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Full text of "Actes de la Société Linnéenne de Bordeaux"

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LA SOCIÉTÉ LINNÉENNE | | 


TOME XIX. 


__ Deuxième Série : TOME IX. 


À PARK, A BORDEAUX 
 CMEZ 9-8. BAILLIÈRE, | CnEz TH. LAFARGUE, 
LIBRAIRE, je 
: Rue Hautefeuille, 19 ; 4 HE CT 
MÊME MAISON Imprimeur de la Société Linnéenne , 
À LONDRES, MADRID ET NEW -YONK- Rue Paits de Basne-Cap , 8. 


4854. 


CR 


ÉDORRLNSD 


DE 


LA SOCIÉTÉ LINNÉENNE 


DE BORDEAUX. 


AUGIMES 


DE 


LA SOCIÉTÉ LINNÉENNE 


DE BORDEAQUS. 


TOME XIX. 


Deuxième Série : TOME IX, 


À PARN, | À BORDEAUX, 


CHEZ J.-B. BAILLIÈRE, | CHEZ TH. LAFARGUE, 


Rue de l’Ecole de Médecine, 17; LIBRAIRE , 
LONDRES Imprimeur de La Société Linn., 
MÈME MAISON , 219, Regent-Street. Rue Puits de Bagne-Cap, 8. 


1853. 


ACTES 


DE 


LA SOCIÉTÉ LINNÉENNE 
DE BORDEAUX. 


De ————— — 


HISTOIRE NATURELLE GÉNÉRALE. 


1. Du perfectionnement graduel des êtres organisés , 
par M. Marcel pe SERRES , professeur à la Faculté 
‘des Sciences de Montpellier , correspondant. (Suite). 


Avant d’entrer dans les détails nécessaires pour résoudre 
cette question, il faut se rappeler ce que nous avons dit 
relativement à l'importance que les reptiles ont eue à l’épo- 
que jurassique. Ils y ont tenu en quelque sorte la place des 
poissons, des oiseaux et des mammifères qui n’existaient 
pas encore, ou n'existaient que d’une manière transitoire. 

Ces animaux ont été dans un développement constant 
dans les temps géologiques; il suffit de citer quelques faits 
pour démontrer le fondement de cette particularité remar- 
quable. Les crocodiliens qui appartiennent essentiellement 
à l’époque actuelle, ne commencent dans les temps géolo- 
giques , que lors de la période tertiaire. Leurs espèces ne 
sont pas sans doute les mêmes, mais les différences qui les 
séparent ne sont pas assez importantes pour constituer des 


genres distincts. Les Crocodiles des terrains éocènes ont les 
4  Toue XIX. 2 


TI À 

mêmes caractères que les genres actuels. Ils ressemblent non 
à l'espèce du Nil, mais au Crocodilus Schlegelii de l'ile de 
Bornéo ; ce qui est non moins remarquable , aucune espèce 
de crocodilien ne se trouve dans la craie que surmontent 
immédiatement les terrains tertiaires. C’est cependant dans 
les formations crayeuses que l’on commence à rencontrer 
des sauriens dont les vertèbres sont unies les unes aux au- 
tres au moyen d’une tête reçue dans une cavité articulaire. 
Cette structure est un véritable perfectionnement ; aussi se 
trouve-t-elle chez les reptiles vivants à l'exception du Gecko. 

De même, le Cetiosaurus qui surpassait tous les crocodi- 
liens par ses dimensions , et égalait presque la taille de nos 
baleines , a été remplacé dans le monde actuel par les mam- 
mifères marins. 

L'apparition des Labyrinthodons au milieu des grès rouges 
des terrains pénéens, ne prouve pas, comme on l'a supposé, 
qu'il n'y ait pas eu de perfectionnement graduel chez les 
reptiles. En supposant que ces animaux appartinssent aux 
batraciens, ce qui est loin d’être démontré, ils ne seraient 
pas les plus compliqués de cet ordre inférieur des reptiles. 
L'observation microscopique de leurs dents prouve que leur 
organisation se rapproche à tel point de celle des poissons, 
que si l’on ne connaissait de ces animaux que ces parties, 
on serait en droit de la rapporter à cette classe. 

On ne saurait voir dans les dimensions de certaines espè- 
ces de Labyrinthodons comparées à celles des batraciens, 
une preuve de leur plus grande complication ; car générale- 
ment la plupart des espèces de l’ancien monde ont une plus 
grande taille que les espèces analogues du monde actuel. 

Sans doute, il y a loin des Labyrinthodons à nos Gre- 
nouilles ou à nos Salamandres sous le rapport de la force et 
du volume ; mais est-il bien certain que le premier genre 
ait réellement appartenu à des batraciens ? Il existe du moins 


(70) 

autant de motifs pour les considérer comme des sauriens. 
N'oublions pas que les Labyrinthodons ont apparu à une 
époque où les reptiles avaient atteint la stature la plus 
colossale et où ils dominaient sur l’ensemble des animaux. 
Si les batraciens actuels ne présentent plus de pareils 
moyens de défense ni une force considérable, ce n’est pas 
qu'ils soient moins perfectionnés , mais parce que la scène 
de la vie a totalement changé, et que des animaux à méta- 
morphoses ne pouvaient présenter un grand volume. 

Nous ignorons ce qu'il en était à cet égard des Labyrin- 
thodons ; mais leur taille était si peu compatible avec des 
métamorphoses, que probablement ils n'étaient pas soumis 
à une pareille condition. Ils ont eu un caractère commun 
avec une espèce de batraciens qui en est éloignée sous tous 
les autres rapports , les Protées ; comme eux, il présente 
quelques analogies avec les poissons. 

Sous ces divers points de vue, les reptiles de l’ancien 
monde, composés de parties propres maintenant aux diffé- 
rentes classes de vertébrés, ne peuvent être considérés 
comme plus perfectionnés que les espèces de nos jours. 
Seulement, ils ont tenu la place des différentes classes de 
cet embranchement, par suite des particularités de leur 
organisation. Ces animaux diffèrent des mammifères et des 
oiseaux par la structure plus simple de leur cœur et de leurs 
poumons , et par une moindre activité de leurs organes res- 
piratoires. 

Ces dispositions les rendent plus indépendants de l’oxi- 
gène de l'air. Aussi, ont-ils pu, dans la période secondaire, 
remplir le rôle que jouent aujourd'hui dans la nature, les 
animaux à sang chaud. 

D'un autre côté , les reptiles terrestres, en raison de la 
moindre énergie de leur contraction musculaire, de la 
grande irritabilité de leurs fibres et du pouvoir qu’elles 


(8) 
possèdent de continuer longtemps leur action, forment 
l'ordre d'animaux de la plus haute organisation qui puisse 
résister à une pression atmosphérique plus considérable que 
celle de nos jours. 

Les reptiles ont donc dominé au moment où l'atmosphère 
chargée d'acide carbonique et d’une grande quantité de va- 
peur aqueuse, aurait été impropre à la vie des animaux à 
sang chaud qui les ont remplacés, L'existence des Didelphes 
au milieu des terrains oolithiques de Stonesfield, n’y fait pas 
obstacle, car ils se rapportent à de petites espèces insecti- 
vores plus rapprochées des marsupiaux que de tout autre 
ordre. Or, les marsupiaux , les moins compliqués des mam- 
miféres , sont aussi fort rapprochés des animaux ovipares. 

Ilest, du reste, assez singulier de rencontrer en Angle- 
terre des Didelphes de la tribu des sarcophages qui jusqu’à 
présent n'ont été trouvés que dans la Nouvelle-Hollande, 
les îles adjacentes , enfin en Amérique. 

Les oiseaux paraissent avoir été contemporains des cou- 
ches les plus récentes des terrains jurassiques. Du moins, 
M. Mantell assure avoir découvert dans la formation wéal- 
dienne de la forêt de Tilgate , un échassier d’une taille un 
peu supérieure à celle d'un Héron. S'il en est ainsi, ces 
animaux ont été contemporains des ammonites et des bé- 
lemnites, puisqu'ils ont précédé les dépôts crétacés ; mais il 
n'est pas aussi certain qu'ils aient été antérieurs aux mam- 
mifères monodelphes. On peut se former des doutes à cet 
égard, puisque l’on n’a pas des preuves irrécusables de leur 
ancienne existence, comme le seraient des débris osseux. 

On verra, d’après ce que nous dirons dans la suite, que 
la France est peu riche en poissons fossiles, en comparai- 
son du nombre qui en a été observé en Angleterre, en 
Allemagne et en Italie. Cependant, la carrière de pierres 
lithographiques de l'arrondissement de Belley en a fourni un 


(9) 

grand nombre des ganoïdes et des placoïdes. Le premier 
ordre y est représenté par un seul genre et une seule espèce 
de la tribu des lépidoïdes. La tribu des sauroïdes y est beau- 
coup plus riche ; elle comprend six genres et neuf espèces. 
Les poissons ganoïdes de la division des pycnodontes n’a 
qu'un seul genre et deux espèces. L'ordre des placoïdes y 
est réduit à un seul genre et à une seule espèce. 

On n'est pas d'accord sur la position des couches qui ren- 
ferment ces poissons ; les uns, comme M. Agassiz, les 
rapportent à l'étage portlandien, et les autres au calcaire 
corallien. M. Quensted fait observer qu’au-dessus des cou- 
ches à poissons, se trouvent les polypiers du terrain du 
coral-rag, enfin le Diceras arietina. Il ajoute que dans le 
Bugey, on n'a jamais rencontré les espèces d’acéphales et 
de gastéropodes qui, dans la Haute-Saône et les environs de 
Porrentruy, etc., caractérisent les groupes kimméridgien et 
portlandien. 

La même localité n’a encore offert qu'un seul saurien de 
la taille d’un Lézard vert ordinaire. 


4.0 DES ANIMAUX DE LA QUATRIÈME ÉPOQUE DE LA SECONDE PÉRIODE. 


Animaux des terrains crélaces. 


Nous embrasserons dans cette époque la totalité des ter- 
rains crétacés ou l’ensemble des dépôts opérés depuis les 
terrains néocomiens jusques à la craie blanche. Ces dépôts 
comprennent plusieurs systèmes, et chacun se sous-divise 
en plusieurs étages distincts. 

Les terrains crétacés inférieurs nommés néocomiens, ont 
généralement une grande étendue et une grande puissance. 
Les autres étages sont premièrement le terrain albien qui 
comprend les argiles à plicatules, l'argile ostréenne et l'ar- 
gile téguline. Au terrain albien, a succédé l’époque turo- 
nienne , nommée ainsi à cause de la ville de Tours placée 


(10) 
au milieu de cette formation. Elle embrasse les dépôts 
connus sous les noms de grès verts supérieurs, de glauconie 
crayeuse, de craie chloritée et de craie tufau. Enfin, la 
série des terrains crétacés est terminée par l’époque séno- 
nienne, pendant laquelle se sont formés les terrains de la 
craie blanche ou craie supérieure. 

Ces époques considérées sous leurs rapports géologiques 
et paléontologiques, mériteraient sans doute une histoire 
à part, puisque chacune d'elles est caractérisée par des dé- 
pôts particuliers et des faunes distinctes. Mais envisagées 
au point de vue du perfectionnement graduel des êtres qui 
les ont animées, il suffit d’en embrasser l’ensemble et d'en 
saisir les caractères principaux et essentiels. 

Les terrains crétacés comprennent toutes les classes des 
invertébrés, quoiqu'ils ne renferment que trois classes des 
vertébrés , les poissons, les reptiles et les oiseaux. On ne 
paraît pas y avoir rencontré jusqu’à présent la moindre trace 
de mammifère terrestre. Il paraît cependant que l’on y a 
découvert quelques vestiges de mammifères marins. 

Les reptiles ont incontestablement apparu pendant l’épo- 
que jurassique , tandis qu'il n’en a pas été ainsi des oiseaux. 
A la vérité, si l’on peut se fier à des empreintes plus ou 
moins bien déterminées, les derniers auraient animé la 
scène de la vie à une époque plus ancienne : mais tant que 
l'on n'aura pas trouvé des ossements , les doutes les plus 
graves s’élèveront sur leur existence antérieurement aux 
dépôts crétacés. 

Le progrès opéré pendant la période crayeuse se rapporte 
principalement aux poissons ; ils ont reçu pour lors deux 
ordres nouveaux qui n'avaient point encore paru sur la scène 
du monde. Ces deux ordres ont cela de particulier, d’être 
semblables sous le rapport de leur conformation générale, 
à ceux qui peuplent maintenant les eaux des mers. 


EUR 

Les cténoïdes et les cycloïdes inconnus avant l’époque 
crétacée, ont leurs écailles conformées comme l'immense 
majorité des espèces qui fréquentent les eaux salées. Mais 
tandis que ces familles dominaient lors de la période créta- 
cée, les ganoïdes qui avaient commencé avec l'apparition 
de la vie, devenaient de plus en plus rares, et les placoï- 
des , leurs contemporains, se rapprochaient par degrés des 
formes des Squales actuels. 

Si, à cette époque, un progrès a été manifeste chez les 
poissons, puisqu'ils ont été composés par quatre ordres 
au lieu des deux qu'ils présentaient auparavant , il s’est éga- 
lement opéré chez les reptiles. En effet, quoique moins 
nombreux que dans l’époque jurassique, ceux des terrains 
crétacés ont pris des formes nouvelles et plus semblables à 
celles des espèces vivantes. 

Quelques races des formations jurassiques ont persisté 
jusqu'aux terrains crétacés. Tel est entr’autres le Plesio- 
saurus pachyomus découvert dans les grès verts de Cam- 
bridge en Angleterre. On peut encore citer le gigantesque 
Iguanodon que l’on rencontre dans les formations les plus 
récentes des terrains jurassiques et crétacés. On retrouve 
en effet de ses débris dans les mêmes grès verts où l’on a 
observé les débris du Plesiosaurus pachyomus. 

Outre ces genres communs à deux formations immédiate- 
ment superposées , les dépôts crayeux en ont présenté plu- 
sieurs de spéciaux. Tel est le Mosasaurus, reptile dont les 
analogies avec les Monitors et les iguaniens sont manifestes. 
Cet ancien habitant des mers dépassait singulièrement par 
sa taille, les reptiles qui avaient avec lui quelques affinités. 
Sa longueur était de 8 à 9", tandis que les plus grands 
iguaniens et varaniens n’atteignent pas 2 mètres. 

Le Mosasaurus découvert en premier lieu dans le terrain 
crétacé supérieur des environs de Maëstricht , puis dans la 


(12) 

craie de Lewes, enfin dans les grès verts de la Virginie, 
paraît avoir vécu dans le bassin des mers. D’après l’ensem- 
ble de ses caractères, ce reptile devait être un carnassier 
très-vorace, organisé pour une natation rapide, et assez 
agile pour saisir sans eflort les poissons dont il faisait sa 
nourriture ordinaire. Ce genre remarquable par le nombre, 
la grosseur et l’acuité de ses dents, paraît n'avoir eu 
qu'une espèce. Elle a été consacrée à Camper qui, le pre- 
mier, a prouvé les affinités naturelles du Mosasaurus, et 
les différences qu'il présentait avec les cétacés et les croco- 
diles. 

Deux autres genres de la même famille des sauriens 
squameux ne sont pas moins spéelaux aux terrains crétacés. 
Tous deux n’ont qu’une seule espèce. Le premier de ces 
genres, le ZLeiodon, a des rapports avec les Mosasaures 
par ses dents soudées à la mâchoire, disposition générale 
aux reptiles acrodontes. Ce reptile avait au plus de 4 à 
4®, 50 de longueur, et paraît avoir eu des habitudes ana- 
logues à celles de l'animal de Maëstricht. Le second n'est 
encore connu que par une mâchoire inférieure contenant 
vingt-deux dents rapprochées et soudées à l'os maxillaire, 
caractères qui lui sont communs avec les reptiles pleuro- 
dontes. 

Il n’est pas inutile de faire remarquer que, tandis que 
cette mâchoire à été trouvée dans la craie de Cambridge, 
des vertèbres qu’on croit pouvoir lui rapporter ont été dé- 
couvertes dans celle de Maidstone. Ces vertébres sont sem- 
blables et ont tous les caractères des lacertiens modernes, 
preuve du progrès qui a eu lieu chez les reptiles des ter- 
rains Crayeux. 

Les mêmes terrains renferment également des débris 
d'une grande espèce de Ptérodactyle, nommée par M. 
Bowerbank qui l'a découverte dans les environs de Burham 


(15) 

du comté de Kent, Pterodactylus giganteus. Cette espèce 
n'avait pas moins de deux mètres, et un mètre d'envergure ; 
elle prouve que ce genre a plus long-temps persisté qu'on 
ne l'avait supposé. Il existait donc parmi les animaux de 
l'ancien monde des races plus durables que d’autres (1). 
Ces races anciennes étaient partagées comme les nôtres, en 
espèces robustes , et délicates. 

Les chéloniens ont laissé des traces- de leur existence 
dans les terrains crétacés ; leurs débris se rapportent à des 
tortues marines du genre des Chélonées. On y en a décou- 
vert jusqu’à quatre espèces ; les principales ont été décrites 
sous les noms de Chelonia pulchriceps et Berstedi. 

Le progrès s’est opéré chez les reptiles, pendant la 
période crétacée , par le rapprochement des espèces qui en 
ont fait partie avec celles de nos jours. Ce rapprochement 
a été d'autant plus prononcé, que l’on s’élève des anciennes 
formations crayeuses aux plus récentes. Il est si manifeste 
à l'époque tertiaire, que les reptiles de cette époque ne 
diffèrent plus sous le rapport de leurs formes et de leurs 
dispositions des espèces de la période actuelle. Seulement, 
les crocodiles , les tortues de mer et des fleuves , ainsi que 
les autres vertébrés , annoncent avoir vécu sous l'influence 
d’un climat plus chaud que celui qui caractérise les lieux 
où l’on en découvre lés débris. 

Un fait assez singulier de l’histoire des poissons de l’an- 
cien monde, c’est que leurs espèces se trouvent comme 
accumulées sur quelques points particuliers. Parmi les 
localités où ces animaux se trouvent en grand nombre, on 
peut citer principalement les calcaires fissiles de Monte- 
Bolca qui appartiennent au groupe crayeux. Il n'existe 


————_— + 


(1) Quarterly journal of the geological Society of London, 1845. 
Tom. IT, pag. 145. 


(14) 
aucun point du globe où l'on découvre une aussi grande 
quantité de poissons. On les dirait accumulés et comme 
entassés à plaisir, ce qui arrive également à d’autres ani- 
maux rassemblés dans des localités fort restreintes et sou- 
vent séparées par de grands intervalles. 

Cette circonstance mérite d'autant plus d’être signalée, 
qu’elle a eu lieu à une époque où la loi de la diffusion triom- 
phait à peu près exclusivement: Ces réunions d'animaux 
sur un même point, préparaient en quelque sorte la loi de 
la localisation devenue générale dans les temps historiques. 
Elles sont, ici, d'autant plus remarquables, qu'elles se 
rapportent à des espèces marines. 

La loi de la localisation qui est aussi un progrès dans la 
distribution des espèces animées, n’a commencé à s'établir 
d’une manière manifeste, à la surface du globe, que lors 
des terrains tertiaires ; elle n’a régi d’une manière complète 
les végétaux et les animaux qu’à l’époque historique ; elle a 
donné à notre monde la variété des formes , et a imprimé 
au paysage un charme inconnu aux premiers âges, où la 
nature était triste par suite de la monotonie de son uni- 
formité. 

Parmi les nombreux poissons fossiles de Monte-Bolea , il 
n’en existe pas un seul d’identique avec nos races vivantes ; 
du moins, sur les cent trente espèces que l’on y a observées. 
Ces espèces appartiennent à soixante - dix-sept genres ; 
quatre-vingt-deux sont comprises dans trente-neuf genres 
représentés dans la nature actuelle, et quarante-huit dé- 
pendent de trente-huit genres dont il n’existe aucun analo- 
gue dans la création. 

La zoologie systématique se trouve ainsi enrichie, par 
rapport à la seule localité de Monte-Bolca , de vingt-sept 
genres nouveaux , que l’on n’a pas rencontrés ailleurs. D'un 
autre côté , trente-neuf genres comprennent un grand nom- 


(15) 
bre d'espèces fossiles qui a pparaissent pour la première fois 
sur la scène de l’ancien monde. 

Les terrains de Monte-Bolca sont caractérisés par 77 
genres sur les 110 qui composent la totalité de ceux décou- 
verts dans les divers systèmes des terrains de craie. Les 
premiers composent à eux seuls plus des deux tiers de la 
totalité. Cette proportion est d'autant plus remarquable, que 
l'excès est ici tout en faveur d’un point unique et fort res- 
treint. 

Si l’on compare la proportion des espèces et des genres 
découverts dans la craie de l'Angleterre à celle de Vestena- 
Nova , les premières n’y paraissent représentées que par 23 
espèces, dont une seulement se montre ailleurs, dans les 
mêmes formations géologiques. Or, les secondes y sont déjà 
au nombre de 130 ; elles sont donc en excès sur les autres, 
d'environ les cinq-sixièmes. 

Les espèces d'Angleterre sont comprises dans 14 genres ; 
9 sont tout-à-fait éteints et 5 se rapportent à des genres 
actuellement existants. Les 77 de Vestena-Nova comparés à 
ceux d'Angleterre, formeraient encore plus des cinq-sixièmes 
de la totalité des poissons qui se trouvent dans l’une et l'au” 
tre de ces localités. Ce rapport et celui qui existe entre 
les espèces qui en font partie , donnent une idée de l'excès 
de ces animaux dans le seul lieu de Vestena-Nova sur ceux 
de l'Angleterre. 

Les nombres sur lesquels sont fondés ces calculs ne sont 
pas complètement exacts, car ils reposent sur l'état de nos 
connaissances sur les poissons fossiles, dont les espèces 
peuvent éprouver de nombreuses et de grandes variations. 
A la vérité, si la proportion des uns augmente par suite 
des nouvelles recherches , il devrait en être de même des 
autres. S'il y avait des différences à cet égard, il est pro- 
bable qu’elles seraient en faveur de la localité la plus riche. 


(16) 
Les chiffres fournis par les observations actuelles sont donc 
plutôt au-dessous qu’au-dessus de ce que les observations 
ultérieures pourront faire admettre. 

Cet aperçu prouve à quel point les poissons ont dominé 
dans certaines parties des mers crétacées. Une pareille pro- 
portion ne s’est plus manifestée nulle part ; elle ne s'est 
même jamais présentée dans les terrains antérieurement 
déposés. 

Il est deux autres localités non moins remarquables pour 
le nombre de poissons qu’elles recèlent, quoique ces ani- 
maux n’y soient pas en aussi grande quantité qu’à Vestena- 
Nova. Ges localités sont celles des schistes de Glaris en 
Suisse et des rochers calcaires du Mont-Liban qui paraissent 
appartenir aux terrains crétacés ; car il est difficile de con- 
sidérer les couches de ces deux localités, comme intermé- 
diaires entre ces terrains et les formations tertiaires. 

Si l’on jugeait de l’ancienne distribution des poissons 
d'après ces faits, on serait tenté de supposer qu'ils ont 
dû être inégalement partagés dans les mers crétacées , s’il 
n'était facile de comprendre que ces accumulations ne sont 
que de purs accidents. Une foule de circonstances peuvent 
les avoir entraînés dans les lieux où ils sont amoncelés, dans 
l'espoir d'échapper aux causes de mort qui les menaçaient. 

Les faunes de ces animaux sont séparées par des carac- 
tères plus tranchés que ceux qui distinguent, en général, les 
faunes des animaux inférieurs. Les mêmes genres ne se 
conservent pas dans un grand nombre de terrains successifs ; 
l'on ne voit pas, comme chez les mollusques et les annéli- 
des , certaines formes se’ retrouver dans la presque totalité 
des dépôts géologiques. Chaque type non-seulement spéci- 
fique , mais générique, semble avoir été créé pour un temps 
plus restreint, et l’ensemble de la création des poissons 
d’une époque diffère beaucoup de celles qui l’ont suivie ou 


(PA) 

qui l'ont précédée. C’est seulement à partir des terrains 
crétacés que l’on découvre des genres analogues à ceux qui 
existent aujourd'hui. Avant cette époque , ils différaient tous 
des genres actuels. 

Les terrains néocomiens, les plus inférieurs des formations 
crétacées , sont aussi les plus pauvres en poissons. Ces ver- 
tébrés se rapportent aux deux familles qui ont paru les pre- 
mières à la surface du globe : aux ganoïdes et aux placoïdes. 

La première y est représentée par deux genres: les 
Picnodus et les Sphærodus ; la seconde, par un seul, le 
Lamna dont il n’existe dans ces terrains qu'une espèce, le 
Lamna gracilis. 

On doit, peut-être, rapporter à ces terrains les espèces 
rencontrées à Castellamare près de Naples, et que l’on 
avait cru des formations jurassiques. Elles appartiennent 
uniquement aux ganoïdes, et aux genres Semionotus, Pholi- 
dophorus, Notagagqus et Picnodus. Ainsi, à l'époque néoco- 
mienne, les cténoïdes et cycloïdes n'avaient point encore 
paru, et un progrès aussi marqué ne s’élait pas encore 
opéré dans la classe des poissons. 

Les terrains néocomiens paraîtraient ne recéler nulle part 
les derniers ordres de ces vertébrés , qui dominent mainte- 
nant dans nos mers. Les schistes noirâtres de Glaris, l’un 
des gissements les plus riches en ce genre, seraient par cela 
même supérieurs aux formations néocomiennes, puisque 
l’on y découvre des cténoïdes et surtout des cycloïdes. Les 
premiers n’y sont représentés que par trois genres , tandis 
que les seconds en offrent au moins une douzaine. 

Plusieurs genres des cycloïdes sont particuliers à cette 
localité; parmi les scombéroïdes , on peut citer les Anen- 
chelum qui offrent plus de six espèces, ainsi que les genres 
Nemopterix, Palimphyes, Archœus, Vomer , Isurus, Pleio- 
nemus el Palæorynchum. Les poissons ganoïdes représentés 


(18) 
dans ces terrains y ont deux genres, les Osmerus et les 
Clupea qui se trouvent dans d’autres dépôts crétacés que 
les schistes noirâtres de Glaris. Les genres Acanthoderma et 
Acanthopleurus n’ont pas été observés dans d’autres forma- 
tions , ni dans d’autres lieux. 

Les terrains crétacés récents présentent les quatre ordres 
des poissons, les ganoïdes, les placoïdes, les cténoïdes et 
les cycloïdes. Les premiers y sont composés par neuf genres 
qui appartiennent aux lépidoïdes et aux sauroïdes. Les se- 
conds y sont en plus grand nombre et comprennent jusqu'à 
seize genres particuliers qui, comme ceux des ganoïdes, 
se rapportent à différentes tribus. 

Les cténoïdes n’ont guère plus de quatre genres , tandis 
que ceux des cycloïdes s'élèvent jusqu’à douze. Ces nom- 
bres grandissent, lorsqu'on porte son attention sur la fa- 
meuse localité de Monte-Bolca, connue aussi sous le nom 
de Vestena-Nova. 

Les ganoïdes sont représentés dans ces terrains par trois 
familles et sept genres, partagés de la manière suivantes: 
un pour les pycnodontes, quatre pour les sclérodermes et 
deux pour les lophobranches. Ces genres comprennent dix 
espèces. 

Le second ordre n’est composé que des squalides et des 
Raies. La première de ces familles n’a qu'un seul genre et 
une seule espèce , tandis que la seconde en réunit trois et 
même quatre. 

Cet aperçu prouve que les ganoïdes et les placoïdes ne 
sont plus en grand nombre dans ces terrains. En effet, les 
ordres des cténoïdes et des cycloïdes s’y trouvent seuls en 
excès. Les cténoïdes offrent à Vestena-Nova huit familles. 
La première, les percoïdes , est composée de douze genres 
et de vingt-deux espèces; les sparoïdes de trois genres et 
de douze espèces ; les sciénoïdes de quatre genres et de 


(19) 
cinq espèces ; les gobioïdes d’un genre et de deux espèces ; 
les teuthies de deux genres et de quatre espèces ; les cheto- 
dontes de huit genres et de vingt espèces ; les aulostomes 
de cinq genres et de cinq espèces. : 

Les poissons cycloïdes comprennent sept familles : les 
scombéroïdes , les blemnoïdes , les labroïdes, les lophioï- 
des , les athérinoïdes , les halécoïdes et les anguilliformes. 
La première est formée par douze genres et dix-neuf espè- 
ces ; la seconde d’un seul genre et d’une seule espèce ; il en 
est de même de la troisième et de la quatrième ; celles-ci 
n'embrassent qu'un seul genre et une espèce unique. Les 
athérinoïdes ne sont guère plus riches ; elles n’ont que deux 
genres et trois espèces. Les deux dernières familles sont 
plusriches en genres et en espèces que les époques précéden- 
tes. Ainsi les halécoïdes sont composés de cinq genres et 
de quinze espèces , el les anguilliformes de cinq genres 
également et seulement de douze espèces. 

Cet aperçu prouve la richesse des terrains de Vestena- 
Nova ; elle ne peut que s’augmenter par les recherches dont 
cette localité est l'objet. Il annonce en outre , que le nom- 
bre des espèces s’accroit d’une manière notable dans les 
genres qui ont des représentants dans la nature actuelle : les 
Clupea et les Anguilla en sont la preuve. Il faut toutefois 
convenir que cette règle est cependant loin d’être sans ex= 
ception, et le genre perdu des Pygœus nous en fournit un 
exemple remarquable. Il offre , en effet, huit espèces, toutes 
de la même localité de Vestena-Nova. 

Les oiseaux ont été également contemporains de la pé- 
riode crétacée; les schistes de Glaris, si riches en poissons, 
en ont présenté des débris. M. Hermann de Meyer a cru y 
reconnaitre une portion de squelette d’un oiseau qui a quel- 
ques analogies avec l’Alouette. D'un autre côté, M. Buckland 
a aperçu un humérus d'oiseau dans la craie de Maidstone ; 


(20 ) 
M. Owen l'a rapporté à un palmipède de la taille de l’Alba- 
tros ( Diomeda ). Un fragment de tibia découvert après 
l'humérus a conduit aux mêmes indications. 

Il paraît qu’antérieurement à la période crétacée , des oi- 
seaux auraient existé; du moins , M. Mantell assure avoir 
rencontré des os d’un échassier plus grand que le Héron, 
dans les formations wéaldiennes de la forêt de Tilgate , for- 
nations les plus récentes des terrains jurassiques. 

L'aperçu que nous venons de tracer de la faune des ter- 
rains crétacés , suffit pour faire saisir les progrès qu'elle a 
acquis et qu’elle devait éprouver pour égaler la faune ac- 
tuelle. Il nous reste à démontrer le perfectionnement qu’elle 
a éprouvé par rapport au développement des invertébrés. 
Sans doute ,-le progrès que ces derniers ont ressenti est 
beaucoup moins manifeste , mais il est cependant sensible, 
en considérant la variété de leurs espèces. 

Les zoophytes, parmi lesquels l’on doit comprendre les 
foraminifères , d’abord en petit nombre dans les terrains 
crétacés inférieurs ou les néocomiens, deviennent extrême- 
ment abondants dans les étages supérieurs. Ils y composent 
alors plus de trente-deux genres, tandis qu'au plus il en 
existe deux ou trois dans les terrains néocomiens. 

Les polypes ne sont abondants que dans les terrains cré- 
tacés supérieurs. Ainsi on y découvre jusqu’à 28 genres de 
la famille des bryozoaires, tribu des zoophytes rayonnés , et 
de celle des anthozoaires de la même tribu quatorze genres 
distincts et particuliers. Les spongiaires à eux seuls com- 
prennent quinze genres auxquels il faut en ajouter huit ou 
neuf appartenant aux infusoires. 

Les zoophytes radiaires ne sont pas moins en progrès 
que les précédents. Ainsi, les échinides abondent dans les 
formations crayeuses sous le rapport des genres , des espè- 
ces et des individus. Le nombre des genres de cette grande 


(A) 
tribu n'est pas moindre de seize dans les terrains néoco- 
miens. Îl augmente encore d'une manière notable dans les 
autres formations crayeuses, où il s'élève jusqu’à vingt- 
quatre, quoique quatre genres des dépôts crétacés inférieurs 
ne s’y rencontrent pas. Ces genres sont ceux des Pygoryn- 
chus, des Hemicidaris, des Cidaris et des Peltastes. 

D'un autre côté, les stellérides, de la famille des radiaires, 
sont représentés dans les terrains néocomiens par un seul 
genre, tandis qu'il en a trois dans les étages supérieurs. 
Les crinoïdes n'existent pas dans les premiers terrains , tan- 
dis que cinq genres se trouvent dans les seconds. Il y a 
donc eu progrès des plus anciens dépôts aux plus récents. 
Ce progrès ne s’est pas opéré dans les genres ou dans les 
espèces, mais uniquement dans leur nombre et leurs va- 
riétés. 

Les infusoires sont répandus en nombre immense dans 
les terrains crétacés et complètent celui des animaux infé- 
rieurs. D’après les observations d'Ehrenberg, 20 centimè- 
tres cubes ( 1 pouce cube ) de craie, n’en contiennent pas 
moins d'un million d'individus ; le nombre de ces infusoi- 
res dépasse donc celui des 20,000,000 par kilogramme 
( 2 livres ) de cette roche. 

Ces infusoires accompagnés de plus d’une vingtaine d’es- 
pèces de Nautilites microscopiques, de Nummulites, du genre 
Cypris , sont eux-mêmes composés d’une quarantaine d’es- 
pèces ; elles peuvent être comprises dans une vingtaine de 
genres particuliers. Avec ces animaux microscopiques, dont 
plusieurs ont passé à l'état siliceux, on découvre divers dé- 
bris de végétaux également silicifiés. 

M. Ebrenberg a conclu de ces faits que les couches 
crayeuses de l'Europe étaient pour la plupart formées d'in- 
fusoires invisibles à l'œil nu, pourvus les uns de coquilles 


calcaires et les autres de fourreaux siliceux. Les Nautilites 
Toue XIX 3 


( 22) 
microscopiques lui paraissent , d'un autre côté , les consti- 
tuants caractéristiques de la craie, principalement les Tex- 
tularia globulosa, aciculata, aspera, brevis et le Rotulia 
globulosa. 

D'après l'illustre historien des nfiniment petits, les districts 
crayeux des bords de la Méditerranée, regardés généralement 
comme de formation tertiaire ainsi que les calcaires à Num- 
mulites d'Egypte, appartiendraient réellement à la première 
formation , à en juger par les fossiles que ces roches ren- 
ferment. Cette opinion s'accorde peu avec celle des natura- 
listes français qui supposent que le genre Nummulite n’a 
paru qu’à l’époque tertiaire. Il paraît néanmoins résulter 
des recherches de M. Ebrenberg , que les infusoires ne se 
trouvent pas dans la craie du Nord, tandis que ces animaux 
se recontrent dans la craie de la Sicile, du Midi de la France 
et des environs d'Oran en Algérie. 

Le même observateur a rencontré un grand nombre d’in- 
fusoires dans d’autres terrains et dans diverses localités. 
Parmi ces animalcules à coquilles siliceuses, il a trouvé 
deux espèces de polythalames microscopiques actuellement 
vivantes. Ces espèces de notre époque lui paraissent être 
les mêmes que deux des infusoires les plus répandus dans 
les terrains crétacés. Si ces faits se confirment, il ne serait 
pas vrai que toutes les espèces fossiles différeraient des ra- 
ces vivantes. | 

Ces infusoires seraient le Planuluria turgida et le Tex- 
tularia aciculata ; ils formeraient un lien entre les ancien- 
nes créations et celles du monde actuel. Ce lien ne serait 
néanmoins perceptible qu'à l'aide du microscope et serait 
opéré par les infiniment petits. Ce lien qui aurait commencé 
dès les premiers âges, se serait perpétué jusques dans les 
terrains crétacés et lertiaires, pour s'étendre jusqu'à l’épo- 
que actuelle. 


| (25) 

Les articulés ont été représentés dans la période crétacée 
par quatre ordres principaux sur les cinq de cette classe. 
Ces articulés se rapportent aux annélides, aux insectes, aux 
crustacés et aux cirrhopodes. 

Les annélides comprennent trois genres, dont deux, les 
Serpules et les Spirules ont presque constamment persisté 
depuis les terrains de transition jusqu’à nos jours. Le troi- 
sième , ou les Vermilia, a eu une existence des plus courte. 
On ne commence à le rencontrer que dans les terrains cré- 
tacés d’où il s'étend dans les dépôts tertiaires pour venir se 
perpétuer dans le monde actuel. 

On cite dans les terrains néocomiens un seul genre de 
crustacés, les Prosopon, qui se trouve aussi bien dans Îles 
dépôts jurassiques que dans les formations crayeuses. Les 
étages supérieurs de la craie en renferment cinq autres qui 
pour la plupart vivent encore, tandis que le genre Prosopon 
est perdu. 

Les cirrhopodes n’ont qu'un seul genre, celui des Polli- 
cipes qui, quoique de la nature actuelle, ne se trouve pas 
moins dans les grès verts et la craie. On a cru longtemps 
que les insectes n'avaient pas laissé de leurs débris dans la 
formation crayeuse ; cependant, feu le D." A. Desmoulins, 
a observé des élytres de coléoptères dans les calcaires crétacés 
de la montagne Sainte-Catherine, près de Rouen. Ces élytres 
ont été trouvés au milieu d’un grand nombre de coquilles et 
paraitraient, ce qu'il est assez difficile d'admettre , avoir 
conservé en partie leur brillant métallique. 

Les mollusques des terrains crétacés sont aussi nom- 
breux que variés. Les céphalopodes y sont représentés par 
les Ammonites, les Bélemnites et les Bélemnitelles. Le 
premier genre disparait complètement avant la craie supé- 
rieure , tandis que les deux derniers ne s’éteignent que lors 
de cette dernière époque. Les Ancyloceras y paraissent pour 


(24) 

la dernière fois; ils y sont accompagnés par des genres nom- 
breux , spéciaux et remarquables par la variété de leurs en- 
roulements. Ces genres, parmi lesquels nous citerons les 
Crioceras, les Scaphites, les Toxoceras, les Hamites, les 
Ptychoceras, les Baculites et les Helioceras n'ont plus de 
représentants dans la nature actuelle. En résumé, les cépha- 
lopodes ont une quinzaine de genres dans les formations 
crétacées. 

Les mêmes formations recèlent pour la dernière fois des 
vestiges d'Aptychus, genre dont la place dans la série des 
êtres est des plus douteuses et dont l’organisation est très- 
problématique. Quoiqu'il en soit, les Aptychus ont vécu 
depuis le lias jusqu'aux grès vert et les marnes crayeuses. 

Les mollusques gastéropodes signalent également les ter- 
rains crétacés ; ils diffèrent par leurs formes de ceux des 
terrains jurassiques , en même temps que le nombre de 
leurs genres augmente. Sous ce rapport, les mollusques de 
cette tribu sont en progrès sur ceux des époques antérieures. 

L'ensemble des formations crayeuses offre de 21 à 22 
genres qui se trouvent à peu près dans tous les étages de 
ces formations. D’autres genres viennent s’y ajouter et pa- 
raissent spéciaux aux groupes supérieurs des terrains cré- 
tacés. Leur nombre , de 28 à 30, comprend des types géné- 
riques analogues à ceux de l’époque actuelle. 

Les acéphales, mollusques moins compliqués que les 
gastéropodes, augmentent moins par cela même, que les 
gastéropodes. Le nombre des genres des terrains néoco- 
miens et des autres formations crétacées est cependant assez 
considérable; il ne s’élève pas à moins de 52. On les revoit 
dans les étages supérieurs, mais ceux-ci en présentent de 
nouveaux , qui leur sont spéciaux. Ces derniers , au nombre 
d’une vingtaine, appartiennent pour la plupart aux deux 
créations. 


(25) 

Les rudistes abondent également dans les mêmes forma- 
tions ; deux genres sont particuliers aux dépôts néocomiens; 
quatre semblent spéciaux aux groupes crétacés supérieurs. 
Les premières de ces formations ne renferment que deux 
genres des brachiopodes, les Térébratules, forme essen- 
tiellement persistante, avec laquelle reparaît de nouveau le 
genre Orthis qui a commencé avec les terrains primaires 
ou de transition, s’est étendu à travers les terrains de tran- 
sition, le Zechstein et le Auschelkalk, pour venir s’éteindre 
dans les formations crayeuses. 


Enfin , les étages supérieurs toujours caractérisés par les 
Térébratules, le sont encore par les Orbicules, les Thécidées 
et les Lingules qui ont tous des représentants dans la nature. 


Tel est l’ensemble des animaux invertébrés et vertébrés 
des terrains crétacés. La population qui a laissé des traces 
de son ancienne existence dans ces terrains est en pro- 
grès sur celles qui l'ont précédée, quoique l'on n'y découvre 
plus de traces de mammifères didelphes. Ces animaux ont 
éprouvé par cela même une grande interruption dans leur 
existence, puisqu'on ne les retrouve que dans les formations 
tertiaires et parmi les races actuelles. 


Le progrès le plus marqué qu'aient éprouvé les animaux 
vertébrés de cette époque, s’est opéré dans la classe des 
poissons qui a vu deux ordres entiers apparaître , les cténoi- 
des et les cycloïdes. Le perfectionnement a été ici d'autant 
plus marqué , que ces ordres peuplent maintenant nos mers. 
C'est à peu près dans le même sens qu'a eu lieu celui des 
reptiles, dont les espèces se sont rapprochées de plus en 
plus des races vivantes, dont ils n’ont pris les caractères 
qu'à l’époque tertiaire. 

Ainsi, les Téléosaures, inférieurs sous le rapport de leur 
organisation aux crocodiliens , ont disparu de la scène de la 


(26) 

vie, lors des dépôts crétacés : il en est de même des Ichthyo- 
saures, des Plésiosaures et de plusieurs autres genres des 
terrains jurassiques. 

Si les terrains crayeux ne renferment pas de mammifères 
comme les formations jurassiques , ils présentent du moins 
des débris d'oiseaux, et cela d’une manière incontestable. 
En effet, les seuls vestiges des animaux de cette classe, 
n'ont été reconnus d'une manière positive que dans les cou- 
ches wealdiennes , les dépôts les plus récents des terrains 
jurassiques. 

On a bien admis l'existence des oiseaux à l’époque pé- 
néenne ; mais comme elle repose sur des empreintes que 
ces animaux auraient laissées en marchant sur le sable ou 
sur les marnes argileuses , cette existence est par cela même 
fort douteuse ; aussi, ne sera-t-elle certaine que lorsqu'on 
aura rencontré auprès de ces empreintes, des ossements qui 
se rapporteront réellement à des oiseaux. 


Il y a donc eu progrès à l’époque crétacée, dans l’appari- 
tion des oiseaux, puisqu'avant celte époque, des os d'oiseaux 
n'ont été découverts que dans les couches wealdiennes d’une 
seule localité de l'Angleterre. 


Les invertébrés ne sont pas restés en arrière et ont suivi 
les progrès atteints par les vertébrés. Ainsi, l’une des classes 
de cet embranchement est arrivée sur la scène de la vie avec 
tout son perfectionnement. Peu sensible chez les articulés, 
le progrès a été manifeste chez les mollusques sous le rap- 
port du nombre, de la diversité et de la variété des genres, 
et sous celui de la complication des espèces qui en fesaient 
partie. Ce qui caractérise de la manière la plus particulière 
le perfectionnement qui a eu lieu chez les mollusques, c’est 
l’analogie et souvent l'identité des genres qui en ont fait 
partie avec ceux des terrains tertiaires ou de l’époque ac- 


(27) 
tuelle. Aussi, les types génériques dont les formes n'ont 
aucune sorte de rapport avec celles des générations dont 
nous sommes les témoins , tendent à disparaître et dispa- 
raissent tout-à-fait vers la fin de la période crétacée. 


$ IV. — DES ANIMAUX DE LA TROISIÈME PÉRIODE. 


1.9 DES ANIMAUX DE LA PREMIÈRE ÉPOQUE DE LA TROISIÈME PÉRIODE. 


La troisième période a été une ère nouvelle pour les végé- 
taux comme pour les animaux de l'ancien monde ; elle com- 
prend l’ensemble des terrains Lertiaires et quaternaires. Elle 
est la plus récente des temps géologiques , et elle embrasse 
les dépôts postérieurs aux formations secondaires. 

On a divisé cette période en trois principaux systèmes qui 
doivent eux-mêmes être divisés en plusieurs groupes, soit 
que l’on examine les dépôts qui en font partie, soit que l’on 
considère les végétaux et les animaux qui les caractérisent. 

Cette période est celle où les progrès ïes plus nombreux 
et les plus remarquables ont eu lieu dans toutes les classes 
des deux embranchements. Ces classes se sont développées 
toutes à la fois, et ont annoncé les générations nouvelles 
par leurs rapports génériques et leur rapprochement avec 
les formes spécifiques de nos jours. 

Airsi, les zoophytes de la période tertiaire ont les plus 
grandes similitudes avec les nôtres, et en diffèrent rarement 
par les genres. Il en est de même des articulés et des 
mollusques, en même temps que leurs races s’augmentent 
d'une manière très-notable. Un pareil progrès s’est opéré 
chez les poissons et les reptiles. Leurs formes se rapprochent 
de plus en plus de celles de l’époque actuelle à mesure que 
l'on arrive aux temps les plus récents de la période ter- 
tiaire. Aussi, tous les genres à configuration bizarre, et 


(28) 
dont les dimensions étaient infiniment supérieures aux races 
vivantes, ont disparu à toujours de la scène de l’ancien 
monde. Elles ont fait place à d’autres espèces soumises à de 
nouvelles conditions, et qui comme les nôtres devaient 
éprouver l'influence de climats aussi différents que variés. 

Les oiseaux n'ont été abondants pendant la troisième 
période , que lors des formations les plus récentes des dé- 
pôts quaternaires. Ils ont seulement acquis à cette époque 
un certain développement. Cette circonstance dépend , peut- 
être, de ce que leurs ossements se conservent moins que 
ceux des autres animaux, étant creux dans leur intérieur et 
par cela même fort cassants. 

La période tertiaire a vu apparaître pour la première fois, 
les mammifères monodelphes, plus compliqués sous le rap- 
port de leur organisme que les didelphes. Ces mammifères 
qui ont appartenu à presque tous les ordres de cette classe , 
ont été aussi nombreux que variés ; ils ont fini par être, 
relativement aux autres classes des vertébrés, dans les 
mêmes rapports qu'actuellement. Ils ont donc composé , 
surtout vers la fin de cette période , une partie importante 
de la population. 

La nature n’a plus été muette et silencieuse comme dans 
les périodes antérieures; elle a été enfin animée par les 
chants des oiseaux et les cris des mammifères. L'augmenta- 
tion des races herbivores a nécessairement amené un ac- 
croissement notable dans ie nombre des carnassiers ; ceux- 
ci, destinés à en arrêter le développement , ont pris généra- 
lement des dimensions plus considérables que nos espèces 
actuelles avec lesquelles elles ont des analogies. 

L'époque tertiaire a donc des caractères zoologiques par- 
ticuliers ; tous annoncent le progrès qui s’est opéré dans les 
anciennes créations. Les espèces qui lui sont propres ne 
sont pas encore identiques avec les races vivantes ; elles ont 


(29) 
seulement avec elles de nombreuses analogies, et en sont 
plus rapprochées que les races antérieures. 

Toutefois, et après la fin de l'époque tertiaire , la scène 
de la vie change, et plusieurs espèces des derniers temps 
géologiques présentent , pour la première fois, une grande 
similitude avec celles qui existent maintenant. Les dépôts 
quaternaires forment le lien qui unit les anciennes généra- 
tions aux nouvelles; ils opèrent entr’elles une sorte de 
transition ou de passage, mais non complet; car au milieu 
de ces races que l’on ne saurait distinguer des nôtres par 
aucun caractère précis, un certain nombre en diffère essen- 
tiellement. 

Quoique la faune des terrains tertiaires ne paraisse pas 
offrir des espèces semblables entre les deux créations , d’ha- 
biles observateurs ont pensé qu'il n’en était pas toujours 
ainsi. Du moins, MM. Andrews et Forbes assurent avoir 
observé dans les mers de la Grande-Bretagne, la Leda 
pygmaæa, Y'Arca raridentata et \'Astarte Wilhemi qui jus- 
qu'à présent avaient été considérés comme des races étein- 
tes. Ils ont également prétendu avoir pris vivante la Turbi- 
nolia milleliana, regardée jusqu'ici comme une des carac- 
téristiques des terrains tertiaires, et avoir trouvé nageant 
dans la haute mer, les Leda obtusa et truncata qui jusqu’à 
eux n'étaient connues en Europe qu’à l’état fossile. 

Pour s'assurer de faits aussi exceptionnels , il faut com- 
parer avec un sérieux examen , les espèces vivantes et fos- 
siles , afin d’être certain de leur détermination; car c’est là 
que repose la réalité de leur similitude ou de leurs diffé- 
rences. 

L'époque tertiaire est la première où les eaux douces aient 
pris une grande importance , démontrée par l’étendue et la 
puissance des dépôts qu'elles ont laissé et les espèces qu’elles 
renferment. Ainsi l’on découvre dans les roches des eaux 


( 50 ) 
douces , des Lymnées , des Planorbes , des Paludines , des 
Physes, des Néritines, des Anodontes , des Mulettes , dont 
les formes génériques se sont perpétuées jusqu'à nos jours. 

De même, des genres inconnus à l’époque secondaire 
apparaissent et signalent l'ère nouvelle dans la création 
qui s’est manifestée dès le commencement de l'époque ter- 
tiaire. Les genres Hélice, Carocolle, Bulime, Achatine, 
Ferrussine, Maillot, Cyclostome augmentent, pour lors, 
et probablement pour la première fois , le nombre des mol- 
lusques qui vivent sur des terres sèches et découvertes. 

A la vérité, M. Portloch a indiqué comme des terrains 
de transition, une coquille qui a toute l'apparence d’une 
Agathine ; mais c’est là plutôt un genre géologique que z00- 
logique ; car ce naturaliste est loin d’être certain de sa dé- 
termination. Il en est ainsi du genre Helix, que l'on a in- 
diqué comme de différentes époques géologiques antérieures 
aux formations tertiaires , mais dont les exemples sont plus 
que douteux. 

La plupart des genres fossiles des dépôts de la même épo- 
que se retrouvent dans la nature actuelle ; il en est de même 
de ceux qui appartiennent aux eaux marines. Leur nombre 
augmente en même temps d’une manière notable , quoiqu'il 
soit loin de ceux de l'époque actuelle, caractérisée par l'ex- 
trème variété des êtres qui l’animent et l'embellissent. 

Les genres marins considérés sous le rapport de leur fré- 
quence et du nombre des individus qui en font partie, peu- 
vent être réduits aux Cérites, aux Turritelles , aux Vénus, 
aux Huîtres, aux Pétoncles et aux Cythérées. Ces genres 
ont été peu abondants aux époques antérieures, du moins 
ceux qui s’y trouvaient. On a longtemps supposé que les 
Cérites appartenaient uniquement aux terrains tertiaires ; 
cependant ce genre a été rencontré dans la craie de Maës- 
tricht. 


(31) 

Si un grand nombre de formes génériques nouvelles a 
apparu à l’époque tertiaire, on n’y découvre plus la plu- 
part de celles des premiers âges. Les ammonites et les bé- 
lemnites dont les débris ont si longtemps persisté sur la 
scène de l’ancien monde, disparaissent complètement dès 
l'époque tertiaire ; l'un deux n’a presque plus de représen- 
tant dans la période crétacée récente. On cite pourtant un 
individu d’une grande ammonite découverte dans la craie 
blanche par M. Robert. Des doutes existent , du reste, sur 
la formation de cette craie. M. Rcbert observe que cette 
- roche lui a paru fort rapprochée de la craie tufau, ce qui 
la rapporterait à une époque plus ancienne que la craie 
blanche. 

On ne rencontre dans aucune formation tertiaire les échi- 
nides des époques précédentes ; il en est de même des 
genres des divers ordres de zoophytes. 

Ces animaux présentent des faits analogues, et les genres 
qui les composent n'offrent plus les mêmes espèces que 
celles qui avaient vécu dans les époques précédentes. Une 
pareille remarque s'applique également à un des ordres des 
articulés, les insectes ; ceux-ci ont acquis un développe- 
ment considérable lors des formations tertiaires , el supé- 
rieur à celui qu'ils avaient atteint lors de la période secon- 
daire. 

Les insectes abondent dans les groupes éocène, miocène 
et pliocène. On peut citer parmi ces formations le succin 
des bords de la Baltique et d’ailleurs, enfin, le bassin gyp- 
seux d'Aix en Provence, l’une des localités les plus riches 
en ce genre. Avec ces insectes, se trouve un autre ordre 
d'articulés, les arachnides : on n’a pas rencontré jusqu’à 
présent un seul individu se rapportant aux scorpionides, 
mais seulement aux familles des araignées proprement dites 
et des faucheurs. 


(32) 

On peut faire à l'égard de ces insectes et de ces arachni- 
des, une remarque générale qui n’est pas sans importance; 
c’est que la plupart des espèces du succin et des marnes 
d’eau douce, signalent des espèces des contrées plus chaudes 
que celle où sont ensevelis leurs débris, La plupart de ces 
insectes sont de petite taille; peu d’entr'eux atteignent la 
taille du Scarabée stercoraire. Du reste, leurs espèces géné- 
ralement différentes des races actuelles, ont rarement assez 
d'analogies avec elles pour en être rapprochées, mais pres- 
que jamais, pour leur être assimilées. 

Les insectes des deux gissements appartiennent à tous les 
ordres indifféremment , quoique les coléoptères et les diptè- 
res soient les plus abondants en espèces ou en individus ; 
plusieurs diptères se font particulièrement remarquer sous 
ce dernier point de vue. Tels sont les genres Ribio ou Ceci- 
donia , ainsi que plusieurs espèces de la famille des tipu- 
laires, des marnes calcaires d’Aix en Provence. 

Les insectes du succin ont pour la plupart leurs analogues 
dans les insectes qui vivent maintenant dans le bois ou le 
tronc des arbres ou enfin sur les écorces, ce qui s'accorde 
avec l'origine du succin. Cette substance parait être une 
résine qui découlait d'arbres qui avaient de grandes analo- 
gies avec nos pins et nos sapins. 

Les insectes de l'époque tertiaire ont, du reste, com- 
mencé avec celte époque et sont déjà abondants dans les 
terrains marneux charbonneux à lignite de l’o{d-éocène, dans 
lesquels se trouvent le succin, l'argile plastique et les dépôts 
qui l'accompagnent. Pour en donner une idée, nous rap- 
pellerons que les coléoptères y sont à peu près au nombre 
de trente genres ainsi que les diptères. Ces articulés dispa- 
raissent totalement lors du new-éocène; cette classe n’y es 
plus en effet représentée que par les annélides de la tribu 
des tubicoles, les arachnides de celle des pyenogonides, 


(35) 
enfin les crustacés , par les deux tribus des décapodes et des 
isopodes. 

Ces animaux apparaissent de nouveau lors des terrains 
miocène et pliocène ; ils y sont plus nombreux que dans les 
formations anciennes. 

Les lépidoptères y sont signalés par un papillon du genre 
Cyllo, auquel M. Boisduval a imposé le nom de Cyllo se- 
pulta. Ce papillon offre même en partie ses couleurs; du 
moins ses formes et l'ensemble de ses contours sont si bien 
conservés, que l’on dirait qu'il a été lithographié à plaisir 
sur la pierre qui en porte l'empreinte. 

Les poissons, peu nombreux à l'époque tertiaire, n’ont 
pas éprouvé de progrès marqués sous le rapport de la va- 
riété de leurs espèces. C’est seulement par rapport à leurs 
ordres, que ces animaux ont acquis un certain perfection- 
nement. Ils offrent bien encore des ganoïdes et des placoï- 
des ; mais les cténoïdes et les cycloïdes y deviennent de plus 
en plus nombreux. Les dernières familles et les genres qui 
en ont fait partie, se montrent singulièrement en excès sur 
les ganoïdes et les placoïides dès l’époque miocène ou plio- 
cène. 

Ainsi le tiers des poissons fossiles de l'argile de Londres 
( old-éocène ) et du calcaire grossier ( new-éocène ) appar- 
tient à des familles éteintes , tandis que celles des cténoïdes 
et des cycloïdes se trouvent encore dans le monde actuel, 
ainsi que la plupart de races des ganoïdes et des placoïdes 
qui se rapportent à l'époque miocène ou pliocène. C'est uni- 
quement s6us ce point de vue qu'il y a eu perfectionnement 
chez les poissons. Il s’est opéré dans le rapprochement de 
leurs formes et de leur organisme avec les dispositions et 
la structure qui caractérisent les espèces de notre époque. 

Ces rapports nouveaux se manifestent aussi bien chez les 
races des bassins immergés, que chez celles des bassins 


(34) 
émergés. Ces dernières offrent en général des genres analo- 
gues à ceux qni vivent maintenant, quoiqu'il n'en soit pas 
de même des espèces, toutes différentes des races actuelles. 

Il parait en être ainsi de toutes celles des terrains tertiai- 
res, soit qu’elles appartiennent aux animaux vertébrés , soit 
qu’elles dépendent des invertébrés. 

Des perfectionnements du même genre ont également eu 
lieu chez les reptiles. Ainsi ces animaux comprennent tous 
les ordres qui en font actuellement partie, et ont, avec les 
espèces vivantes , les plus grandes analogies. L'on découvre, 
dans les couches tertiaires, des sauriens, des chéloniens, 
des ophidiens et des batraciens. Ces derniers, caractérisés 
par des Rana et des Salamandres, le sont également par 
la fameuse Salamandre gigantesque ( Andrias Scheuxeri), 
prise par Scheuzer pour un homo! diluvii testis, en raison 
de la différence de ses formes avec les batraciens actuels. 

Les sauriens ont été principalement signalés à l'époque 
tertiaire, par les Crocodiles, analogues par leurs caractères 
généraux et les principales dispositions de leur squelette, 
avec les espèces qui vivent maintenant dans nos fleuves. De 
pareilles conformations n'étaient pas le partage des croco- 
diliens des formations secondaires , formations où ces ani- 
maux ont été plus nombreux en espèces et plus variés en 
formes. Ils ont sans doute diminué à l'époque tertiaire, 
mais ils étaient pour lors plus rapprochés des types qui 
vivent de nos jours. 

Les Téléosaures qui appartenaient également à la famille 
des crocodiliens et qui se nourrissaient de poissons, avaient 
totalement disparu de la scène de l’ancien monde à l'époque 
tertiaire. Un autre genre de l’ordre des sauriers , l'Enneo- 
don, caractérisait cette époque; ce qui est non moins re- 
marquable , ses formes étaient intermédiaires entre celles 
des crocodiliens et des lacertiens. 


( 55 ) 

Les chéloniens ont été représentés , à cette époque, par 
quatre genres dont les uns habitaient les eaux douces et les 
autres les eaux salées ou les terres sèches et découvertes. 
Les premiers sont les Emydes et les Trionyx; les seconds , 
les chéloniées ou Tortues de mer, qui ont élé nombreuses 
et remarquables lors des dépôts tertiaires. Les Tortues de 
terre ne sont signalées dans ces terrains que par un seul 
genre, celui des Zestudo qui comprend plusieurs espèces. 


Les ophidiens , si rares parmi les vertébrés fossiles , ont 
toutefois pris un certain développement à la même époque. 
Ils y ont été signalés par un genre qui n’a pas de repré- 
sentant dans la nature , le Palæophis, composé de deux es- 
pèces dont l’une n'avait pas moins de 6 à 7 mètres de lon- 
gueur et égalait la taille des Boa ou des Python. La der- 
nière espèce avait , au contraire , d'assez petites dimensions. 
Les autres ophidiens se rapportaient à des Couleuvres, 
genre que l’on découvre de nouveau dans les dépôts quater- 
naires. 


Un des faits les plus remarquables de cette époque et qui 
se raîtache à l’histoire des reptiles, est la découverte que 
l'on a faite dans ces terrains, non-seulement des coproli- 
thes de ces animaux, mais encore des urolithes fossiles. Il 
existe dans les couches tertiaires des fèces des deux ordres, 
les unes urinaires et les autres alimentaires : celles-ci, 
comme on le présume aisément, sont les plus nom- 
breuses. 


L’urine des sauriens et des ophidiens est une sorte de 
pâte ductile, qui se durcit promptement à l'air et prend la 
consistance de la craie ; elle est en cela très-différente du 
liquide limpide et très-peu coloré qui constitue l'urine des 
batraciens anoures et des chéloniens. Toutefois ceux-ci 
expulsent pendant leur vie de nombreuses pierres vésicales 


(36) 

que l’on distingue malgré l'absence de l'acide urique, en 
raison de ce que le phosphate de chaux s’y trouve à l'état 
neutre, différent en cela de celui des os. 


Les fèces urinaires sont contournées en spirale, tandis 
que les alimentaires restent cylindriques. Les sauriens et 
les ophidiens sont les seuls reptiles qui rendent séparément 
de leurs fèces alimentaires, une urine non liquide, mais 
sous forme d’une pâte épaisse et ductile. Ainsi les coproli- 
thes turbinées ou en spirales sent probablement , du moins 
en partie, des urolithes de sauriens et d’ophidiens. II y a 
certitude sur leur origine, lorsqu’à cette forme se joint 
une composition chimique analogue à celle de l'urine des 
reptiles ophidiens ou sauriens vivants, et lorsque leur subs- 
tance est homogène. 


Les coprolithes alimentaires ont une composition hétéro- 
gène, contenant dans leur intérieur des os, des dents, 
des écailles de poissons et d’autres substances. 


Les Trionyx, surtout le Trionyx spiniferus, sont sujets 
aux concrélions pierreuses de la vessie, comme un grand 
nombre d'espèces carnassières. 


Ces faits sont intéressants, en ce qu'ils prouvent qu’à 
tous les âges de la terre, les reptiles, comme les animaux 
des autres classes, ont eu les mêmes habitudes et ont été 
soumis aux mêmes phénomènes, du moins relativement à 
ceux de la digestion, des excrétions et des autres fonctions. 


Les reptiles ont éprouvé un perfectionnement sensible à 
l'époque tertiaire , puisqu'ils y ont présenté les quatre prin- 
cipaux ordres qui caractérisent maintenant les animaux de 
cette classe. L'un de ces ordres, et ce n’est pas le plus 
perfectionné , puisqu'il est précédé par les sauriens et les 
chéloniens , avait tardé à arriver sur la scène de l'ancien 
monde. Cet ordre est celui des ophidiens, dont une seule 


(37) 
espèce, le Palæophis toliapicus, à acquis une grande taille ; 
les autres espèces sont restées dans des proportions mé- 
diocres. 

Les deux tribus des batraciens qui ont paru lors des ter- 
rains tertiaires , les anoures et les urodèles, ont aussi animé 
‘la scène de cette époque. 


( La suile au prochain numéro \. 
ne pr 


II. FRAGMENTS de Botanique critique; par M. L. A. 


CHAUBARD , correspondant. 


N.o 1. 


Callitriche autumnalis Lin Sp. 6. — Caule capil- 
lari submerso : Foliis semipellucidis oppositis semi-ample- 
xicaulibus linearibus uninerviis latitudine vix millimetralibus 
basi latioribus apice truncatis bidentatisque : Fructibus qua- 
dricarinatis, primüm sessilibus mox ad maturitatem pedun- 
culatis ©. — Gm. Sib. 5. t. 1. f. 2. 


B C. truncata Guss. Sic. rar. t 2. f. 2.— Fructu latitu- 
dine altitudinem superante. 


Hab. In aquis stagnantibus Scandinaviæ, Siberiæ nec 
non in Barbariæ, Siciliæque. ( V. S. in Herb. Deless. ex 
locis dictis ). 


( Obs. ) Plusieurs arbres émettent , au mois d’Août , des feuilles 
autrement conformées que celles du printemps ; il en est de mème 
du C. verna. Ses feuilles du mois d’Aoùût ou automnales au lieu d’être 
oyoïdes rétrécies en pétiole, sont linéaires, échancrées et bidentées 
au sommet. Il n’est pas rare de trouver les deux sortes de feuilles 
sur la même tige. Et lorsque les feuilles de l’automne persistent, il 


Toue XIX. | 4 


( 58 ) 

arrive que les feuilles du printemps au lieu d’être au-dessous, se 
trouvent au-dessus. Toutes ces variations ont reçu un nom spécifi- 
que, ont été décrites et figurées par les botanistes Allemands. Le 
fruit variant aussi dans sa largeur relativement à la hauteur, ils ont 
ainsi fait six ou sept espèces nouvelles avec les phases ou variations 
d'une seule. Ses fruits se montrent d'abord presque sessiles , mais le 
pédoncule rudimentaire qui les porte s’allonge peu à peu, en sorte 
qu’à la fin , on a des fruits presque sessiles dans les sommités et pé- 
donculés dans les fleurs inférieures. Cette autre phase du développe- 
ment a suffi au célèbre de Candolle pour créer une autre espèce ima- 
ginaire : le C. pedunculala. 

Aucune de ces plantes n’est le C. autumnalis Lin. ; on s’est trom- 
pé en lui rapportant celles à feuilles automnales .ou linéaires. La 
plante de la Scandinavie , de la Russie, de la Sicile, de l'Algérie est 
toute autre chose. Elle diffère de toutes les phases du C. verna par 
ses feuilles linéaires en forme de coin allongé ou rétrécies de la base 
au sommet et n’offrant qu’une seule nervure au lier de trois. Il est 
bien singulier que cette plante qui se trouve &.s tout le Nord, en 
Sicile et en Algérie , n’ait encore été ob'ervée nulle part dans l'Eu- 
rope moyenne et méridionale. 


Schoenus monoîcus Sm. Engl. Bot. t. 1410. — 
Carex hybrida Schk. Car. t. Rrr, f. 161. — €. mirabilis 
Host. Gr. 4,t. 78. — Kobresia varicina Wild. — Elyna 
Schrad. 

B Carex obtusata Lilgeb. — Dimidio minor, spica bre- 
viore, squamis calycinis inferioribus mucrone destitutis. 

y Careæ Bellardi AN. — Kobresia scirpina Wild. — 
Spicæ lobis bifloris, squama inferiore fœmina superiore 
mascula. 

à Carex simpliciuscula Wahlenb. — Stigmatibus binis 
nec ternis. 

( Obs. I. ) Ces plantes n’ayant point leur semence renfermée dans 
une enveloppe comme les Carex, ne peuvent rester dans ce genre. 


( Obs. II. ) J'ai sous les yeux, dans l'herbier Delessert, un échan- 


* 


( 39 ) 

tillon du Carex obtusata de l'ile d'OEland ainsi étiquetté par le célè- 
bre Swartz, dont les fleurs inférieures offrent toutes deux fruits sous 
chaque écaille; et comme d’ailleurs tout le reste de la plante est iden- 
tique avec le Schænus monoicus , je ne peux m'empêcher de regar- 
der cette prétendue espèce, comme une variété intermédiaire entre 
le type et le Carex Bellardi qui pareïllement a ses écailles inférieu- 
res sans pointe. 


Scirpus multicaulis Sm. Brit. 1. p. 48. 


B S. uniglumis Link., S. tenuis Schrad. — Stigmatibus 
binis nec ternis, fructu convexo plano nee trigono. 


( Obs. ) Ainsi que l’a déjà fait remarquer M. de Brebisson , il n’est 
pas très-rare de rencontrer des individus qui, sur un même épi, offrent 
des styles à trois stigmates avec ovaire à trois pans et des styles à 
deux stigmates avec ovaire convexo-plane. Le caractère pris du nom- 
bre des stigmates n’est donc pas une différence spécifique. 


Scirpus pauciforus Lightf. — ($S. Bœæothryon 
Lin. fil. suppl. 403 ). — Engl. Bot. t. 1122. — S. campes- 
tris Roth. 

(Obs.) Cette espèce offre la mème particularité que la précédente. 
J'ai observé sur les bords du Lot, des individus offrant à la fois sur le 
même épi des styles à trois stigmates et ovaires trigones , avec des 
styles à deux stigmates et ovaire convexo-plane. 


Scirpus maritimus L. Sp. 74. 


B S. tenuifolius Cand. F1. fr. V. p. 500.— Appauvri dans 
toutes ses parties : Feuilles courtes : Bractées réduites à la 
seule grande foliole par l'avortement des deux autres : Epil- 
lets agglomérés sans pédoncule : Style à deux stigmates 
seulement et ovaire convexo-plane.. 


( Obs.) L'avortement d’un stigmate entraîne toujours l’oblitéra- 
tion des angles de l’ovaire. Or, cet avortement étant fréquent dans les 
Cypéracées , ne saurait constituer une différence spécifique lorsque 
d’ailleurs tout le reste de la plante , comme c’est ici, est identique 
de forme et d'organisation. 


( 40 ) 


Scirpus triqueter Lin. Syst. ed. XII et Mant. 29. 
S. littoralis Schrad. Gr. 1. p. 142, t. 5. f. 7. 


( Obs. ) Le S. triqueter Eng]. Bot. t. 1694, qui est celui des au- 
teurs de nos jours, n’est autre chose que la variété à épillets pé- 
donculés du $. mucronatus Lin., conforme aux figures de Morisson, 
de Plucknet, de Scheuchzer citée dans le Species. Or, ce n’est point 
là le S. triqueter du Mantissa ; car celui-ci diffère essentiellement 
du $. mucronatus par les faces de son chaume planes et non conca- 
ves ( planis non excavalis). En outre, le prolongement de son 
chaume ne dépasse pas les épillets { spicis pedunculalis mucronem 
æquantibus Lin. Mant. 29), tandis que celui du S. mucronatus doit 
les dépasser. C’est donc le $. littoralis Schrad. qui est le vrai S. {ri- 
queter de Linné. D'ailleurs, ce n’est pas les côtes de l'Océan que le 
Mantissa lui donne pour station, mais bien les côtes de la Méditer- 
ranée. 


Agrostis australïs Lin. Mant. 50, non Herbar. — 
Arundinis tenellæ Schrad. affinis : Panicula contracta sub- 
spicata ramis brevibus : Calycinis valvulis lanceolatis acu- 
tiusculis : Corollinis valvulis brevioribus inæqualibus trun- 
catis , inferiore aristà basiliari geniculatà suffulta vix exserta 
quandoque mutica Z. — A setacea Curt. FI. Lon. fasc. 6. 
t. 12. exclus. fl. separatim delineata. — Sm. Brit. et Eng]. 
Bot. 1188. — Hab. in Hispania australi circa Gades. 


( Not.) Culmi rigidi 3-6 decimet. longi. Folia latitudine 
2 millimet. siccitate convoluta. Panicula rigida. Valvis caly- 
cinis dorso asperis. Corolla valvula exteriore nervis tribus 
apice exsertis : Radix repens : Fructus tomentosus. 


( Obs. ) Selon Vahl, sym. 2. p. 18, on trouve dans l’herbier de 
Linné le Milium lendigerum à la place de l'A. australis ; mais par 
la description du Mantissa , il est évident qu'il y a erreur dans cet 
herbier. En effet , l'A. australis a°des chaumes qui s'élèvent jusqu’à 
un mètre , des feuilles couvertes de poils courts et une grande res- 
semblance avec l'A. arundinacea Lin. Or, le M. lendigerum ne dé- 
passe jamais 33 cent. de haut; ses fruits sont toujours glabres et il n’a 


(A1) 
pas le moindre rapport de ressemblance avec l'A. arundinacea Lin. 
{ Arundo sylvatica Schrad). C’est à notre plante que tous ces carac- 
ières appartiennent. 


Agrostis capillaris Lin. Herb. ex Sm. Icon. ined. 
herb. Linnei, 3, p. 54. t. 54. — A4. alba Lin. valdè affinis 
sed tamen diversa radice annua nec perenni, calycibus di- 
midio brevioribus , feliis dimidio angustioribus brevioribus- 
que et pedunculis longioribus. Affinisque Airæ minutæ et 
quidem ita ul utraque deflorata nequaquam fas sit alteram 
ab altera distinguere. 


( Obs. ) Il s’est glissé dans l'impression du Species une faute qui 
est ensuite passée dans le Sys{(ema ed. XIT : au lieu de calycibus sub- 
ovalis, le typographe a mis subulatis. Le célèbre Smith corrigea 
cette faute en 1790 dans les Icones cités, où il est évident que la 
plante de l’herbier de Linné a des valves calicinales presque ovoïdes 
et non en alène. Thore n’ayant point eu connaissance de cette rectifica- 
tion,'a dû regarder cette plante comme inédite ; de là la dénomination 
d'A. elegans adoptée par tous ceux qui n’ont point connu les Icones 
de Smith. Mais alors qu'est-ce que l'A. capillaris de Trinius Icon. t. 
32 ? Celle-ci est encore une plante Linnéenne : c’est l'A. alba Lin., 
espèce méconnue par la foule des auteurs. Expliquons-nous : Dans 
l'herbier de Linné , on voit l'A. maritima Lam., à la place de l'A. 
alba. C’est certainement là une erreur; car la plante de Lamarck se 
fait remarquer par sa panicule resserrée et par ses valves calicinales 
très-aiguês, tandis que la plante du Species a expressément la pani- 
cule lâche et les valves calicinales sans pointe , ce qui convient par- 
faitement à la plante de Trinius. 


Agrostis alba Lin. Sp 95. non Herb. non Sm. Eng. 
FL, etc. — Culmis gracilibus simplicibus debilibus 3-4 deci- 
met. longis : Panicula patente ramis capillaribus : Flosculis 
minutis gracilibus utrinque attenuatis : Calycinis valvulis 
ellipticis æqualibus sub obtusis : Corollina valvula unica 
apice denticulata 2%. 

A. capillaris Frin. Ie. [. t. 52. non Lin. — 4. exilis Lois.? 


(4) 

Has. In Hispania ( rives de la Guadarana ), ad Euxini 
littora , in Algeria. 

( Not.) Folia 5 millimet. lata scabra : Ligula oblonga 
amplexans. Pedunculi longitudine tantum flosculi. 


Agrostis verticillata Vill. Dauph. 2. p. 74. — Pa- 
picula contracta in spica oblongo-lanceolata , flosculis sessi- 
libus congestis ramos operientibus : Calycinis valvulis ovato- 
lanceolatis tomentosis parvis : Corollinis valvulis brevioribus 
apice truncatis quadridentatis. Z. — Trin. Ic. 4, t. 36.— 
Rchnb. Ic. crit. f. 1425. — A. rivularis Brot. Lusit. 1. p. 
75. — A. densa Bieb. — A. stolonifera Kunt. — Mut. 
F1. Fr. | 


B À. Juressi Sink, — Trin. 3 t. 54. — Forma macilenta 
flosculis non ita congestis undè panicula quasi in spiculas 
divisa. 

7 Polypogon interruptus Humb. et Kunt. n. Gen. I, t. 44. 
— Valvula inferiore in aristam longiusculam producta. — 
Polygonon littoralis Mut. F1. fr. 4. p. 58 etf. 575. syn. 
exclus. 


Has. In arenosis humidis Lusitaniæ, Occitaniæ, Græciæ, 
Africæ et Americæ. 


(Not.) Culmus rigidus crassinsculus 2-3 decimet altus : 
Folia 4-6 millimet. lata acuta : Ligula ovoïdea oblique trun- 
cala rudimentis pilorum conspersa. 


( Obs.) La variété + montrerait, si cela n’était d’ailleurs démontré 
déjà, que les genres uniquement caractérisés par les arètes sont illu- 
soires et peuvent conduire à mentionner la même plante dans deux 
genres différents , ce qui est, comme on voit ici, arrivé à M. Mutel. 


La figure 1522 de l'Engl. Bot. qui sans doute a enduit en erreur 
Kunth et Mutel, ne se rapporte point à l'A. verticillala Vill., mais 
bien à l'A. alba de Smith, c’est-à-dire à l'A. maritima Lam. Ses 


(45 ) 
valves calicinales, en effet, ne sont point duvetées sur toute leur sur- 
face. Au reste, cette figure est la plus mal dessinée de tout le livre. 


Agrostis stolonifera Lin. Sp. 95. — Panicula post 
anthesim contracta : Ligula duplo longiore quam lata. 


B À. maritima Lam. — Minor, foliis siccitate convolutis. 


( Obs. ) Puisqué selon les botanistes suédois l'A. marilima Lam. 
w’est autre chose que l'A. stolonifera Lin., il est évident que notre 
plante est bien celle de Linné. Il est donc impossible d'admettre 
avec Smith que ce soit l'A. alba Lin., quoiqu'il ait en sa faveur le 
témoignage de l’herbier ; car les mots du caractère essentiel Pani- 
cula laxa, ne peuvent lui. être appliqués. 


Agrestis vulgaris With. ex Smith. Brit. 79.— Pani- 
cula post anthesim usque ad mortem patentissima , ligula 
brevi longitudine latitudinem vix superante. 


( Obs.) Les botanistes suédois confondent cette espèce avec l'A. 
rubra dépourvu d’arêtes ; mais ses languettes de moitié plus courtes 
et ses feuilles radicales, qui ne sont point filiformes , forcent à l’en 
distinguer. Si l’on essaye de la rapporter à l’A. alba Lin., on en est 
empèché par cette considération que, si Linné l’eût distinguée de son 
A. stolonifera , il l'aurait placée à la suite de celle-ci, tandis qu’il 
en a séparé son À. alba par l'A. capillaris ( A. elegans Thor. ) 


Agrostis panicea ( A/opecurus paniceus Lin. Sp. 90). 
— A. monspeliensis nimis affinis sed diversa culmis semper 
humilioribus, panicula angustiore , pilis in calycis apice lon- 
gioribus et præcipuè arista breviore in medio flosculo in- 
serta nec apice @. — Polypogon maritimum Willd., Mutel. 
FI. fr. f. 574. — P. littoralis Sm. Eng. Bot. t. 1251 
( malè ). 


( Obs. ) Selori Smith, l'A. paniceus de Linné ne diffère en rien de 
V'Alopecurus monspeliensis; mais qu'importe, lorsqu'il résulte des 
notes du Species qu'il s’en distingue précisément par les mêmes diffé- 


(44) 
rences qui ont servi à caractériser son prétendu Polypogon liltoralis 
et le P. marilimum de Wildenow ? Le Species prouve contre l’her- 
bier; mais l'herbier ne saurait prouver contre le Species. 


Arundo ( Calamagrostis) eapillata Nem. ( Agrostis 
setacea Cand. FI. fr., Duby, Mutel, etc. non Curt. Lond. 
6, T. 12 (A. australem repræsentans ).— Glauca subpe- 
dalis : Foliis convolntis capillaribus asperulis densissimè 
cespitosis. Panicula demum spicatim arelè contracta : Flos- 
culis 4 millimetralibus acutissimis, valvula corollina interna 
brevissima altera basi stipata arista geniculata exserta pilis- 
que brevissimis. ps 


Has. In arenosis Aquitaniæ , Armoraciæque locis hyeme 
inundatis. 


( Obs.) La figure de l'A. setacea dans le Flora Londinensis paraît 
avoir été faite avec deux plantes différentes qu’il est aisé de confon- 
dre au premier coup-d’œil. Les détails de la fleur, dessinés séparé- 
ment, appartiennent bien au Calamagrostis capillata; mais le 
corps de la plante représente VA. australis Lin. Cette remarque au 
reste. se trouve confirmée par la figure de la même plante dans 
l'Engl. Bot. t. 1188; car les détails de la fleur dans celle-ci, n’offrant 
point des poinceaux de poils à la base des floscules comme celle de 
Curtis, sont ceux de l’A. australis Lin. 


M. Bastard , F1. de Maine-et-Loire , méconnaissant l'A. setacea de la 
FI. française, l’a regardé comme une espèce inédite et l’a donné sous 
le nom d'A. glaucina. Cette méprise a induit en erreur Rœmer et 
Duby , qui mentionnent les deux plantes comme différentes. Cet 
exemple entre une foule d’autres, montre qu’il ne faudrait admettre 
les espèces nouvelles qu'’autant qu’elles ont été différenciées des 
plantes voisines. 


Arundo calamagrostis Lin Sp. 121.— ( Calama- 
grostis lanceolata Roth. ). — Dans le Systema ed. XIT, 
Linné ajoute à la phrase du Species, corollis lanuginosis et 
cependant il n'est pas un seul auteur qui parle de cette par- 


Tab. 
= + 


(Arundo) Calamagrostis Capillata Nem. 


Chaub.f] 


A ê rosti sa u S (ralis Le Manti . 30 An herbarium. 


AL His 


Tab.3 


Zabl 


\\ 
NS 
Chaub-fee. L ni C aa 
f.1 Ava corymbosa Chaub FU. Pebp . n 12907. 

f,2 Rottbælla loliacea lab. ilid.n 213 t€.3{ mal) 


(45 ): 
ticularité. Comme les valves florales de son Agrostis calama- 
grostis ( stipa calamagrostis Wahlenb. } offrent ce caractère, 
il aura sans doute confondu dans sa mémoire ces deux plan- 
tes de même nom spécifique et ajouté à l’une les caractères 
de l’autre. 


Poa laxa Hænck. Sudet. 118. 


( Obs.) Nous avons sous les yeux une même touffe sur laquelle 
on voit des chaumes à ramifications de la panicule geminées et à six 
fleurons qui est le P. minor Gaud., et d'autres à ramifications sim 
ples et à épis de trois ou quatre fleurons qui est le P. laxa Host. 
Ainsi ces deux prétendues espèces ne sont pas mème des variétés 
Pune de l'autre. Il était au reste difficile de rencontrer un nom plus 
absurde ; car c’est justement au plus grand des deux qu’a été donné 
le nom de P. minor. 


Poa mediterranea Nem.— P. maritima Will. nimis 
aflinis et forte varietas. Differt ligula triplo longiore , flos- 
culis dimidio longioribus , foliis angustioribus et culmis rigi- 
dioribus. 

( Diagn. ) Culmi rigidi subeubitales : Folia 3 millimet. 
lata, demum convoluta filiformia : Ligula oblongo-lanceo- 
lata : Panicula laxa demum contracta ramis divisis usquè 
ad medium nudis : Spiculis oblongis : Flosculis numerosis 
sesquilongioribus : Valvulis corollinis basi pilosis obtusis 
tenuiter ciliatis. 9£ 


Haz. Ad Littora Mediterraneæ circa Telonem, Gades, etc. 


Aveña Scheuchzeri All. Ped. 2259. ( 1785 ). — 
Panicula contracta ramis infimis in 2-5 spiculis divisis : Val- 
vulis calycinis lanceolatis apice setuceis, semipellucidis 5-7 
floris : Valvulis corollinis nudis basi pilosis calycem superan- 
übus apice bisetulosis : Arista spiculam duplù superante : 
Culmo basi compresso : Foliis planis zona argentea margi- 
natis Z — À, planiculmis Schrad. Germ. T. 6, fig. 2. — 


(46) 
A.-sulcata Gay { Gent. de Du Rieu).— À. splendens Boiss. 
Elench. n.0 188. 


B À. cariophyllea Sibth. Gr. t. 89. — Panicula spicata. 
Engl. Bot. T. 22.— 4. alpina Rchnb Ie. crit. fig. 1705. 


y A. versicolor Vill. Dauph. 2, t. 4. — Forma alpina 
duplè humilior : Panicula breviore : Pilis racheos parum 
brevioribus.— Scheuch. Prod. t. 3. 


Has In arenosis Aquitaniæ , in Pyrenæis, in Britannia, 
in Græcia. + In Alpibus, in Montibus-Arverniæ. 


( Obs.) Lorsqu'il y a plus de trente ans, nous recueillimes cette 
belle espèce dans les landes d'Aquitaine où elle est commune, nous 
voulûmes la distinguer de la plante d’Allioni et de Villars, mais ce 
nous fut impossible. Sauf les poils de la rape plus longs et la lon- 
gueur des chaumes, il y a identité de détails. 


Festuca maritima Lin. Sp. 110 et Mant. 525.— 
Triticum tenellum Host. — T. nardus DC., Dub. 


(0bs.) Linné avait à tort rapporté à son F. maritima|le Gramen 
exile duriusculum unilalerale Scheuch. Agr. 272, t. 6, fig. 4, 
dont plus tard il a fait son Trilicum unilalerale, Mant. 55. Comme 
il fallait ensuite exclure ce synonyme du F. marilima , son souvenir 
ou son œil a été trompé par la similitude de nom et il a été faire la 
correction non au F. marilima, mais au Trilicum marilimum , 
( T. divaricatum Desf., F. robusla Mut.) où se trouve un autre Syno- 
nyme de Scheuchzer qu'il dit de supprimer et qui cependant appar- 
tient incontestablement à cette espèce. Cette méprise est évidente, 
car cet autre synonyme de Scheuchzer a sa pauicule rameuse 
conformément à la phrase du species , tandis que la note du Mantissa 
dit : excluso synonymo Scheuchzeri cum flores omnino spicali, ce 
qui se rapporte évidemment au synonyme du Fesluca marilima. 


Festuca dumetorum Lin. Sp. 109. — FI. dan. 
t. 700. — Mut. fig. 615. —- F, juncifolia St-Am. FI. agen. 
40.— F, arenaria Rœm. et S.— F. sabulicola Duf. 


: (47) 
8 EF. rubra Lin. Sp. 109. — Spiculis nudis sæpè purpu- 
reo-violaceis. — Engl. Bot. t. 2056. — Rchnb. Ic. crit. 


fig. 1557. 


( Obs. ) Si par leurs fleurons , ces deux plantes semblent se confon- 
dre avec le F. heterophyll& Lam., elles s’en séparent évidemment 
par leurs inférieures enroulées jonciformes à plusieurs nervures ; et 
l’on ne peut les réunir ensemble comme le fait la FI. fr. de Mutel. 


Festuca phoenicoîdes Lin. Mant. 53. — F. n° 5 
Ger. galt. prov. 95. f. 2.— F. pinnata Mut., G. et Coss. FI. 
par. etc.— T. pinnatum Cand.— Brachypodiun pinnatum, 
B. cœspitosum, B. collinum Rchnb. f. 1576, 1377, 1578. 


B Bromus ramosus Lin. Mant. 54.— Panicula depaupe- 
rata spiculis 2, 5, 4 constante, culmis gracillimis, foliis 
convolutis rigidis. — Brachypodium ramosum et B. Pluck- 
netii Rehnb. f. 1379, 1380. 


( Obs.) Cette plante ayant des chaumes ramifiés à leur base ne 
peut évidemment être rapportée au Bromus pinnatus Lin. qui ex- 
pressément les a simples ( culmo indiviso ). D’ailleurs, c’est incon- 
testablement la plante si bien figurée dans la Flore de Gérard citée 
par Linné, et par conséquent, son Festuca phænicoïdes. Enfin, le 
B. pinnalus est une plante qui croît en Suède, tandis que celle de 
Gérard ne s’y trouve point. M. Mutel nous ayant soumis les épreuves 
des Graminées de sa Flore pour lui faire nos observations, nous lui 
expliquâmes ce qu’on vient de lire; mais il paraît d’après son livre, 
qu'il ne le comprit qu'à demi. L'erreur commise par les Anglais sur 
cette espèce Linnéenne et qui a fait tromper tous les auteurs, est 
surprenante. Est-ce que dans l’herbier de Linné le F. phænicoides 
se trouverait sous l'étiquette du B. pinnalus ? 


Festuca pinnata { Bromus pinnatus Lin. Sp. 115.— 
Brom. pinnat. FI. Dan. t. 164. — Wahlenb, Suec. — F, 
syloatica Mœnck. — LB. syloaticus Engl. Bot. t. 729, — 
Brachypodium gracile, B. pinnatum, B. rupestre Rehnb. 
lc. crit.f. 1574, 1575, 1576. 


(48). 

( Obs.) Malgré l'avertissement donné à Mérat lors de sa troisième 
édition et rappelé par Mutel 4, p. 127, l'École de Paris au lieu de 
redresser son erreur sur cette espèce et la précédente, continue à 
marcher à la remorque des botanistes allemands, ne tenant aucun 
compte de la leçon du Species, de l'excellente figure donnée par 
Gérard, de la leçon du Flora Suecica, du Flora Lapponica de Linné 
et des botanistes suédois. 


Hordeum nodosum Lin. Syst. ed. XIT.— 77. bulho- 
sum Host. Gr. 4, t. 13. — Sibt. Gr. t. 98. — Rchnb. f. 
4265 non Lin. — Æ, strictum Desf. 


( Obs.) C’est une faute typographique du Species qui a induit en 
erreur tous les auteurs. On y lit, en effet, dans la caractéristique de 
l'H. nodosum, involucella minimè arislala, ce qui s'applique à 
FA. nodosum. Mais dans le Systema, ed. XII, Linné avertit que le 
mot minimè est là une faute , et qu'il faut le supprimer. D'ailleurs, 
V’'H. bulbosum doit avoir les trois fleurons fertiles et aristés, tandis 
que l’'H. nodosum a les deux latéraux stériles. Linné indique son 
H. bulbosum en Sicile où il ne paraît pas qu'il se trouve, et en 
Orient d’où il a été rapporté par Aucher et distribué sous le n.0 5410. 
{v. s. dans l’herb. Delessert ). 


Ægilops caudata Lin. Sp. 1489. — Gr. creticum 
gracile in duas aristas longissimas et asperas desinentes 
Tournef. cor. 19. — Æ. cylindrica Sm. et Sibt. Gr. €. 95 
non Host. 


( Obs.) L’Æ. cylindrica Sm., renferme trois erreurs évidentes : 
1.0 Sa plante n’est évidemment point l’Æ. cylindrica Host. qui n’est 
autre chose que lÆ. squarrosa Lin. avec des arêtes à chaque balle; 
2.0 la figure de Buxbaum, citée par Smith comme représentant 
l'Æ. caudata, est celle de l'Æ. squarrosa Lin. ; 5.0 le synonyme de 
Tournefort, ainsi que Linné lui-mème l’a reconnu, appartient à lÆ. 
caudala, et non à une autre espèce comme le veut Smith. Ces 
erreurs proviennent sans doute de quelque permutation d’étiquette 
dans l'herbier de Linné. Le célèbre Link, dans le Zimnea de 1854, 
p. 151, ne partage pas cette manière de voir; mais il paraît ne pas 


(49) 
avoir saisi le sens de cette remarque dans le Flora Peloponnesiaca ou 
n'avoir pas vu le Flora græca; car il ne conteste rien de son contenu. 


Juncus efusus Lin. Sp. 464 (J. glaucus Ehrh. et 
auct. ). 


( Obs.) On voit dans le musée Delessert, une collection de plantes 
de la Lapponie étiquetées par Linné même et provenant des collec- 
tions de son ami Burman. Cette plante y figure sous le n.° 417 du 
F1. lapponica qui selon le Species est le J. effusus. Ainsi on a eu 
tort de rapporter à cette espèce la variété du J. conglomeratus à 
panicule étalée. Linné ne faisait pas des espèces, à la manière des 
marchands de plantes , avec des variétés. 


Luzula græca (Juncus græcus Chaub. FI. Pelop. n.° 
591 ,t.12,f. 1). — L. pediformis rimis affinis : Caulibus 
pedalibus et ultra : Radicis repentis collo 2-3 noduloso- 
arliculato : Folis pilosis culmo triplè latioribus : Panicula 
pedunculis 2 s. 3 pollicaribus proliferis : Floribus 3 s. 4 
nals capitatis : Calycinis foliolis ovato acuminatis, capsula 
basi tricostata apice triangulari acuminata longioribus, % 


Has. In Peloponnesi maritimis. 


( Obs.) Cette plante est au L. pediformis ce que le L. arcuala 
est au L. spicala, c’est-à-dire qu’elle en diffère par ses fleurs en 
panicule subdivisée comme celle du ZL. campestris , ce qui ne suffirait 
vraisemblablement pas pour justifier l'espèce , si d’ailleurs elle n’en 
différait par le collet de sa racine à nodosités contigues ressemblant 
à celles de l'Avena bulbosa. Nous avons eu tort, dans la Flore du 
Peloponnèse , de ne comparer cette plante qu'avec le L. campestris 
dont elle est moins voisine que du £. pediformis. 


Aliium angulosum Lin. — À. senescens Dub. Bot. 
et auctor. quorumd. non Linnei. 


( Obs.) L’Allium senescens Lin. ne croît point en Europe; c'est 
une plante de la Sibérie, très-voisine de l'A. angulosum, mais s’en 
distinguant au premier coup-d'œil par sa hampe d’un diamètre dou- 


(50 ) 
ble ou triple et par ses feuilles quatre fois au moius plus larges. 
Quant aux anthères dépassant plus ou moins la corolle, on ne peut 
les regarder comme différence spécifique , lorsque d’ailleurs tout le 
reste est identique. 


Allium ascalonicum Chaub. FI. Pelop. n.° 537. 
( A. gomphrenoïdes Boiss. ). 


( Obs.) La ressemblance extrême de cette plante avec l’A. jun- 
ceum Sibth. Gr. t. 522, qui selon Smith, ne diffère de l'A. ascaloni- 
cum de l'herbier de Linné que par ses étamines saillantes, ne nous 
a pas permis de douter que l’espèce de la Morée ne fût celle du 
Species Selon le célèbre Kunth Enum, 4, p. 588, cette plante ne 
serait qu'un individu appauvri de l’A. sphærocephalon Lin.; mais 
l'habile botaniste de Berlin en écrivant ces mots, avait sans doute 
oublié que ce dernier a ses étamines saillantes, tandis que celle de 
Morée les a incluses. 


Allium versicolor Nem. — Foliis semicylindricis 
supra canaliculatis apice setaceo-attenuatis margine subcilia- 
tis : Umbella pedunculis inæqualibus antè explicationem pen- 
dulis : Petalis ovato-oblongis apiculatis colore mutabilibus : 
Staminum filamentis simplicibus corolla duplù longioribus 
%Z — A. violaceum Willd.— A. flexum Kit. Hung. 5, 
t. 278.— À. paniculatum Cand. F1. fr. non Lin.— Rchnb. 
Ic. crit. t. 418.— Mut. fr. f. 564. — A. pulchellum Don.— 
A. montanum Bertol. non Sibth. 


B bulbiferum. — Umbella partim bulbifera , A. carinatum 
Fries Novit. — Koch Syn. 851 non Lin. — Rchnb. Ic. crit. 
t. 416 et À. fleæum , t. 417. — Clus. Hist. 193 f. 2 (bona ). 
A paniculatum Redout. Lil. t. 252. 


y À. nebrodense Guss. Prodr. 1, p. 414.— Petalis luteis 
apice purpureis : pl. media inter « et 9.— Bertol. Ital, 4, 
P. 58. 


> 


à A. flavum Lin. Sp. 428. — Corolla lutescens absque alia 


(51) 
differentia. — Redout. Lil. t. 119. — Bot. Mag. t. 1350. — 
Jacq. Aust. t. 141. 


Has. In Gallia australi, Italia, Oriente, locis arenosis. 


( Obs. I.) Deux raisons s’opjiosent à ce que le type de cette espèce 
soit rapporté à l'A. carinalum Lin.; la première est qu'il devrait 
pour cela avoir des feuilles planes et elles sont fistuleuses : la se- 
conde est que ses étamines , au lieu d’être très-saillantes , devraient 
être renfermées dans la corolle comme dans la figure de Haller citée 
par Linné, et dans celle de l'Engl. Bot. et mal à propos invoquée 
par Fries. 1 

( Obs. II. ) Le nom d’4. flavum étant l'expression d’une variation 
de couleur, ne peut être conservé. Celui d'A. violaceum ne peut 
l'être non plus, puisqu'il est exclusif d'A. flavum. D'ailleurs, c'est 
un nom trompeur en ce qu'il désigne un simple accident de dessica- 
tion , car si ses fleurs deviennent parfois violettes en se desséchant, 
c’est une circonstance qui peut être attribuée à quelque propriété du 
papier ou du lieu. Des échantillons de plusieurs localités de la région 
méditerranéenne qui sont sous nos yeux, ont tous conservé la teinte 
purpurine de l’état frais. 

L. A. CaauBarp. 


——— LD e— 


TT. Des phénomènes qui accompagnent l'immersion des 
Mollusques terrestres ; par M. Paul FiscHER, membre 
auditeur. 


1." PARTIE. 


En examinant la coquille des Ambrettes, on est surpris 
des rapports qu'elle offre avec le têt des Limnées et des 
Physes. Cependant, la plupart des naturalistes ont séparé 
les Ambrettes des Limnéens par des genres dont l’organi- 
sation paraît très-différente. 

Cette forme de la coquille , et surtout les mœurs de l’a- 
nimal, ont valu à l'espèce la plus commune la dénomination 
d'amphibie, quoique d'après Draparnaud, elle soit réelle- 


( 52 ) 
ment terrestre et que, selon d’autres auteurs, elle se noie 
très facilement. 

J'avais souvent recueilli des Ambrettes sur des roseaux et 
des plantes aquatiques , où elle n'avaient pu parvenir qu'en 
traversant plusieurs couches liquides, et j'avoue que ces 
faits s’accordaient peu avec la facilité qu’on leur attribue de 
se noyer. 

Voici les expériences que j'ai faites afin d’éclaircir, à mes 
yeux, ce sujet. 


SG Er. 


En Avril 1853, je pris un grand nombre d'Ambrettes 
que je conservai plusieurs jours dans la terre humide. 

Jetées dans l’eau d’un bocal, elles surnagèrent toutes à 
cause de l'air contenu dans la cavité respiratoire. En irri- 
tant l’animal, il se contracta bientôt, expulsa quelque bul- 
les et descendit au fond du vase. 

Toutes les Ambrettes tombèrent dans la même position ; 
le tortillon servant de lest et le mollusque appuyé seulement 
sur l'extrémité de la spire. 

Il est facile d'expliquer la cause de cette pesanteur du 
tortillon ; c’est en effet le seul point de l’animal où l'air ne 
pénètre pas à cause de la consistance du foie ; il s’introduit 
dans toutes les autres parties du corps par divers orifices et 
les distend. S'il est expulsé, un vide se forme et le poids 
spécifique de la tête, du collier, du pied, etc., n'en est 
pas moins plus petit que celui du tortillon. D'ailleurs, les 
tours de spire étant toujours serrés à l'extrémité de la 
coquille, cette partie doit être plus lourde. 

On remarque encore que les espèces fluviatiles à tortillon 
court, sont plus agiles que les autres. Il en est de même 
pour les mollusques terrestres. Les Vitrines, les Ambrettes 
sont (rès-hardies dans leur marche et leurs mouvements ; 


(535) 
les Clausilies, les Bulimes sont lents et trainent leur spire 
sur le sol. 

Au moment où les Ambrettes tombaient au fond du vase, 
l'instinct les portait d'abord à se développer pour diminuer 
leur poids , mais après quelques minutes, elles prenaient 
la position normale des gastéropodes, et se promenaient 
avec autant d’aisance sous l’eau, qu’elle l’eussent fait à 
terre. 

Si elles rencontraient une paroi, la face inférieure de la 
tête s’y appliquait, s’élargissait en y adhérant, êt l'animal, 
par une contraction rapide, amenait tout le pied sur la 
paroi. Dans cette attitude , le pied présentait sa plus grande 
largeur ; libre dans l’eau , il est toujours aigu et plissé lon- 
gitudinalement en gouttière ; souvent sa pointe postérieure 
se retourne et prend la forme d'un crochet. 

Les Ambrettes, maintenues à la surface du liquide, agis- 
sent comme les Limnéens. On les voit appliquer sur l'eau, 
le dessous de la tête; et ce mince point d'appui leur suffit 
pour exécuter la version complète du pied et de la coquille. 
Elles nagent ainsi renversées et s’avancent par des contrac- 
tions presque insensibles Cette natation singulière exécutée 
avec autant de vitesse et de perfection que chez les Lim- 
nées, m’expliqua comment les Ambrettes pouvaient gagner 
des plantes aquatiques sans racine profonde , et comment 
elles traversaient de petits ruisseaux. 

Cependant, je ne les ai jamais vues s'élever du fond de 
l'eau à sa surface , après quelque temps d'immersion , ou bien 
rester immobiles, à égale distance des dernières couches et 
du niveau du liquide , ainsi que le font les Limnéens (1). 


(1) Cf. P. Fischer : Érosion du têt chez les coquilles fluviatiles 
Act. de la Soc. Linn., 1852. — Journal de Conchyliologie, 1852; 
n.° 3, p. 303. 

Toue XIX 5 


(54) 

En cherchant à connaître pendant combien de temps les 
Ambrettes peuvent supporter l'immersion, j'ai trouvé les 
résultats suivants : 

Après 1 heure sous l'eau. Les mollusques se promènent 
sur le fond du vase ou sur le grillage qui les empêche d’ar- 
river à la surface de l’eau. Leur corps n’est pas plus déve- 
loppé qu’à l'ordinaire, mais les mouvements en sont plus 
vifs. 

2 heures. Pas de changements notables. 

6 heures. Les Ambrettes ne marchent guère plus; elles 
restent adhérentes aux parois du vase, et ne font mouvoir 
que la tête. Le corps est légèrement gonflé , sa teinte noi- 
râtre a diminué sensiblement. 

12 heures. Animal immobile , encore adhérent au bocal 
ou renversé sur le dos. Gonflement très-marqué ; sensibilité 
presque nulle ; chez quelques-uns saillie de la verge. Le 
corps paraît gélatineux ; sa couleur est un blanc sale, opa- 
lin. 

94 heures. Immobilité et insensibilité complètes. Gonfle- 
ment considérable du pied et des organes voisins ayant ame- 
né la rupture de plusieurs coquilles. Infiltration de l’eau 
dans tout le corps qui devient alors très-lourd. On dirait 
que le mollusque est mort depuis plusieurs heures et que 
la putréfaction a commencé. 

24 à 36 heures. Décomposition ; coquille brisée le plus 
souvent. Animal entièrement blanchâtre et transparent. 

Les Ambrettes qui avaient supporté, 1, 2, 6 heures 
d'immersion remises à l'air, ont repris instantanément leur 
activité normale. 

Après 12 heures, elles n’ont donné signe de vie qu’au 
bout de 2 ou 3 minutes. Elles expulsèrent en ce moment, 
beaucoup d’eau ; le pied se contracta et s’enfonça dans le 
têt. La plupart périrent après avoir chassé toute l’eau qui 


(55) 
les distendait. Leur cadavre était sec et noir, comme s’il 
eût été longtemps exposé au soleil. 

Il à fallu cinq minutes pour se remettre, à celles qui pas- 
sèrent 24 heures dans l’eau. Elles ont repris d’abord la 
sensibilité, puis l’activité et ont marché quoique assez gon- 
flées. Plusieurs sont mortes et la putréfaction n’a pas été, 
d'abord , suivie de dessication. 

J'ai répété les mêmes expériences sur des Hélices, des 
Bulimes , des Cyclostomes et des Limaces. 


$ IT. Hélices. 


Les Hélices jetées dans l’eau , après une contraction dé- 
terminée par des attouchements, tombèrent comme les 
Ambrettes sur l’extrémité de la spire et allongèrent déme- 
surément le pied en le faisant mouvoir en tous sens. Celui- 
ci était plissé en gouttière, fort aigu à son extrémité. 

J'ai tenté plusieurs fois de faire nager les Hélices comme 
les Ambrettes ; mais elles n’ont jamais exécuté la version 
sur le dos; et cette version, faite artificiellement , n’ont 
jamais pu développer le pied sur la surface liquide. Sans 
doute , le poids de la coquille est trop considérable pour 
permettre l'équilibre dans cette situation. 

Les Hélices paraissent, pour ainsi dire, moins intelligentes 
que les Ambrettes ; elles dirigent toujours la tête et les ten- 
tacules vers le fond du vase, lors même qu’elles surnagent. 
Du reste, M. Lespès a déjà remarqué que sur des corps 
transparents , elles portent leurs tentacules en bas et se 
heurtent à chaque instant (1). 

Sous l’eau , elles s’agitent sans cesse, sans but même, 


(4) Cf. Analyse de la Thèse de M. Lespès , par M. Petit de la Saus- 
saye. Journal de Conchyliologie, 1851, n.0 3, p. 313. 


(56 ) 

et courbent'leurs tentacules en tous sens , comme les Phy- 
ses et les Planorbes. dents 

Après quelques heures d'immersion , elles parurent moins 
actives ; après 24 heures, je les trouvai énormément infil- 
trées, blanchâtres; l'insensibilité et l’immobilité étaient 
complètes. La mâchoire faisait saillie. Plusieurs moururent 
sans se dessécher immédiatement. Celles qui survécurent, 
reprirent la vie après 10 minutes et se dégonflèrent. 

J'expérimentai sur des H. aspersa L., nemoralis L., de 
tout âge. Depuis, j'ai répété ces épreuves sur des Æ7. va- 
riabilis Dr., pisana Müller. 


S IT. Bulimes. 


Plusieurs Bulimes ( B. decollatus Brug.) lancés dans 
le bocal, tombèrent sur la partie tronquée de leur spire et 
restèrent ainsi en équilibre. Une heure seulement après 
l'immersion, je les vis se développer. Jamais leurs tenta- 
cules ne se déroulèrent, leurs mouvements furent toujours 
d’une extrême lenteur, et je ne pus les faire nager. 

Après 6 heures d'immersion , ils étaient immobiles (1), 
presque insensibles, quelques-uns offraient une saillie de 
la verge, je les retirai de l’eau, et ils revinrent immédiate- 
ment à la vie. 


Le Bulimus acutus Brug. se comporte comme les Hélices. 


$ IV. Cyclostomes. 


Les Cyclostomes ( €. elegans Dr. ) étant plus lourds que 
l’eau , à cause de leur têt épais et de leur opercule , ne peu- 


(1) L’atrophie très-prompte chez les Bulimes et leur immobilité 
tiennent à leurs mœurs. L'animal est ordinairement lent et pares- 
seux. Cf. Gassies, Observations sur le Bulime tronqué. Actes de la 
Soc. Linn., 1847. 


(57) 
-vent pas nager. Leurs mouvements se bornent donc à la rep- 
tation. 

La plupart se retirèrent brusquement dans leur coquille 
dès qu'ils sentirent le contact de l’eau; quelques bulles 
d’air furent expulsées. 

Deux heures après, ils se développèrent et rampèrent 
sur le fond ou les parois du vase. 

6 heures d'immersion. Animal déjà gonflé ; opercule ne 
pouvant fermer la coquille à la partie inférieure de Ja colu- 
melle , où l’extrémité du pied fait saillie. 

12 heures. Boursoufflement considérable du pied, qui 
soulève davantage l’opercule. Insensibilité , immobilité. 

24 heures. Mêmes caractères , saillie du pied plus grande 
enccre; cet organe paraît couvert de petits mamelons ou 
de pustules blanches. 

Les Cyclostomes remis dans ce moment à l’air ont mar- 
ché après 15 ou 20 minutes. 

Chez ceux qui ont péri, la putréfaction a commencé par 
le pied, qui offrait la même apparence que celui des Paluai- 
nes et des Valvées mortes. 


$ V. Limaces. 


Les Limaces, ne peuvent pas surnager lorsqu'on les jette 
dans l’eau, car elles ne renferment de l’air que dans la ca- 
vité pulmonaire. Elles tombent sur le dos. 

Après 2 heures d'immersion. Animal développé , prome- 
nant sur le fond du vase, ou se tordant de manière à pré- 
senter sur un même plan horizontal, la partie supérieure 
de Ja tête et la face inférieure du pied. 

6 heures. Un mucus blanc, concrétionné, visible dans 
l'eau , et ressemblant au frai des mollusques fluviatiles , en- 
toure les Limaces. Elles sont immobiles, mais donnent des 
marques de sensibilité lorsqu'on les excite. Tentacules à 
demi déroulés. 


( 58 } 

12 heures. Animal gonflé quoique contracté, sensibilité 
presque nulle. 

24 heures. Immobilité et insensibilité complètes. Tête 
opale; gonflement du pied ; mucus très-abondant, verdà- 
tre. Face inférieure du pied présentant des ampoules sem- 
blables à celles que j'ai notées pour les Cyclostomes. 
Lorsque l'on pince l'animal, la dépression subsiste durant 
plusieurs heures. 

Après 24 heures , quelques individus sont morts. Dissé- 
qués sous l’eau, ils n’ont pas laissé échapper de gaz, même 
des ampoules du pied. Celles-ci contenaient du liquide ; 
ainsi que le canal alimentaire, et l'orifice respiratoire. Les 
Limaces qui ont survécu Paraissaient épuisées. 


Espèces employées : A. rufus L., L. agrestis L., L. ma- 
æimus L. 


Conclusions. 


1." Les gastéropodes terrestres privés d’air peuvent sup- 
porter l'immersion et par conséquent le manque absolu 
d'air, durant 24 heures environ, mais pas au-delà de cette 
limite. 

Cette condition vitale est nécessaire pour des.êtres cher- 
chant l'humidité et que les pluies entourent ou remplissent 
d’eau ; elle est indispensable pour les Ambrettes qui habi- 

tant le bord des fossés, y tombent souvent et sont empor- 
tées par le courant; il faut qu’elles puissent regagner la 
rive ou les plantes aquatiques voisines. 

2.0 Les Ambrettes sont probablement les seuls Gastéro- 
podes terrestres qui nagent à la façon des Limnéens renver- 
sés sur le dos. 

3.0 Il est difficile que les Hélices , les Bulimes se nolent, 
car ils peuvent en marchant dans l’eau regagner le bord des 
fossés ; il est pour ainsi dire impossible que les Ambrettes 


ET C1. 


(59) 
meurent de cette manière ; car, non-seulement elles se pro- 
mènent avec aisance sous l’eau, mais encore elles nagent à 
sa surface. 

4.0 À ne considérer que les caractères physiologiques ci- 
dessus énoncés, les pulmonés aquatiques sont des mollus- 
La qui trame plus longtemps l’immersion que les 

“nero! pulmonés terrestres. 

De même que les terrestres passent 24 heures dans l’eau 
sans périr , les pulmonés aquatiques peuvent habiter à l'air 
libre durant 24 heures et davantage. Ils se conduisent 
alors comme de véritables terrestres, promènent , laissent 
derrière eux un mucus brillant (1). Quelques espèces sont 
amphibies, telles sont la Limnea truncatula Muller, le Pla- 
norbis leucostoma Millet ; car elles passent leur jeunesse et 
les trois quarts de leur vie adulte à l'air, ou enfoncées dans 
le sol de marais qui ne sont humides que pendant cinq ou 
six mois de l’année. Le Planorbis leucostoma se construit 
même un épiphragme. 


2.me PARTIE. 


J'arrive maintenant à d'autres faits que j'ai observés dans 
ces expériences , et qui je crois, n’ont pas encore été si- 
gnalés. 

1.0 Les gastéropodes terrestres quadritentaculés ne font 
jamais saillir dans l’eau le bouton oculaire. 

Les Ambrettes , les Hélices et les Limaces développaient 
seulement les trois-quarts environ de leurs tentacules, qui 
ressemblaient alors à ceux des Cyclostomes ou des Palu- 
dines. Si les mollusques étaient jetés dans le liquide lorsque 
le déroulement paraissait complet , le contact de l’eau ame- 
nait une rétraction subite. 


(1) Cf. P. Fischer, loc. cit. 


(60 ) 

Les Bulimes ne laissèrent passer aucune partie de leurs 
tentacules. 

La rétraction du bouton oculaire subsistait après 6, 12, 
24 heures d'immersion , alors même que des organes in- 
ternes ( la mâchoire , la verge ), faisaient saillie. 

