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Full text of "Actes du Congrés international de botanique tenu a Paris en août 1867, sous les auspices de la Société botanique de France"

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TENU A PARIS EN AO: 1867 


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PUBLIÉS PAR LES SOINS 
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M. Euc. FOURNIER 


Docteur ès sciences, secrétaire rédaclc ar du Congres 


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ACTES 


CONGRÈS INTERNATIONAL 


DE BOTANIQUE 


Les mémoires remis en langue étrangère au secrétaire du Congrès ont dû 
être traduits en français avant leur publication, d’après la décision prise par 
le comité d'organisation. 


Paris, — Imprimerie de ©. MANTINET, rue Mignon, 2. 


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ACTES 


DU 


CONGRES INTERNATIONAL 
DE BOTANIQUE 


TENU A PARIS EN AOÛT 1867 


SOUS LES AUSPICES DE LA SOCIÉTÉ BOTANIQUE DE FRANCE 


PUBLIÉS PAR LES SOINS 


DE 


M. Euc. FOURNIER 


Docteur ès sciences, secrétaire rédacteur du Congrès 


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PARIS 
GERMER BAILLIÈRE, LIBRAIRE-ÉDITEUR, 


Rue de l'École-de-Médecine, 17, 


ET AU BUREAU DE LA SOCIÉTÉ BOTANIQUE DE FRANCE, 


Pue de Grenelle-Saint-Germain, 8%. 


NOVEMBRE 1867 


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SOCIÉTÉ BOTANIQUE DE FRANCE 


CONGRES INTERNATIONAL 


DE 


BOTANIQUE 


TENU A PARIS EN AOUT 1867 


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Conformément aux convocations adressées par la Société 
botanique de France, qui a pris l'initiative de ce Congrès, aux 
sociétés savantes et aux botanistes de la France et de l'étran- 
ger, le Congrès s'est réuni à Paris, rue de Grenelle Saint- 
Germain, 84, le 16 août 1867. 

Les personnes qui ont pris part aux séances ou aux excur— 
sions du Congrès sont : 


MM. ABDULLAH-BEY (le docteur), attaché au jardin d’Acclimatation de Con- 
stantinople, membre de la commission impériale ottomane près l’Ex- 
position universelle, etc., etc. 

AVICE, médecin des hôpitaux militaires, à Paris. 

BALANSA (B.), naturaliste-voyageur, à Paris. 

BARAT (Victor), professeur au lycée de Tarbes. 

BAUWENS (L.-M.), de Bruxelles. 

BEAUTEMPS-BEAUPRÉ (Ch.), juge au tribunal de la Seine, 

BERTOLONI (Giuseppe). 

BESCHERELLE (Ém.), attaché au ministère des travaux publics. 

BÉZIAU (l'abbé), professeur au séminaire d'Angers. 

BiccuI (César), de Lucques. 

BLANCHE (Henri), de Dôle. 

BOMMER (J.-E.), secrétaire général de la Société royale de botanique 
de Belgique, de Bruxelles. 

BONNET (Maurice), de Paris. 

BOOTH (John), horticulteur à Hanovre. 

CONGRÈS BOT. 1 


2 


CONGRÈS INTERNATIONAL DE BOTANIQUE. 


MM. BOREAU (A.), directeur du Jardin-des-plantes d'Angers, président et 


délégué de la Société académique de Maine-et-Loire. 

BORNET (Édouard), docteur en médecine, à Antibes. 

BOUCHARD-HUZARD (L.), secrétaire général de la Société impériale et 
centrale d’horticulture. 

BOURGEAU (E.), naturaliste-voyageur, à Paris. 

BOURGEAU (Victor), de Paris. 

BOUTEILLER, docteur en médecine, délégué de la Société des amis des 
sciences naturelles de Rouen. 

BRICE (G.), chef de bureau au ministère de la maison de l'Empereur. 

BROWN (John-B.), professeur de botanique à Cape-Town. 

BRUTELETTE (B. de), d’Abbeville (Somme). 

BUREAU (Éd.), docteur en médecine et ès sciences naturelles, à Paris. 

BURLE (A.), de Gap. 

CANDOLLE (Alphonse de), de Genève, membre correspondant de l'In- 
stitut de France, etc. 

CANNART D'HAMALE (de), sénateur, membre de la commission belge et 
du jury international, de Malines. 

CAVROIS, de Paris. 

CHARPENTIER (E.). 

CHEVALIER (l'abbé E.), professeur au séminaire d'Annecy. 

CLARINVAL (le colonel), de Metz. 

CLOUET (J.), pharmacien à Paris. 

COEMANS (l'abbé Eug.), membre de l’Académie des sciences de 
Bruxelles, vice-président de la Société royale de botanique de Bel- 
gique. 

CORDIER (F.-S.), docteur en médecine, à Paris. 

CORNU (Max.), élève de l’École normale. 

Cosson (E.), docteur en médecine, membre de la commission scien- 
tifique de l’Algérie, à Paris. 

DAGu. 

DARDENNE (Émile), professeur à l'École moyenne, à Andennes (Bel- 
gique). 

DELACOUR (Th.), de Paris. 

DELCHEVALERIE. 

DERUELLE. 

DES ÉrANGS, juge de paix à Bar-sur-Aube. 

DEVERNOIS. 

DEVOs (André), régent à l'École moyenne, à Namur. 

DONNADIEU (A.), docteur en médecine à Montpellier. 

DOûMET (N.), secrétaire de la Société d’horticulture et de botanique 
de l'Hérault. 

DUCHARTRE (P.), membre de l'Institut. 


LISTE DES MEMBRES. à 


MM. Du MORTIER (B.-C.), de Tournay, membre de la chambre des repré- 
sentants, président et délégué de la Société royale de botanique de 
Belgique. 

DURANDO, bibliothécaire de l'École de médecine à Alger. 

DURIEU DE MAISONNEUVE, directeur du Jardin-des-plantes de Bor- 
deaux, membre de la commission scientifique de l'Algérie. 

DussauU, pharmacien à Marseille. 

DUVERGIER DE HAURANNE (Emm.), de Paris. 

EICHLER (A.-W.), docteur ès sciences, privatdocent à l’Université de 
Munich. 

ESPAGNE, docteur en médecine à Montpellier. 

FAIVRE (E.), professeur d'histoire naturelle à la Faculté des sciences de 
Lyon. 

FAMINTZIN (André), de Saint-Pétersbourg. 

FARMER (R.). 

FLUECKIGER, docteur en médecine à Berne. 

FORGET (E.), docteur en médecine à Paris. 

FOURNIER (Eug.), docteur en médecine et ès sciences naturelles, dé- 
légué de la Société impériale et centrale d’horticulture. 

FRANCQUI (J.-B.), professeur de chimie à l’Université de Bruxelles. 

GAROVAGLIO (Santo), professeur à l’Université de Pavie. 

GARROUTE (l’abbé), d'Agen. 

GAUDEFROY, de Paris. 

GELEZNOW (Nicolas de), conseiller d'État actuel, directeur de l’Aca- 
démie agricole et forestière de Pierre-le-Grand, à Moscou. 

GERMAIN DE SAINT-PIERRE (E.), docteur en médecine, à Costebelle 
près Hyères. 

GOEPPERT, conseiller médical intime, professeur à l'Université de 
Breslau. 

Gorrz (Ad.), régent à l'École moyenne, à Virton (Belgique). 

GONOD D’ARTEMARE, pharmacien à Clermont-Ferrand. 

GRABOWSKI (E.), dessinateur, à Paris. 

GROENLAND (Johannes), de Paris. 

GUBLER (Ad.), médecin des hôpitaux, professeur agrégé à la Faculté de 
médecine de Paris. 

GUILMOT (L.), prêtre au collége de N.-D. de Bellevue, à Dinant (Bel- 
gique). 

HAGQUIN, horticulteur à Paris. 

JAMIN (Ferdinand), horticulteur à Bourg-la-Reine près Paris. 

KANITZ (Aug.), docteur en médecine, à Lugos (Hongrie). 

KIRSCHLEGER (F.), pro‘esseur à l'École supérieure de pharmacie de 
Strasbourg. 

KNY (L.), docteur ès sciences, privatdocent à l'Université de Berlin. 


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h CONGRÈS INTERNATIONAL DE BOTANIQUE. 
MM. Kocu (Karl), professeur de botanique à Berlin. j 


KRALIK (L.), de Paris. 

KUNTZE (Otto), de Leipzig. 

LAISNÉ (A.-M.), ancien principal du lycée, à Avranches (Manche). 

LANCIA DE BROLO (Frédéric), délégué de l’Académie royale des sciences 
de Palerme et de la Société d’acclimatation et d'agriculture, de 
Sicile. 

LANDRIN (Armand), rédacteur de l'Avenir national, à Paris. 

LARCHER, chef de bureau à la préfecture de la Seine. 

LEFRANC, attaché à la préfecture de la Seine. 

LEFRANC (Edmond), pharmacien-major des hôpitaux militaires, à 
Paris. 

LELIÈVRE (l'abbé R.), d'Angers. 

LESTIBOUDOIS, conseiller d'État, membre correspondant de l'Institut. 

MAIN, ancien avocat, à Melle-sur-Béronne. 

MALBRANCHE, pharmacien en chef de l'hôpital de Rouen, président 
et délégué de la Société des amis des sciences naturelles de Rouen. 

MALINVAUD, de Limoges. 

MALINVERNI, de Verceil (Italie). 

MARTIN (Ém.), juge au tribunal de Romorantin. 

MARTIN (L. de), docteur en médecine à Narbonne. 

MICHEL (Aug.), attaché au ministère des finances. 

MOORE (Charles). 

MOORE (David), docteur en philosophie, directeur du Jardin botanique 
de Dublin, délégué de la Société d'histoire naturelle de Dublin. 

MORREN (Édouard), professeur à l'Université de Liége. 

MUENTER, professeur à l'Université de Greifswalde (Poméranie). 

NAUDIN, membre de l'Institut. 

NISSON (Max), de Naples. 

NYLANDER (W.), docteur en médecine, d'Helsingfors. 

PARISOT, vice-président ct délégué de la Société d'émulation de Mont- 
béliard. 

PARSEVAL-GRANDMAISON (J. de), de Mâcon. 

PÉRARD (A.), de Paris. 

PÉRONIN (A.), de Paris. 

PERSONNAT (Victor), de Sallanches (Haute-Savoie). 

PERSONNAT (Camille), délégué de la Société des sciences naturelles de 
l'Ardèche. 

PLANCHON (J.-E.), professeur à la Faculté des sciences et directeur de 
l'École supérieure de pharmacie, à Montpellier. 

PLANCHON (G.), professeur à l’École supérieure de pharmacie de Paris. 

POISSON (Jules), préparateur au Muséum d'histoire naturelle de Paris. 

POLUTA (Georges), professeur à l'école vétérinaire de Kharkoff. 


LISTE DES MEMBRES. Li) 


MM. POMEL (A.), garde-mines à Oran. 

PRAT-MARCA, docteur en médecine à Paris. 

PUEL (T.), docteur en médecine à Paris. 

RADLKOTER, professeur à l’Université de Munich. 

RAMEY (Eug.), de Paris. 

RAMOND, directeur des douanes, à Paris. 

RAVAIN (l'abbé J.-R.), professeur au séminaire de Combrée (Maine- 
et-Loire). 

RicARD (Ad.), de Montpellier. 

RiparT, docteur en médecine à Bourges. 

R1VET (G.), attaché au ministère des finances. 

RIVIÈRE (Aug, ), jardinier en chef du Luxembourg. 

RIVIÈRE (Charles), de Paris. 

ROBINSON (William). 

ROUSSEL, docteur en médecine, à Paris. 

RoZE (Ernest), attaché au ministère des finances, lauréat de l’Institut. 

SAGOT (P.), professeur à l’école normale professionnelle de Cluny. 

SALDANHA DA GAMA (J. de), commissaire brésilien près l'Exposition 
universelle. 

SAINT-EXUPÉRY (Guy de), d'Agen. 

SCHNEIDER (Gustave), docteur en philosophie, délégué de la Société 
des sciences naturelles de Brême. 

SCHOENEFELD (W. de), secrétaire général de la Société botanique de 
France. 

SCHULTZ-SCHULTZENSTEIN, professeur à l’Université de Berlin. 

SOULA, pharmacien à Pamiers. 

STIZENBERGER (Ernest), docteur en médecine, de Bâle. 

TANTENSTEIN, de Paris. 

TARDIEU (Maurice), de Paris. 

TARDY. 

TELLIER, de Roubaix. 

THIBESARD, de Laon. 

THURET (Gustave), membre correspondant de l'Institut, à Antibes. 

ToURLET (E.-H.), interne des hôpitaux de Paris. 

TRIANA (José), de Santa-Fé de Bogota (Nouvelle-Grenade). 

VAN HOREN, docteur ès sciences naturelles, à Saint-Trond (Belgique). 

VERLOT (Bernard), chef de l'École de botanique au Muséum d'histoire 
naturelle de Paris. 

VERLOT (M.). 

VIGUIER (G.), de Paris. 

VILMORIN (Henry Lévêque de), de Paris. 

WARNER (Robert), de Londres. 

WEDDELL (H.-A.), docteur en médecine, à Poitiers. 


6 CONGRÈS INTERNATIONAL DE BOTANIQUE. 


MM. WESMAEL (Alfred), directeur de la Société d’horticulture et de zoologie 
du Vaux-Hall, à Mons. 
WILLINCK, d'Amsterdam. 
WITTMACK, membre de la Société botanique de Brandebourg. 


Six séances ont été tenues les 16, 17, 19, 21, 22 et 23 août, 
et consacrées : 

4° A la nomination du bureau et à l’organisation des travaux 
du Congrès ; 

2° Au dépouillement de la correspondance ; 

3° A la lecture des mémoires; 

h° A la discussion des lois de la nomenclature botanique. 


Séance d’ouvcrture, le 16 aoùt 1867. 


Le Congrès se réunit le 16 août, à sept heures et demie du 
soir, dans une salle obligeamment mise à sa disposition par la 
Société impériale et centrale d’'horticulture, et décorée d’arbustes 
et de fleurs qu'y a fait placer, sur la demande du comité d’or- 
sanisation, M. Aug. Rivière, jardinier en chef du Luxembourg. 

Une exposition remarquable d'instruments, de livres, de 
plantes et de dessins est placée dans cette salle. 


A° Instruments. 


M. B. Verlot, chef de l'École de botanique au Muséum d’histoire 
naturelle de Paris, a exposé la plus grande partie des objets figurés 
dans son Guide du botaniste, qu'il a réunis avec l’aide de MM. Cosson, 
Delacour, Gaudefroy et Rivière. Ces objets, indispensables aux per- 
sonnes qui herborisent ou qui font un herbier, se classent ainsi : 


Instruments de récolle. 


Piochon Cosson (Guide, f. 3). 
—  Hacquin (id. f. 1). 
Houlette ordinaire à vis. 
— Rivière (id.f, 5 et f. 6). 
Couteau-poignard et son ceinturon. 
— à herboriser du professeur Richard (communiqué par M. Rivière). 
Serpette, 
Sécateur (système Brassand), 


SÉANCE D'OUVERTURE. 7 


Boîtes à herboriser de formes diverses. 
— cylindrique. 
—  missel (docteur Boisduval). 
—  semilunaire, etc, 

Cartable (deux exemplaires de). 


Objets utiles à la préparation des plantes. 


Papier à dessécher (matelas et feuilles simples). 
Presse portative (MM. Balansa et Delacour). 
Châssis de bois (M. Grænland). 

— de fer (M. Rivière). 

— de toile métallique (M. Bureau). 


Conservation des plantes. 


4° Par le sublimé corrosif : 
Cuvette ovale. 
Presselles de cuivre ou de bois dur à mors très-allongés . 


29 Par le sulfure de carbone : 
Caisse à sulfure (M. Gaudefroy). 


Distribution des plantes en herbier. 


Papier à herbier (feuilles simples et doubles). 
Étiquettes (divers modèles). 

Cartons, sangles. 

Échantillons fixés et non fixés. 


M. J. Grænland a exposé deux petites serres dans lesquelles il 
cultive les Hépatiques ; on y remarque une trentaine d'espèces très- 
rares, recueillies tout récemment dans la Forèt-Noire par M. Jack. 
Ges espèces sont étiquetées. 


2 Javres. 


MM. J.-B. Baillière et fils, Klincksieck et F. Savy, libraires-édi- 
teurs, ont exposé la plupart des publications botaniques récentes, 
éditées par leurs maisons ou par leurs correspondants. 


3° Plantes. 


M. Ad. Brongniart, professeur-administrateur au Muséum d’his- 
toire naturelle, a bien voulu autoriser l'exposition de quelques 
paquets, pris au Muséum dans l'herbier général et dans l’herbier de 
France, pour que l’on püût juger de l'arrangement de ces herbiers. 

M. E. Cosson et M. Gaudefroy ont, dans le même but, exposé 
un spécimen de leur herbier. Gelui de M. Gaudefroy est renfermé 
dans des boîtes particulières qui mettent les plantes à l'abri de la 
poussière. 

M. Grœnland a exposé plusieurs fascicules des différentes collec- 


8 CONGRÉS INTERNATIONAL DE BOTANIQUE. 


tions cryptogamiques de M. le docteur Rabenhorst (1); 17 fascicules 
des magnifiques Plantes cryptogamiques du grand-duché de Bade, 
publiées par M. le docteur Stizenberger; et une remarquable col- 
lection de ses propres préparations microscopiques. 

MM. Klincksieck et F. Savy ont exposé le Cryptogamen Herba- 
rium et le Phanerogamen Herbarium de Wagner ; M. Savy, les 
Mousses des Pyrénées et les Plantes des Pyrénées de M. Forcade. 

Enfin, M. E. Bourgeau (2) a exposé plusieurs des collections 
de plantes qu'il a mises en vente à différentes occasions, savoir 
des plantes médicinales, des plantes de France, d'Espagne, de 
Syrie, etc. (3). 


h° Dessins. 


M. Grabowski a exposé plusieurs des beaux dessins qu'il à faits 
sous la direction de M. Bureau, pour le Flora brasiliensis de M. de 
Martius. 


M. P. Duchartre, membre de l'Institut, vice-président de la 
Société botanique de France, occupe le fauteuil, assisté de 
MM. de Schœnefeld, secrétaire général; Bureau et Cosson, 
secrétaires ; Bescherelle et Roze, vice -secrétaires ; Eug. Fournier, 
archiviste de la même Société; G. Planchon et H. Vilmorin, 
secrétaires du comité d'organisation. 

En prenant place au fauteuil, M. Duchartre présente au Con- 
grès les excuses de M. Decaisne, président de la Société bota- 
nique, retenu par une indisposition. M. Duchartre exprime à la 
réunion les sentiments de fierté bien légitime qu'éprouve le 
bureau de la Société botanique en voyant que ses soins ont pu 
réunir à ce Congrès plus de cent botanistes français ou étran- 
sers, dont un grand nombre occupent un rang élevé dans la 
sclence. 

D’après la liste dressée provisoirement par le comité d'orga- 


(4) S'adresser pour l’acquisilion de ces collections à M. J. Grœnland, rue des Bou- 
langers-Saint-Victor, 143, à Paris. — Les Cryplogames du grand-duché de Bade, qui 
n'ont été publiés qu'à 56 exemplaires, sont tous entre les mains des souscripteurs 

(2) S'adresser pour avoir le détail et le prix de ces collections, à M. E. Bourgeau, 
rue Saint-Claude, 44, à Paris. 

(3) Les collections envoyées par M. Vénance Payot (de Chamonix) ne sont parvenues 
à la Société qu'après la clôture du Congrès, et n’ont pu être exposées. 


SÉANCE D'OUVERTURE. 9 


nisation, M. Duchartre propose au Congrès de nommer pour 

faire partie du bureau : 

Président : 

M. Alph. de CANDoLLE, membre correspondant ou étranger des 
Académies des sciences de Paris, Turin, Munich, Saint-Péters- 
bourg, Stockholm, etc., de la Société linnéenne de Londres, etc. 

Vice-présidents : 
MM. DE CANNART d'HAMALE, membre du Sénat belge, président de 
la fédération des Sociétés d’horticulture de Belgique. 
Du Mortier, président de la Société royale de botanique 
de Belgique. 
GarovaGLio (Santo), professeur à l'Université de Pavie. 
DE GELEZNOW, directeur de l’Académie de Pierre I" à Moscou. 
GogprerT, professeur à l'Université de Breslau. 
Moore (David), directeur du Jardin botanique de Dublin. 
NY£LANDER (d’'Helsingfors). 
SCHULTZ-SCHULTZENSTEIN, professeur à l’Université de Berlin. 
Secrétaires : 
MM. Ercucer, privatdocent à l’Université de Munich. 
FamiNTzIN, de Saint-Pétersbourg. 
Au. Kanirz, de Lugos (Hongrie). 
ÉD, Morren, professeur à l'Université de Liége. 
CAMILLE PERSONNAT, de Paris. 
DE SALDANHA DA GAMA, commissaire du gouvernement brési- 
lien à l'Exposition universelle. 
José TrrANA, de Santa-Fé de Bogota. 


Secrétaire-rédacteur : 
M. Euc. Fournier, docteur en médecine et ès sciences. 


Ces choix sont accueillis par les applaudissements unanimes 
des membres du Congrès. 

M. Du Mortier, président de la Société royale de botanique 
de Belgique, se lève et déclare que les botanistes étrangers ne 
sauraient accepter de s'asseoir au bureau à l'exclusion des bo- 
tanistes français, dont aucun ne figure parmi les vice-prési- 
dents, et qu’ils ne voudraient en aucune facon profiter de cette 


10 CONGRÈS INTERNATIONAL DE BOTANIQUE. 


preuve de courtoisie toute française. Sur la proposition de 
M. Du Mortier, vivement appuyée, M. DucuarTRe, membre de 
l'Institut, vice-président de la Société botanique de France, 
prend place au bureau en qualité de vice-président du Congrès. 

Au nom du comité d'organisation, M. de Schœænefeld donne 
lecture d'un projet de programme des travaux du Congrès. 
Après quelques observations, ce programme, légèrement modi- 
fié, est arrêté de la manière suivante : 


Programme des travaux du Congrès. 


VENDREDI 16 août. — Séance d'ouverture à huit heures du soir. 

SAMEDI 17, — Visite à l'Exposition universelle, — Séance à 
huit heures du soir, 

Dimaxcue 48, — Excursion à Fontainebleau. 

Lunnr 19. — Visite de l’herbier de M. Cosson, des parcs des 
buttes Chaumont et de Monceaux. — Séance à huit heures du soir. 

Mari 20. — Excursion à Verrières; visite des cultures de la 
maison Vilmorin-Andrieux. 

MercrEDI 21. — Excursion à Versailles; visite du potager impé- 
rial, des pépinières de Trianon, etc. — Séance à huit heures du soir. 

Jeunr 22, — Visite de l’École de pharmacie et du Jardin-des- 
plantes. — Séance à huit heures du soir. 

VENDREDI 23. — Visite du Jardin-fleuriste de la ville de Paris et 
du Musée Delessert. — Séance de clôture à huit heures du soir. 

DimancHE 25. — Herborisation et dîner d’adieu à Montmorency. 


M. le Président rappelle au Congrès que dans les circulaires 
que la Société botanique a envoyées pour en préparer la réunion, 
deux questions principales ont été mises d'avance à l’ordre du 
jour : l'étude des lois de la nomenclature et celle de l'influence 
du sol sur la végétation. M a préparé sur le premier de ces deux 
sujets, à la demande du comité d'organisation, et fait imprimer 
un texte qui doit servir de base aux discussions, et dont il dis- 
tribue des exemplaires aux membres du Congrès. D’après l'avis 
des membres du bureau, il propose de nommer une commis- 
sion qui étudiera d’abord ce texte et fera au Congrès un rap- 
port sur lequel pourra s'engager la discussion. 

Celle commission est nommée et composée de MM. Boreau;, 


SÉANCE D'OUVERTURE. ? 11 


Bureau, Cosson, De Candolle, Du Mortier, Eichler, J.-E. Plan- 
chon et Weddell. 

Relativement à l'influence du sol sur la végétation, M. le 
Président annonce que plusieurs mémoires ont été envoyés ou 
sont annoncés, et que la discussion se produira naturellement 
après la lecture de ces mémoires. 


Dons faits au Congrès. 


4° Par M. Alph. de Candolle : 
Lois de la nomenclature botanique. Broch. in-8°, Genève, 
1867. 
2° Par M. Du Mortier : 
Monographie des Roses de Belgique. 
3° Par M. Gœppert : 
Verzeichniss der palæontologischen Sammlungen. 
4° Par M. J.-E. Bommer : 
Monographie des Fougères ; 1° partie : Classification. 
Considérations sur la panachure et la coloration des 


feuilles. 
Des matières colorantes des fleurs. 


95° Par M. Edm. Lefranc : 
Des Chaméléons noir et blanc des anciens. 
6° De la part de M. Ant. Bertoloni : 
Flora italiana cryptogama, 2° partie. 
7° De la part de MM. Cusin et Ansbergue : 
Herbier de la flore de France. 
8° De la part de M. Ch. Contejean : 
Les prenuers habitants de l’Europe (conférence scientifique). 
9° Par M. Poluta : 
Sur l'effet nuisible pour les animaux domestiques de la 


plante nommée dans la Russie méridionale plante-feu ou 
plante-ivre (Stellaria graminea GB. hippoetona Czern.). 


12 CONGRÈS INTERNATIONAL DE BOTANIQUE. 
10° De la part de M. Migout : 
Flore du département de l'Allier. 
11° Par M. C. Personnat : 
Sur le Ver-à-soie du Chêne (conférence scientifique). 
12° Par M. Karl Koch: 
Eïinige Vorschlege die Systematik betreffende. 


15° Par M. Schultz-Schultzenstein : 
Ueber Pflanzsenernæhrung , Bodenerschæpfung und Boden- 
bereicherung. 
Ueber den Sückstoffgehalt und den Ursprung des Suchstoffes 
üm Torf, mût Beziehung auf die Benutzung des Torfs als 
Duenger bei der Pflanzencultur. 


14° Par M. Malbranche : 
Lichens de la Normande, k° fase. (exsiccata). 


M. Barat dit que M. Migout, dans sa Flore du département 
de l'Allier, lui à fait trop d'honneur en le citant pour la décou- 
verte d'un grand nombre de plantes. M. Barat ajoute qu'il a dû 
à la tradition conservée par les botanistes locaux la connais- 
sance de la plupart d’entre elles. 


Lecture est donnée des lettres suivantes : 


1° LETTRE DE M. SCHNEIDER. 


M. le docteur Gustav L. Schneider, délégué de la Société des 
sciences naturelles de Brême, transmet plusieurs exemplaires des deux 
cahiers déjà publiés par cette Société, sous le titre d’'Abhandlungen 
herausgegeben vom naturwissenschaftlichen Vereine zu Bremen, 
et exprime le désir que ces exemplaires soient distribués aux prin- 
cipales Sociétés savantes de France, avec lesquelles la Société des 
sciences naturelles de Brème désirerait faire l'échange de ses publi- 
cations. 


9 LETTRE DE M. Éd. DUFOUR. 


M. Édouard Dufour, président de la Société académique de la 
Loire-Inférieure, 6, rue de l’Héronnière, à Nantes, fait savoir qu'il va 


SÉANCE D'OUVERTURE. (El 


publier un exsiccata des plantes de l’ouest de la France; les phané- 
rogames de cette collection seront revues par M. Lloyd. M. Dufour 
annonce en outre qu'il a entrepris la formation d’un herbier général 
considérable, qu'il désire augmenter par la voie des échanges, et 
invite les botanistes français et étrangers à entrer en relations avec 
lui. Il a préparé dans ce but des prospectus en plusieurs langues 
qu'il adressera à ses correspondants. 


3° LETTRE DE M. CUSIN. 


M. Cusin, aide-naturaliste au Jardin botanique de Lyon, présente 
en son nom et au nom de M. Ansbergue, son collaborateur, leur 
Herbier de la flore de France. Ge travail, dit-il, est produit par la 
compression des plantes elles-mêmes sur la pierre lithographique. 
On pourra lui reprocher souvent un défaut de netteté inhérent au 
procédé; on trouvera que les organes grossis, dessinés au bas des 
planches, laissent à désirer sous divers rapports. Nous eussions pu 
atténuer tous ces défauts par des soins minutieux, mais qui eussent 
augmenté le prix de l'ouvrage, et notre but était de le mettre à la 
portée de toutes les bourses, ainsi que l’on peut en juger par le prix 
du volume qui est fixé à 20 francs par volume de 200 planches. Nous 
sommes d’ailleurs tout disposés à faire droit à toutes les observations 
que l’on voudra bien nous signaler, soit en ajoutant des planches à 
celles déjà faites, soit en substituant de nouvelles épreuves à celles 
qui seraient défectueuses. 


Après la lecture de cette lettre, M. J. de Parseval-Grandmai- 
son rappelle que M. Ansbergue, l'inventeur du procédé, a com- 
mencé par publier seul d'abord les Graminées fourragères de la 
France, puis les Plantes fourragères de l4 France, et que ce 
second travail a obtenu une médaille d'argent (grand module) 
au concours régional de Mâcon, en 1865; il ajoute que le jury 
du concours a regretté de ne pouvoir disposer d’une médaille 
d’or en faveur de la belle publication de M. Ansbergue. 

M. Germain de Saint-Pierre ajoute que M. Bonnet, Ingénieur 
en chef de la ville de Lyon et directeur du parc de cette ville, 
a émis une opinion très-favorable sur l'ouvrage présenté. Les 
auteurs étant souvent gênés par l'absence de bons échantillons, 
qu'ils ne peuvent trouver à Lyon, dans l’herbier imcomplet et 


1 CONGRÈS INTERNATIONAL DE BOTANIQUE. 


mal conservé de Seringe, M. Germain de Saint-Pierre invite 
les botanistes français à seconder MM. Cusin et Ansbergue par 
l'envoi de spécimens Intacts et bien préparés (1). 


4 LETTRE DE M. CLÉMENÇON. 


M. Glémençon (de Hanau) adresse une collection de ses Essais 
phytographiques. Le procédé dont il se sert est moins coûteux que 
la galvanoplastie. Il espère le perfectionner encore, car, jusqu'ici, il 
n'a travaillé qu'avec une mauvaise presse et des instruments qu’il a dû 
construire lui-même. 

5° LETTRE DE M. DECAISNE. 


M. Decaisne, en transmettant les dessins de M. Clémencon, qui 
lui ont été remis par M. le général de Jacobi à son passage à 
Paris, fait remarquer que ces dessins sont d’un fini bien plus délicat 
que ceux qui proviennent de l'imprimerie impériale de Vienne, 
et qui ont reçu une grande récompense à l'Exposition de 1855. 


6° LETTRE DE M. DURANDO. 


M. Durando, bibliothécaire de l’École de médecine d'Alger, fait 
hommage de cinq années des Comptes rendus annuels de l'École 
de médecine et de pharmacie d'Alger, inaugurée en janvier 1859. 
M. Durando exprime dans sa lettre le désir que les botanistes euro- 
péens viennent prochainement tenir à Alger un Congrès spécial ; ils 
verraient, dit-il, qu'il y a beaucoup de civilisation en Barbarie. On 
exécute des chemins de fer entre Alger et Oran, entre Carthagène et 
Bayonne ; et la Méditerranée pourra être traversée en dix heures par 
bateau à vapeur, de Carthagène à Oran. 


T° LETTRE DE M. BOUCHARD-HUZARD. 


M. Bouchard-Huzard, secrétaire de la Société impériale et cen- 
trale d’horticulture, invite, au nom de cette Société, les membres du 
Congrès à assister à la séance qu’elle doit tenir le jeudi 22 août, 
pendant la durée du Congrès. 


M. de Candolle fait passer sous les yeux des membres du 
Congrès des échantillons du Quercus Wartmanni, nouvelle 
(4) L’Herbier de la flore de France vient d'être honoré d’une médaille de bronze à 


l'Exposition universelle, et d'une médaille de vermeil de première classe au concours 
agricole de Lyon. Cet ouvrage se trouve chez M. F. Savy. 


SÉANCE D'OUVERTURE. 45 


espèce de Californie, dont le gland est remarquable par un 
sillon circulaire situé bien au-dessus de la cupule, vers les deux 
tiers de la longueur totale. 

M. Éd. Bureau dit qu’il a apporté de Nantes, en nombreux 
échantillons secs, des plantes intéressantes qu’il se propose de 
mettre à la disposition des membres du Congrès; savoir : le 
Juncus tenuis Willd., le Coleanthus subnilis Seidel, le Malva 
mamillosa Lloyd, et le Viola Pesnei, espèce du groupe du Viola 
tricolor, reconnue comme nouvelle par M. Génevier. 

M. Du Mortier fait observer que le J. tenuis est fort abondant 
dans la Campine anversoise. Il demande si l'espèce de l’ouest 
de la France est bien la même que celle qui a reçu ce nom de 
la part des botanistes américains. 

M. Bureau dit qu'il en a vu des échantillons envoyés d’Amé- 
rique par M. Asa Gray, complétement pareils à ceux que la 
Société botanique à recueillis en 4861 à la Jonnelière, pendant 
sa session extraordinaire de Nantes. 

À ce propos, M. Du Mortier mdique les plantes les plus inté- 
ressantes qui croissent avec le J. {enuis dans la Campine : Subu- 
laria aquatica, Ledum palustre, Carex questphalica, Scheuch- 
zeria  palustris, Andromeda polifolia, Uftricularia minor, 
U. Breynii, U. neglecta, U. intermedia. MW insiste sur l'intérêt 
que présenterait pour les botanistes français une excursion, 
soit dans cette contrée, soit dans les environs de Givet, et les 
invite, au nom de la Société royale de botanique de Belgique, 
à se Joindre un jour à une des excursions annuelles que fait 
cette Société sur un des points du territoire belge. 

M. Eug. Fournier, au nom des botanistes français présents 
à la réunion, dit qu'ils acceptent avec empressement et avec 
reconnaissance l'invitation qui leur est adressée au nom de la 
Société royale de botanique de Belgique. 

Répondant aux demandes de quelques personnes, M. Du Mor- 
tier ajoute que les environs de Givet ont offert aux botanistes 
belges le Trientalis europæa, le Coralliorrhiza innata, V Arte- 
musia camphorala, V'Hieracium fallax, Y Hutchinsia petræa, 
et une espèce de Prrola probablement nouvelle. Il ajoute 


16 CONGRÉS INTERNATIONAL DE BOTANIOUË. 


que l’on peut, sans sortir de France, observer le Tréentalis très- 
abondant aux environs de Saint-Omer. Il y a été reconnu par 
hasard. M. Biélé, horticulteur à Lille, avait fait à l'automne 
venir de la terre de bruyère de Saint-Omer, et fut fort étonné, 
au printemps suivant, de voir ses cultures envahies par le 
Trientalis. 

D'après l'avis des membres du bureau, M. le Président pro- 
pose au Congrès d'entendre d’abord les lectures scientifiques qui 
sont à l'ordre du jour, puis de passer à la discussion des lois de 
la nomenclature dont la commission nommée aura eu le temps 
de faire une étude approfondie. 

Cette proposition est universellement adoptée, et la séance 
est levée à onze heures. 


MALBRANCHE. —— DES GENRES. 17 


SÉANCES DES 17, 19, 21, 22 ET 23 AOÛT (1). 


Mémoires cé communications. 


PRÉSIDENCE DE M. ALPH. DE CANDOLLE. 


M. Malbranche dépose sur le bureau le mémoire suivant : 


DES GENRES EN BOTANIQUE, 
Par NE. MALBRANCHE, 
Président de Ja Société des amis des sciences naturelles de Rouen. 


(Extrait.) 


Dans la plupart des ouvrages modernes, le nombre des genres va 
toujours croissant. Cette augmentation est-elle suffisamment jus- 
tifiée? est-elle logique, nécessaire, utile ? La science profite-t-elle au 
moins de cette multiplication qui gène l’étude et fatigue la mémoire? 
Combien celle-ci gagnerait à la suppression d’un grand nombre, et 
si, en même temps, la première n’y perdait rien, avec quel empres- 
sement unanime ne devrions-nous pas en voter la déchéance! 

Le nombre des genres a plus que décuplé depuis Linné; on en 
compte environ 8000. On ne peut nier que, depuis les travaux du 
legislatéur de la botanique, les découvertes nouvelles, nombreu- 
ses, les investigations organographiques plus parfaites ont obligé 
d'augmenter les cadres; mais la limite ne serait-elle point dépassée ? 
N’a-t-on pas quelquefois cédé au désir d'innover, de faire une dédi- 
cace flatteuse, de créer un nom qui fera plus ou moins bien son che- 
min avec celui du parrain. «Ilest bien certain, a dit un auteur 
» moderne (2), que si les botanistes descripteurs n'avaient point la 
» mauvaise habitude de joindre le nom du parrain à chaque nom de 
» plante, cette ardeur créatrice, cette nouvelle espèce de prosélytisme 
» des botanistes médiocres n’existerait point... Qu'en est-il résulté? 


(4) Les séances ayant été fréquemment partagées entre l'audition des mémoires et 
des communications d’une part, et la discussion des lois de la nomenclature d’autre part, 
on a pensé qu’il serait préférable, pour faciliter l'intelligence de cette discussion, d’en 
imprimer le procès-verbal sans interruption. Dans ce but, on a rejeté ce procés-verbal 
après l’impression des mémoires. 

(2) Payer, Botan. cryplogam., Préface, 

CONGRÈS BOT. 4 


18 CONGRÈÉS INTERNATIONAL DE BOTANIQUE. 


» ajoute-t-il ; des connaissances nouvelles ? En aucune façon ; seule- 
» ment la science qui comptait déjà les noms par centaines de mille, 
» ce qui lui à valu de la part de quelques critiques le nom de 
» science de mots, en compte quelques centaines de plus. » 

Je reviens, et sans jeu de mots, aux genres sérieux. D’après quels 
principes divise-t-on sans cesse? Le créateur d’un genre prend-il 
assez de souci du profit, de la clarté ou de la confusion qui peut en 
résulter pour la science? Celui-là se place à un point de vue, celui-ci 
à un autre, et la synonymie de plus en plus confuse, à laquelle on 
pourrait bien appliquer cette épithète donnée par Fries à des Lichens 
litigieux, crux botanicorum, la syuonymie va toujours s’allongeant 
pour la plus grande douleur des botanistes et pour le tourment de 
leur mémoire. 

Déjà au xvi° siècle, Gesner en Suisse, et Césalpin à Pise, avaient 
reconnu que ce sont les fleurs et les fruits qui offrent les caractères 
les plus certains pour l'établissement des genres. Linné fit faire à la 
science un pas considérable dans cette voie, mais ce furent les Jus- 
sieu, dont le nom est impérissablement attaché à la méthode natu- 
relle, qui vraiment démontrèrent la prédominance et la valeur rela- 
tive des caractères. Toutes les parties (organes) de la fructification 
n'ont pas la même importance, et les moindres différences dans la 
forme, les contours, la couleur, le nombre, la situation, la propor - 
tion, la pubescence, etc., etc., sont-elles des motifs suffisants pour 
faire des séparations et de nouveaux groupes d'ordre générique? 
Si l’on poursuivait rigoureusement cette méthode pour les diverses 
parues de la fleur, il ne resterait plus de caractères pour distinguer 
les espèces; nous n’aurions plus que des genres. 

Ainsi, dans la famille des Acanthacées, je vois la torsion ou la dis- 
position parallèle des loges de l’anthère, l'avortement d’une de ces 
loges, être autant de motifs, bien légers, ce me semble, de créations 
génériques. Toutes les espèces de l’ancien genre Vicia ont le style 
barbu ou pubescent sous le sommet, mais quelques-unes ont ce 
style comprimé latéralement, d'autres d'avant en arrière; pour ce 
seul motif on a fait le genre Cracca. Aucune différence constante 
n'existe dans les autres parties: calice, corolle, étamines, gousse, 
semence, À la vérité, le pédoncule floral est plus long dans les 
Cracca, mais ce caractère n’a qu’une très-mince valeur. 

Le genre Bartsia était caractérisé par une corolle bilabiée avec la 
lèvre inférieure trilobée. On s’est appuyé sur le port et sur la forme 


MALBRANCHE. — DES GENRES. 49 


de la corolle pour former les genres Trixago et Euphragia ; mais 
que la lèvre supérieure soit plus ou moins creusée en casque, et l’in- 
férieure plus ou moins échancrée, sont-ce là des caractères d'ordre 
générique? Et le port, combien varie-t-il dans beaucoup de genres, 
sans que l’on ait encore, heureusement, songé à les diviser. 

Une nouvelle preuve du peu de valeur de tous ces genres, c’est 
la divergence d'opinions et l'incertitude des botanistes qui font 
passer les mêmes plantes de l’un à l'autre, selon le point de vue où 
ils se placent. Ainsi l'Ervum hirsutum L. à été fait Vicia hirsuta 
par Koch, ÆErvilia vulgaris par M. Godron, et Cracea minor par 
Rivinus. L'Ervum monanthos a eu bien plus de parrains encore : 
pour le genre, il a été Vicia avec Desfontaines, Moris, Willdenow 
(Hort. Ber.), Loiseleur, Wallroth, Lathyrus avec Willdenow 
(Species); Lens avec Mœnch, Reichenbach, Cracca avec MM. Gre- 
nier et Godron; pour nom spécifique, il a eu m#onanthos, stipula- 
ceum, articulata et multifida. On pourrait multiplier beaucoup 
ces exemples. Je m’'arrête et je conclus de cette versatilité contre 
la solidité de ces genres. 

Dans la cryptogamie, d'autres règles doivent présider à leur forma- 
tion ; la simplicité et l’uniformité plus grandes des organes de repro- 
duction obligent à tenir compte de différences bien plus légères. Dans 
les Lichens, par exemple, la forme, la couleur, la division des spores 
doivent peut-être prendre rang parmi les caractères d'ordre géné- 
rique. Mais convient-il bien de descendre jusqu’à des nuances dont 
l'appréciation n’est pas toujours facile ? Je m'explique : les spores cylin- 
driques allongées peuvent avoir le sommet aigu ou obtus, être en forme 
de doigt, de massue, de chenille, d’anguille, de vers, etc. Eh bien, 
ces légères variations dans la forme sont dans quelques ouvrages 
des caractères génériques. Le grand genre Acharien, Lecidea, en a 
ainsi fourni une vingtaine. De très-savants lichénographes allemands 
ont créé une foule de genres dont le moindre inconvénient est 
d'avoir souvent des noms peu euphoniques, mais un plus regret- 
table, c’est la fatigue qu'ils imposent à la mémoire obligée de retenir 
non-seulement un nom nouveau, mais toute une description qui, avec 
beaucoup de caractères communs à d’autres genres, comprend seule- 
ment une petite note différentielle. N'eût-il pas sufli d'inscrire cette 
petite note en tête d’une section ? on aurait ainsi des sections for- 
mant des variétés dans le genre comme nous en avons dans l'espèce, 
et représentées, à un degré supérieur, par la tribu dans la famille, 


20 CONGRÈS INTERNATIONAL DE BOTANIQUE. 


La science sera-t-elle plus parfaite quand elle sera hérissée de 
mots qui en rendent l'étude si ardue et si laborieuse. La vie d'un 
botaniste ne suffit plus qu'à explorer un petit coin de ce champ im- 
mense. « Quand j'ouvre les livres qui sont chaque jour publiés sur 
» ces chères plantes, écrivait, il y quelques années, un des vétérans 
» de la cryptogamie, le docteur Mougeot, à Auguste Le Prévost, ils 
» me tombent des mains par l'impossibilité, que je reconnais de suite, 
» de pouvoir m'en servir. Nous avions du plaisir à nous amuser de 
» nos Lichens; aujourd'hui, en voulant les étudier avec les Meyer, 
» les Fries, c’est un labeur qui nous fatigue, nous épuise et nous 
» fait abandonner prise. Ne nous reviendra-t-il pas un grand réfor- 
» mateur qui ramènera les choses à une simplicité saisissable. » 
Que pourrait-il écrire aujourd'hui des derniers ouvrages de l’école 
allemande. 

