oya, oea, oatzea, L.; choca, re 
Itz. | 
Silla, besalkia, catabera, esal- Silla 
kia, cadira, coya. ” 
Espillua, ispillua, miralla, L. Espejo. 
Soñecoa, jazcaya, jaunzcaya, 
aldagarria , filda, abilla— 
mendua. 


Levadura , fer 


LATIN, 


Cincel, escoplo, Scolprum 


Acus. 
Stylus. 


FRANÇAIS. 


Ciseaux. 


Aiguille, 
Style, poinçon. 


Uneus, uncinus, Crochet. 


Mensa. 


Table, 


Mantilia, mappa Nappe. 
Mappula, man- Serviette. 


Cuchillo, navaja Culter. 


Manteca de vaca Butyrum. 


telium. 
Ampulla. Bouteille. 
Vas. Verre à boire. 
Cupa. Coupe. 
Seutella. Ecuelle. 
Lanx, catinus, Plat. 
paropsis. 
Catillus. Assielte. 
Patera. Tasse. - 
Cochlear. Cuiller. 
Couteau. 
Furcilla. Fourchette, 
Culina. Cuisine. 
Sartago. Poële à frire, 
Alimentum. Aliment. 
Caro. Chair. 
Cibaria pastorum. Pitance du pâtre 
Sorbitio. Bouillon. 
Farina. Farine. 
 Fermentum.  Levain, ferment. 
Panis. Pain. 
Vinum. Vin. 
Cerevisia. Bierre. 
Vinum è malis. Cidre. 
Potus. Boisson. 
Caseus. Fromage. 
Beurre. 
Veru. Broche, 
Furnus. Four. 
Supellex. Meuble. 
Lectus, torus. Lit. 
Sedes, sedile. Chaise. 
Speculum. Miroir. 
Vêtement, 


Vestido, ropaje. Vestilus. 


40 


622 


BASQUE. ESPAGNOL. LATIN. FRANÇAIS. 
Capela, chapela, sombrellua.  Sombrero. Galerus. Chapeau. 
Chanoa, boneta. Gorra, gorro. Pileus. Bonnet. 
Galtzeta, L.; galcerdija, 1tZ. Media. Tibiale. Bas. 
Galtzac, fracac, L. ; labeca, [tz. Calzado. Caligæ. Chaussure. 
Arropa, jazcaya, L. Ropa. | Vestis, indumentum Robe. 


Gonazpicoa, L.; cotylun, Itz. Enaguas (guar— Muliebris tunica Jupon, 
dapies, Za—  interior. 


galejo). 
RE nn tar Canisa. Subucula. Chemise. 
Gorontza, jipersa. Corpiño. Thorax. Corset. 
Botinac, bernaüalac. Botines. Ocrea. Botte. 
Uztaya, cimitza. Aro. Arculus, circu— Anneau. 

lus, annulus. 

Idundea , lepandea. Collar. Torques. Collier. 
Besakia, ajorca. Brazalele, ma— Brachiale, ar— Bracelet. 

nilla. milla, 
Gerricoa, uzlaya, üala. Cingulo, cinto. Cingulum. Ceinture. 
Silla, cerralkia Silla. Ephippium. Selle. 
Ezproya, orpizarra. Espuela. Calcar. Éperon. 
Brida. Brida. Frenum. Bride. 
Oneuscaria, estribua, Estribo. Stapeda. Étrier. 
Nara. Rastra, narria. Traha. Traineau. 
Gurdia, orga. Carro. Currus. ” Char, voiture. 
Gurdisca, orgasca. Carreta. Carruca. Charrette. 
Curpilla, boibilla. Rueda. Rota. Roue. 
Besaga. Rayo de rueda. Radius, Raie. 
Errodacha. Eje. Axis. Essieu. 


XXIV. — Noms abstraits : Fonctions intellectuelles, Passions , 


Impressions, Sentiments , etc. 


Adia, aldia, erosta. Plañido,lamento Gemitus, lamenta. Plainte. 
Re " JAmistad,  Amistad, © Amitié. 
adiskidetasuna. 
Amodioa, amoria, naicundea, } 
amaer…a , maitaera, amorea, » Amor. Amor. Amour. 
onesguna, onirizCoa. 
Ancifaera, anciñatea, zartasuna, Antiguedad. Antiquitas. Antiquité. 
Bakitea. Union, junta. Unio. Union. 
Banernea, Produccion. Productio. Production. 
Batunea, bilgura. Compleion. Complexio. Complexion. 
Beécaitza, becaizcoa, ondamua Euvidia, gana. Invidia. Envie. 
Bigiria. Vigilia, Vigilia, Veille ( action ). 
Bi.durra, Temor. Timor. Crainte. 


623 


BASQUE. ESPAGNOL. LATIN, FRANÇAIS, 
Controkida, etsaikida. Complicacion. Complicatio. Complication. 
Cordea, bidadia, sentiera. Sensacion, im— Sensatio, per— Sentiment. 

presion. ceptio. 
Coudaira, esagaroa, tempiztea. Historia, Historia. Histoire. 
Dendarra au ler Oran | Grito, clamor. Clamor. Cri. 
coa, marrasca. | { Félicité, bon 
F cé 
Dir, ‘doaya, Donna, zoNone (Dicha, felicidad Felicitas. heur. 


doatsundea. 


Elhea. Fabula, cuento. Fabula. Fable, conte. 
Eman. Data, fecha, Data. Date, époque. 
Endea. Ausencia. Absentia. Absence. 
pue ; hole die es | Eugaño. Dolus. Fraude. 
baira, cililoca. | 
Eracaya. Motivo. Causa, ratio. Cause, motif, raison 
Erdia. Mitad. Dimidium. Moitié. 
Ermua, eremua. Soledad. Sacellum. Solitude. 
Fama, iomena, osmena. Fama. Fama, nomen. Renommée, 
Galgiroa. Vicio. Vitium. Vice. 
Galla, galtzea, galera. Perdida. Auwissio, jactura Perte. 
Icekia, beroicekia, beroiza. Ardor. Ardor. Ardeur. 
Icia, izua. Terror. Terror. Terreur. 
Igaltasuna, berdindea, idetasuna Igualdad. Æqualitas. Égalité. 
Irautca , iraupena. Duracion. Duratio, diu-— Durée. 
turnitas. 
Irri, fana, bane. Reir. Risum. Rire ( subst. ). 
Isilgoa , isiltasuna. Silencio. Silentium. Silence. 
Izaira, izatea, sortiza. Naturaleza. Natura. Nature. 
Jakindea, Jaquintza. Ciencia. Scientia. Science. 
Larra, bearra, trabaillua. Trabajo. Labor. Travail. 
Leicea, leiza, ondolacea. Abismo. Abysus. Abîme. 
Loa, lokhunba. Sueño. Somnus. Sommeil. 
Mendeca, venganza. Venganza. Ultio. Vengeance. 
Miña, damua, oñacea, Pena, dolor, af- Dolor. Peine. 
fliccion. 
Mua. Mugido. Mugitus. Mugissement, 
Mesne, een Hal l Ocasion. Occasio. Occasion. 
galdia, goitaldia. 
Ogena. Engaño. Dolus. Fourberie, 
Pasionea, pairakunza. Pasion, afecto. Ardor. Passion. 
GR bons Gusto. Yoluptas, gaudium. Plaisir, joie. 
Sinhex. Fe. Fides. Foi. 
Sosegua, pauza, cesua, sosagua, Calma, tranqui- Tranquillitas, Calme. 
lidad. 
Ustea, peskiça. Esperanza. Spes. Espérance. 
Usura, lucurua, irabasgoya.  Usura. Usura. Usure. 
Utziera, lajaera, largacra. Abandono. Derelictio. Abandon. 
Virtutea, vértulea. Virtud. Virtus, Vertu, 


624 


XXV. — Divers. 


BASQUE. ESPAGNOL. LATIN. 
Aizekina, aizegillea , aizemallea. Abanico. Flabellum, 
Ampolla. Ampolla. Ampulla. 
Amarrac, bagac, soca. + Amarra. Retinacula, ru- 

dentes. 
Argicaya, candela, eZCorra. Candela. 


FRANÇAIS. 


Éventail. 

Ampoule. 

Amarre, lien, 
corde, câble. 


Candela, lucerna Chandelle. 


Argiontzia, lampa, lampara, L. Lampara. Lampas. Lampe. 
Baga. Olas, ondas. Fluctus, uada. Vague, flot, ondes, 
Barrica, L., Itz. Barrica, tonel. Doliolum. Tonneau. 
Bota, sacoa, zagia, Zakia, ae 

zorT0a , lanuzCO , NAITUZCO. | Bota. Urtriculus. Outre. 
Camio, camino, bidea. Camino. Via, iter. Chemin. 
Canoyac. Tubo. Tubus. Tube. 
Catea. Cadena. Catena. Chaîne. 
Caxa, cuchala, iskipota. Caja. Capsa. Caisse, 
Cia, punta. Punta. Mucro, cuspis. Pointe. 
Contza, 0poa. Quicio. Cardo. Gond. 
Cucha, hucha, arca. Arca. Arca. Arche, coffre. 
Ecanza. Imagen. Imago. Image. 


Espia, salaria, salataria. Espia , espiador Explorator. 
Fratrikera, fradriquera. Faltriquera. Marsupium. 
Gamboilla. Quitasol. Umbella. 
Giltza, gacoa, L.; cacuja, [tz. Llave. Clavis. 
Giralda. Giralda. Index ventorum 
gyrans. 
Latigoa. Latigo. Flagrum. 
Lugorria. Almagre. Rubrica. 
Musua, muturra, ahurpegia, Cara. Vultus, facies. 
Muzorroa. Mascara, Larva, persona 
Ontzia. Vaso. Vas. 
Plama. Oja de papel.  Folium. 


Sarralla, L., cerula. Cerradora, Cerraja. Sera. 


Gilza, gakhoa. Llave. Clavis. 

Saskia, Har. Cesta, batea. Corbis. 
Ucaba. - Codo. Cubitus. 
Zorroa, larruzco, narruzco.  Coracha. 

Zura. Madera. Lignum. 


XXVL — Adjectifs. 


Rico. 
Habil. 


Aberatsa, ondiatsua , dirutia. 
Abill, amarrutzia. 


Dives, locuples 
Habilis. 


Espion. 
Bourse, poche. 
Ombrelle. 

Clé. 

Girouette. 


Fouet. 

Ocre rouge. 
Visage. 

Masque. 

Vase (en général) 
Feuille de papier 
Serrure. 

Clé. 

Corbeille. 
Coude. 


Saceus coriaceus Sac de cuir. 
Bois (matière). 


Riche. 
Habile, rusé. 


625 


BASQUE. ESPAGNOL. 
Ahalduna, alduna, altuna, al- 
mentsua, puchanta, pui-— } Poderoso. 
syanta. 
Audia, aundia, larria, esker- 
9 , L Grande. 
gea, ordongoa. 
Animotsua, aloitsua, indart- |} , . 
Animoso, 
sua, kemandua. | 
Anutia, bildurtia. Cobarde. 
Argia, argitua, ocea, claroa. Claro. 


Arina, losterra, beloskia. 


Arrea. Pardo. 


Atradu, aularia, ascotacoa, | Comun, ordina- 


askitacoa, anitzetacoa. Berin. 
Arroa, üanditua, meatsa, bacan.Raro. 
Arrotia, arrutia, antusteduna, 
furfuiatsua, facatia. \ 
Ausarta, atrebitua. 
Auscorra, Zaticorra. 
Aspadicoa, anciñacoa, anchi— 
nacoa , lengoeracoa. 
Azkena, atzena. 
Bacuna. 
Bacuna, tolesbagea. 


gante. 
Atrevido. 


Simple. 


nuo. 
Bagaya, nagia, alfer, alperra, nina 
erabea , alper, potza. À 
Bakida. General. 
Bakida, anizkida. Comun. 
Bambesteco, biderbico. Doble. 
Bornaria, barrencaria, Penetrante. 
Bean, betic. Bajo. 
Beltza, belchia. Negro. 
Berdina, igoala, bardina. Unido, igual. 
Bermea, bermeoja. Bermejo. 
Berria. Nuevo, reciente 
Beroa, berotsua , berotia, be- Calente eat 
roduna. Z 
Bestitura. Vestidura 
Betea. Lleno. 
Bezalako. Semejante. 
Bicia. Vivo. 
Bilutsa, biluza. Vil, bajo. 
Bisicatua, babalarrutua. Ampollado. 
Cechaüa, cegarbia, chaubeza, Impuro. 


chaüeza, garbieza, 
Celaya, lauba, nava, plauna. 
Chaüa, icusia, garbia. 
Chikia, tipia, chumea, men— 
drea, nimiñoa. 


Llano, Ilana. 
Puro. 


Pequeño, 


Rapido, veloz. 


LATIN. 


Potens. 


FRANÇAIS, 


Puissant. 


Magnus, grandis Grand. 


Animosus. 


Ignavus, timidus. 
Lucidus. 

Velox, celer. 
Fuscus 
Vulgaris. 


Rarus. 


Soberbio, arro—Arrogans. 


Audens, audax. 


Fragil, quebradizo, Fragilis. 
Antiguo, viejo. Priscus. 


Ultimo, postrero Ultimus. 


Simplex. 


Inocente, inge-Innocens. 


Piger, 


Generalis. 
Communis. 
Duplex, 
Penetrans. 
Subtüs, infra. 
Niger. 

Planus, œqualis 
Roseus. 

Novns, recens. 


Calidus. 


Vestiture. 
Plenus 
Similis. 
Vivus. 

Vilis, infimus 
Vesiculosus. 


Impurus. 


Planus, æqualis. 
Purus. 


Parvus. 


Courageux. 


Lâche. 

Clair. 

Rapide, léger. 

Brun. 

Commun, vul— 
gaire. 

Rare. 

Fier. 


Hardi. 
Fragile. 


Ancien. 


Dernier. 
Simple. 
Innocent. 


Paresseux. 


Général. 
Commun, 
Double. 

Perçant. 

Bas. 

Noir. 

Uni, égal. 
Vermeil. 

Récent, nouveau 


Chaud. 


Habillement. 
Plein. 

Comme, semblable. 
Vif. 

Vil. 

Vésiculeux. 


Impur. 


Plane. 
Pur, limpide. 


Petit. 


626 


BASQUE. ESPAGNOL. LATIN. FRANÇAIS. 
Chit, cipia. Minimo. Minimus. Très-pelit. 
Chitoria. Amarillo. Flavus. Jaune. 
Ciatua, lodia, gatzatua, trincoa. Denso, compacto Densus. Dense. 
Colorea. Color. Color. Couleur. 
Crocatua. Jorobado. Gibbosus. Bossu. 
Deseigotua. Arruinado. Eversus. Détruit. 
Dohatxua. Feliz. Felix. Heureux. 
Ederra, galanta, polita, fichoa. Hermoso. Pulcher, venus- Beau. 
tus, formosus 
Ekiascoa. Verdadero. Verus. Vrai. 
Egokieza, egokibagea, bear— Absurdo. Absurdum. Absurde. 
zakea, bearreztana. 
Egosia. he Coctus. Cuit. 
Erbala, ebaina. Debil, endeble, Debilis. Faible. 
flaco. 
Eskerdo, ezkena. Izquierdo. Scœvus. Gaucher. 
Eskergea, eskerbagea. Ingrato. Ingratus. Ingrat. 
Eskersalea , eskertzallea. Reconocido,  Beneficii, me-— Reconnaissant. 
agradecido. mor. 
Estna, ersia, chidorra. Angosto. Augustus. Étroit. 
Falsoa, palsoa. Falso. Falsum. Faux. 
Fauna, utsa, vanoa. Vano. Vanus. Vain. 
Fedebagea , fedegea, nl Infidelis. infidèle. 
geduna, fedageduna. 
Fedecarlea, fiela. Fiel, leal. Fidelis, Fidèle. 
Fuertea, indartsua, indartia, 
ersconasendoa, portitza, az. } Fuerte. Fortis. Fort. 
carra. 
Gaiztoa, dongea, deungea. Malo. Malus. Méchant. 
Gastatia. Podrido. Patridus. Gâté. 
Gautarra. Nocturno. Nocturnus. Nocturne. 
Gay, acutua, cintzoa, entregu. Habil, capaz, Habilis aptus, Apte, propre à, 
dicstro. idoneus. habile. 
Geldia, astitsua, malsoa, za— ets, Tentis. Lent. 
barra, langia. 
Gogorra. Duro. Durus. Dur. 
Goia, goicoa, goratua, goititua, Allo. Altus. Haut. 
Gorra. Sordo. Surdus. Sourd. 
Gozoa, eztia. Dulce. Dulcis. Doux. 
Gorria. Colorado. Ruber. Rouge. 
Guci eracoa. Universal. Universalis. Universel. 
Gozuriae Encarnado. Rubeum. Incarnat. 
Hanitz. Mucho. Multum. Beaucoup. 
Ibilgarria. Movil. Mobile. Mobile. 
Icaragarria. Terrible. Formidandus. Redoutable. 
Illuna. Oscuro. Obscurum. Obseur. 
Itsua, ichua. Ciego. Cæcus. Aveugle. 


Itsusia, ichusia, czaña, que } Feo 


menguea. 


Fædus, deformis Laid. 


BASQUE. 


Jaincozcoa. 


Jakiña, icusia, clarua. 


Laburra , escasa. 
Lan, bear. 


Lasterra, frunta, bicia. 


Legarra, legaraucoa, eadoyarra. 


Lela. 


Lotsagarria, ahalgarria. 


Lotza, 


ikezua,. 
Lucea. 
Macurra 


garratza , 
malcorra, erroya, mukerra, 


gogorra , 


Macurtua, beeratua, ceartua. 


Mea. 


Meharra, herchia, Har. 


Mina, samina, carmina, karatsa 


Navarra. 


Necatua, unatua, aricatua. 


Ona. 


Ondecoya, barnacoya. 


Osandetua. 


Otzana, onirizgarria, naicaria, 


Pare, berdin, 
Parebagea. 
Pisua, astuna. 


Pobrea, beartua. 
Escalea, eskelea. 


Primuarra, guruzcuyarra, 


Sendarra. 


Sicua, leorra, idorra, agorra, 
leihorra, elcorra, sicatua, 


leortua. 


Soilla, faüa, faüna. 


Suteoa. 


Tolescorra , biurcorra, cimela. 


Triste. 
Tzarra. 
Urdina. 
Urdiñarrea. 


Urguna, errena, makia, mainga, 


Urratua. 


Usatua, usua, usantza. 
Utzi, lajatu, largatu. 


Verdea. 
Violdarra. 
Zabala , lucea, 
Zarra. 


627 
ESPAGNOL, 


Divino. 


LATIN. 


Divinus. 


Claro, manfesto Evidens. 


Corto. 
Laborioso. 
Pronto. 
Legitimo. 
Insipido. 
Vergonzoso. 


Aspero, rudo. 


Largo. 

Curbo. 
Iuclinado. 
Claro, fluido. 
Estrecho. 
Amargo. 
Abigarrado, 
Fatigado, cansado. 
Bueno. 

Hondo, profundo. 
Completo, cabal 
Agradable. 
Igual. 
Incomparable. 
Pesado. 


Pobre. 
Mendigo. 
Hecreditario. 
Solido, consistante. 


Seco. 


Esteril. 
Purpura. 
Flexible. 
Triste. 

Grande. 

Azul. 
Ceniciento. 
Cojo. 

Roto. 

Usado, gastado. 
Abandonado. 
Verde. 

Morado. 
Amplio, ancho. 
Viéjo. 


FRANÇAIS. 


Divin, 
Clair, évident. 


Brevis. Court. 
Laboriosus. Laborieux. 
Promptus, vivus Prompt, vif. 
Legitimus. Légitime. 
Insipidus. Insipide ou fade. 
Pudendus, turpis. Honteux. 
Asper. Rude, âpre. 
Largus, longus. Long. 
Curvus, a, um. Courbé. 
Inclinatus. Penché. 
Inanis. Clair, fluide. 
Strictus. Étroit. 
Amarus. Amer. 
Variegatus. Bigarrè, rayé. 
Lassus, Fatigué. 
Bonus. Bon. 
Profundus. Profond. 
Completus. Complet. 
Gratiosus. Agréable. 


Æqualis, similis Égal, semblable. 


Incomparabilis. 
Gravis, onero— 
sus. 
Pauper, inops. 
Mendieus. 
Hæreditarius. 
Solidus, firmus. 


Siceus. 


Sterilis. 
Purpura. 
Flexibilis. 
Tristis. 
Magnus. 
Cæruleus. 
Leucophæus. 
Claudus. 
Scissus. 
Usitatus. 
Relictus. 
Viridis. 
Violaceus. 
Amplum. 
Vetus. 


Sans pareil. 
Lourd. 


Pauvre. 
Mendiant. 
Héréditaire. 
Solide, ferme. 


Sec. 


Stéril. 
Pourpre. 
Souple. 
Triste. 

Grand. 

Bleu. 

Gris. 

Boiteux. 
Rompu, cassé. 
Usé. 
Abandonné,. 
Vert. 

Violet. 
Ample, large. 
Ancien, vieux. 


628 


BASQUE. ESPAGNOL, LATIN. FRANÇAIS. 
Zorigaistocoa, doacabea, doat- | Infelix. Malheureux. 
sueza. | 
Zucena, chuisena, arteza, margoa Derecho, recto. Rectus. Droit. 
Zuria, churia. Blanco. Album. Blanc. 
Zute, zutinie, chutie, chut, zut. En pie. Sopra, pedes, stans Debout. 


XXVII. — Verbes. 


Aci, bezatu, oitu. Acostumbrarse. Assuesco. S'accoutumer. 
Aditu, enzun, beatu. Oir. Audire. Entendre. 
Adindu. Templar. Temperare. Tremper. 
Agiri, agirtu. Parecer. Apparere. Paraître. 
Aïtçurtu. Cavar. Fodere. Bècher. 
Aitzin, agotu, aurreragotu. Avanzar, Promovere. Avancer. 
Aitu, acabatu, bucatu, azkenan. Acabar. Finire. Finir. 
Alaraci. Nutrir Alere. Nourrir 
Alegeratu. Alegrarse. Gaudere. Se réjouir. 
Altzatu. Elevar. Extollo. Elever. 
Amatu, Ouetsi, ouiritzi. Amar. Amare. Aimer. 
Amarratu, lotu, uzcaldu. Atar, amarrar. Alligare, figere. Lier, attacher. 
Anditu, geiagotu. Crecer, aumentar. Crescere. Croître. 
Apaldu. Almorzar. Prandere. Déjeüner. 
Argitu. Alumbrar. Illuminare. Eclairer. 
Arkitu, idoro, causitu. Hallar, inventar. Invenire. Trouver, inventer. 
Articasi, estudiatu, Estudiar. Studere. Etudier. 
Artu. Tomar. Capere. Prendre. 
Asacatu, neitu. Acabar, terminar. Finire. Finir, terminer. 
Asi, abia. Comenzar. Incipere. Commencer. 
Atheratu. Salir. Gredi. Sortir. 
Atrabesatu, lanzartu. Atravesar, {ras- Transire. Passer, traver— 
pasar. ser. 
Atsegin, atseden, asnalu, asnase. Respirar. Spirare. Respirer. 


Azipetu, bairatu, ciliboca— } 


tu, gaintatu, enganatu. | Burlar. Ludere. Jouer. 

Aurkitu. Encontrar. Invenire. Trouver. 

Aztaparcatu. Arañar. Lacerare. Egratigner. 

Baholatu. Cribar. Cribrare. Cribler. 

Balio. Valer. Valere. Valoir. 

Banernetu. Producir. Froducere. Produire. 

Baranda , ibeilli, goatea. Ir, marchar. re, ambulare Aller, marcher. 

Baratu, tricatu, gelditu, geratu. Parar, detener. Arcere. Arrêter. 

Barnatu. Profundizar.  Penetrarc. Pénétrer profon- 
dément. 

Bathaiatu Bautizar. Baptizare. Baptiser. 

Batu, bildu, Reunir, juntar. Compilare, col-- Réunir, rassem- 


ligere. bler, 


629 


BASQUE. ESPAGNOL. 
Bazcatu. Pacer. 
Begietsi. Admirar, 
Belahuneatu. Arrodillarse. 
Bençutu. Vencer. 
Benedicatu. Bendecir. 
Berotu. Calentar. 
Besarcatu. Besar. 
Bici. Vivir. 
Bici. Habitar. 
Bidaditu , sentitu. Sentir. 
Pidagea, Biagea. Viajar. 
Bihitu. Desgranar. 
Biluci. Desnudar, 
Bridatu, Lab, Embridar. 
Brodatu, Bordar. 
Bulzatu. Empujar. 
Calmatu. Tranquilizar. 
Cantatu, Otsatu. Cantar. 
Caresatu. Acariciar. 
Castigatu, Castigar 
Celebratu. Celebrar. 
Cerbitçatu. Servir. 
Cerratu. Serrar. 
Chahutu. Barrer, 
Cheatu. Pegar. 
Churitu, Blanquear. 
Ciakidatu, gelakidatu , isozki- } Congelar. 

datu. | 

Colpatu. Herir. 
Contatu. Contar. 
Creatu. Crear. 
Damnatu. Condenar. 
Dantzatu, Oincaritu. Bailar. 
Danzkitu, progatu. Probar. 


Dastatu, gustatu, 
Deithu. 

Deitzi. 

Deseigotu. 

Distiatu, ganargitu. 
Doitu. 


Ebaki, picatu, trencatu, ucitu. 


Ebatsi. 

Eçagutu. 

Ecçarri. 

Echeden , zai ou begira, egon 
Edan, 


Tastar, gustar. 
Llamar. 
Ordeñar. 
Arruinar. 
Relucir, brillar. 
Ajustar. 
Cortar, partir, 

dividir. 
Hurtar. 
Conocer. 
Poner. 


. Aguardar, 


Beber, 


LATIN. FRANÇAIS. 
Pascere. Paître. 
Admirari. Admirer. 
Genua inflectere.S’agenouiller. 
Vincere. Vaincre. 
Benedicere. Bénir. 
Calefactare. Chauffer. 
Amplectare. Embrasser. 
Vivere. Vivre. 
Morari. Habiter. 
Sentire. Sentir, 
Peregrinari. Voyager. 
Grana excutere. Egrener. 
Vestem detra- Deshabiller. 

here. 

Frenare. Brider. 
Acu pngere.  Broder. 
Pellere. Pousser, 
Sedare. Calmer. 
Canere. Chanter. 
Blandire. Caresser. 
Castigare. Corriger, punir. 
Celebrare. Célebrer. 
Servire. Servir. 
Secare. Scier. 
Verrere. Balayer. 
Verberare. Frapper. 
Candefacere.  Blanchir, 
Congelare. Congeler, 
Vulnerare. Blesser. 
Narrare. Conter. 
Creare. Créer. 
Dampare. Damner. 
Saltare. Danser. 
Probare. Prouver. 
Gustare. Goûter. 
Vocare. Appeler. 
Mulgere. Traire. 
Evertere. Ruiner. 
Micare, fulgere, Briller. 
Aptare. Ajuster. 
Scindere, ampu. Couper, diviser. 
tare, dividere. 
Furari. Dérober. 
Cognoscere. Connaître. 
Ponere. Mettre. 
Expectare. Attendre. 
Bibere, Boire, 


BASQUE, 


Edertu. 
Egin. 
Egoatu, egaldatu. 


Egon, egondu, egotu. 
Egorri. 

Egosi. 

Egotea, gelditcea. 


Eho. 

Ekharri. 
Eman. 
Emondatu. 
Enzun. 
Eraman. 
Eratsi, Jachi. 


Eratzatu, etzineraci, echuna- 
raci. 

Eriotu. 

Erran. 

Eraso, acopilatu. 


Erori. 

Erosi. 
Errabili. 
Erre. 
Escubilatu. 
Escatu. 
Esuidatu. 
Estali. 
Estampatu. 
Estu, Ertsia. 
Etartu. 
Elçan. 
Etorri, eldu, zeitu. 


Eyatu, lasteregin, corri, hilli. 


Flacatu. 

Freitu, frigitu, sertagitu, erra- 
gosi. 

Gainbia. 


Garbitu, jeuzi, chautu, araztu. 


Gidatu. 
Giratu. 


Goratu, irten, io, igo, gaindu. 


Gorde. 

Gorrotatu, higindu , iduki. 
Gosaldu. 

Guducatu. 


630 


ESPAGNOL, LATIN. 
Hermosear. Ornare. 
Hacer. Facere. 
Volar. Volare. 

Ser, estar. Esse, stare. 
Enviar. Mittere. 
Cocer. Coquere. 


Morar, quedarse.Manere. 


Moler. Molere. 
Traer. Ferre. 

Dar. Dare. 
Aumentar. Augmentare. 
Escuchar. Audire. 
Llevar. Abducere. 


Bajar, descen— Descendere. 
der. 


Acostarse. Cubare. 
Matar. Necare. 
Decir. Dicere. 


Atacar, invadir. Invadere. 


FRANÇAIS. 


Embellir. 

Faire. 

Voler (avec des 
ailes ). 

Être. 

Envoyer. 

Cuire. 

Demeurer, res— 
ter. 

Moudre. 

Porter. 

Donner. 

Augmenter. 

Entendre, ouir. 

Emmener. 

Descendre. 


Coucher (se). 


Tuer. 

Dire, 

Attaquer, enva— 
hir. 


Caer. Cadere. Tomber. 
Comprar. Emere. Acheter. 
Mover. Movere. Mouvoir. 
Asar. - Assare. Rôtir. 
Cepillar. Detergere. Brosser. 
Suplicar, pedir. Postulare. Demander. 
Comprender Intelligere. Comprendre. 
Ocultar, cubrir. Tegere. Couvrir. 
Imprimir. Imprimere,. Imprimer. 
Comprimir. Premere. Comprimer. 
Recibir. Recipere. Recevoir. 
Echarse. In lecto collocare. Coucher. 
Venir, arrivar. Venire. Arriver, venir. 
Correr Currere. Courrir, 
Enflaquecer.  Macere. Maigrir. 
Freir.. Frigere. Frire. 
Cambiar. Permutare. Echanger. 
Limpiar. Mundare, purgare. Nettoyer. 
Guiar, conducir.Ducere. Conduire. 
Girar. Gyrare. Tourner. 
Subir, montar. Ascendere. Monter. 
Esconder. Latere. Cacher. 
Aborrecer. Odisse. Hair. 
Almorzar. Jeniare. Déjeüner. 
Combatir, Pugnare Combattre, 


631 


BASQUE. ESPAGNOL. LATIN. FRANÇAIS, 
Gurutçatu. Cruzar. Decussare. Croiser. 
Hasi. Comenzar. Incipere. Commencer. 
Hastandu. Alejar. Separare. Eloigner. 
Hautsi. Romper Rumpere. Rompre. 
Heci. Domar, subyu= Domare. Dompter. 
gar. 
Jan. Comer. Edere. Manger. 
Jakin, iakitea, À., Hir. Saber. Scire. Savoir. 
Iceki, sutu, gartu, ecio. Arder. Ardere. Brüler. 
Icusi. Ver. Videre. Voir. 
Igeritu. Nadar. Natare. Nager. 
Iguriks. Aguardar. Expectare. Attendre. 
Ikhasi. Aprender. Discere Apprendre. 
Ikitu, aztalu. Tocar. Tangere. Toucher. 
Il, ill. Morir, matar. Mori, necare. Mourir, tuer. 
Ines , inesi. Huir. Fugere. Fuir. 
Iraun. Durar. Durare. Durer. 
Irten , ilkitu. Salir. Egredi. Sortir. 
Isuri. Derramar. Efundere. Répandre. 
Jzan. Ser, haber. Esse, habere. Etre, avoir. 
Jayo. Nacer. Nasci, cor.  Naître. 
Josi. Coser. Consuere. Coudre. 
Kea eman, Humear. Fumare. Fumer. 
Khamustu, Embotar. Obtundere. Emousser, 
Khondatu. Contar. Computare. Compter. 
Kiscaldu. Abrasar. Nimium assare. Trop rôtir. 
Lagundu. Ayudar. Adjuvare. Aider. 
Landu. Cultivar. Colere. Cultiver. 
SET, Mearreain, trabifatns | Trabajar. Laborare. Travailler. 
trabaillatu, 
n set trait, | Lanzar. Jacere. Lancer. 
egotzi, aurtiki. 
Larrutu. Desollar. Excoriare. Ecorcher. 
Lehertu. Aplastar. Obterere. Ecraser. 
Libratu, irukindatu. Salvar, librarse. Salvare, servare.Sauver, délivrer. 
Lo, luegin, loacartu. Dormir. Dormire, Dormir. 
Lotu, liatu, estecatu. Atar, ligar. Ligare. Lier. 
Lurpetu. Enterrar. Inhumere. Enterrer. 
Machacatu, ceatu. Machacar. Contundere. Broyer, fripper. 
Macurtu. Curbar. Curvare. Courber. 
Mercaritu , salerosi, arreman. Comerciar. Negotiari, Commercer. 
Minhatu. Bañarse. Lavare. Baigner. 
“EL Een | Habta r. Loqui. Parler. 
verbegin. 
Pugtu, Igrdus igitu nuler | Mover. Movere. Mouvoir. 
riztu. 
Nagustu. Crecer. Crescere. Croître. 
Nastu, naspillatu. Mezclar. Miscere. Mèler. 
Negarregin. Llorar. Flere. Pleurer. 
Ohitu, Acostumbrar.  Assuefacere.  Accoutumer. 


632 


BASQUE, ESPAGNOL. LATIN. ERANÇAIS, 
Oi, ei. Soler. Solere. Avoir coutume. 
Onhartu. Consentir. Assentire. Consentir. 
Ofñon egin. Gruñir. Grunnire. Grogner. 
Ordaindu, zorrotzicatu. Compensar, Compensare,  Compenser. 
Orhoitu. Acordarse. Meminisse. Souvenir (se). 
Orron, ibili. Vagar, ir. Vagari. Errer, aller. 
Otseratu, atzeratu, gibeleratu, Atrasar, recular. Regredi. Reculer. 
Pagatu Pagar. Solvere. Payer. 
Pensatu, uste izan. Pensar. Cogitare. Penser. 
Peritu. Perecer. Perire. Perir. 
Phicatu. Cortar. Secare. Couper. 
Phitztu. Inflamar. Accendere. Allumer. 
PES A UT | Picar, pinchar. Pungere. Piquer. 
Pisu. Pesar. Ponderare, Peser. 
Pitzatu, idiki, arracatu. Hendir. Findere. Fendre. 
Porroscatu. Destrozar, Rumpere. Dechirer. 
Saingatu. Ladrar. Latrare. Aboyer. 
Salatu , gaizgertu , acusatu. Acusar. Defertuli. Accuser. 
Saldu. Vender. Vendere. Vendre. 
Saltatu, jauci, jesapatu. Saltar, brincar. Saltare. Sauter, 
Sarbaskitu, Matar. Necare. Tuer. 
Sartu. Meter. Immitere. Mettre. 
Sartu , barratu. Entrar. Intrare, ingredi. Entrer. 
Sinhetsi. Creer. Credere. Croire. 
Sortu. Nacer. Nasci. Naître. 
Sufritu, pairatu, osartu, eram- l'Sufrir. Pati. Soufrir. 
petu. À 
Lanegin, beanegin, traballatu, Trabajar. Laborare. Travailler, 
Trochat. Envolver. Involvere. Envelopper, entou- 
rer, entorliller. 
Ukhan. Tener. Habere. Avoir. 
Urratu, etendu, arrasgatu. Rasgar. Scindere. Déchirer. 
Urrun. Descarriar. Amovere. Ecarter. 
Usmatu ,usmeatu. Oler, olfatcar. Olfacere. Flairer. 
Utsegin. Errar. Errare. Errer, faireerreur, 
Yarri, Sentarse. Sedere. S'asseoir. 
Yo. Batir, golpear. Percutere. Battre. 
Yosi. Coser. Sucre. Coudre. 
Zor, Deber. Debere. Devoir. 
Zulatu. Horadar. Perforare. Percer. 
Zulcatu , sildatu, tincatu. Fijar. Figere. Fixer 
XXVIIT. — Adverbes. 
Ancin, haraincina, lengo. Antiguamente. Antiquitus. Anciennement, 
Atz0, Ayer. Heri. Hier. 


BASQUE. 


Azpean, 

Bai. 

Barnerat. 

Batere. 

Batzutan. 

Bchinere, egundaino, seculan. 
Berant, beranki. 
Bercetan, hercetarat. 
Berech. 

Berhala, laster. 
Bertan. 


Bertce, orduz. 


Bestela. 
Bethi. 
Bethidanie. 
Bezpera ou bezperan. 
Bibar, bigar. 
Biharamuna. 
Bissian, bis. 
Biziki. 
Bizkitartean. 
Campoa. 
Camporat. 
Certaco. 
Eghiazki. 
Egun. 
Elkharrekin. 
Erdian. 

Ere. 

Etzi. 

Ez. 

Gaur. 


Gauz. 
Ghero, A.; guezo, H. 


Ghibela. 


Gogotic. 
Gorago. 
Gichi, Guti. 
Hain, bertce. 
Han, hor, 
Hantik. 


Hara ou horra. 


633 


ESPAGNOL LATIN. 
Debajo. Subter, infra. 
Si. Ita. 

Dentro. Intro, intus. 
Nulamente. Nequaquam. 
Alguna vez. 7 Aliquando. 
Nunca, jamas. Nunquam. 
Tarde. Tarde. 

En otra parte. Alibi, alio. 
A parte. Separatim. 
Luego. Modo. 


Pronto, presto 
al instante. 


En tiempos pa 
sados. 

De otro modo. 

Siempre. 

En lodus tiempos. 

Vispera. 

Mañana. 

AI dia siguiente. 

En frente. 

Con viveza. 

Por tanto. 

Fuera. 

Fuera. 

Porque. 

Yerdaderamente. 

Hoy. 

Junto. 

En medio. 

Tambien. 

Pasado mañana. 

No. 


, Celcriter. 


Esta tarde, es— Vespere. 


ta noche, 
De nocle. 


Noctu. 


Despues , en se- Post, dein. 


guida. 
Detras. 


Con gusto. 
Muy alto. 
Poco. 
Tanto. 
Aqui. 


Post. 


Libenter. 
Altior. 
Parum. 
Tantum. 
Hic. 


FRANÇAIS. 


Dessous. 

Oui. 

Dedans. 

Nullement. 

Quelquefois. 

Jamais. 

Tard. 

Ailleurs. 

A part. 

Bientôt. 

Vite, prompte— 
ment, sur le 


champ. 
- Olim. Jadis. 

Aliter. Autrement. 
Semper. Toujours. 
Semper. De tout temps. 
Dies antecedens.La veille. 
Cras. Demain 
Postera dies Le lendemain. 
In conspectu.  Vis-à-vis. 
Vivaciter. Vivement. 
Attamen. Pourtant, 
Foris. Le dehors. 
Foras. Dehors 
Quare. Pourquoi. 
Vere. Vraiment. 
Hodie. Aujourd'hui, 
Simul. Ensemble. 
Medium. Au milieu. 
Etiam. Aussi. 
Perindie. Après demain. 
Non. Non. 


Ce soir, cette 
nuit. 

De nuit. 

Après, ensuite. 


Le derrière, en 
arrière. 

Volontiers. 

Plus haut. 

Peu. 

Autant. 

La, ye 


De ahi, alli; por Illine, istine, il-De là, par À. 


ahi, alli, 
Ve aqui. 


lac, istac. 
Ecce. 


Voilà. 


BASQUE. 


Harat. 


Hebeki. 
Hemen. 
Hemen, gindi. 
Hemendie. 
Hobe. 
Holachet. 
Honkitzen. 
Huna. 

Hunat. 
Jadanic. 
Lehen. 

Maïs. 

Nahi, eta, nez, 


Neholere. 
Nihon. 
Nehorat. 
Noiz. 

Non. 2 
Non gaindi, 
Nondic. 
Norat. 
Onghi, onxa. 
Oraïa 

Orobat. 
Orotan. 
Orotarat. 


Salbu, lekhat. 
Segurki. 

Urrun, hurrun. 
Ustegabe. 

Zeren, zerentako. 
Zoin. 


Aitcinean, H. 
Aldean, urrean. 
Azpian. 
Barnean. 
Contra. 

Gabe. 


Gainen, À; gainean, H. 


Gana, ganat. 


634 
ESPAGNOL. 


Ahi, alli. 


Mejor. 

Aqui. 

Por aqui. 

De aqui. 

Mejor. 

Asi. 

Sobre. 

He aqui. 

Aca, 

Ya. 

Antes. 

A menudo. 

À pesar de, no 
obstante. 

De ningun modo. 

Ba parte ninguna. 

En ninguna parte. 

Cuando. 

Donde. 

Por donde. 

De donde. 

A donde. 

Bien. 

Ahora. 

Igualmente. 


En todas partes. 


Por todaspartes. 


Excepto, salvo 
Ciertamente. 
Lejos. 

Por ventura. 
Porque. 
Cuanto. 


LATIN. FRANÇAIS, 


Hlie, illuc, illo. Là, en cet en— 


droit. 
Melius. Mieux. 
Huec. Ici. 
Hac. Par ici, 
Hinc. D'ici. 
Meliusac melior.Meilleur, 
Sic, ila. Ainsi. 
De, super. Sur, touchant. 
Ecce. Voici. 
Huc. Ici. 
Jam. Déjà. 
Prius. Auparavant 
Sæpe. Souvent. 
Invite. Malgré, non 
obstant. 
Minime. Nullement. 
Nullibi. Nulle part. 
Nuspiam. Nulle part, 
Quando. Quand, 
Ubi. Où. 
Quà. Par où. 
Unde. D'où. 
Quù, unde. Où. 
Benè. Bien. 
Nunc. Maintenant. 
Pariter. Pareillement, 
Ubique. Partout. 


Quocunque, un- Partout. 
dique. 
Præter, salvum. Excepté, sauf. 


Certe. Assurément. 

Longe. Loin. 

Forte. Par hasard, 

Cur. Pourquoi. 

Quot, quan— Combien. 
tum, 


XXIX, — Prépositions. 


Delante. 
Proximo. 
Debajo. 
Dentro. 
Contra. 
Sin. 
Encima. 
Acia, 


Ante. Devant. 
Circiter, Près de. 
Sub. Sous, 

Intra. Dedans. 
Contra. Contre. 
Sine, absque. Sans. 
Super, supra. Sur, dessus. 
Versus. Vers, 


BASQUE. 


Gatik. 
Gibilean, H. 
Harat, horrat. 
Hartan. 
Hortara. 
Hurbil. 
Inguruna. 
Lehenago, 
Ondoan. 

Zat. 


635 


ESPAGNOL. 


Por. 

Atras. 

Aca, alla. 

En. 

Acia aqui. 
Cerca. 

Al rededor, casi 
Antes. 

Al lado de. 
Para. 


LATIN. 


Propter. 
Post. 
Eo. 

In. 
Wersus. 
Circum. 


.Circa. 


Antea. 
Prope, juxta. 
Pro. 


XXX. — Conjonctions. 


Amoreagatic. 
Arabera. 

Bada. 

Bainan. 

Bainan oraino. 
Baizik. 

Baldin, 

Beçala. 

Beraz. 
Berheala. 
Biskitartean. 
Ceren. zerentako. 
Ecen. 

Edo. 

Eta. 

Ez choïilki. 
Finean. 

Ganik. 
Ghehiago. 
Gherotik, A; Gueroztic, Har. 
Guciagatic. 
Hati, hargatic. 
Heltubada. 
Hemendic, aitcina. 
Hola, 

Mena. 
Menturaz. 
Nahiz. 

Noizeta ere. 
Nola. 

Oraino, orano. 
Ordantino. 
Ordian, orduan. 
Orobat. 


Con el fin de. 
Segun. 

Asi pues. 
Pero. 

Pero tambien. 
Sino. 

Si. 

Como. 

Pues. 

Desde luego. 
Sin enbargo. 
Porque. 
Atendido que. 
0. 

de 

No solamente. 
En fin. 

De. 
Demasiado. 
Desde. 

Toda vez. 
Mientras tanto. 
Puede ser. 
Por ultimo. 
Asi. 

Mas. 

Quizas. 
Aunque. 
Mientras. 
Como. 

Aun, todavia,. 
Hasta ahora, 
Entonces. 
Tambien. 


Ut. 
Secundumn, 
Porro. 

At, sed. 
Secd etiam. 
Si non. 

Si. 

Ut. 

Igitur. 
Primo. 
Tamen, 
Quia. 
Enim. 

Vel, aut. 
Ac,et, que. 
Non solum. 
Tandem. 
Ex. 

Plus. 
Abhine. 
Tamen. 
Tamen. 
Forsan. 

In posterum. 
Sic. 

Sed. 
Forsan. 
Quamwvis 
Cum. 

Ut. 

Adhuc, rursus. 
Hactenus, 
Tune, 
Etiam, 


FRANÇAIS. 


A cause de. 
Derrière. 

La, y. 

Dans ce ou cette. 
Vers ce ou cette. 
Près. 

Environ 

Avant, 

Auprès, près de. 
Pour, 


Afin que. 
Selon, suivant. 
Or. 

Mais. 

Mais encore. 
Sinon. 

Si. 

Comme. 
Donc. 
D'abord. 
Néanmoins. 
Parce que. 
Car. 

Ou. 

Et. 

Non seulement. 
Enfin. 

De. 

Plus, davantage. 
Depuis, lors. 
Toutefois. 
Cependant. 
Peut-être. 
Désormais. 
Ainsi. 

Mais. 
Peut-être. 
Quoique. 
Lorsque. 
Comme. 
Encore. 
Jusqu'’alors. 
Alors. 

Aussi, 


637 


PRINCIPALES RACINES ESKUARIENNES. 


7 


Afin de ne point rompre les analogies et d'éviter les 
répétitions, les mutables ont été réunies ensemble. 

Les mots précédés d'une astérisque (*) sont dérivés. 

Les mots suivis d'un c sont composés. 

Il n'y a donc de racines probables ou réelles que celles 
qui n’ont aucune indication spéciale. 

Les racines sont représentées par leur forme indéfi- 
nie, ou sans désinence déterminative. 

En général, les lettres / et r se doublent dans les dé- 
sinences : cela est indiqué par une particule séparée, 
la ou ra. 

Les principales racines affixes ont été jointes aux ra- 
cines ordinaires : elles sont distinguées en préfives et 
en sufites. 


RACINES ESCUARIENNES. 


A. A 
a Aker ra bouc. 
…. Ponte Akhaba fin, finir. 
Abal la Fronle. Acusa tu accuser, 
ant? animal, bête. rt a eapiles exercé. 
Ë agathe. 
* troupeau. Agin if. 
* Aberats riche. Id., suf. direction, commandemt. 
Abeto sapin. Agiri paraître, 
Abilid génie. Ach axe. 
Abon engrais. rocher, 
* Abril du, c, immoler. * Achurz, €. agriculture. 
Apal du souper, v. Adar ra corne, branche, 
* Apal souper, subst. Adar rhinocéros ? 


41 


Adarg 
Adrillu 

Adi 

Adio 

* Aditu a 
Ainhar 
Aiïhen 
Alisi 
Aintzir 
Aice 

Aire 

* Airge, c. 
Aizcor, c. 
Aizp 
Aiztu, c. 
Ait 

Aitz 

* Aitzur, C. 
Alab 

Alaj 
Alaraci 
Alberchigu 
Alfang 
Alper ra 
Ald a et ea 


d 
Al pare 


* Aldean 
* Alde a 
Aldi 

d 
Alçun 
Ale 
Aleger 
Alor ra,c. 
Alort, c., 
Am 
* Amar 
* Amara atu 
* Amar ra 


* Am°re 
0 
Ami 
Ampoll 
Amu 
Anai 
Anate 
Andi et handi 
Andre 


A. 


bouclier. 
brique. 
entendre, comprendre. 
adieu. 
intelligence. 
hirondelle, 
vigne. 

levure, ferment. 
lac. 

vent. 

air. 

ténèbres. 
hache. 

sœur de sœur. 
couteau. 

père. 

rocher, pierre. 
bêcher. 

fille. 

meuble. 
paître. 
abricot. 
sabre. 
paresseux 
côté. 


autel. 


auprès. 
région. 
plainte. 


puissant. 


grain, céréales, 
réjouissant. 

champ, sol cultivé. 
fruit. 

mère. 

dix. 

amarrer, lier. 

cancre, homard ou crabe. 


amour. 


faim. 

ampoule. 
hameçon. 

fils. 

canard, tz. 
grand. 

dame, demoisAle 


* Animal ia 
Anodun 


Antzar ra 

Ano 

Ao 

Aub 

Aaotz ja, €. 

Ar 

Aran 

Arau 

Arbol 

Arc 

Ard ia 

Aro, c. 
n 

Are a 

Arech 

Argi 

Ari 

* Ari et hari 

Aricat 

*Arlach, e. 

Arm 

Arina 

Arilz 

Armina 

Arp 

Ar ra 

Arra, Su. 

Arrano 

Arrac 

Arrai 

Arrats 

Arratz 

Arrau 


Arraultz 
Arraun 
Arre 
Arreb 
Arri 
Arri tu 


A 
anguille. 


âme. 


animal. 
alun. 


ancien, vieux. 


industrie. 

oie. 

ombre. 
bouche. 
bouche. 

bec. 

herse ( agric. ) 
prune, 

droit (législ. ) 
arbre. 

arche, coffre. 
puce. 


vin, 


sable, herse. 

arbre, chêne. 

lumière. 

bélier. 

Fil. 

fatigué. 

vinaigre. 

arme. 

léger, rapide. 

chêne. 

hermine. 

harpe. 

ver. 

mâle. 

aigle. 

race, 

poisson. 

nuit. 

tambour . 

commun, vulgai e, or 
dinaire, 

œuf. 

rame. 

brun. 

sœur de frère. 

pierre. 

ensorceler. 


639 


A. 


mercure. 

charpentier. 

sucré. 

ortie. 

jambe, jarret. 

semaine, commencement. 
âne. 

pesant, lourd, 

coutume 


canard. 


rue. 

porte. 

sortir. 

traverser. 

chemise. 

doigt. 

respiration, 

dernier. 

récolter. 

hier. 

insipide. 

angle. 

enfance ( premier âge). 

trouver. 

lancer. 

soufet (instrument ). 

poudre, pulvériser, di- 
viser, cendre. 

rompre, briser, fracture. 


HE INSB; le 


A. 
Arro rare, Azoge, €. 
Arroz riz. Azotz, C. 
Arroy robe. MS 
Arte espace. Asun 
chène-vert. Aste 
lac, piége. Astun 
Arteri artère. Asto 
Arto mais. Astur 
Artu prendre. a 
At 
Artz ours. e 
AZ chou. Atari 
Azal ongle. Athe 
Azaz (u nettoyer. * Athera 
Asbid, €., larynx. Atrabes atu,c. 
Aspad icoa ancien. Alor ra 
Azpi dessous. Atz 
Asc écuelle. Ats 
Azcar ra fort. Atzen. 
Azeri renard. Atzi tu 
Aci s’accoutumer. Atzo 
Aci et haci semence, graine, sperme. Aul 
.n, et ha- ’ Aurc 
*Acie d ET ferme (agric. ) Her 
* Azkin dernier. Aurki 
Aski assez. Aurtiki 
* Ask! tacoa, c. commun, ordinaire. cu 
0 Auts 
Asl auteur. 
A quase respiration. Le 
H, F, V, B, P. 
Bab fève. Hainitz 
Habe colonne. Bair 
Habro destin, sort. Pairatu 
Bahol cribler. Faisan 
Bakid commun, adj.; géné- Balbe 
ral, adj. Balen 
* Bakite union. Balio 
* Bacun simple, adj.; innocent, * Balioz 
adj. F # 
Bag vague, subst. po 
É M palt ( p) 
pég0 (bp) hêtre. Fam 
Bai oui, part. afirmative, Bander 


beaucoup. 
fraude. 
soufrir, 
faisan. 
mort. 
baleine, 
valeur, prix. 
valide. 


faux, adj. 


faute. 


renommée. 
enseigne, drapeau, banderolle 


640 


H;F, Vs, EP: 


Banerne 
Hanitz 
Vano 

Bao 

Bara tu 
Har ( V.are). 
* Baratz 

* Barbille. 
Pare 

Bare 

* Harritz 
Harminc 
Barn 

* Barnatu 
Harp 

B 

tr ra 
Barratu 
Harrapatu, c. 
Barric 
Has 

Bas 

Basa, préf. 
Bazc 

* Bazcal 
Baci 

Baso 
Hastan 
Bat 

* Bato 

* Batu 


* Bateron 
* Batz ea 
Faü 
Faun 
Hauts 
Bean 
Bear 
Bearri 
Beartu 
Hebeki 
Behinere 
Becaiz coa 
Bochau 
Begi 
Fede 
 Bederatzi 


production. 
plusieurs, beaucoup. 
vain, faux, 

vapeur. 

arrêter. 

vallée. 

jardin. 

contraction (cemposé ). 
égal. 

rate. 

chène. 

vermillon. 

dans, dedans. 
pénétrer. 

barpe. 


rire (le). 


arrêter, 
attraper. 
barrique, tonneau. 
commencer. 
sauvage. 
id. 
nourriture. 
dîner. 
bassin. 
forêt. 
éloigner. 
un, 
bateau. 
réunir, rassembler, ré- 
colter. 
royaume. 
aggrégation. 
stérile. 
faux. 
poudre. 
bas, en bas, inférieur. 
travail. 
oreille. 
pauvre. 
mieux. 
jamais. 
envie. 
voyelle. 
œil. 
foi. 
neuf, 


H; FSANS BE 


Hei 

Beir 
Belan 
Belar ra 


Bele 

Peieatu 
Belcharg 

Pel la 
Beloski 

Beltz 

Hen 

Veneno 
Venganz 
Benzu 

Pen 

Ber 

Herchi, Lab. 
Berdin 
Bereci 

Berne 

Bero 

Verb, en comp. 
Berri 

Bertce 


V srtut ea 


Berun. 
Bilutz 
Hez 
Besag 
* Bezatu 
Bezo 
Bezo 
Bezperan 
Betar ra 
Bete 
Betle 
Petre 
Bi 
Bi ler 

Cs 
Bihi a 
* Bihi 
Phicatu 
Pie 
* Picatu 
Picuzoroa, ce. 


fumier. 

verre. 

genou. 

herbe. 

front. 

corbeau. 
combattre. 
cygne. 

boule, pelotte. 
rapide, vite, 
noir. 

haine. 

poison. 
vengeance. 
vaincre. 
rocher, pierre. 
mème, vrai (aflirmrtif). 
étroit. 

égal, pareil, semblable. 
diviser, 

jambe. 

chaleur. 
parole, 
nouveau. 

jadis, autrefois. 


vertu. 


plomb. 

vil, 

dompter. 

raies (rayons de roue ). 
s’accoutumer. 

coutume, usage. 

bras. 

veille. 

racine. 

plein. 

bas. 

alliage d'étain et de plomb 
deux. 


demain, 


grain, céréales, vivres. 
égrener, 

couper. 

pic, pique. 

piquer. 

sycomore, 


Bide 
Fiel 
Hien 
Higin 
Hil 
Pi la 
* Bildu 


* Biltze. 
Biluz 
Fin 
Pin® 

u 
Biol 
Pipi 
Biri 
Hiru 
Virgin 
Piroch 
* Piz 
Pis,a,atu 


Bizar ra 
Bici 


Fild 
Bisig 
Piztia 
Pitos 
* Pitz 


* Pitz atu 
Hitz 

Biurs, ec. 
Plaz 

Flac atu 
Plam 
Plate 
Plegu 
Pobre 


Hoben 
8 


Bol 

* Boill 

* Bollesi 
Polit 


641 


HSE, NS BP: HSE, BHPI 
voie, chemin. * Bolu moulin, 
fidèle, Porzel vierge. 
hyène. Hope queue. 
Hair. Borch contraindre, 
mort, mourir, tuer Porrose atu briser. 

(V. 11.) Portitz - fort. 
réunion, assemblage, pi-B  . fe 
le, monceau, chercher. P° à Joie 
réunir, rassembler, com- Bozo Voix. 
piler. Pozoi poison. 
aggrégation. Bost cinq. 
déshabiller. Bot outre. 
fin, enfin. Botatu lancer, 
pin * Potz paresseux. 
i * Potzo chien. 
violette. Brid a,atu. bride, brider. 
grain, céréales. Bringi empire. 
poumon. Frintz peau. 
trois. Rrokel bouclier. 
vierge. Progatu prouver. 
belette. Bronce bronze. 
fissile. Brum brouillard. 
poids, pesant, lourd, Frunt prompt. 
peser. Frut fruit. 
barbe. Bucoc hirondelle. 
habiter, vivre, vie, vif, Fuerte fort. 
prompt. Pud. serpe. 
red P Use particule. 
vessie. i 
martre ou fouine. Bular ra poitrine. 
martre ou fouine. Rulzatu pousser, 
atome, particule, par- Humeki puanteur. 
celle. Punta pointe. 
fendre, diviser. Funtz racine. 
parole. Puñ poignard, 
vers ( poésie). Hur doigt. 
place. Hurbil près. 
affaiblir. Burdin fer. 
feuille de papier. Burni fer. 
plat, écuelle. à 
coutume, usage. as Denxes 
pauvre. Buru tête, chef, esprit (faculté) 
, Puse partie, pièce, morceau. 
crime. 

Buzoc vautour. 
boule, sphère. Bustan queue. 
cercle. * Busteg gouyernail, 
cercle, boule. Busti humidité. 


beau, joli, Butro 


nasse, filet. 


642 


Cidür,(K,1G! C dur, K, G. 

Gabe sans ( privatif). C 
Cabilde asie Er gs 
Caco, gaco, mao croc, crochet. Garratz âpre, rude. 
Gaco clé. Garrena suff. employé pour for— 
Cacui four. mer les nombres ordi- 
Cadir siége. maux. 
Caya matière, argent, instru- Carric rue. 

ment, organe, pro- Garrondo cou. 

ducteur. Gartu brûler. 
* Gain dessus. Gastañ châtaigner. 
* Gaindu monter, s'élever. Gaztelu castel. château fort. 
Gaint fraude. Castigatu corriger. 
Gay babile. Gastu fromage. 
Gay (tasuna), c. génie. Gatezc combat. 
Gaitz citadelle, château fort Catillu écuelle. 
Gaitzo méchant. 
Calamu chanvre, E "2 ne 
Cale rue. Gatz sel. 
Calern tonnerre. Gaïi, gaui nuit. 
Galant beau. Caus cause. 
Caliz a chaux. Gauz chose. 
Gao" perte Es coffre, caisse. 
Galtz ac bas ( vêtement ). 6° a DENT: 
Gambi change, échange. Gec flèche, trait. 
Gamb uste, c. teinture. Gel glace. 
Gamel chameau. Geldi lent. 
Camiño chemin. Geritu guérir. 
Camutz angle obtus. Ce b 
* Khamus émousser. ‘ai ME 
Ganado troupeau. Gerli pus. 
Canbar chanvre. Gero après. 
Cango pied Ger ra guerre. 
Canibet couteau. * Gerric oa ceinture. 
Canoy tube, canal, canon. e 8e 
Cant a etatu chant, chanter. B 0! Tee 
Gantz graisse. Gibel foie. 
Ganuts profanation. Gibil ean derrière. 
Capu tête. Gidatu conduire , guider. 
Gar tige. Giltz clé. 
Gar grain, céréales Kinde , c. connaissance, science, 
Caudair, c. histoire. K. ; 
Caratz cuisine. g'pul Le 
* Garbi clair, pur. Giratu tourner. 
* Garbi tu nettoyer. Kirikiu hérisson. 
Karg charge. Giz cohorte, bataillon, parti. 
Caria, taria su”. de l'adjectif actif. Gis mode, manière. 
Carobi four à chaux. Giso gypse. 


Carp carpe. Gizon homme. 


Kit 
Cler 
Cleru 
Goa 


Coki 

Cocotz 
Gogor ra 
Coy 

Goi a et coa 
Coipe 

Goiïz 

Gold 

Colore 

Colp a et atu 
Khondatu 
Coneju 
Contz 

Gor a et atu 
Goraiñ, c. 
Corians 
Cord 

Corde 

Gorde 
Khoro 
Goroldio 
Grostia 
Gorputz 


Talde 
Tallu 
Damu 
Danz a et atu 
Dardu 
Taria 
Tarra 


Tassuna 


Datil 
Taz 
Tcea 


Debecatu 
Tegi 
Deit 


643 


ACER 
quitte, libéré, :bre.  Gorrob 
craie. ; É ordi t 
clair, évident. Z 


suf. indiquant l’abstrac- Cor ra 
tion; té etion, fran- Gor ra 


çais. Gorri 
deusité. Gosal 
mouton. Gosartu, c. 
solide, âpre, rude. Cozc 
chaise. Gose 
haut, élevé, hauteur.  Gozo 
graisse. Cot 
matin. Cotilon , c. 
charrue. Croc 
couleur. Crocatu 
blessure, blesser. Gudari 
compter. * Gud ua et atu 
lapin. Cucu 
gond. Cucus 
baut, monter, s'élever. Cuch 
nerf (anat. ) Cuña 
encre, teinture. Cupritz 
corde. Curatu 
sentiment. Gurdi 
cacher. Currie 
couronne, Gurutz 
mousse. Guzia 
houx. tia 
corps, Guti 
DE 
agrégation, assemblage.  Deitz. 
statue. Dembor 
peine. Tempizt 
danse, danser. Templo 
dard, flèche. Tenaz 


su”. de l’adj. actif. Di 
suf. naturel; (subst. }, Dian 
habitant. Dierri 


suffi. pour former les Dinde et dorde 
Tint a et ura 


noms abstraits, 


datte. Tipi 
fasse. Diru 
suf, pour former l’infi— * Dirut 
nitif des verbes. Tiru 
défendre. Distiatu 


abri, toit, case, local. D 
appeler. 4Ù 


C dur, K,,G. 


vesce. 
fumier. 


graisse. 

sourd. 

rouge. 

déjeüner. 
intelligence. 
limite, borne, crâne, 
faim. 

doux. 

cotte ( de maille ). 
jupon. 

brosse. 

bossu. 

guerrier, combattant. 
guerre, combattre. 
coucou. 

puce. 

coffre, huche. 
coin. 

verdet. 

guérir. 

char. 

tenaille. 

Croix. 


tout. 


peu. 


DT 


traire. 

temps. 

histoire. 

temple. 

tenaille. 

agrégation, assemblage. 
armée, 

nation, 

proportion. 

encre et teinture. 
minime, très-petit. 
monnaie. 

riche. 

tir (le). 

briller, luire. 


mamelle. 


644 


D; DRE 
Doitu ajuster. Trist triste. 
Toki lieu, point, endroit.  Trochatu emmailloter. 
Done saint, sacré. Tu, atu, itu  suf. servant à former le 
Trabaiu travail. participe passé des 
Traket. poignard, verhes. Ex.: ur, eau; 
Trencatu couper. urtu, liquéfié. 
Trieu hérisson. Dup coupe (subst. ). 
* Trincatu fixer. Turmoy tonnerre. 
Trinco dense. Tut corne, cornet (musique). 
Trip ac intestin. Tzarra su”. grand. 
E. E 
be Emendatu augmenter, 
E ul us a Emocatu crépir. 
Ebats dérober. Enad hirondelle. 
Eho moudre. Engan fraude. 
Ehun cent. Entregu apte, habile. 
Econz image. Entzun écouter. 
Ecce ardent. Eo tisser. 
Ecue maison. Eper ra perdrix. 
Ega… aîle. Epor ra chaux. 
* Egatz plume. Ere temps. 
* Egazti oiseau. Id. mode, manière. 
Egaitz fièvre. Eraman emmener. 
Egi vérité. Eratzi descendre. 
Egin faire. Erbol faible. 
Egon être et resté. Erbi lièvre. 
Egor envoyer. Erdi demi ,semi, moitié. 
Egosi cuire. * Erdoy vert-de-gris. 
Egotzi lancer. Erein semer. 
Egun jour, aujourd’hui. Eremu et ermu solitude. 
Ekhar porter. Erhi doigt. 
Eki soleil. Eri maladie 
Edan boire. Erial champ inculte. 
Edas parler. Eripe condamnation. 
Eden poison. Erle abeille. 
Edonci tasse. Erotu déraisonner. 
Eisar labourer. Erodus point. 
El atome, poussière. Eror tomber. 
Elay hirondelle, Eros acheter. 
e Erran dire. 
El i mr Errapi mamelle. 
Elcor ra sécheresse. Errabi rage. 
Elhe fable, conte. Erramu laurier. 
Elize église. Erratoy rat. 
Eman donner. Erre brüler. 
Eman date. Errec ruisseau. 


Emea sut, femelle. Errege roi. 


Erren 
Erresiñol, c. 
Errio 

Erro 

Erroy 

Erroy 

Ersi 

Ertzi 
Esagaro, c. 
Esca 

* Eskale 

* Escatu 
Escas 

Ece 

Ecio 

Eskin 

Escu 

Ezeur ra, €. 


Escuar, c. 
Esne 

Espi 

Escol 
Escrit 


E. 


boîteux. 

rossignol. 

rivière. 

racine. 

âpre, rude. 
corbeau. 

étroit, comprimer. 
semer. 

histoire. 

nourriture, aliment. 
mendiant. 
demander, mendier, 
court. 

humidité. 

brüler. 

angle. 

main. 


chène à gland comes- 


tible. 
langue basque. 
lait. 
espion. 
école. 
écrit. 


Escualdunac, c. basque. 


1,Y, 3, G doux. 


Jabari 
Jaboc 
Jakin, c. 


Jakiñ 
Jachi 
Jayo 
Yan 
lar 
Jauci 
Jaun 
Yauts 
Ibay 


I lr ra 
p 
Ibilli 
Ica 
Icasol 
El 
Ik et? 
Icabe 


empire. 
savon. 
savoir , 
science. 
clair, évident, 
descenüre. 
naître. 
manger. 
s'asseoir. 
sauter. 
seigneur, 
descendre, 
rivière. 


vent du nord. 


mouvement. 
un (dans onze). 
école. 


charbon. 


atome. 


connaissance , 


645 


Estali 
Estañiu 
Este 
Esteij 
Estrate 
Estu 
Ezagut 
Ezar 


Ezcor ra, €. 


Ezpat ,c. 
Ezpel 
Ezten 
Ezter 
Erti 
Ezur 
Etartu 
Ethor 
Etorki 
Etzan 
Eule 
Euli 
Eusle 
Eki 


E. 


couvrir. 
étain. 
intestin. 

05. 

rue. 

serrer, comprimer. 
connaître. 
mettre. 
chandelle, 
épée. 

buis, 

stilet, pointe. 
pierre à repasser. 
miel, doux. 
os, squelette. 
recevoir. 
venir, 

race. 

coucher. 
tisserand, 
mouche. 
fourchette. 
après-demain. 


1, Y, JS Gidoux. 


Ikesu 
Ikhas 
Ikhus 

* Icus 

* Jeusi 
Ikuz 

4 eheden 
leuzi 

Idi 

ldor 

ldun 

* Idundea 
Jeitu 
Gende 

* Igel 

* Igeri 
Igin 


âpre, rude. 
apprendre. 
voir. 

clair, évidunt, 
pureté. 
allumer. 


attendre, demeurer. 


nettoyer. 
bœuf. 
sécheresse. 
cou. 

collier. 
arriver. 
race. 
grenouille, 
nager. 
mouvement. 


* Igitayetitay faulx (instrument ). 
* Igilu el igindu mouvoir. 


Igo 


monter. 


1, YY: 1, Ya. 
Igoal égal. Iri ville. 
Iguriki attendre. * Jriteturio population. 

g, : Irri rire. 
| n°" ne Irten monter. 
Ihi jonc. Irudi apparence, image. 
Ihiz animal, gibier. Irur vallée. 
lyelso gypse. Izay sangsue. 
Il la mort, mourir, tuer.  Izan être ( subst. et verbe). 
li, ill lune, mois. Jzair et izate nature. 
Ile et ule laine, poil, cheveu. Izar ra, c.  astre, étoile. 
ki sortir. Jzeribatu, c. écrire. 
Illob neveu. Iceki ardeur, brûler. 
Illun obscur. Icen nom. 
Iman aimant. Icerdi sueur. 
Ingude, ce. enclume. Icet uature. 
Ingurun environ. {silgo silence. 
Intz rosée. Isitz hiéroglyphe. 
lo monter. Ist flèche, trait. 
Yo battre. Jzi, izu terreur. 
Yoan aller. * Izotz glace. 
lomen renommée. Ispiritu esprit (faculté). 
Yos coudre. Jsuri verser. 
Ir temps (dans les com— Itzu aveugle, 
posés ). Itzal ombre. 

Ir, iruñ et irut filer. Itsatso, ichase mer. 
Ir a, ea poison, Itan faute. 
Iraci passer, filtrer. Itzucietitchusi laid. 
Iraitzi * lancer. Itare ellipse. 
Iraun durée. Itu fumier. 


Irin et iriñ farine. 


LR: LR: 
Labañ Lubrique. Lapur ra, voleur. 
Labur ra bref, court. lors pré. 
Labe four. Laran et naran orange. 
Lakio lac, filet. Larri grand. 
Lagun aider. Larru et narru peau, cuir. 
Lampar lampe. * Larru écorcher. 
Lan travail. Lazo lac, filet. 
Laño brouillard. Last paille. 
Land étranger, barbare. Laster ra rapide, prompt, bientôt, 
Land lande. vif. 
Landatu planter. Latigo fouet. 
Landu cultiver. Lau quatre. 
Langi lent. Laub pleine. 
Lanz . lance. Lec bourgeon floral. 
Lap coquille, marine. Lecu lieu, endroit. 


Lapiz houille, ampélite. Leenhago avant. 


Legami 
Legar ra 
Legen 
Legosi 
Legu 
Leher 
Leher 
Leiz 
Lehoy 
Lel et lol. 
Lein 

Len 

Leor ra 
Leorpe 

* Lepande 


Maistre 
Maiza 
Mallu 
Malso 
Mañ 
Mar 

* Marg 
Margo 
Marmol 
Marrasc 
Masti et mats 
* Mats 
Me 


* Meatzeco 
Megope. 
Meh 


LR: 


levure, ferment. 
sable. 

lichen, herpes. 
chyle. 

loi. 

écraser. 
crever. 

abime. 

lion. 

fade, insipide. 
gouvernail. 
premier. 
sécheresse, 
hangar. 

collier. 

cou 

rayon. 

ligne ( géom.). 
glace. 

fenêtre. 
sommeil. 

fleur. 


M. 


putréfer. 

courber. 

boîteux. 

crochet. 

table. 

baigner. 

aimer. 

maître. 

mais, 

marteau. 

lent. 

industrie, 

limite. 

lettre, caractère. 

droit, adj. 

marbre. 

cri. 

vigne. 

vin. 

clair, fluide, vapeur, 
esprit. 

quartz. 

esprit (faculté). 

étroit 


647 


Loro 
Liatu, loatu 
Lotz 
Liac 
Libr 
Liburu 
Libratu 
Licale 
Lili, lirio 
Lim 
Lir 
Limuri 
Lizun 
Lodiki 
Lotos 
Lotu 
Lucurru 
Lumer 
Lupu 
Lur ra 
Luze 
Lutz 


Mempe 
Mendec 
Mendi 
Mepon 
Metol 

Mi et mihi 
* Miatz 
Mierle 
Mini 

* Mintz 
Mir 
Mirabe 
Mirail la 
Moco 
Melso 
Mor 
Morroe 
Mote 
Mot et muet 
Mu 
Macuru 
Mug 
Mugid 


LR: 


perroquet. 

lier. 

âpre, rude. 

lie, dépôt, sédiment. 
balance. 

livre. 

sauver, délivrer, 
gomme. 

lys. 

lime. 

lyre. 

lubrique. 

moisissure. 

densité (des fluides . 
vers ( poésie ). 

lier. attacher. 

usure. 

graisse. 

scorpion 

terre. 

ample, étendu, long. 
flèche, trait. 


M. 


esclave, empire. 
vengeance. 
montagne. 

serf. 

colonne. 

langue (organe). 
langae ( idiome ). 
martre ou fouine. 
maladie, souffrance. 
parole. 

merveille, miracle. 
domestique, subst. 
miroir, 

bec. 


agrégation, assemblage. 


intestin. 
domestique. 
bourgeon. 

genre, espèce. 
mugissement. 
fertilité, abondance. 
limite, borne. 
mouvement. 


Muna et munen moelle, cervelle. 


648 


M M. 
Muno ac dune. Mutadi hiéroglsphe. 
Mund monde. Mutur bec. 
Murru mur, rempart. Muthyl domestique. 4n eunuque ? 
Murn fertilité, abondance.  Muzorro masque. 

N N 

Nabar ra coutre, fer de charrue. Navo fertilité, abondance. 
Nabar ra bigarré, rayé. Necos cyprès. 
Nabar ra vallée, plaine. Nek manque, privation, né- 
Nagustu croître. gation, disette. 
Nahal couteau. Negu hiver. 
Narme et larme peau. Nese domestique. 
Nas. mélange. Neüe fils. 
* Nastu mêler. Neurt mesure, dimension. 
Nauder ra faisan. Ninie bourgeon. 
Nav plaine. No vin, 

0. O. 
Obi sépulture, tombe. Ondamu envie. 
Obr ac œuvre (littéraire ). Ondar dune. 
* Obra tu opérer. Ondar ra. sable. 
Ocaya blé, froment. Ondo tronc d’arbre. 
Oce clair, brillant. Ondolau abîme. 
Ocia tige. Ongi bien. 
Odei et odoy nuage, Onbhar consentir. 
Odol sang. Oiû et of pied. 
Ohi s’accoutumer. * Ofiace peine. 
Ohoin voleur. Ofestu éclair. 
Ogoi et oguei vingt. Onx bien. 
* Ogoi etogui pain. Opo gond. 
Ogii blé, froment. Or chien. 
Oi et ei s’accoutumer. Orai maintenant. 
Oicunetoïtun coutume, usage. Oranz levure, ferment. 
Oillo coq. Ordaki champ, sol cultivé. 
Oju ci. Orduz jadis, autrefois. 
OI forge, fonderie. Oreñ cerf. 
Olio huile. Org char. 
*Oliv aetoa olive. * Org ac brouette. 
Olo avoine. Orhoit se souvenir. 
On bon. Ori pâle. 
Ondape et ondo base, pied. Orkbatz (Archu) cerf‘. 


‘ Ce nom, donné au cerf per M. Archu, me paraît devoir être celui du lynx, 
que l’on nomme loup-cervier. et qui devrait plutôt être nommé chat-cervier, 
parce que c'est un véritable chat; d’où oReN, cerf, et «mat, chat, et orkhatz. 
Alors ce mot ne serait pas une racine, 


649 


0. 


dent. 
sauterelle. 
son, bruit. 
loup. 

froid. 
agréable. 

lit. 

drap (de lit). 
forêt. 
vinaigre. 


C siflant, S, Z. 


0. 
Orm glace, Ortz 
Orri feuille. Othi 
Orron errer, vaguer. Ots 
Os nuage. Otso 
Osab ongle ou oncle. Oz 
Osartu souffrir, Otzan 
Osin ou osiñ  ortie. Oy et oe 
Ostadi champ inculte. Oyal, ce. 
Ostu feuille. Oyan 
Ostallu sculpture. Ozpiñ 
Ostr huitre. 

C sifflant, S, Z. 

Zabal étendu, ample, large, Zar ra 
Zabar ra lent. Zaro 
Sabel ventre, Sartu 
Zabil aloës, Sasitu 
Sable sable. Saski 
Sabre sabre. Zaspi 
Sabu etsagu souris. Zati 
Sagar ra pomme, Ce 
* Sagarroi hérisson, Ceatu 
Saco sac, outre. Cebar, cebo 
Zad cohorte, bataillon, parti. Sebo et cibo 
Zay gardien. Cebre 
Say vautour. Sed 
Saye autruche. Seg 
Sayet flèche, trait. Cekele 
Zain ou zaifi veine. Sei 
Saing aboyer. Zeli 
* Zaintule tendon. Cembate 
Saiñ graisse. Seme 
Salariet solatari espion. Sen et señ 
Salaiu accuser. Send a et atu 
Salbu sauf, 
Sald bouillon. * Sendar ra 
Saldu vendre. Centro 
Sallatu sauter. Zenzu 
* Salpen vente. 
Zaldi cheval. Celay 
Zanco cri. Cerale 
Zanco jambe, pied. Cero 
Sangri saignée. Sey 
Zapat.… cordonnier, Cerbakitu 
Zapo crapaud. Serbitu 
Sarcoy. forêt, Cer ra 
Sarde fourche; Ceru 
Sarce bras. Cecen 


vieux, ancien, 

nuit. 

entrer, introdnire. 

fumer { la terre ). 

corbeille. 

sept. 

partie, pièce, morceau. 

pr. sans in, part, nêg. 

broyer, 

appât. 

suif. 

cuivre. 

soie. 

continuer, suivre. 

seigle. 

six. 

ciel. 

nombre. 

fils. 

signe. 

force, santé, vigneur, 
guérir. 

solide. 

centre. 

entendement, sens ( fa— 
culté ). 

plaine. 

matière. 

zéro. 

domestique. 

soustraire. 

serviteur. 

scie. 

ciel. 

taureau, 


C siflant, S, Z. 


Cecen 
Cesu 

Ci 

Zi 
Ciazalde 
Sicu 
Cikurio 
Cidr 
Ciy 

Cil 

Sil la 
Cillar ra 
Sildatu 
Ciluz 
Cime! 
Cimitz 
Sinexte 
* Sinhetsi 
Cinuz 
Cirau 
Ciri 
Ciricu 
Ciraid 
Cizarcor 
Cicel 
Sudur ra 
Ciurs 
Ciutz 
Sobald 
Soc 
Soin et soif 
Soildar 


Uherriz 
Ukhan 
Unchart, c. 
Unchi 
Untziet ontzi 
Ura 

Urdal la 
Urde 


taureau. 
calme. 
pointe. 
gland. 
description. 
sec. 

seigle. 
citron. 
coin (instrument ). 
ombilic. 
siége, selle. 
argent, 
fixer, 
rayon. 
souple. 
anneau. 
foi. 

croire. 
ligne. 
vipère, 
coin. 

soie. 

étain. 
grêle. 
ciseau. 
nez. 
euphorbe. 
apte, habile. 
épaule. 
corde. 
épaule. 
vide. 


U. 


ceinture. 
coude. 

été. 

furet. 
fertilité. 
mamelle. 
mouvement. 
avoir. 

furet. 

lapin. 
navire, Vaisseau, vase. 
eau. 
estomac. 
porc. 


650 


CG sifilant, S, Z. 


Soil la 
Sol et sor 
Soñee 
Zor 

Sor 
Soriba 
Zorn 

Zor et zur ra 
Zorri 
Zorten 
Sortiz 
Zortzi 


stérile. 
terrain, sol. 
vêtement. 
devoir. 

sort. 

oiseau. 

pus. 

renard. 

pou. 

tige. 

destin, sort, nature, 
huit. 


Sasagu et sosegu calme. 


Su et sutu feu, brüler. 
Zuhain et su— 
haïitz, c. arbre. 
Subatz végétal. 
Sufritu souffrir. 
Sufre soufre. 
Sugarast et subii serpent, 
Zulatu percer. 
Zulcatu. fixer. 
Zumar ra orme. 
Supit bile. 
Zur bois ( matière ). 
Zurd ligne (à pêcher ). 
Zuri blanc. 
Sur ra nez. 
Zucen droit, adj. 
Sustray racine. 
Zut droit, roide, tendu. 
U. 
Urgun boîteux. 
*Urieteuri pluie. 
Urratu déchirer. 
Ur ra noisette. 
Urre or, 
Urrean près de, environ. 
Urrost buis. 
Urrun éloigner, écarter, loin. 
Urt orient. 
Urie année. 
Urten et irten sortir. 
* Urta liquéfier, fondre.( d’ur, 
eau ). 
Usaldi faute, 


651 


(af U. 
Usay et usañ odeur. Ustu et utsitu évacuer. 
* Usma et usna olfaction. Usu usé. 
Ucitu diviser. Usur usure. 
* Uzco division. Uts faux. 
Uso et usu pigeon. Utz joug ( des bœufs ). 
Uzt moisson. Utzeki queue. 
Uztai anneau. * Utsune vide. 
Uste espérance. 
X et Ch. Xet Ch. 
Chaboy et sal- Chilist et dilist lentille. 
boin. savon. Chimic punaise, 
Chahu balayer. Chimist éclair. 
Chacur etzaenr ra chien. Chimu singe. 
Changurru cancre (crustacé marin). Chirol et churol flûte, galoubet. 
Chaol hutte. Chit préf. diminutif, petit. 
Chaü a et atu clair, pur, pureté et net- Chito et chitez petit. 
toyer. Chirlac moule ( mollusque ). 
Cheatu frapper. Chitori jaune. 
Cheitu lisser. Choc lit. 
Cherri porc. Chocoet zoco angle rentrant, coin. 


Chilbar ombilic, nombril Chume petit. 


hit 


ph 


ie 


dr ) 
FLE, 


p 


3 tabl 


7 
— LA 
143 
° U ” 
IST 
À r_ vero 
| Æ | 


Le 


AA 


ee 


L 
| 
| 
hé 


in 


l'- 
AE 


DÉRIVÉS ANALOGIQUES 


Aoa, aba, aboa, auba 


Aboyer 
Abogado 
Boû 

Boo 

Boû 


Boaô 

Boys 

Bos 

Bu 

Boatus 
Bootes 
Ohen, ouhen 
Vox 

Voice 

Votum 
Voüez, Boüeh 


An 

Anima, ar:ma 
Anas, anilas 
Anémos 
Animus 
Auima 
Animus 
Animal 
Animalis 
Animo 


Argia 


OU PARASYNONYMES. 


0 Ê | a 
LI PT \ 0 
basque). Bouche. 


français). Aboyer. 
espagnol). Avocat, 


( 
( 
ec 
r 
(tin) (Beugler. 
(grec) Bruit, mugissement, retentir 
gronder. 
(grec). Crier. 
(grec). 
(latin). Bœuf, 
(brezon 
(latin ). Beuglement. 
latin). Bouvier. 
reron) Bœuf. 
atin : 
ps fVoix. 
(latin). Vœu. 
(brezon). Voix. 
elm 


(sanscrit). Mouvoir, vivre. 
(basque). Ame. 


Fuel Souffle , haleine, 
grec),  |y 
(Tatin). Vent. 
(latin). Souffle, esprit, Âme, vie. 
(latin }. Esprit, courage, cœur, fig. 
(lat., basq., fr.) Animal. 
(latin). D'air respirable , d'animal 
(latin). Animer, vivifier. 

Arg. 
(basque). Lumière, clair, subst. 


42 


654 


Argitu PR Briller. | 

Arcos grec). Blanc, brillant. 

Areyros grec). 

daim WBtinl fargent. 

Argus (latin). L'oiseau aux cent yeux, paon. 

Arguo (latin). Démontrer, prouver (éclairer 
l'esprit . 

Argutus (latin). Ingénieux, fin, subtil; lumi- 
neux , fig. 


Argumentum (argui-mentis : lumière de l'esprit ou preuve de 
l'esprit), argument. 
Et les mots français : argent, arguer, argument , arguties. 


B 

4 

OMS er: 

F 

H 
Bero et beru (basque). 
Oermos (grec). Chaleur. 
Wärme (allemand). 
Heres. (hébreu). Soleil. 
Herer (hébreu). Sèche, brûle. 
Bhar (sanscrit). Chauffer, brûler. 
Ver (latin). Printemps. 
Oéros (grec). Été. 
Barazal (hébreu). Fer. 
Ferrum et fer (lat.etfr.) Fer. 
Hermès (copthe, lat. Créateur de lalchimie qui 

grec, fr.) opère par la chaleur. 
Bero, berff, berr, verr (brezon). 
(Boul. 

Ferveo (latin). 
Fermentum (latin). sn déterminant une ébul- 
Ferment (français). lition. 
Ferveur (français). Passion ardente. 
Verve (français) Activité chaleureuse. 
Bermea ‘ (basque). Flamme. 
Vermeil et vermillon * (français). Couleur de flamme. 


* BerMea est un. mot composé venant de BER, chaleur, et de mea, esprit, 
fluide : fluide brûlant, 

? Le vermillon se nomme vermylhoun et flammaish, en langue brezonne. Ces 
deux mots rappellent l’analogic de couleur de la flamme et du cinabre pulvérisé, 
ou vermillon. Les Brezads n’ont dû connaître le vermillon que par les Basques, 
puisqu'il est naturel à l'Espagne, étle nom de flammaish est la paraphrase de 
celui de vermillon. 