Si l’on plaçait à la surface de l’eau une Ambrette immer- 
gée depuis quelques heures, de sorte que la tête surpassât 
la couche liquide, les quatre boutons se montraient ; qu’on 
abaissât le mollusque , ils rentraient aussitôt. 4 

Je fis prendre aux Hélices une position telle qu’un tenta- 
cule immergeait tandis que l’autre émergeait. Le premier 
resta immobile ; le second s’allongea beaucoup et son bou- 
ton oculaire parut. La même expérience fut répétée avec les 
Ambrettes et les Bulimes, de manière à ne laisser aucun 
doute. 

Je m'assurai que dans l'eau , la vision était nulle pour ces 
mollusques. Du reste, il ne pouvait en être autrement : 
l'œil se trouvant au rebours. Les tentacules n’agissaient 
plus que comme organes du tact ; ils se repliaient de même 
que ceux des Limnéens à chaque oscillation un peu forte du 
liquide , et palpaient le fond ou les parois du bocal. Si l’ani- 
mal était maintenu dans le centre du vase, les tentacules 
s'allongeaient sans cesse de tous côtés, puis se repliaient 
brusquement. Ils cherchaient sans doute un corps tangible 
autre que l'eau. 

En rapprochant cette observation d’une autre que je si- 
gnalai l’année dernière (1} : « ce n’est que dans l’eau que 
» les mollusques fluviatiles ( Limnéens ) peuvent tenir leurs 
» tentacules levés : dès qu'ils sortent de cet élément, les 
» tentacules s’affaissent »; on est conduit à se demander s’il 
n'existe pas entre ces deux faits une analogie particulière. 


(1) Cf. P, Fischer, loc. cit. Notes, 


(61) 

Peut-être les tentacules des Limnéens accoutumés à sai- 
sir les vibrations de l’eau, à palper les objets presque à 
travers le liquide, sont-ils trop imparfaits pour jouer ce 
rôle au grand air. Alors et par contre, les tentacules des 
Colimacés possèdent une grande sensibilité dans l’eau. Si 
l'on admet avec de Blainville que l’odorat s'exerce à la sur- 
face du tentacule, les gastéropodes terrestres doivent sen- 
tir à peine dans l'eau ( et c'est ce qui arrive en effet ), car 
le tentacule n’y est jamais développé entièrement. 

Il en est de même pour les pulmonés aquatiques placés 
à l'air, si l’oifaction s'exécute, ce dont je doute fort, c’est 
seulement par la face externe du tentacule contracté ; l’au- 
tre s'appliquant sur la tête ou le muffle. 

2.0 On peut irriter longtemps les gastéropodes terrestres 
immergés, sans qu'ils donnent des signes de sensibilité ; les 
tentacules sont encore les organes les plus délicats. On sait, 
qu'à l'air, le moindre contact fait retirer les Hélices dans 
leur coquille. 

Les mollusques fluviatiles sortis de l’eau m'ont paru très- 
sensibles. 


Conclusions. 


1.0 Chez les gastéropodes terrestres plongés dans l’eau 
comme chez les pulmonés aquatiques placés à l'air, la plu- 
part des sens deviennent imparfaits ou nuls. 

2.0 Le rôle de quelques-uns est interverti; tel est celui 
des tentacules des terrestres , organe de l’olfaction à l'air, 
et seul organe du tact dans d’eau. 

Mars 1855. 


Pauz FiISCHER. 


(62) 


LV. Note sur la coquille des jeunes Bolium perdix ; 
par M. B. CAZENAVETTE, vice-président. 


——— 2 e— 


Il y a déjà plusieurs mois que cherchant de petites espè- 
ces de coquilles dans un fouillis acheté par l’un des mar- 
chands de notre ville, j'en trouvai une dont l'aspect me 
frappa. Elle était transparente, d’une jolie couleur d’ambre 
jaune, globuleuse, à ouverture semi-lunaire, à columelle 
terminée inférieurement par une petite pointe que je n’avais 
jamais vue dans d’autres espèces. Je crus à une hélice nou- 
velle, car tout me faisait rapporter mon échantillon à ce 
genre. Animé par cette découverte je continuai mes re- 
cherches avec plus d’ardeur, et je fus assez heureux pour 
trouver cinq autres individus pareils au premier. Le péris- 
tome de tous, sans avoir le bord renversé, me paraissait 
assez épais pour que je pusse admettre que les animaux 
avaient été adultes ; d'autant plus qu’ils étaient bordés, au 
moins trois, d’une bande dont la couleur d’un fauve foncé 
tranchait avec celle de toute la coquille. 

Au momeut où je croyais ne pouvoir plus trouver d’au- 
tres individus semblables, mes yeux tombèrent sur deux 
coquilles un peu plus grandes que les précédentes et dont 
le bord plus développé présentait une sorte de soudure. 
La partie ajoutée à ce que j'avais observé dans mes six pe- 
tites me fit reconnaître immédiatement le Dolium perdix : 
deux autres échantillons encore un peu plus avancés en âge 
me confirmèrent dans ma croyance. 

Je me rappelai alors combien j'avais été frappé , à diver- 
ses reprises, de la différence énorme qui existe entre la 
couleur du sommet mamelonné de certaines tonnes et celle 
du reste de la coquille ; le mamelon m'avait même semblé, 


({ 63 ) 

\ 
dans les premiers temps , ajouté, tant sa coloration et son 
défaut de stries ou de côtes , le faisaient ressortir. 


Je m’expliquai également ce que j'avais remarqué dans 
trois petits tritons de ma collection, appartenant à une es- 
pèce que M. Petit de la Saussaye a dédiée plus tard à M. 
Lorois, dans un article de son journal où il parle aussi de la 
couleur que présente l'extrémité de la spire de cette espèce. 


Il me vint dans l’idée que j'avais sous les yeux la coquille 
de quelques tonnes qui ne faisaient que de sortir de leur 
œuf, et qui n'avaient peut-être pas encore pris de nourri- 
ture. Je me dis que, au moment de leur éclosion, ces ani- 
maux ne possédaient pas de calcaire dans leur coquille , et 
que cette substance ne se montrait qu'après qu’ils s'étaient 
assimilé par la nutrition les principes constitutifs de ce sel, 
qui se formait en eux par la digestion. Ceci me paraissait 
venir à l’appui de l'opinion que j'avais émise (1) dans un pe- 
tit mémoire sur l’Ampullaria insularum de M. D'Orbigny. 

Il me restait donc à examiner si les petites dépouilles 
que j'avais du Dolium perdix étaient formées d'une matière 
calcaire ou simplement d’une substance cornée. C’est ce 
que je viens de faire, et voici comment j'ai procédé. 


J'ai mis dans de l'acide nitrique, légèrement étendu 
d’eau, l’une de mes coquilles jaunes, la plus petite. Il n'y a 
pas eu la moindre effervescence; elle n’a pas diminué 
de volume : seulement la couleur est devenue plus foncée 
par suite de l’action corrosive de l'acide. J'ai fait subir la 
même épreuve à une seconde un peu plus grosse. Il y a eu 
effervescence, mais le dégagement du gaz a cessé bientôt 
après, et j'ai pu retirer ma coquille qui paraissait n'avoir 
fait que changer de couleur. J'en ai pris enfin une troi- 


(1) Actes de la Société Linnéenne , 18.me vol. 


(64) 
sième plus avancée en âge et dans laquelle la soudure , dont 
j'ai parlé plus haut, était surmontée d’une partie déjà striée. 

Le dégagement de l'acide carbonique a été prompt et 
abondant ; toute la partie au-dessus de la soudure a été ra- 
pidement dissoute, mais le mamelon est resté intact, et j'ai 
une coquille pareille aux deux autres, sauf le bord qui se 
trouve déchiré par suite de la séparation subite du calcaire 
dissous. 

J'ai cru ces expériences suffisantes pour me prouver qu'il 
n’y à pas de calcaire ou qu'il y én a très-peu dans mes pe- 
tites coquilles , et je n’ai pas voulu les étendre aux autres 
échantillons que je possède, car je suis bien aise de les con- 
server intacts comme térmes de comparaison. 

Cette petite note sera peut-être une donnée qui servira 
à expliquer plus tard quelques faits relatifs à la physiologie 
des mollusques. J’ajouterai seulement que le petit mamelon 
d’une nature différente du reste du test, se retrouve dans 
plusieurs autres coquilles soit terrestres, soit fluviatiles et 
marines, et qu'il est surtout très-apparent dans des hélices 
sur lesquelles on pourrait faire quelques expériences, les 
espèces étant très-communes. 


oo Re 


(65) 


V. DocumENTs pour servir à l'étude de la Mataaie 
de la Vigne. 


Dans la séance du 28 Juillet dernier, M. Ch. Des Mou- 
lins, président de la Société Linnéenne, fit part à la Com- 
mission chargée d'étudier cette année la maladie de la vigne 
dans la Gironde, de deux documents précieux émanés de 
l'habile jardinier qui, le premier, signala l'existence de 
l'Oidium sur les raisins de Margate, M. Edouard Tucker. 

Ces deux documents, généreusement communiqués à M. 
Ch. Des Moulins par un zélé viticulteur des environs de 
Bordeaux (M. Auguste Gascnet, propriétaire à Martillac, 
membre de la Commission de la maladie de la vigne en 
1852), renferment l'expression de cette observation, remar- 
quable résultat d’une expérience soigneuse de huit années, 
que la maladie foïdium) NE TUE PAS La VIGNE. ( Cette opinion 
est du reste confirmée par les observations qu'a faites, en 
Toscane, le professeur J. B. Amici (voyez Amici, Sulla 
malattia dell'uva, page 3). 


La Société Linnéenne, sur la proposition de M. Ch. Des 
Moulins appuyée par l'unanimité des membres de la Com- 
mission, a jugé qu'il était important que la plus grande 
publicité füt donnée à ces documents. 

Déjà, le journal La Guienne, dans son numéro du 26 
Juillet dernier , a inséré, à la suite d’un remarquable arti- 
cle de son rédacteur en chef M. Justin Dupuy, le premier 
et le plus ancien de ces documents , c'est-à-dire l’article 


Champignons publié par M. Tucker dans le Gardener Chro- 
Tome XIX. 6 


(66 ) 
nicle (N.e du 26 Juin 1852); mais le journal bordelais n’a 
pu que mentionner la lettre toute récente qui accompagnait 
l'envoi de cet article à M. Gaschet. De plus, il lui était 
impossible de reproduire les gravures sur bois, intercalées 
dans le journal anglais et représentant une série de mucé- 
dinées { Botrytis et Oïdium] qui croissent sur diverses 
plantes , ainsi que le dessin nouveau que M. Tucker avait 
inséré dans sa lettre. 


Par toutes ces considérations, et bien que ces documents 
soient destinés à faire partie du Compte-rendu de la Com- 
mission de 1855, la Société Linnéenne en a décidé l'im- 
pression anticipée (texte et gravures) et le tirage à part 
d'un nombre considérable d'exemplaires. On y a joint aussi, 
pour servir de terme de comparaison, la reproduction à un 
très-fort grossissement (600 diamètres) de l’oïdium que 
nous observons actuellement dans la Gironde ; nous devons 
ce dernier dessin (PI. 1) à l’obligeance de notre habile 
collègue, M. G. Lespinasse. 


2 Août 1853. 
Le Président de la Commission, 


B. CAZENAVETTE. 


Article du Journal LA GuiENNE , du 26 Juillet 1853. 


» La maladie de la vigne s’est manifestée sur plusieurs 
points de notre département avec l'intensité la plus désas- 
treuse. Il nous arrive chaque jour des lettres où des pro- 
priétaires viticoles nous manifestent leurs alarmes sur la 
récolte prochaine , par suite des progrès toujours croissants 
de l’oïdium. 


(67) 

» On nous assure qu'il fait les plus grands ravages dans 
plusieurs de nos meilleurs crûs du Médoc; ce qu’on nous 
rapporte à cet égard est d’une telle gravité, qu'il y a tout 
lieu de croire à beaucoup d’exagération. Mais nous espérons 
pouvoir donner très-prochainement de plus exacts rensei- 
gnements sur la réalité du mal, dont on dit atteints ou 


menacés les principaux vignobles de la Gironde. 


» Ce que nous pouvons assurer, c’est que l’oïdium s’est 
manifesté en beaucoup d’endroits fort distants les uns des 
autres, notamment à Margaux, à Saint-Médard-d'Eyrans, 
à Martillac, à Mérignac, à Bourg, à St-André-de-Cubzac, 
etc., où il n'avait pas encore paru. Nous connaissons tel 
vignoble assez considérable de l’Entre-deux-Mers qui en est 
complètement infecté, et qui ne donnera pas à son pro- 
priétaire uue seule barrique de vin. 


» Les savants s’ingénient à chercher la cause de ce fléau 
et le remède à y apporter ; mais il ne parait pas qu'ils les 
aient encore trouvés. Cependant, ce n’est point une raison 
pour qu'ils se découragent et qu’ils désespèrent d'atteindre 
au but de leurs efforts. Un agriculteur de beaucoup d'intelli- 
gence et de zèle, qui poursuit dans son propre vignoble 
l'étude de l'oïdium, pense qu'il sera possible d'arriver à 
établir la cause et la nature de l'affection dont la vigne est 
atteinte, et qu'il faut pour cela re négliger aucun des ren- 


seignements propres à conduire à ce résultat. 


» 11 donne lui-même l'exemple en cherchant, avec la plus 
louable activité, à recueillir auprès des hommes les plus 
compétents les observations qu'ils ont pu faire sur l'oïdium. 
C'est ainsi qu’il nous envoie aujourd'hui la traduction d’un 
travail dû à un agriculteur célèbre de l'Angleterre, qui, le 
premier, a découvert sur la vigne les symptômes de cette 
affection. 


(68 ) 

» Beaucoup de choses contradictoires avaient été dites et 
écrites à l'endroit de la maladie de la vigne. Les uns pen- 
chaient à croire qu’elle était mortelle, soit par son action 
propre en la supposant organique , soit par l'effet direct de 
l'oïdium, que cette maladie füt interne ou externe. D'autres, 
au contraire, supposaient qu'après une période de trois 
années d'activité, l’oïdium s’effaçait et abandonnait la vigne 
à la végétation normale. 


» Cette dernière opinion semblait prendre racine en Fran- 
ce, en Jtalie, ete., ete., et cependant il eût été bien difficile 
d'apporter des faits à l'appui. M. le comte Fernando Barto- 
lommei, de Florence, qui, le premier, avait annoncé la 
bonne nouvelle à nos contrées , était, en effet, en dehors 
des conditions propres à une expérimentation suffisante , 
puisque nous voyons dans le remarquable mémoire de M. 
Rendu, si rempli de faits intéressants, et dans le rapport 
de M. L. Leclerc, qu’en Italie, en France, en Hongrie, etc., 
l'oïdium ne fit son apparition qu'en 1851, sauf dans les 
États Sardes et le bassin nord de la Seine, où il se mani- 
festa dès 1850. 


» Or, comment pouvait-on constater à la fin de 1852 ou 
au commencement de 1853, qu'après une période de trois 
années d’activité croissante, le mal déclinait et abandonnait 
enfin la vigne, alors qu'il n’a été reconnu qu'en 1851 ou 
tout au plus en 1850 ? Ce rapprochement de dates réduisait 
à une valeur bien hypothétique des affirmations sédui- 
santes. 


» Dans cette occurrence, l’agriculteur girondin dont nous 
venons de parler, a cru devoir s'adresser à l'homme qui, 


le premier, dès 1845, avait vu poindre l’oïdium sur la 


vigne, à M. Edouard Tucker. Personne mieux que lui n’était 
en position de fournir des renseignements précis et mar- 


RS TS ER 


(69) 
qués au coin de l'observation la plus patiente et la plus 
sagace. 


» Ces renseignements, M. Tucker les a fournis avec une 
extrême obligeance. 


» M. Tucker affirme que jamais et dans aucun cas la vigne 
ne meurt sous l'influence de l'oïdium qui, selon lui, est la 
manifestation extérieure d’un vice organique. 


» Il semble en outre ressortir de sa lettre (qui, il ne faut 
pas l'oublier, répond aux questions précises qui lui étaient 
soumises), que la maladie de la vigne ne peut être limitée à 
aucun laps de temps ; qu’elle peut abandonner certains ceps 
pour les ressaisir plus tard, comme elle peut envahir ceux 
qui, jusque-là, étaient restés sains; que l’oïdium , en un 
mot, n'a rien de régulier dans ses attaques. 


» Mais à ces faits ne s'arrêtent point les communications 
de M. Tucker; — il y joint un article publié par lui le 26 
Juin 1852 dans la Chronique des Jardiniers. — C’est un ré- 
sumé de ses travaux et de ses observations sur la vie orga- 
nique des végétaux et les habitudes, les conditions d’être 
de certains cryptogames. 


» Cet écrit n’a rien de spécial à la maladie de la vigne, 
sauf l'application que M. Tucker fait, dans la dernière partie, 
du système qu'il établit au cas particulier de l’oïdium 
qui porte son nom. Cet écrit pourra cependant intéresser 
les propriétaires vinicoles, et c’est là le motif qui nous fait 
lui donner place dans nos colonnes. 

Jusnix Dopuy. 


(7) 


Traduction de l'article inséré par M. Tucker dans le 
The Gardemer Chronicle du 26 Juin 1852. 


CHAMPIGNONS ( Fungi ). 


Le dépérissement des arbres fruitiers, malgré beaucoup 
de soins et de dépenses, a été une source de grands dom- 
mages pour l’agriculteur qui, n’en apercevant point la vraie 
cause, attribue sa perte à un manque de soins dans leur 
direction. Après deux ou trois années d'existence , souvent 
ils meurent ou deviennent chétifs et rabougris. 


Le cultivateur intelligent et expérimenté doit, il est vrai, 
porter une grande assiduilé et un grand savoir à se procu- 
rer et à composer ses engrais, agents chimiques qui doivent 
former les parties constitutives de la plante, — organiques 
ou inorganiques. — Il doit aussi connaitre les éléments qui 
doivent exister dans le sol où les végétaux sont plantés, 
afin de leur procurer une active nourriture : — il doit pou- 
voir dire qu'une large part de silice est nécessaire aux cé- 
réales ; — la potasse aux fèves et aux pois ; — la chaux au 
trèfle, au sainfoin, au lin, etc., etc.; — qu'avec la soude 
la bette fractifiera beaucoup mieux. 


Toutes ces substances , le cultivateur peut les adminis- 
trer, mais ce ne sont pas les seules qui soient indispensa- 
bles. Il est des circonstances sur lesquelles il a peu de prise, 
comme, par exemple, l'action combinée de l'eau et du sol, 
et l’équilibre dans le meuvement de la sève, dépendant de la 
température et de l'état bygrométrique de l'atmosphère. 

L'évaporation s’opérera en proportion de las densité de 
l'atmosphére, et par la force combinée de la pesanteur at- 


(7) 
mosphérique et de l'évaporation la nourriture est fournie à 
la plante , et le mouvement de la sève s'effectue. 

Lorsque l'air est sec, l'évaporation est si rapide, que les 
racines sont incapables de fournir à la demande qui leur 
est faite : le bois se dessèche , l'énergie de la plante s’épui- 
se, et alors elle meurt ou tombe dans un état maladif. Afin 
de lui rendre sa vigueur et son activité, on à dans ce cas 
recours à.la judicieuse pratique d’une taille nouvelle. 


Au contraire, dans les situations très-humides, où l'air 
par conséquent est épais, un effet tout oppesé se manifeste 
dans les pousses vigoureuses et luxuriantes : alors les végé- 
taux sont tout-à-coup frappés d’une rouille qui leur devient 
parfois fatale. Lorsque ce cas se présente, le remède pour 
les plantes ligneuses est de raccourcir toutes les racines, 
de manière à les rendre disproportionnées aux branches, 
c'est-à-dire root prune ( litléralement élagage des raci- 
nes ). 


Sous l'influence des causes que nous venons d'indiquer , 
les plantes deviennent souffreteuses et apportent les élé- 
ments de vie aux cryptogames et aux insectes Bien qu'il 
soit soutenu par quelques hautes autorités, que l'espèce la 
plus simple des cryptogames puisse attaquer des végétaux 
vivant en bonne santé, il en est d'autres, au contraire, qui 
se demandent si les champignons peuvent même jamais s’y 
développer, à moins de quelque trouble dans l'organisme 
du sujet attaqué. Mais du moins, ce ‘dont nous sommes 
bien certain, c'est qu'aussitôt le premier pas fait et que le 
fatal végétal, dont le diamètre n’est pas de plus de 1/1000 
de pouce | mesure anglaise), a germé, la maladie redouble 
et jette le sujet dans un état de dépérissement. 

Il est digne de remarque, qu'il existe deux espèces de 
cryptogames, chacune particulière à l’une des deux classes 


(72) 
de plantes que j'ai décrites, c'est-à-dire, l’une spéciaie 
aux tissus épuisés , et l’autre spéciale à la végétation exu- 
bérante et pour ainsi dire hydropique, résultant de l'hu- 
midilé, et par mes expériences , J'ai acquis la certitude que 
l'uñe ne peut co-exister avec l'autre. 


Je n'ai jamais rencontré l'oïdium sur le chrysanthème 
vivant en plein air : mais en le plaçant dans une serre chau- 
de , l’oidium se manifeste immédiatement. Prenez un plant 
de pommes de terre recouvert du Botrytis infestans, traitez- 
le de la même manière, et immédiatement le mal cesse de 
croître. 


Durant plusieurs années, j'ai eu mes ‘cinéraires infectées 
d’une espèce d’oïdium : — cette année , je les ai mises sous 
un châssis non chauffé au pied d’un mur situé au nord, 
jusqu’à l'heure où la menace des gelées m'obligeät à les 
transporter dans un endroit plus chaud, et le mal ne s’est 
pas manifesté. 

Les dix figures ci-jointes (PI. IE, fig. 2,5,4,5,6,7. 
et PI. 1, fig. 8, 9, 10, 11 de la présente publication de 
la Société Linnéenne) , et qui sont le résultat de mes pro- 
pres observations, indiquent les différentes structures des 
deux classes de champignons dont je viens de parler. Le 
champignon qui a de simples tiges articulées ou monilifor- 
mes est appelé Oidium. L'autre avec ses tiges non articu- 
laires mais branchues, est appelé Botrytis. 


Nous avons là un exemple du soin avec lequel la nature 
pourvoit à chaque nécessité : les cryptogames qui attaquent 
les plantes dont les cellules ont été distendues par la sup- 
pression de l’évaporation, sont pourvus d’une large surface 
au moyen de laquelle l'évaporaticn a plus d’aisance ,—leurs 
tiges branchues et très-divisées les rendant aptes à produire 
cet effet avec facilité. 


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10.8. de la Pomme de Terre (AS replies) 
( Spore plusgrossie.) Leurs dimensions reelles sont : 
grand damelre,un millieme de pouce 
anglass; 


Pelit deamelre,unonxe-cenlième de 


pouce anglais. 


Dh Fat NS Caherme lo Ru . 


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8: 


f CARE ‘fe Pr fa; 


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4 


(15) 

Dans mes cultures , au contraire , où l’évaporation permet 
à peine aux plantes de végéter, la moisissure qui les atta- 
que est évidemment appelée à remplir une autre mission. 
La moisissure du raisin offre un exemple de la classe des 
champignons à laquelle je fais actuellement allusion, et je 
pense que cette maladie est rarement remarquée dans les 
situations fraiches et humides. 


Ces faits ne suggéreraient-ils pas un préservatif à la ma- 
ladie de la vigne ? — Ce végétal est bien connu pour être 
une plante gourmande, et la constitution capillaire de ses 
vaisseaux permettant à l'absorption de s’opérer rapidement, 
il en résulterait qu’une grande quantité d'eau (ou mieux 
encore d'eau de fumi-®#) répandue sur ses racines et, si 
c'était possible, dans l'air ambiant, pourrait, je pense, ar- 
rêter la marche de la maladie : — aussi bien qu’il m'a été 
permis d'en juger, j'ai remarqué que ce procédé était in- 
faillible. — Je crois avoir observé la maladie de la vigne 
avant tout autre, et je n'ai jamais depuis lors manqué de 
réaliser une récolte quelconque. 


EvouarD Tucker, jardinier de M. J. Slater, 
à Margate. 


Traduction de la Lettre de M. Tucker à M. Gascuer. 


Margate, 1er Juillet 1853. 


Moxsieur , 


En réponse aux demandes que vous me faites relativement 
à la maladie de la vigne, je m'empresse de vous soumettre 
les faits suivants résultant de mes observations. 


(74) 

En 1845, lorsque la maladie fit sa première apparition , 
après l'avoir examinée au microscope, et m'être assuré qu'il 
s'agissait d'un cryptogame , j'appliquai du soufre et de l’eau 
de chaux vive à mes vignes déjà attaquées. — Le résultat 
fut que je préservai mes raisins, tandis que ceux des serres 
et des jardins voisins où aucune précaution n’avait été prise, 
eurent leurs raisins complètement altérés. 

La maladie , sur mes vignes , sévit avec la même intensité 
jusqu'en 1850. — Je continuai à employer le même remède 
et le mal n'empêcha pas qu’elles ne produisissent et müris- 
sent leurs fruits pendant cette période. Mais j'ai remarqué 
un ou deux ceps qui parurent presque détruits par le cham- 
pignon, et qui cependant furent, l'anée suivante, à peu près 
délivrés du fléau et produisirent et mürirent leurs fruits, 
bien qu'aucun remède ne leur ait été appliqué. — Jamais 


je n'ai entendu parler d’un cep entièrement mort sous l’in- 
fluence du cryptogame. 


Quelques personnes ont voulu essayer d’arracher leurs 
vignes et de les remplacer par de jeunes plants : mais le 
mal continua. — Pendant les deux ou trois dernières an- 
nées, quoique la maladie n’ait pas abandonné les vignes, 


elle est devenue plus locale et décroît positivement. 


Les ceps, dans le voisinage, n’ont pas universellement 
été attaqués comme dans mon propre jardin : d’autres dans 
la localité ont été préservés, quoiqu'ils fussent comparative- 
ment peu nombreux. 


Afin de découvrir la nature de cette épidémie destructive, 
aussi bien que son mode d’invasion, je l'ai à plusieurs re- 
prises soumise à l'examen du microscope, et je suis convaincu 
qu'il y à quelque principe morbide dans le cep, causant la 
perturbation des fluides , ( quelques-uns des plus importants 
vaisseaux tels que le pitted-tissue , tissu vasculaire { Bothren- 


(75) 

chyme ), l’endrochome et le parenchyme prenant une teinte 
de rouge brun), et que le champignon en est le résultat. 

Bien plus, je suis tout-à-fait certain que l’oidium n’entre 
pas et ne se ramifie pas dans le tissu de la plante, comme 
cela a été avancé par quelques-uns des plus éminents mi- 
crographes de ce pays. — J'ai, en effet, reconnu qu'une 
simple friction sur les parties entachées de moisissure , dé- 
truisait entièrement cette moisissure. 


Monsieur, j'ai le regret de ne pouvoir vous désigner aucun 
remède applicable en grand, celui que j'ai moi-même ex- 
périmenté, et qui n’a réussi qu’en partie, ne l'ayant été que 
sur une très-petite échelle, 

Il me reste à vous témoigner mon regret d’avoir tardé à 
répondre aux demandes que vous m'avez faites : mais étant 
un homme de labeur et mes occupations réclamant une 
grande partie de mon temps, je n'ai pu me livrer autant 
que je l'aurais désiré, à des observations scientifiques aux= 
quelles, du reste, j'eusse pris un vif intérêt. — Je serais en- 
chanté d'apprendre que vous eussiez essayé quelque chose 
et découvert quelque remède efficace. 


Vous trouverez ci-joint un croquis de l’Oidium, exécuté 
à l’aide du microscope, et dont voici la légende : 


(PL. I de la présente publication de la Société Linné- 
enne, fig. 1. — a spore; b spore en germination: e, la 
plante entière; d, le mycelium; e, un groupe d'Oidium 
sur un fragment de feuille de vigne. 


Les dimensions réelles du champignon sont les sui- 
vantes : 


Grand diamètre de la spore «, ‘/, de millimètre ; 
Petitidiamèetre =" , ‘/, de millimètre ; 
Diamètre d'un filament de mycelium d, ‘/,, de millim. 


(76) 
Je vous envoie aussi un article imprimé, avec figures, 
que j'ai fait insérer dans le Gardener Chronicle du 26 
Juin 1852. 


Je suis, etc. 
EpouaArD TUCKER. 


Vu par le Président de la Société Linnéenne : 


CHARLES DES MOULINS. 


VI. Note sur une gigantesque racine de Bryone;: par 
M. Maupuyr, correspondant. 


En Avril dernier ( 1855 ), un jardinier me présenta une 
racine de Pryonia dioica Jacq., qu'il avait trouvée dans le 
tronc creux d'un Saule. Cette racine, quoique remarquable 
par sa grosseur, n'offrait pourtant rien de vraiment extra- 
ordinaire sous ce rapport; mais sa longueur, de peux 
MÈTRES TRENTE-SEPT CENTIMÈTRES Ma paru digne d'être 
signalée à la Société et même d’être mentionnée dans ses 
Acte:. | 

La racine dont il s’agit est bifurquée, presque à partir 
du collet. 


MAUDUYT , 


Conservateur du Cabinet d'histoire naturelle 
de Poitiers. 


(77) 


NIL. Du perfectionnement graduel des êtres organisés ; 
par M. Marcel pe SERRES , professeur à la Faculté 
des Sciences de Montpellier , correspondant. ( Suite 
et fin ). 


Les plus anciens débris d'oiseaux des terrains tertiaires se 
rapportent à des genres perdus de palmipèdes, et à des ra- 
paces analogues aux Vautours de la taille du Cathartes au- 
rea. La même famille a fourni un genre nouveau nommé 
Lithormis, et d’autres espèces rapprochées du genre Strix , 
au nombre de six à sept environ. 


Les échassiers , les gallinacés et les palmipèdes ont laissé 
de nombreux représentants dans ces terrains; généralement, 
les genres de ces familles se rencontrent en même temps 
dans la nature actuelle. Les oiseaux ont été reconnus dans 
les formations tertiaires, non-seulement par des ossements, 
mais par des plumes et des œufs. Les plumes décrites et 
figurées par nous, paraissent avoir appartenu à différentes 
parties du corps des oiseaux dont elles rappellent l’ancienne 
existence. Depuis lors, on en a découvert d’autres assez bien 
conservées et assez caractérisées, pour être rapportées avec 
quelque certitude à des échassiers du genre des Hérons. 


Des débris osseux ont indiqué des oiseaux de cet ordre, 
du genre des Chevaliers ou des Gralles, enfin des passe- 
reaux et des gallinacés assez voisins de la Perdrix, et d’au- 
tres des Francolins ou des Tétras. On a ‘également observé 
d’autres vestiges d'oiseaux, plus analogues d’après leurs 
dimensions , du Coq que du Paon. 


Quoique les œufs soient généralement brisés , on est par- 


venu cependant à en découvrir d'assez entiers pour les 
Tome XIX. T 


( 78) 
rapporter à des échassiers de la taille des Flamands. Ceci 
est d'autant plus probable, que des débris osseux ont indi- 
qué des espèces de la même famille et de la même stature, 
ainsi que de celle du Héron gris ( Ardea cinerea ), et d’au- 
tres de plus petites dimensions. 


Ces faits prouvent que les oiseaux ont été en progrès à 
cette époque, comparativement à ce qu'ils élaient aux épo- 
ques antérieures. 


Les mammifères ont été, à l’époque tertiaire, le point 
principal du perfectionnement dans l'organisation. Au lieu 
d’être bornés, comme lors des terrains jurassiques, à quel- 
ques individus isolés de didelphes, les monodelphes et 
même les didelphes ont apparu en gran nombre ; leurs es- 
pèces ont été si variées , qu’elles y ont représenté la plupart 
des ordres que nous observons maintenant. Il y a plus : 
pour que le perfectionnement fût des plus marqués, les qua- 
drumanes , l’ordre le plus avancé en organisation, et qui 
ne le cède sous ce point de vue qu’à l’homme , ont laissé 
de leurs débris dès le commencement de l'époque tertiaire. 


On a découvert des ossements de singes en Angleterre , 
à la partie inférieure de l'argile de Londres, dans le terrain 
de l’old cocene. Ces ossements ont appartenu à une espèce 
du genre Macaque, qui ne paraît pas avoir de représentant 
dans la nature. Les quadrumanes se trouvent dans les ter- 
rains tertiaires des diverses parties de l'Europe et notam- 
ment en France et en Angleterre. On les découvre en Asie 
dans les mêmes formations , particulièrement dans l'Inde, 
ainsi que dans les dépôts diluviens qui encombrent les ca- 
vernes du Brésil. 

Les singes sont déjà connus dans plusieurs localités de la 
France : les plus anciennement découverts ont été observés 
dans les dépôts tertiaires de Sansans , dans le département 


(79) 
du Gers, et les plus nouveaux dans les terrains tertiaires 
récents des environs de Montpellier. 

Les mammifères monodelphes sont loin d’avoir été bor- 
nés aux singes que nous venons de signaler ; la plupart des 
familles de cet ordre le plus nombreux et le plus varié en 
espèces, s'y trouvent également. Ainsi, l'on découvre dans 
les terrains tertiaires des mammifères marins amphihies, 
ordinaires et carnivores ; et parmi les didelphes, des mar- 
supiaux. Les mammifères de l’ordre le plus élevé ou les 
monodelphes y sont représentés par les édentés , les pachy- 
dermes, les solipèdes, les ruminants, les rongeurs, les 
ampbibies , les chéiroptères , les carnassiers, enfin les qua- 
drumanes. Ces faits prouvent que les mammifères marins 
et monodelphes composent une partie importante de la 
population des terrains tertiaires, quoiqu'ils soient loin 
d'être aussi nombreux et aussi variés qu'à l’époque ac- 
tuelle. 

Les mammifères marins ont signalé l’époque tertiaire ; 
leurs débris se rapportent à plusieurs familles, aux herbi- 
vores et aux souffleurs. Les premiers y sont représentés par 
des Lamantins et deux genres dont l’un , assez rapproché 
des Dugongs, a recu le nom de Metaxæytherium. Le second, 
considéré par M. Harlan comme un reptile et nommé par 
lui Basilosaurus, est cependant un mammifère marin. Aussi 
M. Owen a-t-il créé pour cette espèce le nom de Zeuglodon 
celoïdes. 

Les Dauphins, qui appartiennent à l’ordre des souffleurs, 
ont été assez répandus dans les mers de l’époque tertiaire. 
Cuvier en avait signalé plusieurs espèces, mais depuis lors, 
leur nombre a été porté à cinq. Il y a plus de doutes sur 
l'ancienne existence des Narvals. Un autre genre, le Xiphius, 
considéré par Cuvier comme perdu et qui appartenait à la 
même famille, a été retrouvé dans les mers des Indes. Seule- 


( 80 ) 
ment, les trois espèces fossiles ne sont nullement semblables 
à celle qui vit encore. 

Les Cachalots et les Baleines ont également caractérisé 
les cétacés souffleurs de l’époque tertiaire ; ils paraissent y 
avoir acquis des dimensions tout aussi considérables que 
celles qui distinguent les espèces actuelles. 

Deux genres de marsupiaux ont signalé la période secon- 
daire, et deux genres ont également caractérisé l’époque 
tertiaire. L'un de ces genres est encore incertain et l’autre 
se rapporte aux Didelphis dont les analogues font partie des 
marsupiaux herbivores. Ce genre vit aujourd’hui en Amé- 
rique depuis la rivière de la Plata jusqu’en Virginie; il a 
cependant fait partie, dans les temps géologiques, de la 
population de l'Europe. Il était pour lors composé de plu- 
sieurs espèces comme maintenant. Il en était de même du 
genre indéterminé dont il était le contemporain. | 

Ces génres étaient, du reste, les uniques représentants 
des mammifères didelphes à l’époque tertiaire, tandis que 
les monodelphes offraient alors de 90 à 100 types généri- 
ques particuliers. Ce rapport prouve le progrès des mam- 
mifères les plus perfectionnés et dont les didelphiens ne 
sont que des formes incomplètes ou des sortes d’embryons. 
Ce progrès est d'autant plus remarquable, que l’ordre en- 
tier des monodelphes n'avait point paru avant l’époque ter- 
tiaire. 

Les deux tribus des monodelphes qui ont laissé les dé- 
bris les plus abondants dans les terrains tertiaires , sont 
les pachydermes et les rongeurs. Les premiers ont été les 
plus nombreux pendant l’époque éocène , tandis que les ron- 
geurs y étaient à peine représentés par deux ou trois genres. 
La même proportion s’est continuée lors du dépôt des ter- 
rains d'eau douce moyens; mais les rongeurs ont acquis à 
cette époque un grand développement. Leurs genres s'y sont 


( 81 ) 
élevés jusqu'à une vingtaine, tandis que celui des pachy- 
dermes dépassait ce nombre. 

Les ruminants ne paraissent avoir apparu que lors des 
dépôts des terrains d’eau douce moyens ( miocène }, quoique 
les carnassiers eussent été représentés à l’époque éocène par 
plusieurs genres au moins au nombre de cinq. Ces animaux 
ont eu pour but de maintenir les herbivores dans une juste 
proportion; aussi ont-ils considérablement augmenté, à 
mesure que les ruminants et les rongeurs se développaient. 
Ce fait déjà sensible à l'époque miocène et pliocène, devient 
surtout manifeste à l'époque quaternaire où les trois familles 
des carnassiers, des solipèdes et des ruminants ont acquis 
des proportions supérieures à celles qu’elles avaient anté- 
rieurement, du moins quant au nombre des espèces et des 
individus qui en fesaient partie. 

La nature maintient dans un admirable équilibre , la pro- 
portion des herbivores et des carnassiers destinés à en arrê- 
ter la trop grande multiplicité qui, en définitive , les rédui- 
rait à mourir de faim. Par des raisons du même genre, les 
crocodiliens à museau court et élargi, ne sont arrivés que 
très-tard sur la scène de l’ancien monde ; car leur existence 
était pour ainsi dire liée à celle des mammifères. Aussi ces 
progrès ont eu lieu en même temps, en vue des desseins 
de la nature , dont nous sommes loin de comprendre toute 
la sagesse. 

La population des terrains les plus anciens de l’époque 
tertiaire, n’était pas aussi analogue à celle des âges posté- 
rieurs qu'on serait tenté de le supposer. Les mammifères 
les plus nombreux de cette époque, les pachydermes, 
étaient caractérisés par des genres qui n’ont plus de repré- 
sentants à la surface du globe. Ces animaux étaient alors 
accompagnés par des rongeurs de petite taille et des car- 
nassiers encore peu abondants, appartenant à des types 


(82) 

plus faibles et moins agiles que ceux des époques subsé- 
quentes. Des quadrumanes, des cheiroptères, des cétacés 
ont été les contemporains des premières familles; deux 
d’entr'elles présentaient cette particularité, de se trouver 
dans le milieu et le nord de l'Europe , où l’on n’en découvre 
plus maintenant la moindre trace. Quant aux mammifères 
didelphes de la famille des marsupiaux , on ne les rencontre 
plus aujourd'hui que dans un autre hémisphère. 

Cet aperçu suffit pour se former une idée exacte de la 
population des étages inférieurs tertiaires, et comprendre 
le progrès qu'elle a éprouvé en comparaison des espèces 
des terrains secondaires. Il permet de saisir le perfectionne- 
ment que les mammifères ont acquis lors du dépôt des ter- 
rains tertiaires moyens et supérieurs { miocène et pliocène ). 

Si l’on considère l’ensemble des dépôts des deux époques, 
on reconnait que les carnassiers ont singulièrement aug- 
menté en nombre et en taille de la plus ancienne à la plus 
récente. Un pareil accroissement est un indice certain qu'il 
doit avoir été accompagné par un plus grand développement 
des herbivores. 

En effet, les ruminants , les solipèdes et les édentés qui 
n'avaient point encore paru, sont venus animer la scène de 
la vie; les premiers, par la variété de leurs genres et celle 
de leurs espèces , et les seconds par la grande quantité et 
les hautes proportions de leurs individus. 

Les édentés ont été représentés aux époques tertiaires 
récentes, par des espèces dont les formes et les caractères 
n'ont rien de comparable dans le monde actuel. De nos 
jours, les édentés sont spéciaux aux pays chauds. Abondants 
et variés dans l'Amérique méridionale , ils présentent plu- 
sieurs types en Afrique et en Asie. Ils ont néanmoins ha- 
bité l'Europe pendant l'époque tertiaire. Les édentés ont 
été encore plus abondants lorsque les mers étant rentrées 


(83) 
dans leurs bassins respectifs , il ne s'est précipité que des dé- 
pôts des eaux douces, stratifiés ou pulvérulents. Ces dépôts, 
les plus récents des temps géologiques, ont été nommés à 
raison de cette circonstance , quaternaires ou pléistocènes. 

Le genre Macrotherium composé d’une seule espèce, le 
giganteum , est le plus singulier des édentés qui ait vécu 
vers la fin de l’époque tertiaire en France et en Allemagne. 
Il appartient seul à cette époque, tandis que quatorze ou 
quinze caractérisent les temps géologiques les plus récents. 
Ces animaux n’ont complété leur développement que lors 
de l'époque quaternaire. 

Il en a été de même des pachydermes ; toutefois l’un des 
genres les plus remarquables de l’époque actuelle ne paraît 
pas avoir paru avant les dépôts tertiaires récents (new-pleis- 
tocene), et n'être devenu abondant qu’à l’époque diluvienne. 
Ce genre est celui des Eléphants. Il n’en a pas été ainsi des 
Mastodontes , généralement plus abondants dans les terrains 
tertiaires que dans le diluvium. Ils ne paraissent pas du 
moins avoir été rencontrés dans ce dernier gissement en 
Europe, mais seulement dans le continent asiatique, et 
peut-être en Afrique. Les mêmes dépôts diluviens de la 
Nouvelle-Hollande renferment un troisième genre de la 
famille des proboscidiens, encore si imparfaitement connus, 
que sa véritable place n’est pas fixée avec certitude. 

Le nombre des genres des pachydermes ordinaires est 
plus considérable que celui des proboscidiens ; il s'élève à 
environ 24 ou 25, tandis que celui des solipèdes ne dépasse 
. pas le nombre deux. 

Du reste, il n’est pas d'ordre de mammifères qui présente 
un aussi grand nombre de types fossiles que les pachyder- 
mes. Cet ordre est cependant imparfaitement représenté 
dans notre monde. Il existe entre les espèces qui en font 
partie, de nombreuses lacunes. Les nuances, les formes 


(84) 
transitoires qui lient les genres entr'eux , les passages d'une 
forme à une autre, se rencontrent pourtant d’une manière 
assez manifeste comme chez les autres tribus, lorsqu'on 
considère dans leur ensemble , les espèces vivantes et fos- 
siles. 

On trouve même des anneaux intermédiaires dans la na- 
ture détruite entre des genres très-rapprochés , tels que les 
Anoplotherium et les Palæotherium. Ainsi M. Owen a dé- 
couvert une espèce de ce dernier genre, qu'il a nommée 
connectens et qui forme une liaison naturelle entre les deux 
genres perdus. | 

Cette espèce a une molaire de moins de chaque côté que 
chez les autres Palæotherium ; elle est séparée des dents 
antérieures par un espace vide, ce qui l'éloigne des Ano- 
plotherium. Elle s’en rapproche toutefois par la forme de la 
couronne de ses molaires. 

On ne connaissait jusqu’à présent qu’un seul pachyderme 
qui offrit ses dents en série continue. Cette condition uni- 
que dans les herbivores vient de se trouver dans une espèce 
à laquelle M. Owen a donné le nom de Dichodon cuspida- 
tus. Cette circonstance qui fait que les dents se succèdent 
les unes aux autres, sans intervalle, ne se retrouve main- 
tenant chez aucun herbivore. 11 y a là une lacune entre 
la nature actuelle et les anciennes générations ; mais il n’est 
pas impossible qu’elle se comble un jour. 

Les ruminants n’ont apparu qu'avec les dépôts miocène et 
pliocène ; on n’en découvre pas du moins de vestiges dans 
les terrains tertiaires anciens , ce qui coïncide avec le peu de 
développement des carnassiers à cette époque. Ces animaux 
n’ont été très-multipliés qu'après l'apparition des ruminants, 
lors du dépôt des terrains tertiaires moyens et marins su- 
périeurs , enfin, lors de la dispersion du diluvium. 

Les ruminants, animaux généralement timides et féconds, 


(85) 

ont tellement augmenté, surtout en individus , aux époques 
géologiques récentes, qu'ils semblent avoir été destinés à 
remplacer presque totalement les pachydermes en Europe. 
Du moment que ceux-ci s’effacent , les ruminants grandis- 
sent en nombre, en taille, en même temps qu'ils se distin- 
guent par la variété de leurs genres et de leurs espèces. 
Leurs types génériques s'élèvent alors à quinze ou seize, 
parmi lesquels plusieurs sont riches en espèces et parfois en 
individus , ce qui est frappant pour les genres contempo- 
rains des dépôts diluviens. 

Les cétacés appartiennent essentiellement à l’époque ter- 
‘tiaire, particulièrement aux étages moyens et supérieurs. 
Les espèces herbivores ont les plus grandes analogies avec 
les pachydermes par leur système de dentition et d’autres 
caractères qui ne sont plus sensibles chez les espèces fos- 
siles. En effet, les molaires du Metaxytherium ont été rap- 
portées par Cuvier à deux espèces différentes d'Hippopotame, 
et il a regardé les dents du Dinotherium, comme apparte- 
nant à un Tapir qu'il a nommé Tapir gigantesque. 

Ainsi probablement, lorsque les types des pachydermes 
et des ruminants fossiles seront mieux connus, on rap- 
prochera les Dugongs , les Métaxytheriums et les Lamantins, 
des Hippopotames et des Tapirs, à peu près comme l’on 
réunit les Phoques et les Morses aux carnassiers ordinaires. 
Le nombre des mammifères marins, herbivores ou souf- 
fleurs , ne s'élève pas au-delà de dix dans les terrains ter- 
tiaires, où ils ont commencé à apparaître. 

Les rongeurs ont laissé également de leurs débris dans 
les couches tertiaires les plus anciennes et dès l'apparition 
des mammifères monodelphes. Leurs genres sont les uns 
semblables aux types génériques actuels, et d’autres à ceux 
des anciens âges tertiaires. Ainsi l’on a rencontré des Loirs 
et des Écureuils dans les couches gypseuses de Montmartre, 


( 86) 
tandis que les terrains de la même époque, en Auvergne, 
renferment des genres que l'on ne peut assimiler à aucun 
de ceux qui vivent maintenaït. 

Le plus grand développement que les rongeurs aient ac- 
quis a eu lieu lors des terrains moyens et supérieurs. Le 
nombre des genres qui ont laissé des traces de leur ancienne 
existence dans ces terrains, ne s'élève pas à moins de 17 à 
18 ; quelque considérable qu'il puisse paraître , il a été dé- 
passé à l’époque diluvienne , où il a atteint celui de 20. Les 
rongeurs ont été en si faible proportion à leur origine, 
qu'ils ne sont représentés dans les terrains tertiaires anciens 
que par deux genres. 

Ce rapport prouve le perfectionnement opéré dans cette 
famille depuis les plus anciens âges tertiaires jusqu’aux 
plus récents , ainsi que celui qui a eu lieu de ceux-ci à l’é- 
poqne diluvienne. Ce rapport exprimé par les chiffres 2, 
18 et 20, prouve que le développement de ces animaux a 
été sans cesse en augmentant et qu’il a été surlout mani- 
feste, de la première à la seconde époque. 

Les carnassiers n’ont pas été nombreux aux premiers 
âges tertiaires, par la raison toute simple qu’il en était de 
même des herbivores. Les populations contemporaines des 
Palæotherium, des Anoplotherium et des Lophiodons, ont 
été beaucoup moins inquiétées par les races carnivores que 
les genres qui leur ont succédé. 

Le nombre et la taille des carnassiers va du reste en aug- 
mentant depuis les terrains tertiaires moyens jusqu'aux supé- 
rieurs, comme de ceux-ci aux dépôts diluviens. Les formes 
de certains types propres à cette époque, sont tellement 
particulières , qu’elles ont nécessité l'établissement de plu- 
sieurs genres nouveaux. Ces genres offrent souvent des tran- 
sitions remarquables entre leurs tribus et les genres actuels ; 
ils présentent en général des formes lourdes et un régime 
moins exclusivement carnivore que les carnassiers actuels. 


( 87) 

Les carnassiers les plus redoutables n’ont commencé à 
paraître sur la scène de l’ancien monde que vers la fin de 
l'époque tertiaire. Il parait qu’à cette époque , le genre des 
chats ( Felis) a pris plus d'importance et le plus grand dé- 
veloppement. Ils ne sont arrivés cependant à leur summum 
de développement, qu’à l'époque diluvienne où leurs di- 
mensions ont dépassé celles de leurs analogues actuels. 

Les Hyènes, les Ours, les grands Chats analogues aux 
Tigres et aux Lions, enfin les Amphycions étaient bien autre- 
ment redoutables que ne le sont maintenant les plus grands 
carnassiers. Leurs espèces ont toutefois habité l'Europe, 
contrée qui n’est plus fréquentée, maintenant, que par les 
Ours et les Loups , depuis que la civilisation en a chassé les 
Lions. 

Les genres des carnassiers de l’époque tertiaire ont été 
assez nombreux, surtout quand on fait attention au petit 
nombre d'individus de leurs différentes espèces. Il s’est 
élevé en effet à 25 ou 26, nombre fort considérable lors- 
qu'on le compare à celui des terrains tertiaires anciens, où 
il est réduit à cinq. Les amphibies de la même époque sont 
encore plus restreints ; ils ne dépassent pas le nombre deux, 
étant bornés aux Phoques et aux Morses,. 

Les seuls Vespertilions y représentent l’ordre entier des 
cheiroptères qui a été plus étendu à l’époque diluvienne. 
L'on y découvre jusqu'à quatre genres, les Molosses, les 
Phyllostomes, les Rhinolophes et les Vespertilions. Les 
mêmes terrains ne paraissent recéler que deux genres de 
quadrumanes , les Macaques et un autre de la famille des 
lémuriens, découvert par M. Lartet dans les formations 
d'eau douce de Sansans. 

Tel est l’ensemble des mammifères monodelphes et di- 
delphes de l'époque tertiaire. Les premiers n'existaient pas 
avant cette époque et les seconds ont été représentés par 


(88) 
des genres différents de ceux dont les débris ont été ren- 
contrés dans les terrains jurassiques. Les mammifères des 
formations tertiaires appartiennent à une création particu= 
lière, sans analogie avec celle qui la précède , et presque 
pas avec celle des âges postérieurs. 

Cette population essentiellement nouvelle, surtout en ce 
qui concerne les mammifères monodelphes, offre tout-à- 
coup les animaux les plus avancés en organisation. Les 
quadrumanes ont vécu dès l’époque éovène la plus ancienne 
des formations tertiaires. Ils s’y rencontrent même dans les 
couches les plus profondes de ces formations. 

Quoiqu’un pareil progrès ait eu lieu dans l’ordre supé- 
rieur des mammifères, il ne s’est cependant pas étendu à 
l'universalité des monodelphes. Les faits que nous avons 
rapportés prouvent d’une manière incontestable, que {le 
perfectionnement de ces animaux à eu lieu par degrés, 
d'abord des terrains éocènes aux formations miocène et 
pliocène , comme de celles-ci aux dépôts pléistocènes et à. 
l'époque diluvienne. 

Cette époque a été le dernier terme du perfectionnement 
des races animales. Ce perfectionnement s’est continué lors 
des temps historiques, et les espèces y ont pris des caractères 
durables en acquérant toutefois le maximum de la compli- 
cation, du nombre et de la variété. 

Le progrès chez les êtres vivants ne consiste pas seule- 
ment dans une plus grande perfection de l’organisation, 
mais dans la quantité et la variation des organismes parti- 
ticuliers. Ainsi tout le travail opéré dans l’ensemble des 
êtres d’une époque à une autre, a eu pour but et pour 
terme, de les amener au point où ils sont arrivés aujour- 
d'hui. Ces progrès ont été faits en vue de l'homme qui ne 
pouvait se contenter d’une nature muette et silencieuse, 
comme celle qui a animé les premiers âges géologiques. 


(89) 
2,0 DES AMINAUX DE LA SECONDE ÉPOQUE DE LA TROISIÈME PÉRIODE. 
Animaux de l’époque quaternaire. 


L'époque quaternaire se compose de l'ensemble des ter 
rains déposés depuis les formations tertiaires, jusqu'aux 
graviers diluviens. Elle comprend les couches stratifiées 
supérieures à ces formations , ainsi que les dépôts meubles 
auxquels on a donné le nom de diluvium. 


Cette époque , la plus récente des temps géologiques , est 
la plus perfectionnée sous le rapport des animaux qui en 
ont fait partie. C’est dans les terrains diluviens que l'on 
découvre les plus grands mamunifères terrestres de l'ancien 
monde, tels que les Mastodontes, les Eléphants, les £las- 
motherium , les Megatherium et les Meyalonyx. On y ren- 
contre également les Sivatherium, ruminants de la taille 
des Eléphants, et la gigantesque Tortue dont la longueur 
n'est pas moindre de 6 à 7 mètres, la hauteur, de 5 mètres; 
ses caractères particuliers ont donné lieu à l’établissement 
d'un genre nouveau nommé Megalochelys par MM. Caulley 
et Falconner qui l'ont découvert dans les terrains subhima- 
layens. Ce genre appartient à la tribu des chéloniens. 


Avec la plupart de ces genres éteints on découvre des 
Rhinocéros , des Hippopotames , des Chevaux, des Bœufs , 
des Chameaux , des Girafes et de grands Cerfs. La plupart 
de ces genres et surtout les espèces qui en font partie, an- 
noncent un climat plus chaud que celui des lieux où ils sont 
ensévelis. On a observé dans les mêmes dépôts et dans les 
cavernes du Brésil, le Felis smilodon, carnassier d’une 
grande dimension, remarquable par les énormes canines 
dont il était armé. Ce Felis était, par rapport aux autres 
carnassiers, ce que les proboscidiens sont aux pachydermes 
ordinaires. 


(90 ) | 

Ce premier aperçu annonce le progrès qui s'est opéré 
dans la classe des mammifères ; s’il n’est pas aussi sensible 
chez les autres classes, c’est qu’elles ont laissé peu de leurs 
débris à cette époque. Ainsi pour n’en citer qu'un seul 
exemple, nous rappellerons que l'on n’a encore déterminé 
qu'un seul poisson qui appartienne à l'époque diluvienne ; 
cette espèce est un brochet nommé par M. Agassiz Esox 
otlo. 

Quoique les reptiles déterminés du même âge soient un 
peu plus nombreux, on ne peut guère signaler que sept à 
huit espèces, comprises dans environ 6 genres, nombre 
bien inférieur à celui des terrains jurassiques et même ter- 
tiaires, surtout à la variété des reptiles de notre monde. 

On ne rencontre pas dans les terrains quaternaires , la 
moindre trace d’aniniaux marins ; ces lerrains ayant été dé- 
posés lorsque les mers étaient rentrées dans leurs bassins 
respectifs. Aussi n’y voit-on plus de traces de limons et de 
produits marins, à l'exception des lieux recouverts momen- 
tanément par des irruptions marines , ou dans les localités 
qui ont conservé quelques relaissées des eaux de l'ancienne 
mer. 

On conçoit dès-lors pourquoi l’époque diluvienne n'offre 
que des dépôts des eaux douces et pourquoi elle présente 
un plus grand nombre d'espèces terrestres, surtout de 
mammifères , que les dépôts antérieurs. Les eaux marines, 
en rentrant dans leurs limites actuelles, avaient nécessaire- 
ment laissé un plus grand espace aux continents, après les 
avoir longtemps recouverts de leurs masses liquides. 

Quoiqu'il en soit, la faune diluvienne est la première 
où l’on rencontre des espèces semblables aux races actuel- 
les ; celle des terrains tertiaires montre bien certains genres 
identiques avec les nôtres, mais les espèces qu’ils renfer- 
ment sont tout-à-fait perdues. L'époque diluvienne est la 


(9%) 

seule caractérisée par des races analogues à celles qui vivent 
encore : ce qui la lie d’une manière manifeste avec la période 
actuelle. 

Les races des terrains quaternaires n’ont point été dé- 
truites entièrement vers la fin de leurs dépôts ; aussi n’y a- 
t-il pas eu d'apparition subite d’une faune toute nouvelle au 
commencement de la période historique. On ne saurait as- 
signer entre l’époque diluvienne et l'époque moderne, au- 
cune circonstance qui ail agi sur l’organisation de la même 
manière que celles qui ont séparé la période tertiaire de 
la période diluvienne , ou la période crétacée de la période 
tertiaire. 

Un des faits les plus importants de l'histoire des mammi- 
fères de cette époque, est le grand nombre des édentés et 
des rongeurs qui s’y trouvent. Sans doute, les genres de 
ces familles étaient déjà dans une proportion considérable à 
l’époque tertiaire; mais ils ont augmenté lors des dépôts 
quaternaires. Il en a été de même de plusieurs autres fa- 
milles d'herbivores et notamment des ruminants. 

Les pachydermes n’ont dominé sur la scène de l’ancien 
monde qu’à l’époque tertiaire ; aussi ont-ils apparu les pre- 
miers, avant les ruminants. Un pareil accroissement dans la 
tribu des herbivores , en a entrainé un non moins marqué 
dans ceile des carnassiers, dont les types génériques ont 
été assez généralement les mêmes que ceux des temps his- 
toriques. 

L'une des tribus de cet ordre de mammifères a présenté 
à l’époque diluvienne quatre races de solipèdes. L'une d’elles 
récemment découverte dans les cavernes du Brésil, se rap- 
porte au genre Cheval. L'espèce de Cheval des grottes ossi- 
fères de l'Amérique n’est point la même que celle répandue 
à peu près universellement dans l'ancien continent. Ainsi, 
lors des temps géologiques les plus récents, le Nouveau- 


(92) 
Monde possédait des chevaux d’une race particulière, com- 
me elle avait différentes races de Mastodontes qui ont dis- 
paru à jamais, avec tant d’autres, de la surface du globe 
qu’elles avaient animé pendant des temps plus ou moins 
longs. 

Les mammifères de l’époque quaternaire ont présenté 
souvent des genres semblables à ceux des races actuelles. 
Ces genres ont été composés d'espèces identiques avec les 
générations dont nous sommes témoins. Au milieu de cette 
population analogue, on découvre un grand nombre d'es- 
pèces qui diffèrent par leurs dimensions et par leurs formes 
particulières et distinctes de celles des temps historiques. 
Les familles des édentés et des rongeurs sont principalement 
celles qui offrent le plus grand nombre de races perdues et 
de types génériques éteints. 

Les mammifères monodelphes n’ont pas seuls éprouvé un 
progrès manifeste à l’époque quaternaire; il en a été de 
même des didelphes. Ils y ont été représentés par une dixai- 
ne de genres, les uns qui ont encore leurs analogues et les 
autres éteints. Du reste, les familles ou les genres perdus 
les plus nombreux, ne sont pas'ceux où les espèces, qui 
n'ont rien de commun avec les races actuelles, sont en 
moindre quantité. 

Cette époque, surtout celle des dépôts diluviens , a cela 
de particulier dans certains.continents et par exemple dans 
la Nouvelle-Hollande , de recéler des espèces animales qui, 
quoique différentes de celles qui existent maintenant, leur 
sont analogues par leurs genres et leurs familles. Ainsi les 
marsupiaux abondent dans les cavernes de la Nouvelle- 
Hollande , et cet ordre d'animaux s’y trouve à peu près uni- 
quement aujourd'hui. 

De même, le continent d'Amérique a présenté un grand 
nombre d'ossements de Sarigues, qui se rapportent à sept 


(95) 
ou huit espèces ; dans ce moment, cette tribu caractérise 
le Nouveau-Monde. Mais le genre des Sarigues ou des Di- 
delphis a vécu en Éurope pendant l’époque tertiaire ; il n’y 
a plus paru depuis lors. D'un autre côté, les Civettes ( 73- 
verra ), aujourd'hui spéciales à l’ancien monde, ont habité 
la Nouvelle-Hollande à l'époque diluvienne. 


L'une des îles voisines de ce continent, la Nouvelle- 
Zélande , a excité l'attention des naturalistes, par des oi- 
seaux dont les dimensions dépassaient de beaucoup celles des 
Autruches. L'on avait cru, à l'époque de leur découverte, 
que ces animaux appartenaient à l’époque géologique la 
plus récente. D’après des observations nouvelles, ces ani- 
maux nommés Dinornis, se rapportent aux temps histori- 
ques, et n'ont été détruits que depuis une époque peu 
reculée. 


Ainsi les espèces de l’ancien monde n'avaient jamais at- 
teint des proportions comparables à celles des Autruches et 
des Casoars ; elles sont constamment restées dans de petites 
dimensions. Il en serait différemment si les empreintes ob- 
servées sur les grès rouges de l'étage péréen du Massachu- 
sett, et que l’on a rapportées à des pas d'oiseaux, avaient 
été produites par ces animaux. D’après la distance qui sé 
pare ces empreintes les unes des autres, ces animaux au- 
raient dû faire des enjambées de 1 mètre 40 à 2 mètres. 
On devrait alors leur supposer une taille supérieure à celle 
des Autruches, des Casoars et même des Dinornis. 

Si le progrès des vertébrés supérieurs a été si manifeste 
dès le commencement de l'époque tertiaire, cette circons- 
tance tient aux influences des latitudes et à la formation 
des climats divers qui se sont pour lors établis. Ces diver- 
ses influences ont compliqué le morcellement des espèces 
par bassins, multiplié les faunes locales et détruit l'unifor- 

Tome XIX. 8 


(94) 
mité de répartition des êtres organisés, caractère essentiel 
des formations anciennes. 

Ces effets ont été aussi sensibles dans le Nouveau-Monde 
que dans l’ancien continent. Du moins, les espèces qui ont 
vécu en Amérique, comme en Europe , se sont succédé du 
simple au composé ou en raison directe de la complication 
de l’organisation. 


En suivant l’histoire des êtres qui ont paru tour à tour à 
la surface du globe, on voit la vie osciller, pour ainsi dire, 
selon que les milieux en changeant plus ou moins brusque- 
ment, modifiaient les organismes qui en étaient l’expres- 
sion. Elle n’a pas subi pour cela d'extinction ni de revivifi- 
cation : elle s’est au contraire constamment continuée , mais 
pour des êtres différents , dont la diversité a été d'autant 
plus grande, que les conditions des milieux extérieurs 
étaient plus différentes. 


Ainsi la vie a toujours été représentée ici-bas , depuis les 
premières apparitions organiques jusqu'à celles dont nous 
sommes les témoins. Seulement, une diversité complète 
semble exister entre les espèces des anciennes créations et les 
races nouvelles, quoique les types génériques des premières 
aient souvent persisté lors de l’apparition des secondes. 

L'uniformité dans la dispersion des types spécifiques a été 
d'autant plus grande qu’on l’examine chez les formations 
des âges les plus anciens, par suite de celle qui régnait 
pour lors dans la température et les autres conditions des 
milieux ambiants. La variété des climats de l’époque ac- 
tuelle a été la cause des centres nombreux de créations qui 
ont rendu nécessaire la loi de la localisation dominante 
maintenant à la surface de la terre et dont l'homme tend 
par sa puissante influence à effacer les traits primitifs et 
originels 


(95 ) 

Telles ont été les principales conditions qui ont soumis 
tous les êtres à un perfectionnement successif, perfection- 
nement vers lequel ils ont tendu constamment dès leur ori- 
gine et dont nous venons de suivre les effets et d'indiquer 
la marche. 


Résumé. 


Le plus simple examen des anciennes générations prouve 
qu'elles diffèrent essentiellement des créations actuelles, 
et d'autant plus qu’elles appartiennent aux premières épo- 
ques où la vie à apparu sur la terre. La différence entre les 
deux générations s’accroit d'une manière sensible de la 
circonférence au centre. 

Les espèces de l’ancien monde sont divisées par groupes 
qui correspondent à des dépôts particuliers , que peu d’en- 
tr'elles franchissent. Les plus robustes passent bien d’un 
groupe à celui qui lui est immédiatement supérieur ; mais 
elles n'arrivent presque jamais au-delà. Il n’en est pas ainsi 
du type générique ; ce type traverse souvent l'ensemble des 
formations géologiques et parvient même jusqu’à l’époque 
actuelle. 

La plupart des espèces fossiles diffèrent des races vivan- 
tes ; les infusoires feraient seuls exception à cette loi, si 
réellement ceux des terrains géologiques étaient identiques 
avec les infusoires vivants ainsi que le présume M. Ehren- 
berg. À part ces animaux , il n’y a d’analogie entre les deux 
populations qu'à l’époque diluvienne ; les espèces humatiles 
les plus récentes ont de si grandes affinités avec les races 
actuelles, qu’elles leur paraissent identiques. 

Il y a donc eu succession dans l'apparition des êtres de 
l'ancien monde, puisque ces êtres, loin d’être semblables 
d’une formation à une autre, sont au contraire différents, 
et d'autant plus qu'ils sont séparés par un intervalle plus 


(96) 

considérable. Cette succession s’est-elle opérée du simple 
au composé ou en raison directe de:la complication de l'or- 
ganisation , ou suivant tout autre loi ? c'est ce que les faits 
nous ont appris. 

En considérant les anciennes générations dans leur en- 
semble , on reconnait qu’elles ont été créées en vue d'un 
perfectionnement ultérieur, dont l’homme a été le terme et 
la fin. Ce perfectionnement a été des plus lents à se pro- 
duire avant d'arriver jusqu’à l'être le plus parfait qui est 
aussi le dernier de la création. Il n’a jamais eu lieu dans les 
espèces elles-mêmes, restées constamment fixes et immua- 
bles, mais uniquement dans les genres, les familles, les 
ordres et les classes. 

Le progrès des anciennes générations s’est fait de deux 
manières , soit du simple au composé ou en raison directe 
de la complication de l’organisation, soit par l’augmenta- 
tion en nombre des genres et des espèces, jusqu’à ce qu'elles 
aient acquis cette variété presque infinie qui caractérise à 
un degré si éminent l'époque à laquelle nous appartenons. 

Le perfectionnement le plus marqué des anciennes créa- 
tions s’est effectué dans les classes. Parmi les six du règne 
végétal, quatre seulement ont paru lors de la première 
période. Ces classes sont pour l’embranchement le plus 
simple, ou les cryptogames , les agames et les œthéoga- 
mes, et pour le plus compliqué , les phanérogames , les mo- 
nocotylédones et les gymnospermes. 

La seconde période n’en a eu également que quatre dans 
son principe ; elle en a acquis une cinquième vers sa partie 
moyenne , les amphigames ; enfin, vers la fin de celte pé- 
riode, lors des terrains crétacés moyens et supérieurs, la 
classe la plus compliquée du règne végétal, les dicotylé- 
dones, est apparue et a complété la flore de cette période, 
Seulement la proportion des dicotylédones a été inférieure à 


(97) 
celle que ces végétaux ont acquise lors de la troisième épo- 
que, et surtout à leur nombre actuel. 

Les espèces de la seconde période, comme celle de la 
première, diffèrent plus des plantes de notre époque que 
de celles de la plus récente période géologique. Les dernières 
finissent pourtant par leur devenir analogues et même iden- 
tiques. Ainsi, sous ces différents points de vue, il y a eu 
évidemment progrès non-seulement dans les classes végé- 
tales, mais encore dans les genres et les espèces. Celles-ci 

sont devenues semblables aux races vivantes, à mesure 
qu'elles se rapprochaient des temps historiques. 

- La troisième période a eu, à toutes ses époques, la to- 
talité des classes qui composent notre végétation. Seule- 
ment , la proportion des dicotylédones a sensiblement aug- 
menté, et a fini par avoir avec les autres classes des rap- 
ports à peu près égaux à ceux de la végétation de l’époque 
historique. Les progrès que les dicotyiédones ont faits pen- 
dant la troisième période , ont été manifestes lors du dé- 
pôt des terrains d’eau douce moyens , et des terrains qua- 
ternaires. Ces végétaux , les plus avancés de la création, 
devaient présenter de très-grands arbres, à en juger par les 
dimensions de leurs feuilles. La classe végétale la plus per- 
fectionnée s’est continuée depuis lors jusqu'aux temps his- 
toriques où elle a pris une prédominance marquée sur les 
plantes des autres classes. 

La végétation de la population de l’ancien monde est cir- 
conscrite dans trois grandes périodes, ainsi que nous l'avons 
fait observer. 

La classe la plus simple de la végétation de la première 
période ou les Agames, n'offre qu’un ou deux genres au 
lieu du grand nombre que présente la flore de nos jours ; 
ce qui peut faire juger du progrès qu’elle aurait eu à faire, 
si les deux végétations avaient été jamais comparables. La 


(98) 

seconde de ces classes, ou les œthéogames , a été composée 
pendant cette période de quatre familles : des équisétacées, 
des fougères , des marsiléacées et des lycopodiacées. 

La première a été bornée à deux genres et la seconde à 
trente-trois ou trente-quatre , en confondant dans le même 
type générique les Sigillaria et Stigmaria qui ne sont qu’une 
mème espèce et qui appartiennent peut-être plutôt aux 
conifères qu'aux équisétacées ou aux fougères. La troisième 
ou les marsiléacées , n’a qu'un seul genre, tandis que les 
lycopodiacées en ont jusqu’à sept ou huit. La plupart de 
ceux de ces familles sont perdus; ceci s'applique surtout 
aux espèces , dont aucune n’a de! représentant dans la na- 
ture et bien peu dans les autres périodes. 

Sans doute, ces végétaux ainsi que les phanérogames qui 
composent le restant de la végétation de cette période, sont 
aussi compliqués que leurs analogues actuels ; mais ils com- 
posaient la partie essentielle des plantes de cette période, 
avec quelques monocotylédones et un petit nombre de gym- 
nospermes de la famille des conifères. Dès-lors il n’est pas 
étonnant que les plantes de la première période présentent 
à une époque aussi reculée une pareille complication. 

Si celte végétation avait atteint le perfectionnement 
qu’elle aurait pu présenter, elle aurait acquis des types gé- 
nériques et spécifiques plus en harmonie avec les formes 
de nos espèces. C’est à ce progrès qu’elle a tendu constam- 
ment, sans jamais arriver à celui que les plantes de ces di- 
verses familles ont obtenu de nos jours. 

Il restait encore à celte végétation un perfectionnement 
à atteindre pour le nombre des genres et des espèces en 
rapport avec la nôtre; mais ceux de la dernière période 
sont restés au-dessous de Ja variété des types génériques 
et spécifiques qui fleurissent maintenant, quoique considé- 
rés en eux-mêmes , ils étaient très-développés et même 


( 99 ) 

assez perfectionnés à l’époque où ils ont vécu. Seulement 
plusieurs végétaux de cette période , observés avec beau- 
coup de soin, ont paru se rapporter à des organisations 
plus avancées que celles auxquelles on les avait rattachées 
Jors de leurs découverte. Ainsi les Sigillaria et les Stigma- 
ria considérés comme des équisétacées , ont été reconnus 
appartenir aux phanérogames gymnospermes de l’ordre des 
conifères , et suivant d’autres aux cycadées. 

De même, un genre, les Nœggerathia, examine avec 
une attention scrupuleuse , n'a plus été envisagé ni comme 
une fougère, ni comme un palmier ; mais comme une cyca- 
dée. 

Si l'observation de M. Gœppert se confirmait , la première 
période aurait été caractérisée par cinq classes au lieu des 
quatre que nous avons admises. Mais l'existence des cham- 
pignons, et leur conservation depuis une époque aussi re- 
culée est un fait si extraordinaire, que l’on peut se former 
quelques doutes sur sa réalité. 

La classe des amphigames, à laquelle appartiennent les 
champignons , n’a pas acquis un grand développement pen- 
dant les époques géologiques. Aussi n’a-t-elle jamais été en 
progrès ; les plantes qui la composent ont été souvent inter- 
rompues et manquent dans un grand nombre de formations. 

Si les charbons des terrains houillers ont été formés par 
les bois des conifères et non par les œthéogames des fa- 
milles des équisétacées ct des fougères , la végétation de la 
première période aurait été plus avancée qu'on ne l'avait 
admis, les conifères ayant essentiellement prédominé sur 
les autres végétaux de cette période. 

La seconde période comprend un plus grand nombre de 
dépôts, et a peut-être embrassé un plus long espace de 
temps; elle a été embellie par les six classes qui composent 
notre végétalion, Toutefois , la plus perfectionnée ou les di- 


( 100 ) 

cotylédones n’a paru que vers la fin de cette période des ter- 
rains crétacés. De mêmei, les amphigames , la seconde classe 
des cryptogames sous le rapport de la complication de son 
organisation , n’a paru qu’à l'époque du lias et ne compre- 
nait que les deux familles des lichens et des champignons. 

Ces familles de cryptogames n’ont pris un certain déve- 
loppement qu’à l’époque des terrains d’eau douce moyens. 
Avant cette époque, la terre n'avait jamais été tapissée de 
mousses , pas plus que les eaux des premiers âges n’avaient 
élé peuplées de characées. Les graminées elles-mêmes , au- 
jourd'hui si répandues, comme toutes les plantes utiles, 
n'avaient point embelli la surface du globe avant le dépôt 
du lias. 


Ces deux familles n’ont jamais acquis à aucune époque 
dé cette période une prédominance sur les autres tribus. Il 
n'en a pas été tout-à-fait ainsi des cycadées; celles-ci ont 
composé la plus grande partie de la végétation de certaines 
formations de cette période, et par exemple celle du cal- 
caire conchylien. Cette famille nombreuse et variée à tous 
les étages du trias, éprouve une grande interruption à partir 
des terrains crétacés inférieurs, et ne reparaît plus qu’à l’é- 
poque historique. 


Le progrès le plus marqué de cette végétation a été l’ap- 
parition des dicotylédones ; ces plantes ont offert une dixaine 
de familles, parmi lesquelles se trouvaient les graminées. 
L'époque crétacée, caractérisée par la présence des dicoty- 
lédones , n’a pas cependant été embellie par les amphigames, 
quoique ces végétaux eussent déjà paru. 


Cette ancienne végétation avait bien des progrès à faire 
pour atteindre celle des temps actuels; aussi a-t-elle été 
surpassée sous ce point de vue , par la flore de la troisième 
période. Cette flore s’est montrée plus en rapport avec les 


( 101 
plantes qui couvrent maintenant la surface du globe ; et ce 
n’a pas été le moindre de ses progrès. 

La troisième et dernière période géologique a été mar- 
quée par un progrès sensible dans toutes les classes végé- 
tales. Les dicotylédones ont acquis pour lors, relativement 
aux autres classes, des proportions analogues à celles qui 
caractérisent les végétaux actuels. Pour la première fois, ces 
plantes ont été en excès sur les autres plantes, mème rela- 
tivement aux phanérogames qui dominaient alors sur les 
cryptogames ainsi que cela a eu lieu dans la flore actuelle. 
Ces rapports sont devenus surtout sensibles aux époques 
miocène et pliocène. 


S'ils sont moins évidents lors des terrains tertiaires ma- 
rins supérieurs qui appartiennent cependant à l'étage le 
plus récent de la dernière époque, c’est que ceux-ci dépo- 
sés dans le bassin de l’ancienne mer, ne renferment qu'un 
petit nombre de débris de plantes terrestres. Ils deviennent 
manifestes un peu plus tard, à l’époque quaternaire, dont 
les dépôts appartiennent aux eaux douces. 


La végétation de la troisième période a beaucoup plus 
d’analogie avec la flore actuelle que celles qui l'ont précé- 
- dée. H ne Jui a manqué, pour rivaliser avec elle, que le nom- 
bre et la variété des espèces. Du reste, les diverses flores 
de l’ancien monde, même les plus récentes, ont été sous 
ce rapport très au-dessous de la flore de nos jours. Aussi 
on peut évaluer au plus à 1800 espèces, le nombre des plan- 
tes fossiles qui nous sont connues, tandis que les végétaux 
de notre monde s'élèvent à environ 80,000 espèces. Il va 
même bien au-delà et dépasse celui de 100,000 suivant 
toutes les probabilités. 


Ce nombre et la variété dans les formes spécifiques est 
un véritable progrès ; mais c2 progrès, vers lequel ont tendu 


(102) 
les anciennes créations, n'a été cependant atteint que depuis 
les temps historiques auxquels nous appartenons. 

Les flores des diverses périodes géologiques ont présenté 
un fait assez remarquable , qui prouve que le perfectionne- 
ment des anciennes générations n’a pas toujours porté sur 
les mêmes classes et ne s’est pas exercé d’une manière uni- 
forme. Ainsi les plantes terrestres ‘ont été abondantes aux 
deux époques les plus opposées de l’histoires des flores des 
temps géologiques et de l’époque actuelle. Les premières 
ont appartenu à J’embranchement le plus simple du règne 
végétal, aux cryptogames , et leur développement date de 
l'apparition de la vie. Les secondes , au contraire, se rap- 
portent principalement aux végétaux les plus compliqués , 
aux dicotylédones , et.en même temps , à la période géologi- 
que la plus récente. 

Ces faits rendent sensible le progrès de l’ensemble du 
règne végétal et le développement de la flore de l’ancien 
monde , à mesure qu'elle se succédait. En effet, l’ancienne 
végétation est arrivée par degrés à être composée des mê- 
mes classes qui embellissent et animent maintenant la sur- 
face du globe; elle a présenté en même temps ces différen- 
tes classes avec des proportions à peu près semblables à 
celles des végétaux actuels. La flore des derniers temps 
géologiques est en petit ce qu'est la flore de notre époque. 
La différence qui existe entr’elles , tient au nombre et à la 
variété des plantes vivantes, comparé à celui des espèces 
de la troisième période. 

Comme un pareil parallèle ne peut pas s'établir entre 
notre végétation et celle de la première période , il y a eu 
progrès depuis cette période jusqu'à celle qui a précédé les 
temps historiques. De pareils progrès et de plus manifestes 
encore ont eu lieu dans le règne animal. 

La végétation de l’ancien monde a donc commencé par 


(105 } 
l’ordre le plus compliqué de la classe la plus simple : cet 
ordre, représenté par les cryptogames semi-vasculaires ou 
les œthéogames, y est arrivé avec tous ses perfectionne- 
ments. Les dicotylédones , la classe la plus avancée du règne 
végétal, ont vu bien des flores se succéder sans apparaitre 
sur Ja scène de la vie ; ce n’a été que vers la fin des temps 
géologiques que ces plantes sont venues compléter la végé- 
tation et animer de leurs formes élégantes et variées une 
nature jusqu'alors imparfaite. Elles n’ont cependant pris 
leur essor et n’ont acquis des proportions numériques supé- 
rieures aux autres classes que lors de la venue de l'homme, 
cause et terme de tous les progrès qui ont eu lieu ici-bas. 

Le progrès dans l'organisation est plus manifeste chez les 
animaux que chez les végétaux. En effet, Les tissus peu ho- 
mogènes des premiers , leurs formes plus variées en raison 
de la diversité du but qu’ils ont à remplir, les relations des 
os entr’eux , relations nécessaires puisqu'elles sont fondées 
sur un plan unique, n'ont pu que rendre plus évidents tous 
les genres de progrès qui ont pu s'y produire, surtout en 
comparaison d'êtres essentiellement passifs et immobiles 
comme les végétaux. 

Par des raisons du même genre, les perfectionnements 
ont été plus prononcés chez les espèces animales les plus 
avancées en organisation que chez celles qui le sont le moins. 
Ainsi les céphalopodes, les plus compliqués des mollusques , 
ont paru tout d'abord et dès les premiers âges avec une or- 
ganisalion aussi compliquée que les espèces qui ont persisté 
jusqu'à nos jours. Ils n’ont eu à attendre du temps qu'une 
plus grande variété; c’est le seul perfectionnement qu'ils 
aient éprouvé depuis leur apparition jusqu'à l’époque his- 
torique , où leur nombre s’est considérablement accru. 

Toutefois, plusieurs genres de cette famille à cloisons sim- 
ples, ne se représentent plus après la période primaire. Il 


(104) 
en est de même d’un grand nombre de brachiopodes que 
l'on ne revoit plus dans la série géologique, ou dont il 
n'existe que des espèces rares et isolées. 

La première période animale est caractérisée par la pré- 
sence de certaines familles dont la durée a été extrêmement 
différente. La plus remarquable des crustacés, celle des tri- 
lobites, a commencé avec l'apparition de la vie et ne s’est 
pas perpétuée au-delà des terrains houillers. L'autre, ou 
celle des crinoïdes, l’une des familles des échinodermes, 
s’est fait remarquer à l’époque primaire par un grand nom- 
bre de formes génériques et spécifiques particulières. Ces 
formes ont été remplacées plus tard par peu de genres diffé- 
rents; un seul existe dans la naturelle actuelle, où il est 
composé au plus de deux ou trois espèces. 

Les trilobites n’ont pu progresser depuis leur apparition, 
puisque leur durée a été des plus courtes. Il en a été à peu 
près de même des échinodermes dont la faune s’est singu- 
lièrement appauvrie vers la fin des dépôts houillers. On en 
découvre à la vérité dans la partie inférieure des terrains 
secondaires , mais avec des formes spécifiques moins diver- 
ses et des genres moins variés. Il en existe enfin quelques 
vestiges dans les dépôts crétacés, mais à peine en voit-on 
des traces à l'époque tertiaire et seulement une ou deux es- 
pèces à l’époque actuelle. 

Malgré le long espace de temps écoulé depuis la période 
primaire jusqu’à l’époque historique , bien des types géné- 
riques ont constamment persisté depuis lors ; le seul progrès 
qu’ils aient éprouvé dans ce long intervalle s’est borné au 
nombre des espèces qui en ont fait partie. Les zoophytes et 
les mollusques sont peut-être les classes qui renferment le 
plus de genres communs aux deux grandes périodes. 

Parmi ceux des zoophytes, nous citerons spécialement 
les Eschara, les Flustra, les Cellepora, les Cyllaria, 


( 105 ) 

Discopora, les Antricaria, les Retepora, les Ceriopora, 
les Chrysopora, les Fungia , les Turbinolia, les Petraia, 
les Alcyon, les Astrea, les Porites, les Monticularia, les 
Heteropora, les Catenipora, les Millepora et une foule 
d’autres ; mais aucune de leurs espèces n’est semblable à 
celles qui vivent encore, ce qui prouve combien le type 
spécifique est fixe et immuable. 

Les genres des mollusques communs aux deux grandes 
périodes sont également nombreux ; parmi les acéphalés, 
les Terebratula, les Pecten, les Trigonia , les Cardita, 
les Zsocardia , les Cypricardia, les Ungulina, les Orbicula, 
les Ostrea, les Lingula, les Nucula, les Crania, les Hu- 
mites, les Modiola, les Chama, les Tellina et plusieurs 
autres. : 

Les mollusques céphalés ont également présenté dès l’ap- 
parition de la vie plusieurs genres identiques dans les deux 
périodes. Telles sont les Patella, les Pileopsis, les Mela- 
nopsis, les Melania, les Natica, les Nerita, les Solarium, 
les Delphinula, les Trochus, les Turritella, les Terebra, 
les Pleurotoma, les Murex, les Buccinum , les Cerithium, 
les Pyramidella. Enfin on a signalé, parmi les céphalopo- 
des , les genres Nautilus et Spirula qui ont joui du privilège 
d'exister dès l'origine de la vie, et de prolonger leur exis- 
tence pendant les temps auxquels nous appartenons. 

Probablement, toutes ces déterminations génériques ne 
sont pas complètement exactes ; mais ce qu'il importe de 
faire remarquer, c'est que rien de semblable ne s’observe 
chez les animaux vertébrés de la première période dont au- 
cun des genres n’est parvenu jusqu'à nous. La raison de- 
cette différence tient au progrès plus grand qui a été le par- 
tage de cet embranchement. Les poissons , les dgminateurs 
de cette période, ont tenu lieu de toutes les classes des 
vertébrés ; aussi l’un de leurs ordres principaux a-t-il parti- 


( 106 ) 
cipé des caractères des reptiles qu'ils étaient chargés de 
remplacer. Du reste, on ne découvre à cette époque qu’un 
seul reptile de l’ordre des sauriens. Il s’est élevé, sur sa 
détermination , des doutes assez graves pour ne l’admettre 
qu'avec réserve. 

Une remarque non moins curieuse proûve à quel point 
les espèces animales de l’ordre le plus élevé ont tendu vers 
un perfectionnement graduel. Les premiers poissons ont 
appartenu seulement à deux ordres, tandis que ceux de la 
période crétacée et de la population actuelle sont au nombre 
de quatre. Parmi ceux de la première période, les sauroï- 
des ont tenu un rang distingué. Ils avaient de grandes ana- 
logies avec l’une des principales familles des reptiles, les 
sauriens. Les poissons sauroïdes que l’on découvre dans 
toutes les formations secondaires , et qui avaient dominé 
dans les dépôts antérieurs à la craie, manquent complète 
ment aux terrains tertiaires. Ces poissons ont été rayés du 
nombre des vivants pendant un long espace de temps , pour 
n'être plus représentés dans le monde actuel que d’une 
manière incomplète par les genres Lépisostée et les Polyp- 
tères. 

Les sauriens , dont la conformation avait de nombreux 
rapports avec celle des poissons , ont pu perdre plus facile- 
ment que les autres reptiles, les formes des diverses clas- 
ses des vertébrés. Ils en ont en effet les caractères , et ont 
paru les premiers parmi les reptiles. Il devait, ce semble, 
en être ainsi, puisque, par la marche du progrès en raison 
directe de la complication de l’organisation , les oiseaux et 
les mammifères les plus perfectionnés ont apparu fort tard 
et ont précédé de peu la venue de l'homme en vue duquel 
ils avaienttélé créés. 

Du reste, les poissons des premiers âges, n'avaient pas 
une structure symétrique comme ceux des époques subsé- 


( 107 ) 

quentes. À peu près tous hétérocerques , leurs mouvements 
n'étaient pas complètement libres , et leur progression était 
généralement vacillante et embarrassée, par suite de l’imper- 
fection de leur organisation. Cette disposition à queue non 
symétrique, ne s'est conservée d'une manière constante 
que chez les squales, les seuls poissons hétérocerques de 
l’époque actuelle. Les vrais squales n’ont paru qu’assez tard 
sur la scène du monde, et ce qui prouve le progrès vers le- 
quel les poissons ont tendu, c'est qu'à part des squalides, 
il n'existait déjà plus qu'une seule espèce à queue hétéro- 
cerque parmi les races nombreuses de l’époque jurassique. 

La seconde période, plus avancée que la première, a élé 
caractérisée par des reptiles aussi étranges que gigantes- 
ques. Cette période est celle des reptiles, comme la pre- 
mière des poissons et la plus récente des mammifères mo- 
nodelphkes. Elle a déjà offert un grand degré de complica- 
tion, puisqu'elle a vu arriver sur la scène de la vie pendant 
sa durée, les quatre classes de vertébrés qui caractérisent 
ceux de notre monde. 

Les poissons n’ont jamais cessé d'exister pendant cette 
période ; ils y ont été accompagnés dès le commencement 
par des reptiles. Peu à peu et vers l’époque moyenne, ont 
paru d’abord des mammifères didelphes , et enfin, un peu 
plus tard, quelques oiseaux. Dans cette progression , l’an- 
cienne population a suivi une marche ascendante, qu'elle a 
constamment adoptée dans l'apparition des vertébrés. 

Ainsi la classe des poissons a été bornée, jusqu'aux ter- 
rains crétacés , aux deux seuls ordres des ganoïdes et des 
placoïdes. L’un et l’autre sont les moins avancés en organi- 
sation , surtout le dernier dont le squelette est cartilagineux 
et le cervelet rudimentaire. Quoique les ganoïdes aient des 
affinités avec les reptiles , ils se rapprochent néanmoins des 
placoïdes par leur squelette très-peu osseux. 


{ 108 ) 

Ces deux ordres, les plus imparfaits des poissons, ont 
seuls fréquenté les mers de la seconde période jusqu'à l'é- 
poque crétacée ; mais alors ils ont été accompagnés par les 
cténoides et les cycloïdes, maintenant les plus nombreux. 

Les genres des ordres les plus anciens n'ont plus de re- 
présentants dans la nature vivante, tandis qu'il n’en a été 
ainsi que pour les trois-quarts environ des cycloïdes et des 
cténoïdes. 

Du reste, le nombre des genres des poissons qui n'ont 
plus d’analogues parmi les étres actuels , est d'autant plus 
grand qu’on les découvre dans des couches crétacées plus 
anciennes. 

Les faits les plus remarquables de ce renouvellement suc- 
cessif des classes ou des familles des vertébrés , en vue de 
la loi du progrès , nous sont offerts par les sauroïdes..Cette 
famille a subi au moins six renouvellements complets ou 
sept faunes successives ; aucune d'elles ne renferme cepen- 
dant les mêmes espèces. Souvent les genres auxquels elles 
se rapportent sont très-différents, et dans leur renouvelle- 
ment les espèces éprouvent presque toujours quelques per- 
fectionnements. 

Les reptiles fournissent également de pareils exemples, 
quoique sur une échelle moins étendue, puisqu'ils sont moins 
anciens que les poissons ; mais ils sont supérieurs sous ce 
point de vue aux mammifères didelphes , ou monodelphes, 
surtout relativement aux derniers et même par rapport aux 
oiseaux. 

Trois des ordres de cette classe ont animé la troisième 
période , les sauriens , les chéloniens et les batraciens. Les 
premiers ont paru dès les dépôts permiens, tandis que ce 
n’est qu'avec le plus grand doute qu'on doit admettre la 
présence des chéloniens à cette époque. Ges reptiles n'ont 
paru d’une manière certaine que lors du dépôt du trias et 


( 109 ) 
“les batraciens n’ont commencé que dans la partie supé- 
rieure de ces terrains ou les formations du keuper. 

Les sauriens sont donc les reptiles les plus anciens et 
ceux qui ont présenté les formes les plus bizarres et les 
dimensions les plus considérables. Tandis que les uns avaient 
des caractères communs aux animaux des autres classes de 
vertébrés , les espèces d’un seul genre parcouraient les airs 
avec autant de facilité que les Chauve-Souris. Gette faculté 
n’est le partage d'aucun reptile vivant; aussi lorsque ces 
Ptérodactyles étaient le plus nombreux, il n'existait pas 
d'oiseaux, ou du moins il n’y en avait qu’un petit nombre. 

Les reptiles ont pris leur plus grand développement à 
l'époque moyenne de la seconde période. Ils ont même ac- 
quis alors des dimensions que les espèces vivantes n’ont 
jamais égalées, mais aussi la plupart de ces grands reptiles, 
dont les formes ne paraissent pas avoir été faites pour du- 
rer, ont peu persisté. Ainsi, pour n’en citer qu’un exemple, 
tandis que les Iguanodons des temps géologiques avaient 
jusqu’à 21 ou 22 mètres, les Iguanes actuels atteignent au 
plus 10 à 11 mètres. 

Ces animaux ont également éprouvé un progrès pendant 
cette période ; ainsi vers sa fin ou à l’époque crétacée, leurs 
types génériques ont pris des formes plus rapprochées de nos 
genres et de nos espèces. Ces affinités paraissent de plus en 
plus sensibles, à mesure que l'on s'élève vers les couches 
crétacées les plus récentes. Elles le deviennent encore plus 
dès la troisième période, ce qui annonce que le progrès des 
anciennes créations a été non-seulement successif, mais 
continu. Il a fallu, d’après les desseins de la nature, que 
la complication de l’organisation des espèces vivantes fût le 
résultat d'un grand nombre de changements et de modifica- 
tions dans les êtres qui devaient les précéder. 


La seconde période a vu un autre progrès s’opérer pen- 
9 


(110) 
dant sa durée, et cela, dans l'ordre des vertébrés : c’est 
l'apparition des oiseaux. Pour la première fois , ces animaux 
ont animé une nature jusqu'alors muette et silencieuse. 
Leur présence sur la terre date du dépôt des terrains weal- 
diens, vers la fin de l’époque moyenne de cette période. 

Un autre perfectionnement a eu lieu plus tard; il a an- 
noncé celui qui se produirait dans le nombre et la variété 
de ces infiniment petits si multipliés dans la nature. Les 
infusoires ont animé de leurs innombrables tribus, l'époque 
crétacée, dont ils ont formé malgré leur excessive petitesse, 
une partie des dépôts. 

La troisième période, la plus rapprochée des temps his- 
toriques , a eté aussi la plus remarquable sous le rapport 
du progrès qui s’est produit dans les animaux dont elle a 
été dotée. Le principal de ces perfectionnements a eu lieu 
chez les vertébrés qui ont vu pour la première fois les mam- 
mifères monodelphes apparaître, ainsi que les ophidiens, 
dont la nature avait été si longtemps privée, 

Les invertébrés ont reçu également lors de cette période 
un grand nombre de mollusques des terres sèches et des 
eaux douces, qui n'avaient paru jusqu'alors qu’en très-petit 
nombre et d'une manière incertaine. 11 en a été de même 
des insectes, dont la variété a été très-grande à l’époque 
moyenne et supérieure de l'époque tertiaire. 

D'autres perfectionnements se font également remarquer 
pendant cette période ; ainsi, les chéloniens y sont devenus 
de plus en plus nombreux, ils ont présenté pour la pre- 
mière fois des tortues terrestres dont les dimensions éga- 
laient celles des Indes. D'un autre côté, les sauriens et les 
batraciens ont offert des caractères analogues aux espèces 
actuelles, Aussi, appartiennent-ils pour la plupart aux 
mêmes genres, quoiqu'il soit loin d’en être ainsi des espè- 
ces. Les crocodiliens fossiles ont, en effet, les plus grandes 


(414) 
affinités avec les crocodiles qui peuplent nos fleuves et nos 
rivières, du moins sous les rapports génériques. 

Le principal progrès de la troisième période a été non- 
seulement dans l'apparition des mammifères monodelphes , 
mais surtout dans celle de la famille la plus compliquée de 
cette classe. Il n’est pas moins remarquable de voir les 
quadrumanes commencer avec cette période et se représen- 
ter à l’époque moyenne et supérieure ainsi que dans les 
dépôts meubles du diluvium qui appartiennent aux terrains 
quaternaires. 

Des pachydermes dont les espèces vivaient pour la plupart 
dans les lieux à demi inondés, des rongeurs, des carnas- 
siers, des mammifères marins et marsupiaux ont accompa- 
gné ces quadrumanes, avec quelques cheiroptères, sans 
compléter pourtant la faune des mammifères de l'époque 
tertiaire. Cette faune n’a reçu son entier complément qu'aux 
époques miocène et pliocène des terrains tertiaires, où les 
édentés et les ruminants ont apparu pour la première fois. 

Ces deux familles n’ont pris leur entier développement 
qu'à l’époque quaternaire, tandis que les cheiroptères l’a- 
vaient déjà acquis antérieurement lors du dépôt des terrains 
moyens et supérieurs. Ce fait annonce qu'il y a eu un per- 
fectionnement progressif dans la faune des mammifères, 
de l’époque tertiaire à l’époque quaternaire. 

Cette dernière lie les anciennes générations aux généra- 
tions nouvelles. Elle réunit du moins des espèces si sem 

“blables aux nôtres, que l’on ne saurait les en distinguer par 
aucun caractère précis ; cette même condition se représente 
aussi bien chez les mammifères que chez toute autre classe. 
Ceci ne fait pas cependant que l’époque quaternaire n'offre 
des genres perdus et à plus forte raison des espèces détrui- 
tes. Ces races, qui ne paraissent pas avoir de représentants 
dans la nature, sont cependant dans les mêmes dépôts, sans 


( 112) 
que l'on puisse trouver dans la manière dont ils s’y rencon- 
trent, aucune circonstance qui puisse faire induire que les 
uns et les autres ne sont pas de la même date. 

La faune de l'époque quaternaire présente, lors des dépôts 
diluviens, quelques faits qui indiquent de quelle manière 
le progrès a eu lieu chez les animaux qui en font partie. 
Ainsi, celle de l'Amérique méridionale, la mieux eonnue, 
est composée par un grand nombre d’édentés, dont plu- 
sieurs se font remarquer par leurs dimensions colossales , 
enfin par certains pachydermes de la plus haute stature. 

Quoique la plupart des genres de ces deux familles soient 
perdus, plusieurs ont cependant des représentants dans 
notre monde, tels sont les Dasypus, les Orycteropus, et 
pour la seconde fomille les Elephas, les Sus, les Tapirus et 
les Equus. Ce qui est non moins digne d'attention, cer- 
tains d’entr'eux n’habitent plus le Nouveau-Monde, et sont 
propres maintenant à l’ancien continent ; tels sont les Élé- 
phants et les Chevaux, et parmi les carnassiers, les Hyènes. 

Cette faune, considérée dans son ensemble, a l'aspect 
américain, mais sa physionomie générale a beaucoup plus 
de rapports avec celle de la contrée où sont ensevelis ses 
débris qu'avec tout autre région. Il en est de même de cette 
population qui a caractérisé l'Asie à l’époque diluvienne, 
malgré la différence de plusieurs des genres qui s’y trouvent 
avec ceux des races actuelles, tels par exemple que le Siva- 
therium et les tortues gigantesques nommées Megalochelys 
ou Colossochelys. 

La Nouvelle-Hollande est la portion du monde où la 
population de l'époque diluvienne est le plus semblable à 
celle qui anime encore cette contrée. La plupart des genres 
ensevelis dans le diluvium des cavernes de ce continent se 
rapportent à ceux qui y existent maintenant; ils appartien- 
nent par conséquent à peu près tous aux marsupiaux. Îl n’y à 


(113) 
d'exception à cet égard que pour le genre des Civettes, qui 
se trouve uniquement aujourd’hui dans l’ancien continent. 

Ce fait est tellement général pour cette contrée, que le 
genre nouveau que l'on vient d'y découvrir et gissant comme 
les autres dans les cavernes , parait intermédiaire entre les 
pachydermes et les kanguroos , ou du moins devoir ratta- 
cher l'une de ces familles à l’autre. 

L'époque quaternaire offre en général peu d'oiseaux, de 
reptiles et de poissons ; cette dernière classe a été si pauvre 
en espèces que l’on n’en connaît à présent qu’une seule de 
déterminée. 

Ainsi, les populations qui ont péri pendant le dépôt des 
terrains quaternaires, annoncent que la loi de Ja localisation 
réglait alors la distribution des formes animales, et que le 
progrès a eu lieu pour chacune d'elles, d’après cette loi 
établie. 

Il y a donc eu perfectionnement successif dans les ancien- 
nes créations végétales et animales. Il n’a été cependant 
sensible que chez les classes, les ordres et les familles su= 
péricures ou les plus avancées en organisation. Il a été plus 
manifeste chez les animaux que chez les végétaux , par suite 
de ce que les parties qui les composent, sont liées les unes : 
aux autres par des rapports réciproques plus intimes et l’on 
pourrait presque dire plus nécessaires. 

Les cryptogames, comme les invertébrés et un petit nom- 
bre de dicotylédons et de vertébrés, font seuls exception à 
ces lois générales ; malgré ces exceptions, lorsqu'on consi- 
dère l’ensemble des deux embranchements dont les cou- 
ches terrestres nous ont conservé les restes, on reconnait 
que les espèces de l’ancien monde ont marché du simple 
au composé el qu'elles ont constamment tendu vers une 
organisation plus compliquée, dont le summum n'a été 
alleint que par les espèces actuelles. 

MarcEL DE SERRES. 


(114) 


VIII. Norice. sur les Renoncules batraciennes, 
observées dans le département de la Dordogne; par 
M. l'abbé REVEL , correspondant. 


Il est des naturalistes qui, n’ayant qu’un temps fort res- 
treint à consacrer à l'étude de la nature , se plaisent à diri- 
ger leurs investigations sur quelques points spéciaux. En 
agissant de la sorte, ils rendent des services inconstestables, 
et la science retire souvent un plus grand avantage de leurs 
modestes opuscules que de beaucoup de travaux de longue 
haleine. Certains botanistes de nos jours l’ont bien compris. 
Aussi ils nous ont enrichis d’un nombre prodigieux de mono- 
graphies, de mémoires, de revues, de notes, qui sont 
venus jeter une vive lumière sur une grande quantité d’es- 
pèces litigieuses ou inconnues. 

Tel s’est occupé de la vaste famille des composées , de 
manière à posséder la connaissance de toutes les espèces 
admises jusqu'à ce jour. Tel s’est attaché à l'étude du genre 
Fumaria, et tel autre à celle du genre Cerastium, etc. 
Plusieurs se sont contentés d'essayer de débrouiller deux 
ou trois espèces d’un même genre. 

Je me trouve de ce nombre. 

Par une circonstance que je ferai connaître plus bas, j'ai 
été amené à faire un examen approfondi des espèces appar- 
tenant à la section des Renoncules batraciennes. Dans cette 
section , on a confondu pendant longtemps plusieurs espèces 
réellement distinctes. 

Linné n’en admettait que deux : le Ranunculus hedera- 
ceus et le R. aquatilis : tous les autres individus devaient 
être groupés autour de ces deux types. 


En 1789, Schrank, le premier, dans sa Flore de Bavière, 


(115) 

sépara des espèces linnéennes la forme remarquable à la 
quelle il donna le nom de R. divaricatus, que Sibthorp 
appela quelques années après, R. circinatus. Vers la même 
époque Lamarck établit son R. fluitans; et Chaix, dans 
l'Histoire des plantes du Dauphiné, publiée par Villars de 
1786 à 1789, le À. trichophyllus, que Thuillier nomma 
dans sa Flore des environs de Paris, mise au jour en 1798, 
R. capillaceus. Le R. paucistamineus de Tausch paraît de- 
voir être rapporté à la même espèce. 

De Candolle publia en 1808, le À. tripartitus (Ic. pl. II. 
Galliæ, 2. p. 15), et lui rapporta quelques temps après 
(Syst. T. 1. p. 234) la plante appelée depuis par M. Lloyd 
R. ololeucos ( FI. de la Loire-Infér. p. 3. 1844 ). 

Il est impossible d'adopter pour cette espèce le nom de 
Petiveri, proposé par M. Koch ( Syn. éd. 2. p.13). Le 
célèbre botaniste d'Erlangen , dont le monde savant déplore 
la perte récente , a confondu sous ce nom trois plantes dis- 
tinctes : le R. tripartitus B obtusiflorus DC. ( Syst. p. 254 ), 
le R. tripartitus Nolte, et une variété du R. aquatilis. 

En 1857, M. le docteur F. Schultz qui a rendu de si 
grands services à la science par sa belle publication inti- 
tulée ; Flora Gall. et Germ. exsiccata, mit au jour dans 
le Botanische Zeitung , le R. Lenormandi qu'il sépara du 
R. hederaceus. 

Depuis cette époque , le même auteur nous a donné une 
nouvelle espèce qu'il a appelée R. Droueti. 

En 1840, M. le D.r Godron, un des auteurs de la nou 
velle Flore de France, composa sur cette section une sa- 
vante monographie, à laquelle il donna le titre d'Essai sur 
les Renoncules à fruits ridés transversalement. On y trouve 
trois nouvelles espèces : deux exotiques , sous les noms de 
R. rigidus et R. longirostris, et une belle espèce française 
qu'il a appelée R. Baudotü. 


(116) 

Ce savant botaniste a reconnu depuis, que le R. tripartitus 
Nolte n'avait rien de commun avec le R. tripartitus DC. : 
il lui a donné le nom de À. confusus ( Cat. raisonné du pla- 
teau central, par MM. Lecoq et Lamothe, p. 49. 1848 ). 

Convient-il d'adopter pour les Renoncules à fruits ridés 
transversalement le genre Batrachium proposé par Wim- 
mer ? La question est encore pendante. Cependant quelques 
savants se sont prononcés pour l'affirmation. Fries l’a adopté 
le premier. M. F. Schultz a déclaré, dans ses intéressantes 
Archives de la Flore de France et d'Allemagne ( p. 70. 
1844), qu'il se rangeait à l'avis de l'illustre botaniste de 
Lund. M. Ch. Des Moulins ne doute pas que leur exemple 
ne soit bientôt généralement suivi ( Actes de la Société 
Linnéenne de Bordeaux. 1849 ). 


Ce genre pourrait être caractérisé de la manière suivante : 


Calice à 5 sépales, corolle le plus souvent à 5 péta- 
les, à onglet ordinairement jaune, muni à la base 
d'une fossette dépourvue d'écalle. Carpelles ridés trans- 
versalement. Fleurs blanches. Plantes aquatiques. 


Je passe aux espèces observées dans le département de 
la Dordogne. 


4. Ranuncuzus neneracEuUSs Linn. ( Batrachium hedera- 
ceum Fries ). 


R. hederaceus Godron, Essai, etc., p. 10. f. ce, — 
Koch. Syn. éd. 2. p. 12 et 1016. — Cosson et 
Germain, Flore de Paris, p. 9. ill. T. I. f. 1, 2. 


Tige rampante. Feuilles toutes uniformes , à 3 ou 5 lobes 
courts et entiers. Fleurs très-petites. Pétales dépassant à 
peine le calice. Carpelles rugueux , obtus, à bord supérieur 
légèrement flexueux, à bec inséré bien au-dessus de l'ex- 


( 142 ) 
trémité extérieure du grand diamètre. Réceptacle glabre. — 
Avril; Eté. Fossés humides ou peu profonds. 
Pont-Roux, Toutifaut, près Bergerac.— Virolles, près 
Ménestérol, canton de Montpont. 


2. R. rripartirus DC. (Batrachium tripartitum F. Schultz, 
Archives, p. 70 ). 
R. tripartitus « micranthus DC. — Godron, Essai, 
p.17. f. JE. d.— Coss. et Germ. F1. paris. p. 10. 
T.L.f. 7 et 8. — Boreau, Flore du Cent. 2 éd. 
p. 9. 


Tige nageante. Feuilles submergées capillaires-multifides ; 
les flottantes parsemées de quelques poils en-dessous, à 
trois lobes très-profonds en coin, dentés ou échancrés au 
sommet. Pétales oblongs , dépassant à peine le calice. Car- 
pelles rugueux, ovoïdes , arrondis, à bord supérieur con- 
vexe, à bec court quelquefois peu apparent, inséré au- 
dessus de l'extrémité extérieure du grand diamètre. Récep- 
tacle hispide. Fleurs petites.— Fossés. 

Marzat, près Ménestérol, canton de Montpont. — Gros- 
Jean, entre Perbouyer et Beaupouyet , près Mussidan ( M. 
Chastanet).— Forêt de St-Félix, près Lavernelle (M. Osc. 
de Laverneile ). 


3. R. aquariuis Lin. Sp. I. ( Batrachium aquatile Wimmer ). 


R. aquatilis & Lin.— Godron, Essai, etc. f. V, a. c. 
Koch. Syn. éd. 2. p. 15. — Coss. et Germ. F1. 
paris. T. IL f. 3.— Boreau. F1. cent. éd. 2. p 10. 


Tige nageante. Feuilles submergées capillaires-mulüifides ; 
pétiolées , à laciniures divariquées ; les flottantes réniformes, 
lobées. Stipules longüement adhérentes au pétiole , les su- 
périeures à oreillettes assez larges. Pédoncules de longueur 
variable , dépassant peu les feuilles, ou plus courts. Fleurs 


(118) 

grandes. Calice étalé. Pétales obovales, élargis, à onglet 
jaune , égalant environ trois fois la longueur des sépales. 
Carpelles rugueux, ordinairement parsemés de quelques 
poils, à bord supérieur convexe, portant à son extrémité 
un bec le plus souvent fort court. Réceptacle sphérique 
poilu. Fossés. Avril, Juin. 

Gardonne , près Bergerac. — Ménestérol, canton de 
Montpont, etc. 


4. R. rricaopayzLus Chaix. ( Batrachium trichophyllum ). 


R. trichophyllus Godron et Gren. F1. de France. T. I. 
p-. 25.— Boreau. F1. cent, 2 éd. p. 10. 

R. capillaceus Thuillier. 

R. paucistamineus Tausch.— Koch. Syn. éd. 2. p. 453. 

Batrachium paucistamineum F. Schuliz. Arch. 71. 


Tige rameuse, nageante. Feuilles toutes submergées, 
pétiolées , capillaires-multifides , à laciniures plus ou moins 
étalées. Stipules adhérentes au pétiole, à oreillettes peu sen- 
sibles dans les feuilles inférieures , très-prononcées dans les 
supérieures et formant souvent un angle plus aigu dans 
celles qui sont encore jeunes. Pédoncules courts, égalant 
à peu près la longueur des feuilles. Pétales étroits, obova- 
les, en coin, à onglet jaune, égalant deux fois environ la 
longueur des sépales étalés, les uns et les autres caducs. 
Étamines peu nombreuses ( 12 à 15), dépassant le capitule 
formé par les ovaires. Carpelles rugueux, hispides, sur- 
tout sur la carène, petits, à bec court, inséré sur le pro- 
longement du bord supérieur, qui est ordinairement droit 
ou un peu convexe. Réceptacle poilu, sphérique. Fleurs 
beaucoup plus petites que dans l'espèce précédente. — Mai, 
Juin, Août. — Fossés, fontaines, etc. 


Lembras , près Bergerac.— Ménestérol, canton de Mont- 
pont.— Cahors, fontaine des Chartreux. 


( 119 ) 
5. R. rLurrans Lamarck. ( Batrachium fluitans Wimmer ). 


R. fluitans Godron, Essai , etc. p. 56. f. VII. — Koch. 
Syn. éd. 2. p. 15.— Boreau, Fl.cent. p. 2. 


Tige nageante , de longueur variable , atteignant souvent 
plusieurs mètres de longueur. — Feuilles toutes multi- 
séquées , submergées, à lanières filiformes très-allongées , 
rapprochées, presque parallèles. Pétioles assez courts. Sti- 
pules adhérentes au pétiole, dépourvues d’oreillettes dans les 
feuilles inférieures et munies d’oreillettes assez larges dans 
les feuilles supérieures. Pédoncules, aussi bien que les 
feuilles, de longueur variable. Pétales ordinairement grands, 
largement obovales, à onglet jaune, égalant trois fois en- 
viron la longueur des sépales. Étamines ( 15 à 20 }, les 
unes égalant à peu près le capitule formé par les pistils, les 
autres plus courtes. Carpelles rugueux, glabres, comprimés, 
arrondis , à bord supérieur un peu convexe et à bec court, 
inséré bien au-dessus de l'extrémité extérieure du grand 
diamètre. Réceptacle sphérique, glabre.— Fleurs grandes. 

Juin, eaux courantes. 

Dans la Dordogne à Bergerac; dans l'Isle à Ménestérol. 

La forme terrestre à tige courte , très-feuillée, à feuilles 
ordinairement divisées en trois lanières allongées, termi- 
nées par trois ou quatre lobes élargis linéaires, croît assez 
fréquemment au bord de la Dordogne. M. Ch. Des Moulins 
m'en a donné un échantillon récolté au port de Lanquais. 
Je l'ai observée moi-même au dessous de Bergerac, un peu 
au dessus de l'endroit où on a construit, depuis lors, le 
barrage. Elle y était très-abondante ; un grand nombre d’in- 
dividus étaient en fleurs. Je l'ai observée aussi sur les 
bords de l'Isle près du bassin de l’écluse de Ménestérol. 