Et ne pourrions-nous pas répéter avec plus de raison encore 
ces récriminations amères que Linné faisait entendre en voyant l'ab- 
sence de toute règle dans la formation des genres : Æenc tot falsa 
genera! tot controversiæ inter auctores ! tot mala nomina ! tanta 
confusio ! Et il se demandait aussi si ces classifications n'avaient pas 
apporté à la science plus de perte que de profit: nm plus damni 
vel emolumenti attulerint systematici. 

Les flores locales, pour se montrer à la hauteur des connaissances 
du jour, ont adopté ces classifications nouvelles et ne seront bientôt 
plus comprises par les amateurs ni par les débutants auxquels je les 
crois surtout destinées. Faire connaître les plantes d’une certaine 
contrée aux personnes qui ne veulent pas embrasser une trop grande 
tâche, aider et encourager les jeunes gens qui s’essayent dans une 
carrière attrayante en ne leur présentant pas trop d’épines à l'entrée, 
ménager à tous un délassement agréable et sans fatigue, n'est-ce 
point là le but des flores locales, et ce but ne serait-il pas mieux 
atteint en simplifiant un peu une nomenclature trop savante ? de ne 
sais si je me trompe, mais la botanique, cette science si séduisante 
par les objets dont elle s'occupe et les secrets merveilleux qu'elle 
dévoile, ne rencontre pas parmi les gens studieux le nombre de dis- 
ciples qu’elle devrait réunir, et cet éloignement me semble dû, en 
partie, aux difficultés premières que je signale. On lit, on comprend 
encore la poésie des fleurs, on n’en connaît pas, on n’en étudie pas 
la science. 

Dans une de ces flores estimées, auxquelles je fais allusion, je vois 


KIRSCHLEGER. -— NOTICE TÉRATOLOGIQUE. 21 


que la famille des Ombellifères comprend 40 genres dont 22 ne 
renferment qu'une seule espèce. Voyez à quels efforts de mémoire 
vous obligez celui qui veut borner ses études ou occuper agréablement 
ses loisirs. Sont-ce là, dans le sens attaché à ce mot, des genres, des 
associations d’espèces réunies par des caractères communs ? Je sais 
bien que parfois des caractères d'ordre majeur obligent à isoler une 
espèce. On m'opposera aussi que ces espèces, uniques dans leur 
genre, ont des congénères dans les espèces exotiques. Eh bien, je 
prends au hasard un exemple dans un volume du Prodromus : La 
famille des Acanthacées compte 149 genres sur lesquels 38 n’ont 
qu'une espèce et 16 n’en comptent que 2. 

Loin de moi la pensée de blesser les savants auteurs des flores 
locales dont je parle ; personne plus que moi n’apprécie leur haute 
science et leurs aimables relations ; mais je trouve dans ces réflexions 
un nouvel argument en faveur de ma thèse. Dans ce cas particulier 
encore, la science générale ne perdrait rien, les synonymes seraient 
indiqués, les formes décrites avec soin, et les éléments d'étude reste- 
raient complets pour des vues d'ensemble, pour des déductions 
générales. 

Je me résume: la création d’un grand nombre de genres n'est 
justifiée ni par les nécessités, ni par les progrès, ni par la correc- 
tion de la science; des sections, quand le caractère le mériterait, 
suppléeraient heureusement à l'établissement de nouveaux genres. 
Cette augmentation des genres, en compliquant nos études, impose 
à la mémoire d'inutiles fatigues. Elle est dans les flores locales une 
cause de difficultés et d'éloignement pour les débutants. J'ai étudié la 
question surtout peut-être au point de vue pratique ; de plus expé- 
rimentés pourront avec plus d'autorité l’examiner au point de vue 
scientifique, et fixer des règles qu’il ne m’appartenait pas d'indiquer. 


M. Kirschleger fait au Congrès la communication suivante : 


NOTICE TÉRATOLOGIQUE, 
Par MI. FF. HIRSCHLEGER, 


Professeur à l'École supérieure de pharmacie de Strasbourg. 


On connaît depuis le xvr° siècle (Lobel, Dodoëns, Tabernæmon- 
tanus, J. Bauhin, etc.) une anomalie très-fréquente chez les 
Calendula et chez les Bellis ; nous voulons parler de la naissance de 


22 CONGRÈS INTERNATIONAL DE BOTANIQUE. 


rameaux calathiphores qui se développent à l’aisselle de l’une ou 
de l’autre feuille anthodiale, dans le Calendula. 

Ces rameaux ressemblent à des satellites accompagnant et en- 
tourant le soleil primaire, c'est-à-dire le capitule primiflore. Dans 
les Bellis, les rameaux secondaires nés à l’aisselle des folioles antho- 
diales sont assez courts et donnent à l’ensemble l'air d’une fleur 
composée, double ou pleine (langage vulgaire). 

Dans l’anomalie que nous avons l'honneur de vous présenter, 
messieurs, ce n’est pas un rameau calathiphore qui se développe, 
mais une simple fleur femelle ligulée blanche, à l’aisselle des feuilles 
anthodiales d’un Leucanthemum pratense (la Grande-Marguerite 
des prés). Et ce ne sont pas seulement les feuilles anthodiales qui 
laissent échapper ces fleurs femelles ligulées blanches, mais encore 
toutes les feuilles de végétation supérieures de la tige, et cela à 
partir de 5 à 6 centimètres au-dessous de la calathide terminale. 

Ordinairement ces fleurs sont solitaires et sessiles, mais quelques- 
unes se trouvent réunies par deux ou trois, c’est-à-dire en capitule 
bi-triflore, axillaire, sessile. | 

C'est en vain que nous avons cherché dans les livres et dans les 
notices tératologiques l'indication de cette anomalie que nous 
croyons fort rare et par conséquent fort intéressante. 

Crdinairement ce sont des rameaux calathiphores qui naissent à 
l’aisselle des feuilles supérieures de végétation et même des folioles 
anthodiales ; quant à des fleurs isolées, ligulées, femelles, semblables 
à celles du prétendu rayon, nous n’en avions jamais observé. Nous 
avons constaté cette singularité à la colline herbeuse de grès 
bigarré de Mutzig (Bas-Rhin). 

L'autre fait dont nous avons à vous entretenir est semblable à 
celui que nous venons de vous faire connaître, mais il a trait au 
Scabiosa Columbaria. 

Vous savez que dans les Scabieuses l’axe terminé par une cala- 
thide est nu à sa base, c’est-à-dire depuis la paire de feuilles supé- 
rieure jusqu'à l’involucre. Dans l’anomalie que nous vous présen- 
tons, deux feuilles opposées semblent s'être détachées de l'involucre 
(Diremptio Engelmann) et placées vers le milieu de cet axe ordinai- 
rement nu. À l’aisselle de chacune des feuilles de cette paire s'est 
développée une fleur sessile, radiante, semblable à celles de la péri- 
phérie des capitules. 

Jamais cette singularité n’a été constatée dans les notices térato- 


RADLKOFER. — FLEUR DES SAPINDACÉES. 23 


logiques que nous avons pu consulter, et pourtant nous sommes à 
l'affût de tout ce qui se publie à cet égard. 

Nous avons trouvé cette anomalie dans les bois de la banlieue de 
Strasbourg, dits bois d'Illkirch, où la Société botanique, en 1858, a 
récolté en si grande abondance le Thalictrum galioides qui est le TA. 
angustissimo folio G. B., parfaitement figuré par cet éminent bota- 
niste bâlois en 1620. En 1867, cette plante rhénane foisonnait dans 
cette localité. 

Une autre anomalie que je vous présente est offerte par un chaton 
femelle de Salix alba, qui, piqué par un insecte, a produit une 
polycladie, c'est-à-dire une répétition continue des ramuscules nés 
à l’aisselle des bractées mères qui auraient dû normalement pro- 
duire des inflorescences femelles. 


M. Radikofer dépose sur le bureau le travail suivant : 


SUR LA FLEUR DES SAPINDACÉES, 


Par ME. le professeur RABDEKOKNETR, 


attaché au Jardin botanique de Munich. 


Ce que je me propose de communiquer au Congrès, ce n’est qu’une 
petite notice préalable sur la structure de la fleur chez les Sapin- 
dacées et sur la structure de la graine, c’est-à-dire sur ce que l’on 
a appelé l’arille. Mes recherches sur ces points ne sont pas encore 
terminées et n'embrassent pas encore tous les genres; cependant 
je crois que les faits observés jusqu'à présent ne subiront pas de 
modifications importantes par des recherches ultérieures. 

Vous savez, messieurs, qu'il y a parmi les Sapindacées des genres 
à fleurs régulières et d’autres à fleurs irrégulières, mais symétriques. 
La plupart d'elles sont construites sur le type quinaire. Je ne veux 
parler ici que de ces dernières. 

Chez les Sapindus, par exemple, et également chez les Cupania, 
on observe ordinairement cinq sépales, dont la préfloraison est quin- 
conciale, et dont l’un se trouve placé immédiatement contre l'axe 
primaire de l'inflorescence. Suivant l'ordre de la genèse, ce sépale 
est le deuxième. En un mot, c’est un calice pentaphylle et opis- 
thaple (1). Avec ce calice alterne la corolle pentaphylle ; avec la 
corolle alterne un verticille de cinq étamines (superposées au calice), 
et avec celui-ci un deuxième verticille de cinq étamines (superposées 


(1) Ce terme, qui n’est point en usage dans la botanique française, signifie adossé. 


24 CONGRÈS INTERNATIONAL DE BOTANIQUE. 


à la corolle). Ensuite on trouve un verticille de trois carpelles soudés 
en un pistil triloculaire; l’un d'eux est placé au-dessus de la bractée. 

Chez les genres à fleurs irrégulières, cet ordre n’est pas renversé, 
il est seulement modifié par le développement particulier du torus 
en disque unilatéral, et par l'avortement de quelques étamines et 
de l’un ou de plusieurs des pétales. En ce qui concerne ce dernier 
point, on ne trouve presque nulle part d'interprétation bien cor- 
recte chez les auteurs. Les uns considèrent ce pétale avorté comme 
étant supérieur, les autres comme étant inférieur, d’autres enfin le 
considèrent comme étant le cinquième. Mais si l’on examine avec 
soin, on doit reconnaître que ce n’est ni le supérieur, ni l’'inférieur, 
ni le cinquième ; c’est plutôt, suivant l’ordre de la genèse, le troisième, 
lequel est placé entre le sépale troisième et le cinquième, vis-à-vis du 
sépale quatrième. C'est par ce même quatrième sépale que passe 
l'axe de symétrie de la fleur, c’est-à-dire le diamètre sur lequel les 
parties intérieures de la fleur, je veux dire la corolle, les étamines 
etles carpelles, sont disposées symétriquement. 

Pour bien comprendre ceci, il ne faut pas se borner à l'observation 
d'une fleur prise isolément : il faut au contraire observer l’ensemble 
des fleurs réunies en une inflorescence. 

L'inflorescence représente, dans les genres dont il s’agit ici, dans 
les Paullinia, Serjania, Cardiospermum, etc., ce qu’on appelle cen- 
cinnus avec M. Carl Schimper, de Mannheim, ou cyme scorpioïde 
avec MM. Bravais. Presque toujours, quand les fleurs d’une sem- 
blable inflorescence sont symétriques, l'axe de symétrie a dévié de 
sa position ordinaire, de sorte qu'il se rapproche le plus possible de 
l'axe sympodial ou idéal de l’inflorescence entière, pour devenir 
de cette façon presque parallèle avec lui (comme MM. Karl 
Schimper et Wydler l’ont démontré pour différentes plantes). La 
nature sacrifie pour ainsi dire ses propres règles de construction de 
la fleur à un but plus élevé, c’est-à-dire à la construction harmo- 
nique de toute une inflorescence. 

Je n’ai à ajouter à ce que je viens dénoncer que quelques mots 
concernant le disque et l’androcée. La symétrie de la fleur ne se 
borne pas à agir sur la corolle et à éliminer un des pétales. Elle 
affecte aussi le torus, particulièrement entre les pétales et l'androcée, 
et mème l’androcée. Le torus est dilaté dans le sens de l'axe de 
symétrie, de façon que l’androcée et le gynécée tout entiers sont 
transportés du centre de la fleur vers le côté opposé au sépale 


RADLKOFER — FLEUR DES SAPINDACÉES. 25 


quatrième. Il suit de là qu'il y a deux centres dans la même fleur: 
un pour le calice et la corolle, placé dans le prolongement du 
pédoncule, et un autre qui est occupé par le pistil entouré des éta- 
mines et situé sur un point avancé de l'axe de symétrie. La partie 
du disque située au-dessus de l'insertion du deuxième et du qua- 
trième pétale (et souvent aussi celle située au-dessus de l'insertion 
du premier et du cinquième pétale), est gonflée en excroissances 
gibbeuses, qu’on appelle généralement des glandes. 

Enfin, chez les genres à fleur symétrique, l’androcée n’est pas 
complet ; généralement ce sont deux étamines qui ont été suppri- 
mées dans le verticille extérieur, mais ce ne sont pas, comme on 
serait disposé à le croire, celles qui sont traversées par l'axe de 
symétrie; c’est plutôt la quatrième, située au-dessus du sépale pre- 
mier, et la cinquième au-dessus du sépale second. Ghez l'Æsculus, par 
exemple, c'est encore la deuxième, au-dessus du sépale quatrième ; 
enfin ce sont, pour nous exprimer d’une autre manière, celles qui 
se trouvent renfoncées entre les excroissances du disque, et qui sont 
pour ainsi dire étouflées dans leur développement. Le verticille 
intérieur est complet. C’est en ce point que je diffère de l'opinion 
exprimée par M. Payer dans ses leçons sur les familles naturelles, 
lequel prétend que le verticille extérieur et épicalicien est complet. 
Je veux bien admettre qu'il soit diflicile de se mettre entièrement 
hors de doute sur ce point. Il faut étudier pour y arriver la direction 
des faisceaux fibro-vasculaires, surtout dans les phases de dévelop- 
pement où le disque n’a pas encore pris une forme trop irrégulière. 
Un fait tend encore à confirmer mon opinion, c'est que le pétale 
supprimé est ordinairement celui qui devrait occuper une place 
entre deux glandes du disque. 

En ce qui concerne l’arille de la graine, il faut, il me semble, 
distinguer l’arille proprement dit, qui est pour ainsi dire un 
troisième tégument de la gemmule développé pendant l’accroisse- 
ment de celle-ci en graine müre, des différentes transformations 
du tissu de la gemmule que l’on peut appeler pseudo-arilles. C’est 
un semblable pseudo-arille qu’on rencontre, à mon avis, chez les 
Cardiospermum, et probablement aussi chez les Paullinia, etc. Ge 
n’est autre chose que le tissu basal de la gemmule, placé entre le 
funicule et la gemmule proprement dite, qui se transforme en masse 
spongieuse, et qui se sépare du fanicule et plus tard aussi du testa 
de la graine, Chez le Cardiospermum, on voit prendre part à cette 


26 CONGRÈS INTERNATIONAL DE BOTANIQUE. 


transformation le tissu qui environne l'insertion du funicule et même 
les parties du tégument qui entourent le micropyle : développement 
qui ne peut jamais être interprété comme un arille proprement dit, 
car celui-ci, étant un troisième tégument, ne pourra naître que de 
la partie axile, c’est-à-dire du funicule de la gemmule, et non des 
téguments eux-mêmes. 


M. Auguste Rivière met sous les yeux du Congrès des Orchi- 
dées fleuries, et fait la communication suivante : 


SUR UN LÆLIA HYBRIDE, ET SUR LA FÉCONDATION DES ORCHIDÉES, 
Par NE. Aug. RIVIÈRE, 


Jardinier en chef du Luxembourg. 


J'ai déjà eu l'honneur de mettre sous les yeux de la Société im- 
périale et centrale d’'horticulture, le 24 août 1865, la plante intéres- 
sante que je présente aujourd'hui au Congrès (1). Elle provient d'un 
croisement fait entre deux espèces très-distinctes d’un même genre : 
les deux parents sont le Lælix crispa, plante-mère, épiphyte, et le 
Lælia cinnabarina, plante-père, terrestre. 

Avant de retracer les caractères de mes semis, je crois devoir 
donner ici approximativement ceux des deux parents, afin de mettre 
chacun à mème d'apprécier les différences qui existent entre eux : 

1° Caractères du Lælia crispa, plante-mère, — Les pseudo- 
bulbes assez gros, en forme de massue, mais un peu aplatis, sont 
longs de 20 à 25 centimètres, garnis, dans toute leur hauteur, de 
6 ou $ écailles sèches et engaînantes ; la première, celle du bas, est 
très-petite, tandis que la dernière, qui est très-longue, enveloppe 
les deux tiers du pseudo-bulbe dans sa hauteur, et le dépasse même 
quelquefois de 1 à 2 centimètres. Celui-ci est terminé par une seule 
feuille épaisse, coriace, presque plane, longue de 30 à 40 centimè- 
tres, large dans sa partie moyenne de 6 à 7 centimètres. Quand les 
pseudo-bulbes sont normaux, c'est-à-dire de force à fleurir, il existe 
à l’aisselle de la feuille une spathe coriace, longue d'environ 45 cen- 
timètres et large de 2 ou 3. 

Du centre de cette spathe sort, en juillet-août, une hampe de 20 à 
30 centimètres, et portant 5 à 8 fleurs grandes, odorantes et à 
G divisions ; 5 de ces divisions sont blanches. Les trois extérieures, 


1) Voy. le Journal de la Sociélé impériale et centrale d'horticullure, t. XIE, p. 268, 
D 


RIVIÈRE. — FÉCONDATION DES ORCITIDÉES. 27 


longues de 6 à 7 centimètres, larges de 2, sont terminées en pointe 
et un peu tourmentées ; les deux autres, intérieures, sont de même 
longueur, mais beaucoup plus larges que les trois autres, car, dans 
leur partie moyenne, elles mesurent 3 centimètres et demi de largeur. 
Ces deux dernières divisions sont un peu ondulées, etc. 

Le labelle, qui forme la 6° division, est long de 5 centimètres 
environ; les deux parties latérales viennent s’appuyer sur le gyno- 
stème, mais sans le cacher entièrement; elles se terminent en lobes 
obtus. Le lobe médian, long de 2 centimètres, est crispé; les deux 
bords en sont rapprochés et d’une couleur violette très-intense. Le 
gynostème est assez gros, un peu arqué, d’une couleur blanche et 
long de 2 centimètres et demi à peu près. 

% Caractères du Lælia cinnabarina, plante-père. — Les pseudo- 
bulbes, longs de 12 à 20 centimètres, sont renflés à la base et vont 
en diminuant de grosseur jusqu'à leur sommet, ce qui leur donne la 
figure d’un cône très-allongé, souvent de couleur brune ou violacée ; 
ils sont garnis de quatre écailles sèches, engainantes, de couleur 
grisâtre. La dernière de ces écailles enveloppe à peu près les trois 
quarts de chaque pseudo-bulbe dans sa hauteur, et le dépasse aussi 
quelquefois de 4 ou 2 centimètres. 

Une feuille épaisse, coriace, presque verticale, longue de 20 à 
30 centimètres, large de 3 ou 4 et un peu en pointe, est placée au 
sommet du pseudo-bulbe. A l’aisselle de cette feuille, on remarque, 
quand la plante est prête à fleurir, une spathe sèche, mince, gri- 
sàtre, pointue, du centre de laquelle s’élance une hampe flexueuse, 
longue de 30 à 50 centimètres, où s’épanouissent, en juillet-août, 
10 ou 45 fleurs de moyenne grandeur et d’une très-belle couleur d'un 
rouge cinabre. Il y a, comme dans la plante-mère, six divisions au pé- 
rianthe ; les trois extérieures sont longues de 3 à 4 centimètres, et 
larges d'environ 1 centimètre; les deux autres, intérieures, sont un 
peu plus étroites. Toutes sont aiguës, un peu arquées, étalées, etc. Le 
labelle est d’une couleur plus foncée; les parties latérales, terminées 
en lobes très-aigus, s'appuient sur le gynostème, lequel se trouve, 
par cela même, entièrement caché. Le lobe médian, ondulé et crispé, 
se réfléchit assez brusquement. De chaque côté du lobe médian, qui 
se trouve entre les deux lobes latéraux, il existe un sinus très-pro- 
fond. Le gynostème, à peine long d’un centimètre, est de couleur 
violacée, etc. 

3° Caractères du Lælia de semis. — La plante obtenue par la 


28 CONGRÈS INTERNATIONAL DE BOTANIQUE. 


fécondation artificielle du Leælia crispa et du Leœlia cinnabarina, 
dont nous venons de signaler les caractères d’une façon très-abrégée, 
possède des pseudo-bulbes longs d'environ 20 centimètres, renflés 
et légèrement ovales vers le milieu; les extrémités sont plus minces 
que le milieu; cette conformation leur donne assez la figure d’un 
fuseau allongé un peu aplati. Six écailles sèches, minces, grisâtres, 
se déchirant quelquefois, adhèrent aux pseudo-bulbes et les envelop- 
pent complétement ; la dernière, beaucoup plus longue que les au- 
tres, prend naissance vers le tiers de la hauteur de chaque pseudo- 
bulbe et le dépasse de À à 2 centimètres, comme dans les deux 
parents. Une feuille coriace, épaisse, longue de 25 à 28 centimètres, 
large de 4, un peu arquée, contournée, obtuse, parfois un peu vio- 
lacée en dessous, termine le pseudo-bulbe; quand la plante est de 
force à fleurir, il y a, à l’aisselle de cette feuille, une spathe longue 
d'environ 14 centimètres, large de 2, du centre de laquelle se détache 
une hampe assez grêle, de 30 centimètres de longueur, portant 2 ou 
3 fleurs odorantes, larges de 8 à 10 centimètres. 

Les divisions du périanthe sont d’un jaune pâle terne; les trois 
extérieures sont longues de 4 à 5 centimètres, larges de 15 milli- 
mètres, aiguës et presque planes; les deux inférieures sont de même 
longueur et de même largeur que les extérieures, sont un peu ondu- 
lées, tourmentées, et les bords en sont un peu roulés en dessous. Le 
labelle est d’un jaune plus intense; il est long de 4 centimètres à 
peu près. Les parties latérales qui cachent le gynostème se termi- 
nent en lobes arrondis, etc. Le lobe médian est réfléchi, recourbé et 
crispé. Le gynostème, long à peine de 2 centimètres, est un peu 
courbé et de couleur violacée: il diffère de celui du Lælia crispa ; 
mais, par sa forme et sa couleur, il se rapproche de celui du Lælia 
cinnabarina. 

La touffe de ce Lælia étant composée de plusieurs individus, nous 
y avons observé, au moment de la floraison, trois variétés bien dis- 
tinctes : l’une a le labelle unicolore; la seconde a les lobes latéraux 
teintés de violet; enfin la troisième, qui est la plus belle, et dont les 
fleurs sont aussi un peu plus grandes, a les trois lobes du labelle 
d'un rouge violacé. 

D'après la description succincte que nous venons de donner de 
ces trois plantes, il est facile de voir que notre semis tient le milieu 
entre le père et la mère; mais, par l’ensemble de son port, de son 
inflorescence et de la forme de ses fleurs, on y reconnait parfaite- 
ment le Lælia crispa (plante-mère). 


RIVIÈRE. — FÉCONDATION DES ORCHIDÉES. 29 


Je crois ne devoir point passer sous silence un caractère important 
à mon point de vue : c’est l’époque de végétation de ces trois plantes. 

J'ai dit un peu plus haut que le Lælia crispa, plante-mère, donne 
ses fleurs en août-septembre. Aussitôt après leur chute, on voit 
les bourgeons se développer, s’allonger et se former en pseudo- 
bulbes, feuilles, spathes, etc. Ce travail commence vers la fin d’oc- 
tobre pour se terminer en mars-avril. De ce moment jusqu'à l'époque 
de la floraison, la plante se constitue. L’inflorescence ne se développe 
donc, comme on peut en juger, que lorsque la plante a parcouru 
toute sa période végétative. 

Le Lœlia cinnabarina, plante-père, a au contraire un mode de 
végétation tout différent : ses pseudo-bulbes, ses feuilles et ses 
spathes se forment pendant l'été, et ce n’est que dans l’année sui- 
vante que la hampe se montre pour faire voir ses jolies fleurs d’un 
rouge cinabre. 

Mais, dans la variété issue de ces deux espèces, la végétation com- 
mence dès le printemps pour se continuer au delà même de la flo- 
raison. Le moment du repos de la végétation de ce curieux hybride 
est donc du mois d'octobre au mois de mars. 

La première fleur de l'hybride que je présente au Congrès est ap- 
parue le 22 août 1865, sept ans après le semis des graines. 

Un grand nombre de semis de graines d’'Orchidées ont été faits 
par mes soins au Jardin botanique de la Faculté de médecine de 
Paris, récemment supprimé à la suite des changements introduits 
dans la disposition du jardin du Luxembourg, lequel comprend 
maintenant ce qui reste des anciennes collections de la Faculté. 

La collection du Jardin de la Faculté avait été commencée, en 
1838, au moyen d’un envoi de plantes fait par M. Peixoto, médecin 
de l’empereur du Brésil. Ge noyau de collection, composé de 33 es- 
pèces, avait été adressé à M. Achille Richard, professeur de botani- 
que, qui le confia aux soins de M. L'Homme, son habile jardinier en 
chef. 

Au moyen d'échanges faits à diverses reprises avec différents hor- 
ticulteurs et amateurs distingués, tels que MM. Gels, Makoy, Thibaut 
et Kételèer, Lüddemann, Chantin, Luna, Milleret, Guibert, Pesca- 
tore, etc., le nombre de ces plantes s’accrut successivement, et, au- 
jourd'hui, la serre aux Orchidées en contient environ 1200 espèces 
ou variétés. 

Après quelques années d’études et de tâtonnements sur leur végé- 


20 CONGRÈS INTERNATIONAL DE BOTANIQUE. 


tation particulière et exceptionnelle, M. L'Homme était parvenu à 
établir, et le mode de culture actuellement employé, et la multiplica- 
tion de ces plantes par division ou section de leurs pseudo-bulbes. 

Vers 1840, il confia à mes soins, sous sa direction, ces nouvelles 
plantes. Au bout d’un certain temps, il me vint à l’idée de les mul- 
tiplier par semis; mais, pour arriver à ce résultat, 1l fallait néces- 
sairement des graines. Je voyais sans cesse fleurir ces plantes, qui 
gardaient leurs fleurs plus ou moins longtemps selon les espèces, 
puis je les voyais défleurir, ne laissant pour souvenir d'une si belle 
apparition que des pétales fanés et des tiges dégarnies. 

En observant attentivement, je remarquai que, les fleurs une fois 
flétries, l'ovaire prenait une teinte jaunâire, diminuait au lieu d’aug- 
menter de volume, et qu’enfin le périanthe tombait, entraînant dans 
sa chute, avec l'ovaire non fécondé, tout espoir de fructification. 
Pourtant, disais-je, elles doivent produire des graines. 

Un fait bien simple et bien naturel vint enfin me révéler le mys- 
tère. 

Un jour, en soulevant un châssis pour donner de l'air à la serre des 
Orchidées, je fus surpris par le bourdonnement d’un gros bourdon 
noir, qui entra brusquement dans la serre, et se jeta sur la fleur d’un 
Cattleya Mossiæ, en s’agitant avec vivacité. Quelques jours après, 
la fleur du Catileya prenait une forme nouvelle ; ses sépales s'étaient 
élargis et recourbés à leur base, rapprochés à leur sommet; son 
ovaire s'était gonflé et avait grossi; on eût dit que le fruit allait se 
former, et il se forma en effet. 

Je compris parfaitement alors la manière dont s'était accomplie 
cette fécondation, et, imitant le travail de l'insecte, j’opérai moi- 
même une fécondation artificielle, opération très-simple, surtout 
lorsqu'on connait les organes sexuels des plantes de cette famille. 

En y réfléchissant, je compris facilement combien la fécondation 
naturelle doit être difficile chez les Orchidées (1). Tout s’y oppose, 
pour ainsi dire, et particulièrement les raisons suivantes : 

4° La nature toute particulière du pollen. Contrairement à ce 
qui a lieu chez toutes les espèces de plantes, dont le pollen est pul- 
vérulent, celui des Orchidées, comme celui des Asclépiadées, qui 
fait aussi exception, est solide, c'est-à-dire que les grains en sont 
agglutinés en masses désignées sous le nom de po/lintes. 


(A) J'ai besoin de rappeler que ces observations ont été faites il ÿ a plus de vingt ans, 
avant la publication des travaux de M. Ch. Darwin, de M, Beer et d'autres naturalistes, 


RIVIÈRE. — FÉCONDATION DES ORCHIDÉES. 31 


2° La persistance de l'opercule; c'est-à-dire que, lorsque la fleur 
est arrivée au terme de son existence, quand tous les pétales ont 
perdu leur couleur, qu'ils se sont affaissés sur le gynostème, on voit 
celui-ci tout décomposé, portant encore à son sommet les masses 
polliniques emprisonnées sous l’opercule. — Où sont donc les mou- 
vements organiques qui le jettent au loin? 

3° La posiion du gynostème, qui offre cette particularité que, 
dans presque toutes les espèces, le stigmate est tourné vers le sol. 
De là l'impossibilité du rapprochement sexuel. 

h° Le labelle souvent appliqué sur le stigmate, de sorte qu'il en 
cache complétement l'ouverture. Les masses polliniques, étant pla- 
cées au-dessus, tombent sur le labelle, puis dans le vide, si l’oper- 
cule vient à se détacher; les Epidendrum, les Catileya, les 
Lelia, etc., en offrent de remarquables exemples. 

5° Dans le Zygopetalum Mackayi, etc., l'opercule se détache de 
haut en bas, emportant dans sa chute les masses polliniques qui, 
emprisonnées dans l’opercule, s’en séparent difficilement. 

6° La bizarre conformation du labelle, qui quelquefois enveloppe 
le gynostème, et dont la partie supérieure vient s'appuyer sur l’oper- 
cule et empèche ainsi tout mouvement de celui-ci. Ge caractère se 
remarque dans plusieurs espèces du genre Aerides, et plus particu- 
lièrement dans les À. odoralum, virescens, suavissimumn, etc. 

7° L'entrée du stigmate. Dans quelques espèces, le stigmate est 
recouvert par un appendice, en forme de rabat, qui en ferme com- 
plétement l'entrée. Ce caractère est très-remarquable dans la Vanille; 
ce qui explique la rareté des fruits de cette plante. 

8° L'ouverture de la partie stigmatique est tellement étroite dans 
certaines plantes, que tout contact des organes mâles et femelles 
est impossible naturellement. Tel est particulièrement le cas du 
Peristeria elata, des espèces du genre Sfanhopea, de quelques-unes 
du genre Vanda, surtout du Vanda tricolor. 

9° La sortie impétueuse des masses polliniques de certains genres. 
Ces masses, dans les genres Catasetum et Myanthus (4), sont douées 
d’une sorte de mouvement si brusque, par rapport à la position 
qu’occupe le caudicule, que, lorsqu'on vient à toucher lopercule de 
la fleur de l’une des nombreuses espèces de ces deux genres, elles 
sont lancées à plus d’un mètre de distance avec une telle vitesse que 


(1) Je désigne ici des formes connues sans en vouloir préciser le type. Il serait diffi- 
cile de se faire comprendre autrement, 


32 CONGRÉS INTERNATIONAL DE BOTANIQUE. 

l'œil peut à peine les suivre, J'ai été bien des fois à même d'observer 
ce fait des plus singuliers et des plus extraordinaires sur le Catase- 
tum tridentatum, fait qui démontre encore une fois de plus l'impos- 
sibilité de la fécondation naturelle des plantes de cette étrange famille 
des Orchidées. 

Si, par hasard, certaines Orchidées se fécondent dans nos serres, 
cela n’est dû qu’à la présence de grosses mouches, comme le xylo- 
cope violet, l'abeille ordinaire, etc. 

Parfois encore, quelques autres plantes, dont les organes présen- 
tent quelques anomalies, semblent se féconder seules; cela se re- 
marque dans un petit nombre d'espèces (Epidendrum anrantiacum, 
Maxillaria punctulata, Centrosia Aubertii, ete.); car le peu d'har- 
monie qui existe entre les organes mâles et l’organe femelle rend 
impossible tout contact immédiat et naturel de l’anthère avec le 
stigmate, et par conséquent la fécondation naturelle est inadmis- 
sible. Du reste, les graines de ces Orchidées sont stériles. Ce peu 
d'harmonie explique, jusqu'à un certain point, l'opinion assez excen- 
trique de Tragus, qui attribuait aux merles la faculté d'engendrer ces 
plantes. 

Pour opérer la fécondation artificielle des Orchidées, il suffit, dans 
le plus grand nombre des cas, d'enlever l'opercuie qui coifle les 
masses polliniques; puis, à l’aide de brucelles, d’un petit pinceau, 
ou d’une très-petite spatule de bois, on touche au rétinacle qui sup- 
porte l'appareil sexuel mâle et se colle aux corps qui le touchent; 
on transporte alors les masses polliniques qu'on a ainsi enlevées 
jusque dans la matière gluante de l'organe femelle, où elles restent 
adhérentes. 

Cette opération exige beaucoup de délicatesse et de précaution. 

Dans le genre Stanhopea, V'opercule est articulé, c'est-à-dire 
qu'il est retenu, à sa partie dorsale, par un petit corps filiforme. Les 
deux masses polliniques, en forme de cuiller très-allongée et un peu 
fermée, peuvent très-facilement être détachées sans qu’on soit obligé 
de lever l'opercule. Il suffit pour cela de toucher le rétinacle qui est 
assez apparent. 

Quelquefois, on est forcé d'appliquer fortement les masses polli- 
niques sur l'organe femelle, si l'ouverture de celui-ci est très-étroite, 
ce qu'on peut remarquer dans le Peristeria elata, dans les espèces 
et variétés du genre Sfanhopea, dans quelques-unes du genre 
Vanda, particulièrement dans le Vanda tricolor, etc. 


RIVIÈRE. — FÉCONDATION DES ORCHIDÉES. 33 


Nous avons dit que, pour opérer la fécondation des Orchidées, il 
suffisait, dans le plus grand nombre des cas, quand les masses pol- 
liniques étaient caudiculées, de toucher au rétinacle qui est très- 
variable aussi dans ses formes, et qui, le plus souvent, est très- 
apparent. Mais dans une espèce d'Odontoglossum, VO. bictoniense, 
le rétinacle, de la même longueur que le caudicule, est placé dans 
une sorte de fourreau presque en suspension, au-dessus et au milieu 
de l’antre stigmatique ; de sorte que, pour opérer la fécondation des 
Orchidées qui offrent cette particularité, 1l faut toucher le talon du 
rétinacle, à la base du caudicule, ou bien saisir, quand l’opercule 
est tombé, les masses polliniques avec des brucelles. 

Dans certaines espèces du genre Epridendrum, la fécondation 
artificielle est assez difficile à opérer, parce que le labelle est forte- 
ment appliqué sur le gynostème et bouche presque complétement 
l'entrée du stigmate, qui est très-étroite. Il faut alors déchirer le 
labelle afin de se donner plus de facilité pour opérer. 

Pour la fécondation du genre Dendrobium et des espèces analo- 
gues, il faut tremper le petit pinceau dont on se sert dans la liqueur 
stigmatique; on soulève l’opercule, et les masses polliniques , qui 
ne possèdent ni caudicule ni rétinacle, tombent sur le labelle; on 
les enlève alors au moyen du pinceau enduit de liqueur, et on les 
enferme dans la cavité du stigmate. 

Les organes sexuels des Cypripédiées ont une disposition toute 
différente ; on ne remarque ni opercule, ni caudicule, ni rétimacle 
aux organes mâles. Ceux-ci, au nombre de deux, sont placés et 
soudés de chaque côté du gynostème, et se montrent sous la forme 
de petits corps glanduleux courbés vers le labelle et supportant 
chacun deux masses d’un pollen mou et gluant. Immédiatement au- 
dessus des organes mâles, on voit le gynostème se diviser en deux 
parties. La partie supérieure est très-élargie, d’une couleur jaune, 
brune ou verdâtre, selon les espèces, et d’une forme plus ou moins 
arrondie, ayant à sa partie inférieure une échancrure quelquefois 
très-prononcée. Get appendice, par la position qu'il occupe, sern- 
blerait remplir les fonctions d’opercule pour abriter ou protéger 
les organes staminaux; mais il paraît, d'après les observations 
de divers botanistes, que c'est une étamine avortée. La seconde 
partie, qui est inférieure par rapport à la position de la fleur, 
est moins grande, d’une couleur blancie et d'une forme toute 


particulière, rappelant assez ce Champignon pédiculé qu'on ren- 
CONGRÈS BOT, 3 


34 CONGRÈS INTERNATIONAL DE BOTANIQUE. 


contre quelquefois sur les Bouleaux et qu'on désigne sous la 
dénomination de Boletus vernicosus ; c’est l'organe femelle. Il est 
recourbé, et sa face stigmatique est tournée vers le labelle. Cet 
organe, dans le genre Cypripedium, est complétement emprisonné 
par les bords du labelle qui le recouvre entièrement, et semble 
soutenir ce dernier. 

La fécondation artificielle des belles plantes qui composent le 
groupe des CGypripédiées est une opération assez minutieuse à 
exécuter. Il suflit cependant de prendre sur les deux étamines 
ce pollen glutineux dont nous avons déjà parlé, et de Je 
transporter sur l’orifice stigmatique qui se trouve presque en con- 
tact avec le labelle, et qui n'est point visqueux comme dans les 
autres Orchidées. Pour faire plus facilement cette opération, il faut, 
dans les genres Cypripedium et Selenipedium, appuyer fortement 
sur le labelle, afin de dégager complétement l'organe femelle. 

Les masses polliniques de la Vanille n'ont ni caudicule, ni réti- 
nacle, et sont presque adhérentes à l’opercule, qui, dans ce genre, 
est articulé. Pour opérer la fécondation, il faut détacher loper- 
cule avec des brucelles : ensuite, à l’aide d’un petit pinceau dont 
on a coupé les poils à moitié pour leur donner plus de con- 
sistance, on enlève le pollen par la pression et on le transporte 
immédiatement sur l'organe femelle, en ayant bien soin, toutefois, 
de soulever l'appareil qui cache cette partie ; sans cette précaution, 
le rapprochement des organes sexuels est impossible, et par con- 
séquent la fécondation ne peut avoir lieu. Cependant, si l’on veut 
encore opérer la fécondation avec plus de facilité et de sûreté, il 
est utile, et même nécessaire, de fendre le labelle dans toute sa 
longueur. 

Le moment de la fécondation, pour le plus grand nombre 
des espèces, arrive à partir du deuxième jour de la floraison, depuis 
10 heures du matin jusqu'à 4 heures du soir; mais le genre 
Vanilla fait exception, l’épanouissement du périanthe ou plutôt 
de la fleur ayant lieu chez lui vers 5 heures du matin et cessant à 
10 heures de la même matinée. Il faut donc opérer de 7 heures 
à 9 heures 1/2 ; passé cette limite, les parties de la fleur se flétris- 
sent et l'opération ne donne aucun résultat. 

Quoique l'opération de la fécondation artificielle des Orchidées 
ne soit pas difficile à exécuter, on ne réussit cependant pas 
toujours, et bien des fois j'ai échoué dans mes tentatives, Cer- 


RIVIÈRE. — FÉCONDATION DES ORCHIDÉES. 39 


taines observations m'ont appris que bien des fleurs ne peuvent 
être fécondées par leur propre pollen. Je ne citerai qu'un fait à cet 
égard. 

Vers l’année 4860, j’essayai de féconder un Oncidium Caven- 
dishianum avec son propre pollen : les fleurs restèrent stériles. 
Prenant alors du pollen sur un pied différent, j'obtins des fruits 
fertiles : je fis ensuite le contraire, transportant le pollen du pied 
devenu fertile sur le stigmate de celui qui m'avait servi à le fécon- 
der. Le résultat fut satisfaisant. 

Aussitôt que l'acte de la fécondation est accompli, on voit, 
quand il est complet, les bords de l'antre stüigmatique se gonfler, 
celui-ci se fermer, les sépales se rapprocher et changer de couleur ; 
l'ovaire prend en mème temps un accroissement assez rapide, très- 
rapide même, dans les premiers jours qui suivent la fécon- 
dation. 

Quelquefois l'effet contraire a lieu; c'est ce que nous avons 
remarqué dans une espèce du genre S{anhopea. Après la féconda- 
tion parfaitement opérée, l'ovaire est resté longtemps inerte, 
c’est-à-dire sans développement; sa couleur verdâtre était le seul 
signe de son existence ; il demeura dans cet état pendant plusieurs 
mois ; mais tout à coup il prit une vigueur nouvelle et se développa 
avec une rapidité extraordinaire. 

Quant à la maturité du fruit, elle a lieu, selon les espèces, 
après un espace de temps plus ou moins long. Le fruit de la 
Vanille, par exemple, met une année entière pour arriver à sa par- 
faite maturité ! 

On reconnait très-factlement les fleurs sur lesquelles [a fécon- 
dation artificielle n’a pas réussi : leur ovaire jaunit ou noircit, puis 
il se détache et tombe au bout de quelques jours, etc. 

Les remarques que je viens de présenter ont été insensiblement 
amenées par les expériences faites depuis 1843. Dès cette année, 
je soumis à l’expérience les plantes suivantes : 

Catileya Mossiæ, Stanhopea tigrina, S. oculata, Gongora ma- 
culata, Leptotes bicolor, Epidendrum crassifolium, E, radiatum, 
E. cochleatum, Chysis bractescens, etc. 

Le résultat des essais que je tentai fut heureux, et j'en suivais 
attentivement les progrès, c’est-à-dire le développement des 
ovaires, qui prenaient un accroissement rapide. Mais bientôt des 
horticulteurs et des amateurs vinrent visiter la serre où se 


36 CONGRÈS INTERNATIONAL DE BOTANIQUE. 


trouvaient mes plantes. En les voyant chargées de fruits nombreux, 
ils firent des observations qui parurent fondées au jardinier en 
chef. Les plantes ainsi fécondées, disaient-ils, devaient s’altérer et 
ensuite périr. Hélas ! on conclut de là qu'il fallait cesser les fécon- 
dations artificielles, et même qu’il fallait retrancher tous les fruits. 
Le jardinier en chef voulait, avant tout, conserver des plantes qu'il 
aimait tant, et, sous ce rapport, il avait parfaitement raison. 