655 


De la même racine viennent encore ‘ : 


Aberea (basque). Animal. 
Behem (bébreu). Id. 
er (grec). Id. 
Fera et ferus (latin ). Id. 
Bera Ft 
Bahr teut 
Bear (anglais). Que: 
Beer (holland. De | 
Boréal (français). De l'ours ou septentrional. 
Borée (français). Vent de l'ours ou du nord. 
Féroce (français).  Féroce. 
Phera hébreu) Sauvage, farouche, 
Bar rs Nourrir. 
Aberasa et aberatsa (asauq Riche, possesseur, 
Habere latin ). Avoir, posséder. 
Haber en AE Avoir. 
Avoir, verbe et subst. (français). Avoir, 
Aber (hébreu). Fort, puissant. 
vs 
Bici (basque). Vivre. 
Bicia (basque). Vie, vif, 
Bios (grec). 
Vita ft etai 
Vida (espagnol) 
Bioô tee Vivre. 
Bia (grec). Force. 
Vis (latin). Vertu, puissance, force. 
Vir (latin). Homme. 
Virtus (latin). Courage. 
Bir, beo, beü (hrezon). Vif. 
Buhe7, buez (brezon). Vie. 
Buée (patoisde Lillk) Vapeur vésiculaire. 
a 
en 
H | Le 
Dam (sanscrit).  Calmer, dompter. 


! Ces mots dérivent de BER, Chaleur, parce que les animaux ont une tempé- 
rature propre et généralement plus élevée que celle du milieu ambiant, Dériver 
le nom de l'animal de la température qni lui est Propre par aberea, c'est dire qui 
possède où qui a La chaleur. 


Damin, damânôâs 
Damô 
Domare,domitare ,do- 
minari 
Donvi, at, et, 
Domare, dominare 
Domar 
Daimôn 
Dæœmon 
Demonio 
Donea 
Dommeneddio 
Domiuus 
Dam 
Vama 
Femme 
Dame 
Dam, woman 
Domina 
Dama 
Madama 
Donna 
Damaza 
Damuzza 
Damerino 
Damo 
Domus 
Domaiue 
Domain 
Domâne 
Domanio 
Domestique 
Domestic 
Domicile 
Domination 
Dominion 
Dom 
Dôme 
Demnum 
Dommage 
Dampner 
To Damn 
Damno 
Dannato 
Damned 
Damnare 
Dannare 


. (latin). 


056 


(sanscrit). Vainqueur, maître, dominateur. 
(grec). 
(latin 
. Dompter. 
(italien). 
(espagnol). 
(grec). 
(latin). Génie, démon. 
(italien). 
(basque). Saint, sacré. 
(italien). Dieu. 
(latin). Seigneur, mitre. 
LAS 
(sanscrit). 
(français). 
(fr., allem.) 
(apsRIs)- Dame, fenime, maîtresse. 
(latin). 
EN 
bas ue). 
(ae) j 
EUR Belle femme. 
(italien). Femme perdue. 
(italien).  Dameret. 
(italien),  Galant. 
(latin). Habitation du maître, maison. 
mel 
(anglais). (bomaine 
(allemand). à 
Die pe 

rançais 
Pr Domestique. 
ds Domicile. 

r., aD nt 
CR. ). (Domination. 
(RARE Qui domine l'édifice, dôme, 
(fr.,angl.).) coupole. 
lehaiie {Dommage. 

rançais). 

(français). (Damner 
(anglais). é 
(latin). 

(italien). (Damné 
anglais). 


(italien). |Condamner. 


657 


Damner (français). 
Don (titre espagnol de noblesse ou de politesse ) *. 
Demos ET Peuple. 
Fæmina (latin 
Femme (français). Femme. 
Emea (basque). 
Homo (latin). 
Huomo (italien). [tomne. 
Hombre (espagnol). \ 
Eg. 

Eg, âg (sanscrit). Briller, luire. 
Egun (basque). Jour. 
Ag (mahratte). Feu. 
Egia, ekia (basque). Soleil. 
Gun (languestur- 

ciques). Soleil. 
Eagh, eigh (irland.). Lune. 
Icekia (basque).  Ardeur. 
Kaiô (grec). Je brûle. 
Begia (basque)  OEïil. 
Gjün et koun (tures ouigours) Soleil. 
Gjün (tures ouigours) Jour. 


Gün, kun, koun (famille turque). Jour. 
Aghrir, agri, agir, (kurdes) Feu. 


J a )70 
J e { u 
HAMatre 


faô, inscriptions desroches de Sinaï, 
faites par les Hébreux dans 1F{RIepe 


désert. 
Ihéoa (hébreu)’. Dieu. 
Jauna (basque). Seigneur. 
Jaincoa, mot composé (basque). Dieu. 
Jau (celtique). Dieu, Jupiter 
Jovis, (latin). De Jupiter 
Heou (chinois). Prince. 


* Cette particule s'ajoute au nom de baptême et diffère essentiellement de Ja 
particule française de, qui se place devart un nom de localité. Don est sans 
doute le domine latin, qui a perdu sa terminaison par le fréquent usage que l’on 
ena fait. On en tient lieu par señor, monsieur ou seigneur, nom par lequel nous 


traduisons domine, latin. 


? On transcrit généralement ce nom par Jehova. Je ne crois pas que cette 


transcription soit exacte. On pourrait encore lire /haoh. 


Mak, racine primitive 


Maka 
Machen 
Macan 
Make 
Maxé 
Méyanè 
Machina 
Maq 
Machinn 


Mira 
Miraculum 
Miraql, miraqlou 
Mirum 
Miraria 
Mihira 
Midhr 
Miror 

Mire 

Mira 
Mirer 
Mirare 
Mirein 
Mirar 
Mirador 
Mirailla 
Miraglio 
Miroüer 


Mirada 
Mirette 


Miri 
Mere, merein 


Micare 


658 


) ketc 
M | 4 A 
ch 
: Main faire, agir, combattre. 
(océanien). Faire, attaquer, battre, guerre. 
(allem.), faire agir. 
(saxon), idem. 
(anglais). Créer, faire, fabriquer, forme, façon. 
(grec). Combat. 
(grec). Mouvement. 
(latin). Machine, mécanique. 
(turc). Sert pour former les verbes actifs. 
(quichua). Le gros du bras ou de la jambe. 
mit} 
basque). 
latin ). {iracie. 
(Probe 
atin). l : 
ant). | Merveille. 
(sanscrit). Soleil. 
(irlandais). Rayon de soleil. 
is Admirer. 
rançais). | ay: 
ss arte \Mire, but. 
(français) 
(italien). Vis 
(brezon de | "'°°"- 
Vannes). 


(espagnol). Regarder. 
(espagnol). Spectateur. 


(ere) 
italien ). hé 
Hem de Bip 
Vannes. 
(espagnol) OEillade. 
( argot fr. ) 
4830.  OEil. 
(purys de 
’Am. mér. : 
LR gr.) (ox. 
cantos). \ 
(latin). Briller. 


S,, 
Su (basque). Feu. 
Sund'yu (sanscrit). Feu. 
Sù À (sanscrit). Darder, lancer. 
Sur (sanscrit). Darder, briller. 
Sorch (irlandais). Brillant. 
Soürya (sanscrit, : 
kawi, cakia 
da, banga). 
Souradj (hindoust.). 
Suus ( chiquitos, 
péruvien). 
Succanink (ros. esqui.) | 
Sukkinnek (doble id. ). Soleil. 
Saccanak (groenl. id.) 
Sonja (rossawan). 
Sun (anglais). 
Sonna (allemand). | 
Sol (lat.,esp.). | 
Sole (italien ). 
Soleil (français). 
Sud (fr., ital.). Sudf. 
Süd (allemand). Sud. 
South (anglais). Sud. 
Suil (galique ou celt. propre). OEil. 
Sud (allemand). Bouillonnement. 
Sudum (latin). Beau temps. 
Sudus, adj. (latin). Serein, clair, beau. 
Sudor (latin). Sueur. 


Et suer, sueur; sureau, plante sudorifique; mots français. 


U 
M 
Ura, ur et u dans les mots com- 
posés (basque). 
U (guarani, jacoute ou soka), fa- 
mille tartare. Eau. 
Uretul (imbark}), famille jenessei 
( région supérieure de l'Asie). 
Hu (brésilien indigène). 


1 Un des quatre points cardinaux, ce:ui tourné vers le Midi, moment au— 
quel le soleil est le plus élevé sur l'horizon. 


660 


Uni (omagua), Amérique mérid. 


Uisque (celt. prop.) 
Ussu, ussum,ugun, (f.mong.) 
Teh u (thib. ) 
Ss u (turc). Eau. 
Chouï chinois). 
Mizzu ren AA 
Dour (brezon). 
Udak (kunkuna ). 
Ud , und Es dis Mouiller, couler. 
Oyron grec). : 
Vins (latin). he 
Urdina, urdina (basque). Bleu *. 
Oyranos (grec). Ciel. 
Uru (xancusa), Amérique mér.). Jour. 
Udur, oudur, eudur, udur rules 
mong.). Jour 
Outhar (grec). Mamelle, 
Hyalos (grec). Cristal. 
Hyelus (latin). Verre. 
Hyo (grec). Pleuvoir. 
Hydôr Fe Eau. 
Hygros (grec). Humide. 
Uber latin ). Mamelle. 
Udo (latin). Mouiller. 
Udor (latin). Humidité. 
Udus, a, um (latin). Humide, moite, imbibé, mouillé. 
Unda (latin). Onde. 
Undo (latin). Inonder, fluctuer. 
Urna (latin), ; NIET 
Urn LR | > LS Urne. 
Urne (allemand), pu 7 
Urnarius Potier de terre. 
Urinari Plonger. 
Uvor Humidité, moiteur. 
Uvesco Devenir humide. 


Uva, à cause de la grande quantité 
de suc qu'il contient. 


Humecto et humesco 

Humor 

Hyades, constellation pluvieuse. 
Uter (latin). 
Uterus (latin). 
Hydros (grec). 
Hydra, us (latin). 
Hyder (allemand). 


Raisin. 
Humecter. 
Humeur. 
Pléïades. 
Outre. 
Matrice. 


Hydre. 


* Couleur d’eau sous un beau ciel. Les mots latins cærula, les mers; cœru- 


leum, azur, viennent du basque ceru, ciel, 


d'urdina. 


et ont une origine analogue à celle 


Hydria. 
Ora 

Ora 
Heur 
Ubr 
Hora 
Hour 
Idos et Idrôs 
Hyems 
Hima 
Hima 
Hiberno 
Jal. 


Jalan, jalitan. 


Hygea 
Hygeia 
Hygie 


661 


(latin). Cruche. 
(grec). Heure. 
(italien ). 
(brezon). 


(allemand). ‘Heure. 
(lat., esp.). 


(anglais). 
(grec). Sueur. 
(latin). Hiver. 


(sanscrit). Hiver et neige. 
(thibétain). Neige. 


- (latin). Hiverner. 


(sanscrit). Couvrir, condenser. 
(sanscrit). Eau glacée. 


(latin).{ Eau Santé, hygiène, ou con- 
(grec).{ et naissance des eaux et 
terre.) des lieux. 


* Ce nom d'heure vient de ce qu'anciennement le temps était mesuré par de 
l’eau qui s'écoulait d’une clepsydre. 


les ; Mar, se - Paredns cpu, ds Dans ent nriçind dahagui Wide 


d'urine, 


663 


VOCABULAIRES COMPARÉS 


Dans ces vocabulaires, la langue basque est compa- 
rée à treize langues ou groupes de langues. 

Le vocabulaire général, comprenant le français, l'es- 
pagnol et le latin, me dispense de publier les vocabu- 
laires comparés de ces langues. Cependant, comme ce 
vocabulaire ne donne que les significations directes, 
et que les mots qui ont le plus d'analogie avec ces trois 
langues ne sont pas toujours ceux qui ont été admis 
dans ce vocabulaire, je me propose de publier prochai- 
nement des observations sur l’origine des langues bas- 
que et française, qui seront suivies d'un vocabulaire 
de mots dont il serait souvent diflicile de trouver une 
autre origine que dans la langue basque, qui a d'ail- 
leurs laissé des traces dans presque toutes les langues 
parlées sur le globe. 


I. — Hébreu et chaldéen. 


Age Adina Idar , ch. 

Agneau Umeria Immera, ch. 

Aîle Egoa Egaf, h. 

Bâton Makila Maquel, b. 

Chair, viande Aragia Harag. tuer, h. 
Chaux Carea Ghira, ch. 

Cheval Zamaria Khamoura, syriaque. 


* Ces vocabulaires ont été composés en compilant une foule de dictionnaires 
ou de grammaires que je possède ou qui appartiennent à la bibliothèque de la 
ville de Bordeaux; mais principalement à l’aide des travaux déjà exécutés, de 
M. Klaproth, dans ses Mémoires sur l'Asie, et de M. Balbi, dans son Atlas 
ethnographique. 


Ciel 

Cerf 

Crapaud 
Déraisonner 
Désert 

Doigt 

Esprit (faculté) 
Fendre 

Fille 


Flocon de neige. 


Grèle 
Grenouille 
Haut 

Loup 
Lumière 
Miroir 
Ombre 
Pays 
Puissant 
Soir 

Son 
Stérile 
Ville 

Vol, larcin 


Agneau 
Bélier 
Ame 
Aveugle 
Blessure, plaie. 
Chat 
Chaux 
Chèvre 
Corbeau 
Crapaud 
Crime 
Dent 
Dur, fort 


Flamme 

Flocon de neige 
Fosse, trou 
Gardien 


664 


Cerua 
Orena 
Zapoa 
Erotu 
Eremua 
Atza 
Burua 
Phicatu 
Nesca 
Tela 
Goria 
Zapallora 
Goia 
Otsoa 
Argia 
Mirailla 
Itzala 
Erria 

AI Ahal 
Aratza 
Otsa 
Agorra 
Iria 
Soilla 


Zer, lumiere 
Rès, renne, h. 
Dzab, h 

Ere, se mettre en colère. 
Erem, vouer, consacrer. 
Etzloa, h. 

Rouack , h. 

Phelé, h. 

Nas, h. 

Telag, h. 

Gesakh, h. 

Tsepharedda, b. 

Goabh, h. 

Tséb, h. 

Or, gèr., h. 

Marob, h. 

Tsal, h. 

Era’a, ch. 

El, h. 

E’reb, h. 

Ozen, oreille, h. 

A’gar. 

reine 

Chalal, h. 


Il, — Arabe. 


Aria 
Umeria 
Arima 
Ichua 
Zauria 
Catua 
Carea 
Auntza 
Erroya 
Zapoa 
Hobena 
Ortza 
Zaïilla 
Sua 
Orria 
Sukharra 
Sarca 
Neitu 
Garra 
Tela 
Lezoya 
Zaina 


Arig' (agneau ). 
Immer, ou’mrous. 
Armaq (dernier soupir ). 
A’chi. 

Djarh’. 

Qytt. 

Kirs. 

A'nz. 

Aou'’er. 

Sifda”. 

H'aubeh. 

A'Tyz. 

Djald , djalid. 
Sou’ar. 

Ouerq. 

Sekàt. 
Charkah, chark. 
Nehi. 

H'arq (feu). 
Tzeldj. 

Ledjet, 

Siyän, 


665 


Gras, gros Gicena Ketzim. 
Lard Chingarra Khinzir (cochon). 
Lièvre Erbia Erneb. 
Loup Otsoa Assäs, adjour. 
Lune Illa Hilal (le croissant ). 
Maître Jauna Ain. 
Mer Itsasoa Adjour. 
Rapide Arina Rain. 
Moelle Hunna Honnet. 
Mordre Autsikitu Azz, a dzm. 
Mou Guria Khary’. 
Nom Icena Jsm , isem. 
Ombre Itzala Dzyil. 
Peu Guti Qit, qidz. 
Pointu Zorrotzo Sarali. 
Poitrine Bularra Beled. 
Poli, lisse Leuna Leïn. 
Poussière Autza Adjdj. 
Pur, pet. Aratza Ariz. 
Raviver Erroa Y'rq 
Réjouir (se) Azeria Hedjres. 
Rue Carrica Garin. 
Sang Odola Tolla. 
Sourd Gorra Khors. 
Stable Bortez Barid. 
Stérile Agorra A'qyr. 
Tendre, fin Guria Khara. 
Vaincre Garraitcea Gahr. 
Veine Zaina Chan. 
Vestige Alzarma Atzir. 
Viande Aragia A'rq (os couvert de viande). 
Vite Sari Siru’. 
Voix Bozoa, aozkia ,aoa Haoua. 
(bouche) 
Zèle Kharra Ha'rr. 
IT, — Persan. 
Arc Tyruelaya Tir (flèche, en persan et 
hindoustani ). 
Bras Bezoo Bazou. 
Broussailles Basoa Bichch 
Clef Gilça Kilid. 
Crâne Cosca Kasch 
Douleur Mina Män. 
Faible, paresseux Lachoa (lâche)  Lachah. 


Grains (céréales). Artoa Ard (farine), 
Hérisson Sagarroya Sag'ar. 


Lie de vin 
Nuque 
Paresseux 
Perdreau 
Peur 
Pierre 
Pomme 
Poussière 
Puce 

Sac 
Sifilet 
Sourd 
Tasse 
Tendre, fin 
Trou 
Urine 
Urine 
Vautour 
Vieux 
Voix 


Volonté 


Axe 

Bélier 

Blanc 

Boule, cercle 
Chameau 
Laine 
Boisson 

Ciel 

Eau 


Esprit (faculté) 
Été 


Être 
Feu 


Flèche 
Glace 
Homme 
vur 
Limite 


666 


Tertica Dordi. 

Garrondoa Kerden, kerd, 

Aroya Aroân. 

Eperra Perperem, ferfar. 

Baldur Baliden (avoir peur). 

Harria, arria Khara 

Sagarra Zoug'rour. 

Autza Adjok 

Cucusa Keik. 

Çurruna Chirâr, chirad. 

Hichtua Hicht. 

Gorra Kar. 

Taza Tas. 

Bero Barik. 

Zuloa Soulakh. 

Pisya Pichar. 

Chysia Chacha. 

Bazoca Baz 

Zarra Zar, zer. 

Bozoa, aozkia, aoa Aouaz. 
(bouche) 

Gogoa Khoua. 


IV. — Sanscrit. 


Acha Aksas Roue, centre. 
Aria Avi Mouton 

Zuria Gaura 

Boilla Vaill Tourner. 
Gamelua Kramêlaka 

Ulea Bâla Cheveu. 
Pittara Pitan 

Cerua Sourga 

Ura Udaka 

— Ud, und Mouiller. 

Be Ur Étendre. 
Ispiritua Spr vivre, respirer. 
Uda Iddhan chaleur. 

Izan San 

Sua Sur Briller, 

_ Süris Soleil. 

— Sù Lancer, darder. 
— Sveda Sueur. 
Sayeta Sayaka 

Gela Jalan 

Gizon G'ana 

Eguna Luire. 


Le4 
Ce) 
Mar Marka Frontière, 


667 


Mère Ama Ama 
Oie Antzarra Hansa 
Os Esteya Asthi 
Ours Artza Arksas 
Père Aita Tata 
Race Gendea Jan Naître, produire. 
Respiration Asnacea Asou 
Rivière Errioa Arivi 
Rocher, pierre Aitza Acman 
Science Kindea Ki Savoir. 
Soleil Egia Ég Luire. 
Terre Lurra Oùr 
Vague (flot) Baga Vahas, baketvag  Mouvoir. 
Vieux Zarra Djera 
Voir Hegisti Eg” Luire. 
V.— Grec. 
Ame Anima Anémos Vent. 
Animal Aberea Oèr 
Axe Acha Axon 
Bélier Aria Ars À 
Boisson Pittara Pinô Boire. 
Bouche Aoa AÔ Soufller. 
— Aboa Boû BeugJler. 
— — Boaû Crier. 
—- — Boys Bœuf. 
Cervelle Baresarca Sarkos Chair. 
Chaleur Beroa Oermos 
_ _ Oéros Été. 
Cheval Zaldia Kelès 
Ciel Cerua Seir Soleil. 
Dame Andrea Aner, andéros Mari. 
Déraisonner Erotu Héros Débat. 
Eau Ura Hydor 
— — Hygros Humide. 
— — Hydros Hydre. 
— — Hyades Constellation. 
— — Idos, idros Sueur. 
— — Oyron Urine. 
— — Oyranos Ciel. 
= — Ora Heure. 
— — Oybar Mamelle. 
— — Hygeia Hygiène", 


| Hygeia veut dire eau et terre. Le plus ancien traité d'hygiène est d'Hip= 
pocrate; il à pour titre : Des eaux, des aïrs et des lieux, 


Hérisson 
Herse 
Huître 
Hyène 
Coudre 
Lampe 
Lion 
Lumière 
Lynx 
Madame 
Maïs 
Maison 
Mâle 
Mamelle 
Muscle 
Nourriture 
Ours 
Père 
Race 
Région 
Servitude. 
Soleil 
Solitude 
Soufflet 
Squelette 
Trouneau 
Tourner 
Vie 
Vivres 
Zodiaque 


Avoine. 
Baiser (subst.) 
Bon 
Bouche 
Chat 
Clair 
Eclair 
Examiner 
Fange 
Jour 
Mâle 


668 


Forme, apparence. Îda, idea, suff, Eis, eidos. 


Trichua Orix Cheveu 
Area Aroyn Cultiver. 
Ostrea Ostrakon 
Hiena Hyéna 
Josi los Pointe, poinçon. 
Lampa Lampas 
Lehoya Léôn 
Argia Argos Blanc. 
— Argyros Argent. 
Linoea Lynx 
Madama Damô Dompter. 
Artoa Artos Pain. 
Etchea Oixos 
Arra, suff. Arrèn 
Titia Difos 
Nasarkia Sarkos Chair. 
Bazca Boskô Paître. 
Artza Arktos 
Aita Atta 
Gendea Gennaû Engendrer. 
Erria Era Terre. 
Lotekintza Eilos Ilote. 
Ekia Kaiô Brûler. 
Eremua Erèmos 
Auspoa Ayô Soufiler. 
Eskeletoa Skéléton 
Elea Elos Prairie, 
Giratu Gyros Tour, 
Bicia Bios 
Bihi, pipi Bios Vie. 
Senesia Sèma Signe. 
VI. — Turc. 
Oloa Joulaf, 
Apa Opuch. 
Ona Onat. 
Aua Aus, ous (fam. t.). 
Catua Kedy. 
Acena Atchiq. 
Chimista Chimchek. 
Aratu Ara-maq. 
Cimaurra Kumreh. 
Eguna Gun, kun (fam. t.). 
Arra Ar, er. 


1 On a dù coudre avee un poinçon ou une alène avant d'inventer l’aiguille, 


Maturité 
Mère 
Mourir 
Nid 


Oblique 
Père 
Pied 
Prairie 
Prune 
Pur, net 
Roseau 
Sec 

Tête 
Vol, larcin 
Volonté 


Blanc 
Fille 
Fumée 
Geuou 
Grand 
Manger 
Navire 
Poisson 
Prairie 
Sable 


Blanc 
Bouche 
Cerf 
Eau 
Fosse 
Froid 
Frontière 
Langue. 
Navire 
Oreille 
Pluie 


Prairie 
Sable 
Traîneau. 


669 


Oea ou chea 


Okerra 
Aita 
Oina 
Soroa 
Arana 
Aratza 
Sesca 
Agorra 
Burua 


Ohorga 
Gogoa 


VIT. — Samoyède. 


Zuria 
Nesca 
Kea 
Belarra. 
Andia 
Jan 
Untzia 
Arraya 
Soroa 
Kasca 


Arich. 

Ana. 

Eul-mek. 

Ouia ( Sib.), ioua 
( Const.). 

Arquourou. 

Alta. 

Aiak, 

Tchaïr; 

Arik. 

Ari. 

Saz , sæz, 

Quourou. 

Bash, 

Burun (nez), 

Og or ( voleur). 

Gongoul. 


Syr, sirr. 
Neatzyke. 
Kwoe. 
Poul. 
Annia. 
leng. 
Onou. 
Harra; 
Seior. 
Kotcha. 


VIII. — Région polaire arctique. 


Zuria Sorni, sar 
Aoa Ao$, awouz 
Oren Oron 

Ura Ur, ul 
Odia Oidouck 
Otza ltchik 
Muga Moükout 
Mihia Inni 

Ontzia Ongosou 
Belarria Bel, pel 
Uria Ouri 

Soroa Serwn 
Kaska Khias, khas 
Nara Narta 


vogule. 
nogaï, tartare. 
toungouse. 
imbark de l'Iénesséi: 
téléoute, 
ostiake de Wasiougan. 
ostiake de Berezow. 
tcungouse. 
toungouse, 
vogule. 
assane et kotove, en 

Sibérie. 
tchouwache. 
iéniséen. 
kamtchadale, 

43 


Brebis 
Cerf 
Cheveux 
Chien 
Fille. 
Flamme. 
Grappe de raisin 
Nez 
Rouge 
Rouge 
Rouge 
Sec 

Soir 


Barbe 


Bois 
Brebis 
Dormir 
Etoile 
Frontière 
Fumée 
Ours 


670 


IX. -- Slave, Finnois, etc. 


Ardia lar esthonien. 
Orena Olen slave. 

Ulea Wolos slave. 
Potzoa Pes. pessik russe. 
Nesca Netchit esthonien. 
Garra Karst kriwo livonien. 
Matsa Mesi, mari esthonien. 
Sudurra Souda mordouine. 
Gorria Gord wotiake. 
Gorria Goird zyriane. 
Gorria Gordé permien. 
Chukkoa Soukhoa slave. 
Arratsa Rat permien. 


X. — Région du. Caucase. 


Bizarra Botzo . ossèles. 

Bigajou andi. 
Zura Dzar arménien. 
Ardia Arlhe touchi 
Lo Louri mingrelin. 
Izarra Zouri "  akoucha. 
Muga Moukhk tchetchense. 
Kea Koui lesghi de Tchar. 
Artza Ars ossètes, 


XI. — Esquimau. 


Aoa Ocka(langue) groënlandais propre. 
Sua Succanuck  groënlandais en gé- 
(soleil) ral, 

Eguna Agsünük tchoukche en général. 
Illargia Igaluk, all.  tchougatchi konegu. 
— Irallük, all. choukche du cap 

— Tchoukchi. 
Ama Amama groënlandais de Lang. 
Aita Attala id. divers. 
— Alta tchoukche asiatique. 
Oiña lo-oga tchougatchi konégu. 


Ikhusi Eicega (œil) groënlandais de Lang. 


671 


AMÉRIQUE MÉRIDIONALE. 


XII. — Pérou et région brésilienne :. 


Idore (feu) 
Uru (jour) 


péruvien. 
xamuca. 


Abboa (langue) guarani. 


Oos 

Idatu (terre) 
Hu 

Huaylla 


chiquitos. 
cayurari, 
brésilien. 


LE 


Huaccani ( pleurer) q. 


Suus (soleil) 
Ghican, père. 
Killa 

Ma 

Mama 

Yta 

Ccaka 
Milhua 
Chupa 

Bari (lune) 
Lamkcani 


XIII. — Divers. 


Aride, sec Idora 
Bleu Ur 
Bouche Aboa 
Dent Ortza 
Desséché Idatu 
Eau U. 
Feu Sua 
Homme Ghizon 
Lune Illa 
Mère Ama 

» » 
Père Aita 
Pierre Acha 
Poil, laine Ilea , ulea 
Queue Hupa 
Tête Burua 
Travailler Londu 
Bœuf Idia 
Broussailles Basoa 
Cheveux Ulea 
Chien Potzoa 
Cochon Charria 
Etoile Izarra 
Genou Belarra 
Grappe de raisin. Matsa 
Mâle Arra 
Mère Ama 
Mobile, léger. Arina 
Oblique, de travers  Okerra 
Pierre Arria 
Pluie Uria 
Rocher Aitza 


Eidion 
Bush 
Wolle 
Petze 
Souaer 
Itzri 
Seren 
Djarra 
Polwy 
Maisi 
Arre 
Ama 
Arrangia 
Queer 
Harreg 
Orée 
Issi 


‘ Le péruvien ou quichua est marqué par q. 


chiquitos. 
guarani, 
quichua. 
morimi, 

q. et aïmara. 
mocori. 

q- 

LE 
ne 
sapiricOni. 
q. 


gallois. 
allemand. 
allemand. 
allemand. 
indoustani. 
berbère, 
gallois. 
hindoustani. 
fiunois. 
boukhare. 
kalmuke. 
mandchou. 
ioukaghire. 
allemand. 
gallois. 
romance. 
japonais. 


672 


Rocher Aitza Is 

Sec Agorra Khorai 
— — Kara 
— — lagyour 

Songe Ametsa Amou 

Trou Ciloa Skile 

Urine Cerisuria Chirzeq 


permien. 
mongol. 
japonais. 
berbère. 
mandchou. 
lettonien. 
nabathéen , au 
s. du Caucase. 


673 


VOCABULAIRE CHRONOLOGIQUE. 


Afin d'éviter l'impression des tableaux considérables 
et nombreux qui représentent ce vocabulaire, je ne l'ai 
donné qu'en français. Il pourra servir de modèle pour 
en faire d'autres. Il est d’ailleurs complété par les vo- 
cabulaires polyglottes imprimés dans cette partie. 


AGE PRIMITIF. 


Êtres cosmologiques. 


Soleil. Etoile. Nuit. 
Lune. Jour. 
tres terrestres. 
Montagne. Glace. Oiseau. 
Plaine, vallée. Neige. Lézard 
Marais. Nuage. Serpent. 
Terre , sol. Brouillard. Poisson. 
Pays, contrée, ré- Rocher. Mouche. 
gion. Pierre. Puce. 
Forêt. Sable. Pou. 
Mer. Arbre, Punaise, 
Lac. Herbe. Cousin. 
Rivière. Animal. 
Lieux. 


Noms spéciaux des montagnes, plaines, lacs, rivières, forêts, etc. 
Nom du peuple dans sa propre langue. 


Homme et parties du corps des animaux 


Homme. Poitrine. Poil. 
Tête. Ventre. Corne. 
Bras. OEil. Griffe. 
Aile. Oreille. Os. 
Jambe. Nez. Chair. 
Main, Bouche. Sang. 
Pied. Dent. Lait. 
Doist. Langue. Urine. 


Corps, Cheven. Excréments, 


674 


Idées générales, phenomènes. 


Lumière. 
Feu, flamme. 


Père. 
Mère. 


Naître. 
Vivre. 
Mourir. 
Tuer. 
Manger. 
Boire. 


Arc. 
Flèche. 


Haut. 
Bas. 
Près. 
Loin. 
Dedans. 


Fumée. 
Eau. 


Parenté. 


Fils. 
Fille, 


Principales actions. 


Respirer. 
Dormir. 
Marcher. 
Monter. 
Descendre. 
Avancer. 


Divers. 


Lance ou zagaic. 
Bâton. 


Mots divers. 


Dehors. 
Avant. 
Après. 
Dessus. 
Dessous. 


2%e AGE. 


Air. 
Ciel. 


Frère. 
Sœur. 


Reculer. 
Tourner, 
Courir. 
Sauter. 
Danser. 
Chanter. 


Barque ou canot. 
Rame. 


Assez. 
Beaucoup. 
Peu. 
Trop. 
Oui, non. 


Superstition, idolatrie, culte. 


Être suprème. 
Bon et mauvais gé- 
nie. 


Chef. 
Lieutenant. 
Peuple. 


Idole. 

Autel. 

Sacrifice. 
Hiérarchie sociale. 


Esclaves. 
Habitations. 
Caverne. 


Sorcier ou devin. 
Augure. 


Tente. 
Hutte. 
Village, ville. 


( Les objets et les actes qui se rapportent à cet âge varient selon que le peu— 
ple vit de chasse, de pêche, de troupeaux ou d'agriculture). 


Appt. 
Piége. 


Filet. 
Ligne. 


Peuples chasseurs. 


Armes spéciales à la la chase, peaux et vè- 
tements provenant de cette chasse. 


Peuples ichthyophages. 


Hamecon. 
Harpon. 


Graisse, suif. 
Huile animale, 


Troupeau. 
Pâturage. 
Toison. 


675 


Peuples pasteurs. 
Laine, 
Fil. 
Fuseau. 


Poinçon. 
Couture. 
Lait. 


Connaissance du mouvement des principaux astres. 


Sol arable. 
Graine , semence. 
Semer. 


Bouclier, casque. 
Ceinture. 
Bracelet. 


Bœuf, taureau. 
Bélier, brebis. 
Chévre. 


Dieux. 
Temple. 


Roi. 
Féodalité, 
Titres de noblesse. 


Maison. 
Palais 
Ville. 


Navire. 
Charrue. 


Roue. 
Char et chariot. 


Briques. 
Poteries. 
Teinture, 


Peuples agriculteurs. 


Récolter. 
Moulin. 
Farine. 


Collier. 

Anneau. 

Vêtements. 
Animaux domptés. 


Cheval. 
Renne. 
Eléphant. 


3me AGE. 


Religion, culte. 
Autel. 

Prêtre. 

Hiérarchie sociale. 
Cours judiciaires. 
Tribunaux. 
République. 

Architecture. 
Fortification. 
Citadelle. 

Place publique. 
Navigation. 
Voile. 
Agriculture. 
Herse, 

Arts mécaniques. 
Rouet à filer. 
Tisser. 

Arts chimiques. 


Or. 
Argent. 
Etain. 


Four. 
Pain. 


Armes, ornements, vétements. 


Fourrures. 
Ponnet ou cape. 
Chaussure, 


Chameau. 
Lama. 
Porc. 


Sacrificateur. 


Militaire. 
Civil. 
Serf, esclave. 


Rue. 
Porte. 
Fenêtre. 


Mât, gouvernail. 


Engrais, fumier. 


Baliste de guerre. 
Catapulte. 


Cuivre. 
Bronze, 
Fer, 


Armes de métal. 


Casque. Cotte de mailles. Sabre. 
Cuirasse. Epée. 
Instruments, outils. 

Hache. Enclume. Burin. 
Scie. Tenaille. Aiguille. 
Marteau. Lime. 

Commerce. 
Échange. Monnaie. Acheter, vendre. 

Beaux-arts. 
Scuipture. Musique. Flûte. 
Peinture. Chant. Tambourin. 
Dessin. Danse. Lyre. 
Broderie. Cornet musical Harpe. 

Arts graphiques. 

Écriture figurée. Ecriture par lettres. 

Littérature. 
Poésie. Histoire. 

Sciences. 

Astronomie. Heure. Physique. 
Année. Eclipse. Optique. 
Mois. Comète. Médecine. 
Semaine. Arithmétique. Maladies diverses. 
Jour. Géométrie. 


Additions et corrections. 


P. 325,1. 15, et p. 326,1. 13, garagarilla veut dire Lune de l'orge. 

P. 327,1. 14, buruilla, lune de la tête. Ce nom vient sans doute de ce que 
les congestions cérébrales et les apoplexies sont fréquentes dans notre 
hémisphère pendant le mois d'octobre. 

. 331,1. 7, au lieu d'acha, lire: hache. 

. 351,1. 10, après des Italiens et, ajouter : des peuples parlant la lan- 
gue romane. 

. 352,1 19, au lieu d'hydrotéchine, lire : hydrotechnie. 

. 387, 419 et 422, au lieu d'arag, lire : harag. 

404,12 de la note, au lieu de pluie, lire : source. 

. 426,1. 17, après morue, ajouter : et de la baleine. 


3 ST 


DESCRIPTION 


D'UNE 


COUPE GÉOLOGIQUE 


des collines qui bordent Les rives droites 


De la GIRONDE , de la GARONNE, du TARN, de l'AVEYRON et de la LEYRE, 


De la PornrTe De LA Cousre, près de Royan, à Serr-Fonps, 


près de Montauban !, 


SUIVIE D’UNE NOTE SUR L'AGE DE LA MOLASSE DE MOISSAC; 


Par Vor RAULIN. 


4° DESCRIPTION DE LA COUPE GÉOLOGIQUE. 


La constitution géologique de l'Aquitaine, cette vaste 
plaine du sud-ouest de la France, est encore environ- 
née de beaucoup d'obscurité, quant aux terrains ter- 
tiaires qui en forment la plus grande partie, malgré 
les études faites pendant les trente dernières années 


! Cette note est la description d’une Coupe graphique manuscrite que nous 
avons adressée à l’Académie des Sciences de l’Institut de France, le 11 mai 1852, 
et qui forme le complément indispensable d’une Esquisse manuscrite de carte 
géologique de l'Aquitaine que nous avons adressée à M. Dufrénoy, le 25 dé— 
cembre 1848, pour lui montrer l’extension que nous donnons au terrain éocène 
dans la partie orientale de cette région. 


678 
surtout par MM. Boué et Dufrénoy, et aussi par MM. 
Jouannet, Drouot , de Collegno et Delbos. Des opinions 
contradictoires ont été et sont encore émises par les 
géologues qui s'efforcent de préciser exactement les 
faits. 

Depuis la publication, dans le courant de l’année 
1848, de notre Nouvel Essai d'une classification des 
terrains tertiaires de l'Aquitaine, deux de nos col- 
lègues, M. Coquand, à Besançon, et M. Leymerie, à 
Toulouse, se sont successivement élevés contre quel- 
ques-uns des résultats auxquels nous sommes parvenu. 

M. Coquand a deux fois combattu nos opinions, et 
nous avons répondu deux fois par des faits concluants, 
suivant nous, à ses objections en partie théoriques. 

M. Leymerie nous avait d'abord attaqué occasionnel- 
lement et d'une manière très-générale, et nous avions 
répondu sans entrer dans aucun détail. Puis, dans la 
séance du 30 juin 4851 *, il a adressé à l'Académie des 
Sciences de l'Institut de France un travail dans lequel 
il émet une opinion différente de la nôtre, et qui vient 
d'être publié sous le titre de Vote sur un ANTHRACO- 
THERIUM MaGnum découvert à Moissac (Tarn et-Ga- 
ronne), et sur l'âge géologique de cette parhe du 
bassin sous-pyrénéen. 

C'est seulement après avoir quitté Bordeaux, à l'ar- 
rivée des vacances, et lorsque nous étions séparé de 
nos notes, que nous avions eu connaissance de l'extrait 
du Mémoire de M. Leymerie, inséré dans les Comples- 


1 C.R,t. XXXII, pag. 942. 


679 

Rendus. À notre retour, nous nous étions empressé de 
dresser une coupe graphique, et de l'accompagner 
d'une note descriptive destinée à la publication, afin 
de mettre les géologues à même de se prononcer en 
connaissance de cause sur la valeur des deux opinions. 
La publication complète du Mémoire de M. Leymerie * 
nous fait connaitre en entier les raisons sur lesquelles 
est fondée l'opinion dont l'énoncé seul nous était con- 
nu ; elle nous permet de donner à la partie de notre 
description qui s’y rapporte, le développement néces- 
saire pour motiver et défendre l'opinion que nous avons 
émise, en moins d'une ligne, en 1848. 

Notre coupe, faite suivant une ligne un peu sinueu- 
se, est dirigée du nord-ouest au sud-est ; elle est à peu 
près parallèle à la ligne de jonction de l’Aquitaine 
avec la presqu'ile de Bretagne et le Plateau central ; 
cependant, elle vient aboutir, au sud-est, à cette pointe 
du Plateau central qui s'avance de Rodez jusqu'à Bru- 
niquel, à l'est et non loin de Montauban. 

Cette coupe, qui comprend un développement de 
325 kilomèt., montre la succession de toutes les assises 
tertiaires qui forment le sol de l'Aquitaine, à l'excep- 
tion de celle du terrain pliocène, que nous ne croyons 
pas exister au nord de la Gironde, de la Garonne et du 
Tarn. Conformément au tableau que nous avons publié 
en 1848, ces assises sont les suivantes : 


: 9 Calcaire d'eau douce jaune de l'Armagnac 
TERRAIN MIOCÈNE (Bazas) 


jt 
SUPÉRIEUR. 8 Falun de Bazas. 


? Mémoires de l’Académie de Toulouse. 


680 
Calcaire d'eau douce gris de l'Agenais 
(Saucats) 


Falan de Léognan. — Molasse moyenne 
de l’'Agenais. 


eu 


TERRAIN MIOCÈNE 
INFÉRIEUR. 


Qt 


Calcaire grossier de Saint-Macaire. 


4 Calcaire d'eau douce blanc du Périgord 
(Agenais). 
3 Sables de la Saintonge. — Calcaire gros- 


: sier de Bourg. — Molasse du Fronsa- 
TERRAIN ÉOCENE. dais (Agenais). 


2hisCalcaire d'eau douce de Blaye. 
2 Calcaire grossier du Médoc (Blaye). 
\ 4 Sables de Royan. 


La coupe présente, à l'extrémité nord-ouest, le ter 
rain crétacé supérieur, craie jaunàtre de Royan et craie 
blanche de Talmont, et médio-supérieur, craie à silex 
de Mortagne; à l'extrémité sud-est, se trouve l'étage su- 
périeur du terrain jurassique. 

Pour la description, nous divisons, ainsi qu'il suit, 
celte coupe en sept sections, dont chacune comprend 
soit un ensemble géologique, soit l'intervalle de deux 
grandes vallées latérales. 


io Dunes situées entre la pointe de la Coubre et Mèchers. 
2° De Royan à Saint-Ciers-Lalande. 

3° De Saint-Ciers-Lalande à Saint-André -de-Cubzac. 

4° Du Bec-d'Ambès à Sainte-Bazeille. 

8° De Sainte-Bazeille au confluent du Lot, près Aiguillon. 
6° Du confluent du Lot à celui du Tarn, près Moissac. 

7° Du confluent du Tarn à Sept-Fonds. 


4° Dunes situées entre la pointe de la Coubre et 
Mèchers. A la pointe de la Coubre, il y a une plage 
unie, sableuse, de plus de À kilomèt. de largeur, à 


681 


marée basse. Le sable, poussé par les vents d'ouest, va 
former les dunes situées entre la côte d'Arvert et la 
plaine du bourg de ce nom; dunes qui sont les plus 
élevées de celles qui existent sur les côtes de France, 
au nord de la Gironde. Au sud-est de ces dunes, et au 
sud-ouest d'Arvert, il y a une autre bande de dunes, 
d'abord fort basses, puis devenant presque aussi élevées 
que les précédentes, au sud de Saint-Augustin-sur- 
Mer. 

Au-delà de Puyraveau et du phare de Terre-Nègre, 
les dunes ne forment plus que de petits massifs isolés, 
placés à l'est et au fond des différentes anses ou conches 
de la côte, dont toutes les parties intermédiaires sail- 
lantes sont de petites falaises rocheuses. L'étendue et 
la hauteur de ces massifs duneux sont en rapport avec 
les dimensions des conches. Les plus considérables sont 
ceux qui se trouvent à l'est des conches de Terre-Nè- 
gre, de Royan et de Saint-Georges-de-Didonne. Ce 
dernier massif, le plus élevé de tous, est situé au nord 
de Mèchers. 

2° De Royan à Saint-Ciers-Lalande. Entre le 
phare de Terre-Nègre et le vallon de Saint-Palais-sur- 
Mer, sur une longueur d'environ 2 kilomèt., se trouve 
l'assise tertiaire la plus inférieure, désignée sous le 
nom de sables de Royan. La partie inférieure est un 
calcaire grossier, blanchätre, renfermant quelques 
grains de quartz qui le font distinguer assez facilement 
de la craie qui se trouve immédiatement au-dessous, à 
stratification à peu près concordante. Ce calcaire, qui 
a 2 à 3 mètres d'épaisseur, forme aussi le plateau ro- 


682 
cheux de la tour de Cordouan, et le roc Saint-Nicolas 
ou d'Usseau sur la côte opposée; il renferme un grand 


nombre d'Échinides, qui se rapportent aux espèces sui- 
vantes : 


Echinopsis elegans. Gualtieria Orbignyana. 
Goniopygus Pelagiensis. Amphidetus subcentralis. 
Cæœlopleurus Agassizi. Brissopsis elegans. 
Echinocyamus subcaudatus. Hemiaster (nov. spec). 
Echinolampas dorsalis. Schizaster vicinalis. 

— subsimilis. 


M. Delbos y a trouvé à Terre-Nègre, au contact de 
la craie, des carapaces de tortues et des ossements 
indéterminés. 

La partie supérieure est constituée par des sables 
argileux, grossiers, jaune-verdàtre, qui ont 7 à 8 mèt. 
d'épaisseur, et dans lesquels on trouve en abondance, 
par places, l'Ostrea multicostata et un Peclen. MM. 
Manès et d’Archiac ont trouvé sur plusieurs points, à 
la surface du sol, des plaquettes de grès fin renfermant 
en abondance les Nummulites planulata et Alveohina 
oblonga. Ces couches représentent sans aucun doute , 
comme nous l'avons déjà dit, les sables glauconifères 
inférieurs du Soissonnais et de tout le nord du bassin 
de Paris. 

De Saint-Palais-sur-Mer jusqu'au-delà de Mèchers, 
apparait la craie jaunâtre de Royan, qui forme tous 
les escarpements et les caps rocheux de cette partie de 
la côte; c'est un calcaire grossier, jaunâtre, divisé en 
bancs assez irréguliers, et renfermant en immense quan- 


683 
tité l'Ostrea vesicularis; on y trouve encore fréquem- 
ment les espèces suivantes : 


Retepora disticha. Lima maxima. 

Orbitolites media. Pecten substriatocostatus. 
Fungia polymorpha. Exogyra Matheroniana. 
Echinolampas Leskei. Spherulites crateriformis. 
Spatangus Prunella. — Hæninghausii. 
Cardium Faujasii. Nalica royana. 

Cucullæa cretacea. Turbo royanus. 
Pectunculus Marrotianus. Trochus Girondinus. 
Trigonia inornata. Nerinea bisulcata. 
Inoceramus regularis. Nautilus Fleuriausianus. 


Mytilus Dufrenoyi. 


La plaine entre Mèchers et Talmont est formée par 
des vases brunâtres alternant avec des sables, renfer- 
mant les coquilles marines actuelles; elle présente des 
salines au sud-est de Mèchers seulement. 

Vient ensuite le petit rocher de Talmont et la colline 
qui est au sud, dont la falaise montre la craie blanche 
de Talmont , qui est massive, sans stratification, avec 
de nombreux fossiles, dont les principaux sont : 


Tragos pisiformis. Lima Santonensis. 
Polypothecia dichotoma. Pecten quadricostatus. 
Ceriopora subimbricata. —  substriatocostatus. 
Cidarites vesiculosus. Ostrea frons. 

Ananchites ovata. —  vesicularis. 
Cyphosoma magnificum. Exogyra Matheroniana. 
Micraster cop-anguinum. Terebratula seiniglobosa 
Mytilus Dufrenoyi. — vespertilio. 


Inoceramus regularis, Serpula gordialis. 


HS 


Cette craie couronne les plateaux de Saint-Seurin et 
de Mortagne, et s'avance même au-delà. Sur ce point, 
elle est très distincte de la craie jaunàtre de Royan, au- 
dessous de laquelle elle git ; mais dans les autres parties 
de la bande crétacée, en Saintonge, cette distinction 
n'est plus aussi tranchée. 

Au-dessous de cette craie blanche, depuis Talmont 
jusqu'au delà de Conac, vient la partie supérieure de la 
craie tufau, très-visible, surtout dans les anciennes 
falaises au-dessous de Mortagne, dans les vallons de 
Barzan, au nord, et de Port-Maubert et de Conac, au 
sud. Elle est un peu sableuse et micacée, légèrement 
grisatre, assez régulièrement stratifiée, et renferme de 
nombreux lits de silex calcarifères grisätres, et surtout 
de nombreux polypiers et quelques autres fossiles. Les : 
principaux sont : 


Tragos pisiformis. Exogyra conica? 
Asterias punctulata. Terebratula difformis. 
Exogyra Matheroniana. 


Cette craie est exploitée pour pierre de taille au-des- 
sus de Mortagne, de Saint-Fort et sur la route de Mi- 
rambeau. 

Après le vallon de Port-Maubert, les coteaux dévien- 
nent plus élevés, et la craie supérieure reparait; elle 
est blanchâtre et renferme les mêmes fossiles qu'à Royan 
et Talmont. Elle forme les coteaux de Conac et de Saint- 
Bonnet, où elle est exploitée, et va, en s’abaissant, 
disparaitre dans la vallée de la Gironde avant Saint- 
Ciers-Lalande. 


685 

3 De Saint-Ciers-Lalande à Saint-André-de- 
Cubzac. Le plateau formé par la craie supérieure va 
en s'abaissant, de Conac, par Saint-Ciers-Lalande, 
jusqu'au vallon de la Livenne avant Anglade. Sa sur- 
face est formée par les dépôts tertiaires de la Sainton- 
ge, dont l’âge a été, en 1850, l'objet d'une discussion 
entre M. Coquand et nous. Dans cette partie, ce sont 
des sables un peu argileux, jaunes ou rougeàtres, plus 
ou moins grossiers, renfermant assez souvent des cail- 
loux de quartz, et çà et là, des argiles rouges et vertes, 
à grains de quartz, ou grisätres, assez pures, exploi- 
tées pour des tuileries. Ces sables argileux font partie 
de la grande nappe qui recouvre la Saintonge et qui 
va se prolonger, par l'Angoumois et le Périgord, jus- 
que dans le Quercy. Il est facile de comprendre que 
des observateurs qui n’ont point étudié leur liaison avec 
les terrains tertiaires régulièrement stratifiés de lAqui- 
taine, aient pu être amenés, par des considérations 
théoriques particulières, à les rapporter à des étages 
différents. M. Dufrénoy les a considérés comme mio- 
cènes, et M. Coquand, récemment, a voulu les faire en- 
trer dans le terrain pliocène. Quant à nous, tenant 
compte de l'altitude qu'ils possèdent au voisinage des 
terrains tertiaires réguliers, du passage latéral des uns 
aux autres, de la composition de ces derniers au voisi- 
nage des dépôts sableux, et surtout de l'alternance de 
ces deux systèmes sur quelques points, même dans le 
voisinage de ceux par lesquels passe notre coupe (au 
Pontet et à Jollet, entre Étauliers et Blaye }, il nous à 
été impossible de ne pas les rapporter aux assises infé- 


686 
rieures du terrain éocène, ainsi que nous l'avons éta- 
bli dans notre réponse à M. Coquand. 

D'Auglade, par Blaye, jusqu'à Roc-de-Tau, on voit 
l'assise inférieure du terrain éocène formée d'abord par 
le calcaire grossier du Médoc. À Anglade, au voisinage 
des sables précédents, ce calcaire est très-arénifère, et 
renferme abondamment des cailloux de quartz, souvent 
de la grosseur d'une noisette. À Blaye, il n’y a plus 
qu'une partie des bancs qui renferme du sable et des 
cailloux à peine de la grosseur d'un pois; les autres sont 
formés par un calcaire grossier ordinaire à Orbitolites, 
Miliolites, Echinolampas, et mollusques fossiles en 
partie identiques à ceux du calcaire grossier parisien. 

Au-dessus du calcaire grossier viennent, d'Eyrans 
à Roc-de-Tau, des marnes vertes assez épaisses, sur— 
montées par une assise de calcaire d'eau douce, dans 
lequel les fossiles sont fort rares, et qui est exploité 
pour chaux hydraulique au bas des moulins de la Garde 
à Rollon, et surtout au moulin de l'Air près de Plas- 
sac. Ce calcaire vient former une petite falaise à Roc- 
de-Tau avant de disparaitre dans la Gironde. 

La partie supérieure du terrain éocène, sur la rive 
droite de la Dordogne, de la Garde à Rollon, à Bourg 
et jusqu'à Cubzac, est formée par des molasses gris- 
verdatre, grossières ou fines, alternant avec des mar- 
nes argileuses de mème couleur, renfermant souvent 
des ostracées et d’autres mollusques. Seules à la Garde, 
à Rollon et à Plassac, ces molasses et argiles renfer- 
ment, à partir de Roc-de-Tau , à diverses hauteurs, deux 
ou trois grandes assises et d'autres petites de calcaire 


687 

grossier rempli d'empreintes de coquilles marines et de 
polypiers, et renfermant en outre des Miliolites, des 
Astéries , des dents de poissons, des côtes de lamantin, 
etc. C'est à ces diverses assises qu'appartiennent les 
calcaires de La Roque, de Bourg, de Marcamps, de 
Peyrelevade, de Cubzac, d'Asques, etc. Sur un point, 
au Puy, près de Berson, à l'est de Blaye, ce système 
est terminé par une argile rose, à rognons de calcaire 
marneux d'eau douce, qui a 3 mètres d'épaisseur et qui 
est pour nous le représentant du calcaire d'eau douce 
blanc du Périgord, qui termine la période éocène. 

De Mortagne à Blaye, les collines sont séparées de 
la Gironde par de vastes marais qui ont jusqu'à 6 kilo- 
mètres de largeur devant Saint-Ciers-Lalande. 

4° Du Bec-d'Ambès à Sainte-Bazeille. Après avoir 
décrit les coteaux de la rive droite de la Dordogne, si- 
tués au nord et en arrière, nous traversons les ma- 
rais tourbeux de Montferrand, qui s'avancent jusqu'au 
delà de Bassens, et la Dordogne , pour venir suivre les 
coteaux de la rive droite de la Garonne. D'Ambarès jus- 
qu'à Baurech , et même Langoiran , la pente des coteaux 
est formée par le système des molasses marines de 
Bourg , qui devient moins arénacé, les assises, ainsi 
qu'on pouvait bien le voir dans les tranchées du che- 
min de fer à Lormont, étant composées d'alternances 
de marnes et de calcaires plus ou moins marneux, ren- 
fermant des empreintes de coquilles marines. 

À Lormont, l’assise inférieure du terrain miocène , 
constituée par le calcaire grossier de Saint-Macaire, 
recouvre la précédente assise éocène; il est tantôt dur, 


688 


tantôt tendre, il renferme des nodules calcaires con- 
crétionnés, et est caractérisé par des fossiles en partie 
identiques à ceux des marnes à huîtres et de la partie 
inférieure des sables de Fontainebleau dans le bassin 
de Paris. Un lambeau en existe déjà sur la rive droite 
de la Dordogne, au sommet de la côte de Montalon près 
de Saint-André-de-Cubzac. Sur la rive droite de la Ga- 
ronne, de Lormont à Baurech , il couronne les coteaux, 
et de là, en s’abaissant successivement, il va se perdre 
sous la Garonne, peu après Cadillac, sous les dépôts 
plus récents. Entre Cadillac et Saint-Macaire, notam- 
ment à Sainte-Croix-du-Mont, ces calcaires sont entiè- 
rement au-dessous du niveau de la rivière et n'appa- 
raissent plus. Mais ils se relèvent vite de Saint-Macaire 
à La Réole et Saint-André, au-dessus de Mongauzy, 
jusqu'à la petite vallée de Castelnau-sur-Gupie , avant 
Sainte-Bazeille; à l'est, il a disparu complétement par 
suite de l'amincissement qu'il éprouvait depuis La Réole. 
De Lormont jusqu’au delà de Langoiran , et de Saint- 
Macaire à Saint-André, ce calcaire forme des escarpe- 
ments, une sorte de corniche, au-dessus des marnes et 
des calcaires marneux éocènes, auxquels il se lie intime- 
ment par suite de l'absence de l’assise supérieure du 
terrain éocène, le calcaire d'eau douce blane du Péri- 
gord, dans toute cette partie de la coupe. 

De Baurech au vallon de Castelnau-sur-Gupie, la 
dépression formée par le calcaire grossier de Saint-Ma- 
caire est comblée par les autres assises du terrain mio- 
cène, soit les deux qui appartiennent encore à l'infé- 
rieur, soit les deux qui constituent le supérieur, 


689 

Le falun de Léognan est représenté par des sables 
un peu argileux, jaune-fauve, à veines grisâtres, par- 
fois peu consolidés, renfermant quelquefois des débris 
d'Ostracées, soit à Rions, soit à La Réole. À Sainte- 
Croix-du-Mont, ce sont des alternances de molasses 
grossières, verdàtres, et de marnes sableuses , jaunà- 
tres et verdètres, dans lesquelles les fossiles sont très- 
rares, 

Au-dessus, vient l'assise du calcaire d'eau douce gris, 
de Saucats, représenté tantôt par des marnes noirà- 
tres, comme à Rions; tantôt par des marnes grisàtres, 
avec couche de calcaire à Lymnées, Planorbes et Palu- 
dines, comme à Sainte-Croix-du-Mont ; tantôt par des 
marnes verdàtres et des calcaires d'eau douce plus ou 
moins concrétionnés, comme au moulin du Mirail et 
dans toute la colline qui est au nord de La Réole. Nous 
avons pensé que c'était peut-être à celte assise qu'ap 
partiennent les argiles grises de Créon et de Sadirac, 
si employées à faire des poteries; mais M. Delbos vient 
de démontrer qu'elles dépendent du terrain diluvien *. 

Le terrain miocène supérieur qui existe entre Rions 
et La Réole, est surtout développé autour de Sainte- 
Croix-du-Mont. L’assise inférieure, ou falun de Bazas, 
se compose d'argiles sableuses verdàtres, avec quelques 
empreintes de coquilles marines, puis de caltaires gros- 
siers , jaunàtres , arénifères, renfermant en énorme 
quantité l'Ostrea undata, et d'autres fossiles à Sainte- 
Croix-du-Mont, où, par suite de leur endurcissement, 


! Bulletin de la Soc. geol. de France, 2° série, t. X, pag. 41. 


690 
ils occasionnent une corniche rocheuse dans les colli- 
nes avoisinantes. À Rions, il y a des couches de cal- 
caire grossier arénifère jaune avec de petites huitres, et 
il en est de mème sur les collines qui sont au nord de 
La Réole, au télégraphe de Graveilleuse, où il y a aussi 
de grandes huitres. 

L'assise supérieure, ou calcaire d'eau douce de Ba- 
zas, se présente seulement au centre de la dépression, 
dans la colline au-dessus de Sainte-Croix-du-Mont, et 
peut-être dans celles de Saint-Macaire. Ce sont des 
marnes blanchâtres, renfermant des rognons de cal- 
caire compacte brunâtre. 

Le terrain pliocène ne se trouve sur aucun point de 
la rive droite de la Garonne, pas même dans la dépres- 
sion dont il est ici question; seulement, sur toute cette 
rive, depuis la vallée du Drot jusqu'à Lormont, et sur 
la rive droite de la Dordogne, depuis Saint-André-de- 
Cubzac jusqu'à Blaye, il y à un diluvium épais, com- 
posé de sables argileux, jaune-rougeàtres ou rouges, 
renfermant en immense quantité des cailloux de quartz, 
dont la grosseur varie depuis celle d'une noisette jus- 
qu'à 5 centimèt. de diamètre; dans les environs de 
Sainte-Croix-du-Mont, ce dépôt est pénétré de fer hy- 
droxydé qui y occasionne des poudingues ferrugineux 
durs, employés dans les constructions. 

5° De Sainte-Bazeille au confluent du Lot, près 
Aiguillon. De La Réole à l'embouchure du Lot, au- 
dessus de Tonneins, on retrouve le terrain éocène, par 
suite du relèvement des couches; mais ici il ressort de 
dessous le calcaire grossier de Saint-Macaire, des cou- 


691 


ches de molasse plus ou moins argileuse, grisâtre, 
jaunàtre où verdàtre, alternant avec des argiles et mar 
nes de même couleur. Ces couches, qui ne renferment 
incontestablement aucun fossile marin, paraissent bien 
avoir été formées dans des eaux douces. Elles rempla- 
ceraient ainsi les calcaires de Bourg; probablement 
même, le système marin inférieur de Blaye serait repré- 
senté par les molasses et argiles également d'eau douce, 
qui ont été rencontrées plus bas dans quelques son- 
dages. En remontant la Garonne, on retrouverait ainsi 
des faits analogues à ceux que l'on constate lorsque de 
Blaye et de Bourg on voit les calcaires passer latérale- 
ment à des molasses marines, et celles-ci, plus loin, 
passer aux sables et molasses d’eau douce de la Sain- 
tonge et du Fronsadais. 

Ce système est surmonté par le calcaire d'eau douce 
blanc du Périgord, qui manque au nord-ouest de Sain- 
te-Bazeille, mais que l'on voit, dans les environs de 
Duras et de Monségur, placé au-dessus du calcaire 
grossier de Saint-Macaire. Ce calcaire d’eau douce est 
assez développé entre Sainte-Bazeille et Marmande; il 
est blanchätre et renferme des Lymnées assez fréquem- 
ment; mais au delà de cette dernière ville, il n’est guère 
représenté que par une couche de marne rose, avec 
petits rognons de calcaire d’eau douce. Cette marne est 
très-caractéristique, assez constante ; mais, par suite de 
sa faible épaisseur, qui souvent n'atteint pas un mètre, 
elle n'est pas toujours visible sur la pente des coteaux. 
Au sud-est, le calcaire d'eau douce reprend pourtant 
dans cette assise, et devient assez épais dans la pres 


692 
qu'ile qui, au delà de Tonneins et de Clairac, porte 
les moulins de la Ramière ; il donne lieu à de grandes 
exploitations au-dessus de Nicole. 

Le terrain miocène inférieur qui recouvre le cal- 
caire précédent, formé entre La Réole et Sainte-Ba- 
zeille par des couches marines, présente entre Sainte- 
Bazeille et Marmande des alternances marines et d'eau 
douce ; elles sont formées au-dessous de Beaupuis par 
des argiles grises à empreintes végétales, des argiles 
vertes, et des molasses grossières grises à Scutella, 
Pecten, Ostrea, ete. De Marmande à l'embouchure du 
Lot , il n'y a plus que des assises d'eau douce consis- 
tant en molasses, argiles et marnes entièrement sem- 
blables à celles du terrain éocène qui sont au-dessous, 
séparées seulement par la marne rose dont il a été 
question. 

Le calcaire d'eau douce gris de l’Agenais se trouve 
rarement dans celte partie; il existe cependant aux 
moulins de la Ramière, où , comme d'ordinaire, il est 
gris, fétide, à tubulures, avec nombreux Lymnées, Pla- 
norbes et Helix. 

G° Du confluent du Lot près Aiquillon, à celui du 
Tarn près Moissac. La molasse d'eau douce éocène 
de Tonneins se poursuit dans toute l'étendue de cette 
section en conservant une épaisseur à peu près égale ; 
ce sont toujours des molasses grossières, grisètres, al- 
ternant avec des molasses plus fines, plus argileuses, 
vertes où jaunàtres, et des argiles et des marnes plus 
ou moins sableuses de même couleur. Elles sont recou- 
vertes immédiatement par le calcaire d'eau douce blanc 


693 

du Périgord, massif, sans stratification, qui renferme 
rarement des fossiles et qui est exploité pour pierres de 
taille. Son épaisseur moyenne, peu variable, est d'en- 
viron 20 mètres, et il vient, en s’'amincissant , se ter- 
miner au-dessus du port de Boudou en formant des 
escarpements , une corniche horizontale, excepté au- 
tour de Clermont-Dessus, où il y a un léger exhausse- 
ment, ainsi qu'à la terminaison, où il atteint le sommet 
des coteaux. 

Le terrain miocène inférieur est représenté d'abord 
par la mollasse moyenne de l'Agenais, en tout sembla- 
ble à la précédente, qui vient recouvrir le calcaire 
d'eau douce blanc jusqu'à sa terminaison à Boudou. Au- 
dessus, vient le calcaire d'eau douce gris de l'Agenais, 
fétide, à tubulures, avec Lymnées, Planorbes, Helix, 
et quelques ossements, qui couronne les coteaux autour 
d'Aiguillon et qui se retrouve jusqu'un peu au delà 
d'Agen. 

Le terrain miocène supérieur, dans cette partie de 
la coupe, n'existe qu'au-dessus d'Aiguillon, et encore 
n'y at-il que la base de lassise inférieure, le falun de 
Bazas, représenté par des molasses et des marnes, ren 
fermant d'assez grandes huitres en abondance. 

T° Du confluent du Tarn près Moissac, à Sept- 
Fonds. Au delà du port de Boudou, on ne retrouve 
plus la molasse miocène inférieure, ni le calcaire blanc 
du Périgord; les collines sont entièrement formées par 
la molasse éocène, qui s'élève et acquiert une plus 
grande épaisseur visible, au-dessus du fond des val- 
lées que partout ailleurs; elle forme la colline entière 

45 


69% 

de Moissac, le plateau de La Française jusqu'à Caus- 
sade; elle est constituée absolument comme à Tonneins 
et dans la section précédente; seulement, sur beaucoup 
de points il y a des bancs renfermant des cailloux de 
quartz qui atteignent parfois, comme au confluent du 
Tarn, sous La Française, la grosseur d'une noix. En 
quelques endroits, des parties consolidées plus ou moins 
fortement, donnent un mauvais moellon. Autour de 
Caussade, aux limites extrêmes du terrain tertiaire, les 
mollasses grossières ou argileuses fines, présentent par 
places, à leur base, soit des marnes vertes, soit des 
argiles vertes ou rouges, au contact des terrains secon- 
daires. 

À Caussade, le bas plateau est formé par le terrain 
jurassique, consistant en des calcaires compactes légè- 
rement brunàtres, donnant de grandes dalles , à terre 
brun-rougeàtre, très-pierreuse ; ils appartiennent très- 
probablement à l'étage supérieur à Caussade, et à des 
étages plus inférieurs aux environs de Sept-Fonds. 

Un coup d'œil d'ensemble fait voir que le sol décrit 
dans notre coupe, va, ainsi que les assises qui le cons- 
tituent, en s'élevant du nord-ouest au sud-est, c’est-à- 
dire de la mer vers l'intérieur. Mais lorsque l’on vient 
à examiner plus attentivement, on aperçoit des ondu- 
lations assez prononcées. Dans la partie nord-ouest, il 
y a un bombement des couches, dont le centre parait 
être à Mortagne, et qui embrasse toute la partie située 
entre la pointe de la Coubre et le confluent de la Dor- 
dogne au Bec-d'Ambès. Ce bombement se traduit même, 
à l'extérieur, par une sur-élévation du sol, dont le point 


695 

culminant est à Saint-Thomas-de-Conac. Aux deux 
cinquièmes de la longueur de la coupe, et faisant suite 
au bombement, existe une dépression des couches dont 
le centre est à Sainte-Croix-du-Mont près de Cadillae, 
et qui s'étend depuis Bordeaux jusqu'à Sainte-Bazeille. 
Cette dépression n’est traduite à l'extérieur par aucuu 
accident particulier du sol. De Sainte-Bazeille à Caus- 
sade, sur plus de la moitié de la longueur de la coupe, 
les couches tertiaires vont en s’élevant doucement et 
d'une manière régulière. 

Ces deux accidents, bombement et dépression , ainsi 
que nos recherches nous ont permis de le constater, 
ont eu des causes analogues. Le bombement de Mor- 
tagne fait partie d’un relèvement du sol, postérieur au 
dépôt du terrain crétacé , qui s'est produit suivant une 
ligne dirigée à peu près de Pons à Marennes. L’abais- 
sement de Sainte-Croix-du-Mont est dü à une dépres- 
sion qui existait dans le golfe de l'Aquitaine également 
avant le dépôt des terrains tertiaires. 

Considéré en grand, au point de vue géologique, 
on voit le bombement qui est au voisinage de la côte 
«mener au jour le terrain crétacé; sur la pente nord- 
ouest, très-courte, se trouve un petit lambeau tertiaire, 
masqué de suite par les dunes; la pente sud-est, très- 
longue, fait partie du fond du grand golfe tertiaire de 
l’Aquitaine; à l'extrémité sud-est de celui-ci, le fond, 
lorsqu'il redevient visible, n'est plus constitué que par 
le terrain jurassique. 

Dans ce grand golfe, situé entre Mortagne et Caus- 
sade , le terrain éocène commence à Saint-Thomas-de- 


696 

Conae, et vient, sous forme de dépôts marins, s'abais- 
ser graduellement et se perdre sous la Garonne avant 
Cadillac. Le terrain miocène inférieur commence à 
Saint-André-de-Cubzae, s'abaisse jusqu’à Sainte-Croix- 
du-Mont, et ensuite se relève rapidement jusqu'à Mar- 
mande; puis, exclusivement constitué par des forma- 
tions d'eau douce, il se relève très-doucement jusqu'au 
delà de Valence d'Agen. À partir de La Réole, reparaît 
le terrain éocène, exclusivement d'eau douce, qui se 
relève d'abord rapidement jusqu'à Marmande, puis très- 
doucement jusqu'à Caussade. Le terrain miocène supé- 
rieur achève de remplir le centre de la dépression entre 
Rions et La Réole. Il reparait un instant près du con 
fluent du Lot, au-dessus d’Aiguillon. 

Comme nous l'avons déjà fait remarquer, les différen- 
tes assises exclusivements marines , ou la forme marine 
des assises mixtes, pénètrent ou se poursuivent d'au- 
tant plus avant dans l’intérieur de l'Aquitaine qu'elles 
sont plus récentes; ainsi : 


Le falun de Bazas dépasse Aiguillon. 

Le falun de Léognan devient d'eau douce avant Marmande. 

Le calcaire grossier de Saint-Macaire ne dépasse pas Île 
vallon de Castelnau-sur-Gupie. 

Le calcaire grossier de Bourg se transforme en assise d’eau 
douce entre Cadillac et La Réole. 

Le calcaire grossier du Médoc disparaît avant Bourg. 

Les sables de Royan n’atteignent pas Royan. 


Quant aux quatre assises de calcaire d'eau douce, 
leur plus ou moins grand éloignement de la mer ne 


697 
présente aucune espèce de régularité, car elles ne dé- 
passent pas les limites suivantes : 


Calcaire jaune de l'Armagnac (Bazas)... Cadillac. 
Calcaire gris de l'Agenais (Saucats)..... Cadillac. 
Calcaire blanc du Périgord (Agenais).... Sainte-Bazeille, 
Calcaire de Blaye... Drobodne COR SE .. Anglade. 


D'après notre coupe, les plus grandes épaisseurs 
visibles des différents étages tertiaires, au-dessus de la 
Garonne et du Tarn, sont les suivantes : 


Terrain miocène supérieur... A Ste-Croix-du-Mont.. 40m 
Terrain miocène inférieur... A La Réole....…. ct 20 
MennainMÉoC near MAUCAUSSatles.s. 0 130 


L'épaisseur des deux étages supérieurs est complète 
dans les localités indiquées, car on y voit la base et le 
sommet de chacun d'eux. Mais il n’en est pas de même 
pour l'étage inférieur, car de Saint-Ciers-Lalande à 
Caussade, la base étant située beaucoup au-dessous du 
niveau de la vallée, on ne peut en connaître que bien 
rarement la puissance totale. Toutefois, les trois son- 
dages qui ont été faits dans le voisinage de la coupe 
permettent d'attribuer des épaisseurs déjà fort considé- 
rables au terrain éocène, quoique les sondages n'aient 
pas atteint la craie ou le terrain jurassique sous-jacent. 
Elles sont : 


A Beychevelle, de... 130 m 
A Bordeaux, de... 230 
ANA'Sen eee. 22 D LE 220 


698 


90 NOTE SUR L'AGE DE LA MOLASSE DE MOISSAC. 


Après avoir terminé la description de notre coupe, 
nous arrivons à nous occuper du Mémoire de M. Ley- 
merie, et spécialement des trois dernières pages. Dans 
notre Essai d'une classification des terrains tertiai- 
res de l’Aquitaine, nous avions déjà rapporté à la 
molasse éocène du Fronsadais les couches au milieu 
desquelles, dans d’autres localités, ont été trouvés les 
Rhinoceros minutus, Anthracotherium magnum et 
minutum. Ce ne fut pas sans quelque étonnement que 
nous lûmes dans les Comples rendus le passage sui- 
vant : «Cette mächoire a été trouvée avec des dents 
» isolées d’un grand Rhinocéros, au milieu d'une mo- 
lasse friable, au pied des coteaux qui s'élèvent der- 
rière les maisons même du quartier Saint-Martin, à 
Moissac. Nous considérons ce terrain comme identi- 
que à celui des collines de Toulouse, et comme de- 
vant rester dans l'étage miocène de la formation ter- 
» tiaire. » 

Nous désirions vivement connaitre les faits qui avaient 
amené M. Leymerie, qui a étudié plus particulière- 
ment la partie supérieure de la vallée de la Garonne, 
à proposer pour les couches situées au confluent de 
cette rivière et du Tarn, à Moissac, un classement dif- 
férent de celui auquel nous étions arrivé par l'étude de 
la partie inférieure de cette même vallée, entre l'Océan 
et cette dernière ville, partie où la succession des as- 
sises peut être le mieux étudiée. La publication de 


% 2 
CA A, Ve Ÿ 


4 
C4 


699 

son Mémoire vient satisfaire notre désir, en nous don- 
nant les moyens de connaitre les observations sur les- 
quelles il s'appuie, et d'apprécier la valeur des déduc- 
tions qu'il en tire contre notre manière de voir. Les 
raisons qui portent M. Leymerie à ranger la molasse 
à Antracotherium des bords de la plaine du Tarn, à 
Moissac, dans le terrain miocène, se rapportent aux 
trois catégories suivantes, que nous allons examiner 
successivement : 

4° La présence de l'Anthracotherium magnum, un 
des animaux les plus caractéristiques de l'époque 
miocène, suivant M. Leymerie ; 

2 L'identité minéralogique des collines de Tou- 
louse et de Moissac, et la continuité du terrain dans 
tout l'intervalle qui sépare ces deux villes; 

3 L'existence d'un calcaire d'eau douce à moules 
d'Hélix du Gers au sommet des coteaux, sous une as- 
sise sableuse à Boudou, à 4% à l'O. de Moissac. 

1° Quant au genre Anthracotherium, nous n'avons 
pas oublié que M. Gervais l'a considéré, en 1849, com- 
me caractéristique de sa quatrième faune, l'une de cel- 
les des terrains miocènes. Mais s'il en est ainsi incon- 
testablement pour une espèce, l'A. onoideum Gerv. des 
sables de Neuville-aux-Bois (Loiret), et peut-être aussi 
pour l'A. alsaticum Cuv. des lignites de Lobsann et de 
Béchelbronn, il ne faut pas oublier qu'on manque de 
données pour l'A. Silistrense Pentl. des b>.ds du 
Brahmapoutra, dans l'Inde. Pour les autres espèces, les 
assises qui les renferment avaient déjà été en partie 
rapportées au terrain éocène, avant la publication de la 


700 


note de M. Gervais, et depuis, cette opinion tend à pré- 
_ valoir chaque jour davantage dans la science, comme 
on va voir. 

L'A. Gergovianum BI. d'Ivoine, près d'Issoire, dans 
les couches inférieures du dépôt de la Limagne, vient 
d'être classé lui-même, par M. Gervais, dans le terrain 
éocène supérieur. 

Dans le petit bassin du Puy-en-Vélay, l'Anthraco- 
therium velaunum Cuy. a été trouvé dans des assises 
superposées, et se liant intimement à celles qui renfer- 
ment plusieurs espèces de Palæotherium, que M. Ger- 
vais considère comme caractéristiques de sa faune éo- 
cène supérieure, la troisième, celle des Gypses pari 
siens. 

Quant à l'Anthracotherium magnum Cuv. lui-même, 
considéré par M. Leymerie comme un des animaux 
les plus caractéristiques de l'époque miocène , tous 
ses gisements sont, Ou reconnus, Ou supposés éocènes, 
comme on va le voir dans leur énumération. Dans le bas- 
sin de Paris à Meudon, il a été trouvé dans un conglo- 
mérat crayeux situé à la base de l'argile plastique. Dans 
la Limagne d'Auvergne, c’est à Orsonnette et à Bansac, 
près d'Issoire, dans des arkoses qui forment les couches 
les plus inférieures du terrain tertiaire, que plusieurs 
géologues rapportent au terrain éocène. À Digoin et à 
Varennes, près de cette ville, l'âge des terrains où il a 
été rencontré n'est pas certainement déterminé. Son 
plus ancien gisement, à Cadibona, près de Savone, en 
Ligurie, est dans des lignites que M. Coquand assimile 
maintenant à ceux des environs d'Aix, en Provence, 


701 


qu'il a toujours considérés comme de l'âge des gypses 
de Paris, et que MM. Leymerie ‘ et Mathéron ? con- 
sidèrent comme un équivalent synchronique lacustre 
du terrain à Nummulites. Cette opinion a pris un ca- 
ractère de vérité absolu par la découverte qui a été 
faite dans les lignites analogues , des environs d'Apt, 
des espèces de Palæotherium les plus caractéristiques 
du gypse parisien. Enfin, on à vu que, par des consi- 
dérations purement géologiques, nous étions arrivé, en 
1848, à mettre aussi les molasses de Moissac en pa- 
rallèle avec cette dernière assise. 

L'Anthracotherium minus Cuv. appartient aux mé- 
mes lignites de Cadibona, et doit suivre le sort du pré- 
cédent. 

Enfin, nous rappellerons qu'en 1848, antérieure- 
ment à la publication de M. Gervais, nous avions rap- 
porté à la molasse éocène du Fronsadais les couches 
dans lesquelles, à Hautevignes (Lot-et-Garonne), a été 
trouvé lAnthracotherium minimum Cuv. 

M. A. d'Orbigny, dans le premier volume de son 
Traité élémentaire de Paléontologie, publié en 1850, 
n'a pas hésité non plus à rapporter, sur les cinq An- 
thracotherium connus de lui, trois espèces au terrain 
parisien (éocène supérieur), et deux au terrain falu- 
nien {miocène). 

2° Dans notre Nouvel essai d'une classification des 
terrains terhiaires de l'Aquitaine, nous avons suffi- 
samment établi, par des descriptions de coupes et de 


‘ Bull. de la Soc. géol. de France, 2° série, t. VIII, p. 205. 1851. 
é Id. id. IX, p. 189. 1852. 


102 

continuités d'assises, l'identité des caractères minéra- 
logiques des divers étages de molasse d'eau douce, 
pour n'avoir pas besoin de donner encore de nouveaux 
faits. Dans l'Agenais { Lot-et-Garonne) et l'Armagnac 
(Gers) surtout, on peut recueillir des séries des diffé- 
rentes variétés de molasses, de marnes et d’argiles ab- 
solument impossibles à distinguer les unes des autres, 
quoique provenant des quatre assises bien distinctes de 
molasses, séparées par les trois grandes nappes de cal- 
caire d'eau douce, comme il suit : 

Molasse supérieure de l’'Armagnac............... Terrain pliocène. 


Calcaire d’eau douce jaune de l’Armagnac. | Terrain miocène 
Molasse inférieure de l'Armagnac...…. DL supérieur. 


Calcaire d’eau douce gris de l'Agenais..…. | Terrain miocène 
Molasse moyenne de l’Agenais................…. inférieur. 


Calcaire d’eau douce blanc du Périgord. | 


L T in éocène. 
Molasse du Fronsadais.:-............. ie) LE EN 


Quant à la continuité du terrain dans lout l'inter- 
valle qui sépare Toulouse de Moissac, villes qui se 
trouvent à 62 kilomèt. de distance en ligne droite , les 
faits que nous avons observés ne nous permettent pas 
de l’admettre avec M. Leymerie. 

Sur la rive gauche de la large plaine de la Garonne, 
des coteaux la limitent depuis Toulouse jusque devant 
Moissac, Agen, Tonneins, etc.; en les étudiant, on 
peut voir, avec la plus grande évidence, la molasse et 
le calcaire d'eau douce inférieurs d'Agen, s’abaisser 
vers le sud et aller plonger sous les assises miocènes du 
Gers et de la Haute-Garonne. L’assise calcaire forme 
un excellent horizon qu'on voit s'abaisser et disparaitre 


703 


du Port-Saint-Marie, au-dessus de Nérac, dans la 
vallée de la Baïse; d'Agen, au-dessus d'Astaffort, dans 
celle du Gers; de Boudou, près Moissac, à Caumont d’a- 
bord, et ensuite dans la vallée de la Gimone bien avant 
Beaumont-de-Lomagne, dont la prairie se trouve à 
l'alütude de 95 mètres. Le tableau suivant permet de 
bien saisir cet abaissement des couches au sud. 


PE — 2 


[' “ pp, . 
LOCALITES. Altitudes. | Différences. | Distances. |Pentesen desr. 

Port Sainte-Marie... 100 

60° |414,000® 45° 
NÉrACES es eee 40 
ANA Doenen oadbondedduene 140 

60 16,000 13° 
AStaffont ess: tree ire 80 
Boudou, près Moissac.| 470 

50 8.500 20 ? 
Caumont. 20e 120 

| 


La surface de l'Aquitaine, à partir des bords de la 
Garonne entre Tonneins et Moissac, reste d'abord hori- 
zontale, puis va ensuite en s’élevant vers les Pyrénées 
au sud, tandis que le calcaire d’eau douce de Boudou 
va en s'abaissant dans la même direction; il en résulte 
que les diverses assises du terrain miocène superposé 
acquièrent une plus grande épaisseur à mesure qu'on 
se rapproche des Pyrénées, et finissent bientôt par 
rester seules apparentes dans les coteaux de la rive 
gauche, dans la partie dirigée du nord au sud , de Mois- 
sac à Toulouse et Saint-Gaudens. 

Sur la rive droite de la Garonne, il ny a plus la même 
continuité de coteaux ; sur la moitié de la longueur, de 
Moissac jusque vis-à-vis de Verdun-sur-Garonne, on 


704 


se trouve dans la vaste plaine basse qui résulte de la 
réunion des vallées de l'Aveyron, du Tarn et de la Ga- 
ronne, et dans laquelle un épais manteau diluvien ne 
permet de faire aucune observation sur les dépôts situés 
au-dessous. Toutefois, la disparition du calcaire d'eau 
douce blanc du Périgord, à l'est de Moissac, ne permet- 
trait que bien difficilement de reconnaitre la ligne de 
séparation entre les molasses éocènes et miocènes, lors 
même qu'il y aurait des coteaux sur la rive droite. Si, 
comme on n'en doit pas douter, l'inclinaison des couches 
de la rive gauche se reproduit sur la rive droite, c’est 
sans doute aux environs de Montech que la molasse 
éocène vient se perdre sous la molasse miocène dans la 
vallée. Dans la seconde moitié méridionale, la rive 
droite de la vallée de la Garonne présente jusqu'au 
delà de Toulouse des coteaux formés exclusivement, à 
notre avis comme pour M. Leymerie, par les molasses 
miocène et pliocène. 

3° Quant au calcaire d'eau douce de Boudou, que 
nous connaissons et qui est mentionné par M. Leyme- 
rie, sa présence seule dans ce lieu suffit pour établir 
d'une manière incontestable l'âge des molasses de Mois- 
sac placées au-dessous. En effet, comme nous l'avons 
reconnu le 4 avril 4847, et comme le dit M. Leymerie, 
ce calcaire se développe de plus en plus à mesure 
qu'on approche d'Agen, où les escarpements qui do- 
minent la ville en sont en grande partie composés. 
C'est l’assise calcaire la plus inférieure, celle que nous 
avons désignée sous le nom de calcaire d’eau douce 
blanc du Périgord; à Agen, elle est située à plus de 
100 mètres au-dessus de la Garonne, à l'altitude de 


705 


140 mètres environ; au-dessus, vient, comme à Bou- 
dou, une assise sableuse avec des argiles et des mar- 
nes, que nouûs avons appelée molasse moyenne de 
l’Agenais, el qui supporte (ce qui manque à Boudou) 
un second calcaire d’eau douce gris, celui de l'A ge- 
nais, qui atteint, lui, l'altitude de 186 mètres. Ces 
deux dernières assises constituent, pour nous, dans 
l'Aquitaine agenaise, le terrain miocène inférieur. 

La position du calcaire d'eau douce blanc du Péri- 
gord, dans la série des assises tertiaires de l'Aquitaine, 
ne saurait être l'objet du plus léger doute. En marchant 
d'Agen vers le nord, on le retrouve dans la vallée du 
Lot à Villeneuve-sur-Lot, et dans celle du Drot à Cas- 
tillonès; puis, en descendant celle-ci vers l’ouest, on 
le suit dans les flancs, par Eymet, jusqu'à Duras et 
Monségur ; là, il repose sur la molasse du Fronsadais, 
et il est recouvert directement par le calcaire grossier 
de Saint-Macaire, absolument comme dans les environs 
de Castillon, à l'est de Libourne, où sa position à la 
partie supérieure du terrain éocène avait été établie de 
la manière la plus incontestable par M. Delbos avant 
que nous n'ayons observé les mêmes faits et exprimé 
la même opinion. 

Pour nous, aujourd'hui comme il y a cinq ans, la 
molasse de Moissac est le prolongement de celle du 
Fronsadais, dont la position et les fossiles font l'équi- 
valent des marnes gypsifères du bassin de Paris; le cal- 
caire de Boudou qui la recouvre est le calcaire d'eau 
douce blanc du Périgord, l'assise supérieure du terrain 
éocène; et en raison des grandes difficultés qui existent 
dans la caractérisation des espèces fossiles d'Helix, 


106 
nous regardons, quant à présent, comme de détermi- 
nation douteuse les moules que M. Noulet a reconnus 
pour apparlenir à une espèce très-fréquente dans 
les calcaires marneux miocènes du Gers. 

En présence des faits que nous avons exposés dans 
la description de notre coupe, faits dont tous les géo- 
logues pourront vérifier l'exactitude, et des considéra- 
tions précédentes sur les environs de Moissac, nous ne 
pensons pas qu'il soit possible d'attribuer au terrain 
miocène, comme le pense M. Dufrénoy, les dépôts ter- 
tiaires qui se trouvent à l'E. du méridien de Marmande 
et au N. de la Garonne et du Tarn, et comme le pense 
M. Leymerie, les couches qui sont à Moissac, peu au- 
dessus de cette dernière rivière. Il nous semble évident 
qu'on ne peut rapporter qu'au terrain éocène, ainsi que 
nous l’avions déjà énoncé sommairement en 1848, les 
molasses qui y renferment lAnthracotherium magnum. 