Quelquefois les feuilles supérieures deviennent flottan- 
tes, et alors leurs lanières se raccourcissent en s’élargissant. 


( 120 ) 
Parmi les échantillons qui présentaient cette dernière forme, 
j'en trouve un fort remarquable : il est muni de deux feuil- 
les longuement pétiolées , élargies et divisées en trois lobes 
peu profonds. Un peu au dessous , à un des nœuds , appa- 
raissent quelques radicelles à côté d’une feuille ordinaire. 


J'arrive maintenant à la circonstance qui m'a amené à 
faire ces études. 

Au printemps de l’année 1849, je rencontrai dans un 
fossé non loin de Ménestérol , une batracienne dont l'aspect 
extraordinaire me frappa. La forme de ses feuilles flottantes 
fixa surtout mon attention. Je fus tout étonné de leur 
remarquable beauté : elles rayonnaient à la surface de l'eau, 
décrivant un cercle à peu près complet. Le temps ne me 
permit pas de la soumettre à un examen approfondi; je 
me contentai d'en récolter quelques échantillons. 

Depuis lors , elle a reparu tous les ans, présentant cons- 
tamment les mêmes caractères. Après l'avoir mürement 
examinée à plusieurs reprises, j'ai acquis la conviction 
qu’elle était inédite. 

Ménestérol n’est pas la seule localité où elle croisse. 
M. Oscar de la Lavernelle, qui a bien voulu m'aider dans 
mes recherches et me prêter le secours de son crayon, l'a 
trouvée dans les environs de Bordeaux. Elle existe dans 
l'herbier de M. Adolphe de Barrau sous le nom de R. aqua- 
tilis, sans indication de localité. Elle aura sans doute été 
observée ailleurs ; mais on l’aura toujours prise pour une 
variété du À. aquatilis. 

La forme de ses feuilles rayonnantes à la surface de l'eau 
m'a porté à lui donner le nom de radians. 

Je vais essayer de la décrire. 


6. Ranuncuzus Rapians ; Batrachium radians Nob. 


Caule fistuloso ramoso natante. Folis submersis petio- 


( 121 ) 

latis multifidis, laciniis capillaribus divergentibus, flaccidis; 
fluitantibus rotundato-orbiculatis, profundè divisis , infernè 
pilosis, cum segmentis radiantibus, primüum dentato-lobatis, 
deindè , plant@ ætatem adultam adept&, laciniatis et tune 
plerumque petiolulatis. Petiolis basi dilatatis, in vaginam 
membranaceam pilosam adhærentem plus minus auriculatam 
abeuntibus. Pedunculis foliis brevioribus vel subæqualibus. 
Calice patente. Petalis obovato-cuneatis calice duplà circiter 
longioribus, albis, ad unguem flavis. Staminibus sub-18 
ovariorum capilulo longioribus. Carpellis numerosis trans- 
versé rugosis plus minus apice linfernè tanlum) hirtis, late- 
raliter compressis, obovatis, cum carind inferiore valdè 
convexæà , superiore verû basin versus depressiusculd , versus 
aultum rostellum convexû, rugis ad depressionem conver- 
gentibus; rostello mediocri, crasso, obliquè adscendente, 
paulà suprà extremilalem externam diametri longioris fruc- 
tüs inserlo. Receptaculo sphærico densè setoso. © — Maio, 
Junio. 

In aquis stagnantibus. 

Fossés au Barbaroux, près Ménestérol (Dordogne). Envi- 
rons de Bordeaux, près Mérignac. 

Tige fistuleuse, rameuse, nageante. Feuilles submergées 
pétiolées, multifides, à laciniures capillaires divergentes 
molles, les flottantes arrondies circulaires, profondément 
divisées, poilues en dessous, à segments rayonnants, d’abord 
dentés-lobés , ensuite, dès que la plante est arrivée à l’état 
adulte , laciniés, et dans cet état ordinairement pétiolulés. 
Pétioles dilatés à la base en une gaine membraneuse , adhé- 
rente, velue, plus ou moins auriculée. Pédoncules plus 
courts que les feuilles ou les égalant à peine. Calice étalé. 
Pétales obovales cunéiformes, égalant deux fois environ la 
longueur du calice, blancs à onglet jaune. Etamines ( 15 
à 18), plus longues que le capitule formé par les ovaires. 


( 122) 

Carpelles nombreux, ridés transversalement, plus ou moins 
velus au sommet en dessous, latéralement comprimés, 
obovales , à carène inférieure très-convexe, la supérieure 
un peu déprimée vers la base et convexe dans la partie qui 
avoisine le style; rides convergeant vers la dépression. 
Bec médiocre, épais, obliquement inséré un peu au-dessus 
de l'extrémité extérieure du grand diamètre. Réceptacle 
sphérique, hérissé de poils épais. @ Mai, Juin. Eaux sta- 
gnantes. 

Lorsqu'on observe de près la plante qui est destinée à 
constituer l'espèce nouvelle que je propose, on reconnait 
aisément qu’il est impossible de la confondre avec aucune 
de ses congénères. Elle diffère, 1.0 des R. hederaceus et 
Lenormandi par ses feuilles submergées capillaires-multifi- 
des; 2.0 des R. trichophyllus, Drouelii, divaricatus et 
fluitans, par ses feuilles flottantes; 3.° des À. Baudotii et 
confusus, par son réceptacle globuleux et ses pédoncules 
peu allongés ; 4.0 du R. tripartitus par ses fleurs grandes, 
à pétales égalant deux fois au moins la longueur des sépales ; 
5.0 du À. ololeucos par ses pétales à onglet jaune; 6. enfin 
du R. aquatilis par ses fleurs plus petites , à pétales obova- 
les, peu élargis, cunéiformes, égalant deux fois environ 
la longueur des sépales, par ses carpelles à bord supérieur 
légèrement déprimé vers la base et convexe dans la partie 
qui avoisine le style. 

La forme extraordinaire de ses feuilles flottantes décri- 
vant un cercle à peu près complet et divisé jusqu'à la côte 
en plusieurs lobes contigus et souvent pédicellés, l’eloignent 
singulièrement de toutes les espèces que je viens de nom- 
mer. La plante, à mesure qu'elle vieillit, perd de sa 
vigueur ; sa tête quitte la surface de l’eau et alors les feuilles 
supérieures se développent sous la forme des feuilles primi- 
tives et deviennent ainsi capillaires-multifides. 


Ranunculus radians (Nob) 


(195) 


EXPLICATION DE LA PLANCHE. 


Fic. 1.— Ranunculus radians Nob. 
a.— Extrémité d’une tige. 
b.— Carpelle vu de côté. 
c.— Carpelle vu de face. 
d.— Pétales. 
e.— Fleur. 
f:9;h, i.— Feuilles diverses. 
j.— Feuilles submergées. 
Fic. 2.— Servant à montrer les différences qui existent entre notre 
plante et les deux batraciennes les plus voisines. 
a.— Carpelle grossi du R. aquatilis Lin. 
( D'après M. Godron; vérifié sur le vivant ). 
b.— Carpelle grossi du R. divaricatus Schrank. 
( D’après des échantillons communiqués par M. Boreau ). 


c.— Feuille du R. aquatilis, forme pseudo-peltatus 
Godron. 
d.— Feuille du R. aquatilis, forme tripartilus Koch. 
( Ces deux derniers dessins, € et d, ont été empruntés à la 
Monographie de M. Godron, après avoir été vérifiés sur des 
échantillons de notre herbier }. 


Saint-Geniez d Olt ( Aveyron ) Août 1853. 
J.h REVEL, Prétre. 


= 


IX. Note sur la Digitale pourprée ( Digitalis pur- 
purea Lin. ), plante nouvelle pour la Flore de la 
Gironde, trouvée à Saint-Palais, canton de Saint- 
Ciers-la-Lalande , arrondissement de Blaye, le 25 
Juin 1853; par M. AuG. PEeTiT-LAFITTE, trésorier. 


Nos opérations agricoles nous ayant conduit à St-Ciers- 
la-Lande, le Samedi 25 Juin 1853, nous eûmes occasion, 
dès notre arrivée, de faire une promenade aux environs de 
ce chef-lieu de canton, en compagnie de M. Froin, Maire et 
membre du Conseil-Général, et de M. David, Juge-de-Paix. 


( 124 ) 

En nous avançant vers le Nord, afin de gagner quelques 
hauteurs d’où l’on peut apercevoir le magnifique dévelop- 
pement des marais de Saint-Simon et de la Gironde , nous 
entràmes dans la commune de Saint-Palais, qui dépend du 
canton de Saint-Ciers, mais qui touche le département de 
la Charente-Inférieure. En ce moment, M Froin, qui est 
en outre docteur en médecine , eut occasion de nous parler 
de botanique et de nous dire qu'on avait eu tort d'avancer 
que la Digitale pourprée ne croissait pas spontanément dans 
le département de la Gironde, ajoutant que cette plante 
était au contraire extrêmement abondante dans la commune 
où nous nous trouvions. 

Invité par nous à nous conduire sur les lieux particuliè- 
rement affectionnés par cette phanérogame, bientôt nous 
nous trouvâmes au milieu d’un taillis de chênes qu'empour- 
praient, sur toute sa surface, des milliers de pieds de Digi- 
tale. Nous aurions pu en cueillir la charge d'un tombereau : 
nous nous contentâ.nes d’en choisir quelques beaux échan- 
tillons que nous partageâmes avec nos affectionnés Directeur 
et Président et avec queïques autres collègues. 

Le taillis dont il s’agit est la propriété de M. D’Arliguies, 
Maire de Saint-Palais. La nature du sol qu'il occupe est du 
genre de celles que les agronomes qualifient de silicéo- 
argileuses. Toute la contrée d’ailleurs se rattache à ce type, 
ainsi que l'indique le nom de La Lande joint à celui du 
chef-lieu de canton. 

Nous devons ajouter que les deux personnes honorables 
qui nous accompagnaient, nous assurèrent que la Digitale 
pourprée se rencontrait sur bien d'autres points encore, 
tant de la commune de Saint-Palais que de celle de Saint- 
Ciers. 

Auc. PeriT-Laritre. 


Re 


(195 } 


X. Descriprion d'une nouvelle espèce de coquille ap- 


partenant au genre Cyrème, par le D. Louis 
PoyTEVIN-DESMARTIS père, titulaire. 


— 9 — 


Les coquilles sont des produits naturels tellement remar- 
quables, qu’elles ont toujours fixé l'attention des natura- 
listes ; mais on s’est borné pendant bien longtemps à n’en 
considérer que la forme et la ‘couleur, et elles ont été plutôt 
un objet de curiosité que d'étude réelle. Ce n’est qu'assez 
tard qu'on a pensé que l'animal qui les produisait était 
bien plus important à connaitre que son enveloppe ; et de 
là , une branche nouvelle d'histoire naturelle pour laquelle 
il a fallu créer un mot nouveau, la WMalacologie. 

L'étude des Mollusques a donc remplacé celle des coquil- 
les, et il est devenu indispensable de connaître les animaux 
pour les classer convenablement. La science s’est ainsi éten- 
due , et la Zoologie a vu s’agrandir le cercle de ses recher- 
ches et de ses observations. 

Toutefois , il reste beaucoup à faire encore sous ce rap- 
port, car si nous pouvons étudier les Mollusques qui habi- 
tent nos climats, si nous les avons sous la main, s’il nous 
est facile de les soumettre à nos dissections et à notre exa- 
men, il n’en est pas de même de ceux qui habitent des 
contrées éloignées où l’on n'aborde que rarement. Les 
naturalistes voyageurs peuvent seuls servir la science sous 
ce point de vue. Ils voient, en eflet, les animaux vivants et 
ils peuvent en observer l'organisation , les habitudes et les 
développements dans les lieux où la nature les à établis, et 
nous voyons avec plaisir que la France a sur les autres na- 
tions dans ce genre d'étude des avantages incontestables, 
car les travaux des Quoy, des Guaimard, des d'Orbigny, 


( 126 ) 
des Rang, et de tant d’autres malacologistes, nous ont 
placés en première ligne. 

Toutefois, les voyageurs sont loin d’avoir tout vu, et il 
restera longtemps encore des lacunes dans cette branche 
de l'histoire naturelle, sans compter les contradictions que 
l'on rencontre parfois entre les observations sur un même 
animal , faites par des auteurs différents. 

D'un autre côté, lorsqu'il nous arrive quelques-unes de 
ces coquilles équivoques dont les caractères ne sont pas bien 
tranchés comment, pourrons-nous les classer cenvenable- 
ment sans le secours des animaux que nous ne connaissons 
nullement ? 


Ce cas s’est présenté et se présentera encore bien sou- 
vent : on aura beau comparer avec ce qu'on connaît, il y 
aura toujours des doutes que l'examen des Mollusques 
vivants pourrait seul dissiper. Faut-il s'arrêter pour cela, 
et pe pas décrire une coquille que l’on croit être nouvelle ? 
Je suis loin de le penser, et c'est ce qui m'a porté à écrire 
quelques mots sur une bivalve qui ne ressemble à rien de 
ce que j'ai vu jusqu'ici. 

Elle vient des rivières de l'Amérique centrale , et elle me 
fut apportée par un capitaine de mes amis, à qui je suis 
redevable de plusieurs autres objets précieux qui figurent 
dans ma collection. 


Voici quels en sont les caractères : 


Coquille, équivalve, inéquilatérale, ovale, ventrue, 
arrondie en avant, pointue et comme rostrée en arriére. 
Lunule non marquée, corselet légèrement déprimé, sur- 
monté de chaque côté d'une carène qui part du bord du cro- 
chet et va se terminer à la pointe postérieure ; crochets bien 
marqués el faiblement inclinés en avant. Charnière à trois 
dents cardinales sur chaque valve, dont les deux de chaque 


( 127 ) 

côté sont décurrentes au sommel; deux dents latérales et 
pointues et élargies avec une fossette. Impressions musculai- 
res très-rapprochées du bord, les antérieures ovales, les 
postérieures arrondies, réunies par une impression palléale 
sans excavalion. Ligament légèrement extérieur et posté- 
rieur, court, peu saillant et proche des crochets. La coquille 
a un aspect corne; elle a intérieurement et surtout sous les 
crochets une teinte violacée, qui se fait remarquer en de- 
hors, où elle forme une espèce de carré près des carènes ; 
elle est unie mais les stries d'accroissement sont très-mar- 
quées, surtout près des crochets. 


Tous ces caractères m'ont porté à la considérer comme 
une Cyrène, à laquelle j'ai cru devoir donner le nom de 
CYRÈNE ROSTRÉE, CYRENA ROSTRATA. 

Peut-être forme-t-elle un genre nouveau, car l'espèce de 
bec qui la termine, ainsi que les dents cardinales, l’éloi- 
gnent des Cyclades . tandis que d’un autre côté elle s’en 
rapproche par les dents latérales, ainsi que par sa consis- 
tance et la nature de son test qui ne permettent guère de 
la faire entrer dans les Cyrènes. Cependant, ses caractères 
sont plus en faveur de ce dernier genre. Il faudrait plu- 
sieurs individus pour pouvoir les comparer et suivre les 
variations qu'ils pourraient éprouver. Malheureusement, je 
n'en ai qu'un seul, mais il m'a paru assez remarquable 
pour que j'aie jugé convenable d’en faire l’objet d'un petit 
travail spécial que je compléterai si j'ai le bonheur de ren- 
contrer d'autres échantillons. 

Nous sommes heureux de pouvoir nous appuyer sur 
l'opinion de M. Cuming qui, ayant examiné dernièrement 
cette coquille, a déclaré qu'elle est réellement nouvelle. 


Bordeaux , Septembre 1853. 


L. P.-Desmarnis père, D.-W. 


(128 


XL. NOTE PROVISOIRE sur quelques additions cryptoga- 


miques à la Flore Bordelaise.. 


Le savant danois Nylander étant venu l'an dernier à 
Paris, a rappelé sur la belle famille des Lichens dont il 
prépare une classification nouvelle , l'attention depuis long- 
temps fort endormie des botanistes français. 

Notre honorable collègue M. Durieu de Maisonneuve a 
reconnu à Bordeaux , depuis son arrivée ( 1° Août 1852), 
quelques-unes des espèces signalées à Paris par M. Nylander, 
En attendant des détails descriptifs et synonymiques , voici 
les noms de ces petites mais remarquables plantes : 

Endocarpon incrustans Nylander , ( Arlac). 

Lenormandia Jungermanniæ Nyl. ( Gazinet ). 

Phlyctis agelæa Fries, (Carbonnieux, Vayres ). 

Lecidea lutosa Floerke , ( Gradignan ). 

Quelques autres cryptogames ont été également le pro- 
duit des dernières excursions de plusieurs d’entre nous. 

Je citerai seulement : 

Triphragmium ulmariæ ( Gradignan ). 

Diderma irregulare ( Gradignan ). 

Elaphomyces granulatus Tulasne (Gradignan }; c’est le 
seul champignon hypogé qui, sauf les espèces du genre 
Truffe , ait été récolté dans nos environs. 


11 Novembre 1855. 


CuHarzes Des Mouzins. 


30 Octobre 1853. 


(129) 
XII. Précis des Travaux de la Société pendant l'année 
académique 18523 ; par M. le docteur Eugène 


LAFARGUE, Secrétaire-général. 


Messieurs, 


Le 25 Juin 1818, la Société Linnéenne de Bordeaux pre- 
nait naissance à l'ombre d’un saule et près d’un ruisseau 
qui serpente dans la plaine d’Arlac. Dix ans plus tard, une 
ordonnance royale donnait à cette Société une existence lé- 
gale et reconnaissait ainsi les services qu’avaient déjà rendus 
cette réunion de jeunes naturalistes. 

Crescam (je croîtrai), telle est la devise qui stimulait ar- 
demment cette compagnie naissante et qui nous anime tous 
encore ; car en tête du diplôme que la Société délivre au 
membre élu, est gravé en gros caractères, ce mot puissam- 
ment instigateur, Crescam. 

La ruche, peuplée d'abeilles, recueillant le pollen des 
fleurs qui l'entourent et qui forme le sceau de votre Société, 
n'est-elle pas là aussi, Messieurs, pour activer votre ardeur 
dans l’étude des sciences naturelles, étude éminemment sé- 
duisante qui calme les passions du jeune âge, toujours pré- 
tes à éclater , et éloigne la tristesse et l'ennui, trop souvent 
l'apanage de la vieillesse. 

Vos nombreux travaux pendant l’année qui vient de s’écou- 
ler, prouvent que vous avez été fidèles aux maximes fonda- 
mentales de la Société. 

Veuillez donc me permettre, Messieurs, puisque par vos 
suffrages, vous m'avez accordé l'insigne honneur d'être votre 
secrétaire-général , de parcourir avec vous tout ce que vous 
avez fait cette année d’intéressant pour la science et d’utile 
pour vos concitoyens. 

Tome XIX. 11 


(150 ) 

Les végétaux, ces êtres’organisés, qui vivent si nombreux 
et si variés au milieu de nous et à qui nous devons en partie 
nos vêtements, notre nourriture , nos habitations et nos mé- 
dicaments, sont toujours l'objet de toute votre attention. 

La Botanique, c'est la science de prédilection de votre 
vénérable directeur ; c'est lui qui a répandu, dans la Gironde, 
le goût si attrayant de l'étude des plantes. 

Il vous a souvent entretenu des judicieuses observations 
qu'il avait faites dans ses nombreuses excursions. 

Il vous a annoncé deux découvertes importantes pour la 
Flore du département, l’Anemone ranunculoides et le Vero- 
nica triphyllos, plantes recueillies en Avril dernier, par 
M. Maillard, pasteur à La-Mothes Saint-Heray (Deux-Sèvres), 
en herborisant à Sainte-Foy ( Gironde ). 

Votre même collègue vous a aussi signalé que M. Testas, 
ancien pharmacien à Bordeaux, avait trouvé deux crypto- 
games nouvelles pour la Flore : le Sphæria acericola de 
Duby et l'Uredo suaveolens de Personne. 

M. Petit-Lafitte a trouvé en abondance le Digitalis pur- 
purea dans les bois de M. d’Arléguy, commune de Saint- 
Palais, arrondissement de Blaye. 

La derniére édition de la Flore Bordelaise n’indiquait ce 
végétal que comme cultivé dans le département de la Gi- 
ronde et par conséquent comme un ornement des jardins ; 
mais le port de la plante trouvée à Saint-Palais , avec 
l'intensité des couleurs de sa corolle, donnent la certitude 
qu’elle croit spontanément dans cette commune. 

M. le docteur Cuigneau a publié dans vos Actes, de très- 
intéressantes considérations sur la projection des opercules 
du Pilobolus crystallinus. 

Votre correspondant, M. J. Gay, vous a adressé un mé- 
moire sur la station minéralogique du châtaignier, et vous 
vous êtes empressés de l'admettre dans vos publications, 


(131) 
ainsi qu'une note de M. Mauduyt sur une racine de Bryone 
{ Bryonia dioica) qui avait atteint 2" 37e de longueur. 

C'est aussi avec bonheur que vous avez inséré dans vos 
Actes quelques fragments de Botanique critique qui vous 
ont été envoyés par votre correspondant, M. Chaubard. 

Votre honorable président, M. Charles Des Moulins et 
M. Lespinasse, vous ont aussi présenté de très-intéressantes 
recherches sur différents sujets qu'embrasse l'étude du rè- 
gne végétal. : 

M. Philippe, votre correspondant à Bagnères, vous a fait 
parvenir une note sur le Panicum digitaria, plante origi- 
naire d'Amérique, qu'il a uouvée en abondance en 1851, 
sur les bords du Gave , près de Lourdes. 

Vous devez vous rappeler, Messieurs, qu'au mois de Sep- 
tembre 1824, votre honorable Président trouva à La Bas- 
tide , cette graminée, à laquelle votre directeur donna le 
nom qu'elle porte encore aujourd’hui. 

M. l'abbé Revel, un de vos plus actifs correspondants de 
la Dordogne, vous a lu un mémoire dans une de vos séan- 
ces du mois d'Août dernier, sur une nouvelle espèce de Re- 
noncule, à laquelle il a donné le nom de Ranunculus 
radians. 

Ce travail consciencieux de M. Revel sera publié dans 
votre prochain cahier des Actes. 

M. Petit-Lafitte fils vous a communiqué une note sur le 
Protococcus roseus, cryptogame nouvelle pour la Gironde, 
qu'il avait trouvée dans les caves de Château-Lafitte, 

Votre zélé correspondant, M: Louis de Brondeau, vous a 
donné là description exacte, avec planche de l'Agaricus 
cepæstipes, qui a d’abord été observé en Angleterre, par 
Sowerby et qui a été retrouvé à Bordeaux, croissant sur la 
tannée des serres, et sous l'influence d’une température 
factice. 


(132) 

Enfin, notre collègue, M. le comte de Kercado, vous a 
fait apprécier une très-jolie et très-variée collection d'œillets, 
(Dianthus barbatus) qu’il a obtenue par le semis de graines, 
provenant seulement de deux pieds de variétés différentes. 

Je dois ajouter encore que, dans une excursion faite le 
7 Août dernier par MM. Ch. Des Moulins , Cazenavette, de 
Kercado, Lespinasse, Cuigneau et Lafargue, sur le beau 
domaine de Carbonnieux, appartenant à notre collègue et 
savant viticulteur, M. Bouchereau, l’on recueillit cinq plantes 
nouvelles pour la Flore Bordelaise. 

Une phanérogame, Lythrum Græfferi et quatre crypto- 
games , Phlyctis ageiæa ; — Dadalwa sepiaria ; — Erysi- 
phe pannosa et un Arthonia non encore déterminé. 

L'agriculture, cette science appliquée de l'étude des plan- 
tes, est aussi très-souvent le sujet de vos conférences. 

M. Petit-Lafitte vous a entretenu des observations que ses 
fonctions spéciales de professeur d'agriculture, chargé de 
l'inspection agricole du département , le mettent à même de 
faire. Ainsi, il vous a parlé des céréales et des prairies na- 
turelles de cette année, ebles a étudiées suivant les diffé- 
rents terrains qui les nourrissent. L 

Il a constaté, par exemple, que les froments et les seigles 
étaient plus beaux sur des terres élevées, sèches et sablon- 
neuses que dans des terrains bas et humides. 

Il vous a aussi fait part de la dégénérescence de certains 
cépages dans quelques localités de la Gironde, notamment à 
Gensac, arrondissement de Libourne , où le sauvignon, le 
muscat, la muscadelle, le semellion , le fumat et le langue. 
docien , ne donnent plus aux propriétaires que des produits 
incertains. 

La Société Linnéenne s’est aussi préoccupée des affreux 
ravages qu'occasionnaient les limacons et les limaces sur les 
vignobles de nos contrées, et a acqnis la certitude que les 


(135) 
petites espèces d'Hélices, variabilis, Carthusianella, pi- 
sana, etc., etc., étaient celles qui portaient le plus grand 
préjudice, surtout dans les terrains calcaires. 


Vous avez aussi observé que ces mollusques épargnaient 
en général les feuilles du chasselas. 

Un insecte connu valgairement sous le nom de Barbot, 
et que les naturalistes désignent sous celui d’Altise, { Altisa 
oleracea) a attiré particulièrement votre attention. 

Déjà, en 1851, cet insecte fut observé dans quelques 
communes du Médoc, principalement à Saint-Laurent, 
Listrac, Saint-Julien, etc., etc., l'année suivante, il reparut 
encore dans les mêmes localités ; mais cette année, il a telle- 
ment envahi ces mêmes vignobles, que les propriétaires en 
ont été effrayés. 

L'Altise, en effet, se nourrit presque exclusivement de 
feuilles de vigne ; aussi, lorsque le bourgeon commence à 
s'épanouir, cet insecte est là, prêt à dévorer tout l'espoir 
qu’en attend avec impatience le viticulteur. 

Vous avez recherché quels étaient les moyens qu'on pour- 
rait employer pour parvenir à sa destruction et après avoir 
passé en revue le coltar, l'huile et le goudron, vous vous 
êtes arrêtés au procédé de M. Cazalis-Allut, comme celui 
qui vous paraissait le mieux réussir. Il consiste dans la 
construction, au milieu des vignes , de sorte de repaires où 
l’Altise, en automne, se réfugie, et où l'on peut facilement 
la détruire. 

Ajoutons, cependant, qu'à côté du mal on trouve heu- 
reusement le remède ; ainsi, l'Altise a pour ennemi un hé- 
miptère, la punaise bleue, qui la recherche et la dévore dans 
tous ses élats de transformation. 

Pdaise à Dieu que cet insecte soit un aide puissant aux pro- 
priétaires , pour détruire celui qui occassionne tant de mal 


( 134 ) 
sur les vignes privilégiées de Bordeaux, qui ont fait autre- 
fois la grandeur et la prospérité de notre ville. : 


M. Laporte, dans votre séance du 16 Mars, vous a pré- 
senté un intéréssant rapport sur un cep de vigne que M. le 
comte de Monbadon avait envoyé à la Société, de sa pro- 
priété du Poitou. 


Ce cep de vigne présentait des tumeurs sillonnées inté- 
rieurement en tous sens par de petits conduits où logeaient 
des larves à poils longs et arqués que M. Laporte à décrites 
avec le plus grand soin. 


L'existence de cette larve, à une époque de l'année si peu 
avancée, vous a paru être un fait très-remarquable, et votre 
rapporteur qui a saisi cette occasion pour vons faire con- 
naître quels étaient les insectes des différents ordres ento- 


mologiques qui vivent aux dépens des diverses parties de la 


vigne, à demandé que l’objet étudié par lui, fût immédiate- 
ment envoyé à votre savant collègue, M. Léon Dufour, qui 
s'est empressé, comme toujours, de vous faire parvenir le 
résultat de ses intéressantes recherches. Malheureusement, 
il n’a pu rencontrer les larves qui excitaient à un si haut 
degré sa curiosité ; seulement, il eut l'indicible satisfaction 
d'assister à l’évolution et à la métamorphose définitive d'une 
chrysalide en un diptère ailé du nom de Campylomysa atra. 


Nos deux collègues affirment, du reste, que ces excrois- 
sances n'intéressent que l'écorce seule du vègétal, et que les 
insectes qu'on y a constatés n’en sont seulement que les 
locataires. 


Mais puisque en ce moment nous jetons un rapide coup- 
d'œil sur ces êtres les plus nombreux des classes de la z00- 
logie , les insectes , permettez-moi de vous dire que votre 
collègue M. Gassies a attiré votre attention sur un petit 
insecte de l’ordre des termites , ( fourmi blanche ) dont le 


En Poe 


ua; ET 


( 135 ) 
corps est déprimé et la tête arrondie , ebqui a entièrement 
dévasté un des plus beaux hôtels de notre ville, en dévorant 
en tous sens les poutres et les solivaux qui entrent dans la 
construction de ce bâtiment. Les métaux et les pierres ont 
seuls résisté à leurs mâchoires destructives. 

Le célèbre Linné regardait, avec raison, ces insectes 
comme le plus grand fléau des deux Indes. Là, ils percent 
et dévastent les bâtiments en bois, les meubles et les étoffes 
et les réduisent pour ainsi dire en poudre. 

M. Laporte, au sujet d’un rapport sur une petite brochure 
de M. Fléchet, de Lyon, qui attribue la maladie de la vigne 
( Oidium Tuckeri) à un acarus, et dont le rapporteur com- 
bat les opinions, se demande si c'est bien un acarus que 
M. Fléchet a observé sur les vignes, et après avoir passé en 
revue la famille des arachnides, il aborde la classe des hémip- 
tères où il croit trouver l'insecte qui, tout en dédaignant les 
vignobles ordinaires, occasionne quelque mal aux vignes en 
treilles : c'est le Coccus vitis, qui ne saurait, du reste, être 
la cause directe ni indirecte de la maladie de la vigne 
( Oidium Tucheri ). 

La Société Linnéenne, préoccupée du mal que peuvent 
occasionner les insectes sur les végétaux, a nommé cette 
année une Commission spéciale chargée d'étudier les insec- 
tes nuisibles à l’agriculture. 

MM. Laterrade père, Ch. Des Moulins, Lafargue, Laporte, 
de Kercado et Tél. Desmartis, composent cette commission 
et vous présenteront un rapport étendu sur leurs travaux. 

Enfin, Messieurs , ne passons pas sous silence, un cata- 
logue descriptif des arbres fruitiers et d'ornement que 
M. Leroy, d'Angers, vous a envoyé et sur lequel M. Ch. 
Laterrade vous a présenté un rapport. 

Ce catalogue, dit M. le rapporteur, doit être considéré 
comme un véritable mémoire digne de fixer l'attention de 
tous les hommes de science, car M. Leroy ne se contente pas 


( 156 ) 

de donner la classification pure et simple des arbres fruitiers 
et forestiers, mais il remonte à la source primitive de leurs 
noms, et en donne une synonymie très-intéressante; trava 
immense auquel s’est livré M. Leroy, et pour lequel, suivant 
les vœux exprimés par votre rapporteur, vous avez accordé 
à l'habile horticulteur d'Angers, une récompense que vous 
serez heureux de lui décerner dans un instant” Je 

A propos d’un guide pratique des éleveurs de sangsues que 
M. Louis Vayson a publié cette année à Bordeaux, M. Fis- 
cher vous a présenté un travail sur les réservoirs à sangsues 
établis dans les marais autrefois improductifs de Bruges, 
de Parempuyre et de Blanquefort. 

Suivant votre décision, l’opuseule de M. Paul Fischer a 
été publié dans l’Ami des Champs. 

La question d'élever des sangsues, pour ainsi dire, aux 
portes d’un grand centre de population, comme celui de no- 
tre ville , est à mes yeux excessivement grave. 

Le Conseil de salubrité l’a d’ailleurs bien senti lorsque , 
dans sa sagesse, il a compris ces foyers d'infection dans 
les établissements insalubres de première classe, et qu'il a 
demandé la suppression de l'alimentation des annélides par 
les grands mammifères. | 

Mais, revenons au compte-rendu de vos travaux, car ce 
sujet, plein d'actualité et très-important par l'avenir et la 
santé de notre population , s'éloigne du cercle des questions 
scientifiques que vous traitez habituellement. 

Il existe encore aujourdhui, mais beaucoup moins qu'au- 
trefois, des amateurs distingués, qui forment de riches col- 
lections de coquilles, pour en jouir comme objet de délasse- 
ment et de simple curiosité. ” 

Ces collections sont habituellement composées de sujets 
d'un beau volume, de formes élégantes ou singulières et or- 
nées de couleurs éclatantes. On a même quelquefois la 


(137) 
cruauté, pardonnez-moi l'expression, dans le but de rendre 
ces coquilles plus uniformes et plus belles, de leur enlever 
des tubercules, des stries ou des écailles ; caractères qui ser- 
vent très-souvent à la’'classification de ces êtres aussi noni- 
breux par leurs formés, que variés dans leurs couleurs. 

Je n'ai pas besoin de vous dire, Messieurs, que les collec- 
tions conchyliologiques de la Société Linnéenne ne produisent 
- pas ainsi une stérile admiration. ? 

Les procès-verbaux de vos séances générales sont d’abord 
là pour l’attester, et ensuite, les mémoires spéciaux de cer- 
tains membres prouvent que l'intérêt que vous inspire 
l'étude des coquilles, ne réside pas seulement dans leurs 
formes , dans leur éclat et dans leurs couleurs , mais bien 
aussi dans la connaissance des rapports qui lient les co- 
quilles aux animaux qu’elles renferment, dans l'étude anato- 
mique et physiologique de ces êtres vivants et dans les re- 
cherches chimiques sur leurs enveloppes solides. 

M. Cazenavette vous a présenté le résultat de ses intéres- 
santes expériences par l'acide nitrique, légèrement étendu 
d’eau, sur les coquilles de jeunes Dolium perdix. 

Votre jeune et studieux membre auditeur, M. Paul Fis- 
cher, vous à entretenu des phénomènes curieux qui accom- 
pagnent l'immersion des mollusques terrestres. M. Fischer 
a d'abord expérimenté sur les Ambrettes, puis il a suivi la 
série de ses observations sur les Hélices, les Bulimes, les 
Cyclostomes et les Lirhaces. 

Le même membre vous a aussi fait part de quelques ré- 
flexions sur la formation des épiphragmes chez certains mol- 
lusques, lorsque, dans les saisons rigoureuses, ces êtres sen- 
tent le besoin de se renfermer complètement dans leur 
coquille. 

M. le baron de Trenqueléon vous a envoyé de Laverdac 
‘(Lot-et-Garonne ) un riche tableau des coquilles fossiles qu'il 


( 138 ) 
a recueillies dans les faluns de Baudignan, département des 
Landes et sur les limites du Lot-et-Garonne. 

Ce falun, de 60 à 80 cent. d'épaisseur, est situé entre 
deux ravins, formés par le ruisseau du Cabère, entre l’église 
et le château de Baudignan. À 

Votre correspondant y a trouvé des Tellines, des Peignes, 
des Vénus, des Pyrules, des Casques et quelques coquilles 
nouvelles que M. de* Trenqueléon déterminera après une 
nouvelle visite au château .de Baudignan. 

Vous poursuivez toujours le catalogue des mollusques ter- 
restres et fluviatiles de la Gironde, que votre président a, le 
premier, entrepris depuis déjà bien longtemps. 

M. Gassies l’a enrichi cette année de quelques coquilles 
nouvelles; je vous citerai les Anodonta Moulinsiana, 
(Dupuy), Cellensis (Rosmusker ), Gratelupeana (Gassies), 
et piscinalis , etles Pisidium (rassiesianum (Dupuy), Hens- 
lowianum |Jenyns) et cinereum. 

M. P. Fischer vous en aussi cité plusieurs espèces ; ainsi, 
le Vitrina sabglobosa, le Bulimus ventricosus, le Paludina 
brevis et plusieurs autres que vous trouverez à la fin du 
XVIIIe volume de vos Actes. 

Le devoir d’une Société savante ne consiste pas seule- 
ment dans l’étude pure et simple des objets renfermés dans 
le cadre de sa spécialité, mais bien dans l'application que 
l'on peut faire de l’objet étudié, et plus encore quelquefois, 
dans la recherche des causes qui président à la formation 
ou à la destruction de l'être sujet de son examen. Car, ce 
qui est une beauté pour le naturaliste, est bien souvent une 
laideur monstrueuse pour le vulgaire. 

Il y a quelques années, dans une pareille solennité, et 
comme aujourd’hui, devant un auditoire nombreux et choisi, 
je vous parlai d’une plante | Oidium aurantiacum ) dont la 
belle couleur orangée fascinait l'œil du naturaliste; et ce— 


Wie se 


h 


( 139 ) 
pendant ce champignon était une véritable calamité pour 
une de nos communes voisines (La Bastide) ; car le pain fa 
briqué dans cette localité, se couvrait, après quelques heures, 
d’une moisissure orangée qui forçait à le donner aux ani- 
maux domestiques. 

Ce n'est pas sans éprouver une bien pénible émotion, 
Messieurs, que je viens de prononcer le mot Oidium; et 
cette émotion, vous la ressentez comme moi, car c’est vous 
qui avez sondé la profondeur du mal que ce parasite a oc- 
casionné dans la Gironde. 

L'an dernier, lorsque ce fléah désorganisateur ( Oïdium 
Tuckeri ) eut atteint quelques portions de nos vignobles, la 
Société Linnéenne, encore vivement préoccupée de l’altéra- 
tion si malheureuse des pommes de terre, et effrayée des 
ravages que pourrait déterminer, sur nos vignobles, ce 
champignon désastreux, nomma immédiatement une Com 
mission pour le suivre et l’étudier dans tous les points du 
département où il apparaitrait. 

M. Ch. Laterrade, qui avait déjà observé, en Suisse, cette 
maladie de la vigne, vous a présenté, au nom de cette Com- 
mission, un excellent rapport que vous avez répandu en 
France et à l'étranger, autant que vos ressources le per- 
mettaient. 

L'autorité départementale vous en a remercié et M. le 
Ministre de l’agriculture et du commerce vous a fait l'hon- 
neur de vous en demander plusieurs exemplaires ; vous vous 
êtes empressés de répondre à cette demande. 

A peine la vigne montrait les premiers indices d'un tra- 
vail de végétation, que vous avez nommé, cette année, une 
Commission, prise exclusivement dans le sein de la Société, 
pour continuer l’œuvre qu'avait si bien commencée celle de 
l'année précédente. 

Jusqu'à la fin de Juillet, la Société Linnéenne n'avait heu- 


( 140 ) 

reusement observé la maladie de la vigne que dans quel- 
ques rares localités, mais à cette époque, alors que des cha- 
leurs excessives avaient succédé à de longues pluies , l’oi- 
dium apparut dans l’espace de quelques jours, dans tous les 
points du département, avec une telle intensité que vous en 
fütes effrayés pour le sort qui était réservé aux propriétaires 
viticoles. 

M. le Préfet, dans sa vive sollicitude pour les intérêts du 
département qu'il venait d’être appelé à administrer , et en 
face d’un mal aussi grave pour l'avenir commercial et in- 
dustriel de la Gironde, demanda alors un rapport à la So- 
ciété Linnéenne sur les investigations et les études qu'elle 
avait faites au sujet du fléau qui menaçait ainsi d’engloutir 
nos contrées vinicoles et vous encouragea puissamment à 
continuer vos recherches, en vous transmettant tous les do- 
cuments qui pouvaient servir de guide dans ce labyrinthe 
pathologique où les bizarreries et les contrastes se prêtent 
merveilleusement aux conjectures les plus diverses. 

Que M. le Préfet reçoive ici nos remerciments bien sin- 
cères d’avoir donné uue fois de plus à la Société Linnéenne 
l'occasion de montrer son dévoûment par tout ce qui inté- 
resse nos populations agricoles. 

L'autorité ne frappera jamais en vain à la porte de la So- 
ciété Linnéenne lorsqu'elle lui demandera ses études et ses 
veilles pour les vrais intérêts de ses concitoyens. 

Les progrès du mal furent si rapides et si généralement 
désastreux, que votre Commission dut se rendre à toutes les 
invitations qui lui furent faites pour observer sur plusieurs 
points du département, le développement progressif de la 
maladie et pour constater la valeur curative ou non, de cer- 
tains remèdes que chacun cherchait à opposer à son enva- 
hissement 

Mais, je m’arrète ; M. Cuigneau, secrétaire-rédacteur de 


. (141 ) 
la Commission, présentera, dans une de vos prochaines as- 
semblées générales, le rapport étendu et détaillé de ses tra- 
vaux, depuis sa formation jusqu’au jour (7 Octobre) où M. le 
Préfet sur les vœux émis par le Conseil général, nomma 
une Commission départementale spécialement chargée de 
rechercher les causes et d'étudier la marche de la maladie. 

Vous avez vu avec plaisir que presque tous les membres 
qui composaient votre ancienne Commission, ont été ap- 
pelés, par M. le Préfet, à faire partie de la Commission 
centrale. 

C’est peut-être avoir abusé de vos moments, Messieurs, 
que d’avoir si longuement esquissé vos principaux travaux 
de l'année ; aussi ne ferai-je pas passer ‘sous vos yeux les inté- 
ressantes relations qué vous avez entretenues avec les com- 
pagnies savantes de France et de l'étranger, et auxquelles 
vous envoyez régulièrement vos Actes en échange de leurs 
publications scientifiques. 

Cependant, permettez-moi d'ajouter quelques lignes à ce 
que j'ai pu dire sur les faits d'histoire naturelle qui vous 
ont été transmis par vos correspondants. 

L'an dernier , à pareil jour, le Secrétaire général à qui 
j'ai l'honneur de succéder et que vous avez nommé vice- 
président, vous signalait les découvertes importantes en 
_ossements fossiles,‘ qu'avait faites près de Bagnères-de- 
Bigorre, votre correspondant, M. Philippe ; cette année, c’est 
le Berger des Eaux-Bonnes, c’est Pierrine-Gaston Sacaze , 
que vous avez admis au nombre de vos collègues, dans votre 
dernière solennité d'hiver, qui vient vous faire part de la 
découverte à Rébénac {Basses-Pyrénées )}, d'un sombre 
souterrain où le naturaliste peut étudier les débris variés des 
êtres organisés que les roches ont protégés contre les in- 
jures du temps. 

Cette grotte, que Gaston Sacaze a parcourue dans ses 200 


(122) | 
mètres de longueur , présente des prolongements ténébreux 
dont il est impossible de calculer ou de deviner même la 
profondeur et l'étendue. 

La description et le dessin des divers ossements quê votre 
correspondant y a recueillis et que vous attendez avec im- 
patience, formeront d’intéressantes pages dans vos publi- 
cations. 

En 1850, une Commission prise dans votre sein, examina 
une remarquable collection d'œufs , appartenant à diverses 
espèces d'oiseaux d'Europe, que possédait M. Mayrand, alors 
lieutenant d'armement au 54.° de ligne en garnison à Bor- 
deaux. 

Le rapporteur de cette Commission, après avoir signalé 
cette collection comme une des plus complètes et des plus 
intéressantes par l’arrangement, la faicheur et l'intégrité 
des œufs, terminait ainsi son rapport : 

« M. Mayrand, dont nous ne saurions trop apprécier la 
modestie, s’est livré à des recherches et à des études qui 
témoignent de son zèle EG le progrès de la science orni- 
thologique ». 

Le zèle si ardent qui animait ainsi ce naturaliste en 1850, 
et qui l'avait conduit à posséder une collection rare et pré- 
cieuse, grandit les années suivantes, car 5,000 œufs enri- 
chissent aujourd'hui les vitrines du capitaine Mayrand , en 
garnison à Mascara. 

La Société Linnéenne sera trop heureuse de décerner, 
dans cette séance solennelle, une médaille d'argent grand 
module et le titre de membre honoraire à l'officier qui sait 
si bien lier le courage du soldat à l'amour des sciences na- 


turelles. 
Votre Compagnie a augmenté, cette année, le nombre de 


ses membres correspondants ; ainsi, il a délivré des diplô- 
mes d'association à MM. Ludomir Combes, pharmacien à 


(145 ) 
Fumel { Lot-et-Garonne) ; à M. Henry Drouct, naturaliste à 
Troyes (Aube); à M Auguste Lejolis, archiviste de la Société 
des Sciences naturelles de Cherbourg ; à M. Aucapitaine, 
naturaliste, à Paris, et à M. Marc Arnaud, avocat et natu- 
raliste, à Saintes. | 

Vous avez accordé le titre de membre honoraire à M. l'abbé 
de Langalerie et vous avez ainsi récompensé le zèle que ce 
réspectable ecclésiastique apportait à vos séances, avant 
d'être chargé de la cure d’une des paroisses de Bordeaux 
(Saint-Loüis).Enfin, Messieurs, nous devons à l'administration 
municipale, et nous la remercions bien sincèrement, de la pré. 
sence , parmi nous, de M. Durieu de Maisonneuve, que la 
ville vient de nommer professeur et directeur-adjoint du 
Jardin des Plantes. 

M. Durieu de Maisonneuve a repris le titre de membre 
titulaire de la Société, que son éloignement de Bordeaux lui 
avait fait laisser pour prendre celui d’associé correspondant. 

Enfin, exprimons publiquement notre reconnaissance aux 
diverses autorités de la ville et en particulier à M. le Préfet, 
et à MM. les membres du Conseil général et du Conseil mu- 
nicipal , pour le constant et bienveiliant appui qu’ils veulent 
bien nous donner. 

Permettez-moi, Messieurs, avant de terminer cette lecture 
déjà trop longue peut-être, de vous dire quelques mots, mais 
quelques mots seulement sur votre fête d'Eté. 

Saint-Emilion, petite ville bâtie au VII: siècle, fut le lieu 
choisi pour sa célébration. 

Je ne vous rappellerai pas ici, Messieurs , le souvenir des 
monuments gothiques que vous ne pouviez vous lasser d’ad- 
mirer, car la Société Linnéenne ne s’occupe exclusivement 
que d'histoire naturelle. Rien donc-sur l'antique hermitage 
de saint Emilion, creusé dans le roc, à 7 mètres au-des 
sous du sol, rien sur ce superbe temple monolithe, taillé dans 


d / 
( 144 


l'épaisseur des rochers, rien encore sur les ruines du Palais 
Cardinal ; passons enfin sans dire mot à côté de l’église, de 
ses cloîtres et du clocher, dont la flèche élevée se perd dans 
les nues, et après avoir franchi les remparts semi-écroulés , 
rendons-nous au château de Bel-Air, où M. le baron de 
Marignan, en son absence, fit recevoir la Société Linnéenne 
avec un si cordial accueil par M. Felloneau, curé de la 
paroisse. 

Après avoir parcouru en tous sens, pendant quatre heu- 
res consécutives, les communes de Saint-Emilion et de Saint- 
Laurent, la Société tint sa séance devant le chàteau de 
Bel-Air, où assistaient MM. Fellonneau, curé, Cuvelier, 
vicaire, l'abbé Lussat, curé de Blagnac, et M. Paquerée, vo- 
tre correspondant à Castillon, qui n'avait pas craint les ar- 
deurs brülantés du soleil pour se joindre à vous et prendre 
part à vos travaux.” 

On entendit successivement les lectures de MM. Laterrade 
père, Tél. Desmartis, Cazenavette, Dumoulin, Desmartis 
père, Gassies et Fischer, sûr différents sujets des sciences 
paturelles ; puis M. Laporte présenta le rapport entomolo- 
gique de l’exeursion du jour ; MM. Ch. Des Moulins et Cui- 
gneau celui des plantes phanérogames et cryptogames , 
qu'on avait recueillies. M. Petit-Lafitte fit le résumé 
agricole que ses observations lui avaient fournies ; et enfin 
M. Paquerée soumit à la réunion un intéressant rapport géo- 
logique sur un remarquable dépôt de grosses hüûitres trouvées 
dans Ja propriété de M. de Marignan, et dont le gisement 
réside sur la molasse et au-dessous du calcaire à Astéries. 

La Société Linnéenne rentrait dans notre ville à neuf 
heures du soir, emportant avec elle le fruit do ses recher- 
ches et les souvenirs de tout ce que renferme de curieux la 
ville de Saint-Emilion. 

Ici, devrait finir ma tâche, Messieurs, si la Société Lin- 


2 


( 145 
néenne n'avait pas à déposer l'expression de sa plus nro- 
fonde douleur sur la tombe d’un collègue dont vous aimiez 
le caractère, dont vous avez apprécié les qualités du cœur 
et de l'esprit, et qui vous a été ravi cette année, encore 
jeune, et au milieu de la cordiale sympathie que lui vouaient 
tous ceux qui l'avaient connu. 

Que pourrais-je vous apprendre sur Henry Burguet ? vous 
connaissiez, tout comme moi, son amour pour les sciences 
naturelles , sa bienveillante amitié et la bonté de son cœur, 
et je vous rappelle seulement que, pendant bien des années, 
secrétaire du Conseil , secrétaire-général et vice-président, 
il justifia la haute confiance que la Société lui avait donnée. 

H: Burguet emporte donc, avec lui, les regrets de vous 
tous, qui fütes ses collègues et ses amis bien dévoués. 


—— KES te — 


XIII. Notice sur les Termites de la Charente-Infé- 
rieure; par M. BOorriNET père | de St-Savinien ). 


Nota.— Dans sa séance publique du 4 Novembre 1853, la Société 
Linnéenne a décerné une médaille de bronze, grand module, à 
l'auteur de ce Mémoire, dont elle a voté l'impression dans ses Actes. 


Je donne ici le résultat de six années de recherches, d'au- 
tant plus pénibles que je suis malheureusement étranger à 
l'entomologie. 

J'avais pour but unique de trouver le moyen de préser- 
ver nos habitations des ravages d'un fléau éminemment re- 
doutable. J'ai manqué ce but ; cependant, il me reste l’es- 
pérance que si les savants veulent bien suppléer à mon in- 
suffisance, mon ignorante investigation ne sera pas corn- 
plètement stérile. 

Tome XIX. 12 


(146 ) 


$ Le. —DE L'APPARITION DES TERMITES DANS CE 
DÉPARTEMENT. 


Il y a environ 60 ans que les premiers Termites ont été 
aperçus dans le port militaire de Rochefort. D'où venaient- 
ils ? L'opinion commune , mais sans base certaine, est qu’ils 
se trouvèrent dans la démolition d’un navire qui avait fait 
un long séjour dans l'Amérique méridionale. Ce qu'il y a 
de certain, c’est que, en peu d'années, ils passèrent du 
port dans la ville, de la ville ans ses faubourgs ; puis, suc- 
cessivement, à Tonnay-Charente, Soubise, les iles d’Aix 
et de Ré, Saint-Savinien, Taillebourg, La Rochelle, et 
mème dans quelques communes rurales. 


$ IL. — DESCRIPTION DE L'INSECTE. 


D'après ce qu'il m'a été possible de découvrir , une société 
de nos Termites se compose : 

1.° De reines ou mères, presque blanches ou d’un roux 
pâle. Longueur 8 à 10 millimètres; sans corselet, sans 
ailes; tête ronde , relativement petite, et paraissant inof- 
fensive ; volume du corps à peu près triple de celui de l’in- 
secte ailé. 

2,0 De neutres ou travailleurs d'un blanc sale ; longs de 
6 millimètres en maximum, mais de toute taille inférieure 
et cela dans toutes les saisons ; corps déprimé, mollasse ; 
abdomen plissé en anneaux, sans pointes à son extrémité 
et tellement diaphane, qu'on distingue la couleur des ali- 
ments qu'il contient. 

Les adultes, parmi ces neutres, présentent une différence 
qui mérite qu'on la note : les uns, et c’est le plus grand 
nombre, ont la tête ronde, blanche et armée de fortes 
mandibules en forme de mâchoires d’étau; d’autres, au 


(147) 
contraire , ont la tête oblongue , de couleur fauve ou ferru- 
gineuse, garnie à son extrémité. de deux cornes brunes 
dans le genre de celles du Cerf-volant, saillantes de deux 
millimètres , terminées par deux crochets aigus, s'ouvrant 


et se fermant en pince. 
Ces derniers sont un peu plus robustes que les premiers. 


3.° D'individus ailés. Longueur 6 millimètres; ailes trans- 
parentes , légèrement enfumées , doublant cette longueur ; 
faibles filets noirâtres autour de ces ailes ; corps noir, bril- 
lant, NON PUBESCENT ; corselet demi-circulaire vers la nais- 
sance des ailes ; tête ronde et noire, antennes d’un brun 
clair dans toute leur longueur ( qui est de 2 millimètres en- 
viron) et composées de 15 articles égaux; cuisses presque 
noires , articulations inférieures roux pâle, de même que 
les mandibules. 


Les antennes des mères et des neutres ne diffèrent de 
celles des ailés qu’en ce qu’elles sont blanches ou presque 
blanches. 


M. Latreille prétend que le Termes de Rochefort est le 
lucifugum ; cependant celui que je viens de décrire à l’aide 
de la loupe, diffère du lucifugum, tel du moins que M. 
Emile Blanchard le signale, par divers traits. D’après ce 
dernier naturaliste , le lucifugum a le corps légèrement pu- 
bescent , les antennes noires, le corselet en carré élargi, 
les jambes roussâtres avec leur base noire. Rien de tout 
cela ne se rapporte aux nombreux individus que j'ai exami- 
nés ; seulement , ils fuient avec soin la lumière. Et si je les 
compare à l’obscurum, au morio, au flavicolle, je trouve 
encore moins d’analogie. Aurions-nous donc une espèce qui 
aurait échappé aux entomologistes ? ou le changement de 
climat aurait-il produit quelques modifications ? 


Je livre ces questions à la science. 


{ 148) 
$ LIL. — pes MŒURS DES TERMITES. 


1.0 Des reines ou mères. 


On réparait une maison où les Termites avaient fait un 
ravage extraordinaire. Pensant que je pourrais acquérir là 
quelques notions nouvelles, je suivis attentivement les dé- 
molitions : mon assiduité fut récompensée. Le déplacement 
d’une solive mit à jour plusieurs neutres très-petits, d’où 
j'augurai qu'une nichée ne devait pas être éloignée. Je fis 
scier, en conséquence de celte idée, la solive en tronçons 
de 55 centimètres de long , et, armé d’une hachette , je la 
fendis en minces parcelles ; plus j’avançais dans ce travail, 
plus les larves étaient abondantes. Enfin, au centre de l'un 
des cubes, je découvris sept mères, peu distantes les unes 
des autres. Deux d’entr’elles me parurent occupées à pon- 
dre ; deux autres avaient le ventre très-volumineux, et les 
trois dernières me parurent avoir complété leur ponte. C’é- 
tait dans les premiers jours de Juin. 

Les œufs que je trouvai là étaient en tas séparés et égaux 
en grosseur à la moitié d’un pois. Ces œufs étaient blancs 
et pour ainsi dire microscopiques , ressemblant à du sucre 
ràpé le plus fin possible, entourés de petits insectes blancs 
aussi, en nombre inconcevable. Examinés à la loupe, je 
reconnus que ces derniers jouissaient des mêmes organes 
que les neutres adultes : en effet, ils marchaient comme eux 
et avaient exactement les mêmes formes. 
© J'avais auparavant découvert quelques ailés dans des ga- 
leries, mais il n’y en avait point auprès des mères. 

Encouragé par le succès de cette première exploration, 
je recueillis les mères et bon nombre de larves que je dé- 
posai dans de la térébenthine rectifiée, pour les transmettre 
à la Société des sciences naturelles de La Rochelle. 


2.0 Des insectes ailes. 


Les ailes, comme les bourdons des abeilles, me parais- 
sent vivre en parasites. Je les crois , ainsi que les mères, 
nourries par les neutres, et , comme je ne les ai jamais vus 
au travail, je suis disposé à penser que, comme les bour- 
dons encore, ils n’ont d’autre mission que de féconder les 
reines. 

Les naturalistes assimilant les Termes aux Formiciens , 
sans doute, prétendent que quand ils sont parvenus à l’état 
parfait , ils s’envolent le ‘soir ou la nuit, et que c’est en ce 
moment qu'a lieu l’accouplement. On va voir que, pour les 
nôtres du moins, il est impossible qu'il en soit ainsi. En effet, 
l'énormité relative des mères, l'absence d'ailes, de corse- 
let et leur couleur différente , loin de confirmer cette hypo- 
thèse, semblent prouver au contraire que les femelles, 
comme les reines des abeilles, sont des êtres à part. D’ail- 
leurs , la caducité bien constatée des ailes de l’insecte par- 
fait exclut absolument l’idée d’accouplements en l'air; et puis, 
sice moyen de migration existait chez les Termites, leur 
propagation n'aurait aucune borne, tandis que je suis fondé 
à penser qu'ils ne s'étendent que de proche en proche , et 
n'arrivent dans une localité, que quand on transporte une 
mère dans un meuble ou dans une pièce de bois. J'ai l'ex- 
périence que le déplacement des neutres est sans danger ; 
j'ai souvent envoyé à la campagne du fumier qui en con- 
tenait des millions et, par ce déplacement seul, je les ai 
toujours vu périr en peu de jours. 

Dans le mois de Mai, ou au commencement de Juin et 
entre midi et deux heures, on voit , tous les deux ou trois 
ans, un nombre considérable d’ailés sortir d'un ou deux 
petits trous, ouverts exprès, et cela toujours auprès des 
cheminées, des fours ou des forges. Ils manifestent dans 


( 150 ) 

cet acte un tel empressement, que je crois qu'ils cèdent à la 
violence , idée d’ailleurs corroborée par la perte des ailes 
de plusieurs individus avant leur sortie. Ceux qui conser- 
vent leurs ailes, après en avoir fait un faible usage, les per- 
dent bientôt, et dans ce nouvel état, ils ne cherchent ja- 
mais à rentrer dans les trous d’où ils sont sortis. Ils se ca- 
chent dans les plus petits réduits, où ils meurent sans 
doute , car le lendemain on en trouve plusieurs sans vie. 

Il ne peut y avoir là de moyen de propagation. Ce qu'on 
doit penser c’est que, devenus trop nombreux, il s'opère 
une réforme dans la colonie. Cependant, les essaims pério- 
diques ne m'ont jamais paru excéder un millier d'individus. 
J'en ai observé huit à dix, car mes voisins m'avertissaient 
quand il s’en rencontrait chez eux. Au surplus, malgré 
cette expulsion , il reste toujours dans la Termilière quel- 
ques ailés. 

5.0 Des neutres. 

Les travailleurs ou neutres, du point occupé par les 
mères, poussent des chemins couverts, qui se ramifient in- 
cessamment; tantôt dans les planchers, les solives et 
les lambris , tantôt dans le plâtre, tantôt dans les murs ou 
sur les murs, tantôt enfin dans la terre. Dans tout cela, 
rien d’apparent, sauf quelquefois des tubes soudés aux 
pierres qui ne peuvent être forées. 

Ces tubes, qui les cachent à la lumière qu'ils évitent 
toujours avec un soin extrême, n’ont que l'ouverture né- 
cessaire au passage de deux individus marchant en sens in- 
verse. Ils sont durs et solides et je suis fondé à croire qu'ils 
sont formés de leurs excréments, cimentés par la liqueur 
corrosive qu'ils distillent par l'anus ; ce qu'il y a de très- 
certain , c’est que, contrairement aux autres insectes xylo- 
phages , ils ne laissent dans l’intérieur d’une planche dé- 
vorée , par exemple , aucun débris. 


( 151 ) 

Les travailleurs , dans toutes leurs entreprises, sont tou- 
jours accompagnés des individus à cornes dont j'ai parlé, et 
qui semblent préposés à leur défense contre l'attaque de 
quelques autres insectes. J'ai vu une fois, à l'extrémité d’un 
tube en construction, plusieurs fourmis mortes, dont quei- 
ques-unes coupées en deux, ce que j'ai naturellement at- 
tribué aux surveillants, qu’on nomme ici : soldats. 

J'ai constaté dans mes nombreuses recherches que, de la 
Termilière, toujours comme je l'ai dit le plus près pos- 
sible des lieux où on fait souvent du feu , les travailleurs se 
répandaient dans toutes les directions et sans qu'aucun obs- 
tacle les arrêtât, jusqu’à la distance de 40 mètres ; ce que 
J'ai plusieurs vérifié dans les jardins qu’ils dévastaient : au- 
delà de 40 mètres des habitations, j'ai toujours perdu leur 
trace. 

On voit , d’après cela , que la maison voisine , bien qu'elle 
ne contienne point de nichée, peut être néanmoins grave- 
ment attaquée, et c'est ce qui a souvent lieu. 

Je viens de dire que je ne pense pas que les ailes et les : 
neutres aient la faculté de créer une nouvelle termilière. Je 
ne puis étayer cette opinion de preuves positives ; mais elle 
me semble dériver de ce fait certain : c’est qu'il n’y a point 
de ville dans la Charente-Inférieure , que les Termites aient 
infestée complètement : ils respectent toujours quelques quar- 
tiers ; ce qui certes n'aurait pas lieu si les neutres et les 
ailés suffisaient à leur propagation. Par exemple , ils déso_ 
lent depuis 40 ans la moitié Sud de la petite ville de St- 
Savinien, qui borde la Charente et on n’en a point encore 
découvert dans la partie Nord. Cependant on ne peut leur 
assigner de limites positives : toutes leurs manœuvres étant 
occultes , il est souvent arrivé qu'on en avait chez soi de- 
puis plusieurs années sans qu’on s’en doutät le moins du 
monde. Il n’y a qu'un signe extérieur, et que j'ai été long- 


( 152 ) 
temps à découvrir, qui puisse éclairer à cet égard : c'est 
l'effet du sel fondu, en temps humide, sur les planches atta- 
quées. La liqueur qu’ils sécrètent pour ramollir les bois, 
produit identiquement l'effet du sel sur le bois. 

Il semble résulter de ces faits que, comme les Formi- 
ciens, une nichée des Termites dont il s’agit, se composerait 
de mâles, de femelles et de neutres; mais avec cette diffé- 
rence qui, je crois, a échappé aux naturalistes, que les 
larves, comme les poussins et les perdreaux , agissent en 
sortant de l’œuf; c'est-à-dire ne passent pas à l'état de 
nymphes ; que les femelles , dont le nombre paraît d’ailleurs 
très-borné, n’ont ni les ailes, ni la structure, ni la cou- 
leur des mâles, et que la fécondation ne peut ainsi avoir lieu 
que dans l'intérieur de la Termilière, ce qui se rapproche- 
rait davantage des mœurs des abeilles. 

Je dois pourtant convenir que je n’ai pu me fixer que sur 
la reproduction des neutres, et que ce qui se passe pour 
les mères et les ailés, m'est tout-à-fait inconnu. 


$ IV.— PARTICULARITÉS SUR LES NEUTRES. 


S'occuper de la destruction des neutres , c’est véritable- 
ment perdre son temps. Je connais quelques maisons où, 
par divers pièges, on en prend des millions, sans qu'on 
puisse remarquer de diminution dans leur nombre. Je me 
suis personellement convaincu de cette désolante vérité, et 
Yoici comment : 

Dans les premiers jours de Février 18453, ayant remar- 
gué sur la cheminée de ma salle à manger un commence- 
ment de tube, je plaçai au-dessus une moitié de pomme 
pour les attirer et essayer de les compter. Trois à quatre 
heures après , avant de lever la pomme, je fis chauffer une 
pelle de manière à les griller en les secouant dedans. J'en 
comptai de la sorte 5 à 600. Ce moyen de destruction répété 


(153) 
trois fois par jour et durant un mois, en renouvelant de 
temps en temps l’appât, je ne pus arriver à aucune dimi- 
nution. Je me lassai. 

Un pharmacien de Rochefort inventa un poison liquide, 
qu'il nomma Zermitifuge ; il vendit bon nombre de bouteil- 
les de sa préparation ; mais lui seul en tira quelque fruit. 

On a eu l'idée d'employer de l’eau arséniquée, dont on 
humectait le bois employé dans les nouvelles constructions ; 
mais sans plus de succès. 

L'eau bouillante jetée à grands flots sur les points atta- 
qués, n’a point empêché les Termites de reprendre pres- 
que immédiatement leur travail. 

L’acide sulfurique délayé dans de l’eau et l'essence de 
térébenthine les délogent, mais on n’y gagne rien : ils por- 
tent un peu plus loin leurs ravages. 

J'avais depuis longtemps remarqué que le bois d’acacia 
était le seul préservé de la morsure d'insectes parasites ; 
pensant qu'il pourrait être aussi respecté par les Termites, 
je fis faire, pour m'en assurer et dans le but aussi d'étudier 
ces terribles ennemis, une boîte en acacia , à double com- 
partiment et hermétiquement fermée par un vitrage. J'y in- 
troduisis 1000 à 1200 neutres et une dixaine d’ailés. Je 
leur donnai pour les nourrir des pommes, de la farine et du 
bois de peuplier. Mes prisonniers, dans les deux premiers 
jours, dédaignèrent les aliments; ils ne parurent occupés 
que des moyens d'évasion. Ils parcoururent d’abord leur 
prison en tout sens et sans ordre ; puis, je les vis se former 
en file, les plus forts en tête, et tourner ainsi autour des 
deux compartiments, puis, arrivés à l’un des angles, point 
sans doute convenu pour l’attaque , chacun d'eux, formant 
un temps d'arrêt, frappait à deux ou trois reprises, de sa 
partie postérieure le même endroit, puis continuait sa mar- 
che circulaire , pour recommencer de nouveau à son tour. 


(154) 

Je cherchais à me rendre compte de cette étrange manœu- 
vre, quand je remarquai que les mêmes points s’humec- 
taient de plus en plus. J'en conclus que le liquide sécrété 
avait pour objet le ramollissement du bois. En effet , je vis 
là, peu d'instants après, les dents en action. Mais, bientôt 
rebutés, soit par le goût de l’acacia, soit par sa dureté, 
renonçant à leur entreprise, ils se cachèrent dans ce que 
j'avais déposé pour leur nourriture. Les ailés restèrent 
étrangers aux tentatives des neutres, mais ils les suivirent 
dans leur refuge. Chaque fois que je cessais d'observer, je les 
préservais de la lumière , en couvrant le vitrage. Je les gar- 
dai ainsi durant quatre mois, en renouvelaut de temps en 
temps leurs provisions ; mais , ne découvrant rien de nou- 
veau, je cessai de les nourrir , et, à la fin du cinquième 
mois, je reconnus qu'ils s'étaient entre-dévorés. Un seul 
vivait encore , mais il remuait à peine. 

Je trouvais cette expérience curieuse et intéressante, bien 
qu’elle ne m'apprit rien d'utile, sinon que l’acacia résistait 
à la dent de ces omnivores , ou que j'avais cru tels jusque- 
là : ce que je confirmai par le moyen suivant. 

Je déposai dans la terre, auprès de ma maison, dans 
Automne, du tan en fermentation, dans lequel j'enfouis 
des planchettes de tous nos bois indigènes, alternant avec 
l'acacia. J'avais d’ailleurs l'espoir d’attirer là une nichée ; 
mais en explorant mon dépôt au mois de Mai suivant, je 
n'y trouvai que des myriades de travailleurs occupés à dé- 
vorer les bois de toute nature, l’acacia excepté (1). 

Ne trouvant rien d’efficace contre ce véritable fléau , je 
voulus au moins savoir si nous pourrions espérer que quel- 


(1) Je dois convenir que lorsque l’acacia est ce que les ouvriers 
nomment échauffé, c’est-à-dire, voisin de la pourriture, les Ter- 
miles l’altaquent, 


(155) 
que influence atmosphérique fût capable de nous en débar- 
rasser. À cet effet, j'exposai, dans un pot, une centaine de 
neutres à un froid de 4°. En les visitant le lendemain, je 
les trouvai sans mouvement ; mais les ayant approchés du 
feu , ils reprirent leur vigueur ordinaire. Je répétai mon ex- 
périence et il fallut 7e pour les tuer. 

Or, comme ils ne s’exposent jamais à un tel froid, on n’a 
rien à attendre même de l'hiver le plus rigoureux. Mais, bien 
qu'ils évitent les rayons solaires , leur faculté de résister à 
la chaleur est inouie. On va en juger : un boulanger de mon 
voisinage, qui pensait détruire à la fois une immense quan- 
tité de neutres, en sortant son pain du four, y jeta plusieurs 
planches de démolition qui en contenaient des masses, puis 
il ferma son four jusqu’au lendemain ; en retirant les plan- 
ches , presque réduites en charbon, il les jeta dans la rue. 
Je passais dans ce moment devant chez lui; il m'invita à as- 
sister à son examen des planches , et, à notre extrême sur- 
prise, en les brisant, nous trouvâmes les Termites pleins 
de vie. IL arriva la même chose, quelque temps après, à la 
suite de l'incendie d’une maison qui en était infestée. Malgré 
que le bois soit mauvais conducteur du calorique , je doute 
qu'aucun autre animal puisse subir de telles épreuves sans 
périr (4). 

L'instinct des Termites est aussi extraordinaire que leur 
nombre , dont il est impossible de se faire une idée. Un sac 
d'avoine placé, debout, au milieu d'un grenier dont le 
plancher en sapin était neuf, fut trouvé , dans l’espace d’un 
mois , dévoré à sa base et contenant plus d’un litre de Ter- 


(1) Je me plais à annoncer que dans ce moment, Oclobre 1853, 
les Termites font infiniment moins de mal dans les villes de Ro- 
chefort et Tonnay-Charente, les premières envahies ; y aura-1-il 
recrudescente ou disparition complète ? Je ne sais. 


( 156 } 

mites : cest chez moi que le fait eut lieu. En cherchant à 
m'en rendre compte, je reconnus que partis de l’un des 
murs , les Termites s'étaient introduits uniquement dans la 
planche sur laquelle le sac reposait et que , arrivés au mi- 
lieu du sac, et non au-delà , ils avaient fait un petit trou à 
l'aide duquel ils s'étaient introduits dans l’avoine. La plan- 
che avait été perforée sur trois mètres de longueur. 

J'avais des pommes sur deux étagères d’un fruitier qui 
avait cinq rangs de planches’; les deux seules planches occu- 
pées par les pommes, recurent les Termites et furent per- 
cées presque sous chaque pomme. 

Qui règle leur point de départ? Qui détermine la distance 
qu'ils doivent parcourir, pour ne percer le bois que préci- 
sément sous l’objet qu'ils veulent atteindre ? Il y a vraiment 
Jà un mystère. diabolique, et je doute qu'aucun ingénieur, 
voulant donner du jour à une mine en perçant de bas en 
haut pût , malgré ses calculs, arriver exactement sous un 
piquet de la largeur d’une pomme placé d'avance à l'exté- 
rieur. Quand les Termites veulent descendre d’un plafond, 
ou d’un premier étage dans le second , un tube , souvent au 
milieu de la pièce d’où ils veulent descendre, s'ils ne sont 
pas dérangés, vient se souder au plancher inférieur dans 
lequel ils entrent. Ces tubes, qui n'existent qu'à l'extérieur, 
s'allongent, d’après ce que j'ai vu plusieurs fois, de 8 à 
40 centimètres par 24 heures. Un habitant de Saintes, qui 
avait appris que je m'occupais des Termites , m'écrivit pour 
me demander s’il était vrai, comme on le lui avait dit, que 
le bruit les chassait : je lui répondis en lui apprenant que 
l'enclume d’un forgeron de Saint-Savinien, incessamment 
frappée , s'était affaissée sur le billot qui la soutenait, dévoré 
entièrement ; une partie des coupables furent écrasés sous 
son poids. 

Au surplus , il n’y a point de méfaits dont ne soient ca- 


(AS \) 

pables ces misérables insectes, dont on est souvent plusieurs 
années sans soupçouner les sourdes manœuvres. À Roche- 
fort, par exemple, dans un hôtel où on ne les avait pas 
encore aperçus, une douzaine de pensionnaires, pendant. 
leur déjeüner , furent soudainement précipités de la salle à 
manger dans la cave ; il n'y eut heureusement que quelques 
contusions et des habits tachés : les solives étaient minées. 
Quelquefoisæc’est la toiture tout entière qui s’abat; J'ai 
vu cet évènement à Saint-Savinien, et il s’est répété à Ton- 
nay-Charente, m'a-t-on dit. Dans les maisons infestées , on 
est obligé de renouveler les planches de pin, surtout, tous 
les huit à dix ans. On ne se fait pas d'idée des pertes occa- 
sionnées par les Termites dans les magasins de la marine, 
à Rochefort. 

Ils ont dévoré et en quelque sorte pétrifié une partie des 
archives de la Préfecture, à La Rochelle ; on n’a pu conser- 
ver le reste que dans des boites de zinc. 

Ils corrompent les farines chez les boulangers et les 
céréales dans les magasins du commerce : ils vident les 
pièces à vin et à huile; débouchent les bouteilles, même 
cachetées ; ils désolent les épiciers chez lesquels ils mangent 
jusqu'au poivre ; ils dévorent les livres des bibliothèques , le 
linge dans les armoires , détruisent les légumes, les arbus- 
tes et les arbres des jardins ; enfin dans tous les lieux qu'ils 
envahissent, ils déprécient les maisons de 40 à 50 pour cent. 

Les pertes qu’ils ont fait faire et les dépenses en répara- 
tion qu'ils ont occasionnées dans ce département, ne se 
solderaient pas sans doute, jasqu'ici, par vingt millions ! 

Il y a là un bien important suiet d'émulation pour les 
savants naturalistes on chimistes. 

Quant à moi, je confesse que mon ignorance en entomo- 
logie ne m'a permis d'aller plus loin. Heureux qui pourra 
combattre efficacement cet étrange et désastreux fléau ! 


BorriNET père. 


(158) 


XIV. Faune Icntyologique du département de la 
Gironde, par Ernest Laporte fils, Écrivain de 
la Marine, Membre correspondant de la Société Lin- 
néenne de Bordeaux. 


20 


Bordeaux , 20 Août 1853. 


A S. E. M. Tuéonore DUCOS, 


MINISTRE DE LA MARINE ET DES COLONIES. 


MONSIEUR LE MINISTRE, 


L'intérêt que vous témoignez à la Marine en géné- 
ral, et au département de la Gironde en particulier, à 
fait naître en moi l’idée de payer une bien faible partie 
de la dette que nous contractons tous envers vous, en 
vous priant de vouloir bien accepter la dédicace d’un 
ouvrage d'histoire naturelle maritime en quelque sorte, 
à la confection duquel , j'ai consacré tout le temps que 
mon service me laissait de libre. 

Ce qui m'a enhardi, Monsieur le Ministre, à oser 
vous adresser une pareille demande, a été l'accueil fa- 
vorable avec lequel la Société Linnéenne a accepté ce 
fruit de mes travaux et le vote unanime fait par cette 
Académie de son impression à ses frais. 

Certes, mon ambition est grande, et le manuscrit que 
M. le comte de Kercado veut bien se charger de vous 
remettre est bien peu de chose, si je ne me figurais 
que votre bienveillance pour tous, ne s’étendrait jus 
qu'à moi et bien heureux je serais, Monsieur le Mi- 
nistre, si vous daignez accepter la dédicace de ma 
Faune Ichtyologique de la Gironde. 


J'ai l'honneur d’être, avec le plus profond respect, 
MonwsIEuR LE MINISTRE, 
Votre très-humble et très-obéissant serviteur, 
E. LAPORTE, 


Écrivain de la Marine Impériale , Membre correspondant de la 
Société Linnéenne de Bordeaux, 


MINISTÈRE DE LA MARINE. 


Cabinet du Ministre. 
“sd ——— 
Paris, le 8 Septembre 1853. 
Monsieur , 


J'ai reçu avec la lettre que vous m'avez fait l'honneur 
de m'adresser , le manuscrit de l'ouvrage d'histoire na- 
turelle maritime que vous avez l'intention de publier. 

Je vous remercie beaucoup d'avoir bien voulu me 
communiquer cet intéressant travail; je l'ai lu avec 
un grand intérêt. J'accepte avec plaisir sa dédicace. 

Agréez, Monsieur, l'assurance de ma considéra- 
tion distinguée : 

Le Ministre Secrétaire:d' État de la Marine 
et des Colonies, 


Signé : Takonore DUCOS. 


RP — 


INTRODUCTION. 


ms 


L'accueil bienveillant que la Société Linnéenne de Bor- 
deaux , a daigné faire à la Faune entomologique de la Gi- 
ronde, dont mon père et moi sommes les auteurs et qui 
est publiée dans les Actes de la Société, m'a fait penser à 
utiliser au service des sciences naturelles, les six années 
que j'ai passées à La Teste, dans le Commissariat de la 
Marine, en ce port, et à m'acquitter de mes obligations de 
membre correspondant de la Société Linnéenne de Bor- 
deaux , en lui présentant la Faune Ichtyologique de notre 
département , aussi complète que possible. 

J'ai été puissamment secondé dans ce travail par les 
braves marins du littoral d'Arcachon et de l'embouchure de 


( 160 ) 
la Gironde, qui semblaient se faire un devoir de me sou- 
mettre exactement , non-seulement les espèces de poissons 
marchandes , mais encore celles beaucoup moins connues 
qui ne sont d'aucun usage. 

Je remercie infiniment aussi M. Bourgoing -Lagrange, 
notaire à-Mios, pour les renseignements qu'il m'a fournis 
sur les poissons qui se prennent dans la rivière La Leyre 
et dans les marais de nos landes. 

Mon collègue Chanlou, écrivain de la Marine, à Li- 
bourne , m'a secondé autant qu'il a élé en son pouvoir de 
le faire et je lui en suis fort reconnaissant. 

M. Pinson, syndic de la station des pilotes du bas de la 
rivière, M. le syndic des gens de mer, Marchez, les gardes 
maritimes, Barbouteau et Bourdieu, etc., m'ont fournis 
des notes aussi nombreuses que détaillées sur les poissons 
qui se prennent dans notre rivière , dans celle de la Dordo- 
gne, de l'Ile, jalles, esteys, marais et viviers du dépar- 
tement , et je les en remercie bien sincèrement. | 

Les quantités de poissons qui se consomment dans notre 
département sont considérables et forment une des princi- 
pales branches de l’approvisionnement de notre ville ; aussi, 
les études ichtyologiques offrent pour notre département, le 
double attrait de l’utile et de l’agréable. 

Pour donner une idée de la quantité de poissons consom- 
mée dans la Gironde, j'ai, à l’aide de M. Buisson , chef de 
division au Bureau de l'octroi de Bordeaux, pu former une 
moyenne de ceux entrés dans notre ville ; et, à l’aide des 
renseignements puisés sur les lieux mêmes de la pêche, j'ai 
pu arriver à un chiffre approximatif, il est vrai, mais qui 
s'approche tellement de la vérité, qu'il peut passer pour offi- 
ciel, de la quantité consommée dans le pays même et dans 
les communes environnantes. 

Je crois qu'il est utile, afin de faire comprendre le ta- 


( 161 ) 

tableau ci-après, de donner un extrait du réglement des 
octrois pour la ville de Bordeaux, qui détermine ja classifi- 
cation du poisson en fin et commun, le voici : 

« Sont considérés comme poissons fins : les A/oses, An- 
» quilles, Barbeaux , Barbues, Brêmes, Brochets, Brignes, 
» Carpes, Carrelets, Congres, Dorades, Esturgeons ou 
» Créacs, Ecrevisses, Flottants, Grondins, Homards, 
» Lamproies, Limandes, Maïigres, Maquereaux, Mules, 
» Morues fraîches, Perches, Royans, Rougets, Tocquards, 
» Roses, Rousseltes, Sardons, Saumons, Soles fines et 
» Brusques, Tanches, Truites, Turbillons et Turbots ; Gou- 
» jons, Trogues, Merlus, Merlans, Aiguilles et la Raie 
» de toute espèce. 

» Sont considérés comme poissons communs : les Gats 
» et Gattes, la Cheniile, le Chien de mer, le Grapeau, 
» le Martrame, le Pousteau, le Trouilh et le Rat ». 


POISSONS SARDINES 


fraîches. 
FINS. COMMUNS. DE MER. (Au nombre ). 


120,827 38,373 861,135 12,947,140 
101,973 49,263 1,090,085 16,913,180 
93,619 1,234,363 | 11,432,180 


518,421k | 133,854k | 3,205,585k | 41,312,500 
Moyenne des poissons entrés à Bordeaux. 


406,140k | 44,611 | 1,068,527%x | 13,770,855." 


Ainsi, d’après le tableau ci-dessus, il résulte qu'ilentre en 
moyenne à Bordeaux, par an, tant en poissons fins, que 
communs , 1.214,271 kil. et 13,770,987 sardines. 

Toe XIX. 43 


(162) 

Maintenant et pour arriver à la quantité totale des pois- 
sons consommés dans le département , l’état ci-après indi* 
quant les quantités qui m'ont été fournies par les arma- 
teurs de pêche et par les pêcheurs eux-mêmes, fait connai- 
tre la consommation de poissons faite tant à La Teste qu'à 
l'embouchure de la Gironde et autres lieux. 


POISSONS SARDINES 
ANNÉES RER fraiches. 
FINS. COMMUNS. DE MER. (Au nombre). 
1848 20,158 | 7,666 145,525 2,157,857 
1849 16,996 8,210 181,680 2,818,865 
1850 15,937 6,429 209,060 1,908,775 
ToTaL...| 53,071 22,505 554,263 6,885,495 


Moyenne de poissons consommés dans les autres communes 
du département à l'exception de Bordeaux. 


17,690% 7,435 178,087 2,995,164. 


En réunissant les moyennes de ces deux tableaux , nous 
arrivons à avoir le résultat suivant, qui indique la quantité 
de poissons qui, par an , sert à la consommation de notre 
département. 
Entré en moyenne , par an, à Bordeaux 
tant en poissons fins que communs. 1,214,271 kil * 
Consommés dans le département (Bor- * 
deaux excepté ) tant en poissons fins que 


COMMUNS. LUE, 203,212 


1,417,485 kil. 


SARDINES FRAICHES. ( Au nombre). 
13,770,987 


“Consommation totale du département. . 


Bordeaux? EME EE 


Le reste du département, . 


Total. . 


2,295,164 
. 16,066,51 


( 165 ) 

On voit aisément par la récapitulation ci-dessus, combien 
notre département est riche en quantités de poissons; il l’est 
autant sous le rapport de la variété des espèces. Ainsi, le 
département de la Gironde possède en espèces, par, moi 
connues , Jusqu'à ce jour : 


Poissons de mer... 84. 
Poissons de mer et de rivière  S. 
Poissons de rivière. . . . . 95. 


ToraL. . . 117 espèces. 


Rien n’est plus aride que les chiffres, mais aussi rien 
n'est plus vrai, et il est inutile après des résultats pareils, 
de nier les richesses ichtyologiques de notre département 
déjà si riche dans les autres branches des sciences natu- 
relles. 


DES DIVERSES PÊCHES EN USAGE DANS LE DÉPARTEMENT 
DE LA GIRONDE. 


PÉCHE EN MER. 
L: 


La pêche en mer et sur la côte se pratique avec les em- 
barcations suivantes : 

1.* Avec des chaloupes, non pontées, jaugeant de treize à 
quinze tonneaux, montées chacune par quinge hommes 
d'équipage. 

Il existe, à La Teste, deux chaloupes insubmergibles, de 
l'invention de mon père et de mon oncle, qui ont résisté à 
toutes les épreuves qui ont été faites pour les faire couler ; 
et sielles ne se sont jamais trouvées à même de prouver 
leur supériorité , les pêcheurs d'Arcachon, gens pour les- 
quels toutes les nouvelles inventions sont détestables , 


164 
avouent-ils qu'ils se croient beaucoup plus en sécurité - 
dans ces chaloupes que dans les anciennes. Le système de 
ces embarcations est aussi simple que peu embarrassant , 
et, chose à considérer, il est peu coûteux. 

La pêche en mer se pratique aussi à l’aide de grandes 
tilloles à fonds plats de quatre tonneaux , sans quilles, non 
pontées et montées par onze hommes d'équipage y compris 
le mousse; elle a lieu depuis le 15 Octobre, que sont 
armées les embarcations, jusques vers les fêtes de Pente- 
côte , époque de leur désarmement. 

Les chaloupes séjournent toujours vingt-quatre heures en 
mer. Elles posent leurs filets tramaillés, nommés peougue 
dans la contrée, au nomhre de cinquante qu'elles laissent 
dans l’eau l’espace de dix heures. ‘ 

Quant aux tilloles, jamais cês frêles embarcations ne 
passent la nuit en mer. Elles posent vingt-cinq des mêmes 
filets que les chaloupes , qui restent de trois à quatre heu- 
res à la mer; ce laps de temps écoulé (on l'appelle poser 
et lever), elles lèvent leurs filets et rentrent dans le bassin. 

Ces embarcations posent quelquefois leurs filets pour la 
traite, c'est-à-dire, pour n'être levés que le lendemain ; 
mais après les avoir posés , elles rentrent dans le bassin. 

Il arrive malheureusement, trop souvent, que le lendemain 
la mer étant devenue mauvaise, les tilloles ne peuvent aller 
lever leurs filets ; et, si cet empêchement dure trois à quatre 
jours, il en résulte presque toujours la perte de tout ou 
d'une grande partie des filets. 

Il arrive aussi que pendant que les chaloupes et tilloles 
séjournent à la mer, près de leurs filets, le mauvais temps 
se déclare tout-à-coup. La barre devient inabordable en très- 
peu de temps et ces embarcations sont obligées de cher- 
cher un abri jusqu’à l'embouchure de la Gironde et quel- 
quefois même dans les pertuis d’Antioche , Suivant la direc- 


(165 ) 

tion des vents, heureuses encore lorsqu'elles peuvent arri- 
ver jusque-là, témoin le naufrage corps et biens de six 
chaloupes , arrivé en 1836, dans lequel il périt soixante-dix- 
huit marins. j 

En 1842, treize grandes tilloles du quartier de La Teste, 
furent surprises par la mer qui grossit tout-à-coup et qui 
rendit la barre d'Arcachon impraticable ; elles furent for- 
cées, pour éviter d’être brisées sur la côte, de se diriger 
sur la rivière de Bordeanx où elles cntrèrent miraculeuse - 
ment. On ramena ces embarcations à La Teste par les 
wagons du chemin de fer. 

En un mot, la pêche en mer sur la côte d'Arcachon offre 
en tous temps des périls plus ou moins grands ; elle est 
très-pénibe pour les marins qui la pratiquent. 


PÈCHE DE LA SARDINE O ROYAN. 


Cette pêche se pratique du 1.‘ Juin au 30 Septembre, 
au moyen de petites tioles à fond plat, sans quilles, jau- 
geant un tonneau, montées chacune par deux hommes d’é- 
quipage ; elles sortent du bassin à peu près une heure avant 
la basse mer et rentrent à une ou deux heures de flot. Six 
prud'hommes , pris parmi les pêcheurs, sont nommés 
par eux, chaque année, pour juger quand la mer per- 
met la sortie de ces frêles embarcations et pour les faire 
rentrer même avant l'heure de la marée, dans le cas où il 
y aurait apparence de mauvais temps, car un orage qui 
surviendrait tout-à-coup, suffirait pour amener la perte corps 
et biens des cent embarcations qui se livrent à cette pêche. 
Quand elles ne peuvent aller en mer, elles font leur pêche 
près de la passe et dans l’intérieur du bassin d'Arcachon, 
afin de ne pas perdre leur journée. 

Cette pèche se pratique de la manière suivante : les pê- 
cheurs jettent à la mer un filet non tramaillé , dérivant à la 


( 166 ) 

marée, dont les mailles de 14 millimètres en carré, faites 
à l’aide d’un fil très-fin, sont teintes à l’aide d’écorce de pin 
réduite en poudre. Au-devant de ces filets, les pêcheurs jet- 
tent leur appât, nommé rogue, composé de la rave de mo- 
rue mêlée de sable. Cette manière de pêcher la sardine est 
la plus productive ; on la pratique aussi au moyen d’un au- 
tre filet, dérivant à la marée et non tramaillé appelé Filet du 
fond. 


PÊCHE A LA SEINE. 


La pêche des muges et de la loubine ou brigne se fait avec 
le filet appelé Grande Seine, par des maitres de pêche qui 
séjournent au cap Ferret. Le filet est trainé par une grande 
tillole et par d’autres marins ‘qui restent à terre. Il va 
sans dire que cette pêche ne peut se pratiquer qu’avec une 
belle mer. Au moyen de ce filet, on prend aussi le Maigre , 
la Vive, et une grande quantité d’autres poissons. 

Il existe aussi une autre espèce de filet nommé Seine de 
Kisteou, qui ne sert qu’à prendre le Muge doré nommé 
dans le pays : Risteou. 

La pêche à la seine se pratique dans l’intérieur du bassin 
d'Arcachon pendant la belle saison ; on y prend une grande 
quantité de petits poissons, qui servent à l’approvisionne- 
ment non-seulement de la contrée, mais encore des mar- 
chés de Bordeaux. 

Ce filet sans être le plus nuisible de ceux employés sur la 
côte et dans le bassin d'Arcachon, offre néanmoins, le dé- 
sagrément de détruire une grande quantité de frai et de 
poisson non marchand, ce que pourraient éviter les pê- 
cheurs en le rejettant à la mer aussitôt pris, sans le laisser 
périr sur la plage sablonneuse et aride où la marée suivante 
vient le reprendre mort. 

Il existe encore un quatrième filet à mailles, eañeonR 


( #67 ) 

plus large que les précédents, nommé garolle, qui sert 
à la pêche à pied sur la côte de l'Océan. Cette pêche ne se 
pratique que la nuit. On y prend du poisson de belle espèce 
et de grande dimension, elle se fait depuis l'embouchure de 
la Girondefjusqu'à Bayonne par les riverains. 

La clarté de la lune nuit beaucoup à cette pêche qui, pour 
être productive, doit s'effectuer par un temps sombre et l’eau 
trouble. 


PÈCHE DE LA COURTINE CU PALET. 


Une des causes principales de la diminution , toujours 
croissante du poisson dans le bassin d'Arcachon, est, sans 
contredit la pêche de la courtine ou palet , filet désigné dans 
la célèbre Ordonnance de 1681 , sous le titre de bas-parcs 
ou pécheries volantes. à 

Quelques mots sur la manière de faire cette pêche ne 
me paraissent pas déplacés, afin de faire connaître les 
abus qui se sont perpétués jusqu’à ce jour et qui amè- 
neront dans un temps peu éloigné, la disette presque entière 
du poisson, dans le bassin , à cause de la grande destruc- 
truction du frai et de poisson, que ce filet occasionne à cha- 
que marée. 

La pêche de la courtine ou palet se pratique dans toute 
l'étendue du bassin d'Arcachon , depuis le 4°" Mars jusqu’au 
1: Novembre de chaque année. 

Les pêcheurs qui se livrent à cette pêche, embarquent cinq 
ou six filets de quarante à cinquante brasses chaque, envi- 
ron un cent de piquets de 1 mètre 33 cent. de hauteur et 
un nombre triple de crocs en bois dits piochons. On met 
également dans l’embarcation, une mailloche et deux ou 
trois pioches nommées sarcles, dans la localité. 

Avec cet appareil, on se rend sur le lieu de la pêche et à 
la marée basse, les pêcheurs plantent leurs piquets à en- 


( 168 } 

viron deux mètres les uns des autres, en leur donnant des 
formes variées, vers le milieu; ils forment une espèce de 
labyrinthe d'où le poisson, une fois entré ne peut plus sor- 
tir; puis, avec les sarcles, ils tracent un sillon qui suit la ligne 
des piquets. Les pêcheurs tendent ensuite le filét, dont les 
mailles ont environ trois centimètres en carré, lorsqu'elles 
sont réglementaires , sur les piquets et ils saisissent la fune 
ou corde d’en bas, de 70 en 70 centimètres avec un crochet 
en bois, nommé piochon et dans le pays ganchot, qu'ils en- 
foncent dans le sol à coups de maillet et que l’on recouvre 
avec la terre que l’on a ôtée avec le sarcle, en sorte que le 
bas du filet se trouve enfoui. 


Il arrive souvent que cinq, six ou même huit embarca- 
tions se réunissent et posent leurs filets les uns à la suite 
des autres, de sorte qu’une étendue de plus de trois kilo 
mètres se trouve entourée par la courtine. 


Une fois fixé au sol par les piquets appelés ganchots ou 
piochons, on pose le filet à terre en le repliant; et, afin 
de l'empêcher d’être soulevé par le flot, on pose dessus 
de distance en distance, une pelletée de terre, et à l’une des 
extrémités ou à plusieurs des points du filet, on place une 
bouée pour le lever et le tendre au moment convenable. 


Le filet ainsi préparé, on laisse monter la marée et avec 
elle le poisson, depuis le plus gros jusqu’au plus petit , qui 
vient chercher sa nourriture. 

Aussitôt que les pêcheurs commencent à apercevoir le 
haut de leurs piquets, que la mer, en baissant , découvre, 
à l’aide de la ou des bouées , ils lèvent leurs filets et le 
tendent sur les piquets en telle sorte, qu’une fois qu'il est 
tendu sur toute la ligne, il présente un obstacle infranchis- 
sable à la retraite du gros et du petit poisson, et que tout 


( 469 } 
celui qui est enfermé dans l'énorme étendue de terrain en- 
serré par la courtine, se trouve pris. 

A la marée basse, le filet se trouve à sec, et la place où 
il était tendu, est exposée à l'air et au soleil brûlant pendant 
plusieurs heures. Au pied du filet se trouvent accumulés le 
poisson-gros et petit , le Zostera marina , diverses espèces 
d'algues marines et le frai. Tout celui qui est de grandeur 
marchande, c’est-à-dire qui a plus de 275 millimètres entre 
l'œil et la queue , est ramassé par les pêcheurs, et le frai et 
le petit poisson restent sur la plage, où, faute d’eau, ils pé- 
rissent sous les rayons brülants du soleil, et à chaque ma- 
rée, on trouve accumulé, morts sans utilité, des masses de 
petits carrelets, muges, soles, brignes, etc., etc. 

Les faits que je cite et la manière de faire cette pêche, ne 
sont point sujet à conteste; J'ai vu par moi-même faire la 
pêche à la courtine , et bien souvent m’entretenant avec les 
pêcheurs et leur demandant pourquoi ils ne portaient pas 
le petit poisson et le frai dans les chenaux où ils pourraient 
vivre et se multiplier ? « Pas si fous, me répondaient-ils, 
de nous donner cette peine, ce ne serait pas nous qui le 
reprendrions quand il serait devenu beau ; à quoi bon nous 
donner de la peine pour d’autres ; d’ailleurs, ajoutaient-ile, 
cela s’est toujours fait ainsi ». Il est facile de comprendre 
que ces pêcheurs ne voulaient entendre aucune raison et 
que de tous les genres de pêche, que j'ai vu faire, la cour- 
tine est la seule dans laquelle ils ne veulent admettre au- 
cun changement dans ce qu'avait coutume de faire leurs de- 
vanciers. 

En 1847, j'eus l'espoir de voir disparaître , à tout jamais, 
ce filet destructif et ruineux, car un réglement de M. le 
Commissaire-général de Bordeaux , interdit la courtine et 
ramena la maille au chiffre fixé par la loi de 1681 , à cinq 
centimètres en carré, je fus même chargé par M. le Com- 


(170) 

missaire de la Teste, de faire respecter ce règlement, et dans 
la nuit du 30 au 51 Octobre 1847, des pècheurs montant 
huit embarcations de courtines, pris en contravention, se 
révoltèrent contre les agents de la marine que je comman- 
dais. Cette révolte, qui amena une procédure criminelle sui- 
vie de condamnations graves, me donna un bon espoir , et 
dès-lors , la courtine disparut du bassin d'Arcachon. 


Dès la fin de 1848, on s’apercevait déjà du bien occa- 
sionné par l'absence de cet engin destructeur, quand un 
nouveau règlement vint le permettre, et depuis elle continue 
à être en usage à la grande satisfaction des quelques pé- 
cheurs qui se livrent à cette occupation ; mais il est bon de 
dire aussi que le poisson va en diminuant de plus en plus, 
et que des espèces qui se pêchent seulement l'été, ne parais- 
sent qu'à de très-rares intervalles et en très-petite quantité 
sur nos marchés de Bordeaux. 


DES GORRES OU GORPS, 


Ce qui vient à l'appui de ce que je viens de dire, sur ja 
courtine, concernant la destruction du frai et du petit pois- 
son , et de l'utilité qu'ii y aurait de prohiber ce filet destruc- 
teur , est l'arrêté plein de haute sagesse et de prévoyance 
qu'a pris, dernièrement, M. le Préfet de la Gironde, por- 
tant suppression totale et immédiate de tous les gorres ou 
gorps, espèces de pêcheries établies au bas de la rivière de 
Bordeaux et qui ne différaient d’avec la pêche de la courtine, 
qu'en ce que celle-ci se pratique avec des filets et peut se 
déplacer , tandis que dans les gorres ou gorps, le filet est 
remplacé par des branchages entrelacés , fort serrés et qui 
sont sédentaires. 


IL faut espérer que cette sage mesure ramènera l’abon- 
dance des richesses icthyologiques dans notre rivière, et, 


(171 ) 
puisse l'exemple donné, par M. le Préfet, avoir des imi- 
tateurs. 


Les diverses pêches qui se pratiquent dans le bassin d’Ar- 
cachon, se font au moyen de petites embarcations nommées 
dans le pays Tilloles ou pinasses montées chacune par deux 
personnes {hommes , femmes ou enfants) et avec les filets 
indiqués au tableau ci-après. 


ESPÈCE NOMS POISSONS 
DES FILETS. DES FILETS. |QU’ILS SERVENT A PRENDRE 


Ut 


Ret sédentaire Stoueyre. Diverses espèces de 
tramaillé. Pleuronectes. 
Idem. Tirolet ou Tramail. | Muges, Loubines, etc. 


Idem. Jagude. Pleuronectes, soles. 


Sédentaire non- | Trouguey ou Prétey. Anthérines. 
tramaillé. 
Filet dérivant à|Bigareyre ou Finette.| Diverses espèces de raies 
la marée tramaillé 
Idem non tra- Filet dit du fond. Aloses , sardines. 
maillé. Æ 
Idem. Sardinière. j Idem. 
Idem. Touillaou: Diverses espèces de 


squales 
Idem. Martramaou. Squale-Ange. 


Idem. - Aumaillade. Orphis. 


Filet traînant Aumaillade. Rougets, muges et 
tramaillé. loubines. 
Idem. Leyraou. Diverses espèces de 
Pleuronectes. 
Filet traînant Seine de saou. Diverses espèces de petits 
non tramaillé. poissons. 
Idem. Seine de Risteou. Muge doré. 


Idem. Esquirey. Diverses espèces de petits 
poissons 

Filet sédeutaire | Courtine ou palet. Idem... 

non tramaillé. 


( 472 ) 

On fait encore usage sur nos côtes et dans le bassin d'Ar- 
cachon , d'un engin nommé : Foëne ou salais, dont on se 
sert pour la pêche de nuit, au flambeau. 

Cette pêche se pratique de la manière suivante. A l'avant 
de l’embarcation se trouve le chandelier, instrument en 
fer, sur lequel on dépose du bois résineux qui est allumé 
et dont la clarté attire le poisson qui est harponé avec la 
foène , espèce de trident à cinq branches. 

Il va sans dire, que la pêche à la ligne se fait dans toute 
l'étendue de notre département, soit à la mer, soit dans 
les rivières. 

RÉSERVOIRS A POISSON. 


Je ne puis passer sous silence, dans cette courte notice, 
sur les pêches qui se pratiquent dans notre département , 
les pêcheries établies, sur le littoral du bassin d'Arcachon, 
sous le nom de réservoirs à poisson , à partir de la commune 
du Teich jusqu'à Arès, ces pêcheries renfermées par des di- 
gues en terre du côté du bassin, auquel elles communiquent 
au moyen d’écluses en bois où sestrouvent adaptés des filets 
servant à y introduire le petit poisson qui y grandit et y 
engraisse. : 

Le poisson pris dans ces réservoirs, se porte aux marchés 
de Bordeaux, et l’on choisit de préférence les jours où le 
mauvais temps ne permet pas aux marins de faire la pêche 
sur la côte. 

TRE 

La pêche en mer a été pratiquée, pendant un certain 
temps, par bâteaux à vapeur. On avait pensé qu’elle donne- 
rait de grands bénéfices ; on s’était trompé et la preuve ne 
s’en fit pas attendre, car ces bâteaux qui ne mouillaient que 
cent filets, tandis que les chaloupes insubmergibles en 
mouillent soixante-quinze chaqué , ne pêchaient en. mer que 
pendant six mois et jamais dans le bassin : ils revenaient à 


( #43) 
la Compagnie qui les exploitaient, à la somme de 130 à 
140,000 fr. par an. 

Le seul avantage qu'offrait la pêche en mer, à l’aide des 

bâteaux à vapeur, était celui de rentrer plus facilement 
dans le bassin d'Arcachon ; du reste, cette pêche a été aban- 
donnée à cause des frais ruineux qu'elle entrainait. 
* Je me proposais, en commençant mon travail sur l’Ichtyo- 
logie de notre département, d'indiquer au nom de chaque 
espèce , la quantité, ou tout au moins, le poids approximatif 
de la pêche de ‘chacune d'elles. Malgré mes nombreuses 
recherches et mes démarches incessantes, il m'a été de 
toute impossibilité de réaliser mon idée, du moins, pour 
la plus grande partie des espèces ; car le poisson une fois 
pêché, est immédiatement vendu pour la consommation ou 
expédié à Bordeaux, soif par les pêcheurs eux-mêmes ou 
per les armateurs, et jamais aucun d'eux n’a tenu aucune 
note des résultats obtenus. 

En outre, il est indispensable de faire remarquer que ces 
produits sont soumis à une multitude de variations suivant 
que le temps a été plus ou moins favorable pour la sortie 
des embarcations de pêche , que le poisson de passage a été 
abondant ou rare, et que les embarcations et. hommes se 
livrant à l’industrie de la pêche, a augmenté ou diminué. 


PÈCHES DES RIVIÈRES, JALLES, etc. 


La pêche dans nos rivières se pratique soit à pied , soit à 
l’aide de petites embarcations jaugeant de 1 à à tonneaux, 
nommées yoles ou filadières ; elle est libre dans les eaux 
maritimes, c'est-à-dire qu’elle peut être pratiquée par tout 
le monde jusqu'aux endroits où le flux et le reflux se font 
sentir, (en se soumettant toutefois, aux lois et règlements 
qui régissent l'inscription maritime et la police de la navi- 
gation |. 


( 174 ) 
Cette pêche se pratique à l’aide des divers engins.et filets 
suivants. | 
4.0 Les lignes volantes. 
2.0 idem flottantes. 
3.0 idem de fond. 


Filets. 
1. L'Épervier. 
2.° Le Carrelet. 
9.° La Trouble. 
4. Le Guideau. 
5.0 Le Verveux. 
6.° La Nasse. 
7.0 Le Tramail. 
8.° La Seine. + 
9.0 La Foëne {engin}. 


LIGNES. 


La ligne est un fil ordinairement en pitre, fil ou soie 
auquel sont attachés un ou plusieurs hamecons ; elles va- 
rient de couleur et de grosseur suivant l’espèce de pêche à 
laquelle -elles sont destinées. 

La ligne volante est celle dont on fait sautiller le hame- 
çon, qui n’a ni plomb, ni flotte et dont le manche est ter- 
miné par une baguette très-longue et très-flexible. 

La ligne sédentaire ou ligne flottante , est celle qui a un 
flotteur qui indique le moment où le poisson mord au ha= 
meçon ; et la ligne de fond est une ficelle de 8 à 900 mètres 
de longueur sur laquelle on attache une grande quantité 
de hamecpns. 

Les poissons qui se prennent ordinairement à la ligne, 
dans nos rivières, sont les Ablettes , le Goujon, les Barbil- 
lons, Carpes , Tanches, Brochets, Truites, Meuniers, etc. 


( 175 
ÉPERVIER. 


L'épervier est un filet de forme conique ou en entonnoir, 
ayant une embouchure fort large dont la dimension varie en 
proportion de la grandeur du filet, diminuant peu à peu 
d’étendue. Ce filet se termine en pointe à laquelle est atta= 
chée une corde de longueur variable ; la chute de ce filet 
doit avoir environ le cinquième de la circonférence de l’em- 
bouchure. 

La seule manière {permise par les règlements), que l’on 
emploie pour pêcher à l'épérvier, est, en le jetant. Elle se 
pratique dans nos rivières et étangs. 


DU CARRELET. 


Ce filet attaché à un grand cercle, soutenu par des per- 
ches courbes formant arc-boutant, sont réunies à l’endroit 
où elles se croisent avec une corde qui sert en même temps 
à attacher le carrelet à l'extrémité d’une autre perche plus 
ou moins longue, suivant la profondeur de l’eau où l’on 
veut pêcher. , 

On jette le filet à l’eau et on le laisse couler ; puis, lorsque 
“l'on voit les poissons nager au dessus du filet, on le relève 
promptement. Cette pêche ne se pratique que dans les en- 
droits où il y a peu d’eau. 

Elle n’est pas en grande faveur dans notre département. 


«DE LA TROUBLE. 


La trouble est un filetn pôche, dont l'embouchure est 
montée sur un cercle, un carré ou un ovale en fer ou en 
bois auquel est adapté un manche en bois. Cette pêche se 
fait dans nos rivières aussi bien que dans nos jalles, etc. 


DU GUIDEAU. 


Le filet, nommé guideau , a la forme d’une chausse plus 


(1% ) 
ou moins longue , large à son embouchure et diminuant jus- 
qu'à son extrémité que l'on ferme de différentes façons. 
Cette pêche sur laquelle je ne m'étendrai pas davantage, 
est peu en usage dans le département de la Gironde. 


DU VERVEUX. 


Le verveux n’est autre chose qu’un guideau perfectionné; 
c’est un filet en forme de cloche, un peu conique, d’un mètre 
à deux mètres de longueur, dont le diamètre de l'entrée 
est plus grand que le fond. Le corps de ce filet est soutenu 
par quatre , cinq ou six cerceaux menus et légers qu'on 
met en dedans. 

Cette pêche a pour avantage de prendre le poisson frais 
et nullement abimé. 


LA NASSE OU BOUYRIQUE. 


Les nasses ou bouyriques , sont des espèces de paniers 
faits de joncs ou d'osier , dont les baguettes sont assez ser- 
rées pour retenir le poisson et de manière à laisser passer 
l'eau sans résistance. : 

On a la précaution de tenir les baguettes plus ou moins 


serrées’, suivant le poisson dont on veut faire la pêche. 
DU TRAMAIL. 


Le tramail se tend en travers de nos jalles et dans nos 
rivières, surtout dans les endroits où il,y a beaucoup d'her- 
biers. On boule au-dessus et au-degsous du filet, afin d'épou- 
vanter le poisson et l’engager à y donner dedans. 

Cette pêche est trop connue pour que je m'en occupe 
davantage. 


LA FOËNE. 


La foéne est un engin en forme de trident à cinq ou sept 


(°17%0) 
branches ; elle sert à la pêche en mer et des rivières. J'ai 
eu déjà sujet d’en parler dans la première de ces deux caté- 
gories de pêches. 
DE LA SEINE. 

Tout le monde connaît la manière de pêcher à la seine, 
qui est destinée à faire l'effet d’un crible qui laisse passer 
l’eau et retienne le poisson. Les relingues (cordes supérieures 
et inférieures qui retiennent le filet}, sont garnies, la supé- 
rieure de liège afin que le filet se tienne verticalement dans 
l'eau, et celle qui borde le pied, de balles en plomb pour 
former le lest. 


— DB @0--—— 
POISSONS 


QUI SE TROUVENT DANS LE DÉPARTEMENT DE LA GIRONDE. - 


POISSONS OSSEUX. 


1% Ordre : LES ACANTHOPTÉRIGIENS. 


Famille des PERCOÏIDES. 


Genre PERCHE. 


LA PERCHE COMMUNE DE RIVIÈRE, Perca fluviatilis 
Linn., Bloch., Gmelin, Cuvier, Lacépède. 


Ce poisson est assez abondant dans notre département, 
on le trouve dans toutes nos rivières où il se prend à la 
ligne volante, aux verveux et à l’épervier. 

Il fraie en Février dans les endroits paisibles et profonds 
où croissent de fortes plantes aquatiques. 

Ce poisson dont la chair est excellente, n’atteint guère une 
longueur de plus de 33 centimètres. 

Tome XIX. 14 


(18) 
Genre BARS. 


Le Lour ou LoUBINE. 


Labrax lupus Val. 
Perca lubrax Linn. 

La Loubine parait sur nos côtes, du mois d’Aoùût au mois 
d'Octobre , suivant la direction du Nord au Sud, et de Fé- 
vrier à fin Avril, allant en sens contraire. Il fraie en Novem- 
bre sur la côte. 

On pêche ce poisson à la seine en Août et Septembre et 
je ne crains pas d'avancer, que plus de 10,000 kilog. de 
Loubines sont expédiés , CR ée - à Bordeaux, par 
les pêcheurs d'Arcachon. : 


Des PERCOÏDES à une seule dorsale. 


Genre SERRAN. 


Le SERRAN, Serranus cabrilla Val. 


Assez rare sur nos côtes, où cependant, à ma connais- 
sance, on en a pris plusieurs à l’aide du filet tramaillé, de 
la longueur de dix-huit à vingt centimètres. 


Des SERRANS dont la mâchoire inférieure seulement est garnie de 
très-peliles écailles, ou des MÉROU. 


LE GRAND SERRAN BRUN nommé vulgairement MÉérou. 


Perca gigas { Gmélin et Brunswich). 
Serranus gigas ( Valencienne ). 


De la longueur d’un mètre , il pèse jusqu'à trente kilo- 
grammes. Nos pêcheurs du golfe de Gascogne , lui donnent 
le nom espagnol de Mérou. Il s'approche de nos rivages 
en Avril et Mai; sa chair est bonne et a un goût aromati- 


que. 


(47) 
Genre VIVE. 
LA ViVE COMMUNE. 
Draco minor (Salvien ). 
Trachinus draco ( Linné). 

La Vive commune fraie en Mai, sur la côte, et rentre 
dans le bassin d'Arcachon au mois de Mars, elle s'y tient 
dans les petits, chenaux où il y a peu d’eau ; elle en sort au 
mois de Septembre. 

Le dard de la nageoire supérieure de ce poisson cause 
une blessure tellement douloureuse, que les personnes qui 
en sont piquées, deviennent comme folles. 

La chair de la Vive est bonne à manger. Elle atteint la 
longueur de 35 centimètres. 

Je ne puis passer sous silence une superstition! des pê- 
cheurs d'Arcachon, relative à la piqüre de la Vive. 

Ils affirment, avec un grand sangfroid, que cette cuisante 
douleur ne cessera, aux personnes qui ont été blessées, 
qu'au commencement de la prochaine marée, et rien au 
monde ne pourrait les faire sortir de cette erreur grossière. 


La PETITE Vive, Trachinus vipera Val. 

La petite Vive est plus commune sur nos côtes que la 
précédente ; on la prend à la garolle , à la seine et à la sar- 
dinière. On n’en fait aucun commerce, et elle est rejetée à 
la mer aussitôt prise, par la crainte qu'ont les pêcheurs 
d’être piqués par leur dard. 

Fraie en Mars et Avril. 


Des MULLES proprement dits, nommés aussi ROUGETS 
el ROUGETS BARBETS. 


LE SURMULET ou GRAND MULE RAYÉ DE JAUNE. 
( Connu à Bordeaux sous le nom de Barbeau ou Barbarin). 
Mullus surmuletus Linn. 