Je dus donc exécuter ses ordres, et, le lendemain, toutes les 
plantes étaient dégarnies de leurs fruits, à l'exception d'une seule 
que j'avais pu obtenir de laisser intacte. C'était l'Epidendrum cras- 
sifolium. 

Cependant un pas était déjà fait. Cette fécondation m'avait dé- 
montré que, par la forme des fruits, on pouvait facilement, dans 
les grands genres, former des groupes parfaitement distincts. Pour 
en donner un exemple, disons que les Epidendrum cochleatum, 
radiatum, fragrans, etc., qui ont les pseudo-bulbes en forme de 
massue un peu aplatie, donnent des fruits ailés, tandis que les 
espèces à pseudo-bulbes ovoïdes ou arrondis, comme les Epiden- 
drum ionosmum, ochranthum, phϾniceum, atropurpureum, etc., 
ont les fruits oblongs et sans ailes. Enfin, les espèces de ce même 
genre, dont les tiges sont longues et cylindriques, comme l’Eprden- 
drum crassifolium, etc., ont encore des fruits d’une forme parti- 
culière. Je remarquai, en outre, que les pseudo-bulbes qui naissaient 
sur des plantes munies de fruits devenaient une fois plus forts, ou 
au moins aussi vigoureux que les autres. 

Ces expériences furent reprises plusieurs fois, mais, par des 
circonstances toutes particulières, que je ne puis rapporter ici, je 
ne pus les poursuivre que quand je fus moi-même chargé de la 
direction du jardin du Luxembourg, et débarrassé des obstacles que 
m’avait opposés l'autorité de mes supérieurs (1). Aussi ai-je eu la 
douleur de voir mes expériences, qui avaient donné l'éveil, reprises 
en Angleterre et en Allemagne par des horticulteurs plus entrepre- 
nants que les horticulteurs français, et couronnées bientôt de 
résultats importants et pratiques. C’est là une nouvelle preuve des 
entraves qu’une routine aveugle impose souvent à la marche de la 
science et surtout de la science horticole. 

(4) C'est une de mes tentatives qui a permis à M. Éd. Prillieux de soumettre à l’exa- 
men microscopique la germination de l’Angrecum maculatum, sur laquelle nous avons 


publié un mémoire spécial dans les Annales des sciences naturelles, 4° série, t. V, 
cahier n° 3. 


WEDDELL, == QUINQUINAS. 37 


M. J.-E. Planchon demande à M. Rivière si l’hybride observé 
par lui est fertile ou stérile, et, dans le premier cas, quelles sont 
les conditions de sa fertilité. 

M. Rivière répond qu'il a réussi à féconder artificiellement 
cet hybride par lui-même, et qu'il en a récolté des graines. 

M. Planchon fait observer que c’est généralement le pollen 
qui est stérile dans les hybrides; que, du moins, il l’a toujours 
trouvé tel. 

M. Rivière dit que le pollen s’est trouvé complétement fertile 
chez le Lælia hybride, au contraire de ce qu’il est chez les Cata- 
setum et chez les formes singulières connues sous le nom de 
Myanthus. 

M. Ed. Morren rappelle que feu le professeur Ch. Morren, 
son père, est le premier qui ait réussi à féconder artificiellement 
des Orchidées, en 1836. Les gousses de Vanille obtenues alors 
par lui l'ont été depuis dans plusieurs établissements. M. Morren 
ajoute que les expériences d'hybridation faites par M. Rivière 
l'ont été presque à la même époque par M. Dominy, chef de 
culture de MM. Vertch. 

M. J.-E. Planchon dit qu'il ne faudrait pas généraliser d’une 
manière absolue l'observation de M. Ch. Darwin, d’après la- 
quelle peu d'Orchidées devraient la fertilité à leur propre polleu. 
Il cite notamment l'Ophrys scolopazx, et V'Ophrys apifera, dans 
lesquels la longueur des caudicules permet que le stigmate soit 
fécondé par un simple abaissement des masses polliniques. 

M. Rivière ajoute qu'il n'a vu fructifier l'Oncidiun Caven- 
dishianum qu'en fécondant entre elles des fleurs de pieds diffé- 
rents. 


M. Weddell dépose sur le bureau des échantillons de diverses 
espèces de Quinquina, et fait la communication suivante : 


SUR LA CULTURE DES QUINQUINAS, 
Par M. H-A. WWEDDELL. 
Messieurs, 
C'est avec une vive satisfaction que je me vois chargé, par mon ami 
M. J.-Eliot Howard, de Londres, d'appeler l’attention du Congrès 


35 CONGRÈS INTERNATIONAL DE BOTANIQUE. 


sur les échantillons que j'ai l'honneur de déposer sur le bureau. Gette 
satisfaction, vous la comprendrez et vous la partagerez, je crois, 
lorsque vous saurez que les écorces mises sous vos yeux ont été 
retirées de caisses débarquées, il y a quelques jours, sur les quais 
de Londres, et renfermant la première récolte que les plantations de 
Cinchona de l'Inde anglaise aient livrée au commerce européen. Ces 
écorces témoignent donc du succès d’une entreprise qui, au point 
de vue de l'humanité, peut être regardée à juste titre comme une 
des plus utiles de notre siècle. 

Les progrès de la culture des Cinchona, dans les Indes, ont été 
exposés dans plusieurs ouvrages de date assez récente. Je demande 
néanmoins la permission d’en dire ici quelques mots qui, j'ose l’es- 
pérer, ne seront pas sans intérêt, surtout en vue des pièces qui vous 
sont soumises. Et puisque ces pièces me rappellent encore tout 
naturellement le nom de M. Howard, je dirai, en commençant, que, 
par ses profondes connaissances en quinologie, aussi bien que par 
son habileté comme chimiste, et par son noble désintéressement, 
notre éminent confrère a rendu à cette œuvre les plus importants 
services, et doit être mis au premier rang de ceux qui ont contribué 
à sa réussite. À la science, il en a rendu de non moins grands (1) ; 
mais je me contenterai, en ce moment, de rappeler que c’est en 
grande partie à son tact persévérant que l’on a dû de connaître 
enfin l’origine botanique du vrai Quinquina rouge, dont vous avez 
précisément ici les écorces sous les yeux. 

La première tentative de culture des Cinchona, dans les Indes 
britanniques, eut lieu en 1853 (2), époque à laquelle un certain 
nombre de plants de C. Calisaya, d'origine française, v furent trans- 
portés sous la surveillance de M. Fortune. Ce ne fut cependant que 
quelques années après, en 1859, que le gouvernement anglais se mit 
sérieusement à l’œuvre, en envoyant au Pérou M. Clements Markham. 
Ce voyageur, auquel on doit les plus grands éloges pour le zèle et 
la persévérance qu’il a déployés dans la mission difficile qui lui était 
confiée, partit d'Angleterre avec un habile jardinier (M. Weir), 
aborda au Pérou par le port de Gallao, et se dirigea ensuite sur 


(4) Le magnifique ouvrage publié par M. Howard sous le titre de Zlustrations of the 
Nueva Quinologia of Pavon (1 vol. in-f° avec 30 planches coloriées) est connu de tout 
le monde. 

(2; Le premier pas officiel fait en Angleterre pour introduire la culture des Cinchona 
dans les Indes britanniques l’a été à la suite d’une dépêche du gouverneur général de 
l'Inde, en date du 27 mars 1892, 


WEDDELL, — QUINQUINAS. 39 


celui d'Islay, pour gagner la province de Garabaya où il suivit, à peu 
de chose près, l'itinéraire que j'y avais suivi moi-même une douzaine 
d'années auparavant. Il y recueillit, non sans difliculté, un grand 
nombre de plants de Cinchona qui furent confiés à des caisses de 
Ward, mais qui moururent malheureusement tous pendant la tra- 
versée ou peu après leur arrivée à Madras; perte considérable, mais 
qui ne fit pas, fort heureusement, péricliter l'entreprise elle-même. 
En effet, M. Markham n'avait pas voulu en confier le succès à ses 
seuls moyens. Dès avant son départ d'Angleterre, il avait eu soin 
d’enrôler au profit de l’œuvre quelques hommes aussi habiles que 
dévoués, parmi lesquels on doit citer en première ligne le botaniste 
Spruce (1), auquel on dut d'obtenir bientôt de jeunes plants, et 
surtout des graines, de plusieurs espèces de Cinchona dont l'expé- 
rience avait depuis longtemps démontré la valeur. La perte de la 
récolte de M. Markham se trouva ainsi amplement compensée. 
Quelques-unes des graines obtenues de la sorte furent semées 
dans les serres du Jardin royal de Kew (2), en Angleterre; les 
autres, dirigées immédiatement sur l'Inde, y furent distribuées entre 
divers sites signalés comme étant les plus propres à fournir aux 
plantes à cultiver les conditions de sol et de climat qu’elles trouvent 
dans leur pays natal. Il est inutile de suivre les péripéties de cette 
culture dans ces diverses localités; bornons-nous à létudier dans 
celle qui a produit les échantillons que nous avons devant nous, 
c'est-à-dire Ootacamund dans les montagnes de Nilghiri. Gette 
plantation, placée sous la direction de M. Mac Ivor, ne tarda pas, 
grâce à la rare intelligence de ce cultivateur, à atteindre un degré 
de prospérité qui doit nécessairement la faire prendre pour modèle 
de toutes celles que l’on pourra établir par la suite. Quelques chiffres 
montreront du reste, beaucoup mieux que toute description, les ra- 
pides progrès de l'établissement. Ainsi, quand M. Mac Ivor s’établit à 


(4) C'est par le zèle infaligable de M. Spruce que le gouvernement a été mis en pos- 
session du Cinchona succirubra, qui rivahse avec le C. Calisayu par l’imporlance de 
ses produits, et d’autres espèces du versant occidental des Andes de l'Équateur. M. Cross 
accompagnait M. Spruce, comme jardinier, dans cette expédition, et fit ensuite, seul, 
deux autres voyages quinologiques, avec le même succès : l’un au district de Loxa, 
l'autre à Pitayo, dans la Nouvelle-Grenade. M. Pritchett visitait pendant ce temps les 
montagues d’'Huanuco, et recueillait des graines et de jeuries plants des espèces de cette 
localité ciassique.— Voyez, pour d’amples détails sur ce sujet, le très-intéressant volume 
de M. Markham, intitulé : fravels in Peru and India. 

(2) Alors sous la direction du célèbre Sir William Hooker, lequel n’a jamais cessé, 
non plus que son illustre fils, le directeur actuel, d'apporter le plus vif intérêt à toutes 
les questions qui se rattachent à la culture des Quinquinas. 


40 CONGRÈS INTERNATIONAL DE BOTANIQUE. 


Ootacamund, en mars 1861, il y rencontra 635 plants de Cinchona, 
la plupart appartenant au C. succirubra. Eh bien! en avril 1862, il y 
en avait 31/95, et, un an après, 157 704. Ce dernier recensement 
avait eu Jieu en avril 1863. Au mois de décembre de cette même 
année, le nombre des plants de Cinchona existant à Ootacamund 
était de 277 080! À partir de ce moment on ne les compte pour ainsi 
dire plus; et, à l'heure qu'il est, c’est presque par millions qu’on 
peut les dénombrer. Dans la seule propriété particulière de Dova 
Shola, il y en a 900 000 ; et l'enthousiasme pour cette culture est tel, 
qu'indigènes et étrangers, rajas et paysans, tous veulent avoir leur 
plantation de Quinquinas. J'ajoute que cette immense multiplication 
a été obtenue par un système de bouturage par très-petits tronçons, 
grâce auquel, par exemple, un pied de C. officinalis Uritusinga, 
présenté au gouvernement par M. Howard, et arrivé dans l'Inde en 
avril 1862, a pu compter, dix-neuf mois après, 6850 rejetons. 

Les résultats que je viens de faire connaître sont déjà bien remar- 
quables, mais ceux dont il me reste à parler tiennent presque du 
prodige. 

Aux débuts de cette grande expérience, c’est-à-dire il y a quinze 
ans, On pouvait craindre que le rendement des écorces ne diminuât, 
par suite de la culture de l'arbre dans des conditions qui ne seraient 
pas tout à fait celles où il végète en Amérique; tout au moins 
devait-on avoir quelques doutes sur le résultat; eh bien! on est en 
droit aujourd'hui d'affirmer que la richesse des écorces des Cinchona 
cultivés dans l'Inde, sera non-seulement égale à celle des écorces 
américaines, mais arrivera même peut-être dans certains cas à être 
double et peut-être plus considérable encore. Ceci n’est pas aujour - 
d’hui une hypothèse, mais un fait; et M. Mac Ivor a obtenu ce ré- 
sultat par un moyen si simple que je n'exagérais pas en disant que 
les résultats obtenus tenaient presque du prodige. Pour y arriver, il 
lui a suffi, en effet, d'appliquer sur l'écorce de l'arbre une couche de 
mousse qui Ja garantit, pendant une certaine période de sa crois- 
sance, de l'influence combinée de l’air et de la lumière. Ainsi, voici 
par exemple une écorce de C. succirubra développée à l'air libre et 
àgée de quatre ans; son rendement en alcaloïdes est de 6,95 pour 
100. Si, au contraire, six mois seulement avant de l'enlever, vous 
l’eussiez enveloppée d’une couche de mousse, ce rendement aurait 
dépassé 9 pour 100, Ce n'est pas tout. Ce que cette application de 
iousse, ce que ce zaoussage de l'écorce offre peut-être de plus in- 


WEDDELL. — QUINQUINAS. A 


téressant à noter, c’est qu'il permet à l’aubier d’un arbre dénudé 
de son écorce, pour les besoins du commerce , d’en reproduire une 
seconde et même une troisième (1); chacune de celles-ci étant non- 
seulement plus riche en alcaloïdes que l'écorce qui l’a précédée, 
mais étant proportionnellement plus riche en quinine, cette quinine 
étant en outre d'une extraction plus facile. Anatomiquement ces 
écorces différent des autres par l’absence plus ou moins complète des 
fibres du liber. Enfin, un dernier fait qu'il faut signaler, parce qu'il 
peut résulter de la culture et qu'il pourra avoir une certaine impor- 
tance quand on saura exactement sous quelles influences il se produit, 
c’est la conversion des alcaloïdes voisins l’un dans l’autre (2): de 
la quinine, par exemple, en cinchonidine, ainsi que cela s’est vu dans 
le C. Calisaya, où de la cinchonine en quinidine, comme M. Howard 
l’a constaté pour le C. micrantha. 

Je termine ici ce que j'avais à dire sur la culture des Quinquinas 
dans l'Inde anglaise, et je demande la permission d'appeler pendant 
quelques instants votre attention d'un autre côté. 

C'est à l'Angleterre, nous l'avons vu, que revient la gloire d’avoir 
offert au monde les premiers fruits de la grande entreprise dont je 
vous ai retracé quelques-unes des phases les plus intéressantes. Mais, 
ceci reconnu, il n’est que juste de revendiquer pour deux autres 
nations la part de mérite qui leur est due dans le développement de 
cette œuvre bienfaisante. Ces pays sont la France et la Hollande. 
Je commence par la France, et ici je vous prierai de m'excuser si je 
mets en avant mon propre nom. Peut-être ne le ferais-je pas si j'étais 
seul en fait dans le léger oubli dont je crois avoir à me plaindre, 
mais comme cet oubli porte surtout sur un établissement public, 


(1) Les habitants de Loxa réussissaient parfois à obtenir de leurs arbres une seconde 
récolte, mais par un procédé bien moins parfait. Ils enlevaient l’écorce d’un seul côté 
du tronc. Les lèvres de la bande corticale laissée en place s’étendaient alors peu à peu 
et finissaient par recouvrir, plus ou moins complétement, la portion d'aubier dénudée. 
— Voyez Howard, !. c., sub C, Uritusinga. 

(2) La valeur commerciale des alcaloïdes des Quinquinas, et par suite celle des écorces 
dont on les extrait, dérive en grande partie de leur rendement thérapeutique. Or, il résulte 
des rapports publiés récemment par des commissions siégeant à Madras et à Bombay, et 
dont l’objet est de s’assurer expérimentalement, et sur une grande échelle, de l’impor- 
tance thérapeutique relative des quatre alcaloïdes de Quinquina actuellement employés, 
que les sulfates de cinchouine, de cinchonidine et de quinidine sont beaucoup plus effi- 
caces qu'on ne le suppose généralement. Il est done présumable que cette décision va 
donner du prix à bon nombre d’écorces que l’on a cessé d’exploiter, depuis que la 
croyance s’est répandue que la quinine possède seule à un haut degré les qualités 
dont on est obligé aujourd’hui de reconnaître l'existence, et seulement à un degré un 
peu moindre chez ses trois sœurs, et en particulier dans la quinidine. 


42 . CONGRÈS INTERNATIONAL DE BOTANIQUE. 


établissement auquel j’ai été fier d'appartenir, je crois qu’il est de 
mon devoir en ce moment de défendre ses droits. Ge que je ré- 
clame pour la France, c’est le mérite d’avoir suscité le mouvement 
qui à eu pour résultat les diverses tentatives faites pour cultiver le 
Quinquina, et d’avoir fait le premier pas dans la voie féconde où 
l'ont suivie, pour la devancer bientôt, la Hollande d’abord, l'Angle- 
terre ensuite. Pour ce qui est de moi personnellement, je désire 
simplement constater que, quelles qu’aient été les suggestions faites 
antérieurement, ce n’est, en réalité, qu’à la suite de la publication 
de ma Monographie des Quinquinas, en 4849, et du rapport dont elle 
a été l'objet ; ce n’est que sous l'impression du cri d'alarme que j'y 
ai jeté que l'attention des gouvernements a été éveillée, et que les 
premiers pas utiles ont été faits pour opérer le transfert de la pro- 
duction et du commerce des Quinquinas du nouveau monde à l’an- 
cien. Voilà, messieurs, la part que j'ai eue dans cette œuvre. Celle 
qui appartient au Muséum d'histoire naturelle est bien autrement 
importante, Et d’abord, ne dois-je pas dire que c’est comme voyageur- 
naturaliste de cet établissement que j'ai été à mème d'étudier l’état 
des forêts de Quinquinas et d'appeler l'attention sur la destruction 
qui en menaçait les espèces les plus précieuses ? Ge sont ensuite les 
graines de Cinchona, recueillies et remises par moi au Muséum, qui, 
semées dans les serres de cet établissement, sous la surveillance de 
M. Houllet, y ont levé et ont donné les premiers plants de Quin- 
quina que l’on ait vus vivants en Europe. Ce sont enfin ces plants 
qui ont servi aux premiers essais de culture qui aient été faits, soit 
en Afrique soit en Asie. Dès leur apparition on se préoccupa, en 
effet, des moyens de les transporter sous des climats que l’on pou- 
vait supposer propices à leur développement, et les premiers qui 
soient sortis de France furent adressés, en 1849, à M. Hardy, 
directeur des pépinières des environs d'Alger, et furent livrés à la 
pleine terre, dans l'établissement du Hamma. C’est là le premier 
essai de culture du Quinquina, à l'air libre, qui ait été tenté hors 
de son pays natal, Ilne fut pas heureux, et l’on doit, par cette raison 
mème, regretter plus vivement encore que le gouvernement français 
n'ait pas donné alors une attention plus sérieuse à une question 
d'une importance aussi manifeste, en prenant en main l'œuvre dont 
le Muséum avait eu l'initiative. 

La Hollande commença ses essais vers le moment où la France 
suspendait les siens, en 1852, par conséquent environ sept années 


WEDDELL, — QUINQUINAS. 3 


avant que l'Angleterre, profitant des fautes comme de l'expérience 
de ses devanciers, entrât sérieusement dans la même voie. Le 
gouvernement hollandais savait que le Muséum avait distribué 
dans le commerce français un certain nombre de pieds de Cnchona 
Calisaya, nés dans ses serres. 11 s’en procura chez MM. Thibaut et 
Keteléer, et les fit transporter à Java. Ge sont les premiers qui aient 
respiré l'air des Indes. Ils provenaient, on le voit, du Muséum 
d'histoire naturelle, J'ai dit aussi, plus haut, que le premier envoi 
fait par l’Angleterre dans ses grandes possessions asiatiques était 
d’origine française. Les plants qui le composaient provenaient de 
la même source que ceux qui se trouvaient déjà dans les Indes 
néerlandaises : du Muséum d'histoire naturelle. 

La Hollande ne s’en tint pas là. Dans cette même année 1852, elle 
fit partir pour le Pérou le botaniste Hasskarl, avec mandat d'y re- 
cueillir des plants et des graines de Cinchona et de les accompagner 
à Java, ce qui fut fait; mais, soit par une raison, soit par une autre, 
les progrès des plantations furent très-lents ; si bien que lorsque, 
trois ans après, la direction des cultures vint à être confiée à M. Jun- 
ghubhn, celui-ci n’y trouva que 351 arbres en pleine croissance. A 
partir de cette époque, cependant, la multiplication prend des pro- 
portions considérables, et, sans une circonstance qui est réellement 
à déplorer, les plantations des Indes néerlandaises n'auraient au- 
jourd’hui rien à envier à celles de l'Inde britannique. Séduit par la 
plus grande rusticité d’un Céënchona d'espèce douteuse, né de 
graines rapportées par M. Hasskarl, on se prit à le multiplier au dé- 
iriment d’autres espèces plus délicates peut-être, mais dont l'utilité 
était démontrée, et l’on reconnut, trop tard, que la plante qui avait 
coûté tant de soins n'avait que peu ou point de valeur commer- 
ciale (1); de sorte que, bien qu’il y ait en ce moment plus d’un 
million d'arbres à Quinquina dans l’île de Java, la proportion des 
bonnes espèces y est relativement faible. Je n’exagère donc pas 


(1) Ce Cinchona, provenant des environs d’Uchubamba, dans le Pérou central, a été 
reconnu nouveau par M. Howard, et a été dédié par lui au gouverneur général des 
Indes néerlandaises, sous le nom de C. Pahudiana. L'espèce avait été confondue, 
paraît-il, antérieurement, avec le C. ovata el avec le C. carabayensis, dont elle est bien 
distincte. Des échantillons de lécorce de cet arbre, ainsi que de celles de presque 
toutes les autres espèces de Cinchona cultivées jusqu'à ce jour dans les Indes, forment 
partie de la magnifique collection quinologique exposée par MM. Howard et fils dans le 
Palais du Champ-de-Mars. On sera heureux d’apprendre que cette collection, que plu- 
sieurs d’entre nous ont examinée avec un si vif intérêt, a obtenu une médaille d’or du 
jury international à l'Exposition universelle, 


hh CONGRÈS INTERNATIONAL DE BOTANIQUE. 

beaucoup en disant que l'opération devra y être reprise presque en 
entier, en n’y employant, cette fois, que les espèces ou variétés (1) 
dont l'expérience, où mieux encore, l’analyse chimique, aura dé- 
montré la valeur. C’est en procédant ainsi que l'Angleterre est 
arrivée, presque du premier coup, à la solution du problème. 


M. David Moore, vice-président du Congrès. dépose sur le 
bureau une caisse pleine d'échantillons frais de Nepenthes et 
d'autres plantes, et fait la communication suivante : 


DE LA CULTURE, DE LA PROPAGATION 
ET 
DE LA MORPHOLOGIE DES PLANTES A FEUILLES ASCIDIFORMES. 


(Nepenthes, Sarracenia, Darlingtonia et Cephalotus), 


Par M. David MOOKRE, 
Directeur du Jardin botanique de Dublin, membre de la Société Linnéenne de Londres, etc. 


Ayant eu lhonneur d’être invité à prendre part à ce grand 
congrès international, tenu dans le but de discuter des sujets de 
botanique pure et appliquée, j'ai pensé que l'étude des plantes à 
ascidies, actuellement cultivées, pourrait intéresser les savants voués 
à la fois à la science et à la pratique, qui sont réunis dans cette 
enceinte, Vu la grande distance qui sépare Dublin de Paris, et la 
difficulté de transporter ici des plantes que leur grande dimension 
rend quelquefois fort précieuses, j'ai seulement apporté avec moi, 
pour vous les présenter, des feuilles fraîches munies de leurs asci- 
dies, qui pourront vous donner une assez bonne idée des différentes 
espèces, quoique bien maigre en comparaison de celle que vous 
donneraient les plantes entières. 


1° Be la rareté de ces plantes et de Icur culture. 


Soit que nous considérions la rareté des collections des plantes à 
ascidies vivantes, ou le mécanisme curieux déployé dans la structure 
de leurs feuilles, phénomène d’une grande importance au point de 
vue purement morphologique, les plantes à ascidies sont plus 


(1) Il y a des espèces botaniques de Cinchona dont le type peut avoir une écorce 
pauvre en alcaloïdes, lorsque, au contraire, quelqu’une de ses variétés peut en avoir 
une très-riche, et vice versa. Le C. lancifolia etle C. Calisaya fournissent des exemples 
de ces anomalies 


MOORE. — PLANTES A ASCIDIES. 5 


intéressantes pour les botanistes et pour les horticulteurs qu'aucun 
des groupes de plantes auxquels nous sommes accoutumés. On peut 
donc se poser immédiatement une question : pourquoi sont-elles si 
rares dans les collections et si difficiles à maintenir en bon état ? 
Pour toute réponse, je me bornerai à exprimer une conviction, c’est 
que les horticulteurs nuisent à ces plantes par trop de soins. Au 
Jardin botanique de Glasnevin, où sont venues toutes les espèces 
que je présente actuellement au Congrès (excepté le Nepenthes 
villosa et le Sarracenia psittacina, qui proviennent des belles 
collections de MM. Veitch, de Chelsea), nous n'avons pas éprouvé 
grande difficulté en soumettant ces plantes au traitement suivant. 
Le sol où nous les plaçons est de la terre de bruyère fibreuse mêlée 
d'un peu de terre argileuse jaune et d’un tiers de beau sable blanc 
débarrassé de tout débris de calcaire. La terre de bruyère et la terre 
argileuse sont placées autour des racines des plantes en petits mor- 
ceaux qui varient d’un demi-pouce à deux pouces de diamètre et 
auxquels on ajoute le sable en remplissant les pots. Il faut avoir 
soin d'établir dans ces pots un drainage parfait au moyen des tes- 
sons, car, bien que ces plantes demandent beaucoup d'humidité 
pour leurs racines, cependant, à certaines périodes de l’année, 
celles-ci pourrissent et meurent si le sol qui les entoure y laisse 
stagner l'eau, ou si le liquide peut se corrompre dans les terrines 
où sont placés les pots. Pour empêcher ce dernier inconvénient, les 
gens chargés de la surveillance de la serre ont ordre de vider ces 
terrines deux ou trois fois par semaine, quand les plantes sont dé- 
veloppées, et de les laver ensuite. Cela se pratique pendant les mois 
d'été jusqu’au mois d'octobre environ ; quand la température décroit 
et que la lumière solaire faiblit, les pots sont enlevés des terrines à 
eau. Alors les plantes sont arrosées avec grand soin et avec sobriété, 
avec de l’eau d'une température un peu plus élevée que celle de la 
serre, pour empêcher les racines de se refroidir. Si les plantes étaient 
trop arrosées en hiver, elles pourraient tomber dans un état ma- 
ladif d’où il serait très-diflicile de les tirer. 

Les espèces qui sont originaires des îles de l’archipel Indien 
demandent une température plus élevée que celle qui a été jusqu’à 
présent cultivée dans les jardins de l'Angleterre et du continent. 
sous le nom faux (ainsi que cela est aujourd’hui démontré) de Nepen- 
thes distillatoria. La véritable plante qui doit porter ce nom existe 
déjà dans les cultures, mais à l'état de petits échantillons, Le doc- 


AG CONGRÈS INTERNATIONAL DE BOTANIQUE. 


teur Hooker pense que l’ancienne espèce est une plante du Bengale, 
la même que le Nepenthes melamphora. 

I faut aux plantes de l'Inde une température variant de 65 à 80 
degrés Fahrenheit (18 à 26 degrés centigrades) avec une atmos- 
phère humide, même quand la chaleur est la plus forte, mais l'espèce 
dont je viens de parler se trouve mieux d’une température inférieure 
et d’une atmosphère sèche. À Glasnevin, il en existe un spécimen 
parfaitement bien portant, sur lequel ont été coupées les ascidies 
qui sont devant vous, avec des tiges d'au moins vingt pieds de long. 
D’après les mesures prises, ces ascidies ont de neuf pouces à neuf 
pouces et demi de longueur, et le diamètre en est environ de deux 
pouces et demi ; elles peuvent contenir près d'une demi-pinte d’eau. 

Le beau et très-rare Nepenthes sanquinea, dont je vous présente 
maintenant des ascidies, est une espèce extrèmement intéressante. 
Ces larges appendices colorés de pourpre attirent ordinairement, 
dans notre jardin, l'attention des visiteurs les plus indifférents, 
que frappe d'étonnement une structure aussi curieuse. Ces ascidies 
ont neuf pouces de longueur et deux pouces de largeur en diamètre. 
Elles peuvent contenir une demi-pinte d’eau. La plante qui les a 
produites a été soumise à une culture analogue à celle que j'ai déjà 
décrite. 

Je n'ai pas besoin de caractériser particulièrement les autres 
espèces qui sont sous vos yeux; l’examen des ascidies montre 
qu'elles étaient en parfait état. Celles du Nepenthes Rafflesiana 
sont plus petites que ce n’est ordinairement le cas à Glasnevin pour 
cette belle espèce, quoique la plante qui les a produites soit robuste 
et en bon état. 


2° Obtention par graines. 


Les espèces de Nepenthes étant dioïques, ou, comme certains 
auteurs le pensent, polygames, ne produisent pas de graines 
parfaites dans nos jardins ; à moins que la fleur femelle ne soit 
fécondée artificiellement par le pollen de la fleur mâle, et il est fort 
rare que les deux sexes de la même espèce se rencontrent dans le 
même établissement. C'est là la principale raison pour laquelle ces 
plantes sont si rares. Le pollen, cependant, peut être emporté à 
une certaine distance ; il conserve ses facultés pendant huit jours. 
Mais, d'après mes expériences, il ne les conserve pas plus long- 
temps. J'ai expérimenté avec du pollen recueilli deux mois aupara- 


MOORE. --- PLANTES A ASCIDIES. L7 


vant et bien conservé, mais il n’a pas réussi dans mes essais de 
fécondation artificielle. 

Les graines sont généralement bonnes si la fécondation a été 
convenablement pratiquée, et elles doivent être semées aussitôt 
après leur maturité, qu'on peut reconnaître à ce que les capsules 
se fendent. Si cela se présente vers le commencement de l'hiver ou 
pendant cette saison, il vaut mieux conserver les graines jusqu’en 
février ou en mars, mois qui sont les meilleurs pour le semis. En 
accomplissant cette dernière opération, il faut avoir soin de ne pas 
recouvrir les graines de terre, mais de les répandre seulement à la 
surface de la terre humide, L’enveloppe lâche et mince qui les unit 
indique qu'elles flottent sur l’eau ou qu’elles reposent sur le sol 
humide jusqu'au moment de leur germination. Après le semis, les 
pots doivent être placés dans des terrines basses contenant de l’eau 
et disposées de façon que cette eau puisse être portée à une tempé- 
rature de 80 degrés Fahrenheit. Si les graines sont bonnes, les 
jeunes plantes apparaîtront avec leurs petites ascidies à l'extrémité 
des feuilles dans le mois qui suivra le semis. Quard elles atteindront 
un quart de pouce (ou même moins), il faudra les repiquer sur un 
sable léger dans des terrines basses, qu'on pourra recouvrir com- 
plétement avec des plaques de verre, et les placer ensuite pendant 
quelque temps dans une serre chaude où l'air sera humide. À ce 
moment de leur croissance, les jeunes plantes seront susceptibles 

’être attaquées par une petite Algue filamenteuse dont le déve- 
loppement est favorisé par l'humidité ; et, si on la laisse s'étendre, 
elle aura bientôt détruit les plantules. Quand cet accident se pro- 
duit, nous avons trouvé que le meilleur moyen est d’arracher les 
plantules, de les bien nettoyer et de les replanter dans un sol frais. 


3° Propagation par bouture ou par greffe. 


À peine ai-je besoin d'établir devant une assemblée d’horti- 
culteurs français dont la réputation est si répandue dans toute 
l'Europe, pour le talent qu'ils déploient dans la reproduction des 
plantes de leur culture, que les diverses espèces de Vepenthes 
peuvent encore se propager par bouture et par greffe. Mais ceux 
qui en ont fait l'expérience m'accorderont qu'il faut apporter à 
cette opération le plus grand soin pour empêcher les boutures 
de se pourrir avant de s'être enracinées. J'ai pensé que cela peut 
être dû à l’organisation particulière de ces plantes, les Nepenthes 


h8 CONGRÈS INTERNATIONAL DE BOTANIQUE. 


étant du petit nombre des plantes qui ont dans la moelle de leur 
tige du tissu vasculaire et du tissu cellulaire mélangés, et ayant en 
outre une couche épaisse de vaisseaux spiraux entre le bois et 
l'écorce. On doit donc inférer de cette structure que l'humidité 
est plus rapidement introduite dans le tissu de leurs boutures que 
dans celui des végétaux organisés suivant la loi générale. 

Pour ce qui est des grefles, je n'ai que peu de chose à dire. Nous 
avons actuellement à Glasnevin des greffes du N. Hookeri sur le 
N. ampullaria, et elles sont encore fraîches au bout de deux mois, 
bien qu’elles n’aient pas poussé; je ne puis dire s’il s’est opéré, oui 
ou non, la jonction nécessaire entre les tissus mis en contact. Je me 
contente de laisser ici cet avertissement, n'ayant vu usitée nulle part 
cette méthode de propagation. 

A propos de la reproduction des Nepenthes, je tiens à vous entre- 
tenir des hybridations qui ont déjà été effectuées en Angleterre. Le 
mérite d’avoir tracé la voie dans ce mode important d'expérimentation 
appartient à MM. Veitch, de Chelsea, qui ont dans leur magnifique 
établissement des collections de Nepenthes dont l'importance et la 
variété dépassent tout ce que je connais en Europe. Ils ont fait de la 
culture de ces plantes leur principale étude, et ce sont les seuls 
horticulteurs qui aient jusqu'à présent réussi dans l’hybridation des 
Nepenthes. Le principal résultat de leurs expériences est devant 
vous sur cette table, sous le nom de Nepenthes hybrida, mais je 
préférerais lui donner celui de Dominiana, en l'honneur de leur 
habile chef de culture, M. Dominy, si expert à obtenir des hybrides 
d'Orchidées et à une foule d’autres pratiques horticoles. 


4° Morphologie de la feuille. 


A ce sujet, je n’ai rien à ajouter aux descriptions déjà faites dans 
les traités de morphologie végétale, On admet généralement aujour- 
d'hui pour certain que l’opercule de lascidie est la vraie feuille et 
que sa cavité est produite par une modification du pétiole. Mais je 
ne sache pas que l’on ait expliqué clairement comment l'eau pénètre 
dans l’intérieur des ascidies avant le soulèvement de leurs opercules, 
et lorsqu'elles sont hermétiquement closes. Je pense donc qu'on 
me permettra de demander que l'on discute la physiologie de la 
feuille relativement à ce phénomène. Le Vepenthes fait sans doute 
de son singulier pétiole le même usage que les autres plantes font 
de leurs vrilles, en se saisissant des espèces les plus fortes et les. 


MOORE. — PLANTES A ASCIDIES. A9 


plus capables de les soutenir. A l'exception de quelques Palmiers, 
je ne connais pas de plantes qui aient pour cet acte physiologique 
d'organes plus puissants que les feuilles des Nepenthes. 

Voici les noms des espèces dont je présente ici des ascidies : ce 
sont les Nepenthes phyllamphora Jack, N. lœvis Lindl., N. ampul- 
laria Jack var. quttata, N. sanquinea MHort., N. Hookeriand, 
N. Rafflesiana, N. hybrida. 

Le second genre dont j'ai à vous entretenir est le genre Sarra- 
cenia, dont les espèces sont plus généralement cultivées que les 
espèces de Nepenthes, bien qu'elles soient rarement bien vigou- 
reuses dans nos établissements horticoles. Les échantillons qu’on en 
a présentés l’année dernière à l'exposition internationale de Londres 
et cette année même à Manchester, montrent à quel degré de per- 
fection on peut porter ces curieuses et intéressantes plantes par des 
soins bien entendus. Ge que je me propose aujourd'hui, en appor- 
tant celles-ci au Congrès, ce n’est pas tant de faire connaître ce 
qui a été déjà publié sur leur culture, que de montrer une espèce 
venue de graine à Glasnevin, le Sarracenia variolaris. A est à 
croire que c’est la première germination de ce genre qui ait eu lieu 
dans les jardins anglais; et, comme il est désirable qu'on ait des 
renseignements à ce sujet, je prierai les personnes présentes de me 
faire connaître si quelque autre fait analogue s’est produit dans les 
jardins du continent. J’ai décrit la méthode à suivre pour faire 
réussir ces semis, dans une courte note publiée dans le Gar- 
deners Chronicle, de Londres, en décembre 1866, et je ne répéterai 
pas ici cette communication, dans laquelle j'ai fourni aussi quelques 
données sur la question de savoir si la végétation des Sarracenia 
est exogène ou endogène. Les spécimens qui sont devant vous 
représentent toutes les espèces qui ont été introduites en Europe, et 
je me bornerai à signaler la culture du Sarracenia purpurea, 
parce qu’il s’est développé à l’air libre durant tout l'hiver dernier 
sans en souffrir, la température étant tombée à 6 degrés Fahrenheit 
(environ — 14 degrés centigrades). Il y a ici des spécimens de Sar- 
racenia flava, de S. flava var. Catesbær, de S. rubra, de S. pur- 
purea et du vrai S. psittacina. 

Je dois maintenant appeler l'attention du Congrès sur un genre 
de plantes à feuilles ascidiformes récemment introduit et fort re- 
marquable : je veux parler du Darlingtonia californica Torrey. 
. Quand la culture de cette plante sera bien comprise, nous avons 
CUNGRES BOT, l 


90 CONGRÈS INTERNATIONAL DE BOTANIQUE. 


sujet d'espérer que ce sera: un des végétaux les plus intéressants 
que l’on ait introduits en Europe depuis quelques années. 

Un des premiers exemplaires vivants qui aient été introduits en 
Angleterre a été reçu à Glasnevin en 1854; il y a été cultivé avec 
un grand succès pendant quelque temps. La plante produisit plu- 
sieurs pousses qui servirent à la reproduction et permirent d'en 
douner des rejetons à quelques amis. Mais toute la lignée en fut 
finalement détruite par l’exagération des soins et des précautions. 
Ils avaient été enfermés dans des serres chaudes, où ils ne recevaient 
que très-peu d'air, tandis qu’il aurait fallu, tout au contraire, les 
tenir fraîchement, en laissant abondamment circuler l'air autour 
d'eux. Je suis parfaitement convaincu que le Darlingtonia deviendra 
assez rustique pour pouvoir supporter en plein air nos hivers d'Ir- 
lande, et cela sans aucune protection. 

La plante à laquelle ont été prises les ascidies que vous voyez est 
demeurée tout l'hiver dernier dans une serre froide qu’on ne pouvait 
aucunement chaufler et dans laquelle il gela fortement pendant 
quatorze jours. La seule précaution qu'on prit fut de les recouvrir 
d'un potà fleur ordinaire qui fut peu à peu et avec précaution sou 
levé, puis enlevé quand le froid eut diminué. Le Darlingtonia est jus- 
qu'à présent la seule espèce de l’ordre des Sarracéniées qui ait été 
découverte en Californie (sur la pente occidentale des Montagnes- 
Rocheuses). Elle se rencontre à une altitude considérable sur des 
terres marécageuses, notamment vers la source du Rio-Sacramento, 
où croissent des Conifères et d’autres plantes qui peuvent parfaite- 
ment supporter sans abri nos hivers ordinaires. Après la perte de 
nos premiers Darlingtonia, il se passa plusieurs années avant qu'on 
en importât d'autres, mais dernièrement des graines envoyées 
à Kew et aussi à un particulier des environs d'Edimbourg, ont 
produit un nombre considérable de jeunes plantes qui se trouvent 
maintenant dans plusieurs établissements. La figure donnée der- 
nièrement dans le bel ouvrage de M. Van Houtte, la Ælore des serres, 
a été, je pense, dessinée d’après une plante qui lui a été envoyée de 
Glasnevin et qui provenait de la première introduction. Les ascidies 
que je vous présente ont été prises sur une jeune plante et ne 
donnent qu’une très-faible idée de la taille des grands Darling- 
lonia, qui atteignent souvent une hauteur d’un pied à un pied 
et demi. 

Je quitte l'étude d'une plante qui habite les contrées les plus 


MOORE. — PLANTES A ASCIDIES. 51 


occidentales du globe pour appeler, quelques instants encore, votre 
attention sur une des plantes les plus remarquables du groupe qui 
nous occupe, sur l’élégant Cephalotus follicularis, originaire d’Aus- 
tralie. Grâce au nombre considérable d'échantillons de cette espèce 
qui ont été importés dernièrement tant sur le continent qu'en 
Angleterre, le Cephalotus est aujourd'hui parfaitement connu et fait 
partie de la plupart des belles collections de plantes, bien que peu 
d'horticulteurs s'entendent à le maintenir longtemps en bonne santé. 
Je ne l'ai vu nulle part aussi bien soigné qu'au Jardin botanique du 
Collége, près de Dublin, où M. Bain, le conservateur de ce jardin, 
en a obtenu de fort grands pieds ; assurément nous ne connaissons 
aucune plante dont l'obtention puisse nous payer aussi bien de nos 
peines et de nos soins. Ces toulles de neuf à dix pouces de diamètre, 
portant en même temps de vingt à trente ascidies, offrent un spectacle 
qui frappe tous les admirateurs des beautés de la nature, et l’on ferait 
volontiers un long voyage pour le contempler; le Cephalotus na 
jamais été à Glasnevin aussi beau que dans ce jardin, bien que nous 
en ayons aussi quelques exemplaires remarquables. Pour qu’il vienne 
bien, il faut le placer sur une tablette derrière la vitre d'une serre 
froide et aérée, où il puisse être abrité contre le soleil durant les mois 
d'été. Il importe aussi de le recouvrir partiellement d’une cloche de 
verre que l’on soutient sur le dessus de trois petits pots à fleurs ren- 
versés et plongeant, ainsi que celui qui porte le Cephalotus, dans une 
terrine pleine d’eau. De cette manière, on maintient autour de la 
plante la libre circulation d'un air dont l'humidité demeure à peu 
près la même ; c’est ainsi qu'on a obtenu les plus beaux exemplaires 
qu’on voie dans les jardins d'Angleterre. Le Cephalotus ne souflre 
pas qu’ou l’enferme ni qu'on l’échaufle trop, et quoiqu'il puisse 
commencer à végéter un peu dans une atmosphère chaude et 
confinée, si ce traitement est poursuivi pendant un temps considé- 
rable, il languit bientôt et périt. 