C'est au terrain éocène qu'appartiennent, pour tous 
les géologues, les gisements d'ossements de vertébrés 
fossiles de la rive droite de la Gironde; ceux de Terre- 
Nègre, près Royan (Tortues); de Blaye (Manatus du- 
bius) et d'Eyrans. C'est aussi, suivant nous, au terrain 
éocène, mais à d'autres assises plus supérieures, que, 
sur les mêmes rives de la Dordogne, de la Garonne et du 
Tarn, se rapportent les gisements de la Grave { Palæo- 
therium girondicum, medium, crassum et minus), 
de Hautevignes {/Anthracotherium minutum), et de 
Moissac { Anthracotherium magnum et Rhinoceros 
minutus ). 


CHANGEMENTS QUI SE SONT OPÉRÉS 


dans la distribution primitive des êtres vivants 


A LA SURFACE DU GLOBE; 


Par Marcez DE SERRES, membre correspondant. 


L'harmonie qui règne dans toutes les œuvres de la 
création ; l'ordre, la régularité qui s'y manifestent de 
toutes parts, porteraient à croire que rien n’a été changé 
dans l'œuvre du Créateur, et que la distribution primi- 
tive des êtres vivants à la surface du globe n’a éprouvé 
aucune altération. 

Mais si l'on considère ces êtres divers d'un œil plus 
attentif; si l'on réfléchit sur les causes nombreuses qui 
à différentes époques ont exercé leur influence dans la 
nature, telles surtout que les révolutions du globe et la 
dispersion des hommes dans tous les climats, on ne 
tarde pas à reconnaitre que des modifications ont dû 
s'opérer dans l'ordre primitif de la création. 

On ne peut douter que, dans l’origine, les végétaux 


708 


et les animaux n'aient eu chacun leur patrie distincte 
et propre à plusieurs de leurs espèces. On ne doute pas 
davantage que des lois pleines de sagesse, quoique en- 
core peu connues, n'aient présidé à leur distribution 
et ne les aient tous placés, dès le principe, dans les 
conditions les plus favorables à leur existence. 

La connaissance de ces lois nous serait sans goute 
nécessaire pour apprécier avec exactitude les change- 
ments survenus depuis l'époque où ces êtres ont em- 
belli la surface du globe; si nous ne pouvons espérer 
de l'acquérir entièrement, nous pouvons du moins, par 
des observations suivies, l'examen et la comparaison 
des faits, nous avancer d'un pas assez sûr dans cette 
étude, et arriver à une solution approchée de ces ques- 
tions importautes, bien dignes d'exciter notre curiosité 
et d'enflammer notre zèle. 

Nous essaierons donc de rechercher si ces lois ont 
été les mêmes pour l'homme que pour les animaux; 
nous étudierons ensuite les espèces qui l'ont constam-— 
ment accompagné et qu'il à entrainées avec lui dans la 
plupart des contrées de la terre. L'homme n’est pas 
seulement l'être le plus parfait au moral, il l'est aussi 
sous les rapports physiques. 

Plus que les animaux, il supporte les températures 
les plus extrêmes et les pressions les plus différentes. 
Aïnsi, il affronte sans danger des froids de près de 
50 degrés au-dessous de la glace, et des chaleurs de 
plus de 48 à 50 degrés centigrades. L'homme, au moyen 
des aérostats , s’est élevé dans les airs jusqu'à 8,000 mèe- 
tres, et à vu sans péril le baromètre s'abaisser à 0"237 
millimètres. 


709 

Sans doute, les voyageurs les plus intrépides et les 
plus accoutumés à vaincre les obstacles qui s'opposent 
à notre ascension sur les hautes montagnes, ne sont 
pas parvenus à d'aussi grandes élévations. Ils sont ce- 
pendant arrivés à près de 6,000 mètres, hauteur bien 
supérieure à celle que peuvent franchir les divers ani- 
maux de la création. 

L'homme a fait plus encore : il a porté sa demeure 
en Europe jusqu'à la hauteur de 3,000 mètres. Il a 
même dépassé ce niveau dans le Nouveau-Monde, où 
le décroissement du calorique marche moins rapide- 
ment que dans nos régions. Ainsi, il a établi de gran- 
des fermes à 4,792 mètres; des villages à 4,344; enfin, 
des villes à 4,166 et 4,141 mètres, élévations qui dif- 
fèrent peu de la cime du Mont-Blanc. 

L'homme ne peut atteindre le sommet de ce colosse 
des montagnes de l'Europe que par le travail le plus 
pénible qu'il lui soit possible d'entreprendre. Cepen- 
dant, ce travail, ou l'équivalent, une machine à vapeur 
lexécute en brülant un kilogramme de charbon. Ainsi, 
630 chaldrons de ce combustible seraient capables 
d'exécuter des monuments aussi gigantesques que les 
pyramides d'Égypte ‘. 

Ces appréciations nous donnent une idée de la fai- 
blesse de nos organes considérés sous le point de vue 
de leur force matérielle et de la puissance de notre in- 
telligence, qui nous inspire les moyens d'y suppléer. 


Le chaldron est une mesure de capacité usitée en Angleterre; elle est com— 
posée de 12 sacs, et équivaut à 13 hectolitres 08516, Il en résulte que 630 
chaldrons de charbon correspondent à 8,197 hectolitres. 


46 


710 


Toutefois, une foule de circonstances exercent une in- 
fluence si funeste sur les animaux, qu'aucun d'eux n'ose 
les affronter et encore moins s'y soumettre. 

Un seul animal a suivi l'homme dans les hautes ré 
gions où il a placé sa demeure. Comme vous le pensez, 
c'est celui dont il a fait le plus particulièrement la con- 
quête, et qui participe à nos plaisirs comme à nos 
dangers. 

En abrégeant son existence, nous avons conduit le 
chien jusque sur le Mont-Saint-Bernard, à la hauteur de 
2,491 mètres. Il y est devenu le compagnon fidèle des 
religieux, qui, vivant constamment au milieu des nei- 
ges, se condamnent eux-mêmes à une mort prochaine *. 

Mais quels prodiges n’enfante pas la charité? N'en 
est-ce pas un, en effet, de voir ces religieux auxquels 
dix années de vie sont à peine accordés du moment où 
ils ont mis le pied dans l'Hospice, en faire le sacrifice 
sans ostentation et sans désir d'une vaine gloire, pleins 
de l’espérance que dans ce terme le plus long irrévo- 
cablement fixé à leur existence, quelle que soit leur 
force et leur jeunesse, ils auront plus d’une fois le 
bonheur de sauver leurs frères égarés au milieu des 
brouillards ? 

L'homme résiste donc le mieux à l’action des agents 


* Depuis que l’on a reconnu que la plupart des moines du Mont-Saint- Bernard 
périssent par l'effet des rhumatismes aigus auxquels les expose l'atmosphère hu— 
mide au milieu de laquelle ils vivent, on les fait descendre dans les vallées avant 
qu'ils aient été trop gravement affectés. On les place dans diverses cures situées 
entre l’Hospice et Martigny. Les plus âgés habitent un hospice dont l'élévation 
n'est que de 400 mètres au-dessus de la mer. Quelques-uns d’entre eux y vivent 
assez longtemps. 


TA 


extérieurs. Cette puissance lui à été donnée par suite 
de sa destinée. Placé à l'origine des choses sur un point 
unique, d'où il devait bientôt s'éloigner pour aller se 
répandre sur toutes les parties de la terre, pour lui il 
n'est plus d'asile inexploré, et ses nombreuses tribus 
couvrent comme d'un vaste réseau les diverses par- 
ties d'un monde longtemps privé de sa présence. 

Les animaux, qui, par leur constitution physique 
aussi bien que par la nature de leur instinct, ne pou- 
vaient être les maitres de cette terre, dont ils ne sau- 
raient comprendre les merveilles, ont subi des lois dif- 
férentes dans leur distribution primitive. 

Au lieu d'être placés comme l'homme dans une seule 
région , ils ont été disséminés par grandes tribus dans 
toutes les parties de la terre. Ces régions, distinguées 
par des espèces particulières, sont de véritables cen- 
tres de création. 

De toutes les influences qui ont agi sur les êtres or- 
ganisés, la plus puissante a été celle de l'homme. En 
effet, il a répandu à l'infini les espèces dont il pouvait 
tirer parti; il les a entrainées non-seulement hors de 
leur patrie, mais dans toutes les contrées où il a porté 
ses pas. 

I y à plus, il a entrainé avec lui une foule de végé- 
taux et d'animaux à son insu; les uns et les autres 
sont devenus souvent aussi abondants que les her- 
bes les plus vulgaires ou les espèces animales les plus 
communes. 

Avant d'entrer dans ces détails, permettez-nous, 
Messieurs, de vous dire quelques mots des centres de 


712 


création, caractérisés par des flores et des faunes tout 
à fait spéciales. En effet, les espèces de chacun de ces 
centres diffèrent, à des degrés divers, de celles qui 
appartiennent à d'autres foyers, fussent-ils même rap- 
prochés des premiers. 

Les centres de création ou les différents points du 
globe signalés par des flores ou des faunes particuliè- 
res, ont eu chacun leurs espèces propres, quoique 
plusieurs semblent communes à divers foyers. Lorsque 
les conditions des milieux extérieurs ne sont pas les 
mêmes dans deux centres, la flore et la faune qui y 
brillent suivent cette différence et n’ont plus la moin- 
dre analogie ‘. La similitude des conditions n’entraine 
pas d'une manière nécessaire la similitude des flores et 
des faunes , surtout lorsqu'elles appartiennent à des ré- 
gions éloignées. La distance des deux centres a alors 
empêché les végétaux et les animaux qui les babitaient 


! On se rend facilement raison, à l'aide de ces centres de création, de plu- 
sieurs faits curieux de la distribution des animaux. Tel est l'isolement singulier 
de quelques espèces, la prédominance de certains types, dans des contrées ou dans 
des circonstances particulières qui s'opposent aux migrations lointaines et aux 
.invasions du dehors, 

D'un autre côté, les espèces végétales et animales appartenant à deux régions 
analogues, s’acclimatent facilement en passant de l’une dans l’autre. C’est là un 
résultat d'observation journalière et dont l'histoire des établissements européens 
nous offre de nombreux exemples. 

Le bœuf, le chien, le cheval, serviteurs assidus et dociles de l’homme , n’exis- 
taient pas en Amérique lors de la découverte du Nouveau-Monde. Quelques individus 
transportés sur cette terre étrangère, rendus accidentellement à la liberté, ont 
engendré ces races sauvages dont les troupes innombrables animent aujourd’hui la 
solitude des Pampas, les marais de la Floride et les prairies sans bornes des 
États-Unis, 


713 
de passer de l'un de ces points dans l'autre, quoiqu'ils 
eussent pu y prospérer également. 

Citons quelques exemples qui puissent faire juger de 
la réalité de ces centres de création, qui ne sont pas, 
comme on pourrait le supposer, des jeux de l'esprit. 

Une famille de plantes occupe des espaces immenses 
sur un des côtés de notre planète; cependant , on n’en 
découvre pas la moindre trace sur l'autre hémisphère. 
Ainsi, tandis que les peuples qui habitent l’ancien con- 
tinent luttent, depuis des siècles, contre la marche 
progressive des tribus nombreuses des bruyères, les 
habitants du Nouveau-Monde ignoreraient l'existence de 
ces végétaux envahisseurs si nous ne les y avions en- 
trainés. 

Comment douter de la réalité de ces foyers primitifs, 
lorsqu'on voit l'Égypte presque privée de cryptogames 
terrestres, tandis que ces plantes sont répandues avec 
profusion dans les régions tempérées et boréales ‘, On 
ne voit pas davantage , dans les contrées africaines, ces 
gazons si frais qui couvrent de leur belle verdure le 
sol des grandes hauteurs ou des contrées septentrio- 
nales. Les gramens qui constituent ces gazons n’y 
existent pas; lorsqu'ils s'y trouvent, ils appartiennent 
à des espèces différentes et demeurent isolés sans se 
réunir en grandes touffes. 

Les graminées, répandues en Égypte, n'y sont pour- 


? [Len est peut-être différemment des cryptogames marins; du moins, la partie 
de la Méditerranée et de la mer Rouge qui avoisine l'Égypte paraît en offrir un 
grand nombre; tandis qu'il en est autrement des régions polaires , où les algues 
sont rares, 


714 


tant pas accompagnées par certaines familles végétales, 
telles que les gentianées, les rosacées et les saxifrages, 
qui n'y sont pas plus représentées que dans la Nou- 
velle-Hollande. 

De pareils faits ne sont pas uniquement propres aux 
végétaux : les animaux nous en offrent d'analogues. 

L'ile de Madagascar , sorte de débris d'un grand conti- 
nent, à en juger par la particularité de ses productions, 
ne renferme aucune espèce de singe, malgré l'assertion 
contraire de Buffon. Ils y sont remplacés par les Lému- 
riens, particulièrement les Makis, l'Aye-Aye, les seuls 
représentants des primates dans cette Île. Mais tandis 
que trois espèces de Tenrecs l'animent, elle est privée 
d’une foule de classes, d'ordres, de familles et de genres 
qui, ailleurs, offrent un grand nombre de races dis- 
tinctes. 

Les primates ne sont pas mème représentés en Eu- 
rope , car les Magots, naturalisés dans les parties les 
moins accessibles du rocher de Gibraltar et les mon- 
tagnes de l’Andalousie et de Grenade, y sont venus de 
Barbarie. 

Ainsi, tandis qu'il n’est pas une seule espèce de singe 
en Europe, ni de commune aux deux grands conti- 
nents, les contrées européennes en offraient un assez 
grand nombre dans les temps géologiques. 

Les Marsupiaux et les Monolrèmes sont à peu près 
les seuls mammifères de la Nouvelle-Hollande, quoique 
son étendue soit plus grande que celle de l'Europe. On 
chercherait en vain ailleurs l’un de ces ordres; on dé- 
couvre bien les Marsupiaux dans le nouvel hémisphère ; 


mais ils sont loin d'être aussi nombreux que dans le 
plus nouveau des continents *. 

Si nous connaissions avec exactitude les divers cen- 
tres de création, il serait facile de reconnaitre la dis- 
tribution primitive des êtres organisés ; toutefois, nous 
sommes loin d'être arrivés à une pareille précision. 
Ces centres ne peuvent pas toujours être déterminés, 
surtout maintenant qu'une foule de plantes et d’ani- 
maux ont passé d'un foyer de création à un autre, et y 
ont acquis un développement tout aussi grand que dans 
les lieux où ils ont pris naissance. 

Ainsi, le Surmulot, Mus demmanus, et une foule 
de rats étrangers à nos régions, sont maintenant aussi 
communs parmi nous que le rat ordinaire. De même, 
l'Érigeron du Canada, l'Erigeron canadense, est pres- 
que aussi répandu dans les champs des contrées méri- 
dionales de la France, que le chiendent ou la centaurée 
solstitiale. 

Plusieurs de nos fleuves et de nos canaux sont main- 
tenant encombrés par la Jussiæwa grandiflora de la 
Georgie et de la Caroline *. On est obligé de l'extirper 
dans l'intérêt de la navigation. Une aussi grande abon- 
dance est d'autant plus remarquable, que cette plante 


! Ces faits sont inexplicables, si l’on admet que toutes les espèces animalesont 
été placées sur un point unique, d’où elles ont irradié pour se répandre sur la 
surface du globe. On ne peut les concevoir qu'en supposant que chaque espèce 
jetée à son origine dans la position la plus favorable à son développement, s'en 
est éloignée dans la suite jusqu'au point où les milieux extérieursne pouvaient plus 
convenir à ses conditions d'existence. 

? Cette espèce paraît avoir été introduite dans les caux du midi de la France 
vers 1808. 


716 
était à peine connue dans nos régions il y a une qua- 
rantaine d'années. Il en est de même de l'aponogeton 
distachion du Cap de Bonne-Espérance, et du monos- 
tachion, qui nous est venu de la Chine et des Indes- 
Orientales. 

Mais ces végétaux et ces animaux ne sont pas arri- 
vés dans nos régions par l'effet de notre volonté; nous 
en avons eu seulement l'occasion; le plus souvent, nous 
les avons entrainés, sans nous douter que nous allions 
nous donner des hôtes fort incommodes. 

La connaissance des lois de la distribution primitive 
des êtres vivants a d'autant plus d'intérêt, qu'elle se lie 
en quelque sorte à la marche et aux progrès de la eivi- 
lisation. Si l'homme, dans certaines circonstances, con- 
tribue au déplacement des végétaux et des animaux, 
ce déplacement à dû commencer par la contrée où il a 
été fixé dans l'origine. 

Si nous interrogeons à cet égard les traditions et 
l'histoire, elles nous répondront que le plus étendu des 
continents de l'hémisphère boréal a été la patrie de nos 
premiers pères. L'Asie est, en effet, le berceau de la 
civilisation; c'est par elle qu'elle s'est répandue sur 
toute la terre. Par une de ces circonstances que l’on 
découvre partout dans les desseins de la nature, ce 
continent s'est trouvé placé de manière à faciliter la 
dispersion du genre humain, en même temps que les 
grands fleuves qui le parcourent et les côtes découpées 
qui en hbordent les mers ont singulièrement favorisé 
les progrès de Ia civilation naissante. 

Ne soyons donc pas étonnés, Messieurs, que de ce 


pi 
grand continent soient parties les lumières qui nous ont 
éclairé à notre berceau. Ce flambeau précieux qui nous 
a été légué par nos premiers parents, n'est point des- 
tiné à s'éteindre; comme tous les dons du Créateur , c’est 
à nous à le faire triompher des obstacles qui pourraient 
tendre à en affaiblir les vives clartés. 

L'Asie, berceau du genre humain, a été aussi le pre- 
mier centre de la dispersion de la plupart des végétaux 
et des animaux qui servent à notre nourriture ou dont 
nous retirons d'autres avantages. Cette contrée a dû ce 
privilége à ce qu'elle a été habitée avant toutes les au- 
tres et à son rapprochement des régions européennes. 
L'éloignement est l'une des causes les plus puissantes 
qui s'opposent à l'extension des espèces végétales et ani- 
males, surtout lorsqu'il s’y joint des obstacles naturels, 
comme des mers étendues ou de grandes chaînes de 
montagnes. 

Premier centre des sociétés humaines, l'Asie a été, à 
l'origine des temps historiques, ce qu'est l'Europe dans 
ce moment. Cette contrée, devenue le principal foyer 
des lumières, envoie chaque jour des végétaux et des 
animaux utiles à des peuples qui en ignoraient l’exis- 
tence, et qui y puisent une nourriture abondante en 
même temps que des vêtements commodes. Par suite 
de ces échanges continuels de productions, les arbres 
et les herbes de nos jardins, ainsi que les oiseaux de nos 
basses-cours, remplaceront bientôt dans les pays les 
plus sauvages les plantes et les animaux dont nous ne 
saurions tirer parti. Mais que dis-je, de pareils faits se 
passent déjà dans plusieurs parties du monde: nos légu- 


718 
mes et la plupart de nos herbes potagères se sont em- 
parées du sol de la Nouvelle - Zélande, à tel point 
qu’elles ont chassé devant elles les espèces qui naguère 
en étaient seules maitresses. 

A quoi sont dus ces bienfaits, si ce n'est aux perfec- 
tionnements que la navigation à obtenus de nos jours. 

Par un de ces effets providentiels qui dominent la 
nature entière, les végétaux les plus éminemment uti- 
les sont aussi les plus répandus. Parmi ceux dont nous 
retirons le plus d'avantages, les céréales sont au premier 
rang; un assez grand nombre de leurs espèces servent 
à la fois à notre nourriture el à couvrir nos habita- 
tions *. 

La connaissance de ces plantes, si précieuse pour 
l'humanité, ne l'est pas moins pour l'histoire des sociétés 
humaines. Comment en douter lorsqu'on voit que les 
nations les plus civilisées ont seules fait usage du lait 
et de la farine des graminées à épis étroits. 

Le maïs est l'unique céréale cultivée dans le Nou- 
veau-Monde, depuis le 45" parallèle nord jusqu'au 
42% parallèle sud ; tandis que dans l'ancien continent, 
la culture du froment, de l'orge, du seigle et de l'avoine, 
a été pratiquée depuis les temps les plus réculés. Ces 
plantes, dont la culture a suivi les progrès des arts, 


pra culture des céréales est pratiquée avec avantage dans le Kumaon et le 
Garhwald, dans les ‘monts Himalaya, à la hauteur de 14,000 pieds (3,504 
mètres ). A la vérité, le caractère de la végétation de ces régions élevées est tropi- 
cal jusqu’à la hauteur de 4,000 pieds (1,293 mètres), quoique déjà, à l'éléva— 
tion de 3,000 pieds (968 mètres), on voit apparaître des plantes des contrées 
tempérées. Voyez XVI* Session de l'Association britannique pour l'avancement 
des sciences, tenue à Ipswich en juillet 1851. 


749 

croissent spontanément dans la Palestine et les diverses 
parties de l'Asie. Lorsqu'elles deviennent sauvages en 
Europe, elles ne se propagent plus dans les lieux où les 
soins de l'homme les abandonnent; preuve irrécusable 
qu'elles ne sont plus dans leur patrie primitive, et 
qu'elles ne sont pas encore naturalisées dans les régions 
où l'homme les à transportées. 

Aussi, ne croissent-elles jamais spontanément lors- 
qu'elles n'ont pas été semées par avance. Sans ce préa- 
lable, le blé, l'orge, le seigle et l’avoine ne végètent 
pas d'eux-mêmes comme les herbes de nos champs. 
Les espèces d'où elles paraissent provenir sont les seu- 
les qui aient cet avantage ; mais celles-ci exigent les 
soins de l'homme pour produire les variétés dont il fait 
usage et qui servent à sa nourriture. 

ÎLest toutefois diflicile de reconnaitre les principales 
céréales à l'état sauvage, non-seulement à cause des 
variétés que la culture y à fait naître, mais encore en 
raison des modifications que l'espèce primitive doit su- 
bir avant de prendre les formes sous lesquelles elle est 
utilisée. Ces variétés ne sont pas moindres de trois cents 
pour le seul froment; dès-lors, il est peu étonnant que 
tant de voyageurs aient signalé le blé comme se trou- 
vant à l’état sauvage dans un si grand nombre de lieux 
différents. 

Cette circonstance doit d'autant moins nous surpren- 
dre, que les ægilops, les types sauvages du blé cultivé, 
sont extrêmement répandus. Plusieurs de leurs espèces, 
notamment les ægilops ovala, triaristala et trilicoi- 
des, en passant par des transformations nombreuses et 
successives, finissent, pour peu qu'elles soient aidées par 


720 
la culture, par devenir le traticum sativum de Lamark. 
Mais, ce qui est non moins digne de remarque, on n’a 
pas aperçu jusqu'à présent le blé cultivé, parvenu à 
son état parfait, reprendre les formes propres aux œægi- 
lops, desquels il est cependant provenu. 

La plupart des botanistes considèrent l'Asie comme 
la patrie primitive du blé; aussi admettent-ils que cette 
céréale croit naturellement dans la Palestine et la Ba- 
bylonie. De même, Hérodote et Diodore de Sicile assu- 
rent que le blé se trouve a l'état sauvage dans la der- 
nière de ces régions; et Loiseleur Deslongchamps fait 
remarquer que le dire de ces écrivains a acquis un 
grand degré de probabilité par les récits des voyageurs 
modernes *. 

Olivier a observé le blé sauvage dans l'Asie centrale, 
surtout dans les plaines incultes de la Perse. D'un au- 
tre côté, André Michaud a trouvé en 1787, sur une 
montagne de la même contrée éloignée de toute cul- 
ture, à quatre journées au nord d'Hamadan, quelques 
pieds sauvages de l'épeautre, triticum spelta Linné *. 
Enfin, Koch, qui a parcouru l'Arménie, lAnatolie, la 
Crimée et les environs du Caucase, a vu le seigle très- 
répandu dans cette partie de l'Asie, et dans des circons- 
tances qui ne permettent pas de douter qu'il n’en soit 
originaire. 

Le seigle, caractérisé par des épis minces et alon- 
gés, n'était pas connu dans le pays où il a été rencon- 
tré comme plante céréale; aussi n'avait-il jamais été 


! Dictionnaire des Sciences naturelles , article Froment, t. XVII, p. 423. 


? Lamark; Encyclopédie, t. Il, II° partie, pag. 500. 


721 

cultivé dans les environs de lOlympe, où M. Thirck 
l'a observé à l'état sauvage. Une comparaison attentive 
des épis de cette graminée rencontrée dans des lieux 
aussi différents, à prouvé à ces botanistes qu'ils appar- 
tenaient au véritable seigle, et que l'Asie était la partie 
du monde à laquelle nous devions probablement cette 
graminée. 

Les céréales, particulièrement le blé, ont non-seu- 
lement l'Asie pour patrie, mais encore toutes celles où 
croissent les ægilops, qui n’en sont que les types sau- 
vages. Les observations de M. Fabre d'Agde ne lais- 
sent aucun doute à cet égard. En effet, ce botaniste a 
vu l'æ@gilops ovata et triticoides passer par degrés, au 
moyen de la culture, à l'état de froment, et produire 
des récoltes aussi abondantes que celles que donne le 
blé. Les grains qui en proviennent sont d'une tout aussi 
bonne qualité que ceux du froment. 

Ainsi, plusieurs {riticum cultivés, si ce n'est tous, 
ne sont que des formes propres à certains ægilops, et 
doivent être considérés comme des variétés de ces es- 
pèces. On conçoit facilement, d'après ces faits , que le 
blé ait pu être rencontré à l'état sauvage en Babylonie, 
en Perse et en Sicile, puisque dans ces contrées, comme 
dans toute la région méditerranéenne, les ægilops crois- 
sent en abondance. Il n’est donc pas surprenant que 
plusieurs espèces d'ægilops y aient acquis accidentel- 
lement un développement considérable, lequel a été 
ensuite amélioré et propagé par la culture *. 


! Académie des Sciences de Montpellier, Séance du lundi 15 mars 1859, 


122 

Du reste, plusieurs botanistes avaient pressenti la 
véritable origine du blé, mais aucuu d’entre eux n'avait 
songé à la démontrer par des faits positifs et des obser- 
ations suivies et longtemps continuées. Aussi l'hon— 
neur de cette découverte appartient sans aucun doute 
à M. Esprit Fabre d'Agde. 

La patrie de l'orge n'est pas aussi certaine que celle 
du blé, quoique cette céréale paraisse provenir de la 
Tartarie. Ce qui donne une certaine probabilité à cette 
asserlion, c'est que les genres froment, orge el sei- 
gle, ont la plupart de leurs espèces indigènes dans lO- 
rient. Une seule espèce d'orge, l'hordeum ascendens, 
est commune en Amérique, tandis qu'on n’y à jamais 
observé aucune espèce de froment, ni aucune de ses 
variétés. 

Quant à l'avoine, elle paraît croitre spontanément 
sur les hauteurs du nord-ouest de l'Asie, auprès des 
nations qui vivent constamment à cheval, ainsi que 
Linné l'a fait remarquer. Quelque préférable que soit 
celte céréale pour la nourriture des animaux domesti- 
ques, elle était avec le seigle tout à fait inconnue des 
anciens Égyptiens. Ils faisaient usage du blé barbu, de 
l'orge, de l'épeautre et du grand millet. 

Si nous consultons les annales des Égyptiens et des 
Chinois sur l'époque de l'introduction du froment dans 
leur agriculture, nous n'y trouvons pas de renseigne- 
ment utile. Les écrivains de l'antiquité ne nous disent 
point si le blé a été cultivé de bonne heure en Grèce et 
en Italie. Ils nous apprennent seulement que cette 
céréale était, dès la plus haute antiquité, l'objet des 


723 
soins des habitants de l'Asie centrale, d'où elle passa 
ensuite en Afrique. On concoit dès lors pourquoi le 
froment à été répandu si tard en Europe, où il a été 
apporté probablement d'Égypte. 

Les graminées nourrissantes ont le grand avantage 
de supporter, comme l'homme lui-même, les chaleurs 
des tropiques et le froid des cimes voisines des neiges 
perpétuelles. Ce fait et celui de leur distribution inté- 
resse au plus haut dégré les sociétés humaïnes, puis- 
que c'est sur elles qu’elles comptent pour leur nourri- 
ture. Leur culture, avec l'usage du lait et du fromage, 
est un des traits distinetifs des peuples de l’ancien con- 
tüinent. Du moins, les céréales n’ont été rencontrées 
nulle part sur le sol du Nouveau-Monde. Elles étaient 
tout à fait inconnues aux habitants primititifs de l'A- 
mérique. Aussi, ces plantes éminemment utiles n'ont 
pas pu les préparer aux bienfaits de la vie sociale et 
aux avantages de l'agriculture. 

L'Asie ne nous à pas uniquement doté des céréales : 
nous lui devons également le riz et le maïs, principaux 
aliments de ses habitants, ainsi que le blé noir ou le 
blé sarrasin, qui nous est venu de la Perse. Nous avons 
obtenu de la mème contrée le pêcher, le citronnier, 
l'oranger et le noyer, dont nous apprécions tous les 
jours de mieux en mieux les avantages. 

L'Arménie nous a fourni l’abricotier, comme l'Asie- 
Occidentale et l'Asie-Mineure nous ont gratifiés du 
coignassier, du pistachier, du cerisier et du caprier. 
La Syrie, la Chine et le Japon nous ont envoyé à leur 
tour le figuier, le jujubier, le prunier, le nefllier, 
ainsi que le mürier ordinaire et le mürier de la Chine, 


“ 


124 


Enfin, du Balkan et de l'Olympe, nous est venu un de 
nos plus beaux arbres d'ornement , le marronnier, avec 
lequel rivalise le chätaignier, paré sans doute de moins 
belles fleurs, mais dont les fruits sont bien autrement 
précieux. 

Ces arbres acquièrent dans nos régions de si grandes 
dimensions, qu'on les en croirait originaires si l’on 
ne savait que le châtaignier a été trouvé à l'état sau- 
vage dans le nord de la Chine et les environs du Cau- 
case. Parti de ces régions, la culture en a obtenu des 
fruits savoureux, principal aliment des habitants des 
hautes régions. Enfin, comment pouvoir oublier que 
le cèdre du Liban, le plus bel arbre que connurent les 
Hébreux, nous est venu des mêmes contrées. L’Asie, en 
nous envoyant le lotus ou nelumbo (nelumbium spe- 
cicsum) *, nous aurait donné la plus belle des fleurs, si 
la Victoria regia, partie des rivières de la Guyane, 
n'était venue leur enlever le sceptre de Flore. 


! Le Nelumbium indicum vel speciosum, originaire de l'Inde, autrefois 
commun én Égypte, ne s'y trouve plus maintenant , Pas plus que dans aucune 
autre partie de l’Afrique. La Victoria regia est encore plus remarquable par le 
diamètre de ses feuilles, qui, d’après le capitaine Hirlop, est dans son pays 
natal de 4 mètres 60 centimètres. A la vérité, le naturaliste Struve ne donne à 
ce même diamètre que L mètre 20 centimètres; mais il fait observer que cette 
dernière dimension doit être attribuée à ce que les eaux où elles croissaient 
avaient seulement 60 centimètres de profondeur, tandis que celles où M. Hirlop 
les avait recueillies, beaucoup plus abondantes, n'avaient pas moins de 4 mètres 
60 centimètres. 

M. Planchon , auquel nous empruntons ces détails, a mesuré les feuilles de la 
Victoria regia dans le jardin de Gand, c’est-à-dire fort loin des contrées où 
végète cette plante; elles lui ont offert un diamètre de L mètre 60 centimètres. 
Quant au diamètre des fleurs de cette belle nymphacée, il était à Gand de 
30 centimètres; mais dans leur pays natal, elles atteignent une circonférence de 


La canne à sucre, transportée par les Espagnols des 
iles Canaries en Amérique, paralt également originaire 
des Indes-Orientales. Elle appartient du moins à l'an- 
cien continent, puisque le sucre était connu des Ro- 
mains. Dioscoride le signale comme provenant d'un 
roseau nommé saccharum, qui croit naturellement en 
Chine et dans l'Arabie-Heureuse. 

Pline le fait de la même région, et ajoute que celui 
des Indes-Orientales lui était préféré comme meilleur 
et plus sucré. 

Ni Pline ni Dioscoride ne se sont doutés que cette 
plante, dont ils ne connaissaient pas tout le prix, trans- 
portée dans une ile qu'ils ne connaissaient pas davan- 
tage, était destinée à produire une sorte de révolution 
dans le commerce et la navigation. En effet, c'est seu- 
lement en 1506 que, la canne à sucre introduite à 
Saint-Domingue et dans les colonies françaises, on sut 
en retirer la plus grande partie de la matière sucrée 
qui en fait la valeur. Depuis lors, l'usage du sucre, de- 
venu général, s'est répandu avec une promptitude 
d'autant plus grande, que le café a été à la mème épo- 
que l'objet d'un commerce non moins étendu. 

Cette plante, connue en Europe vers le quinzième 


1 mètre au moins. La seconde espèce de ce genre, la Victoria cruziana , es 
moins belle et moins grande. 

Voyez la Flore des Serres et des Jardins de l'Europe, par M. L. Van 
Houtte, t. VI, VIL” livraison, novembre 1850 , p. 193. 

On peut enfin citer parmi les grandes fleurs, celle de l’Aristolochia grandi— 
flora, dont la circonférence est d'environ L mètre; aussi, les habitants des bords 
du fleuve de la Magdelaine s'en servent et en jouent comme d’un bonnet, en 
raison de sa forme. 


47 


726 
siècle, le fut en même temps en Arabie. Le muphti 
Adon, voyageant en Perse, en 1550, frappé de l'excel- 
lence du café, que Delille dans son enthousiasme poé- 
tique considère comme un rayon du soleil, en intro- 
duisit la culture dans sa ville natale et à la Mecque. A 
l'aide de son influence, cet arbrisseau, qu'aucun autre 
n'a pu encore remplacer, fut cultivé à Bagdad en 1510, 
et à Constantinople en 1554. 

Quoiqu'on soit loin d’être certain de l'époque où 
le café s'est répandu en Europe, il parait avoir été em- 
ployé à Venise en 1563, et à Paris en 1644. Son usage 
eut la plus heureuse influence sur la société, surtout 
sur les hautes elasses. Elle les préserva de l'abus des 
liqueurs fortes et spiritueuses, qui commencail à prédo- 
miner. 

Mais qui aurait supposé que le sucre, cette matière 
dont nous ne saurions nous passer, devrait un jour 
nous manquer. L'industrie, exeitée par la nécessité, a 
trouvé dans une plante arrachée au sol de l'Amérique 
septentrionale une liqueur non moins douce, non moins 
agréable que celle que fournit la canne à sucre : elle 
nous à donné un produit nouveau qui rivalise avec celui 
de nos colonies ‘. Sans doute la science n'a pas eu le 
même succès pour le café; mais qui oserait mettre des 
bornes à ses progrès, et qui oserait dire qu'elle n’y arri- 
vera jamais? 


1 Si jamais le sucre de gland, découvert par M. Braconot, pouvait être uti— 
lisé comme le sucre de canne ou de betterave, nous aurions en Europe une 
plante indigène qui nous fournirait cee matière précieuse aussi bien que nos 


colonies, 


127 

Le thé, cette boisson dont Putilité n’est pas moins 
grande, à en outre l'avantage d'avoir diminué une des 
maladies les plus cruelles qui nous afligent; nous le 
devons à la Chine et au Japon. L’Asie-Mineure nous : 
envoyé le coton herbacé, et a fourni aux Indes-Orien- 
tales le cotonier, connu des botanistes sous le nom de 
Gossipium indicum. 

Nous devons également à la même contrée un grand 
nombre de nos herbes potagères dont l'usage est le plus 
vulgaire. La plupart de ceux qui se nourrissent de 
haricots, de fèves, d'ognons, de lentilles, ne se dou- 
tent guère que ces plantes nous soient venues des In- 
des, de Perse ou des bords de la mer Caspienne et de 
la Palestine. A la vérité, l'ognon à été cultivé en 
Égypte dès la plus haute antiquité, comme en Pales- 
ne; ainsi s'explique la préférence donnée par les Israé- 
lites à ceux qui venaient du pays des Pharaons. Il est 
assez conu que la quantité de ces racines dont se nour- 
rirent les hommes employés à la construction des Py- 
ramides, orgueilleux monuments de la vanité humaine, 
annonce un grand développement dans la culture de 
celte plante. d 

Nos jardins ont encore recu de l'Asie l'asperge ofi- 
cinale, le panais, la chicorée endive, l'échalotte, l'au- 
bergine, l'épinard , le melon , le concombre, les cour- 
ges ou citrouilles, la patate, enfin plusieurs autres es- 
pèces non moins utiles *. 


! La culture de la patate a réussi dans plusieurs contrées méridionales de l'Eu- 


rope, ainsi que dans diverses parties de l'Afrique, surtout en Algérie, 


728 


Ces conquêtes faites sur les régions asiatiques sont 
loin d’être les seules, si, comme le supposent bien des 
botanistes, l'olivier comme le figuier, et même la vigne, 
nous sont venus de la Palestine. Il est du moins cer- 
tain que Noé fut le premier qui sut utiliser le raisin et 
en obtenir le vin, ainsi que nous l'apprend la Genèse. 

Ces suppositions ont une assez grande probabilité, 
puisque ces végélaux couvrent encore les champs de 
la Palestine. L'un d'entre eux, l'olivier, parait même 
avoir été transporté d'Asie à Marseille à l'époque où 
les Phocéens y fondèrent une colonie. Aussi, Pline fait 
observer qu'à l'époque de Tarquin-l'Ancien, on ne 
voyait pas d'olivier dans les Gaules, l'Espagne et lA- 
frique. D'un autre côté, d'après Plutarque, lors des in- 
vasions des Cimbres, la vigne était cultivée par les ha- 
bitants de Marseille. Il paraitrait néanmoins que cette 
culture dut être interrompue, puisque l'empereur Pro- 
bus autorisa de nouvelles plantations dans la Gaule ‘. 

Depuis lors, la vigne s'est grandement répandue. 
Portée par la navigation sur l'autre hémisphère, elle 
est arrivée, d'une part, sur les bords de l'Ohio jusqu’au 
37°, el s'est arrêtée au 38° degré dans la Nouvelle-Ca- 
lifornie. Elle se maintient et prospère dans sa limite 
méridionale, à 26° dans la Nouvelle-Biscaye, et jus- 
qu'au 32° au Nouveau-Mexique, n’atteignant nulle 
part le 40° degré de l'hémisphère austral. On observe, 
en effet, la vigne en grande culture dans le Chili et la 
province de Buenos-Ayres jusqu'au 34° degré, sous la 


! Voyez l'Histoire des Empereurs romains, par Crevier, liv. XXVII. 


129 


ait 


même latitude. Elle donne d'excellents produits à la 
Nouvelle-Hollande et au Cap-de-Bonne-Espérance, si 
renommé par ses vins. 

La vigne, qui exige une température moyenne hi- 
vernale de + 6°, et une estivale de + 24° à + 23e, 
ne trouve pas des conditions aussi favorables sous les 
tropiques. Toutefois, les iles du Cap-Vert et Saint-Tho- 
mas près la côte de Guinée, l'Abyssinie et la côte oc 
cidentale de l'Amérique, depuis le 18° jusqu'au 6° de- 
gré, sont une preuve que la vigne, dont les récoltes 
sont encore abondantes dans le midi de la France à 
800 mètres de hauteur, prospère avec tout autant 
d'avantages dans des climats plus chauds. 

Après ces végétaux, dont l'utilité est si grande et que 
nous devons au plus étendu des continents terrestres, 
nous devons dire quelques mots de l'indigotier des In- 
des, que nous avons entrainé avec nous à l'ile de 
France, à Madagascar et jusqu'en Amérique. Partout, 
il fournit la couleur bleue, qui en fait tout le prix; cou- 
leur bien supérieure à celle du pastel ou de la renouée 
tinctoriale { polygonum tinctorium ). De ces deux es- 
pèces venues d'Asie, la première est maintenant fort 
répandue dans les lieux humides de l'Europe méri- 
dionale. 

Voilà quelques-uns des biens que nous devons à l'A- 
sie, Si nous ne les énumérons pas tous, c’est afin de 
ne pas donner à ces recherches une trop grande éten— 
due; ils ont singulièrement contribué aux progrès de 
la civilisation. Elle n'avait cependant pas besoin, pour 
se produire, de voir réunir dans nos climats, le ba- 


730 
panier, le cocotier et l'arbre à pain, qui remplacent à 
eux seuls nos moissons et nos vendanges. 

Cette trinité féconde nourrit, abreuve, soutient les 
forces épuisées de l’homme, en même temps qu'elle 
supplée nos fabriques de draps et fournit des vêtements 
souples et commodes. Elle fait plus, elle donne du bois 
et des fils assez forts pour en construire des pirogues 
et en préparer les gréments. Ces avantages, elle nous 
les accorde sans efforts et presque sans travail. N’était- 
il pas juste que tant de biens réunis fussent le partage 
des lieux où la culture est à peu près inconnue, plutôt 
que de ceux où elle fait chaque jour de nouveaux pro- 
grès? Qui ne voit dans de pareilles compensations, les 
admirables desseins de la nature, qui à tout fait ici 
bas en vue de l'homme, but et terme des œuvres de la 
création ? 

L’Asie, en nous donnant les céréales, fondement de 
notre nourriture, nous à fait le cadeau le plus précieux 
et le plus utile. Nous devons moins à l'Amérique, quoi- 
qu'elle nous ait doté de plusieurs végétaux dont l’im- 
portance, sans être aussi grande, mérite cependant 
d'être signalée. Au milieu des productions dont elle 
nous à gratifiés, il en est une dont l'importation parmi 
nous à été très-précieuse; elle y a rendu toute famine 
impossible. 

La culture de la pomme de terre ne date, dans nos 
régions, que d'un petit nombre d'années. Répandue 
maintenant dans toute l'Europe civilisée, elle est venue 
ajouter un aliment de plus à ceux fournis par les cé- 
réales. Depuis son introduction, sa culture à suivi celle 


731 


des graminées; elle les dépasse même un peu, si l'on 
choisit les variétés hâtives qu'un été fort court peut 
amener à maturité. Ainsi, la pomme de terre prospère 
en Islande, à des hauteurs considérables, et sur diver- 
ses montagnes de l'Europe où les céréales ne peuvent 
réussir. 

On a longtemps ignoré dans quelle partie de l'Amé- 
rique ce tubercule était à l'état sauvage. MM. de Hum- 
boldt et Bonpland, ni même M. Auguste de Saint 
Hilaire, ne l'avaient jamais rencontré en cet état en 
herborisant dans le Nouveau-Monde, sur les paramas 
des Pampas; ils ne l'avaient même aperçu sur aucun 
des sommets de la Cordilière du Pérou, ni dans le 
territoire de la Nouvelle-Grenade, où cette plante est 
cultivée avec le chenopodium quinoa. Plus tard, M. Gay 
a rencontré au Chili la pomme de terre dans des lieux 
non cultivés, et ce botaniste n’a pas douté qu’elle n’en 
fût originaire. 

C'est un fait assez curieux dans l'histoire des aliments 
dont nous faisons usage, de voir le maïs cultivé dans 
l'Amérique méridionale par les moindres peuplades. 
A cette céréale s'ajoutent des plantes importantes, sous 
le rapport alimentaire, chez les nations parvenues à 
une civilisation plus avancée. Ainsi, l'arracacha est 
très-répandu chez les Muycas, et la pomme de terre, 
propagée par les Incas, est commune dans toute l'Amé- 
rique, comme le cacao chez les Mexicains. Le maïs et 
la pomme de terre, quoique étrangers à nos régions , 
n'en sont pas moins la base de la nourriture d'une 
grande partie des habitants de l'Europe. Le cacao est 


732 
devenu indispensable aux habitants de l'Espagne, comme 
le café aux nations civilisées; mais ces plantes n'ont 
pas encore été naturalisées parmi nous et ne comptent 
pas dans nos cultures. 

Il n'en est pas de même du tabac, que Christophe 
Colomb rapporta en Europe de l'ile de Cuba. Si l'in 
troduction de cette plante, dont l'usage est devenu une 
sorte de passion, ne datait pas pour ainsi dire de nos 
jours, on serait tenté de considérer le tabac comme de 
nos régions tempérées. 

La pistache de terre, le bananier, l'ananas, et le 
calalpa, si remarquable par la grandeur de ses feuilles, 
sont encore des acquisitions nouvelles que nous avons 
faites sur l'Amérique. Une espèce du Nouveau-Monde 
est devenue aussi commune dans nos régions que les 
herbes les plus vulgaires de nos champs; elle est éga- 
lement abondante dans les [ndes-Orientales et l'Afrique 
australe. L'érigeron du Canada à même acquis, dans 
plusieurs contrées européennes, un développement tout 
aussi grand que dans l'Amérique septentrionale, sa 
patrie. 

Si l'Europe a profité des végétaux utiles que lui ont 
donné tour à tour l'Asie, l'Afrique et l'Amérique, de- 
venue maintenant le centre de la civilisation, elle est 
aujourd'hui le centre de la dispersion des plantes qui 
manquent à d'autres contrées. Ainsi, nos régions tem- 
pérées ont enrichi les champs du Nouveau-Monde, de 
même que ceux de la Nouvelle-Hollande et de la Nou- 
velle-Zélande, de nos arbres fruitiers, de nos céréales 
et de nos plantes potagères. 


133 

Les anciennes forêts de la dernière contrée, com- 
posées de palmiers {corypha australis), de fougères et 
de dracæna, de conifères à feuilles élargies, de dam- 
mara à port élégant, tendent à disparaître entièrement. 
Déjà, nos végétaux utiles, forts des soins de l'homme, 
chassent devant eux les arbres naguère maitres du sol. 
Ces végétaux jouent un rôle assez important dans la 
flore de cette ile, pour la modifier d'une manière sen 
sible. 

Notre cardon {cynara cardunculus) à envahi les 
campagnes du Rio de la Plata, et de concert avec le 
chardon {carduns marianus), il a chassé les plantes 
qui les avaient si longtemps embellies. Ces herbes eu- 
ropéennes ont tellement prospéré, que les habitants du 
Brésil s'en servent comme bois de chauffage. 

Le mourron des oiseaux, l'herbe à Robert , la grande 
ciguë, l'ortie dioïque, la viperine commune et le ma 
rube, sont tellement abondants en Amérique, qu'ils se 
sont propagés dans un très-grand nombre de villes, et 
à tel point, qu'en les foulant, on se croirait en Europe. 

De même, nous avons entrainé dans le Nouveau- 
Monde une foule de nos herbes; elles y ont tellement 
multiplié, qu'elles attirent la sollicitude des agronomes 
américains, désireux de se délivrer de ces hôtes incom- 
modes. Tels sont le chiendent (triticum repens), les 
diverses espèces d'orties, la menthe sylvestre, le lizeron 
des champs et la bourse à pasteur. 

Nous avons enfin doté l'Amériqne du fraisier com- 
mun, répandu maintenant dans toute la partie australe 
et tropicale du Nouveau-Monde. 

Si l'Amérique nous a donné le cochon d'Inde, le 


734 

dindon et le hoco, nous l'avons enrichie à notre tour 
de nos animaux domestiques, qui lui sont bien plus 
précieux. Le cheval, tout à fait inconnu au Nouveau- 
Monde lorsque les Européens y ont pénétré, y est de- 
venu si commun, qu'il a chassé devant lui les bisons, 
les cerfs et les tapirs, qui naguère en foulaient seuls 
les vastes savanes. 

Un grand nombre de végétaux utiles, qui font l'or- 
nement de nos vergers et de nos jardins, nous sont 
également venus du Nouveau-Monde. Ainsi, le pru- 
nier mirobolan de l'Amérique du Nord prospère et 
donne d'excellents fruits dans nos climats. Il en est de 
même des chènes et des noyers de la même contrée ; 
et un de ces noyers, nommé olivæ formis par les bo- 
tanistes, à l'avantage d'avoir l'enveloppe de ses fruits 
extrêmement mince, ce qui est tout le contraire chez 
le noyer commun. D'un autre côté, la bonté et l'ex- 
cellence de leurs bois est telle, qu'il serait à désirer qu'ils 
fussent plus répandus. 

Quoique moins utiles, les tulipiers, les magnolia, 
les sterculia, et une foule d’autres arbres non moins 
précieux, nous les devons également à l'Amérique; ils 
embellissent maintenant nos bosquets par l'élégance de 
leur feuillage et la beauté de leurs fleurs. Ajoutez à ces 
cadeaux le topinambour, la capucine, le tournesol et 
la pomme d'amour, et vous aurez une idée des biens 
dont le nouvel hémisphère nous a gratifiés. 

Ces conquêtes végétales ne sont pas les seules qui 
ont contribué à notre bien-être ; nous devons encore à 
l'Asie d'autres avantages. 

Le cheval, originaire des grands plateaux de Asie 


735 
centrale, n'existait pas primitivement en Afrique ni en 
Amérique, et encore moins dans la Nouvelle-Hollande. 
Sortis des vastes steppes de la Tartarie, berceau de leur 
race, où ils sont connus à l’état sauvage sous le nom 
de trapan, les chevaux se sont étendus dans quelques 
contrées de l'Europe, où ils errent encore de nos jours. 

Après ce noble compagnon de l'homme, qui le suit 
et l'accompagne partout, même à la guerre et dans les 
combats, nous devons rappeler les services que nous 
rend chaque jour le cheval de la pauvreté, l'âne, venu 
également des grands déserts de l'Asie ‘. La chèvre 
nous est également d'une grande utilité; sortie des 
hautes montagnes de la Perse et du Thibet, où elle vit 
en grandes troupes, elle conserve encore quelque chose 
de ses habitudes primitives. 

Parmi les animaux dont l'Asie nous a dotés, il n’en 
est pas de plus précieux que le chameau et le droma- 
daire, ces navires du désert, ainsi que les appelle 
Buffon. Ils ont encore bien d’autres avantages : leur 
chair et leur lait servent de nourriture à ceux qui en 
font usage pour parcourir les immenses mers de sable 
des contrées africaines. A l’aide de leurs poils, nous 
préparons des vêtements qui nous défendent contre la 
fraicheur des nuits des régions où ils nous rendent 
d'utiles et de continuels services. 


1 Le kyang ou âne sauvage, le yak, le mouton sauvage ou domestique, la 
chèvre et l’once, vivent actuellement avec quelques autres mammifères sur les 
hauteurs du plateau du Thibet. M. Strachey les y a observés récemment en assez 
grandes tribus. ( Voyez la XVI: session de l'Association britannique pour l'avan- 
cement des sciences, tenue à fpswich en juillet 1851.) 


736 

Le cerf de l'Inde ou l'axis originaire du Bengale, et 
qui se propage dans nos régions tempérées, mérite à 
peine d'être nommé, ainsi que le buflle, qui de l'Inde 
a été amené en Égypte, en Grèceet en Italie, dans les 
temps modernes. 

Il n'en est pas de même du chien, devenu partout 
notre fidèle compagnon, et pour ainsi dire notre ami. 
Le chien semble être sorti du Kepoul; du moins, son 
type primitif y est désigné par les habitants sous le 
nom de buansu. M. Hogdson, auquel est due cette dé- 
couverte, à reconnu dans le buansu tous les caractères 
du chien, en même temps que des habitudes analogues 
à celles de nos races domestiques. 

N'oublions pas que les Argonautes nous ont apporté 
le faisan des bords du Phase, tout comme Alexandre a 
amené en Europe le paon que, dans ses conquêtes, il 
avait rencontré dans le nord de l'Inde. Si le souvenir 
de ce grand capitaine, qui trouvait la terre trop étroite 
pour son ambition, venait à s'effacer, il resterait de 
toutes ses victoires une ville qui rappelle son nom, un 
livre immortel, et un oiseau image de la vanité. 

L'Afrique nous a donné le moufflon, cadeau bien 
précieux puisqu'il parait être la souche de nos mou- 
tons domestiques. Nous lui devons encore la pintade et 
l'autruche, dont la taille nous paraissait si gigantesque 
avant que nous connussions les oiseaux colossaux de la 
Nouvelle-Zélande, nommés inormis et épiormis. 

Avec ces animaux, la même contrée nous a fourni 
quelques arbres utiles. L'amandier peut être cité au 
premier rang ; arbre d'autant plus précieux, qu'il pros- 


737 
père dans tous les terrains, et ne nuit pas, comme le 
mürier, aux autres cultures. Naturalisé dans quelques 
parties de l'Europe, le dattier nous est venu de l'Asie 
septentrionale, quoique l'on suppose, non sans raison, 
que les [ndes-Orientales pourraient bien être sa pre- 
mière patrie. 


La distribution primitive des êtres vivants à donc 
éprouvé de nomkreuses modifications; on se demande 
à quelles causes sont dus de pareils changements. La 
plus simple réflexion nous dit assez que, parmi elles, 
la perfection des organes du mouvement et la nature 
du milieu dans lequel vivent les êtres animés, doit être 
une des plus puissantes, de même que la structure et 
les détails de l'organisme pour les végétaux. 

Il est une autre influence dont le pouvoir est plus 
grand encore sur les animaux, celle de leur instinct 
qui les pousse, comme malgré eux, à quitter les lieux 
de leur naissance pour aller à l'aventure chercher dans 
d'autres climats des conditions nouvelles plus d'accord 
avec leurs désirs momentanés. Semblables à nous- 
mêmes, les animaux doués des organes de locomotion 
les plus perfectionnés se déplacent sans but, et ne voya- 
gent en quelque sorte que pour changer de place. 

Pressés par un besoin impérieux, presque irrésisti- 
ble, ils ne sont arrêtés ni par l'étendue des mers ni par 
la grandeur des déserts qu'ils ont à traverser. On dirait 
même que les mers ne sont pas assez spacieuses pour 
contenter l'humeur vagabonde des poissons voyageurs, 
ni pour satisfaire les passions aventureuses des oiseaux 
cosmopolites. 


138 

L'homme exerce également une influence notable sur 
le déplacement des végétaux et des animaux; cette in- 
fluence est d'autant plus manifeste, qu'elle a lieu souvent 
à notre insu. Peut-on supposer, en effet, que, de notre 
propre gré, nous avons répandu dans nos régions celte 
multitude de rats de tous les pays, dont le nombre, 
dans une seule ville de France, est évalué à près de 
douze millions. Ce n'est pas non plus volontairement 
que nous avons amené d'Amérique cet insecte incom- 
mode qui envahit nos lits et trouble notre sommeil. 

Si nous considérons les animaux sous le rapport de 
leurs organes, du mouvement, nous verrons que les 
espèces où ils sont perfectionnés s’écartent le plus des 
lieux où elles ont été placées dans l'origine : tels sont 
les oiseaux, les insectes et les poissons. 

Néanmoins, ce ne sont pas toujours les oiseaux, re- 
marquables par la légèreté deleur vol, qui entreprennent 
les plus longs voyages. En effet, la caille, dont les mou- 
vements sont si lourds et si pesants, a pénétré partout, 
aussi bien que les chouettes et les corbeaux. Le pre- 
mier de ces oiseaux est si répandu, que l'on se demande 
si c'est bien la même espèce que l’on découvre dans 
toutes les parties du monde. On s'étonne moins qu'il 
en soit ainsi des hirondelles et des étourneaux , dont 
le vol est aussi léger que les mouvements prompts et 
faciles. 

Les insectes, ces oiseaux des invertébrés, ne se sont 
pas moins étendus, et les migrations des sauterelles en 
sont des exemples fameux et qui se renouvellent pour 
ainsi dire chaque jour. Il est non moins remarquable 
de retrouver dans toutes les régions des insectes, et 


139 
particulièrement des papillons, qui naguère étaient bor- 
nés à nos contrées. 

La belle-dame /vanessa cardui), que dans les jeux 
de notre enfance nous nous sommes amusés à pour- 
suivre, el qui n'avait pas encore été aperçue dans 
d'autres régions, nous pouvons la prendre aujourd'hui 
dans les plaines de l'Asie et de l'Afrique, ainsi que sur 
les plateaux de l'Amérique. Si nous recherchons la 
cause de ce phénomène, qui est loin d'être borné à ces 
seuls exemples, nous la trouverons dans les progrès 
que la navigation à faits de nos jours. A l’aide de nos 
vaisseaux, nous transporltons continuellement dans des 
contrées nouvelles les germes des végétaux et des ani- 
maux propres à nos climats, et nous confondons ainsi 
les productions de tous les pays. 

En effet, les graines et les semences de tout ce qui 
respire ici-bas s'attachent à nous, à notre insu; elles 
se fixent et s’accrochent à nos vêtements, à notre ba- 
gage, et répandent ainsi les germes de la vie partout 
où nous porlons nos pas. 

Les animaux eux-mêmes ne sont pas sans influence 
sur la dispersion des plantes. Les oiseaux granivores 
opèrent ce déplacement en emportant dans les contrées 
lointaines les graines dont ils se nourrissent. Leurs 
races ont répandu sur tous les points de la terre les 
articulations du chiendent ou les graines de la fume- 
terre, du mourron et de tant d'autres espèces. Il est 
mème des végétaux qui ne voyagent qu'avec leur se- 
cours. Les semences du gui, privées d'ailes et d’aigrettes, 
ne peuvent se développer mises en terre, ni se trans- 


740 
porter d'elles - mêmes sur les arbres où elles doivent 
végéter. Les oiseaux chargés de ce, soin ne mettent 
pas de limites aux lieux où cette plante peut vivre et 
prospérer. Les êtres les plus agiles de la création con- 
courent aussi à répandre les végétaux peu favorisés 
par leur organisation et à les disséminer indéfiniment. 

Admirable échange de services qui assure la durée 
de tout ce qui existe ici-bas, en même temps qu'il 
montre les précautions que la nature a prises pour con- 
server l'ensemble des choses créées. 

La structure, la disposition des graines, facilitent 
singulièrement la dispersion des végétaux, aidée d'ail- 
leurs par les vents et les courants. Toutes ces influences 
contribuent d'une manière puissante au mélange des 
productions de tous les pays. Des actions semblables 
ont également lieu sur les œufs des plus petits ani- 
maux, qui sont ainsi transportés à de très-grandes dis- 
tances. 

La nature ne s’est pas bornée à donner aux semences 
des végétaux des formes propres à en faciliter le trans- 
port; elle en a recouvert un grand nombre de substan- 
ces résineuses, qui ont le double avantage de les rendre 
plus légères et de contribuer à leur conservation en 
les préservant de toute humidité. A l’aide des graines 
que les eaux emportent au loin, les marins, et même 
les sauvages, découvrent les fles situées au vent de 
leurs pirogues ou de leurs vaisseaux; elles furent pour 
Christophe Colomb le signe certain de l'approche d’une 
terre, et le Nouveau—-Monde fut découvert. 

En facilitant la dispersion des végétaux et des ani- 


741 

maux, la nature à produit, dans le monde dont nous 
sommes les témoins, une variété de plus en plus grande. 
Cette variété donne au paysage ce charme qui séduit 
notre imagination. Que nous sommes loin de ces temps 
où les productions végétales, à peine le vingtième de 
ce qu'elles sont maintenant, étaient uniformément ré- 
parties sur des continents dont l'étendue égalait au plus 
celle de nos grandes iles! Cette primitive végétation, 
triste et monotone par son peu de variété, n'était égayée 
par aucune voix. Un pareil monde, plongé dans un 
silence absolu, que rien ne pouvait interrompre, n’é- 
tait pas fait pour nous; aussi, l’homme n'a-t-il apparu 
sur cette terre que lorsque les animaux terrestres et 
les oiseaux l'ont eu égayée de leurs cris et de leurs 
chants. 

Depuis notre apparition, tout a concouru à répandre 
la variété sur ce globe si longtemps nu et inerte. Les 
voyages lointains, les grandes expéditions militaires, 
ont aidé à ce but. Souvent une plante ou un animal 
utile est la seule chose qui nous reste des conquêtes 
des plus grands capitaines de l'antiquité. En effet, où 
sont les traces de ces milliers de combattants qui ont 
versé leur sang pour satisfaire de folles ambitions? 

Nous les cherchons en vain sur les champs de ba- 
taille ; elles ont entièrement disparu. Le vent les a dis- 
persées. Cependant, les empreintes des pas des reptiles 
et des oiseaux qui, dans les temps géologiques, ont 
passé sur les sables mouvants, y ont laissé des traces 
impérissables de leur présence, comme pour attester la 


vanité des grandeurs humaines. 
{48 


742 

Les faits que nous venons de rappeler annoncent 
que les espèces vivantes n’ont pas toutes conservé la 
place qui leur avait été assignée à l'origine des choses. 
Leur dispersion a commencé avec la civilisation, et elle 
prend un nouvel accroissement à mesure qu'elle fait de 
nouveaux progrès. L'histoire de l'entrainement des vé- 
gétaux et des animaux dans de nouvelles contrées, est 
- donc liée à celle des sociétés humaines dont elles ont 
suivi l'essor. À mesure que les nations grandissent et 
qu'elles prennent un notable accroissement, les dépla- 
cements des êtres qui nous sont soumis deviennent plus 
nombreux et plus faciles. Alors seulement les tribus 
végétales et animales peuvent nous suivre et parcourir 
avec nous les diverses parties de la terre. 

Au milieu de ces faits, liés d’une manière si intime 
avec notre histoire, on s'étonne qu'il y ait encore tant 
de points obscurs relativement à la patrie primitive 
d'un si grand nombre de végétaux; on s'étonne surtout 
qu'il en soit ainsi pour plusieurs des céréales dont nous 
faisons un usage continuel et dont nous tirons un si 
grand parti. Un voile impénétrable couvre encore l'his- 
toire de ces plantes éminemment utiles, sur lesquelles 
les recherches et les voyages de nos descendants répan- 
dront peut-être quelque clarté. 

Les changements dans la distribution primitive des 
êtres vivants, dominés, pour la plupart, par l'influence 
de l'homme, nous font concevoir pourquoi ils ont com- 
mencé par l’Asie, et que l'Europe soit devenue le cen- 
tre de leur dispersion. Cette partie du monde distribue 
maintenant, aux différentes régions de la terre, nos 


743 

céréales, nos plantes potagères et nos arbres fruitiers, 
que nous avons dù nous-mêmes à la patrie primitive 
du genre humain. En répandant ces biens dans d’au- 
tres contrées, nous les leur donnons singulièrement 
améliorés et embellis par la culture ; ceux auxquels nous 
les devons, ne les reconnaitraient certainement pas si 
nous pouvions les soumettre à leurs regards. 

Le phénomène de la dissémination des êtres n’est plus 
uniquement en rapport, comme dans l'origine, avec les 
conditions de l'organisation ou avec celles des milieux 
extérieurs. L'influence de l’homme en est la principale 
cause. Elle tend, par son action constante, à effacer 
de plus en plus les centres de création, qui finiront 
même par disparaitre. Toutefois, lorsqu'on considère 
l'ensemble des êtres, on voit que l'on peut encore en 
déméler les principaux traits, et que leur dissémination 
n'est pas assez avancée pour les avoir détruits. 

Les races cosmopolites sont le résultat le plus remar- 
quable de ces diverses actions; mais ces races ne sont 
pas toujours celles qui ont les moyens de locomotion 
les plus puissants; il faut encore qu'elles aient été ré- 
pandues avec une sorte de profusion dans les contrées 
dont elles sont originaires; enfin, que leur organisation 
soit assez robuste pour supporter les températures les 
plus extrêmes et les passions les plus différentes. 

Ainsi, les espèces les plus communes dans une ré- 
gion, sont le plus susceptibles de dissémination; elles 
occupent maintenant les espaces les plus étendus et les 
pays les plus divers. Par suite de notre influence, ces 
espèces, devenues cosmopolites, appartiennent en géné- 


144 


al à l'Europe, moins à l'Asie et moins encore aux 
autres continents. 

On ne voit pas des rapports aussi manifestes entre 
la dissémination des espèces vivantes et les classes aux- 
quelles elles appartiennent. Toutefois, les eryptogames 
semblent une exception à cette loi générale. En effet, 
ces végétaux offrent le plus grand nombre d'espèces 
cosmopolites, surtout les mousses et les champi- 
gnons. 

Une espèce de la première famille, le bryum hygro- 
métrique ({sunaria hygrometrica), d'une abondance 
extrême en Europe, est devenue commune partout où 
nous avons pénétré. Elle a parcouru en quelque sorte 
avec nous le monde entier. Il n’est pas maintenant de 
région de la terre où cette mousse n'étale son tapis de 
verdure dans les lieux humides. 

On comprend facilement, d’après ces faits, l'impor- 
tance qu'il y aurait d'enregistrer les progrès constants 
de la dissémination des végétaux et des animaux, afin 
de s'assurer de ceux que pourra faire dans l'avenir leur 
extension. Ce phénomène, qui se passe sous nos yeux, 
dont nous pouvons apprécier le commencement et sui- 
vre la marche progressive, n'est pas sans intérêt pour 
l’histoire des espèces disséminées dans l'origine sur des 
points déterminés du globe. 

Cette extension entre dans les desseins de la nature ; 
car elle est un progrès, et un des progrès dont nous 
avons le plus à profiter. Si l'on considère, en effet, les 
productions de la nature depuis le moment où la vie a 
commencé ici-bas, on voit les espèces vivantes aller 


sans cesse en augmentant, el n'acquérir une grande 
variété qu'à l'époque à laquelle nous appartenons *. 

Les espèces ont bien pu rester fixes et immuables , 
sans pour cela se conserver dans les mêmes proportions. 
Si la variété est un progrès, comme il est difficile de 
ne pas le supposer, le monde actuel est plus complet 
que ne l'était l'ancien, puisque lui seul jouit de la pré- 
sence de l’homme, but et terme de la création. 

Les êtres animés ne sont pas les seuls qui se dépla- 
cent ici-bas. Les corps bruts, tout inertes qu'ils nous 
paraissent, cèdent, comme les corps organisés, à lac- 
tion des agents extérieurs. Ces agents, par leurs effets 
constants, les entrainent loin de leur origine, sous la 
forme de blocs erratiques, de dépôts diluviens ou de ter- 
rains meubles et d'alluvion. Les matériaux ainsi dépla- 
cés sont une énigme pour le physicien qui veut re- 
connaître les causes qui les ont transportés à de si 
grandes distances, et les lieux d'où ils sont partis pour 
couvrir de leurs débris la surface du globe 

Le transport des matériaux inorganiques a cela de 
particulier, d'avoir toujours lieu dans le sens de leur 
pesanteur, tandis que les plantes et les animaux re- 
montent assez souvent, contrairement aux lois de la 
gravitation. Ainsi, les graines légères des végétaux, 


{ Pour se faire une idée de la variété du monde qui s'offre à nos regards, on 
n'a qu’à se rappeler que, d'après les calculs de M. Lacordaire, il existe proba— 
blement à la surface du globe environ trois cent soixante-deux mille espèces d'in— 
sectes. Le monde qui nous a précédé n’en a pas vu apparaître plus d'un millier. 
Ainsi, quelle immense variété de formes d’un côté, et quelle pauvreté de l'autre. 
( Voy. l'introduction à l'Entomologie, par Th. Lacordaire, tome IL, p. 565.) 


746 


tout comme les œufs d’un grand nombre d'animaux mi- 
croscopiques, s'élèvent, entrainés par lescourants ascen- 
dants, le long des pentes des montagnes, ou emportés 
par les vents à de très-grandes distances. 

Tout est donc en mouvement dans la nature, aussi 
bien dans les phénomènes qui nous frappent par leur 
grandeur que dans ceux qui, soumis à de plus petites 
proportions, n’en ont pas pour cela moins d'importance. 
Il ne faut pas, du reste, s'y tromper : la vie est aussi 
un tourbillon, un mouvement qui ne peut s'arrêter sans 
s'éteindre. 


Le sujet que nous venons d'étudier est digne des mé- 
ditations des hommes éclairés. Avec lui, nous sommes 
remontés jusqu’à l’origine des êtres vivants, dont nous 
avons suivi la marche graduelle et progressive. Si nous 
n'avons pas résolu toutes les questions que soulèvent 
les changements que ces êtres ont éprouvés dans leur 
distribution primitive, nous en avons peut-être facilité 
la solution. Heureux si nos recherches sont utiles aux 
physiciens jaloux, comme nous, d'obtenir quelques 
progrès dans les voies scientifiques, seules conquêtes 
que l'homme éclairé ambitionne et qui ne causent ja- 
mais de regrets. 


+} 


+? 
= 


RÉSUMÉ 


LU DANS LA SÉANCE PUBLIQUE DU 20 JANVIER 1853, 
d'un Rapport fait à l'Académie 


SUR LE CONCOURS DE 1852 : 


Question relative à L'Histoire de la Poésie lyrique 


EN FRANCE; 


Par M. DABAS. 


MESSIEURS, 


L'Académie avait mis au concours pour 1852 cette 
question de littérature nationale : « Tracer l'histoire 
» de notre poésie lyrique française , en comparant notre 
» génie lyrique avec celui des anciens, eten indiquant 
» les causes de leur différence. » Plusieurs Mémoires 
ayant été envoyés de Paris, de Cherbourg et d’ailleurs, 
une Commission’, dont j'ai eu l'honneur d'être le Rap- 
porteur, en a fait un long et sérieux examen. C’est d'un 
extrait où d'un résumé du Rapport que j'ai mission de 
vous donner connaissance. 


‘ La Commission était composée de MM. Ch. Des Moulins, Justin Dupuy, 
Cirot de la Ville, J. de Gères et Dabas, 


748 


A l’exception de deux Mémoires qui lui ont paru re- 
marquables, et qui se partageront le prix, la Commission 
a trouvé peu de chose à louer dans les travaux soumis 
à son appréciation. Îl est même telle composition si 
peu digne du corps savant auquel elle a été adressée, 
que l'envoi tout seul d'une pareille œuvre pouvait être 
considéré comme une épigramme, si sa faiblesse ex- 
trême n’eût témoigné tout à la fois de l'innocence et de 
la témérité, nous ne voulons pas dire de la présomp- 
tion de son auteur. Il n’a pas été nécessaire d'en exa- 
miner le fond ; son style la jugeait. La première condi- 
tion d’un concours littéraire n'est-elle point que l’on 
possède au moins l'usage de la langue littéraire? A ce- 
lui qui ne la remplit pas, à celui qui permet au solé- 
cisme et au barbarisme de s’étaler dans ses écrits à côté 
de l’humble faute d'orthographe, il faut dire : « Mon 
ami, nécrivez-plus, ou plutôt, si vous êtes assez 
jeune encore, apprenez à écrire. Revenez sur votre 
rhétorique, sur votre logique aussi, et cherchez un 
maitre de philosophie comme celui de M. Jourdain, 
qui enseigne un peu d'orthographe et de grammaire. 

En général, on ne saurait trop recommander aux 
concurrents de se souvenir du précepte d'Horace : 


Sumite materiam vestris, qui scribitis, æquam 
NRA Henaeacene 


Mais, pour en sentir la valeur, il faut qu'ils s’habituent 
à respecter davantage les maîtres du goût, les législa- 
teurs de la poésie et de la langue. Pourquoi l'aversion 
fort singulière que Boileau inspire à tous nos auteurs 


749 


malheureux? Que leur a donc fait Nicolas? L'un d'eux 
le maltraite fort pour sa critique de Ronsard, et s’ef- 
force de venger le français de cet illustre latineur ; 
l'autre, abusant contre lui de son ode sur la prise de 
Namur, en conclut que « ce célèbre Despréaux ( assez 
» célèbre, en effet) n'eut du poëte ni le cœur, ni le 
» génie, et semble avoir eu horreur du sentiment. » Il 
parait s'étonner qu'il compte encore des admirateurs, 
et le plaint, comme poëte, d'avoir eu le génie du bon 
sens; comme si le bon sens, même élevé jusqu'au gé- 
nie, pouvait jamais nuire à rien! Combien de gens, et 
de poëtes surtout, à qui l'on pourrait souhaiter ce mal- 
heur là! 

Si Boileau doit être respecté, il est des choses qui 
doivent l'être encore davantage : c'est la religion et la 
morale, ce sont les convenances et la décence. Hà- 
tons-nous de dire qu'en général nos concurrents n'ont 
pas manqué à ce devoir. Il est un Mémoire, toutefois, 
dont nous aurions voulu effacer certaines citations trop 
lestes, et surtout un esprit d'irréligion qui n'est plus de 
notre époque ni de notre goût. 

Nous avons cru ces avertissements utiles à nos con- 
currents, et c’est pour cette raison que nous n'avons 
pas voulu les leur épargner. Leur amour-propre n’en 
saurait beaucoup souffrir, puisqu'ils sont inconnus, 
et que leurs noms, ignorés de vous, Messieurs , sont 
et resteront un secret pour nous-mêmes. 

Il n’en est point ainsi pour les auteurs des deux Mé- 
moires dont il nous reste à vous parler; ceux-ci nous 
sont déjà nominalement connus, et seront tout à l'heure 


proclamés dans cette enceinte. Nous leur devons ce- 
pendant, à eux aussi, quelques vérités, mais heureuse- 
ment plus faciles à dire; car la critique y admet une 
part considérable d'éloge. 

Le Mémoire qui nous a paru le plus satisfaisant est 
celui qui a pour devise le vers d'Horace : 


Seribendi recte sapere est et principium et fons. 


Il est évident que l'auteur a dû se pénétrer du principe 
que ce vers renferme; car il exprime justement la na- 
ture de son mérite. Sa pensée est sage, ses idées sont 
justes, sa marche est ordonnée, sa méthode simple et 
facile; son style est aisé, clair, généralement pur et 
élégant. Il n’a pas, il faut le dire, beaucoup d’origina- 
lité, beaucoup d'érudition, ni d'éclat, ni de chaleur; 
mais en revanche, il possède une sûreté de goût, une 
rectitude d'esprit et de sens moral, que des esprits plus 
brillants auraient sujet de lui envier. 

Dès son début, il sait définir, il sait limiter sa tache; 
et considérant notre poésie lyrique avec l'idée présente 
de celle des anciens, qui ne le quittera pas, il remar- 
que qu'à la différence de celle-ci, la nôtre, dans ses 
modes les plus élevés, s'est isolée de bonne heure de la 
musique. Îl recherche aussitôt les causes de ce fait, il 
les expose judicieusement; et convaincu de la légiti- 
mité comme de la réalité de ce divorce inévitable, il 
s'attache à cette partie de notre répertoire lyrique qui 
est faite pour être lue plutôt que pour être chantée. Il 
lui en coûte d'abandonner toute une partie de notre 
littérature, qui aurait pour lui beaucoup de charme; 


CAO 


151 
je veux dire celle qui exprime les sentiments populai- 
res : la ballade, la chanson, le cantique, la complainte. 
Il regrette qu'il y ait chez nous ce que les Grecs ne 
connaissaient pas, deux littératures séparées, celle des 
classes lettrées et celle du peuple, deux courants de poé- 
sie qui se rapprochent quelquefois, mais demeurent dis- 
tincts et ne se confondent pas. Qu'y faire, cependant? 
C'est une nécessité qu'il faut subir; et à quoi bon dès 
lors s'occuper, dans une histoire de l'art, de composi- 
tions faites le plus souvent sans art, n'ayant d'autre 
mérite qu'une simplicité naïve? Il y aurait bien une 
intéressante étude à faire sur nos chants populaires, 
et notre auteur l’a senti; mais ce serait de l’histoire 
plutôt que de la littérature : « En rechercher l’origine, 
» dit-il; y retrouver la trace de l'esprit national et la 
» physionomie des diverses provinces; suivre le pro- 
» grès du temps et des mœurs, ce serait là une tàche 
» belle et difficile. Tour à tour on entendrait les joyeu- 
» ses chansons de nos ancêtres, oublieux de leurs sou- 
» cis quand la guerre leur laissait quelque repos, les 
» délicates élégies des troubadours, les malignes satires 
» des trouvères. On aurait une histoire de France, 
» telle qu'elle se faisait aux champs et dans les carre- 
» fours des villes, ou plus secrètement à table et au 
» foyer. Ce travail n’est pas le nôtre; nous avons à 
» parler de la poésie lyrique d’après les définitions lit- 
» téraires généralement acceptées. » 

Il y a beaucoup de sagesse à résister ainsi à un at- 
trait dont on sent la force, et à s'imposer, par raison, 
un plan sévère dont on ne s'écartera pas. Ce n'est pas 


que l’auteur omette tout à fait notre poésie lyrique du 
moyen àge. Il est trop Français pour la passer ainsi 
sous silence; 1l nous en fait respirer un parfum, et là 
encore ses regrets se font jour. « Pourquoi ces vieux 
chants où le dévouement, l'amour, la querre, res- 
pirent avec pleine effusion, n'ont-ils pas animé les 
siècles suivants d'un souffle plus vif de l'esprit na- 
tional? » Mais l'enthousiasme de l'antiquité ne l'a pas 
permis, et l'on ne peut se dissimuler que notre ode 
est fille de la Renaissance. Le critique, bien avisé, s'en 
console un peu par cette Juste réflexion, que si nous 
avons trop imité les anciens, « nous les avons imités 
d'une manière de plus en plus libre, » et que «le goût 
moderne a procédé, par des éliminalions successi- 
ves, à la formation de notre style comme de notre 
poésie. » 

« De tout cela, » dit-il plus loin après nous avoir 
donné une esquisse assez bien faite de la poésie ly- 
rique des Grecs et des Romains, ainsi que de nos pre- 
miers efforts pour pindariser, «de tout cela, il est ré- 
» sulté un ordre d'idées , une manière de sentir et d'é- 
» crire généralement admise. Ce n’est pas le style an- 
» tique, c'est le style classique; il doit aux latins plus 
» qu'aux Grecs. La beauté des poésies grecques est 
» toute simplité, grâce légère ou grandeur naïve; elle 
» se refuse à limitation ; c’est une fleur qui se fane 
» au toucher. La poésie latine, formée d'éléments en 
» partie empruntés aux Grecs, en partie donnés par le 
» progrès des arts et de la réflexion, s’altérait moins 
» en passant dans les ouvrages des modernes. » 


153 

Nous approuvons l'auteur de suivre cet ordre d'idées ; 
et toutefois n'a-t-il pas été trop exclusif en ne réser- 
vant pas, à côté du lyrisme savant de la Renaissance, 
une petite place au moins à la poésie plus naïve et 
plus spontanée, mais lyrique aussi et jusqu'à un cer- 
{ain point classique, de notre Villon. Boileau n’a pas 
été si sévère. Assurément, nous ne prétendons pas, 
comme l'auteur d'un Mémoire écarté, que Villon doive 
être compté parmi nos plus grands lyriques. Comment 
faire un tel honneur à ce joyeux libertin, à ce rieur ef- 
fronté, à cet escroc miraculeusement échappé de la 
potence, à ce poële des tavernes et des ruisseaux de 
Paris, qui manque si souvent de décence, de dignité 
et d'élévation morale? Il ne faut pas le grandir outre 
mesure; il ne faut pas oublier que s'il s'élève quelque- 
fois assez haut, il retombe bientôt, pour s'y rouler en- 
core, dans la fange d'où il est sorti. Mais peut-être ne 
faut-il pas oublier non plus que sa muse grossière a 
trouvé des accents vrais et touchants; qu'elle à du na- 
turel, de l'esprit, de la gràce, quelquefois de la sensi- 
bilité et de l'éloquence. Ne pouvait-on pas accorder une 
mention et un éloge à l'auteur du Grand Testament, 
et de la ballade des Dames du temps jadis ? 

Nous n'avons pas le temps de passer en revue, avec 
l'auteur du Mémoire, les quatre siècles de notre histoire 
littéraire. Disons seulement que son esprit, suflisam- 
ment synthétique, sait présenter des aperçus d'ensem-— 
ble; que sa critique, généralement saine et judicieuse, 
sait se borner aux noms illustres et se montre d'une 
sobriéte pleine de goût dans les citations. Non moins 


754 

sobre dans l'expression de ses jugements, il se contente 
assez souvent de peindre en quelques traits la manière 
et le talent d'un poëête. Ainsi, veut-il donner une idée 
de Chaulieu, qu'il mentionne après Rousseau : « Peut- 
» être, nous dit-il, le contraste de ces poésies, nées sans 
» effort, avec l'éclat bigarré des modernes leur donne- 
» t-il plus de prix. On se repose en les lisant, comme 
» au sortir d'un riche musée on se réjouit de voir un 
» peu de verdure. » Veut-il nous représenter l’élégante 
poésie d'André Chénier, il la compare spirituellement à 
« celtecoupe d'un travail exquis el délicat que le poëte 
» de Syracuse décrit dans sa première idylle.» Veut-il 
rendre la peinture et la musique de M. Victor Hugo : 
« Le soleil ne peint pas de couleurs plus vives et plus 
» diverses les paysages du Midi. L'Océan qui roule sur 
» les grèves, ou le vent qui résonne dans les bois, 
» n’ont pas une harmonie plus profonde. La phrase de 
» M. Victor Hugo est large; ses métaphores se prolon- 
» gent, s'étendent, de manière à couvrir comme d’un 
» grand flot l’espace qu'il a à parcourir. Ordinairement 
» même sa pensée ne se voit pas aussitôt; on l’aperçoit 
» sous ce voile éblouissant d'images continues. » Et en- 
core : « J'éprouve en le lisant une impression sembla- 
» ble à celle que ferait sur ma vue un soleil ardent; je 
» cherche en vain un peu d'ombre. » 

La modération, qui semble le caractère distinctif de 
notre auteur, donne aussi un grand prix à ses juge- 
ments; elle Le préserve, à l'égard de certains écrivains, et 
par exemple de J.-B. Rousseau , de deux excès fort com- 
muns : d'une admiration outrée et d'un dénigrement 


755 

systématique. Précieuse surtout quand il s'agit d'ap- 
précier les contemporains, elle le laisse à leur égard 
dans les meilleures conditions d'impartialité. On pour- 
rait citer tout entière sa critique de Victor Hugo, de 
Lamartine, de Béranger surtout. Par nature, par con- 
viction, si sa doctrine fait bien juger de ses convictions 
religieuses et chrétiennes, il semblerait devoir être peu 
favorable au chantre de Lisette et du Dieu des bonnes 
gens. Cependant, il veut rester et il reste juste. Tout 
en faisant de très-légitimes réserves, il paie au talent 
de Béranger un généreux hommage; et pour faire ap- 
précier son insigne mérite d'avoir transformé la chan- 
son, il le compare ingénieusement à Lafontaine, fai- 
sant de la fable une comédie à cent actes divers. I 
va même jusqu'à lui accorder plus d'originalité qu'à 
Horace, parce que Horace est à demi Grec, tandis que 
Béranger est tout Français. 

Après ces éloges mérités, nous aurions bien quelques 
critiques à faire : les jugements n’ont pas toujours as— 
sez de profondeur ; le style, quoique généralement cor- 
rect, offre de temps en temps des négligences. Nous 
avons aussi remarqué plusieurs distractions, dont une 
assez singulière : l'auteur a gratuitement prêté des 
chœurs à l'OEdipe de Voltaire; ces chœurs-là, dans 
quelle édition les a-t-il trouvés? 

Le défaut le plus grave est dans la manière incom- 
plète dont a été comprise la question des rapports et 
des différences de notre génie lyrique avec celui des 
anciens. C’est à la fin du Mémoire qu'il eùt fallu en 
établir ou en résumer les causes. Or, le résumé de l’ou- 
vrage n’est pas de plus de quatre pages. Parce qu'il 


756 

avait consacré aux anciens une partie de chapitre, et 
fait en passant tous les rapprochements naturels, l'au— 
teur s’est trop cru dispensé de traiter le sujet à fond, 
d'une manière spéciale. Il s'est contenté de resserrer 
brièvement ce qu’il en avait déjà dit, et c'était trop peu. 

Cette lacune et les imperfections signalées n'ont pas 
permis à l'Académie de donner à ce travail le prix 
entier, qu'il eùt obtenu s'il eût été plus irréprochable 
et plus complet Elle a cru le récompenser en lui dé- 
cernant, comme marque de son estime, une première 
médaille d'or de 200 fr. Elle se plait en effet à procla- 
mer le mérite d'un ouvrage qui, s'il n'est pas éminent, 
révèle tout à la fois une plume exercée, un talent lit- 
téraire, un homme de goût, un cœur et un esprit 
droits. La Commission avait ajouté : « peut-être un 
professeur voué à l'enseignement. » On vous dira tout 
à l'heure qu’elle ne s'était pas trompée *. 


Le Mémoire que l’Académie honore d'une seconde 

récompense est celui qui porte cette devise : 
Dissipantur cogitationes ubi non est consilium. 
(SALOMON.) 

C'est assurément l'œuvre d'une plume très-habile, 
d'un esprit fin, d'un littérateur érudit*?; mais c'est en mê- 
me temps une composition très-excentrique, d'un ton 
leste et assez souvent cavalier, où le système s'étale sans 
mesure, où le sujet est traité sans façon, quand il 
n’est pas tout à fait mis de côté. Plus brillant, plus 

1 L'auteur de ce Mémoire est M. Adrien-Édouard Delachapelle, docteur ès 


lettres, regent au collège de Cherbourg. 
# M, A. Morel (Paris). 


LES 
1 


57 


fait pour séduire que le précédent, il lui est très-infé- 
rieur par la justesse des vues, par la sagesse du plan, 
par l’art enfin de la composition. 