Ce poisson est de passage ; il fraie sur nos cotes en Mai: 


(180) | 
l'époque à laquelle il est le plus abondant et la pêche la 
plus productive, est en Juillet. La seine et l’aumaillade sont 
les filets qui servent à le prendre. 

Le vrar ROUGET où RoUGET BARBOT, Mullus barbatus. 
Valencienne. 

Fraie en Mai et Juin; se prend avec les mêmes filets que 
le précédent. 

Les marins d'Arcachon parent ces deux espèces , en leur 
enlevant, avec l’ongle du pouce, quelques écailles : le sang 
afflue à l’épiderme et leur donne cette belle couleur carmin. 
Ils appellent cette opération habiller le poisson. 


Des ACANTHOËFTÉRIGIENS à joue cuirassée. 


Genre TRIGLE. 


LE GRONDIN ROUGE. 
Trigla cuculus (Linn.). 
Trigla culus (Bloch. ). 

C’est au mois de Mars et d'Avril que la pêche de ce pois- 
son, qui se pratique avec le filet tramaillé dit de péougue , 
est la plus abondante. 

Il est de passage ; parait sur nos côtes , de Septembre à 
fin Juin , et fraie en Février. 

On en prend environ 27,500 kilog. en année moyenne. 


PERLON ou ROUGET GRONDIN, Trigla hirundo Bloch. 


De passage ; fraie en Mars, se prend avec le même filet 
que le précédent : il est moins commun. 


GRONDINS proprement dits ou GRONDIN GRIS. 
(Vulgairement nommé à La Teste Pirelong ). 
Trigla gurnadus Linn. 


Ce poisson se tient constamment sur nos côtes, à en- 


viron cinq ou six kilomètres en mer où les pêcheurs d’Ar- 
cachon le pêchent à l’aide du hameçon. 


(181) 

\ 
On en prend annuellement 12,009 kilog. environ. 
Il fraie en Février. 


Genre CHABOT et CHABOISSEAU. 


LE CHABOT DE RIVIÈRE , Cottus Gobio Linn., Bloch. 


Ce petit poisson atteint la longueur de 10 à 12 centimè- 
tres ; il fraie en Avril et Mai, se cache sous les pierres. Sa 
nourriture principale consiste en insectes et en larves de 
libellules ; il nage avec rapidité , sa chair est saine et agréa- 
ble au goût : elle devient rouge à la cuisson. 


LE CHABOT DE MER ou CHABOISSEAU. 
(Vulgairement nommé Crapaud de mer ). 


Cottus scorpius Linn. 


Le Chabot de mer est très-vorace; il nage avec une 
grande rapidité ; ses habitudes sont très-solitaires. Il quitte 
le fond de la mer au printemps, pour y retourner en hiver ; 
sa chair est très-médiocre et ne sert qu’à la nourriture des 
gens pauvres ; il atteint la grandeur de 58 centimètres , et 
fait avec l’épine de son préopercule des blessures très-dou- 
loureuses : il vit fort longtemps hors de l’eau. 
CHABOISSEAU DE MER A LONGUES ÉPINES, Cottus bu- 

balis Euphrasen. 

Longueur 18 centimètres. Fraie en Avril. Ce poisson est 
fort peu estimé : il est rejeté à la mer aussitôt pris. 


Genre SCORPENE. 
SCORPÈNE, scorpena Linn. 
La Scorpène se prend à vingt-cinq ou trente kilomètres 
au large; elle vit longtemps hors de l'eau, sa chair est 


saine , mais très-coriace ; elle conserve du mouvement même 
coupée en morceaux. 


( 182 ) 
Genre ÉPINOCHE. 


L'ÉPINOCHE A QUEUE ARMÉE Ou PICARD. 
Gastercsteus trachurus ( Val.) 
Gasterosteus aculeatus ( Linn.). 


L'Épinoche n’atteint pas une longueur de plus de 75 mil- 
limètres ; elle fraie en Avril et Mai et multiplie très-vite, 
vit très-longtemps hors de l’eau étant déposée dans de 
l'herbe humide. 

Ce poisson est peu estimé comme aliment. 


L'ÉPINOCHE A QUEUE NUE, Gasterosteus leiurus Val. 


Longueur 60 à 70 millimètres. Entièrement identique 
avec la précédente quant à l’époque du frai et à la repro- 
duction. 

LE GASTRÉ ou ÉPINOCHE DE MER A MUSEAU ALLONGÉ , 
Gasterosteus spinachia Val. | 


Longueur 15 à 18 centimètres. Les habitudes et l'époque 
du frai de ce poisson me sont inconnues ; sa chair est peu 
estimée. 

Famille des SCIENOÏDES. 


Genre SCIENE ou MAIGRES. 


LE Maicre. 
Sciæna aquila (Val.). 
Cheilodiptère aïgle (Lacépède ). 

Au Verdon et à La Teste. On considère l’arrivée du Mai- 
gre comme l'annonce de la venue des sardines. Ce poisson 
est très-fort, arrive à la grandeur de 4 mètre 40 centi- 
mètres et pèse jusqu'à 25 kilogrammes. 

On l’assomme aussitôt pris à cause de sa force. 

On en prend environ 50,000 kilogrammes par an. Sa 
chair est très-estimée. 


( 183 ) 
Genre OMBRINE. 


L'OMBRINE COMMUNE. 


Umbrina vulgaris (Val. ). 
Sciæna arrhosa (Linn.). 


Ce bel et bon poisson est assez rare; il ne devient pas 
aussi grand que le Maigre avec lequel les pêcheurs d'Arca- 
chon le confondent. Il atteint ordinairement 90 centimètres 
de longueur et pèse jusqu’à 15 kilogrammes. 


Des SPAROÏIDES. 


Genre SARGUE. 


Le Perir SARGUE , SARGUET ou SPARAILLON. 


Sargus annularis (Val. ). 
Sparus annularis ( Linn.). 


Rare. Fraie en Avril et Mai. Sa chair est peu estimée, bien 
que les anciens la trouvaient excellente. 

Ælien prétend que ces poissons sont très-prudents; que 
pendant l'hiver ils se blotissent les uns contre les autres 
pour se réchauffer , et qu’au printemps, ils font de grands 
trajets pour chercher la nourriture qui leur convient. 

Genre DAURADE. 
LA DAURADE VULGAIRE. 
Chrysophris aurata (Val.). 
Sparus aurata (Linn. 

Ce poisson de passage sur nos côtes d'Avril à Octobre, 
fraie en Avril et Mai. Il est grand mangeur de coquillages, 
de moules surtout. 

La Daurade craint beaucoup le froid. L'hiver de 1829 à 
1850 , en fit périr un grand nombre dans les réservoirs, où 
elle entre en grande quantité et où elle engraisse beaucoup. 


(184) 
Genre PAGEL. 


LE PAGEL COMMUN. 
Pagellus erythrinus (Val.). 
Sparus erythrinus ( Linn.). 


Le Pagel se nourrit de poissons et de coquillages, va par 
troupe et n'approche du rivage qu’au printemps : on le 
prend pär 50 à 60 brasses d’eau. 

LE ROUSSEAU ou PAGEL A DENTS AIGUES. 


Pagellus centrodontus ( Val.), 
Sparus centrodontus (Laroche ). 
Ce poisson n’approche du rivage qu’au mois de Mai, y 
séjourne pour y frayer jusqu’en Juillet; sur nos côtes, la 
femelle paraît toujours avant le mâle. 


Genre DENTÉ. 
LE DENTÉ ORDINAIRE. 


Dentex vulgaris | Val.). 
Sparus dentex | Linn., Bloch). 


Ce poisson est très-rare sur nos côtes ; à ma connais- 
sance on n’en a pris qu'un, pesant 6 kilog. 500 grammes. 


Genre BOGUE. 


LE BOGUE VULGAIRE. 
Box vulgaris (Val.) 
Sparus boops ( Linn.). 

Rare. Brille de couleurs très-vives , sa chair est saine et 
de bon goût surtout à l’époque du frai, se nourrit de végé- 
taux, atteint 33 centimètres de longueur. Fraie deux fois 
par an. 

LA SAUPE. 
Box salpa (Val.). 
Sparus salpa (Linn. 


(485 ) 
Rare. Plus brillant que le précédent, fraie au printemps, 
chair peu estimée, vit principalement sur les plages va- 


seuses. ; 
Des SCOMRBEROIDES. 


Scombéroïdes à fausses pinnules et sans armure à la ligne latérale. 


Genre MAQUEREAUX. 


LE MAQUEREAU COMMUN , Scomber scombrus Linn. 
Bloch. | 

De passage sur nos côtes; entre en petite quantité dans 
la Gironde et dans le bassin d'Arcachon, où on le pêche à 
la seine et à la courtine. 

On en prend en abondance à trente-cinq ou quarante ki- 
lomètres au large ; il atteint la grandeur de 50 centimètres. 
J'ignore l’époque de son frai; toutes mes recherches , à ce 
sujet, ont été infructueuses. 


Genre THON. 


Le THon commun, Thynnus vulgaris Val. k 

Assez rare sur les côtes de la Gironde, fraie au printemps; 
j'en ai vu prendre un de 1 mètre 55 centimètres. 

Genre SAUREL. 
LE SAUREL ou MAQUEREAU BATARD. 
Caranx trachurus | Val.). 
Scomber trachurus | Linn. Bloch). 

Ce poisson nommé vulgairement Chicarou, est assez rare 
sur nos côtes où il fraie en Avril. Je n’en ai vu qu'un qui 
avait 40 centimètres de longueur. 

Scombéroïdes à bouche contractile. 
Genre ZÉES. 
La DOoRÉE COMMUN, Zeus faber Linn. 
On appelle vulgairement ce poisson, Jau, Coq ou Rose; 


{ 186) 
il est excellent, atteint 65 ou 70 centimètres de longueur. 
De passage sur la côte, de Février en Octobre. Il fraie en 
Mai. 
On prend cette Dorée à l’aide du filet tramaillé dit du 
pévuque. 
Genre LAMPRIS. 


LE LAMPRIS TACHETÉ où CHRYSTÔME. 
(Nommé vulgairement Poisson-lune ). 
Lampris quitatus Retzius. 


Il atteint de fortes dimensions. 
L'époque du frai de ce poisson m’est inconnue. 


Famille des TŒNOÏDES. 
Genre ANTÉRINE. 


L’ANTÉRINE PRÈTRE, Antherina presbyter Val. 


Ce poisson nommé aussi Prêtre, Abusseau, Roseret ou 
Roseré, fraie d'Avril à fin de Mai; il atteint 15 centimètres 
dans sa plus forte taille et il se trouve dans tous les étangs, 
rivières et viviers de notre département. On le prend à la 
ligne , à l'épervier, etc. r 

Sa chair est peu estimée à cause de son goût d’amertume. 


Des MUGILOÏDES. 
Genre MUGE ou MULET. 
Le Muce cAPiITON, Mugil capito Val. 


Ce poisson paraît sur les côtes de la Gironde, du mois 
d’Août au mois d'Octobre , allant du Nord au Sud et de Fé- 
vrier à fin Avril, allant en sens inverse. On le prend à la 
seine ; en grande abondance en Août et Septembre. 

On en prend en moyenne 10 à 11,000 kilogrammes par 
an. — Fraie en Novembre. * 


(187) 
Le MuGE À GROSSES LÈVRES, Mugil chelo Val. 
Mèmes observations que pour le Muge capiton. 
Le MuGe sAUTEUR, Mugil soliers Risso. 
On en prend en moins grande quantité avec un autre filet 
nommé Courtine, qu'il franchit avee facilité. Les pêcheurs 


sont obligés , lorsqu'ils en voient dans leurs filets, d’en ten- 
dre d’autres au-dessus des premiers formant la poche. 


Le Muce DoRÉ, Mugil auratus Risso. 


Nommé aussi Risteou, dans notre département. Ce muge 
se pêche, en très-grande abondance, dans le bassin d’Ar- 
cachon , à l’aide d’une seine qui porte son nom. Sa chair 
est ferme , délicate et estimée. 


LE MUGE RACCOURCI. 
(Nommé vulgairement à Bordeaux Sardon ), 
Mugil curtus Yarell. 


Cette variété du Muge ne se prend que dans nos rivières ; 
elle se pêche en plus grande abondance en Mars et Avril. 
Fraie en Avril et Mai. 


Famille des GOBIOÏIDES. 
Genre BLENNIE. 
La BLENNIE PAPILLON, Blennius ocellaris Linn. 


Se tient le long des rivages où elle se nourrit de petits 
crustacés et de petitspoissons qu'elle prend dans les algues. 
Chair molle et sans valeur ; atteint 75 millimètres de lon- 
gueur, 


LA BLENNIE CHEVELUE, Blennius crinitus Val. 


Même habitat et mèmes habitudes que la précédente ; re- 
marquable aux nombreux filets qu'elle a sur la nuque et 
aux sourcils. Longueur 50 millimètres. 


(188) 
Genre GONNELLE. 


LA GONNELLE VULGAIRE. 
Gunnellus vulgaris (Val. ). 
Blennius qunnellus ( Linn.). 


Longueur 17 à 18 centimètres. 
Genre GOBIE. 
LE GoBIE coMMUN, Gobius niger Linn. 


Commun sur nos côtes de l'Océan ; atteint la longueur 
de 85 à 90 millimètres; il est très-estimé pour la délicatesse 
de sa chair. On se sert, pour le prendre, du filet nommé 
trouguey que l’on tend par quatre brasses de fond. 


Le GoBlE A DEUX TEINTES, Gobius bicolor Gmel. 

Il est un peu plus allongé que le précédent, et n’en diffère 
qu’en ce qu’il a un rayon de plus à la deuxième dorsale. 
LE GOBIE A HAUTE DORSALE, Gobius joso Linn. 

Plus rare que les deux espèces qui précèdent ne dépasse 
pas 42 à 13 centimètres dans sa plus forte taille. 

LE GOBIE BUHOTTE, Gobius minutus Penn. 


Très-commun dans le bassin d'Arcachon où on le désigne 
sous le nom vulgaire de matehotte. On le prend en hiver, 
sur les crassats à l’aide du filet appelé esquirey ; sa chair 
est fade, et ne sert qu’à la nourriture des gens nécessiteux. 


Genre CALLIONYME voisin des GOBIOÏDES. 


Le CALLIONYME LYRE ou Doucer, Callionymus lyra. 
Lion. 
Chair légère et de bon goût; se prend en pleine mer au 
hamecon, par trente à quarante brasses de fond. Geux que 
j'ai vus, ont été pris de cette manière. 


( 189 ) 
LE CALLIONYME DRACONNET , Callionymus dracun- 
culus Linn. 
Mêmes renseignements que pour le Callionyme lyre. 
. Des Acanthoplérigiens à pectorales pédiculées. 


Genre URANOSCOPE. 


LE RAT, Uranoscopus scaber Linn. 
Ce poisson est fade au goût et ne sert qu’à la nourriture 
des gens nécessiteux : on en porte peu à Bordeaux. 
Il fraie en Mars et Avril et se prend à l’aide du filet tra= 
maillé dit du péougue. 
Genre BAUDROIE. 
La BAUDROIE COMMUNE, Lophius piscatorius Linn. 


Appelé aussi poisson pêcheur; il fait la guerre aux squa- 
les et chiens de mer. Mordant rarement au hamecon et se 
tenant ordinairement au large ; je n’en ai vu qu’une seule 
dont la chair était excessivement fade ; cette Baudroie me 
fut portée par le capitaine du chasse-marée le Printemps. 


LABROIDES. 
Genre LABRE. 
LE LABRE VARIÉ, Labrus mixtus Art. Linn. 
Fraie en Avril, pèse jusqu’à deux kilos et demi. Chair 
bonne ; se nourrit de crustacés. 


La VIELLE VERTE. 
Labrus donovani ( Val.). 
Labrus suillus ( Linn ). 
Se prend sur les crassats. Longueur 50 centimètres, Ne 
sert qu'à la nourriture de la classe pauvre. 


LE LABRE A TROIS TACHES, Labrus trimaculatus Gmel. 
Longueur 50 à 32 centimètres. 


. 
( 190 ) 
Ces trois espèces sont peu communes dans notre dé- 
partement, n’habitant guère que les endroits rocheux : on 
les trouve cependant à l'embouchure de la Gironde. 


Genre CRÉNILABRE. 


LE CRÉNILABRE MÉLOPE. 
Crenilabrus melops (Val.). 
Labrus melops (Linn.). 


Chair bonne ; fraie en Avril, se nourrit de crustacés. 
LE CRÉNILABRE DE BAILLON, Crenilabrus Bailloni, 
Valencienne. 


Fraie en Avril et Mai; atteint 20 centimètres de longueur; 
sa chair est excellente. 


9me Ordre. — LES MALACOPTÉRIGIENS. 


Famille des CYPRINOÏIDES. 
Genre CYPRIN. | 


LA CARPE COMMUNE, Cyprinus carpio Linn., Gmelin, 
Lacépède, Cuvier, Bloch. 


La Carpe habite les endroits profonds de nos rivières; on 
la trouve dans celle de Bordeaux, dans celles de l'Ile, de la 
Dordogne , de la Leyre et dans la plupart de nos jalles et 
viviers. On la pêche au moyen de la seine, de l’épervier , à 
la ligne dormante, etc.; on en prend qui pèsent jusqu'à 
huit et neuf kilogrammes. La saison la plus favorable pour 
la pêche de ce gros poisson de rivière , est au mois de Mai; 
pendant l’époque du frai, la carpe quitte alors les endroits 
profonds qu'elle habite ordinairement et nage à fleur d’eau, 
parmi les herbes des bas-fonds exposés au soleil et sur les 
bords de nos rivières. Elle choisit pour déposer son frai, 
les endroits où il y a beaucoup d'herbes. 


(19H) 

CYPRIN DORÉ ou DORADE DE LA CHINE, Cyprinus 
auratus Linné, Gmelin, Lacépède, Cuvier, Bloch. 
Le Cyprin doré, cet ornement obligé des bassins et viviers 

de nos propriétés d'agrément, est aussi élevé dans des vases 

en verre, pour le décor des appartements. Cette jolie es- 
pèce de poisson fraie dans les viviers dont le fond est garni 
d'herbes, vers le mois de Mai et d'Avril; elle croît assez vite. 


Genre BARBEAU. 
LE BARBEAU COMMUN. 


Cyprinus barbatus (Lacépède , Cuvier ). 
Cyprinus capito ( Linné, Gmelin). 
Cyprinus barbus ( Bloch ). 

Barbus fluviatilis (Flemm.). 

Cette espèce se plait dans les endroits sablonneux de nos 
rivières et jalles où elle est assez abondante. Elle pèse 
quelquefois jusqu’à cinq ou six kilogrammes. 

On emploie pour pêcher le Barbeau, les filets nominés 
verveux et épervier ; rarement la ligne. 

Il fraie en Mai et Juin. 


Genre GOUJON et TANCHE. 


GOUJON COMMUN. 
Cyprinus gobio (Linné, Gmelin, Lacépède ). 
Gobio fluvialilis | Cuvier). 

Ce petit poisson que l'on appelle Trogue dans la rivière 
de la Leyre et Goujon ou Goyon dans les autres rivières, 
jalles et viviers de notre département, est assez estimé à 
cause de la délicatesse de sa chair. 

Il parvient à 11 ou 12 centimètres de longueur ; on le 
prend au verveux , à l’épervier , à la ligne et à la nasse. 

Il fraie à plusieurs reprises d'Avril à fin Juillet. 

L'anguille détruit beaucoup de cette espèce. 


(192) 


TANCHE. 
Cyprinus tinca (Linné, Gmelin, Lacép., Cuv.). 
Tanca (Bloch.). 

La Tanche peuple en grande quantité tous nos étangs, 
rivières, marais, jalles et viviers. 

Elle fraie au mois de Mai. 

La Tanche passe dans l’engourdissement la partie la plus 
froide de l’année. Sa chair est assez bonne quoique ayant 
_un goût vaseux; celles de l'étang de Cazeau sont les plus 
estimées : elles y sont très-communes. 

La Tanche se prend à la seine, à l’épervier, au verveux, 
au renard et à la ligne. 

Elle habite surtout les rivières. 

Genre ABLE. 
BRÈME. 
Cyprinus branca (Lacépède , Bloch). 
Cyprinus farenus ( Linn. ). 

La Brême habite de préférence les endroits paisibles de 
nos rivières. 

Elle fraie dans le mois de Mai et Juin, sur les fonds gar- 
nis de roseaux. 

On en prend souvent qui ont 40 centimètres de longueur. 


LE ROTENGLE. 
Leuciscus erytrophtalmus (Val.). 
Cyprinus erytrophtalmus ( Linn. Lacép., Cuv.). 
La chair de ce poisson est remplie d'arêtes et n’a aucune 
valeur ; fraie en Avril et Mai. Sa chair est sèche et souvent 
vaseuse. 


L'ErerLAN, Leuciscus Eperlanus. 


Ce petit poisson nommé ainsi à cause de sa blancheur , 
qui ressemble assez à celle des perles, se prend dans les 


(195 ) 

chenaux du bassin d'Arcachon et à l'embouchure de la Gi- 
ronde , où il remonte jusqu'à l’eau douce. Les pêcheurs em- 
ploient, pour sa pêche, le filet nommé Trouguey qu'ils ten- 
dent en travers du chenal; puis, ils se transportent au-de- 
vant du filet , agitent l'eau à l’aide des avirons , font beau- 
coup de bruit afin d’effrayer le poisson qui fuit et se jette 
dans le filet. On en fait un assez grand commerce ; ce pois- 
son fraie en Mai et Juin. 


“Le Garpow, Leuciscus rutilus Val. 
Fraie en Avril et Mai. À cette époque , le:corps du mâle 
se couvre de petits tubercules qui, dans le commencement, 
le rendent dur äu toucher, comme s'il était saupoudré de 


sable fin; les plus gros de ces tubercules se développent sur 
la tête. 


LE CHEVAINE ou MEUNIER. 
Leuciseus dobula (Val.) 
Cyprinus dobula {Linn., Bloch.) 

Ce poisson se nourrit de graines , de détritus de végétaux 
et de diverses substances animales ; il attaque les vers, les 
sangsues , les limaces et les insectes aquatiques. 

Fraie en Avril et Mai, dépose son frai sur les graviers, 
peu recouverts, d'une eau très-courante. 

A l'automne le Meunier se retire dans les eaux très-pro- 
fondes, y séjourne pendant l'hiver, et ne reparait qu'au mois 
de Mars à la surface de l’eau ; il résiste très-difficilement à 
la forte chaleur. 

LA VANDOIsE. 
Leuciscus vulgaris (Flemm.). 
Cyprinus leuciscus (Linn.). 

La Vandoise habite et préfère les grandes rivières aux 
petites où elle n'entre qu'en Février et Mars pour y frayer ; 
atteint rarement 55 centimètres de longueur. 

Tome XIX. 15 


y 


(194) 
L'ABLE DE LA GIRONDE, Leuciscus Burdigalensis Val. 


Ce poisson est très-vorace, se nourrit de diptères, d’in- 
sectes et de petits poissons; mord très-bien aux hameçons. 

Il fraie en Avril et Mai sur les graviers ; atteint ordinai- 
rement de 22 à 25 centimètres de longueur. 


Genre LOCHE. 


LOCHE FRANCHE Ou PETIT BARBOT, Cobitis barbatula 
Bloch, Linné, Gmelin, Lacépède, Cuvier. 

La Loche habite nos rivières, nos jalles et nos marais 
en assez grande quantité. Elle acquiert une longueur de 12 
à 14 centimètres ; fraie en Mai et se pêche à l’aide de l'éper- 
vier et de la nasse : sa chair est excellente. 


La LOCHE DE RIVIÈRE, Cobitis tæœnia Linn. 


Longueur 10 centimètres; vorace, se nourrit de petits 
vers. Fraie en Mai. Chair sèche, maigre et de mauvais 
gout. 

Genre SILURE, 


Le Mac, Silurus Glanis Linné. 


Cet énorme poisson nommé par les pêcheurs d'Arcachon, 
qui le prennent avec les filets tramaillés dit du péougue, 
Chenille ou Canille, est ordinairement rejeté à la iner à 
cause du peu de délicatesse de sa chair, et surtout à cause 
de son poids, qui va quelquefois jusqu'à 150 kilogrammes. 

Il fraie au mois de Mars. 


Genre ÉSOCES ou LUCIOÏDE. 


BROCHET ORDINAIRE, Esox Lucius Linné , Bloch, 
Lacépède, Cuvier. 


Ce poisson vit dans nos étangs, rivières, jalles, ruis- 
seaux, marais et dans plusieurs viviers de notre départe- 
ment. ‘ 


(14% ) 

Il est excessivement vorace ; on l'appelle avec juste rai- 
son le Requin d'eau douce. 

Il se tient ordinairement dans les endroits où il y a un 
courant rapide qu'il cherche à remonter. 

J'ai vu un Brochet, pris dans l'étang de Cazeau, qui avait 
atteint la longueur de 1 mètre 57 centimètres ; il pesait 
13 kilos 25 grammes. On en trouve en quantité du poids 
de cinq, six et neuf kilogrammes. 

Il fraie en Février et Mars. 

On peut dire du Brochet, qu'il se jette sur tout ce qui 
remue : poissons , volatiles , palmipèdes , reptiles , tout lui 
est bon pour assouvir sa voracité. 

Sa chair est ferme et de bon goût, à l'exception de l’épo- 
que du frai; pendant ce temps, elle est beaucoup moins 
bonne. 

Quoique ne vivant pas hors de l’eau anssi longtemps que 
la carpe , il a cependant la vie très-dure. 

On le pêche le plus communément à la seine ou à la ligne. 


Genre ORPHIE. 


AIGUILLE ou ORPuIs. 
Essox belone ( Bloc). 
Acus (V. de B.). 
Belone vulgaris (Val.). 

Cette espèce de poisson se trouve en abondance dans le 
bassin d'Arcachon, sur la côte de notre département, et à 
l'entrée de notre rivière. Elle fraie: d'Avril à Mai dans le 
bassin d'Arcachon et dans la Gironde. Il faut un an pour que 
ce poisson atteigne une grosseur marchande ; c’est dans le 
mois de Juillet que le petit poisson de cette espèce est le 
plus abondant. 


Ce poisson disparaît entièrement de nos côtes à la fin du 
mois d'Octobre. 


(496 ) 

La manière de pêcher l'aiguille est bién différente des 
autres pêches, car c’est à l’aide d’un flambeau qu'on les 
prend à la foène. x * 

Au devant de l’embarcation, un instrument en fer ,»sou- 
tenant du bois résineux et enflammé, jetant une vive clarté, 
attire ce poisson , que les pêcheurs foënent. A l'aide de ce 
procédé , on fait des pêches qui sont très-abondantes et j'ai 
vu des pêcheurs qui, dans une nuit, en avaient pris jus- 
qu’à 60 et 80 kilogrammes. 

Ce poisson a la chair fade et est fort sentais) à cause 
de la grande quantité d’arêtes qui s'y trouvent. Ces incon- 
vénients n’empêchent pas d’en faire un très-grand débit tant 
à Bordeaux que dans les autres parties du département. 


Genre EXOCET. 


L'ExoceT AUX VENTRALES TACHETÉES, Éxocœætus spi- 
lopus Val. 

On en prit un, le 7 Juin 1847, en ma présence à envi- 
ron quinze kilomètres en mer; il était long de 28 centimè- 
tres. Quoique peu charnu , sa chair m'a paru excellente. 

Il paraît être très-rare sur nos côtes. Cependant les vieux 
pêcheurs , avec lesquels je me trouvais, m'ont affirmé en 
avoir vu et même pris quelquefois. 

L'Exocer FUYARD , Exocætus evolans Linn. 

On le prend en plus grance quantité que le précédent, 
mais jamais à époque fixe ; ce qui me porte à croire que 
cette espèce a dévié de la route qu’elle suit ordinairement, 
lorsqu'on la prend. 


Famille des CLUPÉOIDES. 
Genre HARENG. 


Le HarENG COMMUN, Clupea harengus Linn. 
Ce poisson est assez rare sur nos côtes, on en prend ce- 
pendant quelques-uns, mais à de longs intervalles. 


(1974) 
Le GaT ou GATTE, Clupea fallax Gmel. 

Ce poisson si commun dans nos rivières, habite aussi la 
mer où on le trouve souvent. Sa chair est bonne , mais peu 
estimée à cause dela quantité d’arêtes qui s’y trouvent ; on 
en fait un très-grand commerce dans notre département. 

Fraie en Avril et Mai. 


Genre HARENGULE. 


LA HARENGULE ESPROT, Harengula spratus Val. 

Ce poisson si commun dans nos mers du Nord , se ren- 
contre aussi, mais plus rarement, aux abords du bassin 
d'Arcachon où on le confond avec la sardine à laquelle il 


ressemble beaucoup à première vue. 


Genre METETTE. 


La MELETTB COMMUNE, Meletta vulgaris Val. 

Cette Melette fraie en Mai; se prend en assez grande 
abondance sur nos côtes ; atteint la longueur de 10 à 11 
centimètres et a la chair assez agréable au goût. 


Genre ANCHOIS. 
L'ANCHOIS VULGAIRE. 
Engraulis encrasicholus ( Val.). 
Clupea encrasicholus ( Linn.). 

L'Anchois vulgaire se prend en assez grande abondance 
dans le bassin d'Arcachon, où il est peu prisé n’y attei- 
gnant jamais une grandeur marchande. On le laisse sur la 
côte où il périt. 

J'ignore l’époque de son frai. 

Famille des SALMONOÏDES. 
SAUMON. 
Salmo salmo (Val.). 


Salmo salar | Bloch). 
Salmo ( V. de B.. 


(198) 

Cette espèce qui approvisionne les grands marchés de 
notre département , atteint la longueur de 75 centimètres à 
1 mètre; j'en ai vu de À mètre 33 centimètres ; mais ils 
sont fort rares. Sa chair devient moins.bonne à l’époque 
du frai. 

Les Saumons remontent de la côte dans les eaux douces 
qui s’y versent, depuis la fin de Mai ou le commencement 
de Juin jusqu’à la fin de Septembre. 

Les pêcheurs d'Arcachon en ont pris plusieurs, dans le 
bassin à l'embouchure de la rivière de la Leyre, au moment 
où ils se disposaient à y entrer pour y frayer. 

On les prend le plus souvent à la seine. D'ailleurs, l’indus- 


trie des pêcheurs pour prendre ce poisson, varie suivant les 


localités. 

Cependant dans notre département , la pêche du Saumon 
commence en Novembre et finit en Juin. Outre le filet nom- 
mé seine on emploit aussi pour le pêcher, le tramail ou 
filet courant. 


LE BÉcarp ou TRUITE SAUMONNÉE. 


Salmo humatus | Val.). 
Salmo trutta (Lacépède .. 
Salmo fario (Linné, Bloch, Cuvier ). 

La Truite saumonnée se trouve*en assez grande quantité 
dans nos rivières de l'Ile, de la Dordogne et de la Garonne, 
dans les eaux froides et limpides. 

Cet excellent poisson nommé, avec juste raison, par Oli- 
vier de Serres, la perdrix d’eau douce, fraie en Janvier et 
Février , et c’est pendant ce laps de temps, que sa pêche 
qui se pratique au filet tramaillé, nommé tramail , et à l’é- 
pervier , est la plus abondante. 


Genre TRUITE (sazar ). 
LA TRUITE VULGAIRE. 


( 199 } 
Salmar ausoni | Val.). 
Salmo fario ( Bloch). 

Longueur de 30 à 40 centimètres. Ce poisson aime les 
eaux vives, courantes et claires ; il remonte constamment 
le courant. On le pêche à la seine, à la ligne, etc. Les 
Truites aiment à s’établir dans les trous, sur les berges 
du fleuve qu'elles habitent, et elles y séjournent tellement 
tranquilles , que les pêcheurs qui connaissent leur retraite, 
vont les y prendre souvent à la main. 


Genre ALOSE. 


L’ALOSE COMMUNE, Alauza vulgaris Val. 


Ce poisson très-commun dans les eaux douces de notre 
département, atteint ordinairement la longueur de 30 à 
40 centimètres. IL fraie d'Avril à fin de Mai; il se prend à 
l'épervier , au filet tramaillé et même quelquefois à la li- 
gne ; il sert à l’approvisionnement de nos marchés : sa 


chair est excellente et très-prisée par les gourmets. 


La SARDINE, Alauza pilchardus Val. 


La Sardine connue dans notre département sous le nom 
de royan, est un poisson de passage qui paraît sur nos 
côtes, d'Avril à fin Septembre; elle se prend à l’aide du 
filet dit Sardinière et avec celui dit du fond. ( Voir à la no- 
tice des péches ). 

La pêche de ce poisson se fait sur la côte et dans le bas- 
sin d'Arcachon où il entre en grand nombre ; on en prend en 
moyenne 16,100,000; cette quantité comprend la pêche en 
mer et celle dans l'intérieur du bassin. Elle est conforme 
aux notes journalières prises par la douane au moment de 
a salaison. L'époque de son frai m'est inconnue. 


ETS 
Familles des GADES. 


Genre GADE. 
MORUuE. 


Gadus morhua | Bloch). 
Morrhua (V. de B.). 


De passage sur la côte de Février à fin Juin; elle est assez 
rare. Le peu qu’on en prend à l’aide du filet tramaillé dit du 
péouque, est en Mars et Avril. J'ignore l'époque du frai de 
ce poisson ; toutes mes démarches à ce sujet ont été infruc- 
tueuses. 

On en prend en moyenne 2,000 par an; on en porte peu 
sur le marché de Bordeaux, les pêcheurs d'Arcachon les 
gardant pour leur nourriture. » 


GADE POLLACK, Gadus pollachius Bloch. 


Ce poisson est assez rare sur nos côtes; son passage 
commence en Février et dure jusqu’au mois de Juin : il se 
prend aussi à l’aide du filet dit du péougue. 

On n’en prend guère plus de 1,200 , année moyenne. Les 
pêcheurs d'Arcachon sont très-friands de la chair de ce pois- 
son; ils le nomment Lieu. 


MERLAN. 


Gadus Merlangus (Bloch). 
Merlangius (V. de B.). 


Ce poisson dont le passage commence en Septembre et 
se termine en Juin, fraie au large en Février, et ne se trouve 
que sur la côte où l’on fait sa pêche à l’aide du filet tra- 
maillé dit du péougue. f 

On ne prend guère plus de 2,000 poissons de cette es- 
pèce par an. 


( 201 ) 
MeErLus, Gadus merluccius Bloch. 


De passage, très-commun sur les côtes d'Arcachon. L’épo- 
que du passage commence en Septembre jusqu’à la fin de 
Juin , il fraie en Février et c'est dans ce mois et dans celui 
de Mars que leur pêche est la plus abondante. Il se prend à 
l'aide du filet tramaillé dit du péougue. On en prend tous 
les ans, à La Teste, en moyenne près d’un million, et ilen 
entre à Bordeaux environ 5 à 600,000 kil. 


Famille des PLEURONECTES. 


Genre PLEURONECTES. 
FLETANT. 
Pleuronectes hyppoglosus | Bloch ). 
Hyppoglosus | V. de B.). 

Cette jolie espèce , dont les taches orangées ressortent si 
bien sur sa peau de couleur grise, entre en grande quan- 
tité dans le bassin et à l'embouchure de la Gironde, venant 
de la côte ; il a les mêmes habitudes que la sole , il fraie à 
la même époque près de la passe. La plus grande abon- 
dance se pêche en Février et Mars. 

Il sort du bassin en Octobre ainsi que de la Gironde. La 
pêche de ce poisson se fait en pleine mer à l’aide du filet 
tramaillé dit du péougue et à l’aide de la courtine et de la 
seine, dans le bassin : il s’en prend aussi à la foène, non 
adultes. 

Le nombre approximatif des poissons de cette espèce qui 
est pris annuellement’, est de 2,500 pesant environ 2000 k. 


La LiMANDE, Pleuronectes limanda Linn. 


La Limande vit de +ers ou d'insectes marins et très-sou- 
vent de petits crabes. 


( 202 ) 
La chair de ce poisson est excellente et fort prisée. 
Il fraie en Février et Mars. * 


SOLE LISSE. 


Pleuronectes solea | Bloch). 
Solea (V. de B.) 

Cette Sole fréquente la côte d'Arcachon toute l’année ; 
elle fraie en Février. J'ai remarqué , dans maintes circon- 
stances, que ce poisson dépose son frai sur les graviers, en 
s’y frottant vivement le ventre, à tel point, qu’en les pre- 
nant, pendant qu'elles le déposent, on leur voit le ventre 
ensanglanté. | 

Sa pêche se fait à l’aide de la jagude , du leyraou , de la 
foène, de la seine et de la courtine dans le bassin d’Arca- 
chon , et du filet tramaillé dit du péougue , en pleine mer. 

Les plus grandes pêches de ce poisson se font en Février 
et Mars. 

On en prend en moyenne, par an, de 41 à 12,000. 

Il faut un an à ce poisson pour atteindre une grosseur 
marchande , et c’est en Juin que le petit poisson est le plus 
abondant. 


SOLE BRUSQUE OU A GRANDES ÉCAILLES, Pleuronectes 
macrolepidotus Bloch. 


Les mêmes observations consignées à l’article du Pleu- 
ronectes solea est en tout applicable à cette espèce. 


CARRELET, PLIE ou PLATUCE. 
Passer lœvis aut plya (V. de B.). 
Pleuronectes plastessa (Bloch). 
Ce poisson se rencontre dans le bassin d'Arcachon , sur 
nos côtes dans toute la rivière de Bordeaux et dans celles 
de la Dordogne , de l'Ile, de la Leyre et dans beaucoup de 


( 205 ) 
jalles et viviers de notre département. Il se prend au ver- 
veux, au renard , à l’épervier et à la ligne, dans les eaux 
douces ; et à la seine, à la courtine, au stoueyre et à la 
foène dans les eaux salées. 

Ce poisson fraie en Février, sur les graviers, sur les- 
quels il dépose ses œufs, en se frottant vivement le ventre. 
Ceux qui habitent les eaux salées montent dans les eaux 
douces à l’époque du frai pour l'y déposer. 

Il faut un an, au Carrelet pour atteindre une grosseur 
marchande, et, l’époque où la pêche s’en fait le plus abon- 
damment est en Mai et Juin. 


LA Pie POLE, Pdeuronectes pola G. Cuvier. 


On confond souvent ce pleuronectes avec la sole, à cause 
de la finesse de sa chair qui est aussi recherchée que celle 
de ce poisson. 


TurBoT. 


Pleuronectes maximus ( Bloch ). 
Rhombus piscis (V. de B.). 


Ce poisson dont la bonté est tant appréciée par les gour- 
mets, est sédentaire et vient du large. Il fréquente la côte 
presque toute l’année; il fraie en Janvier, et se prend en 
pleine mer, à l’aide du filet dit du péougue. La plus grande 
abondance de ce poisson se pêche de Mars en Mai. Pendant 
l'été, ,on en prend aussi sur la côte , à l’aide d’une seine 
nommée garolle : ces derniers poissons sont petits. 

Le petit Turbot ou Turbillon rentre dans le bassin où on 
le prend à l’aide de la foène et à la courtine, filet qui en 
détruit beaucoup. 


On prend en moyenne, par an, 2,000 Turbots, grands, 
pesant ensemble environ 6,150 kil. 


(204 ) 
PLEURONECTES CARRELET, Pleuronectes Rhombus Bloch. 


Ce poisson plus allongé que le Turbot, et que les pêcheurs 
d'Arcachon disent être sa femelle, est aussi, sédentaire ; il 
se prend à l’aide du filet tramaillé dit du péougue. Il rentre 
en abondance , très-petit, dans le bassin d'Arcachon, dans 
les mois de Mars.et Avril; la plus grande quantité en sort en 
Octobre. 

2,500 à 3,000 poissons de cette espèce sont pris, en 
moyenne, par an. On l'appelle Barbue, dans notre dépar- 
tement. 


—"2-$—_—_— 


4.me Ordre : LES MALACOPTÉRIGIENS APODES. 
Famille unique : LES ANGUILLIFORMES. 


Genre ANGUILLE. 


ANGUILLE. 


Muræna anguilla (Bloch , Linné , Lacépède Cuvier ). 
Anguis ( V. de B.). : 

Cette espèce de poisson que l’on peut diviser en deux va- 
riétés bien distinctes, l’Anguille blanche et la noire, se 
trouve à la fois dans le bassin d'Arcachon, dans les rivières 
de Bordeaux, de l'Ile , de la Dordogne, de la Leyre et dans 
tous les marais , jalles et viviers de notre département. 

Malgré les actives recherches auxquelles je me suis livré, 
je n’ai pu me procurer aucuns renseignements positifs sur 
l'époque du frai de ce poisson. Cependant , M. Lagrange, 
notaire à Mios ( Gironde), m'a fait parvenir la note suivante. 

» Dans le mois de Mai, une quantité considérable de 


(205) 
très-petites Anguilles , qui viennent de naître, paraissent 
dans la Leyre , venant du côté de la mer ; en Automne elles 
y retournent en grande partie ; là, se bornent les renseigne- 
ments positifs que je puis vous donner sur l’époque du frai 
de l’Anguille ». 

J'ai vu prendre des Anguilles pesant jusqu’à cinq ou six 
kilogrammes, et moi-même, j'en ai pris une de cinq kilo- 
grammes et demi. Sur le crassat l'Esteytort, dans le bassin 
d'Arcachon, on en trouve beaucoup du poids de trois et 
quatre kilogrammes. 

. Diverses manières de pêcher ce poisson , sont mises en 
usage dans notre département. 

Les plus ordinaires sont la foène, sur les crassats, la bis- 
carde, engin en vime employé communément dans la rivière 
la Leyre. La bouyrique, engin aussi en vime, connu de 
tous nos pêcheurs bordelais, les filets nommés la nasse , le 
renard, la ligne; on en prend aussi quelques-unes à 
l'épervier. ' 

Il y a peu d'années on en prenait en quantité incommen- 
surabl2 au bas de la rivière, à l’aide de pêcheries confues 
sous le nom de gorps, heureusement abolies par suite d’un 
arrêté préfectoral ; heureusement, dis-je, car ces pêcheries 
prenaient à la fois le gros et le petit poisson. 

Un”fait que j'ai vu moi-même et qui pourra donner une 
idée de l'abondance de ce poisson, s’est passé sur la côte 
Nord d'Arcachon, en Juillet 1850. Pendant plusieurs jours 
et aux époques des grandes marées, c’est-à-dire, au moment 
où la mer descend le plus et par un soleil d’une chaleur 
tropicale ; les crassats (bancs de vase molle recouverte 
d'herbes marines) où les anguilles se réfugient, furent tel- 
lement échauflés par le soleil, qu'une mortalité étoñnante 
frappa cette espèce de poissons, qui poussés par la marée et 
le vent, vinrent tomber à la côte dans les communes de 


( 206 ) 
Lège, Arès, Andernos, Audenge et partie de celle du Teich, 
Les Conseils municipaux de ces communes furent obligés de 
requérir des hommes et des charrettes pour creuser des 
fosses et y transporter ces poissons dont la décomposition 
aurait vicié l'air et occasionné des épidémies. 


CoNGRE , Muræna conger Bloch. 


Sans être rare, ce poisson n’est pas commun dans notre 


département ; sa chair est sèche et de peu de goût. On le, 


prend ordinairement à la foène sur les crassats ; J'en ai vu 
qui pesaient de 25 à 30 kilogrammes. Toutes mes recher- 
ches au sujet du frai de ce poisson , ont été infructueuses. 
On le rencontre au bas de la rivière , près de Royan et dans 
le bassin d'Arcachon. 


Genre AMMODITES. 


“ 


LE LANÇON, Ammodytes Tobianus Linné. 


Ce poisson ne dépasse guère plus de 50 à 35 centimètres 
de longueur. On le trouve dans le bassin d'Arcachon et sur 
la côte. L'époque où il fraie m’est inconnue, 


POISSONS CARTILAGINEUX. 


1. Ordre : POISSONS APODES. 


Genre LAMPROIE. 


LAMPROIE MARINE, Petromyzon marinus Linné, Gmel., 
Bloch, Lacépède et Cuvier. 
C'est dans les mois de Mars, Avril et Mai que ce poisson 


se trouve dans les rivières de Bordeaux, de la Dordogne, 
de l'Ile et de la Leyre. 


| 


( 207 ) 

Il fraie en Avril et Mai ; après ces mois, peu de gros pois- 
sons de cette espèce, se rencontrent dans notre département. 

Sa longueur ordinaire est de 70 à 80 centimètres, et son 
diamètre, de 5 centimètres et demi à 6. On se sert pour pé- 
cher ce poisson , qui vit fort longtemps hors de l’eau , des 
mêmes filets que pour l’Anguille. 

La Lamproie de la rivière de la Garonne a été toujours 
la plus estimée, et ce qui le prouve, c’est que l’on trouve 
dans les anciennes chartes des couvents riverains du côté 
de Langon, que les Révérends Pères permettaient la pêche 
de ce poisson, moyennant une certaine redevance , payable 
en Lamproies, en sus de la dime ordinaire. , 


Genre AMMOCETE. 


L'AMMOCETE BRANCHIAL. 
Ammocoœtes branchialis ( Dumézil, Cuvier). 
Petromyzon branchialis | Bloch, Linné, Lacépède). 
Ce petit poisson habite les endroits vaseux de nos riviè- 
res ; sa longueur ordinaire est de 14 centimètres. 
Il ne sert qu'à amorcer les filets qui servent à pêcher les 
Anguilles. 


4.me Ordre : POISSONS ABDOMINAUX. 


Genre RAIE. 


PREMIER SOUS-GENRE. 
Les dents aigües, des aiguillons sur le corps ou sur la queue. 
RAIE OXYRINQUE, Raja oxyrinchus Linné. 
, La chair de cette raie est bonne ; on la trouve en assez 
grande quantité sur nos côtes où elle atteint la longueur de 
2 mètres. 


{ 208 \ 

Cet énorme poisson vient du large et reste stationnaire 
sur les côtes ; il fraie en Avril et Mai au large. On le prend 
en plus grande abondance en Avril; il est de peu de 
valeur. 


RaA1E cHARDON, Raja fullonica Linné. 


La pêche de cette raie se pratique sur nos côtes à l'aide 

du filet tramaillé dit du péougue ; son nom indique la quan- 

| tité de petits piquants dont la partie supérieure de son corps 
est couverte. ” 


SECOND SOUS-GENRE. 


» Les dents aiguës , Point d'aiguillon sur le eorps ni sur la queue. 


RAïE TORPILLE, Raja torpedo Vinné. 


Cette raie nommée aussi à Bordeaux Trémoise, atteint, 
dit Lacépède, un poids de 25 kilog.; quant à moi, je n’en 
ai vu qu'une pesant 15 kilog. 

La Torpille possède la puissance remarquable et redou- 
table de lancer le fluide électrique avec la vivacité de l'éclair; 
elle imprime une commotion soudaine et paralysante au 
bras le plus robuste qui s’avance pour la saisir. 

Ce poisson se tient pendant l'été sur nos côtes d'où il 
disparait aux premiers froids. J'ignore l'époque de son frai. 

La Raie torpille nage peu et avec difficulté ; aussi est-elle 
rejetée souvent par la mer, sur les côtes. 

M. Burguet, docteur-médecin et membre de la Société 
Linnéenne, a pris sur un de ces cartilagineux la sangsue de 
la Torpille { Zrudo rudolfi). 


TROISIÈME SOUS-GENRE. 
Les dents obluses: des aiguillons sur le corps ou sur la queue. 
RaAïE PASTENAQUE, Raja pastanica Linné. 


Cette espèce de raie, nommée Tareronde près Bordeaux, 


( 209 ) 
est de passage et fraie sur la côte et dans le bassin d’Arca- 
chon en Mai et Juin; c’est un très-grand amateur de petites 
huîtres qu'il détruit en quantité. 


RAIE BOUCLÉE, Raja clavata Linné. 


On nomme aussi cette raie à Bordeaux Turbotée à cause 
de la bonté de sa chair. Elle vient du large et fréquente nos 
côtes toute l’année ; fraie en Avril et Mai en pleine mer. 

C'est au mois d'Avril que la plus grande quantité de ce 
poisson est prise au filet dit du péougue. 

Afin d'éviter que la chair de ce poisson ne soit coriace 
(et il en est de même de toutes les autres espèces de raie), - 
il est bon de ne la manger que quelques jours après qu’elle 
a été prise. 

Lacépède affirme que cette raie atteint la longueur de 
4 mètres; quant à moi, je n’en ai jamais vu de plus de 
1 mètre 60 centim. dans le departement de la Gironde et 
encore peu de poissons de cette espèce atteignent cette di- 
mension. 


La RAIE COLIART, Raja batis Linné. 


Cette raie se prend comme les précédentes à l’aide du 
filet tramaillé dit du péougue. La plus forte que j'ai vue at- 
teignait le poids de 30 kilog. 

Cette raie vient du large sur nos côtes qu'elle fréquente 
toute l'année. 

Elle fraie en Avril et Mai. 

Sa chair est bonne et agréable au goût. 


Genre SQUALE. 


PREMIER SOUS-GENRE, 
Une nageoire de l'anus sans évents. 


SQUALE GLAUQUE, Squalus glaucus Linné. 


Nommé dans notre département et sur tout le littoral de 
Tome XIX. 16 


( 210 | 
l'Océan : Peau bleue. Ce squale est assez rare et ne paraît 
que par hasard sur nos côtes. J'en ai vu un de 3 mètres, 
tué d'un coup de fusil par l'équipage d’un navire caboteur 
de La Teste. 


SECOND SOUS-GENRE 
Une nageoire de l'anus el deux évents. 


SQUALE ROUSSETTE, Squalus catulus Linné. 


Les pêcheurs d'Arcachon appellent le mâle de ce squale 
Myrque et la femelle Maratche. Le mâle ne dépasse guère 
une longueur d’un mètre et la femelle au contraire arrive à 
1 mètre 55. 

On peut retirer par la cuisson une grande quantité d'huile 
du foie de ce squale, qui produit, si on en mange, une 
espèce de léthargie assez prolongée. 

La Roussette est très-féconde et s’accouple plusieurs fois 
dans l’année ; chaque portée est de neuf à onze petits. 

Ce poisson vit dans la vase et parmi les algues. 


SQUALE ROCHIER, Squalus stellaris Linné. 


Ce squale souvent confondu avec le mâle ou la femelle de 
la Roussette, est nommé dans notre département Brette. 
On le trouve plus spécialement aux environs de Cordouan 
où on le nomme aussi : Chat des rochers. 

On le pêche au hamecon et il est pris aussi, mais plus 
rarement , au filet tramaillé. 

Sa chair est moins désagréable au goût que celle de la 
Roussette. 


TROISIÈME SOUS-GENRE. 
Deux évents sans nageoires de l'anus. 


SQUALE AIGUILLAT, Squalus acanthias Linné. 


Ce squale est assez rare sur nos côtes ; cependant on en 


( 211 ) 
prend quelquefois en assez grande quantité, mais surtout 
des jeunes , dont la chair est filamenteuse, dure , et peu 
agréable au goût. 


SQUALE HUMANTIN, Squalus centrina Linné. 


Le Humantin nommé plus vulgairement Bernadet, est 
un de ces poissons dont la chair est si peu estimée, qu'il est 
rejeté à la mer aussitôt pris. Les tubercules gros et sail- 
lants dont sa peau est couverte, l'ont fait nommer par les 
pêcheurs d'Arcachon : Chenille. 

Il vit dans les algues et la vase. au large de nos côtes. 


SQUALE ANGE, Où CRÉAC DE Bucn, Squalus squatina 
Linné. 

On prend ce squale, appelé martrame dans le départe- 
ment, à la mer, avec le filet tramaillé dit de péougue et 
dans le bassin d'Arcachon , avec celui dit martramaou. Sa 
chair est bonne et ressemble assez à celle du veau; elle ne 
sert guère cependant qu'à la nourriture des gens du peuple. 

I! fraie en Avril et donne naissance à treize petits. 

Environ 25,000 kilog. de ce poisson sont, pris en 
moyenne , chaque année. 

Il atteint la longueur de 2 mètres 69 cent. : c’est le plus 
long que j'ai vu. 


SQUALE RENARD , Squalus vulpes Linné. 


Je dois la connaissance de ce poisson , dans notre dépar- 
tement, à M. H. Burguet, docteur-médecin et membre de 
la Société Linnéenne de Bordeaux. 

Ce squale atteint la dimension de 2 mètres, nage très-vite 
et il parait avoir l’odorat des plus sensibles. Il est très-vorace 
et ses manœuvres ‘au milieu de la mer, ont quelques rap- 
ports avec les ruses du renard sur terre. 


(212) 

Pline a écrit que lorsque le squale renard avait mordu à 
l'hamecon , il savait l’avaler de manière à parvenir jusqu’à 
la ligne, qu’il coupait ensuite avec ses dents. 

Du reste ce Squale n’est pas très-commun dans notre 
département où on le prend même assez rarement. 


Genre ACIPENSÈRE. 


PREMIER SOUS-GENRE. 
Les lèvres fendues. 


L'ACIPENSÈRE ESTURGEON. 


Acipé esturgeon | Daubenton). 
Acipenser sturio (Linné, Bloch , Bonnaterre). 

Cet Acipensère nommé Créac, dans notre département, 
est un des poissons qui atteint un des plus grands dévelop- 
pements. Jen ai vu de la longueur de 5 mètres et on en 
prend communément dans notre rivière qui ont 2, 5 et 
même 4 mètres de longueur. 

Cet énorme cartilagineux habite non-seulement l'Océan, 
mais au lieu de passer toute sa vie, dans les eaux salées 
comme les raies, les squales , etc., il recherche les eaux 
douces dans lesquelles il rentre au printemps pour y frayer 
y engraisser et y grandir. 

Sa chair présente un degré de délicatesse bien rare chez 
es cartilagineux ; elle a été prise souvent pour celle d’un 
jeune veau. 

Il fraie en Avril et Mai et vit assez longtemps hors de 
l'eau. 


Genre SYNGNATHE. 
LE SYNGNATHE TROMPETTE , Syngnathus typhle Linné. 


Sa chair est si peu abondante , que cé poisson n’est pas 
recherché pour la nourriture. 


(115) 
Il se trouve en assez grande abondance sur nos côtes à 
* J'embouchure de la Gironde et dans le bassin d'Arcachon. 


CHEVAL MARIN, Syngnathus hyppocampus Bloch. 


Atteint la longueur de 50 à 40 centimètres ; ne sert à au- 


cun usage. 
On le trouve dans le bassin d'Arcachon , au milieu des 


algues sur les crassats. 
L'AIGUILLE , Syngnathus acus Linné. 


L’aiguille ne peut servir à aucune consommation ; on la 
trouve ainsi que les espèces qui précèdent, dans le bassin 
d'Arcachon où on lui donne le nom de Lézard de mer. 

L’Aiguille fraie en Avril et Mai. 


LE SEXANGULAIRE, Syngnathus barbacus Linné. 


On le trouve dans le bassin d'Arcachon parmi les plan- 
tes marines qui couvrent les crassats. 


La Pipe, Syngnathus æquareus Linné. 


Ne sert à aucun usage. Fraie en Avril et Mai ; on la trouve 
dans le bassin d'Arcachon sur les crassats. 


Genre CYCLOPTÈRE. 
Le CYCLOPTÈRE LoMPE, Cyclopterus lumpus Cuvier. 


Ce poisson, dont j'ai envoyé un échantillon, au Cabinet 
d'histoire naturelle de Bordeaux, en 1849 , a été pris dans 
le bassin d'Arcachon , où il est assez rare. 

Il se nourrit de petits crustacés. 

Ce Cycloptère fraie en Avril et Mai en pleine mer. 


(24) 


CÉTACÉS 


QUI SE TROUVENT DANS LE DÉPARTEMENT 
DE LA GIRONDE. 


DAUPHINS. 


LE DAUPHIN VULGAIRE, Delphinus delphis Lesson, Lin. 


Longueur : 1 mètre 90 cent. à 2 mètres. 

Le Dauphin est grand amateur de sèches dont il ne 
mange que la tête et les tentacules; il est très-vorace , et 
dévore chaque année une grande quantité de sardines. 

Les" Dauphins se livrent entr’eux de rudes combats, en 
se disputant leur proie ou leurs femelles , et les blessures 
qu'ils se font, sont très-profondes. 

Ils s’accouplent en Automne et la gestation dure , dit-on, 
dix mois. 

Ce cétacé se tient seulement dans les eaux salées de no- 
tre département. Peu d'exemples prouvent qu'il soit re- 
monté dans les eaux douces. 


LE DAUPHIN GRAND-SOUFFLEUR , Delphinus tursio, 
Bonnaterre. 


Ce Dauphin remarquable par son dos noiràtre et son 
ventre blanchâtre, a les mâchoires de médiocre longueur, 
et l'inférieure qui dépasse un peu la supérieure. 

Il se trouve un peu au large de nos côtes ; mais beaucoup 
moins communément que le Dauphin vulgaire. 


MARSOUINS. 


LE MARSOUIN COMMUN, Delphinus phocæna Artedi. 


Longueur 1 mètre 53 cent. à 1 mètre 67 cent. 


(245) ‘ 

La femelle porte six mois et ne fait qu'un seul petit qui 
à, en naissant, une longueur d'environ 60 centimètres. 

Le Marsouin commun a beaucoup de rapport avec le Dau- 
phin vulgaire. 

Il devient furieux et comme aveugle à l’époque de l’ac- 
couplement. 

Il n’en est pas de même du Marsouin que du Dauphin ; 
car il se tient non-seulement dans les eaux salées, mais 
encore dans les eaux douces et il remonte très-haut dans 
la rivière de Bordeaux. On m'a affirmé en avoir vu même 
remonter jusqu'à Cambes, sans doute à la poursuite de 
quelque proie. Un autre fait à l’appui et qui vient en prou- 
ver la vérité, est celui-ci : en 1844 , un Marsouin fut pris, 
près de Libourne, sur un banc de sable, qu'il ne put fran- 
chir en poursuivant une carpe. 

Dans tout le département on considère comme une an- 
nonce de tempête , toutes les fois que le Marsouin quitte 
les côtes pour remonter vers les eaux douces. 


LE MARSOUIN DE PAIMPOL, Delphinus griseus Cuvier. 


Longueur 3 mètres 33 cent. 

Cette espèce de Marsouin a été trouvée épave sur la côte 
de Cazeaux , le 12 Avril 1844. Je ne le cite que pour mé- 
moire. 


MARSOUIN TÈTE RONDE. 


Phocæna globiceps | Lesson |. 
Delphinus globiceps | Cuvier ). 

Je n’en ai vu qu’un échantillon , pris en 1846 , par l’équi- 
page de la tillole de pêche, La petite Louisa, patron Dau- 
ris ; lorsque l'équipage leva ses filets de péougue dans les- 
quels ce Marsouin s’était embarrassé. 

Cet énorme cétacé avait 6 mètres 35 cent. de longueur, 


(216) 
le dos gris-noir, et le museau formé par une sorte de bour- 
relet. 
Les pêcheurs qui l'avaient pris et mutilé pour le tuer, 
firent fondre sa graisse pour en extraire l'huile. 


CACHALOT. 


CACHALOT MACROCÉPHALE , Catodon macrocephalus 
Lesson. 


Je ne mentionne ici ce cachalot que sous toutes réserves, 
et d'après le rapport qui m'en a été fait, en 1847, par le 
capitaine Pichard , commandant le lougre Le Persévérant, 
qui me dit avoir aperçu, à environ 40 kilomètres au large 
et par le travers du cap Ferret, une énorme baleine, je me 
sers de ses expressions, pouvant avoir de 13 à 16 mètres 
de long, dont la queue était très-étroite et le corps d’un 
bleu ardoisé taché de blanc; d’après cette description, je 
n'ai trouvé que le Catodon macrocephalus qui y ressemblât; 
et, ce qui me prouve assez la véracité de cette version, c’est 
que ce cachalot a déjà été signalé dans nos mers. 


BALEINOPTÈRE. 


BALEINOPTÈRE A BEC, Baleinoptera acutorostrata 
Lacépède. 


Ce Baleinoptère que la mer enleva après l'avoir déposé 
sur nos côtes, au truc du Lion, avait les mâchoires poin- 
tues ; celle d’en haut plus courte et plus étroite que l'infé- 
rieure ; le dessus du corps noir et le dessous du ventre 
blane avec des plis : ses fanons étaient courts. Ce signale- 
ment avait été pris par. le chef du poste des douanes voisin 
du lieu de l’échouement ; il constata en outre que ce cétacé 
avait 9 mètres environ de longueur. 


(217) 


TABLE 


A 


POISSONS OSSEUX. 


4.er Ordre. — LES ACANTHOPTÉRIGIENS. 


Famille des PERCOÏïDES, 


Genre PERCHE. 
La Perche commune de rivière. 
Genre Bars. 


Le Loup ou Loubine. 


Des Percoïdes à une seule dorsale. 


Genre SERRAN. 
Le Serran. 


Des Serrans dont la mâchoire inférieure seulement est garnie 
de très-peliles écailles , ou des Mérou. 


Le grand Serran brun. 
Genre Vive. 


La Vive commune. 

La petite Vive. 

Des Mulles proprement dits, nommés aussi Rougets ou Rougets 
barbets. | 

Le Surmulet ou grand Mulle rayé de jaune. 

Le vrai Rouget ou Rouget barbet. 


Des Acanthoptérigiens à joue cuirassée. , 


Genre TRIGLE. 


Le Grondin rouge. 
Le Perlon ou Rouget grondin. 
Grondin proprement dit ou Grondin gris. 


(28) 
Genre CHaBorT ou CHABOISSEAU. 


Le Chabot de rivière. 
Le Chabot de mer ou Chaboïisseau. 
Le Chaboisseau de mer à longues épines. 


Genre SCORPÈNE. 
La Scorpène. 
Genre EPinocxe. . 


L'Épinoche à queue armée ou Picard. 
L’épinoche à queue nue. 


Le Gastré ou Épinoche de mer à museau allongé. 


Famille des SCIENOïiDES. 


Genre ScIÈNE ou Mure. 
Le Maigre. 
Genre OMBRINE. 


L’Ombrine commune. 
DES SPAROÏDES. 


Genre SARGUE. 

Le petit Sargue, Sarguet ou Sparaillon. 
Genre DauRane. 

La Daurade vulgaire. 
Genre Pacer. 


Le Pagel commun. 
Le Rousseau ou Pagel à dents aiguës. 


Genre DENTE. 
Le Denté ordinaire. 
Genre Bocue* 


Le Bogue vulgaire. 
La Saupe. 


DES SCOMBÉROÏDES. 
Scombéroïides à fausses pinnules el sans armure 
à la ligne latérale. 

Genre MAQuEREAU. 

Le Maquereau commun. 
Genre Tnon. 

Le Thon commun. 
Genre SAUREL. 


Le Saurel ou Maquereau bâtard. 
Scombéroïdes à bouche contractile. 
Genre ZÉEs. 


La Dorée commune. 
Genre Lamwpris. 


Le Lampris tacheté ou Chrystôme ( poisson lune). 
Famille des TŒNOïiDES. 


Genre ANTÉRINE. 
L’Antérine prêtre. 


DES MUGILOÏDES. 


Genre Muce ou Muzer. 


Le Muge capiton. 

Le Muge à grosses lèvres. 
Le Muge sauteur. 

Le Muge doré. 

Le Muge raccourci. 


Famille des GOBIOÏïDES. 


Genre BLENNIE. 


La Blennie papillon. 
La Blennie chevelue. 


(220 ) 
Genre GONNELLE. 
La Gonnelle vulgaire. 
Genre GOoBiE. 


Le Gobie commun. 

Le Gobie à deux teintes. 
Le Gobie à haute dorsale. 
Le Gobie buhotte. 


Genre Cazcionyme voisin des GOBIOÏDES ). 


Callionyme lyre ou Doucet. 
Callionyme draconnet. 


Genre URANOSCOPE. 
Le Rat. 


Des Acantoptérigiens à pectorales pédiculées. 


Genre BAuDROIE. 


La Baudroïie commune. 
DES LABROÏDES. 


Genre LABRE. 


Labre varié. 
Vieille verte. 
Labre à trois taches. 


Genre CRÉNILABRE. 


Crénilabre mélope. 
Crénilabre de Baillon. 


9,.me Ordre. — LES MALACOPTÉRIGIENS. 


Famille des CYPRINOÏDES. 


Genre CyPRIN. 


Carpe commune. 
Cyprin doré ou Dorade de la Chine. 


Genre BARBEAU. 


Le Barbeau commun. 


(221 ; 
Genre Gouson et: TaNcuE. 


Goujon commun. 
Tanche. 


Genre ABLE. 


La Brême. 

Le Rotengle. 

Le Gardon. 

Le Chevaine ou Meunier. 
La Vandoise. 

L’Able de la Gironde. 
L’Eperlan. 


Genre Locne. 


La Loche franche ou Petit Barbot. 
La Loche de rivière. 


Genre SILuRE. 
Le Mal. 
Genre Esoce ou Lucoïne. 
Brochet ordinaire. 
Genre ORPHIE. 
Aiguille ou Orphis. 
Genre Exocer. 


L’Exocet aux ventrales tachetées. 
L’Exocet fuyard. 


Famille des CLUPEOÏiDES. 


Genre HARENG. 


Le Hareng commun. 
Le Gat ou Gatte. 


Genre HARENGULE. 
Le Harengule Esprot. 
Genre MELETTE. 


La Melette commune. 


Genre Axcxois. 
L’Anchois vulgaire. 
Famille des SALMONOÏïDES. 
Genre SAuUMoN. 


Le Saumon. 
Le Bécard ou Truite saumonnée. 


Genre TRUITE. 
La Truite vulgaire. 
Genre ALosE. 


L’Alose commune: 
La Sardine. 
Famille des GADES. 
Genre GADE. 


Le Gade Morue 
Le Gade Pollack. 
Le Gade Merlan. 
Le Gade Merius. 
Famille des PLEURONECTES. 


Genre PLEURONECTES. 
Le Flétant. 
La Limande. 
La Sole lisse. 
La Sole brusque ou à grandes écailles. 
Le Carrelet plie ou Platuce. 
La Plie pôle. 
Le Turbot. 
Le Carrelet (Barbue). 


4e OrDre. — LES MALACOPTÉRIGIENS APODES. 
Famille unique : les ANGUILLIFORMES. 
Genre ANGUILLE. 


L’Anguille. 
Le Congre. 


Genre AMMObITESs. 


Le Lançon. 


(225) 


POISSONS CARTILAGINEUX. 


4.er ORDRE. — POISSONS APODES. 


senre LAMPROIE. 
Lamproie marine. 
Genre AMMOCÈTE. 


Ammocète branchial. 


4.m ORDRE. — POISSONS ABDOMINAUX. 


Genre Raï. 
Raïe oxyrinque. 
Paie chardon. 
Raie torpille. 
Raie pastenaque. 
Raie bonclée. 
Baie coliart. 


Genre SQUALE. 


Squale glauque. 
Squale roussette. 
Squale rochier. 
Squale aiguillat. 
Squale humantin. 
Squale ange. 
Squale renard. 


Genre AGCCIPENSÈRE. 
L’Accipensère esturgeon. 
Genre SYNGNATHE. 


Le Syngnathe trompette. 


- (224 ) 
Le Cheval marin. 

L’Aiguille. 

Le Sexangulaire. 

La Pipe. 


Genre CyYcLOPTÈRE. 
Le Cycloptère lompe. 


— Riz —— , 


CÉTACÉS 


Du département de la Gironde. 


DAUPHINS. 


Le Dauphin vulgaire. 
Le Dauphin grand-soufleur. 


MARSOUINS. 


Le Marsouin commun. 
Le Marsouin de Paimpol. 
Le Marsouin tête ronde. 


CACHALOT. 
Le Cachalot macrocéphale. 
BALEINOPTÈRE. 


La Baleinoptère à bec. 


7 


(295 ) 


XV. FRAGMENTS de Botanique critique ; par M. L. A.. 
CHAUBARD, correspondant. 


( N.o 1, suite ). 


Aira corymbosa Chaub. FI. Pelop. 5, t. 7. — 
Spithamalis , ramis inferioribus ad paniculæ summitatem 
subattingentes : Valvulis calicinis obtusiusculis corollam 
bidentatam superantibus : Arista sæpè obliterata @ — 
A. capillaris Lois. Gall. certè ex propriis speciminibus. — 
Duby. Bot. non Host.— À. inflexa Mut. F1. fr. f. 590 non 


Lois. 
({ Not. ). Culmi graciles spithamei : Folia convoluta fili- 
formia , brevia , aspera : Ligula lanceolata fissa. 


( Obs.) Cette espèce est sans doute très-voisine de l'A. caryo- 
phyllæa , mais elle en diffère, 1.0 par ses rameaux inférieurs plus 
allongés, ce qui fait paraître ses fleurs en bouquet ( corymbus ) : 
2.0 par ses valves calicinales plus grosses , plus coriaces et dont le 
sommet presque obtus ne se recourbe point en dehors : 3.0 par ses 
valves florales à deux dents, presque obtuses et non avec deux pointes 
déliées atteignant le sommet des valves calicinales : 4.0 par l’inser- 
tion de l’arête au-dessus de la base et non vers le milieu de Ja balle : 
5.0 par le réceptacle nu et non velu : 6.° par la briéveté de son 
arète et son absence dans la plupart des fleurs. — Le sommet de la 
balle florale est droit -et non fléchi en-dedans comme la représente 
la figure citée de Mutel d’ailleurs fort bien faite. Ce sommet des 
balles étant moins long que dans VA. caryophyllæa ; celle-ci l’a bien 
évidemment fléchi en-dedans. . 

Rottboella loliacea Chaub. FI. Pelop. n.° 213.— 
Spica terminali incurvata tereti subutata : Valvula calycina 
integerrima obtusa flosculis longiore : Spiculis 3, 4 floris 
breviter pediculatis : Corollis obtusiusculis : Foliis planis 
culmo latioribus glabris : Ligula truncata brevissima : 


Culms digitalibus et ultra cespitosis @). 


Tome XIX. 17 


(296 ) 


Har. In Peloponneso , in Syria ( Labillardière |. 


Ressemble aux gros individus du R. cylindrica, mais 
celui-ci a sa valve calicinale aiguë, plus courte et son épillet 
est réduit à.un seul fleuron. 


Valerianella incrassata Chaub. FL Pelop. n.° 
45.— Muricato-hispidula rigida : Ramis floriferis incrassatis 
anticè canaliculatis adbreviatis : Fructw' ovato-hirto coroz 
nato dentibus quatuor quarum una majore utrinquè uni- 
denticulata @.— V. eriocarpa Dufr. Monogr. t. 5, f. 4.— 
Rchnb. Ic. ecrit. f. 132.— Mutel. Fr. t. 25 , f. 214 non Desv. 


Has. Les rives du Tarn, les environs de Toulouse, le 
parc de Malesherbes près de Nemours, la Morée. 


Obs. Très-voisine du V. dentala eriocarpa qui est la pl. de 
M. Desvaux ainsi que le montre la figure qu'il en a donnée et dont 
nous joignons un décalque à la nôtre ; mais elle s’en distingne essen- 
tiellement, 1.0 par ses rameaux florifères renflés au-dessous des 
fleurs et canaliculés à la face interne, caractère qui la distingue des 
espèces voisines et qui ne permet pas de la rapporter au V. erio- 
carpa de Desvaux comme l’ont fait MM. Mutel, Cosson et Germain, 
Lagrèze-Fossat, etc.; car, ni les figures, ni les descriptions de la pl. 
de Desvaux ne notent cette différence plus essentielle que le déve 
loppement plus ou moins grand de la couronne du fruit. 2 ° Elle s’en 
distingue encore par son fruit plus court relativement à sa grosseur 
et dont la couronne est aussi large au moins que le ventre, au lieu 
d’être au contraire plus étroite ; mais cette différence à nos yeux est 
de moindre importance que le renflement des rameaux qui toujours 
accompagne cette forme. Au reste , il est certain par des échantil- 
lons provenant de M. Desvaux même et qui sont conservés dans 
l’herbier Delessert, qu’il a confondu ensemble les deux plantes. Mais 
sa description et surtout la figure qu’il en a donnée dans son journal 
et dans la Notice de Loiseleur, montrent que la pl. qu'il a décrite 
sous le nom de V. eriocarpa n’est point notre V. éncrassala , mais 
bien le V. dentata à fruit velu et couronne un peu plus ample que 
d'ordinaire , ce qui n’est pas une différence spécifique à nos yeux. 


(227) 
N.e 2. 


Crocus nivalis B. et Chaub. Exp. en Morée et FI. 
Pelop. n.° 49. t. 5. f. 1 (1832). — Foliis coætaneis : Stig- 
matibus longitudine mediocribus profundè distinctis valdè 
inæqualibus valdèque apice dilatatis subfimbriatis : Spatha 
duplici semipellucida : Corolla purpurea fauce lutea (nuda ?) 
% — C. Sieberi Gay. Bull. Feruss. 25. p. 219? 

( Not.) A. C. verno differt spatha duplici, fauce lutea, 
stigmatibus profundius divisis, et a C. suaveolente cui 
magis affinis, bulbis reticulatis. 


Has. In Peloponnesi alpinis ad nivem deliquescentem, 
in Parnasso. 


Crocus levigatus B. et Chaub. Exp. en Mor. et F1. 
Pelop. n.° 50. t. 2. f. 2 (1852). — Foliis coætaneis : 
Stigmatibus profundè distinctis valdè inæqualibus in laciniis 
filiformibus divisis (stamina superantibus ) : Spatha acuta 
duplici : Tunicis Bulbi lævigatis coriaceis lucidis Z.— C. 
Tournefortii Gay, 1. c. 

Has. In Cycladibus insulis, Milo, Termia. 


( Obs.) A. C. Tournefortii Gay. vix differt tunicis coriaceis nec 
fibrosis fibris parallelis. Si hæ duæ plantæ una et eadem species sint, 
cuinam prioritas ? PI. gayana jam ab anno 1851 edita nostram ante— 
cedit. Sed Crocorum specimina è Græcia allata Dom. Gay a nobis 
communicata fuerunt, et certè tres paginas edere facilius est quàm 
floram integram péloponnesiacam. Ergd prioritas Dom. Gay ratione 
anni et nobis ratione juris et æquitatis. 


Pancratium itiyricum, Lin. Sp. 418. 


(Obs.) Dans le Mantissa , p.362, on lit : P. marilimum.— Folia 
latitudine pollicis, at in P. ülyrico Galanthi foliis vix latioribus. 
Il y a là méprise évidente. C’est l'inverse qui est la vérité; car celle 
des deux plantes qui a les étamines plus longues que le nectaire et 
qui est le P. illyricum , a les feuilles beaucoup plus larges que le 


( 298 ) 
P. maritimum , qui souvent ne les a pas plus larges que le Galan- 
thus nivalis. 


Tofieldia ossifraga Nem. ( Anthericum ossifragum 
Lin. }.— Abama ossifragà Cand., Duby. 

(Obs.) Ainsi que l’a remarqué Hinné, l’aflinité de cette plante avec 
le T. calyculata ( Anthericum calyculatum Lin. ) est trop grande 
pour qu’elle en puisse être séparée de genre; car elle n’en diffère 
que par son ovaire à un seul et non à trois styles, ce qui est de 
grande considération dans le système sexuel; mais le caractère 
générique a pour but unique de faire reconnaitre le genre et non 
de le constituer : est ut genus noscatur non ul genus fiat selon 
l'expression de Linné. Il est surprenant que cette vérité soit ignorée 
ou méconnue par la foule des botanistes de nos jours. Cette igno— 
rance ne tend à rien moins qu’à la destruction des familles naturelles. 
Ces familles, en effet, n’étant que des réunions de genres ,-si ces 
genres ne sont, point naturels, comment leur réunion pourrait-elle 
l'être ? 


Veronica spuria Lin. Sp. 13.— Caulibus 3-6'deci- 
met. longis , densè breviterque hirta : Foliis angustè lanceo- 
latis dentibus simplicibus laxis obtusiusculis breviter petio- 
latis subverticillatis : Floribus in spicis terminalibus parvu- 
lis : Bracteis parvis vix calyce longioribus : Pedunculis 
calycis longitudine : Corollæ lobis ovoïdeis ; Genitalibus vix 
exsertis : Capsula ovoïdea cordata calycem excedente nervo 
marginata Z — V. paniculata Benth. in Cand. Prod. 10, 
p. 465.— V. foliosa Walds. Kit. Hung. 2. t. 102.— V. 
altaïca Fisch. — V. amethystina W.— V. serrulata Pall. 
— T. virgata Link.— V. brevifolia Bieb. 


B V. linariæfolia Pall. — Fol. lanceolato-linearibus, — 
V. Hosti Morett.— V. cartilaginea Ledeb. 


y V. mollis Link. — Fol. utrinque tomentosis , ramosis- 


sima.— V. elegans Cand.— V. stephaniana Rœm. et Schult. 
Has. In Germania, Hungaria, Italia, Siberia. . 


( 229 ) | 
( Obs.) Selon M, Bentham, cette plante ne serait autre que le 
V. paniculata Lin. Sp. 18; mais celle-ci ayant des grappes florales 
latérales et non terminales seulement , cette manière de voir ne 
saurait être admise quand même elle serait fondée sur l’herbier de 
Linné ; car cet herbier ne peut témoigner contre le Species et n’a 
d'autorité que quand il se trouve d'accord avec lui. 


Veronica prostrata Lin. Sp. 16. — Gaulibus basi 
prostratis 1-3 decimet. longis : Foliis petiolatis ovato- 
oblongis , superioribus lanceolato-linearibus crenatis : Race- 
mis densifloris : Corolla cœrulea lobis apice angulosis 
subacutis”: Pedunculis calycem subæquantibus : Capsulis 
ovoïdeis cordatis %. 


« Linneana seu minor caulibus digitalibus.— Chamædrys 
spuria incana minor Bauh Hist. 5. part. 2. p. 287. * 


B Major { V. Teucrium Auct. ).— Caulibus 2-53 decimet. 
longis magis erectis, corolla lobis subrotundis., — VF. Teu- 
crium Poit. et Turp. FL. par. t. 15. f. 4, 2.— Lodd. Bot. 
* Cab. t. 425. 


7 V. saturejæfolia Poit. et Turp. Par. t. 17.— Foliis 
lanceolato-linearibus, caule digitali. — 


Has. Locis arenosis in Europa media et australi. 


(Obs.) Dans cette plante où Mutel a cru voir avec tant d’autres le 
V. Teucrium Lin., il réunit comme variétés le V. austriaca, le 
V. mullifida et le V. orientalis Lin., dont on ne vit jamais vestige 
en France. Ce n’est pas là faire de la science ; c’est s’en jouer. 


Veronica Teucrium Lin. Sp. 16.— Foliis sessilibus 
ovalo-cordatis subamplexicaulibys obtusis crenato-dentatis 
superioribus ovato-oblongis : Racemis densifloris : Corollæ 
lobis rotundatis : Calicibus quinquedentatis : Pedunculis 
calice vix longioribus %. — Clus. Hist. 4. p. 349. f. sinis- 
tra.— V. pseudo chamædrys Jacq. Aust. t, p. 57. f. 60 — 
V. latifolia Vahl., Koch., Benth., etc., non Lin. 


( 230 ) 

( Obs.) Jacquin , 1. c., rapporte qu'ayant demandé à Linné si c'était 
là son V. latifolia, il lui fut répondy que ce ne l'était pas. Cette 
plante est une espèce orientale qui n’est mentionnée en Europe 
que parce qu'elle se trouve dans les montagnes de l'Est, en Autriche. 


Veronica montan& Lin. { Veronica Mas des anciens 
botanistes, vrai Thé d'Europe ), 


( Obs. ). Desséchée à l’air libre sans être pressée, la Véronique 
de montagne jexhale une forte odeur de thé de la Chine qu’elle n’a 
point dans son état de fraicheur. Son infusion théiforme, comparée 
à celle de la plante chinoise , offre d’ailleurs une analogie si parfaite, 
qu’il est absolument impossible de distinguer l’une de l'autre. En 
outre, des expériences consciencieusement faites et très-souvent 
répétées par feu le docteur Pons d'Agen, sôit sur lui-même, soit 
sur sa famille, soit sur sa nombreuse clientelle , ont constaté qu’elle 
ne cède"en rien au thé de la Chine quant à sa vertu cordiale, exci- 
tante et stomachique. Elle a mème sur celle-ci un avantage précieux : 
on ne lui trouve point cette âcreté que l’on reproche avec raison au 
thé de la Chine et dont on a cherché à neutraliser les effets par un 
mélange avec certains sels. Il n’en est pas de même de la Véronique 
mal à propos dite oflicinale. La dessication ne donne pas à celle-ci 
l'odeur du thé. Son infusion non plus n’a pas la moindre analogie 
avec celle de la plante chinoise ; et d’ailleurs, sa prétendue propriété 
cordiale, excitante et stomachique n’a nullement soutenu la réputa- 
tion que la Véronique de montagne lui avait faite. C’est donc au 
Veronica montana de Linné et non au Veronica faussement dite 
officinalis qu’il faut rapporter tout ce que les anciens auteurs ont 
dit du Veronica mas ou Thé d'Europe. 


Par une fatalité smgulière, cette intéressante plante n’a été connue 
des botanistes du XVIL.%e siècle que par sa célébrité. En effet, Fuchs 
au lieu du Veronica mas a décrit et figuré le V. Chamædrys Lin.— 
Mathiole en a donné une figuresi mal faite, qu’il est impossible de la 
rapporter à aucune espèce connue. Dodoens qui en donne deux au 
lieu d'une n’a pas été plus heureux, car ni l’une ni l'autre ne se 
rapportent soit au V. montana, soit au T. officinalis. Quant à Dalé- 
champ et Lobel, ils ont emprunté à leurs prédecesseurs celle qu'ils 
ont insérée dans lêur livre. L'un a copié celle de Dodoens , l’autre 
celle de Mathiole. Enfin, est venu l'érudit Gasp. Baubin qui au lieu 


( 231 } , 
du V. mas, a décrit l'espèce à laquelle Linné a donné le nom falla- 
cieux de W. officinalis, nom que nous proposons de changer en 
celui de V. commutala pour en finir avec l’erreur. 


Veronica latifolia Lin. Sp. 18. — Erecta cubitalis : 
Foliis subsessilibus 5-6 centimet. longis ovoïdeo-lanceolatis 
crenato-dentatis basi rotundatis : Racemis lateralibus den- 
sis elongatis : Gorollæ lobis apice angulosis : Calycinis seg- 
mentis magnis (5-6 millim.) lanceolatis : Pedunculis calyce 
brevioribus. Capsula cordata sæpè ciliata latitudine altitu- 
dinem superante Z.—V. pratensis omnium maxima Buxb. 
Cent. 1. p. 23. t. 54 (ex ipso Linneo }.— V. melissœæfolia 
Desf., Benth., Walspers, etc.— V. maxima Stev. 


B incisa.— Foliis crenato-subpinnatifidis. — V. caucasica 
Lodd. Bot. Cab. t. 1569 non Bieb. quamquam citata sit a 
celeberrimo Bentham. | 


Has. Ad oras Bosphori, in Caucaso, Oriente ( vid. in 
Herb. Delessert ). 


( Obs. ). Si De Candolle, Koch, Bengham et leurs échos eussent lu 
la description de Jacquin qu'ils citent, ils y auraient vu que d’après 
la déclaration de Linné lui-mêèmé,, le V. pseudo-Chamaædrys ne 
peut être rapportée comme ils l’ont fait au V. latifolia Lin. 


Veronica Chamædäryoîides Chaub. FI. Pelop. n.° 
48. t. 1.— V. Chamædrys nimis affinis et fortè varietas 
sicut temerè nimis judicavit celeberrimus Benthamius. 
Differt quippè partibus suis omnibus, scilicet, foliis supe- 
rioribus profundius crenatis et quasi semi-pinnatifidis nec 
crenato-dentatis , cautibus undiquè pilosis nec bifariam 
hirsutis , calycinis foliolis supra medium nec in medio dila- 
tatis, obtusis nec acutiusculis, et deniquè corollæ lobo ma- 
ximo apice anguloso nec rotundato. 


( Obs). Por confondre ensemble ces deux plantes à l'exemple du 
célèbre Bentham , ne faudrait-il pas au moins qu’il y eût entr'’elles 


. (232) 

quelque chose de commun autre qu’un muet facies ? Nous donnons 
ici, t. 8, la figure des deux plantes à côté l'une de l’autre pour qu’on 
puisse mieux les juger. : 


N.° 5. 


Veronica agrestis Lin. Sp. 18. 


( Obs. ). Le V. polila Fries ( V. didyma Tenor, ) est incontesta- 
blement le V. agrestis du Species , puisque c’est elle qui a des feuilles 
en cœur ( cordalis }, caractère qui la distingue de la suivante à la- 
quelle on a mal à propos rapporté le V. agrestis. Le Species a tou- 
jours raison contre le Flora suecica comme contre l’herbier, et 
quand mème Linné aurait confondu les deux plantes, ce qui est 
possible, le Species fixant les idées par les mots foliis cordatis qui 
ne peuvent s'appliquer qu’à l’une d’elles, il ne saurait être loisible 
de transporter le nom de V. agrestis à celle des deux qui n’a pas ses 
feuilles en cœur. 

Nous donnons ici la figure d’une variété de cette plante , t. 13, 
f. 2, À lobes du calice dentés. Ce serait le V. glauca de la Flore 
grecque , t. 7, si ces feuilles supérieurestaient incisées de manière 
à être à demi-pinnatifides, mais elles ne diffèrent pas des inférieures. 
Au reste, cette différence singulière n’est rien moins que constante. 
Après s'être montrée dans les fleurs inférieures , elle disparaît dans 
les supérieures, o . 


Veronîca Friesii Nem. t. 9. — V. agrestis valdè 
affinis sed omnibus partibus diversa. Foliis ovato-oblongis 
nec basi cordatis inferioribus cum crenulis 11, superioribus 
cum 13 nec 9 ; Calycinis lobis oblongo-lanceolatis nec basi 
dilatatis, nervis ad medium evanescentibus nec usquè fere 
ad apicem productis ; stylo breviore.@. -- Y. agrestis Fries 
non Lin. Sp. — Rchnb. Ic. crit. 3 f. 440, 441 à Mutel. 
reprod. f. 328, 350. 


Has. Les champs cultivés principalement dans le nord 
de l'Europe, rare où manquant dans le midi de la France. 
Rapportée de l’Ile-Maurice où, sans doute, elle n’est point 
indigène. 


Lee midi 


( 235 ) 

Veronica filiformis Smith. Trans. Soc. Lin. Lond. 
4. p. 195. — V. agrestis valdè affinis : differt partibus 
duplo majoribus, pedunculis folio duplo longioribus, caly- 
cinis foliolis lanceolatis nec ôvatis, capsula latiore quam 
lata lobis divergentibus, corolla dupld ampliore @. — 
Buxb. Cent. 1, t. 40, f. z.— Mut. F1. fr. { mauvaise fig. ). 
— V. agrestis constantinopolitana: Sibth. F1. Gr. t. 8. — 
V. Buxbaumi Benth. in Cand. Prod. 10. p. 487 excluso 
Tener. syn. neap. t. 1, ad 7”. agrestem Lin. pertinentem. 


Har. In regione Mediterrannea undè cum Medicaginis 
sativæ seminibus migravit ad ripas Garumnæ , Rheni et 
usque in Britannia et Dania. ‘ 


Veronica sibthorpiæfotia N. t. 10.— Hirsuta 
procumbens gracilis 10-15 centimetralis : Folia cordata 
orbiculata petiolata crenato-dentata, superiora ovata : Pe- 
dunculi filiformes folium duplo triplove superantes. Caly- 
cina foliola ovato-lanceolata versus basim angustata. Corolla 
purpurascens lobis rotundatis diametro sub-10-millimetra- 
lis. Capsulæ cordato-rotundatæ @. — V. fliformis Bieb. 
Cauc. 4 p. 15 et 5 p. 17.— Benth. in Cand. Prod. 10, p. 
437 exclus. Rebnb. syn. non Smith. — Hab. in herbidis 
Caucasi , in campis Iberiæ , in Asia minore (Aucher, exsic- 
cat. in Herb. Delessert ). 

(Obs.). Cette plante selon le célèbre Bentham se trouve dans l’her- 
bier de Smith, mêlée avec le V. filiformis; mais il est évident que 


ce n’est pas celle qu’il a décrite sous ce nom dans les Transactions 
de la Société Linnéenne. 


Veronica triphyilos Lin. Sp. 19. 
B V. præcox AÏl. Ped. Auct. 1 , t. 1 f. 1. 


(0bs.). Ce n’est point avec le V. acinifolia comme font Willde- 
now et ‘autres botanographes , et moins encore avec le V. hederæ- 
folia comme a fait Bentham, qu’il faut comparer le V. præcox, mais 


( 234 ). 
avec le V. triphyllos dont elle ne diffère que par les crénelures moins 
profondes de ses’feuilles , différence absolument sans valeur. Lorsque 
la plante linnéenne est commune dans une localité , on y trouve ordi- 
nairement mèêlés quelques individus de celle d’Allioni. 

Salix propendens N. hic. t. 11. — Arbor cinereo- 
glauca , triandra, ramis propendentibus. Folia lanceolato- 
acuminata longitudine 7-9 centimetralia, latitudine vero 
bicentimetralia, nervis lateralibus uniformibus æqualibus 
sinon quibusdam furcatis. Stipulæ lanceolato-triangulares 
acutissimæ. Amenta foliacea sublaxa. Capsula nüda longitu- 
dine 4 millim. Stigmata 4 stylo sublongiora. Squamæ ovato- 
oblongæ. — S. albæ valdè affinis, sed certè species diversa 
ramis propendentibus, Foliis respectu longitudinis duplo 
latioribus, et præcipuè nervis lateralibus uniformibus nec 
biformibus , seu majore cum minore alternantibus , Stigma- 
tibus longioribus et squamis ovato-oblongis nec apice acu- 
minatis. à 

Has. circa Lutetiam spontanea ad ripas Matronæ ( île 
Barbière au pont de Créteil). Colitur in Gallia Austro-occi- 
dentali ubi vulgo dicitur Pendoul. 

Salix elæagnos Scop. Carn. 2 p., 257. — Amentis 
præcocibus aphyllis : Squamis fuscis apice emarginatis : Sta- 
minibus binis monadelphis seu usque ad medium coalitis : 
Foliis lanceolato - linearibus vix 4 centimet. longis subtus 
tomentoso-incanis margine revolutis : Capsulis nudis ses- 
silibus : Stylo elongato. pb. — S. incana Schrank. — S. 
riparia Wild. — S. angustifolia Poir. non Wulf.— Ludit 
stigmatibus ternis, tertio indivisQ. 

Has. ad ripas in Alpibus, Pyrenæis, in Carniolia, in Pe- 
loponneso. 

Galium constrictum Chaub. in FI. Agen. 67 t. 2 
(1821) et hic t. 12.— Caulibus 3-6 decimetralibus glabrius- 
culis flaccidis : Foliis lanceolato-linearibus obtusis inæqua- 
libus senis margine scabriusculis": Bracteis ovato-lanceo- 


( 255 } 
latis : Corolla limbo concavo extüs purpurascente : Pedun- 
culis vix flore longioribus : Fructibus levibus demüm conglo- 
_meratis Z. - 

Has. In pratis uliginosis, Agen, Moissac, les Landes 
d'Aquilaine. 

(Obs. 1). L’aspect de cette plante est absolument celui de l’Aspe- 
rula tincioria et de l’A. cynanchica, en sorte que rien n’empêche- 
rait de la rapporter à la première si sa corolle était tubulée à sa base. 
Le G. palustre 6 de Duby, G. debile Desv. n’est nullement notre 
plante. C’est le G. Westringii Sm. Engl. Bot. t. 2206 qui, en effet, 
rentre comme variété dans le G. palustre. 

(Obs. 2.). be G. constrictum ressemble à s’y tromper au G. tinc- 
torium Lin. des Etats-Unis; mais celui-ci s’en sépare par une cou- 
ronne de poils raides à la base des feuilles, par ses pédoncules deux 
fois au moins plus longs que la fleur, ce qui rend son inflorescence 
plus lâche et par la pointe très-déliée de ses feuilles. 


Gattum pyrennicum Gou. LABS fe QUE (PE 
arelioides Boiss. Elench. 


B G. cespitosum Ram. — Forma humidarum stationum ; 
duplo majus, minus rigidum exsiccatione nigrescens , Flo- 
ribus ternis terminalibus. — G. pumilum B Cand. Prod, 4 
p. 595. 

Nora. Nous avons sous les yeux la variété etiquetée de la main 
de Ramond mème G. pumilum. Plus tard reconnaissant son erreur, il 


l’a donnée sous le nom de G. cespilosum. Ainsi s'explique la mé- 
prise de De Candolle. 


Galium rotundifoliun Lin. Sp. 156. 


B G. ellipticum Wild. Enum. suppl. — Pilis patulis hir- 
tum, fructu hispido. — G. Barrelieri Salzm. in Duby, 
Bot. 251. 


y G. Broterianum Boiss. et Reut. in Walsp. Rep. 2 
p. 457.— Fructu nudo. 
Har. In Europa australiore. 


(236 ) 

(Obs. ) Cette plante ne diffère de l’Asperula levigata que par sa 
corolle absolument dépourvue de tube et par ses pédoncules à peine 
plus longs et non trois ou quatre fois plus longs que le fruit. Il est 
par conséquent fort aisé de s’y méprendre. Linné lui-même l'a fait; 
car en écrivant sa note du Mantissa p. 550 , il est clair qu’il avait 
sous les yeux l’A. levigata et qu’il la prenait pour le G. rotundifo- 


lium. La corolle tubulée et le fruit nu ne permettent nul doute à 
cet égard. 


Ne 


Sherardia pusilla B. et Chaub. Exp. en Mor. (1832) 
et F1. Pelop. t. 26, f. 4 [hic t. 13] (1832). — Prostrata 
radice lignosa ramis erectis vix digitalibus : Foliis lanceolato- 
oblongis 5-6, inferioribus superioribusque 4 ternis : Flori- 
bus solitariis axillaribus : Pedunculo folia vix superante : 
Fructu oblongo apice quasi truncato dentibus calycinis sub- 
obliteratis coronato Z.— G. Borianum et G. pulvinatum 
Walsp. Rep. 2. p. 454, 455.— G. pulvinatum Boiss. Voy. 
Esp. t. 85. f. b. et Elench. (1858). 

Has. In Europa australiore, Peloponneso, Betica. 

Nora. Folia subavenia margine ciliato-scabra subtüs concava. Flores 
spurco-albidis. Corolla concava lobis apice obtusis. Pedunculo qua- 


drangulo. Fructus levissimus oblongus apice truncatus , basi ovatus. 
Radix crassa sublignosa. 


(Obs.). Le fruit en godet de cette petite plante ne permet pas 
plus de la rapporter au genre Sherardia qu’au genre Galium. L'idée 
d’en faire un genre séparé s’est présentée à nous; mais les genres à 
espèce unique étant une absurdité ou un non sens, nous avons mieux 
aimé la réunir au genre Sherardia quoique ce genre soit plus artifi- 
ciel que naturel. S'il est des plantes qui se refusent à se prèter aux 
méthodes naturelles, ne vaut-il pas mieux les laisser à part que de 
gâter un genre rire en les y rangeant de force ? 


Plantago lusitanica Sp. PI. 1667. — Up. lagopus 
Lam., Cand., Koch., Sm. FI. Gr. t. 144 non Sp. PI. 


( Obs.). Le PI, lagopus du Species ayant ses hampes arrondies et 
non anguleuses, ses feuilles sans nervures apparentes et de plus of- 


frant la plus grande affinité avec le P. albicans, il est impossible de 
le rapporter à notre plante comme l’ont fait tous les auteurs à l’exem- 
ple de Lamarcek et de Smith lui-même. 


Piantago lagopus Lin. Sp. 165. — Que cette plante 
ne soit autre chose que le P. Bellardi AÏL., Sibth. et Sm. 
FI. Gr., P. pilosa Pourr., Cand., Koch., etc., c'est ce que 
plusieurs raisons concourent à prouver. 1.° Le P. lagopus 
du Species a ses hampes arrondies, tandis que celui des au- 
teurs les a cannelées anguleuses. 2.0 Il a ses feuilles sans ner- 
vures apparentes, tandis que celui des autres en offre cinq 
au moins très-saillantes. 3.0 Il doit avoir la plus grande af- 
finité avec le P. atbicans selon Linné, dans la note du P. 
marilima au Species p. 166, ce que l’on ne peut dire de ce- 
lui des auteurs qui réssemble au P. lanceolata. 4.0 Enfin 
la plante d’Allioni, de Pourret, est très-commune partout 
dans la région méditerranéenne et ne peut être restée in- 
connue à Linné. Loeffing doit certainement la lui avoir ap- 
portée d'Espagne où elle abonde. 


Plantago alpina Lin. Syst. ed. 12. — P. alpina ni- 
gricante folio Boccon. Mus. 22, t. 5. — P. alpina Jacq. 
Vind. 2,t. 125.— P. alpina Sm. FI. Gr. Prod. 100 — P. 
alpina Bertol. ital. — P. montana Lam, Cand., Duby, 
Koch , etc. 


B P. saxatilis Bieb. Cauc. 109. — Foliis latioribus den- 
tato-subpinnatifidis. | 


y P. argentea Lam. Ill. exclus. Gerardi syn., Cand., 
Duby. — P. monosperma Pourr. — P. intermedia Lapey.— 
P. nivalis Boiss. Voy. Esp. t. 156 ! — P. alpina foliis linea- 
ribus planis, scapo tereti hirsuto, spica oblonga erecta 
Bocc. Mus. 22, t. 5 ( Lin. syst. ed. 12). 


LU 
( Obs.). Cette dernière leçon de Linné qui doit écarter les précé- 


dentes, a été inconnue à ce qu’il paraît, à Lamarck et à tous ceux 


(238: * 
qui ont suivi sa nomenclature. Et en effet, il est évident d’après cette 
dernière leçon, que le P. montana de Lamarck et de ses échos n’est 
autre chose que le P. alpina de Linné. Quant au P. alpina de 
Lamarck, si Linné l’a eu sous les yeux, il a dû le confondre avec le 
P. marilima en vertu de sa sentence : ubi non est differentia, nec 
species. F 


Potamogoton gramineum Lin. Sp. 184, Syn. 
Loesel. et Ray. exclus. — Caule cylindrico : Foliis sessi- 
libus angustè lanceolatis acutissimis integris margine cris- 
pis : Pedunculis crassis caule duplà latioribus : Spica cy- 
lindrica densa : Fructu compresso vix carinato rostro brevi 
curvo Z.— (Œder. FI. Dan. t. 222. — Rchnb. Ic. Germ. 
t. 41, f. 71.—P. lanceolatum Sm. Eng]. Bot. t. 1985 non 
Reichnpb. “ 


B P. heterophyllum Schreb. Spi. 21.— Rchnb. t. 41 f. 72 
et t. 42. — Foliis supremis ovoideis-mucronatis plus mi- 
nusve amplis. — P#oblongum Engl. Bot. t. 1285.—FI. Dan. 
t. 12642 Rchnb. f. 72, 75, 74, 75. — P. varüfolium 
Thore.— P. hybridum Thuiïl. FI. Par. 


( Obs.). Il en est de cette plante comme du R. aquatilis. Si les 
dernières feuilles des sommités ont pu se développer à la surface de 
l’eau et en contact avec l'air , leur limbe s’élargit et prend la forme 
ovoïde , tandis que toutes les autres restent lancéolées plus ou moins 
allongées selon quê le cours de l’eau est plus fort ou plus faible. 
Ainsi l’on ne rencontre les variétés que,dans les lieux où l’eau a peu 
de profondeur ou dans celles dont la profondeur diminue par l’évapo- 
ration pendant le développement des sommités. 

Nota. I existe au musée Delessert une petite collection de plantes 
de la Laponie, donnée jadis à Burman par son ami Linné qui les a éti- 
quetées de sa propre main en les numérotant d’après le chiffre qui 
les désigne dans le Flora lapponica. Le n.0 70 qui selon le Species 
désigne le P,. gramineum , est parfaitement identique avec notre 
plante. Il en est de même au témoignage de Fries de la pl. de l’her- 
bier de Celsius cité par Linné dans le FI. suecica. Ainsi OEder, 
Wahlenberg, Fries, etc., ont raison de la regarder comme le P. 
gramineum de Lin. 


( 239 ) 

Erica déeipiens St.-Am. et Chaub. FI. Agen. 159 
(1821). ( Æ. vagans auctorum non Lin.) hic t. 14, f. 1.— 
Caulibus ascendentibus, ramis albidis : Antheris exsertis 
oyatis bipartitis basi subgibbosis : Floribus longè spicatis 
simulque capitatis : Corolla ovato-cylindrica vix latitudine 
longiore limbo recto : Pedunculis axillaribus 2-5 quadruplo- 
quintove flore longioribus squamis in medio stipatis : Stylo 
corolla duplè longiore : Foliis etiam margine levibus 5 . — 
E. multiflora Dub. Bot. 318 non Lin.—EÆ. vagans Wendl. 
Eric. fasc. 23 ic. 

Hap. in Anglia, Gallia, Hispania. 

Nota. E. vagantis valdè affinis sed diversa caulibus subdimidio 
brevioribus, erectiusculis nec rigidè rectis ; peduneulis tripl longio- 
ribus in spica continua digestis , nec interruptè verticillato-spicatis ; 
foliis®subdimidio longioribus levibus nec margine scabriusculis ; de- 
nique facie propria quà primo intuitu distinguitur. 

( Obs. ). Quoique Linné ait cité la localité de Toulouse, l’on ne sau- 
rait cependant prétendre que sa description de l’E. vagans au Man- 
lissa, ait été faite sur la plante du Sud-Ouest de la France : les mots 
folia scabriuscula, breviuscula s’y opposent et désignent, à n’en 
pouvoir douter, la plante de la région méditerranéenne et non la 
nôtre. 

Erica vagans Mantis. 250. Caulibus rectis , ra- 
mis albidis : Antheris exsertis muticis ovatis bipartitis basi 
subgibbosis : Stylo longè exserto : Floribus longè interruptè- 
que verticillato-spicatis : Corollis primüm sphæricis, mox 
campanulatis : Calycinis foliolis submembranaceis ovatis : 
Pedunculis axillaribus 1-3 floris corolla sub duplo longio- 
ribus basi squamulis stipatis : Foliis brevibus scabriusculis 

b.— Æ. verticillata Forsk. — E. manipuliflora Salisb. 
Trans. Soc. Lin. 6 p. 544. — Sibth. FI. Gr. t, 552, — £. 
vagans Benth. in Cand. Prod. 7, p. 667 {ex parte |. 

Polygonum hybridum Chaub. in St-Am. FI Agen. 
165. — 4-8 decimetrale, Floribus hexandris semitrigynis 
purpureis : Spicis linearibus depauperatis : Foliis oblongo- 


( 240 ) 
lanceolatis nervis pilosiusculis : Stipulis ciliatis : Seminibus 
acuti trigonis : Sapore dulci @.—Hic t. 16.—Hab. in fossis 
humidis : frequens inter Agimum et Mussiacum promiscuë 
cum parentibus et in valle Ligeris. 


( Obs. 1). Diffère du P. Hydropiper dont il a le facies par le dé- 
faut de poils résineux qui se font remarquer sur la corolle, sur les 
pétioles , etc. de celui-ci, par ses semences à surface luisante , par 
sa saveur herbacée et par la couleur de ses fleurs. Diffère du P. Per- 
sicaria par ses épis grèles à fleurs lâches ressemblant à ceux du P. 
Hydropiper, par la forme différente de son fruit et par son ovaire 
semitrigyne. 


(Obs. 2). Comparé avec le P. hydropiperoides de Michaux, P. mile 
Pers. syn. 440, des Etats-Unis , il s’en distingue au premier coup- 
d’œil par ses feuilles plus courtes relativement à leur largeur, par ses 
gaines et les cils de ces gaines de moitié moins longs et par sa fleur 
hexandre non octandre. ; 


(Obs. 5). Le P. laxiflorum Mut. FI. fr. 5, p- 154, renferme deux 
erreurs. D'abord la plante de Weïhe ayant des semences convexe- 
planes, n’est autre chose qu'un graud individu du P. minus ainsi que 
l’a très-bien jugé Reichenbach. En second lieu , l'espèce de Weïhe ne 
date que de 1827, tandis que le P. hybridum date de 1821, ce qui 
d'après les règles de priorité , ne permettait pas de la lui adjoindre 
comme synonyme. ‘ 


( Obs. 4). À nos yeux, le P. minus et le P. hybridum ne sont que 
des espèces hybrides fertiles des P. Persicaria et P. Hydropiper. Le 
premier en fécondant le second a produit le P. Aybridum , tandis que 
le second en fécondant le premier a produit le P. minus. Ce n’est là 
sans doute qu’une conjecture ; mais s’il en était ainsi réellement, les 
choses ne seraient pas autrement. 

Polygonum recticaule Chaub. FI. Pelop. n.° 641. 
— Caulibus cespitosis basi sublignosis , subsimplicibus rec- 
tis aphyllis : Vaginis fuscis basi coriaceis supernè fimbriato- 
cihatis , cils caducis , una ab altera tribus centimetribus 
distante : Floribus apice purpureis solitariis geminis cum 
tribus aliis sæpè abortivis : Pedunculis axillaribus longi- 


(uncu s) Luzula græca N. Exp. en Moree,n. 91 


 1Agrostis capillar ts Lin. Æerb. ex 
PT A Gba Zen. Sp. 


L. 


Chaub. fec. | 


Smith. date 0 
DA viü arts Wilh. 


per lacelie a. jui 


Veronica agrestis Lin Sp... 


EREE 


| { Y UN 
Ÿ 


Chaub.féc | 


SRE ON NV. Frtesit. 4, 


Tab. 10 
=: 


Chaub. fee, 


: . Veronica füiformis Smith. 
2.V. Sitbthorpiæfolia W. 


Tab. Il 


Chaub, fec. 


Mi Salix propendens #W....2.S. alba Lin. 


Tab .12 


Chaub. fee, 


EE 
ir J 


1 Calium constrictum Choub. in S'Am. Agen (82) | 2.6. palustre 


Tab . 13 


EX Say | 
7 2 C0) 
D dr un DK 
=, NA, VAE), TPS 


VIN TNMENDE 


Chaub. fec . 


LSkerardia pusilla N. (Exp. More Ni&?) | 2: Veronicæ agrestis variet. 


RARES NN ES 
| EL 47 10 
ne : 
ni RUES 7 a 
} Pet 4 
“ One, 


Chaub .fec. | 


1. Erica dectptens S'Am. et Chaub.Fl. Agen. (1821) non Sprng. fil. 
2.Erica vagans Lin. Mant, non Avre. 


| 


ne 


Tab . 15 


Ù \ 
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ll | | 


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M | 1} 
A 1] 
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/ 


'Chaub . fec. 


Polygonum recticaule Chaub.£x.Morée (1832) 


Polygonum hybridum Chaub . FL. Agen. 163 ( 1821) 


( 241 ) 

tudinem floris vix adequantibus : Seminibus ovato-trigonis 
sub lente tenuissimè granulatis : Stam. 8, Stylis ternis %. 
— P. fruticans aphyllum Bocc. Mus. t. 41. — P. equiseti- 
forme Cand. et Duby. Bot. p. 405 Non Smith. — Mutel, 
FL. fr. 5, p. 157.— Bertol. Ital. 4 p. 384. — P. scoparium 
Reg. Herb. ex Lois. Gall. ed. 2, sed revera P. equiseti- 
forme testantibus schedulis requienianis posterioribus in 
Museo Delessert et inscriptis 1837, 1846. 

Has. ad ripas torrentium in Corsica et Sardinia insulis. 

Nota. Certè specie differt à P. equisetiformi ad quod usquè nune 


malè relatum fuit, floribus trigynis nec digynis, seminibus trigonis 
nec rotundatis lenticularibus , et facie valdè diversa. 


L. A. Caauparn. 


Nota. — La Société Linnéenne a eu la douleur de perdre son véné- 
rable correspondant, M. Chaubard, le 20 Janvier 1854. En faisant 
imprimer , après sa mort, la dernière communication qu’elle a reçu 
de lui, et en distribuant aux abonnés des Actes les douze planches 
que ce savant aussi zélé que généreux , avait dessinées et lithogra- 
phiées pour elle, la Compagnie se fait un devoir de déposer dans 
son Recueil , l'hommage de sa reconnaissance et de ses regrets. 


15 Février 1854. 


Le Président de la Société, 


CHARLES DES MOULINS. 


Tome XIX. 18 


(242) 


XVI. Appirions au Cataloque d'une partie des animaux 
vivants dans le département de la Charente; par 
M. T. DE ROCHEBRUNE père, correspondant. 


Depuis la publication de mon catalogue (1), je me suis 


constamment occupé à continuer mes recherches , bien per- 
suadé qu'il me restait à découvrir des mammifères et des 
oiseaux qui avaient échappé à mes investigations. Parmi les 
mammifères, j'ai été assez heureux pour en rencontrer que 
je croyais étrangers au département ; parmi les oiseaux, 
plusieurs sont venus m'enrichir et augmenter le nombre des 
espèces que j'avais déjà mentionnées. 

Malgré les modifications et les changements sans nombre 
apportés dans les classifications, j'ai suivi, comme je l'avais 
fait précédemment, Cuvier pour les mammifères et Vieillot 
pour les oiseaux, afin que ce supplément se trouvât en har- 
monie avec mon catalogue. Tous les animaux décrits dans 
ce supplément font partie de mon cabinet, 


MAMMIFÈRES. , 


Famille des INSECTIVORES. 


SOREX TETRAGONURUS, Musaraigne Carrelet, 
Herman, Duvernoy. 
Soreæ constrictus Geoffroi , nouv. Dict. d’hist. nat., 
p. 65,t. 22, éd. in-8°, Déterville 1817. — Dict. 
class. d'hist. nat., p. 320, t. 11, in-8° 1827. 


(1) Actes de la Société Linnéenne de Bordeaux, Tome XII (1841), 
page 211. 


(243 ) 

Cette Musaraigne découverte dans les environs de Stras- 
bourg et dont Herman a donné la description , qu’on dit se 
trouver en France et notamment dans la province d'Alsace, 
se rencontre à Angoulême. Deux individus en assez mauvais 
état, que j'ai recueillis morts, l'un dans la petite Garenne, 
l'autre dans les champs, vis-à-vis la ferme des Halliers, m'ont 
permis de reconnaître cette intéressante espèce et de la 
mentionner. Elle aime les bois garnis de mousses et d'épais- 
ses bruyères, et les buissons touffus. 


SOREX REMIFER, Musaraigne Porte-Rame, Geoffroi, 
Nouv. Dict. d'hist. nat. loc. cit, p. 65. — Dict. 
class. d'hist. nat. loc. cit., p. 321. 


La Musaraigne Porte-Rame habite le département; cepen- 
dant je ne l'ai rencontrée, jusqu’à présent, qu’une seule fois 
dans les environs de Châteauneuf. Elle se tient sur le bord 
des fossés des prairies, plantés de vieux arbres dont les 
souches et les racines creusées par le temps, lui servent de 
demeure. L'individu qui fait partie de mon cabinet, fut pris 
au moment où il gagnait sa retraite que l’inondation l'avait 
forcé d'abandonner. Comme celle du Rat d’eau, elle doit 
varier suivant l'élévation ou l’abaissement des eaux. Les 
poils rudes dont les pieds sont garnis latéralement, lui don- 
nent la facilité de nager très-bien. 