A l'égard de la reproduction du Cephalolus, je dois faire observer 
qu’il repousse fort bien de petits fragments des racines des plantes 
les plus fortes et les plus âgées. Il faut sectionner ces racines hori- 
zontalement en morceaux courts que l’on répand à la surface de pots 
remplis de terre de bruyère et de sable blanc fin. Ces pots doivent 
alors être placés dans un lieu où l'atmosphère soit chargée de 
vapeur et la température plus élevée que dans celui où croissaient 
les plantes dont on a coupe les racines. En employant cette méthode 


2 CONGRÉS INTERNATIONAL DE BOTANIQUE. 


et en plaçant des plaques de verre au-dessus du pot, on verra sortir 
des racines des bourgeons adventifs qui donneront des plantules. 

Je termine cette lecture en remerciant le savant auditoire de 
l'attention qu'il a bien voulu n'accorder, me permettant ainsi de 
contribuer à atteindre un des buts de ce Congrès international : 
celui de nous communiquer réciproquement les renseignements 
propres à intéresser la science pure ou appliquée. 


M. J.-E. Planchon dit que le Darlingtonia à été figuré par 
Torrey, et que lui-même à suivi l'auteur américain pour le 
dessin qu'iten à donné dans la Flore des serres. W ajoute qu'il 
est convaincu, d'après ses études, que les Sarracenia doivent 
être éloignés des Papavéracées, près desquelles on les place 
généralement, et rapprochés des Pirola. 


M. L. Kny fait au Congres la communication suivante : 


SUR LE DÉVELOPPEMENT DU PROEMBRYON DE L'OSMUNDA REGALIS L., 
Par ME. le docteur EH. KNY, 


Privatdocent à l'Université de Berlin. 

Les recherches dont j'ai honneur de présenter les résultats au 
Congrès ont été poursuivies pendant les deux derniers mois, et n’em- 
brassent par conséquent que les premières phases du développement 
du proembryon. Elles offrent cependant, au point de vue morpho- 
logique, un intérêt si particulier, que les savants qui m’écoutent me 
pardonneront, je l'espère, l'insuffisance de cette communication. 

Parmi les Fougères, c’est à la famille des Polypodiacées que se 
sont tout d’abord attachées les études des organogénistes. Après que 
M. Nægeli eut décrit la formation des anthéridies, M. le comte 
Leszczyc-Suminski suivit la plantule depuis la germination de la 
spore jusqu'à l'acte de la fécondation. Plus tard, Mercklin et 
M. Hofmeister montrèrent que ce n’est pas seulement parmi les 
Polypodiacées qu'il existe une grande conformité dans la structure 
de l'embryon et dans Ja partition des organes de la fructification, 
mais que, dans ses points es entiels, cette conformité s'étend aux 
Cyathéacées, Schizéactes et Marattiacées. Mais le type de ces quatre 
familles n’est plus suivi par le développement du proembryon chez 
les Ophioglossées et les Hyménophyllées, comme Mettenius la 
observé le premier, Chez les premières, ce proembryon produit un 


KNY. -— GERMINATION DE L'OSMUNDA. 53 


corps celluleux tubériforme, chez les secondes, un filament cloisonné 
et ramifié. On ne connaît encore ni le mode de germination ni celui 
de fécondation chez les familles des Gleichéniacées et des Osmun- 
dacées. Mais si personne, à ma connaissance, n’a fait du développe- 
ment des premières l’objet de recherches organogéniques, on a fait 
avec les spores de l’'Osmunda regalis un grand nombre de sem 
qui malheureusement ont presque constamment échoué. 

Cet insuccès surprenant est principalement dû à ce qu'on a pris 
des semences dans les herbiers, comme on l’a fait pour les Polypo- 
diacées. Comme elles sont riches en chlorophylle et que les inem- 
branes en sont assez minces, on peut penser qu’elles ne conservent 
pas longtemps la faculté germinative. Aussi ai-je préféré les faire 
tomber immédiatement de la fronde sporigère sur le substratum dis- 
posé à les recevoir. Le substratum que j'ai employé était, dans la 
plupart des cas, de la tourbe ou bien un mélange de tourbe et de 
terre de bruyère; quelquefois du sable mouillé ou de l'eau pure. La 
germination, avec des circonstances favorables d’ailleurs, commença 
toujours au début du troisième jour. Après avoir suivi un peu, d’une 
manière passive, la dilatation de l’endospore, la membrane externe 
de la spore se fend au sommet sur trois lignes qui correspondent aux 
angles par lesquels la spore touchait les spores voisines. La première 
cloison qui apparaisse dans l’intérieur de la cellule est toujours per- 
pendiculaire au sens suivant lequel elle s’allonge, et sépare la pre- 
mière cellule radiculaire de la cellule-mère du proembryon, dont 
elle forme le prolongement immédiat. Tandis que la cellule radi- 
culaire, sans se cloisonner davantage, s'accroît notablement en lon- 
gueur, bientôt il apparaît dans la cellule-mère du proembryon une 
deuxième cloison parallèle à la précédente, et sur laquelle, dans 
chaque cellule-fille, il en tombe verticalement une autre. Alors le 
jeune proembryon se compose, abstraction faite de la cellule radicu- 
laire, de quatre cellules disposées en croix. Trois d’entre elles, 
savoir les deux inférieures, voisines du premier poil radiculaire, et 
une des deux supérieures, se comportent à peu près de même dans 
leur cloisonnement ultérieur, c’est-à-dire se subdivisent en cellules 
marginales de même rang, dont chacune se développe suivant le 
mode connu ; pendant cela, la seconde des deux cellules supérieures 
devient la cellule apicale du proembryon. Elle se divise par des 
cloisons perpendiculaires à sa surface, cloisons inclinées alternati- 
vement l'une sur l’autre dans deux sens opposés. Après s'être 


54 CONGRÈS INTERNATIONAL DE BOTANIQUE. 


répété cinq ou six fois pour l'ordinaire, ce procédé normal de déve- 
loppement se trouve toujours terminé. Alors, dans la cellule apicale 
de dernier ordre, apparaît une cloison verticale dans sa longueur, 
qui sépare une cellule superficielle à trois pans d'une cellule margi- 
nale à quatre pans. Les divisions qui se montrent dans celle-ci ne 
se distinguent en rien de celles des cellules marginales qui les pré- 
cèdent à droite et à gauche ; elles résultent soit d'un cloisonnement 
longitudinal produisant deux cellules marginales semblables de la 
génération suivante, soit d’un cloisonnement transversal séparant 
une cellule superficielle d'une cellule marginale d'un degré ultérieur 
encore, Le développement en longueur du proembryon de | Osmunda 
regalis a lieu dès lors comme celui de la feuille du Pellia epiphylla, 
par plusieurs cellules marginales qui se pressent dans l'échancrure 
terminale. Quoique dans les phases ultérieures du développement 
du proembryon, la direction des premières lignes de division s’eflace 
joujours plus ou moins par suite de l’enchevêtrement réciproque des 
cellules, cependant on reconnaît ordinairement encore avec toute 
évidence, quand l'ensemble a pris sa forme dernière et définitive, 
que les groupes de cellules s’ordonnent suivant les quatre secteurs 
"un cercle. 

D'après ces observations, le proembryon de l'Osmunda regalis 
offre, quand on le compare avec celui des Polypodiacées, quelques 
particularités importantes. La spore ne se développe pas ici en une 
série celluleuse simple et primitive susceptible de s’élargir à son 
sommet sur un plan formé d’une seule couche de cellules, et de 
pousser latéralement des poils radicaux sur ses cellules. Le premier 
poil radical est au contraire toujours la continuation de la cellule- 
mère du proembryon, etil se relie immédiatement à la surface de la 
cellule-mère de celui-ci. Une autre différence consiste dans la 
formation d’une nervure moyenne à plusieurs couches qui traverse 
le proembryon de sa base vers son sommet, et se trouve bornée à 
son extrémité supérieure par les deux bords latéraux aliformes. 
Les premières cloisons de séparation parallèles à la surface appa- 
raissent de très-bonne heure. Sur les proembryons les plus âgés 
(ils avaient deux mois) que j'aie examinés, j'ai trouvé la nervure 
moyenne épaisse de sept couches cellulaires. 

Relativement au développement des anthéridies et des archégones, 
mes recherches laissent des lacunes à combler. Tout ce que je puis 
dire ici, c’est que ces organes apparaissent fort tard. La première 


MOORE. — PLANTES D'IRLANDE. 55 


anthéridie que j'ai observée l’a été au quarante-cinquième jour. Je 
m'abstiendrai mème de parler en détail de la conformation et des 
transformations de la chlorophylle particulièrement faciles à suivre 
sur les spores en germination de l’'Osmunda. Mais je tiens à insister 
spécialement sur ce que le proembryon de cette plante, dans l’évo: 
lution régulière de ses développements successifs, se comporte 
complétement comme le jeune axe foliacé du Pellia. De même que 
chez cette Hépatique, on voit se changer en cellule apicale une des 
cellules marginales du corps paucicelluleux résultant de la partition 
de la spore, et cette cellule se diviser, pendant un certain temps, par 
des cloisons verticales inclinées alternativement à droite et à gauche; 
enfin tout l’ensemble se transformer en l’état définitif de l'organe 
adulte par la multiplication des cellules marginales. C’est là un 
exemple remarquable de cette loi que les phases inférieures du dé- 
veloppement des organismes plus élevés peuvent présenter exacte- 
ment les mêmes procédés de formation qui caractérisent l’état adulte 
des organismes inférieurs. 


M. David Moore fait au Congrès la communication suivante : 


SUR QUELQUES PLANTES D'IRLANDE, 


Par NE. David MOORE, 


Directeur du Jardin botanique de Dublin. 


J'ai l’honneur de mettre sous les yeux du Congrès des plantes 
remarquables par leur rareté aussi bien que par leur distribution 
géographique. Je fixerai d’abord son attention sur un échantillon 
frais du très-rare Neottia gemmipara Smith, qui, jusqu'à une 
époque très-récente, était regardé comme tout à fait confiné dans un 
espace très-limité du comté de Cork, sur la côte sud-ouest d'Irlande, 
le point peut-être le plus occidental de l'Europe. 

M. le professeur Reichenbach, de Hambourg, m’a dernièrement 
informé qu'il a reçu, depuis quelques années, de la côte occidentale 
de l'Amérique du Nord, des échantillons identiquement semblables 
à notre plante d'Irlande qu'il affirme être très-distincte du Spiranthes 
cernua Rich., auquel quelques auteurs l'ont rapportée. 

Il est à craindre que cette plante, si intéressante pour la flore 
européenne, ne soit bientôt perdue pour l'Irlande, car les habitants, 
dans la localité où elle croît, ont déjà défoncé le sol pour la culture 
des céréales et pour d’autres motifs agricoles. 


56 CONGRÈS INTERNATIONAL DE BOTANIQUE. 


Nous avons en Irlande quelques Éricacées : fort rares, parmi 
lesquelles l’Erica Mackayana Bab., dont j'ai le plaisir de mettre des 
échantillons sous les yeux du Congrès. Cette plante a été consi- 
dérée par quelques botanistes comme un hybride de l'Erica tetralix 
et de l'E, ciliaris, qui croissent tous deux près de la localité où elle 
se trouve. 

Je dois mentionner ici que feu Sir William Hooker na dit avoir 
recu de la partie occidentale des Pyrénées des échantillons pareils 
à ceux d'Irlande qui militent contre l’origine hybride de cette 
plante. 

La forme curieuse de l'E. tetralir, qui croît dans le Cornouailles 
sur la côte méridionale d'Angleterre, et qui est l'E. tetralix var. £. 
Watsoni, a été regardée par quelques personnes comme la même 
que l'E. Mackayana. Les spécimens frais des deux formes que je 
dépose sur cette table mettront les botanistes présents à même de se 
renseigner sur ce point. Selon moi, elles sont tout à fait différentes. 

La plante qui se présente ensuite à notre examen est un spécimen, 
récemment cueilli en fleur, du Calluna atlantica Seem., dernière- 
ment figuré et décrit dans le London Journal of Botany, numéro 
d'octobre 1866. 

Celle dont je place des exemplaires sur cette table me vient de 
Terre-Neuve, et cette plante ne nous permet plus de douter que 
notre Bruyère commune d'Europe n'atteigne l'Amérique dans l’ouest 
de son aire géographique. Les exemplaires que je présente montrent 
que la plante de Terre-Neuve est plus grèle dans toutes ses parties 
que la plante d'Europe; les fleurs en sont un peu plus grandes, et 
elle en diffère quelque peu par sa constitution, attendu qu'elle 
souffre considérablement du froid, même dans nos hivers ordinaires, 
tandis que la Bruyère commune, croissant à ses côtés, reste 
indemne. Ce fait, dans ma pensée, peut dépendre de ce que la plante 
est depuis longtemps sous l'influence des hivers de Terre-Neuve, où 
elle est couverte par la neige et ainsi protégée contre le froid. Car 
dans mon opinion ce n’est qu’un état de l'espèce vulgaire et non une 
forme différente. 

Le bel Erica mediterranea, dont je présente des échantillons 
desséchés parce que l’époque de sa floraison est passée depuis long- 
temps, est une de nos espèces les plus intéressantes. Elle est aussi 
confinée sur la côte occidentale d'Irlande et dans les comtés de Mayo 
et de Galway. Durant les premiers mois de l'été, cette plante com- 


ROBILLARD. — PELARGONIUM ANOMAL. 57 


munique une sorte de charme magique à des marécages naturel- 
lement froids et stériles qui couvrent une si grande étendue de ces 
comtés. 

La dernière plante dont j'ai à parler ici est celle que nous appe- 
lons en Irlande la Bruyère de Saint-Dabéoc, le Menziesia polifolia. 
Comme ses congénères, cette plante est confinée sur la côte occiden- 
tale d'Irlande, où le climat est humide et égal, et la température 
douce pendant les mois d'hiver. Le comté de Galway paraît être la 
station de cette plante la plus éloignée de la région pyrénéenne, qui 
est le centre de son aire spécifique. 


Lecture est donnée de la note suivante, adressée au Congrès : 


TRANSFORMATION 
DU SYSTÈME FOLIAIRE DU PELARGONIUM CAPITATUM Ait. 


Por ME. ROBILLARD, 
Horticulteur à Valence (Espagne). 


Je cultive cette plante sur une grande échelle pour la production 
de l’essence, sur un terrain composé de sable calcaire avec un dixième 
d’alluvion, très-pauvre, situé aux bords de la Méditerranée, à 
2 mètres seulement au-dessus de son niveau, à Valence (Espagne) ; 
c'est là, vers le nord, la dernière limite où cette plante peut vivre 
sans abri. J'ai remarqué, il y a quatre ans, dans les endroits les 
plus humides, les plus stériles, que certaines touffes donnaient des 
drageons dont la foliaison et les ramifications étaient très-différentes 
de celles du type. Ces drageons portaient des feuilles presque en- 
tières et des ramifications à toutes les aisselles ; tandis que le type a 
le feuillage très-découpé, et ne se ramifie pas ou très-peu. 

Cette transformation me parut avantageuse au point de vue de la 
production d'essence, car elle offre plus du double de parties fo- 
liacées que le type; et ce sont elles qui produisent l'essence. 

Je multipliai ces branches, et j'en obtins des plantes qui conser- 
vèrent tout le caractère de la transformation, croissant dans ces 
milieux pauvres beaucoup plus rapidement que le type, au point 
de m’offrir en poids deux fois plus de matière herbacée que lui. 

Aussitôt que j’en eus une quantité suffisante, je la distillai de la 
même manière que le type, mais je n’ai obtenu comme rendement 
en essence que le quart de ce que m'aurait donné ce dernier. 


58 CONGRÈS INTERNATIONAL DE BOTANIQUE. 


Je fis une seconde opération, mais d’après le procédé Millon, 
en employant pour véhicule le sulfure de carbone ; le résultat a été 
à peu près le même, bien que par ce procédé on obtienne de 
l'essence concrète; c’est-à-dire que le rendement de la plante modi- 
fiée devient réellement, de quelque manière qu’on opère, au plus la 
moitié de celui du type. Voyant que, pour obtenir de la variété un 
poids d'essence égal à celui que fournit le type, je devais au moins 
opérer sur une masse double de branches; et que, malgré l’espé- 
rance qu'elle n'offrait avant l'essai, les résultats en produit net, 
frais défalqués, sont inférieurs à ceux que donne le Pelargonium 
capitatum type, j'ai dû l’abandonner. Pourtant, dans la transfor- 
mation, l'organisme de la plante ne paraît pas avoir changé; les 
organes extérieurs semblent les mêmes, mais plus nombreux à cause 
de l'augmentation de surface. Les poils y sont plus nombreux que 
dans le type, à base vésiculée et remplie d'huile essentielle. 

Les deux plantes ont reçu un engrais pareil, très-azoté (du 
guano et des chiffons de laine). 

Je joins à cette note deux échantillons des deux plantes. 


M. G. Planchon, secrétaire du comité d'organisation, donne 
lecture du mémoire suivant, adressé au Congrès : 


SUR LA FLORE DES GABRES DE TOSCANE, 


Par ME. Wh. CARUEL. 


La plus grande partie du sol de la Toscane est composée d'un 
mélange de terrains calcaires et siliceux. A l'exception des argiles 
connues dans le pays sous le nom de #attajoni, qui occupent une 
certaine portion des provinces de Volterre et de Sienne, les terrains 
qu'on trouve en Toscane sont généralement constitués soit par une 
roche essentiellement calcaire nommée alberese, soit par le macigno 
qui est une pierre arénacée où du calcaire empâte une grande quan- 
tité de grains de silice dans la proportion d'environ 50 pour 100, 
soit encore par des sables siliceux jaunes appelés tu/i. 

Au milieu de ces terrains sédimentaires, surgissent çà et là, en 
assez grand nombre, des îlots de roches éruptives. Ge sont des 
ophiolithes, au contact desquels le terrain sédimentaire s’est profon- 
dément métamorphosé, Toutes ensemble, ces masses rocheuses lor- 
ment des collines de peu d'élévation, mais d’un aspect remarquable. 


CARUEL. — FLORE DES GABRES. 59 


Les géologues toscans leur ont donné le nom collectif de gabbri 
(de Gabbro, village près de Pise), qu'on peut traduire en français 
par gabres. On distingue le gabre noir ou ophiolithe proprement dit, 
et le gabre rouge ou roche métamorphosée (1). 

Les collines de gabres sont en général nues et se reconnaissent 
de loin à la couleur sombre de la pierre, qui contraste avec le 
gris du calcaire environnant. Leur surface pierreuse et sèche est 
parsemée de gros blocs de rochers. Sur les pentes moins abruptes il 
se forme des pelouses herbeuses, et dans les plis les plus profonds 
du terrain coulent quelques rigoles sur un fond sablonneux. 

Sauf la couleur, les autres qualités physiques de ces collines sont 
à peu près les mêmes que celles de la généralité des portions mon- 
tueuses de la Toscane. Mais la composition du sol est différente ; la 
chaux n’y domine plus, elle est remplacée par la magnésie. Le 
gabre noir ou roche ophiolithique est essentiellement un silicate de 
magnésie ; le gabre rouge ou roche métamorphosée est surtout un 
silicate d’alumine (2). Avec des conditions physiques semblables à 


(1) Voyez sur ce sujet le mémoire du professeur Paolo Savi, Delle rocce ofiolitiche 
della Toscana. Pise, 1838-39. 

(2) Voici la composition exacte de ces roches, dont je dois la communication à l'obli- 
geance de M. Bechi, professeur de chimie à l’Institut technique de Florence : 


Serpentine. 

SILCe si uiénien d'a ns ie ele srieuti iMiante 42,97 
MAPNESIe eee certes LT 00 
nee séaÛe He DEN oE ao 0 HMLIere le 12,02 
AlUTUNESLS #7 polos 8 ne fr aUU ARE EN ER 0,87 
(USSR TEA CN OEM TOUTE «s. 2,18 

100,00 

Diallage. 

SICBs sue ea tee SE EE NU COR . 953,20 
MAMNÉSIONAT 0 ee CNT TIUL RSS <.-00414:91 
CHA UC RE LE NE ET à ae te a ee à 49,09 
Oxyde den ere M ee li ere 8,67 
Oxvde demanbanese ne: Msn ALL 0,38 
ATUTANEM TS. ee Bien ent til ete à 2,47 
ILEETO Hoube Loeb DO CEE. bac cdot 470 

100,49 

Gabre rouge. 

SINGER tee soie ds seernin ete de 60,458 
ANTOPe Boo veu dodos tenter 1 0007970 
HAUTS. Mes e Aide dom aie.s RE ue 2,450 
Oxyde de fer: 2260002 dite 5,208 
Uxvde demaripaniese. 2.2.2 ec 1,083 
MABHESIB re 0 eat sas mea nir, VOD 


100,524 


60 CONGRÈS INTERNATIONAL DE BOTANIQUE. 


celles des terrains environnants et une composition chimique diffé- 
rente, les gabres toscans offrent donc un champ propice aux re- 
cherches sur la question encore si confuse de l'influence de la nature 
chimique du sol sur la distribution des plantes. 

Il est certain que les gabres possèdent quelques formes végétales 
qui leur sont propres; tous les botanistes qui ont herborisé en 
Toscane le savent. Déjà au xvi° siècle, Césalpin avait fait la re- 
marque que son Lunaria quarta (Alyssum Bertolonii des mo- 
dernes) ne se trouve que sur les serpentines (De plantis, p. 369). 
De nos jours, un de ces modestes médecins de campagne qui ser- 
vent si bien les intérêts de la science en consacrant leurs loisirs à 
des recherches locales d'histoire naturelle, le docteur Amidei, a 
rappelé l'attention des botanistes sur la flore des gabres, par un 
travail qu'il présenta au troisième congrès des savants italiens réunis 
à Florence en 1841 ; il leur signala sept espèces comme n’ayant été 
rencontrées par lui que sur ces terrains (1). Tel était l’état de la 
question quand j'ai voulu l’examiner de plus près, dans l’espoir 
d'en tirer quelques données plus précises que ces premiers aperçus. 

J'ai commencé par dresser la liste de toutes les plantes qui ont 
été trouvées sur les gabres par moi-même ou par d’autres botanistes 
contemporains (2). Cette liste donne un total d'environ 200 espèces. 
de ne crois pas que des recherches ultérieures en augmentent beau- 
coup le nombre ; la stérilité du sol et l'uniformité de la flore des 
gabres en sont garants. 

Sur ce total de 200 espèces, il se trouve tout d’abord que la 
grande majorité représente le fond de la végétation de toutes les 
localités analogues en Toscane. Ge sont des espèces plus ou moins 
communes sur toutes les collines où basses montagnes arides et nues 
qui couvrent une grande partie du pays et en forment un des traits 


(1) Atti della 3° riunione degli scienziali ilaliani. Firenze, 4841, p. 523, — Voici 
la liste des espèces indiquées par M, Amidei : 


Slipa pennata. | Iberis umbellata. 
Trinia vulgaris. Alyssum argenteum. 
Ferula Ferulago. Acrostichum Maranlæ. 
Euphorbia spinosa, 


Sur les sept espèces, il n’y a réellement que les deux dernières qui appartiennent en 
propre aux gabres. 

(2) Je dois en particulier à mon ami M. Mareucci la liste des plantes qu’il a recueillies 
dans les localités que je n’ai pas visitées moi-même. M. Amidei m'a communiqué ses 
plantes. D’autres indications se trouvent dans les livres, notamment dans mon Prodromo 
della Flora toscana. 


CARUEL. — FLORE DES GABRES. 61 


caractéristiques. Si l’on ajoute un certain nombre d’autres espèces, 
plus clair-semées, rares même, mais qui se rencontrent aussi fréquem- 
ment sur les terrains ordinaires que sur les gabres, on se trouve 
avoir en fin de compte un chiffre d'environ 190 espèces, c’est-à-dire 
les 19/20 du total, qu’on peut regarder comme indifférentes. Elles 
ne paraissent pas influencées par l'absence presque complète de 
chaux, non plus que par la présence de la magnésie ou de l’alumine, 
particularités qui distinguent surtout le terrain de gabre comparé 
aux terrains Calcaréo-siliceux qui l’environnent. 

On pourrait à la rigueur augmenter encore cette liste, en y 
ajoutant un très-petit nombre de plantes, telles que l’Aerniaria 
qlabra, le Juniperus Oxycedrus, le Stipa pennata, qui se trouvent, 
il est vrai, de préférence sur les gabres, mais qu’on à aussi rencon- 
trées quelquefois sur d’autres terrains. 

Ce triage fait, voici quelles sont les plantes spéciales aux gabres, 
c'est-à-dire qui viennent exclusivement sur les terrains de cette na- 
ture, et qui, en général, se montrent partout avec ceux-ci : 

Alyssum Bertoloni Desv. 

Alsine striata Gren. var. eglandulosa. 

Centaurea pariculata Lam. var. macrocephala. 

Armeria denticulata Bert. 

Euphorbia nicæensis AL. var. prostrata. 

Festuca duriuscula L. var. glauca. 

Nothochlæna Marantæ R. Br. 

Asplenium Adiantum nigrum L. var. serpentini. 

Ce sont donc huit formes végétales, espèces ou variétés. J’en 
omets à dessein une neuvième, le Carex humilis, quoiqu'il n’ait été 
trouvé jusqu à présent que dans deux localités de gabres (voy. mon 
Supplemento al Prodromo della Flora toscana, p. 49) ; mais comme 
c'est une plante rare, difficile à voir, et dont la présence en Toscane 
n’a été constatée que tout récemment, il y a tout lieu de présumer 
que des recherches ultérieures la feront découvrir sur d’autres 
terrains, puisque ailleurs, en Italie même, elle ne paraît pas avoir 
de prédilection sous ce rapport (voy. Parlatore, F7. 2taliana, t. NX, 
p. 176). 

L'espèce placée en tête de la liste, l'Alyssum Bertolonu, est 
éminemment spéciale aux gabres. Non-seulement elle y abonde, 
mais on la voit suivre pour ainsi dire à la trace les éboulements des 
roches au bas des collines de gabres, et se porter même à une cer- 


62 CONGRÈS INTERNATIONAL DE BOTANIQUE. 


taine distance le long des routes voisines où des cailloux de serpen- 
tine ont été transportés pour le macadam. C’est du reste une forme 
très-voisine de l'A/yssum argenteum All, dont M. Bertoloni ne la 
distingue même pas. Elle est également très-rapprochée de l'A. ser- 
pyllifolium Vesf. 

La forme ordinaire de l’A/sine striata, à pédicelles et calices glandu- 
leux, se trouve en Toscane, mais elle y est très-rare ; je ne l'ai rencon- 
trée qu'une seule foissur un des sommets calcaires des Alpes apuanes. 
La variété sans poils glanduleux est assez commune sur les gabres. 

Il en est de même de la variété à petits capitules du Centaurea 
paniculata. La forme ordinaire à capitules plus gros n'est pas rare 
dans les endroits sablonneux ou pierreux. 

L’Armeria denticulata est considéré comme une espèce très- 
distincte par M. Boissier (Prodr.). Geci doit s'entendre relativement 
à la variabilité extrème d’autres types dans un genre aussi poly- 
morphe que les Armeria, puisque d’autres botanistes, notamment 
M. Ebel, ont confondu l'A. denticulata avec VA. alliacea ou avec 
l'A. plantaginea, et que M. Bertoloni lui-même, l’auteur de l'espèce, 
en a rapporté quelques exemplaires à une variété de l'A. planta- 
ginea (Flora italica,t. X, p. 483). 

La variété rabougrie et à tiges couchées de l'Euphorbia ricæwensis 
est ce que j'ai mal à propos désigné dans ma Flore toscane sous le 
nom d'Æ. Gerardiana. La forme grande et dressée se trouve dans 
les sables du littoral toscan. 

J'ai quelques doutes sur la présence exclusive sur les gabres de 
la variété glauque du Festuca duriuscula. Les formes ordinares de 
l'espèce se trouvent partout. 

Le Nothochlæna Marantæ, commun sur les gabres, a été dé- 
couvert dans une localité de l’île d'Elbe, sur le Mont-Serrato, près 
de Porto-Longone, dont la nature minéralogique du terrain n’est pas 
bien déterminée. Se pourrait-il que la présence de cette Fougère 
si caractéristique fût un indice suflisant pour révéler l'existence du 
silicate de magnésie comme élément constitutif du sol, à l'instar de 
ce qui a lieu, dit-on, pour le Viola calaminaria à l'égard du zinc ? 

La variété serpentini de l'Asplenium Adiantum nigrum est in- 
diquée par M. Bertoloni (F/. tal. crypt.) dans une localité des 
Alpes apuanes (aux sources du Frigido), où il n'y a pas de serpen- 
tine. Mais comme dans le voisinage (à l'endroit nommé ÆRasceto), 11 
existe de la dolomie, terrain également magnésien, il y a toute pro- 


CARUEL. — FLORE DES GABRES. 63 


babilité que cette variété caractéristique a été trouvée sur ce terrain ; 
c’est pourquoi je n’ai pas voulu l’exclure de la liste des spécialités 
des gabres. 

Des observations que je viens d'exposer sur les plantes spéciales 
aux gabres de la Toscane, il ressort un fait qui frappe tout d'abord : 
c’est que, à l'exception du seul Nothochlæna Marantæ, toutes les 
autres formes se rapprochent plus ou moins de types qui végètent 
sur d’autres terrains de nature différente, soit dans le pays même, 
soit ailleurs, et auxquels on peut les rattacher plus où moins direc- 
tement comme dérivés. 

Je n'ai pas besoin de m'étendre sur les autres conséquences qu'on 
peut tirer des données que j’ai réunies sur le sujet de ce travail. 
Elles concordent, ce me semble, avec les résultats obtenus jusqu'à 
présent par l’ensemble des études sur l'influence du sol sur la végé- 
tation, et qu'on pourrait résumer ainsi : 

Indifférence de l'énorme majorité des plantes à la composition 
chimique du sol ; 

Prédilection d’un très-petit nombre d'espèces pour certains élé- 
ments du sol ; 

Influence déterminante des éléments du sol dans la production des 
variétés et des formes dérivées. 

Je me hâte pourtant d'ajouter que c'est sous touie réserve que je 
donne ces conclusions de mes études. Le sujet qui m’a occupé est 
bien loin d’être épuisé. De nouvelles recherches seraient nécessaires 
pour réunir encore plus de matériaux que je n’en ai eu à ma disposi- 
tion, et pour trancher certaines questions que je n'ai pas pu abor- 
der; par exemple, la spécialité (s'il y en a une) de la flore des ser- 
pentines dans l’ensemble de celle des gabres, c’est-à-dire la part qui 
revient à l'élément magnésien dans cette distribution de végétaux 
caractéristiques, ou encore le degré d'influence exercée par les 
gabres pour exclure une certaine portion de la flore des terrains 
adjacents. Je serais heureux si l'intérêt que présente ce sujet d'étude 
pouvait déterminer quelque botaniste du pays, qui fût en même 
temps minéralogiste, à en aborder l'examen avec tout le soin qu'il 
mérite, pour fournir à la science une solution satisfaisante de toutes 
les questions qui s’y rattachent. 

Florence, juillet 14867. 


M. Cosson dit que dans toute étude de géographie botanique 


6h CONGRÈS INTERNATIONAL DE BOTANIQUE. 


il faut rechercher avec grande attention s'il n'existe pas, sur un 
sol généralement homogène, des accidents locaux qui expliquent 
certains faits en apparence anomaux. Il cite la forêt de Fontaine- 
bleau (où le grèsest, sur quelques points, recouvert d’une couche 
de calcaire), et des faits élucidés par M. Planchon, relativement 
au Châtaignier. Il ajoute que rarement les cartes géologiques 
sont assez détaillées pour donner, à ce sujet, des renseignements 
suffisants. Il excepte de cette appréciation la belle carte agro- 
nomique des environs de Paris, publiée par M. Delesse, qui 
‘ tient compte des moindres accidents locaux, et qui pourrait 
servir avec grand avantage aux botanistes parisiens pour étudier 
la distribution géographique des plantes. 

M. J.-E. Planchon regrette que les terrains dont M. Caruel a 
étudié la flore ne soient pas plus tranchés. Sur le fond de la 
question, il dit que, quant à lui, il croit indubitablement à l'in- 
fluence chimique du terrain, mais pour un pays donné. En effet, 
tandis qu'aux environs de Montpellier la végétation des calcaires 
diffère complétement de celle des sols siliceux, dansle Briançon- 
nais, elle est la même sur ces deux terrains. Cependant, dans ce 
dernier pays, le Châtaignier ne se rencontre que sur des pentes 
où M. Lory a indiqué des schistes particuliers, se délitant à l'air, 
c'est-à-dire susceptibles d'exercer, dans un état de division 
extrême, une influence plus immédiate sur la végétation. Dans 
ce dernier exemple, c’est l'influence physique du sol qui agit. 
Un autre exemple, pris dans les environs de Montpellier, mon- 
trerait une bande de poudingues siliceux très-denses, où ne 
vivent pas les plantes silicicoles. Les deux théories sont vraies ; 
aucune des deux n'exclut l'autre. 

M. Barat cite aussi quelques exemples. Aux environs de Péri- 
gueux, dit-il, il se rencontre sur des collines crayeuses dégradées 
par les gelées d'hiver des nodules siliceux ; et sur une de ces col- 
lines, celle où l’on place un ancien camp de César, apparaît le 
Cistus salvifolius, qui a à une de ses stations les plus boréales. 
— D'autre part, à Alger, sur la Bouzaréah, où domine le terrain 
schisteux, 1l a rencontré abondant le Diplotaris amplericauls, 
mais sur une bande calcaire. 


” tonton dti Driniitsmitnt ls 


DISCUSSION SUR LA GÉOGRAPHIE BOTANIQUE. 65 


M. J.-E. Planchon dit que le Cistus salvifolius ne se rencontre 
que là où est la silice ou la dolomie, et jamais sur des calcaires 
parfaitement purs. 

M. Éd. Morren se réserve de revenir sur ce sujet dans une 
des séances ultérieures du Congrès, à l’occasion d’un mémoire 
qu'il se propose de lire sur la flore calammaire. | 

M. Gubler expose une opinion générale : 1l croit fermement 
qu'il existe une relation eausale du terrain au tapis végétal. Il 
en cite comme exemples les faits qu'il a observés en Provence, 
entre Marseille et Nice, en parcourant la chaîne de l’Esterel, où 
les terrains varient pour ainsi dire à chaque pas, soit dans leur 
âge géologique, soit dans leur structure physique ou chimique : 
il y a là deux flores; l'une silicicole (Pénus maritima, Erica 
arborea, Cistus salvifolius, Lavandula Slæchas); Vautre calei- 
cole (Pinus alepensis, Thymus vulgaris, Lavandula vera, etc), 
qui se représentent selon la nature chimique du sol avec une 
régularité frappante, mème sur de petits îlots renfermés dans 
un terrain tout différent du leur ; ce qui justifie les réflexions 
exprimées précédemment par M. Cosson. M. Gubler cite plu- 
sieurs exemples démonstratifs à l'appui de sa proposition géné- 
rale. Il ajoute qu'il ne faut pas se fier, pour juger de la nature 
chimique du sol, à l'espèce minérale, car il y a des schistes qui 
renferment 15/100 de calcaire. 

M. de Geleznow dit qu'il faut tenir un compte sérieux des 
propriétés physiques, et surtout du degré d'humidité du sol, qui 
peut varier toutes choses égales d’ailleurs, et de la coloration de 
sa surface. Dans les steppes de la Russie, on observe des alter- 
nances remarquables de végétation. Quand elles ont été récem— 
ment ameublies, ces steppes, couvertes d’une terre noire et faci- 
lement perméables à l’eau, sont d’une grande fertilité. Au bout 
de quelques années, cette fertilité diminuant, on les laisse en 
jachère. Elles sont alors envahies par les mauvaises herbes, 
surtout par des Synanthérées (Onopordon), le Dipsacus Gmelini, 
des Zryngium. Quand le terrain se dessèche en se consolidant, 
ce sont des Légumineuses et quelques Graminées qui apparais- 
sent; quand il devient plus compacte, ce sont les Spa pennata et 


CONGRÈS BOT. 5 


66 CONGRÈS INTERNATIONAL DE BOTANIQUE. 


capillata, dont là présence témoigne qu'il faut défoncer à nou- 
veau le terrain. M. de Geleznow a constaté lui-même, la bêche à 
la main, ces divers degrés de consistance du sol. 

M. Camille Personnat cite deux plantes observées par lui sur 
des sols de nature différente : le Nothochlena Marante, cuelli 
par lui dans l'Ardèche aux Sallèles, et à Magres sur des éboule- 
ments basaltiques, et le Cüstus salvifolius, qu'il a trouvé à Auch, 
sur les terrains tertiaires et dans l'Ardèche, aux Ollières, sur le 
terrain primitif. 

M.3.-E. Planchon dit que M. Diomède Tueskiewiez a observé 
le Nothochlwna, près du Vigan, croissant sur le calcaire méta- 
morphique qui est siliceux. 

M. de Candolle recommande de ne pas négliger la comparai- 
son des pays très-éloignés les uns des autres. Les résultats que 
l’on obtient de l'étude isolée de chacun diffèrent souvent beau- 
coup entre eux. Ainsi le blé, qui croît bien en Irlande sur les 
terrains sablonneux, ne vient guère, dans le Midi, que sur les 
terres argileuses fortes. Cette idée a été développée dans sa 
Géographie botanique raisonnée. Depuis l'achèvement de cet ou- 
vrage, une idée nouvelle lui est venue, surtout en réfléchissant 
à l'extension de certaines espèces qui deviennent prédominantes 
dans le stuggle for life de M. Ch. Darwin. C'est que la prédomi- 
nance de ces espèces est probablement due à ce qu'elles rencon- 
trent un terrain très-favorable à leur développement, et supplan- 
tent d’autres espèces placées dans des conditions moins heureuses. 

M. J.-E. Planchon, résumant ce qui vient d'être dit dans la 
discussion, dit que les espèces spéciales à certains terrains sont 
en très-petit nombre et appartiennent surtout à la silice et à la 
dolomie, Il cite, entre autres, l'Arenaria tetraquetra, qu'il a 
observé à Montpellier sur la dolomie, et que M. Reboud a 
observé en Algérie, dans les mêmes conditions. D'un autre 
côté, certaines plantes de la région méridionale qui croissent 
dans l'ouest n'y végètent plus que sur le calcaire, peut-être 
pour trouver un sol plus chaud, nécessaire à leur développe- 
ment sous une latitude plus élevée. Les vulgarités du Midi de- 
viennent alors les raretés de l'Ouest. En somme, ce qui a com 


DISCUSSION SUR LA GÉOGRAPHIE BOTANIQUE. 67 


promis la thèse de l'influence chimique, c’est l'abus que l’on en 
a fait; elle ne cesse pas d'être vraie, mais dans un pays res- 
treint, jouissant d’un climat uniforme. 

M. Du Mortüer explique une raison qui modifie artificiellement le 
caractère chimique du sol dans certaines localités. En Hollande, 
on trouve des dunes composées d’un sable formé de coquillages 
brisés (avec lequel on fait de la chaux), et que l’on transporte 
comme engrais sur des terres schisteuses et froides. L'Ardenne 
a été ainsi transformée ; stérile avant l'apport de la chaux, elle 
est devenue fertile, preuve nouvelle de l'importance du calcaire. 
Silnest pas très-important dans le Midi, il est mdispensable 
dans le Nord, où il semble suppléer au calorique. I faut se garder 
d'une théorie trop générale en pareille matière. Le système 
doit varier suivant les contrées. Les plantes localisées sont beau- 
coup plus rares que l’on ne se l'imagine. Les stations des plantes 
ne sont qu'une série d'exceptions aux règles que l'on pose. Il 
cite comme exemple des difficultés de ce sujet, la distribution 
géographique du Lathræa clandestina qui, commun dansle midi 
de la France, n'est pas signalé aux environs de Paris, et se re- 
trouve abondant en Belgique. 

M. Bureau reprend l'idée indiquée par M. Planchon sur la 
végétation des calcaires de l’ouest de la France. Là les plantes 
méridionales se trouvent, ou sur le bord de la mer, où la tem- 
pérature est plus douce, ou dans de petits bassins calcaires de 
l'intérieur, indifférents d'ailleurs à l’âge géologique du terrain ; 
par exemple, jusque sur le eoteau qui avoisine Ancenis (Maine- 
et-Loire). Il pense, comme M. Planchon et M. Du Mortier, que, 
dans ce cas, le calcaire supplée à la latitude par la facilité avec 
laquelle 1l s’échauffe. Il ajoute que la chaux employée en agri- 
culture commence à influer sur l'aire locale des plantes calei- 
coles de l’ouest, et que plusieurs d’entre elles sortent des bassins 
calcaires, notamment le Lepidium campestre. Dans quelque 
temps, il sera bien difficile de continuer ces observations. 

M. Laisné dit que, sur les côtes du département de la Manche, 
comme en Hollande, on exploite la tangue, c’est-à-dire le sable 
constitué, presque par moitié, de coquillages brisés, pour le 


68 CONGRÈS INTÉRNATIONAL DE BOTANIQUE. 


transporter sur les terres schisteuses ou granitiques de l'inté- 
rieur. Il en résulte que toute la surface du pays est imprégnée 
d'une légère couche de calcaire. Le grès de Fontainebleau, dont 
on à beaucoup parlé dans la discussion, comprend un élément 
calcaire important; on sait qu'il est aggloméré par un ciment 
uniquement calcaire, et qu'il cristallise suivant une forme qui 
n'est pas celle du quartz, mais bien un dérivé de la forme ordi- 
naire au carbonate de chaux, lequel englobe les molécules de 
silice. M. Laisné ajoute qu'il a trouvé dernièrement, sur les 
bords de la baie du Mont-Saint-Michel, le Lathræa clandestine, 
qui n'y était point connu, et cela sous la latitude de Paris. 


M. Warner fait au Congres la communication suivante : 


SUR LES PRINCIPES GÉNÉRAUX DE LA CULTURE DES ORCHIDÉES, 
par M. Robert WARNER, de Londres, 


Il sera évident pour ceux qui ont fait une étude spéciale de la 
culture des Orchidées, que les principes généraux établis dans ce 
mémoire devront être modifiés dans quelques cas. 

Il est cependant certain que quiconque suivra des règles bien 
définies en commençant une étude quelconque, sera capable d’entre- 
prendre des expériences avec des chances de succès meilleures que 
celui qui s’y livrera sans aucun plan d'action établi d'avance. 

Il est indispensable que la grandeur et la forme des serres à 
Orchidées soient en raison des plantes qu’on se propose d'y cultiver. 
Dans les contrées septentrionales du continent européen, il faudra des 
serres garnies d’un double vitrage. Gela est moins nécessaire en An- 
gleterre, le froid de l'hiver y étant moins intense. En Italie, le double 
vitrage est également inutile; on aura plutôt à y lutter contre la 
chaleur estivale que contre le froid hivernal. 

La largeur intérieure des serres ne doit pas être inférieure à dix 
pieds ou supérieure à dix-huit. Avec la première largeur, on aura 
dans l’axe de la serre un chemin large de quatre pieds ; avec la 
seconde largeur, deux chemins latéraux de trois pieds chacun, bordés 
extérieurement de bâches larges de trois pieds et entre lesquelles la 
bâche médiane aura environ cinq pieds de largeur. Les serres à 
Orchidées devront être plutôt basses que hautes; la hauteur ne 
doit pas y excéder sept pieds et demi dans le centre de la serre. 