Permettez qu'avant de vous présenter un aperçu ra- 


pide de l'ouvrage, je vous offre une analyse de ses qua- 


lités et de ses défauts, empruntée à la plume spirituelle 
de M. Des Moulins : 


> 


» 


» 


» 


« IL est malaisé, disait à la Commission notre hono- 
rable collègue, de deviner si l'auteur de ce Mémoire 
est jeune d'âge, ou jeune seulement de cette jeunesse 
d'esprit et d'imagination qui répand tant de charme 
sur son singulier travail. 

» Jeune, il l'est par l'impatience du joug qu'imposent 
la composition méthodique d’un ouvrage et en parti- 
culier l'observation d'un programme. 

» Il l'est encore par son ardeur, par la soudaineté 
de sa fantaisie, par la fraîcheur habituelle de son 
style, et même par l'étourderie qui en ternit quel- 
quefois l'éclat; un peu aussi par la confiance que lui 
inspirent ses propres jugements. 

» Vieux, on le dirait à voir son esprit railleur et 
désabusé, qui rit en faisant de l'anatomie historique 
ou métaphysique, et qui s'y attache au point de faire 
l'analyse des produits de l'analyse. 

» On le dirait encore à voir son érudition aussi va- 
riée qu'étendue, à voir tout ce qu'il lui a fallu de 
réflexion pour tirer, de ses études historiques et lit- 
téraires, des conséquences hardies, étranges parfois 
et novatrices, quelquefois justes et lumineuses. 

» Son observation est toujours fine, fruit ordinaire 


49 


CA 
Ÿ 


S 
Ÿ 


158 


de l'àäge et de l'expérience, indice de la maturité ; 
mais la maturité découvre rarement tant de neuf 
dans les hommes et dans les choses. Est-il vrai qu'il 
y ait tant à changer dans l'appréciation du passé et 
dans la manière de faire à l'avenir? 

» Dans tous les cas, on ne saurait adresser à l'auteur 
le reproche de ne pas approfondir assez les idées qui 
se présentent à lui. Une idée, dans un ouvrage d'a- 
nalyse, est pour ainsi dire un ruisseau affluent du 
fleuve ; il est bon de remonter son cours jusqu'à un 
certain point, puis de revenir au fleuve lui-même. 
L'homme qui n'approfondit point, se borne à recon - 
naitre l'embouchure de l'afiluent, et passe outre sans 
s'enquérir de ce qu'il est et d'où il vient. Au con- 
traire, notre auteur, dès qu'une idée se présente à 
lui, laisse là toutes choses pour s'élancer à sa pour- 
suite; et cette poursuite, il la pousse jusqu'au bout 
du monde et jusqu'au bout du temps. S'il lui arrive 
d'oublier quelque chose, ce ne sera rien de l'incident ; 
ce sera plutôt de revenir à son point de départ; — 
comme ce Français qui s'en allant à Rome pour y pas- 
ser un mois, y passa (rente ans de sa vie et finit par 
ÿ mourir. » 

Voilà, Messieurs, une image exacte autant qu'ingé- 


nieuse du faire de ce talent bizarre, mais fort distingué. 


Maintenant, comment nous y prendre pour vous 


donner une idée du Mémoire lui-même, vaste labyrinthe 
où les idées se croisent, où l'œil alarmé du lecteur n’a- 


perçoit pas un seul jalon, pas une seule indication, 


pas un seul repos? 


L'auteur commence par faire le procès à toutes les 
poétiques et à tous les cours de littérature, à leurs di- 
visions arbitraires, à leurs définitions inintelligentes, 
à leur critique mesquine, à leur dogmatisme absurde. 
Les rhéleurs français ont, suivant lui, perdu la poé- 
sie française. Qu'ils s'appellent La Harpe, Marmontel , 
Batteux, ou qu'ils signent d'un nom obseur des livres 
spéciaux d'histoire littéraire et poétique, peu lui im- 
porte; il les confond tous dans le même mépris avec 
ces pauvres gens qui occupent, comme il dit, l'étage 
du bas dans un journal, une chaire de professeur 
où un grenier dans une revue à la mode. Les uns et 
les autres reconnaissent des genres qui ne signifient 
rien; les uns et les autres définissent l'ode de telle sorte, 
qu'elle doit être, ou peu s'en faut, l'œuvre d'un fou. 

J'avoue que sur ces deux points, j'éprouve tout d'a 
bord quelque scrupule. C'est préjugé, sans doute; mais 
javais cru jusqu'ici qu'Aristote, Horace et Boileau 
avaient donné à La Harpe, à Marmontel et à Batteux, 
ainsi qu'à nous tous, diseurs de riens, ardélions et 
pédants (V. p. 218 ), l'exemple de ces divisions, de 
ces définitions, et tout au moins de l'établissement de 
ces genres. Aristote, Horace et Boileau seraient — ils 
aussi de méchants dogmatiseurs? Apparemment. 

Quant à demander que l'ode soit à peu près l'œu- 
vre d'un fou, ce n’est pas absolument mon avis; mais 
est-ce bien tout à fait le leur? Que nos théoriciens 
français, outrant les préceptes des anciens, montrent 
sur ce point un peu d'exagération, je l'accorde; et s'il 
en est qui réclament du poëte Iyrique «un enthousiasme 


760 

continu, un délire sans frein, une aberration inex- 
plicable et digne cependant d'être admirée, une fu- 
reur et un transport aveugles » (V. p.5 et 6), je n’hé- 
site pas à dire, moi aussi, qu'ils s'égarent. Mais, d'un 
autre côté, n’y a-t-il pas, dans la grande poésie lyri- 
que, une exaltation assez souvent voisine du délire et 
du transport? Est-il vrai que le style de Pindare 
soit généralement calme et froid (p.5)? Les poë- 
tes, en général, et à plus forte raison les poëtes lyri- 
ques, n'ont-ils pas toujours comme un grain de folie, 
qui n'exclut pas d'ailleurs le bon sens? car il est des 
folies sages, comme il des sagesses folles. Les anciens 
le croyaient, eux qui comparaient le poëte inspiré à 
la prophétesse sur son trépied, ou à la bacchante; eux 
qui lui donnaient communément les épithètes de fu- 
rens, insanus, amens. Horace n'a-t-il pas dit dans 
le même sens, que Démocrite exclut de l'Hélicon les 
poëtes sains d'esprit ? 


Excludit sanos Helicone poelas 
Democritus..…. 


Il veut même, si je m'en souviens, que la folie poé- 
tique soit réelle et non feinte; et c'est pour cette raison 
qu'il se moque de ces poëtes chevelus du temps d'Au- 
guste, qui, pour singer le génie, affectaient de laisser 
pousser leurs ongles et leur barbe, de chercher la so- 
litude, et de ne pas paraitre au bain. Horace, cepen- 
dant, et ceux qui l'ont suivi, n'avaient point passé 
jusqu'à présent pour avoir dit une sottise. Il faudra 
croire qu'on s'était trompé. 


161 

Donc, toutes les poétiques sont à refaire; il faut les 
reprendre et les reformer toutes (p.18 ); jeter à 
bas loutes les vieilleries existantes, et entre au- 
tres la théorie actuelle des genres (p. #); s’armer 
de courage pour renverser la multitude des erreurs 
litiéraires qui s'appuient de mille autorités célèbres 
(p.18). Voyons à l'œuvre ce grand démolisseur. 

Il n'y va pas de main morte en commençant, car 
voici son principe : « Toute poésie doit se ramener à 
» l'une de ces trois grandes classes : sérieuse, joyeuse 
» ou mixte. Toute distinction, hors celle-là, établit 
» des entraves où l'esprit sera serré comme dans un 
» étau. » (P. 12 et 13.) S'il en est ainsi, il n’y a plus 
de poésie lyrique; partant, plus d'histoire de la poésie 
lyrique; partant, plus de question à mettre au con- 
cours ni à traiter, Ceci ne laisse pas que d'être un peu 
embarrassant pour un concurrent qui veut disputer le 
prix académique. Heureusement, il se ravise et s'a- 
mende bientôt. 

« Il serait excessif, ajoute-t-il un peu plus bas, de 
» prétendre que la division des trois genres ne corres- 
» ponde à rien de vrai. L'auteur de ce Mémoire croit, 
» avec l’Académie, qu'il y a réellement un genre lyri- 
» que. » — Voilà qui est fort heureux, pour l'Académie 
d'abord, et ensuite pour l'auteur. 

Notre critique reproduit alors en son nom cette di- 
vision des trois genres, telle à peu près qu'Aristote l'a 
donnée, en se contentant d'ajouter que « on doit sentir 
ce qu’elle a d'étroit et de lâche, et qu'à tout instant 
la forme lyrique dérive au drame, le drame au ré- 


762 

cit, ou la tragédie au lyrisme » (p.15). Soit. Eh! 
qui à jamais prétendu que les divisions doivent être 
absolues! N'en est-il pas des genres de poésie comme 
des genres d'éloquence, et Aristote, l'auteur de cette 
double et savante classification, ne le savait-il pas 
aussi bien que vous? Votre classification, à vous-même, 
non celle d'à présent, mais celle de tout à l'heure, 
est-elle absolue et peut-elle l'être? Non, puisque vous 
admettez, à côté de la poésie sérieuse et de la poésie 
joyeuse, une poésie mixte, sans parler de « malle 
nuances intermédiaires entre la joie et la douleur, 
se mêlant l'une avec l'autre, dites-vous très-spirituel- 
lement, comme le sourire et les larmes sur le vi- 
sage d'Andromaque » {p. 13). Pourquoi donc ren- 
verser avec un si grand bruit ce qu'en fin de compte 
on laissera debout, et se poser superbement en pour- 
fendeur de théories qu'on n’atteint mème pas? 

La définition que l’auteur donne de la poésie lyrique 
n'est pas non plus aussi nouvelle qu'il parait le penser ; 
on la trouve, sous une forme assez semblable, dans tous 
les cours de littérature, et dans ceux-là même qu'il 
méprise le plus. 

C'est, dit-il, l'expression du sentiment et du sen- 
timent chanté. Ce qu'il y met de nouveau seulement, 
c'est le sens qu'il attache à ce mot chanté. Nous pen- 
sons, nous, que dans la poésie lyrique, c’est l'âme sur- 
tout qui chante; lui, parait tenir beaucoup à un ins- 
trument, ne füt-ce que la vielle ou l'orgue de barbarie. 
Aussi n'a-t-il pas assez de regrets pour les temps 
de nos vieux trouvères Arnoult-le-Vielleux et Bau- 


763 

douinl'Orgueneur; aussi ne peut-il se consoler { à la 
différence du précédent) de voir commencer au moyen 
àge et consommer au seizième siècle le divorce de la 
musique et de la poésie. Bien plus, il trouve étrange, 
tout en y donnant forcément les mains, que nous ayons 
encore une poésie lyrique alors que nous n'avons plus 
de lyre. Il ne nous pardonne guère de faire des odes et 
des strophes, comme les Grecs, quand nous ne les 
chantons pas et ne les dansons pas comme eux. « E4 
» pourquoi pas aussi, demande-t-il, des antistrophes, 
» des épodes et des parabases? » Inutile de dire qu'il 
se moque beaucoup de Malherbe, de J.-Baptiste Rous- 
seau et de Voltaire, qui disent qu'ils chantent! Où est 
la musique qui se prête à l'accompagnement (p.18#)? 

Cette manière d'entendre le chant lyrique n’est pas 
sans conséquence. L'auteur en conclura que tout ce qui 
est en vers el se chante (se chante musicalement) est es- 
sentiellement lyrique ( p.24). Et au lieu de s'attacher 
à ce que notre poésie française offre de plus élevé, de 
plus inspiré, de plus vraiment poétique et lyrique, il 
s'arrêtera à des productions plus spontanées, moins 
savantes, mais très-inférieures sous le rapport de l'art, 
à des chansons, à des bagatelles, à des riens. Il abon- 
dera justement dans le sens du travail curieux que le 
précédent écrivain indiquait et a su éviter. Il cher- 
chera l'histoire dans la poésie, au lieu de chercher 
la poésie dans lhistoire; il essaiera de présenter des 
esquisses, des crayons des différentes époques de no- 
tre histoire nationale. 

Voulez-vous quelques échantillons de sa poésie lyri- 
que? Il glane dans de savants recueils, dont la con- 


naissance fait honneur à son érudition ,.…. quoi? des re- 
frains de cavaliers, des airs de trompettes sonnant le 
boute-selle, une chanson de bourgeois parisiens cou- 
rant sus aux huguenots, un couplet de Bussy-Rabutin 
sur la nouvelle maitresse de Sa Majesté ( p. 21, 22, 23), 
« Tout cela n'est-il pas de la poésie lyrique, puisque 
cela est en vers et que cela se chante? » (P.34.) 
Ses principes posés, l'auteur est en droit de dire, ce 
qu'il fait, que les mazarinades et « les chants des li- 
queurs ou des routiers entrent dans son sujet, non 
sur la même ligne, mais dans le même plan que 
les stances de Rodrigue, au premier acte du Cid. » 
(P.26 et 27.) 

C’est d’après cette donnée qu'il parcourt, le roman- 
cero français à la main, toute l'histoire du moyen àge, 
mettant en relief, ici l'influence de l'Église, les agita- 
tions de la Croisade, la dévotion mystique d'un siècle 
de foi; là l'impertinence ou la galanterie de l'esprit 
français, les superstitions et les idées du peuple, les 
dernières prouesses de la chevalerie, la formation de 
la patrie française, l'agrandissement de la royauté, la 
naissance et l'esprit de la bourgeoisie. Il arrive ainsi 
jusqu'au Vive Henri IV et à cette chanson préférée 
d'Alceste où la passion parle mieux en effet que dans 
le sonnet d'Oronte : 


Si le Roi m'avait donné 
Paris sa grand'ville ,.… 


L'auteur se moque, en quelque endroit, de ceux qui 
cherchent les petites curiosités littéraires. Nous ne 
savons trop s'il en a bien le droit; mais assurément il 


: 765 
ne se défendra pas de rechercher les curiosités hsto- 
riques. x 
Cependant, nous touchons au seizième et au dix-sep- 
tième siècles. Peut-être allons-nous rencontrer la gran- 
de poésie lyrique. Erreur! Notre critique, par goût et 
par système, n’a que faire de la poésie savante des let- 
trés. Après avoir justement repoussé le pédantisme de 
Ronsard, dont il amnistie pourtant les inspirations 
amoureuses, et justement vanté quatre jolis vers de 
Bertaut, il arrive à Malherbe. Est-ce pour apprécier le 
lyrique? Malherbe, lyrique! On ferait rire ce dédai- 
gneux théoricien. C'est pour louer, honnêtement et 
sensément, le réformateur de la langue et des vers; 
mais voilà tout. Racan et Ségrais ont au moins, il le 
reconnaît, quelque tendresse. Corneille est parfois admi- 
rable, et souvent très-obscur dans sa paraphrase de 
l’Imitation. Racine a des chœurs d'une gràce céleste; 
mais personne au diæ-seplième siècle, excepté Bos- 
suet, n'a compris le génie lyrique des Hébreux, non 
plus que la poésie de Pindare et d'Horace. Quant à 
Jean-Baptiste, qui reçoit ici, dans une page des plus 
méprisantes , le coup de grâce de la critique; quant 
à Jean-Baptiste, avec sa friperie des Juifs, on ne 
condamnera pas notre auteur au supplice de le relire; 
il aimerait autant apprendre par cœur les vers 
chrétiens de MM. de Port-Royal, ou les poënres os- 
sianiques de M. BaourLormian. » M ne veut plus rien 
que «relire quelques vers de Théophile, de Chau- 
lieu, de Lafare, de Gresset; les stances de Gilbert, 
quinze ou vingt petils poëmes de Chénier, deuæ ou 
trois de Parny, el surtout des chansons » (p. 80). 


766 
Apparemment, 
Le reste ne vaut pas l'honneur d’être nommé : 


un {as de grimauds qu'on a salués du nom de ly- 
riques, et qui n’en ont en effet que le nom. Il leur 
refuse jusqu'à ce regard de mépris que Dante laisse 
tomber, en passant, sur les plus vils des êtres qui peu- 
plent son enfer, alors que Virgile lui dit : 


Ne parlons pas d'eux; mais regarde et passe ". 


L'histoire de la poésie lyrique française est finie. Est- 
il possible? Oui , en vérité , elle est finie. Nous n’en som- 
mes guère pourtant qu'au tiers de l'ouvrage ; mais c'est 
que l’auteur a tant d'autres choses à faire! IL faut qu'il 
analyse les facultés de l'âme humaine, et cette étude psy- 
chologique ne demande pas beaucoup moins d’une ving- 
taine de pages environ ( de la p. 83 à la p. 100 ). Il 
faut qu'il explique le développement de l'esprit fran- 
çais, en recherchant dans toutes les races qui se sont 
croisées sur le sol de la France, les divers éléments du 
caractère national : esquisse rapide | c'est ainsi qu'il 
appelle l'histoire de ces races, depuis les Aquitains, 
les Ibères, les Galls, les Kimris, les Belges, les Pho- 
céens, etc., jusqu'aux Visigoths, aux Burgundes, aux 
Francs et aux Normands, sans omettre l'élément Arabe 
et l'élément Corse ) ; esquisse rapide de 35 pages, qui 
nous mène au 136° feuillet. Il faut qu'après avoir mon— 
tré ainsi le fond de notre tempérament, il approfon-— 
disse les causes internes et externes qui ont agi sur 


! Div. Commed. di Dante : Dell’'Infern. G. LT, 51 


767 

nos facultés : nouvelle étude métaphysique et histori- 
que, qui comprend l'examen de notre pensée réfléchie 
et voulue, celui de l'examen du milieu social et litté- 
raire dans lequel nous avons fatalement grandi, celui 
du rôle imitateur que, moitié volontairement et moitié 
involontairement, nous avons joué et adopté (de la 
p. 436 à la p. 155 ). Il faut enfin qu'après avoir cher- 
ché notre caractère national dans notre poésie, il le 
fasse voir aussi dans notre langue ; d'où l'étude et l'his- 
toire complète de la langue française, considérée , 
comme tout à l'heure la nation, dans ses origines, 
dans les éléments divers qui l'ont constituée, dans les 
révolutions diverses qu'elle a subies jusqu'à sa forma- 
tion; puis, comme il s'agit ici de la langue poétique et 
lyrique, l'étude et l'histoire de cette langue sous le rap- 
port musical, avant et après son divorce avec la mu- 
sique ; l'étude et l'histoire approfondie de notre système 
prosodique, du rhythme, de la rime, de l'accent et des 
divers accents, etc., ete. Ce n'est pas trop, pour tout 
cela, de 50 ou 60 pages, et c'est ainsi que l'auteur 
arrive à sa conclusion. 

N'ayez pas peur, Messieurs, que nous le suivions 
pas à pas dans ses excursions de philosophe, d'ethno- 
graphe, de métaphysicien, de philologue, de linguiste, 
de prosodiste. Mais il faut pourtant vous dire, sous 
peine d'être incomplet et injuste, la raison de tous ces 
longs excursus. Comment vous laisser croire qu'un 
homme de tant de savoir et de tant d'esprit ait simple- 
ment battu la campagne? Il n’en est rien. Ce défaut, 
énorme néanmoins, de sa composition, à son sens el 
son but; il fait partie de son plan, de son système, 


168 

Tout ce que je viens d'embrasser en dernier lieu est 
la seconde partie du Mémoire, et répond à la seconde 
partie de la question mise au concours : « Comparer 
» notre génie lyrique avec celui des anciens, et indiquer 
» les causes de leur différence. » Cette pensée de l'é- 
crivain , il est assez difficile de la dégager des nuages 
de sa métaphysique, des longs amusements de son récit 
et du bagage embarrassant de son érudition. On l'en 
dégage cependant, et la voici, ou je suis fort trompé : 

Notre poésie lyrique française, comparée à celle des 
anciens, est fort peu de chose. D'où vient notre infé- 
riorité? D'abord, de ce que nou; ne savons pas vouloir. 
L'homme est doué partout de trois forces : la force 
d'expansion dominante chez les peuples de l'Orient, qui 
se donnent à la nature et se laissent absorber par elle ; 
la force d'assimilation, plus particulièrement propre 
aux Grecs, aux Latins, et en général aux peuples de l'Oc- 
cident, qui s'incorporent tout ce qu'ils rencontrent; la 
force de résistance, caractère distinctif des peuples du 
Nord, qui repoussent tout ce qui vient du dehors et 
maintiennent fortement leur originalité. L'analyse de 
nos facultés prouve que la volonté, souveraine dans 
l'homme, gouverne et dirige à peu près à son gré, 
malgré l'instinct naturel, l'emploi de ces forces diver- 
ses et communes. L'homme est toujours libre d'agir con- 
tre la nature; mais il faut qu'il veuille. D'autres peu- 
ples ont voulu; nous, Français, nous n'avons pas su 
et ne savons pas vouloir. Nous nous prêtons, mais 
sans nous donner; nous nous assimilons, mais sans 
nous incorporer; nous ne résistons à rien. Avec ces 
défauts, comment créer et produire? La volonté seule 


769 


est créatrice. Les Hébreux, les Grecs, les Latins, ont, 
sous ce rapport, valu bien mieux que nous. 

Non-seulement nous n'avons rien voulu, mais nous 
n'avons pas tout pu. Nous sommes les fils de nos pè- 
res, et nos pères, quels étaient-ils? Aquitains, Ibères, 
Galls, Kimris, Belges, Visigoths, Burgundes, Francs, 
Normands, ete., mais surtout Galls ou Gaulois. Nous 
sommes restés Gaulois avant tout; et grâce à cet élé- 
ment dominant du sang national, plus gâté par le mé- 
lange des autres que tempéré par leurs qualités, nous 
sommes nés vains, inconsidérés , remuants, incapables 
d'une action soutenue et d'une volonté énergique; sou- 
ples et imitateurs, personnels pourtant, sans profondeur 
d'esprit et surtout sans aptitude pour le sentiment : au 
sentiment nous substituons l'idée, ce qu'il y a de moins 
lyrique. Avec ces défauts encore, comment créer, et 
créer surtout la poésie du sentiment, la poésie lyrique? 
Ce point est capital; et l'auteur, qui revient mainte et 
mainte fois sur notre portrait pour le parfaire et l’a- 
chever, ne le flatte jamais. 

Ne sommes-nous que les fils de nos pères? Nous 
sommes encore les continuateurs et les héritiers des 
anciens; héritiers forcés, pour qui il eùt été souhaita- 
ble cependant de n'accepter cet héritage que sous bé- 
nélice d'inventaire. Mis en possession de tous leurs 
trésors, nous y avons puisé à pleines mains, sans nous 
donner la peine d'extraire l'or des entrailles de la terre 
nationale. Au commencement, nous avions quelques 
inspirations originales ; la Renaissance nous les à tuées 
ou ravies. Nés imitateurs, nous n'avons plus songé 
qu'à imiter; et limitation, c'est le fléau, la ruine de 


il 
toutes les littératures. Sous ce rapport encore, com- 
bien les Hébreux, les Grecs, et les Romains eux-mê- 
mes, ont été plus heureux et mieux favorisés que nous! 

Ajoutez que n'approfondissant rien et ne comprenant 
rien, nous avons supprimé {out ce que nous ne com- 
prenions pas, el gàté tout ce que nous touchions. 

Qu'espérer aussi de notre langue, formée de débris 
informes, héritière des langues les plus diverses et les 
plus opposées, remplie de sons rudes, sourds, guttu- 
raux; élaborée sous l'influence de mille causes facheu- 
ses, el particulièrement de notre caractère national, qui 
lui Ôte tout caractère synthétique et toute expression sen- 
timentale, pour la rendre aussi intellectuelle qu'il peut? 
Sans l’élément populaire qui la régénère et la retrempe 
un peu, elle serait devenue aussi idéelle que la langue 
des mathématiques. Quelle différence avec les langues 
des anciens! 

Et sous le rapport musical! Les Hébreux, les Grecs, 
chantaient en dansant leurs hymnes; les Romains écri- 
aient au moins les leurs dans un vers rhythmique et 
harmonieux? Nous, nous avons dépouillé la poésie lyri- 
que de la danse et du chant; nous avons oublié le rhyth- 
me, au point que nos vers font frémir tous les musi- 
ciens, au point que les beaux chœurs de Racine sont 
horribles quand on les chante! Il est vrai que notre 
rythme prosodique peut soutenir, quoi qu'on en ait dit, 
la comparaison avec celui des anciens. La rime a suf- 
fisamment remplacé pour nous la quantité du vers mé- 
trique; elle a fait depuis le seizième siècle de nota- 
bles progrès, un moment trop oubliés, mais dont on 
commence à se souvenir. Pourvu qu'on sache profiter 


171 
des ressources qu'offrent avec elle le rhythme et lac- 
cent, on possède un instrument musical dont il est 
encore possible de tirer quelque chose. 

Voilà, Messieurs, le bilan de notre génie et l'inven- 
taire de notre matériel lyrique, dressés après faillite bien 
et dûment constatée. Notre actif et notre passif ainsi éta- 
blis, on se demande quel sera notre avenir. De l'avenir, 
l'auteur nous permet, un peu ironiquement , de tout es- 
pérer. Nous sommes jeunes comme nation; nous n’a- 
vons eu une àme que vers le treizième siècle; nous 
n'avons commencé à nous sentir vivre qu'au quinzième, 
en présence des Anglais; nous n'avons été que dans 
les derniers jours une nation formée et complète. 
Nous avons donc devant nous le temps, et avec le 
temps, {out arrive en France, même l'improbable. 
Jusqu'ici, peuple chansonnier, nous n'avons guère eu 
que des chansons. «Le galoubet et le fifre ont acquis 
chez nous une perfection admirable. » Peut- ètre quel- 
que jour retrouverons-nous la lyre. 

Que de questions remuées dans cet exposé, sans par- 
ler de toutes celles que l’auteur soulève encore par ac- 
cident! Il faudrait un volume pour y répondre; d’au- 
tant plus que s'il y a dans tout cela beaucoup de vrai, le 
vrai y est presque toujours mélé d'exagération et d'er- 
reur. Nous n'essaierons pas d'en faire le triage. Qu'il 
nous suflise de dire que ceite histoire, faite d'après la 
manière vive el amusante, mais un peu systématique 
de certain historien, ne nous laisse pas toujours parfaite- 
ment convaincu; que ce portrait de notre caractère 
national nous ressemble, mais comme une charge ha- 
bile à un portrait véritable; qu'il ne suflirait pas de 


172 

dire les dangers et les égarements de limitation, mais 
qu'il en faudrait reconnaitre aussi les avantages et la 
valeur, même créatrice ; qu'il y a de l’exagération à vou- 
loir proscrire l'idée de la poésie lyrique, comme si 
dans la nature elle ne s’alliait pas sans cesse au sen- 
timent; qu'il faut prendre garde de tomber dans une 
sorte de matérialisme littéraire, en grossissant trop 
l'importance, incontestable d'ailleurs, de la langue, du 
rhythme, et surtout d'une alliance de la danse et de la 
musique avec la parole chantée; qu'enfin, si pauvres 
que nous soyons où qu'on se plaise à nous faire, nous 
avons le droit de nous inscrire, au nom de tous nos 
grands poëtes, contre le reproche étrange de n'avoir 
guère produit que des chansons. 

Avouons, d'ailleurs, que tout cela est écrit et sou- 
tenu, malgré des obseurités métaphysiques et des lon- 
gueurs fatigantes, avec une verve, un esprit el un 
style peu communs; le style surtout est excellent. A 
l'exception de quelques taches légères, échappées à la 
négligence d'une plume rapide, de quelques expressions 
qui affectent le sans façon, et de quelques termes sin- 
guliers créés par esprit de système philosophique, 
comme le mot individuation plusieurs fois répété, 
nous n'y avons rien trouvé qui ne füt correct, aisé, 
noble, clair, net et vraiment français. 

Je veux, Messieurs, vous en faire juger, en vous 
lisant quelques pages de ce Mémoire : 


« En réfléchissant mieux, on aurait compris que 
» chaque peuple à son caractère, chaque poëte son 
» tempérament, chaque sièele <es idées propres, et 


» 


» 


» 


113 

qu'il est peu raisonnable d'assigner aux poëtes d'au 
jourd'hui ou de demain, qu'ils soient de Paris ou de 
Christiana, un degré au—dessous duquel leur cha- 
leur ne devait pas rester, de forcer leur imagination et 
de la contraindre à des mouvements tumultueux qui 
peut-être lui répugnent. 

» Ce qui est vrai, c’est que toute beauté, vue à sa 
place, est digne d'admiration; ce qui est vrai encore, 
c'est qu'un poêle, un grand poële, voit mieux, plus 
vite, plus loin et de plus haut que le commun de ses 
lecteurs. Ce qui est faux, c’est qu'on puisse à tous 
les poëtes assigner la mesure et le mode de leurs 
sentiments. Surtout ne leur dites pas, sous une forme 
ou sous une autre : Qu'une docte et sainte manie 
vous transporte. Ils ne seraient ni doctes, ni saints, 
mais maniaques. Comme parle Montesquieu , ils fe- 
raient de leur art une harmonieuse extravagance ; ils 
ne mériteraient que le mépris dont l'auteur des Lettres 
persanes accable les poëtes lyriques de son temps. 
» Qu'une nature bouillante se répande en flots pa- 
reils à la lave enflammée, je le veux bien, surtout si 
celte lave sait où elle va; mais je prétends qu'une 
àme mélancolique soit libre de rêver ou de gémir 
doucement ; qu'un cœur libre et satisfait s'abandonne 
au plaisir tranquille de vivre. 

» Poëtes de l'Orient, du Nord ou du Midi, brülante 
Sapho, majestueux Pindare, Anacréon, Horace, en- 
trez tous, et ne pàlissez point à côté de l'audacieuse 
ennemie de Sisara. Les couronnes de fleurs, le clou 


| Lettres persanes, CXXXVIT, 


pÙ 


47 


k 


» de Jahel, la massue d'Hercule, le char de Pharaon, 
» la ceinture de Pyrrha, le bouclier de Liudbrog, nous 
» plaisent tour à tour. Le psaltérion , les tambours, les 
» flûtes, la harpe, la rotte, la vielle, la guitare, et 
» même, faut-il l'avouer? l'orgue de barbarie, ont tous 
» leur agrément. 

» Les chants du scalde, du barde, du troubadour, du 
» prophète, du laboureur, de l'artisan, du soldat, ob- 
» tiennent chacun leur prix, dès qu'ils le méritent pour 
» avoir traduit le sentiment sous une forme sincère. » 

« Une nation est, comme l'homme lui-même, un or- 
» ganisme vivant; mais pour elle aussi, c’est une ques- 
» tion obscure que celle de savoir à quel moment elle 
» a une àme. Sans doute, il y a un jour où, d'une 
» voix assurée, elle s'écriera : Je suis! Mais depuis 
» quand est-elle? Il ne manque pas de docteurs et de 
» flatteurs pour lui dire : O grande nation! tu es de- 
» puis des siècles, et le lemps lui-même oublie où il 
» l'a vue paraître pour la première fois, déjà vigou- 
» reuse, déjà puissante, déjà toi-même. » Repous- 
» sons pour nous ces vaines adulations. La France 
» n’est la France que depuis le treizième siècle; encore 
» ne s'est-elle sentie vivre que sous l'horrible pression 
» des Anglais, au quatorzième; et telle que nous la 
» voyons, toute formée, ayant une conscience dis- 
» tincte, sûre de sa vigueur, de sa pensée, du déve- 
» loppement de son ètre, elle ne date que d'hier. C'est 
» en face de l'Europe soulevée contre elle, il y a soixante 
» ans, qu'elle s'est affirmée. Jusque là, elle voulait être ; 
» depuis ce temps, elle est. 


775 

» Avant d'arriver à celte puissante personnalité, 
» quels éléments n'a-t-elle pas absorbés! combien d’as- 
» similations successives ! 

» De même, notre langue ne s’est pas faite spontané- 
» ment; elle s'est élaborée pendant des siècles avant 
» d'être la langue française ; et depuis qu’elle existe avec 
» son nom, aucune autre n'a varié davantage. Ce nom 
» même, elle la d'abord eu comme un enfant reçoit 
» le sien, sans y prendre garde; mais elle existait avant 
» de l'avoir. 

» Hâtive, pressée de se faire jour, la poésie com- 
» mune naquit d'elle-même, sans attendre que la lan- 
» gue fût achevée. Grossières et rudes toutes deux, 
» elles produisirent d'abord des monstres de l'esprit 
» tout pareils à ceux que nous fait voir Lucrèce, lors- 
» que la terre, essayant sa force créatrice, enfante des 
» êtres bizarres, ébauches sans nom, indécis mélanges 
de types hybrides. 


CA 


«.… Multaque tum tellus portenta creare 

Conata est, mira facie, membrisque coorta, 

(Androgynum inter utrum, nec utrumque et utrinque remotum ) 
Orba pedum partim, manuum viduata vicissim ; 

Multa sine ore etiam, sine vultu cæca reperta, 

Vinctaque membrorum per totum corpus adhæsu ‘. » 


Su ere eo 0 » D eo à 6 © © °e eo) © © © oo je pe otre (efeifeleiiel pbieie afetelie 


« Autre chose est donc d’imiter comme fait un co- 
» piste servile, autre chose est d'évaluer à leur prix 
» les travaux par lesquels une carrière s'est ouverte. 
» On ne peut d’ailleurs s'empêcher de le reconnaitre, 


\ Lucrèce, liv. N, v. 835 ct suiv, 


» 
» 
» 
» 
» 
» 
» 
» 
» 
» 
» 
» 
» 
» 
» 
» 
» 
» 
» 
» 
» 
» 
» 
» 


» 


110 


les anciens, les premiers essais attestent toujours 
une énergie de volonté productive qui donne un mé- 
rite singulier aux moindres ébauches. Si les poëtes 
classiques, par exemple, sont admirables, c’est plus 
encore par ce qu'ils ont voulu que par ce qu'ils ont 
fait. Ils nous ont légué un grand exemple de courage, 
et nous invitent à tenter les voies de l'art comme ils 
les ont eux-mêmes sondées. Il est puéril de dire qu’ils 
ont pu, par exemple, mieux sentir la nature, parce 
qu'ils étaient plus près de la naissance du monde : 
le monde renait tous les jours. Seulement, les an- 
ciens avaient une volonté intense de produire et une 
grande liberté de conception. Nous, plus gènés, plus 
timides, moins maîtres de nos facultés parce que 
nous en désunissons le faisceau, nous sommes pris 
de la peur d'échouer : il nous semble qu'il faille réus- 
sir ou n'être plus que méprisables. On avait autre- 
fois la religion de la volonté; nous n'avons plus que 
celle du succès. Bornant dès lors nos vœux à nous 
soutenir plus qu'à nous élever, nous attachons de no- 
tre mieux notre esquif à la poupe de quelque vieux 
navire en route pour limmortalité. Notre défaut de 
courage nous montre ainsi le salut. Mais espérance 
vaine! nous disparaissons un jour dans le sillage que 
nous n'avons pas ouvert. » 

« Le fond de notre caractère est donc la personnalité, 
» A la différence des peuples du Nord, nous ne ré- 
sistons à rien, en ce sens que toute impression est 
chez nous recevable. Les Orientaux ne se possèdent 
pas; ils sont à l’objet qui les attire. Nous ne sommes 


» 


» 


» 


» 


» 


» 


Lo an 


111 


pas comme eux : nous ne nous donnons pas, nous 
nous prêtons. D'autres peuples s'incorporent tout ce 
qu'ils touchent; leur regard s'étend au loin pour dé- 
couvrir la proie qu'ils dévoreront. Les Français se 
meuvent en avant, mais sans savoir où ils vont. De 
la curiosité sans clairvoyance ; peu d'activité, mais 
de l'agitation; de la bravoure, moins de courage ; 
un esprit inventif plutôt qu'inventeur; des analyses 
sans comparaisons, du raisonnement plus que de la 
raison, des désirs plus que des volontés, des réso- 
lutions moins que des actes, des souvenirs plus que 
de la mémoire, des coutumes plus que des traditions, 
des répugnances plus que des haines; des colères 
sans dessein, des amitiés sans entrainement, des en— 
trainements sans amitié; des métamorphoses et point 
de renouvellement; des idées vives mais rarement 
justes; beaucoup de sentiments faux, étourdis, in- 
considérés, dont nous sommes d'abord les victimes, 
puis les dupes : voilà notre âme, notre cœur et no- 
tre génie. Tels nous les donne le tempérament que 
nous tenons de nos pères les Gaulois. » 


Vous voyez que le portrait n'est pas flatté; il est 


tracé à la manière d’Alceste, et on le croirait de la 
main d'un étranger : il est seulement de celle d'un mi- 
santhrope, ou plutôt d’un humoriste français. Pourquoi 
faut-il qu'il ne manque pas tout à fait de ressemblance? 


En résumé, Messieurs, le Mémoire dont je viens de 


vous donner une analyse très-incomplète est remar- 
quable par un esprit, une verve et un style peu com- 
muns. Il suppose une instruction rare, quelque philo- 


178 

sophie et beaucoup de connaissances historiques. Mal- 
heureusement, il est gàté par un grand nombre d'idées 
fausses ou paradoxales; par des obscurités métaphysi- 
ques et des longueurs fatigantes; par un défaut de 
composition énorme, qu'on ne sent bien qu’à la lecture, 
mais qui frappe alors vivement; enfin, et surtout, par 
une aberration complète de la voie que marquait le pro- 
gramme. L'Académie ne pouvait couronner de sa plus 
belle récompense , quelque mérite qu'il laissät deviner, 
un ouvrage où l’on se jouait ainsi du sujet. Elle a voulu 
pourtant donner à l’auteur un témoignage de son estime, 
en lui décernant une seconde médaille d'or de 400 fr. 
Nous l'invitons à la recevoir comme un encouragement 
à des travaux aussi brillants, mais plus solides, et nous 
concluons avec notre spirituel collègue, M. Des Mou- 
lins, s'adressant ainsi à l’auteur : 

« Le prix, Monsieur, s'il n'avait fallu pour l'obtenir 
». que de l'originalité, de l'esprit, du style, vous l'au- 
» riez mérité. S'il pouvait être conquis par l'érudi- 
» tion de l'historien, jointe au savoir du philosophe, 
» vous l’auriez encore. 

» Des prix, nous voudrions vous en donner beaucoup ; 
» nous voudrions vous les donner tous, hormis pour- 
» tant celui de sagesse. Celui-là, joint à d'autres jus- 
» tement mérités, peut seul donner droit au prix d’ex- 
» cellence, que vous gagnerez une autre fois. » 


LA 


LAMPE DU SANCTUAIRE; 


Par M. de GÈRES. 


Quia vana. (St Auc.) 


Si meno luz, mas vida. (Jean de Mépicis. ) 


& 
Ce] 


Muse! il n’est que trop vrai; c’est bien douze ans, en somme, 
Douze ans vécus, depuis que l’enfant s’est fait homme, 
Et que, jetant jeunesse et poésie au vent, 

Il a suivi l'oubli sur son terrain mouvant. 

Je ne sais plus quel bruit l'empêchait de t’entendre. 

Un beau jour, — triste jour! — seule tu fus l’attendre.… 
Il t'oubliait, sans doute ! Et pendant ce temps-là 

La cage était ouverte, et l’oiseau s’envola. 

Vers des bords moins ingrats, vers des amours nouvelles, 
La blanche poésie avait ouvert ses ailes, 

L'hirondelle partait pour de nouveaux printemps. 


(*) Ce poëme a été lu à l’Académie, sous le titre de : Le Silence du Poëte. 


780 
Remords! Pleurs ignorés! Félicité ravie! 
Alors, je me levai, je marchai dans la vie 
Le front haut, le cœur plein et muet pour longtemps, 
Mais tourné vers le ciel où je l’avais suivie. 


Douze ans, un siècle entier L.. Et pourtant, tout est là. 
Riches larmes du cœur en secret répandues, 

Trésors que dans l'oubli la plume amoncela, 

Pauvre tiroir gonflé de strophes suspendues , 

Que de plans ébauchés , que d’ébauches perdues ! 

Ah! les projets du temps, aveuglement puni! 

Dérision, chimère au matin caressée ! 

Un jour vient, puis un autre, et la mort, l'infini ; 

IL faut partir, laisser la page commencée , 

Et l'on s’en va toujours sans avoir rien fini! 


Ainsi done c'était tout, à trompeuses promesses | 
Le doute; la raison, ce froid orgueil des ans, 
Le désenchantement des heures vengeresses 

De leur cendre ont éteint ces coupables ivresses! 
Le front découronné par les soucis pesans 
Comme un lutteur battu qu’on chasse de la fête, 
Sous la honte et l'ennui va-t’en, triste poëte! 
Pleure les jours perdus , génie agonisant; 

Ta muse était muette; elle est morte, à présent. 


Et d’ailleurs, à quoi bon? Quelle erreur est la nôtre? 
Que sert-il de chanter? — Cet accord qui me plait 


781 
Vibre en moi seul peut-être et se tait dans un autre; 
Il est absent, l'écho que ma voix appelait. 
Et quand même, croit-on, — illusion profonde, — 
Qu'après qu'il s’est ouvert le cœur est épuisé? 
Mer où nul fond encor n’a fait trembler la sonde, 
Où l’onde intarissable accourt toujours sur l'onde, 
Qui comblerait jamais ton abime apaisé! 
Dans l'éternel tonneau qu’emplit l'erreur humaine, 
Quels vœux, déçus toujours, toujours renouvelés, 
Par l’espace et le temps seront jamais comblés! 
Bonheur, dernier anneau de la pesante chaine, 
Combien peu sont élus où tous sont appelés! 


Inassouvible ardeur d’un sang qui me dévore, 

O soif insatiable , à despotique loi, 

Feu sacré, feu mortel, qu’exiges-tu de moi? 

Après avoir brûlé, tu consumes encore, 

Je sens frémir ma veine et tressaillir ma foi! 
Phénix, sors de ta cendre, et secouons nos ailes! 
Je veux franchir d’un bond les sphères immortelles ; 
Le triomphe m'attend sur des palmes nouvelles, 
J'irai, je serai grand, j'aurai ma gloire. — Après? — 
Quatre morceaux de chêne , une pierre, un cyprès, 
Et l'oubli. — L'elouette a chanté dans la plaine, 
Adieu, muse; je vais errer sous le ciel bleu, 
Cueillir tous les bonheurs dont la vallée est pleine, 
Et voir couler ma vie ainsi que la fontaine 

Dont la fraicheur me rit sous le feuillage en feu. 


Ah! de l’esprit qui passe éternelle agonie, 

Moïse est mort, Élie aussi. Toutgrand génie 
Remontant vers son ciel, aux disciples fermé , 
Laisse, comme un manteau , tomber son harmonie, 


182 


Et ne moissonne pas ce qu’il avait semé! 

Éclair dans l'ombre, hélas! toute gloire est finie. 
Inutile fumée et vains enivrements, 

Beau fruit qu’à peine mür va saisir la couleuvre, 
Nul ne jouit un jour du repos de son œuvre; 

Les mains même qui font les applaudissements, 
Vont se joindre en silence au fond des monuments! 
Vous ne souriez plus, douces têtes charmées, 

La nuit sur le désert s’est faite désormais. 

Que de regards éteints! que de lèvres aimées 

Dans un adieu suprême à nos adieux fermées; 

Et combien sont partis qui n'arrivent jamais! 
Écoutez-vous encore , 6 lointaines colombes, 
Échos muets au bruit des sombres avenirs ? 

Le vent d'oubli, fanant les herbes sur les tombes, 
Flétrit des morts pleurés les meilleurs souvenirs! 
Folie et vanité! apparence et mensonge; 

Rien n’est, rien ne survit, tout trompe, tout est songe; 
Le passé disparu, dont nul ne se souvient, 

Et le présent qui passe, et l'avenir qui vient !... 
Muse, adieu! Les tilleuls, les peupliers superbes, 
Dans les brouillards fumants courbent leur tige en pleurs; 
Je cours voir la rosée et les brillantes gerbes 

Que le soleil levant allonge sur les herbes, 

Le rossignol m'attend sous les lilas en fleurs. 


[LE 


Mais. n'est-il pas honteux de traverser la terre, 
Spectre muet, couvert d’un linceul volontaire, 


783 


Sans marquer, pèlerin, l'empreinte de ses pas 
Comme ces êtres nuls que l'ignorance enterre, 
Qui posent en partant leur tête sur la pierre, 
Dont un loisir stupide a croisé les deux bras, 

Et qui s’en vont , leur vie au hasard dépensée, 
N'ayant ni flamme au front, ni souci, ni pensée, 
Et qu’un rayon d’en haut n'illuminera pas! 


Ou peut-être, en moi seul, — tentation suprême, — 
Git ce prix désirable et ce contentement, 

Mis au cœur du travail par le travail lui-même... 
Sainte inexpérience ! aimable entrainement! 

Charmes inexplorés de l'essai qui soupire! 

Arène séduisante à son commencement ! 

Il est si doux parfois de porter une lyre.…. 

On n’a jamais tout dit ; il reste tant à dire! 


Écrire? — Ah! oui vraiment, c’est attrayant d'écrire : 
C’est charger son fusil quand le gibier s’en va; 

C'est fixer sur le sable une forme qui passe, 

Ou prendre dans ses mains le bruit, l’onde et l'espace, 
Et tout ce qu'un caprice à l'esprit enleva. 

Écrire, c’est jeter le glaçon sur la flamme, 

Planter un faible arbuste au milieu du torrent, 

Dans un obscur martyre ensanglanter son âme, 

Et clouer d’une épingle un papillon mourant. 

Croire, — prétention orgueilleuse, insensée , — 
Qu'on franchira d’un mot, écrit en conquérant, 
L'abime infranchissable ouvert sous sa pensée, 

Et qu’on fera jaillir, — pouvoir supérieur, — 

Dans son intégrité, dans sa force amassée , 

Dans sa splendeur première et jamais éclipsée, 

Le retentissement du mot intérieur! 


784 


O cygnes immortels! vous savez le contraire, 

Et comme on doit, vaincu, céder la place aux Dieux! 
Ce qu'on en dit vaut moins que ce qu'il en faut taire; 
Ganymède blessé retombe sur la terre, 

Ou, détournant son vol, porte sa honte aux cieux. 


Il est sur les hauteurs des Alpes, qu’on ignore, 

Des fleurs vierges, beautés du monde aérien ; 

Sous son regard jaloux Dieu seul les voit éclore, 
L’air qui passe les cueille, et l’homme n’en sait rien. 


Qui n’a vu, — du matin quand les heures prochaines 
Cisèlent des lointains les profils éveillés, — 

Devant le jour naissant les monts émerveillés 
Comme un rideau fermé tendre leurs vastes chaines ? 
Leur silhouette bleue élève un long rempart. 

Les sommets curieux, dont l’arête s’altère, 
Contemplent en secret le rutilant cratère, 

Muets et seuls témoins du radieux mystère, 
Confidents éternels de l’aurore qui part. 

Mais aux versants d’ouest pèse une brume sombre, 
Et la nuit des revers tient la plaine dans l'ombre. 
Rien n’y transpire encor de l’immense clarté. 

Le crépuscule hésite, et ses incertitudes 

Endorment dans leurs plis les mornes solitudes. 

Ah! lumière qui fume! éclat répercuté ! 

Le rayon, du foyer n'a jamais la beauté ; 

Tout le jour qu’on pressent est de l’autre côté, 

Et les lueurs qu’on voit n’en sont que les préludes! 


Agitez-vous, trépieds! le Dieu reste caché. 


Celui-là seul, fut-il Eschyle, Homère ou Dante, 
Dont le cerveau contient la vision ardente, 


785 
La peut voir tout entière en lui-même penché. 


L'âme, du vrai génie est seule confidente, 
Complet dedans, dehors le verbe est ébauché. 


Pourtant, l'expression , prudemment balancée, 

Doit mürir lentement la phrase cadencée, 

Afin que, trait sonore alors qu'il a touché, 

Le mot vibre longtemps à l'idée attaché. 

Mais la nuit vient pendant que l’on cherche sa route 
Il faut au premier pas rester sur le chemin, 

Car l’idée, avançant pendant que l'esprit doute, 
Marche plus vite au front que la plume à la main, 
Et l'inspiration prend la fuite en déroute. 

Non, écrire est un leurre, une déception. 


Cybèle, et toi Vesta ! de quel nom qu’on te nomme 
Nature, mère auguste! à seule passion 

Qui n'ait jamais trompé le pauvre cœur de l’homme 
J'accours vers toi! L'enfant prodigue est retrouvé 
Adieu, muse marâtre , adieu tourment bravé 

De l’esprit qui s’acharne à creuser sa blessure ; 

Je te connais trop bien, mortelle volupté! 

Muse, voilà ton masque et voici ta chaussure, 
Garde tes fers dorés, je reprends ma fierté, 

J'aime encor le soleil ‘air pur, la liberté! 


LIT. 


Hélas! quand le poison dans la veine complice 
Avec un noble sang s’est une fois glissé , 
Le mal est incurable , et l’athlète assé 


786 


Malgré lui tôt ou tard rentrera dans la lice. 
La mort seule, — à bienfait! — finira le supplice 
Le fer tue, en sortant du sein qu'il a blessé. 


Lorsque le vent du soir dans la forêt courbée 
Terrasse le vieux chêne et l’étend sur le sol, 

Le nid, qui pend à peine à la branche tombée, 

Se renverse et se brise; — alors le rossignol, 
Désespéré, sans voix, étourdi de la chute, 

Sur le chêne voisin qui résiste et qui lutte 

Gagne un asile, et livre aux colères des nuits 

Son espérance morte et ses amours détruits. 

Mais après la tempête il redescend, il doute. 

La forêt, belle encore, est profonde; il écoute 
D'autres oiseaux qui n’ont pas souffert comme lui, 
Entrevoit l'horizon, et, reprenant sa route, 

Il attend pour chanter qu'un meilleur jour ait lui. 
La fatigue l'arrête et l’endort sous son aile, 
L'oubli, repos du cœur, descend dans son sommeil ; 
Bientôt l'aurore entière a charmé son réveil; 

Sur les rameaux plus frais sa compagne l'appelle, 
L'air le tente, il se sent une force nouvelle, 

Et recommence un nid aux rayons du soleil. 


Une lande sans fin, stérile, aride et nue, 

Que dévore en passant une flamme inconnue, 
Sur qui l’on sent peser dans les cieux vifs et clairs 
La nue aux flancs cuivrés où couvent les éclairs, 
C’est l'âme du poëte. Aussitôt que l'orage 

Brisant dans l'air tendu son électricité, 

Au sol désaltéré rend sa fécondité, 

Le jour brille, et cette âme a repris son Courage. 
On rougit de soi-même et de sa lächeté, 


787 
La conscience hésite, en secret condamnée. 
Le remords inquiet, trop longtemps méconnu, 
S'éveille, veut savoir pourquoi l’on est venu, 
Et si l’esprit qui doute a fait sa destinée. 
L'heure s’avance, a-t-on bien rempli sa journee 
Et fait germer le grain au souffle inspirateur 
Du maître qui revient déjà la lampe brille : 
A-t-on assidûment, généreux serviteur , 
Fait valoir le talent du père de famille ? 


Le poëte, effrayé de son désœuvrement, 
Contemple avec terreur, de sa barque échouée, 

A quel travail constant la nature est vouée, 

Et quelle obéissance, et quel empressement, 

Et quelle ardeur passive, aveugle, dévouée, 

A son but invisible entraîne incessamment 

Tout ce qui naît et meurt sous l’œil du firmament! 


Torrents qui vous plaignez d’une plainte éternelle, 
Pressés le jour, la nuit, craignant d'arriver tard, 
Vous que rien ne distrait, qui, fuyant tout retard, 
Recommencez sans trève une tâche nouvelle, 

Qui vous attend si vite, et quel cri vous appelle? 
Quel ordre vont remplir vos flots terrifiés ? 

De l'Occident par l'Est nuages défiés, 

Messagers de malheur, que le marin redoute, 

Fiers aquilons soumis , qui traça votre route? 
Atome, dans ce tout je fais nombre ; — pourquoi 
La lettre souveraine est-elle morte en moi? 
Comment, dans cette armée où je mets le désordre, 
Seul, de tous les soldats, n’ai-je pas le mot d'ordre? 


O mystère fermé ! gigantesque Babel! 


188 


Tout marche, tout s'empresse à l’œuvre universel : 
Partout les travailleurs arrivent les mains pleines; 
Le mont ouvre ses flancs ; le fleuve porte aux plaines 
La fraicheur qui féconde et le suc qui nourrit ; 

La terre fait sa gerbe et le ciel la mürit ; 

L'abeille emplit sa ruche et la fourmi son aire; 
L'oiseau bâtit un nid, le vautour creuse une aire ; 
L'étoile a son rayon, la fleur a son parfum, 

La cigale son chant; — une part à chacun 

Serait faite; — et moi seul, inutile carrière, 

Au temple inachevé ne donnant point ma pierre, 
Je laisserais sans loi vaguer mes tristes pas 

Du chaos de la vie au néant du trépas? 

Alors, pourquoi ce feu gardé sous la paupière , 

Et cette ardeur secrète, et cette soif altière, 

Et ces désirs sans fin qui ne pardonnent pas? 


Mon Dieu! j'ai bien souvent erré sous tes portiques 
Le front nu, l’œil baissé devant tes majestés, 
Mendiant un reflet des lucides clartés 

Que ton esprit répand sous ces voûtes antiques! 

Ne répondez-vous plus, oracles prophétiques ? 

Arche scellée! où dort la clé des lendemains, 

Sphinx éternel! énigme impénétrable , immense, 
Toujours chercher la fin de tout ce qui commence! 
Que de fois, comprimant mes tempes dans mes mains, 
Tous mes regards plongés au fond des noirs chemins, 
Béante perspective où l'avenir s’engouffre , 

J'ai pàli, n’osant pas les fixer sur le gouffre; 

Car la stupeur, montant de l'abime affronté , 

Répond par un vertige à l'œil épouvanté ! 


Quoi! se sentir lancé sur un rail inflexible , 


789 
Fatal, allant au but comme un trait à la cible, 
Suivant le trait perdu qui l'avait précédé, 
Et sans l'avoir prévu, sans avoir demandé 
Ce voyage inoui, course incompréhensible, 
Folle, où nul frein serré ne viendra ralentir 
Le train du grand convoi qu’on n’a pas vu partir! 
Vitesse impitoyable et sans cesse activée, 
Où done fut le départ, où sera l’arrivée? 
Dans quel centre inconnu dois-je aller m’engloutir ? 
Ah! maigre ambition qui viens t’anéantir, 
Tombez, rêves flatteurs qui parez la victime ; 
Pourquoi ces airs puissants, que la mort fait mentir, 
Et quel cœur de chanter quand on court à l’abime! 


IV: 


De quels vers secouer ces pàles voyageurs, 

Qui dorment, emportés par les destins vengeurs, 
Ou qui, le verre en main et lassés de maudire, 
Étourdissent leur peur sous un éclat de rire ? 
Comment plisser ces fronts dans les pensers rongeurs ? 
Par l’épais tourbillon qui grandit sur ta route, 
Humble voix du désert, poëte, qui t'écoute ? 

Tête baissée , aveugle, abruti, sans rien voir, 

Le troupeau suit, et va, stupide, à l'abattoir. 
L'homme fait, usurpant les erreurs d’un autre âge, 
Trompe avec un hochet les effrois du voyage, 

Et de son plaisir seul accepte son devoir. 

L'enfant veut son jouet ; les passions rivales 
Absorbant dans l'instinct l’entendement détruit, 


ol 


790 


Du temps qui se fait lourd comblent les intervalles. 
Celui-là dîne et soupe; et celui-ci conduit 

Une voiture. Un tel s'habille , el se pavane. 

Un tel fume, et. c’est tout. — Un tel autre séduit 
L'indigence qui pleure, et la fait courtisane. 
Tous, d’ennui dévorés, s’acquittent gravement 
Des occupations de leur désæuvrement. 

La vanité les lie et la mode les taxe. 

Un cheval, un duel, un pari, voilà l’axe 

Sur qui le monde roule, et le reste est de peu. 
Orgueil , ambition, haine, usure, avarice, 

Soif de l’or, volupté, paresse, amour du jeu, 
Assaillent à leur heure et font leur cicatrice. 
Chacun suit au hasard son caprice et son dieu ! 


Mais , démence! Le blé jaunit, on va le moudre; 
Qui pense au moissonneur arrivant à grands pas ? 

A voir plus loin, plus haut, qui songe à se résoudre ? 
Voyageurs, voyageurs, qui compte sans la foudre? 
L'orage monte, gronde; et ne dormons-nous pas 
Tous couronnés de fleurs sur un baril de poudre? 


Non; la corneille en vain prédit sur l'arbre creux. 
Son cri trouble la fête et sa voix importune. 
Comme l'amour, les dieux aveuglent la fortune ; 
Prophète, suis la foule et descends de tribune, 
Laisse la nuit monter dans leur ciel ténébreux! 
Nocher, ta voix se perd dans la clameur commune, 
Et qu'importe l’orage à qui se croit heureux ? 


791 


Prarenthèse, 


« Fuge üittus avarum! » 


VIRG. 


(A le vrai dire, aussi, l’époque est mal choisie. 

On a beau s’en défendre et se flatter que non, 

— Le siècle a la pudeur de cette hypocrisie, — 

Le vent moins que jamais est à la poésie. 

L’idole est de métal ; le colosse Memnon 

Aux Thébains affairés ne livre plus son nom, 

Et des rives du Nil les brises envolées 

N’annoncent plus le jour aux plages désolées. 
Honte et cynisme, Ô Dieu! le veau d’or est tout nu. 
Filles de Mnémosyne , au trésor méconnu , 
Dénouez vos cheveux et pleurez sous les saules ! 

Et toi, Platon barbare , aux maussades épaules, 
Rhéteur chagrin, farouche, envieux mal connu, 
Ta république est là, sois-y le bien venu. 

Les chastes sœurs, — dit-on, — les Muses toujours belles, 
Que tes vingt ans séduits convoitaient d’un regard, 
A tes premiers amours se montrèrent rebelles , 

Et pour les en punir tu les bannis plus tard. 

— J'en connais, sur ce point, plus d’un qui te ressemble. — 
Tu proscrivis aussi les arts, et tu fis bien : 

Où le cœur ne bat plus les membres ne sont rien, 
Et les enfants du Giel marchent toujours ensemble. 


192 


Tu croyais bonnement, législateur glacé, 

Qu'on l’éteint à son gré, l’impérissable flamme, 
Qu'il suffit d’un décret sur le cuivre tracé 

Pour arrêter l'esprit par Dieu même lancé, 

Et qu'on peut mettre un code à la place de l'âme! 
N'est-il pas criminel, cet espoir insensé ! 

Eb bien! ce que rêva ta rancune impuissante , 

Ce que n’a pu fonder ton orgueil outragé, 

Nous le réalisons, nous, race vieillissante ! 
Ombres de l'Hélicon, pléiade pâlissante, 

De vos dédains amers le sophiste est vengé! 

Son monde chimérique existe ; il est forgé 
L’anneau qui tient nos pieds rivés sur la fournaise. 
L'air où nous étouffons me semble assez épais 
Pour qu’un cerveau carré doive y grossir à l'aise, 
Les Pégases rétifs peuvent brouter en paix. 


La matière nous tient dans ses serres étroites. 
Ceux de qui l'œil morose aime les lignes droites, 
Sont venus à leur heure, et le jour leur est bon. 
De l'horizon borné le rêve s’expatrie, 

Le ciel est enfumé de suie et de charbon. 

Tout sentiment périt sous l’aveugle industrie. 
L'antique loyauté par Mercure est flétrie , 

Esaü tout entier se vend pour un coupon. 
Sainte fidélité ! nul serment ne se garde! 

On n’a de foi dans rien, on n’a la foi de rien, 
Adorer aujourd’hui. brûler demain, c’est bien. 
Le plus enchérisseur attache la cocarde, 
L’enthousiasme est mort sur le sol très-chrétien. 
L'égoïsme est au camp de la chevalerie. 


O deuil! comme ils t'ont faite. inconstante Patrie! 


793 


Reine des troubadours, France du gai savoir, 

Qui portais fièrement dans les tournois du monde 

Le sceptre de l’honneur, du droit, et du devoir, 

Te reconnaîtraient-ils dans cette bauge immonde , 

Tes nobles preux , dormant dans leur gloire profonde , 
Te reconnaîtraient-ils, s’ils te pouvaient revoir!.… 


Tu conduisais la terre, et la terre te mène. 

Le sang glacé du Nord s'épaissit dans ta veine . 

La Tamise et le Rhin déteignent sur tes eaux. 

Tes fils ingrats, jadis si brillants et si beaux, 

Volent à tes voisins leur tournure grotesque, 

Leurs laids vêtements noirs, échappés des tombeaux, 
Quelque chose de froid, d’empesé, de tudesque ; 
Nous avons vraiment l'air d’un peuple de corbeaux. 
La traitreuse Albion , révolutionnaire 

Partout, — hormis chez elle, où gouvernent les lois, — 
S'implante à petit bruit dans ton dictionnaire , 

Et le Saxon grossier usurpe le Gaulois. 

Qui l'aurait dit, pourtant, qu’un jour dans notre France 
Il serait de bon ton d’avoir l'accent anglais ? 

Et que l’âpre John Bull, ivre de concurrence , 
Pousserait son patois de Douvres à Calais ? 
N'importe, il faut rougir de sa mère nourrice , 

I! faut à l'étranger prendre un masque à tout prix ; 
Être myope, raide , et sans grâce, et mal mis: 

Que ne ferait-on pas, ridicule caprice, 

Pour ne point avoir l’air d’être de son pays? 

Et vous voulez encor que Minerve y fleurisse ? 

Non; des songes dorés nous n'avons plus la clé ; 
Avec l'esprit français Phœbus s’en est allé ; 

Il faut, dans notre enfer, que l'Olympe périsse , 

C’est justement qu'Orphée en Thrace est exilé, 


194 
Civilisation! loués soient tes apôtres ! 


Et le monde, cette hydre absurde à regarder, 

— Ce composé de gens qui pillent chez les autres 
Un bonheur que chez eux ils n’ont pas su garder, — 
Le monde, creux, banal , qui ne sait que fronder, 
De quel mépris ses Dieux insultent-ils aux nôtres ? 
Polymnie a pleuré ses arrêts inhumains. 
Devine-t-on quel rhythme au sultan pourra plaire ? 
Quelles beautés sans nom son goût blasé tolère? 
Comment se hasarder dans de pareils chemins ? 
La poésie, allez, s’y trouve en bonnes mains; 

Et que lui vaut d’entrer en semblable galère ? 


Parait-elle?.. Aussitôt les hommes sérieux 

Haussent l'épaule, et font des profils de Burgrave. 
Les enfants, — disent-ils, — s'amusent de tels jeux: 
Mais la médaille tourne auprès des gens oiseux : 

Ils ne comprennent pas, c’est un travail pour eux. 
Ainsi la nef divine à chaque port s’engrave ; 

Et de la vierge en deuil le rôle périlleux 

Est pour l’un trop futile, et pour l’autre trop grave : 
Il est donc bien plus court de la laisser aux cieux. 


On ne peut contenter tous les esprits fächeux. 


Parlez-nous de report, de prime, de balance, 

De transfert; — chantez-nous ces incroyables coups 
Où l’art du coulissier sans vergogne se lance, 

Voilà du beau! du vrai, du grand par excellence ! 

À la bonne heure, il faut hurler avec les loups. 
Pour qui se sent de taille à bien rompre une lance, 


(S'il n'a devant Baal incliné les genoux), 
Quel champ clos! Mais mieux vaut se vouer au silence, 
Et du fouet de Régnier je ne suis pas jaloux. 


Connaissez-vous un sage ignoré de la terre, 

Dont le front calme et nu trahit la vie austère, 
Dans les bois de l'Hémus, aux pieds des verts coteaux, 
Gardant, comme un trésor, son exil volontaire, 
Et penché tout le jour au courant des ruisseaux, 
Laissant aller son âme aux hasards de leurs eaux ? 
Il en est; et ceux-là, que la pensée éclaire, 

Pour l'autel délaissé gardent le pur levain. 

Les Dieux proscrits , cherchant un abri tutélaire , 
A leur foyer discret ne frappent point en vain ; 

I ne s’y fait nul bruit qui leur puisse déplaire. 
Comme un génie ailé caché parmi les fleurs, 
Comme un ami fidèle au doux toit solitaire, 

La poésie est là ; — ne cherchez point ailleurs. 


Berceau fragile! au nom du Pharaon moderne 
Sur les eaux du progrès exposé sans effroi, 
Qu'un souffle protecteur te guide et te gouverne 
Vers les roseaux sauveurs de la fille du roi! 
Bienheureuse la main, à tes destins commise, 
Qui de l'Égypte en feu te tirant sans retour, 

Te conduira vainqueur à la terre promise. 


Mais je prends un chemin qui fait plus d’un contour, 
Et ma verve égarée a poussé tout autour, 
Comme font les chardons et les folles avoines… 


Il existait en Chine un couvent, dont les moines 
N'avaient leur franc parler qu'une seule fois l’an. 


796 


Chaque bavard alors déposait son bilan, 

Et le reste du temps tenait les dents serrées. 

Mais aussi, je vous laisse à penser quel élan! 
Comme un jour rattrapait les heures arriérées, 
Comme on se servait bien des langues recouvrées! 
Et qu'il était cruel de rentrer sous la loi! 


Pour toi qui si longtemps a songé bouche close 
Ma muse, je comprends ce vif besoin de glose ; 
Mais la revanche ici n’est pas de bon aloi. 

Un pareil bavardage à déplaire t’'expose : 
Modère cette ardeur subitement éclose ; 

On dirait que tu viens de la Chine, — tais-toi!) 


Enfin ; — mais, l'avoürai-je ! — illusion brisée, 
Candeur des jours sereins, claire source épuisée, 
Force des jeunes cœurs, espérance et soutien ! 

La vérité brülante a séché ta rosée, 

Voici le poids du jour, àme désabusée, 

La foi dans l’art faiblit sous la foi du chrétien. 

Le beau meurt sous le vrai, seule beauté qui vive. 
L'esprit vaincu se rend à la raison captive. 
L’imagination, fantôme stupéfait, 

Se dépouille; le rêve est tué par le fait. 

Qu'est un jour? qu'est un souffle? Est-ce donc bien la peine 
D'avoir si peu de temps un peu de gloire humaine! 
A quoi bon la couronne où la tête n’est plus? 

Fou qui pour saisir l'ombre abandonne la proie, 


197 


Et qui, taillant ses pas dans la terrestre voie, 
De la voie éternelle est à jamais exclus! 


Ainsi, tout vient s’user sur la pierre de touche, 
Et la futilité de tout épanchement 

Frappe le vrai croyant et lui ferme la bouche. 
L'œuvre inutile et vide appelle un châtiment. 
L’horizon éclairci laisse plonger la vue, 

La lumière est, la vie apparaît autrement ; 

La poésie, hélas! chimère reconnue, 

Voilant sa tête, en pleurs retourne tristement 


Suspendre à d’autres bras sa harpe détendue. 


O frais enchantement que l'aurore rêva ! 

Brume que le grand jour en montant souleva! 

Chant qui viens expirer sur le parvis sonore! 

Mon cœur vous suit, vous pleure , et vous salue encore, 
Dernier regret permis que le soir décolore, 

Adieu fait du rivage au vaisseau qui s'en va! 


VI. 


Voilà, par quels retours, quelles incertitudes, 

Le temps s’est dévoré lui-même; c’est ainsi 

Que l'étoile a passé dans le verre noirci. 

La paresse aux longs cils, reine des habitudes, 

À fait part du lion. Il fallait vivre , aussi ; 

Tout ce qui vient sur terre a ses vicissitudes, 

Et la jeunesse éprise a toujours quelque part 

Un beau livre à nous lire! Enfin, quelques études , 


798 
Caprices du moment et filles du l'asard , 
Au souffle qui passait ont emporté leur part. 
La fière fantaisie, à tout pas transformée, 
Voltigeait, butinant toutes les fleurs de l’art. 
Sous quel prisme nouveau, sous quelle forme aimée 
Ne renaissiez-vous pas, idole accoutumée! 
Frèles touches d'ivoire où son esprit trembla , 
Tableaux profonds, conçus au feu des insomnies, 
Crayons pensifs, doux chants, flottantes harmonies , 
La poésie était au fond de tout cela! 
Je vous fuyais en vain, céleste messagère, 
En vain je distraisais mon souvenir jaloux ; 
On n'aime point ailleurs d’une amour étrangère, 
Ce que mon cœur à tout demandüit, c'était vous! 


Non, non; tout ne meurt pas, car la flamme sacrée, 
Religieusement au foyer concentrée, 

Ne sera point éteinte, et c’est Dieu qui l'a dit. 

Le roseau qui penchait altéré vers son lit, 

Ne sera pas rompu; mais des fleuves d’eau vive 
Sortiront de celui qui croit; il est écrit 

Que celui-là demeure, et qu'il croie, et qu’il vive. 

La foudre a brisé l'arbre et l’a renversé, mais 

Sa racine est vivace et ne périt jamais. 


Ah! sans doute ; auréole à toujours disparue , 
Rien ne vaut la jeunesse et son palais doré. 
Ciel comme on n’en voit plus, ciel à jamais pleuré ! 
Ineffable splendeur en fuyant apparue ! 
Beau jour par le lointain déjà transfiguré ! 
- Coupe abondante, emplie au ruisseau d'Hippocrène, 
Tu possédais la force et la foi souveraine : 
Toi seule avais le cœur de ces témérités 


799 


Qui sur les monts sacrés vont ravir la verveine, 

Et les vierges du Pinde, en voyant tes beautés, 
Baissaient leurs yeux cos et l’avouaient ne reine! 
A toi le mouvement, la vie et la chaleur! 

À toi la passion, le ee la couleur, 

Les ressorts merveilleux, sources enchanteresses, 

Et toutes les ardeurs, et toutes les ivresses 

Que font monter au front la joie et la douleur! 


Une hirondelle part, une étoile se couche, 

Une illusion passe ; et le vide se fait. 

L'homme s’isole , et voit tomber ce qui le touche : 
Mais sur le lit jonché de la mortelle couche, 

Du souvenir vivant plane encor le bienfait, 


Oui, l'éclat fut rapide , et la fête fut belle. 

Mais quelque chose en nous en est toujours resté ; 

Le flot bout sourdement dans le roc tourmenté , 

Et le caillou brisé garde encor l’étincelle. 

La nuit, le lac tranquille, où les flots sont calmés , 
Parait sombre; mais l'œil qui plonge sous leurs voiles , 
Voit reluire en silence à ses regards charmés, 

Dans un azur profond un riche écrin d'étoiles. 

La patrie est au cœur du prisonnier vaincu. 

De ce ravissement superbe , a survécu - 

Comme un feu dont on craint de laisser voir les flammes, 
Le saint recueillement que Dieu met dans les âmes! 
La colombe est dans l'Arche: et sur le diamant À 

La mine a refermé son amoncèlement ; 

Mais la secrète foi, la sainte poésie, 

Lampe immortelle, où luit la lumière choisie , 

Dans la nuit de nos cœurs veille immortellement. 


800 


Ainsi , lorsque le soir des pompes solennelles, 

Dans la splendide nef tout un peuple pressé 

Fait éclater , transport sous la voûte amassé, 
L’enthousiasme saint des fêtes éternelles, 

La basilique immense est dans l’embrasement. 

Il se fait à la fois comme un enivrement 

De fleurs , d'encens , de voix, d’ornements, de lumières; 
L'autel rayonne et fait resplendir les bannières ; 
L'orgue envoie aux piliers son retentissement ; 

Les murs tremblent, le chant monte avec les prières ; 
Les sens doutent , frappés d’un long saisissement, 

Et l’âme, repliant ses mortelles paupières, 

Est prise tout à coup d’un éblouissement ! 


Mais le Dieu tout puissant a béni l'humble foule , 
Et le dernier accord , des orgues descendu, 
Vibre lointainement dans l’abside perdu. 

La digue énorme s'ouvre et le fleuve s'écoule. 
Les derniers pas s’en vont avec le bruit des soirs. 
Les prêtres, les enfants, pliant leur aube sainte, 
Les lévites en chœur fermant les encensoirs, 
Descendent lentement la lumineuse enceinte. 
Dans l'air encore ému l'or des parfums sacrés 
Harmonieusement retombe et s’évapore. 

Bientôt l’autel désert, qu'une main décolore . 
Perd sa magnificence et pälit par degrés, 


801 


Les dorures, les fleurs, les lumières plus rares, 
Dans l'ombre envahissante ont noyé leurs clartés, 
Et l'apparition de ces solennités 

S’évanouit , perdue en fantômes bizarres. 

Un blanc reflet de lune aux sombres bas côtés. 

Des vitraux indécis argente en paix les teintes. 

Des sourds résonnements dans les sonorités 

Autour des arceaux creux passent les vagues plaintes. 
Tout est mort, tout se tait dans les noires étreintes ; 
Et la fête finie au temple a dit adieu… 


Or, après l’hosanna de ces splendeurs éteintes, 
Veillant dans le silence et la nuit du saint lieu, 
La lampe reste seule, et brûle devant Dieu ! 


21 juillet 1853. 


TABLEAU MÉTEOROLOGIQUE. 


JUILLET 1853. 


JOURS BAROMÈTRE A 00. TEMPÉRATURE. 


DU MOIS. EE SN RS. A 

7h. du m.{ 2h. dus. | 9h.dus. | Maxima. Minima. 

rm mm mm 

I 762,47 | 762,98 | 765,61 2403 416°5 

2 67,22 68,31 69,69 21,8 12,7 

3 69,58 68,06 67,28 24,6 11,4 

n 68,18 64,76 65,61 28,4 44,5 

5 66,35 64,99 64,75 28,2 14,4 

6 62,86 64,07 59,34 33,41 17,2 

# 58,07 57,30 57,71 33,4 21,3 

8 61,55 64,42 60,01 27,17 19,9 

9 62,06 64,30 66,58 26.1 20,5 

10 66,86 66,12 67,23 24,6 47,4 

41 7,06 65,19 65,30 24,3 13,0 

12 65,05 62,23 60,76 25,2 13,2 

13 57,19 56,86 57,29 24,6 17,3 

1% 55,95 | 55,62 | 55,55 | 23,0 15,4 

15 57,40 | 59,92 | 60,26 | 22,0 | 44,3 

16 58,22 60,62 64,07 26,6 43,6 

17 64,18 64,05 64,59 20,4 13.0 

18 66,14 66,39 67,44 23,8 15,3 

19 67,17 66,44 66,85 22,1 43,7 

20 65,72 63,82 63,01 241,3 13,3 

21 61,9% 60,65 60,57 23,5 12,2 

22 60,17 60,88 63,23 25,8 14,4 

93 64,30 62,98 61,81 25,5 18,3 

2% 61,36 59,38 59,50 29,5 47,7 

25 61,10 62,95 64,40 22,0 18,8 

26 63,98 62,9% 62,25 25,4 16,2 

27 51,41 57,03 58,47 33,1 18,0 

28 64,7% 64,35 62,61 26,6 19,2 

29 63,93 64,41 65,02 2k,3 16,8 

30 64,58 | 64,75 65,10 24,5 13,5 

nee 2h 

31 66,25 | 65,77 64,71 25.8 47,0 
MOYENNES | ui A 4 

du 4®rau 40! 64,49 63,92 63,38 27°02 16,55 

du 44 au 20 62,41 62,11 62,51 23,39 414,24 

du 21 au 31 62,43 62,11 62,51 | 26,00 16,55 

Moy. générale] 63,09 | 62,70 | 62,19 | 25,48 | 16,80 


Température moyenne du mois... 200,6 Pluie dans le mois. ‘39mm 


803 


AOÛT 1953. 


JOURS BAROMÈTRE A 0. TEMPÉRATURE. 
DU MOIS. ÉBDIx TL 0 7 
[7 h. du m |2h.dus. | 9h.dus. | Maxima. | Minima, 

(| 760,72 751,11 759,34 3009 45,8 

2 61,00 61 30 62,00 PATA 47,1 

3 60,25 58,31 58,49 28,6 45,5 

A . 59,70 59,82 61,42 24,9 20,2 

5 61,60 61,72 63,60 26,5 17,0 

6 64,30 | 63,88 | 64,84 26,5 17,0 

7 04,73 65,85 63,81 25,9 15,3 

8 63,83 62,55 62,60 26,5 14,1 

9 63,16 62,10 62,00 25,9 15,6 

10 62,41 61,30 61,35 27,8 15,4 

41 61,20 59,76 59,57 29,0 47,0 

12 59,64 58,80 58,19 30,4 16,8 

13 58,149 |! 58,06 58,16 28,6 20,2 

1% 59,64 | 64,24 62,20 25,4 19,3 

15 61,93 64,57 60,58 25.6 18,0 

16 58,53 56,89 58.30 23,8 17,2 

47 58,43 58,50 60,37 23,4 15,4 

18 61,83 61,35 61,90 DNS) 15,2 

19 61,56 » 59,16 29,5 13,9 

20 60,25 61,52 62,48 30,3 20,0 

21 64,18 59,31 57,24 33,4 19,6 

22 58,36 55,29 53,96 31,3 19,7 

23 56,56 57,06 57,23 21,9 20,7 

2% 57,28 58,40 59,30 23,0 17,0 

25 58,37 55,83 54,39 25,9 14,0 

26 56,77 57,52 58,30 2k,k 18,8 

27 58,70 ! 58,30 55,87 24,9 16,0 

28 57,02 58,40 57.07 21,1 16,0 

29 56,15 53,44 54,91 21,4 18,0 

30 54,58 62,02 62,03 23,1 13,0 

31 62,63 63,18 63,20 22,0 15,0 

MOYENNES 

du 4erau 140! 62,17 64,25 61,9% | 27042 16,30 

du 44 au 20] 60,12 59,74 60,09 27,18 47,30 

du 24 au 341 57,96 58,07 57,59 24,74 47,07 

Moy. générale. | 60,04 59,63 59,80 | 26,29 16,90 


Température moyenne du mois... 2106 Pluie dans le mois., 9Qmm 


S0/ 


SEPTEMBRE 1853. 


SR 


[l 
JOURS BAROMÈTRE A 0e. TEMPÉRATURE. 
D'OMOTS MIE de te Gr sr 0 D'IN Re 
Th. du m.| 2h.dus. | 9h. dus. | Maxima. Minima, 
Fe mn rl aimait Ile or le lot 
1 762,25 | 759,97 | 759,22 2309 1200 
2 59,96 60,98 63,07 24,3 12,0 
3 65,64 » 65,74 24,9 13,8 
A 65,12 63,65 64,47 21,8 11,5 
5 64,32 64,10 65,45 22,0 12,9 
6 65,33 63,81 63,93 21,0 11,8 
7 63,58 62,57 62,62 20,6 12,1 
8 64,34 59,79 59,33 20,1 9,9 
9 57,56 55,69 55,34 23,0 9,8 
10 57,00 58,34 58,84 20,3 15,4 
11 61,94 62,63 63,98 22,6 12,3 
12 62,29 89,47 58,79 24,0 12,1 
13 60,58 62,63 63,08 20,7 12,3 
14 63,28 64,22 61,98 23,1 15,0 
15 62,03 61,43 61,28 21,4 11,9 
16 58,94 87,44 57,95 49,0 12,7 
17 58,51 59,1% 61,35 16,6 14,3 
18 64,55 65,18 66,69 21,0 13,0 
19 66,96 65,29 64,23 23,6 10,6 
20 61,50 59,59 59,1% 23,4 13,0 
24 58,66 58,37 58,19 26,0 12,6 
22 60,93 61,36 62,74 22,5 16,2 
23 62,16 62,26 64,44 22,1 14,8 
24 60,29 61,42 62,30 19,2 14,1 
25 60,44 56,66 56,23 47,1 14,0 
26 64,13 63,07 64,93 18,4 12,3 
27 65,04 64,78 65,76 20,5 10,3 
28 68,29 68,75 69,6% 20,7 14,3 
29 69,39 68,28 68,19 23,0 14,4 
30 67,59 66,40 65,49 19,7 12,0 
MOYENNES 
du 4er au 40| 62,24 60,99 64,77 | 21089 12013 
du 41 au 20| 62,06 64,40 64,85 | 24,51 12,42 
du 24 au 30| 63,39 63,13 63,46 | 21,92 13,20 
Moy. générale.] 62,55 61,87 62,36 | 21,44 12,58 


Température moyenne du mois .. 170 Pluie dans le mois... 75mm 


805 


ACADEMIE IMPERIALE 


DES NCIBNCEN, BELLES-LETTRES ET ARTN DE BORDEAUX. 


PROCÈS-VERBAL. 


Séance publique du 24 novembre 1853, pour l'installation 
de M, À. VAUCHER, avocat. 


Présidence de M. Henry BROCHON. 


La grande salle des séances de l'Académie est 
occupée de bonne heure par un public nombreux 
et choisi. On y remarque les principales autorités 
de la ville et beaucoup de dames. 

Parmi les autorités sont MM. le Préfet, le Premier 
Président, le Procureur Général, le Procureur Im- 
périal, le Recteur, le Grand Rabbin, et plusieurs 
Adjoints de M. le Maire 

Mgr le Cardinal et M. le Général ont écrit qu'il 
leur était impossible de répondre à l'invitation de 
l’Académie. 

La séance s'ouvre à huit heures précises. 

Ont signé au procès-verbal : 

MM. Henry Brocnon, président; E, Ginrrac, 


52 


806 

vice-président; F AURÉ, trésorier ; Costes, Ci1ROT DE 
La Vice, secrétaires; DaBas, membre du Conseil 
d'administration; LamorHEe, Duranp, S. Gori, 
Édouard Morez, Justin Dupuy, Ch. Des Mouuns, 
J. ne GÈRES, A. VAUCHER, BLATAIROU, J. DeELrir, 
SAUGEON et DaRRIEUxX, membres de l’Académie. 

M. le Président invite M. le Préfet à prendre 
place au bureau. 

Le Récipiendaire est conduit dans la salle par 
deux collègues, selon les usages; la parole lui est 
donnée immédiatement par M. le Président. 


M. A. Vaucner s'exprime ainsi : 


MONSIEUR LE PRÉSIDENT , 


MESSIEURS, 


En m'admettant parmi ses membres, l'Académie m'a 
fait une faveur dont je serais certainement digne, si, 
pour la mériter, il suflisait d'en comprendre tout le prix. 
Mais je ne m'abuse pas : Comment le sentiment pro- 
fond de la distinction que j'ambitionnais, aurait-il pu 
me donner quelques droits à l'obtenir? et qui n'aurait 
de pareils titres à invoquer? Si cette fois une indul- 
gence extrême a bien voulu s'en contenter, c’est qu'en 
réalité, l'honneur que j'ai recu ne m'était pas personnel. 
L'Académie désirait donner à notre barreau un nouveau 
témoignage d'estime et de sympathie, et je me suis 
rencontré pour recueillir le fruit de ces favorables dis- 


807 
positions. C'est sur la foi de l’ordre auquel j'appartiens, 
que j'ai été accueilli; en voyant d'où j'étais venu, on a 
jugé inutile de me demander qui j'étais. 

Cette sécurité m'effraie, mais elle ne me surprend 
point, tant les collègues que votre éminente Compagnie 
avait naguère reçus du barreau, étaient propres à la faire 
naitre et à l'entretenir! L'un, que le culte de la poésie 
et des lettres disputait aux austères études du droit, 
est venu, paré de toutes les gràces de l'esprit et de tous 
les charmes du langage, apporter en tribut ce que le 
gout a de plus pur, ce que l’atticisme a de plus fin et 
de plus délicat. L'autre, dont je n'ose dire, à cause de 
l'étroite amitié qui nous unit, tout le bien que je sais 
el que je pense, se présentait porteur d'un nom cher au 
barreau et justement honoré dans notre cité. C'était 
pourtant là son moindre mérite , car l'élévation de son 
talent, l'éclat et la vigueur de sa parole, avaient déjà, 
comme son amour et son dévouement pour tous les beaux- 
arts, franchi depuis longtemps les limites du palais. 
Tous deux devaient trouver l'Académie heureuse de 
leur ouvrir ses portes ; et à peine entrés dans son sein, 
ils S'y conciliaient aussitôt une si haute estime, qu'ils 
étaient successivement appelés à l'insigne honneur de 
la présider. 

Que vous dirai-je du troisième, Messieurs, dont la vie 
à la fois si pleine et si éprouvée est du domaine de l’his- 
toire? Quelles grandeurs n'a-t-il pas soutenues? Quelles 
vicissitudes n'a-t-il pas subies? Et parmi ces fortunes 
si diverses, quelle constance, quelle fermeté! Au milieu 
de ces agitations, on admire qu'il ait su conquérir tant 


808 


de titres à vos suffrages, et que le barreau, la magis- 
trature, la tribune, les belles-lettres, puissent, avec un 
égal succès, le proclamer leur représentant parmi vous. 

Voilà quels membres le barreau venait de donner à 
l’Académie ! Qui pourrait dès-lors s'étonner qu'elle ait 
accepté, comme de confiance, tout ce qui venait de 
lui, et qu'elle ait cru trouver dans le passé de sura- 
bondantes garanties? 