TALPA EUROPÆA Linn., Taupe vulgaire. 
Talpa vulgaris Geoffroi Saint-Hilaire. — Buffom, hist. 
’ nat. des quadrupèdes , pl. IV, p. 20, t. IT, édit. 
de l’Impr. royale , in-4°, 1784. — Iconographie du 
règne animal de Cuvier, par Guérin-Méneville, 
pl. 11 bis des Mammifères, in-8°, 1829 à 1844. 


La Taupe , un des animaux les plus communs de notre 


( 244 ) 
pays, dont la couleur est généralement d'un beau noir, a 
offert cette année 1853, des individus de la variété fauve. 
Plusieurs ont été pris dans la commune de Vindelle. 


La Taupe vulgaire, dit Geoffroi Saint-Hilaire (1), donne 
lieu aux variétés suivantes : « On en a trouvé d’entièrement 
» blanches ; d’autres sont jaunes ou cendrées , ou variées de 
» noir et de blanc; quelques-unes ont la tête cendrée et le 
» corps gris ; plus souvent les individus entièrement blancs 
» ou gris sont d’une grande dimension ; et à l’égard de ceux- 
» ci, il se pourrait que le changement de couleur tint à l’âge, 
» à l'extrême vieillesse. Au surplus, ces individus ou très- 
vieux ou frappés d’albinisme, ou changés par tout autre 
motif, sont très-rares ». 


3 


> 


Les Taupes fauves que j'ai vues et que je possède, n'étaient 
pas d’une grande dimension ; elles avaient la taille ordinaire; 
tout annonçait dans leur squelette qu'elles n'avaient qu'un 
an. Exactement semblables par les proportions et par la 
livrée, je ne doute pas qu’elles ne provinssent toutes de la 
même portée. 


Famille des CARNASSIERS. 


MUSTELA ERMINEA Linn., Marte hermine. 
L'Hermne, Buffon, pl. L, t. 11, fig. 2, édit. in-4.0, 
de l'Impr. royale 1781. 


L'Hermine, que j'avais signalée dans mon Catalogue, 
sans indication d'habitat, se rencontre dans les environs de 
Confolens et de Chabanais. Sa taille est une fois plus forte 
que celle de la Belette commune. Celle qui m'a été envoyée, 


(1) Cours de l'histoire naturelle des Mammifères , de la Taupe vul- 
gaire, 5.me leçon, p. 16, in-8e, Paris, 1829. 


( 245) 
quoique prise au mois de Janvier 1852 , n'est pas entière- 
ment blanche. Une espèce de masque fauve , semé de quel- 
ques taches blanches, couvre la partie antérieure de la tête 
depuis la mâchoire supérieure jnsqu’aux oreilles qui sont 
blanches. A l'occiput, le fauve est plus mélangé de blanc et 
diminue insensiblement jusqu'aux épaules. Le dos est tiqueté 
de poils fauves ; la croupe , de même que le reste du corps, 
est blanche, la queue est noire dans la moitié de la lon- 
gueur. Ce reste de la livrée d'été qui existe sur cet individu, 
doit être attribué au peu d'intensité du froid de nos hivers. 


MUSTELA MARTES Linn., Marte commune, Buffon, pl. 
XLVI, 1. 11, éd. in-4° de l'Impr. royale', 1781. 

La Marte , rare en France, ne se trouve dans ce pays-ci 
qu’accidentellement. On ne m'a donné aucun renseigne 
ment sur celle qui m'a été offerte ; je ne puis faire connai- 
tre ni les lieux qu’elle habite , ni l'endroit où elle a été prise. 


Longueur depuis le‘bout du museau jusqu’à 


l'ongineide!lfqueue! SMTP 0,75 
Lonpuenridettatqueue CU UV ER 00 27 
Hauteur du train de devant . . . . . . .. 0,19 
Hauteur du train de derrière. . . . . . - 0,20 


Circonférence du corps 


CANIS CARENTONENSIS. Chien Mulet de la Charente. 
Nob. 


Au mois de Juin 1851 , des paysans tuèrent dans la forêt 
de Braconne appartenant à l'État, une jeune chienne , qui 
habitait depuis plus de six mois la forêt. Elle ne faisait au- 
cun mal et paraissait cependant très-méchante, car, au 
moment où les chasseurs l’abattirent , elle s’avançait , di- 
rent-ils , vers eux la gueule béante pour les mordre; ce qui 


(246) 
me parut assez vraisemblable, puisque toute la charge du 
fusil avait fracturé le côté droit du maxillaire inférieur sans 
endommager la peau de la face. N'ayant point vu cette 
chienne vivante et n'ayant pu connaître ses mœurs , je suis 
forcé de m'en rapporter à ce que me dirent les chasseurs. 
La couleur du pelage en grande partie semblable à celle du 
chien-mulet de première génération décrit par Buffon, le 
ventre plus gros que chez le chien, un second poil court et 
crépé immédiatement Sur la peau, lequel recouvre la ra- 
cine des longs poils, les jambes de derrière plus coudées 
que celles des chiens ordinaires, sont autant d’indices qui 
annoncent qu’elle doit être le produit d’un chien et d’une 
louve (1). Elle se rapproche plus du père que de la mère, 
parce que si la mère donne la grandeur et la forme du 
corps, le père donne celle des parties extérieures et des 
membres. Cette jeune femelle avait soixante-treize centimè- 
tres de longueur, ses mamélles étaient à peine visibles, 
preuve certaine qu'elle n’avait pas porté, qu’elle n’était pas 
adulte. Ses appetits carnassiers ne s'étaient pas fait sentir, 
le naturel sanguinaire du loup ne s'était pas développé : son 
estomac était rempli d’une espèce de bigarreau à gros fruit 
blanc ( Cerasus major hortensis fructus majore cordato, 
Duhamel). Dans une saison où la chasse lui était très-facile, 
elle ne se serait pas contentée d’une nourriture purement 
végétale. 

Une large tache noire située à l'angle antérieur de l'œil, 
passe au-dessous des paupières et se termine en pointe 
vers les tempes. Le tour des yeux est mêlé de fauve et de 
gris, et cette couleur se réunit avec le brun-roux qui cou- 


(1) J'apprends par un ecclésiastique tres-digne de foi, qu’à la fin 
de l’année 1850 , on a souvent vu une louve rôder aux environs des 
villages situés près de la forêt de Braconne. 


( 247) 

_vre le dessus du museau : ce brun-roux est mêlé d’une large 
nuance fauve. Le bas des joues , les côtés du nez, la mâ- 
choire inférieure sont d’un fauve roussâtre. Le menton, la 
gorge ainsi que la poitrine sont blancs; le dessus et les 
côtés du cou, couverts de longs poils gris cendré mêlé de 
noir qui forment une espèce de collier. Les jambes et les 
hanches sont fauve-clair à l'extérieur et blanc-jaunâtre à 
l'intérieur. Sur les autres parties des épaules et sur les 
flancs, le poil a une légère teinte fauve mêlé de gris-cendré 
jaspé de noir. De nombreuses plaques noires dominent sur 
le dos et s’élargissent sur la croupe, sur les cuisses et sur 
le coude. La face extérieure et intérieure des oreilles, le 
front, sont jaunes tiquetés de longs poils noirs, le dessous 
du ventre gris-roussâtre. Les deux doigts du milieu de cha- 
que pied blancs dans toute leur longueur, les doigts exté- 
rieurs blancs à l’extrémité seulement. La queue rousse en 
dessus dans toute sa longueur ; blanc-jaunâtre en dessous, 
est terminée par des poils blancs et noirs. 


Longueur depuis le bout du museau jusqu’à 
Forieine de 'qUene.. Fe ete 00,79 


Hauteur du train de devant . . . . . . . . 0,45 
Hauteur du:train de derrière. . . . . . . . 0,42 
Longueur de la tête depuis le bout du mu- ÿ 
seau jusqu'à l'extrémité eccipitale . . . . 0,19 
Longueur des oreilles... . . . . . . . . . . ‘0,095 


Longueur de la queue ne dépassant pas les 
Se Run tee cou. ee 


L'accouplement a également lieu entre le loup et la 
chienne. J'ai vu il y a quelques années , une ménagerie dans 
laquelle étaient un loup et une chienne renfermés dans la 
même cage. La chienne était prête à mettre bas et le gar- 


(248 ) 
dien m'assura qu'elle avait eu plusieurs portées provenant 
du même père. 

Je ne crois pas devoir passer sous silence un fait qui in- 
téresse l’histoire naturelle et qui a la plus grande analogie 
avec celui qui est rapporté par M. De Mailly, de l’Académie 
de Dijon, dans une lettre écrite à Buffon (1). 


Un médecin de ma connaissance, a chez lui une petite 
chienne épagneule âgée d'environ cinq ou six ans; elle en- 
tre en chaleur en même temps que les autres. Sans avoir 
reçu de mâle et lorsque le terme ordinaire de la portée ap- 
proche, ses mamelles se remplissent de lait, elle prépare 
une espèce de lit, comme pour y déposer ses petits, s’y 
tient constamment couchée et devient très-hargneuse lors- 
qu’on s'approche d’elle. Cette crise périodique arrive une 
ou deux fois par an et dure environ quinze jours chaque 
fois. 


OISEAUX. 
ACCIPITRES DIURNES. 


Famille des ACCIPITRINS. 


FALCO SUBBUTEO Linw., Laru., Faucon hobereau, Buf- 
fon, pl. enluminée 452. 


Cet oiseau ne se rencontre qu’au moment du passage et 
est assez rare. Comme tous ses congénères, il séjourne 
dans les plaines qui lui offrent plus de ressources pour la 
chasse. 


(1) Histoire naturelle des quadrupèdes, additions aux articles du 
Chien, du Loup et du Renard , du Chacal et l’Isatis , p. 94, t. 6. éd. 
in-4.o de l'imprimerie royale 1787. 


( 249 ) 


FALCO VESPERTINUS Laru., Faucon Kobez ou Kober. 
Falco rufipes Meyer. — Buffon, pl. enluminée 451, 
sous le nom de Variété singulière du Hobereau. 


Il ne se rencontre que très-rarement. Par les temps bru- 
meux, il se tient le long des rivières, et fait la chasse aux 
Bécassines, Scolopax Gailinago. 


SY LVAINS. 


Famille des GRANIVORES. 


LINARIA RUFESCENS Vieizcor , Sizerin Cabaret. 
Fringilla Linaria var. À, Lath.— Fringilla montana 
var. B, Gml. — Buffon, pl. enluminée 485, fig. 2. 
Le Sizerin Cabaret est de passage au printemps et à l’au- 
tomne avec les Tarins. On le prend facilement au trébuchet. 
Il se charge en captivité, d’une graisse excessive et meurt 
d'obésité. Son cri de réclame est semblable à celui de la 

Linotte , mais beaucoup plus faible. 


Famille des CHANTEURS. 


ACCENTOR ALPINUS Meyer, Accenteur des Alpes. 

Motacilla alpina Gmi. 

Pégot, Fauvette des Alpes, Buffon, pl. enluminée 668, 
fig. 2, Vieillot, Galerie des oiseaux, pl. 156, fig. 
noire. 

Cette espèce est de passage périodique à Angoulême de- 
puis quelques années (1). 


(1) Voir ma note insérée dans le tome XVI, 2.we série des Actes 
de la Société Linnéenne de Bordeaux, page 280 , 1853. 


( 250 ) 


SYLVIA STREPERA Virizcor, Fauvette Effarvote. 


Elle se tient dans les roseaux et dans les touffes de Saule- 
marceau et d'Aune qui bordent la Charente et les petites 
rivières. Elle arrive à la même époque que tous les indivi- 
dus de la grande famille des Chanteurs, mais elle émigre 
beaucoup plus tard et fait souvent entendre son ramage 
jusqu'à la mi-Octobre. 


ÉCHASSIERS. 


Famille des HÉLONOMES. 


TOTANUS GLOTTIS Larn., Chevalier aux pieds verts. 
Buffon, pl. enluminée 876, sous le nom de BarçE- 
ABOYEUSE., 


Cette espèce assez rare se montre quelquefois sur les 
bords de la Charente pendant l’époque du passage. 


Famille des HÉRODIONS. 


ARDEA NYTICORAX Lars., Héron Bihoreau. 
Buffon, pl. enluminée 758 le mâle, 759 la femelle. 


On ne le rencontre que rarement. Pendant son séjour, il 
se tient dans les petites îles boisées de la Charente et par- 
ticulièrement sur la jolie rivière de Touvre dont les eaux 
limpides et peu profondes sont entrecoupées de digues bor- 
dées d'arbres. Lorsqu'il marche, il ne porte point la tête 
élevée dans une attitude fière ; il a au contraire le cou en- 
foncé dans les épaules et l'air stupide. 


(251) 


NAGEURS. 


Famille des DERMORHYNQUES. 


. ANAS FUSCA Laru., Canard Double-Macreuse. 
Buffon , pl. enluminée 956. 


Ce canard est très-rare et ne paraît qu'accidentellement. 


Je n'ai vu qu'une femelle qui fut apportée au marché au 
mois de Février 1847. 


Famille des PÉLAGIENS. 


LARUS RIDIBUNDUS Laru., Mouette-Rieuse. 
Buffon, pl. enluminée 969 et 970. 


La Mouette-Rieuse est assez commune, l'hiver, sur la 
Charente, pendant les inondations. On la rencontre aussi 
sur quelques étangs dans l’intérieur des terres. 


LARUS TRIDACTYLIS Larn., Mouette tridactyle. 
Buffon , pl. enluminée 387. 


Cette jolie Mouette, dont le plumage est d’un blanc de 
neige et le manteau gris-cendré clair, se tient parfois sur 
la Charente : elle remonte aussi fort avant dans les terres. 


STERNA FISSIPES et NIGRA, Sterne ou Hirondelle de 
mer noire, dite l'Epouvantail, Buffon , pi. enlu- 
minée 924. 
Ce n’est qu'à la suite de forts coups de vent et après 
quelques tempêtes, que ce Sterne nous arrive. Aussi est-il 
très-rare d'en rencontrer quelques individus égarés. 


( 252 ) 


STERNA HIRUNDO Larn., Sterne Pierre-Garin. 
Buffon , pl. enluminée 987. 


Cette Hirondelle de mer, qui habite les côtes maritimes 
de France, se montre assez rarement sur la Charente. Elle 
est toujours en petit nombre et son apparition n’est point 
périodique. 


Angoulême , ce 16 Octobre 1853. 


A.be TREMEAU DE ROCHEBRUNE pére. 


25 Mars 1854, 


æ _ (25) 


XVII. LETTRE à M. le docteur MONTAGNE , membre de 
l'Institut de France, en réponse à son Mémoire in- 
titulé : Coup-d’æil rapide sur l’état actuel de la ques- 
tion relative à la Maladie de la Vigne {imprimé dans 
les Mémoires de la Société de Biologie, 1853 [1 | ); 


par M. Cuarces Des Mouais, président. 


MONSIEUR ET VEÉNERABLE AMI, 


Ainsi que vous aviez eu la bonté de m'en donner l'espoir 
par votre dernière lettre à M. le Directeur de la Société 
Linnéenne , j'ai reçu votre Coup-d'œil sur la question de la 
Maladie de la Vigne , et je viens vous exprimer ma recon- 
naissance bien aflectueuse pour cette nouvelle marque de 
votre souvenir. 


Elle m'impose un devoir , que je viens aussi remplir. En- 
trainé par votre conviction touchant l'importance exclusive 
du rôle qui, dans votre pensée, est attribué à l’Oïdium, 
vous prononcez un arrêt qui, si jamais il devenait exécu- 
toire, condamnerait les pauvres intérioristes non-seulement 
à la perte de leur procès, mais encore aux dépens, — je 
veux dire à se voir convaincus d'avoir enfanté et entassé des 


(1) C’est en vertu du consentement que l’illustre Académicien a 
bien voulu m'offrir lui-même , que j’ai pu me croire permis de livrer 
cette Lettre à l'impression. 

Ca. Des M. 


Toue XIX. 19 


(254) 
chimères, et d’avoir jeté feu et flammes pour les faire ac- 
cepter comme des réalités. 


Ce ne sont, il est vrai, pour la plupart, que de pauvres 
provinciaux, — et M. Decaisne fourvoyé parmi eux, — qui 
se trouveraient écrasés par un jugement émané de tant de 
membres de l’Institut de France , et il n'y a rien d'étonnant 
à ce que de pâles nébuleuses des régions les plus reculées 
du ciel, soient bien vite effacées par l’éciat d'un rayon sorti 
du grand foyer des lumières. 


Il en sera peut-être ainsi, Monsieur et vénérable ami, 
quand la question aura èlé jugée; mais elle ne le sera que 
quand il aura été trouvé un remède , car alors on saura de 
quelle officine il est parti, — ou quand tous ceux proposés 
par les champions des deux systèmes auront échoué, car 
alors on saura qu'aucune action n'a été laissée à l'homme 
contre ce fléau. 


Jusques-là , il n’y a de part et d’autre que des opinions, 
des convictions si l’on veut, basées sur la prédominance 
que chaque esprit attribue à tel ou tel ordre de phénomè- 
nes observés. 


Jusques-là , les pauvres provinciaux se souviennent que 
les sciences, elles aussi, forment une république comme 
les Lettres, et qu’ils conservent la faculté de voter libre- 
ment pour ou contre la teneur d’un arrêt proposé il est 
vrai de très-haut, mais qui ne peut acquérir force de loi 
que par l’acceptation du plus grand nombre des hommes 
d'étude. 

Îls se souviennent que tous les moyens et les matériaux 
d'une étude profonde des espèces végétales et animales , 
sont réunis à Paris en nombre beaucoup plus grand que 
celui dont ils peuvent disposer ; ils se souviennent que leurs 


4° 
(255 ) 
maitres les plus illustres les ont presque tous quitté pour 
aller accroître ce grand foyer de clartés scientifiques : — et 


certes, s’il s'agissait uniquement ici d'étudier l’Oïdium 
comme être organisé , comme champignon, comme genre, 
comme espèce , comme objet de collection enfin, un mot 
sorti de la bouche d'un des plus grands cryptogamistes dont 
la France s’honore, suffirait à faire taire leurs préventions, 
à effacer leurs opinions préconçues, à leur faire baisser la 
tête devant une autorité volontiers reconnue, parce qu’elle 
est aimée autant que respectée. 


Mais ils se souviennent aussi que ce n’est pas pour la 
méthode ou pour l'herbier qu'il s’agit maintenant d'étudier 
l'Oidium. Ce n’est presque pas lui qu'il nous importe de 
connaître, mais ses faits et gestes, son modus agendi, les 
conséquences de sa vie et de son action ; et pour cela, les 
juges de la capitale ne peuvent retirer presque rien de leur 
propre fonds. Il faut qu'ils recoivent du dehors presque 
tout, ou qu'ils aillent le chercher au dehors. Si la maladie 
de la vigne fait chez vous une guerre d’escarmouches ou 
d'avant-postes, c’est chez nous qu'elle livre ses batailles 
rangées ;, nous vous envoyons le relevé des blessés et des 
morts, mais c'est nous qui les comptons et qui pansons les 
plaies. 


Et pour suivre cette comparaison, c’est nous qui, par 
l'inspection de ces plaies, distinguons celles qui sont dues 
aux armes à feu de celles qui viennent de l’arme blanche. 
En d’autres termes, si nous sommes témoins des ravages 
causés par l'Oidium, nous assistons à d’autres ravages 
encore, auxquels il est complètement étranger. La réunion 
des uns et des autres constitue ce déplorable ensemble 
* qu'on à coutume de nommer la Maladie de la vigne, et il 
ne serait pas juste, vous le concevez facilement, de pro- 


( 256 } 
noncer un jugement sur l'ensemble, sans tenir compte des 
diverses classes de phénomènes. 

C'est pourtant là, il faut le dire, ce qui s’est fait géné- 
ralement jusqu'ici de la part des extérioristes purs. Pour 
eux , il n'y a que l’oïdium : ôtez l’oïdium, et la santé de la 
vigne redeviendra instantanément parfaite. On leur dit que 
des vignes, ou telles portions de la vigne ‘sont malades ex 
l'absence totale de l'oïdium; ils n’écoutent pas, ou leurs 
réponses ne portent que sur l’oïdium. On leur montre la 
carie noire du sarment , qui fait plus de mal, là où elle s’at- 
taque, que l’oïdium fui-même , et qui est le plus souvent 
isolée de lui ; ils la passent sous silence dans leur argumen- 
tation, et ne s'occupent que de lui. On leur parle du noir- 
cissement et des maculatures du bois, et ils les attribuent 
toutes à l'oidium, tandis qu'aucun de nous n’a jamais 
aperçu celui-ci que sur les parties les plus jeunes et les plus 
vertes des sarments, et tandis que ces taches existent sur 
toute la longueur des rameanx appartenant à des pieds que 
nous n'avons jamais vus attaqués par l’oidium. 

A Bordeaux , il y a des extérioristes; car , ainsi que je 
vous le disais tout-à-l'henre, on est extérioriste ou intério- 
riste selon qu'on accorde plus ou moins d'importance à tel 
ou tel ordre de phénomènes. Parmi ces extérioristes , il y a 
des hommes non-seulement de beaucoup d'intelligence, mais 
de beaucoup d'étude, de science , d'observation et de sens: 
Parmi mes collègues et amis , il en est qui soutiennent avec 
beaucoup de talent cette opinion. à laquelle d’autres ne 
croient pas pouvoir se ranger; et c’est une chose curieuse 
pour l'esprit autant que douce pour le cœur, de voir ces 


attaques, ces argumentations , ces rusès de guerre, ces ‘ 


pièses tendus dans la discussion, ces avantages ingénieu- 
sement préparés ou disputés pour ou contre le triomphe 
d’une opinion théorique, — et tout cela bras dessus bras 


( 257 ) 

dessous, la main dans la main, sans que l'affection réciproque 
ou le plaisir de voir briller le talent d’un ami dans les rangs 
opposés en soient le moins du monde altérés. C’est là ce 
qui me fait espérer, Monsieur et vénérable ami, que vous 
n'accuserez ni mon respect, ni ma reconnaissance, ni mon 
affection de faillir à votre égard parce que je viens, la lance 
au poing, défendre les intérioristes dont je fais partie, con- 
tre les attaques de votre savant et habile réquisitoire. 

Je reprends et je dis : à Bordeaux, il y a des extérioris- 
tes; mais il ne s’y trouve qu'un petit nombre d’extérioristes 
purs. La plupart d'entr'eux, comme vous le verrez si la 

, Commission départementale publie ses procès-verbaux , — 
la plupart d'entr'eux se rapprochent plus ou moins , par des 
nuances de diverses sortes, de l'opinion favorable à la ma- 
ladie intérieure. L'un admet une prédisposition à contracter 
la maladie. Un autre admet que l’oïdium, sans influer sur 
la santé des parties vivaces de la vigne, rend malades ses 
portions annuelles. Un autre attribue aux milieux météoro- 
logiques ou géologiques une influence plus ou moins grande 
en faveur de la puissance destructive de l’oidium , etc. 

Et pourquoi toutes ces nuances ? Et pourquoi tous ces 
intermédiaires, tous ces pas de rapprochement entre deux 
hypothèses qui semblent d'abord si inconciliables ? Pour- 
quoi, en un mot, cette rareté, à Bordeaux, des extério- 
ristes purs? C’est que la viticulture est, pour ie Bordelais, 
un des éléments les plus importants de la vie; c’est que 
le Bordelais est un des pays classiques pour l'étude de la 
vigne ; c'est qu'à Bordeaux on est plus intéressé que presque 
partout ailleurs à étudier le fléau ; c’est qu'enfin là plus 
qu'ailleurs, on a dù l’observer et on l’a observé sous toutes 
ses faces; et on a pu se convaincre qu'elles sont nombreuses. 

Or, pour étudier un mal multiple dans ses symptômes, 
il faut des hommes de plus d’une sorte. Il faut des crypto- 


( 258 ) 

gamistes, et ceux-ci, ici comme ailleurs, ont pris une large 
part à l'étude. Il faut des agriculteurs, des physiologistes, 
des chimistes, et ici comme ailleurs, tous se sont mis à 
l'œuvre, apportant au fonds commun leurs connaissances , 
leurs appréciations, leurs systèmes divers si vous voulez, 
préparés par dix, vingt, trente ou quarante ans d'études. 
Vous ne refuseriez pas le témoignage des auxiliaires que 
vous rencontreriez parmi ces hommes : vous ne refuserez 
pas de compter avec ceux d’entre eux qui croient à l'hypo- 
thèse contraire. 

Et ici, il faut remarquer que la direction des études de 
l'homme influe grandement sur le point de vue auquel il se, 
placera pour envisager une question , et il lui est en général 
fort difficile de s’écarter de cette direction. Ainsi, au Congrès 
d'Orléans, l’entomologiste Robineau-Desvoidy, apercevant 
l'acarus , se jeta sur lui à corps perdu et le proclama cause 
première et unique de tout le mal. Son opinion à été aban- 
donnée après avoir enregistré un grand nom, mais un seul, 
celui de M. Cazalis-Allut , parmi ses adhérents agricoles. 

En général, les cryptogamistes — et cela proportionnel- 
lement au degré de spécialisation de leur affection pour 
cette branche de l'histoire naturelle, — sont extérioristes. 
Comment s’en étonner ? Analystes et descripteurs , ils ont 
sous les yeux un être organisé, palpable , matériel, et nous 
n'avons à leur offrir, nous , que les tristes effets d'un agent 
impalpable à nos mains, impondérable à nos instruments , 
inaccessible à nos moyens de mensuration, bien que pro- 
venant d’une” cause physique, — les tristes effets, dis-je, 
d'une cause morbifique quelconque , par laquelle la vigne 
devient malade, comme l’homme gagne les fièvres palu- 
déennes , ou la peste ou le choléra. — La plupart des bota- 
pistes marchent dans la voie des cryptogamistes. 

Les chimistes (je vous parle toujours de ce que Je vois 


(259) 
autour de moi) — les chimistes sont plus volontiers inté- 
rioristes , et la raison en est facile à saisir, puisque c’est 
toujours à la composition intime des corps qu'ils demandent 
leur raison d’être , et celle &e leur action. — Les physiciens, 
les physiologistes, me sembleraient naturellement appelés 
à suivre la même direction que les chimistes. 

Les agriculteurs donnent des champions aux deux camps, 
et je crois que cela arrive selon que leurs idées les portent 
préférablement dans le courant des sciences naturelles ou 
dans celui des sciences physiques. 

Mais cette classification théorique ne trouve pas toujours 
son application dans le détail. Il y a partout des hommes 
que la tournure de leurs idées et la direction de leurs étu- 
des dispose à être impressionnés à la fois par des phéno- 
mènes, observations ou réflexions d'ordres très-divers. 
Ceux-là sont moins exclusifs, tiennent compte de tout, et 
je crois qu'ils fournissent au parti des intérioristes un nom- 
bre notable de ses adhérents. On leur reprochera d’être 
moins spéciaux, moins positifs : il me semble qu'ils appro- 
chent davantage de l'appréciation vraiment philosophique de 
toute question difficile et compliquée. 

Et maintenant , Monsieur et vénérable ami, maintenant 
que j'ai osé vous dire en vertu de quelles raisons générales 
ceux dont je partage les opinions se refusent à intériner les 
lettres de condamnation qui sont fulminées contre eux, per- 
mettez-moi, non de m'engager dans la discussion du fond 
de la question — (car les publications successives qui se 
feront à Bordeaux devront en toucher tour à tour tous les 
points), — mais de vous soumettre quelques remarques de 
détail sur divers passages de votre brochure, soit pour vous 
signaler les points au sujet desquels les intérioristes borde- 
lais marchent absolument de conserve ‘avec vous et avec 
leurs confrères extérioristes, — soit pour appeler votre at- 


» 


{ 260 } 
{ention sur des faits que nous expliquons autrement ou qui 
nous ont offert des circonstances différentes. 

Je vais suivre le tirage à part de votre Mémoire, en nu- 
mérotant les pages , pour faciliter le recours au texte. 

Page 6.— Je cvois, comme vous, qu'il est bien peu cer- 
tain que le xp&u60e de Théophraste soit assimilable à notre 
fléau ; mais enfin, si tant est que l’on puisse lui rapporter 
les taches brunes des grains et des pampres, vous regardez, 
vous, ces taches comme {a conséquence de l'oïdium. Pour 
moi, convaincu que ces taches se montrent le plus souvent 
sans oïdium préalable , je ne puis les regarder comme une 
conséquence de ce qui n’aurait pas existé. Je crois qu'on doit 
alors y voir un symptôme extérieur de la maladie intéricure, 
et je m'appuie sur ceci : 

4.0 Les vignerons regardent en général comme malades 
les sarments qui sont fortement affectés de ces taches. 

9,0 J'ai vu des sarments dont les taches avaient fini par 
se toucher et rendre tout le sarment noirâtre : la peau en 
était décollée après la dessication | preuve que le bois était 
mal aoûté), et en les frottant l’un contre l'autre , ils ren- 
daient un son de parchemin sec {cette observation est de 
1852). 

3. Je sais qu’on a cité des sarments dont l'écorce avait 
été ainsi noircie en 1852, et qui ont vigoureusement re- 
poussé en 1853; cependant , les viticulteurs qui ont eu 
leurs sarments fortement noircis cette année , s’accordaient 
encore à être inquiets du succès de la taille et déjà, dans 
plusieurs localités , leurs craintes se sont vérifiées. Ce point 
ayant été plus étudié cette année que l'an passé, reste en- 
core en litige, parce que nous ne saurons définitivement ce 
qu'il faut en penser , qu'après l'expérience de 1854 : mais, 
à priori, je crois qu'une végétation vigoureuse dans les 
branches et les feuilles, n’exclut pas radicalement une infir- 


(20) 
mité intérieure ; et c'est pour son fruit, non pour ses pam- 
pres ou ses feuilles, que nous cultivons la vigne. 

4.0 Quand on traverse des vignobles, même en voiture 
et au trot, on distingue facilement, aussitôt que les feuilles 
deviennent moins nombreuses, la teinte noire anormale du 
sarment , de cette belle teinte blonde et un peu ardente, 
qui est le signe de son état normal. Or, sur les 80 journaux 
bordelais (25 hectares el demi, à peu près) de vignes en 
plein rapport d'un domaine où ma famille a été trés-peu 
maltraitée par l'oidium, et qui pourtant ne nous a donné 
qu'un peu plus du quart d’une bonne récolte moyenne, 
J'avais sous les yeux des pièces entières où le sarment était 
à peine ou point du tout taché, où sa couleur blonde était 
très-belle, et qui ont donné presque autant que dans les 
années ordinaires ; tandis que d’autres pièces dont les sar- 
ments étaient fortement tachés et noircis, et où quelques 
pieds ont montré de l'oïdium à partir du milieu d’Août , 
n'ont donné qu'une récolte extrêmement chétive. Je ne crois 
pourtant pas, malgré l'emploi fréquent de la loupe, avoir 
trouvé un pied sur dix attaqué par l’oïdium, et il me sem- 
blait exact de dire que le champignon ne nous ferait pas 
perdre vingt bouteilles de vin. Je dois bien avouer que les 
limacons et les limaces ont fait des ravages énormes, mais 
seulement sur ie penchant des coteaux et sur une bande de 
cent mètres de large au pied de ces coteaux, et je suis 
convaincu que ces localités n'étant pas les plus productives 
du domaine , les ravages des mollusques ne peuvent équi- 
valoir à la différence qui existe entre les 176 barriques de 
vin que nous avons récoltées , et les 640 barriques que le 
domaine aurait dû nous donner dans une Ponne année. Si 
nous soustrayons la moitié de cette forte différence, les 
deux tiers même si l’on veut, pour représenter les ravages 
combinés des mollusques et de la coulure, phénomène fré- 


( 262) 

quent et qui a été très-intense cette année, la différence 
subsistante me semblera encore bien assez forte (232 bar- 
riques dans la première hypothèse , 156 dans la seconde ) 
pour faire admettre un déficit considérable en dehors de 
l’action de l'oïdium. Or, il n’y a point eu de grêle ni de 
fortes gelées tardives, et je crois que ces vignes , attaquées 
celte année pour la première fois, ressentaient l'influence 
d'un mal dont la cause n’est pas visible à nos yeux. 

Et maintenant , il ne faudrait pas que les extérioristes , 
s'ils veulent rester purs, dissent que l’oïdium , quoique non 
visible sur tous les pieds, est pourtant coupable du mal que 
je viens de décrire, soit au moyen d’une sorte d'empoison- 
nement, soit par une sorte d’incubation préparatoire qui 
aurait pour résultat de le faire éclater plus tard (comme la 
Commission de la Société Linnéenne l'a observé en 1852, 
p. 10 de son Compte-rendu, et comme je lai vu indiqué 
dans d’autres écrits ); car alors il n’y aurait presque plus 
matière à discussion entre les extérioristes et les intérioris- 
tes, puisque ceux-ci admetlent qu’une cause non encore dé- 
terminée, mais venue DU DEHORS, a produit dans les,ceps 
une MALADIE INTÉRIEURE. Plusieurs raisons qui me parais- 
sent graves (et entr'autres celle-ci, que le développement 
des germes sous une forme autre que la forme oïdienne se- 
rait un fait surprenant), m’empêchent d'attribuer , quant à 
présent, ce rôle subtil et insidieux à l’oidium; mais des 
observations ultérieures podrraient démontrer l'existence 
réelle d’unépareil fait, et il ne serait, après tout, ni plus 
extraordinaire ni plus inattendu, que la production d'une 
sphérie PRÉPARÉE par un ergol. 

L 


Page 7. — Quant à l’&péyuuoy de Théophraste (araneum 
de Pline), je comprends parfaitement que les Anciens aient 


( 265 

pu voir la poussière blanche, la barbe blanche mème que 
présente l'oïdium ; mais je ne sais comment ils auraient eu 
le moyen de distinguer les filaments mycéliques qui seuls 
offrent matière à la comparaison avec une toile d’araignée. 
Je suis donc très-porlé à croire que leur araneum doit bien 
plutôt se rapporter au feutrage filamenteux et très-facile- 
ment visible que produit l’Acarus telarius Linn., ou à toute 
autre production d'un calibre analogue. 


Page 8. — Il serait bien à désirer que nous connussions 
l'Erysiphe necator d'Amérique ; mais nous ne sommes pas 
plus heureux ici que vous ne l’êtes à Paris, car aucun 
herbier n’en a reçu. Un de mes amis qui a des parents à 
la Louisiane, a écrit pour en avoir : si nous en recevions, 
Je vous l’enverrais de suite. 


Page 9. — Vous dites que l'oïdium existe non-seulement 
dans toute l'Europe, mais encore à Madère. Il parait mal- 
heureusement certain qu'il a été observé en Amérique , en 
Algérie, à Smyrne si je ne me trompe , et jusqu'à l’île Bour- 
bon!!! Il se serait donc montré à peu près partout où l'on 
cultive la vigne. 


Ibid. Étiologie. — Vous dites qu'il existe à ce sujet deux 
opinions diamétralement opposées. Permettez-moi de vous 
faire remarquer que ce n’est pas précisément au sujet de 
l'intériorisme considéré comme absolu que ces opinions sont 
opposées, puisque nous admettons, nous, que le mal in- 
terne a une cause venue du dehors. L'opposition vient de ce 
que les extérioristes veulent que l’oïdium externe soit toute 
la maladie, tandis que nous pensons qu'il y a , dans l'état 
de la vigne, autre chose encore que l’oïdium. 

Et à ce sujet, permettez-moi de vous raconter que j'ai 
été le premier | si je ne me trompe) à formuler en termes 


( 264) 

explicites, la raison pour laquelle 11 FauT que la cause de la 
maladie supposée interne de la vigne soit venue du dehors ; 
cette raison n'appartient pas à l'observation directe, mais à 
un ordre d'observations plutôt philosophiques que maté- 
rielles. Je disais à la Sous-Commission étiologique de notre 
Commission départementale : « Les principes morbides , les 
» principes délétères, ne peuvent se développer spontané- 
» ment, intrinsèquement , que sur les individus ». Vous le 
savez en effet, ce n’est que SUCCESSIVEMENT et non à la fois 
que les individus d’une espèce vivace, végétale ou animale, 
sont appelés à subir la loi universelle de la vieillesse et de 
la mort, seule cause générale et infaillible de destruction 
qui pèse sur les êtres organisés. Il ne peut donc y avoir , à 
un moment donné, de maladie naturelle, spontanée, de 
commencement de mort en un mot, qui frappe générale- 
ment une espèce {à moins d’une révolution physique comme 
celle des époques de la géologie, et ce n’est pas ici le cas). 
« Par conséquent », disais-je à la Sous-Commission , « puis- 
» que la maladie de la vigne est générale » , — puisqu'elle 
frappe les masses dans un grand nombre de lieux à la fois 
où au moyen d’une invasion très-rapide, « elle est néces- 
» sairement due à une cause qui vient du dehors ».— Je 
crois que cette manière d'envisager la question est ration 
nelle , déduite de l'observation correcte des faits généraux 
de l’histoire du globe, et c’est pour cela qu'intérioriste 
convaincu comme je le suis, j'ai répondu Non, avec tous 
mes collègues sans exception, lorsqu'on nous à posé cette 
question : « La maladie de la vigne est-elle exclusivement et 
» organiquement interne » ? 


Ibid, — Vous vous exprimez ainsi vers le bas de la page : 
« Les uns prétendent ou, pour mieux dire, supposent que, 
« etc. », Permettez-moi de vous dire que le mot ‘upposent 


( 265 
constitue une sorte de pression que vous exercez, à l'aide 
de votre grand nom et de votre haute position , sur l'opi- 
nion publique. Ce mot, qui porte comme celui de fauteurs 
une acception très-défavorable, voue les pauvres intério- 
ristes aux gémonies de l'intelligence scientifique. C'est un 
jugement prononcé avant que les débats soient clos, et ils 


_ne le sont pas, car vous plaidez encore , dans tout le cours 


de votre mémoire, pour la cause extérioriste, malgré le 
titre purement statistique que vous avez adopté : Coup-d'æil 
sur l’élat actuel de la question. Moi qui me passionne pour 
ma cause, je ne puis m'étonner que l'avocat de la partie ad- 
verse en fasse autant pour la sienne ; je dis. seulement que 
vous êtes assis tellement haut, que votre parole donne à 
votre plaidoyer l'appui d’une sanction qui manque malheu- 
reusement au mien et rend la partie fort désavantageuse 
pour moi. De plus, et c'est également très-fâcheux pour 
l'intériorisme , ses adhérents vous ont souvent donné une 
juste occasion de les railler lorsqu'ils ont proclamé les uns 
la pléthore, les autres un affaiblissement radical de la vigne 
souffrante. C'est avec une profonde raison que vous riez de 
ces arguments élastiques et à deux fins. M. Charles Later- 
rade , dans la lettre si pleine de sagesse et de sens qu'il 
adressait de Suisse en 1851, à l’Académie de Bordeaux, 
riait aussi des « influences atmosphériques, cette grande 
» raison, disait-il, de ceux qui n’en ont pas d’autres à indi- 
» quer ». Or, il est bien certain que la pléthore, l'affai- 
blissement. les influences atmosphériques peuvent quelque 
chose sur la santé de l'animal ou du végétai; mais pour que 
l'énoncé de ces causes si vagues de souffrance échappât dé- 
finitivement à vos justes railleries et à celles de M Charles 
Laterrade, il faudrait que chaque argumentateur fût en 
mesure de spécifier les effets qui procèdent directement de 
l'une de ces causes. Quelques-uns ont cru pouvoir le faire 


( 266 ) 
et ont essayé de dévoiler leur modus agendi. D'autres, et je 
suis du nombre , ne se sont pas cru assez éclairés et se sont 
bornés à conclure à l’existence d’une cause indéterminée 
pour eux, mais dont ils peuvent constater les tristes ré- 
sultats. 

Ce qu'il y a de certain aussi, et ce qui justifie la pru- 
dente réserve de ces Fabius Cunctator de la question, c’est 
que les faits les plus contradictoires , les faits les plus favo- 
rables à l'adoption des causes de maladie les plus opposées, 
fourmillent de toutes parts dans l'étude de cette désespé- 
rante question. 

Il y a des vignes malades dont la végétation vigoureuse 
conduit à leur attribuer un état de pléthore ! 

Il y a des vignes malades dont la végétation chétive et 
rachitique montre qu’elles sont sous l'influence d’un affai- 
blissement , d'un appauvrissement réels de leur force vitale ! 

Il y a des vignes malades dans les terrains secs comme 
dans les terrains humides ! 

Il en est qui sont devenues malades pendant des étés 
chauds et secs , d’autres pendant des étés humides et froids ! 

Toutes ces circonstances devraient donc être pesées , ap- 
préciées, combinées, pour entrer dans la formation d’une 
théorie étiologique vraiment acceptable; mais toutes ces 
circonstances se sont réellement présentées, tantôt ici, 
tantôt là; c'est ce que tous les partis affirment. 


Page 10.— Vous regardez l'oïidium comme cause essen- 
tielle et SUFFISANTE de Tous les dommages, etc., Suffisante , 
non! mille fois non! vous dirai-je toujours, à moins que 
vous ne puissiez démontrer que la vigne a une maladie in- 
térieure provenant d’une infection dont l’oidium serait la 
source première (ainsi que je le dirais plus haut) ; car l'oi- 


( 267 ) 
dium, tel que vous et moi le connaissons, est étranger à 
la maladie noire ! 

La maladie noire, que M. Cuigneau a si bien caractéri- 
sée en la nommant carie noire, me paraît admirablement 
décrite dans ces lignes du mémoire de M. Louis Leclerc 
(page 21) : « Dans les vignes les pius gravement affectées, 
» le sarment paraît brülé par plaques très-nettement cir- 
» conscrites , comme si l’on avait posé un fer rouge sur sa 
» surface herbacée , et il en est ainsi, en plusieurs cas, du 
» pétiole des feuilles et du pédoncule des grappes ». 

Les Piémontais sont extérioristes comme vous, et ils ne 
connaissent pas la maladie noire {si ma mémoire ne me 
trompe pas ). 

Les Toscans , au contraire, sont en général intérioristes, 
et ils connaissent ce mal hideux { à! mal nero), ainsi qu'il 
conste d’une lettre toute récente que j'ai reçue du docteur 
Pardocchi , de Pise. 

L'oïdium est également étranger à la chlorose des feuilles, 
si multipliée cette année, que j'ai vu des vignobles de palus 
diaprés de masses et de trainées jaunes qu’on aurait prises, 
en les traversant à la grande vitesse du chemin de fer, 
pour des myriades de pieds de moutarde en fleurs. 


Ibid. — Vous comptez M. Louis Leclerc parmi les exté- 
rioristes. Certaines phrases de son brillant mémoire sont, 
il est vrai, dans le sens de cette doctrine; mais l'impres- 
sion genérale que la lecture de ce travail et nos conversa- 
tions à Bordeaux m'ont laissée, me porterait à croire qu'il 
incline plutôt vers l'intériorisme. Trouvez-vous , en effet, 
qu'il y ait une profession de foi bien nettement extérioriste 
dans ces paroles de son résumé {p. 64), les seules qui tou- 
chent à la question de la cause ? « L'origine réelle, la source 


( 268 ) 
primitive de la maladie des vignes est encore un profond, 
peut-être un impénétrable mystère... Une étude intime et 
pénétrante de la constitution même de l'arbuste… peut seule 
avoir quelque autorité ». Je crois qu'il serait juste, à tout 
prendre, de classer M. Leclerc parmi les auteurs qui n’ont 
pas pris un parti définitif dans la question. 


” 

Page 11. — Vous annoncez que M. Zanardini a démontré 
que les crampons ou sucoirs des filaments mycéliques leur 
servent & puiser dans le végélal les sucs propres à leur ali- 
mentation. Vous ne citez pas le texte de M. Zanardini, mais 
vous dites que cette découverte a reçu l’assentiment de M. 
Hugo Mohl, et vous citez le texte de ce dernier auteur. 

Permeltez-moi de vous faire observer que, dans ce texte 
transcrit par vous, M. Mohl parle en effet explicitement de 
crampons Où suçoirs, et d'altération des tissus au-dessous 
de ces points d'adhérence ; mais il ne parle point de succion, 
ni de communication de l'oïdium avec les tissus sous-jacents 
à l'épiderme. Il me semble que c’est ici le cas des Meliola 
(voyez Bornet, Annal. sc. nat., 3.° sér. 1851, tome 16, 
pag. 259). i 

Jamais lexcellent microscope de Nachet, appartenant à 
mon ami M. G. Lespinasse ne lui a fait voir, non plus qu'à 
M. Cuigneau et à la Sous-Commission étiologique , le plus 
léger percement de l'épiderme par la substance de l’oïdium ; 
et je vous rappellerai à ce sujet, que le microscope du 
lycée d'Orléans, manœuvré par le comte de Tristan, a 
amené, dès 1851, la Commission dont je faisais partie, au 
même résultat. Je vous rappellerai aussi la lettre de M. 
Tucker à M. Gaschet, lettre publiée récemment par la 
Société Linnéenne, et de laquelle il résulte que certains 
micrographes anglais ont écrit qu’il y avait pénétration de 


( 269 ) 
l'oïdium dans le grain de raisin, mais que lui, Tucker, 
s’est assuré que cela n'était pas. 


Toutes ces observations se trouvent ainsi d'accord avec 
celles de M. Targioni-Tozzetti, qui font dire à M. Victor 
Rendu {p. 90) : « Comment les PRÉTENDUS sucoins de la 
mucédinée fonctionnent-ils , etc. »? Je vous rappellerai enfin 
que le mot suçoir s'emploie souvent, en histoire naturelle, 
dans le sens appliqué à la Lamproie {suce-pierre , Petromy- 
zon), comme la ventouse anale des sangsues, comme 
moyen d'adhérence, de préhension, de locomotion, ainsi 
qu'on le voit pour les suçoirs des ambulacres des Oursins. 
Je ne me permets pas de nier absolument l'exactitude de 
l'observation de M. Zanardini, mais je remarque que vous 
ne l'avez point vérifiée vous-même , et il serait bien essentiel 
que les micrographes vidassent à fond cette question , afin 
qu'on ne fût plus exposé, pour un mot équivoque, à attri- 
buer à l'oïdium une fonction, une puissance qu’il n'aurait 
réellement pas. 


La perforation de l'épiderme par ses filaments faciliterait, 
si elle existe, la. créance à une infection directe : mais je 
suis peu disposé, comme je vous l'ai déjà dit, à croire à cette 
infection. D'un autre côté, s’il y avait réellement succion , 
je ne comprends pas comment le raisin (lorsqu'il est atta- 
qué tardivement) continuerait à grossir, à se remplir de 
jus et arriverait à la maturité parfaite. Il est positif que cela 
lui arrive souvent, sans que sa qualité soit altérée comme 
par une moisissure ordinaire, et même sans qu’il vienne à 
perdre la faculté de se conserver un certain temps sur la 
planche après la disparition de ce qu'il portait d’oidium. 

En présence de ces difficultés, de ces complications , de 
ces doutes graves qui subsistent même sur des points de 
fait, il me sera permis de dire que vous jugeriez avec une 

Tome XIX. F 2 


(270) 
extrême sévérité les intérioristes , si vous les accusiez sé- 
rieusement d’un vain amour-propre, capable de les rete- 
nir obstinément et invariablement attachés à leur opinion, 
même quand on la leur montre dénuée de tout fondement ». 


Page 14.—M. Mohl parle d’un arrêt de développement 
dans la peau du grain. Ainsi que je viens de le dire, cela 
n'arrive pas toujours, et cet arrét est proportionnel à la 
précocité de l'invasion. Quand celle-ci a lieu tardivement, 
l'arrêt de développement n’est pas sensible. 


Ibid. et page 15. — Vous faites ressortir les passages des 
Mémoires de MM. Rendu et Leclerc, qui constatent Ja 
vigueur et la gaillardise, la jeunesse, la précocité des 
vignes oïdiées. 

La précocité tient : 1.0 à l’âge de la vigne; 2.0 à la ri- 
chesse du sol, et 5.0 au cépage ; c’est la nuance qu'on observé 
dans le Pyrus communis, entre la poire St-Jean et la poire 
Bon-Chrétien, Or, de l’aveu de tous , il y a des races, des 
cépages qui ont été partout plus ou moins attaqués que les 
autres. Cette considération ne rentre donc pas dans l'objet 
de la discussion. 


La jeunesse, — cette observation a été vraie ici , fausse là. 
La grande majorité des cent et quelques maires de Ja 
Gironde, qui ont répondu aux premières questions posées 
par M. le Préfet sur la demande de la Société Linnéenne, 
et chacune des pages, pour ainsi dire, du Mémoire de M. 
Rendu, ont établi que les vignes vieilles et les vignes jeu- 
nes sont indifféremment atteintes par le fléau. Il résulte de 
là, que les intérioristes ne peuvent pas plus s'appuyer sur 


(271) 
la susceptibilité des vieilles vignes à contracter la maladie, 
que les extérioristes ne peuvent exciper, dans le même but 
de celle dés jeunes vignes. 


La vigueur et la gaillardise sont dans le même cas, et il 
en est de même aussi de l'humidité et de la sécheresse du 
sol considérées abstractivement, car on a des exemples nom- 
breux pour et contre. Ainsi, les vignes blanches, maigres, 
sèches , graveleuses des environs de Sauternes ont été abi- 
mées. Ainsi, dans l’alluvion moderne de la vallée de la Ga- 
ronne , où le so/ argileux , humide , qui excite la végétation 
la plus luxuriante , a jusqu'à 52 pieds (17 mètres) de pro- 
fondeur avant d'atteindre le sous-sol (alluvion ancienne sa- 
bleuse-micacée }, il y a des points où l’oïdium à été insigni- 
fiant, tandis qu’à peu de distance et toujours dans le même 
sol , il a été d’une intensité énorme. Voilà pour Îe point de 
vue abstrait, pour la discussion de principes. 


Mais si, de ce point de vue théorique , nous passons à 
l'appréciation des faits pratiques , nous verrons les choses 
se présenter un peu différemment, à cause de l'union ha- 
bituelle de deux des phénomènes observés : je m'explique. 


Si l’on considère l’ensemble du vignoble Français , il est 
avéré maintenant que les ceps placés dans des conditions 
d'humidité ont été plus souvent et plus fortement attaqués 
que les autres. Or, les conditions d'humidité étant les plus 
favorables à la vigueur végétative des plantes en général, il 
s’en suit que considérées numériquement , il y a eu dans 
ces conditions d'humidité, plus de vignes vigoureuses atta- 
quées que de vignes maigres. C’est là un résultat statisti- 
que, un résultat de fait matériel, mais qui change de va- 
leur et perd de son importance au point de vue où nous 
l'étudions vous et moi, je veux dire au point de vue étiolo- 
gique , théorique , absolu. Ceux de mes collègues intério- 


(272) 
risles qui regardent l'excès de l'humidité comme la cause 
efficiente de la perturbation morbide , interne de la vigne, 
attachent comme vous { mais dans un but opposé ) beaucoup 
d'importance à la prédominance numérique des vignes ma- 
lades vigoureuses sur les vignes malades chétives. Ceux qui 
voient cette cause efficiente dans la distribution inopportune 
de la sécheresse et de l'humidité, attachent moins d’im+ 
portance à ce résultat numérique, et je crois qu'ils font 
bien. Je crois que leur appréciation ‘est plus large et plus 
philosophique , car enfin les vignes n’ont pas toujours été 
malades, et les vignes sèches ont toujours été sèches, 
comme les vignes humides ont toujours été humides ( sauf 
quelques cas particuliers de modifications artificielles). Mais 
je vais plus loin et je dis que 12 fléau qui nous frappe est 
observé pour la première fois, et que cependant la distri- 
bution inopportune du sec et de l'humide s’est nécessaire- 
ment présentée plusieurs fois depuis quatre mille ans, ce 
qui doit faire penser que la maladie a une cause plus spé- 
ciale , plus déterminante {laquelle cause , selon les extério- 
ristes , est tout simplement l’oipium); — à moins pourtant 
que, comme quelques-uns le pensent, la maladie ne soit 
cette fois plus remarquée, plus ébruitée, parce qu'on étu- 
die de plus près aujourd'hui qu'autrefois et parce que son 
nom nouveau et spécial, Oidium Tuckeri, lui a valu plus 
de célébrité. 
Maintenant, je laisse de coté la théorie de l’agriculteur 
toulousain (M. Dessoye ), qui, au rebours de presque tous 
les autres, voit dans /a sécheresse la cause première et ra- 
dicale de la maladie interne de la vigne , et qui par consé- 
quent propose de ne plus planter de vignes sur les coteaux. 
Je laisse également de côté cette considération , que les Or- 
léanais ont eux aussi en général, adopté la sécheresse comme 
cause de l'invasion de l’oidium {ils sont extérioristes ). Je 


(275 ) 

passe enfin sous silence {car vous me diriez peut-être que 
c’est un cas particulier) les Toscans qui ont eu leurs co- 
teaux envahis en 1851, tandis que la majeure partie de 
leurs vignobles de plaine restaient intacts, — et je vous prie 
de considérer que ce n’est que par une extension assez 
récente de sa culture, que la vigne occupe les terres arables 
des plateaux , des vallées et des plaines. La culture nor- 
male et par conséquent la plus répandue de la vigne se fait 
sur les coteaux, je veux dire dans des conditions plutôt 
sèches qu'humides et avec un ensemble de végétation plu- 
tôt chétif que luxuriant. Or, partout où la vigne est culti- 
vée, on se plaint qu'elle est atteinte du fléau, sous une 
forme ou sous une autre. Il doit donc y avoir, dans l'en- 
semble du vignoble ruroPÉEN, plus de pieds malades dans 
des conditions de sécheresse et de maigreur que dans des 
conditions opposées, et cela en dépit de la prédominance 
constatée en faveur des conditions d'humidité et de vigueur, 
par la comparaison parcellaire des contrées où les condi- 
tions sont mixles. 


Si je ne fais pas erreur dans cette appréciation d'ensem- 
ble, il se trouverait qu'en somme, la majorité des vignes 
malades vit réellement dans des conditions plutôt sèches 
qu'humides ; et comme la vigne est normalement une plante 
des terrains secs, ce résaltat numérique serait favorable à 
l'idée d’une maladie interne mais dont par conséquent Ja 
cause aurait fait invasion DU DEHORS, puisqu'elle viendrait 
attaquer l’arbuste dans ses conditions les plus normales de 
végétation. 

Et si vous me permettez d'abandonner un instant l'oïdium, 
je vous dirai que la maladie noire, la carie noire, qui n'a 
pas de cause extérieure appréciable , qui le plus souvent 
n'est pas accompagnée de la présence de l'oïdium, et qui 


(274) 
fait bien plus de mal que lui là où elle se déclare, n'a été 
observée ici que dans des conditions qu'on peut appeler 
comparativement sèches, c’est-à-dire hors des sols gras et 
fertiles qui composent les terrains alluvionnels. 


Resterait toujours la spirituelle saillie de M. Louis 
Leclerc (1) :« Je n’admets pas qu'un végétal soit malade pré- 
» cisément parce qu’il se porte trop bien ». Cela est char- 
mant, je n’en disconviens pas, mais cela n’est pas une dé- 
monstration physiologique. Je ne veux assurément pas pré- 
coniser la saignée au pied des vignes, qui n’a réussi à per- 
sonne; mais les médecins savent bien que les apparences 
extérieures de la santé n’excluent pas toujours des désor- 
dres intérieurs. On a dit à ce sujet d'excellentes et bien 
raisonnables choses dans le sein de notre Commission dé- 
partementale , lorsque nos collègues compétents en matière 
de chimie médicale ont parlé de la période d’incubation des 
virus. 


Page 15. — Il est possible que la dernière considération 
que je viens d'exposer ait raison contre l'observation de M. 
Mohl, relative à l'invasion par l’oïdium, des parties non 
pas altérées mais au contraire parfaitement saines de la 
plante. M. Léon Dufour ne pense pas, en effet, qu'un pa- 
rasite puisse s'attacher à un végétal qui n'a pas éprouvé 
préalablement un commencement de détérioration. Je vous 
avoue cependant que l'opinion de notre illustre collègue de 
St-Sever me semble ici bien absolue, car une foule de feuil- 


(1) Hier même %4 Janvier, pendant la mise au net de la présente 
lettre, j'ai appris la bien affligeante nouvelle de la mort de cet ai- 
mable et excellent homme. 


275 ) 

les et d’écorces admettent, dès leur jeunesse, l'attaque et 
le développement de parasites quelconques, lesquels nuisent 
visiblement , directement , et quelquefois bien à la longue, 
à la santé de ces feuilles ou de ces écorces , mais sans nuire 
aucunement à la santé générale du végétal auquel elles 
appartiennent ( Erineum, Urédinées, Verrucariées). Aussi, 
crois-je que l’oïdium est transmissible sur des parties végé- 
tales saines, en un mot, qu'il est contagieux, et qu'il cause 
un mal réel. Si donc le froid des derniers jours de 1853 
avait tué les spores de l'oïdium { présumé venir d’un pays 
très-chaud ), je crois que nous aurions un ennemi de moins, 
et même un ennemi fort dangereux. Mais en même temps, 
je crois que cet ennemi n'est pas le seul qui nous assiège. 
S'il était seul, nous n’aurions ni la carie noire, ni la chlo- 
rose, ni les maculatures confluentes des sarments, ni la di- 
minution énorme des récoltes. La vigne serait à l’état nor- 
mal de santé et de production partout où il n'y aurait pas 
d’oïdium ; et c’est là, j'en suis profondément convaincu, ce 
qui n'existe pas. D'un autre côté , si l’oïdium pouvait exer- 
cer partout avec une égale intensité , sa faculté de propaga- 
tion, de dissémination, de contagion en un mot, toutes les 
vignes, à l'heure qu'il est, devraient étre oïdiées, et cela 
n’est pas non plus, car le parasite se propage le plus sou- 
vent sporadiquement et non de proche en proche. Donc — 
et c’est là le nœud profond de la question — il faut qu'il y 
ait dans certains ceps, quelque chose de non déterminé 
jusqu'à présent, qui favorise le développement de cette 
contagion, et ce quelque chose nous paraît devoir être le 
principe morbide , le principe délétère qui produit les autres 
altérations de la vigne. 

Il y a des hommes du monde qui nous disent avec un 
sang-froid merveilleux que, s'il y avait une maladie inté- 
rieure , toutes les parties du cep seraient également mala- 


( 276 } 

des, et qu'on ne trouverait pas un rameau , une grappe, un 
grain même parfaitement sains à côté d’un rameau, d'une 
grappe , d’un grain malades. Je vois et par conséquent 
j'admets la réalité de ces circonstances si embarrassantes 
au premier aperçu : mais ce n’est pas ordinairement de la 
part des naturalistes que vient cette objection, car ceux-là 
savent que les lois générales de la vie sont les mêmes dans 
les deux règnes organiques. Ce ne sont pas non plus, ordi- 
nairement , les médecins qui la font, car ils voient tous les 
jours une affection morbide intérieure se manifester à telle 
place du corps et non à telle autre, quoique toutes deux 
appartiennent à un même ordre d'organes ou de tissus. 


Page 15.— « Les cas particuliers, dites-vous , en agri- 
» culture comme en médecine, ne prouvent absolument 
» rien ».— J'espère, mon cher et vénéré maître, que l’ex- 
posé de nos opinions, de nos nuances d'opinion, tel que je 
vous l’ai présenté dans cette lettre, nous disculpera à vos 
yeux du reproche de ne tenir compte que de cas particuliers, 
car c’est au contraire l'impression que produit sur nous 
l'ensemble des faits, qui nous a portés, à tort ou à raison, 
à embrasser l'opinion dont nous faisons profession. Nous 
aussi, nous condamnons comme vous le culte des cas par- 
ticuliers , et vous devez remarquer que nous n’accusons au- 
cun observateur de n’avoir pas vu ou n’avoir mal vu les faits 
de détail qu’il décrit : nous n’accusons pas les extérioristes 
de n'être pas assez cryplogamistes ; nous croyons au contraire 
qu'ils le sont un peu trop, ou pour mieux dire trop exclu- 
sivement. Et puis, il faut bien le reconnaitre, tout est, en 
apparence, cas particuliers dans la vie organique : c'est du 
nombre des cas particuliers que se tire la règle, et voilà 


270) 
pourquoi, comme je vous le disais en commencant, on est 
extérioriste ou intérioriste suivant que l'esprit est plus 


frappé de la prédominance de tel ou tel autre ordre de phé- 
nomènes. 


Ibid. — La théorie de M. Oudart sur l’exsudation n’est 
pas sans analogie avec celle de M. Dessoye (de Toulouse | 
qui admet aussi comme effet de la sécheresse, un durcisse- 
ment, un épaississement de l’épiderme et l’obturation des 
surfaces normalement susceptibles de transpirer. Jene m’oc- 
cuperai point ici de la possibilité de cette exsudation dans 
les parties dépourvues de stomates {les grains de raisin), 
car mon collègue Cuigneau s’est occupé de ce point dont 
l'étude exige des développements trop étendus pour cette 
lettre, et il dira sans doute d’excellentes choses à ce sujet 
qui ne rentre pas directement dans l’objet de ma réponse, 
puisque vous ne vous prononcez pas d’une manière défini- 
tive pour ou contre le système de M. Oudart. 


Page 20.— L'oïdium est-il dû à une création spontanée ? 
Vous répondez « Que sais-je » ? — Je ne veux pas rentrer 
ici dans la discussion de cette vieille querelle pour laquelle 
Je n’hésiterais pas sur le parti à prendre : car pour moi, il 
n'y a ni création d'espèces nouvelles, ni destruction d’espè- 
ces existantes dans le cours d’une période géologique de 
tranquillité comme est la nôtre. Mais je crois plus simple de 
présumer que l'oïdium a été apporté de quelque pays très- 
chaud dans nos serres, qu'il y a trouvé un substratum à sa 
convenance (la vigne }, et qu'il s’est propagé au dehors. 


(278) 

Ibid. — M. Mohl dit que l’oïdium s’étend le plus fré- 
quemment des pédoncules sur l'ovaire. J'ajoute que cela 
arrive souvent (et c'est alors que le mal est le plus grave) 
par l'intermédiaire de la corolle, car j'ai des échantillons 
d'Orléans où la corolle est envahie avant de se détacher com- 
plètement sous forme de coiffe, et nous avons vu à Bor- 
deaux des boutons couverts d'oïdium avant l’épanouisse- 
ment des fleurs. 


Ibid. — Vous avez mille fois raison pour les transforma- 
tions! Sans doute, les organismes inférieurs, végétaux et 
animaux, nous offrent des formes transitoires fort différen- 
tes les unes des autres, et des modes multiples de repro- 
duction ; mais cela n'ôte rien à l’autonomie et à la circon- 
scription invariable des espèces légitimes, ni à la constitu- 
tion réelle des genres dignes de ce nom. 


Page 22.— La disposition ou aptitude plus ou moins 
grande de certaines espèces | cépages) de vigne à contrac- 
ter la maladie {interne ou extérieure ) oïdienne ou autre, est 
un fait bien constaté et sur lequel tout le monde est d’ac- 
cord. 


Page 24.— Moyens prophylactiques. Ne soyez pas irrité 
de ma franchise , Monsieur et vénérable ami; mais je vous 
l'avouerai, en arrivant à cet article, je suis saisi d’un éton- 
nement profond. 

Que MM. Robouam et Bouchardat proposent comme 
moyen prophylactique, de coucher les rameaux sur la terre, 
je puis concilier cette prescription avec leurs doctrines ex- 

*térioristes , car ils peuvent avcir constaté que l'oïdium se 


LE 


{ 279 ) 

développerait mal dans le voisinage du sol, soit à cause de 
l'humidité, soit à cause du rayonnement de sa fraîcheur ou 
de sa chaleur, soit enfin à cause des souillures terreuses 
que la grappe contracte dans cette position {ainsi que M. 
Pardocchi l'a observé en 1855 à Pise). Je n’examine pas si 
cela s’accorde avec les habitudes peu aériennes des mucé- 
dinées en général et même des Erysiphe ; je n’examine pas 
même ‘si cela ne semblerait pas contredire la prédilection 
tant prônée de l'oïdium pour l'humidité et pour les végéta- 
tions chargées de sucs. J'admets que cela est possible, car 
telle peut être l'idiosyncrasie de l’oïdium, qu'il aime à se 
développer plus loin de la surface äu sol. 

Mais quand je vois M. Bouchardat écrire que LE PRovI- 
GNAGE peut offrir un moyen prophylactique ; quand je vous 
vois, — vous extérioriste pur — ne pas lancer l’anathème 
contre une idée semblable , je me demande si je rêve et si 
je ne me suis pas trompé en croyant que vous rejetez toute 
possibilité de maladie intérieure, 


Le provignage..….! Mais que peut-il, dans votre ordre 
d'idées, contre l'invasion matérielle, brutale, isolée de 
l'oïdium ? 

C'est nous, intérioristes, qui devrions nous en occuper, 
pour interdire l'usage de cette prolongation artificielle de 
la vie, — ou mieux, de cette procrastination indéfinie de 
la mort d’un individu végétal que nous croyons attaqué dans 
les sources de sa vie normale. Et si nous ne le faisons pas, 
si nous reculons devant l’idée d’une nécessité désastreuse, — 
celle peut-être de renouveler la vigne par les semis et non 
plus par le provignage ou le bouturage — , c'est que nous 
voyons les provins conserver, ou ne pas conserver | sans que 
nous puissions rendre raison de cette bizarrerie }, la maladie 
dont le pied-mère auquel ils adhèrent encore, est atteint. 


( 280 ) 

« Soyez donc extérioriste » ! me direz-vous... et je ne 
pourrai me justifier de ne l'être pas, que par la considéra- 
tion que je faisais valoir tout-à-l'heure relativement aux ma- 
ladies qui ne se manifestent pas sur tous les points des or- 
ganes ou des tissus de même ordre dans un même individu. 


Page 25. — Vous avez observé à Beaumont-sur-Oise , 
une vigne à moitié ravagée par l'oïdium, bien que le cep se 
développât tout entier à la même exposition. Des faits iden- 
tiques ont été signalés ici et sont, comme le vôtre, hors de 
doute ; mais cela arrive plus souvent encore quand l'une 
des branches du cep est à une exposition et l’autre à une 
exposition différente. 


A mon tour, je pourrais vous demander comment vous 
conciliez avec l’extériorisme ce fait : Nous avons, dans le 
potager de notre domaine de Vimeney (vis-à-vis Bordeaux), 
trente pieds de chasselas plantés en même temps, il y a une 
dixaine d'années, à deux mètres de distance en tous sens, 
et formant sept rangs contigus de tonnelles. Trois de ces 
trente ceps disséminés dans les tonnelles, comme vous le 
verrez par le plan ci-joint où leur place est figurée par un 
astérisque, ont été oïdiés pour la première fois en 1853, et 
nous mangeons encore , aujourd'hui 17 Janvier, des chas- 
selas excellents, recueillis sur les autres pieds, que loï- 
dium n’a nullement atteints. 


Mais non; je ne vous ferai pas cette indiscrète question, 
parce qu’on peut à tout moment, de parti à parti, s’en 
adresser d'aussi embarrassantes à résoudre, dans un sujet 
aussi désespérant par son obscurité que par les contradic- 
tions incessantes qu’on rencontre dans l’observation des 


Plan des Tonnelles de Vimeney. 


Viénobles tres-peu malades, 
non o1dies. 


plus ou moins malades, çà et la oïdiés. 


Mod. 


d de muscat rose tres-oïdie. 


“es Bâtiments d'exploitation 


Le 
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Vignobles 


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Potager. 


Viénobles tres-peu malades, 
non-0Idies. 


La place des 27 ceps non-oidiés est marquée par un point noir; 
celle. des 3 ceps oïdies l'est par un astérisque 


Dan 


( 281) 
faits. Le oui et le non, le blanc et le noir se montrent à 
chaque pas, et ce n’est que sur l’ensemble des faits, encore 
une fois, et en négligeant le détail, qu'on peut se déter- 
miner à suivre l’un ou l’autre drapeau. 


Ibid. — Le rajeunissement causé par la taille rez-terre 
n'est pas prophylactique en matière d’extériorisme , je viens 
de le dire implicitement. Il n'est pas radical en matière 
d'intériorisme, cela est évident. Nous pouvons done, les 
uns et les autres, croire qu'il n'offrirait qu'un palliatif, un 
moyen dilatoire. 


Page ©6.— Moyens curatifs. Tout ce qu’on a tenté jus- 
qu'ici en fait de fumigations, aspersions sèches et lotions, 
a presque toujours produit un effet favorable , mais tempo- 
raire. En Belgique , on soufre les raisins de serre plusieurs 
fois par semaine; en Angleterre aussi, et on gagne ainsi 
l'époque de la récolte, qu'on obtient plus ou moins satis- 
faisante selon les soins donnés, l'intensité et la précocité 
de l'invasion. M. le comte Duchâtel et M. Pescatore ont 
obtenu des résultats analogues dans leurs vignobles du Mé- 
doc, mais cela à grand renfort de dépenses. Il n’y a donc 
jusqu'ici dans ces procédés, pour les intérioristes comme 
pour les extérioristes, qu'un palliatif. 


Page 28.— Innocuité des raisins malades. — Nous sem- 
mes tous d'accord sur ce point. 


Ibid. — Pronostic. — Et maintenant , où sera le REMÈDE ? 
Vous l'avez dit : je l'ai dit également et M. Durieu aussi lors 


( 282 ) 

de la séance publique d'hiver de la Société Linnéenne , — 
dans la bonté de Dieu , qui n’aflige ses créatures que par 
des"fléaux passagers. Le mal n'est assurément pas plus 
grand pour être intérieur que pour être extérieur, s’il est 
curabie dans la première hypothèse , inévitablement mortel 
dans la seconde. Nous devons tous, d’une commune voix, 
crier aux viticulteurs : « N’arrachez pas vos vignes » ! — 
Vous extérioristes, parce que vous espérez que l’oïdium dis- 
paraîtra comme la pyrale ; — Nous intérioristes, parce que 
nous espérons que le principe morbifique disparaîtra comme 
celui du choléra ou celui de la peste. 


Agréez, Monsieur et vénérable Ami, etc. 


Cnarzes Des Mouuins. 


Bordeaux, 17 Janvier 1854. 


(283) 


XVIII. EXCURSION ENTOMOLOGIQUE aux dunes de Bis- 
carrosse et d'Arcachon, avec indication de quelques 


manœuvres insecticeptologiques, et réflexions : 


Par M. le Docteur Léon DUFOUR, 


Correspondant des Académies des Sciences de Paris, Stockolm, Madrid, 
de la Société Linnéenne de Bordeaux , ete. 


Disons d’abord que cette excursion fut entreprise avec 
mes amis Aubé, Perris et Laboulbène tous trois embrasés, 
comme leur doyen d'âge, du feu sacré de la science des 
simples et des bestioles, tous trois doués d’une rare ama- 
bilité d'esprit et d’un caractère de bonne humeur. Une anti- 
cipation de voyage , que je cherchai vainement à conjurer, 
nous obligea à partir à la fin de Mai dans des conditions de 
saison et de météorologie peu favorables au succès de notre 
expédition. Ah! combien elle eût été plus profitable en 
Juillet , à l'époque où les fleurs épanouies sont fréquentées 
par les insectes et où les métamorphoses de ceux-ci sont 
accomplies ! 


Mais , soit dit en passant, les naturalistes du Nord, dans 
leur appréciation du Midi de la France, sous le rapport de 
la botanique et de la zoologie, se laissent trop facilement 
séduire par les degrés de latitude des cartes géographiques. 
Or, cette zône méridionale présente d'énormes différences 
suivant qu'on l'explore à l'Est ou à l'Ouest. Le véritable 
midi oriental est celui qui, exposé aux influences du litto- 
ral méditerranéen, et par conséquent aux effluves africai- 
nes, se caractérise surtout par l'existence prospère de l’oli- 


( 284 ) 

vier. C’est là le meilleur thermomètre climatérique de cette 
contrée, et cet arbre voit pulluler autour de lui une bota- 
nique spéciale et une prodigieuse population d'insectes que 
l’on chercherait vainement ailleurs ; c’est là la Gallia aus- 
tralis des auteurs. Le Centre et l'Ouest de la même latitude 
couverts par l’imposante chaîne limitrophe des Pyrénées se 
trouvent ainsi abrités des vents chauds de l'Espagne et en 
butte à la répercussion des influences froides du Nord. De là 
une condition climatérique qui n’est point et ne sera jamais, 
tant que persistera ce haut et profond paravent, propre à 
la culture de l'olivier. Mais cette vaste région sous-pyré- 
néenne a aussi ses modifications de sol et d'exposition qui 
diversifient singulièrement ses productions naturelles. Sa 
terminaison occidentale à l'Océan forme là, entre Bordeaux 
et Bayonne, un littoral plus ou moins aréneux, large de 
plusieurs lieues, dont le Pin maritime et le Chéne Tauzin 
sont les représentants climatériques , avec une flore et une 
entomologie fort différentes de celles du midi oriental. 


C'est dans un point de ce littoral, dont m'a détourné un 
moment ma digression, qu'il faut aller chercher nos dunes 
à explorer. Mettons-nous donc en route. 


Vendredi, 27 Mai 1853.—Par un temps couvert et frais, 
dès trois heures du matin, nous partimes de Mont-de-Mar- 
san pour Biscarrosse avec notre bagage botanico-entomo- 
logique. Nous voilà emballés dans une voiture publique qui 
nous déposa au village de Sabres après avoir passé par 
Uchac et Garin. M. le docteur Gazailhan, prévenu de notre 
visite chez lui à Biscarrosse , avait obligeamment expédié, 
dès la veille, à Sabres, un char attelé de deux vigoureuses 
mules. Aussitôt après un déjeüner assez confortable , nous 
nous colioquâämes plus ou moins méthodiquement dans ce 
véhicule insuspendu. Comme notre taille se trouvait un peu 


11 


( 285) 

disproportionnée avec sa voûte laineuse, chacun s’y plaça 
en deux ou trois plis. Nous fûmes ainsi livrés à un système 
de succussions qui ébranlèrent plus ou moins»nos viscères 
pendant un trajet de soixante et quelques kilomètres. Dieu 
aidant, et nos mules aussi, nous franchimes sans fracture 
ni chute, ni notables contusions et les pignadas avec leurs 
reliefs de racines et les sables perméables et les routes en 
réparation et les fossés pleins d'eau. L’habileté de notre 
rustique automédon nous tira de partout. À Jchoux, je 
serrai la vénérable main de M. Larraillet, propriétaire des 
forges, fourneaux et laminoirs de ce pays ferrifère. 

Pour le compte de nos braves quadrupèdes , on fit une 
halte de deux heures, dans une maison que nous primes 
pour une bonne hôtellerie. Par la faute de notre conduc- 
teur, nous tombâmes dans une méprise , un quiproquo qui 
dégénéra presqu'en impolitesse de notre part. Dès que nous 
eùmes mis pied à terre, nous primes le large en divergeant, 
qui dans les bois, qui dans les champs, qui contre un tronc 
d'arbre et l’autre ventre à terre dans le taillis. J'étais sé- 
rieusement collé contre une vieille souche , que j'écorçais à 
coup de marteau, lorsqu'un Monsieur de bonne mine, me 
saluant par mon nom, me proposa d'aller prendre un bouil- 
lon. Toujours persuadé que la susdite maison était une au- 
berge, j'avoue que je pris l’offre du bouillon pour l'amorce 
d’un diner à payer en définitive. Je remerciai donc négati- 
vement, peut-être avec quelque peu de brusquerie, et je 
m’enfonçai dans le profond de la forêt pour m'isoler. Cepen- 
dant à l'expiration des deux heures, je me rendis le dernier 
à la prétendue auberge. Quelle fut ma surprise de voir mes 
trois camarades assis à une table bien servie et manœu- 
vrant très activement avec d'aimables convives des deux 
sexes ! C’est alors que j'eus le mot de l'énigme. Nous étions 
chez M. Fabre, beau-frère de M. Gazailhan. Celui-ci l'avait 

Tome XIX. » 21 


( 286 ) 
prévenu de notre arrivée et le festin nous était dédié. La 
faute élait donc toute dans l'oubli du conducteur. Je me 
confondis en excuses, surtout envers M. Fabre, dont je 
venais d'éluder la politesse. Un verre de Bordeaux ratifia 
la conciliation et nous reprimes le chemin de Biscarrosse 
en passant par Liposiey et Parentis. 

Bientôt d’épaisses ténèbres nous enveloppent et il était 
dix heures lorsque des torches résineuses, simulant au loin 
d'énormes Lampyres, nous annoncèrent l'approche de l'ha- 
bitation de M. Gazailhan. Certes , il s’en allait temps après 
un trajet de 85 kilomètres dans la journée. Grâcieux ac- 
cueil, bon feu, souper exquis préludèrent à un sommeil 
réparateur. 


28 Samedi. — Dès cinq heures du matin, malgré un: 


temps sombre et une imminence de pluie, sans avoir sonné 
le réveil , tout le monde est sur pied. Chacun dispose son 
attirail de savante chasse, filets, marteau, pinces, épin- 
gles, couteau, petites boites à sciure de bois pour sépulcre 
anestésique , flacons à frisures de papier, nappes de per- 
cale , flacon à éther , empilage de cornets de papier , loupe, 
parapluie, carnet... que sais-je ! On débuta dans une forêt 
immédiate à la maison. 

Nous n'avions pas fait dix pas que nous tombons tous 
quatre à genoux devant un tronc séculaire de pin, gissant 
mort sur le terrain. Quelle bonne fortune ! Il fallait nous 
voir frappant d’estoc et de taille ce vieux cadavre ligneux, 
pour déchirer ses entrailles et en exhumer ses rongeurs à 
divers titres. Mais ne vous figurez point que ces coups sont 
portés au hasard. Il s’agit d’abord d'enlever l'écorce et cette 
décortication doit s’opérer avec une certaine méthode. On 
sape, on cerne avec le tranchant du marteau une ligne de 
circonvallation de manière à soulever à la fois une bonne 
étendue de l'écorce. Mais tous les insectes ne sont pas entre 


ln 


TR RE CE phe e p  E SEL l e 


( 287 : 

celle-ci et le bois ; il y en a dans l'épaisseur de l'enveloppe 
corticale comme dans la profondeur de l’aubier et des cou- 
ches ligneuses. Comme ce tronc fut vite écorcé et écorché ! 
A chaque instant on proclamait à haute voix, l'un le Tomicus 
stenographus, l'autre les Hylurgus elongatus et piniperda ; 
celui-ci un imperceptible Staphylin auquel personne n'ose 
donner un nom technique , celui-là l’atomique AHister cœsus 
et l'oblongus et dix-autres petits lignivores étonnés de la 
violation d'un domicile si obscur , ainsi que de leur prompte 
incarcération dans le fatal cornet, ou de leur éthérisation 
inopinée. 

Quand toute la surface aérienne, (ou exposée à Pair) du 
tronc eut été suffisamment explorée , spoliée , dépeuplée , 
épuisée, au mot d'ordre nous nous levàämes comme un seul 
homme; nous saisimes de nos leviers ‘hrachiaux, nous 
poussâmes de toute la puissance de nos lombes. cette lourde 
colonne à demi-incrustée dans le sol et nous lui fimes subir 
une complète évolution. Alors recommencaient, redoublaient 
les coups incisifs du marteau , les excoriations , les incisions 
ménagées. Nouvelles scènes d’incurvation du corps à diffé- 
rents degrés suivant la portée de la vue de chacun ; nou- 
velles génuflexions, nouvelles explosions d’allégresse à l’as- 
pect de tous ces riens de la science qui nous rendaient aussi 
heureux que pouvait l'être cet avide mineur californien lors- 
que brille à ses yeux une grosse pépite d'or. 

Un rustique landais attiré par le spectacle de manœuvres 
si incompréhensibles , si inouïes pour lui, après une longue 
hésitation, prit son courage à deux mains el s'approcha de 
nous pour en être le témoin immédiat. À son maintien em- 
barrassé, à son étonnement mnet, à sa stupéfaction il était 
facile de’juger qu'il nous prenait pour des fous, des mono- 
manes en paroxisme d’exaltation , et, 1l faut en convenir, il 
était bien excusable. Entrainé par le puissant attrait de la 


(288) 
nouveauté et de limitation , il n’échappa point à cette sorte 
de magnétisation , et le voilà qui nous assiste de sa vue de 
lynx et de son bras nerveux. Tout aussitôt, nous l’engageons 
dans notre caravane exploratrice ; je le mis à mon service 
particulier, je l’adoptai pour le substitut oculaire de mes 
antiques yeux. 

L'évolution du tronc de pin mit au jour un petit nombre 
d'insectes réfugiés sous sa masse, mais de mince valeur 
pour de vieux dénicheurs de petites bêtes. Nous n’accordä- 
mes les honneurs de la capture qu’au Staphylinus nigripes 
et à l’agile Leistes spinibarbis. Nous fûmes frappés de la 
couleur vert-métallique bien prononcée des élytres de ce 
carabique, couleur qui reprit sa teinte bieue normale par 
l'éthérisation dans le flacon. Nous respectâmes la liberté 
du Steropus madidus et du Carabus purpurascens malgré 
son liseret vert et non cüuivré. 

Mais en présence de cette garnison hétérogène qui avait 
miné de ses sinueuses galeries ou l'écorce ou le bois de ce 
tronc décrépit de pin, condamné à l’inévitable destruction, 
fallait-il se borner au simple rôle de coilecteur, de piqueur 
d'insectes ? Oh ! telle n’est point notre manière de compren- 
dre cette intéressante division de la zoologie. Je le redis en- 
core, après l'avoir écrit dix fois, l’entomologiste digne de 
ce nom ne peut pas, ne doit pas se borner à la détermi- 
nation des formes extérieures, à compter des articles, à sup- 
puter des dents, à louper des points , des poils , des stries. 
Sans doute, l'ordination , Ja classification en famille, en 
genre, en espèce, ont une haute importance et persoune ne 
les apprécie plus que moi, vieux piocheur qui ai franchi 
cette vaste et difficile péripétie de la science sous les aus- 
pices de mon ami Latreille, le grand législateur. La vérita- 
ble histoire des insectes est celle des métamorphoses, de la 
vie privée et de la vie commune , des mœurs, du genre de 


( 289 ) 

nourriture, de l'industrie, des manœuvres intelligentes, des 
guerres, des amours, des modes de propagation, des soins 
maternels , de l'anatomie intérieure de ces animaux pour 
lesquels le Créateur a été maæimus in minimis. Ces études 
altrayantes , ces faits bien digérés élèvent le philosophe à 
l'appréciation du rôle imposant que jouent dans les subli- 
mes harmonies de la nature, ces êtres dont la petitesse est 
largement compensée par le nombre. C'était là la science 
des Réaumur, des De Géer, des Bonnet, des Swammerdam, 
des Lyonet. 

Oh! que le divin Hippocrate avait bien raison de dire : 
Ars longa vita brevis ! Quand l'homme qui a consacré les 
deux tiers de son existence septuagénaire aux charmes de 
celle étude , ainsi entendue , se trouverait .en mesure d’uti- 
liser son expérience, il faut qu’il s’ensevelisse avec elle !.… 

Revenons aux inspirations de notre tronc vénérable et de 
sa population d'insectes. L'un de nous, fidèle et spirituel 
interprète des mystères de la nature et prophète de la 
science, l'oculatissime Perris, nous fit sous la forme d’une 
causerie, et sans qu'il s’en doutât, une admirable leçon 
pratique de mœurs, une démonstration des plus instructi- 
ves et sur la désignation technique des artisans de ces gale- 
ries, et sur les insectes légitimement lignivores, et sur ceux 
qui vivant dans la même enceinte, en sont les ennemis par 
destination , les parasites obligés. Nous étions tout yeux, 
tout oreilles et mon carnet s’empressa d'inscrire à la fin du 
jour un entretien si substantiel, si palpitant d'intérêt. Cette 
insertin avait pour moi un attrait d'autant plus vivement 
senti que mon ami, j'allais dire mon disciple, partageait 
toutes mes idées sur la valeur scientifique des métamor- 
phoses et du parasitisme des insectes. 

Nous apprimes de notre professeur improvisé que toutes 
les larves d’Hypophlœus ; regardées jusqu'à ce jour comme 


( 290 ) 
Xylophages parce qu’on les trouve sous les écorces du bois 
mort, sont, au contraire, carnivores ou pour parler plus 
exactement, larvivores. L’Hylurqus piniperda a pour mortel 
ennemi de sa race, la larve de l'Hypophlæus Pini, tandis 
que les insectes parfaits fraternisent sous la même écorce. 
La Tomicus laricis a ses larves décimées par celles du Co- 
lydium bicolor. Le Tomicus stenographus qu'avec Latreille 
j'avais cru pendant quarante ans être le Typographus Fabr., 
et dont j'ai publié l'anatomie sous ce dernier nom, est 
poursuivi avec acharnement dans la première phase de sa 
vie, par la larve meurtrière du Platysoma oblongum. Le 
Tomicus bidens qui pénètre surtout l'écorce languissante des 
jeunes pins, a pour bourreau de ses larves celle de l'Aypo- 
phlœus linearis Perr., espèce nouvelle pour la science. Les 
larves de l’Æylurgus piniperda sont assassinées , à titre de 
pondération , par celles du Rhyzophagus depressus. 

Et voyez comme, dans ses vues d'harmonie et d'équili- 
bration, la nature a été surprise, devinée par notre sagace 
scrutateur ! Il a constaté que la larve d’un tout petit hymé- 


noptère, d'un Diapria, avait pour mission instinctive de 


borner , d'arrêter la trop grande multiplication de l'Æypo- 
phlœus linearis, Vexécuteur du Tomicus bidens. Ceci me 
rappelle cet empilage de parasites et d’usurpateurs de la 
petite galle du Verbascum dont j'ai publié l'histoire il y a peu 
d'années. On dirait du roman, et quoi pourtant de plus 
vrai, de plus fait positif que cela? Quand on a une fois 


pris cette direction d’études, on marche de miracles en 


miracles. 

Les larves de quelques Clérites, au dire de M. Perris, 
comme le Thanasimus formicarius et V'Opilo mollis, émi- 
nemment carnassières, font une guerre d'extermination, 
les premières aux longicornes Ædilis grisea et Rhagium 
indagator , les autres au Buprestis tarda. Je n’en finirais 


(208 
pas si je voulais dire tout ce que nous éprouvâmes de bon- 
heur et de solide instruction au piquant récit des guerres à 
mort de cette peuplade de larves dont le maître proclamait 
les noms ainsi que les faits et gestes. 

A peine avions-nous fini cette exploitation du pin et re- 
pris notre station verticale qu'on signale près de là un grand 
tronc de Chéne Tauzin tombé de vieillesse et offrant à notre 
avidité de magnifiques entrailles pourries. Voir le Tauzin et 
nous précipiter sur lui fut aussi prompt que la pensée. Tels 
des vautours affamés se disputent une facile proie. Jamais 
on ne vit plus d’ardeur dans la visite domiciliaire de la nou- 
velle population de lignivores et de parasites; jamais on 
n'écouta plus attentivement la voix du maitre. On écorce, 
on lacère , on met en pièce le bienheureux tronc. Les plus 
bruyantes exclamations retentissent dans la forêt à l'aspect 
des habitans quercicoles que nous dévorions des yeux et que 
nous baptisions à baute voix au noi de la science. Ici, c’est 
le Crypturgus pusillus dont la multiplication à pour correc- 
tif la larve presqu'invisible du Plegaderus cæsus. Là, un 
Colydium elongatum est dénoncé comme l’impiacable enne- 
mi du Platypus cylindrus, et, quoique nous n'ayons pas 
rencontré personnellement ce dernier, son ennemi et notre 
prophète ont parlé assez haut. Ailleurs on trouve , on prend 
ou on laisse le Bostrichus monographus, le Ceryÿlon histe- 
roides, V'Hypophlœus castaneus à larve insecticide, l’/ps 
abbreviata, un impalpable Latridius , etc. . 

En présence de tant d'arbres morts ou mourants, qui re- 
cèlent dans ou sous l'écorce, dans ou sous le liber la race 
xylophage, se retrace à mon esprit une question sylvicole 
soulevée il y a plus de vingt ans et éncore flagrante en ce 
moment. Les Bostrichus, Scolytus et compagnie sont-ils la 
cause directe de la langueur et de la mort de ces arbres ? 
en un mot, sont-ils essentiellement arboricides ? Déjà à cette 


( 292-) 

époque reculée , je m'étais élevé avec de suffisantes preuves 
tant matérielles que rationnelles contre une si injuste accu- 
sation. Malheureusement mon plaidoyer, quoique de peu 
d'étendue , tomba sous la main d’une personne intéressée 
à soutenir l’incrimination et mon écrit fut frappé d’une fin 
de non recevoir. Un plus habile avocat, vient de se poser 
pour la seconde fois, en défenseur de cette même cause, 
dans un écrit riche de faits et de raisonnement , inséré dans 
les Annales de la Soc. Entom. de France, pour 1852. C’est 
M. Perris. Il à pulvérisé l'accusation. 

Au milieu de cet entretien entomologique , on perdait de 
vue et les jalouses nébulosités du ciel et jusqu’à notre dé- 
jeüner. Cependant , un entr'acte de la science réveille l’ai- 
guillon de l'appétit dans l’un de nous et, comme les mou- 
tons de Panurge, nous le suivons vers le toit hospitalier. 
Une pyramidale soupe au café au lait est en un instant in- 
gérée , et nous repartons aussitôt pour la chasse en nous 
dirigeant vers l'étang de Biscarrosse. Chemin faisant , nous 
promenons le filet sur les lisières des champs et les prés 
sans rien entraîner qui vaille les honneurs du cornet ou du 
flacon. Nous ne sommes pas plus heureux pour la botani- 
que. Le ciel nous était décidément contraire. Après marches 
et contre-marches stériles, nous plantons notre tente aux 
bords de l'étang. 

Nous trouvâmes ici, l’occasion d’une nouvelle insecticep- 
tologie. Les profondeurs du sable humide recèlent des in- 
sectes riverains de divers ordres qui s'y creusent des gale- 
ries, des tannières, des gJapiers. Ils n’en Sortent, pendant 
le jour, que momentanément pour chasser leur proie aux 
bords de l’eau , ou bien le soir ou la nuit pour changer de 
gite ou vaquer à leurs amours. Il s’agit donc pour s’en em- 
parer de les forcer à déguerpir de leur domicile souterrain. 
A cet effet, on peut d'abord pratiquer le piétinement, ma- 


( 293) 
nœuvre qui consiste à frapper , à déprimer avec les pieds le 
sol pour combler les galeries et obliger les insectes à surgir 
à la surface. Mais le procédé de l’inondation est celui qui a 
les résultats les plus productifs. Il est:simple et expéditif. 
On s’accroupit ou l’on s’agenouille, quand on a des genouil- 
lères en tissus de caoutchouc, et, avec le creux de la main, 
on lance à grande vitesse des jets d’eau sur la rive et uñ peu 
au loin. La gent souterraine, surprise dans ses paisibles 
demeures par ce déluge, se hâte de se sauver au dehors, 
et pour éviter un danger tombe dans un pire. C'est dans ce 
cas qu'il faut, pour saisir ces insectes, allier à l’acuité de la 
vue la prestesse du doigt. Ces fouisseurs, la plupart de 
petite taille , à peine arrivés au grand jour , ou s’élancent 
dans les airs quand ils sont ailés, ou vous échappent par la 
vitesse de leur course. J’eus besoin, dans cette chasse 
riveraine, des yeux de mon lynx indigène pour mettre mes 
conquêtes au niveau de celles de mes amis. Il avait parfai- 
tement saisi més exigences à cet endroit. 

Hélas , encore ici rien de nouveau pour le vieux chasseur 
de gibier hexapode , qui en a tant vu et tant pris ! Un Hete- 
rocerus abondant que, malgré les faiseurs, je rapporte à 
l'antique Marginatus ; les Stenus latifrons et pusillus ; les 
Bledius arenarius et opacus, espèces plus appréciées ; un 
seul individu du Bembidium Andrec ; le Clivina thoracica, 
décoré aujourd’hui du titre générique de Dischyrius ; le 
Blemus areolatus ; le Trogophlæus riparius ; des Bembidium 
cosmopolites qui ne valent pas la peine d’être nommés ; 
enfin de petits staphylinides demeurés anonymes ; tels furent 
les minces résultats de notre procédé d'inondation dans 
cette localité. 

Parmi les errans et vagabonds du rivage en plein air, nous 
primes le Pelogonus marginatus, hémiptère sauteur qui 
vint exhumer des tiroirs de mon cerveau, le souvenir de sa 


(. 294) 
première capture, en 1806, près de l'antique pont du Gard ; 
l'agile Lispa tentaculata; d'imperceptibles Ephydra et Li- 
mosina et autres misères entomologiques devant lesquelles 
s'inclingient pourtant de graves invesligateurs. 

Mais il est encore un autre mode d’insecticeptologie par 
inondation , applicable surtout aux bords graveleux des ri- 
vière$; c'est celui des petites-lagunes. Je l'ai souvent prati- 
qué avec succès aux rives de l’Adour , près Saint-Sever. Le 
voici : on sait que beaucoup d'insectes habitent sous les 
galets humides et s’enfoncent même assez profondément 
au-dessous d'eux, et il ne suffirait pas de déblayer ces galets 
pour les atteindre. Alors on creuse, tout simplement avec 
les râteaux de ses deux mains , une fosse ou lagune plus 
ou moins grande où l'on puisse diriger tout aussitôt l’eau 
courante. À peine cette lagune est-elle remplie que vous 
voyez surnager une foule d'insectes qu'il faut être prompt 
à saisir, car la plupart s’envolent à l'instant, c’est ainsi 
qu'on se procure abondamment les Parnus auriculatus, 
Viennensis et substriatus jadis Dumerillii, les Hydrobius 
orbicularis, bipunctatus et minutus, le Lymnobius atomus 
le plus petit des hydrophiliens, l'Ochtebius marinus, V Hy- 
dræna longipalpis, les Staphylinus rufimanus et aterrimus, 
des Bembidium de dix espèces, le Trogophlœus dilatatus et 
surtout un hémiptère riverain dont la prestesse et la fragi- 
lité trompent souvent votre adresse, le Criptostemma alie- 
num de Herr..Schaffer ou Brebaphes d'Amyot. 

Dans le feu de nos explorations personne n'avait consulté 
sa montre, et il s’en allait temps de ne plus faire attendre 
nos hôtes pour le diner de midi, car cette heure était déjà 
passée. Nous rentrâmes donc au pas de course. 

Notre repas achevé et les soins à donner à nos pauvres 
captures , une fois réglés , nous repartimes accompagnés de 
M. Gazailhan pour une battue d’outre-lac de Biscarrosse. 


(: 29) 

Avant de perdre terre, nous procédons à une chasse à la 
nappe. On commande une halte devant une toiture de 
chaume qu'il s’agit de battre pour en faire tomber les invi- 
sibles insectes. Chacun a son rôle à remplir : pendant que 
deux d’entre nous, saisissant les quatre bouts d’un grand 
carré de percale , le tiennent étalé sous le stillicide du toit, 
un troisième armé d'une longue perche, frappe à coups re- 
doublés sur le chaume; on fait avec cette sorte de poële la 
procession autour du pare et quand il plie sous le poids des 
débris, on se met à l'instant en ‘devoir d'éplucher ceux-ci. 
Tous nos explorateurs déposant leur gravité se jettent ven- 
tre à terre autour de la nappe et, le flacon ou le cornet à 
la main, saisissent à qui mieux mieux les insectes dignes 
de l'incarcération. Une nombreuse galerie rustique était 
accourue à ce spectacle et ne pouvait se défendre du sourire 
ironique en voyë&nt et notre insolite posture et notre agita- 
tion manuelle et nos proclamations incessantes. Un Hala- 
chius nouveau , le Margine-quttatus Perr. (1), grouillait de 
toutes parts et semblait défier l'habileté de nos doigts. Nous 
primes des masses. Nos cris et leur extrême perturbation 
ne les empêchaient pas de consommer coram populo leur 
union conjugale, en sorte que nous étions bien sürs de 
posséder les deux sexes. Cet insecte fut à peu près la seule 
conquête de cette battue de la chaumière , car nous dédai- 
gnâmes d'insignifiants Cryptophagus et Scymnus qui l’es- 
cortaient, sans mépriser pourtant le Corticaria serrata et 
l'Antichus flavipes. 

Nous quittons ce champ de bataille pour courir à l'em- 
barcadère où nous attendait la barque de notre hôte avec 
ses rameurs. Après un quart-d'heure d’une gaie navigation 


(1) Depuis l'envoi de mon manuscrit, M. Perris m’a appris que ce 
Malachius à été décrit par Erichson sous le nom de Anthocomus 
lateralis. 


(296 ) 
à travers un fourré de Scirpus lacustris et de Schærus ma- 
riseus, nous abordâmes à la plage opposée et si convoitée. 
Celle-ci est toute sableuse. Nous y renouvellâmes notre 
chasse de piétinement et d'inondation de la matinée, et nous 
ne rencontrâmes que les mêmes espèces. 

Au milieu de l'arène sèche que nous labourions avec le 
tranchant du marteau, nous fimes une découverte, à laquelle 
je mettais, moi, beaucoup de prix, celle de l'énorme larve 
du Myrmeleon occitanicum , du genre actuel Acanthaclisis. 
J'avais, à diverses reprises, trouvé l’insecte ailé dans les 
sables du Boucau, près de Bayonne ; tandis que nulle part 
dans notre littoral on n’a trouvé, que je sache, le Libellu- 
loides qui n’est pas rare dans le littoral de la Méditerranée. 
Je pris trois individus de notre belle larve , que je plaçai iso- 
lément et avec un soin tout particulier dans des cornets de 
papier remplis de sable. Je tenais singüièrement à les 
transporter sains et. saufs à Saint-Sever pour en étudier 
l'anatomie et les métamorphoses. Qu'il me soit permis de 
consacrer une note à la description succincte et à l’histoire 
du sort de ces larves (1). 


(1) L’une des larves sacrifiée au scapel confirma en tout point , à 
ma vive satisfaction, ce que j'avais déjà publié sur l'anatomie de la 
larve du Formicarium. 

Les deux autres, pleines de santé , furent placées dans un grand 
vase de terre rempli de sable de rivière fin et bien sec. Avant d’ex- 
poser les péripéties de leur éducation , formulons leur signalement. * 

Larva albo-eburnea, convexa, abdominis dorso seriebus quin- 
que macullularum fuscarum , apice trilobato ciliato ; ventre om- 
nino immaculalo; capile quadrato, fusco bilinealo; prothorace 
sex maculato. Long. 8 lin., mandibulis haud computatis. 

Hab. in arenosis littoris oceanici-Biscarrosse, etc. 

Sa forme ovalaire et sa structure sont celles de ses congénères. 
Tête excavée à son tiers antérieur; mandibules plus longues qu’elle 
et tridentées. Yeux de quatre ocelles en carré. Premier segment du 


( 297 ) 
Peu satisfaits de notre chasse littorale, nous dirigeimes 
nos recherches vers üne antique dune boisée. Bientôt un 


. 
thorax atténué en avant, les autres ridés en travers et obscurément 


tachés. Des trois lobes du dernier segment dorsal de l'abdomen , l’in- 
termédiaire est le plus grand. Les cils sont des soies noirâtres qui 
concourent à l’acte de la locomotion. 


C'était au commencement de Juin que je plaçai ces deux larves 
dans les meilleures conditions d'hygiène. Après une semaine d’ex- 
pectation, je m’étonnais de n’apercevoir sur le sable aucune trace 
d’entonnoir, lorsque je m'attendais à en voir de vaste dimension, et 
que des larves du Formicarium apportées des mêmes lieux avaient, 
dès le lendemain de leur collocation dans un réceptacle sableux , 
formé les leurs. Redoutant alors quelque malheur , je me décidai à 
‘une visite domiciliaire , à laquelle je procédai avec beaucoup de cir- 
conspection. La constatation de la vie et de la santé ne me donna 
pas grand peine , car je les trouvai toutes deux enfouies très-super- 
ficiellement et bi dodues. Je les retirai momentanément de leur 
réceptacle et après avoir, par un mouvement de crible, bien égalisé 
la surface du sable, je les y repiaçai pour observer leur manœuvre. 
Je les vis s’enfoncer aussitôt à reculons, mais. si peu profondément 
qu’à un œil attentif leur présence se trahissait pur une légère conve- 
xité de l’arène précédée d’une faible dépression au fond de laquelle 
je reconnus, avec plaisir l’exsertion de leurs tenailles mandibulaires. 
Celles-ci furent pour moi un trait de lumière et me donnèrent une 
grande sécurité pour leur alimentation. Mes blanches locataires m’a- 
vaient donné jusque-là la preuve de leur tolérance d’une diète aus- 
tère , puisqu'il s'était écoulé trois semaines de jeûne absolu depuis 
leur captivité. Quand je jetais dans la petite dépression , où les man- 
dibules étaient en sentinelles, une mouche à laquelle j'avais retran- 
ché une aile, la larve s’en saisissait à l'instant et l’entrainait en re- 
culant jusqu’à un bon pouce de distance de la convexité dont j'ai 
parlé. Il résultait de ce mouvement rétrograde sous-aréneux, un sillon 
large mais peu profond. Comme ses congénères , notre larve , après 
avoir épuisé le sang de sa victime, lançait lé cadavre loin de son gite. 

En Juillet, par un temps chaud et sec, j'eus la regrettable idée, 
pour me rapprocher des conditious naturelles , de transférer le domi- 


( 298 ) 

cri de victoire vibre à mon tympan. J'accours et j'apervois 
Aubé et Laboulbène prosternés au pied d’un vieux pin dont 
ils grattaient les débris, proclamant bien haut l’heureuse 
découverte d'un coléoptère qui, malgré sa petitesse, n’en 
est pas moins une notabilité entomologique, le Faronus 
Lafertei Aubé, Hélas ! il fallut me contenter du nom, car la 
personne de l’insecte, dont on ne trouva que deux indivi- 
dus, m'est demeurée inconnue. 

Perris, à son tour, fait retentir la forêt de son appel à la 
constatation d'un fait intéressant. La larve du Hispa testacea 
est une mineuse des feuilles du Cistus salvifolius. Les gale- 


cile de mes larves, de mon laboratoire dans une galerie en plein air. 
Sous ce régime , elles prospérèrent au mieux et semblaient mèmé 
s’apprivoiser. Je ne rèvais que leur métamorphose. Un jour, après 
avoir lâché dans l'enceinte de l'arène quelques fourmis plus ou moins 
estropiées, quelle fut ma surprise de voir une de mes larves s’exhu- 
mer complètement de sa tannière, se placer à nu sur le sable et, par 
une progression en avant , assez gauchement exécutée, poursuivre 
une de ces fourmis qu’elle saisit maladroïtement avec ses grandes 
tenailles pour s’enterrer avec elle à reculons. Je renouvelai dix fois, 
pendant l'été cette sorte de gymnastique en mème temps amusante 
et instructive. 

Au commencement d’Août, ne voyant plus apparaître mes larves 
ni à la surface du sable, ni au-dessous de celle-ci, je pouvais croire 
qu'à l'instar de plusieurs autres fourmilions elles s'étaient enfoncées 
pour se filer une boule et y subir leur métamorphose en nymphe. 
Hélas, quelles furent et ma déception et ma douleur , lorsqu'après 
avoir renversé de comble en fond toute cette masse de sable , je ne 
trouvai pas vestige de mes pauvres et infortunées larves ! Je fus done 
réduit, pour m'expliqner leur absence à cette conjecture-ci : dans 
leur promenade nocturne sur l’arène elles avaient été enlevées, dé- 
vorées par quelque chauve-souris friande de bons morceaux. 

Ainsi s'évanouirent toutes mes espérances : ainsi se trouve inache- 
vée, tronquée , l'histoire des métamorphoses de l’Occilanicum. Mon 
malheur sera, je l'espère une leçon profitable à d’autres éleveurs de 
cette belle larve. 


(1299 ) 

ries simples, bifides ou trifides , sont fauves et deviennent 
le berceau de la nymphe qui s’y transforme en insecte ailé. 
Nous en ramassons en abondance. Respect à la propriété. 
Perris ne tardera pas à enrichir la science de cette méta- 
morphose inédite. En fauchant sur ce même Ciste on ren- 
contre , mais excessivement rare, le gentil Apion tubiferum. 
Il pique les capsules de cet arbrisseau pour leur confier sa 
progéniture Plus petit et plus effilé que l’Apion rugicolle 
qui vit sur l'Helianthemum alyssoides de nos landes , il lui 
ressemble par sa physionomie, sa contexture et sa villosité. 
Je retrouvai ici un diptère d’un roux cendré glacé, long de 
sept millimètres, que j'avais rencontré jadis près de 
Bayonne : l'Helomyza bistrigata Meig. 

La chute du jour nous rappelait à regret à la nacelle. Ce- 
pendant avant de quitter la forêt, nous fimes la clôture de 
l'excursion par la chasse au parapluie. Elie n’est qu’une 
modification de celle de la nappe; seulement, elle a ses 
applications spéciales et n’exige pas un nombreux personnel; 
un seul chasseur peut à la rigueur la pratiquer. D'une main, 
on présente le parapluie par sa concavité au-dessous d'une 
haie, d’un buisson, d’un arbrisseau, de manière à y en- 
gager , avec précaution, une ou deux de ses baleines ou 
rayons ; de l’autre main, armée d'un bâton, on frappe le 
branchage dans la direction du parapluie. Insectes, dé- 
bris et escargots | souverainement ennuyeux), se précipi- 
tent au fond du large entonnoir, et on s'assied pour procé- 
der au triage. Quand la végétation est avancée et le temps 
chaud, la chasse au parapluie est fort productive et ne 
manque pas de charmes. Malheureusement, il n'en fut pas 
ainsi dans nos battues de quelques aubépines fleuries de 
la dune. Au milieu de la cohue des trivialités entomologi- 
ques, nons ne trouvàmes digne du cornet que l'obscur 
Cyphon Padi. 


( 500 } 

11 était nuit close quand nous nous assimes , affamés , au 
banquet exquis de nos hôtes. On ne fit qu'un saut de la 
table au lit. Le conseil assemblé, décida, à l'unanimité, que 
toute la journée de demain serait consacrée à la longue ex- 
ploration des dunes de Sainte-Eulalie. 

29 Dim. — Dès 6 heures , après le‘bol usité de café au 
lait, nous bravons l'humeur toujours sombre du ciel, et 
nous partons. M. Gazailhan nous fait encore le plaisir d’être 
des nôtres. On porte des vivres pour diner aux bords de la 
mer. 

En nous rendant à l’embarcadère de la veille, ceux d’en- 
tre nous qui n’avaient jamais aperçu les dunes à une cer- 
taine distance , furent surpris de voir à l'horizon ces chaînes 
de montagnes de sable, nues, resplendissantes comme si 
le soleil avait éclairé leurs cimes. Il leur fallut le témoi- 
gnage pratique des indigènes pour détruire leur illusion. 

On lève l'ancre, qui n’est ici qu’une chaîne de fer fixée 
à un poteau ; les rameurs sont à leurs avirons et nous voilà 
en plaine navigation sur le vaste étang de Biscarrosse. La 
traversée quoique continue, dura près de deux heures. Dé- 


barqués sur la plage, nous nous acheminâmes d'abord à 


travers une plaine sableuse toute couverte de branchages 
couchés à demeure, destinés à protéger un semis récent 
de pins pour la fixation des dunes. 

Dans les flaques d’eau, ou dans les canaux qui traver- 
sent ces semis , nous remarquämes une quantité vraiment 
prodigieuse d’un crustacé fort hétéroclite, l’Apus cancri- 
formis. et nous y primes l’Hydroporus griseo-striatus. 

Après cette plaine, où abondent de grosses touffes de 
Genista anglica, nous nous trouvâmes au pied de la pre- 
mière chaine de dunes. Il fallait la franchir, ainsi qu’une 
seconde et une troisième, pour arriver aux bords de l'Océan. 
C'est un aspect bien singulier, bien original que celui de 


(301) 

ces montagnes formées par un sable pur, incohérent , un 
véritable sable d'écritoire que les vents et la tempête v ont 
successivement amoncélé. Cette accumulation plus ou moins 
intermittente, ce déplacement, cette mobilité du sable, le 
rendent impropre à toute végétation spontanée, et c’est cette 
observation qui a dù faire naître l'idée du système d’eñse- 
mencement des dunes par les branchages protecteurs dont 
j'ai parlé. 

Ces monts sableux forment des chaines à peu près paral- 
lèles entr’elles au moins dans cette localité, séparées par des 
bas-fonds à étendue variable appelés des laites. Ce sont des 
espèces de vallons déserts où les eaux séjournent dans des 
dépressions et où plusieurs plantes croissent de manière à 
servir de pacage aux chevaux à demi-sauvages et aux vaches. 
Quand de ces bas-fonds , on envisage ce qui vous entoure, 
on dirait un immense cirque ceint d’amphithéâtres à pentes 
presque verticales. 

Au moment de gravir la première chaîne, on nous signala 
sur la crête, une légère échancrure. C'est par celle-ci qu'il 
faut la franchir. On appellerait dans nos Pyrénées ces échan- 
crures un co! ou un port. Dans la pénible ascension sur ce 
sable mouvant, on fait deux pas en avant et un en arrière. 
Malgré la nudité de l'arène, nous y trouvâmes une grande 
quantité de Zabrus inflatus tantôt courant à l'air libre, 
tantôt abrités sous les bouses sèches ou sous les débris. 
Nous les surprimes souvent dévorant le Thylacites albicans 
et parfois des individus de leur propre espèce. Je me rap- 
pelle très-bien, qu'il y a une trentaine d'années, dans une 
excursion sur le littoral de La Teste , je trouvai ce Zabrus 
perché sur les épis de l’Arundo arenaria et du seigle dont 
il mangeait très-positivement les grains encore pulpeux ou 
en lait. Ainsi, voilà un insecte qui, suivant l’occasion, est 
carnassier ou granivore et il n'est pas le seui qui présente 

Tome XIX. 23 


(502 ) 

ces alternatives de régime. Le Thylacites dont je viens de 
parler abonde dans ces dunes. Il est des individus à élytres 
parcourues par de jolies raies plus foncées, qui se rappor- 
tent au Geminatus Fab. C’est dans la même localité, que je 
fis une ample provision de l’Ægialia globosa, que je voyais 
vivant pour la première fois. Ce coléoptère fouisseur se ren- 
contre et dans les dépressions du sol et sous les bouses 
sèches. Le brillant Hister metallicus a aussi ce dernier ha- 
bitat, où il est assez fréquent. Il varie beaucoup pour sa 
taille. L’'Aphodius hæmorrhoïdalis et d'autres espèces de ce 
genre, peu dignes d’une mention, habitent dans les mêmes 
conditions. 

Malheureusement pour nous , la botanique des laites était 
fort arriérée et l'absence du soleil avait paralysé les insectes 
ailés qui butinent les fleurs ou qui vivent de rapine. Nos 
espérances furent donc encore cruellement décues. Toute- 
fois le filet joua avec activité et je parvins à capturer : 1.0 
une mouche peu commune , qui était pour moi une vieille 
connaissance , le Gonia maritima , au large front vésicu- 
leux; 2.0 La Dasypogon hirtellus, petit asilique gris et 
hérissé, volant après sa proie (1); 3.° l'obscure Scatophaga 
littorea, qui n’est pas rare sur divers points de la côte; 4.0 
le Tetanocera hieracii aux aîles à semis blanc; 5.0 le 7. 
stictica diptère qui habite les lieux humides, même de l’in- 


mo 


(1) DASYPOGON HIRTELLUS Meig. 