WARNER. — CULTURE DES ORCHIDÉES. 69 


Il faut ménager une ventilation abondante, au sommet et à la 
base de la serre, mais surtout au sommet, et toutes les ouvertures 
doivent être garnies d’un tissu métallique qui empêche les mouches 
et les abeilles de pénétrer, et cependant permette l'accès de l'air. 
Il faut dans la serre une obscurité relative, mais pas trop épaisse. 
Le pouvoir échauffant des chaudières et des tuyaux doit être de 
50 pour 100, au-dessus de ce qui est nécessaire pour l’usage de 
chaque jour. 

Toute l’eau de pluie qui tombe sur les toitures doit être recueillie 
dans l’intérieur des serres, dans des citernes que l’on placera de 
facon que l’eau puisse arriver à la même température que l'air de la 
serre où même à une température plus chaude de 10 degrés. Pour 
les collections ordinaires, il sera généralement suffisant de construire 
deux serres, l’une pour les plantes des Indes orientales, l'autre pour 
celles du Mexique ou du Brésil ; celles qui réclament un traitement 
moins chaud seront bien dans quelque serre à raisin basse, où la 
chaleur du feu n’est employée que pour préserver du froid. Les 
Vignes y seront alors dirigées de manière qu'il n’y ait qu’une seule 
couche de feuilles entre le vitrage et les Orchidées. 

Les détails qui concernent la culture particulière de chaque espèce 
sont au mieux donnés dans le Manuel des Orchidées de M. B.-P. 
Williams. 

J'arrive à présent à la question des achats de plantes. La pre- 
mière règle que je pose à cet égard pour les débutants, c’est qu'il ne 
faut jamais acheter de plantes faibles ou malades. La seconde, c’est 
que les Orchidées, comme les autres végétaux, aiment une chaleur 
modérée et un peu humide pendant l’époque de leur croissance. C'est 
une erreur complète que de supposer que les Orchidées dites Or- 
chidées froides, font exception à cette règle. Si elles se différencient 
des autres, c’est surtout parce qu'elles demeurent plus longtemps 
qu’elles dans le repos de la végétation. Ceci me conduit à la troi- 
sième règle qui est une des plus importantes; c'est que toutes 
les Orchidées doivent être maintenues un certain temps dans ce 
repos. 

Plus le climat de leur patrie est froid, plus la saison de repos 
qu’elles réclament doit être prolongée. Il y a quelques Orchidées 
des Indes orientales qui ne demandent qu'un court repos, mais il 
leur en faut toujours si l’on désire qu'elles fleurissent abondamment. 

La manière de déterminer cet arrêt dans leur végétation varie 


70 CONGRÈS INTERNATIONAL DE BOTANIQUE. 


considérablement. Certaines espèces y sont amenées par le refroi- 
dissement de la température; d’autres par le défaut relatif d'hu- 
midité ; au contraire, il y en a qu’on ne peut porter à fleur à moins 
de les exposer aux rayons directs du soleil. 

* La quatrième règle est de donner une aération abondante; il est 
inême à désirer que l’air circule en tout temps, même en hiver: l'air 
introduit doit être chauffé ou seulement tiède ; cela dépend de la 
nature des plantes que l’on cultive; mais en tout cas, il faut éviter 
un courant d'air froid. 

La cinquième règle est de donner l'attention la plus soigneuse à 
écarter tous les insectes ennemis qui sucent les feuilles, ou bien se 
nourrissent des racines, des jeunes plantes ou des jeunes fleurs. Les 
Orchidées ne sont pas plus attaquées par les insectes que les Roses 
et quelques autres belles fleurs de jardin. 

Si les règles ci-dessus exposées sont bien suivies, le succès est 
certain, et dans beaucoup de cas les bulbes et les feuilles des plantes 
seront plus grands et plus robustes, et les fleurs plus belles et plus 
nombreuses que dans leur pays natal. Il faut cependant qu'on sache 
que les Orchidées peuvent quelquefois mourir malgré tous les soins. 
Les membres de l’humaine race, qui peuvent apprendre au médecin 
où et cominent ils souffrent, ne vivent pas longtemps; et le Ghène 
lui-même, qui peut durer un millier d'années, finit aussi par mourir, 


M. G. Planchon, secrétaire du comité d'organisation, dépose 
sur le bureau le mémoire suivant : 


SUR L'ÉTAT ACTUEL DE LA FLORE GRECQUE, 
par M. Théodore ORPHANEIDES, 


professeur de botanique à l'Université nationale d'Athènes. 


(Athènes, 1/13 avût 1867.) 


La formation d’un Gongrès botanique, depuis longtemps désirée, 
est aujourd’hui absolument nécessaire, Il n’y a que les savants réunis 
en corps qui puissent mettre de l’ordre dans le chaos que l'igno- 
rance et l'arbitraire ont introduit dans la science ; ce malheur, 
comme nous le savons tous, oblige les botanistes à perdre plus de 
temps pour contrôler les fautes des autres que pour contribuer au 
véritable progrès de la science. 

Désirant, quoique de loin, répondre à l'obligeante invitation qui 


ORPHANIDÈS. — ÉTAT ACTUEL DE LA FLORE GRECQUE. 71 


m'a été faite de prendre part au Congrès international de Paris, 
je m'empresse de donner par ce mémoire quelques renseignements 
sur l’état actuel de la flore grecque, détails qui pourront intéresser 
les botanistes au point de vue de la géographie botanique. 

La végétation de la Grèce, et en général celle de l'Orient, occupe 
depuis quelque temps des hommes éminents en Europe. Plusieurs 
collecteurs de trésors végétaux ont entrepris des voyages pénibles, 
et formé des collections où brillent une multitude de nouvelles dé- 
couvertes, décrites déjà en grande partie par l’illustre auteur du 
Flora orientalis. 

. Cet ouvrage, admirable de clarté et de précision, embrasse la 
végétation de tout l'Orient, d'une partie des Indes, de la Perse, etc. , 
et, S'il était entièrement publié aujourd'hui, le mémoire que j'ai 
l'honneur de présenter au Congrès n'aurait pu en être regardé que 
comme un fragment, car ce sont les plantes grecques qui ont occupé 
spécialement depuis plusieurs années M. Boissier. Mais à peine le 
premier volume du Flora orientalis est-il paru ; aussi je ne crois 
pas sans utilité d'entreprendre l'examen de la flore qui m'occupe 
spécialement. 


5 1.— tendue de la flore grecque. Nature du sol. 


D'abord je crois indispensable de dire quelles sont les limites de 
cette flore. 

J'appelle flore grecque (CAloris hellenica) non-seulement la 
végétation spontanée qui couvre le Péloponèse et toutes les îles de 
l'archipel grec, la Roumélie jusque au deni-Barar, sur les frontières 
de la Servie (c'est-à-dire la Thessalie, l’'Épire, la Macédoine et la 
Thrace en deçà du mont Hémus), mais encore l’Asie-Mineure depuis 
les Dardanelles et Smyrne jusqu'à Trébizonde et aux rives de l’Eu- 
phrate. 

En d’autres termes, j'appelle flore grecque, la végétation de ce 
qu’on appelait anciennement Grèce et de ce que le botaniste anglais 
Sibthorp a parcouru dans ses voyages. 

Les traditions historiques de cette belle contrée, son caractère 
climatologique et l’uniformité de sa végétation, obligent l’homme de 
science à ne pas reconnaître des limites imposées par l'invasion de 
peuples barbares ou par les injustices de la politique. Ni l'historien, 
ni le botaniste ne concevront qu'on sépare FOlympe de Bithynie 
ou l’'Olympe de Thessalie du Parnasse ; le Gadmus ou le Sipyle du 


72 CONGRÈS INTERNATIONAL DE BOTANIQUE. 


mont Gyllène et du Taygète; les îles de Samos, de Chio, de Chypre 
ou de Rhodes des îles Ioniennes, des Gyclades et dela Crète. 

Le sol de cette contrée est très-inégal, mais plein de beautés. De 
grandes et hautes montagnes dont les sommets restent couverts de 
neiges pendant tout l’été la divisent en plusieurs grandes vallées. 
Sur ces montagnes, parmi les raretés caractéristiques du pays, se 
donnent rendez-vous les plantes des Alpes et les plantes propre- 
ment orientales. Ainsi Aster alpinus, les Vacciniumn, les Gentiana, 
vivent avec les Biebersteinia et les Acantholinum, etc. 

Du pied de ces montagnes s'étendent jusqu'aux bords de la mer 
de grandes plaines où le Dattier et les Hespéridées sont naturalisés. 
Ces plaines, ordinairement très-fertiles, rarement stériles, et plus 
rarement sablonneuses, nourrissent une multitude d’Ombellifères, 
de Légumineuses et de Cynarées. Ici des vallons, patrie du Laurier, 
du Myrte et du Nerium, sont couverts d’une végétation luxuriante, 
arrosée par des ruisseaux nombreux ; là, des collines arides et nues 
portent les Orchidées, les Liliacées et les Graminées. Quelquefois 
ces collines et les pentes inférieures des montagnes d’alentour se 
couvrent d’une végétation toujours verte, où se distinguent les 
Chênes à feuilles persistantes, le Lentisque, l'Olivier sauvage, les 
Arbousiers, le Caroubier, quelques espèces de Conifères, les Légu- 
mineuses, les Gistes et plusieurs Labiées frutescentes. 

Au pied de ces collines se trouvent ordinairement des ravins, lits 
des torrents qui, vers le pied des montagnes, aboutissent à des 
gorges donnant passage aux eaux provenant de la fonte des neiges. 
Ces gorges sont presque toujours bornées à droite et à gauche par 
des rochers escarpés et effrayants, sur lesquels souvent la chèvre et 
le botaniste ont laissé intactes, en soupirant à l’envi, des plantes qui 
secouaient au-dessus de leur tête leurs panaches fleuris. Des deux 
côtés de ces gorges se trouvent des plateaux très-hauts et très-froids. 
Enfin des bois, le plus souvent composés totalement de Pins ou de 
Sapins, sont le refuge de quelques rares Galium, de Labiées et 
de Composées. 

Les côtes de la mer et les îles à climat doux offrent sur leurs 
rochers, près des plantes du littoral, une foule de Composées, de 
Papilionacées et de Graminées, parmi lesquelles se trouvent quel- 
quefois groupées des Campanules et des Caryophyllées très-rares. 

La température de toutes ces localités diffère beaucoup, et tandis 
que le botaniste en excursion sur la plaine méridionale de la Thes- 


ORPHANIDÉS. — ÉTAT ACTUEL DE LA FLORE GRECQUE. 79 


salie, par exemple, étouffe sous une chaleur de 35 à 38 degrés cent., 
quelques heures après il rencontre, sur le sommet de l’Olympe, 
une température de 5 à 8 degrés seulement. Entre ces deux 
extrèmes, on trouve superposés les différents climats dont chacun 
favorise une végétation spéciale, et le passage d’un climat à l’autre 
se fait quelquefois très-brusquement. 

Cependant ce panorama magique à un défaut digne d'attention. 
Comme tout ce qui est beau sur terre dure peu, cette végétation 
splendide s'éteint comme un éclair, et le botaniste qui compte re- 
cueillir à son retour dans une localité une plante qu'il a vue en 
fleur trois ou quatre jours auparavant, la reverra avec étonne- 
ment en fruit; qu'il retarde davantage, et il en retrouvera à peine 
les traces. La rapidité avec laquelle passe et défleurit la végétation 
grecque est, sans doute, le résultat de la grande chaleur et des vents 
qui facilitent la fécondation ; mais je crois qu’elle peut être aussi 
attribuée à une tendance naturelle de la vie de ces végétaux, c’est- 
à-dire à une fugacité propre à ces espèces. 

En général, la végétation de la Grèce se développe, hors quelques 
petites exceptions, à deux courtes époques : pour les plantes des 
plaines et du littoral, depuis le mois de mars jusqu’à la fin de mai, 
et pour les plantes des montagnes, depuis le mois de juin jusqu’au 
15 août. 

Passé le mois de mai, dans les plaines, tout est brûlé par un soleil 
ardent, partout règne une sécheresse affreuse, et le botaniste étran- 
ger, ignorant qu'il foule aux pieds les germes d’une riche végéta- 
tion, peut avec raison maudire le pays. De même, sur les montagnes, 
passé le 45 août, c’est-à-dire après les premières pluies, on ne trouve 
plus que des plantes en pleine fructification ou quelques plantes 
d'automne, telles que des Colchiques et des Crocus. Cependant, 
entre ces deux saisons, quelques vallons privilégiés, situés dans une 
région moyenne, servent de transition entre la sécheresse estivale 
des plaines et le printemps tardif des montagnes. 

Indépendamment de tout ce que je viens d'exposer, il existe en- 
core d’autres différences frappantes entre la végétation grecque et 
celle du reste de l'Europe. 1° Dans notre flore, nous avons un grand 
nombre de plantes épineuses, notamment dans les genres Euphor- 
bia, Rhamnus, Poterium, Verbascum. ?° TI est rare de rencontrer 
en Grèce des bois composés d'un grand nombre d'espèces d'arbres, 
conune il arrive souvent en Europe. Si cela arrive chez nous, ce 


74 CONGRÈS INTERNATIONAL DE BOTANIQUE. 


n’est que dans la région moyenne des montagnes. Une de celles qui 
se distinguent le plus pour la variété des arbres dont se composent 
ses bois est le mont Athos. 


$ ?.— Richesse de la flore grecque. Enumération de ses plantes 
par classes et familles naturelles, 


Sibthorp, ayant parcouru la Grèce dans deux voyages depuis le 
Pont-Euxin jusqu’au bout de l’Asie-Mineure, et depuis les confins de 
la Servie jusqu’au cap Ténare, dans le Péloponèse, toute la Thrace 
“et toutes les îles de l'archipel grec, y a trouvé : 


Plantes phanérogames ........... ACT PME TANT NL 
PIRATES CLYPLOSANES 2.24 PE NM NL CE rade: 1 253 


Le but principal de Sibthorp, à ce qu'il paraît, était de retrouver 
les plantes mentionnées par Dioscoride, et cela se voit dans le Pro- 
dromus Flore Græcæ, où se trouvent, auprès des noms scienti- 
fiques, les noms grecs vulgaires et les noms de Dioscoride. Ges 
derniers, d’après les résultats d’une étude spéciale que j'ai faite 
depuis plusieurs années, non-seulement ne sont pas toujours exacte - 
ment expliqués, mais dans plusieurs cas sont tout à fait erronés. 

Après Sibthorp, Tournefort, dans son voyage au Levant, a dé- 
couvert quelques rares espèces, principalement en Crète et dans 
les îles, 

Dumont d'Urville et Castagne, plutôt amateurs que botanistes de 
profession, ont ajouté quelques chaînons à la grande chaîne de la 
végétation grecque. 

D'autres botanisies ont fait encore deux bons ouvrages : Grisebach, 
qui nous a donné une très-belle Flore de Roumélie, Bory de Saint- 
Vincent et Ghaubard, qui ont décrit, dans la Flore du Péloponèse 
et des Cyclades, 1821 espèces de plantes, faisant partie des collec- 
tions que l'expédition scientifique envoyée en Morce par le gouver- 
nement français, a faites dans cette partie de la Grèce. 

Les {llustrationes Plantarum orientalium, de MM. le comte Jau- 
bert et Spach, ouvrage d’un grand mérite, ont ajouté à notre flore 
un bon nombre de belles espèces. 

Mais tous ces excellents travaux n'étaient que des fragments, des 
études partielles et séparées de la grande flore grecque. Tous ces 
botanistes n’ont parcouru le pays qu’à la hâte ; ils n'ont pris que 


ORPHANIDÉS. — ÉTAT ACTUEL DE LA FLORE GRECQUE. 75 


ce qu'ils ont trouvé sur leurs pas ; aucun d'eux n’a habité le pays 
constamment, aucun n'avait de correspondants réguliers parmi les 
habitants du pays pour en recevoir continuellement des collections 
et des découvertes nouvelles. 

Cette honorable tâche était réservée à M. Edmond Boissier, qui 
dans l'étude qu’il a entreprise depuis vingt-cinq ans de la végétation 
de l'Orient, a compris la riche et belle flore de la Grèce. 

M. Boissier, après plusieurs voyages qu’il a faits en Grèce et en 
Orient, a trouvé ou a su se créer des correspondants zélés ; en outre, 
il a envoyé à ses frais plusieurs collecteurs qui ont parcouru l’Asie- 
Mineure et plusieurs autres provinces de la Grèce. En un mot, 
M. Boissier, après la publication de sa première livraison des Dia- 
gnoses, en 1542, a centralisé les recherches de tous les observa- 
teurs qui s'occupaient de la flore grecque. Aïnsi dans les dix-neuf 
livraisons de ses Dragnoses, il a décrit une grande quantité d'espèces 
nouvelles, et récemment il a complété son œuvre par la publication 
de son //ora orientalis. J'ai regardé comme un honneur de me 
ranger parmi ses correspondants et amis, et je lui ai communiqué 
mes découvertes, qu'il a bien Po: publier dans ses Diagnoses et 
dans son Flora orientalis. 

Grâce à ces grands travaux, la flore grecque, dans les limites 
mentionnées ci-dessus, compte actuellement, d’après le catalogue et 
le tableau ci-après, 5668 espèces, c’est-à-dire plus du double de 
celles que Sibthorp a recueillies et que Smith a énumérées dans le 
Prodromus Flore Grece. 

Mais ce qui étonne, c’est que 1649 espèces ont été découvertes 
dans l’espace de trente ans; c’est ce qui démontre la grande re- 
cherche de la flore grecque, et je n'hésite pas à assurer que si de 
zélés collecteurs examinent la grande montagne du Rhodope et des 
monts Acrocérauniens, le Pinde et le grand Olympe de Thessalie, 
la montagne d'Ossa, les montagnes de la haute Macédoine dans la 
province d'Ochrida, le Gerceteus dans l'ile de Samos, et les hautes 
montagnes du continent opposé; si l’on étudie avec zèle les Crypto- 
games dans toutes les régions de la flore grecque, et les Algues 
marines de toutes les côtes, plus de 1500 espèces nouvelles seront 
à ajouter, et la flore grecque parviendra au nombre de 7500 
espèces. 

Si nous comparons maintenant notre flore à celle d’une plus 
grande étendue de terrain, à celle, par exemple, de toute l’ Allemagne, 


76 CONGRÈS INTERNATIONAL DE BOTANIQUE, 


qui est la septième de l'Europe entière, si nous examinons l'excellent 
ouvrage de Koch, qui a pour limites les bords de l’Adriatique et les 
sommets des Alpes, nous compterons 3426 espèces seulement, c’est- 
à-dire 1000 espèces de moins que n’en comptent nos Dicotylédones, 

Voici le tableau des familles de la flore grecque : 


Enumération des classes, familles, genres et espèces de la flore grecque. 


1. Acotylecdoneæ, 


Genres, 
Algæ.. 52 
RONDE =: moe 45 
Lichenoïidæ. ... 28 
MUSCINE. 26: 27 


HERAUICEe . 20. 12 
Hilices "rester 
Lycopodiaceæ . . 2 
Equisetaceæ..…. . 1 
Characeæ... ... 1 


TOTAL: 457 


II, Monocotyledoneæ, 


Gramineæ.. ... 72 
Cyperaceæ. . 
Juncaceæ. . .... 


Typhaceæ..... 
L'ENCRE 
Melanthaceæ. . . 
Asparaginaceæ, . 
Lililaceæ....... 
Amaryllideæ . .. 
Dioscoreæ.. ... 
Itidee ns 
Orchidaceæ. ... 
Butomaceæ.... 
Alismaceæ., ... 
Najadeæ, . . . 
Lemnaceæ..... 


= > 
DOS RQOU eur NOR NI 


TOTAL:4-.:52 450 


A1, Dicotylcdonceæ. 


Abietineæ .... Z 
Cupressineæ  . 2 
Taxineæ....., 1 
Gnelaceæ....,.. 1 
Beltulineæ... .…. 2 
Quercineæ. .. .. 6 
Salicineæ. , .... 2 

6 


TOTAL 77 à 16 


Espèces, 


2 


474 


2 


769 


Espèces 
nouvelles. 


9 
2 
2 
(D 
4 
3 
0 
4 
0 
7 


1 


[7] ©! 
| SCC %RFS © DO ND © À NN ND O2 


> 


Eve ohR©Nu 


e 


Genres, Espèces. Espèces 


Repor!... 4 
Juglandeæ. .. . 
Cæsalpinieæ.... 
Papilionaceæ... 5 
Amygdaleæ.... 
Pomaceæ...... 
ROBACER ST 7 Tea: | 
Spiræaceæ. .... 
FRhamnaceæ.... 
Elæagneæ.. ... 
Thymeleacæ ... 
Lauraceæ...... 
Granateæ...... 
Myrtaceæ... .. 
Stackhousieæ... 
Lythrarieæ. .... 
OŒnotheraceæ. . 
Halorageæ, . .. 
Cucurbitaceæ... 
Cytineæ......… 
Aristolochiaceæ . 
Ceratophyllacesæ. 
Loranthaceæ. .. 
Santalaceæ. ... 
Umbelliferæ, ... 7 
Araliaceæ.. .. .. 
Cornaceæ. . . 
Balsamifluæ. . .. 
Platanaceæ. .. . 
Saxifragaceæ.. . 
Ribesiaceæ. ... 
Crassulaceæ. . .. 
Elatinaceæ. . ... 
Datisceæ. ..... 
Mesembrianthe - 

macemi, ré 3 
Cactaceæ. .. . 1 
Phytolaccaceæ.. 1 
Chenopodaceæ.. 11 
Amarantaceæ... 2 


Alaine@i5;2e 26 + 44 


Paronychiaceæ.. 11 


TOTALTS 1.) 207 


ORNE de ND O0 KO 09 à KO D O0 E QG bb de px O0 à OO de © NI O0 D ND à OO 


LC] 
DCR > D 
AIS Re UE EE bb 


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1 
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= 1© 
AUD SOS S© 


elles, 


9 


= 


ORPHANIDES. — ÉTAT ACTUEL DE LA FLORÉ GRECQUE. 74 
Genres. Espèces. Espèces ! Genres. Espèces, Espèces 
nouvelles. nouvelles, 
Reporl=.1267:1622 552 Report.... 140 2497 797 
Portulacaceæ... 3 n 0 Monotropaceæ.. 4 1 0 
Polygonaceæ. .. 5 46 10 Primulaceæ.:.7 30 & 
Prteeæ se. 002 8 0 Plumbagineæ . . 5 29 14 
MOrem nr. 3 l 0 Plantagineæ . .. 1 24 0 
Celtideæ, 1... 3 nl 0 Labiateæ...... 33 320 114 
Cannabineæ .... il 1 0 Verbenaceæ .,.. 2 d 0 
Nymphæaceæ. . 2 2 0 Globulariaceæ .. 1 n 1 
Ranunculaceæ.. 17 444 37 Jasminaceæ. . 1 2 0 
Berberidaceæ .. 4 6 0 Acanthaceæ. ... 1 3 1 
Fumariaceæ.. . 2 47 6 Gesneraceæ .... 1 2 2 
Papaveraceæ. .…. ) 22 à) Orobanchaceæ.. 3 18 L 
Resedaceæ. . .….. 4 7 1 Utriculariaceæ. . 2 5 0 
Capparideæ. ... 2 2 0 Scrophulariaceæ. 18 252 123 
Cruciferæ..... 61 260 97 Solanaceæ..... 8 18 0 
\ Do] ETLER OO À: 22 12 Borraginaceæ .. 20 442 62 
Droseraceæ….... 4 1 0 Convolvulaceæ .. 5 36 9 
Frankeniaceæ . . 1 2 0 Apocyneaceæ... 3 5 0 
Viniferæ......, 4 2 0 Asclepiadaceæ.. 5 13 6 
Staphyleaceæ, .. 1 1 0 Gentianaceæ. .. 5 16 1 
Celastrineæ. ... 4 2 0 Rubiaceæ .... 8 114 48 
Coriariaceæ.... 4 1 0 Caprifoliaceæ .. 3 14 2 
Acerineæ. . .... 1 10 5 Valerianaceæ .. 4 30 13 
Hippocastaneæ .…. 1 I 0 Dipsaceæ...... 7 61 24 
Rutaceæ. .. ... 3 13 D Compositæ..... 124 686 293 
Anacardiaceæ . . 2 ui 0 Lobeliaceæ .... 1 1 0 
Zygophyllaceæ.. ll 5 0 Campanulaceæ . 8 99 39 
Oxalidaceæ..., 1 2 0 
Linaceæ....... 2 26 8 TOTAL 7117 4425 1487 
Geraniaceæ. . 3 39 9 
Polygalaceæ ... 4 10 4 
Euphorbiaceæ . . 5 68 13 Kécapitulation. 
Malvaceæ. .... 10 32 ll 
Hypericineæ . .. 2 47 28 
ae | ! à ; Le EL 157 474 71 
Ebenaceæ..... 1 1 0 MAP EORNESN « 
AVR ET : ñ 8 0 donæ...... 150 769 145 
LB ANSENN IT. Dicotyledo - 
Jlicineæ ...:... 1 1 0 “As 717 4495 4487 
Styracaceæ .... 4 1] 0 AGE 
Ericaceæ. ..... 7 14 0 9 : 
non, ñ h 0 TOTAL. ... 14024 5668 1648 
TOTALE. LION 2707 797 


Ce tableau a été tiré du catalogue général de mon propre herbier, 
et des bons ouvrages que j'ai mentionnés ci-dessus. Dans sa rédac- 
tion, j'ai omis toute plante douteuse et toutes les variétés même les 
plus notables. 

Des chiffres de ce tableau il résulte : 

1° Que la flore grecque comprend 137 familles naturelles ; 

2’ Que les Cryptogames y sont aux Phanérogames comme 14 : 42 ; 

3° Que les Monocotylédones sont aux Dicotylédones comme 1 : 7; 


78 


CONGRÈS INTERNATIONAL DE BOTANIQUE. 


h° Que les dernières découvertès, montant à 1649 espèces, for- 
ment les 2/7 de la végétation totale : 


5° Que les familles et les genres prédominants sont dans l’ordre 


suivant : 


FAMILLES. 


GENRES PRÉDOMINANTS. 


| ESPÈCES. 


686 |Senecio 41. Achillea 30, Anthemis 41. Cen- 
taurea 99. 

942!|Trifolium 92, Onobrychis 20. Vicia 40. Astra- 
galus 88. 


. [320 |Salvia. 


Unbellfene. ERP 
UTUGHERE NT eee 
Scrophulariaceæ. . .... 


SOLE Des En Lx 


Jorraginaceæ, ....... 16 
RUDIACER ST Aer re .. 
Campanulaceæ 


Cyperaceæ 

Orchidaceæ 

Euphorbiaccæ 

Rosaceæ 

Dipsaceæ .. ... 
Crassulaceæz es RARE 
Chenopodaceæ.. ........ 
Hypericineæ.% :: 44.00 . 
[ridaceæ 

Polygonace: 

Geraniaceæ 

Convolvulaceæ. 

Malvaceæ 

Primulaceæ. 49%: 354.19 
Valerlanaceæ 
Paronychiaceæ 
Plumbagineæ 

Saxifragaceæ 

Quercineæ 

Juncaceæ :: .…. 

Linaceæ ,., 

Pomaceæ... 4 
CISINERS PAM OCNUENSACE 
Salicineæ 


314|Phleum, Poa, Festuca, Avena, Bromus. 
277 |Bupleurum 31. Seseli 15. 
260 |Arabis, Erysirnum, Sisymbrium, Alyssum. 


.- [252 |Scrofularia 32, Verbascum 84. Veronica 47. 


228 |Dianthus 64. Silene 112. 
158 |Ornithogalum 20. Allium 63. 
144|Ranunculus. 
142|Anchusa, Alkanna. 

114 |Galium, 

99 |Campanula. 

96 |Cerastium 25. Alsine 27. 
72|Carex 40. Cyperus 14. 
72|Orchis 33. Ophrys 13. 
68 |Euphorbia, 

66|Potentilla 27. Rosa 20. 
61 |Scabiosa. 

99 |Sedum, 

49 |Chenopodium. 
7|Hypericum. 
7|Iris 42. Crocus 26. 
Polygonum. 
Geranium. 
36|Couvolvulus. 


30|Valeriana, Valerianella. 
29 

29/|Statice. 

28 |Saxifraga 27, 

27 |Quercus. 

27 |Junecus 20, 

26 |Linum, 

25 

25 |Cistus. 

22 |Salix 16. 


GERMAIN DE SAINT-PIERRE. — HYBRIDES DE LAGENARIA. 79 


M. Germain de Saint-Pierre fait au Congrès la communica- 
tion suivante : 


CONSIDÉRATIONS SUR LE PHÉNOMÈNE DE L'HYBRIDITÉ 
DÉDUITES D'EXPÉRIENCES 


SUR LES ESPÈCES DU GENRE LAGENARIA 


(FÉCONDATION D'UNE MÊME FLEUR PAR PLUSIEURS POLLENS ; HYBRIDES DE PREMIÈRE, 
DE DEUXIÈME ET DE TROISIÈME GÉNÉRATION), 


Par ME. E. GERMAIN DE SAINV-PIERBE. 


Messieurs, 


Dans une communication que j'ai eu l’honneur de faire, l’année 
dernière, à la Société botanique de France, j'ai exposé sommaire- 
ment le, résultat que j'ai obtenu (dans mon jardin de Saint-Pierre- 
des-Horts, à Hyères, Var) de la fécondation de la fleur femelle du 
Lagenaria sphærica par le pollen du Lagenaria vulgaris (var. 
leucantha-longissima). Je rappellerai que le L. sphærica, plante 
d'Afrique (que M. Naudin a fait connaître 1l y a peu d’années), est 
une espèce très-éloignée du ZL. vulgaris, plante commune dans les 
jardins de l'Europe, probablement originaire de l'Inde. 

Le L. vulgaris est annuel et monoïque, le L. sphærica est vivace 
et dioïque; feuilles, fleurs, fruits, graines, présentent des différences 
essentielles sur lesquelles j’ai déjà insisté. 

Les fleurs mâles du Z. sphærica me manquaient alors; les fleurs 
femelles de cette belle plante se développaient, au contraire, en 
abondance ; après de nombreuses tentatives infructueuses pour les 
féconder par les fleurs mâles du Z, vulgaris, l'opération réussit pour 
une fleur; l'ovaire grossit, le fruit mürit; ce fruit ne différait en 
rien, en apparence, des fruits normaux du L. sphcærica que j'obtins 
ensuite plus tard; les graines contenues dans ce fruit étaient égale- 
ment normales en apparence, toutes étaient parfaitement conformées, 
également müres et en nombre indéfini comme à l'ordinaire. 

Ces graines, semées au printemps suivant, levèrent toutes par- 
faitement bien, et donnèrent naissance à une plante hybride, dont 
les individus, assez nombreux, étaient tous identiques entre eux : 
feuilles, inflorescence, fleurs, fruits, tenaient exactement autant de 
la.mère que du père. Seulement, ainsi qu'il arrive presque toujours 
chez les plantes hybrides, les étamines étaient stériles, les granules 
polliniques nuls ou atrophiés ; la plante était donc, par conséquent, 


80 CONGRÈS INTERNATIONAL DE POTANIQUE. 


incapable d'être fécondée par elle-même ; les ovaires, au contraire, 
et les ovules qu'ils renfermaient étaient parfaitement conformés. 

A proximité de ces plantes hybrides végétaient et fleurissaient en 
abondance le L. sphærica (la mère), le Z. vulgaris (le père), et un 
autre Lagenaria, récemment découvert en Afrique, et semé pour la 
première fois en France : le L. angolensis Naudin. La plupart des 
fleurs femelles hybrides furent fécondées à la fois par du pollen 
provenant de ces trois espèces (les seules dont se compose le genre 
Lagenaria, regardé, il y a peu d'années encore, comme monotype). 

Un assez grand nombre des fleurs femelles de la plante hybride qui 
subirent cette triple fécondation artificielle, parurent avoir accepté 
l'imprégnation ; les ovaires grossirent, et, à mesure qu'ils grossis- 
saient, on pouvait remarquer qu'ils revêtaient une forme, un volume, 
une couleur, parfaitement intermédiaires entre la forme, le volume 
et la couleur des espèces maternelle et paternelle. C’est ce fruit que 
j'ai eu déjà l'honneur de présenter, l’année dernière, à la Société 
botanique, et dont nous allons maintenant examiner la postérité. 

Plusieurs de ces fruits hybrides étant ouverts, montrèrent un très- 
grand nombre de graines restées à un état incomplet de développe- 
ment; les téguments seuls avaient pris un certain accroissement, 
l'embryon ne s'était pas formé. Ces graines, vides, étaient petites et 
de couleur blanche; mais un certain nombre d’autres, une sur vingt 
environ, avaient évidemment subi la fécondation ; elles étaient beau- 
coup plus volumineuses, de couleur brune, et renfermaient un em- 
bryon apte, en apparence, à la germination. 

Une partie de ces graines furent semées au printemps dernier. 
Une assez longue absence de ma propriété d'Hyères, où avaient lieu 
les expériences, ne me permit pas de suivre toutes les phases de leur 
développement; à mon retour, en automne, je pus m'assurer que 
presque toutes les graines semées avaient réussi ; quelques-unes 
avaient dû ne fournir que des plantes mâles ou peut-être stériles, 
alors desséchées, mais un certain nombre étaient chargées de très- 
beaux fruits ; deux formes nouvelles s'étaient produites : l’une dont 
les fruits sont parfaitement intermédiaires de forme, de volume et de 
couleur entre la mère (l’hybride de première année : L. vulgari- 
sphærica) et le père probable (L. sphærica type) ; l'autre dont les 
fruits sont également tout à fait intermédiaires entre l’hybride mère 
et le père probable (le Z, angolensis type). 

Au printemps de cette année (1867), j'ai fait de nouveaux semis 


GERMAIN DE SAINT-PIERRE. — HYBRIDES DE LAGENARIA. S1 


des mêmes graines de l'hybride de première année, et j'ai pu assister 
aux premières périodes de leur développement. La plupart de ces 
graines, conservées depuis deux ans, ont germé et annoncé une 
vigoureuse constitution; un certain nombre des jeunes plantes ont 
malheureusement été détruites par divers accidents. Quatre d’entre 
elles seulement ont pu être sauvées et se sont vigoureusement 
développées. Il y à quinze jours environ (à mon départ), elles pré- 
sentaient les états suivants : la première était une reproduction 
identique du type du grand-père et en même temps père probable 
(le L. vulgaris var. leucantha-longissima); cette variété est re- 
produite dans toute son intégrité; il ne reste aucune trace d’hybri- 
dité. Cette plante fournit des fleurs mâles et des fleurs femelles dont 
plusieurs sont, actuellement, passées à l’état de fruit. La seconde 
plante est une reproduction du L. anyolensis mâle dans toute son 
intégrité, seulement les étamines m'ont toutes paru dépourvues de 
pollen bien conformé (le L. angolensis est évidemment son grand- 
père, ou père de l’hybride dont elle sort, et en même temps son 
père) ; la troisième et la quatrième plante n’avaient pas encore fleuri 
lors de mon départ ; mais, d’après la forme des feuilles, l’une parais- 
sait devoir reproduire le type du L. sphærica; l'autre, le type du 
L. angolensis ; ou peut-être constitueront-elles des formes hybrides 
de deuxième génération, analogues à celles obtenues par le semis 
fait l'année dernière. 

Occupons-nous maintenant de la postérité des hybrides de seconde 
génération : les fruits de l’un des deux, de celui qui est intermé- 
diaire entre l'hybride de première année {sa mère), etle Z. sphærica 
type, renfermaient des graines parfaitement mûres et bien confor- 
mées, dont la plupart ont levé et ont fourni, par conséquent, des 
plantes de troisième génération. Ces plantes montraient, il y a quel- 
ques jours, des fleurs en bouton se rapportant au type L. sphærica ; 
malheureusement, ces plantes, en assez grand nombre, paraissent 
devoir appartenir toutes au sexe mâle ; dans ce cas, les fruits de cette 
troisième génération nous manqueraient cette année, mais de nou- 
veaux semis de graines que je possède en abondance pourront, plus 
tard, compléter le résultat, en nous fournissant le sexe femelle dans 
les plantes à obtenir l’année prochaine. 

Des fécondations successives dont je viens d'exposer les résultats, 
on peut, je pense, déduire les conséquences suivantes : 


1° La fécondation peut avoir lieu, sinon fréquemment, du moins 
CONGRÈS BOT, 6 


82 CONGRÈS INTERNATIONAL DE BOTANIQUE. 


accidentellement, entre des plantes d'espèces très-différentes, mais 
appartenant cependant, soit à un même genre, soit du moins à deux 
genres très-Voisins,. 

2° Le fruit de la fleur fécondée artificiellement ne diffère ordinai- 
rement en rien, en apparence, du fruit normal de la plante fécondée. 

3° Une même fleur femelle (du moins chez les Cucurbitacées à 
fruits renfermant des graines nombreuses, telles que les Lagenaria) 
peut être fécondée à la fois par les pollens de plusieurs espèces 
appartenant au même genre; de sorte que diverses graines, sorties 
d’un même fruit, peuvent produire des plantes différentes, soit ayant 
des caractères d'hybridité, soit retournant à l’un des types spécifi- 
ques normaux. 

h° Les graines de la fleur femelle normale fécondée par le pollen 
d'une autre espèce normale peuvent toutes être fécondées et par- 
venir à la maturité. Le fruit fécondé d’une plante hybride ne produit 
généralement, au contraire, qu’un petit nombre de graines fertiles; 
ce qui tient à ce que, dans les fleurs hybrides, les ovules ne sont pas 
toujours tous régulièrement conformés. 

5° Très-généralement, les étamines des fleurs des plantes hybrides 
sont ou dépourvues de pollen ou à pollen abortif. Les fleurs femelles 
des plantes hybrides, bien que possédant des ovules bien conformés, 
resteraient donc stériles, si la fécondation n’était pas opérée par le 
pollen d'espèces normales. 

6° Le sexe femelle est donc, dans ce cas, protégé et maintenu par 
la nature, tandis que le sexe mâle est abandonné. Gette prépondé- 
rance du sexe femelle est très-digne d’être remarquée, et aurait pu 
autoriser, selon moi, le système de nomenclature qui consiste, dans 
la fabrication du nom composé de l'hybride, à écrire le nom de 
l'espèce mère avant le nom de l'espèce père. (Tout en admettant la 
supériorité de l’ovaire sur l'étamine, chez les hybrides, le procédé 
de nomenclature inverse a été maintenu, le nom de la femelle au 
nominatif, bien qu’inscrit le dernier, étant regardé comme domi- 
nant le nom modificateur du mâle inscrit le premier.) 

7° Une plante hybride peut présenter dans toutes ses parties, dans 
tous ses organes, des caractères parfaitement intermédiaires entre 
les formes de la mère et les formes du père. (Système de végétation, 
dimension de la plante, direction des rameaux, forme, couleur et 
pubescence des feuilles; forme, couleur, odeur, dimensions des 
diverses parties de la fleur; forme, volume, couleur et saveur du 
fruit, peuvent, chez un même individu hybride, tenir exactement 


GERMAIN DE SAINT-PIERRE. — HYBRIDES DE LAGENARIA. 83 


le milieu entre l'une et l’autre espèce.) — Ce mélange intime de 
deux types quelquefois très-éloignés l’un de l’autre bien qu'apparte- 
nant à un même genre, ce mélange, disons-nous, est bien digne de 
nos méditations. La plante femelle semble ne fournir que les tégu- 
ments de l’embryon et, plus tard, les matériaux de sa nutrition; la 
plante mâle semble fournir les premiers matériaux constitutifs de 
l'embryon. L’ovule (du moins selon l'opinion que j'ai cherché à faire 
prévaloir) est un bourgeon (un petit axe portant des feuilles modi- 
fiées) produit par la feuille carpellaire; le grain de pollen est une 
cellule modifiée, appartenant au parenchyme de la feuille staminale ; 
et cependant, ces organes de nature diverse : le bourgeon ovulaire 
et la cellule pollinique, imposent, en quantité égale, les caractères de 
leur espèce au produit qui résulte de leur union. (Faisons remarquer, 
à ce sujet, qu'un rameau greffé n’'emprunte cependant aucun carac- 
tère, dans son évolution, à l’arbre dont la séve le nourrit.) 

8° Les fleurs femelles des hybrides fécondées par le pollen d’une 
espèce normale peuvent donner des fruits et des graines fertiles; ces 
graines produisent une deuxième génération, dont les individus peu- 
vent retourner exactement à l’un des types normaux, ou constituer 
des hybrides de second degré ayant une partie des caractères de 
l’hybride mère, et une partie des caractères de l'espèce normale père. 

9% Ces hybrides de deuxième génération ou second degré peuvent, 
à leur tour, être fécondés par une espèce type, et donner des fruits 
mûres et des graines bien conformées et fertiles revenant ou non à 
l'un des types normaux. 

40° Les plantes vivaces hybrides se conservent naturellement 
comme individus, et peuvent être multipliées par dédoublement, par 
bouture ou par greffe; il n’en est pas ainsi des plantes hybrides 
annuelles; comme elles ne peuvent, très-généralement, être fécon- 
dées par elles-mêmes, et qu’elles exigent, pour mûrir leurs fruits, 
d’être fécondées par une espèce typique, la génération suivante tend 
à se rapprocher du type paternel, lequel ajoute moitié des éléments 
à la quantité déjà fournie par la plante hybride; souvent même, 
celle-ci reproduit tout à fait le type paternel, ce qu a presque tou- 
jours lieu à la troisième génération, 

44° Le maintien d’une forme hybride par génération ne peut donc 
être espéré que dans le cas fort rare où la plante hybride mère pro- 
duit un pollen fertile pouvant féconder les fleurs femelles. 

19° Les fécondations croisées ont lieu généralement dans la nature 
par l'intermédiaire des insectes (des abeilles surtout) qui se transpor- 


8h CONGRÈS INTERNATIONAL DE BOTANIQUE. 


tent, chargés de pollen, d’une fleur à une autre. Les fécondations 
croisées ou hybrides sont cependant rares entre espèces typiques ; 
elles sont, au contraire, assez faciles entre fleurs femelles de plantes 
hybrides à fleurs mâles ou à étamines stériles, et fleurs mâles ou 
étamines d'espèces typiques. 


M. J. Poisson dépose sur le bureau le mémoire suivant : 


SUR LA MANIÈRE 
DE PRÉSERVER DES INSECTES LES COLLECTIONS BOTANIQUES, 
Par ME. Juilcs POISSON, 
Préparateur au Muséum d'histoire naturelle, 

On a agité plusieurs fois au sein de la Société botanique la question 
de la conservation des plantes sèches d’herbiers, et je la crois assez 
digne d'intérêt pour porter à la connaissance du Congrès les rensei- 
gnements que j'ai pu recueillir sur ce sujet. 