Il vous paraitra donc bien naturel, Messieurs, que 
je demande au barreau le sujet de ce discours, et me 
hâte ainsi de lui faire hommage de l'honneur que j'ai 
recu. Cet honneur lui revient à un double titre. Par 
l'étude du droit et de la législation, le barreau touche 
aux régions les plus riches et les plus élevées de la 
science; par l'exercice de la parole, par l'éloquence 
judiciaire, il appartient essentiellement aux belles-lettres 
et aux arts libéraux, et tels sont les deux aspects sous 
lesquels j'aurais dû vous le présenter. Mais les bornes qui 
me sont prescrites, et la réserve que votre bienveillance 
elle-même m'impose, me défendent une aussi vaste 
carrière. C’est seulement de l'éloquence judiciaire que 
je me suis proposé de vous entretenir quelques instants ; 


non, à coup sur, pour en retracer les règles, car per- ! 


sonne n'y serait moins propre, mais pour rappeler 
brièvement ce qu'elle a été dans l'antiquité; dire dans 
quelles conditions elle à brillé du plus vif éclat, et signa- 
ler, en marquant à grands traits les modifications qu’elle 
a subies, le point où elle semble être arrivée de nos 
jours. J'espère qu'ainsi réduite, cette tâche excédera 
moins et mes forces et votre indulgente attention. 


809 

On s'est demandé quelquefois si l'usage même de l'élo- 
quence judiciaire n'était pas un abus; si ce n'était pas 
faire injure à son juge que de s’efforcer de l’'émou— 
voir, souvent pour l’égarer; et si, devant les magistrats, 
la plaidoirie ne devait pas se borner à la discussion tran- 
quille d’un fait ou à la démonstration sèche et techni- 
que d'un droit. C’est, dit-on, dans ces étroites limites 
que l'aréopage renfermait les défenses qui se pronon- 
caient devant lui. Le temps accordé aux avocats était 
mesuré à l'avance, et leur parole était arrêtée dès qu'en 
persuadant les esprits elle arrivait à toucher et à atten- 
drir les cœurs. Cet inflexible Tribunal avait-il raison , 
Messieurs ? J'avoue que je ne saurais le croire. 

Sans doute, les abstractions de la science et les vé— 
rilés spéculatives ne doivent être étudiées et prouvées 
qu'à l'aide du raisonnement. On trouverait plus qu'é- 
trange le géomètre qui, pour établir ses théorèmes, 
tenterait d'émouvoir et de passionner ses auditeurs. Ici, 
l'intelligence est seule intéressée, et, pour faire discer- 
ner le vrai du faux, c’est à elle seule qu'il est permis de 
s'adresser. Mais en dehors de cet ordre d'idées, il ne 
peut plus en être ainsi. Dans la vie réelle et pratique, 
dans le jeu des droits et des devoirs sociaux, les choses 
changent à la fois et de nature et de nom. Le vrai s'ap- 
pelle le bien; le faux s'appelle le mal; et le bien et le 
mal sont moins du domaine de l'intelligence que du 
domaine de la conscience et du sentiment. Heureuse- 
ment que Dieu ne s’en est pas seulement remis à la fra- 
gilité de notre raison, pour nous faire apprécier la 
moralité de nos actes; mais qu'il nous a aussi donné 


810 

un criterium bien plus efficace et bien plus sur ! Ose- 
rait-on se fier à l'homme qui n'interrogerait que son 
intelligence pour distinguer ce qui lui est défendu de ce 
qui lui est permis? et qui de nous n’a pas senti mille 
fois que c'est un élan instinctif et spontané du cœur 
qui l'éloigne du mal et de l'injuste, et l'entraine vers le 
juste et vers le bien? N'est-ce pas, Messieurs, pour avoir 
substitué leur raison à leur conscience et étouffé la voix 
de l'une sous les sophismes de l’autre, que tant d'hom- 
mes ont méconnu les vérités les plus fondamentales, 
rêvé les théories les plus monstrueuses, et froidement 
essayé, avec une effrayante bonne foi, de mettre en 
pratique leurs déplorables utopies? Ah! l'expérience ne 
l'a que trop appris : l'humanité ne peut impunément 
abandonner l'un des guides que la Providence lui a 
donnés pour la diriger dans ses voies, et elle n’a qu'une 
lumière plus trompeuse encore que les ténèbres, quand 
elle éteint l'un des flambeaux destinés à l'éclairer. 

Pourquoi donc l'avocat ne devrait-il parler qu'à la 
raison du juge? Pourquoi laisserait-il sans écho, dans 
le cœur du magistrat, cette voix qui crie si haut dans 
le sien? Et s'il est vrai que l'émotion de la conscience 
soit plus sympathique encore que la conviction de l’es- 
prit, comment priverait-on à la fois le défenseur et le 
juge du meilleur moyen de convaincre et des plus puis- 
santes raisons de décider? 

L'éloquence primitive, l'éloquence naturelle et innée, 
si je puis m'exprimer ainsi, élait toute de passion et de 
sentiment. Voyez l’infortuné Priam venant demander à 
Achille les restes de son fils : ce n’est point à des rai- 


“811 


sonnements qu'il a recours; il ne parle au vainqueur 
ni de la barbarie, ni de l'inutilité de sa vengeance. 
Mais, se jetant à ses pieds et prosternant ses cheveux 
blancs dans la poussière, il lui rappelle Pélée, son 
vieux père, que les ans accablent, que la douleur con- 
sume loin de son fils, et il lui arrache des larmes de 
tendresse et pitié. Virginius, transporté par le déses- 
poir, agitant le couteau qui fume du sang de sa fille, 
voue Appius aux Dieux infernaux, et Rome est délivrée 
de la tyrannie des décemvirs. Scipion, accusé, ne ré- 
pond aux calomnies de ses ennemis qu'en invoquant le 
souvenir de sa gloire et de ses triomphes : « Romains, 
» Sécriet-il, c'est à pareil jour que j'ai vaincu Car- 
» thage; montons au Capitole, et rendons gràces aux 
» Dieux! » 

Le temps de cette éloquence d'entrainement devait 
pourtant être court. Avec les progrès de la civilisation, 
les rapports des hommes se multiplient, les intérêts se 
compliquent, et la loi civile apparait pour les régler. 
Dès lors, les conséquences de tous les principes s’éten- 
dent indéfiniment, et en s'étendant, elles se rencon- 
trent, se croisent et se mélent. Au milieu de ces con- 
flits, la conscience du juge appelé à prononcer, hésite 
et s'étonne des incertitudes qui l’assiégent. L'heure est 
venue où il ne suflit plus d'émouvoir; il est encore né- 
cessaire de convaincre. Il faut que la raison divise ce 
qui est complexe, éclaire ce qui est obseur, prouve ce 
qui est douteux, et se livre ainsi, pour la conscience, 
à une sorte de travail préparatoire qui simplifie sa 
tâche et lui rende la liberté et la sûreté de ses intui- 


812 
tions. Démontrer la vérité, émouvoir en mème temps 
et passionner pour elle, voilà désormais la tâche com- 
plète de l'orateur et de l'avocat. 

Cet art d'émouvoir en persuadant est né avec le 
siècle de Périclès. Alcibiade, Isocrate, Hypéride, Es- 
chine, en devinèrent les secrets; mais il était réservé à 
Démosthènes d'en offrir le plus parfait et le plus inimi- 
table modèle. « Démosthènes, dit Cicéron, réunit la 
» pureté de Lysias, l'esprit et la finesse d'Hypéride, la 
» douceur et l'éclat d'Eschine. Mais quant à la vigueur 
» de la pensée et aux mouvements du discours, il est 
» au-dessus de tout. On ne peut rien imaginer de plus 
» divin. » Bien des siècles ont passé, Messieurs, depuis 
que Démosthènes défendait, contre les efforts jaloux 
d'Eschine, la couronne que lui avait décernée la recon- 
naissance des Athéniens; et les passions soulevées par 
ce fameux procès sont mortes depuis deux mille ans, 
mortes comme les cœurs qu'elles faisaient battre. Que 
nous importe aujourd'hui de savoir si Démosthènes 
avait ou non employé sa propre fortune à la réparation 
des murs d'Athènes, et si, demeuré comptable de son 
administration des spectacles, il pouvait où non être 
couronné avant d'avoir rendu ses comptes? Quel intérêt 
ces questions ont-elles pour nous? En quoi peuvent- 
elles nous toucher? Et cependant, ce discours de 
la couronne nous transporte toujours d'étonnement et 
d'admiration. Nous ne pouvons lire cette œuvre immor- 
telle sans partager encore toutes les émotions de l’ora- 


teur. Il nous maîtrise, il nous subjugue, et nous nous. 


indignons de lui voir disputer cette couronne qui lui 


S13 


revient si bien, comme le prix de l'éloquence et du 
génie. 

Si, dans les républiques anciennes, l’éloquence du 
barreau s'est ainsi élevée à des hauteurs qu'elle n'a pu 
atteindre depuis, il n’est pas difficile, Messieurs, d'en 
pénétrer les raisons. Chez les Grecs, chez les Romains, 
le pouvoir judiciaire avait une importänce que nos cons- 
litutions modernes ne lui ont pas laissée. A Rome sur- 
tout, il fut, pendant près de cinq siècles, le levier le 
plus puissant de là politique intérieure. Depuis que la 
juridiction criminelle fut enlevée aux consuls, et attri- 
buée au peuple par Valérius Publicola , tous les efforts 
des deux partis qui se disputaient le gouvernement ten- 
dirent à la conserver ou à la reconquérir. Pour bien 
comprendre l'intérêt de cette lutte si longue et si achar- 
née, il ne faut pas oublier qu'à Rome les magistratures 
étaient annuelles, indépendantes les unes des autres, 
et que, dans l'accusation publique , se trouvait la seule 
sanction à la responsabilité des magistrats; en sorte 
que le pouvoir judiciaire devenait une arme formida- 
ble entre les mains de ceux qui s’en étaient emparé. 

On conçoit dès lors que le talent de la parole et l'élo- 
quence du barreau dussent être, chez les Romains, 
l'objet d'un culte idoltre, puisqu'ils donnaient le seul 
moyen d'action sur le plus grand, sur le plus redouté 
de tous les pouvoirs. Dès ses premières années, l’en- 
fant était façonné à l'éloquence, comme autrefois il 
était endurci au métier des armes, et dans l’art de bien 
dire se concentrait l’ardeur de toutes les ambitions. Le 
barreau était en si grand honneur, qu'on regardait la 


814 

plaidoirie comme une sorte d'initiation indispensable à 
la vie civile et politique, et que les luttes de la parole 
excitaient un intérêt palpitant dans toutes les classes de 
la cité. Aux jours de Crassus et d'Antoine, d'Horten— 
sius et de Cicéron, les combats du forum étaient des 
fêtes solennelles auxquelles affluait l'Italie entière, que 
le talent des orateurs et les causes qu'ils soutenaient 
passionnaient également. Quels procès, Messieurs, que 
ceux de Verrès, de Murena, de Sextius et de Milon! 
Ils agitaient profondément toute la république romaine , 
qui sentait sa politique et son avenir attachés à leur 
sort. Le barreau devenait alors une tribune, du haut 
de laquelle se disputait l'empire du monde, et jamais 
orateurs plus éminents n’eurent à traiter de plus graves 
et de plus vitales questions. Habitué à ces magnifiques 
joutes de la parole, familiarisé avec toutes les ressour- 
ces de l'éloquence, charmé par l'harmonie de cette 
mélopée latine dont nous n'avons plus le sentiment, le 
peuple romain laissait librement éclater son enthou- 
siasme ; et telle était son aptitude instinctive à discerner 
toutes les finesses de l'art, qu'on le voyait parfois, c'est 
Cicéron qui nous l'apprend, couvrir de ses acclama- 
tions la chute d'une période heureusement cadencée! 

Les affaires civiles ou d'intérêt privé avaient moins 
d'éclat que les causes publiques ; cependant, les orateurs, 
mème les plus éminents, ne les dédaignaient pas, et 
on obtenait l'appui de leur talent jusque dans les procès 
les plus vulgaires. Hortensius et Cicéron défendaient 
des voleurs; Pollion, le protecteur de Virgile et l'ami 
d'Auguste, discutait des questions de gouttière et de 


815 


mur mitoyen. Mais quand ces illustres avocats descen- 
daient ainsi dans les plus humbles régions de lélo- 
quence judiciaire, ils savaient encore y faire admirer la 
convenance de leur langage et leur simplicité de bon 
gout. 

Malheureusement, ces beaux temps de l’éloquence 
romaine durèrent peu et finirentavec le règne d'Auguste. 
En vain, Pollion, Messala, Domitius Afer, Africanus, en 
conservèrent-ils quelque temps encore les grandes tra- 
ditions; en vain, Quintilien opposait-il au mauvais 
goût envahissant son siècle une barrière qui semblait 
infranchissable ! Toutes ces digues furent impuissantes 
contre le torrent. Pendant que Pline le jeune et Ta- 
cite, le grand historien, faisaient encore, par inter- 
valles, entendre au barreau dégénéré un langage pres- 
que digne des meilleurs jours, la déclamation, l'em— 
phase et la subtilité se professaient dans les écoles des 
rhéteurs. On vit bientôt les avocats mettre leur gloire 
à parler des journées entières sur les plus futiles sujets, 
se livrer à des digressions incroyables, et plaider, à 
propos des contestations les plus infimes, du même ton 
dont ils auraient harangué le peuple romain; témoin, 
Messieurs, cette charmante épigramme que leur adres- 
sait Martial : 

« Avocat, il ne s’agit ici ni de violences, ni de meur- 
» tre, ni de poison. On m'a dérobé trois chèvres ; j'ac- 
» cuse mon voisin de ce vol, et le juge me demande de 
» justifier ma plainte. Pourquoi faire tant de bruit de 
» la bataille de Cannes, de la guerre de Mithridate et 
» des parjures de Carthage? Que m'importent et Marius, 


816 
» et Sylla, et Mucius? De grâce, avocat, dis enfin un 
» mot de mes trois chèvres. » 

Ainsi, Messieurs, s'éteignit la voix de la grande et 
noble éloquence, étouffée par les déclamations des rhé- 
teurs et les arguties des sophistes. Pline le jeune et 
Apulée sont les derniers représentants d'un barreau qui 
devait sans doute acquérir bientôt une gloire nouvelle 
par la science de ses jurisconsultes. Mais l’art de la 
parole était perdu, et Rome ne sut plus en retrouver le 
secret. 

Pour assister à la renaissance de l'éloquence judi- 
ciaire, il faut franchir quinze siècles, intervalle im- 
mense rempli presque tout entier par l'agonie de l'an 
cienne civilisation et le long enfantement de la nouvelle. 
L'éloquence chrétienne put seule, de sa voix inspirée, 
dominer un moment le fracas du vieux monde qui s'é- 
croulait ; mais l'éclat passager que la Religion rendit aux 
lettres, ne fait paraître que plus épaisse encore la nuit 
qui lui succéda. 

Charlemagne, de sa main puissante, sembla refouler 
quelques instants le flot de la barbarie. Ses Capitulaires 
contiennent d'admirables règlements; mais il rétablit 
le combat judiciaire, et en étendit l'usage des affaires 
criminelles aux affaires civiles. Jamais mœurs ne furent 
plus incompatibles avec l'éloquence du barreau. 

C'est dans le treizième siècle qu'une sorte d'aspiration 
générale vers l'organisation et le progrès commence à 
se faire sentir. Les croisades initiaient l'Occident à la 
civilisation grecque et arabe, en lui apportant le germe 
des sciences et des arts. Pendant que Philippe-Auguste 


817 

jetait les fondements de cette Université qui devait 
bientôt prendre de si rapides accroissements, un Alle- 
mand découvrait en Italie les Pandectes de Justinien, 
et les livrait aux études des jurisconsultes. Saint Louis 
abolissait le combat judiciaire, régularisait l'adminis- 
tration de la justice, et S'efforçait d'affermir l'autorité 
des lois. 

Jusqu'alors, le Parlement avait suivi le roi et n'avait 
pas de siège déterminé : Philippe-le-Bel le rendit sé- 
dentaire et l’établit à Paris; le barreau s'y fixa natu- 
rellement auprès de lui. 

Parmi les avocats de ce temps étaient Guy-Foucaud, 
qui devint archevêque, puis cardinal, et enfin pape, 
sous le nom de Clément IV; Yves de Chartres, que 
l'Église a canonisé ; et Jean de Meheye, qui fut chargé, 
comme avocat du roi, de soutenir l'accusation portée 
contre le malheureux Enguerrand de Marigny. Son ré- 
quisitoire, écrit dans un style barbare, commence, 
suivant l'usage alors observé, par un passage tiré de 
l'Écriture-Sainte, et il s'efforce constamment de ra- 
mener à ce texte les diverses parties de son discours et 
de son accusation. 

À cette époque paraît remonter la création du mi- 
nistère public. Jean Pastoureau remplit le premier ces 
fonctions sous Philippe-le-Bel, et Pierre de Cugnères 
lui succéda. 

L'institution de cette magistrature inconnue des an- 
ciens est un événement remarquable dans l'histoire de 
l'éloquence judiciaire, car elle à fait naitre un genre 
d'éloquence nouveau, dont la gravité et l'élévation sont 


818 

les principaux caractères. Étranger aux ardeurs et aux 
anxiétés des luttes judiciaires, dont il peut avec calme 
et maturité apprécier les résultats, le ministère publie 
ne comporte ni ces élans, ni ces inspirations que le 
barreau trouve quelquefois dans les agitations du com- 
bat et les nécessités de la défense. La voix passionnée 
des intérèts personnels s'éteint sans écho dans la sphère 
plus sereine et plus élevée qu'il habite. Sa mission est 
de rechercher la vérité, de la dégager des exagérations 
et des colères qui parfois la rendraient méconnais- 
sable, et de loffrir ainsi épurée de tout alliage à la 
sanction du magistrat. Libre dans son action, inac- 
cessible à tous les préjugés, ferme et constant dans sa 
voie, le ministère public n’a jamais qu'une cause à dé- 
fendre, celle de la justice; qu'un triomphe à obtenir, 
celui de la vérité. 

Ce n’est que lorsqu'il flétrit la mauvaise foi, démas- 
que la fraude ou poursuit le crime, qu'il lui est permis 
de s'indigner et de s'émouvoir. Mais alors, quel éelat et 
quelle autorité sa parole emprunte à la grandeur des 
devoirs qu'il accomplit! quelles sympathies il éveille 
dans le cœur de ceux qui l'écoutent ! Vengeur de la 
morale outragée et de l'ordre public compromis, appui 
des faibles et des opprimés confiés à sa tutelle, c'est 
pour lui que l'éloquence judiciaire semble avoir réservé 
ses plus magnifiques accents. 

Mais j'anticipe, Messieurs, car de longtemps encore 
la véritable éloquence ne devait se faire entendre au 
palais. Pendant plus de quatre siècles, la plaidoirie ne 
fut qu'un amas indigeste de citations sacrées et profa- 


819 


nes dont la profusion et l'incohérence nous étonnent 
également. Les poëtes, les orateurs et les philosophes 
de l'antiquité y sont constamment invoqués à côté des 
saintes Écritures et des Pères de l'Église. La mode, 
constante celte fois, était au pédantisme le plus insup- 
portable et le plus outré. Pour plaider, il fallait tout 
savoir, ou, pour mieux dire, en plaidant, il fallait mon- 
trer qu'on savait tout, et l'éloquence fuyait épouvantée 
devant cet immense et ridicule débordement d'érudi- 
tion. 

Ce n’est pas que le Palais n'ait alors compté des hom- 
mes éminents à plus d’un titre. Certes, Juvenel des 
Ursins, Pierre Séguier, Cristophe de Thou, Dumou- 
lin, Omer et Denys Talon, et bien d’autres encore que 
je pourrais citer, ont laissé des noms vénérés par la 
science ou honorés dans l'histoire, mais non dans l'his- 
toire de l'éloquence, qui doit seule m'occuper. 

Tel était l'état du barreau à l’'avénement du règne de 
Louis XIV. Patru et Lemaitre y occupaient alors le 
premier rang, el ils étaient dignes à quelques égards 
de la réputation dont ils ont joui parmi leurs contem- 
porains. Très-supérieurs aux autres avocats de cette 
époque, ils connaissaient bien la théorie du combat 
judiciaire, et savaient présenter leurs moyens de dé- 
fense avec ordre et netteté. Leur raisonnement ne 
manque ni de force, ni même parfois de véhémence 
et de chaleur. Lemaitre surtout s'est, dans quelques 
occasions, élevé jusqu'à l'éloquence. Mais ni lun ni 
l'autre ne surent échapper au vice dont le barreau était 
depuis si longtemps infecté, et ils conservèrent, quoi- 


820 
que avec un peu plus de discernement, la déplorable 
manie des eitations à tout propos. 

Il est vraiment diflicile de s'expliquer la ténacité de 
ce mauvais gout. On ne comprend pas qu'il parvint à 
se maintenir au barreau , alors que Bourdaloue en avait 
déjà chassé de la chaire jusqu'aux derniers vestiges; et 
l'on s'étonne que Patru et Lemaitre, unis, l'un avec 
Boileau, l’autre avec Pascal, de la plus étroite amitié, 
aient forcé Racine à cette piquante comédie des Plai- 
deurs, qui contribua du reste si puissamment à la ré- 
génération de l'éloquence judiciaire. 

Enfin d'Aguesseau vint, Messieurs, et, le premier, fit 
entendre dans le temple de la justice un langage digne 
d'elle et de la majesté des lois. Avocat général au Par- 
lement de Paris dès l'âge de vingt-deux ans, il y appor- 
tait une raison déjà mürie par la méditation et le tra 
vail, et un goût formé par l'étude assidue des orateurs 
de l'antiquité. En l'entendant porter la parole pour la 
première fois, Denys Talon s'écria : « Je voudrais finir 
comme ce jeune homme commence. » 

Son éloquence, grave et austère comme les fonc- 
tions qu'il remplissait, est pourtant à la fois abondante 
et fleurie. Avec quelle autorité, avec quelle élévation, 
il rappelle les devoirs de la magistrature et du barreau, 
dans ces belles mercuriales dont l'unique défaut est 
peut-être une trop grande perfection! Ses réquisitoires 
allient constamment à la profondeur de la science une 
diction pure, élégante et toujours en harmonie avee le 
sujet qu'ils traitent. Quelques-uns excitent encore le 
plus vif et le plus puissant intérêt. 


"821 

D'Aguesseau vit naître, avec lerègne de Louis XV, une 
génération d'avocats qui font la gloire du barreau français. 
CochinetGerbier s'élèvent au milieu d'elleet la dominent. 

Jamais la raison et le droit n'ont trouvé un inter- 
prète plus digne que Cochin. Le style de ses plaidoi- 
ries est plein de franchise et de vigueur. Dialecticien 
consommé , il sait constamment ramener sa cause à un 
principe fondamental, à un argument insigne, autour 
duquel tous les moyens et toutes les preuves viennent 
se grouper. Toujours sûr dans sa marche, toujours so- 
bre dans ses développements, il a le rare mérite de ne 
rien dire de trop et de ne jamais lasser l'attention. Puis, 
quand il a établi, d'une manière inébranlable, les diver- 
ses propositions de sa défense, il excelle à les rappro- 
cher dans un énergique résumé, et présente, comme 
renfermés dans un seul raisonnement, tous les raison- 
nements du procès. 

Il ne nous reste rien de l'illustre Gerbier, Messieurs, 
rien qu'une grande et magnifique tradition. Gerbier n'a 
rien écrit, et cependant il est pour nous le représen— 
tant par excellence de l'éloquence judiciaire. Nous ne 
pouvons pas apprécier par nous-mêmes cet admirable 
talent; voici ce que nous en apprend l'enthousiasme de 
ses COnleMpPOrains : 

« Le génie de Gerbier, dit Laharpe, était tout en- 
» tier dans son àme; mais cette àme ne l'inspirait que 
» dans le combat de la plaidoirie. Il fallait que ses sens 
» fussent émus, pour qu'il trouvàt lui-même de quoi 
» émouvoir les autres. Il avait besoin d'action et de 
» spectacle, de l'appareil des tribunaux; de la présence 

53 


» 


» 


» 


» 


» 


» 


» 


» 


» 


» 


» 


S 


) 


822 

de ses adversaires, de ses clients, de l'aspect et de la 
voix du public assemblé. C'est alors qu'il étonnait 
par ses ressources, qu'il avait tour à tour de la cha- 
leur et de la dignité, de l'imagination et du pathéti- 
que, du raisonnement et du mouvement; qu'avec 
quelques lignes tracées sur un papier, pour lui rap- 
peler au besoin les points principaux, il se fiait à 
l'éloquence du moment, qui ne le trompait jamais, et 
que pendant des heures entières il attachait et en- 
trainait les juges et l'assemblée. » 

« Comment offrir, à Gerbier! s'écrie Delacroix- 
Frainville, un hommage digne de toi! Il faudrait 
ravir une étincelle de ton génie pour en exprimer la 
puissance, pour te peindre à ce barreau où tu n’ap- 
portais d'autre préparation que les ravissantes inspi- 
rations de ton àme, pour retracer les mouvements 
de cette àme sublime, tantôt excitant les plus tou- 
chantes émotions, tantôt entraînant et subjuguant 
par ses élans impétueux. Toujours maitre de toi et 
de tes auditeurs, tu suivais dans leurs yeux les im- 
pressions que tu produisais, pressant ou resserrant 
à ton grétes magnifiques développements, jusqu’à ce 
que le triomphe de la conviction füt obtenuu. Com- 
ment décrire le pouvoir magique qui résidait sur tes 
lèvres et dans toute ta personne! l’enchantement de 
celte voix harmonieuse et l'heureux accord de cette 
action noble et pure! Car, tout en toi était éloquent : 
ton front, siège de la sérénité; tes regards, animés 
du feu de ton génie; tes gestes, tes mouvements et 
jusqu'à ton immobilité! » 


523 

Tels sont les cris d'admiration que Gerbier arrachait 
aux hommes les plus distingués de son siècle. C'est à 
Démosthènes, c’est à Cicéron qu'ils n'hésitent point à 
le comparer. Mais Démosthènes et Cicéron vivent en- 
core pour nous, tandis que Gerbier est malheureuse 
ment mort tout entier. 

Target lutta souvent contre Gerbier, et toujours avee 
honneur, car un tel adversaire pouvait seul le faire 
descendre au second rang. Il écrivait ses plaidoires, 
et nous pouvons encore comprendre en les lisant quelle 
profonde impression elles devaient produire. Son plus 
bel ouvrage est, sans contredit, la défense du cardinal 
de Rohan dans la fameuse affaire du collier. 

Le temps me manque, Messieurs, pour vous parler 

de l'avocat-général Séguier, qui faisait dire à Duclos : 
« Voilà un nom qui pourrait se passer de mérite, et un 
» mérite qui pourrait se passer de nom. » De Servan, 
dont le réquisitoire dans l'affaire d'une femme protes- 
tante qui défendait la validité de son mariage, excita 
l'admiration universelle, et reste un chef-d'œuvre d'é- 
loquence judiciaire. Mais je ne puis refuser quelques 
mols à ces fameux Mémoires de Beaumarchais, qui 
sont uniques dans leur genre et firent une si prodigieuse 
sensation. Mélange inconcevable de scandale et de 
gaité, de satyres sanglantes et de personnalités bouf- 
fonnes, de dialectique et de quolibets, ils étincellent 
d'esprit et de verve, et semblent plutôt appartenir à la 
comédie ou au drame qu'à l'histoire de l'éloquence judi- 
ciaire, dont ils sont portant une des plus extraordinai- 
res el des plus curieuses pages. 


824 

La France en riait encore, quand le rire expirait sur 
ses lèvres aux pieux accents de Lally-Tollendal venant 
réhabiliter la mémoire de son père. Cette täche sainte 
aurait suffi pour exciter la sympathie de tous les cœurs 
généreux; mais le bonheur à voulu que la piété filiale 
se soit élevée Jusqu'au génie, et que l'éloquence lui 
ait fourni ses armes les plus irrésistibles. 

C'était le chant du cygne, car les orages révolution- 
naires commençaient à gronder, et la voix de l'élo- 
quence judiciaire allait se perdre dans le bruit de la 
tempête. À peine put-elle consacrer ses derniers efforts 
à la défense d’une infortune royale, et prouver que dans 
le cœur de l'avocat vraiment digne de sa haute mis 
sion, le talent de bien dire est inséparable du courage 
de bien faire. 

Je touche au terme, Messieurs, car je ne me suis 
proposé ni de vous montrer le barreau de Bordeaux, 
privé par ces terribles événements de ses enfants les 
plus chers, ni de rappeler le souvenir de cette Gironde 
dont la gloire et les malheurs auraient sufli à expier 
bien des fautes. 

Je ne vous dirai rien non plus de la splendeur dont 
a brillé notre barreau quand se sont levés des jours meil- 
leurs. Si les noms des Lainé, des Ravez, des Ferrère, 
des Martignac, sont des gloires pour notre pays, ils 
sont encore pour nous l’objet d'un culte domestique, 
et leur mémoire, comme celle des Saget et des Bro- 
chon, vivra toujours dans le cœur de leurs confrères. 
Mais je ne me sentirais, pour les louer dignement, ni 
assez de force, ni assez dimpartialité. D'ailleurs, il 


825 


n'appartient au barreau de Bordeaux de faire leur éloge 
qu'en s’efforçant de marcher sur leurs traces. 

Toutefois, on ne peut se le dissimuler, les conditions 
de l'éloquence judiciaire sont devenues de nos jours 
plus dificiles et plus rares. L’immense bienfait de la 
codification a tracé aux magistrats des règles sûres et 
précises ; les progrès incessants de la jurisprudence ont 
vulgarisé le droit, et la plupart des grandes questions 
où le talent de nos devanciers brillait avec tant d'éclat, 
ne seraient pas même aujourd'hui portées devant les tri- 
bunaux. 

L'attention publique s'est détournée du Palais. Long- 
temps absorbée par les grandes luttes parlementaires, 
elle est devenue indifférente à la discussion des intérêts 
privés, où en général rien n’attire et ne captive. Main 
tenant, un procès n'occupe que ceux qui ont le mal- 
heur de s'y trouver engagés. 

Notre siècle a d'ailleurs un caractère particulier; 
exact et positif, il ne sait, en toutes choses, considérer 
que la fin; sa seule préoccupation est d'aboutir. On ne 
voyage que pour arriver, on ne plaide que pour prou- 
ver. C'est dans une formule que la vérité concentre 
pour nous son dernier mot, et ce cadre si resserré ne 
laisse que bien peu de place à l'éloquence judiciaire. 
Aussi, l'improvisation règne-1-elle en sonveraine au 
barreau, où elle passe sans laisser de traces, satisfaite 
qu'elle est de son œuvre du moment. La perspicacité, 
la sureté du coup-d’œil, la connaissance des affaires, 
deviennent les éminentes, je pourrais dire les seules 
qualités de l'avocat. Il est bien, disait Cicéron, que 


826 

l'orateur soit jurisconsulte, s'il est possible. Nous di- 
sons, au contraire : Que l'avocat soit d'abord homme 
d'affaires , il sera ensuite éloquent, si faire se peut. 

Ces tendances n'empêchent pas lé barreau français 
de compter encore dans ses rangs d'illustres orateurs ; 
mais elles menacent l'avenir. L’exagération et l'enflure 
ont tué l'éloquence romaine; on se demande quelque- 
fois si la nôtre ne serait pas destinée à périr de séche- 
resse et de maigreur. 


M. le Président répond en ces termes au: dis- 
cours du Récipiendaire : 


Monsieur, 


La modestie est un vêtement qui sied bien au mé- 
rite ; elle le voile, sans parvenir à le cacher, comme ces 
draperies dont les plis gracieux ajoutent un attrait de 
plus à la pure beauté de la statue antique. Demandez- 
vous donc quels sont vos titres personnels au suffrage 
de l'Académie, mais laissez-moi vous dire que vous êtes 
seul à les ignorer, et qu'ils sont bien connus de cet au- 
ditoire d'élite dont les applaudissements viennent de ra- 
tifier notre choix. Dans votre honorable défiance de 
vous-même, vous avez imité, sans le vouloir, sans le 
savoir, un de nos devanciers , qui disait, comme vous, 
le jour où l'Académie de Bordeaux avait l'honneur de 
le recevoir : «S'il suffisait, pour obtenir cette faveur, 
» d’en connaître parfaitement le prix, je pourras 
» me flatter d'en être digne. » Et il ajoutait : — « Je 


mis 


827 

» me comparerais à ce Troyen qui mérita la protection 
» d'une déesse, seulement parce qu'il la trouva belle.» 
Cet académicien, sans litres personnels, c'était Mon- 
tesquieu, abusant ainsi de la modestie, et imposant à 
celle de ses collègues de 1716 de trop redoutables com- 
paraisons. Avec de tels souvenirs, ne vous étonnez pas 
si l'Académie se tient en garde contre l'humilité de ses 
récipiendaires, si elle les juge d'après elle et non pas 
d'après eux. C'est, vous le voyez, pour nous une vieille 
et glorieuse tradition. 

Et si l'Académie avait eu besoin d'un autre jugement 
que le sien, elle n'aurait eu qu'à interroger et le bar- 
reau qui, vous proclamant un de ses chefs, remettait 
entre vos mains le dépôt de son austère discipline; et 
la magistrature, dont votre voix aimée prépare chaque 
jour les arrêts; et l'opinion publique, dont la confiance 
a couronné en vous le talent mis au service d’un noble 
caractère. 

Tout autre que moi insisterait sur ces témoignages 
unanimes de la considération publique. Pourquoi done 
faut-il que celui qui a l'honneur de vous répondre au 
nom de tous soit le seul qui ne puisse dire tout le bien 
qu'il pense de vous? Ah! c'est que l'amitié, si elle a 
son orgueil, à aussi sa pudeur! Et la fraternelle affec- 
tion qui nous unit depuis l'enfance arrête sur mes lèvres 
les éloges qu'elle trouve gravés au fond du cœur. 

Qu'il me soit du moins permis d'oublier le langage 
officiel de la présidence, et, cédant à un sentiment plus 
intime, d'en trahir la secrète et douce émotion! Qu'il 
me soit pardonné de vous redire publiquement que , 


depuis le jour où j'eus l'honneur de vous devancer ici, 
j'ai aspiré de tous mes vœux au moment où tous deux, 
dans notre existence parallèle, condisciples au collége, 
camarades à l'école, confrères au barreau, nous nous 
retrouverions collègues à l'Académie, unis ainsi par une 
confraternité de plus; et sans cesse me revenaient, 
encore plus au cœur qu'à la mémoire, ces exquises 
paroles de notre Montaigne : — « Nous étions à moitié 
» de tout; il me semble que je lui dérobe sa part : J'étais 
» déjà si faict et accoustumé à estre deuxiesme partout, 
» qu'il me semble n'estre plus qu'à demi. » 

C'était là mon ambition. Que j'étais loin d'espérer 
que, par une faveur prématurée, la bienveillance de 
l'Académie m’appellerait sitôt à l'honneur de la prési- 
der, et qu'il me serait donné d’être aujourd'hui l'organe 
de ses sentiments pour vous, l'interprète de ses sym— 
pathies et de son estime. Que nos honorables collègues 
recoivent ici l'expression de ma reconnaissance, et 
puissé-je leur rendre en dévouement ce qu'ils me pro- 
curent de bonheur aujourd'hui ! 

Ils me reprocheraient un impardonnable silence, si 
je ne déclarais en leur nom qu'en vous admettant parmi 
eux, l'Académie n'a pas eu seulement la satisfaction 
de resserrer ses liens avec le barreau bordelais, mais 
qu'à ses yeux, vous n'avez fait que prendre votre place, 
marquée à l'avance, dans une Compagnie qui shonore 
de résumer, en la personne de leurs notabilités, toutes 
les carrières scientifiques et libérales. Quand vous êtes 
venu, l'Académie vous a répondu : « Je vous atten- 
» dais. » 


. 829 

Dès le jour de votre réception, elle en aura recueilli 
le fruit; car c’est un remarquable tableau que vous ve- 
nez de tracer; et vous nous avez parlé de l'éloquence 
judiciaire à la fois en historien et en orateur : vaste 
sujet que vous avez su condenser en traits aussi solides 
que brillants. 

L'histoire de l'éloquence judiciaire marche de front 
avec l'histoire de la civilisation : mêmes phases pour 
l'une et pour l'autre, même grandeur et mème affais- 
sement, même progrès et même décadence. Comme à 
l'antique forum, n'est-ce pas au palais moderne que 
s'agitent les idées, se révèlent les mœurs, se manifes- 
tent les besoins, se discutent les lois et les institutions 
de chaque époque? La voix de ses orateurs est un écho. 
Et s'il est vrai que la littérature soit l'expression fidèle 
d'un siècle et d’une société, on peut en dire tout autant 
des luttes judiciaires, aussi variées que les intérêts, 
aussi tumultueuses que les passions du temps, miroir 
des humaines faiblesses, contre-coup des événements 
extérieurs, reflet des dissensions publiques. 

Ne soyons donc pas surpris de trouver l'éloquence 
judiciaire magnifique et grandiose à Athènes et à Rome, 
avec Démosthènes et Cicéron, aux temps d'Alexandre 
et de César; bientôt après, déclamatoire et sophistique, 
à l'époque de la décomposition du colosse romain ; 
muelte et absente, dans ces siècles de transition où 
l'humanité et la civilisatisn semblent attendre que l'a- 
venir ait recueilli les germes féconds semés par le 
christianisme pour la gloire et le bonheur de l'univers. 
Plus tard, elle reparaltra rajeunie et renouvelée, mais 


830 


toujours asservie à l'esprit du temps et à l'influence des 
époques ; majestueuse, calme et ornée, avec Lemaitre 
et Patru, sous le règne de Louis XIV; vive, mordante 
et acérée comme un pamphlet, avec Beaumarchais, 
dans ce XVIIE siècle que domine Voltaire. 

Mais ce n’est pas seulement l'influence des époques 
et la marche de la civilisation qui modifieront l'élo- 
quence judiciaire, c'est aussi, et dans tous les temps, 
la diversité et la nature des causes. 

Lorsqu'on étudie l'éloquence chez les anciens, on est 
peut-être trop enclin à n'entendre que Démosthènes et 
que Cicéron, et à n'entendre ces orateurs divins que 
dans quelques-unes de ces oraisons immortelles aux 
grands jours desquelles un peuple entier, juge dans sa 
propre cause, était appelé, sur la place publique, à 
régler le sort des nations. « Quand l'orateur, dit Tacite, 
» debout devant le tribunal de pierre, apercevait tout 
» un peuple d'auditeurs; lorsqu'une multitude de clients, 
» les tribus, les députations des municipes et une par- 
» tie de Fltalie, venaient soutenir les accusés en péril, 
» eùt-il eu le cœur le plus froid, l'enthousiasme de cet 
» auditoire passionné aurait suffi pour enflammer son 
» génie. » — Mais cette éloquence, c'était l'éloquence 
politique réunie à l'éloquence judiciaire; cet orateur, 
ce n'était pas seulement un avocat, c'était aussi un 
homme d'État, un tribun : le barreau, vous l'avez re- 
marqué vous-même, se confondait avec la tribune. 

Ce ne sera donc pas avec le barreau du XVI siècle 
qu'il sera juste de comparer les orateurs d'Athènes et 
de Rome, dans ces grandes audiences de l'éloquence 


831 
antique. Comparons-les plutôt à ceux qu'ont enfantés 
nos luttes politiques, de 41789 jusqu'à nos jours; et 
au souvenir de leur gloire, notre admiration pour l'an- 
tiquité trouvera encore des couronnes à décerner comme 
« prix de l’éloquence et du génie. » 

Quittant à regret l'agora d'Athènes et le forum ro- 
main, vous avez traversé d'un pas rapide et sûr la 
longue époque de formation pendant laquelle, de Char- 
lemagne à Louis XIV, au milieu des luttes de la royauté, 
bouillonnent, comme l’airain dans la fournaise, tous 
les éléments de la civilisation moderne. Historien fi- 
dèle du barreau, vous nous l'avez montré retrouvant 
ses titres dans les ordonnances de saint Louis, et sa 
fonction, sous Philippe-le-Bel, comme auxiliaire de 
son Parlement. Mais, dans ce barreau renaissant , vous 
n'avez plus rencontré que de doctes avocats; d'ora- 
teurs, point; et, critique un peu gâàté par la contem- 
plation du génie antique, vous avez dépeint l'éloquence 
«fuyant épouvantée devant un immense et ridicule 
» débordement d'érudition. » 

Ce n'était cependant, du XII au XVIF siècle, ni 
l'importance des causes ni la grandeur des sujets qui 
ont manqué aux orateurs; car l’éloquence judiciaire 
s'y trouva mêlée aux plus grands événements de l'his- 
toire : sans reparler des noms trop oubliés que vous 
avez justement rappelés, c'est Guillaume de Nogaret, 
défendant la royauté contre les excommunications de 
Boniface VIIT; c'est Jean de Rivière, représentant la 
France et réclamant les libertés de son église au con- 
cile de Constance; c'est Cujas, restaurant la science 


832 
des Paul et des Papinien, et popularisant, à force de 
gloire, l'austérité du jurisconsulte! 

Si rien ne reste, pour l'art oratoire, de ces fortes in- 
dividulités; si ce premier àge du barreau français n’a 
laissé, dans l'histoire de l'éloquence, d’autres souvenirs 
que celui de son inexpérience et de ses défauts, c'est 
que, trop amoureux de l'antiquité qui venait de sortir 
de son tombeau dans sa jeunesse éternelle et son inal- 
térable beauté, il à porté son culte pour elle jusqu'au 
fanatisme, et s'est absorbé dans une trop servile adora- 
tion. C'est qu'aussi il a manqué aux orateurs de cette 
époque l'instrument de toute littérature durable, de 
toute éloquence souveraine : un idiôme bien arrêté, une 
langue arrivée à sa perfection ; la langue, cette forme 
conservatrice de l'idée, et lui donnant son cours et 
sa durée, ce coin impérissable qui imprime à la plus 
précieuse matière une valeur plus précieuse encore, 
cette taille du diamant à laquelle il doit son plus vif 
éclat. 

Aussi, voyez combien le barreau aura de prestige, 
combien il saura exercer d'empire, lorsque des orateurs 
éminents se rencontreront avec Pascal et Bossuet, ou 
suivront ces immortels fondateurs de la langue fran- 
çaise; lorsque Pélisson, Arnault, Terrasson, Cochin, 
au barreau, et, sur les fleurs de lis, Talon, Dagues- 
seau, Servan, feront entendre un langage aussi pur 
qu'élevé; comme, dans la féconde succession de tous 
ces grands esprits, la langue, désormais invariable, 
viendra merveilleusement en aide à la gloire des lettres 
et au pouvoir de l'éloquence ! 


- 


833 

Ce pouvoir, ce magique ascendant d'une parole élo- 
quente, vous l'avez surtout retrouvé, au XVIIT: siècle, 
dans Gerbier, que ses contemporains avaient appelé 
l'aigle du barreau, qui, l'un des premiers, y intro- 
duisit l'usage de l'improvisation ; il subit aujourd'hui le 
sort réservé aux orateurs qui n’ont pas écrit; il faut 
l'admirer sur le témoignage de son siècle, de confiance 
et par tradition. 

Au souvenir de l'illustre Gerbier, se rattache un fait 
peu connu, qu'un auditoire bordelais me pardonnera 
de rapporter ici, car il intéresse la gloire de notre bar- 
reau et l'histoire de l'éloquence judiciaire. 

Gerbier, fatigué du travail et de la célébrité, rebuté 
surtout par d'indignes inimitiés, chercha en France 
celui qui lui parut le plus digne d’être son successeur, 
et le trouva à Bordeaux. Le jeune avocat de la Gironde 
se défendit d'abord et longtemps de ce périlleux hon- 
neur. — « La haine de quelques ennemis, écrivait-il 
» à Gerbier, vous a poursuivi; ne pouvant flétrir votre 
» gloire, elle a tenté d'empoisonner au moins votre 
» repos... J'en ai gémi pour notre misérable huma- 
» nité. Trente années de la plus illustre carrière ne 
» mettent donc pas toujours à couvert de la calom- 
» nie! Un citoyen qui a vécu glorieux n’est donc pas 
» sûr de mourir tranquille! C'est cet exemple effrayant 
» qui, malgré le désir si flatteur pour moi que vous me 
» témoignez, me fortifie dans le dessein où j'étais de 
» continuer à vivre dans ma patrie. Vous m'avez ap- 
» pris que, sur de grands théâtres, on n'éprouvait 
» que de grands orages; n'ayant pas vos ressources 


83/4 


» pour les surmonter, j'ai eu la sagesse de vouloir m'en 
» mettre à l'abri. J'aime mieux être utile avec moins 
» d'éclat, mais aussi avec moins de dangers. » 

Et Gerbier insistait, lui disant : « Pourquoi renon- 
» cer à un aussi beau théâtre avec tant de talent? Je 
» n'approuve point que vous ayez peur d'avoir mon 
» sort. Je n’aspire plus qu'à trouver, dans une entière 
» retraite, le repos que je crois avoir mérité. Vous, 
» Monsieur, qui ne faites que commencer votre car- 
» rière, vous devez la voir avec d'autres yeux! Je puis 
» encore vous y aider. J'ai même dans ce moment une 
» très-belle et très-grande cause qui devait être ma 
» dernière, et que je tàcherai de vous procurer. » 

Hélas! la plus grande des causes et le plus infortuné 
des clients devaient bientôt illustrer la carrière du jeune 
orateur adopté par Gerbier. L'éclat et le danger, qu'il 
voulait fuir, l'attendaient; il allait éprouver, sur le 
plus grand des théâtres, les plus redoutables orages. 
Il suffira de le nommer pour faire rayonner sur son front 
respecté la triple auréole de la fidélité, de lhéroïsme et 
de l'éloquence. C'était celui qui, cherchant pour son 
roi des juges, ne rencontra que des accusateurs : c'é- 
tait Romain Desèze! 

Époque néfaste! tourmente fatale qui révéla, en les 
engloutissant, tant de trésors d'éloquence enfouis jus- 
que-là dans l'obscurité des causes privées et des pré- 
toires de la province! Luttes désastreuses qui ont im- 
mortalisé le nom de la Gironde! Comme vous, Mon- 
sieur, je ne m'arrêterai pas à ces temps de douloureuse 
mémoire; mais nous saluerons pieusement ensemble 


835 


ceux dont la gloire et la mort, — vous l'avez dit avec 
raison, — ont expié les fautes et les erreurs. 

Et maintenant, Monsieur, laissez-moi vous adresser 
un reproche : Pourquoi, arrivé, dans votre marche ra- 
pide, au XIX° siècle, vous êtes-vous bien à tort défié 
de l'attention de l'auditoire, si vivement excitée par 
l'aurait de votre parole et la beauté de votre sujet; et 
pourquoi ne nous avez-vous pas entretenu plus long- 
temps de ces orateurs excellents, l’orgueil de notre cité 
et de notre barreau, entre les mains desquels lélo- 
quence judiciaire avait déposé ses dons les plus rares, 
ses ressources les plus variées? Sans doute, les noms 
seuls des Ravez, des Lainé, des Ferrère, des Marti- 
gnac, des Saget , nous rappellent des souvenirs sacrés, 
et leur mémoire vénérée nous dispense de tout éloge. 
Mais nous aimons à étudier ces beaux modèles, et notre 
admiration est infatigable dans la contemplation de ces 
grandes et nobles figures, pures images du talent uni 
à la vertu. 

Aussi, ne résisterai-je pas au désir de rappeler ici de 
lun de nos maitres, du bon et sublime Ferrère, un 
trait, une parole, où se résument bien et la hauteur de 
son éloquence et l'excellence de son cœur. 

Un de ses plus savants confrères, trop sensible aux 
émotions de la Intte, avait brisé une amitié scellée par 
l'estime et entretenue jusque-là par les rencontres mê- 
mes de leur glorieuse rivalité. L'âme aimante de Fer- 
rère en avait profondément souffert, et il s'écriait en 
lui répliquant : « Faibles et passagers que nous som- 
» mes! nous mélons nos passions à ces débats vulgai- 


836 
» res, nous luttons avec acharnement dans cette étroite 
» enceinte, et, du haut de l'immortelle tribune, les 
» dieux de l'éloquence, ayant le peuple-roi pour juge 
» et le ciel pour abri, se disputaient les palmes du 
» génie, et vivaient unis! » 

A cette voix si touchante de la confraternité, em- 
pruntant à l'éloquence ses plus sublimes accents, qui 
ne répéterait avec Vauvenargues : « Les grandes pen- 
» sées viennent du cœur! » 

Le barreau serait-il condamné désormais à réprimer 
les élans que le cœur inspire? L’orateur devra-t-il s'ef- 
facer et se taire devant l'homme d'affaires, seul écouté 
dans un pays et à une époque difliciles à émouvoir? 
Est-il bien vrai que l'éloquence judiciaire soit destinée, 
dans un prochain avenir, à périr de sécheresse et de 
maigreur? Je ne puis le croire; et je vous demande la 
permission, Monsieur, de réclamer contre le découra- 
gement de vos prévisions. 

Oui, notre siècle est exact et positif, et, suivant 
votre spirituelle expression, il ne voyage plus que 
pour arriver... au risque même de ne pas arriver 
toujours. Les tribunaux aiment à leur barre les dis- 
eussions nettes et rapides ; ils tiennent plus à la prompte 
expédition des affaires qu'aux triomphes de l'art ora- 
toire. L'avocat plaide pour ses clients et non pour lui; 
il doit songer à l'intérêt de sa cause, et non pas au soin 
de sa renommée. De nos jours plus que jamais, les 
questions simples doivent être débattues simplement. 

Mais, dans cette simplicité des causes vulgaires, au 
milieu de cette prompte distribution de la justice, la 


837 


nudité même de la parole, dégagée de vains ornements, 
ne découvre-t-elle pas mieux sa souplesse et sa vigueur? 
La dialectique serrée, vive, ardente, n'a-t-elle pas 
aussi son éloquence? À vous moins qu'à tout autre, 
Monsieur, il serait permis de le contester. 

Et puis, notre siècle n'a-t-il pas vu de grandes cau- 
ses et de solennelles audiences? Un champ vaste et 
fécond ne s'est-il pas souvent ouvert pour l'orateur? 
D'émouvantes questions d'état, de sombres drames, de 
hautes difficultés de droit public, n’ont-ils pas été pour 
le barreau moderne l’occasion de mémorables succès, 
glorieusement inscrits dans les annales de l'éloquence 
judiciaire? Je veux imiter votre réserve, j'éviterai de 
faire l'éloge des vivants, toujours voisin de la flatterie, 
et je ne citerai qu'un exemple : Rappelons-nous cette 
voix pure et touchante qui s'éleva au moment où lo- 
rage furieux grondait autour du Luxembourg, le der- 
nier plaidoyer de notre Martignac, ce chant du cygne 
dans la tempête! et n’accordons pas au forum antique le 
privilége exclusif de l'éloquence et le monopole des fortes 
émotions. 

Comment redouterions-nous l'avenir? Ne nous avez- 
vous pas montré, dans un brillant tableau, que l'insti- 
tution toute moderne du ministère publie avait créé un 
genre inconnu de l'antiquité et engendré une nouvelle 
phalange d'orateurs. Sans examiner avec vous si l'élo- 
quence judiciaire a réservé pour eux ses plus magnili- 
ques accents, reconnaissons du moins qu'eux aussi 
l'empêcheront de périr. 

Un mot encore, et je laisserai à la poésie le soin, 

54 


538 
facile pour elle, de captiver quelques instants encore 
l'attention de ce bienveillant auditoire. 

Le talent de la parole et la science des affaires, cette 
double condition de l’orateur complet, ne lui suffisent 
pas pour remplir sa mission. L'éloquence judiciaire est 
le don précieux de convaincre le juge, et ce don n'ap- 
partiendra jamais qu'à l’orateur auquel la magistrature 
et l'opinion publique auront décerné le titre d'homme 
de bien, — Vir probus. 

A celui-là seul l'autorité de la parole, à celui-là seul 
la confiance des magistrats et le secret de les persua- 
der! L'éloquence politique a pu quelquefois, dans 
l'emportement des révolutions, s'affranchir de cette 
condition absolue du succès au barreau; léloquence 
judiciaire imposera toujours à ses représentants, Jusque 
dans leur vie privée, les devoirs les plus rigoureux. 
Comprendrait-on Mirabeau plaidant un procès de sé- 
paration de corps au nom des sentiments de la famille, 
au nom de la morale outragée? L'incomparable orateur 
de la Constituante eùt été impossible comme avocat; 
car l'avocat doit pouvoir se rappeler dans le calme de 
sa conscience, et redire le front haut, ces belles paro- 
les de d’Aguesseau : « La prospérité n’ajoute rien au 
» bonheur de votre profession, parce qu'elle n'ajoute 
» rien à son mérite; l'adversité ne lui ôte rien, parce 
» qu'elle lui laisse toute sa vertu. Tous vos jours sont 
» marqués par les services que vous rendez à la so- 
» ciété; toutes vos occupations sont des exercices de 
» droiture et de probité, de justice et de religion. La 
» patrie ne perd aucun de moments de votre vie; elle 


839 
» profite même de votre loisir, et elle jouit des fruits 
» de votre repos... Parvenus à cette élévation qui, dans 
» l'ordre du mérite, ne voit rien au-dessus d'elle, il ne 
» vous reste plus, pour ajouter un dernier caractère à 
» votre indépendance, que d'en rendre hommage à la 
» vertu, de qui vous l'avez reçue. » 

Juste et touchant hommage rendu au barreau fran- 
çais par un grand magistrat! Tel est, en effet, l'avo- 
cat digne de ce nom, fidèle gardien des traditions de 
son ordre, héritier non dégénéré de ses ancêtres pro- 
fessionnels. Toutes les fois que la pureté des mœurs et 
l'élévation du caractère se trouveront réunis en lui à 
la science des affaires et aux généreuses inspirations 
du cœur, il y aura place encore, eroyons-le bien, 
malgré le positivisme de l'époque, pour l'éloquence ju- 
diciaire. Non, elle ne périra pas de maigreur, faute 
d'espace et d'air; elle vivra et saura régner encore, 
simple et forte, moins ornée, mais plus agile et plus 
vigoureuse, proportionnée aux sujets, variée comme 
eux, élevée ou ardente à propos, toujours écoutée lors- 
qu'elle aura pour compagnes et pour cautions la science 
et la vertu. — Les hommes tels que vous, Monsieur, 
se chargent d’en conserver le précieux dépôt et d'en per- 
pétuer les nobles traditions. 


M. de Gères termine la séance par la lecture 
d'une pièce de vers ayant pour litre : 


840 
Sur la Folie. 


La terre est pleine de fous. (Erasme.) 


Les plus fous sont ceux qui crient le plus contre 
la folie. ( Cicénox. ) 


TER Mais parmi les plus fous, 
Notre espèce excella. (La FONTAINE. ) 


LB 


Oo 


Tous les hommes sont fous, — y compris les poêtes, — 
Tous les hommes sont fous, c’est ma conviction. 
L'épouse d'Uranus, la reine des planètes, 

À tristement changé de destination. 

Le paradis perdu qu’à vingt ans nous révämes 

N'est qu'un grand hôpital où nous nous traitons tous; 

Je me sens trop discret pour rien dire. des femmes, 
Mais, entre vous et moi, tous les hommes sont fous. 


C’est là, je le confesse, une humble destinée. 
A l'arrêt général la masse fait appel. 

Souvent la vérité d’un paradoxe est née; 

De la chair qui s’effraie approchons le scalpel. 


Chacun de nous connaît et subit sa folie, 
Les plus adroits sont ceux qui la cachent le mieux. 


841 


Quand cet aveugle orgueil dont notre àme est remplie, 
Au grand jour du bon sens veut bien ouvrir les yeux, 
Il faut, de bonne foi, qu'il tombe et s’humilie ; 
L’augure n’y tient plus et perd son sérieux. 


Tous les fous, grâce au ciel, ne sont pas à Bicêtre, 
Et les plus fous sont ceux qui ne pensent point l'être. 
Chacun croit sa raison bien saine, Dieu merci! 

On se flatte, on s’abuse, et sans cela peut-être, 

Ni vous, ni moi surtout, ne resterions ici. 


Si l’habit ne fait pas le moine, je présume 

Qu'on doit, pour bien juger, découdre l’oripeau : 
La sagesse des gens n’est pas dans leur costume, 
Et le feu sous la cendre a plus d’un trou qui fume. 
Se coiffer d’un turban, d’un fez ou d’un chapeau, 
Se vêtir de haïllons ou geler dans sa peau, 

Pour saluer l'ami qui gaiment vous arrûte , 

Lui présenter le nez, la main droite, ou la tête, 
Être blanc comme un cygne ou noir comme un corbeau, 
Beau comme Antinoüs, laid comme Mirabeau, 
Varier de langage en variant de pôles, 

Et, suivant le zénith sous lequel on est né, 
Étourdir l'air de cris, de sons ou de paroles , 
Rien n’y fait, dans le sang le vice est incarné. 

On peul diversement se partager les rôles , 

Le mal n’en est pas moins au cœur enraciné. 
C'est en dedans surtout qu'est la pire folie, 

L'art est de pénétrer chez l'homme intérieur. 
Mais le vieux temple usé qui se lézarde et plie 
Sait tromper les passants, dont le regard s'oublie 
Aux badigeons menteurs du mur extérieur. 


842 


La folle du logis, qui jamais ne s’absente, 

Fermant à double tour la sagesse impuissante, 

Fait agir à son gré les gens de la maison, 

Rien n’a lieu sans son ordre ou sans qu’elle y consente; 
Elle règne et gouverne, Érasme a bien raison. 


IL. 


Ab! c’est un triste sort qu’a l’humaine nature! 
La terre n'a point eu le plus brillant fleuron, 

Le Créateur n'a pas flatté sa créature. 

Il faut dans un désert errer à l'aventure, 

Ronger le frein qui pèse et sentir l’éperon. 

Dès qu’un souffle vivant s'empare de notre être, 
Un duel s'établit dont nous sommes l'enjeu. 

Les deux camps ennemis commencent à paraitre, 
Et, mesurant les coups, croisent déjà leur feu 
Sur les rideaux craintifs de l'enfant qui va naître. 
La lutte est acharnée, et ce n’est point un jeu : 


« Moi, qui viens du Très-Haut, — dit l’un des deux génies, — 
» Je donne la sagesse avec ses harmonies, 

» La bonté, la candeur, l'innocence, la foi, 

» La charité, l'amour. » — « Attends, dit l’autre ; — moi, 
» Je donne la folie avec ses tyrannies, 

» L'orgueil, l’impiété, la haine de la loi, 

» Toutes les passions et leurs ignominies. — » 

—(« Mais, — reprend le premier, — nàvré d’untriste effroi, — 
» Je tourne contre vous vos plus mortelles armes, 

» Je récolte la vie où vous semez la mort, 


543 
» Je sais puiser la joie où vous versez les larmes, 
) L’athlète qui combat n'en devient que plus fort. 
» Je dirige avec fruit ces passions ardentes, 
» L’ardeur devient le zèle, et la soif du bonheur 
» Mène insensiblement aux sources abondantes... » 
— Le second dit : « Tombez! promesses imprudentes, 
» Le découragement , le doute, avant-coureur 
» Du désespoir glacé qui flétrit la victime, 
» Viendront ; je les tiens prêts avec le déshonneur. » 


— » Vous êtes là, Seigneur, votre droite sublime 
» Pesant dans sa justice, au grand livre écrira! 


— «Je veillerai du ciel! » — « Je veille de l’abime. » — 


Ainsi, de son côté, chacun nous tirera ; 
Va maintenant, pauvre àme, à qui l'emportera! 


Dieu permet trop souvent que son ange succombe, 
Le meilleur combattant n'est pas le plus heureux. 
Le pied glisse aux plus forts, et leur courage tombe, 
Très peu se tiennent droit sur un sol dangereux. 

Un sage est pièce rare, et les fous sont nombreux. 


Le plus adroit nageur est celui qui refoule, 

Mais c’est une bravade , une témérité ; 

Il est plus sûr d'aller avec le flot qui coule. 
Laissons donc, un moment, les sages de côté : 
Dans le courant immense où lout est emporté, 
Entrons ; parler des fous, c'est parler de la foule, 
Médire de soi-même et de l'humanité. 


S44 


[LUE 


Deux êtres sont en nous bien distincts de nature : 
L'un se moque de l’autre et rit de tout son cœur ; 
Mais l’autre se rengorge au nez de son moqueur, 
Et, se prenant lui-même à sa propre imposture, 
Arbore insolemment un sourire vainqueur. 


L'un, comme Triboulet, pouffant au fond du verre, 
Suivant sa majesté, — qui va faire un faux pas, — 
Prend le pan de sa robe, et collé sur ses pas, 

Fait d'un joyeux lazzi tomber cet air sévère, 

Ce front officiel que le peuple révère, 

Et qu'ont toujours les rois qui ne s’amusent pas. 


L'autre arrange à huis-clos sa physionomie, 
Apprend son petit rôle, et drapant avec art 
Un mérite augmenté d’un peu de bonhomie, 
Accepte un bon fauteuil dans une Académie, 
Et s’honore en secret comme un génie à part. 


Quelquefois, — rarement ! — sa majesté lassée, 
Trouvant le métier long, remet le masque au clou, 
Et, dépouillant enfin l'étiquette glacée, 

Dans une belle humeur tend les mains à son fou, 
Pour reposer à deux la contrainte passée. 

Ah ! ces jours-là, c’est fête, au logis; — franchement, 
Maîtres et serviteurs passent un bon moment , 
Bonnets sur les moulins dansent la ritournelle , 

Le roi sourit, Platon devient Polichinelle. 

Chacun se dit son fait, sans pitié ! — seulement, 


845 


Le public n'entend rien de ce duo charmant. 


Hélas ! les meilleurs jours s’en vont comme les roses , 
Les rats, au moindre bruit, s’esquivent du festin , 

I faut se réveiller dans les soucis moroses, 

Et reprendre son bât sous le double destin. 

Arlequin, bouche pleine, et nouant sa cravate, 

Sous le frac boutonné prompt à glisser sa batte , 

Au parterre béant déguise ses apprêts. 

Le rideau se relève et les acteurs sont prêts. 

Épicure , Messieurs, va jouer les Socrate. 


Les auditeurs charmés prennent la pièce au mot. 
On entendrait voler des mouches, rien ne bouge : 
La farine est encore aux lèvres de Pierrot, 

Le fard altère un peu les hivers de Margot, 

Mais le public berné ne voit ni blanc, ni rouge, 
Et personne n’entend les rires du grelot. 


Cependant, la coulisse est reine en perfidie , 

Et le décor qui brille a de vilains dessous. 

C’est éternellement que cette comédie 

Avec un plein succès se joue aux yeux de tous; 

Et pourtant, et pourtant tous les acteurs sont fous ! 


AE 


Hogarth ! Holbein ! Callot ! peintres si vrais qu'inspire 
Le plus triste côté des mortelles douleurs, 

Vous qui feriez pleurer si vous ne faisiez rire, 

Ce que vous avez peint, donnez-moi de l'écrire , 

Je veux tremper ma plume à vos franches couleurs ! 


846 


L'austère vérité fut votre seul modèle. 

Votre palette, aidant votre esprit convaincu, 
À la réalité savait rester fidèle , 

Et, regardant à froid dans l'Enfer entrevu, 
Vous avez fait sans peur ce que vous avez vu. 


Qui n’a pàli devant cette toile effrayante 

Ouvrant au spectateur, comme un nid de hibous, 

Le lugubre préau d’une maison de fous ? 

L'un vous tend tristement une main suppliante. 

L'autre, d’un poing fermé vous promet le courroux. . 
Celui-ci, l'air niais et le visage doux, 

Épanouit en cœur sa lèvre souriante. 

Celui-là met des gants et prend un éventail. 

Cet autre, tout pensif, plongé dans quelque rêve, 

Les poings sous son menton, comme Hoffmann en travail, 
Recommence sans fin le calcul qu'il achève. 

L'un s’arme d'un vieux casque, et la main sur son glaive, 
Se campe fièrement en travers du ventail. 

L'autre, mourant de peur, et croyant voir un spectre, 
Retient en frissonnant ses doigts contre ses yeux. 

Il en est un plus long, plus droit, plus sérieux, 

Qui porte avec grandeur la couronne et le sceptre, 

La cour prend en pitié ce pauvre glorieux ; 

On le siffle, on se moque, on boude, on prend les armes, 
On chante, on bâille, on est stupide ou furieux, 

On rit à s’étouffer, on pleure à chaudes larmes ; 

Un seul, fuyant l’enfer de ces affreux vacarmes, 

A genoux dans un coin demande grâce aux cieux. | 
Un seul, le front plaqué sur l'étroite fenêtre, 

Bat d’un air résigné la vitre avec ses doigts ; 

Mais tous sont convaincus, chacun prend à la lettre, 
Son rang, sa dignité, sa valeur et ses droits. 


847 
Rois, princes, généraux, législateurs, artistes, 
Peintres, musiciens, banquiers et magistrats, 
Politiques, penseurs, poëles, utopistes, 
Cœurs honnêtes, pieux, fourbes et scélérats, 
Tous sont vrais dans leur rôle... et n’en sont que plus tristes ! 


Eh bien! quelque hideux que soit ce noir tableau, 


Celui que l’on peut voir exposé dans le monde 
Pour être plus commun, n'en reste pas plus beau ; 
Et ne diffère, au fond, que d’un coup de pinceau. 
Deux couleurs sont en plus : d’abord la jalousie, 
Serpent intérieur qui prend l’homme au berceau; 
L’envie au teint de plomb; — et puis l'hypocrisie 
Qui vient baisser la toile et souffler le flambeau. 


V; 


Si l’on jette un coup d'œil sur le pavé des villes, 

Que voit-on ?.. Des yeux creux, des fronts préoccupés, 
Des traits pàlis, hagards, et des esprits frappés, 

Qui vont, libres forçats de leurs rêves serviles, 
Demander la revanche à des calculs trompés. 

Chacun, flot d’une houle incessamment accrue, 
S’essouffle à ressaisir le songe qu’il poursuit, 

Haletant, marchant vite, et craignant que la nuit 

Qui mord déjà le jour dans les bas fonds de rue, 

Ne le surprenne, avant sa tâche parcourue. 


Or, le grand but, d'abord, et le plus exigeant, 
Qui de tous ces pantins fait mouvoir les ficelles, 
Attèle au même joug le riche et l'indigent, 


848 


Éblouit les badauds par des flots d’étincelles. 

Le tyran le plus fort, le plus vil, c’est l'argent. 
Voilà le Dieu suprême, et la grande folie. 
L'argent est tout, peut tout, c’est l'esprit, c'est l'honneur, 
C'est le mérite ! — Enfin, préjugé suborneur! 
La morale publique à ce point s’humilie 

De penser que lui seul a la clé du bonheur. 
Quand le cœur est rouillé, c’est lui qui le redore. 
Tous les écus sonnants sont de bonne maison. 
L’acier faisait le preux, l'argent fait le blason. 
Mais ce n’en est pas moins la boite de Pandore, 
Le vieux monstre de Crète, et l’ogre qui dévore 
Le repos, la santé , la vie et la raison. 


Passons : un tel sujet absorberait ma plume, 

L'hydre a plus d’une tête, et cette passion 

Pour son portrait hideux voudrait plus d’un volume. 
Un autre ver nous ronge, et c’est l'ambition. 

Voyez dans tous les rangs sa fièvre qui s'allume, 

A son culte récent un grand peuple est soumis. 
Celle-là vient aussi des froids marais de Lerne, 

Elle est sans cœur, sans foi, ne connaît pas d'amis, 
Parjure effrontément les vieux serments promis, 

Va, marche, court sans trève, et, juif errant moderne , 
Remet toujours sa voile au vent qui la gouverne. 
Voilà le mal qui ride et qui rend soucieux. 

La conscience en meurt; le jeune ambitieux, 

Pour arriver plus vite aux grandeurs qu’il espère, 
Passerait sans pitié sur le corps de son père. 

Il faut réaliser ce que l’orgueil promet, 

Monter, monter quand même, et s'asseoir au sommet. 
On cache les moyens sous une fin prospère, 

Ce que l'honneur défend , le Code le permet. 


849 


Folie ! Et pour quel prix s’agiter de la sorte? 

Tous les publies — ( hormis celui qui me supporte), — 
Tous les publics sont faits de trois classes de gens : 

L'un voit dans vos succès la faveur qui vous porte 
Cherche un joint de cuirasse, et rit à vos dépens. 
L'autre haït un rival; — les plus intelligents 

S'inquiètent fort peu de ce qui vous transporte; 

Et votre gloire entend aboyer à sa porte 

Les niais, les jaloux et les indifférents. 


Ainsi, le ver mortel gît au cœur de la pomme. 

Puis la fatalité, qui s’acharne à vos pas; 

Car il faut bien aussi le reconnaître, en somme! 

Le hasard met la main dans les œuvres de l’homme, 
La vie est un projet... qu’on n'exécute pas! 


L'ambition n’est donc que la folie extrême 

Des esprits fourvoyés, des cœurs aventureux. 

Mais le dégoût de soi monte au faite suprême, 

On ne trompe, pas plus que les autres, soi-même, 

On devient grand, puissant; — mais on n’est pas heureux. 


Ah ! chimère d’orgueil qu’on se tue à poursuivre ! 

Une louange vaine en regrets superflus, 

( Qu'on vous marchanderait si vous deviez revivre), 
Un nom sur du papier, un profil sur du cuivre. 

Voilà tout ce qu’on donne aux grands qui ne sont plus ! 


La troisième démence est l'amour. — Qu'il me garde, 
Ce petit Dieu rusé, qui, malgré son bandeau, 

Triche, et voit par un coin celui qui le regarde, 

De lever, indiscret, un bout de son rideau ! 


850 


Est-il une folie, après tout? — Vaste thème ! 

Cela dépend un peu de l’objet que l’on aime, 

Des périls qu’on affronte à ce pas dangereux, 

Du vent, de la saison, et de l’âge lui-même. 

A vingt ans on dit plus, à trente ans on sait mieux, 
À quarante .. ma foi, c’est un sujet scabreux ; 

Je ne suis pas de force à bâtir un système, 

Et donne la parole aux bavards amoureux. 

Il s’en trouve toujours quelques-uns. 


Dans la lice 
Arrive enfin sans bruit la chagrine avarice. 
Elle couronne l’œuvre, et de ses doigts erochus 
Ferme et garde en tremblant le fragile édifice. 
Tout âge de la vie a sa part du calice, 
Et chaque jour en prend les lots qui sont échus. 
C’est en vain que le fou vieillit et se déplace, 
La robe de Nessus le suit dans le trajet, 
Le feu qu'il voit brüler ne change point de place : 
Il est dans l'objectif, et non pas dans l’objet. 


VI. 


La Folie est Protée, et sous un masque habile, 
D'après le vent qui souffle adroitement changé, 
Recompose en tournant sa figure mobile. 

Elle est vice, défaut, travers ou préjugé. 

Elle est indifférence ou torpeur, égoisme, 
Orgueil, illusion, luxe, fatuité, 

Frayeur déraisonnable, imprudence, héroïsme, 
Plaisir, intempérance, ivresse, volupté, 
Hypocrisie, amour de popularité, 


351 


Sot besoin de parler, de briller, de paraître 

Ce qu'on n'est pas surtout, et ce qu'on ne peut être, 
Mensonges, vains espoirs, voyages, — guerre, enfin, 
Cette folie en grand qui coûte tant de larmes , 

Et, pour un faux honneur, mal jugé par les armes, 
Laisse aux fous qui la font la ruine et la faim. 


Tout comme leurs sujets, les nations sont folles, 


Leur antique démence a d'étranges accès. 

Plus d’une, s’'embarquant sur des griefs frivoles, 
Fait fouetter Amphitrite avec l'or de Xercès. 

Loin de moi le désir d’instruire leur procès, 

Je ne mettrai point d'encre aux fleurs des Capitoles. 
Je n’en dirai qu’un mot : — ce n’est pas un excès. 
La poésie a tort de parler politique. 

Le Czar, qui se morfond dans sa noire Baltique, 
Dans son monde perdu se trouvant à l’étroit, 
Voudrait de l'Hellespont reculer le détroit. 

Ce pape d'Orient, qu'un faux zèle transporte, 

Tout grelottant du spleen de son ciel désolé, 

De l'Occident plus gai voudrait forcer la porte : 

La Porte, avec raison, se bai pour une clé, 

Et le plus clair de tout, — c’est qu’on n’a pas de blé. 


Mais le respect humain, qui sourdement conspire, 
Ainsi que d’un mortel s'empare d’un empire ; 

La guerre se faisait, se fait et se fera. 

Dans les peuples rivaux la vanité respire, 

L'amour de la fumée existe, et durera. 

Toute folie, hélas! ridicule ou sublime, 

Vieille comme Saturne, en est à son printemps. 

Le monde est un malade incurable; — en tout temps 


852 


La satire a brisé ses dents sur cette lime. 

L'esprit publie, tyran qui lui-même s’opprime , 

Est un enfant gâté qui n’a pas de Mentor. 

Non, l’humaine raison, sujette aux folles crises , 

Ne se fait pas majeure, et retient son essor. 

L'homme ne change pas, et toutes les sottises 

Qu'il a faites jadis , il les ferait encor. 

Son limon est pétri des mêmes convoitises. 

Les preuves en sont là, courant les grands chemins. 
Nous nous récrions fort contre ces durs Romains 

Qui d’un sang plébéien arrosaient leurs arènes ; 

Nous détournons les yeux, nous sommes plus humains, 
Et nous ne jetons pas d'esclaves aux murènes. 

Mais nous allons, Français, applaudir à deux mains, 
Malgré la loi Grammont, tvmbée en léthargie , 

Un autre jeu barbare où la mort est acteur ; 

Un élégant boucher qui tue avec lenteur, 

Nous accoutume au meurtre, et nous dresse à l’orgie! 
C’est un grand pas de fait, qu’une lice rougie, 

Et le Tauréador mène au Gladiateur. 

L'Hippodrome, du Cirque est moins loin qu'on ne pense. 
Cet exemple à propos, de bien d’autres dispense. 

J'en passe, et des meilleurs, — partant des plus bouffons; 
Car la folie est femme, et fait grande dépense ; 

Toute femme incomplète adore les chiffons. 


Elles seules, pourtant, qu'on obéit, qu’on aime, 

De la sagesse en deuil pourraient sécher les pleurs; 
Notre raison dépend de leur bon goût suprême : 

Les hommes font les lois; les femmes font les mœurs. 


853 


VIE. 


Parmi tant d’insensés, les plus fous — sont les sages. 
Autrefois, la folie était gaie; aujourd’hui, 

Elle est grave, pédante, et vient entre deux âges 
Épouser froidement le sérieux ennui. 


Un tel met la sourdine à de jeunes sornettes, 

Se tond, passe l'éponge, et de ses mains bien nettes 
Caresse un air capable, un jabot de rentier. 

Mais ce n’est pas le tout que d’avoir des lunettes, 
Le diable n'y perd pas un tour de son métier ; 

On sait qu'il rit encore au fond du bénitier. 


Un tel, l'esprit noyé dans l'âme de la terre, 

Du cordon arômal tenant le bout en main, 

De la chaste Phœæbé trahit le vieux mystère, 

Et, confident du Dieu dont il est secrétaire , 
Prétend, tout fou qu'il est, sauver le genre humain. 


On l’est pour trop parler, l’est-on moins pour se taire? 


En vain l'extérieur se range et se fourbit, 

Un fou qui se déguise est trahi d’une lieue : 

Comme un singe en toilette est vendu par sa queue, 
La marotte toujours passe un pan de l’habit. 


La folie est l'abus de notre intelligence, 

De tout dire à tout faire il n’est qu’une cloison. 
L'esprit mal dirigé mène à la déraison. 

Au jugement, séduit par sa folle indulgence, 


[2] 
oo 


L 


854 


C’est lui qui tend le verre, et fournit le poison. 


L'esprit, autre folie ! et qu’un rien défigure ! 
L'esprit, un beau sujet de vanité, ma foi! 
L'esprit n’a de valeur que suivant la figure, 
Celui d’un charbonnier n’est pas celui d’un roi, 
Un œil qui louche, un nez de travers lui font loi. 
Les réputations montent par escalade. 

Un mauvais estomac plaisante peu, — Pylade 
Ne va pas sans Oreste, et celui qui jeüna 

À dû trouver dans l’autre un piètre camarade. 
L'esprit dépend beaucoup de la santé qu'on a. 


On va, je le crains bien, me croire un peu malade. 


Ma muse à l'hôpital peut finir désormais. 

Un seul mot imprudent suffit à perdre un homme ! 
L'esprit, depuis Gilbert, a fui l'Hôtel-Dieu, mais 
Je me consolerai par cet autre axiôme 


Dont ne m'en voudront pas certains que je connais : 


On en a d'autant plus qu’on n’en montre jamais. 


VIIL. 


Souveraine du monde, universelle mère! 

Toi, qui, lui suspendant quelque bout de chimère, 
Fais, sans le moindre égard , le tirant par la main, 
Danser la sarabande à tout le genre humain, 

0 folie éternelle, àme de notre vie, 

Beauté des jours heureux, compagne de nos ans, 
Quoique l’ingratitude honteusement t’oublie, 

Il faut t'aimer quand même. étrange anomalie, 


855 


Il faut couvrir de fleurs tes autels triomphants! 

Si le bonheur existe, il est dans la folie! 

C'est parce qu’ils sont fous qu’on aime les enfants. 
On augure à souhait de celui qui s'amuse. 

La jeunesse”nous plait par un grain de gaité. 

Les rires sont le cœur, esprit et la santé; 

Tandis que des chagrins la déesse confuse, 
Pallas, porte à son cou la tête de Méduse! 
Plutarque, Cicéron, Sénèque, et leurs amis, 
Rêévaient de l’impossible en vantant la sagesse. 
L'histoire aussi nous ment; les sept sages de Grèce 
Sur leurs pupitres d’or par leur âge endormis, 
Furent fous tous les sept dans leur verte jeunesse. 


Quand la folie, hélas! mettant sa tête au trou, 
Éteint votre lanterne et dehors vous appelle, 

Il faut ouvrir, bien sot qui lui met le verrou; 
L'oubli, ce dieu sauveur, peut entrer avec elle! 
Heureux qui peut passer, en lui restant fidèle, 
Du bonheur qui n’est plus au bonheur d’être fou! 


IX. 


La folie est partout; où donc est la sagesse? 
Pierre philosophale, introuvable vertu 

Que filaient en chantant Pénélope et Lucrèce, 
Trésor inestimé, sous quel toit brilles-tu ? 

Je ne suis point ton hôte, à sévère déesse, 

Je ne l'ai point trouvée aux sources du Permesse, 
Ma muse à tes côtés n’a jamais combattu. 

Pour toi, gravir le Pinde est une rude épreuve, 
Pour de nobles assauts tu gardes ta vigueur ; 


856 


Et c’est ne point t'aimer, j'en donne ici la preuve, 
Que de laisser flotter son àme sur le fleuve, 
Et d'ouvrir la fenêtre aux oiseaux de son cœur! 


Il faut bien l’avouer, que nous autres poëtes, 

Ne sommes qu'un vain bruit qui passe sur les têtes ; 
Que notre voix éteinte et notre émotion 

Ont moins d'éclat durable et de vibration 

Dans le vivant concert des éternelles fêtes, 

Que le moindre soupir de la création! 

Pauvre étoile égarée en une nuit immense, 

Notre rayon finit où le soleil commence. 


Lorsqu’au jour sans appel des grands étonnements, 
Dans les cieux déchirés ouvrant les firmaments, 
L'ange, étendant sa voix sur la foule glacée, 

Dira le dernier mot des derniers jugements, 

Nos triomphes, alors, notre gloire amassée, 
Vaudront moins au grand jour qu’une bonne pensée, 
Une action du cœur, secrète charité, 

Au triomphe éternel à jamais fiancée , 

Qui s’'embellit toujours de sa beauté passée 

Et dont l'écho grandit dans l’immortalité ! 


Mais le fou, dédaigneux du futur diadème, 

Sur la vague distraite où sa raison s'endort, 

Oublie en les bercant les craintes de son sort. 

Car le but souverain, la fin dernière, extrême, 

N'est pas l'argent, la gloire, ou l'amour... , c’est la mort! 
La mort qui jette l'ancre en abordant au port 

Des honneurs, des trésors, et de l'amour suprême! 


857 


Mais un cadre borné malgré vous s'agrandit. 
L’imagination vole , enjambe, bondit, 

Devient folle à son tour, et je dois l’interdire. 
Chacun supposera, par ce que j'ai pu dire, 

Que j'en tais sagement plus que je n’en ai dit. 
Des chiffres égarés je néglige les sommes, 

Il en est jusqu’à dix que je n’ai pas compté. 

Un dernier mot, pourtant, doit bien être ajouté, 
Très-court : {la vérité plaît rarement aux hommes ) ; 
Sur une autre folie, une autre absurdité, 

Un mal de haut parage, — et c’est l'oisiveté. 


Le monde est plein de gens qui ne savent que faire. 
On pourrait croire, au fond, que leur unique affaire 
Est d'empêcher autrui de faire ce qu'il veut. 

Au moins, lorsque je ciél est facheux, et qu'il pleut. 
On ne sort pas, ou bien l’on prend un parapluie! 
Mais un oisif qui tombe, il faut bien qu’on l’essuie. 
L'averse est rude et longue, on la prend comme on peut. 
Content d’être, et jamais ne voyant qu'il ennuie, 

Le flâneur s’éternise et de rien ne s’émeut. 

C'est l'homme fort qu'Horace en son ode caresse. 

Je ne dis pas de mal de toi, chère paresse ; 

Je ne te proscris pas dans mes vers exclusifs : 
J'aime les paresseux! mais non pas les oisifs. 

Les gens qui ne font rien sont la peste des autres. 
Dissipateurs du temps, prodigues abusifs, 

Ils perdent leurs loisirs en gaspillant les nôtres. 
Parasites bâilleurs suspendus à vos bras, 


858 
Trainant, comme un boulet, leur sottise ennuvée, 
Ils vous lestent du poids de leur marche appuyée, 
Ouvrant sans fin, sans but, mot par mot, pas à pas, 
Des conversations qui n’en finissent pas. 
Frélons jaloux et nuls dont l’alvéole est vide, 
Ils vont posant sur tout leur bavardage avide , 
Semant la zizanie entre amis, entre époux, 
Brouillons enfarinés d’un intérêt perfide, 
Disant à l’un : « Voici ce qu'on a dit de vous. » 
A l’autre : « Savez-vous le bruit qui court le monde ? 
» On vous accuse, hélas! que faut-il qu’on réponde ? 
» J'ai nié; mais la foule a droit à des égards; 
» On sait que sur un rien l’opinion se fonde, 
» Votre silence étonne et fixe les regards. » 
Puis ils courent ailleurs conter leurs maladies, 
Leur repas, leur sommeil, leurs songes, leur procès, 
Leur chance au lapis vert, et leurs petits succès ; 
La chronique locale, avec ses incendies, 
Ses noyés, ses voleurs, y passe jusqu'au bout. 
Apprenant les derniers ce que l’on sait partout, 
Ils content à mi-voix les choses du théâtre, 
Et font un grand secret. de la mort d'Henri quatre. 


Ainsi, trésor sans prix à tout vent répandu, 
Comme l'eau dans la main le jour pleuré s'écoule! 
On ne retrouve plus le temps qu'on a perdu; 

D'un côté seulement le grand sablier coule. 


Le premier dont Ja verve ébaucha ce tableau, 
Théophraste, écrivait des rois du caquetage : 

« Leur langue dans leur bouche est un poisson dans l’eau. » 
Il ne connaissait pas les écureuils en cage. 

Ésope aussi dit vrai : « La langue est un fléau. » 


Ah ! le silence est d'or, il parle comme un livre. 
Que le ciel qui peut tout, vous accorde de vivre 
Loin des fous importuns, pesants, oisifs, musards, 
Ennuyés, ennuyeux; — surtout, qu'il vous délivre 
De ces autres plus fous qu’on nomme les bavards! 


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Mais vraiment, je deviens d’une imprudence extrême ; 
La corde que je touche est celle d'un pendu. 
L’inconséquence humaine est un grave problème. 

J'ai parlé des bavards, que suis-je ici moi-même ? 

Je mange à belles dents le doux fruit défendu. 

Tandis qu'on vous attend, pendant que chacun grille 
De regagner bientôt le foyer de famille, 

Les douceurs du ménage — (il faut tout supposer }! — 
Sans règle ni raison, sañs crainte d’abuser, 

Mon indiscrète muse à son aise babille. 

J'ai prêché contre un vice et n’en suis point absous. 
Au métier de parleur sucecombant comme un autre, 

Je vous ai pris un temps dont vous étiez jaloux ; 

J'ai gâté ma soirée en vous gàtant la vôtre... 

Vous le voyez donc bien : — tous les hommes sont fous. 


Novembre 1853. 


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DISCOURS D'OUVERTURE 


PRONONCÉ 


A LA SÉANCE ANNUELLE DU 12 JANVIER 1854, 


PAR M. HENRY BROCHON, 


PRÉSIDENT, 


MESSIEURS, 


Pourquoi faut-il que ce jour de fête pour l'Académie 
ait été précédé de si peu par un jour d’aflliction et de 
deuil! La mort vient de faire un bien grand vide dans 
nos rangs ! Que de regrets et quels souvenirs ! Combien il 
avait été touchant, il y a deux années à peine, de voir, 
après tant d'orages et tant de vicissitudes, ce vieillard 
illustre demander aux lettres de paisibles honneurs et de 
douces consolations! Quelle Académie n'eût été glo- 
rieuse d’une telle conquête! Dans quelle compagnie, 
si élevée qu'elle soit, n'eut pas eu le droit de siéger 
l'auteur de l'Histoire des Francs et de la Traduction 


8062 
de Job! Qui n'eut été honoré d'avoir pour collègue ce- 
lui dont le front, toujours haut et fier, était ceint de Ia 
triple couronne de l’orateur, du poëte et de l'historien ! 