Nigro-cinereus, capile, thorace, pedibusque pilosis; antennis 
nigris, barba alba, myslace nigro griseoque; abdomine villoso 
pubescente, segmentis poslice pallidioribus ; alarum nervis sordide 
fuscis. Long 4 lin. 

Hab. in arena marilima Oceani. 

Ce n’est point le Cinctus dont le duvet de l’abdomen est roux, 
tandis qu'ici il est d’un gris blanchâtre. 


( 305) 
térieur des terres ; 6.0 le Dolichopus atratus; T.° Thereva 
agilis ; 8.0 Sciomyza cinerella. 

Peu satisfaits de nos conquêtes scientifiques, dans la tri- 
ple ascension des dunes, mais dédommagés, jusqu’à un 
certain point, par la physionomie originale du pays et par 
l'absence d’une pluie que nous redoutions fort, nous arri- 
vâmes très-bien disposés de gaité et d'appétit en fece du 
vieux Océan. Il était d’un calme plat peu récréatif. On étale 
les provisions de bouche et malgré le soin d’abriter notre 
couvert du vent arénifère, nous ne pûmes pas éviter que 
parfois l'aliment ne craquât sous la dent. Quel naturaliste 
n’a point savouré, après une longue course, le charme de 
ces repas dans le désert ! Nous fimes table rase et tout aus- 
sitôt nous poursuivimes nos explorations en reprenant par 
une autre direction la route de notre embarcadère. Avant 
de dire adieu à la mer, j'eus beau soulever sur la plage et 
les pierres et les débris délaissés par la marée, ce fut du 
temps perdu. Je ne trouvai que de rares individus de la 
Phaleria cadaverina et la Nebria arenaria récemment 
transformée et molle. 

Notre retraite ne laissa pas que d’être activement inves- 
tigatrice. Nous chassions tous isolément, mais sans nous 
perdre de vue et battant assez régulièrement le pays. Après 
une heure de stériles recherches où l'on ne rencontra que 
les espèces prises dans la matinée, j'entends au loin, des 
cris éclatants, une bruyante proclamation ; j'approche et 
j'aperçois mes camarades dans une posture de pronation 
horizontale autour (le dirai-je ) ?... d’une agglomération de 
crottins de cheval bien secs, que l’on brisait, que l’on rà- 
pait entre ses doigts au-dessus d’un mouchoir étalé.….. Qu'y 
a-t-il donc de nouveau ? m'écriai-je, quel trésor avez-vous 
découvert, non pas à San-Francisco , mais à Sainte-Eulalie ? 
Apprenez, me dit Laboulbène étendu, que Aubé vient 


{ 54 ) 
d’avoir l'insigne bonheur d’exhumer de cette mine précieuse 
un individu du Xyletinus rufithorax, l'une des sept mer- 
veilles du monde entomologique. Il nous en faut à tout prix, 
et tant que le ciel nous accordera un rayon de lumière, 
nous sommes décidés à pulvériser tous les crottins de la 
contrée. À ce manifeste, publié avec la plus profonde 
conviction, je me jetai à plat ventre, comme les autres, 
devant toutes les vieilles selles chevalines qui s’offrirent à 
mes regards ambitieux. J'appelai à mon aide mon substitut 
oculaire indigène. Pour la millième fois, il fut prouvé que 
Labor omnia vincit improbus. Et effectivement , à force de 
nous agenouiller , de nous prosterner, de braquer nos yeux 
sur le stercoral minérai, nous finimes , avant d'arriver à 
la barque , par prendre, entre tous , une trentaine d'indivi- 
dus de cette illustration entomologique. Pour mon lot, j'en 
eus sept en parfait état, et de plus un individu unicolore, 
noir satiné, plus petit, qui me semble une espèce nou- 
velle (1). Le Xyletinus rufithoraæ fut proclamé la conquête 
caractéristique de la journée. 1] devint la clôture de cette 


: 


expédition. Notre retour à l'embarcation n'offrit rien de 


(1) XYLETINUS RUFITHORAX Lareyn. 


Brevi-ovalus, niger, thorace pedibusque ferrugineo-rubris; an- 
tennis fusco ferrugineis : elytris nigro subcaruleis glabris, strialis ; 
striis apice coeuntibus. Long. 2 lin. 

Hab. in stercore equino (rarius vaccino) sicco , in sabulosis ma- 
ritimis Ocean. 

Dans quelques individus le dos et le bord intérieur du prothorax 
sont lavés de noir. 

XYLETINUS HOLOSERICEUS Duf. 

Brevi-ovatus, niger, griseo-rufescenti holosericeus; pedibus 
rafis ; antennis femoribusque nigris; elytris strialis. Long 1 ‘/à lin. 


Hab. in tisdem locis cum præcedente. 


æ, : 
RE : | 


(505) 
particulier, que l'entrain avec lequel nous descendimes 
les pentes abruptes des collines sableuses. Il était nuit 
quand nous touchämes les bords hospitaliers de Biscar- 
rosse. 


Le voyage à La Teste et à Arcachon , par eau et par terre 
fut irrévocablement arrêté pour le lendemain. 


30 Lundi. — Le ciel consulté par les habiles tant indi- 
gènes qu’exotiques, annonçait une pluie des plus prochai- 
nes. Nous ne tinmes pas compte du pronostic. Comme un 
entomophile tant soit peu passionné ne saurait demeurer 
les bras croisés en attendant les solutions météoriques, nous 
nous épandimes , armés de nos marteaux tranchants, dans 
la forêt , pour interroger encore, et les écorces et le bois 
mort. Perris, toujours bien servi, par son habileté et sa 
bonne étoile , découvrit dans la décomposition d'un tronçon 
de pin incrusté dans le sol, la larve rare et jusqu'ici incon- 
nue du Xanthochroa carniolica, sorte d'OEdémère qui. 
comme on le voit, n’est pas exclusivement propre à la Car- 
niole. La science ne tardera pas à enrégistrer l'intéressante 
histoire de cette métamorphose. 


Les lignivores de l'avant-veille se représentèrent en foule. 
Il serait oiseux d'en reproduire ici la nomenclature. Je fus 
surpris de trouver sous l'écorce d’un vieux chêne , six indi- 
vidus de l'Endophlœus spinosulus, insecte que j'inaugurai 
dans la science, par les soins de Latreille, il n’y a pas 
moins d'un demi-siècle. Je l'avais découvert à Fontaine- 
bleau , sous l'écorce du hêtre, je le retrouvai depuis, dans 
ce mème habitat aux Pyrénées et maintenant je le consta- 
tais pour la première fois dans le chêne. IL a la couleur et 
les aspérités du bois, et il est tellement collé, immobile à 
sa surface qu'il est fort difficile de l'apercevoir. Je surpris 
sous l'écorce crevassée d’nn Tauzin en décrépitude, une 


( 306 ) 
belle araignée nouvelle l'Epeira thomisoides (1). Je la collo- 
quai soigneusement dans sa prison cellulaire de papier pour 
pouvoir à la fin de la campagne, l’étudier vivante et en es- 
quisser le portrait. 


A onze heures, malgré de sinistres nuages, nous nous 
embarquâmes résolument; et comme le trajet devait être 
long , nous entrainâmes à bord un fagot de branches de 
pin récemment mortes, pour nous amuser à y chercher, 
sur l'indication de Perris, son minutissime Bostrichus ra- 
mulorum. Nous l’y dénichâmes en quantité. 


Nous avions les vents contraires et les avirons redou- 
blaient d'efforts. Bientôt une pluie dense et continue se dé- 
clara ; il fallut hisser les parapluies et s'embosser dans une 
philosophique résignation. Quatre mortelles heures s'étaient 
écoulées dans ces luttes el ces épreuves, lorsque le calme 
succéda enfin à la tourmente. Comme on ne s'était pas em- 
barqué sans biscuits, l'équipage ranimé jugea à propos de 
relâcher sur une côte déserte pour y réparer ses forces. 
L'abordage immédiat étant déclaré impossible , il fallut tout 
simplement nous mettre à cheval sur nos rameurs qui nous 
déposèrent à sec sur le rivage. Le temps avait fraichi et 
nous aurions volontiers allumé du feu ; mais aucun de nous 
n'avait une allumette chimique, ce qui prouve qu'il n'y 
avait pas un fumeur de profession. Cependant le repas fut 
court et gai. Nous regagnâmes l’esquif par la même équi- 


(1) EPEIRA THOMISOIDES Duf. 


Piceo-obscura, lutescente brevi pubescens ; abdomine ovato, su- 
pra depresso, fossularum dorsalium paribus quatuor , margine pe- 
dibusque lutescente punctato variegatis. Long. 6 lin. 

Hab. sub quereus annosæ cortice. Biscarrosse. 

Je donnerai incessamment la figure et la description détaillée de 
cette belle espèce. 


( 307 } 

tation humaine, et nous ne tardâmes pas à débarquer 
définitivement dans une petite anse de l'étang de Cazeaux. 
Nos marins d’eau douce, transformés en aides naturalis- 
tes, prirent pédestrement avec nous le chemin ennuyeux de 
la Teste-de-Buch. Notre désappointement fut extrème lors- 
qu’au lieu d’une heure de marche annoncée à Biscarrosse, 
il nous en fallut trois non interrompues et d’un bon pas à 
travers un pays d'une désespérante monotonie. J'avais du 
moins espéré me dédommager par une bonne provision 
d’Altica lineata sur l'Erica scoporia si commune ; mais ce 
n’était pas sans doute l’époque de l'apparition de cet in- 
secte; nous n’en trouvâmes pas un seul; il n'y eut que 
quelques larves. 

Nous arrivons enfin, passablement fatigués, à la Teste 
de Buch, dans cette population des antiques Boïens qui 
comptait parmi les dix principales de la Novempopulanie. 
Les Romains appelaient parfois les Boïens Piceos, aujour- 
d'hui Résiniers. La vue du bourg de la Teste, où aboutit 
le chemin de fer de Bordeaux, exhuma de mon souvenir 
deux amis, également chers à mon cœur’, qui l'avaient 
habité ; Thore, l’auteur de la Promenade sur Les côtes du 
Golfe de Gascogne; Bory de Saint-Vincent, jeté sur cette 
plage par la tourmente révolutionaire de 93. C'est dans sa 
solitude forcée qu'il vint alors, presqu'enfant, s'inspirer du 
goût pour les recherches d'histoire naturelle. J'étends ce 
pieux souvenir à la mémoire d’un autre ami, du spirituel 
Saint-Amans, auteur du Voyage pittoresque et sentimental 
aux Pyrénées, et d’autres ouvrages recommandables. II 
avait aussi séjourné à La Teste. 

En attendant l’omnibus d'Arcachon, nous allâmes à la 
découverte du Coniatus chrysochlora sur les Tamarix du 
Pré salé. On y renouvela la chasse au parapluie. Les rares 
individus du Coniatus qui y tombèrent étaient fanés ; mais 


( 508 ) 
en revanche, on put s'y approvisionner des larves de ce 
charansonite. 

On trouve aussi dans ce même Pré salé, dont j'avais ex- 
ploré l’entomologie il y a trente ans, trois hémiptères litto- 
raux sauteurs , les Salda Zosteræ , riparia, littoralis, es- 
pèces linnéennes qui, depuis cette date, ont subi dans ma 
collection toutes les vicissitudes d’une nomenclature mal 
assurée, mais qui ont pris enfin, grâce à M. Signoret, 
leurs épithètes légitimes et définitives. 

La température s'était singulièrement abaissée, et pour 
un thermophile vieux et vêtu à la légère, j'en souffrais 
beaucoup. Le soleil avait disparu de l'horizon depuis près 
d’une heure ; et l’omnibus désiré nous fesant défaut, on y 
suppléa par une voiture qui, à 9 heures, nous posa , tran- 
sis, à la cuisine de l'Hôtel Le Gallais à Arcachon. Un feu 
ardent vint rétablir l'équilibre entre le physique et le moral 
et nous prédisposer à un souper qui, malgré son improvisa- 
tion , fut savouré de tous. 

31 Mardi. — Enfin, le soleil qui jusqu'ici nous avait 
fait rigueur , nous favorise de ses rayons , et, dès leur éclo- 
sion, nous nous élançons pleins de joie sur le littoral. 

Arcachon, que je n'avais pas revu depuis 1824, n'avait 
alors d'autre édifice que son église isolée, perdue dans la 
forêt de Monloo. Notre-Dame d'Arcachon était alors riche- 
ment décorée par les Ex voto des marins. Aujourd'hui c'est 
une ville en incubation ou mieux en construction, qui s’ac- 
croit journellement et dont les maisons, à la file les unes 
des autres, sur une même ligne de trois à quatre kilomètres 
de long, font face au bassin. Les marées montantes arri- 
vent jusques près du seuil des portes. Cette cité naissante 
va détroner Ja Testa Boiorum et appeler à elle tous les baï- 
gneurs de la Guienne. D'ailleurs , elle est à la mode et c'est 
tout dire. 


(309 ) 

Nous exploràmes, durant six grandes heures, cette longue 
lisière maritime. Toutes les manœuvres , toutes les attitu- 
des chasseresses des jours précédents furent remises en pra- 
tique. Les Cicindela littoralis et hybrida malgré leurs jam- 
bes de cerf et leur vol rapide , tombèrent à diverses reprises 
dans l’adroit filet de Laboulbène , et j'en eus ma part. Cette 
plage sableuse et humide ne se prête point aux génu- 
flexions, encore moins aux prosternations. Aussi, faut-il user 
ici d’un procédé de chasse qui ne manque pas d'à-propos. 
Le filet tenu par une main habile, et surtout par des doigts 
uon aukilosés , doit raser avec prestesse la surface du sol 
alternativement à droite et à gauche et l’on trouve au fond 
du cône soit les insectes qui habitent cette surface, soit 
ceux qui volent invisibles dans l'air. Nous y primes abon- 
damment les Philonthus æantholoma et sericeus, celui-ci 
plus rare, les Bledius arenarius, fracticornis et opacus, 
Omalium rivulare, Pæderus caligatus. Quedius frontalis , 
Xantholinus batychrus; parmi les diptères, Scathophaga 
littorea , Tetanocera stictita, Herina palustris, et l'hémip- 
tère Salda littoralis. 

L'insécte qui personnifie plus positivement notre excur- 
sion d'Arcachon, fut le Trachyscelis aphodioïdes. F'eus , à 
revoir ce petit coléoptère fouisseur, le plaisir qu'on éprouve 
à la rencontre d’un ami d'enfance. En 1806, je l'avais 
trouvé sur la plage de Maguelonne, près Montpellier, et en 
1810 sur celle de Valence en Espagne. Nous en primes à 
nous quatre une soixantaine en graltant et en épluchant le 
sable sec, dans un endroit où abondait le Convolrulus sol- 
danella. K n'habite pas à plus de deux pouces de profon- 
deur. L'un de nous dénicha deux individus du Xyletinus 
rufithoraæ sous une bouse sèche de vache et non de cheval, 
Nous dédaignâmes et la Tentyria orbiculata errante sur le 
sable , et le Harpalus neglectus réfugié sous les débris , et 


( 510 ) 
l’Aleochara lanuginosa circulant dans la bouse ; nous fimes 
plus d'honneur à l'Omalium monilicorne et à la Cicindela 
tricincta, rare en ce moment, très-commune en été. 

En promenant le filet sur les gourbets, l'Eryngium ma- 
rilimum et le Liseron soldanella de ce littoral d'Arcachon, 
il entraîna plusieurs diptères qui ne sont pas sans quelque 
intérêt scientifique et dont je vais donner dans une note les 
signalements pour les espèces nouvelles ou moins connues. 
Ces diptères sont : la petite Leucopis maritima à corps d’un 
blanc argenté, L. lusoria plus petite encore ; les Rhaphium 
odontocerum , oceanum et squamipalpum ; Ephydra albella 
et leucostoma; Hydrophorus œnei - vittatus; Ochtiphila 
marilima ; Aphrozeta cinerea ; Meromyza smaragdina ; 
Terellia eryngü ; Aricia maritima (1). 


(1) LEUCOPIS MARITIMA Duf. 


Albo-argentea , nigro parce-pilosa, facie fronteque concoloribus ; 
antennis haustelli labiis pedibusque lestaceis; femoribus nigris 
apice lestaceis; alarum nervis pallidis, costali nigreseente. Long. 
4-1 '/, lin. Hab. frequens ad maris Oceani liltora in arundine 
arenaria præserlim. 

Elle diffère de la griseola et des quatre espèces de Meigen par 
l'absence de points noirs à l'abdomen et les antennes noires. Point 
de raies sensibles au corselet. La palette des antennes n’est pas ronde 
comme dans la suivante : 


LEUCOPIS LUSORIA ? Meig. . 


Alba, fronte nigrescente, antennis nigris ; thoracis dorso bili- 
nealo , lateribus fuscis ; abdomine punctis duobus nigris; pedibus 
nigris ; larsis flavo-leslaceis. 

In iisdem locis cum præcedente el illa paulo minor. 


RHAPHIUM ODONTOCERUM Duf. 


Viridis-nilens , albido-pruinosum, nigro-pilosum ; antennarum 
articulo tertio elongato allenualo basi unidentato ; facie griseo- 


nt 2° 


DE 


RS ee. 


(311) 

Mon filet amena aussi des touffes du gourbet un seul in- 
dividu d’un insecte qui, pour être une chétive punaise, 
n’en mérite pas moins de nous arrêter un instant. C’est le 
Micropus Genei. I y a quelques années, je l'avais trouvé 
abondamment sur cette même graminée dans les dunes de 
Bayonne. Mais il ne lui est pas exclusivement propre; car 


mon ami Perris l’a pris aux environs de Mont-de-Marsan, 


argentea; pedibus flavo-pallidis; tarsis posticis nigris. — Long. 
1 ‘/a lin. — Hab. in plantis marilimis Oceani. 

Par la taille et la couleur, il ressemble au macrocerum Meig. dont 
il diffère comme espèce. 


RHAPHIUM OCEANUM Duf. 


Æneo-cinerescens ; anlennarum artliculo secundo brevissimo; 
tertio obconico ; sela terminali brevissima; alis elongalis, nervis 
fuscis ; pedibus penilus nigris. — Long. À ‘/, lin. — Hab. in mari- 
timis Oceani ; Arcachon. 


RHAPHIUM SQUAMIPALPUM Duf. 


Nigro-obscurum ; albido-pruinosum ; pedibus nigris, femoribus 
rufescentibus; alis obscure fumosis; antennarum arliculo tertio 
attenualo, seta terminali articulo longiori; palpis in mare in 
squamam ovalam dilatatis. — Long. 1 ‘/, lin. — Hab. cum præ- 
cedente. 

OCTIPHILA MARITIMA Duf. 


Albido-pruinosa subsericea ; antennis tibiis, larsis femorumque 
apicibus lestaceo-pallidis; alarum nervis lesltaceis apice nigrescen- 
tibus. — Long. 1 lin. — Hab. in plantis marilimis ; Arcachon. 


APHROZETA CINEREA Perr. 

Viridi-cinerea pruinosa, pedibus concoloribus; facie sub anten- 
nis argenteo-sericea ; antennarum articulo ullimo rotundato, sela 
dorsali subgeniculala; pedibus anticis brevioribus cum femoribus 
obconicis, sublus ciliato spinulosis. — Long. 2 # lin. — Hab. in 
marilimis ; Arcachon. 

J'ignore sur quels caractères M Perris a fondé ce genre. La phy- 


(512) 
par conséquent à 10 myriamètres de la côte et dans une 
contrée où ne croit point l’Arundo arenaria. Maïs voyez 
un peu les vicissitudes de la science à l'endroit de la no- 
menclature. Lorsque je découvris cet hémiptère sur notre 
littoral océanien, j'en avais déjà reçu plusieurs individus 
du célèbre M. de Spinola, fondateur du genre et de l'espèce. 
La plus parfaite identité existait entre les Micropus de la 


sionomie , l'allure et les nervures alaires sont celles des Dolichopus 
ou des Medeterus. 


MEROMYZA SMARAGDINA Duf. 


Amæne viridis; thorace villis tribus nigris intermedia scutelli 
apicem atlingente; abdominis segmenlis villa media maculaque 
laterali nigris; metathorace sub scutello atro; femoribus poslicis 
incrassalis; libiis posticis arcuatis. — Long. 2 lin. — Hab. in 
plantis marilimis Oceani. 

Différente du sallatrix et mème du pratorum. 


TERELLIA ERYNGII Duf. 


Pallida , albido pruinosa; capile sculelloque pallidioribus ; ab- 
domine, in fæœmina immaculalo , in mare segmentis 2-4 utrinque 
macula atra; alis albidis , nervis transversis fuscis fumoso-margi- 
natis; apice macullula una allerave ; pedibus pallidis. — Long. 3 
lin. — Hab. in Eryngio marilimo Oceani. 

Palpes grêles. Il ne faut pas la confondre avec le genre Tefanops 
de Meigen. Son oviscapte n’est nullement fléchi en avant sous l’ab- 
domen. 


ARICIA MARITIMA Duf. 


Albo-cinerea; thorace nec capile lineatis ; antennæ stylo longo , 
vix piloso ; abdominis segmentis 20 5tque utrinque punclo fusco; 
gedibus nigris; genubus ferrugineis. — Long. 3 ‘/a lin. — Hab. in 
liltore marilimo ; Arcachon. 

C'est une Aricie à style non plumeux. Elle a des rapports avec 
la 4-punclala Meig., mais elle en diffère. 


a 
(515) 
Sardaigne envoyés par ce dernier auteur et ceux de Bayonne. 
Eh bien! tout récemment on vient de débaptiser ce même 
type pour lui infliger je ne sais quel nom. Où allons - nous 
avec celle manie de destitutions et de replâtrage! — Au 
chaos, au chaos! | 

Sur les fleurs du Cistus salvifolius j'attrapai pour ainsi 
dire le seul hyménoptère de lexcursion, une petite apiaire 
Halictus semipubescens (1) femelle. Sa ressemblance avec 
une espèce commune , l'A. vulpinus, me fit négliger d’en 
prendre de nombreux individus, et je n’en apportai que 
Six. 

Notre ardeur insecticeptologique l’emporta sur celle déjà 
bien impérieuse de l'appétit, et il était midi passé quand 
nous nous assimes à la table de l'hôtel Le Gallais. Nous 
décidèmes de faire en voiture le long et triste trajet d’Arca- 
chon à l'étang de Cazeaux. 

Ce fut avec quelque plaisir que nous rejoignimes notre 
barque. Un vent favorable nous permit de renoncer aux 
avirons pour hisser la voile. La traversée jusqu’à Biscarrosse 
fut de moitié moins longue que la veillle. Vers le milieu du 
trajet, M. Gazailhan nous causa l'aimable surprise de se 
joindre à nous. 

u déclin du jour, nous pûmes à notre aise entendre 
d’aSSez près et à diverses reprises, le singulier chant d’a- 
mour du Butor. Cette espèce de Héron | Ardea stellaris ) 
au plumage du cou hérissé, au long bec très-acéré, vit et 
niche dans les grands marais herbeux de cette contrée. Son 


(1) HALICTUS SEMIPUBESCENS Duf. 
Nigra griseo villosa, abdominis segmentis 1-5 medio atris nili- 
dis ; 49 el sequentibus griseo-pubescentibus opacis ; alarum nervis 
calloque rufescentibus; antennis nigris nilidulis. — Sic femina. — 


Long. 5 lin. 


Li 
(514) 

cri bruyant commence le soir et se continue pendant la nuit. 
Il a tant de force, tant de volume qu'on dirait le mugisse- 
ment lointain du bœuf ou une série de sourdes détonna- 
tions. L'un de nous qui, l’avant-veille l'avait entendu de 
son lit à Biscarrosse, sans savoir d’où il provenait, nous 
avait annoncé , le matin, que le tonnerre avait grondé. Les 
paysans de ce pays désignent cet oiseau par le nom parfai- 
tement imitatif de Boum. Il faut l'avoir entendu pour croire 
à un volume de voix si disproportionné à celui de l'oiseau. 
Il est fort rare que ce boum se répète plus de quatre fois, 
en laissant un intervalle assez régulier, une intermittence 
de quelques secondes entre chacun de ces éclats de gorge. 
Nous constatämes ce même nombre cinq ou six fois. Ce 
chant mugissant du Butor était pour nos oreilles un fait 
nouveau. Combien nous eussions desiré que le scalpel nous 
eût révélé la structure de ce larynx ? M. le D.r Gazailhan, 
qui est un chasseur habile et instruit, nous apprit, qu’au 
temps des amours seulement, le mâle proclame sa tendresse 
par ce bombeux, ce détonnant soupir, en exécutant avec 
sa tête et son cou de fort originales contorsions, Il faudrait 
être bien clairvoyant pour constater, le soir, ces curieuses 
scènes d'amour conjugal. 

Après notre débarquement , un reste de jour nous permit 
de clore motre campagne des dunes par une battue fu 
bache dans un marais couvert de Myrica gale. Le filet, à 
force de tours de bras, amena quatre espèces du vieux genre 
Elater auxquelles je fis bon accueil : acellus, fugax, cro- 
catus, thoracicus ; plus le Lebia hæmorrhoidalis, Orchestes 
iota, Hylobius fatuus et quelques autres vulgarités ento- 
mologiques. 

1er Juin, Mercredi. — Nos expéditions insecticides tou- 
chent à leur fin. Le sort en est jeté : nous quittons aujour- 
d'hui même nos excellents hôtes de Biscarrosse et nous les 


: 515) 
embrassons à la ronde. Mais leur hospitalité nous suit en- 
core jusqu'à Sabres , car M. Gazaïlhan met à notre disposi- 
tions et son carrosse et ses deux nerveux quadrupèdes aux 
longues oreilles qui ne sont ni dne, ni hèvre, comme di- 
sait jadis je ne sais quel auteur, peut-être Bachaumont et 
Lachapelle dans leur spirituel Voyage en Provence. 

J'aurais bien dû consigner ici ce que notre confrère de 
Biscarrosse nous apprit sur l'intéressante éducation des 
sangsues à laquelle il se livre, sur ses parcs marécageux 
soigneusement circonscrits et surveillés, sur l’accouplement 
de ces annélides, sur leurs cocons, leurs produits, etc. 
Mais de crainte d’altérer les faits, je me suis contenté d’en- 
tendre son instructive lecon. 

Avant notre départ, nous remplimes le pieux devoir d’une 
visite à l'égiise de Biscarrosse. Comme toutes celles de ce 
pays, elle est solidement construite et sa voûte est en 
pierre. Son style appartient au gothique simple. La nef est 
large, mais courte. 

Nous fesons à Parentis une courte halte pour payer notre 
tribut d’admiration à un célèbre Christ en bois, de gran- 
deur humaine, dont les habitants ont refusé , dit-on, trente 
mille francs. J'avoue, pour mon compte, que sans le pré- 
cédent de cette valeur dont l’autenthicité est loin de m'être 
démontrée , je n'aurais peut-être pas découvert le mérite 
artistique de ce Christ. Quant à l'église, efe est bien la 
sœur, le fac simile de celle de Biscarrosse. 

Gens et bêtes font une halte déjeünatoire à Lipostey. 
C'est un village tout décousu, situé sur la grande route 
à diligence de Bordeaux à Mont-de-Marsan par la grande 
lande. Pendant qu'on nous grille, qu'on nous met à la 
poële, notre marteau va s’exerçant sur tous les vieux po- 
teaux du voisinage pour n'y trouver rien qui vaille ; mais il 
est dans nos habitudes de ne point demeurer oisifs. On tra- 


( 516. 
verse Commensucq, on arrête un instant à {choux pour 
jeter un coup-d'œil sur le laminoir de M. Laraillet, et au 
soleil couchant, nous arrivons à Sabres. 

2 Juin, Jeudi. — Nous ne devions prendre la voiture 
pour Mont-de-Marsan , qu'après notre diner de midi ; ainsi, 
pour rester dignes de nous-mêmes , les six heures que nous 
avions devant nous furent consacrées aux investigations 
d'habitude à travers bois et landes. C'était comme le bou- 
quet de notre expédition et il ne fut pas très-fleuri. 

En fauchant sur l’Erica tetralix, j'amenai les Nanodes 
siculus, Centorhyncus ericæ, Thylacites limbatus, espèces 
communes dans tout ce pays, et deux hémiptères plus rares; 
le Pedeticus ditomoïdes de Costa. et le Civius cinctus de 
Germar (1). Des sommités du Tauzin tombèrent les Poly- 
drusus iris, Rhinchites cæruleo-cephalus, Orchestes crinitus 
et la fragile punaise Capsus variabilis. J'obtins, du genêt, 
la Sitona sulcifrons, la Sibinia sparsuta, Luperus genistæ 
(ou suturella), Pentatoma juniperina. En secouant les jeu- 
nes pins, j'en précipitai le Thamnophilus carbonarius, et 
le vulgatissime Naupactus lusitanicus. Un vieux pin à écorce 
sapée nous donna à foison les Rhincolus porcatus et Tomi- 
cus stenographus, le Bostrichus laricis, l'Hylurgus minor , 
quelques rares Colydium ruficorne, et à la partie la plus 
rapprochée du sol, le Phtora crenata qui a là son habitat 
spécial. Plus loin, sur les longues plaies résineuses des 


(1) On vient de créer, à l’occasion de cet homoptère, une syno- 
nymie d'autant plus désespérante, qu’au milieu du conflit des inter- 
prétations diagnosiques dans le but de mettre en lumière la vérité, 
on vous précipite plus que jamais dans l’abime du chaos. Quel sort 
t'est donc réservé, aimable science ! Avec la prétention de t’embellir 
on ne cesse de te défigurer..… Fruits amers de cet empressement 
d’outre-Rhin à multiplier de nouveaux genres et des espèces à n’en 
pas finir !!! 


(317 ) 

pins, je constatai, invisqués et presque méconnaissables , 
les Trogossita caraboides, Clerus quadrimaculatus et Rhi- 
nomacer attelaboides. Un vieux tronc de pin étendu à terre 
fut aussitôt écorcé qu'aperçu. Aubé, armé du marteau in- 
cisif et d’une admirable persévérance, s’empara par d'ha- 
biles tranchées , de plusieurs individus du Bostrichus eury- 
graphus. Il les guettait lorsqu'il les voyait poindre à la fené- 
tre de leurs profondes galeries. J'y pris, errant et solitaire 
l'Aulonium | Hypophlœus) bicolor, plusieurs Sylvanus uni- 
dentatus. Je saisis, pour mémoire, une Chrysomela gra- 
minis, ainsi nommée parce qu'elle vit sur la Mentha rotun- 
difolia ! Nous surprimes sur les épis du seigle les Cistela 
picipes et Elater latus dévorant l'un et l’autre le grain ten- 
dre de cette céréale, Enfin, pour couronner l’œuvre, nous 
primes , en traversant le jardin de l'hôtel, sur les sommités 
du Nasitort, la Chrysomela cochlearie. 

Ainsi se termina, en sept jours révolus, une pérégrina- 
tion entomologique qui a eu pour moi le double charme de 
l'utile et de l’agréable, quoiqu'en définitive les conquêtes 
du vétéran de la science se soient réduites à un ou deux 
insectes inconnus : les Xyletinus. 


EE — 


A MES AMIS 


AUBÉ, PERRIS, LABOULRÈNE. 


Une dédicace à la fin de ces pages, une dédicace 
après coup, vous paraîtra et singulière et insolite, et 
peut-être prétentieuse. Rayez, s’il vous plaît, cette 


dernière épithète. Que voulez-vous?... À une époque 
Tome XIX. 23 


(348) 

où tant de choses vont du devant derrière, je suis 
presque excusable de m'être laissé entraîner à l’épidé - 
mie. Au début de ma rédaction, je n'avais pas, le 
moins du monde, songé à compromettre vos noms à 
la tête de cet écrit. Je n'avais aucune arrière-pensée 
de dédicace. Mais lorsque la lassitude de ma plume 
approchait du terme, j'ai senti le besoin de l’arc- 
boutant d’une semblable trilogie. En voyant ces noms 
amis, mes rares lecteurs entomologistes demeureront 
sous une bonne impression; ils trouveront la garantie 
de la fidélité, de l'exactitude du compte-rendu que 
je dédie à mes aimables et savants compagnons de 
voyage. 


Saint-Sever (Landes), 15 Novembre 1853. 


Léon DUFOUR. 


XIX. Extrait d'une Lettre de feu Bory DE Saint- 
VixcenT à M. Du Rieu de Maisonneuve , titulaire. 


Le Conseil d'administration de la Société a pensé qu’il serait utile 
de reproduire ce fragment, daté des premiers mois de 1842, afin 
d'appeler l’attention des Botanistes qui visitent les environs de La 
Teste, sur les trois plantes intéressantes que notre célèbre compa- 
triote y avait jadis vues, et que tous les efforts de nos collègues ont 
été impuissants à faire retrouver de nos jours. 


« Je suis bien aise qu’on ait enfin constaté l'existence du 
Lobelia Dortmanna dans l'endroit de l'étang de Cazeaux où 
je le découvris en 1795 et où je le revis en 1796. Quand j'ai 
signalé une chose, je ne me suis jamais trompé, quoique 
longtemps on ait douté ou fait semblant de douter que la 
dite plante fût où j'avais dit. Il est trois autres espèces qu’on 
a également révoquées en doute, et qu’on retrouvera ou non, 
mais que j'ai vues à la même époque. Il s’agit premièrement 
de ce que je crus être l’'Ophioglossum lusitanicum dont il 
me reste un échantillon en herbier, ayant envoyé dans le 
temps tous les autres à Draparnaud. Cette plante, au nom- 
bre de cinq ou six pieds en fructification seulement ( à cause 
de la saison avancée ), frappa ma vue dans les jours de Pä- 
ques où j'avais été visiter ce qu’on appelait l'étang du Pilat, 
qui avait été, de mémoire d'homme, un grand golfe en- 
sablé à sa gorge et qui n'existe plus, dit-on, que sur la 
carte de Cassini. Les lieux ayant changé totalement de for- 
me, il faudrait chercher ailleurs et dans les mois de Dé- 
cembre et de Janvier où l'hiver n'aurait pas été rigoureux. 
La seconde chose est le Crocus vernus, que je vis, en rase 
lande, à moitié précisément du chemin de Bordeaux à La 
Teste , peu de jours avant et après l’'Ophioglossum en ve- 


(320 ) 

nant et en revenant, mais à la vérité au voisinage d’une 
petite habitation abandonnée depuis quelques années , ce 
qui, en mentionnant ma trouvaille, me fit soupconner que ce 
pouvait bien être une échappée de l’ancien jardin du pauvre 
paysan. — La troisième enfin, a été vue dans mon herbier 
effectivement par Delile qui l’a prise pour de jeunes feuilles 
du Juncus supinus ; mais ce sont bien celles du magnifique 
Isoètes que vous avez retrouvé à la Calle, et qui y sont si 
longues. Je retrouvai ma plante en 1796 vers la Pentecôte, 
dans les endroits les plus creux, où l’eau était tranquille, d’un 
petit ruisseau , dans un des bosquets marécageux des bords 
septentrionaux ou mieux N.-E. de l'étang de Cazeaux. J'en 
envoyai quelques pieds desséchés à Draparnaud qui y voyait 
le lacustris de Linné ; je l’appelai setacea et en collectai pas 
mal. N'ayant revu le paquet qu’une dizaine d'années après, 
je trouvai toutes les bases pourries, mangées , détruites et 
ne sauvai que quelques feuilles misérables, que vous ver- 
rez chez moi et qui suffisent pour constater l'existence de 
la plante, que l’on retrouvera si les travaux faits par la 
Compagnie des Landes n’ont pas encore bouleversé les 
lieux où la nature a déjà changé le Pilat. Voilà, très-cher, 
ce que je puis vous dire sur ces quatre découvertes landai- 
ses de ma grande jeunesse ». 


Bory De SAINT-VINCENT. 


3 Mai 1854. 


XX. RÉSUMÉ des Travaux de la Commission entomo- 
logique , pendant l'année 1853. 


RAPPORT 


PRÉSENTÉ A LA SOCIÉTÉ LINNÉENNE DE BORDEAUX, 


dans sa Séance générale du 24 Avril 1854, 
AU NOM DE LA COMMISSION ENTOMOLOGIQUE ; 


Par le D.r TÉLÈPHE P.-DESMARTIS, Secrétaire-Rapporteur. 


MEessIEurs, 


Depuis quelques années, les Cryptogames parasites se 
sont développés sur les plantes les plus utiles avec une 
abondance inaccoutumée. Si la science n’a reconnu souvent 
dans ce parasitisme que des productions organiques végé- 
tales, des personnes peu versées dans l'histoire naturelle 
ont accusé et toujours et partout les insectes d'être la cause 
de ces étranges manifestations. L'effet a été pris pour la 
cause, car l’insecte ou l'Acarus, attiré par la putrécence, 
est venu vivre et s'établir dans ce milieu, parce qu'il y a 
là décomposition et formation de matière saccharine ou 
autre qui lui convient. Certaines araignées sont si bien 
averties par leur instinct de la présence des insectes aux 
environs des plantes malades, qu'elles accourent pour y 
tisser leurs filets, sûres qu'elles sont d’y trouver une nour- 
riture abondante. 

Tome XIX. 23 


( 322 } 

Les insectes, en effet, ne se présentent sur les végétaux 
que tout autant que ceux-ci sont altérés, et ils s’attachent 
surtout aux parties les plus malades pour s’y creuser plus 
facilement un abri protecteur qu'ils abandonnent si l'état 
morbide du végétal vient à se dissiper. D'autres fois, des 
insectes occasionnent à certains arbres des dégâts considéra- 
bles qui peuvent aller jusqu’à les faire périr; d’autres fois 
aussi les insectes ne sont que de simples visiteurs qui vien- 
nent prendre quelques instants de repos sur les végétaux, 
où on les trouve à aspirer le parfum et le nectar des fleurs 
de la manière la plus inoffensive. C’est pour contribuer à 
détruire des préjugés plus ou moins nuisibles à la science, 
autant que pour trouver un remède, s'il est possible, aux 
dévastations occasionnées par les insectes , que la Société 
Linnéenne, qui déjà avait nommé une Commission pour étu- 
dier l’oidium, a aussi institué dans sa séance du 18 Mai 
1853, une seconde Commission chargée de s'occuper des 
insectes qui s’altachent aux produits de l’agriculture, du 
commerce et des arts. 


M. le C.'e de Kercado, M. Laporte ainé et le D.r Télèphe 
P.-Desmartis, furent désignés pour constituer celte Commis- 
sion. 

MM. J.-F. Laterrade, Charles Des Moulins et le D." 
Lafargue, fesaient de droit, partie de cette Commission, 
en leur qualité de directeur, de président et de secrétaire 
général. d 

La première séance fut tenue le 6 Juin 1853, et la 
Commission m'ayant fait l'honneur de me nommer secrétaire- 
rapporteur, je viens aujourd'hui, Messieurs, vous soumettre 
le Résumé des Travaux auxquels elle s’est livrée jusqu'ici. 

Quelques séances ont été tenues au Château de Lestonac, 
chez M. de Kercado, qui s’est empressé de mettre à notre 


(HR) 
disposition tous les matériaux qu'il avail amassés au sujet 
de nos travaux. 
Pour mettre dans ce travail un ordre qui puisse en faire 
saisir l'ensemble , nous avons cru devoir adopter la marche 
suivante. 


Nous exposerons d’abord quelques considérations géné- 
rales qui ont été émises dans le cours de nos séances. 


Nous parlerons ensuite de quelques plantes que vous avez 
été à même d'étudier et des insectes qu’on y rencontre ; les 
faits observés par un célèbre entomologiste , M. Macquart, 
nous ont paru tellement vrais et tellement intéressants, qu'il 
nous arrivera parfois de citer textuellement des passages de 
ses ouvrages. 


Faute de pouvoir établir un ordre plus méthodique parmi 
les végétaux étudiés, sous le rapport entomologique, nous 
avons cru devoir les distribuer par ordre alphabétique. 


Après cela, nous dirons quelques mots des Termites 
qui semblent menacer notre département d'une invasion 
qui serait si désastreuse. 


Nous parlerons enfin des moyens qui ont paru les plus 
convenables à la destruction de certains insectes nuisibles. 


L'ensemble de ce travail n’est assurément qu’une ébau- 
che très-succincte de la matière que nous aurons à traiter ; 
c'est un rapport annuel de votre Commission que les règle- 
ments de notre Société nous obligent à produire. Nous 
dirons même que notre séance d'installation n’a eu lieu 
qu'au mois de Juin dernier, et que par conséquent nos 
travaux n'ont pu être d’une longue durée. Nous croyons, 
cependant, avoir utilisé avantageusement le court espace 
de temps pendant lequel il nous a été possible de tra- 
vailler. 


524) 


I. — CONSIDÉRATIONS: 


Dans l’une de nos séances, M. Laporte développa des 
considérations intéressantes sur les végétaux malades atta- 
qués par les insectes , ainsi que sur les insectes également 
malades et atteints à leur tour par des végétaux parasites , 
circonstances qui amènent la mort pour les uns comme 
pour les autres de ces êtres organisés. 


Ainsi, depuis l'arbre de haute futaie jusqu’au végétal le 
plus minime, un grand nombre d'insectes, cependant 
spéciaux à chacun des végétaux, vivent à leurs dépens, 
déposent leurs œufs sur le tronc, sur les tiges, les feuilles 
ou enfin dans la terre qui se trouve à la base. Ils y occa- 
sionnent plus ou moins de dégâts dans les différents états 
par lesquels ils passent durant leur existence ; cependant, 
si ces plantes se trouvent dans les conditions ordinaires 
de végétation, ces dégâts, à de très-rares exceptions près, 
seront très-peu considérables, parce que la force végétative 
l'emporte sur les attaques des insectes. 

Mais dans les cas où ces végétaux viendraient à être ma- 
lades par une cause quelconque , les insectes alors y occa- 
sionnent des ravages considérables par la prodigieuse mul- 
tiplication de leurs espèces et de leurs individus, sion ne 
parvient pas à en neutraliser les effets pernicieux. Les arbres 
les plus gros ne-peuvent résister au mal qu'ils éprouvent et 
ils meurent en peu de temps. 

D'un autre côté, si les plus grands végétaux sont sou- 
vent attaqués par les insectes, M. Laporte a aussi observé 
que le fait inverse a souvent lieu dans des plantes d'un ordre 
inférieur. 

Ainsi, il a vu des insectes attaqués par des cryptogames 
parasites. En 1853 surtout, année dont les circonstances 


re 


, ( 325 ) 

atmosphériques ont été si contraires à la propagation ordi- 
naire des insectes , il a trouvé"un grand nombre de larves 
et de chrysalides malades, sur lesquelles végétaient diverses 
cryptogames qui, positivement , empêchaient le développe- 
ment de ces insectes et causaient leur mort. 

Ces faits nous amenèrent à développer à notre tour les 
réflexions suivantes : 


La nature a besoin de dépenser les éléments dont elle 
dispose :.ce qu'elle perd d’un côté elle le gagne d’un autre. 

C'est ce qui a fait qu’en 1853, les insectes ont été ex- 
cessivement rares et les mollusques terrestres très-abon- 
dants (1). 

En 1852 et 1853, les champignons volumineux, et sur- 
tout les bolets, ont à peine paru dans tous les endroits où 
s’est manifesté l’oïdium ; ajoutons aussi que tous les petits 
cryptogames n'ont jamais été peut-être si abondants. 


Nous avons vu des chênes-liéges dont les feuilles et les 
bourgeons étaient littéralement rongés par des chenilles, 
et cette coïncidence existait avec la rareté des Calosoma 
sycophanta, tandis que dans d’autres années, lorsque 
ceux-ci étaient abondants, les chenilles étaient rares. 


Ce qu'il y a de remarquable dans ce fait, c’est que l’on 
y voit une loi qui semble toujours tendre vers un même but 
d'équilibre : c'est ainsi que les C'alosoma ne se contentent 
pas de dévorer les chenilles pour leur nourriture, mais 
encore qu'ils les recherchent comme s'ils étaient chargés 
d'en opérer la destruction. 

C'est par suite de l’accomplissement de ces lois que des 


(1) D'après M. Laporte, cette compensation se serait aussi reportée 
sur les libellules et autres insectes aquatiques dont les larves habitent 
également les eaux. 


(526 ) L 
myriades d'insectes, de sauterelles surtout, fondent sur 
certaines contrées et font disparaître par leur voracité toute 
espèce de verdure; et l'on a vu l’an dernier, des saute- 
relles, probablement des criquets voyageurs | Acrydium 
mygratorium Oliv.) qui ont dévoré entièrement les légumes 
et les céréales dans les environs de Stockton | Califormie ). 

Dans le Mexique, ces locustes ont aussi détrvit en grande 
partie les récoltes d’indigo et de grains dans une étendue 
de plus de quatre cent milles. 

A des époques antérieures, certaines contrées de la Polo- 
gne , de la Turquie d'Europe, de l'Allemagne, ont eu sou- 
vent leurs prairies, leurs moissons , et tous les végétaux 
presqu'entièrement dévorés par des légions tellement innom- 
brables de sauterelles, qu’en Bassarie, lors de la retraite 
de Charles XIT, roi de Suède, après sa défaite de Pultava, 
des myriades de ces orthoptères semblaient assaillir son 
armée. Leur vol causait un tel bruissement. que l’on eût pu 
croire à une tempête. 

» En Hongrie, il fallut mettre des canons en campagne 
» pour donner la chasse à ces armées d'insectes non moins 
» terribles que celles de Cosaques et des Tartares ». 

À ces époques-là, sans doute, les éléments dont avait 
disposé la nature pour constituer ces sauterelles, étaient pris 
aux dépens de quelques autres principes organiques. Des 
recherches que nous avons faites tendent même à nous 
prouver que l'apparition de ces insectes n’a jamais coïnci- 
dé, dans les localités où elles se montraient ,. avec les mo- 
ments d'épidémies. 

Les éléments morbides n'aufaient-ils pas alors été déver- 
sés par la nature vers une autre production ? 

Enfin, la destruction trop grande des oiseaux par les 
chasseurs entrainerait de même la perte de nos récoltes, 
par suite de la quantité prodigieuse d'insectes qui viendraient 


( 527 ) 

à se développer , et un de nos honorables collègues, M. A. 
Petit-Lafitte, a eu raison de soutenir dans l’Ami des Champs 
de 1856, que les oiseaux sont essentiellement utiles à l'agri- 
culture. On sait également qu'après avoir eu l’imprudence 
de détruire les moineaux , les Anglais ont été obligés d’aller 
chercher ces oiseaux sur le continent pour remédier aux 
ravages des chenilles et autres insectes dont la multiplica- 
tion était devenue effrayante et désastreuse. 

On voit encore ici que l'équilibre ne peut pas être rompu 
dans la masse actuelle des êtres, sans qu’il y ait souffrance 
quelque part. 

N'était-ce pas par ce motif, et sans pourtant qu'ils s’en 
doutassent le moins du monde , que les Anciens avaient mis 
au nombre de leurs dieux l'Ibis, le Scarabée sacer, et 
d'autres animaux sacrés. Ils avaient, en effet, reconnu que 
la destruction de ces objets de leur culte tendait à l’aug- 
mentation des insectes nuisibles et des reptiles dangereux. 

Les animaux sacrés durent devenir nombreux puisqu'on 
les protégeait; et quand les idolâtres croyaient que plus ils 
avaient de dieux, plus ils étaient protégés, ils pouvaient 
avoir raison, car les animaux sacrés détruisaient les causes 
multipliées de putréfaction et d'épidémie. 

Nous l'avons dit ailleurs et nous le croyons encore : les 
animaux en s’entre-dévorant , ne font que se muliplier et 
se perpétuer aux dépens les uns des autres ? L'homme , lui- 
même, lorsqu'il vient à peupler un pays, ne voit-il pas 
tous les animaux qui l’habitent disparaitre ? et l'homme en 
les immolant ne fait qu'obéir à cette loi, qu'il faut que si 
l'un gagne l’autre perde. 

La nature elle-même s'oppose donc à la violation des lois 
que la Providence lui a données. 

Disons encore , que d’après les recherches que nous avons 
faites et les renseignements que nous avons obtenus , toutes 


( 528 ) 
les fois qu'a eu lieu le développement excessif des parasites 
soit végétaux, soit animaux , les épidémies n'ont point sévi 
sur les êtres animés. 

La santé publique avait été rarement aussi satisfaisante 
dans nos contrées depuis des siècles qu’en 1852 et 1853 (1), 
années qui coïncident avec un développement si extraordi- 
naire des cryptogames microscopiques. Heureux l’homme, 
si, par des instruments plus parfaits, il pouvait apercevoir 
et apprécier les causes morbigènes organiques , découvrir 
et modifier les influences qui peuvent tendre à faire porter 
les éléments constitutifs des maladies vers une autre direc- 
tion génésique! Ce ne serait pas autre chose que la loi 
chimique du dédoublement mais dont les réactifs ou les 
conditions favorables sont encore à trouver. 

En outre , l’état de décomposition facilite les productions 
organiques, soit végétales, soit animales ; la nature vient 
donc alors reprendre les éléments qui lui appartiennent , 
qu’elle semble avoir prêtés sous condition spécifiée et pour 
un temps limité. | 

D'un autre côté si Dutrochet et Amici ont pu à volonté 
forcer la nature à développer dans certaines conditions des 
mucédinées ou des Botrytis, nous sommes arrivés nous 
aussi, à modifier certaines substances où se manifeste habi- 
tuellement tel acarus ou tel insecte et à y faire naître une 
production animale toute différente. de 


(1) C’est d’après les renseignements que nous nous Sommes pro 
curés en France et à l'Étranger, que nous avons cru pouvoir émettre 
cette opinion qui nous a paru également vraie à Bordeaux, puisque 
à ces époques les pharmaciens conviennent généralement qu’ils ont 
recu très-peu de prescriptions des médecins. Notre collègue , M. le 
D.r Eugène Lafargue, ne partage pas néanmoins notre avis et il 
nous à dit avoir eu plus de malades à soigner en 1852 et 1853 qu'à 
d'autres époques. 


(329 ) 

Cette substitution, si elle était applicable sur une grande 
échelle, serait préférable à la destruction des êtres nuisibles, 
parce qu'on aurait entre les mains des lois de la nature et 
qu'on pourrait utiliser pour l'espèce humaine ces transfor- 
mations. 

Ces faits paraîtront peut-être très extraordinaires; mais, 
qu'y a-t-il par exemple de plus extraordinaire qu’en chimie 
les états isomériques, quoiqu’on ne les ait pas expliqués, il 
a bien fallu les admettre. 

Cette théorie d’ailleurs, est conforme aux lois qui sont 
imposées à la nature et nous invoquerons à notre appui les 
livres sacrés; car, lorsque le Seigneur voulut frapper les 
Egyptiens, il plaça dans la sainte baguette de Moïse, une 
partie de sa puissance qui fit miraculeusement exécuter ces 
lois providentielles d’antagonisme et de substitution. 

Dans la première plaie tous les poissons du fleuve mou- 
rurent, en même temps que les eaux furent couvertes de 
sang et de putridité. 

Ce miracle cesse et ce sont des myriades de grenouilles 
qui envahissent le pays. 

A ces reptiles succèdent des insectes parasites insuppor- 
tables. Ces parasites passent des hommes aux animaux. 
Bientôt tout change et ce sont les bestiaux qui deviennent 
. malades et meurent. 

C'est ainsi que successivement, mais non simultanément 
des maladies cutanées sévissent sur les hommes et les ani- 
maux; des perturbations ont lieu dans l'atmosphère et la 
grêle détruit la plupart des végétaux ; des sauterelles inon- 
dent l'Egypte; les idolâtres sont atteints de cécité, et c’est 
enfin la mort qui vient frapper le premier-né de chaque 
famille. 

N'y a-t-il pas dans la succession de ces miracles, opérés 


( 350 ) 
par le Seigneur , la loi de substitution que nous signalons 
depuis longtemps. 

Cette loi de substitution ayant été observée souvent par 
rapport aux insectes, nous avons cru devoir émettre ici une 
partie de notre opinion à cet égard ; opinion que d’ailleurs 
nous avons énoncée dans le cours de nos séances toutes les 
fois que l'occasion s’en est présentée. 


Nous avons maintenant à vous entretenir, Messieurs, des 
observations que nous avons recueillies sur les diverses es- 
pèces d'insectes qui attaquent les arbres et les autres plantes. 


IL. 
ABRICOTIER (Prunus armeniaca ). 


Dans l’une de nos séances , M. Laporte, nous parla des 
insecles qui se trouvent sur l’abricotier et il fit observer 
avec raison qu'ils sont tout-à-fait inoffensifs pour cet arbre 
et qu’en outre leur nombre est très-restreint. On ne ren- 
contre guère qu’un coléoptère, le Magdalina armæniaca, 
et un hyménoptère, le Pamphycius pyri; ils ne semblent 
être attachés à cet arbre que comme visiteurs ; quant aux 
autres insectes qu'on peut y trouver, ils ne s’y rencontrent 
qu’accidentellement et ne viennent que pour S'y reposer. 

Nous profitâmes de celte circonstance pour dire que les 
horticulieurs accusent à tort les insectes de causer la mort 
instantanée des abricotiers; car cette mort a parfois pour 
cause le défaut de transsudation de la gomme que fournit 
cet arbre; aussi des incisions pratiquées à propos le sau- 
vent, en faisant découler cette matière qui sans cela tue la 
plante comme par asphyxie. 


(331) 
ACACIA ou ROBINIER (Robinia pseudo-acacia). 


L'Acacia n'a guère à souffrir des insectes que la nature 
a destinés à vivre sur lui; ce sont en général de paisibles 
locataires qui ne sont ni nuisibles, ni dévastateurs. Voici, 
comme l'a observé M. Macquart (1), le nom des principaux : 


COLÉOPTÈRES. 


D 


Apate capucina Fab. La larve de ce Xylophage se développe 
* dans des galeries sous l'écorce. 
Bruchus robiniæ Linn. 
LÉPIDOPTÈRES. 
Thecla acaciæ Fab. 
Lyonetia sericopeza Zell. 
Lithocolletis acaciella Mann. 
Lampros ambiguella Costa. — La chenille de cette Tinéide 
vit et se métamorphose dans l’aubier décomposé. 


DIPTÈRES. 


Teremiya laticornis Macq.— Cette Muscide à l’aide de sa ta- 
rière perce l'écorce et y dépose ses œufs. Les larves 
vivent sous l'écorce et se nourrissent du Liber. 


CAPRIFIGUIER ou FIGUIER SAUVAGE (Caprificus). 


Les Romains donnaient ce nom au figuier sauvage, souche 
de nos figuiers cultivés, mais qui, au lieu de donner des 
fruits doux et sucrés, ne produisait que des sycônes secs 
et farineux toujours remplis d'insectes. Cet arbre intéressant 
à étudier comme souche pour le botanophile, offrait aussi 
de l'intérêt à l’entomologiste au sujet de la caprification : 
cette opéralion consistait comme on le sait, à suspendre 


(1) Arbres et arbrisseaux d'Europe et leurs insectes , pag. 174. 


{ 332 } 

aux rameaux des figuiers cullivés et tardifs, des cordes dans 
lesquelles on avait au préalable enfilé des fruits de figuier 
sauvage. Ceci se pratique encore, dans l’Archipel et à l'île 
de Malte, aux mois de Mai et de Juillet, c’est-à-dire à l'épo- 
que où les figues sauvages sont remplies d’une quantité in- 
nombrable de vers, sur le point de passer à l’état de mou- 
cherons. Ces petits byménoptères couverts de pollen s’en- 
volent du fruit du caprifiguier, s’introduisent dans l'œil des 
figues domestiques pour y déposer leurs œufs; ces piqûres 
fécondent les graines, hâtent la maturation et empêchent 
que les figues ne se dessèchent et n’avortent. « 

« On a constaté que la caprification est cause qu'un 
» figuier qui n'aurait donné que 25 livres de figues, à 
» produit jusqu’à 280 livres : Bernard de Marseille a repro- 
» duit artificiellement le phénomène de la caprification en 
» ayant soin de piquer des figues saines avec une pointe et 
» en introduisant une gouttelette d'huile dans la blessure. 
» Ïl a vu les figues piquées mürir bien plus vite que les 
» autres du même arbre (1) ». 

Les botanistes ne se sont guère entendus pour expliquer 
ce phénomène et les entomologistes ne sont pas plus d’ac- 
cord pour savoir à quel genre appartient l'insecte qui ha- 
bite le fruit du figuier sauvage. 

D’après Linné, c’est le Cynips psenes, tandis que l'hymé- 
noptère qui vit sur le figuier sycomore , est, suivant ce même 
auteur , le Cynips sycomorus. 

D'après M. Westwood , ce ne serait ni le Cynips psenes, 
ni le Cynips sycomorus, mais un insecte qui leur ressem- 
blerait à bien des égards. 

M. Westwood a établi le genre Sycophaga pour un in- 


(4) F..V. Raspail, Nouveau système de physiologie végétale et bo- 
tanique; tom. II, pag. 109, 


( 533 } 
secte qui vit dans le fruit d'un figuier d'Egypte, et le D.' 
Gravenhorst a désigné sous le nom de Blastophaga grosso- 
rum, un autre insecte qui vit sur le Ficus carica. 


CATALPA.( Bignonia catalpa ) Linn. 


Cet arbre indigène des parties tropicales et extra-tropi- 
cales de l'Amérique, de la Caroline surtout, a été transplanté 
avec succès dans nos contrées. La beauté de son port, son 
ample feuillage, ses belles fleurs blanches, légèrement va- 
riées défjaune et de pourpre. l'ont fait rechercher, et au- 
jourd'hui il est assez communément répandu. Les paysans , 
en certains endroits, à Saint-Médard-en-Jalle , par exemple, 
ont une vive répugnance pour cet arbre, et nous la croirions 
assez fondée, parce que nous avons remarqué que des cham- 
pignons qui paraissaient de bonne qualité, et qui avaient été 
cueillis sous le Catalpa, avaient produit des symptômes 
d’empoisonnement. 

D’après les observations que nous avons faites jusqu'ici, 
nous pouvons dire qu'aucun insecte spécial ne semble ha- 
biter cet arbre ni le rechercher. 

Suivant certains entomologistes , le Litta vesicatoria se 
rencontrerait assez souvent en Europe sur le Catalpa. 

Nous savons bien que la Cantharide se trouve sur le Frêne, 
le Lilas, le Chèvre-feuille, les Troënes, le Sureau, etc, 
dont elle dévore les feuilles, mais nous ne pourrions encore 
soutenir la même assertion pour ce qui concerne le Catalpa. 

La chenille du Sphinx atropos se nourrit aussi parfois 
des feuilles de cet arbre ; mais nous croyons qu’elle préfère 


la verdure de la Pomme de terre, du Chanvre, ou du Jas- 
min. 


( 334) 
CHARME (Carpinus betulus). 


On a adressé à la Commission une branche de Charme 
dont les feuilles étaient d'un jaune paille et qui avait été 
cueillie dans un endroit ombragé. 

On nous demanda si la décolorationde ces feuilles n’était 
pas due à quelques insectes et nous avons cru pouvoir affir- 
mer que ces pauvres petits animaux, toujours accusés , 
étaient en cette circonstance tout-à-fait innocents et que la 
branche envoyée était atteinte tout simplement de chlorose. 

Il nous est souvent arrivé de trouver dans les souches du 
Charme, des larves d'Oryctes grippus, mais ce n’est pas là 
leur habitation spéciale. On les rencontre partout où il y a 
du tan. 


CHÈNE (Quercus ). 


Certaines observations intéressantes, relatives aux sco- 
lytes qui minent les Chènes , les Ormes et bien d’autres ar- 
bres, nous ont élé communiquées par M. Laporte, et quoi- 
qu'elles soient relatives à plusieurs grands végétaux, nous 
les plaçons à l’article Chéne, parce que les phénomènes qu'ils 
produisent sont les mêmes pour toutes ces essences d'arbres. 

Les Chênes, les Ormes et les Pommiers, sont fréquem- 
ment attaqués, surtout lorsqu'ils sont déjà malades, par 
différentes espèces de scolytes, qui, par les ravages qu'ils 
font, accélèrent la mort de ces arbres. Nous avons vu ces 
funestes effets se produire sur un grand nombre d'Ormes 
qui décoraient nos belles promenades des Quinconces. 

Depuis bien des années, le hasard nous avait conduit à 
constaler que des incisions faites à certains arbres, et no- 
tamment aux saules, occasionnent un suintement de la sèvé, 
ce qui nous permettait d'y prendre plusieurs espèces d'in- 


LA 424 


( 295 ) 
sectes avides de cette liqueur et qui se réunissaient en grand 
nombre sur les bords de ces incisions. Mais nous constatà- 
mes aussi que cette même sève, déviée de son cours natu- 
rel, se répandait dans les parties intérieures du tronc et 
noyait plusieurs larves. 

Cette seconde observation nous mit plus tard à même de 
l'appliquer à plusicurs arbres attaqués par des Scolytes, et 
notamment à un orme séculaire qui était condamné à périr 
et que nous fûmes assez heureux de sauver au moyen de 
diverses incisions qui noyèrent ou empâtèrent les larves. 

Nous ferons remarquer à l'appui de ce fait que les pins 
gemmés produisent, par l'expansion de la sève répandue 
dans toutes les parties de leurs troncs, la mort de toutes les 
larves qui s’y trouvaient précédemment, et que même après 
cette opération ils ne sont plus attaqués. 

Depuis lors et en 1852, M. Macquart a fait connaître des 
observations à peu près analogues faites par MM. Robert et 
Michaux, desquelles il résulte que l'enlèvement de bandes 
longitudinales d’écorce sur un arbre ne nuisait pas à la vé- 
gétation. Ces Messieurs ont reconnu que cette opération 
donnait à l'arbre une nouvelle vigueur en provoquant des 
bourrelets dans lesquels la sève cireulait plus facilement que 
sous les écorces couvertes deleurs parties mortes et rugueuses. 

Sur les arbres plus jeunes et dont la circonférence ne 
dépasse pas 45 centimètres, ils ont opéré une décortication 
presque complète dans les sujets attaqués par de nombreux 
Scolytes. Comme sur beaucoup de points les larves avaient 
déjà détruit l'écorce jusqu’au bois, et que, dans peu de 
temps, elles auraient entièrement cerné le tronc et inter- 
rompu la circulation de la sève, il était impossible de con- 
server à l’arbre ses qualités naturelles et d'en employer le 
bois pour le charronnage ; on ne devait chercher qu'à sauver 
l'arbre afin qu'il continuât à donner de l'ombrage. M. 


( 556 } 

bert, dans cette décortication n'a eu en vue que de mettre 
les larves à nu; il a respecté le liber et même une assez no- 
table partie de l'écorce vive dans tous les endroits où les 
insectes n'avaient pas encore pénétré jusqu'au bois; il est 
résulté de cette opération un renouvellement de l'écorce sur 
tous les endroits non attaqués, la formation d’un grand 
nombre de bourrelets, petits il est vrai, sur les bords des 
portions où l’insecte avait touché le bois, et, après un an 
à peine, ces arbres ont eu toute la surface de ieur tronc 
couverte d’un réseau de ces bourrelets ou de portions d’écor- 
ce fraiche, qui permettaient une libre circulation de la sève 
et repoussaient les scolytes qui d’ailleurs ne trouvaient plus 
un abri sous l'écorce trop peu épaisse. 

En 1835, plus de 50,000 pieds de chênes, âgés de 35 à 
40 ans, sont morts dans la forêt de Vincennes, et leur perte 
a été attribuée à ces insectes. 

De tous ces faits, il semble résulter que des Chênes, des 
Ormes, des Pommiers et beaucoup d’autres essences d’ar- 
bres périssent par la présence d’un grand nombre de larves 
qui les attaquent; et notamment par les scolytes, dont les 
femélles déposent leurs œufs sous l'écorce, de chaque côté 
d'une galerie verticale creusée plus ou moins profondément. 
Chaque larve pratique à son tour une galerie horizontale , 
dont le diamètre augmente suivant l'accroissement de la 
larve, et ces ravages sont d'autant plus prompts que chaque 
femelle dépose de distance en distance de 30 à 50 et quel- 
quefois 100 œufs qui se transforment en larves en très peu 
de temps. ‘ 

On devra donc examiner les arbres en Avril ou en Mai, 
époque où les scolytes se montrent et percent l'écorce pour, 
s'y introduire et y commencer leurs travaux destructeurs. 

Ces ravages seront constatés par la présence de la ver- 
moulure qui se trouve à l'orifice des trous pratiqués par 


( 537) 
l'insecte parfait qui s’en échappe, et plus tard par les frag- 
ments d’écorce qui se détachent successivement du tronc. 
L’attention est alors éveillée et le remède ne doit pas se faire 
attendre; c’est alors qu’on devra pratiquer les incisions, ou 
dans d’autres cas, la décortication de ces arbres. 


COCOTIER et CAFÉIER. 


COCOTIER (Cocos nucifera) Linn. 


b 


Ce n’est pas seulement en Europe que depuis quelques 
temps les végétaux utiles à l'alimentation de l’homme sont 
frappés par certaines épidémies, c’est sur toute la surface 
du globe que le mal s’est fait sentir. La perte d’un grand 
nombre de pieds de Cocotiers et de Caféiers en est la 
preuve ; c'est surtout à la Guadeloupe et à la Martinique 
que malheureusement le mal s’est fait le plus sentir. 

D'après les renseignements que nous avons recuellis, 
celte perte a été considérable et on l’a attribuée aux ravages 
d'insectes dont nous regrettons de ne pas connaitre le 
nom spécifique. 


CAFÉIER (Coffæa arabica). 


Quant aux Caféiers qui sont morts à cette époque, ils 
paraissent avoir été détruits par une toute autre cause ; ils 
étaient couverts d'une espèce de rouille dont on n’a pas su 
apprécier la nature, et qui peut-être dépendait de quelques 
insectes, comme ces dépôts que l’on voit sur le laurier-rose 
et qui proviennent de certains coccus. 

Cependant on nous a communiqué une note dans laquelle 
le sulfure de potasse inoculé, aurait conjuré la cause des- 
tructrice, quelle que soit la nature du mal qui s’est montré. 

Voici la teneur de cette communication : 


« Un morceau de sulfure de potasse, gros comme un 
Tome XIX. 24 


( 358 ) 

» haricot, introduit dans un trou fait avec une vrille aux 
» troncs des caféiers de la Martinique, et refermé avec une 
cheville, a suffi pour faire disparaître les pucerons et 
autres insectes qui les rongeaient et détruisaient la récol- 
te. Il est probable que ce procédé réussirait également 
» bien en Europe sur nos arbres à fruits. Si on eùt connu 
» ce moyen, on eüùt conservé les arbres du boulevart de 
» Bruxelles que l’on a si malheureusement asphyxiés par 
le goudron du gaz, en cherchant à faire périr un insecte 
qui ne faisait encore que les gêner ». 

C'est peut-être par suite d'une sorte d'imprégnation 
générale, autant que par l'odeur momentanée du sulfure 
de potasse, que les insectes ne peuvent plus se trouver sur 
ces arbres. Dans le premier cas, ce serait une vaccination 
contre un agent purement extérieur. Dans le second, il 


n’y aurait probablement qu’un délogement momentané des 
insectes. 


c2 


[2 


53 


3 


L'an dernier , découragé après des milliers d'expériences 
inutiles et infructueuses faites avec des agents différents et 
employés sous bien des formes pour arriver à conjurer 
loïidium, nous n'avons pas touché à quelques substances 
que nous avions apportées à la campagne , et au nombre 
de celles-ci, est le sulfure de potasse. Cette combinaison, 
par suite des émanations sulfureuses qu'elle répand, nous 
paraît devoir donner quelque résultat, s’il est un remède à 
la mucédinée dédiée à Tucker. 

Nous nous proposons de recommencer avec activité des 
essais d’après cette base , lorsque le moment favorable sera 
venu. 


COIGNASSIER ( Pyrus cydonia Linn. ) 


Peu d'insectes habitent sur le Coignassier. — Parmi les 
coléoptères, on y trouve fréquemment le Cistela rufipes 


(359) 
Fab. — Le Hanneton est aussi très-friand des feuilles de 
cet arbre; mais cet insecte n’est pas difficile, et quelque 
peu nombreux que soient les arbres d’une localité, il s’ac- 
commode toujours des feuilles de la verdure qu’on y ren- 
contre. 

M. Macquart cite encore comme se rencontrant assez par- 
ticulièrement sur le Coignassier , les trois lépidoptères sui- 
vants : l'Eupathecia cydoniaria B., VYponomeuta cogna- 
tella T., et le Lithocoiletis cydoniella Linn. 


FROMENT | Triticum sativum) et CÉRÉALES EN GÉNÉRAL. 


De tous les insectes appartenant aux divers ordres ento- 
mologiques et qui s’attachent au blé, certains diptères sont 
les plus funestes , car ils attaquent cette plante quand elle 
est encore sur pied. Les Oscina pumilionis et lineata, et 
presque tous les insectes de ce genre créé par Fabricius, 
sont d’après les observations d'Olivier, très-nuisibles aux 
tiges du Froment. 

Les Oscina , en effet, piquent soit les collets des tiges, 
soit le chaume tendre du blé pour déposer leurs œufs. 
Bientôt après, l’éclosion a lieu et les larves rongent les par- 
ties internes, en sorte que la sève. se trouvant interceptée, 
l'épi demeure sec et stérile. 

Les larves de Tephritis strigala Fab., celles de Sapron- 
cysa (de Follen et Meigen) s’insinuent aussi dans le chaume 
et empêchent la fructification de se produire. 

E. Martin, agronome anglais et quelques auteurs, avaient 
même supposé que l’Ergot | Secale sclerotium ) du seigle 
n'élait autre chose que l'effet de la piqûre d'un de ces 
diptères; mais on sait aujourd'hui que cette maladie est 
occasionnée par un végétal parasite. 

Parmi les coléoptères , le taupin strié ! Elater striatus), 


: ( 340 ) 
à l'état de larve, cause parfois de très-grands dégats dans 
les champs ensemencés de blé, car il en ronge la racine. 

Les charançons bec-mares et surtout la calandre ( Calan- 
dra granariæ |, soit à l’état de larve, soit après leur der- 
nière métamorphose, attaquent les grains et en dévorent 
l'intérieur farineux. 

En Provence, on a la précaution de serrer le blé dans 
des sacs, car sans cela, il est attaqué par la larve de la 
cadelle ( Tenebrio mauritanicus Lin., — trogossita de Fab.) 
qui exerce ses ravages non-seulement sur cette céréale, 
mais encore sur le pain , les noix, les écorces d'arbres, etc.; 
à l'état parfait, cet insecte n’est plus nuisible. 

Les chenilles ne laissent pas aussi que d’être dévastatri- 
ces aux frumentacés ; telles sont les teignes des blés (Abiata 
granella ), les Yponomeuta et bien d’autres. 

Le riz est également attaqué par une calandre { Curculio 
orysæ ), le seigle par le Curculio sanguineus, l'orge par 
l’Atica cœælalea , la canne à sucre par plusieurs coléoptères, 
le sorgho, le millet, les semences des panics, par l’Ano- 
bium paniceum et minutum Fab. 

Le Phalena secalina , fait avorter aussi les épis de seigle, 
de même que l’Hispa atra concourt à disséquer en quelque 
sorte, les tiges de plusieurs graminées. 

Il est, en outre, des insectes qui se nourrissent de fa- 
rine , tels que les ténébrions , les blaps, etc. La larve du 
Tenebrio molitor que l'on recherche pour nourrir les rossi- 
gnols , se rencontre fort communément dans les moulins, 
parmi le blé ou le son. 

Quant aux acarus qui ont pour habitat exclusif, le son et 
les diverses espèces de farine, notre honorable collègue, 
M. Gustave Janvier, et moi, nous nous proposons de les 
étudier d’une manière toute spéciale, et, avant de consi- 
oner nos observations dans la Faune des Arachnides de la 


(541) 
Gironde, à laquelle nous travaillons, nous en ferons part 
à la Commission entomologique. 

Nous croyons, cependant, devoir dire ici quelques mots 
de l’Acarus trilici, à cause de ce qui a été observé en 1850, 
à Moissac et à Bordeaux, sur des blés provenant d’Espalais, 
{ canton de Villeneuve-d’Agen ). Ces blés avaient chauffé et 
quoiqu'on les eut passés au ventilateur , ils avaient occa- 
sionné aux personnes qui les avaient transportés dans les 
deux ports de Bordeaux et de Moissac, une irritation à la 
peau, suivie d'éruption vésiculeuse et d’une démangeaison 
intolérable et plus terrible que celle de la gale. On fit courir 
le bruit que ces blés étaient empoisonnés, mais il fut parfai- 
lement prouvé par MM. Lagrèze-Fossat et R. F. Montané, 
que ces accidents étaient dûs à ces insectes microscopiques , 
la mite du blé ( Acarus tritici) (1), que le commencement 
de fermentation qui s'était produit dans le blé avait déve- 
loppée d’une manière inusitée. 

Bien des moyens ont été employés et préconisés haute- 
ment pour la destruction des insectes ravageurs du froment. 
Les ventilations fréquentes passent pour détruire les cha- 
rançons ou calandres {Calandra granaria ), mais c’est seu- 
lement lorsque les insectes sont arrivés à l’état parfait. 
Contre l’alucite ou teigne des blés, on emploie l'exposition 
des sacs à une chaleur de 45 à 50 degrés centigrades. 

Pour détruire bien des larves , les paysans croient user 
d'un bon moyen en remuant souvent le blé et en écrasant 
tous les vers qu'ils y apercoivent. 

D'après les expériences de M. Belleville, la colle de 


(1) Voyez Observations microscopiques sur la inile du blé, par 
M. Lagrèze-Fossat, secrétaire du Comice agricole de l’arrondisse- 
ment de Moissac, et M. Roy, pharmacien, à Moissac. — Montauban , 
imprimerie Latapie-Fontanel. 


(342) 
Gutta percha détruit parfaitement les insectes qui atta- 
quent les collections entomologiques ; il s’est même assuré 
qu’elle avait une action énergique sur les termites , les 
alacites , les charancons, etc., et il pense que ce moyen 
serait très-convenable et très-facile à mettre en pratique 
pour la destruction des insectes qui nuisent aux blés dans 


nos greniers. Û 


Malheureusement, des expériences ultérieures ont prouvé 
que les émanations de la gutta étaient, en effet, d’une 
grande énergie sur les insectes, mais qu’elles n’agissaient 
qu’à une très-petite distance. 

Bien plus, d'après M. Milne Edwards, la gutta percha , 
étant ordinairement préparée avec un mélange d'essence 
de térébenthine, c’est cette huile seule, qui, en se volatili- 
sant fait périr les insectes ; car la gutta percha pure n'a pas 
d’effet fâcheux sur ces petits animaux. 


La bensine serait bien préférable; cette substance est, 
on le sait sans doute, un bi-carbure d'hydrogène incolore 
très-fluide et à odeur aromatique rappelant celle des aman- 
des amères. 


M. Milne Edwards qui a fait connaitre cette propriété de 
la bensine a dit qu’il la proposait pour la destruction des 
insectes nuisibles, non pas de ceux qui vivent en plein air, 
et séjournent sur les arbres, mais contre ceux qui se tien- 
nent dans des lieux fermés et pouvant être atteints par des 
vapeurs et fumigations quelconques. Il a fait observer « que 
» la plupart des matières dont on a fait usage jusqu'ici pour 
» tuer les insectes sont d'un emploi difficile, et que, pour 
» effectuer cette espèce d’empoisonnement par asphyxie, 
» jeur action doit durer longtemps, tandis que l’action de la 
» bensine, qui est aussi très-efficace , est beaucoup plus 
» rapide. 


( 343) 

» D'après les expériences qu'il a faites , il suffit de mettre 
» deux ou trois gouttes de ce liquide dans un vase, et la 
» vapeur qui s’en dégage empoisonne les insectes très- 
» promptement. Il arrive bien quelquefois que les insectes 
» ainsi asphyxiés, reviennent à la vie au bout de quelque 
» temps; mais alors, ils sont dans un tel état de faiblesse 
» qu'ils peuvent à peine se mouvoir et ils ne tardent pas à 
» Mourir ». 

Quoique la bensine soit un poison énergique pour bien 
des animaux, car il suffit de quelques gouttes vanorisées 
dans un espace limité pour tuer ur moineau , elle ne paraît 
pas avoir d'action sur l’homme. 

La bensine nous paraît donc digne d’être expérimentée. 


GENET ( Genista tinctoria Linn.). 


» De gracieux lépidoptères viennent reposer sur les fleurs 
» de ce joli arbuste leurs aîles fatiguées, attirés qu'ils sont 
» par les émanations de cette plante dont les feuilles étaient 
» jadis tributaires de la chenille, dont les tiges protégeaient 
» plus récemment la chrysalide ; mais depuis qu'ils ont 
» revêtu leur brillante parure , dont l'éclat le dispute à celui 
» de l’hermine et de la pourpre, le genèt déploie son éten- 
» dard comme pour fêter la promotion de ses anciens hôtes 
» à l'empire des airs qu'ils parcourent en tous sens, tandis 
» que dans le centre floral se prépare à leur honneur un 
» nectar délicieux » (1). 

Ce passage est assurément très-applicable aux papillons 


(1) Louis P. Desmartis ( père ), Emploi des différentes espèces de 
genéêt en médecine; Genista tincloria, contre la rage. De la Sco- 
parine , de la Sparteine. Voyez le journal l'Ami des Champs, 
année 1855. 


( 544 ) 
du Genista tinctoria, qui, comme on le voit, sont en assez 


grand nombre, 
LÉPIDOPTÈRES: 


Thecla rubi Lin. 

Lycæna argus Lin. 
Hadena pisi Lin. 
Orthosia cœcimacuta Bell. 
Aspilates purpuraria Lin. 
Spintherops spectrum Fab. 
Dosythæa decoraria Hub, 
Botys limbalis Fab. 
Phycis genistella Dup. (1). 

On trouve encore, sur les genèêts, des coléoptères : le 
Tychius sparsutus Oliv., et le Chrysomella litura Fab., qui 
vit sur le feuillage ; des hémiptères : l’Aphis genistæ et le 
Centrotus genistæ Fab. Ce dernier vit de la sève. Enfin, il est 
un diptère qui produit une gale souvent arrondie en boule 
mais toute hérissée : c’est le Cecidomyia genistæ Réaum. 


GROSEILLER ( Rives ). 


C'est sur le groseillier qu'on a d’abord remarqué que 
des morceaux d'’étoffe de laine, transportés par le vent sur 
cet arbuste , s'étaient couverts de larves ou de chenilles. 
Celui qui le premier avait observé ce fait, supposa que plu- 
sieurs morceaux d'une étoffe semblable, placés sur différents 
autres arbustes, attireraient également un grand nombre 
de ces insectes destructeurs ; c'est, assure-t-on, ce qui eut 
lieu et on parvint à les détruire par milliers. Depuis, on 


emploie ce procédé pour faire la chasse aux chenilles, afin 


de pouvoir en opérer la destruction. 


(1) Macquart, Arbres el arbrisseaux d'Europe el leurs insectes, 
1852, page 169, 


1 dE 


(545) 
LAURIER-ROSE (Nerium). 


Les jolies fleurs roses de cet arbuste exhalent une odeur 
suave et enivrante , mais qui est mortelle surtout dans les 
pays chauds. 

Les papillons et d’autres insectes ailés viennent savourer 
en passant ses agréables émanations, mais il n’en est guère 
qui y séjournent ; M. Macquart cite cependant le Deilephila 
ner Lin., dont la chenille ronge les feuilles. Il cite en- 
core deux Hémiptères , l'Aphis nerii Fons., Col., et l'Aspi- 
diotus nerii Bouché. 

Les insectes , ou plutôt les larves propres à cet arbuste, 
ne renfermeraient-ils pas en assez grande quantité le prin- 
cipe délétère ou actif qui se trouve dans ce végétal ? Nous 
sommes portés à croire à ce fait pour tous les insectes en 
général, et surtout pour les larves lorsqu'elles n'habitent 
qu’une seule espèce d'arbres; leur corps semble être destiné 
à retenir à l’état pur, comme nous l’avons déjà constaté 
en plusieurs circonstances, un principe chimique, lequel 
acquiert cette pureté après avoir été physiologiquement 
élaboré. 


NOYER ( Juglans regia ). 


Cet arbre , tout comme le catalpa, passe pour insalubre 
et pour exhaler des principes délétères. 

Lorsqu'on se trouve sous cet arbre, on s'aperçoit qu'il 
répand une odeur sui generis, due à une huile essentielle 
qui lui est propre. 

Les feuilles de cet arbre ont d’ailleurs des qualités phy- 
siologiques toutes particulières. — De même que la garance, 
prise à l’intérieur, a la propriété de colorer en rouge les os 
des animaux , que l’azotate d'argent ingéré donne à la peau 


( 546 ) 
de l'homme une coloration bronzée ; de mème aussi les 
feuilles de Noyer font passer du rouge au bleu, les ailes in- 
férieures du Chelonia caja quand on nourrit sa chenille avec 
le feuillage de cet arbre. Ce phénomène chimico-physiolo- 
gique est extrêmement digne de remarque. 

Les insectes qu'on trouve sur cet arbre sont loin d’être 
nombreux, encore ne lui occasionnent-ils point de domma- 
ges réels. 

ILest à remarquer que sauf les quelques insectes spé- 
ciaux aux Juglans regia , les autres animaux de cette classe 
n'aiment point à se reposer sur cet arbre ; la décoction des 
feuilles de Noyer et le suc de ses feuilles, versés sur la plu- 
part des insectes et des annélides ont sur eux une influence 
fâcheuse. 

Voici d’ailleurs , d’après M. Macquart (1), le nom des in- 
sectes acclimatés sur le Noyer : 


COLÉOPTÈRES. 

Mycetochara barbata Fab. 

Pyrochroa coccinea Fabr. — La larve de cet Héteromère se 
développe sous l'écorce. 

Balanius nucum Linn.— La larve de ce Curculionite se 
nourrit de la noix. 

Bostrichus bicolor Hubn. 

Synchita juglandis Hellw.— La larve de ce Xylophage se 
développe sous l'écorce. 


HÉMIPTÈRES. 
Aphis juglandis Frisch. 
LÉPIDOPTÈRES. 


Attacus pyri Linn. 
Dasychira pudibunda Linn. 


(1) Arbres’ el arbrisseaux d'Europe, page 116. 


( 347) 
Acronycla aceris Linn. 
Amphypyra pyramidea Linn. 
DIPTÈRES. À 
Clenophora pectiniformis Linn. — La larve de cette Tipu- 
laire se développe dans le bois en partie décom- 
posé du Noyer. 
Siphonella nucis Perris. — Les larves vivent du fruit et s’y 
développent. 


Ainsi, à l'exception des cinq insectes dont la désignation 
de l'habitat particulier pour leurs métamorphoses est indi- 
qué , on peut considérer les autres comme ne s’y trouvant 
qu'accidentellement. 


— 


ORANGERS (Citrus vulgaris. — Citrus aurantium). 
CITRONNIERS {Citrus medica.— Citrus limonium ). 


Comme on le sait, les Orangers et les Citronniers des en- 
virons d'Hyères, sont en grande partie morts il y a quelques 
années. 

Nous n'avons pu avoir de renseignements sur la vraie 
cause de cette perte, mais nous ne serions nullement éton- 
nés qu’elle fût due à quelques Coccus ; aux Coccus adoni- 
dum peut-être. 

Les fourmis fatiguent souvent et même tuent les Orangers 
et les Citronniers ; le meilleur moyen de s’en débarrasser 
consiste à entourer leur tronc avec un morceau de laine 
imbibé au préalable dans de l'huile fortement soufrée, on 
ne voit plus alors aucune fourmi approcher de ces arbres. 
Ce moyen nous a constamment réussi, non-seulement sur 
les Orangers et les Citronniers, mais encore sur tous les 
végétaux auxquels nous l'avons appliqué. 


( 548 ) 
OSEILLE ( Rumex acetosa et R. acelosella). 


Dans la séance du 18 Juin 1853, nous déposämes sur le 
bureau plusieurs échantillons de Gastrophysa raphani. Ces 
insectes étaient à diverses périodes de leur transformation. 

Nous avions recueilli ces coléoptères en Mai et Juin sur 
des pieds d'Oseille qu'ils ravageaient. Nous avions remarqué 
que les larves et les œufs de cet insecte étaient toujours 
placés sous les feuilles de ce rumex, et nous pümes pren- 
dre en même temps des œufs, des larves et des insectes 
parfaits. Ces gastrophysa dévoraient tellement les feuilles, 
qu'ils n’en laissaient guère que les nervures. 

Dans le jardin où nous avons observé ce fait, on a rasé 
près de terre cette plante, qui, bientôt a repoussé, mais 
alors l’insecte ravageur n’a pas reparu, tandis que dans le 
même jardin, ces plantes ont été complètement détruites 
dans les allées où l’on n’a pas pratiqué cette espèce de fau- 
chage. 

Ceci nous rappelle qu'en plusieurs endroits du départe- 
ment, on a fait faucher des tiges de pomme de terre qui 
commençaient à devenir malades, car l'extrémité supérieure 
des tiges de cette plante était courbée et se couvraient de 
taches noires, puis ces tubercules manifestaient un commen- 
cement de botrytis. Ce fauchage n’a pas empêché ces tiges 
de repousser , et il s’est trouvé que la maladie de ces pom- 
mes de terre avait disparu. 

Comme on le voit, il est une foule de conditions où les 
végétaux sont rendus malades par des parasites crypptoga- 
miques ou animaux, et on parvient à les guérir en les éla- 
guant ou en supprimant quelques-unes de leurs parties , et 
souvent alors, les nouvelles pousses ne sont plus susceptibles 
de la même maladie. 


(349) 


PÊCHER ( Persica vulgaris M.). 


Il paraît qu’à une certaine époque, les fourmis auraient 
considérablement fatigué cet arbre, puisque plusieurs ouvra- 
ges d'agriculture indiquent divers procédés à employer pour 
détruire ces insectes. 


Le Manuel des champs (1780, pag. 220), parle égale- 
ment du ravage des fourmis sur le Pêcher et donne le 
moyen suivant de s’en affranchir. 


Pour cela, on place au bas de l'arbre un pied de bœuf 
récemment détaché de l'animal et auquel on a enlevé la 
peau à moitié ; les fourmis sont attirées sur ce pied en nom- 
bre considérable et on peut alors plonger cet appât dans 
l’eau pour noyer les insectes et renouveler l'opération jus- 
qu’à ce que le soleil ait complètement desséché les chairs, 
ce qui lui fait perdre ses qualités. 


Certains propriétaires répandent au pied des arbres atta- 
qués par les fourmis , une couche de cendre qu'elies ne peu- 
vent pas franchir. 


Le meilleur moyen d'empêcher les fourmis de fatiguer le 
Pêcher est d’entourer le tronc avec un linge fortement im- 
prégné d’huile soufrée comme nous l'avons dit au sujet des 
orangers et des citronniers. Ceci nous paraît préférable à 
la destruction des fourmis, parce que nous pensons qu'en 
s’éloignant, elles rendent ailleurs des services à l’agriculture 
en faisant disparaître certains autres insectes plus nuisibles. 

La nature n’a rien créé d’inutile, c’est à l'homme de sa- 


voir tout utiliser et à croire que presque toujours un léger 
dommage n’a lieu que pour en prévenir un plus grand. 


(350) 
PHELLANDRIE ou CIGUE AQUATIQUE. 


( Phellandrium aquaticum ). 


Au nombre des insectes qui vivent sur la Phellandrie est 
le charancon paraplectique ( Lixus paraplecticus) qui d’a- 
près Linné, donne en Suède aux chevaux une paralysie des 
membres postérieurs. L'illustre naturaliste suédois préten- 
dait que ce n'est point la plante qui est dangereuse, mais 
bien la larve qui vit aux dépens des tiges. Il avait même 
cru observer que les plantes qui n'étaient point habitées par 
cet insecte, pouvaient être impunément mangées par les 
chevaux ; chaque tige ne renferme qu’une seule larve qui 
est d’une longueur d'environ douze millimètres-et dont le 
diamètre est d’un peu plus de trois millimètres : elle est d'un 
blanc jaune. La tète est seulement d'une couleur olivâtre. 
— Si on veut trouver la larve, c'est pendant le mois de Juin 
ou au commencement de Juillet qu'il faut la chercher; et 
à cet effet, on fend la tige dans le sens de sa longueur 
et on trouve la fausse chenille principalement dans la partie 
de la plante qui était submergée et où elle se nourrissait de 
la substance interne. 

D'après de Geer, si les chevaux sont paraplégiques la 
cause ne peut en être trouvée dans ce Curculio, parce que, 
dit-il, l'insecte quitte la plante aussitôt qu'il a revêtu sa 
dernière transformation et cette métamorphose a toujours 
lieu avant Ja fin de Juillet. La Phellandrie sèche qui aurait 
pu être mêlée au foin, ne contiendrait donc point le cha- 
rançon. Quant à nous, nous admettons que la plante ren- 
ferme un principe énergique la phellandrine qui, suivant 
certaines conditions de terrain, de climat ou de saison, 
se trouve plus ou moins abondant. 

Nous croyons aussi que la larve du Lixus paraplecticus 
renferme en elle du principe actif de la Phellandrie, physio- 


( 551 ) 
logiquement élaboré, tout comme cela a lieu , suivant nous, 
pour bien d’autres larves qui contiennent dans leurs tissus 
ou dans certains appareils spéciaux l’un des principes chimi- 
ques à l’état de pureté. 

Nous avons déjà dit que les larves du Chrysomela populi 
par exemple, laissent exsuder de leurs tubercules latéraux 
des gouttelettes d'acide salicileux parfaitement pur. 

Ce phénomène de paraplégie produit par l’ingestion de 
ce Curculio, n’est pas moins remarquable que la paralysie 
qui se manifeste dans le sens opposé des membres par suite 
de l’inoculation du venin de certains batraciens. 

Ainsi, empoisonnement par la Phellandrie, paraplégie ; 
vaccination au moyen de l'humeur lactescente des Batra- 
ciens, hémiplégie ; donc si cet axiôme est vrai : Similia si- 
milibus curantur , — l'homéopathie pourra mettre à profit 
les deux agents dont nous venons de parler. 


PIN MARITIME ( Pinus maritima Linn.) 


M. le comte de Kercado nous fit une communication au 
sujet d’une maladie qui frappe les forêts de Pins , dans les- 
quelles les arbres se trouvent parfois attaqués, de proche en 
proche , par un insecte ou plutôt par une larve que les pay- 
sans nomment le ver. Les arbres sont perdus et le mal aug- 
mente toujours par gradation jusqu'à ce qu'on ait creusé 
un fossé entre les Pins malades et ceux qui sont encore 
sains : cette tranchée arrète parfaitement le fléau. 

On peut y porter remède au début lorsqu'on s'aperçoit 
que quelques pins rapprochés sont morts ou attaqués. La 
Commission regrette de n'avoir pu se procurer encore de 
ces larves pour dire leur nom scientifique. 

Nous avons observé au sujet de cet arbre, un fait qui nous 
paraît digne d’être mentionné, c'est que le Monohammus 


( 552 ) 
Gallo-provincialis ne se trouve Jamais sur le Pin qui est 
plein de vie, et qu'il semble attendre pour venir l'habiter 
et y déposer ses œufs, que le bücheron ait donné le dernier 
coup de hâche. L'arbre est à peine tombé , qu’on voit aus- 
sitôt arriver en grand nombre les Gallo-provincialis qui, 
auparavant, paraissaient rares et dispersés dans la forêt. 

Le sens ou l'instinct qui conduit ces insectes à l'endroit 
précis où un pin vient d'être abattu, doit être bien déve- 
loppé pour que l'animal puisse en être averti à des dis- 
tances souvent considérables. ’ 

Il faut que l'AHylesimus ligniperda ait cette faculté tout 
aussi développée pour être attiré lui aussi par la sève du 
même arbre. Il semble attendre également que l'arbre soit 
abattu pour venir immédiatement se placer sur l’une ou 
l'autre des parties du tronc d’où découle la sève. Mais dans 
le cadre entomologique, des faits semblables ne sont pas 
rares. 


ROSIER ( Rosa ). 


Nous avons remarqué sur notre domaine de St.-Loubès, 
que la Rose jaune est plus susceptible que les autres d’être 
dévorée par les insectes et surtout par les fourmis. Le meil- 
leur moyen de les éloigner est celui que nous conseillons 
pour les citronniers; c’est à tort que quelques personnes 
accusent les insectes de causer cette coloration oronge à la 
surface inférieure des feuilles de Rosier. C’est un champi- 
gnon ; c’est le Dapasea rubens varietas rose. 


SAULES ( Salix ). 


Parmi les Salix, l'espèce viminalis est dans notre dé- 
partement la plus maltraitée par les insectes, c’est à tel 
point, que souvent au printemps, on fait enlever par des 


( 555) 
manœuvres les larves des chrysomèles et leurs insectes par- 
faits qui détruisent la pousse. On met le produit de cette 
chasse dans de grands pots de terre qu'ensuite on remplit 
d’eau qu’on fait bouillir. 


VIGNE ( vitis vinifera ). 


De tous les végétaux, il n’en est pas un qui ait été 
plus attentivement étudié que la Vigne. Déjà depuis long- 
temps on avait observé que parfois elle était fatiguée par 
des insectes, surtout par les altises. Plus tard, la chenille 
de la Pyrale exerca dans quelques contrées des ravages assez 
grands, mais heureusement passagers , et ce fut encore un 
nouveau sujet d'examen. 

Aujourd'hui, l’oidium dédié à Tucker est venu jeter 
l'alarme parmi les viticulteurs , en menaçant de détruire à 
jamais la vigne. Jusqu'à ce moment un très-grand nombre 
d'insectes et plusieurs acarus inoffensifs avaient habité cette 
plante sans qu'on y eût pris garde, et maintenant ils sont 
accusés de produire l’oïidium. Depuis que cette mucédinée 
s’est montrée, les insectes ont abondé bien plus encore sur 
la Vigne parce qu'ils ont été attirés là par la décomposition 
de la matière végétale ; ils y ont déposé leurs œufs, et les 
larves ont ététsouvent de nouvelles causes d’altérations de 
la plante. 

Si en cette circonstance, la nature les fait affluer de toutes 
parts vers ces foyers de décomposition, comme toutes les 
fois qu'il existe une tendance à la mort des végétaux, c'est 
parce que les insectes vivent aux dépends des parties qui 
exhalent des miasmes qui pourraient se répandre en trop 
grande quantité et nous devenir funestes. En outre , ils se 
multiplient en raison directe du degré d’altération du végé- 
tal où ils se sont établis. 

Tome XIX. 25 


(554) 

La vie semble être ainsi aspirée au fur et à mesure qu’elle 
s’en va et s'échappe d’un organisme altéré ou trop ancien. 
Malheureusement, bien des observateurs ont pris l'effet pour 
la cause et ont cru voir dans l’oïdium une production occa- 
sionnée par un insecte ou une arachnide. 


Il en est même qui ont accusé les insectes d’être la cause 
de tout ce qui se manifeste maintenant sur la Vigne, et c’est 
ainsi que non-seulement l’oïdium , mais encore les erysiphe, 
l'Erineum vitis, la carie noire, l’induration brune et jus- 
qu'aux raphides, ont été attribués aux ravages des insectes. 


Bien plus, on a publié « qu'on était convaincu à Bor- 
deaux, que la maladie qui attaque le raisin, était causéé 
par un insecte et non par l'oidium, qui n'est qu'un effet et 
non la cause ». (1). 


MM. Fléchet (de Lyon), Paulus Troccon, Bonnet-d'Uzès, 
Fox, Robineau-Desvoidy, et plusieurs autres personnes qui 
s'occupent d'agriculture , se sont efforcés et s'efforcent en- 
core dans plusieurs départements de démontrer que l'oï- 
dium n'est qu'une production énseclo-génésique : Et l'un 
d'eux s’écrie : « Je signale le cryptophaqus comme le plus 
grand désorganisateur » (2). 


Il se trompe , et pour ce qui concerne ce coléoptère , nous 
ne pouvons pas offrir de meilleure réfutationque le passage 
suivant d’une lettre écrite par un homme qui est excellent 
viticulteur, bon observateur et profond naturaliste : « Tant 
à l’état de larve qu’à celui d’insecte parfait, le cryptophagus 
est parfaitement innocent de la maladie du raisin. 

« C'est exclusivement à la moisissure, à l'oïdium qu'il 
s’est attaqué. La Providence l’a investi de la mission de 


(4) A. de Bellussière , journal La Guienne , 21 Octobre 1853. 
(2) Bonnet d'Uzès , journal La Gironde, 1855. 


{ 359 ) 
modérer la propagation de cette mucédinée en la dévorant. 
Ainsi respect el protection au cryplophagus (1) ». 

De son côté, M. Ch. Des Moulins , dans une lettre pleine 
d'esprit et de sel attique a dû faire comprendre à M. Fléchet 
( de Lyon ), que les naturalistes entendaient quelque chose 
à l’histoire naturelle et que s'ils croyaient aux ravages occa- 
sionnés par les insectes , ce n’était pas toujours, partout et 
quand même. Cette lettre insérée dans la Guienne du 23 
Janvier 1853, avait aussi pour objet de réfuter la brochure 
que M. Fléchet a publiée sur la maladie de la Vigne. Qu’ 
nous soit permis d'en citer un extrait : 


« M. Fléchet a observé un acarus sur la Vigne, à Lyon, 
et il le décrit de manière à faire reconnaître en lui, d’une 
manière indubitable, un animal connu depuis longtemps, car 
il est décrit par Linné; l'Acarus fileur ( Acarus telarius), 
ainsi nommé des nombreux fils blancs qu'il dépose sur 
les végétaux dont il fait son habitation. L'observation de 
M. Fléchet a cela d'intéressant qu'elle montre la Vigne en- 
vahie à Lyon, par un animal qui d'ordinaire , attaque d'au- 
tres végétaux el particulièrement le tilleul, auquel il est 
bien reconnu qu'il ne fait aucun mal. 


« C'est à lui pourtant, que M. Fléchet attribue exclusive- 
ment la maladie de.la Vigne, comme M. Robineau-Desvoidy 
avait attribué sa cause première à un acarus décrit par lui 
dans les comptes-rendus de l'Académie de Paris, et par 
moi dans ceux du Congrès d'Orléans { vous avez bien voulu 
insérer ce dernier rapport dans la Guienne . à la fin de 1851). 


Or, ces deux acarus fort distincts { car l’un est jaunätre et 
allongé et l’autre rouge-groseille et globuleux } n'ont paru 


(1) Docteur Léon Dufour, Actes de la Société Linnéenne, Tome 
XVIIL, pag. 41. 


( 356) 
ni Pun ni l’autre sur les vignes du Bordelais, et pourtant, 
nous le savons trop, elles ont été malades ! 

» Il est vrai que M. Fléchet déclare que « cet atôme a été 
mal nommé en l'appelant oëdium, parce qu’au lieu d’être 
une végétation parasite, c’est un animal nuisible ». Ceci 
veut dire en bon francais, que les naturalistes ont pris un 
animal pour un végétal, un acarus qui se meut pour un 
champignon qui ne peut se mouvoir, en un mot, que les 
naturalistes n’entendent absolument rien à l’histoire natu- 
relle. 

» En vérité, si les naturalistes avaient commis une erreur 
aussi lourde , je ne pourrais les excuser aux yeux de M. 
Fléchet, qu’en le priant de remarquer : 

» 4.0 Qu'il a pris un acarus pour un insecte, c'est-à-dire, 
qu'il à pris un animal qui a huit pattes, qui ne fait que 
changer de peau en grandissant , qui ne passe pas par l’état 
de larve ou de ver, — pour un animal qui n’a que six pat- 
tes, qui ne change pas de peau, mais bien de formes, 
c'est-à-dire, qui subit des métamorphoses et qui passe par 
l'état de larve ou de ver avant de devenir insecte parfait. 

» 2,0 Que, puisqu'il a observé des acarus et des vers, ce 
sont deux animaux différents, appartenant à deux classes 
différentes , et non un seul animal à divers âges, qu'il a 
observés et décrits. 

» 9.0 Qu'en nommant « de son propre mouvement » (sic) 
cet animal acarus arachnide, il a prouvé que la nomen- 
clature de l’histoire naturelle lui est aussi parfaitement 
étrangère que les principes de cette science; car, l’acarus 
fait partie de la classe des arachnides de Lamarck, et on 
ne peut pas lui donner pour nom spéafique, le nom de sa 
classe : c'est comme si, pour distinguer un perroquet d'un 
autre , on l’appelait perroquet oiseau. Îl est vrai, qu'une 
bruyante fanfare d'appellations empruntées à Ja zoologie 


( 357 ) 
sert de carillon à ce singulier baptême scientifique : elle dit 
que cet acarus est de la nature des ixodes, « familles 
arachnides » acarides, presque semblable au genre Sar- 
copte » ; mais qu'est-ce que cela prouve, si ce n’est qu'il y 
a des phrases intraduisibles ?. .. ce sont celles qui ne pré- 
sentent aucun sens précis. 


» Encore une fois, Monsieur le Rédacteur, si les natura- 
listes ont commis la faute que M. Fléchet leur reproche, il 
faudra croire que l’histoire naturelle porte malheur à tous 
ceux qui s’en mêlent ! 

» Je ne veux pas dire par là que la publication de l’acarus 
jaune ne montre une des faces de la redoutable maladie de 
la vigne, comme l'oïdium, vrai végétal, vrai champigucn, en 
montre une autre | la plus répandue et la plus terrible ), 
comme la maladie noire en montre une troisième ; et c’est 
précisément de cette variété de formes, de symptômes , que 
plusieurs naturalistes et viticulteurs tirent une conclusion, 
à savoir que la Vigne est en ce moment atteinte d’une pré- 
disposition maladive qui la rend susceptible d’être, plus 
qu'à l'ordinaire, attaquée par les parasites animaux ou 
végétaux. 


» Il est possible que l’acarus jaune très-multiplié, fasse du 
mal aux vignes lyonnaises , comme le croit M. Fléchet , et 
comme il l’a très-ingénieusement expliqué physiologique- 
ment et chimiquement; mais les Vignes sont malades à 
Bordeaux et dans mille endroits où cet acarus n'existe pas. 
Donc, il n’est pas la cause de la maladie de la vigne ! Donc 
encore, le remède proposé par M. Fléchet pour détruire 
l'acarus, remède imité de celui qui a réussi au célèbre 
Audouin pour détruire la pyrale, n’affranchira pas nos 
vignobles du fléau qui les menace ! Donc enfin (et ceci 
s'adresse à d’autres qu'à M. Fléchet }, le remède qui ne 


( 3558 ) 
détruirait que l'oidium , ne nous délivrerait que d'une des 
faces de la maladie , et non de la maladie elle-même ! » 

Comment admettre d’ailleurs que l'oïdium soit une pro- 
duction insectifère à l’origine ? 

L'oïdium est un végétal parfaitement organisé et ne peut 
être le résultat ni de la piqüre, ni d'aucune autre manœu- 
vre d'insectes. Les Cynips, le Puceron laniger, les Coccus 
et plusieurs acarus, occasionnent sur les plantes, il est vrai, 
des altérations, telles que le bédégar, les galles et autres 
excroissances , mais la loupe ni le microscope ne révèlent 
dans l’intérieur de ces parties altérées aucune trace auto- 
nome ; on y découvre seulement des nids, des filaments, 
des perforations , des œufs ou des larves, tandis que dans 
l'oïdium, on trouve le mycelium , c’est-à-dire la souche, le 
tronc ; puis le sporange qui enveloppe les spores ; enfin les 
spores {ou sporules ) elles-mêmes qui sont les graines. On 
a donc réellement un végétal, et comme jamais un végétal 
n'est produit par l’action d'aucun insecte, on ne peut faire 
intervenir ni insecte ni arachnide comme cause de la ma- 
ladie actuelle de la vigne. 

L'insectomanie est à l'ordre du jour, et toute excrois- 
sance , toute anomalie , toute difformité végétale est encore 
toujours attribuée à des insectes : de là, l'opinion qui a été 
émise et soutenue au sujet de l’oidium. La Société Lin- 
néenne a été consultée à l'occasion de ceps de vigne qui 
présentaient des excroissances dans lesquelles on aurait pu 
chercher quelque relation avec la maladie de la Vigne (1). 


pos EURE ‘net 


(1) Ces ceps de vigne venaient du département de la Vienne et 
avaient été donnés par M le comte de Monbadon. 

M. le docteur Lafargue , secrétaire-général a observé à Sadirac, 
canton de Créon ( Gironde), un vignoble dont les ceps offraient des 
tumeurs semblables à celles dont il est ici question. Ces vignes avaient 
peu de sarments ; ceux-ci étaient courts et grêles, leurs feuilles 


( 359 |} 

M. Laporte nous fit à ce sujet un rapport important dans 
lequel il disait : « Quand bien même on aurait constaté que 
» des myriades d'insectes sont venus de je ne sais où et 
» d'une manière que j'ignore , je dirais que ces animaux 
sont entièrement étrangers à la maladie de la vigne. 

« J'appuierai cette conviction d’une seule observation : 

« Les insectes qui vivent aujourd’hui aux dépens de la 
» vigne, y ont toujours vécu depuis plusieurs siècles et cela 
» toutes les années, sans interruption et sans avoir occa- 


» 


» sionné d'autres dégâts que ceux qui nous ont été toujours 
» parfaitement connus, tandis que l’oïdium n'a été observé 
» et étudié que tout récemment ». 

Notre correspondant , M. le D.r Léon Dufour, consulté 
également par la Société Linnéenne , pour les mêmes ceps 
de vignes qui étaient chargés de l’excroissance , tant dans 
les souches qu'à l’origine des sarments, nous répondit la 
lettre suivante que nous croyons devoir reproduire presque 
en entier, parce que son opinion est décisive pour nous : 

« J'ai arraché et brisé avec beaucoup de précautions la 
» plupart de ces excroissances pour en connaître et le mode 
» d'insertion et la structure intime et les insectes s’il y en 
» avait, — J'ai eu le soin de faire cette dissection sur un 
» large papier blanc afin que tout ce qui tomberait fût de 
» Nouveau soumis à un examen scrupuleux , soit à l'œil nu, 
» soit avec le secours de lentilles amplifiantes. Voici les 
» résultats de cette investigation : 

« Ces excroissances irrégulièrement tuberculeuses et ses- 
» siles sur une large base, sont tantôt isolées et de la gros- 
» seur d’une demi-noix , tantôt confluentes et d’une dimen- 
» sion variable. Elles ne présentent intérieurement aucun 


présentaient une teinte jaune. Ce vignoble a produit peu de raisins 
et a été faiblement atteint par l’oïdium. 


C2 


3 


> 


( 360 ) 

des traits caractéristiques des galles ou uniloculaires ou 
multiloculaires. — Elles n’ont avee les galles ligneuses 
du chêne décrites et figurées par. Réaumur, qu'une faible 
et insidieuse ressemblance. — Ainsi elles ne sont l’œuvre 
d'aucun Cynips, d'aucun Diplolepis, d'aucune Cecido- 
mya. On ne saurait y voir qu'une extravasation informe 
de la sève diffuse des couches sous-corticales du végétal , 
un développement anormal et excentrique de ce tissu 
dégénéré, une Hypertrophie par irritation nutritive. Elles 
représentent en petit ces énormes tumeurs inégales, ru- 
gueuses et plus ou moins renversées en dehors qui s’ob- 
servent dans les foréts sur les troncs des chénes et qui ne 
nuisent point à la croissance de ceux-ci. — J'ai confirmé 
la justesse de votre remarque relative à l'état sain du 
tissu sous-posé aux excroissances des ceps communiqués. 
Il n’y existe en effet aucune altération sensible texturale, 
aucune différence appréciable avec ce même tissu dans les 
parties qui ne supportent pas d’excroissances. Ces sortes 
de sarcômes ne semblent donc se produire qu'aux dépens 
des fibres ligneuses superficielles ou périphériques. Ils ne 
gagnent point vers l'axe du bois et n'intéressent en rien 
le conduit médullaire des sarments. Les bourgeons ense- 
velis dans leur bourre offrent tous les signes d’une bonne 
vitalité. 

» Que les viticulteurs se rassurent donc sur le pronostic 
de ces tumeurs multiloculaires de la vigne ! — Il est pré- 
sumable qu'elles sont plus fréquentes qu'on ne l'avait cru 
jusqu'à ce jour. — Leur nombre et leur grosseur doivent 
varier suivant la nature du terrain, l'exposition, l'espèce 
et peut-être le mode de culture. — Qu'y aurait-il d'irra- 
tionnel à penser que ces excroissances pourraient devenir 
dans le cas d’exubérance de la sève , une végétation révul- 
sive ou déplétive, une sorte d’émonctoire où moyen d’éli- 


A 


= 


» 


( 561 } 

mination ? La nature est si féconde en procédés de conser- 
vation ! Il serait curieux, il serait bien intéressant de sa- 
voir si les pieds de vigne ainsi hypertrophiés sont moins 
sujets à la maladie du raisin que ceux qui, dans des con- 
ditions analogues de sol et d'exposition, sont dépourvus 
de ces anomalies. Il conviendrait d'appeler sur ce point la 
sérieuse attention de ce viticulteur de la Vienne qui a trans- 
mis à notre Société Linnéenne ces ceps de Vignes avec les 
excroissances considérées comme une maladie. 

» À une époque où une funeste épidémie a sévi sur les 
raisins de tant de contrées, où les sollicitudes , les préoc- 
cupations du vigneron s’éveillent de toutes parts, il n’est 
pas étonnant que l'esprit d'investigation stimulé par le 
puissant aiguillon de l'intérêt devienne ingénieux à se 
créer de sinistres interprétations, à s’en exagérér les 
conséquences , à voir partout un germe de destruction. 
Encore une fois, rassurez-le donc sur la véritable appré- 
ciation de ces exubérances végétatives de la vigne , de ces 
sortes d’exostoses qui ne compromettent point le cœur 
du cep. 


» Abordons maintenant la question entomologique : cher- 
chons les insectes ou les vers dont vous m'aviez signalé 
l'habitat dans ces excroissances. Malgré ma longue habi- 
tude de ces sortes d’investigations, je n'ai su y découvrir 
que plusieurs individus d’une seule espèce de larve. Ces 
larves ne se trouvent que dans celles de ces excroissances 
qui sont mortes et en voie de décomposition. D'un blanc 
à peine jaunâtre et dépourvues de toute villosité , glabres 
en un mot, elles ont tout au plus une ligne de long, sont 
cylindriques , grêles, comme un fil, sans tête ni pattes, 
ni même de ces mamelons ambulatoires appelés pseudo- 
podes. Elles n'ont que deux paires de stigmates, ou ori- 
fices de la respiration, l’une antérieure , Fautre posté- 


# 


ÿ 


2 
CA 


Li 


( 562) 

rieure , et une loupe bien servie, constate à travers la 
pellucidité du tégument les troncs trachéens latéraux qui 
vont de l'une à l’autre de ces paires de stigmates sans in- 
terruption. A ces traits généraux il est permis de juger 
que ces larves appartiennent à un diptère de la popu- 
leuse famille des Muséides, et elles ont beaucoup d'’ana- 
logie avec celles du genre Drosophila dont les espèces de 
petite taille, placent leur progéniture dans les végétaux 
décomposés et en fermentation. Je me plais à le répéter, 
ces larves sont tout-à-fait étrangères à la production de 
nos excroissances ; c'est seulement à titre de locataires 
qu'elles les habitent. Comme à la plupart de leurs congé- 
nères , il leur faut la mort, la pourriture du tissu végétal 
pour trouver leur condition de vie et de prospérité. 