C'est dans le vaste herbier du Muséum de Paris, ainsi que dans 
divers herbiers d'amateurs, que j'ai recueilli mes assertions; je ne 
suis d’ailleurs l’auteur d'aucun procédé nouveau qu'il me soit permis 
de préconiser, sachant bien que plusieurs causes concourent ensemble 
ou séparément à la conservation des collections d'histoire naturelle; 
on ne trouvera ici que le simple rapporteur de faits déjà connus. 

Toutes les personnes qui possèdent des herbiers où qui en ont à 
leur garde savent que lorsqu'ils ne sont pas fréquemment compulsés, 
les insectes, tels que les Anthrènes, Anobium, Dermestes, Ptinus, 
Cis, Phalènes, Psocus, etc., attaquent bientôt ces collections. On à 
opposé à ces ennemis du camphre, des essences volatiles, et enfin 
une recette découverte, paraît-il, par Sir J.-E. Smith, en 1805, l'im- 
mersion ou l'imbibition des échantillons à préserver dans une solu- 
tion alcoolique de sublimé corrosif (bichlorure de mercure), qui 
jusqu'alors avait été considérée comme radicale. Malheureusement 
ce moyen n'a pas été reconnu définitif, et, en dehors de nos propres 
observations, M. Cosson déclarait, dans une séance de la Société, il 
y a peu de temps, qu'ayant rencontré du dégât dans son herbier, 
considérable on le sait, il s'était décidé à doubler la dose de poison 
dans l'espoir d’un meilleur résultat. C’est à ce dernier mode d'em- 
poisonnement (1) que nous reviendrons en y proposant quelques 
modifications. 

(4) Plusieurs botanistes, pour distinguer cette expression proprement dite de l'acte 


dont les plantes sont l'objet, disent empoisonnage ; nous ne savons, quoiqu'elles n'aient 
pas la même signification, laquelle des deux expressions doit prévaloir. 


POISSON. — PRÉSERVATION DES COLLECTIONS BOTANIQUES. 89 


Les collections du Muséum ont eu des dommages à enregistrer, 
quoique les plantes qui les composent soient à leur arrivée soigneu- 
sement passées au sublimé corrosif; mais le voisinage de collections 
d'autre nature qu'on ne peut isoler faute de place, puis enfin les 
locaux différents dont la température est également différente, sont 
des motifs qui pourraient donner raison à des accidents très-rares 
heureusement. 

Il ressortirait de nos observations que : 

1° Des plantes d'herbier placées dans un local à température 
moyenne et sèche sont plus à l'abri des insectes que celles quisont 
situées dans un milieu à température variable. 

2 Nous avons remarqué qu'un local à lumière vive était moins 
favorable qu'un local un peu sombre; la plupart des insectes dont 
il est question à l’état parfait, se dirigent de préférence vers la partie 
éclairée et supérieure des appartements (1). 

3° Les plantes dites cultivées pour des usages divers, les plantes 
de jardin, etc., sont bien plus recherchées de ces parasites que les 
plantes spontanées ou sauvages. 

h° Les plantes de montagnes, généralement de petite taille, mais 
à souches, racines ou tiges volumineuses ou succulentes, sont plus 
promptement atteintes que les plantes des régions basses, habituel- 
lement plus développées, et qui, par la nature de leur tissu plus 
pénétré de ligneux, offrent moins de prise aux ravageurs. 

Cette dernière observation, quelque douteuse qu’elle puisse pa- 
raître tout d'abord, n’est pas sans valeur si on ne la regarde pas 
comme absolue, et qu'on l’applique à la flore générale du globe, Ainsi 
l'on pourra avoir moins de crainte pour des plantes de la Guyane, 
du Brésil, des Antilles, de la Péninsule indienne, etc., qui même sans 
être empoisonnées pourraient se garder longtemps, tandis que même 
avec les moyens de conservation employés jusqu’à ce jour, il n’est 
pas certain qu'on puisse maintenir intactes des plantes du Chili, 
de la chaîne des Andes, des plateaux de l’Abyssinie, de l'Orient, etc. 
C'est du moins ce que nous avons été à même de constater dans la 
limite de nos observations, abstraction faite toutefois de certaines 
espèces qui par leur contexture défient toute attaque, ou bien d’au- 
tres, comme les Ghicoracées, les Ombelliferes, les Euphorbes, qu’on 
a tant de peine à conserver en raison des sucs propres qu’elles con- 
tiennent. 


(1) M. Th, Delacour a Iæi-même constaté ce fait plusieurs fois. 


S6 CONGRÈS INTERNATIONAL DE BOTANIQUE. 


Une des causes plus fréquentes qu'on ne le pense de la des- 
truction des plantes qui ont subi l’empoisonnement au sublimé, est 
la transition de température qu’elles sont à même d’éprouver, ou 
le passage de la sécheresse à l'humidité et réciproquement. Or, le 
bichlorure de mercure, comme la plupart des composés de ce métal, 
est susceptible de se transformer ou de se volatiliser ; nous lisons dans 
le Traité de Chimie de MM. Pelouze et Fremy : « Tous les sels de 
mercure sont volatils ou décomposables par une chaleur modérée ; » 
puis ailleurs : « Le protochlorure de mercure est volatil, mais beau- 
coup moins que le bichlorure. » 

Déjà, en 1852, M. Cloëz, chimiste dont le nom fait autorité, 
nous avait engagé à ajouter à la solution de sublimé une certaine 
quantité de sel ammoniac (chlorhydrate d’ammoniaque). 

Un paquet de plantes diverses fut consacré à cette épreuve et 
placé ensuite dans un milieu fort compromettant avec des plantes 
de jardin et d’autres non empoisonnées; au bout de douze ans, les 
plantes d’épreuve étaient intactes quand les autres étaient presque 
toutes endommagées. Le sel ammoniac, d’une saveur styptique très- 
prononcée, et l’âcreté horrible du sublimé seraient déjà des garanties 
de protection, si ces deux sels mis en contact ne formaient une com- 
binaison, qui, en pénétrant mieux les tissus, donne de la stabilité au 
bichlorure de mercure. Les proportions qui paraissent le plus con- 
venables à M. Cloëz sont les suivantes : 


» 


Bichlorure de mercure pulvérisé.,.......... 72 grammes. 
Chlorhydrate d’ammoniaque pulvérisé......., 28 J 
AICOUL OCHIHGIPE 2 4520 cet RUE cn *.1477 D'INTERd)2s 


Il est inutile de dire qu’on pourrait équilibrer ces chiffres en ra- 
menant la quantité de sublimé à 70 grammes et celle de sel ammo- 
niac à 30 grammes. 

Les plantes d'épreuve dont il est parlé plus haut avaient été im- 
mergées dans une solution beaucoup moins concentrée que celle-ci, et 
des essais comparatifs répétés apprendraient peut-être jusqu'à quel 
point on peut varier les doses. 

Une opinion qui ne nous paraît pas solidement fondée, est celle de 
l'avantage que certains botanistes reconnaîtraient d'employer de 
l'alcool à un degré fort élevé, comme pénétrant mieux les plantes 
qu'on y plongerait et s'évaporant plus promptement. Personne 
n'ignore qu'en immergeant dans l'alcool concentré des fruits ou des 


POISSON. —- PRÉSERVATION DES COLLECTIONS BOTANIQUES. 87 


matières molles, des pièces anatomiques, des Champignons, etc., 
puis les exposant à l'air, la partie superficielle au moins se contracte, 
durcit et devient souvent friable ; conséquemment, il doit en être de 
même pour des rameaux de fleurs ou de feuilles qui, en raison de 
leur peu d'épaisseur et de leur perméabilité, sont soumis au même 
phénomène, quoique l'échantillon passe assez rapidement dans le 
liquide, et la friabilité des échantillons d’herbiers est trop connue 
des botanistes. 

Enfin il est notoire que la verdeur de beaucoup de plantes sèches 
fraîchement recueillies, et qui ne perdent nullement d'intérêt à la 
conserver, disparait très-souvent après l’empoisonnement, si surtout 
on a le tort de laisser trop longtemps les échantillons dans les cous- 
sins de papier buvard destiné à les essorer. Nous pensons donc que 
l'alcool affaibli et ramené de 85 degrés centésimaux à 65 degrés par 
exemple, donnerait un liquide tout aussi pénétrant qu’on pourrait 
le désirer, si toutefois la plante qu’on y abandonne n’est pas enduite 
d’une matière gommeuse, d’une pruinosité, ou ne recèle pas de ma- 
tières insolubles ou impénétrables par l'alcool. 

Les procédés mis en usage depuis quelques années par plusieurs 
botanistes, d'air saturé de sulfure de carbone, de benzine ou d’acide 
phénique, sont d'excellents moyens à opposer aux insectes, mais qui 
sont transitoires ; le sulfure de carbone est le plus énergique de ces 
agents, car rien de ce qui vit ne peut supporter ses vapeurs concen- 
trées; mais 1l n’est pas suffisamment prouvé que les œufs et même 
toutes les larves soient détruits par ce gaz, à moins qu’on ne répète 
sans cesse l'opération, ce qui ne paraît guère praticable pour un 
bherbier considérable. 

Quant à la benzine et à l'acide phénique, qui devrait être choisi de 
préférence à cause de son odeur plus pénétrante et de sa volatilité 
moins rapide , ce ne seront jamais que des palliatifs excellents pour 
éloigner les insectes à l’état parfait, mais qui devront être sans cesse 
renouvelés. Ces moyens de conservation peuvent être suffisants pour 
un petit herbier contenu dans quelques meubles bien clos, mais seront 
insuffisants pour des collections importantes. Pour ce qui est de la 
répugnance que certaines personnes éprouveraient pour les odeurs 
désagréables que répandent les produits susnommés, on comprendra 
que c'est une considération toute personnelle qui doit guider le 
naturaliste dans son choix. | 


88 CONGRÈS INTERNATIONAL DE BOTANIQUE. 
M. Faivre fait au Congrès la communication suivante : 


OBSERVATIONS SUR LA FLORAISON D'UN AGAVE, 
Par ME. HE. FAIVREX, 


Professeur à la Facullé des sciences de Lyon. 
fe Accroissement de la hampe. 


Dans une note publiée en 1860 (1), nous avons fait connaître 
après Warthausen, Gay, Lister, Martins, Regel, des résultats relatifs 
à la croissance de la hampe et d'un Agave densiflora. 

Nous apportons aujourd'hui de nouvelles observations auxquelles 
de récentes controverses sur les conditions de croissance chez les 
végétaux donnent un intérêt particulier. 

L'Agave que nous avons étudié est l'A. lurida Ait. (2). 

Il provient d’un semis fait à l’ancien Jardin botanique de la ville, 
et se trouve placé, depuis le commencement de la floraison, dans la 
serre principale du fleariste, Grâce au concours d'un habile jardi- 
nier, Francois Gaulin, j'ai pu surmonter les difficultés qu'offrait l'élé- 
vation de la hampe, et prendre Îles observations avec régularité, le 
matin de cinq à six heures et le soir de six à sept heures. Commen- 
cées le 4°* juin au soir, époque à laquelle la hampe mesurait 3",51, 
ces observations ont été continuées depuis cette époque jusqu’au 
3 juillet au soir ; elles comprennent donc une période de trente-deux 
journées. Les mesurations ont été faites de la manière suivante : 

1° Hauteur totale de la hampe à partir de l’aisselle d’une des feuilles 
inférieures. 

2 Hauteur de la partie inférieure de la hampe, prise du point pré- 
cité à l’origine du pédoncule floral le plus mférieur. 

3° Hauteur de la partie supérieure et terminale à partir du même 
pédoncule. 

ke Circonférence de la base de la hampe. 

Pendant le cours des observations, la plante a été laissée dans les 
mêmes conditions, bien isolée sur le gazon de la serre. 

Le résultat général de toutes les mesures prises a été le sui- 
vant : En trente-deux jours la hampe s’est élevée de 3",51 à 
5",46, soit 1",95. Mais quelle a été la marche de cette croissance, 

(1) Note sur la floraison et le développement de la hampe de l’Agave densiflora 
(Annales de la Société imp. d'Agriculture, d'Histoire naturelle et des Arts utiles de 
Lyon, 1866). 


(2) Cf. Ait, Hort, kew., 1, 472 ; Kunth, Enum., V, 195 ; Jacques, Manuel des plantes, 
IV, 679, -eic. 


Q 


FAIVRE. — FLORAISON D'UN AGAVE. 59 


a-t-elle été régulière, lente ou brusque, at-elle été plus rapide le 
jour que la nuit, a-t-elle subi de la part de certaines conditions mé- 
téorologiques extérieures des influences appréciables ? 

Le tableau suivant, dans lequel on a pris soin d'indiquer chaque 
jour les différences de croissance, soit de la totalité de la hampe, 
soit de sa partie supérieure, fouruira des indications précises à cet 
égard. 

CROISSANCE DE LA HAMPE DE L'AGAVE LURIDA PENDANT 32 JOURS. 


00 0 


CROISSANCE CROISSANCE = OBSERVATIONS MÉTÉOPO- 
: de la de la D LOGIQUES 
re de hampe entière partie supérieure] 2 3 correspondantes (1). 
des obser- D ER | = = PR Rd 
. À 
vations. du soir du matin 3 £fdu soir] du A Tem- 
UE Nul = au matin | S À |pérature,| Pluies. | Pression, 
au malin, au solr. LE 5 | matin, [au soir. cs 
| 
Juin. {À Obserraton in tiale à 6 h. du soir. 3,91 
2 0,05 0,10 » » 0 20,0 | 0,50 | 742,5 
3 0,03 0,09 » » 0 21,8 » 741,5 
l 0,02 0,01 » » 0 16,8 | 0,90 | 744,1 
) 0,01 0,02 » » 0 26,614, 748,1 
6 0,035 0,07 » » 0 18,0 » 749,2 
7 0,08 | 0,02 14,04! » » 0 19,0 » 748,2 
8 0,06 0,03 » » 0 21,8 » 748,7 
9 0,05 0,02 » » 0 21,8 » 748,6 
10 0,04 0,07 » » 0 24,9 » 748,9 
11 0,07 0,02 » » 0 2 » » 
12 0,02 0,08 |4,50| » » 0 25,0 » 743,2 
3 0,02 0,10 » » 0 17,9 |21,80 | 743,6 
14 0,02 0,03 » » 0 45,3 | 5,50 | 745,9 
15 0,01 0,01 » » 0 17,9 00 | 748,4 
16 0,0 0,06 » » 0 19,2 » 744,9 
17 0,02 0,05 » n 0 15,8 | 2,50 | 740,2 
18 0,02 0,04 » ” 0 15,0 » 744,2 
19 0,0: 0,08 15,00! » » 0 20,0 » 745,5 
20 0,02 0,04 » » 0 20,8 » 748,9 
21 0,02 0,06 » » 0 2,7 » 745,5 
22 0,02 0,04 » » 0 24,8 » 744,6 
23 0,01 0,04 » » 0 23,0 » 746,5 
24 0,0 0,04 » » 0 24,6 1,00 | 745,7 
25 0,0 0,04 » » 0 24,0 | 4,20 | 743,0 
26 0,0 0,05 » » 0 2901 ) 742,2 
27 0,0 0,03 » » 0 22,0 | 0,70 | 743,8 
28 0,0 0,01 » » 0 24,5 » 744,3 
29 0,01 0,01 » » 0 241,9 » 744,5 
30 0,0 0,0 » » 0 23,9, 24,00: 745,3 
Juill. 4 0,01 0,0 » » 0 22,5 » 744,8 
D) 0,0 0,01 15,46! » » 0 21,9 » 740,4 
3 0,0 00m » » 0 19,7 | 3,60 | 741,5 


(4) Nous empruntons ces indications météoroloziques aux tableaux dressés régulièrement à 
l'Observatoire de Lyon, d'après des observations faites chaque jour à neuf heures du matin, 


90 CONGRÈS INTERNATIONAL DE BOTANIQUE. 


Les chiffres indiqués dans ce tableau nous autorisent à tirer quel- 
ques conséquences intéressantes au point de vue physiologique. 

Considérons successivement la marche de la croissance par r "apport 
aux parties observées de l'organisme végétal , et par rapport aux in- 
fluences que les circonstances extérieures peuvent exercer. 

Un premier résultat est relatif à la différence d’accroissement entre 
la partie supérieure et la partie inférieure de la hampe ; des mesures 
régulières ont prouvé que la partie supérieure prend seule de l’ac- 
croissement, tandis que la croissance est nulle pour la partie infé- 
rieure limitée comme nous l'avons indiqué. La circonférence de la 
base de la hampe mesurée chaque jour a conduit au même résultat. 

L'activité végétative, développée surtout vers les extrémités, ne se 
manifeste pas-seulement, comme on le sait, dans les hampes, mais 
aussi dans les tiges et les rameaux. 

Un second résultat est relatif à l'absence d’uniformité dans la 
croissance ; le tableau indique qu’en général, elle a été d'autant 
moins marquée qu'on s’est rapproché du terme des observations ; 
ce ralentissement graduel, déjà constaté par M. Martins, sur la 
hampe du Dasylirion gracile, est conforme aux lois générales de 
la croissance des végétaux. 

Si l’on partage en trois périodes de dix jours le temps pendant 
lequel ces Done dons ont été faites, on trouve les indications sui- 
vantes : 


Durant la première période, la croissance a été de....... ° 0,89 
Pendant la seconde..,.... EN EEE Ie he NT vds EP ONZE 
Pendant latroisième.t..n,.h..0: 414-490 et 0,31 


La croissance n’a donc point été égale dans des temps égaux ; 
elle est allée en diminuant; mêmes résultats si l’on considère le 
temps exigé pour produire, aux phases diverses de l’évolution, un 
égal développement. Au début, six jours correspondent à un déve- 
loppement de 0",53 ; lorsque la croissance est ralentie, quinze jours 
deviennent nécessaires pour déterminer la même élongation. 

Un autre résultat physiologique de la croissance se rapporte au 
rapport inverse entre celle-ci et la consistance où l'épaisseur des 
feuilles de la rosette inférieure; M. Martins et d’autres observateurs 
ont déjà insisté sur ce fait, que nos observations confirment entière- 
ment : plus la hampe s’allonge, plus les feuilles perdent les sucs dont 
elles sont abondamment gorgées au moment de la flüraison. 

Si nous abordons maintenant la question de savoir quel rôle pa- 


FAIVRE. — FLORAISON D'UN AGAVE. 91 


raissent jouer, au point de vue de la formation des parties nouvelles, 
les conditions physiques extérieures, nous nous trouvons en pré- 
sence d'un problème fort étudié dans ces derniers temps : celui 
de l'influence des périodes nocturne et diurne sur l'accroissement 
des végétaux. 

D’après les observations récentes de M. Duchartre (1), l'accroisse- 
ment des jets, coulants ou tiges, mesurés régulièrement le jour et 
la nuit, chez le Fraisier, la Vigne, le Houblon, le Glaïeul, a donné le 
résultat général suivant: Dans ces conditions, l'accroissement a tou- 
jours été plus actif la nuit que le jour ; la proportion a été fréquem- 
ment du simple au double et même au triple ; toutefois M. Duchartre 
n'a pasgénéralisé ces données, et l'expérience prouve qu'il était 
dans le vrai, que les conditions du jour et de la nuit sont relatives, et 
varient suivant les végétaux et suivant les parties des végétaux que 
l’on considère. 

En ce qui concerne particulièrement la hampe de l’Agave, 
M. Martins avait déjà remarqué, dans une intéressante observation 
publiée en 1857, que l'accroissement est plus considérable le jour 
que la nuit (2). Il a depuis confirmé ces premières données par 
l'étude de l'Agave americana et de l'Amaryllis Belladonna (3). 
Il n’en conclut pas cependant que ces données infirment les résul- 
tats obtenus par M. Duchartre, mais seulement que la croissance 
n’est pas la même dans les axes feuillés et dans les hampes florales. 

M. Ad. Weiss a également suivi une inflorescence d’Agave et 
constaté avec beaucoup de précision qu'en cinq jours l’inflorescence 
s'est élevée de 2°,364, dont 0",79 ont crû pendant la nuit, 0",80 
dans la matinée, 0",77 dans l'après-midi, la croissance de la nuit 
l'emportant sur celle de l'après-midi, mais non sur celle de la ma- 
tinée ; d’après cet observateur, la croissance est liée surtout à la 
température (A). 

L'observation que nous rapportons confirme les faits signalés par 
MM. Martins et Weiss; elle nous apprend que, sur trente-deux jours 
d'observations, la croissance de la journée a excédé vingt-deux fois 
celle de la nuit. 


(1) Duchartre, Comptes rendus de l’Académie des sciences, 9 avril 1866. 

(2) Bulletin de la Société botanique, 1857, t. IV, p. 606. 

(3) Comptes rendus, 30 juillet 1866, p. 212. | 

(4) Weiss, Botanische Untersuchungen, etc. (Recherches faites au laboratoire de 
physiologie de l’École d'agriculture de Berlin, pp. 129-142). 


92 CONGRÈS INTERNATIONAL DE BOTANIQUE. 


En additionnant les chiffres qui représentent les croissances du 
jour, prises de cinq à six heures du matin à six à sept du soir, on 
trouve qu'en trente-deux jours la croissance diurne a été de 4,29 
et la croissance nocturne de 0",66 seulement. 

Cette influence du jour est générale, mais elle n’est pas constante 
pendant toute la durée de l’élongation de la hampe. 

En consultant le tableau, on reconnaît que la croissance, pendant 
lanuit, a été trouvée, dans sept observations, supérieure à celle du 
jour; il n’y a rien de régulier ni dans les quantités de croissance, ni 
dans les époques où elles ont été notées. Nous pouvons remarquer 
encore que les arrêts de croissance se sont manifestés particulière- 
ment pendant la nuit. 

Ainsi, bien que l'influence diurne se marque nettement comme 
trait général, elle ‘est loin d’être absolue, et l'Agave, comme les 
autres végétaux, a aussi des périodes de croissance nocturne. De 
quelles circonstances dépendent-elles? Les circonstances qui règlent 
ces phénomènes sont trop multiples et trop incomplétement déter- 
ninées pour permettre une réponse satisfaisante. 

M. Weiss a remarqué que l’état couvert ou serein du ciel est sans 
influence sur l’évolution, mais qu'il n’en est pas ainsi des variations 
de la température. Les indications météorologiques que nous avons 
jointes à notre tableau, permettent en certaines limites la confir- 
mation de ces remarques; on ne constate point de relations entre 
les pressions, les pluies et la croissance, mais, dans plusieurs cas, 
aux croissances diurnes les plus marquées correspondent des varia- 
tions et des élévations dans la température. Nous verrons plus loin 
comment la phase nocturne semble agir sur l'organisme végétal par 
l’abaissement de la température et par l'état hygrométrique qui en 
est la conséquence. 


29 Épanouissement ct fécondation; croissance des étamines 
et du style. 


L'activité si marquée dans la croissance de la hampe des Agave 
est également manifeste dans les fleurs pendant l'épanouissement. 
Nous avions déjà, dans un précédent travail, présenté quelques indi- 
cations à cet égard; nous en ajouterons maintenant de plus positives. 
Aucun auteur, que nous sachions, n’a insisté encore sur cet ordre 
de faits. 

Si l'on suit l'évolution des fleurs d’Agave sur le pied-mère, ou si, 


FAIVRE. — FLORAISON D'UN AGAVE. 93 


après les avoir détachées, on place dans un tube contenant de l’eau 
des boutons non épanouis, l'épanouissement continue et les phéno- 
mènes se succèdent de la manière suivante: 

Le périanthe s’entr'ouvre, les filets des étamines commencent à 
s’allonger, et l’on peut constater alors que l’extrémité du filet et l’an- 
thère terminale sont incurvées sur le reste du filet. 

Le redressement de ces parties à lieu à mesure qu’elles sortent du 
périanthe entr'ouvert; après leur sortie du périanthe, les filets stami- 
naux continuent à se développer. 

Lorsque cette rapide croissance des étamines est arrivée à son 
terme, le style se développe à son tour. Dans le bouton il était caché 
sous les enveloppes du périanthe ; en peu d'heures il les dépasse de 
0",050 à 0",060. 

Au moment où il atteint la hauteur des filets staminaux, les an- 
thères que portent ceux-ci, en effectuant leur déhiscence rapide, se 
sont courbées en arc de cercle. 

A partir de cette phase, à laquelle se rattache la fécondation directe 
ou croisée, les filets des étamines s’incurvent et se flétrissent; le 
style s’allonge encore quelque temps. 

Telle est la marche générale du phénomène de l'épanouissement ; 
on en aura une juste idée en jetant les yeux sur des figures photogra- 
phiques, prises successivement sur la même fleur, soit durant le jour, 
soit pendant la nuit. Ces figures, habilement exécutées par un de 
nos élèves, M. l'abbé Tournereau, montrent quel secours la photo- 
graphie pourra un jour apporter à la physiologie des plantes. 

Ajoutons maintenant des détails sur les conditions qui modifient 
la marche du phénomène ou nous permettent de l'apprécier d’une 
manière plus exacte. 

Et d'abord, l'évolution florale s’accomplit de même, soit qu’on 
étudie la fleur à l’état normal sur la plante-mère, soit qu’on en 
détermine artificiellement l'épanouissement après l'en avoir séparée. 

On a suivi à l'extrémité de la hampe l'épanouissement d’une fleur, 
et les résultats ont été les suivants: 

Le 4 juillet, à neuf heures du matin, le bouton est encore clos, 
il s’entr'ouvre à onze heures et demie et les anthères font saillie. 

Le même jour, à une heure et demie, les étamines ont déjà dé- 
passé de 0",01 le périanthe, et le style apparaît. 

A six heures et demie la longueur des étamines est double et le 
style s’est allongé. 


9/4 CONGRÈS [INTERNATIONAL DE BOTANIQUE. 


Le 5 juillet,à cinq heures du matin, les étamines n’ont pas moins 
de 0",03 hors des enveloppes et le style mesure 1 centimètre 
seulement. 

De cinq heures à onze heures les filets ont atteint plus de 0,05 et 
le style en mesure 0",03. 

À une heure et demie on constate que la déhiscence des anthères 
s’est effectuée ; le style atteint à trois heures les anthères ouvertes. 

Séparées du pied-mère et plongées dans l'eau, les fleurs s épanouis- 
sent plus lentement; mais l’évolution en est la même. 

Des boutons cueillis sur la hampe six mois après la floraison ne 
se sont plus développés hors de la plante, même dans les conditions 
les plus favorables. 

L'épanouissement s'effectue à l'obscurité comme à la lumière. Ces 
expériences directes, si fidèlement représentées par nos images 
photographiques, indiquent aussi que l’activité végétative serait 
plus favorisée par linfluence que par l'absence de la lumière ; il est 
certain, d’un autre côté, que la déhiscence des étamines est plus 
lente et plus diflicile chez les fleurs écloses à l'obscurité, et que chez 
elles les filets ont tendance à rester plus rapprochés du style et du 
stigmate ; ils ont moins de consistance, de fermeté. 

On s'explique ces modifications si l'on réfléchit à l’abaissement de 
température et aux changements dans les rapports de l'absorption 
et de l'exhalation. 

Ces faits concorderaient aussi avec les résultats d'observations 
faites récemment sur les pétales du Selenipedium caudatum. On a 
trouvé que ces pétales se sont accrus de 344 millimètres de longueur 
pendant les quatorze jours de la durée de leur développement, tandis 
que la croissance, pendant les quatorze nuits, a été de 326 milli- 
mètres seulement (1). 

Nous avons fait sur le mode et sur la quantité d’accroissement des 
étamines et du style de nombreuses observations ; nous en résume- 
rons les indications essentielles ; elles donneront une idée exacte de 
l'étrange activité que les fleurs présentent alors dans leur nutrition. 

Sæpérience I. — Mercredi 29 juillet, huit heures du matin. 
Observation sur une fleur coupée et plongée dans l’eau par son pé- 
doncule. Le filet des étamines mesure 0",016, à partir du sommet du 
périanthe; le style en dépasse les enveloppes de 0,003 environ ; 


(1) Delchevalerie dans Revue horticole, 16 juillet 1867, p. 279, 


FAIVRE. — FLORAISON D'UN AGAVE. 95 


le filet de l’étamine à observer est partagé par des marques faites à 
l'encre en trois parties égales. 

À quatre heures et demie, le filet staminal mesure 0",050, Faccrois- 
sement à donc été en huit heures de 0,034. La distance primitive 
entre les espaces indiqués est demeurée la même; la croissance 
s’est donc faite par la portion inférieure. 

Le style a atteint 0,017; on fait une marque à 0",026 au-dessous 
de son sommet, et l'espace compris est partagé en deux autres 
égaux. 

Jeudi 25 juillet, à huit heures du matin. 

La croissance du filet staminal a été de 0",003 seulement; les 
intervalles primitivement indiqués n'ont pas changé sensiblement. 

Le style mesure de son sommet à la marque indiquée, 0",035, 
il s’est donc allongé dans cette partie de 0",009; on constate en 
outre que la partie sous-jacente à la marque inférieure la dépassé 
de près de 0",01 ; l’élongation s’est faite de bas en haut, plus mar- 
quée dans l'intervalle inférieur que sensible dans le supérieur. 

Jeudi 25, à quatre heures du soir. 

Le style atteint 0",038, il s’est donc accru en huit heures de jour 
de 0",023, beaucoup plus le jour que la nuit. On constate encore que 
la croissance s’est effectuée très-sensiblement de bas en haut. 

Vendredi 26, à trois heures du soir. 

Le style mesure 0,083, il s’est donc accru en vingt-trois heures 
de 0",025. 

Les distances entre les marques tracées sur les filets d’une des 
étamines sont restées les mêmes; la croissance a eu lieu au-dessous 
des marques inférieures. 

Dans une autre expérience, nous avons également mis en évidence 
la croissance de bas en haut des filets et des styles. 

À trois heures du soir on marque un trait à 0",020 au-dessous 
d'une anthère sur le filet qui la supporte; ce trait correspond alors 
au sommet du périanthe. Mème trait sur un style à 0" ,006au-dessous 
du stigmate; ce trait correspond également au sommet du périanthe. 
Le lendemain, à huit heures du matin, la ligne marquée sur le filet 
staminal est distante de 0,022 du sommet du périanthe ; l’élongation 
entre elle et l’anthère est de 0",004 seulement. 

Le style n’a acquis aucune croissance au-dessus de la marque in- 
diquée, mais au-dessous de celle-ci, et par suite de l’élongation de 
bas en haut, il dépasse le périanthe de (",008. 


96 CONGRÈS INTERNATIONAL DE BOTANIQUE. 


Le mème jour, à quatre heures, la marque inférieure du style 
dépasse le périanthe de 0",022. On trace un nouvel indice en ce 
point ; le lendemain, à une heure, ce nouvel indice s’est élevé lui- 
même par rapport au sommet du périanthe de 0",017. 

Ces faits, confirmés par un ensemble d'observations dont il est inu- 
tile de rapporter ici les détails, indiquent que la croissance des éta- 
mines et celle du style ont lieu très-rapidement et principalement de 
bas en haut. 

Après avoir constaté la croissance si rapide des étamines et des 
styles allongés par leurs parties inférieures, nous nous sommes pro- 
posé de rechercher jusqu'à quel point ces organes de Ja fleur sont 
indépendants dans leur évolution. 

Rappelons d'abord ce fait général et bien net, qu'une fleur isolée 
du pied-mère s'épanouit plus lentement, mais suivant le même mode, 
que lorsqu'elle est adhérente à la hampe. Ge sont les sucs dont sont 
gorgés le réceptacle et la base des pièces florales qui fournissent à 
ce développement, comme on en acquiert la certitude en étudiant la 
fleur avant et après son épanouissement, 

Si, dans un bouton, on enlève partiellement, soit une étamine, 
soit une partie du style ou du stigmate, la croissance continue dans 
les parties restantes comme si elles eussent été intactes. 

Les expériences suivantes mettent en évidence ces résultats. 

1° Le 23 juin, à cinq heures du soir, on enlève sur une fleur en 
bouton isolée, non épanouie, les anthères qui surmontent les filets. 

Malgré cette ablation, on constate le lendemain à huit heures, la 
croissance des filets mutilés ; ils dépassent les enveloppes de 0",050, 
le style les dépasse de 0",005. 

A deux heures, le style à atteint 0",012, les filets des étamines 
mutilées continuent leur élongation comme s'ils eussent été intacts ; 
il en est de même le 24 et le 25 à quatre heures et demie : à ce mo- 
ment, le style dont la puissance d’accroissement semble augmentée 
par l’ablation des anthères, atteint 0",058. 

Sur une autre fleur on pratique, le 23, à cinq heures, l’ablation du 
stigmate sans toucher aux étamines ; on voit continuer, malgré cette 
ablation, l’évolution des étamines et même celle du style. 

Le 25, à huit heures, les filets se sont allongés et les anthères 
ouvertes ; le style dépasse le périanthe de 0",014; dans la journée 
du lendemain il mesure 0,030 ; l'accroissement est continu jus- 
qu'au 27. 


FAIVRE. — FLORAISON D'UN AGAVE. 97 


Sur une autre fleur, un filet staminal encore dans le bouton est 
coupé en deux parties, dont l'une portant l’anthère non ouverte ; ce 
fragment, mis dans l’eau, continue à s’accroître et la déhiscence de 
l'anthère se produit; le fragment du filet resté adhérent dans la fleur 
s'allonge également. 

Pour nous mettre à l'abri d'erreurs, en partant, pour mesurer 
l'élongation, du sommet du périanthe, nous nous sommes assuré que 
les parties de cette enveloppe florale conservent une hauteur con- 
stante pendant la durée de observation. 

Ainsi il y a indépendance dans l’évolution des parties florales par 
rapport à l’ensemble de la fleur, comme il y a indépendance de l’évo- 
lution de la fleur elle-même par rapport à la hampe. 

C’est un nouvel exemple de l’individualisation et de l'indépendance 
du rôle des parties dans l’ensemble, ce fait capital que les physiolo- 
gistes ont mus en évidence jusque chez les organismes les plus 
perfectionnés. | 

Un dernier résultat de nos études consiste dans la détermination 
du mode de fécondation ; celle-ci ne serait pas directe chez l’Agave, 
mais croisée, comme il arrive si souvent chez les plantes herma- 
phrodites (1). 

Voici les faits qui autorisent cette manière de voir. lis résultent 
d'observations effectuées non-seulement sur l'Agave lurida, mais 
sur un Agave d'un autre groupe, le Bonapartea junceu. 

D'abord l'inflorescence composée favorise, chez l'Agave comme 
chez beaucoup d'autres plantes, la dissémination du pollen sur les 
différentes fleurs d’un même pied. 

En second lieu, dans les nombreuses fleurs isolées dont nous 
avons suivi l'épanouissement, nous n'avons jamais vu que le stigmate 
ait reçu le pollen des anthères; les étamines s’allongent les pre- 
mières, se déjettent du côté extérieur des enveloppes florales, et leur 
déhiscence à lieu avant que le style et le stigmate soient préparés. 

Si l'on observe enfin comment les choses se passent à l’état 
normal sur la hampe elle-même, on constate que l’épanouisse- 
ment marche de bas en haut et que les fleurs d’un étage sont 
toujours en avance sur celles de l'étage supérieur ; l'évolution a lieu 
de telle sorte qu'il y ait coïncidence, au point de vue de la féconda- 


(1) Voyez notre travail spécial Sur les croisements entre individus de méme espèce 
dans le règne vegélal, publie dans le Recueil des travaux du Congrès médical de 
France. Session de Lyon, 4 vol, Paris, 4.-B. Bailhiére et fils, 1865, 


. CONGRÈS BOT, 7 


98 CONGRÈS INTERNATIONAL DE BOTANIQUE. 


tion, entre les stigmates des fleurs inférieures et les étamines des 
supérieures. 

En effet, celles-ci, développées avant le style de leurs propres 
fleurs, s'incurvent au dehors et émettent leur pollen précisément 
au moment où le style des fleurs placées au-dessous a terminé son 
élongation, où leur stigmate est préparé. On reconnaît cette prépa- 
ration du stigmate, non-seulement à la production visqueuse de ses 
papilles, mais à l'écartement des lobes qui le composent. 

Or ces phénomènes physiologiques s’accomplissent dans la fleur 
au moment propice, non pour qu’elle reçoive son propre pollen, mais 
pour qu’elle devienne féconde par le pollen des fleurs supérieures ; 
c'est dans ces conditions et en observant ces croisements qu’on 
réalise avec succès les fécondations artificielles. | 

L'examen des photographies qui accompagnent ce travail vous 
montrera, messieurs, comment l’évolution des étamines précède 
celle du stigmate, et la tendance qu’ont les étamines, surtout à l’obs- 
curité, à s'incurver en s’écartant du stigmate. 

L’A gave qui fait le sujet de cette étude, vient de donner lieu, une 
année après sa floraison, à une curieuse manifestation physiologi- 
que. Les capsules ont produit des graines fécondes, et la hampe s’est 
maintenue bien vivante; sur les branches courtes qui en partent 
et qui portaient l'été précédent des fleurs abondantes, se sont déve- 
loppées d’autres productions destinées à la multiplication du végétal. 
Ces productions sont des bourgeons mobiles ou bulbilles, dont on 
n'a point, que nous sachions, signalé l'existence chez l'espèce dont 
il s'agit, et surtout après sa floraison. Il a suffi d'imprimer des 
secousses à la hampe pour détacher aisément ces bulbilles, qui ont 
été employés avec succès à la multiplication de la plante. 

L'examen de plusieurs de ces bulbilles nous a révélé un fait inté- 
ressant : il s’agit de la transformation florale plus ou moins complète 
des feuilles intérieures de ces bourgeons ; tantôt les pièces du pé- 
rianthe y sont seules apparentes, tantôt la fleur est entièrement con- 
stituée. Ces anomalies ne laissent guère de doute sur les rapports 
étroits qui unissent, au point de vue morphologique et physiolo- 
gique, le bourgeon, le bulbille et la fleur. 


M. H. Vilmorin insiste sur la différence que M. Favre a re- 
marquée entre le développement diurne et le développement 
nocturne des Agave. H rappelle que Lindley, il y à une vingtaine 


SCHULTZ-SCHULTZENSTEIN. — CYCLOSE. : 99 


d'années, à fait sur quelques végétaux des expériences analo- 
gues, dans lesquelles cet observateur partageait en quatre frac- 
tions la durée du jour; il avait vu ses plantes attemdre leur 
maximum de croissance dans des fractions très-diverses de la 
Journée. 


M. de Schœnefeld rend compte de l’herborisation faite, le 
18 août, dans la forêt de Fontainebleau, sous sa direction. 


Cette course, dit-1l, ne mérite pas un rapport spécial, parce que 
vu l’époque un peu tardive de l’année, elle ne pouvait guère que 
reproduire celle que la Société botanique de France a faite dans la 
forêt, le 12 août 1855, et qui a été de ma part l’objet d’un rapport 
détaillé inséré au Bulletin de la Société, t. I, p. 592. Le seul fait 
intéressant que nous ayons relevé dans notre rapide excursion, c’est 
que le Goodyera repens a sensiblement diminué sous les pins du 
mail Henry IV. 


M. Schultz-Schulizenstein, vice-président du Congrès, fait 
une communication orale sur la nutrition des plantes, et expose 
principalement que la formation de gaz a lieu beaucoup plus 
abondamment sur les feuilles immergées dans l’eau, quand on 
ajoute au liquide une substance acide, notamment du bitartrate 
de potasse. M. Schultz-Schultzensteim revient en outre sur la 
théorie de la cyclose, dont il est l’auteur, et qu'il a exposée 
dans un mémoire sur les laticifères, qui lui a fait décerner par 
l’Académie des sciences de Paris le grand prix des sciences 
physiques en 1838. Il s'applique à réfuter les objections qui 
ont été faites à cette théorie par divers observateurs modernes, 
et se propose de répéter devant le Congrès, dans un local appro- 
prié aux observations, ses expériences sur la formation des gaz, 
et de montrer au microscope certaines propriétés du latex (1). 

M, le Président répond que le bureau s’occupera de chercher 
le local nécessaire aux expériences de M. Schultz-Schultzenstein. 


(1) Le manuscrit de ces deux communications n'a pas élé laissé au Congrès par 
M. Schultz-Schulizenstein. 


100 CONGRES INTERNATIONAL DE BOTANIQUE. 


M. Schultz-Schultzensteim dépose en outre sur le bureau le 
mémoire suivant : 


DE LA DIFFÉRENCE QUI EXISTE ENTRE 
LA THÉORIE DE L'ANAPHYTOSE DES PLANTES 
ET 
LA THÉORIE DE LA MÉTAMORPHOSE, 
Par M. SCHULTZ-SCHULTZENSTENN, professeur à l'Université de Berlin. 


LE, — Essais antéricurs faits pour trouver dans les parties constitutives 
des plantes l'élément essentiel de ieur formation, 


Avant d'aborder le sujet principal de ce mémoire, l'étude de l'ar- 
ticle végétal (anaphyton), qui est l'élément morphologique essentiel 
des végétaux, je dois rappeler les essais antérieurs que l'on a faits 
pour déterminer cet élément par d’autres méthodes, On à compris 
de tout temps que ce principe général et nécessaire, sans lequel le 
végétal ne pourrait pas exister, doit en régler l’évolution successive 
et par conséquent servir aussi bien à en expliquer philosophiquement 
les diverses formes qu'à en classer systématiquement les diverses 
espèces. De là sont nées les tentatives faites, dès les premiers temps 
de la science, pour découvrir la nature de ce principe. Jusqu'à 
présent tous les essais qui ont eu lieu dans cette voie se sont bornés 
à chercher dans les plantes une partie extérieure qui contint ce 
principe et concourût à la formation des autres parties. C’est ainsi 
qu'on a regardé successivement comme l'élément essentiel du vé- 
gétal la semence, l'embryon, la feuille. L'opinion d’Aristote, qui 
attribue ce caractère à la semence, dans laquelle, ditl, réside l'âme 
de la plante, fut adoptée implicitement par Césalpin, puis par Ray 
et par Jussieu, qui en déduisirent que la graine doit fournir les 
moyens pratiques d’une bonne classification. Il est vrai que ce fut 
sans en prouver d'abord scientifiquement la vérité, ce qui du reste 
n’était guère possible, car l'embryon, abstraction faite de ce qu'il ne 
se produit pas dans toutes les plantes de la même manière, et de ce 
qu'il est construit tout différemment dans les classes diverses, ne 
peut pas être l'élément général de l’organisation végétale. En effet, 
il n’est pas lui-même un élément simple; il représente plutôt, 
quoiqu’en miniature, une plante entière munie de sa racine et de 
ses feuilles ; il consiste en plusieurs parties, à propos desquelles on 
doit rechercher de nouveau quelle est de chacune d'elles la partie 


SCHULTZ-SCHULTZENSTEIN. — ANAPHYTOSE. 401 


essentielle. D'ailleurs, si les classes des Acotylédonées, des Monoco- 
tylédonées et des Dicotylédonées ont été déterminées par Jussieu 
d’après la forme de l'embryon, ce fut d’abord sur l'ensemble de leur 
structure qu'elles furent établies, plutôt que sur celle de l'embryon, 
qui ne servit guère qu’à les nommer : c'est pour cela que souvent 
les embryons qui appartiennent à une même classe diffèrent tant les 
uns des autres. 