Mais détournons nos regards douloureux de cette 
tombe à peine fermée, et ne songeons, sil se peut, 
qu'aux émotions du concours et qu'aux joies de la ré- 
compense. 

Messieurs , il faut avoir le courage de vous le dire : 
l'année 1853 n’a pas été une année d'abondance; il y 
a eu disette de blé, de vin... et de lauréats; presque 
partout, même dans la plupart des Mémoires du con- 
cours académique , il s'est rencontré un peu d'oïdium. 
Ce n'est pas à dire, je m'empresse de le déclarer sérieu- 
sement, que des travaux distingués, un Mémoire scien- 
tifique en particulier, n'aient été soumis à notre appré- 
ciation et n'aient mérité nos suffrages. Mais, avouons-le, 
le Concours, dans son ensemble, est inférieur en nom- 
bre et en qualité à celui de l'année précédente, si riche 
et si brillant. 

Aussi, pour satisfaire à nos Statuts, qui autorisent, 
qui obligent même le Président à réclamer quelques ins- 
tants de votre bienveillante attention, remonterai-je au 
passé; et, à l'exemple de plusieurs de mes honorables 
prédécesseurs, je rappellerai les titres de l'Académie de 
Bordeaux à l'estime publique, en esquissant à grands 
traits l'historique de son institution et de ses travaux. 

Peut-être ce sujet rétrospectif ne sera-t-il pas dé- 
pourvu de quelque actualité. 

Vers la fin du XVIT siècle, à cette époque si glo- 
rieuse pour les lettres, quelques hommes d'élite à Bor- 


863 

deaux, quelques esprits élevés appartenant à la magis- 
trature, au clergé, au barreau, à la science, aux beaux- 
arts, se réunissaient dans un but commun de travailet 
de progrès, et avaient formé une association intellec- 
tuelle dont l'intimité même faisait le charme. Nous 
aimons à rappeler les noms de nos ancêtres académi- 
ques : c'étaient MM. de Gasq, de Sarraut, de Meslon, 
Barbot, Lebrethon, Navarre, et plusieurs autres. 

Bientôt après, sous le patronage éclairé de M. le 
duc de La Force, des lettres patentes, datées du 5 sep- 
tembre 1712, et enregistrées au Parlement le 3 mai 
1713, consacrèrent l'existencede l'Académie bordelaise, 
en termes si flatteurs pour nos populations, qu'il me 
sera permis de les citer : « Le séjour de ces compagnies 
» en forme d'Académies, y est-il dit, engage la plus 
» grande partie des habitants de la ville et des pays 
» voisins à se donner à l'étude, et autant de grands 
» sujets devront sortir de la ville de Bordeaux que d'au- 
» cune autre ville de notre royaume, si l'on y établit 
» une Académie où le concours mutuel des lumières de 
» plusieurs personnes savantes et l'émulation que pro- 
» duisent toujours ces sortes d'assemblées puissent polir 
» et perfectionner les talents admirables que la nature 
» donne libéralement aux gens nés sous ce climat. » 

C'est ainsi que s'établit au grand siècle, sous la pro- 
tection de Louis XIV, l'Académie de Bordeaux , lune 
des plus anciennes de France, et pendant bien long- 
temps elle a célébré le souvenir de sa fondation par une 
séance publique et un banquet confraternel le jour de 
Saint-Louis, 


864 

Son premier directeur fut M. de Gasq, président au 
Parlement de Bordeaux, et elle prit pour devise ces 
mots : Crescamn et lucebo. 

Elle ne tarda pas à justifier cette devise et à tenir 
parole. Le succès couronna ses premiers efforts, car, 
dès son début, elle vit venir à elle des hommes que de- 
vait honorer la postérité. 

Montesquieu , reçu en 1716, dans la quatrième an- 
née de la fondation de l'Académie, présentait M. de 
Tourny en 1744; ces grands esprits eurent pour col- 
lègues ou pour successeurs Romas, qui, comme Franc- 
klin et avant lui, eut la gloire d'enlever la foudre au 
ciel; Brémontier, qui dit aux dunes : Vous n'irez pas 
plus loin, et fonda sur le sable son immuable renom- 
mée; Villaris, qui découvrit la terre à porcelaine; 
Lacour, qui n'est pas mort tout entier et revit encore 
parmi nous; l'abbé Sicard, le vénérable émule de l'abbé 
de l'Épée, apôtres tous les deux de la plus ingénieuse 
charité ; le sénateur Journu-Aubert, dont la munificence 
créa nos collections d'histoire naturelle. Et pendant 
qu'elle possédait de tels hommes dans son sein, l'Aca- 
démié, mettant à l'étude dans d'utiles concours les 
sujets les plus importants, couronnait les remarqua- 
bles travaux de MM. de Lahire et de Meyran sur les 
variations barométriques, et l'admirable Mémoire du 
savant Tillet sur le charbon du blé. 

Aussi, Montesquieu disait-il dans son discours de 
réception : « On avait vu jusqu'ici les sciences, non 
» pas négligées, mais méprisées, le goût entièrement 
» corrompu, les belles-lettres ensevelies dans l'obseu- 


865 


» rité, et les muses étrangères dans la patrie des Paulin 
» et des Ausone. Il n'appartenait qu'à vous de faire 
» cesser ce règne, où plutôt cette tyrannie de l'igno- 
» rance. Vous l'avez fait, Messieurs : cette terre où 
» nous vivons n'est plus si aride, les lauriers y crois- 
» sent heureusement; on en vient cueillir de toutes 
» parts; les savants de tous les pays vous demandent 
» des couronnes. » 

N'oublions jamais que notre immortel collègue, trois 
fois Président de notre Académie, nous donna l'exem- 
ple du travail, de l'assiduité et du dévouement. L'Aca- 
démie n'avait pas de membre plus laborieux et plus 
exact. Pour elle, ce sont des lettres de noblesse que ces 
vieux registres tous remplis de ce glorieux souvenir. 
On assiste en les parcourant, en suivant la série des 
nombreux travaux de Montesquieu, au développement 
de sa pensée, à l'enfantement de son génie, et l'on 
arrive jusqu'à cette mémorable séance publique du 
25 août 1753, il y a cent ans, dans laquelle, ici même, 
sous ces murs, à celte table, l'Académie entendait les 
trois premiers chapitres de l'Esprit des Lois, et devan- 
cat, suivant l'expression de l’un de mes savants pré- 
décesseurs, le jugement de la postérité sur ce livre 
immortel, en couvrant de ses applaudissements le 
Code de la raison et de l'humanité. 

Souvenirs impérissables et glorieux pour l'Académie 
de Bordeaux! auxquels se joint celui de tant de créa- 
tions utiles, de tant d'institutions durables, dues à son 
infatigable initiative. 

Longtemps avant la fondation du collége de chirurgie 


866 


établi en 1756, l'Académie, qui comptait dans sa com- 
position primitive huit médecins parmi ses vingt mem- 
bres, répandait la première le goût des sciences médi- 
cales et abordait les plus hautes questions dans l'art de 
guérir. 

Dès 1743, elle ouvrait un cours publie de physique 
expérimentale. La science lui doit une longue série 
d'observations météréologiques. Pendant quarante ans, 
elle a proposé un prix relatif à l'établissement des fon- 
taines publiques, dont notre cité va être enfin dotée. 

L'agriculture a, de tout temps, occupé l'une des 
premières places dans les travaux et dans la sollicitude 
de l'Académie. Les engrais, les marnes, les prairies 
artificielles, le croisement des races, l'éducation des 
abeilles, le défrichement des landes , tous ces grands 
progrès agricoles accomplis an XIX° siècle, avaient été, 
dès le siècle précédent, signalés par l'Académie; au 
génie des découvertes, elle avait offert ses couronnes, et 
souvent elle rencontra l’occasion de les décerner. 

Vouée aux lettres et aux sciences, l'Académie avait 
aussi appelé les beaux-arts autour de son berceau. De 
tout temps, la peinture et la sculpture furent repré 
sentées dans son sein par des artistes éminents; et son 
enfance fut comme bercée par cette séduisante fée qui 
a nom La Musique. Nos anciens Statuts voulaient que 
les séances publiques se terminassent par un concerL. 
L'art. 43 du Règlement primitif qu'approuva Louis XIV, 
et que semblent avoir inspiré Lulli et Rameau, portait 
ceci :—« La Compagnie s'assemblera deux fois la se- 
» maine au moins : une pour les sciences et belles- 


867 


» lettres, l'autre pour la musique et les arts. Les séan- 
» ces seront de deux heures au moins. » 

En 1715, sa vigilance se portait sur la conservation 
des monuments religieux et historiques; elle déposait 
ainsi un germe fécond pour l'avenir, et rendait un ser- 
vice réel à la science archéologique. 

C'est ainsi que, laborieusement et honorablement, 
l’Académie de Bordeaux accomplissait son œuvre d’é- 
mancipation dans nos provinces, touchant à toute 
chose utile, prenant l'initiative de toute pensée géné- 
reuse, de toute fondation importante dans le domaine 
des lettres, des sciences et des arts. 

Bientôt, elle fut à la fois honorée et enrichie par de 
nombreux encouragements; en faisant sa réputation , 
elle faisait aussi sa fortune, justifiant ainsi son autre 
devise : Utile dulci. 

Le premier, en 4720, M. le due de La Force lui con- 
sacrait une dotation de 60,000 livres. 

Plusieurs de ses membres, M. le docteur Cardoze , 
M. le président Barbot, M. l'abbé de Brey, lui léguaient 
leurs bibliothèques et leurs collections. Son patrimoine 
s'augmentait des libéralités de la science, de la magis- 
trature et du clergé. 

Mais au premier rang de ses bienfaiteurs, l'Acadé- 
mie à inscrit le nom du plus généreux de ses mem- 
bres , de M. Jacques Bel, conseiller au Parlement de 
Bordeaux et trésorier général de France. M. Bel, pro- 
priétaire de l'important hôtel où siège encore l'Acadé- 
mie, et de plusieurs maisons voisines, les légua à 
l'Académie par un testament en date du 28 août 1736, 


868 


dont il n’est pas hors de propos de rappeler quelques 
dispositions : 


» 


« Comme j'ai toujours eu pour principal objet l'hon- 
neur de ma patrie et l'avancement des sciences, je 
lègue à l'Académie des Sciences, Arts et Belles- 
Lettres de notre ville, dans laquelle j'ai eu l'honneur 
d'être recu académicien, une grande maison où je 
loge, située sur l’esplanade, comme aussi l'écurie 
qui la joint, et est à côté d’une maison que j'ai dans 
la rue Mautrait, laquelle je lègue pareillement à la- 
dite Académie, aussi bien que celle que j'ai dans la 
rue Poudiot, avec toutes leurs appartenances et dé- 
pendances; je lui lègue pareillement tous les livres , 
manuscrits, instruments de physique et mathémati- 
que, cartes, globes, et généralement tout ce qui se 
trouve dans ladite grande maison du ressort des arts 
et sciences ; ensemble, tous les meubles qui se trou- 
veront dans la galerie et le cabinet de la bibliothè- 
que... Lesdits legs faits à l'Académie, à la charge 
et condition, 4° que ladite Académie tiendra ses 
séances dans le lieu de ladite grande maison qui lui 
paraîtra convenable; 2 qu'elle donnera dans ladite 
maison un logement honnète au bibliothécaire, et 
disposera du surplus de la façon la plus utile à l'a- 
vancement des sciences, soit en y logeant quelques 
académiciens, ou en employant le revenu en achat 
de livres. » 

Le 19 février 1738, l'Académie tint séance chez 


elle; et sa main reconnaissante traça au-dessous du 
portrait de M. Bel cette inscription : 


869 


JAcoBus BEL, 
MUSARUM CULTOR ET AMIGUS , 
ACADEMIÆ SOCIUS 
ET BENEFACTOR INSIGNIS , 
HAS MUSIS ÆDES LIBROSQUE LARESQUE SACRAVIT ; 
IMMEMORAS Musas NON SINEIT ESSE sur. 


« Jacques Bel, ami et disciple des Muses, membre de l'Aca- 
» démie et son exceilent bienfaiteur, a consacré cet édifice 
» et ,ces livres aux Muses; aux Muses qui ne peuvent l’ou- 
» blier. » 


Je tiens peu à rappeler les longs démélés que l’Aca- 
démie eut à soutenir, à l'occasion de ce legs, avec la 
Jurade bordelaise; je n’en veux parler que pour dire 
que le débat fut terminé par une transaction que Mon- 
tesquieu avait préparée : c'était une consécration de 
plus du droit de propriété de l'Académie. Pendant la 
discussion, M. de Tourny avait proposé d'élever au 
Château-Trompette un édifice pour l'Académie, 

Mais bientôt gronda l'orage, et, le 8 août 1793, à 
ce moment où la Terreur couvrait la France de ruines 
et d'échafauds, le jour même où les honneurs de la 
séance étaient accordés à la concubine de Marat, la 
Convention, sur le rapport de l'abbé Grégoire, sup- 
prima les Académies et confisqua leurs biens : Les 
Académies, disaient alors ces ét anges législateurs , 
sont des foyers d'aristocratie intellectuelle. À ce 
souffle de mort, le foyer s'éteignit, l'obscurité remplaca 
la lumière, et la Muse monta sur l'échafaud avec André 
Chénier ! 

Ce ne fut qu'en 1797 que l'Académie de Bordeaux , 

56 


T0 
se reconstituant comme Société libre, reprit ses réu- 
nions et ses travaux; mais elle ne put reprendre ses 
biens. 

Depuis lors, l'Académie s'est trouvée réduite à n'a- 
voir plus qu'un asile précaire et trop restreint sous le 
toit de l'hôtel qui fut à elle et qui garde son nom. La 
munificence du bienfaiteur s'est convertie en une mo— 
deste hospitalité; du moins, le portrait et l'inscription 
restent comme un monument du bienfait de 1736 et 
de la spoliation de 1793. 

Et à côté de ce portrait, dans la Bibliothèque deve- 
nue municipale, se trouve aussi le beau buste de Mon- 
tesquieu, que le prince de Beauveau donna en 1768 
à l'Académie, dont il était membre. 

Ainsi dépouillée, par l'effet des révolutions, du pa- 
trimoine qu'elle devait à ses généreux fondateurs, 
l'Académie conserva du moins leurs traditions, et, à 
leur exemple, se montra, au XIX° siècle, animée du 
même amour pour les sciences, les lettres et les arts, tou- 
jours inspirée du même esprit, dévouée, comme au 
siècle précédent, à toutes les idées utiles : elle res- 
tait riche d'efforts et de nobles aspirations vers le bien 
et vers le beau. 

J'abuserais de votre attention si je suivais pas à pas 
l'Académie et ses travaux à cette époque d'apaisement 
et de reconstitution. Il me suffira de rappeler quelques- 
uns des noms qu’elle a inscrits dans ses fastes parmi 
les plus vénérés. Nommer les Jouannet, les Leupold , 
les Billaudel, les Guilhe, les Victor Desèze, les Cail- 
lau, les Lancelin, les Deschamps, c’est rappeler des 


871 


travaux éminents et un dévouement sincère aux scien- 
ces et aux lettres. 

Et maintenant, que la modestie de mes collègues me 
permette de leur rendre justice et de dire quel essor, 
quel utile élan l'Académie à su donner à ses travaux 
dans ces dernières années. Le public le sait, et l’en ré- 
compense en accourant en foule à son appel. 

C'est pour lui, plus que pour elle, que l'Académie 
regrette le patrimoine qu'elle a perdu. 

Notre municipalité bordelaise se propose, dit-on, 
dans les vastes projets que lui inspire un louable esprit 
d'amélioration, d'offrir à l'Académie une hospitalité 
moins parcimonieuse. La pensée de M. de Tourny ne 
serait pas perdue : son regard d’aigle aurait entrevu 
l'avenir. Honneur aux édiles de notre grande cité, qui 
sauront ainsi concourir à l'expansion du mouvement 
intellectuel et à la décentralisation littéraire, scienti- 
fique et artistique dans’ le Midi de la France ! Honneur 
à ceux qui comprendront qu'il n'y à pas, pour la mo- 
rale publique, de prescription contre le droit. 

Il viendra donc un jour, nous devons l'espérer, où 
l’Académie pourra recevoir, dans un local plus conve- 
nable et plus spacieux, l'élite de la société bordelaise, 
qui veut bien s'intéresser à ses travaux et les encoura- 
ger par son empressement; un jour, où le bienfait ne 
sera pas perdu, où le dépouillement aura été réparé. 
Jusque-là, l'Académie s’efforcera de se maintenir à la 
hauteur de son vieux renom et des flatteuses sympa- 
thies qui l'environnent, en méritant le reproche d'être 
un foyer d’aristocratie intellectuelle. 


IL 


873 


COMPTE RENDU 


TRAVAUX DE L'ACADÉMIE 


DES SCIENCES, BELLES-LETTRES ET ARTS DE BORDEAUX, 


pendant le cours de l'année 1853, Lu le 12 janvier 1854 ; 


PAR M. LE D° E. DÉGRANGES, 


SECRÉTAIRE GÉNÉRAL. 


Messieurs, 


Pour me conformer aux traditions des Sociétés scien- 
tifiques, mais plus encore, permettez-moi de le dire, 
pour contenter le sentiment qui m'anime de remplir en 
entier les fonctions que j'ai acceptées, je dois vous pré- 
senter un aperçu des travaux que vous avez accomplis, 
et des circonstances les plus importantes qui sont arri- 
vées dans cette période annuelle qui finit. 

Ma mission, en traçant ce Précis au sein d'une séance 
publique, à pour but spécial d'indiquer aux autorités 
locales, qui accordent leur protection à l'Académie, ce 
que celle-ci entreprend pour la mériter; et aux diffé 


874 
rents auteurs qui ont réclamé ses avis et ses jugements, 
les motifs sur lesquels ses décisions se sont fondées. Tels 
sont les avantages de ses réunions solennelles; car on 
ne comprendrait guère qu'elles eussent été instituées 
pour que votre Secrétaire vint reproduire devant vous 
des souvenirs qui vous sont purement personnels. 

Vous voulez que je sois bref; je le désire non moins 
que vous : tous les détails de cette séance m'y contrai- 
gnent. Il faut pourtant être exact. 

Je vais donc avoir l'honneur de vous présenter com- 
me une sorte de {able des matières du livre que vous 
avez écrit dans le cours de cet exercice annuel, et dont 
le recueil de vos Actes reproduira les principaux cha- 
pitres. 

Je placerai, en passant, quelques réflexions, pour la 
plupart empruntées à vos jugements, sur les ouvrages 
qui vous ont paru les plus importants. 


Les travaux proprement dits de l'Académie compren- 
nent l'examen et l'analyse des ouvrages imprimés et 
manuscrits soumis à la Compagnie par des correspon- 
dants ou bien des auteurs qui lui sont étrangers; de 
plus, les communications faites par les membres rési- 
dants pour accomplir le tribut annuel qu'exigent nos 
statuts. [l faut y joindre tout ce qui arrive par le fait 
d'initiative appartenant à chaque membre résidant. 
Ajoutons enfin tous les détails d'une correspondance 
qui s'étend chaque jour davantage, entretient les rap- 
ports de la Compagnie avec les auteurs et les Sociétés 
savantes, et lui forme de nouvelles relations. 


875 
Ces échanges de communications, une fois établis 


d'une manière convenable et bien réglée, deviendront 
les plus puissants éléments de vie et de progrès. 


Coup d'œil général sur les travaux de 1853. . 


Les ouvrages envoyés pour être soumis à votre exa— 
men ont été moins nombreux qu'en 1852 ( soixante- 
quatre au lieu de soixante-dix-huit }, Je ne veux point 
rechercher les causes de ce fait; les explications en se- 
raient toujours plus ou moins hasardées : on ne peut 
seruter l'initiative de la pensée humaine. Ces ouvrages 
ont été peut-être aussi moins dignes de votre attention. 

Le nombre des manuserits à été plus grand : vingt- 
deux au lieu de dix-neuf; ce qui laisse aux ouvrages 
imprimés le chiffre de quarante-deux pour cette année, 
et celui de cinquante-neuf pour l’année dernière. 

Les ouvrages offerts par des membres résidants ou 
correspondants et des auteurs étrangers qui n'étaient 
pas dans les conditions d’un rapport, ont aussi dimi- 
nué cette année : trente-quatre au lieu de quarante- 
quatre. 

Par contre, il résulte des relevés des procès-verbaux, 
que les relations de l'Académie ont augmenté. 

Cinquante-deux Sociétés françaises, établies dans 
trente-deux départements, vous ont fait passer leurs 
publications ; vous n’en aviez compté en 1852 que 
quarante-sept dans vingt-huit départements. 

Onze Sociétés étrangères, placées au sein de huit 


876 
nations et appartenant à trois parties du monde, ont 
suivi cet exemple; c'est encore un accroissement sur 
les cinq réunions scientifiques qui correspondaient pré- 
cédemment avec vous, au nom, pour ainsi dire, de 
quatre nations. 

Un fait encore : l'étendue que prennent les travaux 
de votre secrétariat montre combien votre influence 
grandit. 

Voici, comme exemple, le chiffre graduel des lettres 
officielles adressées, par votre Secrétaire général, au 
sujet des occupations sérieuses de l’Académie : 


Année 4851... 98 lettres. 
—  A852... 190 — 
— 1853... 160 — 


Huit groupes ou grandes divisions vont comprendre 
tous les sujets d'analyses ( imprimés où manuscrits } 
auxquels je dois toucher dans ce Compte rendu; ces 
divisions seront formées par des éléments rapprochés, 
pris dans le domaine des sciences, des lettres et des arts. 


4er GRouPE. —- Physique, Chimie, Mécanique; application de 
ces sciences. Astronomie. 


Sur treize ouvrages, je mentionnerai seulement : 

Des eaux thermales considérées sous le rapport 
de leurs propriétés physiques et de leur position 
géologique (manuscrit); par M. Marcel de Serres. 
Travail rempli d'érudition. 


877 
Reçu le 28 avril 1853; Rapport de MM. Fauré et 
Raulin, lu le 24 juillet suivant. 


Recherches sur l'allération des bronzes employés 
au doublage des navires; par M. Adolphe Bobierre, 
professeur de chimie à la chaire municipale de Nantes. 

Ces recherches, d'une très-haute importance prati-- 
que, furent entreprises à la demande du commerce de 
Nantes. Présentées plus tard à l'Institut, elles ont fait 
honneur à M. Bobierre, et doivent appeler l'attention 
spéciale des industriels et des constructeurs de na- 
vires. 

M. Manès vous a lu sur cette brochure un Rapport 
très-honorable pour l'auteur, et qui a été publié dans 
vos Actes (2° trimestre 1853 ). 

M. Bobierre à voulu prouver qu'il était digne de ces 
éloges en concourant pour la question de chimie agri- 
cole que vous aviez posée daus votre Programme de 
celte année, et en obtenant une médaille d'or. 

Ouvrage reçu le 3 novembre; Rapport fait le 4° dé- 
cembre 1853. 


Étude sur la stabilité des routes; par M. J. Car- 
vallo, ingénieur des ponts et chaussées. 

L'auteur à désiré que ce Mémoire imprimé füt dé- 
posé dans votre bibliothèque. 

Avant d'accomplir les intentions de cet hommage, 
vous avez acquis la preuve que, sous le point de vue 
scientifique, ce travail, fruit d'études opiniatres, méri- 
tait de justes éloges, 


€ 


878 


Reçu le 3 novembre; Rapport de M. Durand, lu le 
15 décembre 1853. 


Notice sur la roue à aubes courbes de la Poudrière 
d'Angoulême ( manuscrit}; par M. Louis Ordinaire 
de Lacolonge, inspecteur de la Poudrière de Saint 
Médard. 

Pour le fond de cette œuvre, l'Académie y a reconnu 
des idées neuves qui seront utilisées plus tard par la 
pratique. Dans la forme, elle a retrouvé l'ordre et la 
clarté qui distinguent les ouvrages de nos premiers hy- 
drauliciens. C'est un travail très-remarquable. Le Rap- 
port qu'en à fait M. Manès sera livré à l'impression. 
{ Voir plus loin. } 

Reçu le 3 novembre; Rapport de M. Manès, lu le 4er 
décembre 1853. 


Six brochures sur des sujets de physique et d'as- 
tronomie; par M. Emmanuel Liais, fondateur et se- 
crétaire de la Société des Sciences naturelles de Cher- 
bourg pour l'année 1852-53. 

Diverses questions, d’un ordre scientifique élevé, in- 
diquent suffisamment dans ce physicien un esprit très- 
instruit et très-pénétrant. 

Reçu le 3 novembre 4853 ; Rapport fait le 15 dé- 
cembre suivant, par M. Abria, au nom d'une Commis- 
sion dont il faisait partie avec MM. Fauré et Raulin. 


Trois dessins avec notes explicatives d'appareils 
destinés à empêcher la rencontre des trains engagés 


‘879 


sur des lignes courbes où les mécaniciens ne peu- 
vent assez tôt s'apercevoir pour arrêler les machines 
{manuserit }; par M. Fragneau, employé au Chemin 
de fer du Midi, section de Bordeaux à La Teste. 

Application rationnelle et très-ingénieuse des pro- 
priétés de l'électricité dynamique. L'appareil est sim— 
ple, facile à exécuter, aisé à surveiller dans la pratique. 

L'Académie pense qu'il peut rendre de véritables ser- 
vices sur les chemins de fer, non-seulement à une seule 
voie, mais encore à deux voies. Elle veut faire connai- 
tre toute sa sympathique satisfaction pour l'inventeur, 
en lui décernant une médaille d'argent grand module, 
et en imprimant dans ses Actes le Rapport de sa Com- 
mission, ( Voir ci-après. } 

Reçu le 1° décembre 1853; Rapport fait le 15 dé- 
cembre suivant, par MM. Abria et Manès ‘. 


1 Voici le complément des ouvrages rangés dans ce premier groupe : 


Nouvelle théorie sur l’aérostatique, avec dessin d'une machine ( manus— 
crit); par M. G. Dezeimeris. 

Mémoire sur une machine à vapeur surchauffée, propulseur à double effet, 
chaudière à appareil générateur de vapeur seconde (manuscrit ); par le 
mème auteur. 

Voiles horizontales, courbes, brisées, à orientation naturelle, avec un 
dessin ( manuscrit )k par le même auteur. 

Ces Mémoires, envoyés le 10 février et le 21 avril, ont été soumis à l'examen 
de MM. Baudrimont, Abria ct Manès. Rapport de M. Manès sur les deux pre— 
miers manuscrits, lé 26 mai; conclusion défavorable. La Commission déclare 
qu'il n°y à pas lieu de faire uu Rapport sur le troisième manuscrit. 

Quelques machines hydrauliques applicables à plusieurs sortes d'usage, 
mais plus particulièrement à l'élévation des eaux ( brochure in—49 ); par 
M. F. Duburguet, principal du Collége de Marmande. 

Reçu le 10 février; Rapporteur, M. Baudrimont. 

Note sur un nouveau moteur à bobine, électro-magnétique et électro— 


880 


2° GRouPE. — Sciences médicales et philosophiques ; 
Hygiène publique. 


Cinq Mémoires y sont inscrits. Je n'appellerai main- 
tenant votre altention que sur trois d'entre eux *. 


C'est peut-être une des questions de philosophie ju- 
diciaire et de médecine mentale la plus importante de 
notre siècle, que celle ayant trait à l’une des formes 
de l’aliénation pouvant devenir la cause de crimes ou 
délits. 


aimant combinés, nouvelle application des sciences physiques , pouvant servir à 
l'industrie ( manuscrit ) ; par M. Charles Dubos, doreur à Bordeaux. Priorité 
de l'invention réclamée par l’auteur. 

Reçu le 21 juillet; Rapport de M. Manès, le 4 août, au nom de M. Abria et 
au sien. 


Mémoire sur la comète de 1853 ( manuscrit ); par M. Ludovic de Cazenave 
de Libersac. 
Reçu le 3 novembre; Rapport de M. Abria, lu le 1°" décembre ; peu favorable. 


Maladie du pain; son influence sur la subsistance et sur la santé ; moyens 
à lui opposer ( manuscrit ); par M. P. Paulet, docteur—-médecin. 

Envoyé le 19 novembre; Rapport fait par M. Fauré, le 29 décembre. Re— 
merciments à l’auteur pour ses bonnes intentions. — Grandes difiicultés d’appli— 
cation dans certains moyens administratifs qu’il propose pour les communes rurales. 


! Les deux autres sont : 


Une brochure de M. Vingtrinier, sur l'utilité de la sévère exécution des lois 
sur la police des cimetières. 

Reçu le 24 février; Rapport de M, Costes, le 7 juillet. 

Atlas de plessimétrie ( volume du Traité de Médecine pratique ); par M. 
P.-A. Piorry, professeur de clinique médicale à la Faculté de Médecine de Paris. 

Envoyé le 14 avril; Rapport fait le 7 juillet, par M. Baudrimont, au nom 
d'une Commission dont il faisait partie avec MM, Costes et Burguct. 


dim 


s81 

Il y a cinquante ans, quelques médecins aliénistes 
l'ont soulevée en principe et en ont reproduit les cir- 
constances. Depuis ce temps, d'autres hommes prati- 
ques la soutiennent avec ardeur contre la majorité, il 
faut le reconnaitre, des magistrats de notre époque, 
qui lui opposent l'interprétation rigoureuse de la loi et 
une incrédulité presque absolue sur les observations 
faites par la science médicale. 

Des faits avérés ont pourtant été recueillis, et ont fixé 
désormais une science restée pendant longtemps in- 
certaine. 

M. Vingtrinier, votre correspondant, médecin en chef, 
depuis trente-sept ans, de la prison de Rouen, vient 
d'en publier qui ont obtenu une authenticité complète. 
Sa brochure est intitulée : Des aliénés dans les pri- 
sons el devant la justice. 

Il résulte de ses calculs, suivis avec assiduité, len- 
teur et conscience, que sur 43,000 accusés, l'existence 
d'une forme de folie a eu lieu sur 264 : proportion de 
6 à 4,000, 

L'auteur émet le vœu que ses collègues des autres 
prisons départementales fassent connaitre le contingent 
de leurs observations sur ce sujet, et que toutes les fois 
qu'un détenu sera soupçonné d'aliénation, on le sou- 
mette à l'observation d'un ou plusieurs médecins. 

L'Académie a écouté avec une religieuse attention le 
Rapport qui faisait connaitre les résultats de la longue 
expérience de M. Vingtrinier. La justice, d'après elle, 
pourrait voir, par les chiffres de cet auteur, que la 
médecine n'attribue pas toujours le crime à un désor- 


882 


dre maladif de l'organisation physique, puisqu'elle trouve 
1,000 coupables pour 6 fous, mais qu’exceptionnelle- 
ment il en peut être ainsi, et qu'alors la loi ne devrait 
pas frapper des individus dépouillés de leur liberté mo- 
rale, laquelle doit toujours exister pour qu'il y ait erime. 

La Compagnie s'est également souvenue que, dans 
plusieurs graves circonstances judiciaires, la haute sa- 
gesse des magistrats de Bordeaux s'était renseignée 
près de la médecine mentale, et avait ainsi devancé 
les intentions scientifiqnes de M. Vingtrinier. 

Espérons que le législateur introduira dans la loi les 
réformes sollicitées par l'humanité. 

Cette brochure, reçue le 24 février, a été analysée 
par M. le D" Costes, le 7 juillet. 


Une idée philanthropique, qui rentre dans le plan 
bien compris de l'assistance publique, c’est l'établisse- 
ment, dans les grandes villes, de buvettes d'eaux mi- 
nérales, utilisées à distance des sources qui les fournis- 
sent, el destinées aux classes indigentes. M. Jules Fran- 
çois, ingénieur en chef des mines à Bagnères-de-Bi- 
gorre, après Sêtre livré pendant six ans à une étude 
fructueuse sur l'amélioration du régime des principa- 
les eaux thermales de France, a développé les idées 
généreuses qui viennent d'être résumées. 

On trouve la preuve de ces travaux spéciaux dans le 
manuscrit envoyé par l'auteur : Vote Mmstorique et 
descriptive de la buvette d'eau sulfureuse de la Bas- 
serre établie aux bains de Réas. 

L'Académie a joint ses vœux à ceux de M. J. Fran- 


.. 


883 
cois, pour laccomplissement de ses efforts en faveur 


de la classe indigente et souffrante. 
Reeu le 31 mars ; Rapport de M. Manès, lu le # août. 


Les établissements industriels pour l'élève et la mul- 
tiplication des sangsues dans les marais environnant 
Bordeaux, ont fait naître et entretiennent au milieu de 
nous de vives discussions, quel que soit le point de vue 
où l'on se place, administratif, agricole et hygié- 
nique. 

Une expérience de quatre années a dû fixer les es- 
prits désintéressés, sur le présent et sur l'avenir de cette 
industrie. 

C'est au bout de ce temps, et après le Rapport déei- 
sif du Conseil d'Hygiène publique, que M. le D' Char- 
les Levieux à fait paraitre ses Études hygiéniques sur 
l'élève des sangsues dans la Gironde. 

Cette brochure, qui exprime les opinions personnel- 
les de l'auteur, et sérieusement composée, contient les 
recherches consciencieuses et utiles pour bien traiter 
ce sujet, et touche dans ses conclusions au cœur même 
de celui-ci. 

Vu l'importance du sujet, j'analyse ses conclusions : 

Établissements pour l'élève des sangsues rangés au 
nombre de ceux réputés insalubres de première classe, 
et ne pouvant se former sans autorisation préalable ; 

Renouvellement exigé des eaux courantes qui ali- 
mentent ces établissements ; 

Défense de livrer en pèture, aux sangsues, des che- 
vaux où autres animaux vivants ; 

Interdire la vente des sangsues gorgées. 


SS4 


Cette brochure constitue un acte de courage, en 
même temps qu'elle est une œuvre de vérité. 

Brochure envoyée le 3 novembre; Rapporteur, M. 
Costes. 


3° GROUPE. — Agriculture, Zoologie, Paléontologie, 
Géologie. 


Treize Mémoires vous sont parvenus se rapportant 
aux sciences naturelles. 

Le sujet de la maladie de la vigne est malheureuse- 
ment à l'ordre du jour, mais n’a produit encore que 
bien peu de résultats, quoique beaucoup d'auteurs aient 
voulu le traiter. Comme pour toutes les grandes épidé- 
mies, il est à croire que, malgré les efforts humains, 
les causes en resteront ignorées, les remèdes proposés 
avec tant de profusion seront ineflicaces, et que le fléau 
disparaitra par des voies seules que nous ne pouvons 
sonder. 

En attendant, vous avez reçu un grand nombre de 
communications manuscrites et imprimées dont l'exa- 
men doit revenir à la Commission officielle et perma- 
nente établie par M. le Préfet de la Gironde, et qui 
ont été déjà renvoyées à qui de droit. 

Il vous en est arrivé de Toscane, émanées de M. le 
professeur Cuppari ‘ et de M. le marquis Ridolfi *. Ces 
œuvres sont faites avec talent. 


‘ Recherches sur la maladie régnante de la vigne en 1851. 

? Discours prononcé en août 1851 devant l’Académie des Georgophiles de 
Florence. 

Reçus le 10 février; Rapports de M. Charles Des Moulins, le 24 du même mois, 


885 

De Toulouse, envoyées, avec une persistance pleine 
d'un zèle louable, par M. Dessoye, secrétaire de la 
Chambre consultative d'Agriculture *. 

De Lyon, expédiées par M. C.-L. Féchet, membre 
de l'Académie Impériale Agricole et Manufacturière *, 
et de beaucoup d'autres endroits de la France et de l'é- 
tranger. 

Enfin, de Bordeaux, offertes comme un hommage, 
par M. E. Barincou et par M. de Lavergne *. 

Avec ces derniers travaux se trouvent ceux de la 
Commission de la Société Linnéenne *, qui ont été ac- 
cueillis avec intérêt à cause de leur importance et de 
la Société recommandable qui nous les adressait. 


Que vous dirai-je de plusieurs ouvrages d'anatomie 


* Plusieurs Mémoires manuscrits sur la maladie de la vigne. 

Maladie et guérison de la vigne ( brochure in-12 ); 

Mémoire in-40, rédigé sur les Programmes des prix proposés par la Société 
d’Encouragement pour l'Industrie nationale. 

Recus le 24 février, le 18 août, le 3 novembre 1853; Rapports de M. Char- 
les Des Moulins, le 31 mars et le 17 novembre. 


? Remède infaillible éprouvé et peu dispendieuxz pour préserver la vigne 
de la maladie appelée oïdium tukery. Brochure in-18. 


? Lettre manuscrite de M. Barincou, écrite sur le brossage des grappes de 
la vigne. 

Mémoire sur la maladie ds la vigne ( brochure in—8 ). 

Ces trois derniers ouvrages ont été reçus le 31 mars, le 8 août et le 3 no- 
vembre; Rapports de M. Charles Des Moulins, le 17 novembre. 


* Compte rendu des travaux de la Commission instituée par la Société 
Linnéenne de Bordeaux, pour l'étude de la maladie de la vigne pendant 
l'année 1852. 

Envoyé le 31 mars; Rapporteur, M. Baudrimont. 


1 


ot 


886 
et de physiologie comparées ?, que M. le D' Martin- 
Saint-Ange, leur auteur, vous a fait parvenir? si ce 
n'est qu'ils ont été déjà justement couronnés par les plus 
hauts corps scientifiques de France, et ont assis, parmi 
les savants naturalistes et physiologistes de l'époque, la 
réputation méritée de celui qui les a conçus et exécutés. 


Deux Mémoires imprimés, de M. Marcel de Serres, 
professeur à la Faculté des Sciences de Montpellier, et 
de M. J. Thurmann, président de la Société Juras- 
sienne d'Émulation , sont venus dignement représenter 
la partie si diflicile et philosophique des investigations 
humaines, laquelle s'occupe des questions relatives aux 
espèces fossiles, et à la disposition des divers terrains 
formant la chaine des montagnes. 

Le premier Mémoire imprimé est divisé en six cha- 
pitres et se termine par un savant résumé où se (rou- 
vent rapprochés et commentés avec sagacité tous les 
détails connus sur les causes de la plus grande taille 
des espèces fossiles, comparées aux races actuelles. 
Ces espèces ne paraissent pas avoir été de plus grande 
taille que les races actuellement vivantes; peut-être le 
contraire at-il eu lieu. 


1 Mémoire sur un placenta à deux lobes symétriques chez un fœtus de 
ouistitr. 

Recherches anatomiques et physiologiques sur les organes transitoires de 
la métamorphose des batraciens 

Anatomie analytique ; circulation considérée chez le fœtus, dans l'hom- 
me, el comparativement dans les quatre classes d'animaux vertébrés 

Envoyés le 14 avril; Rapport le 9 juin, par M. Costes, au nom d'une Com 
mission dont il faisait partie avec MM. Burguet et Baudrimont. 


887 

Recu le 3 novembre; Rapport fait le 29 décembre, 
par M. Raulin. 

Le deuxième Mémoire n’est formé que par des ex- 
plications au sujet de trois planches représentant, lune 
la carte géologique et géographique du Jura oriental; 
l'autre, quinze coupes transversales des masses de ce 
système de montagnes; enfin, la troisième, douze as- 
pectslongitudinaux de cesmèmes éléments inorganiques. 

Des remerciments et des félicitations ont été votés 
par vous à ce travail pratique de M. Thurmann, ayant 
pour titre : Esquisses orographiques de la chaîne du 
Jura, à l'effet d'encourager l'auteur, qui n'a effectué 
encore que la première partie de son plan. 

Reeu le 4° déc. ; Rapport fait le 22 du même mois. 


En finissant ce paragraphe, je ne dois pas oublier 
une circonstance qui à excité votre satisfaction et qui 
vous inspire des espérances pour l'avenir. 

Un jeune docteur ès sciences naturelles, au moment 
de quitter la France pour aller se livrer, dans des cli- 
mats lointains, à de laborieuses mais fructueuses ex- 
plorations, vous à fait passer, par la main amie d'un 
de nos honorables collègues, deux thèses qu'il venait 
de soutenir, l'une sur la géologie ‘, l'autre sur la 300- 
logie *. Il vous a offert aussi d'élucider dans ses voya- 
ges les questions qui vous intéresseraient. 


* Sur l'origine et La formation des terrains et des meulières des terrains 
tertiaires. 

? Mémoire sur les pièces solides des stellérides, 

Ouvrages reçus le 25 novembre 1852; Rapport fait le 10 févricr 1853, par 


888 


M. Albert Gaudry, leur auteur, attaché au Muséum 
d'Histoire naturelle de Paris, a pénétré de la manière 
la plus remarquable dans l'étude intime des {rois sys- 
tèmes de pièces solides des stellérides (veuillez excu- 
ser ces mots techniques ). 

Tout est neuf dans ce travail, depuis les magnifi- 
ques figures dessinées au microscope, jusqu'à la no- 
menclature des pièces, pour laquelle on n’a fait aucun 
appel au néologisme , si commun de nos jours *. 


4° Groupe. — Philosophie et Linguistique. 


Dans cette catégorie scientifique sont rangés {rois 
ouvrages qui ont de la valeur. 

Deux sont issus de la plume de M. Ernest Renan, 
agrégé de philosophie et employé au département des 
manuscrits de la Bibliothèque Impériale de Paris. 

La philosophie du douzième siècle, représentée par 
Averroès, et contenue dans les livres de celui-ci, à 
été l'objet soutenu des recherches et des études de cet 


M. Raulin, en son nom et ceux de ses collègues, MM. Baudrimont et Charles 
Des Moulins. 

1 Nous enregistrons pour compléter ce 3° groupe : un Mémoire manuscrit sur 
le Haut-Agenais, Fumel el ses environs; Recherches géologiques, botaniques 
et météorologiqups; par M. Ludovic Combes, pharmacien. 

Envoyé le 14 février. Commission composée de MM. Fauré, Raulin et Ma= 
gonty; Rapport de M. Raulin, le 26 mai. Remerciments. 

Recherches sur les pommes de terre depuis 1768 ; leur dégénération et 
leur régénération progressive prouvées par des faits; par M. Le Roy Mabille. 

Reçu le 9 juin; Rapporteur, M Petit-Laftte. 

Cinq brochures sur divers sujets d'histoire natur2lle et de philosophie ; par 
M. Jean Gistel dit Tilesius, docteur en philosophie et en médecine. Leipsiq 1836. 

Envoyé le 3 novembre; Rapport favorable de M. G. Brunet, le 16r décembre. 


889 

auteur, dont plusieurs autres travaux ont été appréciés 
et récompensés par l'Institut. Une profonde érudition ; 
une pénétrante intelligence concernant les dogmes de 
l'école arabe et de celle d’Aristote, dont le professeur 
et le magistrat de Maroc fut le commentateur ; la con- 
naissance parfaite des principes psycologiques, cause de 
tant de discussions entre Averroës, les théologiens chré- 
tiens, et même les Juifs et les mahométans:; un désir 
réel de faire connaitre la vérité historique et philosophi- 
que, tels sont les caractères remarquables de ce livre *. 

M. P.-G. de Dumast, l'un des membres les plus éru- 
dits de l'Académie de Nancy, est l'auteur de l'autre 
ouvrage, intitulé : l’Orientalisme rendu classique, 
fragment d'un Mémoire sur les moyens de ranimer 
et d'utiliser la Faculté des Lettres, suivi d’une lettre 
sur la langue perse. Il exprime, en termes qui parais- 
sent très-compétents, l'utilité qu'il y aurait pour l'his- 
toire de la littérature ‘et des sciences, de voir établir 
par le gouvernement une chaire de sanscril et d'arabe 
dans les Facultés des Lettres; ce serait non-seulement, 
d'après lui, le moyen de propager les langues orienta- 
les, mais celui de les sauver peut-être de Foubli; car 
qu'importent les travaux des Volney, des Champolion, 
des Eugène Burnouf, etc., si l'on ne donne pas un es- 
sor à la propagation de leurs recherches! 


Depuis la lecture en assemblée publique de ce court aperçu, M. Gustave 
Brunet, organe de la majorité de la Commission, a fait son Rapport, dans la 
séance du 2 février 1854, sur l'ouvrage de M. Renan, Ce Rapport, tout en ac- 
cordant des éloges au talent de l’auteur, a combattu quelques-unes de ses opinions 
philosophiques comme erronées et comme contraires aux croyances religieuses. 


890 
L'auteur du travail sur Averroès se retrouve sur le 
même domaine que celui dont nous venons de parler, 
alors qu'il traite, dans une brochure dont vous avez 
reçu un exemplaire, des éclaircissements tirés des 
langues sémitiques sur quelques points de la pro- 
noncialion grecque. 


5e Groupe. — Sciences morales et historiques ; Jurisprudence; 
Pédagogie. 


Cette division est riche en travaux dont la plupart 
méritent une véritable estime; ils sont au nombre de 
dix. On y trouve : 

Harmonies et perturbations sociales, esquisse des 
œuvres de Bastiat, suivie de quelques considéra- 
tions, par M. Jules Martinelli, œuvre dans laquelle 
l'auteur, éclectique en économie sociale, commence par 
analyser le livre des harmonies de Bastiat; puis, guidé 
par ses propres convictions, expose ce qu'il pense, sur 
l'organisation de la société, en termes indépendants qui 
ne s'inspirent que de sa conscience et ne cherchent 
d'appui que dans sa raison. 

Ce livre est fait de bonne foi, sans passion, et avec 
le talent de style et de pensées qui distingre M. Jules 
Martinelli. 

Recu le 9 décembre 1852; Rapport de M. Darrieux, 
le 4° décembre 1853. 


Guillaume le Taciturne | prince d'Orange, comte 
de Nassau), et les Pays-Bas, depuis l'abdication de 


891 
Charles - Quint jusqu'à l'année 1584, par M. Eu- 
gène Mahon de Monaghan , où l'on remarque plusieurs 
des véritables qualités littéraires et morales de l'histo- 
rien : faits bien exposés, classés avec méthode; cor- 
rection, sobriété dans le style; sympathie pour les sen- 
tüiments de tolérance et de patriotisme; il fait aimer 

Guillaume et haïr Philippe IL. 
Reçu le 10 mars; Rapport de M. Saugeon, lu le 26 
mai, au nom d'une Commission dont il faisait partie 

avec MM. Delpit et Darrieux. 


Une brochure, intitulée : Bataille de Jules-César 
contre les Nerviens, lettre à MM. les Membres de l'A- 
cadémie de Belgique, par M. Arthur Dinaux, et dans 
laquelle se trouve éclaireie une question géographique, 
sur la véritable position du lieu de ce combat. 

Reçu le 26 mai; Rapport de M. Saugeon, le 4 aout. 

L'Essai sur l'histoire de la ville et de l'arrondis- 
sement de Bazas, depuis la conquête des Romains, 
et l'Essai sur Verdelais, voyage historique et pitto- 
resque à l'antique monastère du Luc, par M. OReilly; 
compositions correctes, sagaces, qui renferment de 
nombreux matériaux chonologiques et historiques. 

Reçus le 21 juillet; Rapport de M. de Bourdillon, le 
18 août. 


L'Histoire de la ville et du port de Rochefort, par 
MM. Viaud et Fleury; fruit de longues recherches et 
d'un travail consciencieux. Matériaux utiles et inté- 
ressants pour l'histoire locale. 


892 
Recu le 28 avril, Rapport de M. Morel, le 29 dé- 
cembre. 


L'Histoire des rois de France, par M. Charles 
Malo. Résumé exact et clair des idées de nos meilleurs 
historiens contemporains. 

Reeu le # août; Rapport fait le 22 décembre, par 
M. Saugeon. 


Le 4° volume de l'Histoire du Droit français , de 
M. Laferrière, inspecteur général des Facultés de Droit, 
contenant l'analyse pleine d'intérêt et de savoir de lé- 
poque féodale aux points de vue du droit public et du 
droit privé. 

Reeu le 43 janvier; Rapport de M. H. mat lu 
le 4% avril et le 7 juillet. 


Enfin, les Nouvelles étrennes de l'enfance, peu- 
tes lectures illustrées à l'usage des écoles de sourds- 
muets et des salles d'asile; par M. Valade - Gabel, 
directeur honoraire des institutions de Bordeaux et 
de Paris, membre correspondant, pour préparer les 
sourds-muets à la lecture, et leur représenter un des- 
sin de l'objet qu'on veut leur faire connaitre et leur 
faire exprimer par des signes. 

L'auteur, dans cette composition, rend un nouveau 
service à la science qui s'occupe de l'instruction de 
cette classe malheureuse d'enfants. 

Rapport de M. Morel, le 29 décembre * 


* Nous mentionnons, pour achever ce groupe, une brochure ayant pour ti= 


893 
6° GROUPE. — Œuvres dramatiques. 


Trois ouvrages manuscrits et un ouvrage imprimé 
sont réunis dans ce paragraphe. 

Deux comédies en vers ‘ et un drame en prose ? ne 
doivent pas arrêter longtemps mon analyse. Quelques 
vers heureux se retrouvent dans l'une d'elles, Une 
École en politique. 

L'œuvre imprimée contient des esquisses ou sujets 
dramatiques destinés à servir de thèmes aux jeunes 
auteurs, et où ceux-ci pourront quelquefois puiser 
avec avantage. Cet ouvrage, en deux volumes in-12, 
appartient à M. Boucher de Perthes. 

Recu le 31 mars; Rapport de M. de Gères, le 21 
juillet. 


7e GROUPE. — Littérature et Poésie 


« 


Près de treize auteurs se sont présentés à vous, por- 
tant dans leurs mains des œuvres de prose ou des vers. 
Sous le pseudonyme de Fritz (de la Gironde}, M. 


tre : Le Scalpel, traité de philosophie passionnelle ; par M. Hippolyte de Vives. 

Recu le 3 nov.; Rapport peu favorable fait le 1er déc., par M. Duboul. 

Une École en politique en 1850, comédie en trois actes et en vers, par 
M. E. Massip. 

Les Tribulations d'une mère, comédie en trois actes et en vers, par M. 
Stepheen Léonde. 

Reçues le 9 décembre 185? et le 13 janvier 1853 ; Rapports de MM. Sau- 
geon et Duboul, lus le 10 mars et le 14 février 1853. 

? Un Pensum, drame en cinq actes et en prose. 

Reçu le 28 août; Rapport de M. Desmartres, le 29 décembre suivant. 


894 


F. Bacque vous à communiqué ‘quatre nouvelles écrites 
d'un style élégant et semées de détails ingénieux. 

Reçu le 19 février; Rapport fait par M. Delpit, le 10 
mars. 


Un Éloge (manuscrit) du cardinal de Cheverus, 
présenté au Concours de 1852, et modifié d'après les 
remarques de la Commission, vous a été de nouveau 
soumis par son auteur. Cet acte de déférence a été ap- 
précié par la Compagnie, qui adresse à M. Arbanère 
tous ses vifs remerciments. 

Mémoire envoyé le 19 juin; Commission composée 
de MM. Costes, Cirot, Blatairou, et Darrieux, rappor- 
teur; Rapport dans la séance du 8 décembre. 


Comme tout le monde, Messieurs, vous aimez à en- 
tendre les doctrines de la science professées avec foi et 
développées avec verve et esprit; comme tout le monde, 
vous applaudissez ( circonstance rare! ) aux accents de , 
l'éloquence : voilà pourquoi votre satisfaction a été ex- 
citée par la lutte brillante qu'a soutenu M. le D' Jean- 
nel, sur la certitude médicale et l'amélioration des 
lois qui régissent l'exercice de la médecine, et sur 
la nécessité de combattre les hérésies médicales. 

Brochures envoyées, avec l'hommage de l’auteur, le 
28 avril et le 15 décembre; rapporteurs, MM. H. Bro- 
chon et Vaucher; lecture du Rapport de M. H. Bro- 
chon, le 7 juillet. 


Vous avez pu reconnaitre également les nombreuses 


895 
ressources que possède la plume exercée et facile de 
son antagoniste 


M. Lucien de Rudelle vous à offert la traduction du 
premier chant du Paradis perdu de Milton, en vers 
écrits dans le dialecte du Rouergue ( patois de Rhodez ). 

Cette œuvre étendue est faite avec soin et avec gout. 
L'auteur connait parfaitement toutes les ressources de 
l’idiome du Rouerguais; il n’est pas moins familier avec 
les vers de l'immortel auteur du Paradis perdu, dont 
il fait connaître la langue avec beaucoup d'habileté. 

OEuvre reçue le 3 novembre, analysée par M. G. 
Brunet, le 4°" décembre. 


Enfin, entre plusieurs compositions en vers, s'élève, 
en les dominant, le volume de fables, contes et autres 
poésies, par M. Valéry Derbigny, membre correspon- 
dant de l'Académie. : 

Cet auteur se fait lire avec intérêt, quoique son li- 
vre appartienne à un genre de composition littéraire 
où existent tant de chefs-d'œuvre. Il est en général in- 
génieux, vrai, élégant, dans le fond comme dans la 
forme de ses fables. 

Volume reçu le 17 novembre, analysé par M. Du- 
boul; Rapport le 8 décembre *. 


‘ De l’Incertitude de la médecine, à propos d'une brochure de M. le doc- 


teur Jeannel , sur La certitude en médecine ; par M. Saint-Rieul Dupouy. 
Reçu le 12 mai; Rapport de M, H. Brochon, le 7 juillet. 


? Voici le complément de ce 7® groupe : 


La Veillée d'un grognord, où Récit historique, petit poëme manuscrit divisé 


896 


8° GROUPE. — Beaux-Arts. 


Un manuscrit et trois ouvrages imprimés composent 
celte dernière division de mon compte rendu. 

M. F.-George Hainl, premier chef- d'orchestre au 
Grand-Théâtre de Lyon, vous a fait hommage du dis- 
cours prononcé par lui le jour de sa réception à l'Acadé- 
mie de cette ville. Ce morceau, intitulé : De la musique 
à Lyon, depuis 1715 jusqu'à 1852, contient des par- 
ticularités sur l'art musical dans celte cité, ainsi que 
l'appréciation et l'énumération des artistes lyonnais les 
plus renommés. Il émet le vœu, généralement partagé, 
qu'un Conservatoire de musique, succursale de celui de 
Paris, soit établi dans les grandes villes de France, 
subventionné par les administrations locales et par 
l'État. On trouve dans ce travail un amour éclairé des 
arts et plusieurs réflexions critiques dont plusieurs mé- 
ritent d'être approuvées. 

Recu le 10 février; Rapport de M. H. Brochon, le 
4% avril. 


L’essai sur l'enseignement du dessin el de la pein- 


en quatre chants, avec prologue et épilogue; par M. Léon Treille, de Mar— 
mande. 

Ecregistré le 14 avril; Rapport de M. de Gères, lu le 7 juillet. 

Épitre à un jeune homme: par M. D'’Aussy. 

Lue dans la séance du 18 août. 

Traduction en vers français des Amants vengés, ou Précieuses ridicules de 
Molière; par M. Raymond Lannigrand. 

Ouvrage recu le 3 novembre; Rapport défavorable, lu par M, Saugeon, rap— 
porteur, dans la séance du 22 décembre. 


‘897 


ture, ainsi que l'appréciation du Christ aux plaies, 
marbre de M. Émile Thomas, statuaire, ont fixé l'at- 
tention des artistes que vous possédez parmi vous. 

Le premier Mémoire (manuscrit), dû à M. La- 
pouyade, président du Tribunal civil de La Réole, vo- 
re membre correspondant, est rempli d'une profonde 
érudition, qui à puisé ses recherches sur les beaux-arts 
à toutes les sources. Ses raisonnements sur la peinture 
sont judicieux, mais paraissent peut-être un peu trop 
influencés par les souvenirs de l’école qui dominait au 
commencement de ce siècle. 

Recu le 21 juillet; Rapport de M. Léo Drouyn, le 
17 décembre. 


Dans le second travail, émanant du Comité central 
des Artistes de Paris, la pensée de M. Émile Thomas 
est analysée. Ce statuaire s’est efforcé d’unir la beauté 
de la forme matérielle à la profondeur de l'expression 
mystique. 

Recu le 7 juillet; analysé par M. Léo-Drouyn, le 4°° 
décembre. 


Nous sommes maintenant en présence d'une Revue 
de l'Exposition de la Société des Anns des Arts de 
Bordeaux, pour l'année 1855 *. 

Le salon de peinture à produit le critique qui à su 
l'analyser avec intelligence. C'était le résultat néces- 
saire d’une œuvre bien comprise : l'union de la littéra- 


1 Brochure reçue le 1er décembre, ahalysée par M. de Gères, le 8 du même 
mois. 


898 


ture aux beaux-arts. M. Laurent Matheron à consacré 
cette alliance par des appréciations consciencieuses, 
préparées avec soin et tracées avec fermeté. 

L'Académie saisit cette occasion pour applaudir aux 
efforts heureux qu'a faits la Société des Amis des Arts 
de Bordeaux pour amener le mouvement de décentrali- 
sation artistique, dont notre ville apprécie les avan- 
tages. 

Ce mouvement a stimulé le talent et a ranimé le 
goût. Il a été possible d'étudier et de comparer les œu- 
vres des peintres de toutes les parties de la France, 
ainsi que de la Belgique et de ltalie. Depuis trois an- 
nées que des appels ont été faits aux artistes, les acqui- 
sitions opérées, soit par le gouvernement, soit par la 
ville, les particuliers, ou la Société elle-même, se sont 
élevées à une somme de près de 115,000 fr. D'aussi 
importants services rendus à la cité et aux artistes mé- 
ritent tous nos éloges. L'Académie s'empresse d'offrir 
l'expression de sa gratitude à ceux de ses compatriotes 
qui ont concu et encouragé cette généreuse et noble 
fondation. 


Lectures des Membres résidants. 


Ces lectures ont été cette année au nombre de neuf, 
pour faire connaitre des Mémoires ou pièces inédites ; 
ce nombre est moins élevé que celui de l'année dernière. 

Voici l'ordre dans lequel elles ont eu lieu : 

M. Saugeon : Fragment historique : Ébroën et Saint- 
Léger. (Séance du 31 mars. ) 

M. Delpit : Fragments de l'histoire des Arts à 


-899 


Bordeaux : L'Académie de Peinture et de Sculp- 
ture sous Louis XIV. (Séance du 44 avril 4853. ) 

M. Baudrimont : Histoire des Basques ou Escual- 
dunais primitifs. ( Séance du 12 mai.) 

M. Blatairou : Observations sur la nature de la 
malière et sur les causes des phénomènes qui ont 
pour objet le monde matériel et le monde psycologi- 
que. ( Séance du 23 juin. ) 

M. Dabas : De la comédie d'Aristophane, intitu- 
lée : les Ecclésiazuses , où l'Assemblée des Femmes. 
(Séance du 21 juillet.) 

M. Durand : De l'ornementation intérieure des 
églises au moyen âge, et spécialement de la pein- 
ture murale. | Séance du 21 juillet. ) 

M. de Gères : La Lampe du Sanctuaire, poésie. 
{ Séance du 21 juillet. ) 

M. Gustave Brunet : Mémoire sur une nouvelle 
édition des Essais de Montaigne. 

Elle pourrait être entreprise sous les auspices de 
l'Académie; et il y aurait moyen de la rendre bien pré- 
férable à toutes les éditions précédentes, en s'aidant de 
l'exemplaire chargé de corrections et additions auto- 
graphes que possède la Bibliothèque de la ville, et en 
complétant les travaux des divers commentateurs qui 
ont pris le texte des Æssais pour sujet de leurs re- 
cherches. | Séance du # août. ) 

M. Léo Drouyn : Quelques châteaux du moyen âge 
dans la Gironde et la Dordogne; châteaux de plai- 
nes, châteaux de côtes. ( Séance du 18 août.) 


900 


Travaux envoyés par les Membres correspondants. 


Le nombre des correspondants qui entretiennent des 
relations avec la Compagnie est toujours bien peu élevé 
lorsqu'on considère la liste générale de ceux-ci. Qua- 
torze ont acquitté cette dette annuelle. En 1852, il y 
en avait eu dix-sept. 

Nous devons les signaler à votre attention, et leur 
adresser des félicitations pour le zèle avec lequel ils ont 
accompli leurs engagements. 

Il est juste également de faire connaitre leurs noms. 

Ce sont : MM. 

Marcel de Serres, professeur à la Faculté des Scien- 
ces de Montpellier ; 

Arbanère, correspondant de linstitut, à Tonneins ; 

D’Aussy (de Saint-Jean - d'Angély ), ancien sous- 
préfet de La Rochelle; 

Lapouyade, président du Tribunal civil, à La Réole; 

Cazenave, de Libersac ; 
lesquels vous ont fait envoi d'ouvrages manuscrits. 

Et MM. 

Laferrière, inspecteur général des Écoles de Droit ; 

Vingtrinier, médecin des prisons de Rouen; 

Eugenio Sismonda, professeur à Turin; 

Boucher de Perthes, directeur des Douanes en re- 
traite, à Abbeville ; 

Marcel de Serres ; 

lalade-Gabel, directeur honoraire de l'établissement 
des Sourds-Muets de Bordeaux ; 


901 

Lermier de la Girondière, directeur des Poudres et 
Salpètres en retraite, à Dijon ; 

Magloire Reynal, juge de paix à Castres ( départe- 
ment du Tarn ); 

Valéry Derbigny, directeur des Domaines de 4": classe 
en retraite, à Arras; 

J. Thurmann, président de la Société Jurassienne 
d'Émulation ; 
lesquels vous ont envoyé des ouvrages imprimés. 

Presque toutes ces diverses œuvres, manuscrites ou 
imprimées , ont été signalées dans l'analyse des Auit 
groupes dont il a été fait mention précédemment. 


Lectures au sein de l’Académie par des Membres 
étrangers à la Compagnie. 


Vous avez introduit cette année parmi vous un nou- 
vel usage. Votre intention, comme toujours, a été 
de propager le goût des sciences et des lettres, et d’en- 
courager les premiers essais des auteurs. Vous avez, en 
conséquence, décidé que ceux d'entre ces auteurs qui 
désireraient soumettre à l'Académie des ouvrages ma- 
nuserits et 2nédits, pourraient être admis à en faire 
lecture dans une séance spéciale fixée chaque mois à 
cet effet.  ” 

Cette admission peut avoir lieu au moyen de deux 
conditions, que je me permets de rappeler ici, afin 
d'instruire de cet usage les personnes qui l’ignoreraient : 
la première, est de se faire inscrire au secrétariat et 


d'indiquer le sujet qu'on doit traiter ; la seconde, de se 
58 


902 


faire présenter par un membre résidant dans la séance 
indiquée pour la lecture. 

Cet usage à reçu un commencement d'exécution dans 
l'année académique qui vient de finir. En ce moment, 
deux auteurs se présentent pour être entendus dans 
l'année qui s'ouvre devant nous. Espérons que ce moyen 
révélera d'heureuses dispositions et en amènera le dé- 
veloppement. 


Rapports de i'Académie avec les autorités, 


Chaque année , l'Académie exprime publiquement 
dans cette enceinte sa reconnaissance pour la protec- 
tion que lui accordent M. le Préfet et M. le Maire, et 
la bienveillance que ces deux magistrats apportent dans 
leurs rapports avec elle. Le témoignage de sa gratitude 
n'est pas non plus oublié pour les dispositions que ma- 
nifestent à son égard le Conseil général de la Gironde 
et le Conseil municipal de Bordeaux. 

La Compagnie doit aujourd'hui reconnaître la nou- 
velle preuve d'intérêt dont elle a été récemment l'objet, 
et qui s'est traduite par une augmentation dans les res- 
sources qu'un vote généreux met annuellement en son 
pouvoir. Cet acte de munificence atteste les sympathies 
profondes des administrateurs placés à la tête de la 
cité, ainsi que de leurs conseils, pour les sciences, les 
lettres et les arts, et donne une juste idée du désir qui 
les anime de s'unir à l'utile mission de stimuler des 
études qui élèvent l'âme, fortifient la raison et morali- 
sent l'esprit, En révélant de pareils sentiments, nous 


903 


remercions dignement les hauts fonctionnaires qui les 
possèdent. 

La Compagnie ne doit pas non plus oublier dans ses 
remerciments les voix dévouées et confraternelles qui 
ont appuyé les intentions favorables des Conseils du 
département et de la ville. 


Admissions. 


MEMBRES RÉSIDANTS. 


Vous avez inscrit cette année, sur la liste de vos 
membres résidants, deux noms que recommande une 
juste réputation. 

Le premier est celui de M. Édouard Morel, directeur 
de lInstitution des Sourds-Muets de Bordeaux. Versé 
dans les études philosophiques et charitables qui ren- 
dent à une classe d'êtres infortunés les notions de l'âme 
et la connaissance d’un monde extérieur dont ils étaient 
privés, M. Morel a consigné les préceptes de cet en- 
seignement dans les Annales de l'Éducation des 
Sourds-Muets et des Aveugles, revue des institu- 
hions qui leur sont consacrées en France et à l'étran- 
ger, journal mensuel fondé par lui et dont il vous a 
offert en hommage la collection ‘. 

C'est devant des titres incontestables, accompagnés 
encore de plusieurs nofices biographiques, entre au- 
tres celles sur l'abbé de l'Épée et le docteur Itard, que 


! Envoyé le 9 décembre 1852; examen le 31 mars 1853, par une Com - 
mission composée de MM. Saugeon, de Lamothe, et J. Delpit, rapporteur. 


904 


les portes de l'Académie lui ont été ouvertes, et qu'il 
est venu prendre place au fauteuil occupé longtemps 
par ses prédécesseurs à l'institution des Sourds-Muets 
de notre ville. 

Le second nom adopté par vous appartient à un avo- 
cat distingué de notre Barreau, M. A. Vaucher. Vous 
avez retrouvé, dans un volume de plaidoyers et con- 
sultations * dont il vous a présenté l'hommage, les qua- 
lités éminentes qui constituent le légiste instruit et pra- 
tique, et l'habile dialecticien. Vous avez en outre été 
satisfaits de resserrer les liens de sympathie qui vous 
unissent au Barreau de Bordeaux. 


MEMBRES CORRESPONDANTS. 


Les nouvelles adjonctions que vous avez faites au 
tableau de vos membres correspondants, et qui vous 
font honneur, sont celles de MM. 

Albert Gaudry, docteur ès sciences naturelles, atta- 
ché au Muséum d'histoire naturelle de Paris; 

Onésime Seure, homme de lettres, à Paris; 

Eugène Mahon de Monaghan, chancelier de 4"° cl. 
du Consulat Impérial, à Liverpool; 

ü.-J.-Martin Saint-Ange, officier de la Légion d'hon- 
neur, médecin, à Paris; 

P.-A. Piorry, professeur de clinique médicale à la 
Faculté de Paris ; 


1 Envoyé le 24 février; analysé au nom d'une Commission composée de 
MM. Bourdillon, Darrieux et Desmartres, chargé du Rapport. 


905 


Emmanuel Liais, physicien, attache à l'Observatoire 
de Paris, secrétaire et fondateur de la Société des Scien- 
ces naturelles de Cherbourg ; 

Ordinaire de la Colonge, inspecteur de la Poudrière 
de Saint-Médard. 


Concours de 1933. 


La lecture du Programme (voyez ci-après) vous en 
fera connaitre bientôt les détails et les résultats. 


Ouvrages offerts à l’Académie. 


Bibliothèque de l'École des Chartes ( catalogue ). 


Journal d’Éducation physique, morale et intel- 
lectuelle; par M. Pierre-A. Clouzet ainé. Douze nu- 
méros de la 4° année. Hommage constant de l'auteur 
à l'Académie. 


Fragments d'un journal de voyage à travers la 
Suisse et l'Allemagne; par M. Ch. Laterrade. 


La Vieillesse de Milton, poëme qui a remporté un 
prix aux Jeux Floraux; par M. Onésime Seure. 


Nouvelles observations sur les trèfles de la section 
cronosemium ; par M. H.-F. Soyer-Willemet, bibliothé- 
caire de la ville de Naney, correspondant du Ministère 


906 


de l'Instruction publique pour les travaux historiques. 


Quand et comment le comté de Guise échut à la 
maison de Lorraine, brochure par le même. 


Études d'anatomie philosophique sur la main et 
le pied de l'homme, et sur les extrémités des mam- 
mifères ramenés au type pendactile; par MM. Joly 
et A. Ladvocat, docteurs-médecins ( Toulouse ). 


Nouvelles expériences sur la coloration des co- 
cons fournis par les vers à soie soumis au régime 
de la garance et de l'indigo; par M. le D° N. Joly 
( Toulouse ). 

Note sur la patrie primitive et l'origine du bœuf 
domestique; par le même (Toulouse ). 


Rapport présenté à la Société Linnéenne de Bor- 
deaux sur la maladie de la vigne; par M. Ch. La- 


terrade. ( Hommage de l’auteur. ) 


Lettres de M. Valade-Gabel à l'Académie [Impériale de 
Médecine, sur la question de la surdi-mutité. 


Catalogue des brevets d'invention, 1853. 


Description des machines et procédés pour les- 
quels des brevets d'invention ont élé pris, t. X et XI. 


Description des machines el procédés consignés 


907 


dans les brevets d'invention, etc., dont la durée est 
eæpirée, et dans ceux dont la déchéance a élé pro- 
noncée, t. LXXVIIT. 


Appel à tous les amis des lettres. L'Union htté- 
raire | moniteur universel des lettres et des sciences ), 
n® et 2, 1853 | le reste manque ). 


L'Athenœum français, journal universel de la lit- 
térature, de la science et des beaux-arts { spécimen ), 
n° 21. 


Du traitement des fistules à l'anus par des injec- 
tions iodées; par le D' Gaston Dumont, médecin de 
l'hospice des Quinze-Vingts. ( Hommage de l'auteur.) 


Mes primes, poésie; par M. Magloire Nayral, juge 
de paix à Castres, membre correspondant de lAca- 
démie. 


Fables, contes el autres poésies; par M. Valéry 
Derbigny, directeur des domaines de 1'° classe en re- 
traite. ( Prospectus. ) 


Rapport du gérant de la Société du Philtre plon- 
geur. ( Délibération du 46 juillet 1853. ) 


Relevé des ouvrages nouveaux remis à la Biblio- 
thèque de la ville de Strasbourg, depuis le 1° mars 
1849 jusqu'au 30 décembre 1851. (8° relevé. ) 


908 


Rapport sur la visite de quelques monuments de 
Toulouse; par M. Ch. des Moulins. 


Etudes organiques sur les cuscules ; par le même. 
( Hommage de l’auteur.) 


Documents pour servir à l'étude de la maladie de 
la vigne, offerts par la Société Linnéenne de Bordeaux. 


Statuts de l’Académie belge d'Histoire et de Philo- 
logie, offerts par M. de Reume, membre correspon- 
dant. 


Notizia storica dei lavori fatti della classe delle 
scienze fisiche et matemathiche del Corso delle 
anni 1848, 49, 50, scritta dell academia, profes- 
sore Eugemo Sismonda, segretario aggiunto di essa 
classe. 


Les théâtres à Bordeaux, suivis de quelques vues 
de réforme théâtrale; par M. L. Lamothe. (Présenté 
par l'auteur. ) 


Le nouveau Jardin-des-P lantes, discours prononcé 
dans la séance publique d'hiver de la Société Linnéenne 
de Bordeaux; par M. Durieu de Maisonneuve. 


Séance annuelle de rentrée des Facultés et de 
l'Ecole Préparatoire de Médecine et de Pharmacie. 
( Novembre 1853.) 


-909 
Rapport général de la Commission envoyée à l'Ex- 
posilion universelle de Londres par le Conseil Mu- 


nicipal et la Chambre de Commerce de Bordeaux 
(1852). 


Procès-verbaux des délibérations du Conseil gé- 
néral du département de la Gironde | sept. 1853 ). 


Nohce des travaux de la Société de Médecine de 
Bordeaux | 80 pages). 

Programme des Prix de la méme Société (15 pa- 
ges }; par M. Burguet, secrétaire général. 


Liste des Sociétés savantes qui ont correspondu avec 
l’Académie de Bordeaux dans l’année 1852-53; envois 


qu'elles lui ont adressés. 
SOCIÉTÉS FRANÇAISES, 


Allier. — Bulletin de la Société d'Émulation du 
départément de l'Allier ( Moulins). 

Société des Sciences, Arts, Belles-Lettres ; 1852 : 
mai, août, décembre ; 1853 : mars. ( Le reste manque. ) 
Rapp., M. Duboul. 

Aube. — Mémoires de la Société d'Agriculture des 
Sciences, Arts et Belles-Lettres du département de 
l'Aube, t. XVI de la collection; t. IE, 2° série; n°5 19 
et 20, 3° et 4° trim. 4851; n° 24, 4% trim. 1852; n°° 
22,23, 24, 2e, 3e, 4e trim. 1852; n°5 25, 26. 4 et 
2° trim. 1853. 


910 

Bouches-du-Rhône. — Séance publique annuelle 
de l’Académie des Stiences, Agriculture, Arts et 
Belles-Lettres d'Aix. Rapporteur, M. Blatairou. 

Calvados. — Mémoire de l'Académie des Sciences, 
Arts et Belles-Lettres de Caen. Rapporteur, M. Bau- 
drimont. 

Mémoire de la Société d'Agriculture et de Com- 
merce de Caen, 1. VE, T° Partie. 

Charente - Inférieure. — Travaux de la Société 
d'Agriculture, Sciences et Belles-Lettres de Roche- 
fort, année 1851-52. Rapporteur, M. Manès. 

Côte-d'Or. — Mémoires de l'Académie des Scien- 
ces, Arts et Belles-Lettres de Dijon, 2 série, t. F, 
année 1851. Rapporteurs, MM. Costes et Duboul. 

Eure. — Recueil des travaux de la Société libre 
de l'Agriculture, Sciences, Belles-Lettres de l'Eure 
(Evreux), % série, t. [, années 4850-51. Rappor- 
teur, M. Vaucher. 

Gard. — Compte rendu des travaux de l’'Acadé- 
mie du Gard, en séance publique du Conseil du dé- 
parlement et du Conseil municipal, 27 août 1855; 
par M. Nicod, secrétaire. Rapporteur, M. Blatairou. 

Garonne {Haute-). — Annuaire de l'Académie 
Impériale des Sciences, Inscriptions et Belles-Let- 
tres de Toulouse. 

Recueil de l'Académie des Jeux Floraux, année 
1853. Rapporteur, M. Gout-Desmartres. 

Gironde. — Actes de la Société Linnéenne de Bor- 
deaux, t. XVII, 2e série, 3°, 4°, 5° et G° livraisons. 

{nnales de la Sociélé d'Agriculture du départe- 


911 
ment de la Gironde, T° année, 4° trim.; 8° année, 
Aer et 2 trim. 1853. 

Annales de la Société d'Horticulture de la G1i- 
ronde, 2 année, n° 21, janvier; 7° année, n° 25, 
26 et 27 ( avril, juillet}; id. id. (octobre ). 

Travaux du Conseil d'Hygiène publique et de Sa- 
lubrilé du département de la Gironde, depuis le 6 
juin 1851 jusqu'au 16 juillet 1852. ( Hommage du 
Conseil à l'Académie. ) 

Hérault. — Extrait des procès-verbaux de l'Aca- 
démie des Sciences et Lettres de Montpellier, années 
1847, 48, 49, 50, 51, 52. Rapporteur, M. Raulin. 

Société archéologique de Béziers. Séance publique 
du 25 mai 1853. 

Programme du Concours de 1854. Séance publi- 
que du 25 mai 1853. 

Indre-et-Loire. — Recueil des travaux de la So- 
ciété médicale d'Indre-et-Loire, 2 série, 2 et 3° 
trim. 4852. Rapporteur, M. Burguet. 

Loire ( Haute-). — Annales de la Société d'Agri- 
culture, Sciences, Arts et Commerce du Puy, t. XVI, 
année 1851. 

Loire-Inférieure. — Annales de la Société acadé- 
mique de Nantes et du département de la Loire-In- 
férieure, année 1852. Rapporteur, M. H. Brochon. 

Lot-et-Garonne. — Programme des questions pro- 
posées par le Président et les Membres du Bureau 
de la Société d'Agriculture et du Comice d'Agen 
{ Concours régional ). 

Recueil des travaux de la Société d'Agriculture, 


912 
Sciences et Arts d'Agen, 1. VI de 476 pages; 1°, 2°, 
3e, 4°, 5°, 6° cahiers. Rapporteur, M. Petit-Lafitte. 

Maine-et-Loire, — Bulletin de la Société indus- 
trielle d'Angers et du département de Maine-et- 
Loire. 33° année, 3° livraison de la 2° série. 

Mémoires de la Société d'Agriculture, Sciences et 
Arts d'Angers, ® série, 2 vol., 2° livraison ; 2° sé 
rie, 3° vol., Are et 2 livr. Rapp., M. Petit-Lafitte. 

Manche. — Mémoires de la Société des Sciences 
naturelles de Cherbourg, 4° vol., 2, 3, 4 livr. 
Rapporteur, M. Abria. 

Marne. — Travaux de l'Académie impériale de 
Reims, années 1852, 1853, t. XVII, 4r° et 2 livr. 
(les autres manquent ); ann. 1853, t. XVII, 4° livr. 
Rapporteur, M. Cirot de la Ville. 

Meurthe. — Le Bon Cultivateur, recueil agronomi- 
que publié par la Société centrale d'Agriculture de 
Nancy, rédigé par M. Soyer-Willemet, secrétaire -ar- 
chiviste-trésorier. 32° Année, n° 12, décembre 1852; 
33° année, n° À et 2, janvier et février 1853; n®%3, 
k, 5, mars, avril, mai; n° G et 7, juin et juillet. 

Extrait de la séance du 19 août de l'Académie de 
Stanislas à Nancy. — Fragments d'une lettre écrite 
au sujet de la brochure intitulée : TOrientalisme ren- 
du classique. 

Moselle. — Mémoires de l'Académie Impériale de 
Metz, 13 ann. 4851, 52. [re Partie : lettres, histoire, 
archéologie; 1° Partie : sciences, économie politique, 
statistique, agriculture. Rapporteur, M. Baudrimont. 

Nord, — Programme des questions Agricoles el 


943 


liiéraires remises au Concours pour 1855, par la 
Société d'Émulation de Cambrai. Rapporteur, M. É. 
Dégranges. 

Société Dunkerquoise pour l'Encouragement des 
Sciences, des Lettres et des Arts. Programme des 
sujets de priæ. Concours de 1854. 

Revue Agricole, Industrielle et Littéraire du Nord, 
publiée sous le patronage de la Sociélé nationale d'A- 
griculture, Sciences et Arts de Valenciennes, direc- 
teur, M. Feytaud, membre titulaire et Rapporteur de 
la Société. 5° Année, 4° juillet 1853. 

Oise. — Bulletin de l'Athénée de Beauvaisis, am- 
née 1852, 2° trim. (le reste manque }; année 1853, 
4 sem. Rapporteur, M. Lamothe. 

Pas-de-Calais. — Société d'Agriculture des Scien- 
ces et Arts de Boulogne-sur-Mer. Séances semes- 
trielles du 30 octobre 1852, et du 19 mars 1853. 

Mémoires de l'Actdémie d'Arras, 1. XXVTE. Rap- 
porteur, M. de Gères. 

Puy-de-Dôme.— Annales scientifiques, littéraires, 
industrielles, de l'Auvergne, publiées par lAcadé- 
mie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Clermont- 
Ferrand, sous la direction de M. H. Lecoq. T. XXV, 
année 1852. Rapporteur, M. Costes. 

Rhin (Haut-). — Bulletin de la Société indus- 
trielle de Mulhouse, t. XXIV, n° 119, 120, 421. 

Programme des prix proposés par la Société in- 
dustrielle de Mulhouse, pour être décernés en 185#, 
1855 et 1856. Rapporteur, M. Manès. 

Seine. — Journal mensuel des travaux de l'Aca- 


91% 


démie Nationale, Agricole, Manufacturière et Com- 
merciale, fondée en 1850, et de la Société française 
de Slalishique universelle, sous la direction de M. Ay- 
mard Bresson, secrétaire général perpétuel, rédacteur 
en chef; 43° année, janvier, février, mars, avril, mai, 
juin ( juillet et août manquent }, septembre, octobre, 
novembre 1853. 

Société de la Morale chrétienne. Rapporteur M. 
Cirot de la Ville. T. INT, n° 4, 2, 3, 4, 5 et G. 

Recueil de documents et Mémoires relatifs à l'é- 
tude spéciale du moyen âge et autres époques, pu- 
bliés par la Société de Phragistique, 2 ann. , n° 40, 
11 et 12; 3° année, n° 1, 2 et 3. Rapp., M. Delpit. 

Institut des provinces de France; Bulletin biblio- 
graphique des Sociétés savantes des départements, 
n°7, mars 1853; n°8, mai; n° 9, juillet; n° 40, sept. 

Société Impériale et Centrale d'Agriculture; Bul- 
letin des séances, Compte rendu mensuel, rédigé par 
M. Payen, secrétaire perpétuel ; Paris. 2° série, t. VIT; 
n° À, séances générales des 40, 17, 24 novembre, et 
1 décembre 1852; n° 2, séances des 8, 15, 22, 29 
décembre 1852, et 5 janvier 1853; n° 3, séances des 
12, 19 et 26 janvier; 2 et 5 février 1853; n° 4, séan- 
ces des 16 et 25 février; 2, 9, 48, 23 et 30 mars; 
n° 5 (inanque ); n° 6, séances des 42, 18, 24 mai et 
Aer juin; n° 7, séances des 8, 15, 22, 29 juin; n° 8, 
séances des 6, 13, 20 et 27 juillet 1853; n°9, séances 
des 3, 10, 17, 24 et 31 août, huit livraisons du 4° vol. 
Rapporteur, M. de Gères. 

Gazette des Beaux-Arts, Paris. Cette publication 
manque depuis le 1% mars dernier. 


‘945 


Seine—Inférieure. — Bulletin des travaux de la 
Socëlé libre des Pharmaciens de Rouen, ann. 1852. 
Rapporteur, M. Fauré. 

Bulletin des travaux de lu Société libre d'Émula- 
lion de Rouen (brochure de 180 pages ), pendant les 
années 1852 et 1853. 

Recueil des publications de la Société havraise 
d'études diverses, A8° et 19° années, de 1830 à 1852. 
Rapporteur, M. Abria. 

Extrait des travaux de la Société centrale d'A- 
griculiure du département de la Seine-Inférieure, 
77° cahier, 4° trim. de l'année 4852; 78e cahier, 4er 
trim. de l'année 4853; 79° cahier, 2 et 3 trim. 1853. 
Rapporteur, M. Laterrade. 

Somme. — Bulletin de la Société des Antiquaires 
de Picardie (Amiens ), 1. IV, 1850, 18514, 1852 ct 
1853, n° 4. Rapporteur, M. Durand. 

Mémoires de la Société d'Émulation d'Abbeville, 
années 1849, 1850, 1851 et 1852, 1° sem. Rappor- 
teur, M. Duboul. 

Var. — Bulletin semestriel de la Société des Scien- 
ces, Belles-Leitres et Arts du département du Var, 
séant à Toulon, 20° année , n° 2. Rapp., M. Duboul. 

Vienne (Haute). — Bulletin de la Société Ar- 
chéologique et Historique du Limousin ( Limoges }, 
t. IV, 4° livraison. Rapp , M. Cirot de la Ville. 

Yonne. — Bulletin de la Société des Sciences his- 
loriques el naturelles de l'Yonne, 5° et 6° vol. de 545 
et de 493 pages. /d. id. cahiers n°° 4, 2 et 3, de 1853, 
Rapporteurs, MM. Delpit et Raulin. 


916 


SOCIÉTÉS ÉTRANGÈRES. 


Amérique. — Rapport fait par une Commission au 
32° Congrès, dans la °° sess. des représentants de l//li- 
nois, pour récompenser le D' T.-G. Morton de sa 
découverte sur les propriétés anœsthésiques de l'éther 
sulfurique. 

Preuves et documents à l'appui du droit à la dé- 
couverte des propriétés anæsthésiques de l'éther sul- 
furique; par M. T.-G. Morton, p.-mM. — Présenté 
dans la 2° session du même Congrès. 

Recu les 28 avril et 9 juin; M. Costes, rapporteur. 

Boston. — Quatre ouvrages. 

Description du squelelte du mastodonte géant de 
l'Amérique du nord. Hommage du D' John C. Waren. 

Journal et Actes de la Société d'Histoire naturelle 
de Boston. 

New-Yorck. — Gazette httéraire. 

Philadelphie. — Trois ouvrages, surtout les Actes 
de l'Académie des Sciences naturelles de Philadel- 
phie; la Notice sur l'origine, les progrès, l'état pré- 
sent de cette Société, etc. 

Enregistré le 3 novembre; Rapp., M. G. Brunet. 

Washington. — Troisième envoi fait à l'Académie 
des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Bordeaux, de la 
part de l'fnstitution Smithsonnienne. (Onze ouvrages 
sur des sujets importants et nationaux de géographie, 
d'histoire, de botanique, de zoologie, de paléontologie, 
de météorologie, etc. ) 


CS 


947 


Parmi ces ouvrages d’un haut intérêt, on remarque 
un volume in-4° avec planches coloriées, intitulé : 
Étude sur l'histoire des tribus indiennes des États- 
Unis (IE Partie); par M. H° Schoolcraff. 