» En épluchant les débris décomposés de ces excroissan- 
ces, j'eus la bonne fortune d'y découvrir deux chrysali- 
des. Je crus d'abord , en ne considérant que leur cohabi- 
tation avec les larves, qu’elles pouvaient bien n'être que 
le second âge de celles-ci, — Avec quelles précautions, 
quelle sollicitude je séquestrai, dans un domicile appro- 
prié, ces tendres et mystérieuses nymphes, pour ne point 
offenser la délicatesse de leur texture ! Voyez si ma bonne 
étoile m'a bien guidé ; hier , j'ai eu l'indicible satisfaction 
d'assister à l’évolution , à la métamorphose d'une de ces 
chrysalides en un diptère aiîlé, en un frèle moucheron 
vif et alerte, de deux millimètres à peine de longueur 
et presqu'insaisissable.. mon bonheur pouvait défier ce- 
lui de l’avide californien à la vue de son morceau d'or si 
convoité. — Mais au lieu d’une muséide c'est » une tipu- 
laire que la loupe me révéla. Par cette éclosion, j'acquis 
la certitude que la chrysalide et la larve appartiennent 
à deux groupes fort dissemblables de diptères. Cette ti- 
pulaire, dont il serait oiseux dans la question qui nous 


( 563 ) 
» occupe, de déterminer l'espèce, se place dans le genre 
» Sciara du savant livre de Meigen ». 

Cependant, s’il est parfaitement prouvé que les insectes 
n'ont rien de commun avec l'oïdium, ni avec plusieurs 
maladies passagères de la vigne , nous ne devons pas nier 
qu'ils ne puissent produire parfois des désastres réels sur 
nos vignobles. ; 

Parlons d’abord, de l’altise ou puce de terre ( Altica 
oleracea ).— Cet insecte remarquable par sa couleur bleue 
métallique , a fait cette année quelques ravages sur certains 
vignobles et quelques jardins de notre département. Ordi- 
nairement il apparaît vers la fin d'Avril, s'attache aux pam- 
pres naissants ou jeune bois, et surtout à la grappe dont il 
ronge le pédicule. En Mai, il s’accouple ; au commencement 
de Juin il dépose ses œufs sur le revers des feuilles, et à la 
fin de ce dernier mois | Juin) la larve sort de l'œuf, se loge 
dans le parenchyme et ronge aussi les feuilles qui deviennent 
rouges et desséchées. En Août, il subit au pied du cep sa 
dernière métamorphose. Il fatigue donc les vignobles sous 
sa double forme ; les journées froides de Septembre le font 
disparaître. 

Les vignes attaquées par cette chrysomèle semblent avoir 
subi l’action du feu. Les vignes des environs de Montpellier 
en souffrirent grandement en 1837 (1). 

M. Cazalis-Allut, assure même que lorsque ces insectes 
envahissent une vigne et que l'on ne contrarie pas leurs 
ravages , ils n'y reparaissent plus. On voit, au contraire, 
qu’ils prolongent leur séjour dans le vignoble où la chasse 
leur a été faite régulièrement. Il parait qu'en diminuant 
leur nombre on réduit encore plus celui des parasites qui 


(1) Voyez Macquart : Arbres el arbrisseaux d'Europe, article 
VIGNE. 


( 364 ) 

leur font la guerre. On voit donc, en cette circonstance, 
qu'avant d'agir il faudrait s’efforcer de comprendre les lois 
de la nature. Quand les insectes se trouvent dans un petit 
espace de terrain, on est assuré que les arrosages avec les 
décoctions de plantes âcres, de tabac. de feuilles de noyer, 
et de sureau , ou le décocté de suie, l’eau de lessive, les 
font fait encore disparaître. 

On a aussi employé pour opérer leur destruction une eau 
préparée, de l'invention de M. Tatin, de laquelle nous 
allons donner la composition. 

« Prenez : savon noir, 2 livres ‘/,; — fleur de soufre, 
2 livres ‘/,; — champignons-des bois ou de couche, 2 liv. 

On met dans un tonneau trente pintes d’eau dans laquelle 
on délaie le savon noir, et on jette les champignons après 
les avoir légèrement écrasés; on enveloppe le soufre dans 
un petit sac de toile claire, que l’on place au fond d’un 
chaudron dans lequel on verse trente pintes d’eau, on met 
sur le feu, et on fait bouillir avec la précaution de remuer 
constamment, et d'appuyer de temps en temps un bâton 
sur le sac de soufre , afin d'en imprégner l’eau. Lorsqu'on 
voit qu'elle a pris couleur, on jette cette eau dans celle qui 
qui est déjà dans le tonneau , et on laisse fermenter le tout 
jusqu'à ce que la composition ait pris une odeur fétide ; ce 
n’est qu'alors que l’on peut s'en servir avec tous ses avan- 
tages, et plus elle est vieille, meilleure elle est; comme 
cette composition n’est pas très-coûteuse, on peut en bas- 
‘siner tous les jeunes semis, et par son moyen en éloigner 
non-seulement les altises, mais encore tous les insectes 
malfaisants » (1). 

D'autres ont prétendu réussir à les détruire par une sorte 


(4) Voy. Manuel du Destrucleur des animaux nuisibles, par 
Vérardi, 2e édit 1854, page 218. 


PR sp 


(565) 
de petit chariot ou brouette recouvert de glu ou de goudron 
et que l'on fait circuler en tous sens parmi les plantations, 
et si les insectes effrayés sautent sur cet enduit, ils y restent 
attachés. Nous ne croyons guère à l'efficacité de ce singulier 
moyen. 

Un autre insecte { Eumolpus vitis Fabr. }, nommé aussi 
coupe-bourgeons, vendangeur , écrivain, diableau, gribou- 
ri, pique-brocs, berdin, etc., vient également exercer des 
ravages vers l'époque où les feuilles de vignes commencent 
à paraître. Il les ronge et coupe les jeunes bourgeons ; on 
a vu la larve pénétrer dans les raisins et achever la destruc- 
tion de ce qui avait été épargné. Lorsque la grappe est en 
verjus , l'Eumolpe commence à attaquer les grains, y cause 
des gerçures et des crevasses. À la fin de l’été l’insecte des- 
cend aux racines et s’en nourrit, assure-t-on, pendant l’hi- 
ver. 

On prétend aussi que l'Eumolye séjourne pendant trois 
ans dans les mêmes vignobles , après quoi il disparaît entiè- 
rement sans cause connue. 

La Commission ayant observé relativement à l'habitat des 
insectes qui se trouvent sur la Vigne, des faits identiques 
à ceux qu'a remarqués M. Macquart, nous croyons devoir 
extraire textuellement certains passages de l’excellent ou- 
vrage du célèbre entomologiste de Lille. Voici ce qu’il men- 
tionne au sujet des colèoptères : 


« Agriotes pilosus Fab. — La larve de ce Sternoxe se déve- 
loppe sous les écorces cariées. 

» Agrilus derasofasciatus Ziegl. — La larve de ce Sternoxe, 
sans doute comme l’Agrilus viridis, vit en société 
entre l'écorce et le bois, et se creuse des sillons 
tortueux , dirigés dans tous les sens. Lorsqu'elle 
a acquis tout son développement, elle se forme 


{ 566 ) 

dans le bois une petite cavité où elle passe à l'état 
de nymphe. Enfin, elle prend la forme adulte, 
et elle fait à l'écorce une petite ouverture par la- 
quelle elle s'échappe. 

» Agrilus viridis Fab. — Ibid. 

» Tillus tricolor Fab. — Ce térédile vit dans les vieux sar- 
ments morts. 

» Tillus unifasciatus Fab. — Jbid.. 

» — elongatus Fab. — Ibid. 

» Anobium morio Fab. — La larve de ce térédile se déve- 
loppe sous l'écorce. 


» Lethrus cephalotes Fab. — Ce lamellicorne est fort nuisi- 
ble aux vignes de la Hongrie, en coupant les 
“bourgeons, qu’il porte ensuite dans son terrier. 
» Anomala vitis Fab.— La larve de ce lamellicorne se nour- 
rit des racines. 
» Anomala Julii Fab. — Idid. 


» Anaspis maëulata Foure. — La larve de cet hétéromère 
se développe dans les sarments morts. 


» Rhynchites betuleti Linn. — Ce curculionite contourne 
les feuilles en cylindre, et pour exécuter cette 
manœuvre , il les assouplit en rongeant et affai- 
blissant le pédicule; ensuite il dépose un œuf 
dans l’intérieur de ce cylindre. La larve qui en 
sort se nourrit de la substance de la feuille demi- 
desséchée et y trouve un aliment qui n'est ni 
trop sec ni trop humide. Lorsque son développe- 
ment est terminé comme larve, il quitte sa re- 
traite. Cependant les feuilles desséchées pendent * 
de tous côtés, donnent à la vigne un triste 
aspect et sa végétation en est quelquefois très- 
affectée. Un moyen à employer contre les ravages 


( 367 ) 

de cet insecte, consiste à cueillir les feuilles cou 
tournées de la Vigne et à les brüler pour détruire 
la larve dans son berceau ; on prévient ainsi une 
ponte nouvelle. Un autre moyen consiste à re- 
cueillir l’insecte parfait, et on le peut avec facilité, 
tant il frappe les yeux par ses couleurs brillantes. 

» Rhynchites viridis F. ) Ils sont moins nombreux que le R. 

» Rhynchites Bacchus L.)  Betuli, et font moins de tort. 

» Magdalis violacea German. — Le développement de ce 
charançonite n’est pas connu. 

» Apale dentata. 

» —  sinuala. 

» Phytæcia vitigera Mulsant. — La larve de ce longicorne 
se développe dans l’aubier. 

s Abe teracen LINE Se, 2 du urlie Sie 

RAIDE MS CROP PES RENTE DA de ES Rp 

» Chrysomela lurida Fab. 

DR UPRODIES DITES ON ee Re na le cote 2h 

» Cryptocephalus coryli Fab. 

» Bromius vitis Fab.— La larve de cette chrysoméline n’est 
pas connue. 

» Graptoreda vitis. — Même observation. ». 


ORTHOPTÈRES. 


Locusta ephippiger Fab. — Cette sauterelle, dit M. Mac- 
quart, cause quelquefois de grands dégâts dans 
les Vignes, mais nous ne croyons pas que les 
vignobles de notre département aient jamais eu à 
souffrir des attaques de cet insecte. 

Les Perce-oreilles { Forficularia auricularia et minor ) 
se cachent pendant le jour parmi les grains de raisin. 

Quant aux Grillons et aux Mantes qui, par suite de pré- 
jugés, sont regardés , les premiers, comme présage de bon- 


( 568 ) 
heur, et les autres comme signe de malheur, ils sont 
inoffensifs à la vigne. 

De tous les hémiptères, le Coccus vitis est l'un de ceux 
qui attaquent plus particulièrement les treilles. Les femelles 
de ce Galle-insecte sont remarquables parce qu’elles placent 
leurs œufs entre la peau de leur abdomen et le duvet coton- 
neux dont elles sont toujours entourées et qu'elles se vêtent 
ainsi elles-mêmes. : 

Les treilles qui sont infectées de ces insectes, languis- 
sent, le sarment dépérit, et le raisin se dessèche sans mû- 
rir. La taille est le meilleur moyen curatif. 


Il a été adressé il y a quelques mois, à la Commission 
de la maladie de la Vigne, des feuilles-provenant d’une treille 
située dans la cour d’une maison de Bordeaux. Celui qui 
avait envoyé ces feuilles demanda si ce ne serait pas là la 
cause de l’oidium. — On lui répondit négativement comme 
il est facile de le penser. 

La Commission entomologique , consultée pour détermi- 
ner si c'était réellement des Coccus, trouva dans ces nids 
quelques insectes à l’état parfait qui étaient bien des Coccus 
vitis, et en outre des nymphes et des larves parfaitement 
vivantes. 


Parmi les hyménoptères , les Guêpes, les Frelons, les 
Bourdons, s’attachent seulement aux treilles et aux raisins 
doux. 


Les observations de M. Macquart au sujet des lépidoptè- 
res ampélophages sont encore faites avec trop de soin , pour 
que nous ne nous empressions pas de les citer. Voici donc 
d'après ce savant entomologiste, le nom des lépidoptères 
vitivores : 


« Deilephila elpenor L.— La chenille de ce Sphingide a les 
trois premiers segments du corps rétractites ; elle 


( 569 } 
se métamorphose à la surface du sol dans une 
coque informe composée de débris de végétaux 
réunis par des fils. 
» Deilephitia celerio Linn. — Jbid. 


_» Procris ampelophaga Hubn. — Cette zygénide , dans l'état 
de chenille, est épaisse, ramassée, garnie de pe- 
tites aigrettes, lente dans sa marche. Pour se 
transformer , elle se renferme dans une coque 
soyeuse d'un tissu léger. Elle a fait quelquefois 
de grands dégâts dans les vignobles du Piémont. 

» Teras reliquana Zell. — La chenille de cette platyamide 
roule les feuilles en cornet et s'en nourrit. 


» OEnophthiria (pyralis) pilleriana W. W.— C'est cette fu- 
neste Pyrale de la Vigne qui commet quelquefois 
d'immenses dégâts dans les vignobles, et qui a été 
l'objet d’un grand nombre de travaux pour y por- 
ter remède. La femelle, vers le mois d’Aoùût, dé- 
pose ses œufs par tas d'environ soixante sur la 
surface supérieure des feuilles. Les chenilles ,-de 
suite après leur éclosion , au mois de Septembre, 
cherchent un abri pour y passer l'hiver, sous l’é- 
corce du tronc et de préférence dans les fissures 
et fentes de vieux échalas, surtout de la partie in- 
férieure. Au retour du printemps, lorsque la nou- 
velle végétation se développe, les chenilles sor- 
tent de leur retraite , se répandent sur le feuillage, 

” enlacent de leurs innombrables fils les bourgeons, 
les jeunes feuilles et les fleurs à mesure qu'ils se 
succèdent, de manière à s’en former un réduit 
inextricable où elles trouvent à la fois un abri 
et la nourriture tandis qu'elles portent ainsi la 
dévastation dans les vignobles. Elles se transfor- 

Tome XIX. 26 


{ 370 } 

ment ensuite et elles parviennent à l'état adulte 
pour déposer le germe d’une nouvelle génération. 

» Les principaux moyens qui ont été employés 
contre ces ravages, consistent à détruire les che- 
nilles et les chrysalides en recherchant leurs nids ; 
les papillons, en allumant des feux la nuit 
dans les vignes (1); les œufs, en cueillant les 
feuilles qui en contiennent. C’est ce dernier moyen, 
proposé par Audouin, qui présente le plus d’avan- 
tages (2). Il a été observé aussi que les Vignes 
munies d'échalas neufs , c'est-à-dire sans fissu- 
res, sont toujours beaucoup moins attaquées. 


» Du reste, les chenilles s’éloignent peu du lieu 
de leur naissance et les dégâts qu'elles commettent 
individuellement , sont fort circonscrits. 


» L'un des moyens les plus efficaces pour dé- 
truire les jeunes chenilles, est de verser sur chaque 
cep de l’eau bouillante, qui, pénétrant dans toutes 
les fissures de l'écorce, va brûler ces chenilles 
jusques dans leurs retraites les plus profondes. Ce 
procédé, imaginé par M. Raclet, de Lyon, a été 
employé en grand par M. Gasparin avec beaucoup 
de succès et à peu de frais ». 


D'après un célèbre viticulteur , M. le comte Odart, ce 
serait particulièrement en 1837, que la Pyrale aurait été 


(1) 200 feux produits par autant de plats munis d'huile et de mèche 
allumée , placés dans une vigne d’un hectare et demi, ont causé la 
mort à 30,000 Pyrales qui en auraient produit 900,000. 


(2) 12 journées de 20 à 30 travailleurs ont suffi pour recueillir 
40,182,000 œufs. 


( 371 ) 
une véritable calamité pour les vignobles d'Argenteuil, près 
Paris. 

Les départements de la Côte-d'Or, de la Haute-Saône et 
de Saône-et-Loire, invoquèrent alors les lumières de l’Aca- 
démie qui envoya des Commissaires , lesquels après avoir 
constaté l'étendue des dégâts, en recherchèrent les causes 
et reconnurent bien qu'ils provenaient de la Pyrale. 

Comme moyen de destruction, M. Laporte a indiqué que 
des cordes euduites de miel et tendues dans les vignobles, 
avaient élé employées avec succès pour y attirer la Pyrale 
et que même en ajoutant à l’enduit sucré une substance 
agglutinative , les lépidoptères y demeureraient fixés. 

Ce moyen sera à expérimenter de nouveau dans les loca- 
lités où la Pyrale pourrait se montrer. 

En cette circonstance comme toujours le meilleur re- 
mède contre les ravages des insectes ne serait point , à no- 
tre avis, la destruction : il consisterait à trouver une plante 
dont les émanations spéciales ou toute autre propriété ferait 
fuir les insectes, ou un autre végétal qui, les attirant, les 
écarterait de la vigne; ce serait là un moyen d’antagonis- 
me ou d'attraction, tandis que la destruction peut avoir 
pour résultat un mal pire que le premier. 

Qui sait même si la maladie actuelle de nos vignobles ne 
provient pas d’un excès des soins dans la culture, par les- 
quels on détruit tout ce qu'on croit la fatiguer. 


Passons maintenant aux autres Lépidoptères ampélopha- 
ges, mentionnés par M. Macquart. 


» Tortrix heparana W. W. 


» Tinea vitis H. — La chenille est connue sous le nom de 
Ver-rouge, et produit la maladie nommée pour- 
riture ; elle se nourrit de la substance des grains. 


» Tinea vitisella Bechst. 


( 372 ) 

» Cochylis roserana Frobhl. — La chenille de cette Tinéïde, 
dans certains cantons, est presque aussi nuisible 
que celle de la Pyrale ». 

Les mœurs de tous ces insectes sont parfaitement connues 
et répétons-le bien aussi, ces animaux ne sont pour rien 
dans la cause de l'oïdium. 

Nous ajouterons que dans notre département la chenille 
de Chelonia purpurea qui se montre sur nos vignes à 
l'époque où commencent à paraître les bourgeons et les jeu- 
nes feuilles, ne cause que peu de dommage parce qu'elle 
n’est pas excessivement répandue, mais les dégâts qu’elle 
exercerait deviendraient considérables si cette Chélonide ar- 
rivait à être trop commune. 

Quant au pauvre Acarus vitis, qu’on ne l’accuse point, 
car nous pouvons affirmer qu'il est entièrement inoffensif, 
et lors même qu'il pourrait être funeste , son extrême rareté 
l'empêcherait d'exercer de grands dégâts 

Qu'on n’accuse pas non plus d’autres arachnides et qu’on 
se garde surtout de les faire disparaître , car elles détruisent 
en grand nombre les insectes vitivores. 

L'espèce qu'on rencontre le plus fréquemment dans les 
vignes, est le Théridion bienfaisant, Theridion benignum 
de Walckenaër, qui établit ordinairement une toile irrégu- 
lière et très-fine entre les grains de raisin. 

C'est avec raison qu'on à donné l’épithète de bienfaisant 
à cette petite araignée ; nous l'avons principalement ren- 
contrée sur des raisins oïdiés où elle était venue faire la 
chasse aux insectes. 

La maladie du raisin , que les Romains appelaient aranea, 
n'est pas plus causée par une araignée qu’elle n’est elle- 
même l'oïdium. Voici ce qu'en dit M. le comte Odart : 
« M. Vallot a parfaitement démontré que la teigne de la 
» grappe et la teigne de la vigne, dont les Modernes à l'imi- 


( 375 ) 
» tation des Anciens , avaient fait deux espèces différentes , 
» sont une seule et même espèce de chenille, ayant seize 
» pattes, et qui paraît à cet état où elle est connue sous le 
» nom de ver, deux fois l’année; au printemps, à l’époque 
» de la floraison de la vigne où elle fait le plus de dégâts, 
» et à l'automne, au mois de Septembre, où on la trouve 
» soit à l'intérieur des grains de raisin, soit entre ces 
» grains, réunis par des fils de soie, ce qui avait fait don- 
» ner, par les Romains, à cet insecte , le nom d’aranea ». 

C'est donc de la Pyrale qu’il est question et non de l’oi- 
diam, comme le prouve’ encore plus clairement le passage 
suivant : 

« Les larves de cette dernière époque passent l'hiver en 
» cet élat dans des coques soyeuses, appliquées sous les 
» vieilles écorces gercées ou dans les fentes des vieux écha- 
» las. Elles paraissent en Avril et Mai selon la température, 
sous la forme de papillon d’un blanc jaunâtre. La ponte 
» du mois de Juillet se fait devant les interstices des grappes 
» Lapissées de fils, et jamais sur les feuilles qui leur servent 
de nourriture ». 

Il est clair que l’aranea des Anciens n’est donc point 
l'oïdium. ; 

La Commission a observé sur les vignes bien d’autres in- 
sectes ; mais elle s’est contentée pour le moment de citer 
les noms de ceux qui passent pour causer le plus de dom- 
mage, car il s'agirait au préalable de différencier ceux qui 
se trouvent sur celte plante pour lui nuire, de ceux qui 
viennent y faire la guerre à d'autres animaux de la même 
classe. 


DA 


IL. 
TERMITES LUCIFUGE (Termes lucifugum Rossi ). 


Les Termites sont des névroptères qui n'avaient d’abord 

été observés que dans les climats chauds et qui , par suite 
de l'importation de marchandises ou de bois étrangers, se 
sont répandus dans plusieurs contrées dont le climat est 
tempéré. Ils se sont montrés depuis plusieurs années à Ro- 
chefort et dans ses environs et sont venus, en 1853, com- 
mencer à exercer des ravages dan$ notre département. 
. Linné regarde les Termites comme le plus grand fléau 
des deux Indes. Il est certain qu’en bien des occasions ils 
sont excessivement nuisibles et qu'en très-peu de temps ils 
peuvent dévorer les charpentes , les planchers et toutes les 
boiseries d'un édifice. 

M. Sméatmann qui avait passé plusieurs mois en Guinée 
où il avait recueilli des observations sur les Termites et sur 
leurs mœurs , lut en 1781 , à la Société royale de Londres, 
un mémoire très-intéressant sur ces animaux, encore plus 
industrieux que les abeilles et les fourmis. 

« M. Sméatmann considère les ‘Termites, comme un 
» utile instrument de la Providence , qui se sert d'eux pour 
» détruire tous les” débris des végétaux, afin de les faire 
» concourir de nouveau au système général de reproduction 
» des êtres. Il faut convenir , en effet, que lorsqu'un arbre 
» tombe de vétusté, commence à se pourrir et qu'il embar- 
» rasse inutilement la terre de sen poids et de sa masse, si 
» les Termites l’attaquent, il est bientôt réduit en pous- 
» sière ; que si les nègres abandonnent une case, un vil- 
» lage, une ville même, pour s'établir dans un autre lieu, 
» au bout d’un an il n’en restera plus le moindre vestige , 
» et qu'on est surpris après quelque temps de voir naître 


ee 


( 375) 
» des arbres sur un sol que couvraient de nombreuses habi- 
» tations ». 

Ce qu'il y a de sûr, c’est que les Termites, comme tous les 
insectes parasites , ne s’attaquent qu'au végétal déjà ma- 
lade dont ils semblent s'approprier la vie pour la transmet- 
tre à leur progéniture , car ils se multiplient d'autant plus 
que l'arbre est plus altéré. 

Dans les contrées où la nature les a primitivement placés, 
ces névroptères construisent leurs nids ou plutôt leur ville 
avec toute sorte de détritus qu'ils maçonnent avec de l’ar- 
gile gâchée; et cet édifice en cône s'élève jusqu’à 15 et 20 
pieds. 

M. Audouin fait remarquer « que la longueur des Ter- 
». mites étant de deux à trois lignes , et la hauteur de leurs 
» bâtiment de douze pieds {4 mètres) au moins, ces in- 
» sectes parviennent à former une éminence 400 fois plus 
» élevée que leur taille ; tandis que la plus haute des pyra- 
» mides égyptiennes n’a que 500 pieds (un peu plus de 
» 166 mètres) d’élévation; ce qui n’est pas 100 fois la 
» grandeur de l'homme ». 

Les nids sont d’une telle solidité que des voyageurs se 
sont assurés que plusieurs hommes pouvaient se soutenir 
sur ces monticules, sans les faire ébouler. Lorsqu'un trou- 
peau de bœufs sauvages vient paitre autour de ces habita- 
tions coniques , il est ordinaire d’en voir un ou deux mon- 
ter sur le sommet comme sur un observatoire d’où ils veil- 
lent pour la société commune. 

Si lorsque les Termites sont dans leur patrie originaire 
ils conccurent à maintenir l'harmonie de Ja nature , il est 
difficile encore de comprendre que dans les villes d'Europe 
ils puissent servir à quelque chose d’utile. 

Disons cependant que dans l'Amérique méridionale, on 
connait une espèce de fourmis ! Formica cephalote, de 


( 376 } 

Lin. }, qui voyage par bandes considérables ; à leur appro- 
che , chacun ouvre ses armoires de confitures et de provi- 
sions et sort ensuite de sa demeure pour laisser à la fourmi 
la liberté de chasser sur ses terres et de nettoyer la maison 
de tous les insectes qu'elle peut trouver. Après avoir ac- 
compli sa mission la colonie se retire d’une manière aussi 
inoffensive qu’elle s'était présentée. 

N'y aurait-il pas dans l'apparition des Termites une uti- 
lité mystérieuse comme dans celle des fourmis dont nous 
venons de parler ? 

Nous croyons que les habitants de l'Amérique ont été 
amenés à céder leurs maisons à ces hôtes destructeurs 
parce que l'expérience leur a démontré que chercher à les 
détruire ou les détourner, c'était s’exposer à attirer sur 
soi quelque fléau. 

Lorsqu'un animal d'assez forte taille vient d'être tué, on 
ne tarde pas à voir des insectes accourir de toutes parts, et 
des oiseaux de proie arriver d’une grande distance. Cepen- 
dant l'animal mort n’a pas encore la moindre odeur de dé- 
composition ; il ne dégage pas encore plus de miasmes ap- 
préciables à nos sens, qu’un autre animal de la même es- 
pèce qui dormirait. Mais ces carnivores ont depuis plusieurs 
lieues vu ou senti le cadavre, et ils accourent pour s’en re- 
paître et empêcher en même temps l'atmosphère de se cor- 
rompre. 

Pourquoi les fourmis voyageuses et tous les insectes qui 
marchent par colonies ne dirigeraient-ils pas leur émigration 
insolite et vagabonde vers les endroits où l'air est vicié, où 
la décomposition a lieu et où les épidémies vont sévir ? 

Ajoutons encore que les Termites ne font aux Indes au- 
cun dégât dans les plantations ou, du moins, n’y nuisent 
qu'en installant leurs nids sur certains arbres , tels que le 
Cacaoyer, le Roucouyer, etc.; mais là on ne les consi- 


( 3717 ) 
dère pas comme aussi dangereux que certaines fourmis et 
on ne les trouble guère dans leurs demeures. 

Ceci nous porterait à croire qu'ils préfèrent les arbres en- 
core sur pied et qu'ils ne se jettent dans les maisons que 
dans des circonstances exceptionnelles qu'il faudrait s’effor- 
cer de comprendre. 

On à remarqué aussi dans les pays chauds que l'appari- 
tion d'un grand nombre de Termites ailés annonce une 
pluie prochaine ; les ailes de ces Névroptères se détachent 
très-facilement, et tombent en abondance. La quantité de . 
ces ailes détachées est parfois tellement grande , qu'agitées 
par le vent, elles fatiguent les habitants des contrées où ils 
se trouvent. : 

Depuis quelques années les Termes lucifugum ont été 
importés dans l'Ouest de la France. Ils se sont répandus 
à Rochefort, à Saintes, à La Rochelle, et sur tous les 
points du département de la Charente-Inférieure où ils oc- 
casionnent les plus grands ravages. Des maisons, des bâti- 
ments entiers ont été minés depuis leurs fondements jus- 
qu'aux étages les plus élevés. Des planchers se sont écrou- 
lés au moment où l’on s’y attendait le moins. Ce qu'il y 
a de terrible, c'est que ces insectes fuient la lumière du 
soleil qui les tue, et ils n’émigrent et ne vont à la chasse 
qu’en se creusant des souterrains et des galeries qu'ils ta- 
pissent d'argile. Ils perforent et rongent les poutres et les 
solives qui soutiennent les maisons, ainsi que toutes les 
boiseries en ne laissant qu’une couche extérieure extrème- 
ment mince : si ces insectes n’ont pas le temps de consoli- 
der Jes poutres avec de l'argile, l'édifice est perdu. Si l'é- 
croulement n’a pas lieu, alors ils apportent de la terre 
glaise qui, en arrangeant leurs galeries, consolide les bois. 

Rien ne semble résister à ces animaux destructeurs : 
tout ce qui est en bois est l’objet de leurs attaques et il 


{ 378 | 
s'en prennent même au linge qui est entassé dans les armoi- 
res. Ils le percent et le mâchurent de manière à le rendre 
impropre à l'usage. A la préfecture de La Rochelle, les 
archives ont été complètement détruites et on est obligé 
aujourd'hui de les conserver dans des boîtes de fer blanc. 

Notre honorable collègue, M. Gassies, nous a fait une 
communication au sujet de deux maisons situées à Bor- 
deaux , qui ont été fortement attaquées par les termites. Il 
nous a même apporté quelques-uns de ces insectes qui 
_ étaient pleins de vie. Il nous a dit aussi qu'ils avaient percé 
des pierres et traversé ou plutôt détaché le ciment avec le- 
quel on avait voulu boucher un trou par lequel ils arrivaient 
dans une cave. 

Si les hyménoptères, en général, secrètent des substan- 
ces vénimeuses ou corrosives , il n’en est nullement de 
même des névroptères, ordre auquel appartiennent les 
Termites. Ce névroptère serait donc une exception puisqu'il 
secrète par l'anus, un liquide ayant la propriété de ramollir 
le bois avant qu'il l'attaque avec ses fortes mandibules, ainsi 
que l’assure M. Boffinet père. 

D’après Raspail (1), les Termes , après s'être insinués 
dans les coffres, dans les bois de lit, viendraient la nuit 
mordre et ronger les chairs de ceux qui dorment, mais il 
ne parle pas d'accidents qui en soient jamais résultés. 

Les nègres se préservent de leurs morsures , en se frot- 
tant le corps avec de l'huile de Palma-Christi, ou de laman- 
ün. Pour en.garantir leurs demeures , ils construisent leurs 
cases sur un lit de briques ou au-dessus de piédestaux de 
pierres. S'ils les suspendaient aux branches d'arbres ou 
sur des poteaux en bois, les Termites parviendraient jus- 


(4) Hist. nat. de la santé et de la maladie chez les végétaux et 
chez les animauxæen général. Tom. 2, 


( 379 ) 
qu'aux habitants en creusant leurs galeries entre l’aubier et 
l'écorce. 


Ces insectes respectent le bois de citronnier, celui d'aca- 
cia ainsi que les bois enduits de goudron et les lettres im- 
primées des livres, dont ils ne dévorent que le papier. 


D'après ce qui nous a été communiqué par M. Gassies, 
leur apparition à Bordeaux, daterait maintenant d’un an et 
demi environ. Comme il se trouvait dans les maisons atta- 
quées par les Termites, des fourmis ordinaires, il pense que 
les termes sont arrivés là pour faire la guerre à ces hymé- 
noptères qui n’ont pas tardé à disparaître. S'il en était ainsi, 
le remède serait bien pire que le mal primitif. 

Le fléau a pris une intensité extrème vers les premiers 
jours de Mars 1853; tout a paru envahi, plafonds, poutres, 
plâtres , pierres et lâtons, sauf les nœuds résineux qui ont 
été respectés ; les galeries ont été couvertes sur la pierre, 
le plâtre et la chaux par un résidu de matières appartenant 
à ces diverses substances , agglutinées ensemble et de for- 
me cylindrique; leur dureté était consistante, mais les 
molécules se désagrégeaient sous la pression des doigts. 


Les boiseries des salons étaient creusées partout el ne 
laissaient supposer aucune atteinte; mais en pressant sur 
la peinture, le doigt s’enfonçait rapidement. La maison 
ainsi attaquée a été reconstruite en fer. Une maison voisine 
de celle qui était minée, a été aussi très-maltraitée. 


L'eau bouillante est le moyen qu'on a employé pour 
chercher à détruire les Termites et nous ne saurions dire 
encore si l’on a réussi ou s'ils n’attendent pas une tempé- 
rature plus élevée que celle du moment pour recommencer 
leurs affreux ravages. 


La Commission a examiné quelques moyens préservatifs 
contre les attaques des insectes, et ce que nous allons en 
dire terminera notre travail. 

Si parfois des minutissimes cryptogames viennent velouter 
en les dégradant, les collections entomologiques, il est aussi 
de tout petits insectes qui semblent y être à l’affût d’un in- 
terstice, du moindre passage laissé à une vitrine ou à une 
boîte pour pénétrer dans ces dépôts parfois si précieux et 
établir dans le cadavre de leur semblable, le berceau de 
leur postérité. Les larves des Anthrènes, des Dermestres, 
l'Acarus destructor , sont les parasites qu’on y rencontre le 
plus souvent. 

L'immersion des plantes dans une solution de deuto- 
chlorure de mercure, fait disparaître ou prévient, il est 
vrai, le développement cryptogamique ; une immersion 
semblable des insectes les préserverait aussi des parasites 
animaux, mais leur coloration pourrait se trouver altérée. 
En sera-t-il de même du mercure métallique ? et quoiqu'il 
soit sans influence apparente , est-il vrai qu’il préserve des 
insectes ravageurs ? Nous le croyons sans cependant nous 
rendre compte de son mode d'action. 

Nous ne pouvons que supposer qu'il répand certaines 
émanations insensibles et nullement appréciables à nos sens. 
Ne serait-ce pas sous l'influence du mercure, que les ou- 
vriers qui manipulent ce métal et plusieurs autres, ont 
été toujours préservés des miasmes cholériques ? c'est ce 
que semble confirmer M. le docteur Burq dans sa Métallo- 
thérapie, où Traitement des maladies par les Métaux. 
Le mercure métallique semble donc avoir une influence. 

Nous avons vu des collections d'insectes où , dans certains 
cadres , on avait placé du mercure simple, et ces cadres 


LE ect 


( 381 
n'ont point été atteints par les insectes, tandis que ceux 
pour lesquels on n'avait pas pris la même précaution, ont 
été fortement attaqués. 

Nous avons vu aussi chez des pharmaciens des boites de 
pois d'iris et des dattes rongées par des larves d’un petit 
coléoptère (le Bostrichus dactyliperda) et des bocaux rem- 
plis de seigle ergoté, également rongé par des larves que 
nous élevons et que nous ferons connaître aussitôt qu’elles 
seront écloses. Ces pharmaciens qui ne tenaient nullement 
à élever ainsi des insectes aux dépens de leur marchandises, 
ont mêlé une certaine quantité de mercure coulant, aux 
pois d’iris et au seigle ergoté ; et les larves ont péri au bout 
dé peu de jours. 

Nous comprenons parfaitement que de nouvelles expé- 
riences devront être faites pour bien sanctionner la propriété 
délétère du mercure sur ces insectes. Mais les faits que 
nous avons vus , nous ont frappés et nous ont paru dignes 
d’être signalés ici. 

En Allemagne , on prétend avoir aussi employé le mer- 
cure métallique avec succès comme insecticide. 

Nous avons vu également employer avec succès l’éther 
dont on laissait un flacon débouché dans les cadres ou les 
armoires d’entomologie qui doivent être hermétiquement 
fermés, c'est par la propriété anesthésique qu'il agit et 
qu’il produit une longue asphyxie à laquelle ces parasites 
ne peuvent résister. 

On nous a même assuré, qu'en passant un petit pinceau 
imbibé d’éther sur tout le corps des insectes qu'on plaçait 
dans une collection, il ne se développait plus ni parasites 
végétaux, ni parasites animaux. 

Puisque nous parlons de la conservation entomologique , 
disons qu'on possède aujourd'hui un procédé bien simple 
de garder pendant très-longtemps les insectes intacts et avec 


la flexibilité qu'ils ont pendant leur vie. Cette découverte est 
d'autant plus précieuse pour l’entomologiste que, lorsqu'il 
revient d'une excursion, il ne peut souvent pas étaler im- 
médiatement le produit de sa chasse, qui se dessèche et 
peut être perdu; avec la vapeur de l’eau bouillante , il fait 
revenir, plus ou moins il est vrai, la flexibilité des articula- 
tions, mais ce n'est que très-imparfaitement et il gâte sou- 
vent en les étalant, des sujets précieux et rares. En outre, 
ceci demande assez de temps et beaucoup de soins. 

Notre collègue et ami, M. le D.r Souverbie, directeur du 
cabinet d'Histoire Naturelle de Bordeaux , nous fit voir l'an 
dernier , des insectes qu'il avait pris, depuis plusieurs mois, 
dans les Pyrénées ,.et dont le corps et les pattes étaient 
aussi flexibles que s'ils venaient d’être pris. Ces insectes 
étaient dans un flacon hermétiquement fermé et contenant 
une assez grande quantité de feuilles de laurier hachées. 
Les couleurs vives de certains diptères qu'il nous montra 
n'étaient néanmoins nullement altérées. Depuis, nous avons 
essayé de ce mode de conservation et nous nous sommes 
assuré que c’est au dégagement de l'acide cyanhydriqne des 
feuilles de laurier qu'est due cette conservation. En effet, 
si le flacon dans lequel nous mettions les insectes était 
hermétiquement fermé, cette conservation avait lieu. Si, au 
contraire , nous laissions assez de jour pour laisser passer 
au dehors l'acide prussique , les insectes se desséchaient 
très-rapidement. 

Nous nous sommes assuré aussi que l'acide prussique 
médicinal seul, a cette même propriété. 

Si l'homme cherche dans ce cas à conserver les insectes 
pour son instruction et son agrément , il s’en faut de beau- 
coup qu'il se mette en opposition avec les lois de la nature 
qui veulent que la vie s’entretienne aux dépens de la mort. 
Qu'est-ce que sont nos collections auprès de la multitude 


a mens 


fe PE PAR, pr 


2 


( 583 ) 

infinie d'insectes répandus sur la terre? Nous ne parvien- 
drons jamais à détruire les espèces d’une manière absolue, 
ce qui serait d’ailleurs un mal immense à nos yeux , mais 
cela ne doit pas nous empêcher d'arrêter autant qu'il est 
en nous les ravages qu'ils peuvent occasionner et qui sont 
contraires à nos intérêts. Aussi, que de moyens n’a-t-on pas 
imaginés pour pouvoir atteindre ce résultat, mais inutile- 
ment encore. 

Pour arriver à la destruction des insectes qui fatiguent 
les arbres, on a essayé en Écosse l'application du galva- 
nisme ; « pour cela, dit M. Dorvault, dans la Revue Phar- 
» maceutique (1), un anneau de cuivre et un autre de zinc, 
» l’un au pied et l'autre au bout du tronc de l'arbre, unis 
» par un fil de laiton suffisent. L'insecte se met en contact 
» avec l'anneau de cuivre, reçoit une secousse, telle, qu'il 
» est tué et jeté par terre ». 

La Commission ne croit guère à l'efficacité de ce moyen, 
car elle ne comprend pas qu'il puisse se produire ainsi des 
commotions électriques. 

M. de Kercado nous fit connaître une nouvelle méthode 
propre à détruire le Puceron laniger, qu'il avait trouvée 
consignée dans le Bulletin du Journal d'horticulture. Elle 
consiste à frotter les branches attaquées avec une éponge 
trempée dans de l’eau chaude où l’on a fait dissoudre du 
savon noir. M. De Kercado a opéré chez lui de cette ma- 
nière et il est loin d’avoir obtenu des succès constants. 

Pour nous, nous avons vu un agriculteur employer avec 
avantage une dissolution de savon ordinaire, pour faire périr 
les chenilles dans leurs nids. Ce moyen, nous a-t-on dit, 
réussit toujours assez avantageusement. 


(1) Revue pharmaceutique , supplément à l’officine pour 1852, 
page 111. 


( 584) 

Les marchands de denrées coloniales éprouvent en été 
des pertes assez considérables qui sont causées par l’Artu- 
son, Acarus siro qui altère profondément les fromages. Bien 
des essais infructueux ont été tentés pour détruire cette 
Arachnide. C’est ainsi qu’on a frotté ces marchandises avec 
diverses substances onctueuses ou corrosives. Le raclage 
qu'on a encore employé a causé un déchet considérable et 
n'a pas donné des résultats plus satisfaisants. On s’est donc 
vu forcé d'envelopper chaque pain d’une lame de plomb qui 
lé met complètement à l'abri du contact de l'air; mais ce 
mode de préservation, outre qu’il est cher, empêche de 
voir et d'apprécier la marchandise. M. Laporte a fait des es- 
sais à cet égard , et il s’est assuré qu'un léger lavage avec 
du vinaigre détruit les acarus existants et les empêche de 
se développer de nouveau. L’acide acétique étant éminem- 
ment anti-putride, nous comprenons que l'éclosion des aca- 
rus cesse d’avoir lieu. Nous ajouterons que l'acide acétique, 
ou même le vinaigre, est peut-être le poison le plus éner- 
gique pour les acarus. 


Si les insectes sont souvent nuisibles, il en est, et nous 
l'avons déjà dit, qui, parfois, sont au contraire très-utiles, 
C'est ainsi que nous avons parlé, au sein de la Commission, 
d'un article publié par M. Petit de la Saussaye (1), dans le- 
quel ce naturaliste dit, que les Helix qui ravagent les plan- 
tes sont souvent dévorés par les larves ou les insectes par- 
faits de Sylphes ,' de Staphylins, de Cytrus, de Carabes, de 
Drylus, de Lampyres, de certains diptères. Il est même 
quelques espèces d’hélixcidées ( Glandines) qui dévorent 
d’autres espèces de mollusques de ce genre. 


Nous avons vu plusieurs fois des larves de Silpha lævi- 


(4) Journal de Conchyliologie , N.0 1, d'Avril 1852, p. 97. 


(585 ) 
gata, monter sur des arbres et les échalas de vignes pour 
y surprendre et y dévorer sur place de jeunes Helix. 

Il en est de même pour les kankrelats qui se trouvent 
parfois en quantités innombrables sur les navires où ils ont 
été transportés avec les marchandises ; et de là, ils se ré- 
pandent dans les entrepôts et dans les maisons : outre les 
dégâts qu’ils occasionnent, l'odeur qu'ils répandent est 
très-mauvaise. . 

M. Louis P. Desmartis ( père), a communiqué à la Com- 
mission entomologique , un moyen facile de se débarrasser 
de ces hôtes importuns. Voici en quoi consiste le procédé : 

« Avec de la farine et de l’eau on fait une pâte claire. On 
y ajoute un peu de bière froide mélangée à une petite quan- 
tité de phosphore ; on étend cela sur des feuilles de choux 
qui, ainsi enduites , sont placées sur les navires ou dans les 
magasins dans lesquels abondeni les kankrelats. Au bout de 
deux ou trois jours toutes ces blattes ont disparu ». 

Si les fourmis voyageuses arrivent dans une habitation 
où se trouvent des kankrelats, ceux-ci sont détruits en quel- 
ques instants. Ces fourmis vagabondes dont la multitude 
est telle qu’elles couvrent le sol sur une largeur de plusieurs 
centaines de pieds et une file qui a souvent jusqu’à deux 
kilomètres, changent de place toutes ensemble , et rendent, 
comme nous l'avons déjà dit, d'importants services. Ce ne 
sont pas seulement les kankrelats qu'elles détruisent lors- 
qu’elles arrivent dans une habitation, mais aussitôt tous les 
animaux qui y sont, tels que serpents, crapauds, rats, etc., 
etc., s'efforcent de fuir en toute hâte, mais ils n’en ont pas 
le temps et sont dévorés avant d'avoir pu échapper à leurs 
ennemis. | 

Il est à remarquer que ces fourmis n'attaquent pas les 
plantes et ne paraissent se nourrir que de proies vivantes. 


Ainsi de bien petits animaux qui semblaient ne pas avoir 
Tome XIX. 27 


( 386 ) 
de raison d'exister, même par rapport à nous, nous sont 
éminemment utiles. 


Nous pouvons donc dire avec vérité, que généralement 
il ne faut pas détruire, mais modifier ou détourner de nous 
ce qui semble nous être nuisible. 


TéLcèpae P. DEsmarmns, 
. Docteur-Médeein , 


Secrétalre-Rapporteur de la Commission 
entomologique. 


XXI. OBSERVATIONS relatives à l'accroissement en 
diamètre des arbres dicotylés; par M. Cnarres 
LATERRADE , titulaire. 


Messieurs , 


Dans le courant du mois de Décembre 185%, notre 
honorable collègue, M. de Kercado , ayant fait abattre quel- 
ques arbres sur son domaine de Lestonat, commune de 
Gradignan, fut frappé de l'aspect que lui présenta un des 
jets qui venaient d'être abattus ; il voulut bien me l’adresser 
et me fournit ainsi le sujet des observations que je vais 
avoir l'honneur de vous soumettre. 

La tige qui m'a été présentée appartient à un arbre com- 
mun dans notre département, l’Aulne ou Vergne, Alnus 
glutinosa ; elle provenait d’un jet qui avait été coupé assez 
près de la souche et à l’âge de 8 ans. Vers le tiers de sa 
hauteur , ce jet présentait une singularité fort remarquable; 
à une époque, qui remonte évidemment à plusieurs années, 
l'écorce entière avait été enlevée circulairement à l’aide d'un 


FU. 


( 387) 
instrument tranchant et avec une certaine régularité sur 
une longueur de 16 centimètres. 

Je n'ai pas besoin de vous dire, Messieurs, que l'arbre 
survécut parfaitement à cette opération, Nous ne sommes 
plus au temps où des professeurs distingués , des natura- 
listes de premier mérite, considérant le liber comme un 
agent essentiel, à l'accroissement et à la vie du végétal, 
n'hésitaient pas à déclarer dans des livres qui fesaient alors 
autorité, que la suppression, même partielle, du liber, en- 
trainait nécessairement la perte d’un arbre. 

M. Achille Richard disait, en effet, dans les premières 
éditions de ses Éléments de Botanique : « Si l’on enlève 
» sur le tronc d’un arbre, une bande circulaire du liber, 
» de manière à laisser le corps ligneux à nu, non-seulement 
» la partie supérieure de l'arbre ne se développera pas l’an- 
» née suivante , mais l’arbre entier finira même par périr ». 

Ici une bande circulaire de 16 centimètres de long avait 
été enlevée , le corps ligneux laissé à nu et l'arbre avait 
continué de croître à la partie supérieure et rien n’annonçait 
chez lui une mort prochaine. 

Daus toute la partie mise à nu, l'accroissement en dia- 
mètre s'était arrêté; mais tandis que cette partie offrait 
seulement 25 centimètres de circonférence, la circonférence 
de la tige à 40 centimètres au-dessus de la section, abs- 
traction faite de l'épaisseur de l'écorce , était de 34 centi- 
mètres, soit 9 centimètres d'excédant. — Au-dessous de 
l’incision , l’accroissement avait été beaucoup moins sensi- 
ble, mais il s'était effectué dans des proportions faciles à 
évaluer. L’écorce présentait au-dessus et au-dessous de la 
section, à très-peu de chose près la même épaisseur. La 
partie placée au-dessus de la section, offrait à la base un 
bourrelet d’un volume assez considérable; ce bourrelet 
consistait en un amas de fibres liäneuses décrivant un arc 


( 388 ) 
tangent à la partie intérieure de l'écorce ; cet arc d’une lon- 
gueur de 15 millimètres environ semblait n'avoir emprunté 
aucun de ses éléments ni au liber, ni aux couches corticales. 

Deux faits principaux résultaient donc pour moi de ce 
premier examen : 1.0 c'est que l'enlèvement de l'écorce 
n’avait empêché l’accroisement en diamètre ni au-dessus, 
ni au-dessous de la partie ligneuse mise à nu ; 2.° c’est que 
l'accroissement de la partie supérieure avait été plus grand 
que celui de la partie inférieure. 

Ce double accroissement supérieur et inférieur étant 
constaté, je mesurai avec soin les dimensions de la tige à 
diverses distances de la section opérée, au-dessus et au- 
dessous de cette section, il me devint très-facile alors de 
reconnaître que dans la partie supérieure, l'accroissement 
avait été d’autant plus grand que je me rapprochais plus de la 
section opérée , et que dans la partie inférieure au contraire , 
l'accroissement était d'autant plus prononcé que je m'’éloi- 
gnais davantage de cette même section. 

Permettez-moi, Messieurs, d'insister sur cette dernière 
observation qui ne me paraît pas sans importance pour 
la solution depuis si longtemps cherchée du difficile pro- 
blème de l'accroissement en diamètre des végétaux dico- 
tylés. 

L'opinion de M. Duhamel n’est plus sérieusement soute- 
nue par personne ; le fil d'argent placé dans le liber s’est 
constamment retrouvé dans ce liber , ce qui prouve que la 
main la plus expérimentée, l'œil le mieux exercé et l’es- 
prit le plus judicieux ne sont pas toujours exempts d’er- 
reur. 

Deux théories principales bien autrement fondéés se par- 
tagent aujourd’hui les adhésions des naturalistes e£ adhuc 
sub judice lis est : l'une est celle de Grew, de Kieser, de 
Mirbel d’après laquelle lescambium serait l'agent essentiel, 


( 589 ) 
le principe alimentaire d’un tissu qui formerait chaque an- 
née entre l'écorce et le bois une nouvelle couche de liber et 
une nouvelle couche d’aubier; l'autre est celle de Lahire, 
de MM. Du Petit-Thouars et Godichaud qui fait jouer aux 
bourgeons le rôle principal dans ce grand acte de la vie de 
la plante. 

Appliquons au sujet qui nous occupe la première de ces 
théories. Voulez-vous comme Duhamel que le cambium soit 
une sorte de fluide formé par la sève descendante-mélangée" 
à une portion des sucs propres des végétaux ? Dans ce cas, 
la sève descendante arrêtée à la partie supérieure de la sec- 
tion de*la tige ne pourra pas aller plus loin, ne pourra plus 
produire un nouveau cambium et l'accroissement cessera 
immédiatement à la partie inférieure.— Voulez-vous comme 
M. Mirbel faire du cambium un véritable tissu, une couche 
régénératrice naissant entre le bois et l'écorce ? Mais alors 
l'accroissement en diamètre, dans les parties qui ne sont 
pas dénudées , serait le même avant et après la section, il 
serait le même aussi , au-dessus et au-dessous de la section 

Si, au contraire, nous considérons le bourgeon comme 
un véritable embryon ayant lui aussi sa tigelle et sa radicule, 
son système ascendant et son système descendant , il nous 
sera plus facile d'expliquer tous les phénomènes dont nous 
venons de vous entretenir : 

1.0 L’enlèvement partiel de l'écorce n'a pas nui à l'arbre 
parce qu’il restait à celui-ci assez de bourgeon pour déve- 
lopper de nouveaux organes destinés à sa conservation. 

2.0 La partie ligneuse dépouillée n’a pas pu s'accroitre 
parce que les fibres ligneuses qui lui restaient , étaient dé- 
pourvues de bourgeons. 

3.° La partie supérieure s’est terminée par un bourrelet 
provenant des fibres formées par le système descendant des 
bourgeons , fibres qui n'ont pu aller rejoindre celles qui se 


( 590 } 

trouvaient plus bas et s’anastomoser avec elles, et la partie 
inférieure, de son côlé n’a dû présenter aucune espèce de 
bourrelet , ni de gonflement quelconque. 

4.0 La partie supérieure a dû s’accroître d'autant plus 
qu’elle se rapprochait davantage de la section, parce qu'un 
plus grand nombre de systèmes descendants avaient coopéré 
à son accroissement. 

5.0 Enfin la partie inférieure , au contraire , devait pré- 

«senter un accroissement d'autant plus grand qu'elle s’éloi- 
gnait davantage de la section , puisque, près de la section , 
elle n'avait eu pour constituer son tissu ligneux d’autres 
ressources que celles qui avaient constitué la partie de la 


tige dépouillée de son écorce. 


Telles sont, Messieurs , les simples observations que j'ai 
cru devoir vous soumettre ; suivant le désir que je lui en ai 
manifesté, M. de Kercado toujours empressé de seconder 
les expérimentations profitables aux progrès de la science, 
a bien voulu faire opérer cette année sur plusieurs arbres 
des incisions analogues à celle dont je viens de vous entre- 

tenir. La Société Linnéenne sera donc appelée à apprécier 
plus tard des faits plus nombreux, mieux observés et par 
suite beaucoup plus concluants. J'ai voulu seulement attirer 
aujourd’hui son attention sur une des questions les plus 
délicates de la physiologie végétale et engager ainsi des ob- 
servateurs plus compétens que moi à élucider une question 
si digne d'intérêt. 


6 Avril 1854. 


CHARLES LATERRADE. 


D De ME et = 


(391) 


XXII. Érupes sur le maret noûr { Teredo nigra |; 
par M. Paul FiscHER membre auditeur. 


On trouve sur les bords du bassin d'Arcachon , un Taret 
remarquable par sa grande taille et l'épaisseur de son tube. 
Ce Taret vit dans les pilotis du débarcadère d'Eyrac , et a 
déjà perforé tous ceux que la mer couvre à marée basse. 


$ 1.— Tube calcaire. 


Le tube du Taret est de longueur variable ; il peut attein- 
dre jusqu’à 50 centimètres, quoique sa taille ordinaire soit 
de 25 à 50 centimètres. Son diamètre est compris entre 
15 et 25 millimètres. Ces dimensions dépendent beaucoup 
de la position des tubes. Ceux qui occupent le centre du 
bois, sont plus larges et plus étendus que ceux qui en lon: 
gent la superficie. 


Le tube présente une disposition contraire par rapport à 
son épaisseur qui croît chez les individus placés extérieu- 
rement et d’un petit diamètre, et décroit jusqu’à devenir 
presque nulle, chez ceux qui ont perforé les pilotis dans 
leur partie centrale. 


Pour un même tuyau , l'épaisseur diminue à mesure que 
celui-ci s’augmente en largeur. On trouve des dépôts de 
matière calcaire , dans les coudes produits par l'animal, 
sous l'influence d'obstacles quelconques, tels que les nœuds 
du bois, la rencontre d’un autre tube, etc. (PI. I, fig. 4. a). 


Aussi , le tuyau doit-il être droit, normalement, et non 
coudé , comme on le représente presque toujours. 


( 392 ) 

L'extrémité la plus large du tube { Fig. 4. PL L.) que 
nous nommerons antérieure, parce que c’est de son côté 
que l’accroissement s'effectue , est presque toujours ouverte, 
à bords tranchants et irréguliers. Si cette extrémité se 
trouve dans le bois, le Taret ne la ferme point, et le bois 
est creusé en godet aux Doints où les bords du tube calcaire 
s'arrêtent | Fig. 1,a,c, PI. II). Mais si les valves qui 
remplissent cette extrémité, se trouvent accidentellement 
en contact avec l’eau de mer, l'animal secrète une ferme- 
ture calcaire, fragile, convexe, de même nature que le tube, 
et dont l'aspect rappelle celui d’une coquille d'œuf. (Fig. 1, 
a, PI. 1). Les seuls individus clos, que M. le D." Souverbie 
ou moi ayons pu trouver; élaient extérieurs. Dans les pieux, 
nous vimes une foule de tubes aboutissant à un simple godet 
en bois. 

Cette hypothèse sur la cause de la fermeture du tuyau, 
est presque changée en certitude, par les résultats de l’ex- 
périence suivante due à MM. Laurent et Eydoux : 

» Si des Tarets sont extraits des bois et placés dans des 
» vases d'eau de mer très-propre , les individus vigou- 
» reux peuvent reproduire complètement leur tube calcaire, 
» et même s’y renfermer du côté de la tête, en bouchan- 
» l'orifice correspondant, au moyen d’ane cloison transvert 
» sale, convexe en avant (1) ». 

Plusieurs auteurs , entr’autres Adanson (2), pensent que 
celte fermeture n'est secrétée que lorsque le mollusque a 
atteint tout son développement. Nous avons vu dans une 
pièce de bois que nous avait confiée M. Coudert, des calottes 
calcaires bien formées appartenant à de très-jeunes Tarets : 


(1) Laurent, Recherches sur les mœurs des Tarets. (Journal de 
Conchyliologie , 1850 ). 
(2) Histoire de l'Académie royale des Sciences. 1759. 


( 595) 
d'un autre côté, le Taret d'Arcachon fermé, dont M. le D.' 
Souverbie a fait hommage au Musée de Bordeaux, compte 
18 centimètres de longueur et 12 millimètres de diamètre, 
taille moyenne pour cette espèce ; tandis que dans le même 
pilotis, des tubes beaucoup plus longs et plus larges étaient 
ouverts. | 

Cette fermeture paraît être sans influence sur le dévelop- 
pement de l'animal; on peut la comparer à l’épiphragme 
temporaire des coquilles terrestres. Dans le tube que nous 
avons figuré, elle part un peu au dessous de ses bords. 
Nous possédons des tuyaux qui portent les traces de calottes 
faites à diverses reprises ; puis détruites ( Fig. 5 a, PL. II). 
L'animal pourrait-il alors briser ou dissoudre à volonté une 
partie de son tube calcaire ? 

L'extrémité postérieure du tube qui s'ouvre toujours à la 
surface libre du bois { Fig. 2 a, PI. I), est partagée par 
une cloison dont la longueur dépend de l'accroissement du 
mollusque. Elle forme ainsi deux tuyaux où passent les sy- 
phons ( Fig. 3, PI. [ ), et qui sont quelquefois séparés et 
saillants hors du tube. 

Les parois des tubes des syphons et celles du grand tube 
sont unies par une suite de petites cloisons parallèles et 
horizontales { Fig. 4, PI. I}. Chacune d'elles a servi de 
point d'appui aux palettes ; mais l’animal grandissant , l’ex- 
trémité postérieure a dù suivre le mouvement dé l’extré- 
mité antérieure et s'éloigner de son point de départ. Nous 
avons compté jusqu’à 25 de ces cloisons dans un tube. L'es- 
pace qui les sépare est d'autant plus grand , que le dévelop- 
pement du Taret a été rapide , et qu'il a trouvé moins d’ob- 
stacles. 

Remarquons ici la singularité de l'accroissement du tube 
des Tarets. L'animal , pour aggrandir son extrémité anté- 
rieure , abandonne peu à peu l’autre extrémité. Il s'enfonce 


( 594) 
dans le bois ; tandis que le Magile (1) cherche toujours à 
dégager son extrémité postérieure des madrépores , en les 
abandonnant lentement. 

Cet accroissement du tube est d’ailleurs rendu nécessaire 
par celui de la coquille ; le Taret tend donc sans cesse à 
percer plus en avant dans le bois; telle est la cause de ses 
terribles ravages. De même , les Pholades et toutes les co- 
quilles perforantes ne s’enfoncent si profondément que pour 
loger à l’aise leur valves aggrandies. 

Le Taret de La Teste creuse le bois dans le sens de ses 
fibres : par conséquent, un pilotis placé verticalement est 
perforé verticalement ; et s’il est horizontal, le tube est hori- 
zontal. Les Tarets adultes et ceux d’une taille ordinaire sont 
les seuls qui suivent les fibres; car les individus fraiche- 
ment éclos percent le bois en tous sens pour y pénétrer, et 
à quelques millimètres de leur extrémité postérieure font 
un coude plus ou moins marqué, afin de suivre le sens des 
fibres ligneuses { Fig. 1, b, PI. IL). Il s’en suit que la sur- 
face extérieure du bois est criblé de petits trous où com- 
mencent les tubes enchevétrés les uns dans les autres et 
aboutissant tous aux grands tubes intérieurs ( Fig. 2,a,b, 
cd Pl). 

Dans un pilotis de 2 décimètres de diamètre, et scié 
horizontalement en rondelles, nous avons noté une centaine 
de trous intérieurs; sans compter les érosions de la surface 
exposée à la mer. Ces trous avaient en moyenne 1 centi- 
mètre de diamètre. Les plus larges se trouvaient au centre 
du bois ( Fig. 3, PI. I ). 

La même pièce de bois sciée longitudinalement était per- 
cée dans presque toute sa longueur et au centre, par un 
énorme Taret. 


(1) Magilus antiquus. Lamarck. 


S II. — Palettes. 


Les palettes d'ordinaire en forme de spatule, ovales 
supérieurement (PI. I, Fig. 9, 10), sont portées sur un 
pédoncule étroit et cylindrique , un peu moins long que la 
moitié de la palette. Il se prolonge en nervure médiane sur 
la face externe des palettes et se termine par une légère 
saillie à leur bord supérieur. 

La face externe est bombée vers le centre, marquée de 
quelques stries d’accroissement concentriques au sommet. 
Un épiderme jaune, très-mince la recouvre et se continue 
au-dessus. La face interne est lisse, éburnée, creuse ; la 
nervure médiane y est bien prononcée. 


L'âge apporte des modifications sensibles à la forme des 
palettes. Dans la jeunesse, le pédoncule est très-long ; la 
palette est cordiforme à sa face interne { PI. I, Fig. 16 ), 
divisée par une forte nervure et couronnée par un appendice 
membraneux. A sa face externe ( PI. I, Fig. 17 ) elle est 
tronquée , et calcaire dans les points qui correspondent à 
ceux de la face où elle est membraneuse. L'accroissement 
a donc lieu, du dedans au dehors pour les palettes. 


Plus tard, elles sont tronquées aux deux faces, puis 
lozangiques à pointes supérieures et latérales aiguës ; enfin 
ovales. Dans leur état complet de développement, la palette, 
d'abord moins longue que le pédoncule, est double de celui- 
ci, et l'épiderme , ne dépasse plus que très-peu ses bords. 
L'épaisseur croît ainsi que le poli de la face interne. 

Cet aperçu, touchant les différentes formes de la palette, 
fait comprendre avec quelle réserve on doit déterminer un 
Taret dont on n’a pas étudié un grand nombre d'individus 
de tout âge. 


. ( 396 ) 
Dimensions des palettes d'un Taret adulle : 


Longueur totale. ..…............. 10 millimètres. 
Largeur, ste te 2000 id. 
Longueur du pédoneule. ...... 4 id. 


$ III. — Coquille. 


Les valves de la coquille sont égales , dépourvues de liga- 
ment et de charnière, quoiqu’on trouve à leur place, deux 
callosités involutées { Fig. 7 a, PI. 1 ), s'appliquant l’une 
contre l’autre, lorsque les valves sont réunies. Dans cette 
position , il existe encore un autre point de contact des co- 
quilles { Fig. 7 b, PI. I ). L'épiderme ést mince, jaune; il 
peut noircir dans diverses circonstances , et présente le plus 
souvent une coloration foncée sur la zône verticale de la 
coquille. ( Fig. 6 b, PL TI ). 

Cette zône partage la face externe de la coquille en deux 
portions , l’une antérieure , l’autre postérieure ; toutes deux 
divisées encore en deux autres zônes , l’une interne , l’autre 
externe (oreillette Recluz). , 

La zône externe du côté antérieur (Fig. 6 b, PL. I) coupe 
la zône interne du même côté sous un angle droit très- 
net. Elle est ornée d’enviren soixante stries horizontales, 
parallèles au bord inférieur. Ces stries descendent oblique- 
ment dans la seconde zône, où elles sont plus étroites et 
dentelées ( Fig. 8 c, PL I). 

La zône de séparation est formée de sillons qui se pro- 
longent obliquement, suivant des courbes dans la partie 
postérieure de la coquille. La zône extérieure de cette par- 
tie ( Fig. 6 d, PI. I. ) est relevée en dehors comme on le 
voit chez certaines Anatines et Lutraires. 

L’extrémité inférieure de la coquille est tronquée oblique- 
ment. 


(5397) 

A leur face interne , les valves portent au-dessous de la 
callosité cardinale , un cuilleron qui en parait le prolonge- 
gement , et qui est analogue à celui des Pholades { Fig. 7 c, 
PI. I). Le bord inférieur de la coquille est garni d’une 
callosité calcaire ( Fig. 7 d, PI. 1). Les traits de sépara- 
tions des zônes externes sont marqués à l'intérieur par des 
apophyses styloïdes ; la plus remarquable est celle du côté 
postérieur (Fig. 7e, PI. I). Dans la jeunesse, le nombre 
des stries du bord tranchant est moindre ; aussi ce caractère 
n’a=t'il de valeur que lorsqu'on décrit des individus adultes. 
La zône postérieure externe est beaucoup plus apparente 
chez les”‘individus développés que chez les jeunes. 


Dimensions des valves ( bel individu ). 


Longueur... 15 millimètres. 
Larseupas.ssiss.lc 15 id. 


$ IV. — Détermination de l'espèce. 


A.— Caractères tirés des palettes. 


Les caractères spécifiques fournis par les palettes sem- 
blent tranchés; quelques auteurs les ont fait servir à une 
grande division du genre Taret en espèces à palettes sim- 
ples ( Teredo ) et à palettes articulées { Xylotyra ). Nous 
n'avons à nous occuper que des Tarets à palettes simples , 
qui se rapprochent du Taret de La Teste et qui vivent dans 
nos mers. 

4.0 Teredo navalis Linné. — Massuet (1), Rousset (2), 
Sellius (3), représentent les palettes du Taret de Hollande, 
comme bicornes, échancrées en V ; Rousset les compare à 
un pied de chèvre. 


(1) Recherches sur un Ver, etc., 1755. 


(2) Observations, etc., 1755. 
(3) Sellii, Hist, nalur. Tered., etc., 1755. 


( 398 ) 
M. Deshayes 4) donne aux palettes du Taret d'Oran une 
forme ovale; elles sont presque sessiles. 


Dans Cuvier (2), M. Deshayes les fait tronquées et légère- 
ment échancrées à leur partie supérieure ; il répète cette 
assertion dans le traité de Conchyliologie (3). 


Nous devons à la générosité de M. Coudert, de Bordeaux, 
plusieurs palettes qu'il a pu extraire d’une pièce de bois 
coupée dans les digues de Hollande (Fig. 12 et 13, pl. 1). 

Les palettes sont portées par un pédoncule cylindrique, 
qui forme une nervure médiane sur leurs deux faces. La 
face interne est lisse , plane, la face externe bombée vers 
son centre et calleuse à l’endroit où elle se bifurque en deux 
pointes aiguës. L’intervalle qui sépare ces deux pointes est 
quelquefois rempli de débris d’une matière organique, qui 
peut communiquer , à la palette, la teinte noirâtre qu'on y 
a signalée souvent. Chez les jeunes individus , le pédoncule 
est très-long , la palette large , fortement bifurquée et rem- 
plie d’une matière organique, noirâtre après la mort de 
l'animal (Fig. 18, 19, pl. DE 

2,° Teredo senegalensis Blainville. C’est l'espèce décrite 
par Adanson (4), qui représente sa palette comme tronquée 
supérieurement, quelquefois légèrement échancrée | Fig. 14, 
pl. 1). Le pédoncule est aussi long que la palette. | 


M. Blainville (5), dit que cette espèce a les palettes en 
spatule tronquée. 


(1) Explor. scient. de l'Algérie , 1846. 

(2) Règne animal, dern. édit. atlas par M. Deshayes, pl. 114. 

(3) PL 3, f. 6,7,8,9; 1843-50. 

(4) Coquilles du Sénégal, pl. 19, 1757, et Hist. de l'Académie, 
4759. 


& 


(5) Dictionnaire de Levraull, t 52; 1828. 


( 399 ) 

M. Petit de la Saussaye (1), d'après M. Laurent (2), lui 
donne des palettes ovales. 

Il est évident qu'on doit ici se rapporter à l'autorité 
d’Adanson et admettre que cette espèce a les palettes tron- 
quées. 

3.0 Teredo nigra Blainville. 

Palettes ovales, allongées , non tronquées. 

4.° Teredo fatalis Quatrefages. 

D'après la description de M. de Quatrefages (3), les pa- 
lettes sont larges, presque sessiles. 

5.0 Teredo pedicellata Quatrefages. 

Palettes étroites , allongées (Fig. 15, pl. 1). 

La longueur du pédoncule, la petitesse des palettes, la 
coloration noire de leur extrémité, me font penser que cette 
dernière espèce pourrait bien être établie sur de jeunes in- 
dividus, soit du vrai navalis L., soit du fatalis Quatrefages. 


B.— Caractères tirés de la coquille. 


1.° Teredo navalis L. 

Coquille plus longue que haute d’après Adanson, Blain- 
ville , Cuvier ; aussi longue que large dans Deshayes. Bord 
tranchant marqué de 45 stries d’après Adanson. 

Les valves du Taret de Hollande, que M. Coudert nous 
a donné, sont un peu plus larges que hautes (Fig. 11, 
pl. 1), le bord externe-antérieur ( Fig. 41 , pl. I) nous à 
offert de 42 à 45 stries. 

2.0 Teredo senegalensis Blainville. Bord tranchant garni 
de 25 stries denticulées ( Adanson ). 


(1) Journal de conchyliol., cat. coq. mar. de France , 1851 
(2) Observations sur les mœurs des Tarets, 1850. 
(5) Mémoire sur le genre Taret , Annales de Sc. nat., 1849. 


( 400 } 
3.0 Teredo nigra Blainville. Coquille grande, 12 à 15 
millim. de hauteur sur autant de long, épiderme noirätre, 
côté tranchant fortement anguleux, 60 stries (Blainville), etc. 


Le Taret d'Arcachon ayant les palettes ovales, non ses- 
siles ; une coquille de 12 à 15 millim. de haut sur autant de 
large, un épiderme qui noircit fréquemment après la mort 
de l'animal, et qui peut même noircir pendant la vie (1), 
60 stries au bord tranchant, se rapporte au Zeredo nigra 
Blainville. 


La figure du Taret d'Algérie { Ter. navalis Deshayes, 
Expl. d'Algérie ), se rapporte à notre espèce. M. de Quatre- 
fages nomme le Taret d'Oran, Ter. Deshaïii ; M. Laurent 
le donne en synonymie au Ter. senegalensis BI. M. Petit de 
la Saussaye partage celle opinion. 


L'animal de notre Taret se rapporte exactement à celui 
du Taret d'Oran si bien étudié par M. Deshayes sous le 
rapport anatomique , et connu également sous le rapport 
physiologique par les travaux de MM. Laurent, Eydoux et 
Quatrefages. 


SV. — Synonmymie. 


On voit combien les synonymies de cette espèce, du vrai 
navalis et du senegalensis sont confuses. Cependant il est 
bien facile de distinguer le navalis des deux autres. 


(1) Le Teredo nigra a été pris en Angleterre, sur un navire échoué 
depuis longtemps. Il avait contracté une coloration noirâtre très- 
prononcée, et fut envoyé dans cet état, par Mlle Warn, à Defrance, 
qui le communiqua à De Blainville. M. Deshayes représente le Taret 
d'Algérie avec un épiderme brun, et M. de Quatrefages a trouvé un 
individu de son Ter. falalis teint en noir, animal et coquille. Nous 
avons vu une valve du Taret d'Arcachon, retirée d’une épave, et 
entièrement noire, 


es 


-n 


2 Pa 


2 Gt RE DE RS QE à © 


{ 401 ) 
Nous rectifions ainsi la synonymie du navalis. 
Teredo navalis Linné , Fauna suec. 1799. 
— — Blainville, Dict. des Sc. t. 52. 1828. 
— —  Deshayes, Dict. class. d’hist. nat. t. 16. 
1830. 
— — Laurent, Dict. de d'Orbigny, t. 12. 1848. 
— — Laurent, Journal de Conchyl. 1850. 
—- — Petit de la Saussaye, Journ. de Conch., 
1851. 
Le Taret Massuet, Rousset , Sellius. 1733. 
Le Taret d'Europe Adanson , Hist. de l’Académie, 1759. 


Has. Côtes de Hollande , Belgique, Angleterre, Suède, etc. 
En France, à Rochefort, Toulon, Lorient, Brest { M. 
Laurent }, Boulogne ( Bouchard, Chantereaux), etc. 


Les Teredo nigra et senegalensis nous paraissent appar- 
tenir à la même espèce. Adanson a observé probablement 
de jeunes individus à palettes tronquées , dont la longueur 
était égale à celle du pédoncule. 

Il dit, en effet, qu’elles sont arrondies à leur extrémité, 
quelquefois légèrement échancrées ; et figure l’une d’elles 
échancrée à sa face interne et tronquée à la face externe. 
Nous avons fait remarquer ces particularités au sujet des 
palettes des jeunes Ter. nigra. 

Quant à la coquille, Adanson avance dans son ouvrage 
Des Coquillages du Sénégal, qu'elle porte 25 stries au 
bord tranchant. Ces stries d’accroissement augmentent avec 
l’âge, et s’il eût trouvé des individus adultes de la taille de 
ceux de la Teste, il aurait compté 60 stries. 

Ce qui nous confirme dans cette opinion, c’est la pré- 
sence du Teredo nigra sur la côte N. d'Afrique { Deshayes ), 

Tour XIX. 28 


( 402 ) 
et sur la côte O; car nous en avons vu deux valves rap- 
portées de cette dernière localité. 
Nous établirons ainsi la synonymie du Zeredo nigra. 


1.0 Adulte. 


Teredo nigra Quarterly, Review (1). 

—  — Blainville, Dict. des Sc. nat., t. 52. 1828. 
— — Laurent, Dict. de d'Orbigny, t. 12. 1848. 
—  navalis. Deshayes, Explor. sc. d'Algérie. 1846. 
—  Deshai Quatrefages, Annal. des sc. nat. 1849. 
—  senegalensis Laurent, Journal conchyl. 1850. 

—- — Petit de la Saussaye , Journal conch. 

1851. 


2.0 Très-vieux. Palettes presque sessiles. 
Teredo fatalis Quatrefages , Annal. des Sc. nat. 1849. 


5.0 Demi-développement. 


Le Taret Adanson, Coquill. du Sénégal, 1757. 
Taret du Sénégal Adanson, Hist. de l'Acad. 1759. 
Teredo senegalensis Blainville, Dict. des Sc. t. 52. 1828. 
—  navalis Deshayes, Encyclopédie. 1832. 
— —  Id., Règne animal, pl. 114. 
_- —  Id., Traité de Conchyl. 1843. 
Taret commun Chenu, Conchyl. fig. 485, 486, 487, 
1847. 
Teredo Petitii Recluz, Revue zoologique, 1849. 


(1) Nous conservons cette dénomination quoique défectueuse, à 
cause de son antériorité. Nous ne savons pas quel est l’auteur qui l’a 
donnée , et Blainville ne cite pas même l’année et le numéro de la 
revue où la description fut faite. 


( 403 ) 
4.0 Très-jeune âge ? 


Teredo pedicellata Quatrefages, Annal. des Sc. nat. 1849. 
— Petit de la Saussaye, Journ. de Conch. 
1851. 

D'après MM. Laurent et Petit de la Saussaye , on doit 
encore rapporter à cette espèce les dénominations suivantes : 

Teredo norwegica Spengler. 

—  gigantea Ev. Home. 
—  Bruguieri Delle Chiaje. 

Fistulana corniformis Deshayes. 

Enfin , quelques auteurs assurent que la Cloisonnaire de 
la Méditerranée décrite par M. Matheron est encore un indi- 
vidu de notre Taret (1). 

Le Teredo nigra est l'espèce dont l'habitat est le plus 
varié. 

Côtes d'Angleterre, d'après Mlle Warn , Blainville , Home. 

Norwège ( Spengler ). 

France : Toulon, Hyères, Lorient, Brest, Bandols ( MM. 
Laurent et Eydoux ); La Teste, etc. 

Espagne ( M. de Quatrefages ). 

Algérie ( Deshayes ) ; Sénégal ( Adanson }; Guinée ( Re- 
cluz ). 

Ce Taret habite plusieurs sortes de bois, en Europe : le 
pin, le sapin, le peuplier, etc. ; en Afrique, le bois de 
manglier et de palmier; dans cette dernière localité, il 
reste plusieurs mois en contact avec l’eau douce. 


(1) Lorsque les bois qui renferment les Tarets se détruisent , le 
mollusque, vit dans le sable et épaissit beaucoup sa coquille. Nous 
avons déjà fait remarquer combien le tube devenait plus solide, dès 
qu’il dépassait le bois et se montrait à nu. De tels faits prouvent 
suffisamment l'inutilité du genre Cloisonnaire, déjà abandonné par 
MM. Deshayes et Jay. 


(404) 


Nous dirons, en terminant, que le nombre assez consi- 
dérable des espèces de Tarets à palettes simples { 15 en- 
viron ), ne peut que diminuer, quand on comparera des 
individus d'âge différents. Nous avons montré pour deux 
espèces, les Teredo navalis et nigra, combien sont impor- 
tantes les modifications que l’âge apporte dans la forme des 
coquilles, des palettes et du tube; il serait à désirer que 
des études analogues fussent faites surtout pour les Tarets 
à palettes articulées, dont la détermination rigoureuse nous 
paraît sans cela presque impossible. 


Mars 1854 


Fic. 


Fic. 


Fi. 


FiG. 


Fic. 


Fic. 


Fi. 


Fic, 


Fi. 


Fig. 
Fic. 
FiG. 
Fic 


Pauz Fiscaer. 


EXPLICATION DE LA PLANCHE I. 


Fragment de tube de Taret. Extrémité antérieure. « 
fermeture. 

Fragment de tube. Extrémité postérieure. a ouverture. 

Extrémité postérieure grossie. 

Coupe verticale de l'extrémité postérieure pour montrer 
la cloison médiane, et les feuillets d’accroissement. 

Valve du Teredo nigra. grandeur naturelle. 

Valve du même, grossie, face externe. 
a, zone, médiane , b , zone externe antérieure , € zone 
interne antérieure, d zone externe postérieure. 

Valve du même. Face interne, 
a, callosité , b zone externe postérieure, c cuilleron, 
d callosité inférieure, e, f, apophyses styloïdes. 

Stries des zones du côté antérieur. b stries de la zone 

externe , c stries dentées de la zone interne. 

Palette du Teredo nigra.Grossie , face externe. «a pé- 
doncule. 

Palette du même. Grandeur naturelle. 

Valve du Teredo navalis. Grandeur naturelle. 

Palette du Teredo navalis. Grossie, face externe. 

Palette du mème. Grandeur naturelle. 


Teredo niêra Bi 


TE) 


P Fischer. ad nat del 


e— + 


{ 405 : 
F16. 14.— Palette du Teredo senegalensis. copiée d'Adanson. 
F1G. 15.— Palette du Teredo pedicellata Grossie du double. 
FIG. 16.— Palette du Teredo nigra. Jeune. Grossie , face interne. 
F1G. 17.— Palette du Teredo nigra. jeune. Face externe, 
Fi. 18, 19. Palette du Teredo navalis. Jeune. Grossie deux fois. 


EXPLICATION DE LA PLANCHE ZI. 


FiG. 1,— Tube de Teredo nigra; dans le bois. a, c; godets creu- 
sés dans le bois. b, coude près de l'extrémité posté 
rieure du tube. 

F16. 2.— Pièces de bois coupées horizontalement dans le sens des 
fibres. a, couche extérieure. b couche inférieure de 
quelques millimètres, c, couche à { centimètre de 
l'extérieur, d, intérieur du bois. 

FiG. 5.— Rondelle, sciée dans un pilotis. 

FiG. 4.— Tube coudé. a dépôt de matière calcaire dans le coude. 

Fie, 5.— Tube continué , après une première fermeture; a, reste 
de la calotte calcaire. 


XXII. Apprriox à la description de la Cyrena ros- 
trata (1); par M. le docteur Louis PoyYrEviNx- 
Desmarris père, Trésorier. 


En publiant sous le nom de Cyrena rostrata, une co- 
quille de notre collection, nous exprimions le desir de voir 
de nouveaux individus de la même espèce venir confirmer 
par leur nombre l'exactitude des caractères que nous avions 
signalés. Depuis lors, il nous en est tombé sous la main 
deux autres échantillons , tous deux plus grands et mieux 
conservés que celui que nous avions ; ils proviennent de la 
même localité que le premier, et nous nous sommes em- 


(1) Voyez les Actes de la Société Linnéenne de Bordeaux 1855, 
om. XIX, pag. 195. 


406 ) 
pressé d'en acquérir un, l’autre étant entré dans la collec- 
tion de M. Coudert. 

Nous avons vu avec plaisir que cette coquille n’offrait 
avec la première d’autres différences que celles qui résul- 
tent de la taille et de la conservation de l’épiderme. 

La taille plus forte rend les crochets un peu plus écartés, 
et la légère inclinaison qui a lieu en avant est encore plus 
marquée. Îls sont excoriés et laissent voir en dessus une 
belle couleur d’un violet foncé qui se montre également vers 
l'extrémité inférieure du corselet et sur deux ou trois autres 
points de l’intérieur qui partout ailleurs est d’un beau blanc. 

L'épiderme est d’un vert clair, et la coquille, lorsqu'elle 
en est recouverte, n'a pas cet aspect corné qui nous avait 
frappé d’abord et qui nous avait fait penser à la nommer 
Cyrena cornea. Nous pensions bien que notre premier 
échantillon était incomplet sous ce rapport; aussi, il nous 
tardait devoir d’autres individus de la même espèce. | 

Le premier que nous avions était tout uni et luisant, 
tandis que les derniers ont un épiderme formant des plis 
assez nombreux , surtout vers les bords de la luaule, sur le 
corselet et dans la partie inférieure de la coquille , où les 
stries d'accroissement sont très-bien marquées. 

Quant à la charnière, aux dents et aux impressions mus- 
culaires , tout dans les nouveaux échantillons est conforme 
à ce que nous avons dit des premiers. 

Les N°51, 2 et 5 de notre planche se rapportent au 
premier échantillon décrit, et les N.os 4 et 5 au second que 
nous avons recu depuis. Les uns et les autres sont repré- 
sentés de grandeur naturelle. 

25 Juin 1854. 
L. P. Desmanris pére. 


8 Juillet 1554, 


(D) ( 


Lyrena Rostrala. 


( 407) 


CHANGEMENTS 


SURVENUS DANS LE PERSONNEL DE LA SOCIÉTÉ 


depuis la publication du Tableau qui termine le 
Tome XVIII des ACTES. 


————Be— 


MEMBRES HONORAIRES. 


MM. L'abbé DE LANGALERIE, chan.-hon., curé de la pa- 
roisse St-Louis de Bordeaux, ancien titulaire, 
puis correspondant , nommé honoraire le 15 Juin 
1853. 

MAYRAND, capilaine adjudant-major au 54." de 
ligne , nommé honoraire le 4 Novembre 1853. 


MEMBRES TITULAIRES. 


MM. Du Rieu DE MAlSONNEUVE, capitaine d'infanterie 
en retraite, directeur-professeur adjoint du Jar- 
din des Plantes , ancien titulaire , puis correspon- 
dant, rentré comme titulaire le 1. Août 1853. 

MÉRAN, docteur en médecine, nommé titulaire le 
21 Décembre 1853. 

SOUVERBIE, docteur en médecine, conservateur du 
Cabinet d'histoire naturelle de la Ville, nommé 
titulaire le 26 Avril 1854. 

LEGRAND ( Édouard }, ancien commissaire de la ma- 
rine , ancien secrétaire-général de la Soctélé, puis 
correspondant, rentré comme titulaire le 7 Juin 
1854. 


( 408 ) 


MEMBRES CORRESPONDANTS. 


4.0 Correspondants anciens. omis dans les listes 
des tomes XVIE et XWEHEI. 


MM.Ivoy pere, président-honoraire de la Société d'Agri- 
culture de la Gironde, au Pian , canton de Blan- 
quefort, Gironde. 

Don RAMON DE LA SAGRA , ancien député aux Cor- 
tès espagnoles , auteur de l'Histoire naturelle, po- 
litique, etc. de l’île de Cuba, à Paris. 


2.0 Correspondants nouveilement admis. 


MM. Marc ARNAUT, avocat et banquier à Saintes | Cha- 

rente-Inférieure) ; nommé le 15 Juin 1853. 

TREMEAU DE ROCHEBRUNE fils ( Alphonse), à An- 
goulême (Charente) ; nommé le T Décembre 1853. 

BERTOLA , docteur en médecine, ancien médecin de 
la Grande- Armée Française, membre de l’Acadé- 
mie Royate de Turin: nommé le 21 Décembre 
1853. 

Cosson (Ernest), docteur en médecine, l'un des 
auteurs de la Flore des environs de Paris, nom- 
mé le 15 Février 1854. 


MEMBRES AUDITEURS. 


MM. JANVIER (Gustave) ; nommé le 7 Décembre 1853. 
TRIMOULET fils, nommé le 7 Décembre 1853. 


MEMBRES DÉCÉDÉS. 


MM. BurGuEer (Henri), docteur en médecine , conserva- 
teur du Cabinet d'histoire naturelle de la Ville, 
Vice-Président de la Société, mort Le 31 Juillet 
1853. 

CHAUBARD (Louis Anastase), auteur de la Flore du 
Péloponèse, correspondant, mort à Paris le 13 
Janvier 1854. 


( 409 ) , 


TABLE DES MATIÈRES 


CONTENUES DANS LE 19. VOLUME. 


MALADIES DE LA VIGNE ET AUTRES VÉGÉTAUX. 


Documents pour servir à l’étude de la Maladie de la Vigne. . . 

Lettre à M. le docteur Montagne, en réponse à son Coup-d'œil 
sur l’état de la question de la Maladie de la Vigne ; par M. 
Cu. Des MouuNs, président. . : RER 

Rapport de la Commission tue Frans en 1833, 
de l’étude des insectes nuisibles à l’Agriculture ; par M. le 
docteur TELÈPHE DESMARTIS fils, membre du Conseil d’ad- 
mIniIstraton. 0. 1.0 ee silate 


HISTOIRE NATURELLE GÉNÉRALE. 


Du perfectionnement graduel des êtres organisés ; par M. MaAR- 


Pages. 
6 


CEL DE SERRES , correspondant (Suile el fin). . . . . . . > et 77 


ZOOLOGIE. 


Des phénomènes qui accompagnent l’immersion des Mollusques 
terrestres ; par M. PAUL FiscHER, membre auditeur. . . . . 
Note sur la coquille des jeunes Dolium perdix; par M. B. 
CAZENAVETTE , VICE-président. Ve"...  . 
Description d’une nouvelle espèce de coquille (Cyrena ros- 
trata); par M. le docteur L. DEsMaRTIS père, titulaire. . 
Additions au mémoire précédent, par le même. . . . . : 
Notice sur les Termites de la Charente-Inférieure; par M. 
BoFFINET père (Mémoire couronné par la Société). . . . . 
Faune ichthyologique de la Gironde ; par M. ERNEST LAPORTE 
HIS COUR ESDON TAN EME RENE eee le ee eee 
Additions au Catalogue des animaux vivants de la Charente ; 
par M. T. DE ROCHEBRUNE père, correspondant. . « » . . . 
Excursion entomologique aux dunes de Biscarosse et d’Arca- 
chon ; par M. le docteur. LÉON Durour , correspondant. . 
Etudes sur le Taret noir; par M. PAUL Fiscier , membre audi- 


d1 


62 


125 
405 


591 


(410) 


BOTANIQUE. 

Pages. 

Fragments de Botanique critique; par M. L. A. CHAUBARD, 
correspondant. . . - . . . . Core be, < 0711611225 

Note sur une gigantesque racine de Bryone ; par M. TR à 
COITESpOndant. : D NOEL 76 

Notice sur les Renoncules avions dé ra Does _. 
M°AADhEBEYEIS ICONESDORTANEE EE CS 114 

Note sur la Digitale pourprée; par M. AUG. PETIT-LAFITTE, 
(TÉSOTIEL EN MEME RENE : Sete t-0129 

Note provisoire sur quelques additions Een à la 
HIOTÉ DO dEAISE- Dec De cr LAS 

Extrait d’une lettre de feu BORY DE NRA à M. Du 
Rieu de Maisonneuve... .. 11.1." AE ERS 319 


Observations relatives à l’accroissement en diamètre des RU 
dicotylés ; par M. CH. LATERRADE fils, titulaire. . . . . . . 386 


Précis des travaux de la Société pendant l’année académique 
1852-53; par M. le docteur EUGÈNE LAFARGUE , secrétaire- 


DONCLALES. Re be à Mo de e A ete De RNCS de 129 
Suppléments et re au Tableau des membres de la 
NOCIGHÉ Peas ae le cute dette Sites, ARONMIEEE nn: 407 
MÉLANGES. 


TRENTE-SIXIÈME FÊTE LINNÉENNE (30 Juin 1855, à St-Émilion). 6) 


Discours du Directeur. .. . 2. . . . 0 ele 0e he + ns 6 
Résultats de l’excursion de ce jour. . . . . . 12, 19, 21, 25 et 25 
La Critique du naturaliste, par M. P. FISCHER. . . . . . . . 27 
SÉANCE PUBLIQUE D'HIVER (4 Novembre 1855). . . . . . . . . 29 
Programme des récompenses académiques. . . . . : + . + + . 31 
Discours d'ouverture (Maladie de la Vigne); par M. Cu. Des 
MOULINS , président.) ei... Leon routier Me © motos (re 39 
Tableau de la 56.me Fête Linnéenne; par M. J. F. LATERRADE 
père, directeur. "Nc. >1 
Discours (Le nouveau Jardin Fe Plantes) Ft M. Du RIEL } DE 
MAISONNEUVE , titulaire. . ... . 4, «0 nee MC 


FIN DU TOME XIX. 


BORDEAUX. — IMPRIMERIE DE TH. LAFARGUE, 


| 


MÉLANGES. 


MÉLANGES. 


PROCÈS - VERBAL DE LA FÊTE. 


La Société Linnéenne a célébré la trente-sixième Fête 
d'été le 50 Juin dernier. 

Partie à 6 heures du matin de La Bastide par la voie 
ferrée , elle est arrivée à Libourne vers 7 heures où elle a 
pris immédiatement des voitures pour se rendre à Saint- 
Emilion, lieu choisi pour la célébration de la fête. 

A huit heures, la Société Linnéenne était reçue dans 
cette petite ville, par MM. Félonneau, curé de la paroisse, 
Cuvelier, vicaire, et l'abbé Lussac, curé d’une commune 
voisine de La Réole. 

Après avoir admiré les restes d’une église bâtie au 14. 
siècle par des religieux , la Société traversa en corps cette 
ville, fondée vers le 8.me siècle autour de l’ermitage de 
S. Émilion , et où l’on trouve à chaque pas de nombreux 


(4) Nu 
débris d'anciens monuments , et se rendit ainsi au château 
de Bel-Air appartenant à M. le baron de Marignan. 

Retenu par des affaires dans son château du Gers , l’ho- 
norable propriétaire n'avait pu lui-même recevoir la Société, 
mais il avait choisi pour le représenter, M. le curé de Saint- 
Emilion. 

M. le Président établit suivant l'usage plusieurs sections, 
l’une d'elles devait explorer la ville et les autres devaient 
s'irradier dans la campagne. 

A 1 heure ‘/,, c’est-à-dire, après quatre heures d’explo- 
ration , la Société se réunit de nouveau chez M. de Marignan 
où elle tint sa séance. 

Le ciel était beau , quelques nuages voilaient parfois seu- 
lement le soleil ; le vent soufflait dans la direction du Nord; 
le thermomètre exposé à l'ombre marquait 27 degrés cen- 
tigrades. 

Le portrait de Linné était suspendu au tronc du figuier à 
l'ombre duquel la Société était réunie. 

Étaient présents à la séance : 

MM. Félonneau , curé; Cuvelier, vicaire ; l’abbé Lussac, 
curé de Blagnac ; Paquerée, correspondant à Castillon; 
Hallié , honoraire ; Charles Des Moulins, Cazenavette, 
Laporte, Petit-Lafitte, Gassies, Télèphe Desmartis, Du- 
moulin, Desmartis père, de Kercado, l'abbé Blatairou, 
Cuigneau ét Lafargue, titulaires ; Paul Fischer, auditeur; 
Chäbrely, étudiant en médecine et lauréat du concours de 
botanique de 1852; et MM. Docteur, Trimoulet et Petit- 
Lafitte fils, invités à la fête. 

M. le Président ayant à sa droite M. le curé de Saint- 
Emilion, ouvrit la séance en priant ce digne ecclésiastique 
d'être l'interprète de la Société Linnéenne auprès de M. de 
Marignan, pour la manière si brillante et si sympathique 
dont la Société avait été reçue sur son domaine de Bel-Air. 


(5) 

MM. H. Burguet, Raulin, Lespinasse et Laporte fils 
correspondant, s’excusent de ne pouvoir assister à la 
fête. 

M. Ch. Des Moulins donna lecture d’un discours (p. 6) 
de M. Laterrade père, auquel l’état de sa santé aurait rendu 
trop pénible une si longue excursion. 

M. Desmartis fils lut une réclamation de priorité au sujet 
de l'emploi des vapeurs de Lycoperdon comme anesthési- 
que; puis, il traita de l'Ulmaire ( Spiræa ulmaria), de son 
emploi en médecine et des principes chimiques qu’elle ren- 
ferme. 

M. Cazenavette rendit compte de quelques expériences 
curieuses faites sur le Dolium perdix dont la coquille affec- 
tait une couleur jaune singulière. 

M. Desmartis père, présenta quelques considérations sur 
le Boswelia thurifera et sur l'emploi de l’encens contre le 
charbon et la pustule maligne. 

M. Paul Fischer fit une intéressante lecture sur l’épi- 
phragme de certains mollusques. 

M. Dumoulin parla de quelques arbres curieux. 

M. Gassies entretint la réunion d’une excursion qu’il 
avait faite aux environs d'Agen. 

M. le Président donna ensuite successivement la parole 
à chacun des rapporteurs des différentes sections. 

M. Laporte présenta le rapport de l’excursion entomologi- 
gique et M. Gassies celui de la conchyliologie; MM. Ch. Des 
Moulins et Cuigneau firent connaître les plantes qu’on avait 
recueillies dans la journée. M. Petit-Lafitte résuma les 
observations agricoles et M. Paquerée entretint la Société 
sur un remarquable dépôt de grosses huîtres trouvé dans 
la propriété de M. le baron de Marignan et dont le gise- 
ment avait été constaté sur la molasse et au-dessous du 
calcaire à astéries. 


(6) 

A la fin du banquet, qui a eu lieu au château de Bel-Air. 
M. Paul Fischer, membre auditeur , a lu une pièce de vers 
intitulée : La Critique du naturaliste. : 

A 9 heures du soir la Société rentrait en ville. 


( Extrait du procès-verbal lu dans la séance du 
10 Juillet, par M. le Dr Eug. LararGue, 
secrélaire-général de la Société ). 


Dans la soirée du même jour, M. Laterrade qui n'avait 
pu se rendre à Saint-Emilion, partit à 5 heures du Jardin 
des Plantes, accompagné d’un bon nombre d'amateurs, 
d'élèves et de botanophiles.— On visita un beau massif 
d’œillets de poète, Dianthus barbatus, chez M. le comte de 
Kercado , membre de la Société Linnéenne et vice-président 
de la Société d’horticulture de la Gironde. — De là, on se 
rendit dans la commune du Bouscat où après avoir visité 
la propriété de M. Gérand, on recueillit quelques plantes 
remarquables. La rentrée n’eut lieu qu’à 9 heures du soir. 

Nous apprenons que la fête a été célébrée : 

A Hypra (Algérie ), par M. Clavé, ancien vice-président 
de la Société Linnéenne de Bordeaux, qui a visité le jardin 
d'acclimatation. 

Au château de CosLépaa ( Basses-Pyrénées ), sous la 
présidence de M. le baron de Vallier. 

A Manzac ( Dordogne), par M. À. G. de Dives. 

À Gugan ( Gironde ) , par M. Chantelat. 

Nous attendons des nouvelles de la fête célébrée dans 
d'autres localités. 


DISCOURS DU DIRECTEUR. 


Messieurs , 


Pour la seconde fois, depuis 1818 , je suis privé du plai- 
sir de me trouver au milieu de vous le jour de notre fête 


(FER 
solennelle. Cependant, je voudrais prendre une petite part 
à vos travaux, et pour cet effet je vais vous suivre, non à 
toute vapeur, mais à toute pensée ; car la pensée, vous le 
savez, Messieurs et bons collègues, la pensée est prompte 
et rapide ; elle va vite, elle va loin, en arrière par le sou- 
venir, en avant par l'espérance , et si quelquefois elle s’é- 
carte çà et là, de la route qu'elle s’est tracée, c'est pour 
y rentrer bientôt, riche et heureuse du butin qu’elle rap- 
porte de ses pelites excursions. 

En traversant ce pont, monument dont les Romains 
auraient été jaloux, s’il leur eût donné de le voir, je me 
rappelle un de nos collègues, l'ingénieur Billaudel, que 
nous avous perdu il y a quelques années. Il n'avait pas en- 
core publié son mémoire (1) sur l'application de la méthode 
de M. de Humboldt à notre Flore, lorsqu’au retour d'une 
excursion que je venais de faire dans l'Entre-deux-Mers , il 
me rencontre sur ce même pont; il me fait part de son tra- 
vail et me dit qu'il lui manquait deux malvacées que sans 
doute on découvrirait bientôt. J’eus le bonheur de pouvoir 
les lui indiquer , car elles allaient paraître dans le supplé- 
ment à la seconde édition de la Flore. 

Avant de quitter Bordeaux, je jette sur la rive gauche du 
fleuve , un regard , un long regard, en mémoire du Cyperus 
Monti, du Cephalaria syriaca, trouvés le premier à Bègles, 
le second en Paludate par mon fils Louis (2) que je regret- 
terai toujours ; du Xanthium spinosum, si commun à Baca- 
lan, et du Ranunculus lingua qu'il nous faut aujourd'hui 


(1) Sur les proportions relatives des espèces de plantes décou- 
vertes dans le rayon de la Floré Bordelaise et groupées en familles 
naturelles. — Actes | alors Bulletin) de La Soc. Linn, de Bord. , 
Tome Ier, page 12. 

(2) Mort le 20 Juin 184!. 


(8) 

aller chercher au moins à Blanquefort. — Arrivé à la Bas- 
tide, malgré les déplacements et les transports des terres, 
il me semble encore voir la place, hélas! la place seule- 
ment, du ci-devant Carduus serratuloides, aujourd'hui 
Cirsium pannonicum , dont il ne me reste plus que l’échan- 
tillon de mon herbier. — Je puis, et malheureusement, 
en dire autant de l'Euphorbia lucida, que j'allais chaque 
année avec notre honorable Président cueillir à Lassouyes. 
Est-ce que les flores locales auraient aussi comme les em- 
pires leurs révolutions qui exileraient ou détruiraient leurs 
plus nobles habitants ? — Je ne m'arrêterai pas à Cenon où 
j'ai si souvent recueilli la Filipendule , la Globulaire , l'An- 
colie, l’Anthericum liliago et tant d’orchidées si jolies 
qu’elles ne dépareraient pas la riche collection de M. Cou- 
dert. 

De la belle végétation d’Artigues, je me porte à Ivrac, 
pour y cueillir le Stachys germanica , et je ne passe pas à 
Montussan sans m'’arrêter pour y saluer le beau cèdre du 
Liban, Cedrus libanotis, que je mesurai en 1845. IL avait 
alors, à un mètre au-dessus de la racine, 2 mètres, 40 
centimètres de circonférence et environ 18 mètres de hau- 
teur. Il est aujourd'hui à sa soixante-quinzième année. 

On trouve à Vayres le Ruta graveolens et le Salvia scla- 
rea ; Sur le tertre de Fronsac, le Zeucrium botrys, et notre 
honorable collègue, M. Lespinasse , y a vu en abondance le 
Papaver somniferum. 

J'arrive à Libourne. Là , que de souvenirs !.. En 1819, 
cette ville avait son Jardin de Botanique , où professait feu 
le docteur Moyne, notre ami et collègue, avec lequel nous 
parcourions Saint-Emilion et Saint-Laurent, avec lequel 
nous allions chez un autre collègue qui nous était bien cher 
et que nous avons perdu aussi, M. le marquis de Rabar, 
chez lequel nous recueillions, dans son domaine de Bomale, 


| 


(9) 
le Ranunculus chærophyllos, pendant que l'arrondissement 
qui a été l’un des mieux visités, nous offrait le Saxifraga 
granulata, le Spiræa crenata et tant d’autres espèces ou 
rares ou belles qu'il serait trop long même d’énumérer ici. 

Après avoir longé sur ma gauche des fossés où croit abon- 
damment la variété rameuse de la Prêle multiforme, j'arrive 
à Saint-Ernilion dont le Pastel, /satis tinctoria couronne 
les murailles et dont les lieux secs pourraient bien m'offrir 
encore l'Alyssum calycinum et le Potentilla verna qui me 
rappelle l'argentea que j'ai trouvé à Coutras. Je voulais, 
Messieurs, vous indiquer d'ici le lieu dit le chène-vert, où 
croit l'Ophrys anthropophora, mais j'ai eu lundi dernier 
la visite de M. l'abbé Lussac, aujourd'hui curé de Blagnac, 
que vous avez couronné deux fois pour les belles espèces dont 
il a enrichi notre Flore. Je l'ai invité à notre fête avec M. l'abbé 
Cuvelier qui a bien voulu disposer en ma faveur de la rare 
orchidée ( pour notre Flore ) dont je viens de vous parler, 
et qu'il cueille habituellement dans la localité précitée où il 
vous conduira lui-même, si vous le désirez. 

En attendant, Messieurs, je vais vous entretenir de quel- 
ques excursions faites cette année ( je veux dire depuis notre 
solennité du 1. Juillet 1852 ), et dont les résultats ne 
sont pas sans importance pour notre Flore. 

Je commencerai par ces excursions hebdomadaires que 
je fais avec les amateurs et les élèves qui suivent mon cours 
public de Botanique et dans lesquelles quelques-uns d’entre 
vous ont bien voulu m'accompagner quelquefois. Nous avons 
trouvé le 12 Mai, très-commun à Caudéran , le Lupinus 
angustifolius ; le 19, à Lescure, mais rare, le Geranium 
sanguineum , dont la localité la plus rapprochée était le bois 
de Baret; le 26, à Arlac, l’Helianthemum umbellatum. 
Nous le connaissons depuis longtemps dans cette terre 
classique de la botanique bordelaise ; mais on est heureux 


(10) 

de dire qu'on l'y trouve toujours avec abondance. Il y a au- 
Jourd’hui huit jours que je me suis dirigé sur Belleville, 
pour y observer de nouveau le Lepidium perfoliatum. Mais 
une partie du terrain a été bouleversée à cause d’une tour- 
bière que l’on commence à exploiter et je n’y ai pas trouvé 
cette crucifère. Toutefois , je me hâte de dire que quelques 
obstacles m'ont empêché d’aller dans les deux petites loca- 
lités bien circonscrites d'où je la rapportai en fleur et en 
fruit, le 13 Mai dernier, et cette fois mon excursion avait 
lieu le 25 Juin. 

Notre honorable collègue, M. l’abbé Larrieu, professeur 
au Grand-Séminaire, m'a envoyé dans la seconde quinzaine 
de Mai, plusieurs échantillons de l'Ophrys anthropophora 
et de l'Orchis fusca de Jacq., var. B du militaris de Lin., 
produit d'une excursion que venait de faire M. l'abbé 
Cuvelier. 

En Avril dernier , M. Maillard , pasteur à La Mothe Saint- 
Héray ( Deux-Sèvres ), herborisant à Sainte-Foy (Gironde ) 
y a trouvé dans les moissons arénacées, le Veronica tri- 
Phyllos, et sur les bords d’un pré, mais bien plus rare, 
l’'Anemone ranunculoides, non loin du pont de la Banze. 
Je me réjouis de vous annoncer aujourd’hui dans cette fête 
solennelle, ces deux espèces Linnéennes qui viennent enri- 
chir notre Flore, et j'en exprime avec bien du plaisir mes 
remerciments à l’auteur de cette découverte qui s’est em- 
pressé de joindre, aux détails précis qu’il m’a donnés, des 
échantillons en bon état de ces deux plantes. 

Dans mes excursions mensuelles d'hiver, quelques cryp- 
togames assez rares ont été recueillies. M. Testas, ancien 
pharmacien, m'a apporté le Sphæria acericola de Duby et 
l'Uredo suaveolens de Pers., qui doivent être ajoutées aux 
cryptogames de la Flore. Notre honorable collègue, M. le 
D.' Cuigneau, à fait sur le Pilobolus crystallinus de nou- 


(11) 
velles et bien intéressantes observations qu'il a publiées, 
page 257 et 505 du XVIII." volume de nos AcTes. 

Le professeur d'agriculture , notre honorable collégue, 
M. Petit-Lafitte, vient de m'adresser plusieurs échantillons 
de la Digitale pourprée qu'il a cueillis le 25 du courant dans 
les bois de Saint-Palais , arrondissement de Blaye. Nous 
savons que cette belle espèce avait été vue il y a un petit 
nombre d'années dans cette localité, mais l'abondance avec 
laquelle elle y croît aujourd’hui, nous porte à penser qu’elle 
y est spontanée. 

Passant des plantes sauvages aux cultivées, je citerai 
parmi les plus remarquables qui ont fleuri au Jardin des 
Plantes, les deux Agave americana de feu M. le C.t° de 
S.t-Exsupéry, l’/pomæa nervosa, le Crinum amabile, le 
Cymbidium emarginatum, le Wegelia rosea, le Diclytra 
spectalis, etc. Un beau massif de Pensées fixe depuis bien 
des mois l'attention des amateurs. | 

Notre honorable collègue, M. le comte de Kercado, a 
maintenant dans son jardin, rue Judaïque, 159, en pleine 
floraison une belle collection d'Œillets de poète; et ce qu’elle 
offre de remarquable, c'est que les neuf variétés de couleur 
qui la composent, ont été obtenues des semis des graines 
de deux pieds seulement ( de variétés différentes ). 

La Société, aux approches de sa fête, a procédé à deux 
nominations en vertu desquelles elle proclame aujourd'hui 
M. Marc Arnauld , correspondant à Saintes, membre corres- 
pondant, et M. de Langalerie, curé de Saint-Louis, mem- 
bre honoraire. 

D'après l’état de notre correspondance au 21 Juin, nous 
pouvons espérer que la fête qui nous réunit aujourd'hui à 
Saint-Emilion, se célèbre aussi à Bazas , à La Teste, dans 
le département de la Dordogne , dans les Basses-Pyrénées, 
dans l’Aude, en Algérie et jusque à Saint-Yago de Cuba. 


(12) 

Puissent nos collègues de ces diverses localités qui se 
livrent aujourd'hui dans le même bat aux mêmes travaux, 
et puissions-nous, nous-même , former avec leur concours 
un faisceau d'observations utiles à la science, un bouquet 
digne de la mémoire du célèbre Linné ! 


J.-F. LATERRADE. 


RÉSULTAT EN PLANTES PHANÉROGAMES DE L'EXCURSION. 


1.0— PLANTES QUI NE SONT PAS PARTOUT RÉPANDUES EN FRANCE. 


Geranium sanguineum L. — I] n’a ni les fleurs très-grandes 
de certaines localités montagnardes, ni les fleurs très- 
foncées en couleur, les feuilles excessivement découpées 
et l’aspect buissonneux des échantillons de l'Auvergne 
et des environs de Terrasson (Dordogne). 


Althæa hirsuta L. — Vignes argilo-calcaires, où il est rare, 
tandis qu’il y abonde en Périgord. 


Rumex bucephalophorus L. — Moissons et champs; bien 
moins abondant encore qu’en Périgord. 


Arabis Gerardiana DC. — Dans un chemin creux et om- 
bragé des coteaux ; beaucoup moins vigoureux que sur 
les vieux murs du cimetière de Floirac. — Cette es- 
pèce, confondue par Reichenbach dans son À. plani- 
siliqua, se distingue par son aspect glabre et pourtant 
trompeur, puisque sa tige est bien garnie de poils dont 
les uns sont simples et les autres étoilés ( caract. indi- 
qué par M. Gay, in litt.). 


Ophrys anthropophora L. — Recueilli à Saint-Laurent par 
M. l'abbé Cuvelier, qui pensait qu'on en pourrait re- 


(15) 
trouver encore quelques fleurs ; mais le temps était trop 
court pour permettre à la Société d’aller jusques-là. 

Platanthera bifolia Rich.— Feuilles allongées; éperon grêle 
et allongé ; masses polliniques s’écartant en équerre ; 
odeur de chèvre-feuille. Nous avons vu de très-beaux 
échantillons recueiilis la veille par MM. les abbés Cu- 
velier et Lussac. 

Adianthum capillus-Veneris L.— Très remarquable par l’ex- 
trême élargissement (réniforme) des folioles de sa 
fronde. Plusieurs de ces folioles atteignent jusqu’à 4 ‘/, 
centimètres de largeur. 

Matricaria Chamomilla L.— Commun aux environs des ha- 
bitations et dans les jardins. 

Linum tenuifolium L. — Recueilli par MM. les abbés Lussac 
et Cuvelier. 

Bartsia viscosa L. — Sur les coteaux, au-dessus des friches. 


20 PLANTES DES HAIES ET CHEMINS CREUX. 


Rosa sempervirens L. — La var. B. microphylla DC., in- 
diquée à Saint-Émilion par la 4m° éd. de la Flore Bor- 
delaise, me semble être due à l'exposition découverte, 
chaude et sèche où croît la plante. Elle se présente sous 
la même forme le long des talus blancs et calcaires de 
la route départementale de Bordeaux à Saint-Macaire, 
tandis que dans les haies et les lieux couverts, ses 
feuilles sont toujours plus grandes. L'aspect micro- 
Phylle est si marqué dans le premier cas, qu'il est fa- 
cile alors de prendre la plante (lorsqu'on n’examine pas 
sa colonne stylaire velue) pour le Rosa arvensis. Ce 
dernier , qui abonde en Périgord , n'a pas été rencon- 
tré dans l’excursion de la fête. — L'odeur des fleurs du 
Rosa sempervirens est d'une suavité fine et pénétrante 
qui rappelle celle des fleurs de vigne et de Réséda, 


(14) 
tant que les anthères sont encore vierges et d'un beau 
jaune. Dès que la déhiscence des loges est opérée et 
que l’étamine brunit, l'odeur se dissipe. 

Pimpinella magna L. — Échantillons sans fleurs ni fruits, 
allongés et très-grêles, ce qui dénature l'aspect habi- 
tuel à la plante. 

Lithospermum purpureo-cæruleum L. — En fruits et pré- 
sentant encore un très-petit nombre de fleurs. — Ses 
curieux drageons stériles et garnis de feuilles rappro- 
chées et dirigées d’un mème côlé dans leur jeunesse 
{ foliis secundis) , dépassent fréquemment un mètre de 
long, tandis que les tiges fleuries n’atteigneut jamais 
50 centimètres. 