Plus tard se produisit la théorie des métamorphoses dont les au- 
teurs touchèrent souvent au sujet qui nous occupe. Le but de tous 
les naturalistes qui ont enseigné cette théorie, depuis Linné jusqu’à 
Gæthe, était d'expliquer la génération des fleurs et des autres parties 
de la plante. C’est ainsi que d’après Linné et Swammerdam la plante 
serait la larve de la fleur. On a dit d’après cela que la fleur est 
une plante métamorphosée, et l’étamine un pétale transformé. 
Gæthe a retourné cette comparaison en soutenant que la plante est 
une fleur transformée ; Linné voyait dans la formation de la fleur un 
développement par anticipation (prolepsis), qui réunissait dans le 
même ensemble plusieurs bourgeons de l'année invaginés les uns 
dans les autres par le raccourcissement de l'axe. A cela Gæthe ré- 
pondait que l’évolution des verticilles floraux est simultanée, tandis 
que celle des bourgeons est successive. Mais quoique Gæthe blämât 
la théorie de la prolepsis, il l’a cependant admise et conservée en 
principe, puisque sa théorie de l’évolution simultanée et successive 
ne dit pas autre chose, en fait, que l’expression dont s’est servi 
Linné. 

D'après la théorie de la prolepsis, les jeunes pousses, formées de 
tige et de feuilles, sont l'élément morphologique qui doit constituer 
la fleur ; d'après la théorie des métamorphoses, ce sont les feuilles 
seules qu'il faut considérer comme l’élément morphologique essen- 
tiel, comme la plante primitive, ainsi que l'appelle Gæthe. Celui-ci 
s'en est même rapporté, dans ses écrits ultérieurs, à G.-F. Wolff, 
qui considère les feuilles comme des couches de la tige se résolvant 
en appendices ; d’après cela, feuille et tige formeraient un tout orga- 
nique. Meyer, de Kænigsberg, pensait que l’idée de Wolff n’est que 
le complément de celle de Gœæthe, et plusieurs autres l’ont admis 
comme Meyer (1), mais, en réalité, l’idée de Wolff est inconciliable 

(1) Voy. Alfred Kirchhoff, Die Idee der Pflanzen-Metamorphose bei Wolff und Gœthe ; 
Berlin, 1867, M. Kirchhoff a avancé que l’idée de la métamorphose se trouvait déjà chez 


Wolf, et d'autre part, que Gœthe avait déjà exprimé l'idée de l'anaphylose, Ces deux 
affirmations sont dénuées de tout fondement, 


102 CONGRÈS INTERNATIONAL DE BOTANIQUE. 


avec celle de la métamorphose des feuilles, puisque selon lui c'est la 
tige et non la feuille qui serait le véritable élément-type de la plante, 
et que la métamorphose s’opérerait aux dépens de la tige et non de la 
feuille ; d’ailleurs il ne paraît chez lui ni l'expression ni l’idée d’un 
tel phénomène, car il ne discute que la théorie de l’épigenèse, et il 
me semble tout à fait erroné qu’on cherche chez lui, comme le fait 
M. Kirchhoff, la première conception de la métamorphose des feuilles. 

Au point de vue historique, c'est encore une grave erreur que 
d'attribuer à C.-F. Wolff l'hypothèse qui considère les feuilles 
comme des appendices ou des prolongements de la tige. Cette hypo- 
thèse est beaucoup plus ancienne et appartient à Malpighi, qui 
l'a motivée très-scientifiquement et l’a appuyée de faits probants, 
sans s'occuper aucunement de l’idée de la métamorphose, et, plus 
de cent ans avant les travaux de Wollf, Malpighi (1) déduit, comme 
résultat définitif de ses recherches microscopiques, la conséquence 
suivante : « [la enim omnia quæ in trunco seu caule, principe vege- 
» tantium parte, colliguntur et quasi compendio coercentur, ulte- 
» riore productione in extremis et junioribus partibus solutæ, in 
» folia exeruntur, {a ut elongati et laciniati trunci appendices 
» videantur.» Malpighi trouve les motifs principaux de cette hypo- 
thèse dans ses observations, selon lesquelles les faisceaux de vais- 
seaux où les nervures des feuilles ont leur origine dans le corps 
ligneux de la tige. On ne trouve pas plus chez Malpighi que chez 
Wolff l’idée de la métamorphose des feuilles ; et c’est montrer une 
entière ignorance des travaux du premier, et se méprendre com- 
plétement sur les travaux du second, que de vouloir trouver en lui 
le précurseur de Gœæthe. La théorie du philosophe de Weimar 
est plutôt sortie de la métamorphose des insectes qu’enseignait 
Swammerdam, ou de la prolepsis de Linné. 

C’est une erreur non moins grande que d'attribuer à Gæthe l’idée 
de l’anaphytose. La théorie de l’anaphytose et celle de la métamor- 
phose sont très-différentes, comme le prouvera l'exposition que nous 
allons faire des principes de l’anaphytose. En produisant sa théorie, 
Gœthe n’a fait qu'élever la feuille au caractère de principe général 
créateur de la plante. Selon lui, la nature doit se servir de la feuille, 
type végétal originel, comme d’une partie simple, toujours présente, 
pour produire en la métamorphosant tous les autres organes. 11 


_ 


(1) Anatome plantarum, De foliis, in Opera omnia. Lond., 1686, in-fol., p. 38. 


SCHULTZ-SCHULTZENSTEIN, — ANAPHYTOSE. 103 


attribue à la feuille l'importance de l'embryon, et même une impor- 
tance supérieure, puisque l'embryon est constitué par des feuilles. 
Telle est, en substance, la théorie de la métamorphose. Malgré l’ex- 
tension considérable qu’elle à prise, elle tient cependant à des suppo- 
sitions erronées, et ne se soutient pas devant des objections morpho- 
logiques ettaxonomiques, dont les plus importantes sont les suivantes: 

4° Si la feuille était la forme-type, de laquelle dussent sortir 
toutes les plantes et les parties des plantes, il n°y aurait ni plante ni 
partie de plante qui ne provint d’une feuille. Au contraire, nous 
voyons plusieurs parties de plantes, comme les racines, et beaucoup 
de plantes, comme les Champignons, les Conferves, se développer 
sans qu’il y ait eu formation antérieure de feuille. Il existe même 
des plantes complétement dépourvues de feuilles qui, néanmoins, 
portent des fleurs et des fruits; d’autres, comme les Mousses, les 
Fougères, émettent d’abord des axes qui, plus tard, se garnissent de 
feuillage. De tout cela, il ressort que les feuilles ne sont pas une 
partie commune et nécessaire d’où dépendent la vie et la forma- 
tion des plantes. 

2° Avant que l’on voulût expliquer par la feuille toutes les autres 
parties de la plante, il fallait expliquer la nature ou la formation de 
là feuille elle-même, et en faire comprendre le développement. La 
théorie de Gæthe prétend tout nous expliquer à l’aide d’un élément 
qui n’est lui-même ni expliqué, ni déterminé, et dont l’explication 
est précisément la grande énigme de la botanique. 

83° Dans cette théorie, la feuille demeure à l’état de conception 
abstraite, d’élément mécanique ; la métamorphose de la feuille ne 
peut donc être qu'une transformation mécanique, abstraite, mathé- 
matique pour ainsi dire ; explication de l’évolution végétale se ré- 
duit à des formules vides. Or ce prétendu élément simple est en 
réalité un objet très-complexe, dont la complexité dérive de l’appli- 
cation de deux lois, l’articulation et la ramification. 

l° En réduisant à la feuille les différentes parties du végétal, on 
les identifie dans ce qu'elles ont d’essentiel, ce qui contredit com- 
plétement la variété de leurs fonctions. Cette observation s'applique 
surtout à la floraison et à la formation sexuelle de l'embryon. On 
sait combien les fleurs et les fruits peuvent varier, surtout dans les 
plantes cultivées, sans qu'il y ait de-variations correspondantes 
dans les feuilles. La formation des hybrides témoigne aussi contre 
la préponcérance attribuée à la feuille. 


104 CONGRÈS INTERNATIONAL DE BOTANIQUE. 


5° Les vraies feuilles ont sur la même plante une contexture si 
différente de celle des fleurs et des fruits, que ceux-ci ne peuvent 
pas être une simple transformation des premières. | 
. 6° Siles feuilles étaient vraiment la forme-type de toutes les autres 
parties de la plante, le caractère particulier des feuilles devrait se 
retrouver dans les fleurs et dans les fruits d’une même espèce de 
plantes; il devrait y avoir correspondance ou ressemblance entre 
les fleurs et les fruits d’une plante et ses feuilles ; mais c’est le con- 
traire qui a lieu. 

7° De là ressort que l'hypothèse de la métamorphose est tout à 
fait impropre à caractériser et à classer les plantes. 

L'idée de la métamorphose des feuilles a été modifiée et étendue 
par Turpin et de Candolle ; ils ont établi, outre la feuille, une se- 
conde partie morphologique essentielle, à laquelle ils ont imposé le 
nom d’axe, et l’on a regardé alors toutes les parties de la plante 
comme provenant de feuilles ou appendices rangés autour de l’axe. 
Cela nous amène à rechercher si ces tiges, considérées comme axes, 
sont constamment présentes dans le règne végétal. Or cela n’est 
pas plus vrai des tiges que des feuilles, car : 

1° Les tiges manquent chez beaucoup de plantes, comme chez les 
Ulva, souvent chez les Lichens, entièrement chez les Lemnacées, 
tandis que chez d’autres, comme les Hépatiques, la tige ne se dé- 
veloppe qu'après un thalle foliacé. La tige n’est donc ni constante 
dans son existence, ni liée nécessairement à la feuille. 

2 On ne peut point soutenir que les feuilles doivent être néces- 
sairement portées par des tiges, puisqu'elles peuvent aussi naître 
sur d'autres feuilles (Fucoïdées, Lemnacées) ; comme le font aussi 
les fleurs dans leur totalité ({uscus), ou quelques-uns de leurs élé- 
ments (pétales insérés sur le calice, étamines insérées sur la corolle 
ou sur le périanthe unique). 

3° La notion d'axe est tout aussi peu déterminée que celle d’ap- 
pendice, et n’est tout au plus qu'une abstraction mécanique. Les 
axes ne peuvent pas être le centre constant de la formation des ap- 
pendices, puisqu'ils manquent entièrement à beaucoup de plantes 
et à beaucoup de parties de plantes. 

h° On n’explique pas plus l’origine des axes que celle des appen- 
dices. 

5° Les axes et les appendices ne sont nullement, comme on l'ad- 
met, des parties contraires, ni mécaniquement, ni organiquement ; 


SCHULTZ-SCHULTZENSTEIN. — ANAPHYTOSE. 105 


mais bien plutôt des parties identiques dans l’origine; on le recon- 
naît à ce que souvent les feuilles se changent en véritables rameaux, 
tandis que, d'autre part, des organes morphologiquement cauli- 
naires se résolvent en feuilles parfaites, comme cela est évident pour 
les Fougères, les PAyllocladus, les Ruscus, les Gycadées, etc., dont 
on appelle les feuilles rameaux foliacés. 

On a pensé que le nombre des appendices renferme une loi de 
formation. Cependant il s'en faut que ce nombre concorde avec le 
type des fleurs ou des fruits, pour exprimer le caractère du végétal 
que l'on observe. Si les proportions numériques contenaient la loi 
de formation des plantes, le type de la plante entière pourrait être 
rendu par une formule. Il n'en est point ainsi. Nous voyons au con- 
traire les nombres des éléments floraux varier dans le mème type 
de fleurs, par exemple, chez les Rheum, les Paris; et d'autre part 
les types les plus différents admettre dans leurs fleurs les mêmes 
proportions numériques : on en trouve un exemple dans les Liliacées 
et les Berbéridées. Le système numérique de Linné, en désaccord 
avec les affinités naturelles, a prouvé surabondamment combien les 
types sont indépendants des nombres. Qui pourrait déterminer le 
type des Amentacées, des Gupulifères, des Gycadées, etc., d'après 
des proportions numériques ? 


1H. — La ramification, caractère morphologique des plantes. 


Si l’on n'a pu jusqu'ici réussir à trouver dans une partie exté- 
rieure des plantes l'élément universel de leur formation, c’est parce 
qu'aucun de leurs organes ne se reproduit constamment chez 
tous les individus du grand règne végétal. Il faut chercher cet élé- 
ment ailleurs, et ce ne peut être que dans les lois de la formation 
organique. Quels que soient les organes, et quelque nombreux qu'ils 
soient, depuis la racine jusqu'au fruit, ils doivent porter en eux le 
caractère que leur impriment ces lois, qui est le caractère morpho- 
logique fondamental du végétal. Nous considérons la ramification 
comme le véritable principe morphologique essentiel de la plante ; 
elle se reconnaît dans tous ses organes; c’est le fondement de toute 
formation végétale ; et l'aspect général de la plante n’est qu'une 
expression tangible de la loi abstraite de la ramification. Il n’y a 
aucune plante qui ne soit ramifiée dans toutes ses parties, ou qui 
ne puisse se ramifier. 

Dans les théories qui ont régné jusqu'aujourd'hui, on ne consi- 


106 CONGRÈS INTERNATIONAL DE BOTANIQUE. 


dère cependant pas la ramification comme un caractère général, 
mais comme une fonction spéciale de certaines parties de la plante, 
les tiges ou axes; on ne l'attribue pas aux autres parties de la 
plante, feuilles, fleurs ou fruits. Aux tiges seules on reconnaît la 
faculté d'émettre, et par formation axillaire, des bourgeons qui 
s'allongent en rameaux doués des mêmes facultés. Tout cela est 
trop restreint et ne convient qu'aux tiges qui possèdent des feuilles. 
Les tiges aphylles, comme celles de certaines Chénopodées, pous- 
sent des rameaux et bourgeonnent sans feuilles ni boutons. Il en 
est de même des plantes chez lesquelles la ramification se produit 
au-dessous des feuilles, c’est-à-dire des Équisétacées et surtout des 
Fougères. Si l’on veut, avec Mettenius, contester chez ces dernières 
la généralité de ce fait, on devra tout au moins en reconnaître 
l'existence. Non-seulement les tiges des Fougères produisent, sans 
la formation préalable de boutons, des pousses situées en dehors 
de l’aisselle des feuilles, mais encore le même fait s’observe dans les 
variétés dites prolifères, sur le; nervures de leurs feuilles, comme 
sur celles des Bryophyllum, des Begonia, des Cardamine, et de 
tant d’autres végétaux. Il n’y a là ni aisselle ni bouton. Et veut-on 
d’ailleurs considérer la racine ? Y a-t-il chez elle feuille ou bouton, 
et n’y a-t-il pas ramification ? Et ce qui est vrai de la ramification 
des racines ne l’est-il pas de celle des Chara, des Gonferves, des 
Champignons ? Ghez tous ces végétaux vous trouverez des rejetons, 
mais jamais de feuille. 

On voit parfaitement, par ces exemples, que la notion de ra- 
meaux, considérés comme issus d’un bourgeon, et telle qu’elle a 
cours dans la science, ne convient point à l’universalité des cas, et 
que ce que l’on appelle bourgeon n’est qu'un mode particulier de 
la formation raméale. Il importe donc de rendre la notion générale 
de rameau et de ramification complétement indépendante de l'exis- 
tence des boutons et des feuilles. La formation des rameaux est 
aussi indépendante de celle des feuilles que la formation des feuilles 
l’est chez les Lemnacées de celle des figes. 

Lorsqu'on aura abandonné cette manière étroite de concevoir le 
rameau où la ramification, on pourra facilement se convaincre de la 
généralité que présente cette fonction chez toutes les plantes et dans 
toutes les parties des plantes, dans chacune desquelles on doit natu- 
rellement en retrouver le caractère. Aucune sorte de ramification 
ne peut servir de type à la notion générale de la fonction. C'est 


SCHULTZ-SCHULTZENSTEIN. — ANAPHYTOSE. 107 


celle de la tige, répandue à profusion, qui a fait la plus vive im- 
pression sur tous ; aussi a-t-elle été considérée depuis des siècles 
comme le type de la fonction, même par les botanistes morpholo- 
gistes qui en ont négligé les autres aspects. Cependant elle se ren- 
contre, j'espère le prouver péremptoirement, chez tous les organes ; 
il n’en existe aucun qui n’en porte l'empreinte. C'est surtout pour 
la feuille que nous devons le démontrer. 

Si l'indépendance de structure de la feuille a été méconnue, et si 
l'examen en a été négligé, c’est parce qu’on la considérait, avec les 
partisans de la métamorphose, comme un appendice de l’axe, pen- 
sant que ses vaisseaux ne faisaient que continuer ceux de l'axe. 
Cependant on aurait dû reconnaître la formation indépendante des 
feuilles chez les végétaux où il n’existe pas de tige, les Fucoïdées, les 
Lichens, les Lemnacées. En réalité, les feuilles sont, dans l’ensemble 
de la vie végétale, supérieures à la tige : elles sont, placées sur elle, 
et se forment sans elle ; et quand la tige existe, elles forment sur 
elle des systèmes particuliers, indépendants, constituant, pour ainsi 
dire, dans l'échelle végétale, un étage supérieur à l'étage des tiges, * 
l'étage des feuilles. 

Les rameaux qui prouvent l'existence de la ramification dans les 
feuilles sont les nervures qui se produisent, comme les mérithalles 
successifs des racines, par simple anaphytose, c'est-à-dire par simple 
superposition d'articles, sans bouton ni aisselle de feuille. L'identité 
de nature de ces deux formations se reconnaît surtout à ce fait que 
les feuilles submergées de la Renoncule d’eau acquièrent du chevelu, 
bien que les ramuscules qui le portent alors ne soient que les ner- 
vures divisées des feuilles. 

Les pétioles sont les troncs dont la ramification fournit les ner- 
vures des feuilles, comme celle des troncs fournit les branches. C’est 
à cause de cela que les pétioles ont en général la structure de la tige ; 
ce sont soit des tiges complètes, soit des tiges incomplètes, comme 
divisées par moitié, chaque moitié ayant son analogue du côté 
opposé. Dans les feuilles à type termocladique (Lupinus, Malvacées, 
Hippocastanées, Araliacées), les pétioles présentent des couches 
concentriques comme les tiges des plantes ; quand les pétioles ne 
forment qu'une demi-circonférence, ils n’offrent qu’une des moitiés 
de la structure précédente. Dans les feuilles ramifiées des Ombelli- 
fères, des Légumineuses, des Fougères, les nervures médianes des 


108 CONGRÈS INTERNATIONAL DE BOTANIQUE. 


feuilles se constituent en pétioles principaux, et les nervures latérales 
en ramuscules latéraux. 

Dans certains cas, la disposition des feuilles sur la tige se répète 
dans les lobes des feuilles, par exemple, chez certaines Araliacées 
(Sciadophyllum, Actinophyllun) et Légumineuses (Lupinus), de 
sorte qu'alors une feuille munie de ses lobes reproduit une plante 
munie de ses feuilles. On voit mème se former, au point où le 
pétiole finit et où commence la feuille, des prolongements (liguleæ) 
analogues à ceux qui existaient parfois aux nœuds de ramification 
des pétioles, c'est-à-dire à la base des pinnules des feuilles com- 
posées (s{ipulæ foliolorum). Partout se renouvelle, des tiges jus- 
qu'aux extrémités des feuilles, la même application de la loi de 
ramification, à tous les étages de l'échelle organisée que représente 
le végétal, 

Il semble, d’après tout cela, que l’on ne puisse douter que les 
feuilles ne présentent, aussi bien que les tiges des plantes, un système 
iudépendant de ramification, et que, par conséquent, elles ne doi- 
vent nullement être considérées comme des appendices dépendant 
de la tige. L'antithèse mécanique d’axe et d’appendice se retrouve 
même dans les rantifications des feuilles, puisque dans les feuilles 
ramifiées (pinnées), les pétioles représentent les axes, et les folioles, 
par contre, les appendices. 

On voit que les conceptions d’axe et d’appendice, telles qu'elles 
sont admises, conduisent à des distinctions artificielles et contraires 
à la nature. Ces notions paraissent encore plus en contradiction avec 
la nature quand on considère les rameaux latéraux, qui conservent 
ou perdent le caractère d’axe selon qu'ils portent ou non des feuilles: 
chez les Conferves, les Champignons, certaines Chénopodées, ils 
retombent au rang d'appendice. Les axes et les appendices pourraient 
donc, suivant l’ancienne théorie, être des parties identiques. 

En réalité, dans toute ramification, il ne faut considérer que le 
rapport de tronc à branche, rapport qui se réalise d’une manière 
particulière dans chaque système de ramification. Il en existe, 
comme on sait, trois différents : le système archicladique (croissance 
pyramidale), le système AÆypocladique (croissance sarmenteuse et 
par bifurcations), et le système fermocladique (croissance en ombelle 
ou en éventail) (1); et seule, l'étude du genre de système peut 


(4) Voyez mes ouvrages intitulés: Neues System der Morphologie der Pflanizen, 
Berlin, 1867; et Die Anaphytosis oder Verjuengung der Pflansen, Berlin, 1843. 


SCHULTZ-SCHULTZENSTEIN. — ANAPHYTOSE. 109 


conduire à une vue exacte de la nature de la ramification que l’on 
envisage. 

Quand on aura bien compris que les feuilles présentent des sys- 
tèmes particuliers de ramification, aussi bien que les tiges, tous 
ceux qui considèrent les bractées, le calice, les pétales, les étami- 
nes, l'ovaire et les graines comme nés de feuilles métamorphosées 
et qui les expliquent ainsi, conviendront sans plus tarder que cha- 
cun de ces organes contient aussi bien que les feuilles son système 
de ramification, et que par conséquent c’est la ramification qui est 
le principe essentiel de leur constitution, et non pas la nature ap- 
pendiculaire de la feuille ; enfin que pour expliquer l’origine de ces 
diverses parties, il ne faut pas d’abord redescendre aux feuilles, 
puisque celles-ci n'existent elles-mêmes qu’en vertu de leur propre 
ramification, mais se prendre directement au système particulier de 
ramification des organes que l’on considère. Aussi bien ne nous éten- 
drons-nous pas davantage à considérer cet acte organique dans les 
parties diverses des fleurs et des fruits. S'il est une fois démontré 
que les nervures des feuilles sont de véritables rameaux qui se for- 
ment par la ramification des pétioles caulinaires, il va de soi que 
les nervures du calice et des pétales, aussi bien que celles des fruits, 
ont tout à fait la même signification, que toutes ces parties portent 
en elles le caractère général de la ramification, et qu'un squelette 
de fruit témoigne de la ramification qui le constitue aussi bien que 
le squelette de la feuille. Nous avons donc à considérer les fleurs 
et les fruits, aussi bien que les racines, les tiges et les feuilles, 
seulement comme des systèmes de ramification, et à en expliquer 
ainsi la formation. 


EII.—Les Anaphyta (articles) considérés comme éléments morpholo- 
giques de la formation de la plante (Fhytodomie), et de la conception 
organique de la ramification. 


Les rameaux étant composés d'articles successifs, placés bout à 
bout, les articles (anaphyta) sont les éléments morphologiques de 
la ramification (anaphytosis), et par conséquent, de l'aspect exté- 
rieur des plantes. En effet, ce n’est pas par expansion, mais par 
l’adjonction de nouveaux articles à leur extrémité, que se fait l'évo- 
lution des rameaux. Quand il existe des nœuds sur les tiges, les 
articles y sont nettement définis ; ils le sont moins chez beaucoup 
d'arbres, dont la tige cependant s’augmente chaque année par la 


410 CONGRÈS INTERNATIONAL DE BOTANIQUE. 


formation d'un ou de plusieurs imnérithalles qui sont autant de nou- 
veaux articles. Les articles ne manquent pas non plus dans les au- 
tres parties de la plante, la feuille ou la racine, La séparation qui 
s'effectue d'elle-même à certaines périodes, suivie de la chute des 
parties terminales, feuilles, fleurs, fruits ou racines, prouve claire- 
ment l'existence d'articles isolés organiquement les uns des autres. 
Dans les feuilles ramifiées des Légumineuses, des Ombellifères 
(Athamanta, Oreoselinum), l'articulation est aussi fortement mar- 
quée par des nœuds que dans les tiges ; mais les feuilles simples 
offrent elles-mêmes (Cratæqgus Oxyacantha) des articles formés 
par les nervures. Il en est de même chez les Arthrophyllum, les 
Citrus, etc. 

Ces articulations existent à tous les étages du végétal, aux points 
de séparation des organes de divers ordres, entre les racines et le 
tronc au niveau du collet, entre le rhizome et la tige annuelle qui 
en sort (/ris, Convallaria), entre les racines et les bulbes, entre la 
tige et le pétiole, entre le pétiole et la feuille, entre les pédoncules 
et les fleurs ou les fruits, entre le réceptacle floral et les organes 
qui en naissent, entre le placenta et les semences. 

Les nœuds qui témoignent la place d’une articulation, et qu’on 
connaît surtout sur la tige, sont exprimés dans le fruit par les su- 
tures des carpelles. La signification des nœuds a été obscurcie par 
l'assimilation des nœuds des plantes aux jointures des animaux, 
assimilation amenée surtout par M. Du Mortier; c'est à cause de 
cette interprétation erronée que de Gandolle dut déterminer l’arti- 
culation comme caractérisée par la cessation naturelle de l’adhé- 
rence organique, et par la spontanéité de la séparation des parties 
voisines. D’après cette théorie, les parties qui ne se séparaient pas 
ainsi n'avaient ni articulation ni nœud. Il est facile de reconnaître 
combien cette opinion est fausse : les étamines, les pétales et les 
sépales ne sont pas caduques dans toutes les plantes, mais souvent 
persistants bien qu'ils soient articulés sur le réceptacle ; les feuilles, 
qui sont partout unies à la tige par des nœuds, restent souvent fixées 
à cette tige après la mort de l’ensemble ; le pétiole mème ne s’en 
détache pas toujours, bien que la nature de larticulation soit la 
même chez lui, qu'il s'en sépare ou non ; les sutures transversales ou 
longitudinales qui unissent les différentes parties du fruit ne se divi- 
sent pas toujours à la maturité (noix, baies, légumes de beaucoup 
de Mimosa, Enarthrocarpus, eic.). 1 ne faut donc pas croire que 


SCHULTZ-SCHULTZENSTEIN. —— ANAPHYTOSE. 411 


la chute soit le signe unique et certain de l'articulation ; il se peut 
qu'il y ait articulation sans séparation nécessaire d'articles. 

Lorsqu'il se fait une séparation, elle se produit par la destruction 
des articulations de vaisseaux et de cellules dans les nœuds ; telle est 
la raison pour laquelle les parties se détachent les unes des autres, 
comme cela arrive partout à la maturité d’une formation organique. 
La chute des couches mortes d’écorces dans la Vigne, la chute des 
feuilles, des fleurs, des fruits, la séparation des articles de la tige 
dans beaucoup de plantes, est due à un seul et même procédé de 
désarticulation, que j'ai désigné sous le nom de diaphytose. M. de 
Mohl (Bot. Zeit., 1860, p. 277) a affirmé récemment que la désar- 
ticulation des tiges et des feuilles n’a pas lieu suivant un procédé 
morphologique, mais suivant un procédé physiologique qui peut se 
produire dans la continuité de tiges ou de pétioles continus 
(Gymnocladus, Gleditschia), parce qu'il se forme une couche de 
séparation entre les parties destinées à se disjoindre. M. de Mohl ne 
dit pas ce qu'il entend ici par physiologique et morphologique, ni 
en quoi les deux procédés doivent se distinguer ; son opinion 
demeure un simple jeu de mots. PAysiologique ne ,peut s’appli- 
quer qu'aux diverses fonctions des organes intérieurs; et l’auteur 
qui ne distingue ni organes ni fonctions, mais qui ramène tout aux 
cellules, ne peut parler de physiologie ; morphologique s'applique, 
dans notre opinion, à la formation extérieure, à l’anaphytose, et à 
celle-là appartient au premier rang l'articulation. L'erreur de M. de 
Mohl consiste en ce qu’il regarde comme simples ou continus les 
tiges-axes et les pétioles qui ne sont point simples, mais composés 
d'articles, Ge qu’il appelle couche de séparation n’est autre chose 
que la couche d'organes morts situés au niveau des plaies qui se 
forment pendant la désarticulation. Gette couche n’est pas plus né- 
cessaire pour la séparation d’une feuille, d’une fleur ou d’un fruit 
qui tombe, qu’elle ne l’est pour la désarticulation des articles de 
la tige ou pour celle des folioles d'une feuille composée. 

Chaque article ou anaphyton est un individu complet, qui 
contient tous les organes et toutes les fonctions intérieures de la 
plante. Il peut, par lui-même, vivre, germer, former de nouvelles 
pousses ou fournir une marcotte de la plante. Chaque fragment 
de racine ou de feuille, ne contenant que des nervures, peut 
former des boutons. La désarticulation des anaphyta est donc 
un procédé d’individualisation, par lequel les articles deviennent 
indépendants. 


112 CONGRÈS INTERNATIONAL DE BOTANIQUE. 


L'arüculation est le fondement de la ramification ; les rameaux 
sont des séries d'articles qui croissent sur un tronc formé lui-même 
de semblables séries d'articles plus âgés. La formation d'articles est 
la condition de la ramification ; il y a, entre ces deux actes morpho- 
logiques, une connexion naturelle et nécessaire. C’est en cette 
connexion que qît la conception organique ou la signification de la 
ramification dans le règne végétal ; d'après elle, la ramification est 
un procédé organique de génération. Selon l'opinion générale, on a 
considéré la ramification comme un partage, une division mécanique 
des formations axiles préexistantes; et, de nouveau, on a fondé là- 
dessus la théorie des adhérences (adhérence des étamines avec la 
corolle, etc.). Abstraction faite de ce que cette opinion ne se fonde 
que sur la ramification de la tige, et qu'elle laisse, par conséquent, 
hors de considération le caractère général de la ramification dans 
toutes les parties de la plante, elle est fausse par cela même, que la 
ramification consiste en un accroissement dû à nouveaux rangs 
d'articles, qui se produisent sur de plus anciens articles formant 
leur tronc; de sorte que les nouvelles parties ne peuvent pas être 
une division des parties préexistantes, qui demeurent au contraire 
en arrière des plus jeunes. 

La pousse durcie de l’année précédente donne au printemps une : 
nouvelle pousse ; pour cela elle devient tronc, de sorte que les nou- 
velles pousses ne représentent que les rameaux qui ne pourraient cer- 
tainement pas naître par une division du tronc plus âgé. Il n’est pas 
plus logique de croire qu'une étamine insérée sur un pétale soit 
née d’une division du pétale et puisse former avec lui une adhé- 
rence, puisque l'étamine est une nouvelle pousse, émanant par 
anaphytose du pétale sur lequel elle s'insère. 

La condition fondamentale de toute ramification est donc que la 
jeune pousse croisse sur l'ancienne comme un rameau, qu'un tronc 
devienne producteur d'un rameau. Les générations organiques d’ar- 
ticles sont donc la partie essentielle de la vie ou les éléments de la 
ramification, et si l’on veut saisir la signification de la ramification, 
il faut retourner à ces éléments qui en déterminent le système. 

Il résulte de ces considérations que l'ensemble du végétal, tronc 
et rameaux, forme un assemblage d'individus plus âgés ou plus jeunes 
liés par leur croissance ; l'arbre représente un tronc en nature, dont 
les plus jeunes membres sont les derniers rameaux. Le rapport du 
tronc au rameau est celui du père à l'enfant, et les notions mécani- 


SCHULTZ-SCHULTZENSTEIN. — ANAPHYTOSE, 413 


ques d’axes et d’appendices ne peuvent être ici de mise. Ge rapport 
se retrouve dans la ramification de tous les étages de la plante, des 
racines, de la tige, des feuilles, des fleurs et des fruits. 

La plante s'accroît par ramification; sans la ramification et l’arti- 
culation, qui en est le complément, il n’y a pas de croissance possible ; 
la croissance est nécessairement ramification, et la conception de la 
ramification est identique avec celle de la croissance. La ramification 
exprime donc le caractère général dela plante, ef l’on peut définir la 
plante comme un être qui se ramifie. Là est aussi le caractère qui 
distingue la croissance de la plante de celle de l'animal. La plante 
croît par superposition de nouveaux individus, qui meurent dans 
l'ordre de leur développement; l'animal au contraire comme un 
seul et simple individu, par développement des organes intérieurs, 
développement qui manque toujours à l’anaphyton végétal. La 
plante ne se renouvelle que dans ses parties extérieures ; l'anima 
renouvelle aussi ses organes intérieurs. 

Ajoutez à cela que l'animal possède l'unité centrale de lorgani- 
sation intérieure qui manque aux plantes; aussi s’accroissent-elles 
toujours par l'extérieur dans une direction linéaire, en formant de 
nouvelles pousses par une ramification qui n'est jamais terminée. 
Tandis que la croissance de l'animal est arrêtée, et que sa grandeur 
est déterminée, les plantes entassent toujours, par anaphytose, de 
nouveaux individus les uns sur les autres. 


AV. — Mécessité organique naturelle de l'articulation 
et de Ia ramification. 


La ramification a, pour la plante, deux buts vitaux à remplir: 
elle est, pour elle, à cause de cela, une nécessité de nature. Ges 
buts sont les suivants : 

1° Réunir entre eux, selon les rangs de génération, les anaphyta 
comme individus originels, et 

2° Maintenir cependant séparés les individus distincts. 


1° En premier lieu, se présente la nécessité d’une liaison des ana. 
phyta. Le défaut d’un organe central intérieur a pour conséquence 
une plus grande dépendance des individus-plantes; ceux-ci, par 
suite, peuvent offrir, comme individus, beaucoup moins de résis- 
tance au monde extérieur. Il est donc nécessaire que les individus 


soient réunis en un corps, et forment ainsi une unité organique qui 
CONGRÈS BOT. ë 


A1 CONGRÈS INTERNATIONAL DE BOTANIQUE. 


les rend plus capables de résister au monde extérieur que s'ils 
demeuraient dans un état isolé. L'unité organique est obtenue par 
la ramification, qui compense l'organe central dont les plantes 
manquent, La ramification est le seul moyen d'effectuer cette com- 
pensation et d'établir l'unité organique de la plante. À cause du 
défaut d’un organe central intérieur, les plantes ne sont pas assez 
fortement organisées et individualisées pour pouvoir se défendre à 
l'état d’anaphyta simples et isolés contre les influences extérieures 
auxquelles elles sont exposées ; il leur manque les pieds, sur lesquels 
se tiennent les animaux ; c’est pourquoi les individus doivent se 
porter les uns les autres réciproquement: l’un doit servir de pied à 
à l’autre ; la ramification fournit ce support. Le tronc forme tou- 
jours d'unité dans le système entier de ramification. 

Le tronc ne se présente point comme le centre mathématique des 
feuilles; par conséquent, les notions mécaniques d’axe et d’appen- 
dice ne conviennent pas, le moins du monde, pour définir l'unité 
organique de la ramification. Dans la formation des plantes, ce qu’il 
faut déterminer, ce n’est pas une règle mathématique, mais un but 
vital. On rencontre une unité organique semblable à celle de la tige 
dans les autres étages de la plante, qui forment sur le tronc un sys- 
tème achevé de ramification ; de sorte que l'unité de la formation des 
feuilles existe en elle-même par l'union des nervures avec le pétiole 
ou par celle des folioles avec la nervure principale dans les feuilles 
ramifiées ; de même pour l'unité de ramification des racines, de la 
ramification sans feuilles des Champignons et des Conferves. Dans 
les fleurs et les fruits on voit aussi naître une unité de système 
de ramification, pour laquelle ne conviennent nullement ni la notion 
mécanique d’axes, ni la notion mécanique d'appendices que fournit 
l'hypothèse de la métamorphose. Car 1l y à aussi des systèmes de 
ramification que nous avons appelés paracladiques (croissance sar- 
menteuse par bifurcation), auxquels manquent totalement les axes 
véritables, quoique leurs parties soient disposées circulairement ; 
chez les roses, par exemple, les fruits ne sont pas insérés sur l'axe 
de la fleur, mais sur les parois du calice. L'unité est donc atteinte 
ici sans axes, puisque le tronc de la fleur peut se lier avec ses ra- 
meaux selon d’autres types. 

2 Dans la construction des plantes, ce n’est pas seulement le but 
essentiel de l’unité organique du tout et de ses parties, que la nature 
doit réaliser ; mais aussi la séparation des anaphyta, afin que cha- 


SCHULTZ-SCHULTZENSTEIN. — ANAPHYTOSE. 115 


cun d'eux existe comme individu et puisse entrer librement en 
contact avec le monde extérieur. La plante est formée par des gé- 
nérations d'individus, qui doivent chacun isolément demeurer en 
relation avec l'air, avec la lumière, et surtout avec les conditions de 
la vie. Les anaphyta ne doivent pas ètre enfermés dans un corps 
commun comme les organes des animaux qui composent l'unité 
d’un seul individu ; ils ne pourraient pas croître ensemble en un 
corps épais sans perdre leur individualité. Lorsque les anaphyta 
plus âgés sont enfermés par la superposition de plus jeunes, comme 
dans la formation du bois ou de l'écorce des arbres, les couches inté- 
rieures, séparées de la lumière et de l'air, meurent peu à peu, et 
les plus jeunes couches demeurent seules vivantes. Les rameaux 
articulés qui sont libres de tous côtés, entourés d’air et de lumière, 
peuvent seuls se maintenir en vie, tandis qu'ils seraient étouftés 
s'ils croissaient unis en un corps épais. La ramification est le seul 
moyen d'atteindre le but essentiel de liaison et de séparation réci- 
proque des anaphyta. Ge but n'aurait pu être atteint d'aucune 
autre manière. En cela consiste sa nécessité naturelle. 

Nous voyons donc deux grands buts nécessaires à la constitution 
des plantes : — la réunion des anaphyta en une unité corporelle, et 
l'indépendance réciproque des individus isolés, — atteints d’une 
manière admirable par la ramification; celle-ci possède avec l’arti- 
culation, l'importance la plus grande pour le règne végétal ; elle 
porte en elle-même le plan de création et la loi de formation des 
plantes. 

Il reste à montrer ce qui se lie à ces lois, comment toutes les mé- 
tamorphoses des feuilles et les feuilles elles-mêmes ne prennent 
naissance que selon des types déterminés d’articulation ou de rami- 
fication et par la transformation de ces types ; comment les modes 
de formation des racines, des arbustes, des tiges, des feuilles, des 
fleurs et des fruits sont produits par des lois précises de ramification 
et selon les types de croissance qui en dérivent, par ce que j'ai appelé 
phytodomie ; comment en particulier, avec le secours de l’articu- 
lation, les divers étages des plantes, les étages des fleurs surtout, se 
produisent d’après des systèmes spéciaux de ramification, dans 
lesquels est exprimé le caractère propre des fleurs et des fruits ; 
comment par un développement graduel des systèmes de ramification 
se forment des types inférieurs et supérieurs de croissance, qui 
sont les moyens naturels de l’évolution des végétaux ; comment enfin 


116 CONGRÈS INTERNATIONAL DE BOTANIQUE. 


la formation de l'arbre n’est réglée que par des particularités 
spéciales de la ramification et non par la théorie des axes et des 
appendices. 

Mais développer plus longuement les lois que nous avons énu- 
mérées ou les questions qui s’y rattachent et qui en découlent, se- 
rait dépasser les limites que nous nous sommes imposées en rédi- 
geant ce mémoire. 


Resume. 


Pour établir et prouver la différence qui existe entre la théorie 
de l’anaphytose et celle de la métamorphose, il suflit de montrer 
que ce qui est conforme à la nature dans l’anaphytose n’a point été 
déjà observé par Gæthe, comme le prétend M. Kirchhoff (Gœthe, 
Métamorphose, K 115-115), puisque Gœthe dit expressément que 
l'élément de composition morphologique le plus simple de la plante 
est un membre de tige uni à une ou plusieurs feuilles, c’est-à-dire 
à unjet. La supposition de M. Kirchhof}, que tige et feuille (axe et 
appendice) pris ensemble représentent l'anaphyton, et que les 
termes de jet et d'anaphylon expriment la même idée, est tout à 
fait erronée. La différence entre l’anaphytose et la métamorphose 
consiste essentiellement en ceci : 

4° La théorie de la métamorphose considère la feuille, ou la réu- 
nion de la tige et de la feuille, autrement dit le jet, comme l'élément 
simple , sans expliquer la nature des feuilles elles-mêmes. La 
théorie de l’anaphytose montre, au contraire, que la feuille n’est 
point un élément morphologique simple, mais une formation com- 
posée par articulation et ramification des parties vraiment élémen- 
taires; qu’elle est formée dès l’origine de la mème manière que 
la tige, par anaphytose; et qu'elle doit être expliquée ainsi, de même 
que toutes les autres phases de la plante, fleurs et fruits. La grande 
énigme de la botanique, qui est d'expliquer d'abord la feuille elle- 
même, se trouve résolue par la théorie de l’anaphytose. 

> D'après l’anaphytose, l'élément simple de la composition mor- 
phologique de la plante est l'anaphyton, partie de la plante qui 
représente un article-individu, susceptible de propager la plante, 
comme chacune des nervures des feuilles d'un Segonia ou d’une 
Fougère, L'anaphytose montre que la répétition et la ramification 
des articles se trouvent non-seulement dans la tige, mais aussi dans 
les feuilles ; et que ce que l'on appelle métamorphose n'est pas autre 


SCHULTZ-SCHULTZENSTEIN. — ANAPHYTOSE. 417 


chose que les diverses formes extérieures de l'articulation et de la 
ramification des anaphyta, une construction (phytodomie) formée 
de membres individuels par ramification ; en conséquence de quoi 
la plante représente une famille d’anaphyta, un arbre généalogique. 
Gæthe a tenu pour simple un individu tout composé, la feuille ou 
le rejeton, et il n’a ni conçu, ni discuté l’individualité des plantes 
comme une individualité composée ; il a regardé la plante entière 
comme un individu simple. ainsi que l'avait fait ses prédécesseurs. 

3° La théorie de la métamorphose explique les fleurs par une 
métamorphose des feuilles. D'après la théorie de l’anaphytose, les 
fleurs et leurs parties, telles que les étamines et le pistil, ne se for- 
ment jamais par une métamorphose des feuilles, mais par une nou- 
velle anaphytose à elles propre, c’est-à-dire par un nouveau système 
d’articulation et de ramification, qui produit un développement 
graduel propre avec de nouvelles fonctions. Chaque feuille ne croît 
que selon la forme qu’elle avait d’après le plan primitif ; elle ne se 
métamorphose jamais en une autre partie; mais les feuilles qui se 
succèdent présentent de nouvelles formes par le développement 
graduel de leur ramification, sans métamorphose de l'une ou de 
l’autre. Ce que l’on appelle métamorphose ne présente que les de- 
grés de l’anaphytose, et ne peut être expliqué que par l’anaphytose. 
La métamorphose rétrograde de Gœthe n’est pas autre chose qu'une 
prolifération anaphytosique des étamines consécutive à l'avortement 
des anthères, et non pas une métamorphose de l’anthère même. 

h° Ce que la théorie de l’anaphytose renferme de conforme à la 
nature consiste dans la connaissance de l’individualité composée de 
toute la plante, dans celle de ses racines, de ses fleurs, de ses 
fruits, et avant toutes choses dans celle des feuilles tenues pour 
simples par Gœthe et demeurées jusqu'ici inexpliquées. L'opinion 
d’après laquelle la plante serait formée par la métamorphose des 
feuilles n’a aucun fondement naturel; le fait que les Champignons 
et les Conferves ne possèdent aucune feuille, et cependant acquiè- 
rent une forme extérieure, confirme et appuie l'opinion dont tout 
ce mémoire expose le développement. 