Angleterre. — Transactions de la Société Philoso- 
phique de Cambridge. Neuf volumes in-4° avec plan- 
ches. ( Collection depuis l’origine. } 

Recus le 42 mai. 

Asie. — 1° Catalogue des oiseaux dans le Musée 
asiatique de Calcutta; par M. Ed. Blyth. 

2° Collection des puranas sangraha, en original 
sanserit, avec une traduction anglaise. { Calcutta 1851.) 
— Arrivés par les soins de MM. William et Norgate, 
agents de la Société Asiatique de Londres, et Borrani 
et Droz, libraires à Paris. 

Reçu le 18 août; Rapporteur, M. G. Brunet. 

Belgique. — Société des Lettres et des Arts du 
Hainault. Question de prix, proposée moitié par la 
Société, moitié par le Gouvernement. Concours de 
1852-53. 

Congrès de Statistique de Bruæelles, 1853. 

Projet de solution des questions posées au Pro- 
gramme. 

Hollande. — Programme arrété dans la séance 
extraordinaire du 30 avril 1853, par l'Académie 
royale des Sciences d'Amsterdam, pour la question 
d'un prix de 600 florins, sur un sujet d'histoire 
naturelle. 

Russie, — Mémoires de la Société Impériale de 
Saint-Pétersbourg (1. XVI, XVIT et XVIIT; 1852), 


L 
59 


918 


publiés sous les auspices de la Société, par M. B. 
de Koerne. 

Ces travaux, publiés, les uns en langue allemande, 
les autres en langue française, concernent divers su- 
jets de numismatique et d'archéologie; ils attestent de 
la part de leurs auteurs des recherches persévérantes 
et des connaissances étendues. 

Un travail qui présente plus d'intérêt pour des lec- 
teurs français s'offre à nous dans la description de la 
galerie de sculpteurs antiques formée par M. de Mont- 
ferrand, architecte français, établi en Russie, où il a 
exécuté de très-grands et très-importants travaux. Cette 
description est accompagnée de figures au trait dessi- 
nées avec beaucoup de soin, et gravées par des artis- 
tes russes d’une manière qui révèle une main habile et 
exercée. Parmi les objets les plus remarquables que 
contient cette galerie, nous citerons une statue colos- 
sale de César, en bronze, la seule qu'on connaisse jus- 
qu'à présent; elle a été déterrée à Rome, non loin de 
Saint-Jean de Latran. Elle était brisée en morceaux; 
on s'empressa de les expédier à l'étranger d'une façon 
clandestine; car on craignait que le Gouvernement ne 
voulut rester propriétaire d'un monument aussi remar- 
quable. 

Apollon Cytharède, en marbre de Paros. Cette sta- 
tue, appartenant à une des plus belles époques de l'art 
grec, figurait jadis dans une galerie de Florence. 

Une statue d'Euterpe, excellent ouvrage, qui, d'a- 
près la nature du travail, paraît dater du dernier temps 
de la République romaine. 


1 


919 

Une jeune fille dans l'attitude de la prière. 

Un magistrat romain. 

Des bustes de Jupiter, de Minerve, de divers empe- 
reurs romains, tels que Claude, Vitellius, Marc-Aurèle. 

Des sarcophages ornés de reliefs représentant des 
tritons, des sujets de chasse, ou des bacchanales, des 
candélabres décorés d'ornements du meilleur goût. 

Un texte savamment rédigé par M. Koerne, direc- 
teur de la Société, jette beaucoup de lumière sur ces 
divers monuments, et il abonde en rapprochements, 
en détails, qui ne peuvent qu'avoir du prix pour les 
antiquaires. Une connaissance approfondie des révo- 
lutions de l'art antique; une étude des ouvrages qui 
les concernent, étude qu'attestent de nombreuses cita- 
tions, telles sont les qualités qui se montrent à chaque 
page de ce travail ; et les personnes qui cultivent l'ar- 
chéologie et qui se préoccupent de l'examen des mo - 
numents de la Grèce ou de Rome, trouveront certaine- 
ment bien des choses à y apprendre. 

Les Mémoires de la Société de Saint-Pétersbourg 
méritent une place fort distinguée dans notre Biblio- 
thèque. 

Rapport de M. G. Brunet, le 18 août. 

Suisse, — Genève : Mémoires et documents publiés 
par la Société d'Histoire et d'Archéologie de Genève, 
tVHL 

Rapporteur, M. Delpit. 


920 
NÉCROLOGIE. 


Vous avez éprouvé, depuis votre dernière séance pu 
blique, des pertes nombreuses qui vous ont affligés ; elles 
ont pesé principalement sur vos membres correspon- 
dants. 

Pierre Cazade, maire de Montagoudin, est décédé 
le 3 septembre 1853. Ses connaissances pratiques en 
agriculture, de même que ses qualités privées et ad- 
ministratives , lui avaient mérité l'estime générale de 
ses concitoyens. Il était votre correspondant agricole 
depuis 4835. C'était une partie de la récompense ob- 
tenue par son Mémoire sur l’agriculture, auquel vous 
aviez décerné une médaille d'or. 


Limousin Lamothe, pharmacien d'Alby, à la suite de 
travaux constants dans les sciences chimiques et la- 
griculture, de nombreuses publications toujours utiles, 
et d'une vie entière de probité et de dévouement aux 
intérêts du pays, avait acquis des droits incontestables 
à la reconnaissance de tous les amis des études sérieuses. 

Pendant toute sa longue carrière, il fut le collabora- 
teur d'hommes éminents : Sonnini, Thiébault de Ber- 
neaud, Parmentier, Chaptal, pour la rédaction de re- 
cueils scientifiques justement estimés, ou pour lexa- 
men de questions ayant une haute importance. 

C'est par ses efforts soutenus qu'il devint correspon- 
dant d’un très-grand nombre d'Académies de France et 
de Sociétés estimées de Paris. Parmi ces dernières : 


921 
l'Académie de Médecine, la Société centrale d'Agricul- 
ture, la Société de Pharmacie et d'Encouragement. 

Vous l’admites aussi dans vos rangs en 1827. 

On peut résumer l'éloge de ce savant modeste dans 
cette circonstance bien rare qui lui est particulière et 
rehausse d'autant plus l'honneur attaché aux distinc- 
tions obtenues par lui : c'est qu'après vingt-cinq Con- 
cours académiques ouverts sur des questions mises à 
l'ordre du jour de la science, et dans lesquels il s'était 
présenté, il a obtenu vingt-deux récompenses! Si c'est 
un témoignage d'assiduité et de dévouement à l'étude, 
c'en est un non moins irrécusable de l'opportunité et 
de l'utilité des travaux entrepris par Limousin Lamo- 
the, et de l'excellence des solutions qu'il donnait à ses 
Mémoires *. 


Mare Lévy, l'un des élèves les plus distingués de 
l'École Centrale de Rouen , était professeur de mathé- 
matiques et chef d'Institution honoraire dans cette ville ; 
il vous appartenait depuis 1826. 


! Citons parmi les travaux qu'il a publiés : 

Les nombreux articles dans la Bibliothèque physico—-économique ; 

Ceux sur les questions d'économie domestique, les farineux, les sirops, les su- 
cres indigènes, l’indigo pastel, etc. ; 

Les règles de culture pour le ricin, et la préparation de l'huile extraite de 
celui-ci. 

L’anisage des alcools à l'instant même de l'expédition, au moyen de l'essence 
d'anis versée dans la pièce ; 

L'avantage du plâtre dans les prairies artificielles ( méconnu alors ); 

Une foule de Mémoires d'agriculture; 

L'analyse de plusieurs sources d'eaux minérales très-appréciées aujourd'hui ; 

Journal d'Agriculture et Sciences accessoires (reproduction du cours d'a- 
griculture qu'il avait créé à l'École Normale Primaire d'Alby}), ete, 


922 


Après avoir exercé dans plusieurs Colléges impor- 
tants dès l’âge de dix-neuf ans, il fonda en 1845, à 
Rouen, une grande institution pour préparer les jeu- 
nes gens aux fortes études et aux écoles de l'État. Cet 
établissement a fait sa réputation. De nombreux élèves 
en sont sortis et se sont fait remarquer dans de diffici- 
les et honorables carrières. | 

Les soins incessants de sa profession ne l'empêchè- 
rent pas d'apporter une collaboration active à la direc- 
tion et aux travaux de plusieurs Sociétés savantes, et 
d'y présenter près de trente Mémoires qui attestent son 
instruction profonde et la sûreté de son esprit . 

Dans l'année 1817, il prit une initiative importante, 
en créant à Rouen un Cours de mécanique appliquée 
aux arts, dans lequel tout était mis à la portée des 
personnes étrangères aux éléments du ealcul. Il vint 
ainsi aplanir les obstacles qui s'opposaient à la réus- 
site d'une jeunesse intelligente, lancée dans les entre- 
prises industrielles, fruits de la paix, et manquant 
des notions nécessaires pour se bien diriger. L’atten- 
tion des savants se fixa dès lors sur lui de la manière 
la plus flatteuse. 

A l’âge de soixante-deux ans, il enseignait encore à 


! Parmi ces écrils, on distingue : 

Ceux contre le magnétisme animal ; 

Ceux sur les polygones étoilés ; 

Ceux sur la question de la réforme de l’enseignement , et l'importation à Rouen 
des salles d’asilé ; 

Quelques points d'archéologie et de météorologie, 

Ceux sur le dromographe planétaire ; 

Eufio, ceux imprimés à Rouen ou lus dans le sein de l’Académie de cette ville, 


que lui inspiraient les goûts littéraires de son esprit. 


923 
Paris, lorsque la mort l'a frappé presque subitement 
et au milieu de ses leçons... 
Il est pour ainsi dire tombé sur le champ de la 
science, où il avait passé honorablement toute sa vie. 


Antoine-Aubin de Jaurias, médecin en chef de lh6- 
pital de Libourne, appartenant à plusieurs Sociétés sa- 
vantes, est mort dans cette ville le 43 février 1853. 

Il y avait passé toute sa carrière, estimé et aimé de 
tous ceux qui le connaissaient, et méritant cette affec- 
tion par les plus nobles et les plus aimables qualités du 
cœur et du caractère. 

Jaurias à exercé sa profession avec une humanité et 
un désintéressement qui l’honorent, et d’une manière 
distinguée au point de vue scientifique. 

En 1813 et 1820, la Société de Médecine de Bor- 
deaux, dont il était membre correspondant, lui dé- 
cerna deux jetons d'or, pour des Mémoires à l’occa- 
sion de maladies qui avaient régné à Libourne. L'Aca- 
démie elle-même lui accorda, en 1828, un jeton d'or, 
pour le récompenser des travaux qu'il lui avait présen- 
tés sur l'agriculture. Cette dernière science fut tou- 
jours dans ses gouts, et il lui consacra avec succès 
tous ses loisirs. 

C'est par ces motifs, que vous inserivites en 1830 le 
nom de votre lauréat sur la liste de vos membres cor- 
respondants agricoles. Vous n'avez jamais eu qu'à vous 
féliciter des rapports qui suivirent cette adjonction. 


J'arrive à ce qui concerne un membre correspon- 


924 
dant, qui avait été, en premier lieu, membre résidant 
de la Compagnie, et qui n’a fait que passer, pour ainsi 
dire, au milieu de vous : je veux parler de M. Auguste 
Laurent, essayeur à la Monnaie de Paris, ancien pro- 
fesseur de chimie à la Faculté de Bordeaux. 

Le juste tribut d'éloges que mérite sa mémoire lui a 
été payé naguère, d'une manière digne de lui, dans 
une circonstance solennelle, par la plume d’un de vos 
savants collègues, M. Abria. Je ne devrais donc pas re- 
venir sur une appréciation scientifique faite déjà d’une 
manière si compétente. 

Cependant, qu'on me pardonne les quelques lignes 
qui vont suivre, et que l'Académie ne pouvait refuser 
au souvenir d'un collègue recommandable. 

La vie d'Auguste Laurent à été courte, mais elle a 
été bien remplie par la science. En effet, il a composé 
à peu près quatre-vingts Mémoires sur divers points 
intéressants, et neuf de chimie organique. Ce sujet 
d'études occupait à la même époque, et concurrem- 
ment, M. Dumas en France, et M. Liébig en Allema- 
gne. Il le conduisit à une théorie particulière sur le 
groupement des atomes dans les substances organiques 
et dans les corps en général. Cette théorie a été pen- 
dant toute sa carrière l'objet principal de ses recherches. 

Ses opinions furent controversées et le sont peut- 
ètre encore aujourd'hui; mais les travaux qu'il entre- 
prit pour en vérifier l'exactitude et combattre les ob- 
jections présentées, ont « notablement contribué ( je 
» cite les paroles de M. Abria ) aux progrès de la chi- 
» mie dans ces dernières années. » 

La mort d'Auguste Laurent à excité les regrets una- 


925 

nimes des savants de France, d'Allemagne, d'Angle- 
terre et des États-Unis. Cela ne peut surprendre; car 
il était du petit nombre de ces hommes de science qui 
ne suivent pas la foule, mais qui la précèdent! 

L'Académie, qui partage vivement ces regrets , éprou- 
vera toujours un juste orgueil de l'avoir compté dans 
son sein; elle n'oubliera pas qu'il lui a donné, pour 
ainsi parler, les prémices de quelques-uns de ses im- 
porlants travaux. 


Au moment où jécrivais ces lignes sur quelques 
membres correspondants dont vous déploriez la perte, 
arrivait la nouvelle de la mort d’un membre résidant : 
M. le comte de Peyronnet venait de succomber sur son 
domaine de Montferrant. 

Ce triste événement, qui à marqué les premiers 
jours de cette année, devra être inscrit dans le Rap- 
port de votre Secrétaire général pour 1854. 

Cependant, j'interprèterais mal, j'en suis sur, le dé- 
sir et la première intention de chacun de vous, si Je 
n'exprimais pas aujourd'hui la douleur qu'a éprouvée et 
que ressent la Compagnie. 

La vie de M. le comte de Peyronnet appartient à 
l'histoire du pays : nous ne devons pas en ouvrir ici les 
pages. Nous pouvons dire seulement : homme de talent 
et de courage, il fut pendant sa longue existence cons- 
tamment fidèle au culte des lettres, qui l'ont soutenu 
et consolé dans ses revers. 


Jai fini, Messieurs, l'exposé de vos travaux dans 


926 

l'année 1853, et les fonctions que je devais à la spon- 
tanéité de vos suffrages sont expirées. Je les avais pri- 
ses avant l'époque même fixée par vos coutumes, et 
cette dernière circonstance m'a valu l'honneur de pré- 
senter quatre fois à cette assemblée qui me prête sa 
bienveillante attention, le Compte rendu annuel. Je 
rentre dès ce moment dans les rangs de votre Compa- 
gnie, où je pourrai toujours montrer mon dévouement 
pour elle, et j'emporte la satisfaction d'avoir contribué 
à ses progrès autant qu'il pouvait dépendre de moi. 


comme" Ce — 


927 


PROGRAMME 


DES 


PRIX DÉCERNES PAR L ACADÉMIE POUR L ANNÉE 1853 


ET DES 
QUESTIONS MISES AU CONCOURS 


pour l’année 1854. 


Séance publique du 12 janvier 1854. 


I' PARTIE. 
RÉSULTAT DU CONCOURS DE 1855. 
$ Ier. 


Ce Concours n'a pas réalisé les espérances que l'A- 
cadémie avait conçues ; elle a reçu beaucoup moins 
de pièces de vers que l’année dernière. 

Toutes les questions de sciences n'ont pas été trai- 
tées, ou ne l'ont été que par un très-petit nombre de 
concurrents. 

Ilen a été de même pour les questions de littérature 

Trente envois de poésies, dont quelques-uns compo- 


928 
sés de plusieurs pièces, ont été reçus en réponse au 
$ XII du Programme de 1853 {Concours de Poésie ). 
Un recueil de poésies de vingt-deux pages est arrivé 
après la fermeture du Concours et n'a pu être admis 
cette année. 

Deux Mémoires ont été présentés sur le sujet $ VI 
(question d'agriculture : De la maladie de la vigne). 

Trois ouvrages sont parvenus sur le Ç VIT { question 
d'économie sociale : Étude comparative sur les con- 
ditions hygiéniques et morales de l'ouvrier des vil- 
les et de l'homme des champs; moyens de fixer les 
populations agricoles ). 

Un seul Mémoire a répondu au & VIT ( question de 
physique générale : Examen crilique et comparatif 
des théories dualistique et unitaire de la chimie ). 

Le & IX n’a pas reçu de réponse { question de mé- 
canique appliquée : Examen des divers propulseurs 
usilés ou proposés pour la navigation ). 

Un travail a été soumis sur le $ X {chimie agricole : 
Examen approfondi des engrais considérés aux 
points de vue chimique, physiologique el agricole ). 

Un ouvrage vous a été envoyé sur le $ XI { Latlé- 
rature : Étude générale du barreau de Bordeaux , 
depuis 1780 à 1815 ). 

La seconde question du même paragraphe n'a pas 
été traitée : État des lettres dans la Guienne, de- 
puis la mort de Montaigne jusqu'à Montesquieu. 

Un drame en cinq actes et en prose, dont le titre 
allégorique est Un Pensum, à été l'objet, en dehors 
du Concours, d'un examen particulier. 


929 


S IL. 


CONCOURS DE POESIE. 


Voici les pièces de poésies qui ont été recues par 
l'Académie dans l'année 1853 : 


1. — L’Abeille et le Papillon (28 nov. 1852). 
Ora et labora. 
2. — Recueil d'idylles (recu le 3 décembre 1852) : 
4 Les Semailles ; 
2° La Fenaison ; 
3° Lapès et Lycotas; 
4° La Prière ; 
5° Mysis, Agelé, Lymenis et Lysimène. 
3. — Les Hussards de la Mort (T décemb. 1853). 
La harpe à la main, le glaive à la ceinture. 
( Uhland; les Trois chansons. ) 
h. — Le Canut de Lyon, ode { 26 mai 4853 ). 
Mais où cherchai-je ailleurs ce qu'on trouve chez nous. 
(BoILEAU ). 
5. — Consolation. À un ami, sur la mort de son 
deuxième enfant. ( 30 Mai 1853.) 
Pourquoi gémis-tu sans cesse, 
O mon âme? réponds-moi. 
( LAMARTINE. ) 
6. — Le Pécheur { 45 juin 1853 ). 
Murmure autour de ma nacelle, 


Douce mer. 
(LAMARTINE. ) 


930 
7. — Lavoisier, ode ( 20 juin 4853 ). 


Jusques à quand, mortels farouches, 
Vivrons-nous de haine et d’aigreur? 
( LEFRANG DE POMPIGNAN. ) 
8. — Poésies religieuses, traduites ou imitées des 
psaumes et des hymnes que l'Église chante 
dans les principales fêtes de l'année. ( 34 
Juillet 1853 ). 
Sed longe sequere et vestigia semper adora. 
( STAGE. ) 
9. — La Chartreuse de Bordeaux , poëme (4° 
septembre 1853. ) 
Une immense espérance a traversé la terre, 
Malgré nous vers le ciel il faut lever les yeux. 
( Alfred de MussET. ) 
10. — Esaida ou Esaïde, Zolo et Amoris, ber- 
gers ( 2 septembre 1853 ). 
Nec plus ultra. 
A1. — Les Miettes, fantaisies (5 septembre 1853 ). 
Est homini semper diligenti aliquid super. 
(Pugzius Syrus, Sentence). 
12. — 1° La dernière nuit des Girondins; 2 la 
Fiancée du voyageur ( 5 sept. 1853. ) 


13. — Recueil de huit pièces de poésie (7sept. 4853). 
Et semblable à l'abeille en nos jardins éclose, 
De différentes fleurs j’assemble et je compose 
Le miel que je produis, 
( J.-B. ROUSSEAU. ) 
1° Les Regrets du pays natal. 
Est dulcis moriens reminiscitur argos. 
( VIRGILE. ) 


931 


2° Stances écrites sur la première page d'un livre 
de piété offert à une personne religieuse. 


3° Définition romantique du romantisme. 
Ægri somnia. 
( Horace. ) 
4° À Me Marguerite, âgée de cing ans. 
5° À un enfant âgé de trois ans. 
6° La Bretagne; à Me Élise **, de Paris, à son 
retour d'un voyage en Bretagne. 
Le Pauvre. 
8° À ma fauvellte. 
Pour chanter tu vins sur la terre. 
(Amable Tasru. ) 
14. — La Couronne ou la Voix de France, ean- 
tate offerte à l'Académie de Bordeaux ( 7 
septembre 1853 ). 


Vires acquirit eundo. 
( VIRGILE. ) 
15. — Chants élégiaques (13 septembre 1853 ). 
Ma muse a pris le deuil comme une pauvre veuve; 
On dirait que mon cœur se nourrit et s'abreuve, 
Du livre qu'en son sein reçut Ézéchiel. 
( Hipp. VIOLEAU. ) 


1° Odette; 

2 L'Orphelin ; 

3° A ma pelite germaine; 

4° Romance dédiée à M" C. V. { chante ); 
5° Élégie; 

6° Romance à une fleur ; 

7° Regrets; 

8° Petit oiseau béni | à Alcide ). 


932 
16. — 


4° Viens, viens, viens, canzonnetta sur les mo- 
tifs de Cécily, des Mystères de Paris (15 
septembre 1853 ). 
Mon sein bondit, mon sang brüle, 
Viens, viens, viens. 
( Eug. Sur. ) 
20 A ma bien-aimée Lucie. 
Vous m'avez causé moult bien. 
(LE rot RENÉ). 


3° Le Chant de l'exilé. 


Savez-vous, Maximilien, tout ce qu'il 
y a de poésie pour un noble cœur dans 
ce mot si simple : autrefois? 
{ Sounou pu TEMPLE; le Gâteau des rois. ) 


17. — Le Missionnaire, poème ( 19 sept. 1853 ). 
Est quodam prodire tenus, si non datur ultra. 
(HorAGE, liv. Ier, épit. 4re. 


18. — La Citadelle d'Athènes ( 23 sept. 1853 ). 
Je suis un citoyen de tes siècles antiques, 
Mon âme avee l’abeille erre sous tes portiques. 
( Alfred de Musser.) 
19. — 
15 Épigramme politique ( 24 septembre 1853 ). 
Pourvu que sa finesse, éclatant à propos, 
Roulât sur la pensée et non pas sur les mots. 


(BoiLEAU ). 
90 Poëme de la Charité. 


Aimons la charité qui seule satisfait; 
On n’est jamais heureux que par le bien qu’on fait. 


3° Le Crédit foncier à Bordeaux, satyre. 
L'ardeur de se montrer et non pas de médire, 
Arma la vérité du vers de la satyre. 
BOILEAU. ) 


933 


RES À pître aux Bordelais, par un Bas- Breton 
( 28 septembre 1853.) 


À tous les cœurs bien nés que la patrie est chère. 
(VOLTAIRE. ) 


21. — Aux Poëtes ( 28 septembre 1853 ). 

Oh! si j'avais des paroles, 

Des images, des symboles, 

Pour peindre ce que je sens; 

Si ma langue embarrassée, 

Pour révéler ma pensée, 

Pouvait créer des accents. 

( LAMARTINE. ) 


22. — Ad Academiam. Vers latins sur la mort de 
Napoléon I et l'avénement de Napo- 
léon IE ( 29 septembre 1853 ). 


Me vero primum dulces ante omnia musæ, 
Accipiant..…. ( VIRGILE. ) 


23. — Le Monde et la Famille, épitre à ma sœur 
( 29 septembre 1853 ). 


Je songe à ceux qui ne sont plus. 
(LAMARTINE. ) 


Heureux celui qui connaissant tout le prix d’une 
vie douce et tranquille, repose son cœur au milieu 
de sa famille et ne connaît d'autre terre que celle 
qui lui a donné le jour. 

(MonTESQuIEU; Lettres Persanes, p. 405.) 


24. — Le Poëte et la Nature ( 29 septemb. 1853.) 


La nature a des chants de bonheur, de tristesse! 
( LAMARTINE. ) 


25. — Rêve ( 29 septembre ). 


Heureux ceux qui savent se contenter des douceurs 


d'une vie innocente. (FÉNELON; Télémaque.) 
60 


934 


26. — Influence des femmes dans les Beaux-Arts, 
ode ( 30 septembre 1853 ). 


Votre gloire est souvent l'ouvrage d’un sourire. 

Quel homme, pour charmer la beauté qui l'inspire, 

Se livrant aux travaux qu’un regard doit payer, 

S'il possède un talent, ne souhaite un laurier? 

Ce désir est surtout l'aiguillon du poëte. 
(LEGOUVYÉ. ) 


1° Luther ( 30 septembre 1853 ). 
Il y a assez pour croire, 
Assez pour ne pas croire. 
( PASCAL. ) 
2 Les Trois conduites, fable. 
La critique est aisée... 
(BOILEAU. ) 


28. — 
1° Jeanne d'Arc, vierge et martyre, ode ( 30 
septembre 1853 ). 
2° La Falaise. 
Cerulæum mare... 
29. — Le Réveil de l'Afrique ( 30 sept. 1853 ). 
Lux in tenebris lucet..…, 
30. — 
1° Naître, élégie, avec une épigraphe d’Ana- 
créon, ode { 30 septembre 1853 ). 
2° Illusions. 
L'homme est un roi tombé qui se souvient des cieux. 


Arrivé après la fermeture du Concours : 


31. — Recueil de poésies (novembre 1853 ). 


935 

L'Académie à trouvé (rès-peu de poésie dans les di- 
vers morceaux qui composent le Concours. 

Aucun sujet intéressant n'a été parfaitement choisi 
ou convenablement traité par les auteurs. 

On à remarqué seulement, dans de rares passages, 
de la sensibilité et de l'élégance dans le vers, quelques 
inspirations assez heureuses, el un mérite ou habitude 
de versification. 

Aucun Prix n'a donc été accordé, et c'est avec re- 
gret que la Compagnie a dù se borner à trois mentions 
honorables et quatre citations. 


MENTIONS HONORABLES, 


A. — Le Missionnaire | poëme). Cette œuvre pré- 
sente des longueurs; mais il y a des épisodes intéres- 
sants. L'on peut retenir plusieurs vers bien frappés. 


2, — La Dernière nuit des Girondins, et la Fian- 
cée du voyageur. 

Une certaine ampleur et fermeté de pensée se font 
remarquer dans la première de ces pièces. 

On lit avec plus d'intérêt dans la seconde des vers 
empreints de sensibilité et émanant du cœur; ils ré- 
vèlent les émotions d'une femme. 


3°, — Poésies religieuses, traduites ou imitées des 
psaumes et des hymnes que l'Église chante dans les 
principales fêtes de l'année. 


936 
Ce recueil a un mérite littéraire assez soutenu; c’est 
le résultat d’un travail sérieux. 


CITATIONS: 


fe. — Le Monde et la Famille, ou Epître à ma 
sœur, contient un passage plein d'âme et de sentiment. 


2%, — Les Hussards de la mort. C'est un chant 
guerrier dont quelques strophes ont de l'intention, de 
la verve et du mouvement. 


3°. — Jeanne d'Arc (ode); la Falaise, viennent 
de la même plume et offrent des vers généralement 
bien faits; mais l’ensemble des détails est faible. 


4°, — L'Epitre aux Bordelais, par un Bas-Breton, 
exprime une idée ingénieuse et philanthropique; le 
faire en est facile et parfois spirituel. 


$ III. 
SCIENCES. 


AGRICULTURE. 


La question, proposée aux hommes instruits et sé- 
rieux, se rapporlait au grave Sujet qui préoccupe si 
justement notre département : la maladie de la vigne. 


937 


Deux concurrents ont voulu y répondre; mais ces 
travaux ne peuvent être considérés que comme une 
preuve de bonne volonté de la part des auteurs. 

Le N° 4 est insuflisant par sa brièveté; il ne ren- 
ferme d'ailleurs que des indications déjà connues, et 
propose des moyens de guérison dont l'efficacité est 
bien loin d'être démontrée. 


Le N° 2 ne contient aucune idée nouvelle, ni aucun 
fait important; de plus, il n’est pas inédit. La copie 
autographiée qui a été envoyée, prouve suffisamment 
que l'auteur n'a pas écrit pour l'Académie: il est placé, 
par cette circonstance, hors du Concours. 


- Le prix, ni aucune récompense , n'a donc pu être 
donné. 

Convaineue de la haute utilité des études qu’elle 
avait réclamées, la Compagnie n'en persiste pas moins 
à laisser ouverte une carrière d’où elle attend des ren- 
seignements pratiques importants. 


ÉCONOMIE SOCIALE, 


Le sujet proposé par l'Académie fixait les médita- 
tions des concurrents sur les conditions hygiéniques et 
morales des laboureurs et des ouvriers; il réclamait 
encore l'indication des moyens les plus propres à em- 
pêcher l'émigration des premiers au sein des villes. 

Trois Mémoires ont répondu à cet appel; le n° 2 
mérite seul un examen sérieux. 


938 

Pour ce qui concerne la première partie de la ques- 
tion, il renferme des idées et des observations qui ont 
de la justesse et peuvent se résumer ainsi : les influen- 
ces hygiéniques sont plus puissantes dans les campa- 
gnes que dans les villes; le laboureur est plus moral; 
l'ouvrier est plus intelligent. 

Poursuivant un ordre logique d'idées, cet auteur, 
dans la deuxième partie du travail, place les moyens 
qui pourraient donner aux laboureurs l'instruction et 
par suite l'aptitude industrielle dont ils ont besoin ; d'où 
il résulterait que n'ayant plus rien à envier aux villes, 
ils ne songeraient pas à abandonner leurs campagnes. 

Toute cette seconde partie du Mémoire n'a pas été 
traitée avec l'exactitude, le jugement et la réserve qui 
lui convenaient; elle est remplie, au contraire, par 
beaucoup de digressions. 

La Compagnie a constaté enfin que l'étude appro- 
fondie des différentes causes qui portent vers les villes 
les populations des campagnes, n'avait nullement été 
faite; et pourtant c'était le préliminaire obligé de la 
question. 

Le sujet relaté n'ayant pas été traité convenablement, 
le prix ne pouvait être décerné. 

Néanmoins, pour tenir compte du labeur dont on 
retrouve les traces dans ce Mémoire, des choses vraies 
contenues dans sa première partie, et d'un style en 
général facile, élégant, et qui parfois à de l'animation 
et de la verve, l'Académie a accordé une mention ho- 
norable à l'auteur, et remet la question au Concours 
pour 1854, 


939 
PHYSIQUE GÉNÉRALE. 


Un seul Mémoire est arrivé à l'Académie, sur l'exa- 
men critique et comparatif des théories dualistique 
el unitaire de la chimie. 

La Compagnie appréciant l'histoire des différentes 
théories qui se sont substituées tour à tour, croit de- 
voir rester indécise encore, même après le travail qui 
lui a été présenté, et ne pas admettre de conclusions 
définitives. C'est avec satisfaction qu'elle tient compte 
de faits bien observés et bien établis qui serviront à 
éclairer la science. 

Par ces motifs, elle ne décerne pas le prix. 

Mais reconnaissant le mérite réel d'un Mémoire où 
sont réunis avec art et discutés avec intelligence de 
nombreux documents, et où l’auteur fait preuve de 
connaissances approfondies des lois de la physique mo- 
léculaire et des phénomènes chimiques, l'Académie a 
voulu récompenser ce travail intéressant en lui décer- 
nant une médaille d'or de 100 fr. 


CHIMIE AGRICOLE, 


La question proposée était la suivante, comprise 
dans deux paragraphes : 

« Examen approfondi des engrais considérés aux 
» points de vue chimique, physiologique et agricole. 

» Peut-on déterminer la valeur réelle et vénale des 


» engrais, dans tous les cas où l'on peut en faire usage, 


» par la seule connaissance des quantités d'azote et 


2 


» d'acide phosphorique qu'ils contiennent? » 


940 

L'Académie n’a reçu qu'un seul Mémoire. 

Elle a le regret de voir des lacunes considérables 
dans ce qui touche à la première partie de la question. 

L'auteur ne parait pas avoir parfaitement saisi l'é- 
tendue de son sujet, ou au moins il ne lui a pas donné 
les développements suffisants; il n’a parlé qne des en- 
grais phosphatés ou phosphato-azolés, et a passé tout 
à fait sous silence ce qui concerne les cendres, les 
marnes, les plâtres, etc. L'examen approfondi du 
premier paragraphe devenait cependant indispensable 
pour traiter et résoudre le second. 

D'un autre côté, la Compagnie a reconnu dans ce 
Mémoire des renseignements utiles, des théories judi- 
cieusement déduites; enfin, des travaux d'analyse qui 
dévoilent l'homme habile et pratique. 

Des attestations authentiques accompagnent les faits 
annoncés dans cette œuvre. La composition et la ré- 
daction de celle-ci offrent les qualités désirables dans 
un ouvrage de science. 

Malgré cette juste part d'éloges, l'Académie n'a pu, 
en présence des omissions signalées, accorder le prix 
du Concours; seulement, en raison de l'importance de 
ce Mémoire et de son mérite incontestable, elle a dé- 
cerné une médaille d’or à son auteur. 


S IV. 
LITTÉRATURE, 


Etude générale du barreau de Bordeaux, depuis 
1780 jusqu'en 1815. 


941 


Cette question à été proposée pendant deux ans aux 
recherches et aux méditations des concurrents. 

En 1852, elle produisit l'envoi d'un seul Mémoire, 
qui revient en 1853, après avoir subi des modifications 
réclamées par le Programme. 

Ce travail est divisé en quatre parties. 

15, — Histoire du barreau jusqu'à l'élection des tri- 
bunaux et la suppression de l’ordre des avocats. 

2°. — Comprenant une période qui aboutit à la re- 
constitution de l'ordre des avocats (1810). 

3°. — Arrivant aux limites fixées par le Programme 
(1815). 

4°. — Mœurs, délassements littéraires et biographie 
des plus célèbres avocats bordelais. 


Ce travail important remonte à un événement qui a 
fait époque à Bordeaux (réintégration du Parlement en 
1775). Défectueux’en ce qui concerne l'histoire gé- 
nérale du barreau, il est riche en documents biogra- 
phiques. On y remarque, pour lapplaudir, un désir 
sincère d'indépendance et d'impartialité. Le style n'est 
pas assez littéraire : cette œuvre présente néanmoins, 
à la lecture, un intérêt vif et soutenu. 

Par les considérations qui précèdent , l'Académie n'a 
pu accorder le prix à ce Mémoire; cependant, elle veut 
être juste envers l’auteur, et lui donner un témoignage 
de haut intérêt : c’est pourquoi elle lui décerne une mé- 
daille d'or de 100 fr., et retire le sujet du concours. 


942 
ENCOURAGEMENTS DIVERS. 


Conformément à l’art. #8 de son Règlement, dont 
on retrouve le sens au $ XXII du Programme de 1853, 
une médaille d'encouragement est accordée aux au- 
teurs qui adressent à l'Académie des ouvrages d'un 
mérite réel. 

Le drame en cinq actes et en prose ayant pour Ui- 
tre allégorique le Pensum, et qui est parvenu à la 
Compagnie, ne se trouvant pas dans les conditions 
spécifiées, cet article des Statuts ne peut recevoir cette 
année aucune application. 


QE 
PRIX DÉCERNÉS PAR L'ACADÉMIE EN 1853. 
L'Académie accorde : 
CONCOURS D’'ÉCONOMIE SOCIALE, 


1° Une mention honorable à M. Jules Leveillé, de 
Rennes, auteur du Mémoire n° 2. 


CONCOURS SUR LA QUESTION DE PHYSIQUE GÉNÉRALE. 


2 Une médaille d'or de 100 fr. à M. Léopold Micé, 
préparateur de chimie à la Faculté des Sciences de 
Bordeaux. 


CONCOURS DE CHIMIE AGRICOLE, 


3° Une médaille d'or de 100 fr. à M. Adolphe Bo- 
bierre, professeur de chimie à la chaire municipale de 
Nantes. 


CONCOURS SUR LA QUESTION RELATIVE A L'ÉTUDE SUR LE 
BARREAU DE BORDEAUX. 


4° Une médaille d'or de 100 fr. à M. Henry Chau- 
vol, avocat à Bordeaux. 


CONCOURS DE POÉSIE, 


5° Une première mention honorable au n° 19, Le 
Missionnaire, poëme, par M. Bravet, propriétaire à 
Bazas. 


6° Une deuxième mention honorable au n° 12, la 
Dernière nuit des Girondins, ode; et la Fiancée du 
voyageur, élégie, dont l'auteur est M" Louise Brunet, 
à Casseneuil { Lot-et-Garonne ). 


7° Une troisième mention honorable au recueil n°8, 
Traductions ou Imitations des psaumes et hymnes 
chantés dans les principales fêtes de l'Eglhse, dù à 
M. F. Fourtou, conseiller à la Cour impériale de Bor- 
deaux. 


944 


CITATIONS DANS LE RAPPORT DE POÉSIE, 


Le Monde et la Famille, ou Épitre a ma sœur 
(n°23). — Les Hussards de la mort, chant guer- 
rier (n° 3). — Jeanne d'Arc, ode, et la Falaise 
(n° 28 ). — Épiître aux Bordelais ( n° 20 ). 


ENCOURAGEMENTS. 


Une médaille d'argent, grand module, à M. Fra- 
gneau, employé au chemin du Midi, section de Bor- 
deaux à La Teste, pour l'invention d'un appareil élec 
tro-dynamique destiné à empécher la rencontre des 
convois engagés sur des lignes courbes où les méca- 
niciens ne peuvent pas assez tôt s’apercevoir. 


II PARTIE. 


CONCOURS OUVERT POUR 1854. 


L'Académie à conservé quatre questions de son Pro- 
gramme de l’année dernière, et en a proposé trois nou- 
velles, 


& VL. 
AGRICULTURE. 


La première question prorogée pour 1854 concerne 


945 
la maladie qui vient de sévir avec force sur les vignes 
de notre département. 

Dans les derniers jours du mois d'août 1852, l'Aca-- 
démie rendit publique la détermination qu'elle avait 
prise de réclamer, dans son Programme de 1853, des 
études relatives à cette épidémie végétale. 

Ce mal avait été jusqu'alors inconnu dans la Gironde, 
dont la vigne est la principale culture et la source du 
commerce bordelais. 

Il n'en est plus malheureusement ainsi aujourd'hui : 
de la Suisse, du Piémont, de l'Italie, de la Grèce et du 
Languedoe, il est arrivé jusqu'à nos contrées et les a 
cruellement ravagées. 

Il est donc urgent pour l’agriculture, non moins 
qu'intéressant pour l'histoire naturelle, de redoubler 
d'efforts pour procéder à l'observation exacte et rigou- 
reuse de cette affection, afin de pouvoir avec succès, 
ou la prévenir, ou la combattre; c'est de la plus haute 
importance pour Bordeaux et le département. Et M. le 
Préfet de la Gironde l’a parfaitement compris, lorsqu'il 
a créé une Commission générale et oflicielle dont les 
soins sont de surveiller et d'étudier la marche du fléau. 

Ces considérations n'avaient pu laisser indifférente, 
l'année dernière, notre Compagnie, qui n’a jamais cessé 
de porter toute son attention sur l'agriculture et le com- 
merce de notre pays, et qui provoqua et couronna, en 
1755, la dissertation du savant Tillet, sur le charbon 
du blé. 

Son désir et son espoir n'ont été nullément remplis 
dans le Concours qu’elle à ouvert en 1853. 


946 


Elle n'abandonne pas cependant une idée qu’elle croit 
utile et patriotique. 

Fidèle à ses traditions et guidée par les puissants 
motifs qui viennent d'être exposés, elle promet encore 
une médaille d'or de 500 fr. et le titre de membre 
correspondant, à celui qui traitera d’une manière sa- 
tisfaisante la question suivante : 

« Exposer le plus complétement possible les causes, 
» le début, la marche, les progrès, la nature de la ma- 
» ladie de la vigne, et les moyens à employer pour en 
» prévenir ou en combattre les effets. » 

Ce prix, comme tous les autres de ce Programme, 
sera décerné dans la séance publique de la fin de l’an- 
née 1854. 


$ VIL. 


ÉCONOMIE SOCIALE. 


Les progrès incessants de l’industrie attirent au sein 
des villes une agglomération toujours croissante de po- 
pulation; par suite, les campagnes deviennent déser- 
tes; c'est un grand mal pour l'agriculture. Au point 
de vue moral, le mal semble plus grand encore, et les 
économistes s'en préoccupent. Aussi, depuis quelques 
années, on semble avoir voulu ranimer la vie des 
champs en créant des Comices agricoles; mais on 
peut déjà s'apercevoir du peu de résultats qu'obtient 
cette inslitution. 

Cependant, s'il est encore vrai de nos jours que les 


947 


goûts qui rapprochent l'homme de la nature sont les 
plus propres à le rendre bon et heureux, les moralistes 
doivent chercher à le ramener dans les champs, et c’est 
par les institutions qu'ils peuvent espérer d'y réussir. 

L'Académie voulant, pour sa part, contribuer à at- 
teindre ce résultat, avait proposé lan dernier un prix 
de la valeur de 300 fr. à l'auteur du meilleur Mémoire 
sur la question suivante : 

« Étudier comparativement les conditions hygiéni- 
» ques et morales de l’homme des champs et de l'ou- 
» vrier des villes. — Rechercher les moyens les plus 
» propres à fixer les populations agricoles dans les 
» champs. » 

Elle maintient ce sujet au Concours pour 1854. 


S 


A 


Ç VII. 
MÉCANIQUE APPLIQUÉE. 


L'invention du marteau-pilon, usité dans les forges ; 
celle de la scie droite à mouvement alternatif, dont la 
lame est fixée immédiatement dans la direction de l'axe 
même des pistons des machines à vapeur; la commu 
nication si directe du mouvement dans les locomotives 
des chemins de fer; l'invention des machines rotatives, 
permettent de penser que l'on pourrait considérable- 
ment améliorer la communication du mouvement des 
machines à vapeur aux divers propulseurs. 

Une communication de mouvement plus simple et 


948 


plus directe que celles généralement usitées jusqu’à ce 
jour, ferait que les machines seraient moins dispen- 
dieuses, plus faciles à entretenir, et qu'il y aurait moins 
de force perdue, soit par le frottement, soit par une 
meilleure combinaison des organes mécaniques. 

Il suffit d'avoir exposé ces faits pour que l'on en 
puisse conclure, ou que l'on obtiendrait l'effet ordi- 
naire et connu avec moins de combustible, ou bien 
qu'avec une égale quantité de combustible il serait pos- 
sible de parcourir un espace plus considérable. 

Dans la pensée qu'un tel résultat peut être obtenu, 
l'Académie persiste à poser la question suivante : 

« Examen des divers propulseurs usités ou proposés 
» pour la navigation, considérés principalement au 
» point de vue des meilleurs moyens de les mettre en 
» mouvement. » 

La récompense à décerner en 1854 est une médaille 
d'or de 300 fr. 


S IX. 


LITTÉRATURE. 


L'Académie laisse encore figurer dans son Concours 
de 1854, le sujet qui va ouvrir ce présent paragraphe 
de littérature. 

Voici comment s’exprimait à cette occasion le Pro- 
gramme de l'an dernier : 


Chaque contrée aime à connaître ses richesses litté- 


Nr TE, 


949 


raires et le nom des hommes qui ont fait sa distinction. 

L'Académie, plusieurs fois, a été assez heureuse pour 
applaudir à des travaux composés pour elle, sur d'an- 
ciens poêtes et écrivains, tels qu'Ausone, ©. Paulin, 
Sidoine Apollinaire , etc. La même satisfaction lui a été 
réservée pour les deux gloires de la Guienne, Montai- 
gne et Montesquieu. 

Mais il existe une foule d’autres anciens auteurs moins 
distingués, qui pendant leur vie ont eu de la réputation, 
et dont les écrits renferment des détails utiles à la con- 
naissance de leur siècle. 

C'est une pareille étude, également intéressante pour 
la littérature et l'histoire, que la Compagnie réclame 
et veut encourager. Elle pose pour limites aux recher- 
ches qu’elle demande, l’année 1580, date de la préface 
des Essais, et celle de 1734, date de la publication de 
la Grandeur et de la Décadence des Romains. 

Elle se résume donc en ces mots : 

« État des lettres dans la Guienne, depuis la mort 
» de Montaigne jusqu'à Montesquieu exclusivement. » 

La récompense qui sera décernée en 1854, consis- 
tera dans une médaille d'or de 300 fr. 


Îl existait à Bordeaux, il ÿ a soixante-dix ans envi- 
ron, un auteur dont les scènes dialoguées, les contes, 
les petits drames, ont amusé et charmé l'enfance, en 
lui apprenant tout à la fois à penser et à aimer. Ce 
Bordelais, ce moralisie gracieux, exerce encore au- 

ôl 


950 
jourd'hui sa douce influence sur le cœur et lintelli- 
gence de ceux pour lesquels ses écrits furent faits. 

Cet auteur, c'était Berquin, qui a conservé de la 
postérité le titre même qu'il avait donne à son livre, 
celui de l'Ami des enfants. 

Berquin a eu de nombreux émules dans cette mis- 
sion difficile et délicate, de présenter à l'enfance les 
premiers préceptes de la morale et de l'éducation. Ses 
imitateurs se sont éloignés de son genre, mais cepen- 
dant n'ont pu le remplacer ni le faire oublier. . 

L'Académie serait heureuse de voir des Bordelais 
payer aujourd'hui un hommage de reconnaissance au 
souvenir du philosophe aimable qui les à initiés aux 
pures jouissances de l'esprit et de l'âme. Elle souhai- 
terait encore la comparaison des œuvres de Berquin 
avec les publications de même nature qui se sont suc— 
cédé après lui. 

Elle formule ainsi sa demande : 

« Notice biographique sur Berquin; examen com- 
» paré de son ouvrage l'Ami des enfants. » 

Le prix sera une médaille d'or de 200 fr. 


S X. 
BEAUX-ARTS. 


ARCHITECTURE. 


L'Académie, en 4833, mit au Concours et en ces 
termes : l’Eloge de Louis, architecle, auquel notre 


951 

ville doit son théâtre et plusieurs autres édifices. 

Le Grand-Théâtre, à cette époque, venait de subir 
une mulilation grave, par le retranchement si préju- 
diciable d'une partie de son avant-scène. La pensée 
principale de la Compagnie était de démontrer l'im- 
portance de la conservation exacte du chef-d'œuvre 
de Louis, et elle l'exprimait d'une manière parfaite- 
ment convenable, en réclamant dans cette circonstance 
l'éloge académique de cet architecte *. 

Ce sujet resta deux ans inséré au Programme, et 
ne fut pas traité. 

L'Académie, renouant avec son passé, vient, au bout 
de vingt années, reprendre cette pensée traditionnelle. 

Aujourd'hui comme alors, elle a puisé le désir de voir 
honorer la mémoire de Louis, dans le respect qu'ins- 
pire à tous les véritables amis de l’art un monument 
qui fait l'orgueil de Bordeaux. 

C'est dans les terres suivants que cet éloge est ré- 
clamé des concurrents : 

« Appréciation de la vie et des travaux de Louis. » 

Récompense : une médaille d'or de 300 fr. 


MUSIQUE. 


Pierre Galin, professeur à l'Institut des Sourds-Muets 
de notre ville, n'ayant pas réussi à apprendre la mu- 
sique par le so//ége, créa pour son propre usage un 
système qu'il enseigna d'abord à Bordeaux, puis à Pa- 


1 Publication du Compte rendu de la Séance publique du 28 août 1834, p. 87. 


952 


ris, sous le nom de Méthode du Méloplaste. H ne vé- 
cut pas assez pour assurer le succès de sa tentative, qui 
avait soulevé une ardente polémique. Les élèves de Ga- 
lin ont repris son œuvre : Paris et plusieurs de nos 
grandes villes possèdent des cours de méloplaste fort 
suivis. La presse parisienne a plus d’une fois retenti 
dans ces derniers temps de débats animés entre les par- 
tisans et les adversaires de Galin. 

En proposant ce sujet de prix, la Compagnie veut 
prouver sa haute estime pour l'un de nos savants com- 
patriotes, et appeler la discussion sur les procédés les 
plus propres à populariser l’art musical. 

Voici comment elle à rédigé la question : 

« Étude sur la vie de Pierre Galin, de Bordeaux, et 
» la méthode du méloplaste, dont il est l'inventeur. 

» L'Académie désire que les concurrents exposent 
» les procédés de Galin et qu'ils en discutent la valeur 
» en les comparant aux modes d'enseignement musical 
» les plus usités. » 

Une médaille d’or de 300 fr. sera accordée à l'auteur 
du meilleur travail sur ce sujet. 


$ XI. 


ENCOURAGEMENTS DIVERS. 


L'Académie continuera d'accorder des récompenses 
proportionnées au mérite des poésies qui lui seront 
adressées. Déjà, depuis plusieurs années, elle a pensé 
qu'il était convenable de laisser au poète le choix du 


953 
sujet à traiter. Cependant, elle accordera toujours une 
attention toute particulière à celles de ces poésies qui 
se rattacheront, soit à quelques circonstances de la 
localité, soit à quelques faits particuliers de l'histoire 
du pays. 


Les observations météorologiques qui se font depuis 
quelques années sur divers points de la France, et qui 
ont acquis assez d'extension pour devenir l'objet d'une 
publication spéciale { Annuaire météorologique ) ont 
paru à l'Académie devoir être favorisées d'une manière 
particulière : des médailles d'encouragement seront 
décernées aux auteurs d'observations barométriques, 
thermométriques et udométriques faites au moins pen- 
dant une année entière sur un point du département, 
avec des instruments soigneusement comparés. 


Les constructions nouvelles qui s’opèrent dans le dé- 
partement de la Gironde, déterminent de grands travaux 
de terrassement. L'Académie, mue par le désir de fa- 
voriser le progrès des sciences géologiques et z0ologi- 
que, et surtout dans le but de compléter la faune an- 
tédiluvienne du bassin de la Gironde, décernera des 
encouragements spéciaux aux personnes qui recueille- 
ront et lui adresseront des ossements fossiles, ou, du 
moins, qui lui en transmettront des descriptions dé- 
taillées accompagnées de figures. 


L'Académie décernera, dans sa Séance publique de 
1854, ainsi qu'elle l’a fait dans ses séances antérieures, 


954 


des médailles d'encouragement aux agriculteurs et aux 
artistes qui lui auront communiqué des travaux utiles, 
ou aux industriels qui auront formé des établissements 
nouveaux à Bordeaux ou dans le département. 

De semblables marques de distinction pourront être 
accordées aux recherches archéologiques, aux écrits 
qui feront connaitre la vie et les travaux des hommes 
les plus remarquables du département de la Gironde, 
aux communications qui seront faites à l'Académie, 
d'objets d'arts, de médailles, d'inscriptions ; enfin, à 
tous les documents scientifiques quelconque qui pré- 
senteront de l'intérêt et de l'utilité. 


CONDITIONS GENERALES, 


La Séance publique annuelle aura lieu dans le cou- 
rant de décembre 1854. 


Les Mémoires, écrits très-lisiblement en français ou 
en latin, seront reeus, francs de port, jusqu’au 30 sep- 
tembre 1854, à l'hôtel du Musée, rue St-Dominique, 1. 

Tous doivent porter une sentence , et, dans un billet 
cacheté renfermant cette mème sentence, le nom de 
l’auteur et son adresse. L'auteur devra déclarer, dans 
ce billet cacheté portant son nom, que sa pièce est 
inédite, n’a pas concouru ailleurs, et qu'elle n'a été 
présentée ostensiblement à aucune Société savante. 
Tout auteur qui fera connaitre son nom, sera, par cette 


955 
seule circonstance, placé hors de la liste des concur- 
rents. 

Les billets ne seront ouverts que lorsque les ouvra- 
ges auront été jugés dignes du prix, ou d'une récom- 
pense académique. 

Sont dispensées de cette formalité, les personnes qui 
aspirent aux médailles d'encouragement, et les con- 
currents aux prix qui exigent ou des recherches locales, 
ou des procès-verbaux d'expériences qu'ils auraient fai- 
tes eux-mêmes. 


Art. 29 du Règlement de l’Académie. Les manus- 
crits envoyés au Concours doivent rester aux Archives 
tels qu'ils ont été cotés et parafés par le Président et le 
Secrétaire, et ne peuvent, dans aucun cas, être dépla- 
cés. Toutefois, l'Académie ne s’arroge aucun droit sur 
le Mémoire lui-même, qui demeure toujours la pro- 
priété de l'auteur; il peut en disposer à son gré, sans 
qu'il soit nécessaire de demander aucune autorisation 
à cet égard. 

( En se faisant connaître, l'auteur d'un manus- 
cril peut obtenir l'autorisation d'en faire prendre 
copie sur place. ) 


Art. 50. Les Mémoires couronnés par l'Académie 
ne peuvent être publiés par les auteurs sans le consen- 
tement formel de la Compagnie, qui ne l'accordera 
qu'autant qu'elle aura la certitude que l'ouvrage im- 
primé sera en tout conforme au Mémoire manuscrit 
couronné par elle et déposé aux Archives, Cet article 


956 


et l'article précédent seront insérés dans le Programme. 

Les étrangers et les régnicoles sont également admis 
à concourir, même ceux qui appartiennent à l'Acadé- 
mie à titre de membres correspondants. 


Henry BROCHON, Président. 
Le D' E. DÉGRANGES, Secrétaire général. 


RAPPORT 


SUR 


LE MÉMOIRE DE M. DE LACOLONGE, 


CONCERNANT LES ROUES A AUBES COURBES; 


Par M. W. MANÈS. 


La nature nous a prodigué, dans les cours d’eau qui 
sillonnent la surface de la terre, une force motrice gra- 
tuite qu'il nous importe d'utiliser, et dont nous nous 
servons souvent assez mal en ce que nous en dissipons 
en pure perte une grande quantité. 

Pour en tirer le meilleur parti, il convient : 4° de 
mesurer la masse d'eau disponible et la hauteur de la 
chute; d'estimer la force qu’elle représente, et de voir 
si cette force est capable de produire l'effet qu'on en 
attend; 2° de faire alors le choix de la roue la plus con- 
venable à employer, ce qui demande seul des études 
théoriques qui sont du domaine de la science ; 3° de 


958 
procéder enfin au meilleur tracé de la roue adoptée, ce 
qui exige surtout des recherches compliquées, pour les- 
quelles il est de l'intérêt des industriels de consulter à 
cet égard des ingénieurs spéciaux, ou de recourir aux 
bons auteurs sur la matière. 

Dans le département de la Gironde, se trouvent beau- 
coup de petits cours d'eau, sur lesquels sont établies 
de mauvaises roues à cuves qui consomment beaucoup 
plus d’eau qu'il n'est nécessaire, et qui éprouvent cha- 
que année des chômages plus ou moins longs, prove- 
nant des sécheresses de l'été ou des crues de l'hiver. 

Nous avons, dans des notes sur la meunerie, appelé 
l'attention des industriels sur ce point, et montré les 
avantages qu'ils auraient à remplacer ces moteurs par 
d’autres plus perfectionnés, en citant entre autres ce 
fait remarquable, que, pour moudre 1 hectolitre de blé 
à l'heure, les roues horizontales à cuves exigent, avec 
la chute de 1 mètre, 4,406 litres d'eau par seconde, 
tandis que les turbines n’en dépensent que 321 litres, 
dans les mêmes circonstances. 

M. de Lacolonge, capitaine d'artillerie, inspecteur 
de la poudrerie de Saint- Médard, dans le Mémoire qu'il 
vous à soumis et que vous nous avez chargé d'exami- 
ner, traite de la roue verticale à aubes courbes, qui 
est une des plus simples et des plus convenables pour 
les petites chutes, et qui est, à force égale, d'une 
construction plus économique et d'un poids moindre 
que la roue à aubes planes, se mouvant dans un cour- 
sier. Cette roue a, comme on sail, reçu successive 
ment différents perfectionnements. 


959 

Telle qu'elle fut établie en 1825 par M. Poncelet, 
cette roue se composait d'aubes circulaires qui présen- 
taient leur concavité au courant, et qui plongeaient dans 
un coursier, lemboitant par un are de cercle à déve- 
loppement supérieur à l'intervalle de deux aubes. Elle 
recevait l'eau au moyen d'un vannage incliné à 4 de 
base sur À ou 2 de hauteur. La partie du coursier inter 
médiaire entre l'orifice du vannage et la roue avait son 
fond formé par un plan incliné tangent à l'arc de cer- 
cle qui le termine. Un ressaut et un élargissement du 
coursier étaient pratiqués à l'endroit où les aubes com- 
mencent à vider l'eau, afin de faciliter le dégorgement 
de celle-ci. 

Dans une roue ainsi faite, 4° le maximum d'effet a 
lieu quand le rapport + de la vitesse de la circonfé- 
rence extérieure de la roue à la vitesse d'arrivée de 
l'eau sur les aubes est celui de 0,50 à 0,55, et alors 
le rapport de l'effet utile réel à l'effet absolu de l'eau 
employée pouvait s'élever à 0,60 et même à 0,75, mais 
n'a jamais atteint ce dernier chiffre. 

20 Quand la vitesse de la circonférence extérieure de 
la roue s’écarte sensiblement de celle qui correspond au 
maximum d'effet, l'effet utile est inférieur à ce maxi- 
mum, et ceci tient à ce que, en raison de la forme 
rectiligne du coursier, les filets fluides ne rencontrent 
pas la circonférence, et, par suite, la surface de l'aube 
sous le même angle, d'où résulte nécessairement une 
perte de force vive à l'entrée. 

Pour faire disparaître cet inconvénient, M. Poncelet 
imagina plus tard de donner à la partie du coursier 


960 


qui est intermédiaire entre l'orifice et la roue, non 
plus la forme d’un plan incliné, mais celle d'une courbe 
composée de deux parties raccordées entre elles, la 
première, en arc de cercle, et la deuxième , en spirale. 
Il détermina , par le parallélogramme des vitesses de la 
circonférence extérieure de la roue et de l’eau affluente, 
la direction de la tangente au premier élément de l'au- 
be, et celle de la ligne du centre de courbure des au- 
bes, pour lesquelles il choisit un rayon tel, que ce 
cercle rencontràt la circonférence intérieure de la roue 
en formant avec elle un angle aigu très-voisin de l’an- 
gle droit. 

Par ce nouveau tracé, on obtint les améliorations 
suivantes : 

4° La roue à aubes courbes, ainsi disposée, offre 
l'avantage de diminuer beaucoup, si ce n’est de détruire 
entièrement, les effets du choc de l’eau à l'entrée sur les 
aubes. 

2 Elle a acquis la propriété, qu’elle ne possédait pas 
auparavant, de pouvoir marcher à des vitesses notable- 
ment supérieures ou inférieures à celle qui correspond 
au maximum d'effet, sans que l'effet utile s'éloigne con- 
sidérablement de ce maximum. 

3° L'effet utile s'y élève de 0,60 à 0,65 du travail 
du moteur, avec une vitesse de la circonférence exté- 
rieure, égale toujours à 0,50 ou 0,55 de celle qui est 
due à la charge sur le sommet de l'orifice. 

& À charge et hauteur d'orifice égales, la roue rend 
un effet utile sensiblement le même, quand elle est 
placée à 012 au-dessus du niveau de l'eau d'aval, ou 


961 


quand elle est noyée de 0"20 à 0"25, ce qui montre 
que, pour le cas où l’on n’a pas à craindre de crues 
fréquentes et durables, on doit se dispenser de placer 
le point inférieur du coursier au-dessus du niveau 
d'aval ou d'établir un ressaut. 

5° Quand la roue est noyée de la moitié de la hau- 
teur de ses couronnes, elle rend encore un effet utile 
égal à 0,46, ou 0,47 du travail absolu du moteur. 

La construction des roues à aubes courbes en était 
à ce point, lorsque M. de Lacolonge ayant été chargé, 
en 4850, d'établir à la poudrière d'Angoulême deux 
roues semblables, fut appelé à Paris pour recevoir les 
instructions de M. Poncelet. Les localités ne permet- 
taient pas de donner au ressaut plus de 0"43 et em- 
pêchaient de pratiquer aucun élargissement. Le savant 
général remplaça la spirale par une développante de 
cercle, et ajouta à la partie supérieure une vanne sup- 
plémentaire. 

La développante dirigeait mieux les filets fluides que 
la spirale: 

Le manque d'élargissement mit cette roue dans le 
cas des roues à aubes planes, emboîtées dans un cour- 
sier cylindrique, et, comme on le verra, utilisa pour 
le refoulement des eaux d'aval la force vive que con- 
serve toujours et nécessairement l'eau en quittant la 
roue, et facilita par ce moyen la marche du moteur. 

La vanne supérieure déjà expérimentée dans une 
roue établie près de Metz, en 4846, par M. le colonel 
du génie Parnajon, sur les indications de M. Poncelet, 
avait l'avantage de compenser en temps de crue la 
perte de chute par une augmentation de dépense d’eau, 


962 
d'étendre à cette époque la limite de la marche du mo- 
teur, en le faisant participer aux propriétés des roues 
avec vannes en déversoir, qui marchent très-bien noyées 
de quantités notables. 

Les expériences, au nombre de 415, qui ont été 
faites sur la nouvelle roue d'Angoulême, au frein de 
Prony, avec tout le soin convenable, ont alors donné 
les résultats suivants, qui prouvent que pour les petites 
chutes inférieures à 1"80, les roues à aubes courbes 
ainsi modifiées sont préférables à tous les moteurs qui 
peuvent leur être comparés, même en y comprenant 
les roues de côté : 

1° Dans la marche habituelle à chute pleine, avec 
la vanne inférieure seule et sans engorgements, les le- 
vées de vanne de 0"15, 020, 0"95 et 0®30 sont, à 
peu de chose près, aussi avantageuses les unes que les 
autres , puisque le rendement pour celle où il est le plus 
bas n'est inférieur que de "/,,, au plus élevé. 

2° Pour ces levées de vannes, la vitesse variant de 
8 à 11 tours, c'est-à-dire de ‘/, au-dessus et au-des- 
sous de la vitesse normale, le rendement ne s’abaisse 
jamais à plus de ‘/,, au-dessous du maximum obtenu 
pour chacune de ces levées ; 

3° Pour toutes ces levées, la vitesse restant la même, 
la force en chevaux est sensiblement proportionnelle 
auxdites levées, ce qui rend ce genre de roues éminem- 
ment propre aux industries qui ont besoin de moteurs 
capables de conduire, avec une vitesse constante, di- 
vers appareils destinés à fonctionner tantôt seuls et 
tantôt réunis. 

%° Les rendements les plus forts ont lieu pour les 


963 


levées de vannes de 0"20 à 0"25, et avec cette der- 
nière levée, le rendement à été de 0,678, le plus fort 
auquel on soit jusqu'ici parvenu ; 

5° Dans la marche avec la vanne inférieure seule et 
des engorgements plus ou moins forts, il a été cons- 
taté : que la roue rend plus quand elle est engorgée de 
la moitié de la lame affluente, que quand elle est par- 
faitement dégorgée d'aval, et que ce rendement s'étend 
jusqu’à 0,752 avec un engorgement égal à la moitié de 
l'épaisseur de la lame d'eau; que le rapport des vitesses 
est sensiblement le même, que la roue soit un peu en- 
gorgée on non ; que la roue noyée d'un tiers de la chute, 
transmet encore la force et la vitesse nécessaires ; 

Enfin, que l'emploi additionnel de la vanne supé- 
rieure lui permet de marcher encore quand l’engorge- 
ment est égal à la moitié de la chute. 

Les résultats ci-dessus décrits se trouvent exposés 
dans le Mémoire dé M. de Lacolonge, avec l'ordre et la 
clarté qu'on aime à trouver dans les ouvrages de nos 
premiers hydrauliciens. 

On y trouve, en outre, exposées en détail les règles 
à suivre aujourd'hui pour la construction des roues à 
aubes courbes, d’après les dernières modifications de 
leur auteur. 

Ce travail, très-remarquable par les idées neuves 
qui y sont contenues, ainsi que par l'utilité pratique 
qu'il pourra recevoir, mérite, Messieurs, votre appro- 
bation, et nous vous proposons de donner à M. de 
Lacolonge le témoignage de votre satisfaction. 

Nous ne vous demanderons pas l'insertion du Mé- 


964 


moire entier de M. de Lacolonge dans le Recueil de nos 
Actes, vu son étendue et les planches dont il faudrait 
l'accompagner; mais nous vous proposerons l'impres- 
sion d’une partie du présent Rapport, à l'effet de faire 
connaître aux industriels que ledit Mémoire pourra in- 
téresser, les principales idées qui y sont émises, et son 
insertion prochaine dans le Génie industriel de M. 
Armengaud, où ils pourront en prendre connaissance. 


965 


RAPPORT 
L'APPAREIL FRAGNEAU 


à prévenir les rencontres des trains de chemins de fer; 


PAR M. ABRIA. 


MESSIEURS, 


M. Fragneau, chef du dépôt de la Compagnie des 
Chemins de fer du Midi, vous a soumis un appareil de 
son invention destiné à prévenir la rencontre des trains 
sur les chemins de fer. Nous venons vous rendre comp- 
te, M. Manès et moi, de la mission que vous nous avez 
confiée. 

L'appareil de M. Fragneau à pour but d'avertir le 
mécanicien-conducteur d'un convoi en marche, qu'un 
second convoi marchant dans le même sens où dans un 


62 


966 


> 


sens opposé est engagé dans la por- 


4E tion de la voie sur laquelle il doit 
ÿ lui-même cireuler. Il est principa- 
lement destiné à prévenir la ren- 
contre des trains sur les courbes et 
dans les tunnels, quoiqu'il puisse 
être égalementemployé danses par- 
ties droites. Mais M. Fragneau ne 
propose aucune modification aux 
moyens actuellement employés pour 
arrêter la marche des convois dans 
les parties où les trains peuvent 
s'apercevoir à des distances de 700 
à 800 mètres, les convois pouvant 
être arrêtés dans ce cas par l'em- 
ploi des agents qui sont à la dis- 
position des mécaniciens, du moins 
lorsque la pente et la charge nexe 
cèdent pas certaines limites. 

Pour concevoir le mode d'action 
de l'appareil Fragneau, supposons 
quatre stations AB, C, Die 
tantes, savoir : À et 
B d'une part, Cet 
>. Dde l'autre, de 700 
RNTR à 800 mètres envi 

IN à ron; B.et:Cd'un 

intervalle indéter-— 

_miné. De A à B, 

de C à D, la voie est rectiligne; entre B et C est une 


courbe ou un tunnel. 


967 


En D se trouve placé un disque - signal mobile au- 
tour d'un axe vertical retenu dans sa position normale 
par un levier en communication avec le contact d'un 
électro-aimant. 

Un courant électrique cireule dans celui-ci en tra- 
versant d'une part la terre et de l’autre un fil conduc- 
teur qui est en communication électrique avec des ap- 
pareils identiques dans leur construction, destinés à 
interrompre le passage de l'électricité et disposés à la 
première et à la troisième station, c'est-à-dire l'un en 
A, l'autre en C. 

Un appareil semblable est disposé à la station À, et 
les deux pôles de la pile qui y est installée communi- 
quent d'une part avec le sol, de l'autre avec deux appa- 
reils interrupteurs situés à la deuxième et à la quatrième 
station, c’est-à-dire l’un en B, l'autre en D; le fil qui 
sert de conducteur à l'électricité se rendant de l'une à 
l'autre de ces stations, et les appareils interrupteurs 
qui y sont établis servant comme les premiers, dans 
leur position ordinaire, de conducteurs au fluide élec- 
trique. 

Supposons qu'un convoi, circulant dans le sens 
ABCD, arrive à la station A, les roues de la locomo- 
tive agissent sur l'appareil interrupteur placé en À, le 
courant électrique est interrompu, le disque-signal 
placé en D à l’autre extrémité de la voie, exécute un 
quart de révolution autour de l'axe vertical qui le porte, 
et indique dès lors l'entrée du train en À à tout autre 
convoi qui se présenterait en D pour marcher dans le 
sens DCBA. 


Le convoi, continuant sa marche, arrive à la station 


968 
B, interrompt le courant dans cette station, ce qui 
permet à l'indicateur placé en À d'exécuter un quart 
de tour sur lui-même, et de faire connaître ainsi que 
la voie est fermée à tout convoi marchant dans le mème 
sens que le premier, c'est-à-dire qui se présenterait 
encore en À pour marcher dans le sens ABCD. 

Dès lors, la voie est fermée aux deux extrémités; et 
si la partie BC est, comme nous l'avons supposé, un 
tunnel ou une courbe dans laquelle les convois ne puis- 
sent s’apercevoir, le premier train pourra circuler sans 
obstacle et en toute sécurité. 

Arrivé en C, le convoi rencontre de nouveau le cou- 
rant électrique qui commande l'appareil — indicateur 
placé en D, l'interrompt et permet au disque d’exécu- 
ter un quart de révolution sur lui-même, ce qui le ra- 
mène dans une direction parallèle à la direction pri- 
mitive, et indique au convoi placé en D que la voie 
devient libre. 

Enfin, arrivé en D, le convoi interrompt le courant 
électrique qui commande l’appareil-indicateur placé en 
A, le disque exécute un quart de tour, se dispose pa- 
rallèment à sa direction normale, et la voie devient li- 
bre du côté de A. 

Par ces dispositions diverses, les appareils une fois 
mis en place, munis de piles électriques vérifiées avec 
soin comme on vérifie celles des télégraphes électriques, 
fonctionnent d'eux-mêmes par le passage des convois, 
et indiquent tant à l'avant qu'à l'arrière que la portion 
du chemin aux deux extrémités de laquelle sont pla- 
cés les appareils indicateurs est occupée ou est libre. 

Ajoutons que le mécanisme qui fait exécuter au dis- 


969 


que-signal un quart de révolution pour le mettre per- 
pendiculaire à la voie, amène sur le rail trois pétards 
dont la détonation, lors du passage des roues de la lo 
comotive, avertirait le mécanicien qui, par inadver- 
tance ou par toute autre cause, n'aurait pas aperçu 
l'indicateur. Ces signaux se retirent également d'eux- 
mêmes lorsque le disque reprend sa position normale, 

Un convoi marchant dans le sens DCBA agira de 
même sur les signaux et avertira de sa présence : 

En D, en interrompant le courant qui traverse l'é- 
leetro-aimant de l'appareil À, et en ramenant l'indica- 
teur placé à cette station d’une direction parallèle à la 
direction normale à la voie; dès lors celle-ci est fer- 
mée du côté de A. En C, en agissant sur l'indicateur 
placé en D et fermant la voie de ce côté. 

En B, en rouvrant la voie du côté de A. 

En À, en rouvrant la voie du côté de D. 

Si l’on suppose maintenant deux trains au lieu d'un 
seul, et si l'on admet d'abord qu'ils circulent en sens 
opposés, celui des deux qui se présentera le premier à 
l'une des stations extrêmes, soit en À, soit en D), aver- 
tira le second de sa présence par la position que prendra 
le disque. Si les deux trains arrivent simultanément 
aux stations extrêmes, les mécaniciens ne peuvent être 
avertis, il est vrai, par la position de l'indicateur; mais 
il faut remarquer que ce cas se présente rarement; et 
d'ailleurs, les signaux détonnants, venant toujours se 
placer sur la voie dès le passage des premières roues, 
seront écrasés par les roues des wagons suivants, et 
avertiront encore dans ce cas les mécaniciens par leur 
explosion. 


970 


Il pourra se faire encore que le convoi entré le pre- 
mier, par exemple, du côté de À, soit arrivé à la troi- 
sième station en C avant que le convoi opposé se soit 
présenté en D. Dans ce cas, le signal de D a repris sa 
position normale, et la voie paraît libre pour le second 
train; mais comme la voie ferrée est rectiligne de C 
en D et au delà, les deux convois pourront s'aperce- 
voir et faire les signaux et les mouvements nécessaires 
pour l'arrêt. Par la même raison, la voie doit être rec- 
tiligne de B en À et au delà de A. 

Si les deux convois circulent dans le même sens, 
dans le sens ABCD , par exemple, celui des deux qui 
arrivera le premier sur la voie, ou sera aperçu par le 
second S'il n'est pas encore en B quand celui-ci arri- 
vera en À, ou bien aura fait tourner le disque -signal 
s'il est engagé dans la portion BCD ; la rencontre sera 
donc encore évitée. 

Après s'être rendu compte de la manière dont les 
appareils doivent fonctionner dans les divers cas qui 
peuvent se présenter, la Commission a porté son atten- 
tion sur le mécanisme lui-même. 

Ce mécanisme est des plus simples. 

Les deux parties essentielles sont, d’une part, l'ap- 
pareil indicateur qui porte le disque; de l'autre, l'ap- 
pareil interrupteur destiné à faire marcher le premier 
quand le courant est interrompu. 

L'axe qui porte le disque-signal reçoit son mouve- 
ment d'un ressort, et le levier qui est lié avec le con- 
tact de l'électro-aimant n'a d'autre fonction que de l'a- 
bandonner à lui-même pendant un quart de révolution, 
quand le courant électrique cesse de passer dans le 


971 
fil. Le même mouvement entraine sur le rail une pla- 
que sur laquelle sont placés les signaux détonnants. 

Toutes ces pièces peuvent être exécutées sans diffi- 
culté et de manière que, dans la pratique, leur jeu soit 
certain. 

L'appareil interrupteur se compose essentiellement de 
deux lames de cuivre placées à l'extrémité d’un levier 
dont l'autre bras s'abaisse lors du passage des roues de 
la locomotive et des wagons. Alors la première lame se 
relève , et comme elle repose par ses extrémités sur 
deux autres lames de cuivre placées en regard l'une de 
l'autre, isolées et en communication chacune avec l'un 
des fils conducteurs, le courant est aisément inter- 
rompu, et le contact se sépare de l'électro-aimant, soit 
par suite de l'absence du courant, soit par l'action d'un 
faible ressort auquel il est uni. 

La lame de cuivre mobile fait ressort contre les deux 
autres, et il n’est pas à craindre que le courant éleetri- 
que éprouve de trop grandes difficultés dans son pas- 
sage; on en serail, du reste, aisément averti. 

Il est essentiel que le contact, une fois interrompu, ne 
se rétablisse qu'après le passage du convoi tout entier : 
le levier tendant à s’abaisser après le passage de chaque 
roue, M. Fragneau ralentit son mouvement de descente 
à l'aide d'un soufflet qui ne lui permet d'exécuter qu'une 
partie de ce mouvement dans l'intervalle de temps qui 
sépare le passage des deux roues consécutives ; le con- 
act, une fois interrompu par la première roue, ne se 
rétablit qu'après le passage de la dernière, et le disque 
n'exécule qu'un quart de tour. 

La pile est à zinc et sulfate de cuivre. L'appareil 


972 


devant fonctionner quand le courant est interrompu, 
il est aisé de s'assurer si la pile a une énergie suffi- 
sante et si les contacts sont convenablement établis : 
celte partie du service est à peu près la même que pour 
les piles des télégraphes électriques. 

Quant à la dépense d'établissement et d'entretien, 
nous n'avions pas à nous en occuper; mais elle ne pa- 
rait pas devoir être considérable. 

En résumé, cet appareil présente une application 
rationnelle et très-ingénieuse des propriétés de l'élec- 
tricité dynamique. Il est simple, facile à exécuter, aisé 
à surveiller daus la pratique. La Commission pense 
qu'il peut rendre de véritables services sur les chemins 
de fer à une seule voie, et mème sur ceux à deux voies. 
Les conséquences de la rencontre des trains sont telle- 
ment désastreuses, qu'on ne saurait prendre trop de 
précautions pour les éviter; et les moyens inventés par 
M. Fragneau paraissent de nature à les prévenir pré- 
cisément dans les cas où les moyens ordinaires sont 
insuflisants. De semblables appareils placés, soit dans 
les parties courbes, soit de gare en gare, offriraient 
certainement quelques garanties contre les chances 
d'accidents; et l'Administration des Chemins de fer de 
Bayonne a bien mérité de la chose publique en autori- 
sant les essais sur la ligne de Bordeaux à La Teste. 

Nous avons l'honneur de vous proposer de décerner 
à M. Fragneau, inventeur de cet ingénieux appareil, 
une médaille d'argent grand module. 


15 décembre 1853. 


973 


RAPPORT 


SUR LE 


CONCOURS DE POÉSIE 


Pour l'année 1853; 


PAR M. JULES DE GÈRES. 


MESSIEURS, 


La poésie serait-elle comme ces arbres de nos vergers 
qui ne donnent leurs fruits que tous les deux ans, et 
la saison de disette serait-elle la conséquence et le pré- 
sage d'une saison d'abondance? Nous tournerions alors 
nos souvenirs, pleins de regrets, vers le Concours si 
éclatant de l'année dernière, et nos regards se repor- 
teraient avec une confiante espérance vers celui non 
moins fortuné sans doute de l'année prochaine. Heu- 
reux, si là pouvait se borner notre tache! Nous ne 


974 

sortirions pas de cette loi commune et providentielle 
par laquelle on se console du présent en songeant à 
l'avenir et au passé. — Mais telle n'est pas notre fa- 
cile mission : enviant le sort de nos honorables et heu- 
reux prédécesseurs, dont la récolte à été si abondante, 
nous devons glaner là où ils ont moissonné. 

Il nous est particulièrement pénible que notre pre- 
mier pas dans une voie qu'ils ont si brillamment par- 
courue, soit l'accomplissement d'un devoir ingrat : le 
tenter est faire acte de courage et de résignation. Peut- 
être n'étions-nous pas dignes d'un meilleur lot, C'est 
done une double fatalité, qu'à l'infériorité de la matière 
se joigne encore l'insuffisance de l'ouvrier. Il semble 
dur au juge qui peut devenir accusé, de se montrer 
sévère lorsque lui-même sollicite lindulgence ; mais il 
tire sa force et son autorité de la Commission dont il 
est l'organe; il ne fait que prononcer la sentence du 
jury; — et l'on ne doit point oublier qu'il peut lui ar- 
river parfois l'obligation de renoncer à son jugement 
privé pour le fondre dans celui de la majorité. Cette 
sévérité nécessaire, Messieurs, est en quelque sorte ex- 
piée par la stérilité du rôle de votre Rapporteur ; il lui 
sera douloureux, à la fin de son œuvre, de ne pas voir 
votre digne Président couronner, selon l'usage, les vain- 
queurs de nos paisibles tournois, — il aimerait à faire 
partager et consacrer par ce publie d'élite des senti 
ments qu'il eüt été heureux d'éprouver lui-même, et 
les applaudissements recueillis par les lauréats eussent 
été la meilleure, la plus douce récompense de son travail. 

Il faut le constater, le Concours de 1852 était ex- 


975 

ceptionnel. Empiétant un moment sur les droits mé- 
mes de la postérité, votre tribunal suprême y jugeait 
les vivants et les morts. Cent dix lutteurs se pressaient 
dans l'arène; cette année, trente seulement s'y sont 
présentés. L'Académie ne se plaindrait pas du nombre, 
si la qualité lui offrait compensation. C'est le mérite 
des concurrents qui fait leur gloire et la sienne : Non 
numerantur, sed ponderantur. 

L'an dernier, votre Commission de poésie accordail 
quatre citations, trois mentions honorables, trois mé- 
dailles d'argent petit module, une médaille d'argent 
grand module, et une médaille d'or. Foreément plus 
modeste aujourd'hui, elle a dû restreindre ses largesses 
à quatre citations et trois mentions honorables. C'est, 
à le prendre du bon côté, un encouragement positif 
pour les poëtes à venir, et même pour ceux à revenir. 

Abandonnant les vingt=trois athlètes malheureux 
auxquels là consciencieuse exactitude de votre hono- 
rable Secrétaire général réserve la consolation d'un 
accusé de réception publié dans vos Actes, notre Rap- 
port s'oceupera exclusivement des sept élus que votre 
Commission a sauvés des gémonies de vos Archives. 

Nous commencerons par les citations, qui sont Îles 
moindres faveurs accordées par l'Académie, et nous 
débuterons par la quatrième; les derniers seront les 
premiers. 

C'est le n° 20 du Concours qui a obtenu cette légère 
distinction, pour l'expression d'un vœu très-louable, 
intitulé : Épitre aux Bordelais, par un Bas-Breton. 
— Témoin de l'empoisonnement en grand de la Chine 


976 

par l'opium anglais, l'honorable auteur supplie les 
Bordelais d'éviter le même sort à ses compatriotes de 
la Basse-Bretagne, en rétablissant de forts droits de 
sortie sur la boisson qu'une dérisoire anomalie fait 
nommer eau-de-vie, et qu'il nomme eau-de-mort. 
Il commence par décerner de justes éloges au vin de 
Bordeaux, à 


ce jus riche et vermeil, 
Plein des parfums du sol, et des feux du soleil. 


Quiconque en fait modérément usage, dit-il, 


Est des hommes, du sort, de lui-même charmé; 
Tandis que de son front fuit un dernier nuage , 

Le bonheur lui renaît au cœur, comme au visage. 
L'excès, presque toujours ou coupable ou fatal, 

Ici, sans être un bien, moins qu'ailleurs est un mal, 
Votre vin, prodigué, par ses vapeurs légères, 

Nous transporte au pays des riantes chimères, 
Fait d’un manant un roi, presqu'un Dieu d'un mortel , 
Qui tout éveillé rêve et devine le ciel! 

Sans que les voluptés où son âme se noie, 

Libre de tout penser qui n’est pas une joie, 
Attaquent sa santé, ce premier des trésors, 

Et d'une courte vie usent trop les ressorts. 

Ainsi, chez vous la vigne, en merveilles féconde 

D'un monde de douleurs sait faire un meilleur monde! 


Pourquoi faut-il que l'homme, qui ne se contente 
pas du bien, ait trouvé le mal en cherchant le mieux? 


Mais l’effréné désir d'une ivresse rapide 
Fit d'un agent chimique un breuvage homicide, 


977 


Dont le funeste attrait engendra plus de maux 
Que la guerre, la peste, et dix autres fléaux! 


Notre Bretagne, hélas! plus qu'aucun autre lieu, 
Par milliers de tonneaux reçoit ce vin de feu, 

Dont ses enfants, français encore un peu sauvages, 
Ont avec frénésie accepté les ravages... 

Aussi, combien chez nous, source amère de pleurs, 
Il jette chaque jour de trouble et de douleurs! 


Voyez, redevenu le fils de Teutatés, 

Ce Celte, qui sans cesse, hôte des cabarets, 
De son flacon brûlant boit jusqu’au bout la flamme ; 
Furieux , il fait fuir amis, enfants et femme, 
Du délit passe au crime, et la hache des lois 
Termine avec ses jours ses bachiques exploits! 
Cet autre, si souvent dans l’ardente bouteille, 
A laissé sa raison, que rien ne la réveille. 
Chez celui-là, son sang soudain s’est allumé, 
Et d’invisibles feux tout son corps consumé, 
D'un incendie humain qu’atteste chaque veine, 
Offre au scalpel surpris l'horrible phénomène! 
Celui-ci n'attend pas que le cruel poison 
Vienne abréger ses jours ou troubler sa raison; 
Doublement ivre, il cède à la sanglante envie : 
D'une main criminelle il s’arrache la vie! 


Aussi, qui des Kymris, en voyant leur langueur, 
Reconnaîtra bientôt la race et la vigueur ? 

Déjà quand tous les ans le gouffre de l’armée 
Réclame de soldats sa proie accoutumée, 

Il en faut deux pour un chez ce peuple breton 
Admiré par César et par Napoléon! 


Tout cela est malheureusement vrai, et ce n’est pas 
seulement en Basse-Bretagne que les choses se passent 


978 


ainsi. Nous regrettons de ne pouvoir allonger ces crta- 
tions. Mais si l'intention est aussi bonne dans toute 
celle pièce, l'exécution ne se maintient pas à son ni 
veau, Un Rapport n'est pas un éloge; il faut bien dire 
que le ton poétique est peu soutenu ; qu'il existe de fortes 
négligences, un vers faux, entre autres; que les rimes 
sont souvent moins qu'insuflisantes; que l'inspiration 
ne répond pas toujours à l'indignation, et que des ex- 
pressions telles que : chagrin grimaçant le malheur, 
font tache sur l'ensemble. Avant tout, c'est la pensée 
philanthropique, c'est la raison qu'il faut louer dans 
l'Épitre aux Bordelais, et nous verrions avec plaisir 
que l’auteur en adressàt une copie aux 


rois MUNICIPAUX , 
De la cité pour Bacchus sans rivale ! 


C'est le n° 28, contenant une ode sur Jeanne-d'Arc, 
et une pièce descriptive, intitulée : {a Falaise, qui à 
obtenu l'honneur de la troisième citation. 

Mécaniquement parlant, l'auteur est le meilleur for- 
geur de vers entre tous ses rivaux. At fabricando 
faber, — ou du moins, cela devrait être; — mais l'A- 
cadémie, qui aime le progrès, — et à qui l'auteur à 
donné le droit d'être exigeante, éprouve une déception 
cruelle en reconnaissant ici un de ses anciens lauréats, 
auquel ses encouragements n'ont pas profité. Jeanne- 
d'Arc et la Falaise sont si loin de Vercingétoriæ et 
de Saint-Malo, couronnés l'an dernier! L'Homère bre- 
ton a fait un petit somme. C'est toujours son vers for- 
tement trempé; mais, pour nous servir de l'heureuse 


979 


expression d'un de nos honorables collègues, « s'il a 
» l'éclat et la vibration du métal, il en a aussi la du- 
» reté. » L'auteur oublie trop souvent 


Qu'il est un heureux choix de mots harmonieux. 
Le vers le mieux rempli, la plus noble pensée 
Ne peut plaire à l'esprit quand l'oreille est blessée. 