3.°— VARIÉTÉS DE COLORATION. 


Orchis maculata L. — A fleurs blanches. Échantillons très- 
beaux, recueillis la veille par MM. les abbés Lussac et 
Cuvelier. 

Vicia sepium L. — A fleurs blanches. Un seul pied dans une 
haie. Ce pied avait plusieurs tiges et commençait à por- 
ter des fruits. Les fleurs qui, fraiches, offraient à peine 
une légère tendance à la teinte violacée, sont restées 
blanches sous la presse. 

Echium vulgare L. — A fleurs d’un blanc tirant sur la cou- 
leur de chair. Un seul pied, portant trois tiges vigou- 
reuses et élevées, a été vu au bord de la route vicinale 
qui conduit de Libourne à Saint-Emilion , très-près de 
Libourne. 

Prismatocarpus speculum L'Hér. — À fleurs blanches, à 
peine teintées de couleur violacée. Un seul pied a été 
trouvé, et le type n’a été vu qu’en petite quantité. 

Knautia arvensis Coult. — Un pied à fleurs d’un rose très 
clair, qui, sous presse, ont passé au bleu Jilacé clair. 


te 


(15) 
Polygala vulgaris L. — A fleurs gros bleu, bleu violacé et 
rose foncé. Ces trois variations communes sur les fri- 
ches argilo-calcaires. 


Prunella vulgaris L. — A fleurs blanches, d’un blanc bleuà- 
tre, violacéeset roses. Cette dernière variation est rare. 
— Mêmes friches. 

Centranthus ruber. — À fleurs roses et d’un rouge de bri- 
que pilée. 


4.0— PLANTES MURALES. 


Ajuga Chamæpitys Schreb. — Peu commun. 


Medicago minima Lam. — Atteignant de fortes dimensions, 
mais quelquefois nain. 


Wahlenbergia erinus Linck. — Moins abondant qu'en Pé- 
rigord. 


Isatis tinctoria L. (Pastel). — Très-abondant, particulier, 
dans le département , à Saint-Emilion. 

Orobanche Hederæ Vaucher.— Très-commun, comme par- 
tout dans le Sud-Ouest. M. l'abbé Cuvelier à trouvé 
une tige monstrueuse par fasciation (Moquin-Tandon). 
Cette tige fasciée se composait de l'union de deux ti- 
ges : ses fleurs étaient petites, serrées et nombreuses. 


Echium vulgare L. 


5.0 — PLANTES DES FRICHES CALCAIRES ET DES GAZONS COURTS QUI 
RECOUVRENT LES ROCHERS CALCAIRES. 

Ces plantes sont en général communes et forment deux 
Flores stationales qui se distinguent par quelques plantes , 
se lient par un plus grand nombre, et se confondent en 
quelque sorte, attendu la similitude du sous-sol, avec la 
Flore murale. 

On nomme, en Périgord, terrains de Caussonal, les ga- 
zons très-courts qui garnissent les rochers de craie exposés 


(16) 

au soleil et recouverts d’une épaisseur très-faible et souvent 
minime, de terre végétale argilo-calcaire et excellente. Nous 
avons retrouvé des gazons pareils sur le calcaire à astéries 
de Saint-Emilion ; et comme les différences purement géo- 
logiques n’ont aucuue espèce d'influence sur la végétation , 
il est permis de reconnaître dans cette station comme dans 
le Caussonal du Périgord une grande analogie, exprimée par 
la racine même du mot (calx, chaux) avec le pays del 
Causse de l'Aveyron (H. Pache, Actes de la Soc. Linn. de 
Bord. , t. XVIII, p. 291 ). Tout cela forme le pays calcaire 
par excellence , et les modifications qu’on remarque dans la 
végétation lorsque les friches deviennent argileuses comme 
à Saint-Émilion , se réduisent presqu’entièrement aux va- 
riations de couleur que nous avons signalées plus haut chez 
les Polygala vulgaris et Prunella vulgaris. 

Ne pouvant traiter ici ce sujet avec les détails que com- 
porterait son exposition complète, je me bornerai à faire 
saisir la physionomie que nous ont offerte, à Saint-Emilion, 
les Flores des Friches et du Caussonal, et leurs points de 
contact entr’elles et avec la flore murale. 


À. Friches. 


Hippocrepis comosa L. (la plus abondante et la plus ca- 
ractéristique des plantes de cette localité ). 


Prunella vulgaris L., et ses variations de couleur. 

Polygala vulgaris L., et ses variations de couleur. 

Chlora perfoliata L. 

Anthyllis vulneraria L. 

Ononis natrix L. 

Echium vulgare L. 

Galium mollugo L. (forme buissonneuse et très-raccourcie). 

Ophrys scolopax Chaub. an Cavanilhes ? — Très-coloré, 
rare, et remarquable par sa floraison tardive. Nous ne l’au- 


(17) 
rions pas trouvé en fleurs le 50 Juin, dans une année autre 
que celle-ci, car, en Périgord, dans les localités analogues, 
il est toujours de dix à douze jours plus précoce que l'O. 
apifera. 

Senecio erucæfolius Huds. — IL est ici hors de sa station 
ordinaire {les lieux humides), et sa croissance n’y est favo- 
risée que par l'humidité entretenue dans le sol calcaire par 
la présence de l'argile. 

Eupatorium cannabinum L — Il est ici tout-à-fait acci- 
dentel ; un gros pied, court et trapu, remarqué par M. Pa- 
querée, correspondant à Castillon, m'a rappelé le vigoureux 
individu de la même plante, que j'ai trouvé à nu sur les dé- 
tritus d’une carrière de calcaire crayeux, à Lanquais (Ac. 
de la Soc. Linn. de Bord., t. XV, p. 214, p. 14 du tirage 
à part de mon troisième mémoire sur la station minéralogi- 
que des végétaux ). 

Remarquons que les plantes de ces friches prennent pres- 
que toujours un port ramassé, et souvent une teinte rouge 
violacée dans leurs tiges et leur feuillage. 

Linum tenuifolium L. 


B. Espèces communes aux Friches et au Caussonal. 


Hippocrepis comosa L. (beaucoup moins commune dans 
le Caussonal ). 


Prunella vulgaris 1. (presque toujours violet ou blanc). 
Polygala vulgaris L. (bleu ou rose clair ). 
Thymus serpyllum 1. 
Kaæleria phlevides Pers. ( très-commun). 
Festuca ciliata DC, ( F, myurus L. Soy. Will. ), 
C. Caussonal. 

Les espèces de la division B. ; et de plus : 

Festuca duriuscula DC. 

Thesium pratense Ehrh. 


Tome XIX, / Mélanges |. 


12 


(18 ) 
Dianthus prolifer L., et sa variation uniflore / D. di- 
minutus DC. |. 


Medicago minima Lam. (toujours très-petit). 


Les plantes du Caussonal sont nécessairement fort peu dé- 
veloppées, à cause du peu de profondeur du sol, du piéti- 
nement des passants et des bestiaux qui, en outre, tondent 
continuellement à nouveau ce gazon déjà si court. Mais elles 
sont en général plus grêles, et presque toujours plus vertes 
que celles des friches proprement dites. 


D. Espèces communes aux friches, au Caussonal et aux murs. 


Ajuga chamæpitys Schreb. (ne se tronve guère dans le 
Caussonal ). 

Medicago minima Lam. 

Wahlenbergia erinus Link, (rare dans le Caussonal). 

Echium vulgare L. (idem ). 

Galium mollugo L, (extrêmement petit dans le Caussonal). 

Kœleria phleoides Pers. 

Festuca ciliata DC. 

Dianthus prolifer L., et sa var. diminutus. 


Je finis en faisant remarquer de nouveau que tout ceci 
n'est qu’un coup-d’æil très incomplet, jeté en passant, dans 
une année anormale , où l’été se dessine à peine à la veille 
du 4er Juillet (la vigne est enfin en fleurs dans les bonnes 
expositions), et pendant une excursion spécialement desti- 
née à la recherche des plantes rares ou nouvelles ‘pour la 
flore départementale. 

Sous ce double point de vue , nous pouvons dire que notre 
excursion phanérogamique est à peu près comme non avenue. 


Le Rapporteur pour la phanérogamie, 


Cu. Des Mouuns. 


tin 25 di 


(19) 


RÉSULTATS CRYPTOGAMIQUES DE L'EXCURSION. 


Nous avons recueilli : 
Grimmia africana Walk. Arn. 
Ad muros. 
Placodium fulgens DC. 
Ad muros et rupes. 
Erysiphe communis Linck. 
Ad folia viventia Urticæ urentis. . 
OEcidium Clematidis DC. 
Ad folia viventia Clematidis vitalbæ , in sepibus. 
OEcidium laceratum Sow. 
Ad folia viventia Crætagi oxyacanthe. 
zonium aureum Duby. 
Passim. 
Uredo Rhinantacearum DC. 
Ad folia Bartsiæ viscosæ. 


D.: TH. CuicNEau. 


RÉSULTATS GONCHYLIOLOGIQUES DE L'EXCURSION. 


L'excursion conchyliologique n’a présenté rien de bien 
remarquable quant à la quantité des espèces et n’a rien offert 
de nouveau pour la faune malacologique de la Gironde. Les 
plateaux de Saint-Emilion où le calcaire abonde, nous ont 
donné les espèces terrestres suivantes : 


Helix variabilis et var. minor. 
Intersecta. 
Ericetorum, très-beaux. 


(20 ) 
Aspersa. 
Carthusianella. 
Nemoralis. 
Rotundata Mull. 
Pulchella, idem. 
Costata , idem. 
Cellaria. 


Bulimus acutus Drap. 
Var. flammulata, très-beau. 
Obscurus. 
Pupa umbilicata. 
Granum. 
Clausilia rugosa. 

Pour les espèces d’eau douce, la liste est encore plus 
courte, les ruisseaux des vallons ayant été récemment re- 
curés n'ont offert à nos investigations que les espèces les 
plus vulgaires telles que : 

Physa acuta. 

Fontinalis. 
Limnea ovata. 
Intermedia. 
Paludina viridis. 

Cyclas calyculata Drap. 

Pisidium Pulchellum. 


Somme toute, depuis quatre ans que nous assistons aux 
fêtes d'Eté de la Société Linnéenne, c’est la première fois 
que nous ne signalons aucune nouvelle espèce à ajouter au 
travail de notre honorable président. 11 faut se hâter de dire 
Pourtant que le peu de temps que nous avons pu consacrer 
à nos explorations, a été pour beaucoup dans la pauvreté de 


nos récoltes. 
J. B. Gassres 


TT 


(24) 


RÉSULTATS ENTOMOLOGIQUES DE L'EXCURSION. 


La Commission entomologique, à laquelle s’était joint 
M. Trimoulet fils, l’un des naturalistes invités par la Société, 
a parcouru diverses localités environnant Saint-Emilion et 
malgré ses actives recherches, elle n’a rien de bien impor- 
tant à signaler. 

Plusieurs raisons se sont opposées à rendre nos explora- 
tions peu fructueuses : 1° Les pluies diluviennes et les froids 
constants que nous avons eu à subir depuis le commence- 
ment du printemps jusqu’à ce jour, sans interruption, ce 
ce qui a non-seulement beaucoup nui à l'éclosion des chry- 
salides et à la métamorphose des larves , mais encore a en- 
trainé la mort de beaucoup d'entr’elles. 2° Les défrichements 
complets opérés dans ce pays, de tous les bois qui garnis- 
saient jadis ses gràcieux coteaux, pour les remplacer par 
des vignobles bien entretenus; changement qui s’explique 
aisément par la réputation si bien méritée des vins de Saint- 
Emilion. 

Quoiqu'il en soit, nous allons faire connaître les insectes 
que nous avons observés dans cette journée qui nous laissera 
toujours le souvenir si agréable de la bonne et aimable hos- 
pitalité qué nous avons reçue au château de M. le baron de 
Marignan. 


MYRIAPODES. — Glomeris pustulatus et limbatus — lulus 
varius-Scolopendra electrica. 


CoLÉOPTÈRES. — Dromius corticalis — Harpalus germa- 
nus, amara, brevis, Abax ovalis (ces deux dernières es- 
pèces sont rares.) — Gyrinus minutus — Staphylinus olens 
et pubescens — Telephorus lividus — Dasytes ater — Cis- 
tela lepturoïdes et badia — OEdemera ustulata — Zonitis 


(2) 
apicalis— Apion sedi— Sitomus linellus—Cerambyx miles— 
Hesperophanus mixtus — Lepturu tomentosa — Chrysomela 
graminis — Galeruca tanaceti — Coccinella frontalis et 
quinque-punclata. 


OrTHOPTÈRES. — Decticus griseus — Acridium pedestre. 


HémiprÈres. — Scutellera picta — Pentatoma baccarum 
— Cercopis lateralis. 

HyménoprÈres, — Cephus compressus — {chneumon com- 
punctor — Pompilus viaticus — Xylocopa violacea — Bum- 
bus hortorum. 

LÉpinopTÈREs.. — Pieris rapæ — Colias Edusa — Ly- 
cœæna Adonis. — Arge Galathea — Satyrus Mæra. Janira et 
Meona-- Smerinthus tiliæ— Zigæna filipendulæ—Æuchelia 
jacobeæ — Chelonia villica — Triphena janthina — Eras- 
tria fuscula — Netrocampa margarilaria — Aspilates cala- 
braria. ( Nous avons été d'autant plus surpris de rencon- 
trer cette espèce sur des coteaux élevés et complantés en 
vignes, que nous ne l’avions jamais recueillie que dans les 
landes et les pignadas) — Larentia bilinearia et vitalbaria. 

DiprÈres. — Chironomus maculatus — Tipula lateralis 
— Asilus flavescens — Empis livida — Cheilosia vidua — 
Echynomia grossa — Lucilia caprea — Calliphora fulvi- 
barbis — Musca campestris — Curtonevra stabulans — 
Thyreophora furcata. | 

La Commission entomologique ne s’est pas bornée à ca- 
taloguer les différents insectes qu'elle a rencontrés ; elle a 
également examiné avec attention les nombreux vignobles 
qu’elle a parcourus. Si les vignes ont eu à subir l'influence 
des pluies et des froids qui ont nécessairement retardé leur 
végétation , elles ont eu encore à supporter la voracité des 
Limacons qui, dans de certains endroits, n'ont pas laissé 
intacte une seule feuille. Cependant il y a lieu d'espérer que 


(25) 
le beau temps qui s'était fait si longtemps attendre, réparera, 
en grande partie les dommages qui ont eu lieu. 

Quant aux insectes, qui ont de tout temps vécu aux dé- 
pens de la vigne sans leur occasionner d’autres dégâts que 
ceux qui sont constatés depuis un grand nombre de siècles, 
leurs ravages seront donc très-peu considérables cette an- 
née, par suite des conditions atmosphériques qui ont été 
tout-à-fait contraires à la propagation de ces animaux. 


J. L. Laporte aîné. 


RÉSULTATS GÉOLOGIQUES DE L'EXCURSION. 


Chargé de formuler les résultats géologiques de notre ex- 
cursion du 50 Juin, je viens m'acquitter de cette mission, 
en rappelant les observations faites pendant cette journée. 

Notre excursion géologique avait pour but principal de re- 
connaître un gisement d'huîtres, que M. Ch. Des Moulins 
avait signalé il y a déjà longtemps, mais dont il avait si bien 
oublié la position, que c’est en vain que depuis il avait cher- 
ché à le retrouver. Notre honorable collègue M. Petit-Lafitte 
et moi avions, ensemble, constaté l'existence de ce dépôt il 
y a quelques années : mais nos souvenirs sur l'endroit qu'il 
occupe, étaient tout aussi incertains que ceux de notre prési- 
dent. C’est donc avec bonheur que nous reçumes de M. l'abbé 
Cuvelier, vicaire à Saint Emilion, la promesse de nous in- 
diquer le liéa dont une sorte de fatalité nous avait fait oublier 
la position. 

Ce gisement, quise trouve au lieu dit Bel-Air, sur la pro- 
priété de M. le baron de Marignan, présente une épaisseur 
d'environ un mètre. Les huitres, dont quelques-unes ont 
leurs deux valves, se trouvent mêlées à un sable d’un gris 


(24) 
jaunâtre, analogue à celui de la molasse sur laquelle repose 
ce banc. 


La position de ces huîtres, que l'on trouve en divers lieux 
sur le calcaire d’eau douce, et qui ne reposent sur la mo- 
lasse que dans les endroits où ce calcaire manque, comme 
à Saint-Emilion, la place qu'elles occupent relativement au 
calcaire grossier qui les recouvre, et qui les empâte quelque- 
fois dans ses couches inférieures, comme à Gardegan, près 
Castillon , cette position, dis-je, a fait reconnaître à MM. Des 
Moulins et Delbos, l’Ostrea longirostris de Lamarck, dans ce 
fossile qui jusque-là avait été regardé comme l'O. virginica. 

Quelques heures avant que nous eussions visité ce gise- 
ment, deux de nos collègues, MM. Gassies et Fischer, en 
avaient trouvé un autre, que nous croyons n'avoir jamais 
été signalé. Les beaux échantillons qu’ils vous ont pré- 
sentés, avaient été recueillis sur le versant méridional du 
coteau qui s'étend de Saint-Emilion à Saint-Laurent. Ils 
avaient aussi rapporté de leur excursion une Scutelle que son 
état de dégradation rendait presque indéterminable. 


Moins heureux que les deux naturalistes que nous venons 
de citer, nous n'avions fait dans la matinée aucune observa- 
tion digne d’être citée. Nous avions seulement constaté dans 
la molasse l'existence de concrétions sableuses de formes ar- 
rondies, d’une grande compacité, déjà observées dans le 
Fronsadais. Nous avions aussi rapporté de notre excursion 
une petite dent, de forme conique, légèrement arquée, que 
nous avions recueillie dans un fragment de calcaire grossier. 
Cette dent fait maintenant partie de la collection de M. de 
Kercado, ainsi que les deux objets suivants, que nous avons 
déposés sur le bureau : 


4o Une dent trouvée dans les couches inférieures du cal- 
caire grossier, au Roc d'Espéry, commune de Montcaret 


(25) 
(Dordogne }. Quelques-uns d’entre vous ont pensé que cette 
dent a appartenu à un Palæotherium. 

20 Un os indéterminé, trouvé dans le château de Mon- 
taigne (Dordogne), dans un affleurement de couches moyen- 
nes de la molasse. 

A. PAQUERÉE, 


Correspondant de la Société Linnéenne, 
à Castillon (Gironde). 


RÉSULTATS AGRICOLES DE L'EXCURSION. 


Dans la localité dont il s’agit et dans toutes celles que l’on 
traverse pour aller de Bordeaux à Saint-Emilion, rien n’est 
plus facile à constater que l'action, sur les céréales, de 
l'excessive humidité de l'hiver. 

Partout où la terre est basse et peu apte à s’égoutter, les 
blés ont souffert ; ils sont clairs, peu élevés, peu fournis et 
infectés d'herbes. Aïlleurs, là où le terrain est plus élevé, sa 
nature plus sèche, sa composition plus sablonneuse, ces mê- 
mes blés sont beaucoup mieux et la continuation des beaux 
jours peut achever de les remettre dans la meilleure voie. 

La riche palu de Libourne et de Vayres, nous a offert des 
blés dans ce premier état. Il faut dire aussi que, par une 
négligence des plus coupables, les terres de cette contrée 
soht privées de tout arrangement capable de les mettre à 
l'abri de l'excès de l'humidité, capable surtout desfaciliter 
l'écoulement de l'excès d’eaux que peut leur envoyer la Dor- 
dogne, dans ses grandes crues. 

“ANES plateau varié et quelquefois cependant bien maigre, 
qui s'étend de Libourne à Saint-Emilion, nous a offert de 
beaux froments et de beaux seigles. 

Par les mêmes raisons, nous avons constaté que les praïi- 


(26) 

ries naturelles étaient relativement beaucoup plus belles dans 
les terrains secs que dans les terrains humides. De l’aveu 
des praticiens, il y a bien longtemps que ces premiers ter- 
rains n'avaient offert un foin aussi riche en plantes de la 
famille des légumineuses : trèfles , luzernes, etc... 


Dans les palus, les fèves sont à peu près perdues. 


La vigne nous a paru se relever d’un long état de souf- 
france. 


A l'humidité qui lui a beaucoup nui, il faut joindre, dans 
la région éminemment calcaire de Saint-Emilion, les rava- 
ges des limacons. Partout ces mollusques voraces l'ont atta- 
quée sans pitié, mais il est des points où littéralement ils 
n’ont laissé que les sarments et les jeunes grappes dontils 
étaient ornés. 


Il n’est pas douteux que la privation d’un organe aussi 
physiologiquement nécessaire que la feuille, n’ait une consé- 
quence très-désavantageuse sur le bien-être du pied de vigne 
en général et sur son produit de l’année en particulier. 


Cependant la vigne aussi ressent les salutaires influences 
du beau temps et tout fait espérer qu’elle pourra, malgré 
ses souffrances passées, malgré un retard de près d’un mois 
dans l’ensemble de sa végétation, utiliser l’année 1853. 


En ce moment (30 Juin), elle parfume l'air par l'odeur 
suave de ses fleurs. Année commune, dans la Gironde, cette 
floraison s’effectue dans la période renfermée entre le 25 Mai 
et le 45 Juin. 


Auc. PETIT-LAFITTE. 


À 


se DNS à + 


LA CRITIQUE DU NATURALISTE. 


Le naturaliste barbare, 

Préfère par un goût bizarre, 

Au plus pompeux des monuments 
La mousse couvrant sa muraille ; 
De joie et d’orgueil il tressaille 
A l'aspect des hideux serpents. 


Il est en marche avant l'aurore , 

Pour cueillir, aux champs, l’hellébore 
(Puisse-t’il du moins s’en servir!) 
Et rapporter de son voyage 

Un énorme paquet d’herbage 

Qui doit contenter son désir. 


Un escargot fait ses délices; 
Que de ruses, que de malices 
Pour prendre un léger papillon ? 
En vain l’agile sauterelle, 

Qui fuit son atteinte cruelle, : 
Vole de sillon en sillon. 


Vainement l'abeille en furie 
Qu'il poursuivait dans la prairie, 
Se retourne, et lance son dard ; 
Rien ne peut arrêter son zèle, 
IL insulte à la Demoiselle, 

En la piquant sans nul égard. 


(28) 

Mais si dans sa rage perfide 

Il rend un insecte invalide, 

S'il écrase un colimaçon ; 
Aussitôt sa face s’allonge : 

On voit que le chagrin le ronge, 
Et qu'il est pris par le frisson. 


Car il voulait que ces victimes 
Prissent leurs places légitimes, 
Aux cadres de son cabinet 

A côté d’amis et de frères, 
Que dans ses voyages naguères 
Il saisit avec le filet. 


Telle est la critique sévère 

Que nous adresse le vulgaire. 
Sachons gaiment braver ses traits ; 
Plaignons-le d'ignorer l'ivresse , 
D'un esprit qu’entraîne sans cesse , 
La science et ses doux attraits. 


Oui , l’étude de la nature, 

En rendant notre âme plus pure 
L'élève jusqu’au Créateur , 
Lorsque sa sublime éloquence 
Nous fait contempler sa puissance, 
Nous fait comprendre sa grandeur. 


Pouvons-nous donc le méconnaître , 

Ce sentiment qui parle en maître 

Et brille en ce jour fortuné, 

Quand nous joignons des fleurs nouvelles 
A ces couronnes immortelles 
Ombrageant le front de Linné ? 


Paul FISCHER, 


SÉATOB PUBBIQUE D'HIVER 


DE LA SOCIÉTÉ LINNÉENNE. 


Elle a eu lieu le 4 Novembre, jour de Saint-Charles, en 
mémoire de Charles Linné, dans la grande salle de l’Aca- 
démie, hôtel du Musée, en présence d’une nombreuse et 
brillante assemblée. Le fond de la salle était orné de fleurs 
et de verdure, des bouquets ont été distribués aux dames. 


Son Eminence le Cardinal-Archevèque, M. de Mentque, 
préfet de la Gironde et M. Dosquet , sous-préfet de l'arron- 
dissement, étaient au bureau. On remarquait en face, aux 
places d'honneur, M. Feytit, adjoint de Maire, M. le Rec- 
teur de l’Académie , M. le Procureur impérial, M. de La 
Tour, vicaire-général et M. Paris de Treffonds, commissaire 
impérial au Conseil de guerre. 

À 7 heures et demie le président, M. Ch. Des Moulins, 
a ouvert la séance par un discours plein d'intérêt et de sages 
réflexions sur la maladie de la vigne. 

Le secrétaire-général , M. le D. Lafargue, a présenté 
avec ordre , clarté et un intérêt qu'il a maintenu jusqu'à la 
fin , le précis des travaux annuels. 


Tome XIX. { Mélanges ). 3 


(30) 
Le directeur, M. Laterrade, s’est attaché à dépeindre 
dans son ensemble et principalement à Bazas et dans l’Algé- 
rie , le tableau-qu’a offert la 36.”° fête Linnéenne. 


M. le D." Tél. Desmartis a traité l’intéressant sujet des 
compensations dans la nature. 

M. Durieu de Maisonneuve, directeur et professeur-adjoint 
du Jardin des Plantes , a fixé l'attention de l'auditoire en lui 
faisant connaître le plan du nouveau Jardin des Piantes au 
Jardin-Public. Cette attachante description a été suivie de 
considérations morales d’une haute importance sur l'utilité 
des Jardins des Plantes. 


M. Petit-Lafitte a lu un extrait du Programme des prix, 


dont nous donnons ici la 5.°° parie relative aux récom- 
penses accordées. 


SOCIÉTÉ LINNÉENNE DE BORDEAUX. 


PROGRAMME 


DES 


RÉCOMPENSES ACADÉMIQUES 


PROPOSÉES PAR LA SOCIÉTÉ, 


Fou ls Aannecs 4854 cd sutuunlcd. 


L'histoire naturelle et ses applications aux arts utiles, 
principalement à l'agriculture, tel est le cadre des travaux 
de la Société Linnéenne, tel est le cadre également des 
communications auxquelles elle réserve des récompenses, 
consistant , selon le cas, en médailles d’or, d'argent ou de 
bronze de modules divers. | 


Toujours disposée à recevoir toutes les communications 
qui peuvent lui être faites, sur ces objets divers, et à les 
récompenser selon leur mérite, la Société a cru néan- 
moins cette année devoir préciser davantage les questions 
sur lesquelles elle appelle plus particulièrement l'attention 
des naturalistes et autres. 


(32) 


PREMIÈRE PARTIE, 


HISTOIRE NATURELLE PROPREMENT DITE. 


È 


Conchyliologie. É 


Le catalogue raisonné des coquilles fossiles de la Gironde 
n’a pas encore été fait.avec assez d'étendue. Des découvertes 
nouvelles le rendait nécessaire. Les détails et les descriptions 
données par divers auteurs laissent à désirer sous le rap- 
port du nombre des espèces qui existent dans nos terrains 
tertiaires. 

La Société Linnéenne désire un ouvrage qui rappelle ce 
qui a été déjà signalé et qui y ajoute ce qui a été découvert 
depuis. 


Prix : Une Médaille d'argent, grand module. 


La Société verrait avec plaisir et encouragerait les collec- 
tions de Mollusques et coquilles de notre littoral. Elle ré- 
compenserait également les catalogues et observations faits 
sur cette branche de l'Histoire naturelle. 


IT. 


Botanique. 


A.—Les chênes de l’Europe occidentale ont été peu étu- 
diés et sont généralement mal connus. On suppose que la 
France, le Sud-Ouest en particulier, en récèle plus d'espèces 
qu'on en a reconnu jusqu'à ce jour. En’ conséquence , la 


\ 


(55) 
Société propose pour sujet du prix de Botanique qu’elle dé- 
cernera en 1854 : 
Un travail complet sur les chênes de la région du Sud- 
Ouest de la France , les Basses-Pyrénées comprises. 


Déterminer et fixer rigoureusement les espèces d’après . 
des caractères positifs et invariables , déduits principalement 
de l'analyse des organes floraux, en général trop négligés , 
de ceux surtout de la fleur femelle. Soumettre chaque es- 
pèce à une diagnose latine, comparative , basée sur les ca- 
ractères purement botaniques , mais suivie d’une description 
étendue où figureront , avec tous les développements néces- 
saires, l'ensemble des caractères, tant botaniques que 
forestiers. 


À la suite de chaque espèce typique, seront classées et 
décrites les variétés constantes et mentionnées des formes 
locales. On fera connaître pour chacune d’elles les époques 
de floraison et de foliation, et on notera le degré de tem- 
pérature moyenne sous lequel ces évolutions se produisent. 


On se Livrera à des observations critiques, à des travaux 
rigoureux de synonymie, qui auront principalement pour 
objet les espèces ou variétés indiquées dans les Flores géné- 
rales ou locales de la France, ainsi que dans les ouvrages 
de MM. Tenore, Grisebach , Loddiges, Webb, etc. On re- 
cherchera si certaines formes du Sud-Ouest ne se rappor- 
tent pas à des chênes déjà décrits ou mentionnés par ces 
auteurs. Les faits historiques qui méritent d'être recueillis 
trouveront également place dans ces observations. 

On terminera par des études sur les fibres ligneuses de 
toutes les formes observées et on donnera le tableau com- 
paratif de la densité de leurs bois. Enfin, on entrera dans 
quelques détails sur la qualité et la valeur de ces bois, leur 
emploi dans l’industrie, leurs usages dans les localités. 


(54) 

On tiendra compte aux auteurs des recherches organo- 
géniques auxquelles ils se seront livrés sur les causes qui, 
dans l'ovaire des chênes, déterminent le développement 
d'un seul ovule et l'avortement constant de tous les autres. 


Des figures analytiques, nécessaires à l'intelligence du 
texte, accompagneront les mémoires déposés. 


Prix : Une médaille d'argent, grand module. 


Nota.— Il est bien entendu que.si l'étude des chênes du Sud- 
Ouest ne donne pas lieu à la création de nouvelles espèces, le Prix 
proposé par la Société n’en sera pas moins décerné à l’auteur du tra- 
vail qui remplira le mieux les conditions demandées. 


B. -- La Société Linnéenne , considérant qu’il est d’une 
utilité incontestable pour le département de la Gironde et 
pour la science botanique en général, que le récensement 
de toutes les productions végétales de notre région soit 
aussi complet que possible, décide qu’il sera accordé dans 
la séance publique de 1854, à l’auteur du Catalogue des 
plantes spontanées de l’un des arrondissements suivants : 
Libourne , Lesparre , Blaye, 


Une Médaille d'argent. 


(5) 


DEUXIÈME PARTIE, 


HISTOIRE NATURELLE APPLIQUÉE. 


Agriculture. 


Une classification des terres arables de la Gironde pou- 
vant aider beaucoup au progrès de l’agriculture de ce dé- 
partement , la Société serait heureuse qu’on la mit à même 

‘de récompenser un tel travail, pour lequel d’ailleurs elle ne 
prescrit aucune règle et qu’elle laisse entièrement à la dis- 
crétion des concurrents. 


Prix : Une Médaille d'argent. 


er 


TROISIÈME PARTIE. 


RÉCOMPENSES ACCORDÉES. 


JE 
Histoire maturelle. 


En 1850, la Société eut l’occasion de visiter une très- 
belle collection d'œufs, formée par les soins de M. Meyrand, 
lieutenant d'armement au 74.*° régiment de ligne , alors en 
garnison à Bordeaux. Le résultat de cette visite fut consi- 
gné dans ses Actes (T. XVII, p. 266 ). 

Depuis cette époque , elle a appris que le propriétaire de 
cette collection, aujourd'hui capitaine au 54e régiment de 
ligne, en Algérie, y avait beaucoup ajouté; qu'il l'avait 
rendue une des plus complètes que l’on connaisse, et qu’en 


( 56 ) 
outre , il y avait joint une autre collection , déco très- 
nombreuse , de petits mammifères. 

Voulant témoigner à l’auteur de ces deux collections com- 
bien elle attache de prix à ses importants travaux et combien 
elle a été heureuse d'entretenir avec lui des relations qui 
l'ont mise de plus en plus à même d’en apprécier toute la 
valeur, la Société décerne à M. le capitaine Meyrand , au- 
jourd’hui l’un de ses membres honoraires :° 


Une Médaille d'argent grand module. 
IL. 


Sous le titre de : Notice sur les Termites de la Charente- 
Inférieure, un travail très-remarquable et qui peut avoir 
d’ailleurs une haute portée pratique, a été adressé à la 
Société par M. Boffinet, naturaliste à Saint-Savinien , près 
de La Rochelle. 

Voulant témoigner à l’auteur de ce travail tout le prix 
qu’elle y attache, la Société décerne à M. Boffinet : 

UneMédaille de bronze grand module. 


IL. 


@rnithologie. 


M. Jean Viaut, coiffeur à La Réole, s'occupe depuis 
quelques années, avec autant de goût que d’assiduité, 
d’ornithologie. Déjà la collection d'oiseaux du pays qu'il a 
formée mérite, par son choix et par son importance, de 
fixer l’attention des amateurs. 

De telles occupations ne pouvant que tourner au profit 
de l'Histoire naturelle du département, en même temps 
qu’elles sont de nature à agir de la manière la plus heu- 
reuse sur la moralité de ceux qui s’y livrent, la Société 
accorde à M. J. Viaut, à titre d'encouragement : 

Une Médaille de bronze grand module. 


IV. 


Horticulture. 


Le catalogue raisonné des arbres fruitiers publié l’année 
dernière par M. André Leroy, pépiniériste à Angers, fut 
l'objet d’un rapport présenté à la Société, dans sa séance 
du 16 Février 1853. 

Conformément aux conclusions de ce rapport, qui faisait 
ressortir tout ce que ce travail présentait de remarquable, 
tant par le nombre des espèces ou variétés qui y figuraient, 
que par l’ordre dans lequel elles y étaient rangées , les détails 
synonymiques , etc., la Société accorde à M. André Leroy : 

Une Médaille d'argent grand module. 


—g°———. 


QUATRIÈME PARTIE, 


FORMALITÉS A REMPLIR POUR OBTENIR LES 
RÉCOMPENSES ACADÉMIQUES PROPOSÉES PAR 
LA SOCIÉTÉ LINNÉENNE. 


Tout mémoire, se rapportant à l’une des branches de 
l'histoire naturelle signalée dans cet ouvrage et dans les 
questions qui y sont posées et que l’auteur désirera soumet- 
tre à l'examen de la Société, devra être adressé avec une 
épigraphe sous cachet, propre à en faire connaître l’auteur, 
à son sécrétaire-général, au plus tard le 51 Août. 

Pour les simples communications de découvertes en fos- 
siles, plantes, animaux, etc..., il devra être adressé à la 
Société au moins un échantillon de l’objet découvert, avec 


(58) 
tous les renseignements capables de la bien fixer sur la réa- 
lité et sur le mérite de la découverte. 


Enfin, la Société invite, non-seulement les personnes qui 
ont fait quelques travaux en histoire naturelle, quelques ap- 
plications nouvelles et utiles de cette science à l’agriculture 
ou aux arts, de vouloir bien l’en avertir; mais encore elle 
sollicite expressément l'intervention bienveillante de toutes 
celles qui auraient connaissance de pareils faits, surtout 
quand ceux-ci sont le partage d'hommes qui n’en connais- 
sent pas toute la valeur, ou que leur position sociale met 
dans l'impossibilité de les faire connaître. 

En un mot, aussi bien pour agrandir le domaine des 
sciences dont elle s'occupe , que pour encourager ou récom- 
penser tous ceux qui secondent ses eflorts de près ou de 
loin, directement ou indirectement ; pour favoriser les ten- 
dances heureuses que déterminent de tels goûts , la Société 
fait un appel à tous les appréciateurs de ses intentions, 
et ils ne peuvent manquer d’être nombreux ; et elle ose 
compter, de leur part, sur un empressement qui répondra 
si bien à l'esprit de notre pays, aux tendances de notre 
époque. 

Délibéré et arrêté, en séance générale, à Bordeaux, 
hôtel du Musée de la Ville, le 2 Novembre 1853. 


CuaARLEs DES MOULINS, Président. 
J.-F. LATERRADE, Directeur. 
LAFARGUE, Secrélaire-Général. 


CUIGNEAU (D.-M.), Secrétaire du Conseil. 


DINCOURS D'OUVERTURE, 


PAR 


AMC Eh: Des Moulins, Zscdne 


MOoNSEIGNEUR , 


Messieurs , 


Les séances publiques des Sociétés qui se vouent au 
culte des sciences même les plus austères, sont d'ordinaire 
des jours de joie et de félicitations. Les hommes dont un 
public bienveillant vient écouter la voix s’efforcent, comme 
je l'ai fait souvent en votre présence, de trouver un sujet 
qui, sans faire disparate avec les travaux dont ce même 
public à droit de leur demander compte, lui en épargne les 
aridités, lui en sauve les ennuis. Condamnés, par les usa- 
ges académiques, au périlleux - honneur d'appeler nous- 
mêmes, et sur nous-mêmes, son attention et partant son 
jugement, nous courons la chance de ne pas justifier la 
confiance qu'il a accordée à notre appel. Mais aussi, comme 
il sait à coup sûr qu'il y a fête pour plusieurs, — pour les 
lauréats qui viennent recevoir des couronnes , — pour les 


juges qui les décernent avec bonheur , — l'auditoire se mu- 
# 


(40 ) 
nit presque toujours de si bonnes dispositions à l'indulgence, 
qu'il se garde bien , quoiqu'il advienne , de troubler la Fête, 
et qu’il permet à chacun de n’en remporter que des souve- 
nirs agréables ou même flatteurs. 

Aujourd'hui, Messieurs, il n’en saurait être de même. 
Nous aurons bien des lauréats et ils seront heureux d’être 
proclamés devant vous ; mais nous qui récompensons avec 
satisfaction leurs travaux parfois longs et pénibles , nous ne 
saurions nous isoler des préoccupations qui pèsent sur notre 
auditoire et que nous partageons si vivement nous-mêmes. 
Nous ne saurions non plus tenter de les écarter un instant 
de vos esprits , ni dissimuler la place qu’elles occupent dans 
les nôtres. It nous faut le dire avec vérité comme avec tris- 
tesse : il n’y a pas de fête pour nous aujourd'hui, æ ni pour 
vous, Messieurs, — car notre belle province est en deuil. 

Et ce n'est pas le vieux Bacchus du paganisme qui est 
malade, — ce dieu des ivrognes et des débauchés, ce dieu 
des insouciants et des prodigues , ce dieu des mauvais maris 
et des mauvais pères... ce sont les intérêts les plus légiti- 
mes et les plus graves des familles, qui sont en souffrance 
ou qui se trouvent menacés par un fléau dont les lumières 
de l'expérience n’ont pas encore mesuré la portée. Ce sont 
les moyens d'existence d’une multitude de familles , qui sont 
mis*en question ; et je n’ajouterais pas que c’est aussi l’ai- 
sance de bien d’autres, si celte aisance n'avait pas pour ré- 
sultat nécessaire dans le devoir comme dans les faits, le 
remplacement de la possession directe par la rémunération 
légitime du travail. En un mot, c’est ce fruit béni de la 
terre, que Dieu lui-même a donné à l’homme pour réjouir 
honnêtement son cœur, comme il lui a donné /e pain pour 
le fortifier, — c’est la Vigne, d’où la Gironde tire en grande 
partie sa renommée , sa richesse, j'ai presque dit sa vie, — 
c’est la Vigne qu'attaque ce fléau redoutable. 


(429) 

Et vous , Messieurs , qui honorez de votre présence cette 
réunion d'hommes que vous savez voués à l'étude de l’his- 
toire naturelle et de l'agriculture , vous venez à eux avec le 
droit, et, sans nul doute, avec l'intention de leur demander 
s'ils paient à leurs concitoyens la dette de leurs travaux, de 
leurs efforts, pour détourner les maux qui nous affligent 
ou nous menacent. Vous venez savoir si nous avons entrevu 
la lueur d’un phare au milieu des écueils, et si nous vo- 
guons avec quelque assurance vers le port. 


Nous ramons encore, Messieurs, et à toute force ! Mais 
nous ne ramons pas seuls ou presque seuls, comme il y a 
peu de mois ; et notre faiblesse contre l'action si obscure 
mais si puissante des agents naturels, s’abrite avec confiance 
sous l'égide que lui offre le concours empressé des hommes 
d'intelligence , de pratique et de dévouement parmi lesquels 
le premier magistrat du département nous a donné place. 


Vous le savez tous, Messieurs : le Conseil général de la 
Gironde à émis le vœu qu’une Commission centrale , for- 
mée en majeure partie de membres choisis dans les divers 
corps scientifiques légalement constitués, fût chargée de 
l'étude de la maladie de la vigne, et de la recherche des 
moyens qu’on pourrait opposer à ses ravages. M. le Préfet 
s’est empressé de déférer à ce vœu , et la Société Linnéenne, 
dont l’action se trouve désormais confondue dans l’action 
générale de la nouvelle Commission à laquelle elle à l'hon- 
neur de fournir plusieurs membres, n'aura plus à rendre 
compte au public que des travaux qu'elle a exécutés, seule , 
jusqu’au moment où la Commission centrale est entrée en 
fonctions. Ce compte-rendu sera prochainement publié dans 
la même forme que celui de l'année dernière. 

Nos devoirs seront donc autres qu'ils n'ont été jusqu'ici, 
et la position de celui qui a l'honneur de porter la parole au 


* 


(42) 

nom de cette Compagnie se trouve désormais modifiée. En 
effet, les membres de la Société Linnéenne appelés à siéger 
dans la Commission générale ne s’appartiennent plus ; ils 
se doivent tout entiers à cette institution nouvelle, eux 
et leurs opinions et leurs travaux scientifiques ; c’est elle 
seule qui a droit de parler désormais. Ils doivent concourir 
à former les éléments de sa parole, mais ils doivent per- 
sonnellement disparaitre, et l'individualité n’existe plus pour 
eux. L 

Je ne viens donc pas, Messieurs, en vous entretenant du 
seul objet, ce me semble, qui pût vous intéresser aujour- 
d'hui, — je ne viens pas vous parler de théories, de sys- 
tèmes, d'études, d'expériences, de causes de la maladie, de 
remèdes même : ce sont là toutes choses dont mes devoirs 
actuels m'intérdisent désormais de parler seul, soit en mon 
nom, soit même au nom de la Compagnie. Je viens, en 
écartant tout ce qui est acquis ou se peut acquérir par le 
travail direct sur l’objet de nos communes préoccupations , 
examiner brièvement devant vous , et sous un point de vue 
abstrait et en quelque sorte philosophique, quelles sont les 
chances futures du fléau qui épouvante nos contrées. 

Et d’abord, disons avec regret, mais disons franche- 
ment, pour nous garer de la contagion de leurs impres- 
sions précipitées, — qu'il y a des hommes dont l’imagina- 
tion s’exalte facilement et qui changent bien vite la pensée, 
la crainte d’un évènement possible en une réalité immi= 
nente. Redoutent-ils un désastre , ils le tiennent aussitôt et 
le font presque passer pour accompli. Voient-ils briller un 
éclair, même à l'horizon, ils se croient pulvérisés par la 
foudre. Entendent-ils proférer une menace, c’est pour eux 
comme s'il y avait déjà mort d'homme. . Ecoutez-les : la 
vigne est malade, donc elle est perdue ! Si elle n’est déjà 
morte, pour sûr elle va mourir! 


if 


(45) 
Pressez-les un peu, — ayez l'air seulement d’abonder 


dans le sens de leurs prophétiques frayeurs : ils vous diront 
d’arracher les vignes! 


Étrange défiance , Messieurs , de la bonté divine : étrange 
ignorance de la stabilité des lois qu’une Providence pater- 
nelle a dictées à la nature pour toute la durée de chacune 
des époques géologiques de la vie du globe ! 


Celle où nous vivons est une époque de tranquillité, pré- 
parée de longue main pour que la terre, façonnée par des 
agitations successives et immenses, pût être habitée par 
l'homme, dernier terme de la création dont il a plu à Dieu 
de faire éclater les merveilles. Tant qu'elle durera, cette 
époque , tant que dureront les causes actuelles qui la régis- 
sent , les lois qui ont été données à la nature pour notre 
période géologique, resteront en vigueur et ne seront point 
enfreintes. 


Loin de moi la pensée blasphématoire de croire à des 
chaînes qui entraveraient la volonté du Créateur ! Dieu a 
tout tiré du néant : il est tout-puissant pour y laisser retom- 
ber ce dont il cesserait de vouloir l’existence, et le monde 
sera réduit en poudre à l'instant même où son Créateur 
voudra que le temps cède la place à l'éternité. 


Ce n’est donc pas une certitude absolue de stabilité, une 
certitude mathématique de durée dans des limites fixées , 
que je puis invoquer en vous parlant des lois qui régissent 
notre époque géologique et assurent son évolution paisible et 
régulière. Je dis seulement que, depuis que le globe y est 
entré, depuis que la terre a été donnée pour tente à l'hom- 
me pendant son voyage vers l'éternité, notre planète est 
dans un état de repos, d'ordre , de tranquillité, de fixité 
générale qui n’est plus troublé que dans des localités par- 
tielles , et qui ne serait interrompu dans son ensemble, que 


(44) 

si un bouleversement universel changeait le niveau des mers, 
la climature terrestre, la forme et l'élévation des continents. 
Or, Messieurs, dans l'ignorance où nous sommes des desseins 
de Dieu , nous devons reconnaître qu’un évènement de cette 
nature est possible, absolument parlant ; mais nous n’avons 
pas à raisonner dans une telle hypothèse, car alors les 
conditions d'existence seraient complètement changées , et 
il nous est inutile de nous occuper de ce que deviendrait 
l'agriculture, par exemple, après que ce cataclysme se se- 
rait accompli. Jusques-là, il peut y avoir des bouleverse 
ments partiels et limités, des inondations, de nouveaux 
volcans si l’on veut | quoique la chance en diminue tous les 
jours) , une montagne écroulée d’un côté, un gouffre ouvert 
de l’autre... mais les lois imposées à la nature pour toute 
la durée de la période géologique, je le répète, subsis- 
teront el ne seront pas enfreintes : c’est l’histoire du 
globe qui nous donne la certitude morale sur laquelle je 
m'appuie. 

Or, s’il est une loi bien connue par l'étude de cette his- 
toire et par l'observation des faits existants, c’est celle de 
la fixité des espèces pendant la durée d'une époque géologi- 
que. La nature chimique du sol, — la constitution de l’air 
atmosphérique, — la climature du globe ( qui, malgré le 
refroidissement graduel de notre planète, auquel je crois 
avec la plupart des géologues, n’a pas baissé d’un demi- 
degré depuis six mille ans), — toutes les conditions essen- 
tielles , enfin, de la vie des animaux et des végétaux restant 
les mêmes pendant toute la durée de chacune de ces épo- 
ques , — les espèces persistent en veriu de l’ordre normal 
imposé à leur nature, et se conservent. Si elles viennent à 
disparaître, cette perturbation , presque toujours partielle , 
est uniquement du fait de l’homme, que Dieu a établi roi 
de la création terrestre. 


(45) 
. Et encore faut-il remarquer, que notre puissance ne s’é- 
tend que sur les êtres comparativement peu nombreux et 
doués d’une facilité peu grande à se reproduire, ou de peu 
de moyens de se soustraire à nos attaques. 


C’est ainsi que la pêche de la baleine fera, peut-être bien- 
tôt, disparaître ces gigantesques cétacés , de la surface du 
globe. C’est ainsi que la civilisation refoule dans le fond 
des déserts où elle finit par les atteindre et les exterminer, 
soit les peuplades redevenues sauvages de l'Amérique et de 
l'Australie, soit les animaux féroces, les reptiles que nous 
haïssons ou que nous redoutons , soit enfin les races inof- 
fensives dont nous reclterchons la chair ou la dépouille. — 
Quelques années encore et quelques hommes comme le lieu- 
tenant Gérard, et le lion aura disparu complètement de 
l'Afrique française. La hyène et le chacal, plus nombreux, 
plus petits, moins redoutables, suivront plus tard dans la 
mort ou dans un exil éternel, le noble et terrible roi des 
animaux. La puissance de l'homme ira jusques-là , nous le 
savons d'avance par l’histoire du passé ; mais ce que nous 
apprend aussi cette même histoire, c’est que nous n'avons 
pas été et que nous ne serons pas assez puissants, pour 
anéantir les petits animaux nuisibles qui fourmillent dans 
nos champs et dans nos demeures. Chassés par une porte, 
ils rentreront toujours par l’autre. Décimés , exterminés ici, 
on en retrouvera tout à côté des légions ; leur nombre et la 
facilité de leur reproduction assure la conservation de leur 
espèce. 

Et si du règne animal nous passons au règne végétal , 
quelle méthode agricole nous délivrera sans retour du jonc 
de nos prairies , du chiendent de nos moissons, de la ronce 
de nos guérets et de tant d'autres parasites affamés , plus 
faibles en apparence et non moins forts, en réalité, contre 


Tome XIX. ( Mélanges ). 4 


(46) 
les armes de notre science et de notre labeur ? Non, non! 
nous ne les exterminerons jamais ! La conservation de leurs 
espèces est assurée tant que durera l’état actuel des choses. 


En faut-il plus pour nous rassurer sur la mort que quel- 
ques frayeurs irréfléchies prédisent à la vigne ? Eh bien, si 
l'on veut plus de garanties , j’essaierai d'en ajouter quel- 
ques-unes. L’oranger paraît être, de tous les végétaux, ce- 
lui chez lequel la vie est le plus tenace. On a vu des troncs 
arrachés de cet arbre, se conserver pendant des années 
dans des celliers où , couchés horizontalement, ils servaient 
de traverses pour soutenir des barriques : on s’est aperçu 
que toute vie n’était pas éteinte en tux : on les a replantés : 
ils ont reverdi. . 


Après l’oranger vient la vigne , — je crois du moins pou- 
voir l’affirmer , — dans cette échelle de vitalité tenace. Nos 
coteaux arides du Périgord , d’où toute terre est descendue, 
certains coteaux de mauvaise nature dans l'Entre-deux- 
Mers, présentent encore des ceps épars sur des terrains 
abandonnés par la viticulture , et qu'aucun homme actuel- 
lement vivant n’a vu recevoir des soins ou donner une ré- 
colte. 


Bien plus : tout le monde sait qu’en Normandie on ne 
fait pas de vin. Eh bien, on en a fait. Des abbayes de cette 
province, abandonnées ou ruinées depuis des siècles, 
avaient planté des vignes, et on en retrouve encore aujour- 
d'hui quelques restes, gracieusement enlacés à des arbres 
comparativement nés d'hier, et dont la jeune force sert de 
soutien à leur vieillesse. 


Dira-t-on que c’est là ane raison de plus de craindre pour 
nos vignobles, et que la vigne ayant cessé d’être cultivée 
avantageusement en Normandie , nous pouvons être forcés, 
nous aussi, de renoncer à sa culture ? Hé, non, Messieurs, 


(47) 

ce n'est pas le climat de la Normandie qui a changé, et la 
vigne y viendrait comme autrefois; mais il y a des terrains 
qui conviennent mieux que d’autres à la qualité de ses pro- 
duits ; on a reconnu cette vérité, voilà tout, et on a mieux 
aimé faire de bon cidre que de mauvais vin. En même temps, 
la production vinicole s’est transportée là où elle donnait de 
meilleurs résultats. Ces vignobles du Médoc, dont nous 
sommes si fiers , leur renommée n’est pas bien vieille. C’est 
le maréchal de Richelieu qui l’a faite, et s’il était né dix 
ans plus tard , il aurait pu la voir grandir jusqu’au degré 
d'honneur qu'on ne lui dispute plus depuis soixante ans. 
En effet, né à sept mois et élevé, à la lettre, dans un ber- 
ceau de coton, le maréchal de Richelieu se conserva long- 
temps, comme les fruits müris sur la planche : il mourut à 
92 ans, dix années seulement avant la fameuse récolte de 
1798. 


Voulez-vous un autre exemple de l'abandon de la culture 
de la vigne, et de la docilité de ce précieux arbuste à pros- 
pérer dans le terrain qu'on veut bien lui offrir ? En l'an 92 
de l'ère chrétienne, Domitien fit arracher toutes les vignes 
des Gaules, et le voyageur qui, un siècle plus tard, eût 
traversé notre pays, aurait pu se figurer, lui aussi, qu'un 
changement de climat avait fait abandonner cette culture 
longtemps prospère. Mais en 281, l'empereur Probus nous 
rendit la liberté d’avoir des vignes , et ce fut le grand saint 
Martin qui les introduisit, au IV.me siècle, dans la Tou- 
raine où elles prospèrent depuis quinze cents ans. 


L'épreuve n'est-elle pas assez longue , Messieurs, et pour 
la vigne elle-même, et pour le climat, et pour le terrain ? 
Et dirons-nous encore comme quelques-uns, que la vigne 
est à bout de forces , et qu'elle va expirer précisément à la 
fois, partout où elle est malade, — en Médoc où elle pros- 


( 48 ) 
père depuis cent ans seulement, en Touraine où elle pro- 
duit depuis quinze siècles, en Italie où la chantait Horace, 
en Grèce où elle fournissait aux lecons de sobriété que 
Sparte donnait à ses enfants, en Asie enfin où Noé la 
cultiva le premier ? 

Serons-nous plus près de la vérité, si nous pensons que 
des vicissitudes atmosphériques un peu trop prolongées , 
vont priver de l'existence toute une race végétale qui a dû, 
depuis quatre mille ans, traverser tant de fois de pareilles 
séries de phénomènes défavorables ? Mais ce n’est rien de 
nouveau, dans ce monde , qu’une succession de plusieurs 
hivers trop doux, de plusieurs étés trop secs ou trop humi- 
des; et d'ailleurs, c’est encore ici une loi de notre période 
géologique de tranquillité, que celle du balancement ; de 
l’égalisation . si je puis ainsi dire, des produits aqueux de 
l'atmosphère, quand on les observe en masse, soit dans 
le temps, soit dans l’espace. Or , on ne peut pas croire que 
ces prétendues causes atmosphériques, — l’humide ou le 
sec, — aient sévi à la fois, au moment précisément décisif 
pour chaque localité attaquée , dans toute l'Europe centrale, 
méridionale , orientale, continentale ou insulaire, et dans 
le Nord de l'Afrique. 

La vigne a résisté jusqu'ici à toutes ces attaques passa- 
gères. Si parfois elle a fléchi un instant sous leurs coups, 
elle s’en est relevée, et son histoire est liée de trop près à 
celle de l'homme plus ou moins civilisé, pour que le fait de 
sa disparition d’une vaste contrée où tout un peuple eût 
eu un si grand intérêt à la conserver, ne fût pas infaillible- 
ment recueilli dans les annales ou dans les traditions de ce 
peuple. 

Mais l’oidium, s’écriera-t-on, l’oïdium est un fléau de 
nouvelle nature , et qui sait jusqu'où peuvent aller ses ra- 


vages ? 


ho tt. 


(49) 

Et qui sait, répondrai-je d’abord à mon tour, — qui 
sait réellement que l'oidium soit une chose nouvelle ? Nou- 
velle pour les livres, nouvelle pour les savants... ah! j'y 
consens de grand cœur; mais c’est assumer une responsa- 
bilité bien grave que d'affirmer qu'un être organisé, végé- 
tal ou animal, soit vraiment nouveau, je veux dire créé à 
un moment donné, dans le cours d’une période M à 
uniformément réglée comme la nôtre ! 

Et qui sait, dirai-je en second lieu, si l’oïdium ne s’est pas 
déjà montré, et si la vigne n’a pas recouvré sa santé géné- 
rale, comme après les fléaux passagers venus de l’atmo- 
sphère ? Cette consolante hypothèse est très-probable, car on 
a recueilli des témoignages épars, mais trop peu détaillés, 
qui portent à penser que des maladies analogues ont déjà, 
en plusieurs lieux , affligé les viticulteurs. 

Enfin , si l'oidium est la forme la plus répandue , peut- 
être, du mal qui excite nos justes inquiétudes , s’il en est 
pour ainsi dire la face la plus apparente, il n’en est pas la 
seule forme , ni la seule face : n’attribuons donc pas à l’oi- 
dium une influence exclusive. L'expérience a déjà montré 
que son invasion n'anéanlit pas nécessairement la récolte, 
qu’il peut l’attaquer, puis céder la place à une maturation 
plus ou moins productive : je crois qu'on peut encore dire 
qu'il n’a pas jusqu'ici, à lui seul, tué un seul pied de vigne. 

Mais s’il en est mort quelques-uns, s’il en doit mourir 
encore , si l'oidium , quelle que soit son action , — primitive 
ou consécutive, — n'est pas le seul agent morbifique dans 
l'état actuel de nos vignobles, on peut supposer une autre 
cause plus profonde, et celle-ci ne pourra-t-elle pas être 
mortelle , ou le devenir à la longue ? Enfin, quelle est-elle ? 

A cette dernière question, je ne puis répondre. Mais en 
supposant que cette cause inconnue puisse apporter la mort 
à l'individu végétal, souvenons-nous de La Loi qui garantit 


{ 50) 

la conservation de l'espèce. Admettons que la vigne, souffre 
encore, plus ici, moins là, pendant une période plus ou 
moins longue ; admettons même que des remplacements 
partiels, que des renouvellements de plant deviennent né- 
cessaires , tantôt dans un lieu, tantôt dans un autre : cela 
fera un certain nombre de ceps malades, peut-être un cer- 
tain nombre de ceps morts, mais cela ne fera pas que La 
VIGNE meure. 

Hélas ! les épidémies — et ceci en est une — les fléaux — 
et ceci en est un — frappent parfois avec une grande vio- 
lence; mais ils ne sont pas de longue durée. La main pater- 
nelle de Dieu , qui les permet ou les envoie, en mesure les 
ravages à la faiblesse et aux besoins de l'humanité. Cette 
main toute-puissante pour abattre et pour relever, pour 
blesser et pour guérir, menace plus longtemps et plus fort 
qu'elle ne frappe. Que de fois l’homme impuissant et faible 
n'a-t-il pas détourné ses coups, en s’inclinant humblement 
et avec soumission devant elle ! 

Telle a été la pensée des vénérables Prélats qui ont or- 
donné des prières publiques pour obtenir la cessation de ce 
fléau , comme l'Eglise en autorise dans les temps d’épidé- 
mie, de disette, d’épizooties, de longues sécheresses ou 
d'orages incessants. Ces pasteurs des âmes nous ont mon- 
tré par là que, tandis que la science paie sa dette et tra- 
vaille à découvrir les causes, à chercher les remèdes, il y 
a encore autre chose à faire par ailleurs. Tous ces travaux, 
tous ces efforts, ont un soutien commun qui les anime et 
les unit : c'est l'espérance du succès. Et l'espérance , qu’est- 
ce pour l'homme exilé sur cette terre, si ce n’est la 
confiance en Dieu ! 


(#51) 


TABLEAU DE LA 26" FÊTE LINVÉENNE, 


Présenté à la Société, dans sa Séance Publique d'Hiver, 
le 4 Novembre 1853 ; 


Par M. LATERRADE, Directeur. 


Monseicneur ET Messieurs , 


Il est un jour bien cher à la Société Linnéenne , un jour 
dont elle salue religieusement l'anniversaire par une fête 
tout à la fois scientifique et champêtre , par une fête qui ne 
se célèbre plus comme lors de sa fondation en une seule 
localité, mais comme quatre ou cinq ans après, simultané- 
ment et sur divers points des deux hémisphères. C'est de la 
Trente-sixième de ces fêtes, solennisée le 30 Juin dernier 
que j'ai à vous entretenir aujourd'hui. 


A Borpeaux, dès le matin, la Société et les personnes 
invitées se rendirent à Libourne et delà à Saint-Emilion, 
au château de Bel-Air, domaiñe de M. le baron de Marignan. 
Le président, M. Charles Des Moulins, établit plusieurs 
sections qui explorèrent la petite ville et ses environs , sous 
le rapport de l'archéologie, de la botanique , de l’agricul- 
ture , de l’entomologie et de la conchyliologie. On constata 
dans la propriété de M. le baron, et sur la molasse, au- 
dessous du calcaire à astéries, un dépôt d'huitres remar- 


(52) 

quables par leur grosseur. — La séance fut tenue , par une 
température de 27°, à l'ombre d’un figuier. — Nous n’en- 
trerons pas dans d’autres détails sur cette partie de la fête, 
puisque les résultats en ont été immédiatement publiés. — 
Dans la soirée, le Directeur, empêché de suivre ses collè- 
gues le matin, est parti à 5 heures du Jardin des Plantes, 
et accompagné de ses plus zélés auditeurs du cours de bota- 
nique , il est allé visiter une belle collection d’œillets de 
poète, chez M. le comte de Kercado , membre de la Société, 
et de là il a dirigé sur la commune du Bouscat , une excur- 
sion assez fructueuse qui s’est terminée à 9 heures. 

A ,Maxzac (Dordogne), notre zélé collègue, M. A. de Dives 
ne voyait au début de son excursion que des prairies inon= 
dées et ravagées par les tempêtes , tristes conséquences des 
pluies et des orages de Juin. 11 a donc fallu visiter les colli- 
nes. Celles de Manzac ont offert la cynoglosse variée, plante 
assurément bien vulgaire, mais que notre correspondant a 
citée, parce qu'il ne lui connaît que cette localité dans les 
environs de Saint-Astier. Plus loin, il a rencontré le mille- 
pertuis hérissé, la lenticule à trois lobes, lemna trisulca, 
etc.— Dans ses notes sur la statistique du bassin du Voulon, 
il cite l'église du bourg de St.-Barthélemi-d'Eglise-neuve 
bâtie sur un tumulus gaulois, la grotte de Boudon et près 
du bourg de Chalagnac, un châtaignier colossal qui rap- 
pelle celui de Mios, canton d’Audenge, cité dans notre 
Flore et qui a plus de 8 mètres de circonférence ( 8 47 
centimètres en 1846 ). — Je regrette de ne pouvoir , faute 
de temps, suivre notre laborieux investigateur dans ses ob- 
servations géologiques et dans le reste de son excursion où 
il a trouvé l’épilobe des montagnes , variété verticillée, la 
variété à fleurs blanches du lychnis flos cuculi, le colchique 
d'Automne, le datura tatuta, l'ornithogale à feuilles étroi- 
tes, ornithogalum angustifolium , de Boreau , la forme sans 


(55) 
épine du houx proprement dit, etc. — Mais le temps me 
presse et je passe bien plus vite encore que par une voie 
ferrée, dans le canton de La TESTE. 

Là, notre zélé et laborieux correspondant , M. Chantelat, 
les personnes qu'il avait invitées n'ayant pu se rendre à 
cause de leurs occupations agricoles , partit seul de Gujan, 
à 7 heures du matin et se dirigeant vers le bourg de Mios, 
fit une excursion qui ne se termina qu’à 7 heures du soir. 
Parmi les plantes rares qui en résultèrent, nous nous borne- 
rons à citer le carex vesicaria, l'osmonde royale , la pilu- 
laire , le jonc pygmée et la scrophulaire noueuse , mais en y 
ajoutant les deux cryptogames que notre infatigable collègue 
a cueillies à Mios : la mithrule des marais, mithrula palu- 
dosa Fries, et la tubuline fraise, licea fragiformis, Nees. 
toutes deux nouvelles pour notre Flore. 

C'est toujours avec grandeur , avec zèle et avec succès 
que votre seconde division Linnéenne , celle de Bazas, sous 
la présidence de M. le D. Ardusset, solennise notre fête. 
Dès les 6 heures du matin, les membres partirent de la 
ville , divisés en deux sections : l’une suivit le chemin 
de Bayonne jusqu'à la hauteur du quartier de Couques, 
d'où , portant ses explorations sur la gauche, elle se dirigea 
sur le beau domaine de M. Saige ; tandis que l’autre section 
y arrivait aussi, après avoir exploré une partie de la route 
de Casteljaloux et le petit coteau du Prist. 

Au sortir de Bazas, une carrière en exploitation, riche 
en roches coquillières, fut visitée par nos collègues. Ils 
s’élaient munis de marteaux, de cylindres, de filets, en un 
mot d’un petit arsenal fourni de toutes sortes de machines , 
depuis celle qui est propre à rompre le silex jusqu’à celle 
qui sert à prendre le plus léger des lépidoptères. Ils avaient 
fait plus, ils s'étaient adjoints comme auxiliaires deux de 
ces jeunes enfants dont l'intrépidité et la souplesse sont 


(54) 

par fois si utiles dans ces sortes de chasses. Cependant, et 
sans doute à cause de l’irrégularité de la saison et des lon- 
gues pluies de Mai et de Juin, comme le remarque le 
secrétaire de la division, les produits entomologiques de 
l'excursion furent peu de chose. — Il n’en fut pas ainsi de 
la Botanique. On observa plus de quatre-vingts espèces 
parmi lesquelles nous nous bornerons à citer la garance 
sauvage, Rubia peregrina: le joli plantain moyen, plantago 
media , si rare aux environs de Bordeaux et si commun à 
Bazas , la lampette ou lychnide diurne , {ychnis diurna , aux 
fleurs d’un rouge éclatant dont nous n'avons jamais vu de 
si belles touffes que dans cette localité ; le bec de grue san- 
guin, geranium sanguineum , une caryophyllée assez rare 
de notre Flore, le Lychnis coronaria , et beaucoup d’autres 
plantes intéressantes. 

La séance s’est tenue sur le domaine d’Arbieux {propriété 
de M. Saige) dans un bosquet ombragé dont les arbres 
à fleurs étaient dominés par un magnolia et un tulipier. — 
On remarquait au bureau MM. Saint-Espès , père et fils, 
l'un président du Tribunal et l’autre Maire de Bazas. M. 
Donis , archiprêtre et M. Burguet, Juge de Paix de Gri- 
gnols. ; 

Notre correspondant délégué, M. le docteur Ardusset , 
Président de la division, félicite les membres qui la compo- 
sent de leur zèle, de leurs travaux et termine en appuyant 
ses éloges de ceux que la Sociéte de Bazas a reçus de la 
Société-mère, Le Secrétaire, M. l'abbé Bacca-Nérac , Pré- 
fet des classes du collège, donne lecture de quelques pièces 
relatives à la Fête, qui lui ont été adressées par le Directeur 
de la Société, et il rend compte de la fête d'hiver , célébrée 
à Sauterne le 2 Décembre dernier (1). M. Duvergier, phar- 


(1) L’excursion, grâce à la nature du sol, fut riche pour la saison. 


(55) 

macien, récipiendaire qui vient d'être proclamé, lit une 
intéressante dissertation sur l’Aconit-Napel. M. l’abbé Balle- 
reau, professeur de mathématiques au collège, décrit la 
riche excursion qu'il vient de faire à Uzeste et dans quelques 
autres parties de l'arrondissement ; enfin M. Burguet , or- 
gane de son frère , le docteur H. Burguet, conservateur du 
cabinet d'histoire naturelle de Bordeaux, qui voulait payer 
son tribut à la fête de Bazas, lit un spectacle sous un chène. 
morceau plein d'observations et de poésie. — Qui nous aurait 
dit alors, Messieurs, que quelques jours après, nous aurions 
à déplorer la mort de son auteur, de ce bon collègue qui 
prenait une part si active à nos travaux. Ah! Qu'il me 
soit permis d'interrompre un instant le récit d’une fête, 
pour exprimer vos regrets, pour donner queiques larmes à 
celui qui fut et mon ami et mon ancien disciple ! 


Après les lectures et le relevé des observations météréolo- 
giques fait par M. Touchard , on mesure deux sue re- 
marquables par leur grosseur : un peuplier noir qui, à un 
mètre au-dessus di sol avait 4 mètres, 22 cent. de cir- 
conférence, et un chêne qui en a offert 4 m. 40 c. : c’est le 
cas de rappeler ici le chêne de Pompignac dont la circonfé- 
rence est de 5 m. 67 ©. — Au banquet fut lue une pièce de 
poésie de M. l'abbé Bacca-Nérac, pièce consacrée à chanter 
les bosquets et le château d’Arbieux dans leurs rapports avec 
la Société Linnéenne. 


La réunion était nombreuse. La séance et le banquet eurent lieu 
au château Guiraud. M. Touchard communiqua son travail sur 
la Batate douce et en montra de beaux tubercules qu’il venait 
d'obtenir. M. le Secrétaire , l'abbé Bacca-Nérac rapprocha la cul- 
ture moderne de la vigne de son ancienne culture, et donna lecture 
d’une pièce de poésiejqui résumail l’histoire de la division Linnéenne 
de Bazas, depuis sa fondation jusqu’à l’excursion du jour. 


(56) 

À SaLëces , près. d2 Narbonne , est un de vos plus anciens 
correspondants , M. Viramond, connu par ses travaux qui 
lui valurent il n’y a que deux ou trois ans, une médaille 
d'or de 600 fr., accordée par l’Académie centrale de méde- 
cine vétérinaire de Paris. Ce vénérable correspondant, fati- 
gué par l’âge et atteint depuis la fin de Mars d’une maladie 
dont il n’est pas encore rétabli, n’a pu célébrer notre fête 
comme il l'aurait désiré. 11 nous a envoyé le résultat de ses 
observatious météorologiques qui nous montrent que dans 
l'Aude, la première partie de l'hiver a été chaude et la 
seconde très-froide , le commencement du printemps plu- 
vieux et la suite belle. 


* « Conformément à vos instructions et en vertu de l’article 
VII du Règlement, me disait dans sa lettre du 9 Juillet, 
M. le D.' Bergeret, secrétaire de votre première division , la 
fête a été célébrée le 30 Juin, au château de Coslédàà, chez M. 
le baron de Vallier , le savant et vénérable président de la di 
vision des Basses-PYRÉNÉES , pour qui les sciences naturel- 
les sont toujours l’objet d’un véritable culte et la botanique 
une source de souvenirs délicieux, qui charment son grand 
âge et font une aimable diversion aux inconvénients de la 
faiblesse de sa vue ».— Ensuite, notre honorable correspon- 
dant, M. le D.‘ Bergerct, entre dans des détails intéressants 
dont nous ne pouvons vous donner qu’un léger sommaire. 


L’excursion faite au travers d’un brouillard épais, entre 
Morläâs et Coslédäà, ne pouvait offrir dans des lieux si bien 
et si souvent explorés que des choses acquises à la Flore du 
département, quelques orchidées en retard à cause du 
mauvais temps et quelques autres jolies plantes que l'on 
rencontre toujours avec plaisir. 


A midi, M. le Baron de Vallier ouvre la séance, dont le 
lieu était ombragé par deux magnifiques alisiers / cralæqus 


(57) 
oxyacantha), à fleurs doubles. Peu après, ce vénérable pré- 
sident , ami de l’agriculture qu'il s'efforce d'améliorer dans 
sa localité, se livre à une savante dissertation sur les divers 
. essais qu'il a faits pour obtenir des fumiers substantiels , et 
il conclut de ses expériences , que de tous les procédés mis 
en usage jusqu'à ce jour, le sulfate de fer en dissolution 
étendue , est celui qui a produit les meilleurs effets et celui 
qu'il a définitivement adopté. — Il est impossible, nous mar- 
que M. Bergeret, qui regrette de ne pouvoir nous envoyer 
le travail de M. de Vallier , il est impossible de ne pas adop- 
ter ses conclusions , lorsqu'on voit la vigoureuse végétation 
des plantes élevées dans les terrains ainsi fumés. — M. de 
Laurun, neveu de M. de Vallier , lit deux notes : l’une sur 
la préparation et les usages du.collodion et l’autre sur une 
orchidée des plus remarquables, que possède M. Loddings , 
célèbre horticulteur de Londres, et qui lui vient de la Chine. 
Cette curieuse plante est le cirrhopetalum sinense. Elle pro- 
duit une fleur dont l’un des lobes absolument semblable à 
une langue et à un menton, est dans un mouvement conti- 
nuel. Les pétales couleur de pourpre , sont disposés en cer- 
cle et tournés de manière que de quelque côté qu'on les 
regarde , ils représentent la bouche grimacante des magots 
de la Chine. Nous doutons que cette fleur si singulière ait 
encore été importée en France. 

À Hypra...… Mais ! Je ne dois pas oublier de vous dire, 
Messieurs , que deux heures avant de sortir de mon cabinet, 
j'ai reçu de notre honorable collègue, M. Louis de Bron- 
deau, la description et le dessin colorié d'une tremelle et 
d'un cladospore, deux espèces nouvelles qu'il dédie à notre 
savant correspondant M. Léon-Dufour , de Saint - Séver. — 
A Hydra , M. Clavé , autrefois vice-président à Bordeaux et 
aujourd'hui notre correspondant en Algérie , dans cette Al- 
gérie dont notre infatigable collègue M. Durieu de Maison- 


(58) 

neuve va, réuni avec M. le D." Cosson, nous donner la 
Flore , M. Clavé a fait le 30 Juin une excursion dans laquelle 
il nous eût été bien agréable de le suivre autrement que par 
la pensée. À 7 heures du matin, notre honorable corres- 
pondant, traversait son petit jardin d'agrément où il revoit 
toujours avec un nouveau plaisir le cèdre du Liban, cedrus 
libanolis; la magnifique ketnie , hibiscus liliflorus, dont les 
fleurs ressemblent à celles du lis ; l'Eugénie uniflore, Euge- 
nia uniflora, dont le fruit est comestible ; l’acacia de Farnèse, 
acacia farnesiana , qui embaume l'air de son parfum , etc., 
et le laurier-rose , exhalant une odeur de vanille et qui, dit 
notre correspondant, croit spontanément sur les bords des 
ruisseaux de Kaddous , comme il décore ainsi que le remar- 
que Chateaubriand, les rives de l'Eurotas. Laissons pour 
un moment, parler lui-même M. Clavé : 

« Je sors , ajoute-t-il, de ma propriété, après avoir longé 
une avenue de müriers blancs entre lesquels s'élèvent des 
lauriers-roses, des rosiers ct des pelargonium capitatum 
dont trois chimistes mes voisins , font de l’essence de rose. 
Je traverse un chemin creusé dans le roc. De ce point, la 
route descend rapidement au fond du ravin de Birmandreis, 
où coule un ruisseau presqu'à sec dans cette saison, mais 
qui devient torrent dans la saison pluvieuse. Là, croissent 
à souhait, l'acanthe, acanthus mollis, dont l'aspect réveille 
de si gracieux souvenirs, une foule innombrable de papilio- 
nacées, le lentisque, pistachia lentiscus, notre alaterne, 
l'olivier sauvage, qui, avec l’agave americana, forment ici 
des haies impénétrables, mais qui sont loin d’être aussi 
belles que nos haies d’aubépine ; plante cependant très- 
commune aux environs d'Alger où elle atteint des dimensions 
colossales , et j'arrive au Jardin d’Essai. 

» Là, notre collègue est recu par un de nos compatriotes, 
M. de Baric, bordelais qui remplit les fonctions de payeur 


(59) 
dans ce Jardin. M. Clavé y parcourt deux magnifiques allées, 
à l'aspect grandiose , animé pour le moment par la présence 
de six autruches qui s’y promènent lantôt avec gravité, et 
tantôt au pas de course. Midi sonnant et par une tempéra- 
ture d'environ 30°, notre zélé correspondant rencontre le 
directeur M. Hardy qui lui indique la partie du jardin d’Essai 
où sont deux belles conquêtes dont il vient de l’enrichir, la 
vanille et le caféier. M. Clavé a vu ces deux plantes dans 
tout le luxe de leur végétation au Mexique, et il a l'espoir 
qu'elles s’acclimateront dans la Frauce africaine, puisqu'elles 
y ont heureusement passé le dernier hiver qui a été fort ri- 
goureux dans la colonie, 


» J'ai oublié de vous dire, mon très-cher ami, ajoute un 
moment après M. Clavé, que dans le carré où se trouvent 
les vanilles j'ai été, à la lettre, ravi en extase , en contem- 
plant le plus beau , ou du moins l’un des plus beaux arbres 
qui puissent s'élever sur notre globe ». Il s’agit en effet, 
Messieurs , de l’araucaria excelsa, dont on peut avoir une 
idée en voyant les deux beaux individus de cette espèces 
que possède le Jardin des Plantes de Bordeaux et qu'il doit 
à la munificence de M. Guestier junior, qui les lui donna 
encore bien jeunes, en 1846. 


Le soleil baisse, mais avant de revenir à Hydra, notre 
honorable collègue visite la pépinière des oliviers ; là, sont 
rangées avec ordre les variétés de cet arbre qui proviennent 
de l'Espagne, de la France, de l'Italie et qui sont une source 
de richesses pour l'Algérie. 


Nous n'avons pas reçu encore des nouvelles de Ja fête de 
SanT-Yaco de Cuba; mais à ce que nous vous avons dit à 
pareille époque des observations qui y furent faites en 1859, 
nous pouvons ajouter ce que nous apprimes quelques mois 
après par votre correspondant, mon fils Théophile, sur le 


(60 ) 

funeste tremblement de terre du 20 Août de la même année. 
« I commença, nous dit-il, à 8 h. 36 minutes du matin, dans 
la direction de l'Est à l'Ouest, et dura près de 8 secondes 
pendant lesquelles c'était un spectacle solennel et bien 
effrayant que de voir les montagnes et les forêts s’agiter, 
des rochers tomber et des branches d'arbres se casser ». Ce 
tremblement de terre fut suivi de quatorze autres , dont six 
eurent lieu le même jour que le premier ; cinq le 21 , et les 
trois derniers , le 22, le 28 et le 29. 


On voit donc, et c'est par cette réflexion que nous termi- 
nops, on voit donc que depuis une courte série d'années, 
la terre , l'atmosphère et les plantes nous présentent quel- 
ques phénomènes qui rappellent de loin, mais de si loin 
qu'on ne peut rationnellement les y comparer, quelques-uns 
de ceux de la période géologique. 


PS TETE Up D ri 


CL 74 


LE NOUVEAU 


ALAPÉ, 7 


JARDIN DES PLANTES, 


DISGOURS 
PRONONCÉ DANS LA SÉANCE PUBLIQUE D'HIVER 
DE LA SOCIÈTÉ LINNÉENNE DE BORDEAUX, 
Le 4 Novembre 1853, 


PAR 


M. DURIEU DE MAISONNEUVE, XX 


Membre lilulaire. 


BORDEAUX , 


IMPRIMERIE DE JUSTIN DUPUY ET COMP°., 


Rue Margaux, 11. 


893 


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DE COUR ELLE À 


LE NOUVEAU 


JARDIN DES PLANTES. 


MONSEIGNEUR, — MESSIEURS, 


Il y a bien peu de temps que mes honorables et chers col- 
lègues m’'engageaient, avec des instances trop flatteuses, à 
préparer une lecture pour la solennité de ce jour. Je n’en 
avais pas même eu la pensée, de sorte que, pris ainsi au 
dépourvu, moins d’une semaine avant le jour de cette séance, 
je crus devoir m’excuser et décliner honneur qu’on voulait 
bien me faire. D'ailleurs, je n’ignorais pas que de nombreu- 
ses et intéressantes questions seraient aujourd’hui traitées 
dans cette enceinte par des voix plus connues de vous, et 
que depuis longtemps vous aimez à entendre. Je devais donc 
craindre de vous fatiguer sans vous intéresser : je résolus 
de m'abstenir. 

Mais une idée subite est venue m'assaillir et m'entraîner 
pour ainsi dire malgré moi, lorsque trois jours restaient à 


HE 


peine pour me préparer. En cédant à cet entraînement, je ne 
me dissimule aucun des inconvénients d’une précipitation 
qui, je me hâte de le dire, ne doit être ni présentée ni ac 
ceptée comme excuse. Toutefois, cette précipitation aura au 
moins l'avantage de me forcer à être court et à passer rapi- 
dement sur les détails innombrables que comporterait le 
sujet dont je vais avoir l'honneur de vous entretenir un 
moment. 

Il s’agit en effet du nouveau Jardin des Plantes, dont la 
création bien arrêtée et toute prochaine, et les premiers tra- 
vaux qui vont commencer, préoccupent vivement l'attention 
publique à Bordeaux. Appelé par la ville à l'honneur de coo- 
pérer à cette grande œuvre, j'ai pensé qu'il me serait per- 
mis, sans être accusé de trop de présomption, de vous dire 
quelques mots des dispositions principales, du but et de l’a- 
venir d’un établissement qui sera digne, je le crois, de la 
grande et belle cité qu'il est destiné à embellir encore. 

Chacun sait que le vaste et magnifique emplacement du 
Jardin-Public est réservé en entier au nouveau Jardin des 
Plantes. Personne n’ignore également que la fondation du 
Jardin-Public est assez moderne, qu’elle date d’un siècle 
seulement, et qu’elle est due, comme tant d’autres créations 
utiles, à Tourny, à ce grand et habile administrateur dont 
le nom est resté en si grand honneur parmi les Bordelais, 
et dont les œuvres vivent encore. Je n’ai point à vous parler 
de la destination première de ce Jardin, ni à vous dérouler 
toute son histoire, que vous connaissez certainement mieux 
que moi; il suflit de constater en passant que c'était simple- 
ment un lieu de promenade et d'agrément pour les habitants 
de Bordeaux. Cependant, ce vaste Jardin n’eut jamais le 
privilége d’attirer la foule des promeneurs, et, malgré la 


ur. À 

beauté et la fraîcheur de ses ombrages, peut-être même à 
cause de leur trop grande fraîcheur, il resta toujours dé- 
laissé. Je passe tout de suite à sa destination nouvelle. 

Il y a déjà bien des années que le projet de translation du 
Jardin des Plantes dans le Jardin-Public fut conçu et arrêté. 
Aujourd’hui plus que jamais, l’urgence de ce changement se 
fait sentir. Il serait superflu d’en exposer les motifs : ils frap- 
pent tous les yeux. Cependant, aucune suite n’avait encore 
été donnée à ce projet toujours ajourné. Il était réservé à 
l'administration municipale actuelle d’en poursuivre avec 
persévérance la réalisation et de l’exécuter dans de larges et 
magnifiques proportions, avec les améliorations et les divers 
genres d’embellissements récemment introduits dans les pre- 
miers établissements de l’Europe, joints à d’ingénieuses et 
utiles innovations. 

Les plans, en effet, sont admirables, et promettent à Bor- 
deaux un établissement sans rival, au moins en France, et 
abstraction faite du Muséum de Paris. Conçus dans leur en- 
semble par la Commission des travaux publics, ils ont été 
composés et tracés avec un rare bonheur par le jeune et ha- 
bile architecte dont vous connaissez le talent. | 

Je suis, Messieurs, complétement étranger à ces plans : 
ils étaient terminés ou près de l'être, lorsque je suis arrivé 
à Bordeaux. Ainsi, il me sera permis, je crois, de les louer 
hautement et d’applaudir de toutes mes forces à la pensée 
qui les a conçus, à la main qui les a tracés avec tant de 
perfection. Je n’abuserai pas de votre patience en essayant 
de vous les expliquer. Une pareille tâche d’ailleurs me se- 
rait difficile, sinon impossible, car je n'ai point ces plans 
sous les yeux, et certainement, les mille détails dont ils se 
composent échapperaient en partie à ma mémoire, ou ne 


en 


s’y classeraient pas dans l’ordre où ils devraient vous être 
présentés. Je me bornerai donc à jeter un coup d'œil rapide 
sur les dispositions principales. 

Chacun sait que la forme générale du Jardin-Public est 
celle d’un vaste parallélogramme rectangle dont l’un des 
grands côtés borde le Cours, le côté opposé servant de base 
à un triangle assez irrégulier dont le sommet termine le 
Jardin vers l’ouest. Dans les plans, l’entrée principale du 
nouveau Jardin des Plantes est sur le Cours. Là règne, sur 
une large bande transversale, le mélange le plus heureuse- 
ment combiné de massifs de verdure et de fleurs, de vastes 
boulingrins, de pièces d’eau avec gerbes. On y trouve un 
café d’un côté, un cabinet de lecture de l’autre. Deux autres 
bandes non moins ornées s'étendent le long des aîles. 

Une ligne immense de serres étagées se développe au fond 
du rectangle, qu’elle sépare en partie du triangle. Ces serres 
font face au Cours, et, dans cette situation si heureuse pour 
l'ensemble et le coup d’æil, elles jouissent en même temps 
de l’exposition la plus favorable. Deux pavillons vitrés mar- 
quent les extrémités de cette magnifique construction; un 
pavillon plus vaste s’élève au centre : il remplira le rôle de 
Jardin d'hiver. En avant des serres, le terrain est dégagé 
sur un grand espace; il est occupé par des parterres de plan- 
tes basses, des boulingrins, des pièces d’eau. On y remarque 
deux aquarium, sortes de serres aquatiques où se cultivent 
en Angleterre et en Belgique des plantes d’une merveilleuse 
beauté. Ces aquarium, qu’on n’a pas encore vus en France, 
y font ici leur première apparition. 

La terrasse actuellement existante est conservée, mais 
avec des embellissements en harmonie avec l’ensemble, et 
elle reçoit en outre une destination utile : des galeries ou- 


Ye 


vertes du côté du Jardin abriteront les promeneurs surpris 
par le mauvais temps. 

Le triangie est disposé tout entier en jardin paysager de la 
conception la plus heureuse. On y creuse une vallée, on y 
élève un monticule couvert d'espèces variées d’arbres rési- 
neux ; il y a des bosquets fourrés, des kiosques, un châlet, 
je crois, des retraites en impasse pour les rêveurs. On y voit 
une vaste pièce d’eau transversale, irrégulière, où flotteront 
nos plus belles plantes aquatiques indigènes, et quelques 
exotiques qui s’accommodent de notre climat. La rive du 
fond est bordée d’une sierra de hauts rochers dont les flancs 
abruptes et inaccessibles se couvriront de toutes les plantes 
grasses de l’Europe, tandis que d’autres végétaux exclusi- 
vement rupestres, et dont la culture est souvent impossible 
sur la terre unie de nos plates-bandes, s’échapperont de 
leurs fissures. 

Au milieu du grand rectangle, ainsi couvert sur plus des 
trois-quarts de son étendue d'œuvres d'art, d'utilité publi- 
que ou d'agrément , est disposée l'École, c’est-à-dire le jar- 
din botanique proprement dit. Dans le tracé de cette partie 
si importante du Jardin , on a, par une heureuse innovation, 
échappé à l’uniformité et à la monotonie des plates-bandes 
rectangulaires; mais, en même temps, les compartiments 
nouveaux se relient si bien entr’eux, qu’il n’y à pas à crain- 
dre que l’ordre de plantation en devienne plus difficile ou 
moins régulier. ‘ 

En peuplant cette École, nous ne chercherons pas à y en- 
tasser sans discernement des milliers de plantes diverses, 
pour courir après un but impossible à atteindre, tel que la 
collection de toutes les plantes cultivées dans les jardins 
botaniques. Ce serait s’épuiser en vains eflorts pour un ré- 


= pe 

sultat nul. Toutes les familles du règne végétal seront re- 
présentées dans l’École du Jardin des Plantes, moins, bien 
entendu, celles qui se montrent rebelles à toute culture. 
Mais une distinction sera faite entre ces familles : ainsi, les 
genres de la flore européenne, en général plus recherchés, 
plus étudiés par la majorité des botanistes, y figureront par 
séries nombreuses d'espèces, tandis que les familles pure- 
ment exotiques, dont on s'occupe moins, mais qu'il faut 
cependant connaître, n’y seront représentées que par leurs 
espèces les plus caractéristiques, auxquelles viendront se 
joindre, autant que faire se pourra, celles qui se font re- 
marquer à un titre quelconque d'utilité, de singularité ou 
d'agrément. 

Nous introduirons aussi dans l’École quelques cultures 
monographiques, et nous en espérons des résultats pour la 
science. Nous choisirons , pour les faire passer par cette 
épreuve décisive, les groupes encore incomplétement con- 
nus qui ont le plus besoin de la subir. 

Je voudrais beaucoup y voir figurer aussi une spécialité 
de plantes algériennes, et je crois que cette collection ne 
serait pas dépourvue d'intérêt. Des nouveautés en nombre 
assez considérable ont été découvertes sur cette terre afri- 
caine, devenue française; j'en tiens un grand nombre en 
réserve, afin que le Jardin de Bordeaux en ait la primeur, 
et 1] me serait facile d'obtenir, par les relations que j'ai con- 
servées en Algérie, la plus grande partie de celles qui me 
manquent. : 

Nous ferons aussi de nombreuses tentatives d’acclimata- 
tion de végétaux utiles ou précieux. Nous n'irons pas de- 
mander ces végétaux aux régions équatoriales, ni même aux 
contrées extratropicales, dont la température moyenne dif- 


(= 


fère notablement de celle de la Gironde, mais bien aux pays 
dont le chiffre de la température moyenne de l’année, comme 
des saisons, est sensiblement le même qu’à Bordeaux. On 
sait déjà qu'un certain nombre de points du globe présen- 
tent cette similitude de température; mais il n’en est aucun 
où ces rapports soient plus marqués et se rapprochent plus 
de l'égalité que la Nouvelle-Zélande. Là aussi croissent une 
foule de végétaux utiles, d'arbres gigantesques qui font la 
richesse des chantiers de la marine anglaise. C’est de ce côté 
que nous aurons sans cesse les yeux tournés; c’est à la gé— 
nérosité et au patriotisme de nos capitaines de navire que 
nous ferons appel, pour qu'il nous arrive un jour de cette 
riche et lointaine contrée des sacs de graines de ces végé- 
taux précieux, dont tout semble faire espérer l’acclimatation 
dans la Gironde. 

Avant de quitter l'École du Jardin des Plantes, qu'il me 
soit permis de dire un mot sur celle de l’ancien Jardin. Elle 
contient dans son exiguité un nombre bien plus considéra- 
ble d'espèces qu'on ne le supposerait d’abord, et elle four- 
nira d'emblée à la nouvelle École un noyau important. Il 
n’a fallu rien moins que les soins incessants du vénérable 
directeur et le zèle assidu de l’honnête jardinier-chef, se- 
condé par un fils intelligent, pour parvenir à rassembler et 
à maintenir un si grand nombre de plantes dans un espace 
aussi resserré. J'ai nommé le directeur, Messieurs; vous 
comprendrez le motif qui, lui présent, me contraint de re- 
fouler au fond du cœur les sentiments de respect et de pro- 
fonde vénération que j'aimerais tant à exprimer, en me fai- 
sant ici l'écho de tous. Je me tairai. D'ailleurs, que pourrais- 
je dire après la chaleureuse allocution prononcée, 1l y a deux 
mois, au Jardin des Plantes, par l'honorable magistrat qui 


* 


NW, 2 


présidait à la distribution des prix? Jamais sentiments plus 
vrais et mieux sentis ne furent exprimés en plus nobles et 
plus belles paroles. L'assemblée s’y associa par un élan spon- 
tané, car ces paroles étaient l'expression des sentiments de 
tous. 

Si maintenant nous reprenons nos plans, nos yeux se fixent 
aussitôt sur une ligne régulière de bâtiments d’un dévelop- 
pement de plus de deux cents mètres, qui, à partir du Ma- 
nége, se prolonge vers la rue de la Course. Là seront réunis 
et trouveront une large place, dans des pièces convenable- 
ment disposées , les établissements scientifiques de la ville, 
les collections , les amphithéâtres, l’orangerie, etc. 

Vous le voyez, Messieurs, l’ensemble est complet. C'est 
un autre Muséum, sous un ciel plus riant et plus doux. 

Bien qu'il ne soit pas question, je crois, de créer au Jar- 
din des Plantes une vaste et nombreuse ménagerie, il y aura 
cependant quelques animaux de choix, logés dans des ca- 
banes pittoresques avec préau autour. Des inscriptions, indi- 
quant le nom et la patrie de chaque animal, feront aussi con- 
naître le nom du donateur. Des mentions semblables seront 
scrupuleusement inscrites sur les étiquettes des végétaux 
rares Ou précieux que des amateurs généreux nous commu- 
niqueront ou que des voyageurs zélés nous transmettront 
des pays lointains. 

Je m'aperçois que je n’ai signalé ni les grandes allées de 
ceinture ni celles qui couperont le Jardin en divers sens. 
Le choix des arbres qui les ombrageront sera soigneusement 
étudié. Ce choix sera facile pour les allées intérieures, qui 
n'exigeront pas toujours des arbres de première grandeur. 
Toutefois, je m'empresse d'annoncer la proscription absolue 
du faux acacia, bien que nul arbre ne soit encore plus prôné, 


du 


plus instamment recommandé que celui-là dans les planta- 
tions. Mais je crois avoir pressenti la répulsion des Borde- 
lais pour cet arbre, considéré au moins comme arbre d’or- 
nement, car je n'ignore pas combien il est justement appré- 
cié pour ses usages économiques. Or, c’est précisément cette 
utilité générale qui l’a fait multiplier en si grande quantité 
dans la Gironde. Partout on en fait des haies; il n’est pas 
une berge escarpée qu'on n'utilise par l'acacia ; on le plante 
fréquemment en bois taillis, bois sans ombre et sans pres- 
tige, où les dames ne peuvent pénétrer sans y laisser des 
lambeaux de leur parure. Il me semble donc qu'on en a assez 
ainsi de l’acacia, et qu'après l'avoir rencontré partout dans 
nos campagnes, on ne le retrouverait pas avec plaisir sur 
nos promenades publiques. N’avons-nous pas d’ailleurs , 
pour le remplacer avec avantage, un arbre de la même fa- 
mille, déjà parfaitement acclimaté et très-propre à former 
des allées de deuxième grandeur ? Le sophora, en effet, nous 
offre une-cime plus régulière et mieux fournie, un feuillage 
plus épais et plus durable, une verdure plus fraîche et plus 
prononcée, qui s'étend jusques à son écorce. Sa croissance 
est rapide; son bois coloré, dur et à grain fin, est très-propre 
à l’ébénisterie; enfin, ses fleurs nous cachent un problème 
dont la solution ne serait pas sans importance pour l’indus- 
trie. On sait en effet que les Chinois obtiennent une belle 
couleur verte par un premier bain avec les fleurs très-jeunes 
du sophora. C’est l'unique exemple d’un vert obtenu immé- 
diatement. 

Du reste, les arbres de deuxième et de troisième grandeur, 
propres à ombrager nos allées intérieures, ne nous manque- 
ront pas. Le choix sera plus difficile pour les grandes allées 
de ceinture, à cause de l'exclusion qu'on sera peut-être forcé 


ce jo 


de donner à l’orme, dont les racines ne peuvent s’accommo- 
der d’un terrain trop humide, comme l’est celui du Jardin- 
Public. Nul arbre pourtant n’est plus vivace et plus durable ; 
mais il ne prospère que dans un sol frais sans être humide, 
profond, doux, facile à pénétrer, ni crétacé ni argileux. Hors 
de ces conditions, il n’y a pas de réussite possible. Voyez 
les ormes des Quinconces, dont le dépérissement rapide af- 
flige tant les Bordelais et préoccupe si vivement l’adminis- 
tration municipale. On crut les planter dans des conditions 
excellentes, et, en effet, leurs racines plongeant d’abord 
dans une terre parfaitement appropriée à leur nature, le dé- 
veloppement des premières années fut merveilleux. Cepen- 
dant, depuis quelque temps, on les voit dépérir à vue d'œil, 
et tous, il faut bien le dire, semblent menacés d’une fin plus 
ou moins prochaine. 

C’est dans de telles circonstances que M. l’Adjoint chargé 
des.travaux publics, voulant chercher à pénétrer la cause du 
mal , fit pratiquer un sondage sur le terrain des Quinconces. 
J'eus l'honneur d’être appelé auprès de lui pour assister à 
cet examen, et voici ce qu'il nous fut facile de constater. 
D'abord , une couche superficielle épaisse de plus de 40 cen- 
timètres, formée en majeure partie de débris de démolitions, 
et tellement durcie, qu'elle constitue une sorte de muraille 
complétement imperméable, qui arrête ou paralyse l'action 
des agents atmosphériques. Au-dessous de cette muraille on 
trouve une couche d’une épaisseur à-peu-près égale à la 
première : c’est le sol proprement dit, et ce sol réunit, je le 
répète, toutes les conditions désirables. Enfin vient le sous- 
sol : il se compose d’un limon fortement argileux, pétri de 
nodules de fer hydraté du volume d’un grain de plomb. Ce 
sous-sol, complétement hostile à l’orme, si je puis m’expri- 


= = 


mer ainsi, semble repousser ses racines qui n’y pénètrent 
pas ou fort peu. Celles-ci restent donc emprisonnées et étroi- 
tement resserrées entre deux couches imperméables et nui- 
sibles à l'excès. On les voit s’étendre en lacis serré dans toute 
l'épaisseur de la couche intermédiaire, laquelle, dans le prin- 
cipe, a dû sufire pleinement à l'alimentation des jeunes ar- 
bres, en même temps que la couche supérieure, alors moins’ 
tassée et moins compacte, était aussi plus perméable. Mais 
le peu de puissance de la couche de bonne terre a naturelle- 
ment hâté son épuisement; elle est maintenant devenue tout- 
à-fait insuffisante, et elle fournit d'autant moins de sues nour- 
riciers aux arbres que ceux-ci en demandent davantage. 

La cause du dépérissement d’un arbre est souvent très- 
difficile, quelquefois même impossible à découvrir; mais, 
chez les ormes des Quinconces, la cause du mal est si évi- 
dente, qu’elle semble ne devoir être l’objet d’un doute pour 
personne. 

Plusieurs de ces ormes, parmi ceux surtout dont le dépé- 
rissement est le plus marqué, sont attaqués par des myriâ- 
des de scolytes, dont les larves dévorent les couches cortica- 
les intérieures, hâtant ainsi peut-être, mais de bien peu cer- 
tainement, la mort de l'arbre. Or, au moment où cet insecte 
s'empare d'un orme, celui-ci est déjà condamné ; le scolyte a 
flairé la mort avant même que nous en ayons reconnu les 
symptômes. Peut-être est-il possible de sauver l'arbre ma- 
lade que le scolyte respecte encore; je ne crois pas qu'il reste 
d'espoir pour celui qu'il a attaqué. Lorsque la mouche des 
cadavres s'attache à un animal encore vivant, croyez qu'il 
n'est plus au pouvoir de l'homme de le faire vivre. On a 
souvent conseillé l’ablation de l’écorce jusques au vif; mais 
alors c'était dans le but de remédier à un mal tout différent. 


se 


L'opération a parfois donné sur certains sujets très-vieux, 
à écorce très-épaisse, de très-bons résultats; mais il est 
douteux qu’elle en produise de semblables sur les jeunes 
ormes rongés de scolytes, qui y seront soumis. J’applaudis 
néanmoins aux essais qu'on tente à ce sujet, car, bien qu'il 
semble probable, presque certain même, que l’arbre envahi 
par l’insecte destructeur ne puisse plus être sauvé, cepen- 
dant le fait n’a pas été tellement démontré qu’on doive re- 
noncer à toute expérience. 

Une opération bien autrement rationnelle, et dont les bons 
effets me paraissent mieux assurés, vient d’être ordonnée 
par l'autorité municipale et exécutée en très-peu de jours 
comme par enchantement. Il n’était possible, ni de faire dis- 
paraître le sous-sol, ni de renouveler dans toute son éten- 
due la couche superficielle; mais on a enlevé autour du 
pied de chaque arbre une portion circulaire de cette couche 
compacte, et le bassin a été rempli de terre meuble, douce, 
parfaitement perméable et très-favorable à l’orme. La res- 
tauration n’est pas complète sans doute, mais on comprend 
l'impossibilité de faire davantage. Désormais, au moins, les 
agents atmosphériques pénétreront dans une certaine por- 
tion du sol et entreront en contact avec quelques racines. Il 
n'est pas possible de calculer dans quelle mesure le bien qui 
doit nécessairement résulter de cette opération se fera sen- 
tr, mais il y en aura un : cela me paraît infaillible. Le mal 
n'est pas détruit, sans doute; mais s’il est seulement pallié 
de façon à empêcher les arbres de mourir, ce sera beaucoup, 
et je crois qu’on peut raisonnablement l’espérer. 

Qu'on veuille bien me pardonner cette digression. La ques- 
tion qu’elle touche se rattachait de trop près à mon sujet pour 
que je n’aie pas cru devoir la passer entièrement sous si- 


= 
lence. Elle n’a pas moins d'actualité d’ailleurs que celle du 
Jardin des Plantes, dont nous allons nous hâter de prendre 
congé, car je crains d’avoir déjà lassé votre patience en 
m'arrêtant trop longtemps peut-être sur certains détails. 

Pourtant, après avoir considéré le nouveau Jardin sous 
son aspect tout matériel d’abord, et un peu ensuite au point 

de vue scientifique, permettez que je dise un mot de son but 
moral, tel au moins que je l’envisage. 

Dieu merci, il n’est pas besoin d’être naturaliste pour ap- 
précier et sentir les beautés de la nature. Elle parle aux yeux 
et à l’âme de tous ceux dont les passions basses, les vices 
dégradants n’ont pas desséché le cœur ni obseurei l'intelli- 
gence. Donc, tout ce qui tend à réveiller chez le peuple l’a- 
mour de la nature, tend aussi à lui inspirer l’amour du bien. 
En lui ouvrant une vaste enceinte où il trouvera réunis tant 
d'objets propres à l’intéresser, à piquer sa curiosité ou à lui 
procurer d’agréables distractions, peu à peu on adoucira ses 
mœurs, On calmera ses mauvaises passions, et on lui fera 
oublier quelquefois peut-être le chemin de ces lieux funes- 
tes, de ces cabarets de bas étage où il se démoralise et s’a- 
brutit. Considéré à ce point de vue, le nouveau Jardin des 
Plantes est un véritable bienfait pour le peuple, et plus ce 
Jardin sera magnifique , plus aussi le bienfait sera grand. 

Si tout le monde est appelé à jouir des beautés de la créa- 
tion, considérées dans leur ensemble ou dans leurs détails 
superficiels, il est aussi des jouissances d’un autre ordre, non 
moins vives et plus profitables aux sciences et à l'humanité, 
réservées à celui qui, armé des instruments d'observation 
que d’habiles artistes ont tant perfectionnés de nos jours, 
plonge dans le mystère de l’organisation intime des êtres, et 
voit s'ouvrir devant ses yeux étonnés tout un monde nou- 


2e MES 
veau de merveilles inconnues et souvent non soupçonnées. 
C’est de pareils travaux, trop dédaignés peut-être des es- 
prits qui raisonnent peu, que sortent pourtant des découver- 
tes inattendues, des vérités que l'analyse intime pouvait 
seule mettre au jour; c’est par eux que nous arrivons à la 
connaissance parfaite et à la classification rigoureuse des 
êtres, et que les intelligences d'élite parviennent à saisir 
parfois quelques unes des lois qui les régissent. Souvent, 
trop souvent même, on s’est vu forcé de réclamer le secours 
des lumières des savants spéciaux , afin d’avoir l'explication 
de certains phénomènes menaçants dont la cause échappait 
à tous. C’est ce qui est arrivé pour l’oïdium. Dès son appa- 
rition, on s’est adressé aux botanistes qui s’occupent spé- 
cialement de micrographie, et ils ont montré que cette pous- 
sière blanche n’est autre chose qu’un champignon micros- 
copique appartenant à un genre dont la structure est bien 
connue, qui germe, croît, se multiplie, et dont les formes 
sont plus arrêtées, plus fixes peut-être que celle des grands 
végétaux qui frappent nos yeux. Sans doute, cette connais 
sance n'avance pas beaucoup la question curative, mais au 
moins elle permet à chacun de se rendre compte de la véri- 
table nature de la production, qui pour les uns est la cause, 
pour d’autres l’effet du mal. 

Et je vous le demande, Messieurs, sans cette connaissance 
qui est devenue populaire, à quel déluge de divagations sau- 
grenues ne serlons-nous pas exposés? Que de contes ridi- 
cules n’entendrions-nous pas chaque jour? Pour se faire une 
idée de toutes les absurdités que nous aurions à subir, il 
suflit de jeter un coup d'œil sur ce qu'écrivent encore quel- 
ques personnes qui semblent n'avoir des yeux que pour ne 
point voir. 


Er 


Un dernier mot sur l’oïdium , puisque je l’ai mis en cause. 

L’oidium est un fléau; donc il est temporaire, car Dieu 
n’a jamais envoyé aux hommes de fléau permanent. Comme 
tous les fléaux qui, à toutes les époques, ont frappé l’hu- 
manité, soit dans l'homme même, soit dans les animaux qu'il 
utilise ou dans les plantes qui le nourrissent, l’oïdium dis- 
paraîtra à son tour, avant même que nous ayons découvert 
le moyen de nous en préserver. Et si, au contraire, il nous 
reste et devient endémique, eh bien! il est à croire, on 
peut même, je crois, avancer qu'il est certain que ses fu- 
nestes effets iront s’atténuant de plus en plus. Non, ce ne 
serait pas un fléau général, mais un mal qui çà et là frappe- 
rait encore certains ceps sans nuire sensiblement aux pro— 
duits des récoltes. L'oïdium serait à la vigne ce qu’est aux 
céréales le charbon ou la carie, maladies fâcheuses sans 
doute, mais qui ne causent jamais d’alarmes sérieuses aux 
populations. 

S'ilest vrai que la contemplation de la nature moralise le 
peuple, il est certain également que l'étude des sciences 
naturelles dispose le cœur de celui qui s’y voue à tous les 
bons sentiments dont l'humanité s’honore. Affranchissant 
son esprit d'idées frivoles, elle tend sans cesse à l’élever 
vers l’auteur des merveilles qui se déroulent devant lui. Ces 
sciences ne sont incompatibles avec aucune profession, et 
elles peuvent être cultivées utilement dans toutes. Il faut 
nécessairement à chacun une occupation secondaire en de- 
hors de son état, une distraction qui, à certaines heures, 
vienne interrompre la chaîne uniforme et un peu monotone 
du devoir. 

Un trop grand nombre vont demander ces distractions aux 
joies factices de l’estaminet et du café; d’autres, plus sages, 


AE, 
et aussi plus heureux, les trouvent dans la culture des beaux- 
arts, dans des travaux littéraires, historiques, arehéologi- 
ques; il en est enfin qui viennent les chercher dans l'étude 
des sciences naturelles. Ceux-ci, je vous assure, ne sont 
pas les plus mal partagés. Que des chefs ne s’alarment donc 
pas en voyant leurs subordonnés employer ainsi leurs heu 
res de repos. Loin d’affaiblir le sentiment du devoir, ces 
études, comme tout ce qui élève l’âme, le grandissent et le 
fortifient. Voyez cet officier : il est entomologiste, botaniste, 
géologue; oui, mais avant tout il est militaire, et ses études 
les plus chères ne le lui feront jamais oublier. On le verra 
rarement au café, c’est vrai, mais on le trouvera toujours à 
son poste | 

Que de militaires je pourrais citer ici, qui ont mené de 
front , avec un égal honneur et un égal! succès, le métier des 
armes et l’étude de l’histoire naturelle ! Puisque ces paroles 
ne doivent pas arriver jusques à eux, je puis nommer les 
trois frères Levaillant, fils du célèbre voyageur, généraux 
et officier supérieur dans l’armée; tous, dans des branches 
différentes, sont parvenus, durant les campagnes les plus 
rudes et les plus difficiles, à rassembler d'innombrables et 
précieux matériaux pour la science. Rappellerai-je Bory de 
Saint-Vincent, atteignant seul le point culminant dela Sierra- 
Nevada, au milieu d’un peuple soulevé et bouillonnant de 
vengeance, ou le montrerai-je suspendu à un rocher, sous le 
feu d’un ennemi exaspéré, pour conquérir une fougère rare 
qu'il avait aperçue la veille en portant un ordre du maré- 
chal Soult? Et Dejean, aussi illustre général que savant 
entomologiste ? C’est sur les champs de bataille de toute 
l'Europe, au milieu de la vie des camps et du bruit des 
armes, qu’il collecta une grande partie des matériaux qu'il 


= A0 — 
mit plus tard en œuvre. On le vit un jour, enlevant ses sol- 
dats, charger vaillamment l'ennemi à la tête de sa division ; 
le feutre de son chapeau de général tout constellé des cloéop- 
tères qu'il venait d’y piquer sur le champ même du combat, 
sur le champ de sa double gloire! 

Si j'entrais dans la voie des citations, Messieurs, ce se 
rait à n’en plus sortir. Vous y verriez des marins, et à leur 
tête l’illustre et infortuné d’Urville, toute une légion de pré- 
tres, des magistrats, des administrateurs, des commerçants. 
Ne croyez pas non plus que le titre d’homme de finance soit 
incompatible avec celui d'homme de science; de beaux et 
nombreux exemples seraient prêts à attester le contraire. 
Bien que toutes différentes, ces deux choses s’harmonisent 
parfaitement chez le financier. Son esprit, fatigué, saturé 
de chiffres, se rafraîchit et se retrempe au contact de la na- 
ture, et il reprend avec une puissance et une lucidité nou- 
velles les travaux arides, mais fructueux, de la profession. 

Pourtant, Messieurs, je crois qu'il n’est pas de spectacle 
plus digne d’admiration que celui d’un artisan laborieux, 
vivant du travail de ses mains, et qui consacre à une bran- 
che de l’histoire naturelle les rares moments de loisir que 
lui laisse le labeur quotidien, ou plus souvent encore les 
heures qu’il dérobe au repos de la nuit. Si pour lui la science 
est un titre d'honneur, c’est aussi un certificat permanent 
et infaillible de moralité et de vertu. La confirmation de mes 
paroles ne se fera pas attendre, Messieurs. Il ne m'appar- 
tient pas de prononcer le nom de l’un de nos lauréats de 
ce jour; mais bientôt M. le président va le proclamer devant 
vous, et vos applaudissements, je n’en doute pas, viendront 
rehausser le prix de la récompense que nous lui décernons 
aujourd'hui, et qui ne saurait être mieux placée. 


= Or 

Je termine par un fait concluant, Je crois. 

On n'évalue pas à moins de trente mille le nombre des pro- 
meneurs du Jardin des Plantes de Paris aux jours de fêtes. II 
est facile de s’apercevoir que toute cette population est hon- 
nête. Ce sont des ouvriers rangés, de jeunes filles modestes, 
souvent des familles entières, qui tous, mus par un bon 
instinct, viennent se reposer des labeurs de la semaine et 
chercher de paisibles et agréables distractions dans ce grand 
temple de la nature. Les uns entourent les préaux des ani- 
maux, d’autres s'arrêtent devant les cages des oiseaux et 
s’extasient à la vue de toutes ces variétés de formes et de 
couleurs; on en voit plusieurs, accoudés sur les barrières des 
parterres, contempler avec délices ces corbeilles de fleurs 
savamment contrastées , ces riches plates-bandes si bien 
remplies, et toutes ces ravissantes choses qui, depuis deux 
ou trois ans, s'offrent aux regards du public. 

Eh bien! comparez maintenant ce peuple paisible et hon- 
nête dont le cœur s’épanouit à la vue des œuvres de Dieu, à 


ce peuple dégradé qui, à pareils jours, encombre les barriè- 


res de Paris ou se rue dans les guinguettes dela banlieue ! Je 
ne conclus pas, Messieurs, car vous avez compris... et jugé! 

Je le proclame donc hautement et de toute la puissance 
de ma conviction : le nouveau Jardin des Plantes de Bor- 
deaux n’est pas seulement une création d'utilité publique, 
d’embellissement pour la ville et d'agrément pour tous; 
c’est aussi une œuvre de haute moralisation. Honneur à 
ceux qui l’ont conçue! trois fois honneur à ceux qui l’exécu- 
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