C'est grâce à cet oubli qu'il écrit : 
Là l'Océan miroir où quand l'ouragan gronde. 


Nous n’aimons pas non plus les mots : « liquide pou- 
» dre » appliqués à l'écume de la mer. — L'artiste se 
préoccupe tellement de la forme, de la ciselure, qu'il 
ne songe pas toujours à y enfermer la pensée ; il sculpte 
et fouille richement de magnifiques reliefs qui sont 
creux. Ce reproche va surtout aux passages descrip- 
tifs, où la sonorité recouvre parfois le vide. — Ces ré- 
serves établies, nous rendons pleine justice à l'auteur 
pour ses qualités; et si la rime seule faisait le poëte, il 
aurait incontestablement l'avantage sur tous ses émules. 

Jeanne-d'Arc est un sujet splendide, si beau, que 
c'est peut-être une témérité d'y toucher. I faut à l'ins- 
piration de puissantes ailes pour se soutenir longtemps 
à la hauteur où plane l'immortelle héroïne. — Voici le 
remarquable début de l'auteur : 


Il est des noms si beaux qu'ils font résonner l'âme, 
Comme un bronze sacré sous le battant d'airain, 
De ces noms, lumincux comme un reflet de flamme, 
Dont le prestige est souverain! 
Gravés en lettres d’or aux fastes de l'histoire, 
Par le glaive de la victoire 


980 


Ou le burin de la vertu, 

Du Léthé fabuleux ils ont franchi l’abime, 

Et vibrent dans les temps comme un écho sublime 
Des siècles dont le bruit s’est 1. 


Il en est un surtout, qu'ont chanté les poëtes, 

Et qu'un poëte, hélas! voulut déshonorer.….. 

Comment, à Jeanne d'Arc, ce sceptique génie, 
Aurait-il fait pour croire en toi? 


Moi, j'y crois! moi, je veux de son poëme infâme , 
Dont les impurs feuillets maculeraient le pied, 
Venger, si je le puis, l'inspirée et la femme ; 
Ton échafaud est mon trépied! 
Là, devant tes bourreaux , là, devant la patrie, 
Haletant, la voix attendrie, 
Sur le luth à la fibre d’or, 
J'entonnerai pour toi l'hymne d’apothéose! 
J'allumerai, s’il faut, le chant que je compose, 
A ton bucher tout rouge encor! 


Ces strophes ne sont pas exemptes de quelques im— 
perfections, même de quelques chevilles; mais elles ont 
de l'ampleur et du mouvement, et le sentiment qui les 
anime est de ceux qui font battre un cœur français.— 
Jeanne-d’Arc est une belle, noble et touchante figure : 


Ne s'attendrit-on pas sur sa douce nature, 
Quand l'aspect de son sang qui sort d’une blessure, 
Lui fait verser des pleurs d'enfant ? 


Le temps nous manque pour la critiqué éoinme pour 


981 


l'éloge. Citons cependant la dernière strophe , empreinte 
de l'enthousiasme qui a fait naitre les premières : 


Jeanne, monte au bûcher... au ciel... Puisque la guerre 
N'a pas fait ton linceul d’un étendard conquis, 
Tu ne pouvais finir par un trépas vulgaire 

Le rôle qui te fut commis. 
Du saint patriotisme immaculé symbole, 

Le martyre à ton auréole 

Ajoute un rayon immortel. 
Le moyen âge est plein de ta grande figure; 
Objet d’un culte ardent que l’histoire inaugure, 

Ton tombeau se change en autel! 


Descendons maintenant sur la Falaise, et saluons 


le beau jour qui se lève. . 
Le brouillard du matin s’est fondu sur la grève, 
Aucune brise encor ne s’en va voltigeant ; 
Le flot, calme et sonore, en volute s’enroule, 
Et, s’affaissant plus loin comme un mur qui s'écroule, 
Couvre les sables d’or d’une nappe d'argent. 


Ici, le poète fait un heureux échange de sa plume 


avec son pinceau. Sa falaise a la limpidité d'une aqua- 
relle, et parfois la solidité un peu lourde d'une goua- 


che. Il excelle à reproduire les beautés maritimes; les 


deux derniers vers cités sont pleins de vérité et d'har- 


monie imitative. Grand nombre d'autres témoignent de 


l'amoureuse prédilection de l'auteur pour la rèverie 


contemplative aux bords de la mer : 


Bien au delà des caps, vois à l'horizon vague, 
Comme un point qui s’abaisse et monte avec la vague : 
63 


982 


C'est un navire! Il glisse, il grandit sur les flots. 
Il va toucher bientôt à des rives chéries. 

Déjà, tel qu’un fantôme aux blanches draperies, 

Il surgit, plus distinct, derrière les îlots. 


Le brick a jeté l'ancre, étalant ses bordages 
Et ses bruns matelots suspendus aux cordages, 
Et sa blanche ceinture où s'ouvrent les sabords. 
Tel, lassé de franchir les vagues mugissantes, 
L'albatros, repliant ses ailes blanchissantes, 
S'endort sur les rescifs dont l'onde étreint les bords. 
Tantôt c'est le pêcheur qui, saus rame et sans voile, 
Au fond des horizons tout à coup se dévoile, 

. Et penché sur sa barque y vide ses filets; 
Et puis les cormorans, quand desceud la marée, 
S'appeiant sur l’écueil d'où l’eau s’est retirée, 
Viennent polir leurs becs aux angles des galets. 


La nature à des beautés inépuisables, — la mer 
est un océan de poésie. Nous quittons à regret la Fa- 
laise; nous regrettons surtout que le poëte s’y soit trop 
longtemps oublié à côté du marin. — Il n’est pas à sa 
place dans une troisième citation de Concours ; son ta- 
lent est de ceux pour lesquels les prix sont fondés : il 
en à déjà fait l'expérience, et nous ne doutons pas qu'il 
puisse la renouveler quand il le voudra. 

Les Hussards de la Mort, inscrits sous le n°3, ont 
mérité la seconde citation. Cette pièce a du mouve- 
ment et un certain entrain de poésie guerrière. Le 
chant des soldats à de la vie et de l'ardeur; ce sont les 
qualités qu'a voulu récompenser votre Commission. 


983 


VILHELM. 


Entendez-vous sifiler les balles : 
Mes hussards au sombre dolman ? 
Penchez-vous au cou des cavales, 
Et suivez-moi sans intervalles, 
Allons, mes braves, en avant! 


Entendez-vous ce bruit qui roule ? 
Est-ce la foudre ou le canon? 

Est -ce une ville qui s'écroule? 
Quel est ce feu qui se déroule 
Comme un serpent à l'horizon? 


Au milieu de la fusillade 
Nous allons le revoir encor, 
Le danger, ce vieux camarade, 
Dont la franche et chaude embrassade 
Donne au courage un nobie essor. 
Mais quand l'ennemi nous fusille, 
J'aime à voir sur les lourds carrés 
Le sabre recourbé qui brille 
Et s’abat comme la faucille 
Au milieu des épis dorés. 
Un long cercle de feu ceint les flancs des coteaux; 
Voyez, frères, voyez cette flamme écarlate! 
Le bronze retentit, la fusillade éclate. 
Hurrah! le cri de guerre ébranle les échos! 
Et ce fut une course ardente, échevelée ; 
Chevaux et cavaliers à travers la vallée 
Fendaient l'air, plus légers que gnomes et démons. 


984 


Oh! comme s’enfuyaient champs, forêts et villages, 
Châteaux, clochers, vallons, monts, collines sauvages, 
Derrière les noirs escadrons! 


CCC CC ss... 


Et les guerriers volaient, volaient sur leurs cavales ; 

Le soufle de l’obus, le sifflement des balles, 

Et le boulet rougi, météore sanglant; 

La bombe vomissant ses gerbes homicides ; 

Rien, non, rien n’arrêtait les hussards intrépides, 
Les hussards au sombre dolman. 


En vain, réunissant leurs manœuvres habiles, 
Impétueux chasseurs, lanciers aux bras agiles, 
Lourds dragons, cuirassiers, redoutables géants, 
Fondaient sur les héros; la phalange invincible, 
La noire légion, indomptable, terrible, 

Jonchait la terre de mourants! 


000000 


Ne trouvez-vous pas dans ces strophes animées, 
comme un écho de la course fantastique de Mazeppa, 
comme un parfum de légende rhénane mise en musi- 
que par Schubert? — Malheureusement, Vilhelm, le 
chef des hussards, ne se relève pas roi; il est blessé 
mortellement dans le combat, et le monologue, qu'il a 
le temps et la force de prononcer avant de mourir, est 
un écueil contre lequel est venu se heurter et s’amortir 
toute la fougue de l'auteur. La fin de l'œuvre est d'une 
grande faiblesse. En outre, l'ensemble en est grave- 
ment déparé par plusieurs vers faux, — par des rimes 
négligées ou mal alternées, telles que quatre féminines 
de suite, enfin par des lieux communs de style passa- 
blement usés. Ces défauts ont fait rétrograder l'auteur 


985 
du rang où sa verve l'avait placé. Citons, en le quit- 
tant, un très-beau vers, qu'en sa qualité de sergent- 
major d'infanterie de ligne il doit être fier d'avoir écrit : 


C’est un noble destin de mourir en soldat! 


La première citation, toujours en procédant du moins 
méritant au plus digne, appartient au n° 24 bis; le 
petit poëme qui en est l’objet à pour titre : le Monde 
et la Famille, épitre à ma sœur; avec cette épi- 
graphe de Montesquieu, presque d'Horace, qu'il peut 
être utile de remettre sous les yeux dans un siècle aussi 
agité que le nôtre : 

Heureux celui qui, connaissant tout le prix d’une vie douce et 


tranquille, repose son cœur au milieu de sa famille, et ne con— 
naît d'autre terre que celle qui lui a donné le jour *. 


C'est le cœur qui distingue cette pièce; les plus doux 
sentiments de l'âme y sont pieusement épanouis. Le 
poëte doit être bon fils et bon frère; il dit bien ce qu'il 
éprouve :, 

Ma sœur, combien ce jour m'est ravissant et doux; 
Après un long exil, je reviens près de vous; 

Je revois, attendri, les lieu x de ma naissance, 

Où j'ai tout reconnu malgré dix ans d'absence, 

La croix sur le rocher, le grand bois, le chemin, 
Où nous courions, enfants, en nous tenant la main, 
Le ruisseau murmurant dont l'onde cristalline 

De ses replis nombreux embrasse la colline, 

Le mont, où, vieux débris, la féodale tour 


! Lettres persanes. 


986 
Semble encor protéger le pays d'alentour ', 
Ah! le bonheur ne vit qu'au sol de la patrie! 
Oui, je te reconnais, ma Bretagne chérie, 
J'atteins avec transport au comble de mes vœux, 
Et je puis à mon tour dire : « Je suis heureux ! » 
Le bonheur se rassied au foyer de famille. 
Ce bonheur qui fuyait, que le Seigneur nous rend, 
A laissé dans mon cœur son prestige enivrant, 
Et dans ce monde vain , malgré tout son tumuite, 
Des souvenirs sacrés j'ai conservé le culte. 
L'image d'une mère, en tous lieux, en tous temps, 
Soit que mon front subit la fureur des autans, 
Soit que sur l'Océan où voguait mon navire, 
L'humble voile obéit au souflle du zéphire, 
Me suivait, prolongeant sur mon destin nouveau, 
Ce regard protecteur qui couvrait mon berceau. 


L'auteur peint avec vérité ces éternelles déceptions 
que le contaet du monde fait éprouver à l'âme candide 
et neuve qui s'envole pour la première fois du giron 
maternel. Nous avons remarqué ce distique : 


L'égalité, dit-on, règne seule aujourd'hui, 
Et chacun veut monter... en rabaissant autrui. 


Les épreuves fortifient un cœur bien né. Mal à l'aise 
dans cette fausse civilisation qui létouffe, le jeune 
homme reporte ses regards et ses vœux vers ce vrai 
bonheur de la famille qui lui apparait plus doux en- 
core depuis qu'il l'a quitté : £t dulces réminiscitur! 


(*) Le château de Coatfrech, dont les ruines pittoresques s’apercoivent de la 
route qui mène de Guingamp à Lannion. {Note de l’auteur.) 


987 
Ah! le seul bien réel sur cette scène étrange, 
Ne perd rien de son prix , et jamais il ne change! 


Hélas! je l'avouerai! quand mon âme incertaine, 
Cherchait pour ses destins une plage lointaine, 
(Car un temps vient, ma sœur, qu'un devoir solennel], 
Nous force à déserter l'asile maternel), 

Sans cesse ma pensée, inquiète, étonnée, 

Vers le nid bien-aimé se sentait ramenée, 
Puis, devenu plus fort, j'invoquais cependant, 
Pour mes regrets amers un discret confident. 

Je disais : Ce soleil, qui sur nos têtes brille, 
Dans notre humanité ne voit qu'une famille, 

Et si le sol datal nous manque , les bannis 

Dans le commun amour restent encore unis. 


Mais voiei le passage qui a surtout fixé les indéci- 
sions de votre Commission : c'est un petit chef-d'œuvre 
de grace, d'observation et de sentiment, — digne de 
Berquin et de Legouvé. — La bonté de Dieu, dit l'au- 
teur, a consolé les douleurs de notre existence par des 
biens ineffables : 


-__ De trois amours divins elle y mit la douceur : 
Elle y plaça la mère, et l'épouse, et la sœur; 
La sœur, de nos succès fière et jamais jalouse, 
Qui, sous nos toits, fleurit entre l'ange et l'épouse, 
Et, mère virginale auprès d’un frère enfant, 
L'encourage, l'instruit, le berce et le défend ; 
Qui, plus tard, de nos deuils tempère l'amertume, 
En dévouements sécrets s'immole et se consume , 
Et lorsque les anciens sont remontés aux cieux, 
Nous retrace leur vie et la rend à nos yeux. 


De tels vers font triplement honneur à celle qui les 


988 


a inspirés, à celui qui les à conçus, et à ceux qui les 
applaudissent. 

Hélas! les impérieuses vicissitudes de la vie forcent 
le jeune homme à s'éloigner de ce paradis terrestre : 


De la grande unité le lien se dissout. 

Dès lors, autour de lui tout prend une autre face, 

Ce qu'une mère écrit dans notre âme, il l’efface, 

Et sa raison poursuit mille objets décevants, 

Comme un vaisseau sans mât, jouet de tous les vents, 


Aussi, comme il est heureux quand il a fini ce mau- 
vais rêve, quand les jours de l'exil sont achevés : 


Je vous revois, ma sœur, et nos embrassements, 
En foule ont réveillé des souvenirs charmants: 

Ma mère m'apparaît souriante et parée, 

Du bonheur de ses fils toujours plus altérée. 
Comme autrefois, après une absence, je sens 
Qu'elle m’entoure encor de ses bras caressants, 
Mon cœur de son esprit comme autrefois s'inspire; 
C’est, sous ce toit béni, la vertu qu'on respire, 
Le murmure du siècle et son vaste souci, 

Comme un flot sur la grève à mes pieds meurt ici. 


C'est aussi là qu'aurait du mourir le poë’me. — Une 
médaille, et non une première citation, aurait été la 
récompense de cette œuvre, si nous pouvions penser 
de sa totalité ce que nous sommes heureux de dire pour 
ces gracieux fragments; mais le parfum qui s’en échappe 
est si pur et si doux, la sonorité qui en survit conserve 
une vibration si calme et si harmonieuse, que nous ne 
nous sentons pas le courage de troubler, par un mot 
de blâme, les impressions de ce modeste triomphe, — 


989 


et nous nous hàtons d'arriver aux trois mentions hono- 
rables, qui sont, cette année, le point culminant de 
votre Capitole poétique. 

La troisième de ces mentions, — pour conserver 
l'ordre inverse que nous avons adopté dès le principe, 
a été adjugée au n° 8 du Concours, qui est un assez 
volumineux cahier de Poésies religieuses. Ces poésies 
ont un mérite éprouvé : elles sont les lettres de créance 
d'un liltérateur sérieux, d'un travailleur érudit, et ne 
rapportent pas à l'auteur la somme d'honneur qu'il était 
en droit d'en attendre. C'est que votre Commission s’est 
trouvé embarrassée de choisir le point de vue auquel 
elle devait les juger. Est-ce traduction, imitation, ou 
paraphrase?— Faut-il prendre comme un programme 
celte épigraphe que l'auteur emprunte à Stace? 


Sed longé sequare, et vestigia semper adora ? 


Une traduction s'écartant plus ou moins d'un texte, 
peut-elle lutter avec équité sur le terrain des œuvres 
originales, et sa valeur positive, mais d'emprunt, doit- 
elle avoir le pas sur l'imagination et l'invention? — 
Telles sont les questions que votre Commission à dû 
se poser en principe, et qu'elle a résolues négative- 
ment. Nous ne pouvons que regretter, pour l'auteur, 
qu'il n'ait pas eu à mesurer ses forces dans un Con- 
cours spécialement ouvert pour le genre qu'il à choisi; 
il aurait conservé relativement cette supériorité indis- 
cutable qui lui appartient intrinsèquement. Dans un 
milieu plus assorti, son œuvre eut probablement été la 


990 


première; mais non erat hic locus, et le triomphe 
académique est resté fort au-dessous du succès d'estime 
et du talent réel. — En maintenant l'auteur en ligne 
de bataille, nous lui avons cependant fait un sort plus 
heureux que celui d'un poëte latin que nous avons dû 
faire sortir des rangs, où le combat ne saurait avoir 
lieu qu'avec des armes toutes françaises. 

Des psaumes, des cantiques, des proses, des hym- 
nes, composent le recueil des Poésies religieuses. La 
versification en est noble et facile, dans les hymnes 
principalement. Mais l'expérience dont l’auteur y fait 
preuve ne peut que rendre plus difficile pour ses im 
perfections. Il nous parait de taille à supporter une 
part de cette critique dont aucune œuvre humaine n’est 
exempte, et qu'il a dû certainement se faire lui-même, 
beaucoup mieux et beaucoup plus sûrement qu'il ne 
nous appartient de l'oser. 

Les droits des concurrents réservés par votre déci- 
sion suprême, nous ne nous dissimulons pas qu'il faut 
plus de courage et de force pour bien traduire que 
pour inventer. On se ferait illusion en supposant le 
travail moindre; c'est une tâche ingrate et périlleuse ; 
on risque beaucoup pour avoir peu. Quel qu'en soit le 
fini, une copie a toujours le désavantage prévu de 
rester au-dessous de son modèle. Le génie créateur ne 
l'anime pas, la chaleur de l'inspiration ne s'y réflète que 
comme dans une glace, en s'y refroidissant. C'est une 
contre-épreuve, qui reproduit, déteints et usés par le 
décalque, les tons vigoureux de l'épreuve mère. — Il 
est téméraire de porter la main à de telles arches. Il 


991 


vaut mieux, ainsi que dans les beaux chœurs de tra- 
gédie couronnés l'an dernier, s'approprier, en arran- 
gements par souvenir, les beautés transmissibles, que 
de les transplanter de vive force par une traduction 
aveugle. Le génie des langues n'étant pas identique, 
le servilisme de la seconde aboutit au prosaisme, dans 
lequel sont perdues et comme noyées les originalités de 
la première. — Les traductions en vers, surtout, seront 
toujours faibles, le mètre contenant trop ou trop peu 
pour que le texte puisse exactement sy emboiter. De 
là, des allongements qui affaiblissent, ou des suppres- 
sions qui tronquent et amoindrissent. — De son côté, 
la paraphrase dérange l'harmonie des conceptions, dé- 
truit la sobriété de l'esquisse primitive, et fane les cou- 
leurs en les délayant.— La langue française, en parti 
culier, est d’un laisser-aller trop moderne pour qu'on 
puisse la réduire à la coneision du style antique et au 
poétique laconisme du style sacré.— Ces observations, 
qui ont pour double but de motiver votre indulgence 
et d'atténuer la portée de vos reproches, atteignent 
surtout certaines strophes où la pittoresque beauté du 
texte sacré est inévitablement badigeonnée par les pro- 
lixes exigences du rhythme superposé. Ainsi en est-il 
dans les versets : De torrente in vid, Laboravi in 
gemitu meo, etc., elc. L'auteur ne s'est pas attaché à 
la lettre, il a eu raison; — mais il ne s'est peut-être 
pas suffisamment pénétré de l'esprit. — Il a été mieux 
inspiré dans le psaume 413 : 


Dieu paraît; la mer fuit, le Jourdain se retire. 


992 


Vers magnifique, irréprochable à tous égards, et ré- 
sumant les splendeurs du texte. 


Monts, pourquoi tremblez-vous sur vos bases profondes ? 
Coteaux, pourquoi bondir ainsi que des agneaux ? 


lei, la traduction acquiert une translucidité qui laisse 
comme apparaitre l'idiome original, sans qu'il subsiste 
entre les deux la moindre trace du travail d'assimilation . 

Voici maintenant une strophe d'un mouvement élevé 
et graduellement soutenu : 


Dieu, qui de mes jours es la source, 
Fais-moi connaître de ma course 
L'espace, hélas! trop limité. 

Mais, au milieu de mes années, 

Ne tranche pas mes destinées, 

Toi, dont l'âge est l'éternité ! 


Pourquoi les rimes de ce recueil n'ont-elles pas tou - 
jours cette perfection? — La grande généralité des ac- 
cords se borne à la sonorité des voyelles; et l'eupho- 
nie des consonnes, — qui font pourtant les conson- 
nances, — est trop habituellement négligée. 

Nous ignorons pourquoi l'honorable auteur interver- 
tit le texte du premier vers de la prose des morts; elle 
est généralement connue sous le titre de Dies iræ, 
plutôt que sous celui de Dies illa. Les deux rimes 
veæilla et favilla ne permettent point d'ailleurs cette 
transposition. 

Le manque d'espace nous interdit de reproduire tous 


993 
les passages qui méritent d'être cités avec grands élo- 
ges : la lecture de trois beaux morceaux, un peu choi- 
sis au hasard parmi beaucoup d'autres, mais diffé 
rant entre eux de rhythme, fera mieux connaitre la 
manière du poëte, et ressortir d'eux-mêmes les avanta- 
ges et les côtés faibles de son procédé : 


PSAUME 109 : Dixit dominus domino meo, etc. 


Viens t’asseoir à ma droite, et partage mon trône, 
Dit au Christ le Seigneur, à qui tout est soumis, 
Et dès ce moment je te donne 
Pour marchepied tes ennemis. 


Je prendrai dans Sion, dans sa pieuse enceinte, 

Le sceptre que ta main doit recevoir de moi, 
Et, des méchants, saisis de crainte, 
L'orgueil fléchira devant toi. 


Les cieux resplendiront d'éclat et de lumière, 

Lorsque de ton triomphe arrivera le jour; 
L'aube n'éclairait point la terre 
Quand tu naquis de mon amour. 


J'en ai fait le serment et j'y serai fidèle. 
Selon Melchisédec, mon zélé serviteur, 
Tu seras de la loi nouvelle 
Le pontife et le fondateur. 


À la droite de Dieu, fils semblable à son père, 
Sur le monde ébranlé faisant tonner sa voix. 
Le Christ au jour de sa colère 
Sans pitié brisera les rois. 


994 


Sa justice en tous lieux promenant la ruine, 

Apparaîtra terrible aux peuples effrayés, 
Sous les coups de sa main divine 
Ses ennemis seront broyés. 


Tel qu'un humble indigent, pour boire une eau fangeuse, 
Sur les bords du torrent le Christ se penchera, 

Et puis sa tête radieuse 

Vers le ciel se relèvera. 


Hymne : Veæilla regis prodeunt, etc. 


Du souverain des cieux s’avance la bannière. 
Quel éclatant mystère au monde est révélé! 

Sur un gibet infâme, au sommet du Calvaire, 

Le créateur de l'homme est par l'homme immolé. 


De son flanc déchiré par la lance cruelle, 
Une eau pure s'échappe avec son sang divin, 
Afin de désarmer la justice éternelle, 

Et de tous ses forfaits laver le genre humain. 


Ils sont venus , ces temps qu'en ses chants prophétiques, 
David a célébrés sur des modes divers, 

Quand sa voix annonçait aux nations antiques 

Que la croix règnerait un jour sur l'univers. 


Noble croix , que le Christ de son sang a rougie, 
De la pourpre des rois tu revêts la couleur, 
Rejeton précieux d’une tige choisie, 

Digne d’avoir touché les membres du Sauveur! 


Tes bras sont la balance où se pèsent nos crimes, 
De la rançon du monde ils ont porté le poids ; 


995 


Et le Christ à l'enfer arrachant ses victimes, 
A l'héritier du ciel a rendu tous ses droits. 


Je te salue, à croix, mon unique espérance! 
Que des tourments d'un Dieu le pieux souvenir 
Soutienne la vertu, redouble sa constance ; 
Qu'il inspire au pécheur un profond repentir! 


Que notre gratitude en nos chants se déploie! 

Grand Dieu! que de tes dons nos cœurs soient pénétrés! 
Dirige constamment dans une sainte voie 

Ceux que d'un joug honteux la croix a délivrés! 


HYMNE : Ave maris stella, etc. 


Salut, astre brillant des mers! 
De notre Dieu mère adorée, 
Vierge, qu'implore l'univers, 
Du ciel tu nous ouvres l'entrée. 


Ta divine fécondité 

Par un ange à toi se révèle, 
l'our le genre humain racheté 
Tu deviens une Eve nouvelle. 


De la foi qu'un voile fatal 
Ne nous cache plus la lumière, 
Faisons le bien, fuyons le mal 
Sous ton égide tutélaire. 


Si nous sommes tous tes enfants 
Vierge sainte, fais-le connaître 

En offrant nos vœux suppliants 

Au Christ qui pour nous voulut naître, 


996 
Brise les chaînes du péché 
O toi, qui n'eus jamais d’égale! 
Rends à l’homme au vice attaché 
Une pureté virginale. 


Enrichis-le de tes vertus, 

Du salut montre-lui la voie, 
Et près de Dieu, que des élus 
Il goûte l’éternelle joie ! 


Honneur et gloire au Créateur 

Dont l'homme est le sublime ouvrage! 
Qu’à la Trinité notre cœur 

Rende en ce jour un triple hommage! 


Le bris du cachet a révélé le nom de l'honorable 
M. Fourtou, chevalier de la Légion d'honneur, con- 
seiller à la Cour Impériale de Bordeaux. 

C'est Me Louise Brunet, de Casseneuil — sur — Lot, 
élève de la Maison des Loges, qui a obtenu la seconde 
mention honorable du Concours, pour deux pièces de 
poésie : la Dernière Nuit des Girondins, et la Fian- 
cée du Voyageur. La première de ces pièces est dédiée 
à M. Jules Ducos, préfet de Lot-et-Garonne. Ce que 
nous pourrions en dire excéderait les bornes d'un 
Rapport déjà forcément un peu long. On comprendra 
que lorsqu'il s'agit des illustres martyrs de la Gironde, 
et des paroles suprêmes que l’on prête à leur chef, 
nous trouvions ample matière à controverse, même 
poétique. Nous croyons done plus à propos de nous 
taire. Qu'il nous suflise aujourd'hui de dire à l’aimable 
auteur, que, malgré le pouvoir dont il fait preuve d’ex- 


997 
primer noblement de nobles pensées, il ne devra ja- 
mais fermer l'oreille au sage conseil de La Fontaine : 


Ne forçons point notre talent, 
Nous ne ferions rien avec grâce. 


Or, la politique n’a jamais été la grâce d'une femme, 
Et la grâce est plus belle encor que la beauté! 


Nous allons citer le meilleur fragment de {4 Der- 
nière Nuit des Girondins : 


ehotoreteNel el ehele tr re lent se »e nnbie » ee es 17e 


Silence! du cachot l'écho sombre s’éveille, 
Et son soupir lugubre apporte à mon oreille 
Le bruit des pas des conviés. 
Sous la main du geôlier la porte s'ouvre et gronde : 
Salut aux nobles fils de la fière Gironde, 
Du peuple grands disgraciés! 


Ils ont, superbe erreur du génie en tout âge. 

Cru d’un seul coup de rame à la plus haute plage 
Faire aborder l'humanité; 

Mais la vie est un souffle, et, rapide, il expire : 

Ce n’est qu'un flot houleux franchi par le navire 
Sur un océan indompté. 


0 liberté! peux-tu resplendir sur la terre? 
Non, trop tôt parmi nous ton vif éclat s’altère 
Au courant de nos passions. 

A ces brises du mal ta féconde étincelle 
Allume un incendie, et ne laisse après elle 
Que des débris de nations! 


998 


Quand cette flamme sainte, enfants de l'Aquitaine, 

Éclose en d’autres jours, grandie à votre haleine, 
Dévia de son divin but ; 

Quand un fleuve embrasé traina tout aux abimes, 

Votre bras généreux voulut vers les victimes 
Lancer la barque du salut!… 


aol e etes, sb ele ® piatiete, ere (els iofelole © ee 


Des révolutions terrifiant exemple, 
Le flot monta toujours! l’aveugle feu du temple 
Brüla les sacrificateurs! 


Muette, je n'ai plus qu'un sanglot sur malyre, 

Qu'un frisson de terreur dans mon âme en délire : 
J'entends le fatal tombereau! 

Y monter dans l'éclat du talent, du génie, 

Beaux, jeunes, s’incliner, — destin! quelle ironiel — 
Sous l’ignoble fer d'un bourreau! 


à ee eo ve o ee « syfafe{lelpe le fo'o)fe Shore elelleello tete wfelelererte 


Celui de nos spirituels collègues qui, — selon l’ex- 
pression académique de votre honoré Président, — 
« fait revivre parmi nous les graces de Tibulle et de 
» Parny, » vous disait, il y a trois ans : « La flûte 
» poétique a été plus douce à vos oreilles que les re- 
» tentissements de la trompette, et cette fois encore le 
» cothurne à cédé le pas au brodequin ; c’est qu'en effet 
» le poëte a su trouver le chemin du cœur en en par- 
» lant le langage. » Ces paroles si vraies ne peuvent 
recevoir une plus juste application. La Fiancée du 
Voyageur contient quelques stances heureuses, plei- 
nes de délicatesse et de sensibilité. Le cœur sera tou- 


999 


jours la véritable source pour les poëtes ; lui seul donne 
la vie à la poésie et la fait vivre dans les autres. Une 
poésie sans cœur est un Corps sans àme; ou plutôt, 
sans lui, il n’est pas de poésie. Aussi sommes-nous 
ici plus à l'aise pour louer sans restriction les strophes 
suivantes de la Fiancée du Voyageur : 


La pervenche étoilant le gazon des ravines 
S'entr'ouvre au vent du soir. 

Dans le sentier moussu, tout bordé d’églantines, 
Je veux aller m'asseoir. 

Mais je ne sais pourquoi je fatigue mes ailes 
Aujourd’hui dans les airs, 

Et ne voudrais raser, avec les hirondelles, 
Que la terre et les mers. 


Quand le soleil de mai, dénouant le corsage 
De la royale fleur, 

Ramène parmi nous ces oiseaux de passage, 
Je leur dis en mon cœur : 


Ne vous reposez point aux branches de nos saules, 
Amantes du printemps; 

Des plus lointains climats, venez sur mes épaules, 
Me parler bien longtemps. 


Bâtissez votre nid dans mon alcôve blanche : 
Vous fuyez! ah! pourquoi? 

Je suis seule, arrosant mon rosier qui se penche, 
Il n’est plus près de moi! 


Il n’est plus près de moi, craintives voyageuses, 
Celui qu'en d'autres jours 

Vous vites de ses jeux sur nos rives ombreuses 
Effrayer vos amours, 


1000 


Comme vous il partit : mais, moins que vous fidelle, 
Il n’est pas revenu : 

Au pays où la source abreuve la gazelle, 
L'avez-vous reconnu? 


L'avez-vous reconnu dans la cité bruyante? 


Ab! quand il reviendra, moi qui sur ma poitrine 
Porte une humble croix d’or 

Et pare mes cheveux des fleurs de la colline, 
M'aimera-t-il encor ? 


A soupiré mon nom? 
Il semble... oh! son retour me ferait trop heureuse : 
C’est une illusion... 


Encore! — c’est donc toi! — c'est luil mes hirondelles 
L'auriez-vous reconnu ? 

Comme vous, sur ces bords, voyageuses fidelles, 
Le voilà revenu! 


Ce morceau est empreint d'une gràce véritable; le 
poëte s’y montre femme, et la femme s'y montre poëte. 
Nous ne ternirons pas cette double auréole qui le cou- 
ronne, en relevant quelques légères imperfections de 
détail. Mais nous sommes sûrs d'avance que Mm° Louise 
Brunet nous en voudrait si la critique ne montrait pas 
le moindre bout d'oreille, et si la patte de velours lais- 
sait complétement oublier qu'elle à des griffes. — On 
s'aperçoit que l'auteur à de bons yeux, — de beaux 
yeux peut-être; — mais la rapidité de son inspiration 
ne lui laisse pas toujours le temps de chercher l'ex- 


1001 

pression juste pour bien peindre ce qu'il voit si bien.— 
En second lieu, — et ceci n'est qu'un reproche d'hor- 
ticulteur, — en notre qualité d'intime ami des perven- 
ches, nous n'admettons pas qu'elles s'ouvrent au vent 
du soir, car c'est toujours à ce vent-là que nous avons 
la douleur de les voir se fermer. — Et ceci nous remet 
en mémoire qu'un de nos concurrents fait ensemencer 
les terres lorsque les vergers sont en fleurs. C’est un 
peu tard; et de deux choses l'une : ou ces semailles 
n'auront pas de moissons, ou ces fleurs ne donneront 
pas de fruits. 

Il n'en sera pas de même des fleurs et des semailles 
de M"° Louise Brunet, à laquelle nous croyons de l'a- 
venir. En lui assignant la seconde place, votre Com- 
mission à surtout été influencée par l'envoi d'un vo- 
lume manuserit, où le talent du poëte a pris un heu- 
reux développement, et qui aurait valu à son auteur 
une distinction plus flatteuse, si son apport tardif, et 
postérieur à la fermeture du Concours de 1853, ne 
l'eut privé d'en faire partie. Espérons que M"° Louise 
Brunet se représentera l'année prochaine, et tressons 
d'avance les couronnes que celte jeune et gracieuse 
muse viendra conquérir elle-même sous vos regards 
charmés. 

Nous voici arrivés à la première mention honorable. 
Aux derniers les bons, — ce qui ne veut pas dire que 
ce bon soit parfait. Le n° 17 nous offre sous ce ti- 
tre : le Missionnaire, un poème de mille alexandrins, 
divisé en dix-neuf épisodes, — et qui à le tort, 
croyons-nous, de n'être qu'une traduction interlinéaire 


1002 


des Lettres édifiantes, ou des Annales qui en sont la 
suite. Assurément, il en est de son sujet comme de son 
plaisir : on le prend où on le trouve, et nous ne blà- 
mons pas l'origine; — mais la prose est un écueil qui 
se voit à fleur de poésie lorsque le poëte la côtoie ser- 
vilement; — la transparence de la versification laisse 
deviner le papier réglé sur lequel on l'a froidement ali- 
gnée. — Nous pouvons nous tromper, du reste, et ce 
n'est ici qu'un simple doute; mais il est déjà fâcheux 
d'y donner lieu. 

Un de nos collègues a spirituellement défini cette 
œuvre : « Un petit poëme long. » L'auteur à dû s'ins- 
pirer de la manière du chantre des jardins, dont il re- 
produit en partie les qualités et les défauts. — On ne 
file pas la poésie comme le lin d’une quenouille bien 
garnie : Hippocrène est une source intermittente, Pé- 
gase n'est pas Rossinante, il doit avoir assez d'ardeur 
pour changer d’allure, et rompre la monotonie de Fam- 
ble par quelques écarts d'inspiration. — Mais on doit 
le tenir assez en main pour qu'il ne butte pas ainsi 
contre les voyelles de la route : 


Dans la crainte de Dieu et l'amour du prochain. 


L'auteur peut là dessus rédiger une note, 
IL fait un hiatus indigne de pardon. 


Ce n’est pas tout : « La versification française se 
compose de deux éléments : la mesure et la rime. » — 
C'est fausser la première que de la couper à contre- 
‘temps, comme dans ce vers : 


Et ramassant le peu de force qui lui reste. 


sms ist sffiies 


1003 


Que toujours en vos vers, le sens coupant les mots, 
Suspende l'hémistiche, en marque le repos. 


C'est forfaire à la rime que d'accoupler torrents et 
bienfaisants, — instruil et appui, — suppliante et 
menaçante,— et de hasarder d'autres unions plus que 
légèrement assorties. Plusieurs expressions sont regret- 
tables; nous n'aimons pas « les matelots offrant à Dieu 
» leurs cœurs stgnants. » 

Enfin, le prosaïsme descriptif et la longueur des sou- 
dures reliant les épisodes enraient souvent l'intérêt de 
l'action. 

En voilà plus qu'il n’en faut pour absoudre la Com- 
mission du reproche de parcimonie ; c’est à regret qu’elle 
retient les prix fermés dans sa main. L'Académie, Mes- 
sieurs, cherche des fronts pour toutes ses couronnes : 
— comme Paris, elle ne sait à qui les décerner ; — 
mais elle ne demanderait pas mieux que ce fût pour 
d'aussi bonnes raisons que lui. 

Après avoir motivé Finfériorité de la distinction dont 
le n° 17 est l'objet, il reste à justifier la distinction elle- 
même. — La part du feu réservée, — l'éloge doit sui- 
vre la critique, et s’efforcer de la faire oublier. 

Dans l'impossibilité de tout citer, et mème, disons- 
le, de faire, avantageusement pour l'auteur, une cita- 
tion de quelque étendue, nous allons enchàsser dans 
une rapide analyse toutes les beautés isolées, tous les 
vers bien frappés, et mettre en lumière les reliefs les 
plus heureusement détachés de la monotonie de l'en- 
semble. Nous ne laisserons ainsi dans l'ombre rien de 
ce qui mérite d'en être retiré. 


1004 


Maurice est un jeune français qu'une voix secrète 
appelle aux rives infidèles; son vœu le plus cher est 
d'y porter la foi chrétienne qui l'embrase, sur les tra 
ces brülantes des généreux martyrs dont il ambitionne 
secrètement la couronne. 


Une sœur éplorée, une mère chérie, 
N'ont pu le retenir sous le toit paternel, 
Il part, — et son exil devait être éternel. 


Remarquons, en passant, que, dès le troisième vers, 
le poëte prive son drame de l'attrait de l'inconnu; — il 
se trahit et dévoile le dénouement au début de Faction. 
C'est une faute qui nuit plus d’une fois à l'intérêt d’un 
récit dont la fin n'est plus un mystère pour le lecteur. 

Rien n'arrête donc la résolution du jeune mission- 
naire ; il lui tarde d'être au milieu des sauvages, pour, 
si Dieu bénit sa parole et son zèle, 


En faire des chrétiens à force de bienfaits. 


À peine embarqué, il est assailli par une tempête, 
dont l’auteur a craint de tirer parti. Le vaisseau tra- 
verse cette mer de l'Equateur , 


Où rougit le corail, où la perle s’argente, 
Où l'or coule en filons parmi les diamants. 


Il aborde en Chine, — cette terre qui est dans l’en- 
fantement d'un monde, que le sang du Christianisme 
régénère, et dont les fleuves roulent l'idolatrie en éclats. 
— Maurice, accompagné d'un simple catéchiste, s'é- 


1005 


lance vers les tribus incultes, y porte la bonne nou- 
velle et leur prèche l'admirable charité 


D'un Dieu né sur la paille et mort sur une croix. 


Une première épreuve consacre sa mission; il souf- 
fre persécution pour la justice; mais il en sort vain- 
queur et plus fort pour le combat : 


Plus son corps est brisé, plus son âme est vivace. 


Il reprend son œuvre et se lance dans le désert. — 
Ici, comme pour la tempête , le poëte avait une magni- 
fique occasion de poésie; mais il nous allèche par un 
titre, et s'en tient là. Chasseur heureux à lever le gi- 
bier, il le fait partir et ne le tire pas. — Après la so- 
litude éternelle, nos deux missionnaires traversent une 
solitude humaine, une ville abandonnée : 


Lieux déserts où leurs voix demeurent sans réponses, 


puis un marais tourbeux : 


Sous un plancher mouvant formé d'herbes solides 
Et sur un lit de sel, dorment ses eaux fétides. 
Ce fragile plancher, au voyageur tremblant. 
Offre seul sur le gouffre un chemin ondulant 
Qui, pliant sous ses pas, et s’abaisse , et s'élève, 
Comme les eaux d’un lac que l'orage soulève. 


Une seconde et plus douloureuse épreuve y attendait 
Maurice. Le corps avait eu sa douleur, le cœur devait 
avoir la sienne : le jeune catéchiste trouve la mort 


1006 


dans ce marais. Entièrement seul, loin de tout secours 
humain, le missionnaire regarde le ciel, où un nouveau 
protecteur lui est acquis, sans doute; il dit adieu à la 
dépouille sacrée, et continue son courageux voyage. — 
Il rencontre une oasis. Nouvelle absence de descrip- 
tion; l’auteur l’oublie pour nous peindre un orage. 

Le chapitre suivant, intitulé : Une Eglise, nous fait 
assister aux chutes des cascades, aux ébats des cha- 
mois, aux courses des élans, aux jeux des oiseaux 
exotiques. La cloche ramène enfin le missionnaire au 
temple saint, où trois mille chrétiens le suivent, at- 
testant, non moins que le monument bàti sur ces ter- 
res si lointaines, 


Ce que l'amour inspire, et ce que peut la foi. 


Le prêtre entre dans l’église, 


Signe son front, s'incline, el la messe commence. 


Ici, nous sommes heureux de pouvoir citer un beau 
fragment : 


La messe! à ce nom seul je sens faiblir ma voix, 
Ma lyre est détendue et se tait sous mes doigts. 

Et comment, en effet, oserais-je dépeindre ? 

Ce que l'œil ne peut voir, La main ne peut atteindre ; 
Ce que l'esprit en vain s'efforce de saisir; 

Qui se refuse au doute et se donne au désir; 

Vérité pour le cœur, pour la raison mensonge, 

Mais vérité sans prix, ne fût-elle qu'un songe! 
Silence donc, silence, orgueilleuse raison! 

Car ton œil ne parcourt qu’un étroit horizon, 


1007 


Le cœur seul, pour monter aux clartés éternelles, 
A de la foi la vue et de l'amour les ailes: 
Silence! sur l'autel où le prêtre l'attend, 

Pour s’y voir immoler la victime descend. 


A part trois négligences qui les déparent, ces vers 
sont remarquables. Le sixième et le septième surtout 
sont très-heureux, — ils ont tout le bonheur de la vé- 
rité. — L'auteur accuse sa lyre d'être détendue: nous 
croyons, au contraire, qu'elle n'est jamais plus sonore 
que dans ce passage et dans tous eeux où la Religion 
l'inspire. Pour être ainsi poëte, il faut commencer par 
être chrétien. La poésie a cela de beau, que le vrai 
seul fait sa force. C'est un hommage à lui rendre, qui 
en prouve l'excellence, de constater qu’elle est tou- 
jours incomplète au service de l'erreur et du mensonge, 
et que c'est seulement aux sources les plus pures qu'il 
lui est donné de puiser la plénitude et la perfection. 
Lorsque le talent se jointà la conviction du cœur, il y 
a un poële : on n'exprime bien que les sentiments dont 
on est profondément pénétré. Il n'existe pas de poésie 
sans une foi quelconque, et il ne saurait être de poésie 
plus grande et plus entière que celle qui vient de Ja foi. 

Maurice doit abandonner le bien réalisé pour courir 
vers celui qui reste à tenter. [l quitte les convertis, qu'il 
laisse heureux, et pénètre chez de malheureuses tribus 
indomptées. Faible et seul, comment réussira-t-il? 


Il l'ignore ; qu'importe? — il sait que Dieu le veut. 


Les chrétiens le voient partir sans pleurer, « mais 


1008 


» le cœur plein de larmes. » — Maurice les console; 
et leur montrant son crucitix : « Mes devoirs sont écrits 
» sur ce bois, » dit-il; 


C'est là qu'un immortel consentit à mourir. 
et il ajoute, comparant leur sort au sien : 


Je vous laisse un pasteur et m’en vais sans troupeau. 


Par une liaison qui ressemble fort à une digression, 
nous voici subitement engagés dans une chasse aux 
bisons, chasse très-peu récréative pour les chasseurs, 
et qui présente de sérieuses analogies avec les courses 
de taureaux. Le courroux du bison, — comme celui du 
mythologique époux de Pasiphaé, 


Au chasseur qui l'affronte est quelquefois fatal. 
On j'a vu de ses pieds le pétrir sur la grève, 
Plus souvent il le prend, sur ses cornes l’enlève, 
Le lance dans les airs, le reprend au retour, 

Le relance’. 

Et l'abandonne enfin mourant sur la poussière. 


Après cet aimable délassement, ceux des chasseurs 
qui survivent se hâtent de s'en réjouir dans un ban- 
quet. — Maurice, avec deux nouveaux prêtres qui l'ac- 
compagnent, tombe au beau milieu de ce festin des 
Balthasar et des Nemrod sauvages; et les voyant fiers 
des riches dépouilles qu'ils ont acquises au péril de leur 
vie, il leur dit, avec une sainte autorité : 


Le premier des trésors, c'est de connaître Dieu! 


1009 


Les convives chinois accueillent les nouveaux venus 
avec une hospitalité tout écossaise. Au dessert, un 
barde de la Mongolie entonne l'hymne du grand Tamer- 
lan, et chante des strophes alternées avec un refrain 
des chœurs. 

Après avoir écouté ses hôtes, Maurice s’en fait écou- 
ter; bientôt mème il s'en fait aimer, et finit par ame- 
ner ses convives an banquet divin. — Encouragé par 
ce succès, et croyant n'avoir rien fait tant qu'il reste 
un seul infidèle, l'apôtre tourne son zèle vers une race 
proserite, exilée, une tribu de parias dégradés, qui 
vivent esclaves au sein d'une tribu libre : 


Comment, dans le malheur, ne pas être chrétien ? 


leur dit-il; — et il ouvre leurs yeux à la lumière par 
les rayons de l'espérance et de la consolation. Ce n’est 
pas tout : après avoir assuré leur bonheur dans l'autre 
vie, il veut leur rendre le bonheur de celle-ci. Il laisse 
ses deux prêtres aux chasseurs de bisons, rassemble 
ses nouveaux enfants sous les ailes de sa charité, et, 
comme Moïse ramenant les Hébreux de l'Égypte, il les 
retire de leur esclavage, et, marchant à leur tête, se 
met en route vers leur patrie. La petite colonie tra- 
verse le fleuve Jaune, puis de longues steppes de neige, 
sans route apparente, et où l'on n'apprend que par la 
présence 
d'ossements humains, 
Que d’autres ont passé par les mêmes chemins. 


Mais les voyageurs ne perdent pas courage; ils mar- 
chent, leur double but les soutient : 


1040 


Leur sang est chaud encor sous leurs habits glacés. 


Cependant, l'ouragan arrive avee la nuit ; ils faiblis- 
sent : 


L'âme, comme le corps s'épuisait dans la lutte, 
Ils mesuraient l'abime en attendart la chute, 
Et déjà dans leur cœur i!s se sentaient mourir, 


lorsque soudain, étoile dans leurs ténèbres, s'offre à 
leurs regards une statue de Marie; ils l'invoquent avec 
celte ferveur que donne le danger, et l'ouragan est en- 
chainé. Le sommeil répare leurs forces; et quand, le 
lendemain, 


Le soleil, dont le cours doit leur servir de guide, 
De sa poussière d’or parsema leur chemin, 
Ils partirent joyeux, le bâton à la main. 


Îls ont bientôt retrouvé leur patrie, et le mission 
naire, qui les a gagnés à l'amour, les gagne facilement 
à la foi. 


Quand le cœur est soumis, l'esprit n’est plus rebelle ! 


Beau vers, que l’auteur peut écrire en lettres d’or parmi 
les meilleurs et les plus vrais qu'il lui sera jamais donné 
de faire. La jeune Église fait de rapides progrès ; la vic- 
toire suit 


Ce conquérant nouveau plus puissant que les rois, 
Dont l'arme est la parole et le sceptre une croix. 


1011 


Une nouvelle conquête séduit le zèle de l'apôtre. La 
fille d’un roi voisin avait reçu de sa mère mourante, 
chrétienne en secret, une parole de foi qui devait ger- 
mer. Maurice achève de l'initier, l'instruit et la baptise. 
Du ciel, où elle bénit le saint missionnaire, la mère 
tressaille de joie; son bonheur est complété par cette 
pensée, que son enfant pourra le partager un jour, et 
lui être rendue. — Il est vrai que Lao-si est jeune ; — 
mais sa mère a le gage de leur réunion future : 


Mais elle peut attendre, elle a l'éternité! 


Averti par un traître, le père furieux fait arrêter 
Maurice, et donne à sa fille l'alternative d’abjurer ou 
de voir le missionnaire livré au dernier supplice. — 
Secourue et fortifiée par la grâce, Lao-si reste fidèle. 
Maurice, chargé de fers, est conduit devant les bour- 
reaux qui sont ses juges; on allume le bücher. — Le 
mandarin promet la vie au prêtre s'il abjure : 


Orgueilleux mandarin, quelle erreur est la tienne! 
Apprends donc que la mort, pour une âme chrétienne, 
N'est que le premier pas vers l’immortalité! 

Ce soir, je dormirai dans la sainte cité. 


L'ordre cruel est donné. — Maurice, dont les beaux 
cheveux blancs se détachent en diadème et brillent déjà 
comme la sainte auréole du martyre, Maurice s'avance 
avec fermeté, et monte sur les bois enflammés. 


Un roulement lointain a parcouru les airs; 
C’est le signal : la flamme en vingt endroits portée, 


1012 


Sans relâche s’accroït par le vent excitée; 

Du bûcher sacrilège elle envahit les flancs, 
Monte en lames de feu, court en flots dévorants, 
Et, du tas qui s’affaisse ayant atteint la cime, 
Dans son cercle brülant enserre la victime. 


Le héros chrétien pardonne en mourant, 
Il veut être sans haine ainsi qu'il est sans peur. 


Ici finit le poème. — Mais l'épilogue nous apprend 
que les derniers vœux du nouveau Xavier ont été exau- 
cés; sa mort a été un miracle. —C'est le roi lui-même, 
c'est le bourreau qui a trouvé le baptème dans le sang 
du martyr; c’est le père, converti à la foi de sa fille, 
qui raconte ainsi le prodige : 


Dieu préserva son corps des flammes dévorantes, 
Il uous montra ce corps au milieu du brasier, 

Tel que nous l’avions vu, superbe et tout entier. 
Rien en lui n’a du feu subi le moindre outrage, 
C'est toujours son sourire et son calme visage; 
Sa bouche prie ercor, son sein va soupirer, 

Il ne respire plus, mais semble respirer... 


La foule, témoin du miracle, se prosterne, remplie 
de crainte et de saisissement. Lao-si paraît alors en 
vêtements de deuil, et confesse devant son peuple la 
foi dont elle veut le faire vivre : 


Dans ses œuvres, païens, admirez l'éternel! 


lui dit-elle ; 


1013 


Invisible à vos yeux, il parle à votre cœur ; 

De tout ce qui respire il est le créateur; 

Il voit tout, il peut tout, il connaît toute chose : 
L'avenir incertain sommeille en sa main close, 

Et sa seule pensée enfanta l'univers, 

Païens, c'est le vrai Dieu, c’est le Dieu que je sers! 


Nous obéissons tous à cette parole inspirée, ajoute 
le père en terminant son récit : 


Tous du divin Sauveur nous suivons la bannière, 
Et le doute orgueilleux que blesse sa lumière 
Fait, et fuit sans retour, laissant seuls après soi, 
L'amour dans notre cœur, dans notre esprit la foi. 


Nous avons achevé notre tâche. Vous connaissez, 
Messieurs, l'œuvre du poète, M. Hippolyte Bravet, de 
Bazas. Nous en avons scrupuleusement extrait tout ce 
qui pouvait faire ratifier par le public la justice du 
rang que vous lui avez assigné dans les mentions ho- 
norables, et nous avons couvert des voiles du silence 
les pages qui ont empêché cette première mention de 
s'élever jusqu'à un prix. Ce qu'on doit louer avant tout 
dans le travail de M. Bravet, ce sont les sentiments 

qui l'ont inspiré, et qui lui prêtent parfois de véri- 
tables beautés. 

En général, et à part de très-rares exceptions, le 
Concours de poésie de cette année se fait remarquer 
par de bonnes tendances religieuses et morales; d'ex- 
cellentes intentions s'y manifestent. — Nous devons 
nous en féliciter. — La poésie, qui a civilisé les peu- 
ples, doit les perfectionner aussi. Elle n’est belle qu'au- 


65 


1014 


tant qu'elle est utile, qu'elle fait germer les bonnes 
pensées dans les cœurs, les bonnes actions dans la 
vie. — La majeure partie des concurrents l'a déjà do- 
tée de ce fonds essentiel. Mais l'Académie demande 
aussi la forme; car n'étant pas héritière de M. de Mon- 
thyon, elle ne peut distribuer des prix de vertu. Elle 
espère donc que le Concours de 4854 brillera double 
ment de l'éclat que celui-ci possède et de celui qui lui 
manque. Alors, les économies qu'on à imposées à son 
budget n'auront été qu'un capital de réserve placé à 
gros intérêts, et qui vaudra à ses futurs lauréats une 
large augmentation de cette somme d'applaudissements 
et de gloire qu’elle est depuis longtemps habituée à 
compter au nombre de ses revenus. 


TABLEAU MÉTÉOROLOGIQUE. 


OCTOBRE 1553. 


QD 


JOURS BAROMÈTRE A 00. TEMPÉRATURE. 
DRM OIS SR 
7 h. du m.! 2h. dus, | 9h.du$: | Maxima. | Minima. 
mm mm mm TO pr 

A 763,10 764,89 764,45 20°5 1408 

2 62,80 64,45 64,66 18,9 44,9 

3 64,77 65,74 67,21 18,2 11,4 

4 66,41 62,44 59,59 17,8 6,2 

5 55,91 53,12 51,80 18,8 10,3 

6 51,33 54,40 53,46 17,8 14,7 

7} 52,48 50,72 52,81 18,9 41,4 

8 53,49 54,94 57,08 17,0 11,7 

9 51,92 49,80 40,72 17,% 9,4 

10 48,9% 53,57 55,80 13,9 10,5 

41 55,65 54,46 54,02 47, 10,9 

12 51,08 51,77 53,43 17,2 41,0 

13 54,89 54,97 56,86 19,4 9,6 

1% 57,03 58,67 60,27 14,2 41,7 

15 59,63 56,07 52,19 16,5 9,0 

416 54,09 52,16 54,09 41,1 17,2 

17 54,29 51,97 48,96 16,2 11,4 

18 50,66 52,53 48,64 47,0 10,0 

19 45,26 46,6% 48,66 17,2 42,5 

20 53,6% 60,47 64,77 15,9 44,5 

21 65,92 64,93 65,08 17,8 8,8 

22 64,83 6%,88 65,68 17,9 10,1 

23 65,98 64,33 65,7% 18,9 6,5 

24 63,49 61,45 59,9% 20,4 10,2 

25 59,37 58,74 56,52 24,2 13,2 

26 55,12 54,26 53,71 20,0 4%,9 

PAT | 52,06 54,65 50,85 21,8 44,5 

28 55,60 57,89 60,39 49,1 13,0 

29 62,69 63,48 65,15 17,2 40,4 

30 65,40 64,55 64,65 16,2 7,5 

34 63,12 61,61 61,57 16,5 7,4 

MOYENNES RE 4 | : ir SRE N 

du à au 40! 57,44 56,80 57,36 47092 10,87 

du 44 au 20! 53,32 53,97 54,25 16,79 10,9% 

du 21 au 31 64,23 60,70 60,84 18,82 10,59 

Moy. générale.) 58,96 | 58,89 | 59,20 | 47,87 | 10,19 


Température moyenne du mois, 1403. Pluie dans le mois. 115 ,0mm 


1016 


NOVEMBRE 1853. 


JOURS BAROMÈTRE A 0e, TEMPÉRATURE. 
DU MOIS. FFE 
7h. qu m|2h.dus. | 9h.dus. | Maxima. | Minima. 
a pan Lan me! 
1 759,73 | 757,54 | 758,27 1603 8,0 
o 60,50 64,65 64,89 14,8 9,8 
3 60,45 58,18 57,84 17,2 9,1 
4 56,29 54,37 54,11 18,8 11,1 
5 5315, 53,09 55,70 18,4 13,4 
6 58,68 60,36 63,04 19,2 11,2 
7 65,92 65,44 65,79 14,8 9,9 
8 64,82 63,68 65,29 15,2 10,6 
9 67,70 69,54 74,63 14,4 40,7 
10 5 ,27 66,08 64,47 44,0 k,7 
41 61 GO 60,143 61,10 13,8 4,5 
12 61,60 55,45 59,05 44,4 4,3 
13 57,20 55,24 54,24 13,1 9,0 
14 52,99 54,94 52,50 12,8 8,3 
15 52,5% 54,84 52,13 15.2 9,0 
46 52,44 | 53,13 | 55.24 | 44,7 8,0 
47 56,28 56,76 59,27 44,4 7,5 
48 60,50 61,82 63,34 41,0 3,0 
19 63,57 63,64 64,31 7,0 41,6 
20 63,14 62,99 44,05 6,0 0,7 
21 66,26 67,04 68,09 7,0 2,7 
22 66,9% 65,94 66,83 7,2 1,0 
23 67,72 67,40 67,14 6,7 —92,0 
24 64,73 63,38 62,91 6,9 —0,9 
25 64,90 67,91 67,81 9,6 4,4 
26 64,89 62,70 63,70 16,5 5,9 
27 62,99 63,43 66,00 8,6 3,0 
28 67,81 67,28 68,12 5,6 0,0 
29 68,13 67,53 67,27 k,6 _—_2,8 
30 67,20 65,98 65,61 1,9 —2,0 
RE RE ARR D PR OS A 
du 4erau 40| 61,74 60,99 61,80 | 46031 9,85 


du 44 au 20] 58,16 57,26 58,52 11,64 5,59 
du 24 au 30| 66,146 65,86 66,35 7,46 0,90 


Moy. générale. | 62,04 | 64,37 | 62,22 | 44,80 5,45 


Température moyenne du mois... 806 Pluie dans le mois. . 


A Grom 


1017 
DÉCEMBRE 1953. 


SE 


JOURS BAROMÈTRE A 0e. TEMPÉRATURE. 
DU MOIS. DALELE Dos à 
Th. du m.| 2h.dus. | 9h.dus. | Maxima. | Minima. 
D'Harelc mac] mn | Ÿ 
4 162,66 | 759,76 | 758,73 208 —299 
2 56,85 56,66 57,16 9,6 —2,7 
3 58,26 58,48 59,81 14,5 2,5 
4 61,18 60,42 60,81 412,5 4,5 
5 61,34 60,93 60,72 9,6 1,2 
6 60,67 59,81 59,97 8,7 4,8 
7 60,57 64,47 64,96 8,6 2,5 
8 62,46 62,77 62,93 6,5 2,1 
9 65,414 63,94 63,98 3,7 1,2 
| 10 61,86 60,26 60,6% 2,9 1,8 
| 41 64,25 59,84 60,33 6,3 4,0 
412 57,54 49,94 48,98 6,7 0,7 
43 51 4% 43,31 39,23 10,8 5,0 
1% 34,36 34,92 33,55 10,3 8,0 
15 41,56 44,51 °| 49,96 4,0 5,2 
16 50,63 51,68 53,178 8,k 0,0 
47 56,57 56,97 57,40 9,2 5,0 ! 
18 43,58 49,76 48,24 6,6 2,5 | 
[549 9,58 49,73 51,73 10,5 5,2 
| 20 52,23 52,88 54,31 9,3 2,0 
21 53,78 52,36 53,98 7,3 22 
22 53,65 53,71 55,85 5,0 0,9 ; 
| 23 56,52 56,99 58,37 0,6 0,0 
2% 56,96 57,51 59,70 2,0 —1,0 
25 60,56 60,68 62,03 0,8 —2,0 | 
26 63,26 64,0% 66,46 0,0 —3,1 | 
27 65,58 60,88 57,30 —1,0 —2,6 
28 59,23 59,36 59,614 0,3 —k,1 
29 60,09 62,37 65,71 — 4,0 —1,1 
30 67,67 65,87 62,58 | —2,0 | —6,0 | 
31 59,22 60,62 65,07 —0,7 —0,5 | 
2» 2 à 
MOYENNES 
du 4er au 40! 64,43 60,45 60,53 1°6% 456 
du 41 au 20| 49,84 49,35 49,75 8,22 | 3,906 
du 24 au 30| 59,67 59,40 60,58 0,75 |—2,17 
Moy. générale.| 56,97 56,50 57,07 5,38 | 0,88 
Température moyenne du mois ., 304 Pluie dans le mois... 52m 


Rd GOT AQUUE AUIOIZIIT  AAUIPDDO7 T 9D 


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RÉSUMÉ DES OBSERVATIONS DE 1853. 
TABLEAU III. 


NOMBRE DE JOURS 


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. = £ = = 

MOIS. | & ss |s|8$) s | À lEuls | Eu 

ÆAOGNIRE RÉ PEUE ST EAN SENS elSS 

8 8 Le ls 23) Scs lÉS| SSSlSE 
mm © 2 a es TA 
RER | en | cms | caen | messe | nom | ns | cum us moemeu | muse | oocnes | nes ! 
1852. Décembrel 7 | 3| ,| 1| » | 2| 11 o| 31 8! 7lus | 
1853. Janvier. OBIAEL » 2 | » l l 4 » | 18 5 b) | 
révrien nl 100) Sete 0 US ATETCE 31 St ea les | 


— Septembre] 10 | 11 » 1 » Jet à 2 3 9Ù'BLG 
— Octobre..| 13 | 10 » » » » » 1 » 3 7h | O1 
— Novembre] 3.| 11 » » 5 » » 6 2n|MTONIERIS 6 


— | —— | ——— | — | | | | ———— | — | — | — 


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Année:: ?.v5.0.2 114 » 4 95206" 19 A| 6 |" 33 30 | 60 | 95 | 180 E. 


* On n'a compté comme jours de pluie dans le Résumé des observations de 1851, que ceux où il est 
tombé au moins 1 millimètre d’eau. Dans celui des observations de 1852, on a considéré en outre commê 
tels ceux où le sol a été mouillé. Les résumés devant être faits d'après une méthode unique, le tableau des. 
jours de pluie inséré dans les Actes de l’Académie pour 1852, p. 981, doit être remplacé par & 
colonne (1) du tableau ci-dessus, 


1021 


TABLEAU 


DES 


MEMBRES DE L'ACADÉMIE DE BORDEAUX 


arrété au 20 mai 1855. 


Membres Honoraires. 


MM. BRYAS (ne), ancien maire de Bordeaux. 

CURÉ ( Gusrave), ancien maire de Bordeaux. 

D'HAUSSEZ (LE Baron ), ancien préfet de la Gironde. 

DUCASTAING , ancien membre résidant, docteur médecin. 

DUFOUR-DUBERGIER , ancien maire de Bordeaux. 

JOHNSTON ( Davip ), ancien maire de Bordeaux. 

LACOSTE (»E), ancien préfet de la Gironde. 

LACOUR, ancien membre résidant, correspondant de l'Ins- 
titut. 

NEVEUX , ancien préfet de la Gironde. 

SERS (ZE BARON ), ancien préfet de la Gironde. 

YZARD, ancien membre résidant, ancien conseiller à la 
Cour d’appei de Bordeaux. 

GUESTIER guxior (P.-F.) %, négociant, ancien mem- 
bre résidant. 


HAUSSMANN, préfet de la Gironde. 


1022 


Membres Nésidants. 


. MM. LATERRADE, direct’ du Jardin des Plantes. 
23. GINTRAC %X, professeur à l'École préparatoire de 


médecine, rue du Parlement Ste-Catherine, 22. 


. GRATELOUP, docteur en médecine, rue Monba- 


ZON M0 


. DARRIEUX, notaire, fossés de l’Intendance, 95. 
. DURAND, architecte, rue Michel, 6. 
. DES MOULINS (CuaRLes), propriétaire, rue de Gour- 


gues , 9. 


. MARCHANT (Léon), docteur en médecine, rue 


Porte-Dijeaux. 


. GUICHENET, médecin vétérinaire, r. d'Orléans, 16. 
. FAURÉ, pharmacien, fossés Bourgogne, 9. 
. PETIT-LAFITTE, professeur à la chaire d’agricul- 


ture de Bordeaux, rue Henri IV. 


. DÉGRANGES (E. ), docteur en médecine , ruc Ste- 


Catherine, 25. 


. GOUT DESMARTRES % , avocat, chemin de Saint- 


Genès, 161. 


. BRUNET ( Gusrave ), facade des Chartrons, 81. 
. ABRIA %, professeur de physique et doyen de la 


Faculté des Sciences, quai de Bacalan , 15. 


2. MAGONTY, professeur de chimie , rue Margaux , 21 
. LAMOTHE ( Léonce ne ), inspecteur des établisse- 


ments de bienfaisance, rue Servardony, 8. 


. GAUTIER axé %, maire de Bordeaux, rue Du- 


trouilh, 18. 


. MANES %, ingénieur des mines, ruelle du Cossu. 


1023 


. MM. SAUGEON, professeur de belles-lettres, rue 


du Champs de Mars, 12. 


. RAULIN, professeur de botanique, de minéralogie 


et de géologie, à la Faculté des sciences, rue du 
Manége, 1. 


. DELPIT, littérateur, cours d’Albret, 42. 
. DUBOUL ( Jusr-Azserr ), littérateur, rue de Sau- 


geon. 


. BAUDRIMONT, professeur de chimie à la Faculté 


des Sciences, rue des Herbes, 42. 


. LÉO DROUYN, peintre et graveur, rue de Gasc, 143. 
. IMBERT DE ROURDILLON %*%#, conseiller à la Cour 


impériale de Bordeaux, cours d'Albret, 88. 
GORIN, artiste peintre, fossés de l'Intendance, 20. 


. BURGUET ( AuGusre ), docteur en médecine, rue 


Fondaudège, 67. 


. DABAS, professeur de littérature ancienne et doyen 


de la Faculté des Lettres, allées d'Amour, 22, 


. CIROT DE LA VILLE, chanoine honoraire, pro- 


fesseur d'Écriture sainte à la Faculté de Théolo- 
gie, rue Capdeville, 12. 


. COSTES, professeur à l'École préparatoire de Me- 


decine, rue du Parlement-Ste-Catherine, 12. 


. BROCHON ( Hexry }, avocat, rue Margaux, 22. 
. BLATAIROU, chanoine henoraire, doyen de la: Fa- 


culté de Théologie de Bordeaux, rue de la Misé- 
ricorde , 4. 


. DUPUY (Justin ), homme de lettres, rue Mar- 


gaux, 11. 


. DONNET (FerpiNanD) #, cardinal, archevêque de 


Bordeaux, rue de Cheverus. 


. DE GÈRES (Juzes ), homme de lettres, place Dau- 


phine, 


1024 


1853. MM. MOREL (Énouar»), directeur de l'Institut im- 
périal des Sourds-Muets de Bordeaux, rue des 
Religieuses. 

1853. A. VAUCHER, avocat, rue Devise-Ste-Catherine, 55. 

1854. A. MOURIER, recteur de l'Académie, rue Capde- 
ville, #7. 


Membres Correspondants. 


MM. ARBANERE, correspondant de l'Institut, à Tonneins. 

AYMARD (AuGusre ), au Puy. 

BALBI ( Ankie }, littérateur, à Paris. 

BAREYRE, médecin vétérinaire, à Agen. 

BARRAU, professeur de rhétorique, à Niort. 

BASCLE DE LAGREZE ( Gusravs ), conseiller à la Cour 
impériale de Pau. 

BEAULIEU , antiquaire, rue du Cherche-Midi, 13, à Paris. 

BLOSSAC (pe), ancien magistrat, à Saintes ( Charente- 
Inférieure ). 

BONNET DE LESCURE , officier du génie maritime , à Ro- 
chefort. 

BORDES, conservateur des hypothèques, à Pont-Lévêque 
(Calvados ). 

BOUCHEREAU 5EuxE %, correspondant agricole, à Car- 
bonnieux. 

BOUCHER DE PERTHES, directeur des contributions di- 
rectes, en retraite, à Abbeville. 

BOUCHERIE %# , ancien membre résidant, docteur en mé- 
decine, à Paris. 

BOUILLET (JEan-BartisTE), naturaliste, à Clermont- 
Ferrand, département du Puy-de-Dôme, 


1025 


MM. BRONDEAU (Louis pe), naturaliste, à Estillac, près 
d'Agen. 

BOURRAN (E. ne), littérateur, à Bruxelles. 

CUISINE (»E LA), conseiller à la Cour impériale de Dijon. 

CAPDEVILLE-LILLET, propriétaire, à Barsac. 

CASTAIGNE ( Eusèse ), bibliothécaire, à Angoulême. 

CAVALLERO (J.-B.), avocat à Valence ( Espagne ). 

CAVENTOU, chimiste, rue de Gaillon, 18, à Paris. 

CGAZEAUX, propriétaire, correspondant agricole, à Béliet. 

GAZENAVE DE LIBERSAC, propriétaire à Saint-Capraise 
( Dordogne }). 

CAZENOVE DE PRADINES, au Passage, près d'Agen. 

CHAPUIS DE MONTLA VILLE ( Le BARON ), liltérateur, rue 
de Rivoli, à Paris. l 

CHASSAY (L'assé Épouarp), professeur de philosophie 
au Grand-Séminaire de Bayeux. 

CHEVALIER, pharmacien-chimiste, quai Saint-Michel, 
25, à Paris. 

COLLEGNO (0e ), ancien membre résidant, à Turin (Pié- 
mont ). 

CONTENCIN (De ), ancien membre résidant, à Paris. 

COQ ( Pauz ), ancien membre résidant, à Paris. 

COTARD, homme de lettres, à Pons, département de la 
Charente-Inférieure. 

COUERBE, propriétaire, à Verteuil, en Médoc, arrondis- 
sement de Lesparre. 

D’ABRAHAMSON, homme de lettres, à Copenhague. 

DAGUT, astronome, à Rennes. 

DARMAILHAC, correspondant agricole, à Pauillac. 

D'AUSSY (H.), de Saint-Jean-d'Angély, membre corres- 
pondant de {re classe de l'Institut de France. 

DELAPYLAIE, naturaliste, à Fougères, département 
d'Ille-et-Vilaine. 


1026 


MM. DE LE BIDART DE THUMAIDE, magistrat, secré- 
taire général de la Société libre d'Émulation, à Liège. 
DEMOGEOT, ancien membre résidant, professeur de rhé- 
torique au Lycée de Louis-le-Grand, rue Serpente, à 
Paris. 

DÉPIOT-BACHAN, correspondant agricole, à Saucats. 

DERBIGNY (Valéry), directeur des domaines de 1° classe 
en retraite, à Arras. 

DESCHAMPS (E. ), littérateur, à Versailles. 

DROUOT, ancien membre résidant, ingénieur des mines. 
à Châlons-sur-Saône. 

DUBROCA, médecin, à Barsac. 

DU BURGUET, maire d’Allemans , près de Ribérac, dépar- 
tement de la Dordogne. 

DUFAU riss, directeur de l’Institution des Jeunes-Aveu- 
gles, à Paris. 

DUMEGE , ancien ingénieur militaire, à Toulouse. 

DUMONCEL (Tu.), président de la Société Naturelle de 
Cherbourg. 

DUPIERRIS , médecin, à la Nouvelle-Orléans. 

DUPLAN , ancien capitaine d'artillerie, à Castelmoron , dé- 
partement de la Haute-Garonne. 

DUVIVIER ( Axrtoxy }, archéologue, à Nevers. 

EYSENBACH, archiviste du département de la Nièvre. 

FABRE, médecin, à Villeneuve-sur-Lot. 

FEUILLERET, professeur d'histoire au Collége de Saintes. 

GAUDRY (Azgerr), docteur ès sciences naturelles, atta- 
ché au Muséum d'histoire raturelle de Paris. 

GAVARRET, professeur de physique à la Faculté de Méde- 
cine de Paris. 

GIMET DE JOULAN, homme de lettres, à Nérac. 

GINDRE ( Juces ), ingénieur des mines, à Bayonne. 

GASSIES, naturaliste, à Bordeaux. 


1027 

MM. GIRARDIN, professeur de chimie à l'École munici- 
pale et à l'École d'agriculture de Rouen, correspondant 
de l'Institut ( Académie des Sciences, etc. ). 

M. GOURGUES (Le comte DE), à Lanquais, département 
de la Dordogne. 

GRIMAUD, avocat, à Grenoble. 

GRAGNON- LACOSTE, ancien notaire, à Ste-Croix-du- 
Mont. 

GRELLET-BALGUERIE, juge de paix à la Guadeloupe. 

GROSSE (L'assé), curé de Freminville, près de Naney. 

GUADET, S°-directeur de l’Institution des Jeunes-Aveu- 
gles, à Paris. 

GUILLAND, capitaine d'artillerie, à Belley. 

HAYS, S'-commissaire de marine, chef de comptoir à Mahé. 

HEYER, docteur médecin, à Pondichéry. 

HOMBRES-FIRMAS (LE BARON D’), homme de lettres, à 
Alais, département du Gard. 

HEMSKEERCH, avocat, à Amsterdam. 

JASMIN, littérateur, à Agen. 

JOUBERT, correspondant agricole, à Paris. 

KEBENE, ingénieur civil, à Saint-Léon, près de Bayonne. 

KERCADO (LE comte DE), correspondant agricole, à Gra- 
dignan. 

LAFERRIÈRE, avocat, ancien professeur à la Faculté de 
Droit de Rennes, inspecteur général de l'enseignement 
supérieur pour le droit. 

LAGATINERIE ( pe }, commissaire de la marine, à 
Cherbourg. 

LANET (Épouarp), ancien membre résidant. 

LAPOUYADE, archéologue, président du tribunal de pre- 
mière instance, à La Réole. 

LEGUAI, docteur médecin, correspondant agricole, à St- 
Aubin, canton de Saint-André de Cubzac. 


1028 


MM. LEMONNIER (Cn.), ancien membre résidant, direc- 
teur du contentieux, administration du chemin de fer 
du nord, à Paris. 

LERMIER, ancien membre résidant, directeur des pou- 
dres et salpêtres, en retraite, à Dijon. 

LEROY (FerpNann), ancien membre résidant, rue de 
Varennes, à Paris. 

LEVERRIER, membre de l’Institut, à Paris. 

LEVI ( Azvarez ), professeur d'histoire et de littérature, à 
Paris. 

LIAIS (EmmanuEL), physicien, attaché à l'Observatoire 
de Paris. 

MAGEN , membre du jury médical du Lot-et-Garonne, 
pharmacien, à Agen. 

MAHON DE MONAGHAN ( EuGëne ), chancelier de 1'° cl. 
du consulat impérial de Liverpool ( Saint-Germain-en- 
Laye). 

MALAURIE, curé de Montpont. 

MALLE, professeur agrégé de la Faculté de médecine de 
Strasbourg. 

MARCEL DE SERRES, conseiller à la Cour impériale de 
Montpellier, professeur à la Faculté des Sciences de cette 
ville. 

MARTIN, docteur médecin, à la Paz. 

MARTIN SAINT-ANGE (G.-J.), docteur en médecine, à 
Paris. 

MAURY (Azrrep), avocat, Ss-bibliothécaire de l’Institut de 
France. 

MÉTIVIER (ze vicomre pe ), archéologue, à Nérac. 

MICHAUD, chef de bataillon au 10° régiment d'infanterie 
de ligne. 

MICHELOT, ancien officier du génie, ancien chef d’insti- 
tution , à Paris. 


1029 

MM. MICHON (L'assé ), chanoine honoraire, à la Valette, 
près Angoulême. 

MILLER (L'assé), curé de Lugon et de l'ile de Carney, 
près de Libourne. 

MITRAUD (l'abbé Tu. ), directeur du Collége de Billons 
{ Puy-de-Dôme ). 

MONNIER , homme de lettres, à Toulouse. 

MOREAU ( César }, homme de lettres, à Paris. 

MOREAU DE JONNES, naturaliste-géographe, membre 
de l’Insutut de France, à Paris. 

NAYRAL (Macro), littérateur, juge de paix, à Cas- 
tres, département du Tarn. 

PAIGNON, avocat à la Cour de Cassation et au Conseil 
d'État, à Paris. 

PAYAN, docteur médecin, à Aix. 

PÉCOUL , ancien représentant du peuple, présid' de la So- 
ciété d'agriculture et d'économie rurale de la Martinique. 

PERNET, directeur du Collége de Salins. 

PERREY, professeur à la Faculté de Dijon. 

PIERQUIN DE GEMBLOUX, inspecteur de l'Université, 
à Bourges. 

PIORRY (P.-A. ), professeur de clinique médicale à la Fa- 
culté de Paris. 

PUYBUSQUE ( An. pe), littérateur, rue Bourgogne, 40, à 
Paris. 

RAFN (Cu.-Cnrérien ), professeur de philosophie, à Go- 
penhague. 

RENAN (Enwesr }, agrégé de philosophie, employé au dé- 
parlement des manuscrits à la Bibliothèque Impériale de 
Paris. 

REUME (AuGusre pe }, à Bruxelles. 

RICHARD ( Davi), ancien membre résidant, directeur de 
l’Asile des aliénés de Stephensfeld (Bas-Rhin ). 

66 


1030 


MM. RIFAUD (J.), homme de lettres, à Paris. 

ROBINET, professeur du cours d'industrie séricicole, rue 
Jacob, 48, à Paris. 

ROOSMALEN (pe ), professeur de littérature, rue du Jar- 
dinet, 11, à Paris. 

ROUX-FERRANT, homme de lettres. 

RUELLE , ancien membre résidant, recteur en Corse. 

SAINT-DIZIER , professeur d'histoire, à Bergerac. 

SAMAZEUIL, avocat, à Nérac, 

SCHULTZ, de Bitche (Moselle), docteur en philosophie de 
la Faculté de Tubingue. 

SÉDAIL, ancien membre résidant, littérateur, rue de la 
Nation, 10, à Montmartre. 

SEURE ( OxésimE ), homme de lettres, à Paris. 

SIGOYER (ANTonin DE), ancien membre résidant, homme 
de lettres. 

SILVELA , jurisconsulte, à Madrid. 

SISMONDA ( EuGëne ), docteur médecin, à Turin. 

SOYER-WILLEMET, naturaliste, à Nancy. 

TARRY, médecin, à Agen. 

THURMANN, ancien directeur de l'École normale du Jura 
bernois, à Porrentruy ( Suisse, canton de Berne ). 

TUPPER, naturaliste, à Paris. 

VALADE - GABEL, ancien membre résidant, directeur 
honoraire de l’Institut des Sourds-Muets de Bordeaux, 
rue d’Enfer, à Paris. 

VALAT, ancien membre résidt, ancien recteur à Rhodez. 

VALERNES ( 1e vicomTe pe ), homme de lettres, à Apt, 
département de Vaucluse. 

VALLOT, médecin, à Dijon. 

VANHUFFEL, jurisconsulte, rue Méhul, 1, à Paris. 

VAUVILLIERS , inspecteur divisionn. des ponts et chaus= 
sées, rue Duphot, 23, à Paris. 


10314 


MM. VINGTRINIER, médecin des prisons de Rouen. 

VIVENS (LE COMTE DE), propriétaire, à Clairac. 

WATEVILLE (LE BARON DE), inspecteur des établissements 
de bienfaisance de la ville de Paris, rue du Faubourg 
Saint-Honoré, 14, à Paris. 


OFFICIERS 


DE L'ACADÉMIE DE BORDEAUX, 


pour l'année 1854, 


MESSIEURS 


E. GINTRAC, Président. 
IMBERT DE BOURDILLON , Vice-President 
DURAND, Secrétaire général. 


VAUCHER. 


| Secrélaires- nts. 
CIROT DE LA VILLE. j Ne 


RAUR 22. ee Trésorier. 

G. BRUNET... Archiviste. 
BAUDRIMONT, 
BROCHON (Henry ), Membres du Conseil d'ad- 
PETIT-LAFITTE, ministralion. 


MOREL, 


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1033 


TABLE DES MATIÈRES 


DE LA QUINZIÈME ANNÉE. 


Analyse chimique des eaux du département de Ja Gi- 
ronde: pasiM: Fauré. se 5 sofiant avt ul. profs 
Rapport sur les Mémoires de la Société Statistique de 
Londres, suivi de quelques considérations sur le 
système hypothécaire et le crédit foncier; par M. 
Darrieur. dent: te 46 he. needs 368 0h 
Rapport sur un ouvrage de M. Duluc, médecin vété- 
rinaire , ayant pour titre : De la rage ou hydropho- 
bie chez le chien et autres animaux; par M. le Dr 
Coslesass ae nt ontiilesensrens OT CN ETC 
Tableau météorologique des mois de janvier, février 
etfimazs: par Mdbniqiehss.-snstosnéh à LES dl te 
Histoire des Basques ou Escualdunais primitifs restau- 
rée d’après la langue, les caractères ethnologiques 
et les mœurs des Basques actuels; par M. A. Bau- 
GTIMONC LE ne à 2» eo 0 Ant Ur dE JAUTOR 
Rapport sur les travaux de la Société d'Agriculture, 
Sciences et Belles-Lettres de Rochefort, et notam- 
ment sur les doublages en cuivre employés pour les 
carènes de navires; par M. W. Manès.,.,..,.... 


Pages. 


204 


251 


451 


1034 
Rapport sur l'éloge de Romas; par M. Abria..... EF 


Étude sur les travaux de Romas: par M. Merget, pro- 
fesseur de physique au Lycée Impérial de Bor- 


Fragment de l’histoire des Arts à nt : Acadé- 
mie de Peinture et Sculpture sous Louis XIV; par 
NC. PR Dee AE NE UE 2 OR NE 

Tableau météorologique des mois d'avril, mai et juin; 
par M ARR Re EP APS RE 

Histoire des Basques ou Escualdunais primitifs res- 
taurée d’après la langue, les caractères ethnologi- 
ques et les mœurs des Basques actuels (suite et 
it) par MA Paudrimont.. SE Te 

Description d'une coupe géologique des collines qui 
bordent les rives droites de la Gironde, de la Ga- 
ronne, du Tarn, de l'Aveyron et de la Leyre, de la 
Pointe de la Courbe, près de Royan, à Sept-Fonds, 
près de Montauban, suivie d’une Note sur l’âge de 
la Molasse de Moissac; par M. Vor Raulin....... 

Des changements qui se sont opérés dans la distribu- 
tion primitive des êtres vivants, à la surface du globe ; 
par M: Marcel ide Serres. 22420, 2. MID OLENN, 

Résumé lu dans la Séance publique du 20 janvier 
4855, d'un Rapport fait à l'Académie sur le Con- 
cours de 4852 : Question relative à l’histoire de la 
poésie lyrique en France ; par M. Dabas......... 

La Lampe du Sanctuaire; par M. de Gères......... 

Tableau météorologique des mois de juillet, août et 
septembre: par M: Abria....1.......... 20 

Procès-verbal et Séance publique du 24 novembre 
1855, pour l'installation de M. A. Vaucher, avocat. 

Discours de M. A. Vaucher, récipiendaire… 

Réponse de M. Henry Brochon, président... ....... 


441 


447 


219 


677 


707 


741 
779 


802 


805 


. 806 


1035 


Pièce de vers intitulée : Sur la Folie; par M. de 


Discours d'ouverture prononcé à la Séance annuelle 

du 42 janvier 4854; par M. Henry Brochon, pré- 

SEM esters ie ons see Se ee ne Et 864 
Compte rendu des travaux de l’Académie des Scien- 

ces, Belles-Lettres et Arts de Bordeaux, pendant 

le cours de l'année 4853, lu le 42 janvier 4854, 

par M. le Dr É. Dégranges, secrétaire général... 875 
Programme des Prix décernés par l’Académie pour 

l’année 4855, et des Questions mises au Concours 

DOUT PANNE MORE ER... reere 927 
Rapport sur le Mémoire de M. de Lacolonge, con- 

cernant les roues à aubes courbes; par NES. 

RARES ane cr uhiagatian dt sou 957 
Rapport sur l'appareil Fragneau, destiné à prévenir 

les rencontres des trains de chemins de fer; par 


NPA BR EE RTS na à 965 
Rapport sur le Concours de poésie pour l’année 

4855; par M. Jules de Gères.............2.... 975 
Tableaux météorologiques des mois d'octobre, no- 

NEMOTE EL dÉCRMDTE eee tous dames 4045 
Résumé des observations météorologiques de 4853. 1018 
Tableau des Membres de l’Académie...... ...... 4021 


Officiers de l’Académie... pe LA REINE A TN Re S Es 4051 


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