MM. Cosson et Balansa mettent sous les yeux du Congrès des 
échantillons d’un Æragrostis, récolté dans la cour du Ministère 
de la Guerre à Paris. 


Cet Eragrostis doit être rapporté à l'Eragrostis pilosa ; il diffé- 


118 CONGRÈS INTERNATIONAL DE BOTANIQUE. 


rerait seulement de l’espèce typique par ses gaines glabres à leur 
ouverture et non couvertes de longs poils. Ce caractère, tiré des 
gaines glabres ou velues, à déjà servi à plusieurs agrostographes 
pour distinguer plusieurs espèces d’'Æragrostis très-voisines les unes 
des autres, et il est probable, vu le peu de stabilité de ce caractère, 
que toutes ces prétendues espèces devront disparaître de la nomen- 
clature botanique. 

Cet Eragrostis à été trouvé aussi, il y a déjà longtemps, dans la 
cour de la mairie de Versailles. Il paraît avoir été introduit dans ces 
deux localités par les bois flottés revenant de la haute Seine et ser- 
vant au chauffage. 

Sa synonymie peut être établie ainsi : 

Eragrostis pilosa P. Beauv. var. 

E. purpurascens Schult. ? 

E. inconspicua Mort. par.! 


M. Eug. Fournier entretient le Congrès de la publication 
prochaine d’une Flore morphologique et synoptique de France, 
entreprise par M. Germer Baillière, libraire-éditeur à Paris, et 
dont la direction principale lui a été confiée. 


Cet ouvrage, rédigé en langue française, doit paraître dans le 
format grand in-8°, avec de nombreuses figures intercalées dans le 
texte. Il comprendra deux parties distinctes, consacrées la première 
aux Phanérogames, la seconde aux Cryptogames, qui y seront 
traités complétement. 

Les familles et les genres y seront étudiés conformément aux 
progrès récents de l'anatomie et de la morphologie végétale, et la 
terminologie sera, à ce point de vue, l’objet d’une attention toute 
particulière. 

La synonymie et la distribution géographique générale et spéciale 
de chaque espèce, le sol et l'altitude où elle croît, seront soigneuse- 
ment indiqués; mais la description en sera réduite à une courte dia- 
gnose. Les auteurs anciens qui ont écrit sur la flore de France, 
notamment Dalechamp, les Bauhin, Magnol, Tournefort, Barrelier, 
seront cités quand on connaîtra certainement les plantes dont ils ont 
parlé. Les genres dont la fondation est antérieure aux ouvrages de 
Linné seront attribués à leurs auteurs véritables. 

Des tableaux synoptiques, convenablement choisis, auront pour 


EUG. FOURNIER. =— NOUVELLE FLORE DE FRANCE. 119 


but d'exposer le groupement des genres dans les familles nombreu- 
ses et des espèces dans les genres nombreux. De nombreuses gra- 
vures sur bois éclairciront les différences génériques ou spécifiques 
qui embarrassent dans la détermination des Phanérogames, et ren- 
dront accessible à tous les botanistes l'étude des familles cryptoga- 
miques inférieures, jusqu'ici réservée à un petit nombre de savants 
spéciaux. 

L'ouvrage sera précédé d’une introduction où sera exposée la 
constitution orographique et géologique du sol de la France, dans 
ses rapports avec la disposition des végétaux qui l'occupent; on y 
indiquera l'altitude des massifs montagneux et des sommets les plus 
fréquentés par les botanistes. 

Une liste aussi complète que possible y sera dressée, ‘par ordre de 
dates, de tous les travaux spéciaux publiés jusqu'ici sur la flore de 
France. On y joindra l'indication des principaux herbiers où se 
trouvent des matériaux importants pour l'étude de la végétation 
française. 

Un appendice à la partie phanérogamique contiendra l’énuméra- 
tion des espèces exotiques observées temporairement à l’état de natu- 
ralisation dans certaines localités du midi de la France. 

Les découvertes faites dans le domaine de la flore française dans 
ces onze dernières années, et l'addition des espèces dues à l'annexion 
du comté de Nice et de la Savoie, ne peuvent manquer de donner 
un nouvel intérêt à cet ouvrage, le premier dans lequel doive être 
tracée une description complète de la végétation de la France depuis 
la publication du Botanicum qallicum de M. Duby. 

Le plan sur lequel est conçue la Flore morphologique et synop- 
tique de France permet d’attacher à son élaboration tous les bota- 
nistes français, soit comme monographes des différentes familles 
de la Flore, soit comme consultants. Geux qui auraient quelques 
documents nouveaux sur la Flore française sont vivement invités à 
les faire connaître ; ceux qui habitent les centres où se trouvent des 
matériaux scientifiques importants, notamment des herbiers anciens, 
tels que ceux de Requien, de Lapeyrouse, de Villars, de Mutel, 
pourront fournir des renseignements utiles. 

Un grand nombre de savants ont promis leur collaboration à cet 
ouvrage. La partie cryptogamique, la plus difficile à rédiger dans 
l’état actuel de la science, et partant la plus importante, a préoccupé 
tout d’abord et est complétement organisée; les savants nombreux 


420 CONGRÈS INTERNATIONAL DE BOTANIQUE. 


qui ont bien voulu accepter d'y coopérer, et dont plusieurs ont déjà 
commencé leur travail respectif, sont les suivants : 


Diatomées et Desmidiées......... M. de Brébisson. 

Algues supérieures.....,........ M. Alph. Derbès, professeur à la Faculté dessciences 
de Marseille, 

Lichens, .... DS SDS AT PTE M. Santo Garovaglio, professeur à l’Université de 
Pavie, avec le concours de M. le professeur 
Gibelli pour la partie iconographique. 


Champignons. ..,........ .... .. Lerév. M.-J. Berkeley. 

Characées. . .. ........ …....... M. H.-A. Weddell. 

Hépaliques ........ 3530163003 M. le docteur Gottsche, avec le concours de 
M. GrϾnland pour la partie iconographique, 

Sphaignes et Mousses. ....... ... MM. Ém. Bescherelle et Ern. Roze. 

EMUISÉ AC ASE EPA eee. M. Duval-Jouve, inspecteur de l’Académie de 
Strasbourg. 

ROUES Peer rer M. Eug. Fournier. 

Lycopodiacées RENE et Ly- 

CODOMÉES ete cer eere ce M. E. Roze. 

Délaginelléest tete eeererre M. E. Roze. 

Isoëlées ..... 0 eue oo .... M. Durieu de Maisonneuve, directeur du jardin 
botanique de Bordeaux. 

Rhizocarpées......... rt 00. Er R0Z0. 


La partie phanérogamique n’est pas encore distribuée compléte- 
ment. Toutefois, on peut citer un grand nombre de monographes 
français ou étrangers qui ont promis leur collaboration, savoir : 
MM. Decaisne (Plantaginées) ; Naudin (Gucurbitacées) ; Trécul (Dro- 
séracées), membres de l’Institut; MM. les professeurs Ghatin (Typha- 
cées, Butomées, Alismacées, Loranthacées, Santalacées, Gytinées, 
Monotropées); Kirschleger (Violariées, Silénées) ; Parlatore (Coni- 
fères, Gnétacées) ; J.-E. Planchon (Théligonées, Linées, Parnassiées, 
Cistinées); Sælan (Æieracium); et MM. Bouvier (Rosa); Gauvet 
(Solanées); Ghaboisseau (Faunaria, Rubus) ; Duval-Jouve (Grami- 
nées, Gypéracées, Joncées) ; de Franqueville (Saxifragées); Lebel 
(Callitriche, Alsinées) ; Pérard (Quercus); Prillieux (Orchidées) ; 
Rodin (Élatinées) ; Verlot (Frankéniacées), et Weddell (Lemnacées, 
Urticées). 

En outre, M. le professeur Ch. Martins a bien voulu se charger 
de l'introduction, où sera exposée la constitution géologique et mé- 
téorologique de la France, dans ses rapports avec la végétation, et 
M. Lespinasse de l’'énumération des plantes adventives. 


J.-E. PLANCHON. -— ERODIUM PETRÆUM. 494 


M. J.-E. Planchon fait ensuite au Congrès la communication 
suivante : 
SUR LES 


ANOMALIES DE STRUCTURE DE LA TIGE DE L'ERODIUM PETRÆUM L., 
Par ME. J.-E. PEANCHON, 


Professeur à la Faculté des sciences de Montpellier. 


La note suivante n'est que le résumé succinct d'un travail que 
l’auteur se propose de publier en l’accompagnant de figures. 

C'est parmi les lianes, les plantes parasites et les familles du groupe 
des Cyclospermées qu'on a surtout signalé des exceptions à la struc- 
ture ordinaire des tiges ligneuses des plantes Dicotylédones. Tout 
n’est pas dit néanmoins à cet égard, et bien des faits de ce genre se 
révéleront encore par l'étude détaillée de familles supposées normales; 
témoin les singuliers faits de structure récemment découverts 
par M. Trécul chez diverses Ombellifères ; témoin aussi l’£rodium 
petræum, c'est-à-dire un végétal indigène assez remarquable pour 
qu'on püt le croire bien connu. 

La souche ligneuse de ce joli sous-arbuste se divise, dans sa partie 
aérienne, en branches courtes et rugueuses ; elle se prolonge en bas, 
sans démarcation tranchée, en un long pivot de racine simple ou peu 
rameux. C’est la tige que nous étudierons de préférence dans sa 
constitution intime. On peut la ramener au type suivant : 

Au dehors, une enveloppe assez épaisse de périderme rouge-brun, 
plus ou moins exfolié, formé de nombreuses couches de cellules 
tabulaires. 

Sous le périderme, une couche épaisse d’écorce constituée princi- 
palement par des lames rayonnantes de tissu libérien faisant suite 
. aux lames de tissu ligneux, et séparées l’une de l’autre par des 
bandes de tissu parenchymateux. Ces dernières bandes sont le pro- 
longement des rayons médullaires ; elles se réunissent entre le liber 
et le périderme en une zone mince de tissu médulliforme, une sorte 
de moelle externe, répondant à ce qu’on appelle ailleurs couche her- 
bacée de l'écorce. La moelle interne existe à l’état de cylindre obs- 
curément pentagonal dans les rameaux encore jeunes et non aoûtés. 
Elle disparaît vite et se résout en rayons médullaires, à mesure que 
se dessinent les faisceaux ligneux des tiges adultes : elle persiste 
ailleurs, sous la forme de zone médullaire interne, autour des pro- 
ductions ligneuses anomales dont il va être question, alors surtout 


122 CONGRÈS INTERNATIONAL DE BOTANIQUE. 


que ces productions occupent l’axe de la tige. Ge tissu parenchyma- 
teux médullaire existe également à l’état disséminé dans les lames 
du liber. Ses cellules renferment de nombreux cystolithes arrondis, 
à surface granuleuse ; sa couleur d’un blanc mat, son apparence un 
peu spumeuse, le distinguent, à la longue, du tissu plus compacte 
du liber et du corps ligneux. 

Le corps ligneux, vu sur une coupe transversale, se présente en fais- 
ceaux rayonnants, linéaires-cunéiformes, tantôt simples, tantôt bi- 
lobés ou bifurqués, tantôt plus ou moins lobés-flabellés, toujours alter- 
nantavec desrayons médullaires qui, pendant le retrait produit par la 
dessiccation, se divisent aisément sur leur longueur et tapissent 
alors les faces latérales des faisceaux ligneux contractés. Ces faisceaux 
ligneux, d'un jaune très-pâle, sont absolument dépourvus de fibres : 
ils sont formés de cellules cylindroïdes, deux ou trois fois plus hautes 
que leur diamètre transversal, très-élégamment réticulées-annelées, 
à la façon des fausses trachées. Du reste, pas de trachées véritables. 
Le liber, formé d’un tissu compacte, à cellules prismatiques, courtes, 
épaisses, très-cohérentes, ne saurait se confondre avec le bois aux 
faisceaux duquel ses propres faisceaux semblent faire suite, en se 
séparant comme eux par le retrait en lames ou rayons distincts. 
L'absence des couches annuelles concentriques dans le bois et le 
liber, le défaut complet de vraies trachées et de vraies fibres li- 
gneuses, la disparition précoce de tout cylindre de moelle central : 
voilà déjà des faits singuliers chez une Géraniacée. Mais le plus 
étrange reste à voir dans l’intérieur même des tiges. 

Au lieu de la moelle centrale qu'on semblerait devoir trouver dans 
l'axe des tiges ligneuses, ce qu’on y rencontre féquemment, c’est 
comme une seconde tige enchässée dans la tige principale, et que dis- 
tingue, au premier abord, la teinte rouge sanguine de son périderme. 
Des coupes faites en divers sensrévèlent bien vite, dans cette produc- 
tion interne, les éléments d’un corps ligneux, d'un liber, de rayons 
médullaires, d’un périderme. Bien plus, la tige intérieure en renferme 
parfois une seconde et même plusieurs successivement emboîtées, 
tiges dont certains éléments sont indistincts, mais que séparent très- 
nettement les bandes rouges de leurs péridermes respectifs. Il arrive 
fréquemment que les tiges emboîtées, au lieu de se recouvrir complé- 
tement, représentent des sortes de cornets superposés, le plus exté- 
rieur dirigeant sa pointe vers la base de la tige et coiffant simplement 
le suivant, lequel en coiffe incomplétement un troisième et ainsi de 


J.-E, PLANCHON. — ERODIUM PETRÆUM. 193 


suite. L'ensemble de ces productions simule une espèce de stalactite 
à texture stratifiée, dont la base élargie occupe parfois le sommet 
déprimé de la souche, tandis que le sommet aigu semble s’enfoncer 
dans l’axe même de la tige principale. 

Du reste, cette forme de stalactite allongée est bien loin d’être la 
seule qu'affectent les excroissances caulinaires intérieures. 11 en est 
qui ressemblent à des nodules, à des loupes plus ou moins arrondies, 
à des fuseaux, à des corps cylindroïdes, à des rognons irréguliers. 
Parfois même, au lieu de se développer dans tous les sens, elles 
affectent une forme lenticulaire ou déprimée, et, dans ce cas, on les 
voit intercalées dans l'épaisseur des lames du périderme extérieur de 
la tige, au lieu d'occuper des interstices du corps ligneux ou du liber. 

L'élément le plus développé dans ces superfétations de la tige, 
c'est toujours le périderme; c’en est aussi, ce nous semble, la partie 
la plus longtemps vivante et la plus en voie d’accroissement, au 
moins dans ses couches externes. L'élément libérien n’est pas tou- 
jours très distinct : les faisceaux ligneux et leurs rayons médullaires 
sont presque toujours fort apparents; mais, très-fréquemment, toute 
cette partie intérieure des excroissances est atteinte de nécrose, pour 
peu que ces excroissances soient âgées au moment où le scalpel les 
met à nu. 

La présence de ces productions ligneuses intérieures n’est pas 
assez constante, leur distribution dans les tiges n’est pas assez régu- 
lière pour qu'on puisse les regarder comme un trait absolument 
normal de l’organisation de l'Erodium petrœum. Cependant il est 
rare de trouver un pied de ce sous-arbuste qui ne présente, au moins 
à l'état naissant, une ou plusieurs excroissances intra-caulinaires. 
Ghez de vieilles souches (d’un diamètre de 2 à 3 centimètres) dont 
le sommet s’évase en coupe et porte une couronne de rameaux, 
c'est au centre même de la dépression que viennent affleurer les 
tranches de plusieurs tiges internes emboîtées l’une dans l’autre. 
Dans ce cas, la communication des tiges internes avec l'air extérieur 
se fait par la destruction du tissu superposé ou de la paroi de la 
souche. Mais, le plus souvent, les productions internes sont englo- 
bées dans la tige principale, sans ordre apparent, à des hauteurs 
différentes , en nombre indéterminé, sans communication avec le 
dehors, sauf les cas où cette communication s'établit à travers une 
fissure de l’écorce. 

On ne saurait donc reconnaître aux productions intérieures de la 


124 CONGRÈS INTERNATIONAL DE BOTANIQUE. 


tige de l'Érodium une disposition symétrique, comme celle que 
présentent, par exemple, les corps ligneux secondaires de certaines 
Bignoniacées, et surtout de certaines lianes du groupe des Sapinda- 
cées, récemment étudiées par M. Netto. On les assimilerait plus 
volontiers aux singulières productions en forme de stalactites obser- 
vées par M. Decaisne dans la tige morte d’un Echinocactus pycnox y 
phus (voy. Decaisne, in Bull. Soc. bot. de France, t. V, pp. 213 et 
suiv.). Mais, pour éclairer l'étude de ces formations anomales de 
l'Erodium, c'est probablement au groupe des Ombellifères qu'il 
faudra demander des termes de comparaison. Le Myrrhis odorata 
en particulier, autant qu’il nous est permis d’en juger d’après les 
descriptions de M. Trécul (Ann. sc. nat. 5° sér. V, pp. 296 et 
suiv.), le Myrrhis offrirait, dans sa racine déjà vieille, des for- 
mations corticales intérieures et des centres indépendants de forma 
tions ligneuses qui compliquent singulièrement la structure de cet 
axe, en y créant des zones d'écorce ou des faisceaux de bois noyés 
dans le tissu ligneux primitif. Là, paraît-il, c'est au moyen de cel- 
lules parenchymateuses interposées aux vaisseaux du bois, que se 
fait la genèse du tissu cortical ou ligneux supplémentaire. La couche 
génératrice, au lieu d’être condensée en une zone périphérique, se- 
rait donc disséminée, en quelque sorte, dans le corps même du bois. 
Nous croyons qu'une dispersion analogue du cambium explique 
également les productions secondaires de la tige de l'£rodium 
petrœum. Mais pour être explicite à cet égard, il nous faudrait avoir 
suivi l’évolution de ces excroissances intérieures. Une fois cette étude 
faite (et nous ne l’avons qu'ébauchée), nous essayerons d'établir 
une comparaison précise entre ces curieuses endomorphoses et 
les formations anomales déjà signalées chez un grand nombre de 
plantes ligneuses dicotylédones. Ce sera le cas aussi de faire con- 
naître en détail les particularités de la structure des axes chez d’au- 
tres types de Géraniacées. 

M. Weddell dit qu'il existe dans la famille des Urticées un fait 
analogue à celui qu'a observé M. Planchon sur l'Erodiun. 
M. Ferdinand Mueller (de Melbourne) lui a parlé, dans une 
de ses lettres, d’un Loportea photiniphylla chez lequel on à 
trouvé une cavité complétement fermée, de 2 à 3 mètres de 
longueur, revêtue intérieurement d’une couche d’écorce tout à 
fait semblable à l'écorce extérieure de la même plante. 


V. PERSONNAT. — JARDIN DE LA MER DE GLACE. 425 


M. Ed. Bureau rappelle les faits analogues qui se rencontrent 
dans la famille des Bignoniacées. 


M. V. Personnat fait au Congrès la communication suivante : 


NOTE SUR LA VÉGÉTATION DU JARDIN DE LA MER DE GLACE 
ET SUR QUELQUES PLANTES DE LA VALLÉE DE CHAMONIX, 


Par BA. W. FPERSOGNNAX. 


La plupart d’entre vous, messieurs, ont parcouru nos vallées des 
Alpes et admiré la majesté du Mont-Blanc et des grands ruis de 
glace qui en descendent et s’avancent parfois jusqu’au milieu des 
cultures. Mais ceux qui, plus hardis ou mieux favorisés par le temps, 
ont abandonné ce que nos montagnards appellent la plaine , pour 
faire une ascension au ardin, ceux-là n’oublieront jamais, j'en suis 
assuré, les vives impressions que leur aura laissées leur course. 

Le Courtil, ou Jardin de la Mer de Glace, est un îlot de verdure, 
à six heures de Chamonix, au milieu de l'océan glaciaire le plus 
gigantesque que l'on puisse rêver; c’est une oasis perdue au sein 
des crêtes les plus déchiquetées, des pyramides les plus hardies et 
des crevasses les plus profondes. 

C'est un cirque splendide que l'œil embrasse du milieu du 
Jardin: C’est l'aiguille du Moine (3521 mètres), puis le Tour des 
courtes, puis les Petites Jorasses (3732 mètres), et les Grandes 
Jorasses (h114 mètres), puis encore l'aiguille du Géant (4237 mè- 
tres), et celle du Tacul, le Mont-Blanc (4810 mètres) et l'aiguille 
du Midi (3098 mètres). 

Ce sont les glaciers du Taléfre, des Jorasses, de Leschaux, du 
Tacul et du Géant, et douze à quinze glaciers secondaires qui viennent 
converger au mème point et former la Her de glace. 

C'est, je l'ai dit, un ensemble gigantesque dont nulle plume ne 
saurait rendre l'incomparable majesté et la sublime horreur. On y 
trouve l'isolement absolu et le silence le plus solennel, troublé seule- 
ment de loin en loin par le sifflet strident de la marmotte et du cha- 
mois, ou par le cri percant de la corneille et du pinson des neiges. 

La course du Jardin, qui d’ailleurs n'offre pas de difficultés 
sérieuses , est l’une des plus belles de nos Aïpes, une de celles qui 
attirent le plus le vrai touriste, le sincère admirateur des merveilles 
de la nature. Mais pour le botaniste, elle a des attraits plus puis- 


126 CONGRÈS INTERNATIONAL DE BOTANIQUE. 


sants encore: Le Courtil lui offre, réunies sur un même point, à 2760 
mètres d'altitude, les plantes les plus rares de la zone hyperboréenne, 
mêlées à un certain nombre d'espèces que l’on retrouve commu 
nément sur d’autres points moins élevés, mais qui n’en sont pas 
moins très-intéressantes au point de vue de la géographie botanique 
des cimes alpestres. 

Notre ami M. V. Payot, de Chamonix, a publié en 1854 le cata- 
logue des plantes qui croissent à cette limite de la végétation : sa 
florule comprend 76 espèces phanérogames et 34 cryptogames, 
réparties entre 64 genres et 25 familles. 

Notre savant confrère, M. Charles Martins, dans sa remarquable 
notice Sur la végétation du Spitzberg, comparée à celle des Alpes 
et des Pyrénées (1), a porté à 128 le nombre des végétaux décou- 
verts au Jardin, savoir : 87 phanérogames et 41 cryptogames. C'était 
donc 18 espèces de plus en 1865 qu’en 1854. 

Au nombre de ces dernières figurent les Potentilla aurea L. et 
Leucanthemum alpinum L. que jy avais déjà récoltés le 8 juillet 
1862; et l’on doit y ajouter quatre autres plantes que je crois réelle- 
ment nouvelles pour la flore de ce petit coin de terre enclavé dans 
les neiges éternelles. Je ne sache pas, du moins, que leur présence 
au Jardin ait encore été signalée. C'estavec cette pensée, messieurs, 
que je me suis permis de prendre la parole dans cette éminente 
réunion , persuadé que l'intérêt même qui s'attache à la découverte 
justifiera et excusera mon humble communication. 

Ces quatre espèces sont : 

Gentiana punctata L., que j'avais déjà revu au col du Bon- 
homme, à 2200 mètres; 

Gentiana bavarica L. var. rotundifolia Koch. Les chalets de 
Balme, à 2300 mètres, sont, après le Jardin, le point le plus élevé 
où j'aie trouvé le type de cette plante ; 

Veronica saxatilis L., toujours récolté jusqu'à présent au-dessous 
de 1800 mètres, 

Euphrasia montana dord., ordinairement commun entre 1400 et 
2100 mètres. 

Dans mes notes sur mon herborisation du 8 juillet figure égale- 
ment, comme recueilli au Jardin, le Gentiana pannonica L.; mais 
j'ai égaré la plante et je ne la signale ici que pour mémoire. 

Je viens de citer le Leucanthemum alpinum L. Il est curieux 


(4) Voyez le Bulletin de la Sociélé botanique, séance du 24 mars 1865, 


CAISSO. — SPOROTRICHUM, LA CANNE-DE-PROVENCE. 127 


de voir cette jolie Radiée descendre à Chamonix, dans les sables de 
l’Arve, jusqu’à 1050 mètres, et s'élever à 3455 mètres sur les rochers 
des Grands Mulets. 

Et puisque je vous ai fait faire une pérégrination à la Mer de 
glace, laissez-moi, messieurs, signaler à ceux d’entre vous qui 
pourraient y retourner, un superbe pied de Rhododendron ferrugi- 
neum L. à fleurs blanches : il croît au Montanvert et il est, je crois, 
le seul connu dans toute la vallée. 

Laissez-moi aussi vous dire avec quelle profusion a fleuri cette 
année le Saxifraga CotyledonL., qui, rare au Brévent, est très-abon- 
dant au Chapeau, en face du Montanvert. A la fin de juillet, cette 
magnifique espèce couvrait de ses rosettes et de ses panicules pyra- 
midales toute la partie rocheuse qui forme la montagne du Chapeau. 
Il peut être bon d’ajouter que, d'après les remarques faites sur les 
lieux, elle ne fleurit abondamment que tous les deux ans. 

En terminant, messieurs, permettez-moi encore un mot sur le 
Pedicularis sylvatica L. Commun dans presque tous nos départe- 
ments de France, il avait été signalé par de Candolle près de Sal- 
lanches, en Savoie, et depuis quarante ans, malgré de nombreuses 
recherches, n'avait pu être retrouvé dans la région citée par l'illustre 
professeur. Le 26 mai 1865, je l’ai cueilli, abondant et en pleine flo- 
raison, au pont d’Arvillon, près de Combloux, à 950 mètres d’alti- 
tude. Je serai heureux de l’offrir à tous ceux de mes confrères qui 
tiendront à le posséder de cette localité, vraiment précieuse pour les 
botanistes génevois et savoisiens. 


M. J.-E. Planchon dépose sur le bureau la note suivante, 
extraite d’une communication faite le 2 juillet 1867 à la Société 
de médecine pratique de Montpellier, par M. Caisso. 


SUR LES ACCIDENTS MORBIDES 
QUE DÉTERMINE 
LA CANNE=-DE-PROVENCE 
CHEZ LES OUVRIERS QUI LA MANIENT. 


Par ME. le docteur CAESSO. 


Au commencement du mois de juin dernier, je me trouvai appelé 
à donner des soins à deux ouvriers atteints, tous les deux, d’un 
eczéma de la face, du cou et du scrotum. Gette maladie cutanée 
s’'accompagnait chez les deux sujets, de fièvre, de céphalalgie, de 


128 CONGRÈS INTERNATIONAL DE BOTANIQUE. 


coryza, d'épistaxis et d'enrouement. Elle se termina par desqua- 
mation vers la fin du second septénaire. 

Ces deux malades offrant des phénomènes morbides identiques, 
il était naturel de penser qu'une même cause avait dû agir sur eux. 
Quelle était cette cause ? 

Ces deux ouvriers étaient tonneliers; rien dans leur profession 
ne pouvait justifier le développement de la maladie qu'ils présen- 
taient. Interrogés sur l'emploi de leur temps pendant les jours qui 
précédèrent le début du mal, ils racontèrent qu'ils avaient été 
occupés la veille à faire une palissade au moyen de roseaux secs, 
Les roseaux furent aussitôt examinés ; on les trouva couverts d’une 
moisissure blanche qui fut considérée comme la cause de la maladie. 

Ces faits ne sont pas nouveaux dans la science. Ils avaient été 
signalés déjà par plusieurs auteurs. Ghaptal les avait notés, le 
premier, en 1790, dans ses Éléments de chymie (t. I, p. 182). 
ïnquante ans plus tard, ils sont décrits dans un mémoire du doc- 
teur Fave (de Montpellier), mémoire qui fut analysé en 1840 par le 
docteur ‘Trinquier dans le Journal de la Société de médecine pra- 
tique de Montpellier, et publié, en 1859 seulement, dans la Revue 
thérapeutique du Midi. Depuis lors les travaux se sont multipliés : 
nous citerons le mémoire de M. Michel de Barbantane (Bulletin de 
thérapeutique, 1845), celui de M. Maurin, de Marseille (Revue thé- 
rapeutique du Midi, 1859), l'article de M. Beaugrand (Annales 
d'hygiène publique, 1861), celui du professeur Tardieu (Diction- 
naire d'hygiène publique, article VanniErs, 1861), et enfin le 
chapitre que M. le docteur Bazin consacre aux éruptions propres 
aux ouvriers qui travaillent la Ganne-de-Provence, dans ses Lecons 
sur les affections cutanées artificielles. 

A quelle cause faut-il attribuer l’éruption dont nous avons parlé? 
Cette cause n’est plus douteuse. L’éruption dépend de la moisissure 
qui se développe à la surface du roseau et qui n'est autre chose 
qu’un Champignon de la classe des Mucédinées et du genre Sporo- 
trichum, d'après l'examen qu’en a fait M. le professeur d.-E. Plan- 
chon, qui se propose de publier prochainement à son sujet une note 
plus spécialement botanique. 

Chaptal attribuait cette éruption à un arome particulier s’exha 
lant des roseaux. D’après le docteur Fave, au contraire, elle est due 
à la poussière fine et blanchâtre qui couvre le roseau en putré- 
faction et à laquelle il donne le nom de moisissure. M. Michel pense 


CRIËÉ. --- PLANTES DU DÉPARTEMENT DE LA SARTHE. 129 


que cette poussière provient de quelque cryptogame développé à la 
surface du roseau, mais il n’en désigne pas l'espèce. M. Maurin est 
le premier, à notre connaissance, qui en donne les caractères mi- 
croscopiques. Selon lui, cette poussière est constituée par une moi- 
sissure pédiculée dans laquelle on reconnait, outre les cellules 
propres à la moisissure, d’autres cellules arrondies qui, selon toute 
apparence, sont des spores prêtes à éclore. Il la désigne sous le nom 


de Mucor dermatodis. 


M. le professeur Chatin, à peine convalescent d'une maladie 
grave, et ne pouvant assister au Congrès, transmet la note sui- 
vante, qui lui a été adressée par M. Crié. 


SUR LA STATION 
DE QUELQUES PLANTES DANS LE DÉPARTEMENT DE LA SARTHE, 
Par M. CRIÉ,. 


Pharmacien à Sillé (Sarthe). 


La Société botanique de France appelle l’attention du Congrès 
sur deux questions importantes, dont la première est l’influence de 
la constitution du sol sur la distribution des espèces végétales. 

Pour répondre à cette question je me servirai de deux signes 
différents ; j'indiquerai par * les plantes qui se trouvent dans les 
terrains primitifs, et par * celles qui se trouvent dans les terrains 
calcaires (1). 

La partie nord du canton de Sillé-le-Guillaume appartient aux 
terrains primitifs, et la partie sud de ce canton, ainsi que le can- 
ton de Conlie, appartient aux terrains calcaires. 


+ Thalictrum minus L. Conlie, Neuvilla- | +* Ranunculus reniformis Desp. Sillé, 
lais. A, C. Neuvillalais. A. R, 

+ Anemone pulsatilla Z. Conlie, Neuvil- * Helleborus viridis L. Sillé, Saint-Remy, 
lalais, Crissé. C. Rouessé-Vassé. R. 

+* Ranunculus auricomus L. Domfront, | + Aquilegia vulgaris L. Conlie, Rouez, 
Neuvillalais, Sillé. C. Mézières, etc. A, C. 

* — sceleratus L. Sillé. R. à l’Anjou- | + Papaver hybridum Z. Neuvillalais, 

bert où sa tige n’atteint pas 10 cen- champ près le bourg. R. 
timètres. + Jberis amara L. Conlie, Neuvillalais, 

+ — parviflorus L. Sillé, Conlie, Neuvil- Cressé. C. Les semences épicées de 
lalais. T, C. cette plante sont quelquefois vendues 


(1) Ces deux signes +* n’ont rien d’absolu ; ainsi cette année j’ai trouvé à Sillé l’Orchis 
viridis et l’Orchis coriophora, et à Rouez le Limosella aquatica, plantes que jusqu'ici je 
n’avais rencontrées, les premières qu’à Neuvillalais, et la troisième à Sillé. J'ai donc été 
obligé de placer les deux signes pour ces trois plantes, ainsi que pour quelques autres. 

CONGRÈS BOT. 9 


130 


* 


+ 


++ 


|! 
ï 


* 


* 


#5 


par les droguistes sous le nom de 
petit Fenuque. 

Lepidium Smithii Hook.? Sillé, Saint- 
Germain près Sillé. C. 

Cardamine silvatica Link. ? Sillé. A. R. 

Helianthemum vulgare Gært. Domfront, 
camp de César. A. R, 

Viola Reichenbachiana Jord. Domfront, 
camp de César, etc. 

Drosera rotundifolia L., forêt de Sillé. 
Saut-au-Cerf, Grand-Étang, etc. A. C. 

— intermedia Hayne. Forêt de Sillé, 
étang des Fontaines. 

Parnassia palustris L. Conlie, Neuvil- 
lalais, 

Polygaia calcarea Schultz. Neuvillalais, 
Domfront. A. C. 

— depressa Wenderoth. Sillé, forêt. C, 

Dianthus Caryophyllus L. Rouez, Cour- 
menant (Drouet), 

Saponaria officinalis. L. Conlie, Neuvil- 
lalais, Rouessé près le château. 


* Cucubalus bacciferus L. Sillé. 


Silene gallica L. Mézières près la 
forêt. 
Sagina erecta L. Sillé, Saint-Remy. 


Larbræa aquatica Saint-Hil. Sillé, 
étangs. C. 
Alsine rubra Walhenb. Sillé, Le Grèz, 


Rouez. À, C. 

— tenuifolia Walhenb. Sillé, murs, 
Domfront. C. 

Cerastium brachypetalum Desp. Conlie, 
Neuvillalais. A. C. 

Malachium aquaticum Fries. Sillé, 
Rouessé-Vassé près le château. A. C. 

Radiola linoides Gmelin. Forêt deSillé, 
Saut-au-Cerf, etc. 

Malva moschata L. Sillé, Connée. 

Altbæa hirsuta L. Conlie, Neuvillalais, 
Crissé. 

Hypericum tetrapterum Fries. Forêt de 
Sillé, 

— Jineolatum Jord. Sillé. 

— Jlinearifolium Vahi. Rouessé-Vassé. 

— Elodes L. Sillé, Le Grèz, forêt de 
Sillé, T. C. 

Geranium lucidum L. Sillé, murs, elc. 
FC 


* Erodium moschatum L’Hérit. Sillé. 


* 


* 


* 


Oxalis Acetosella L. Sillé. C. Saint- 
Remy, etc. 

Ulex nanus. Smith, Sillé, forêt. C. 

Genista anglica L. Sillé, forêt, etc. 

— tinctoria L. Domfront, Neuvil- 
lalais, etc. 

Anthyllis Vulneraria L. Conlie, Neuvil- 
lalais, Domfront, Crissé, etc. 


+ 
i 


* 


l 


LU 


0 
En 
T 
T 


vi 


CONGRÈS INTERNATIONAL DE BOTANIQUE. 


Trifolium fragiferum L. Route de Conlie 
à Sillé. 

Lotus uliginosus Rchb. Forêt de Sillé. 
Melilotus altissima Thuill. Domfront, 
vignes, etc. 

Astragalus glycyphyllos L. Conlie à 
Vinay. 

Ornithopus perpusillus L. Forêt de Sillé. 
C. Conlie. 

Lathyrus Nissolia L. Conlie. R. 

Potentilla verna L. Neuvillalais, Conlie, 
Crissé, Domfront, 

Sorbus Aucuparia L, Forêt de Sillé. 

Epilobium angustifolium Z, Crissé, 
forêt de Sillé. R. 


* — roseum Schreber. Sillé. 
* — palustre L. Sillé, forêt. 


L* 
1 


L* 
0 


dd 
ses 


— 
D) 


— lanceolatum Seb, et Maur. Sillé, 
forêt, 

Circæa lutetiana L. Sillé. C. Conlie. R. 

Trapa natans L. Étang de la Blottière 
près Saint-Germain. 

Lythrum Hyssopifolia L. Saint-Remy, 

. Rouesse-Vassé, ete, 

Montia fontana L. Sillé. C, C. 

Sedum micranthum Bast, C. au nord 
de Sillé, Le Grèz. C, 

— rupestre L.Sillé, Crissé. 


* Umbilicus pendulinus DC. Sillé, Rouez, 


Le Grèz, Rouessé, etc. C. 

Sanicula europæa L. Sillé, forêt de 
Mézières, Domfront, 

Sium inundatum L. Sillé, étangs. 

Conopodium denudatum Koch. Sillé. C. 

Carum  verticillatum Koch. Sillé, 
étangs, forêt. C. 

OŒnanthe Phellandrium Lam. Forêt de 
Sillé, étangs. 

Caucalis daucoides Z. Neuvillalais. 

Couium maculatum L. Sillé. T. CG, Je 
n’en ai jamais trouvé à Conlie. 
Asperula cynanchica L. Sillé, Conlie, 
Neuvillalais, Domfront, Crissé. 

Adoxa moschatellina L. Sillé. 

Viburnum Lantana ZL. Conlie. 

Valeriana officinalis L, Rouessé-Vassé 
près le château, Conlie. 

— dioica L. Sillé, Neuvillalais, etc. 

Achillea Ptarmica L. Sillé, Domfront, 
Conlie, etc. 

Chrysanthemum segetum L. Domfront, 
Sillé, 

Tanacetum Vulgare Z. Neuvillalais, 
Rouez, etc. 


* Gnaphalium silvaticum Z. Sillé, forêt. 
* Senecio silvaticus L. Forêt de Sillé. 


Centaurea Scabiosd L. Cotilie, Neuvil- 
Jalais. 


CRIÉ. — PLANTES DU DÉPARTEMENT DE LA SARTHE. 


+ Kentrophyllum lanatum DC. Conlie, 
Neuvillalais. 
? Silybum Marianum LZ.. Trouvé à Sauges, 
près des caves à Margot (Mayenne). 
+ (Cirsium eriophorum Scop, Crissé, 
Rouessé-Vassé. 
Ÿ — acaule All. Conlie, Neuvillalais, 
+* — anglicum DC. Sillé, Neuvillalais. 
+  Lactuca perennis Z. Conlie, Neuvilla- 
lais, Crissé, Rouessé, etc. Cette belle 
pliante s’accommode des plus mauvais 
terrains calcaires; au printemps les 
fermiers en nourrissent leurs bes- 
tiaux ; les jeunes pousses sont ali- 
mentaires en salade ; elles ressem- 
blent assez au Pissenlit avec lequel 
elles se vendent sur les marchés de 
Sillé et de Conlie sous le nom de 
crêpelette. 
+ — Scariola L. Rouessé- Vassé, Sillé, 
+* Lobelia urens L. Sillé, Le Grèz, Saint- 
Remy, Rouessé, Mézières. 
* Phyteuma spicatum. Forêt de Sillé, 
Saut-au-Cerf, Butte d’Oigny. 
Wahlenbergia hederacea Rchb. Forêt 
de Sillé. TC. 
+ Campanula glomerata L. Neuvillalais, 
Conlie, Crissé, etc. 
+* — Trachelium L. Sillé, Conlie, Crissé. 
+* Vaccinium Myrtillus L. Sillé, Mézières, 
Lavardin. Forêts. T. C. 
+* Erica ciliaris L. Trouvé une fois entre 
Rouessé et Vimarée, 
* Hypopitys multiflora. Scop. au Grèz, R, 
* Hottonia palustris L. Sillé, étangs. 
+* Primula grandiflora Lam. et sa variété. 
Sillé, Conlie. 
* Lysimachia nemorum L. Forêt de Sillé, 
Bois de la Cure, Saut-au-Cerf. 
‘ Anagallis cærulea L. Conlie, Neuvillalais, 
Crissé. 
+* — tenella Z. Sillé, Neuvillalais. 
+ Erythræa pulchella Fries. Neuvillalais, 
Conlie, Rouez. 
* Microcala filiformis Link. Sillé, étangs. 
+ Chlora perfoliata L. Neuvillalais, Dom- 
front au camp de César, 
+ Gentiana Cruciata L. Neuvillalais. 
+* — Pneumonanthe L. Trouvé une fois 
entre Rouessé et Vimarée. 
+* Menyanthes trifoliata L. Neuvillalais, 
Silié, Crissé. C. 
*_ Cynoglossum officinale L. Rouessé-Vassé 
près le château. 
* Mentha gentilis Z,? T. C. Forèt de 
Sillé, 
T Ajuga genevensis L, Conlie, Neuvy, 
Neuvillalais. 


+ 


151 


+ Ajuga Chamæpitys Schreb. Conlie, Neu- 
villalais, Crissé, 
+ Teucrium Botrys Z. Conlie, Neuvilla- 
lais. 
FT — Chamædrys L. Conlie, Neuvillalais, 
Crissé, etc. 
‘ Galeobdolon luteum Huds. Sillé, Le 
Grèz. 

Galeopsis grandiflora Gmel. Conlie, Neu- 

villalais. 
— Ladanum £L. Conlie, Mézières, etc. 
+ Stachys annua L. Neuvillalais, Rouez. 
T — germanica L. Conlie, Neuvillalais, 
Mézières, Rouessé. 

+ Leonurus Cardiaca L. Conlie, Rouez à 
Courmenant. 

%  Thymus humifusus Bernh. Conlie, Neu-- 
villalais.… 

* Melittis Melissophyllum LZ, Sillé. 
 Prunella laciniata L. Conlie. 

+  Scutellaria galericulata L. Sillé, Crissé. 

4 — minor L. Forêt de Sillé. T. C. 
Rouessé, Crissé. 

+ Salvia pratensis L. Conlie, Neuvilla- 

lais, etc. 

+ Verbascum pulverulentum Auct. Conlie. 

4° — Lychnitis L. Sillé, Conlie, 

* — nigrum L. Sillé, Le Grèz. 

* — virgatum Wüth. Sillé. 

* Linaria minor Desf. Neuvillalais, Conlie, 

Sillé, 

— Cymbalaria Mill, Sillé, sur un mur 

seulement. 

+ Digitalis purpurea ZL. Sillé, Mézières. 
T. GC. Conlie, butte de la Jannelière. 

Ÿ* Limosella aquatica L. Saint-Remy, 
Rouez, étang de Bois-Yvon. 

1" Veronica scutellata L. Forêt de Sillé, 

forêt de Mézières. 
® — — var. parmularia. id, id. 


Es 


sh 
‘+ — prostata L. Neuvillalais. 


* Bartsia viscosa L. Forêt de Sillé. 

l* Pedicularis palustris L. Forêt de Sillé, 
Neuvillalais. 

Pinguicula lusitanica L. Forêt de Sillé, 
Saint-Remy près Sillé. 

* Utricularia vulgaris L. Forêt de Sillé. 
* Littorella lacustris L. Forêt de Sillé. 
+* Daphne Laureola L. Sillé, Conlie, Mé- 

zières, Domfront. 
+° Chenopodium bonus Henricus L. Sillé, 
Domfront. 
Buxus sempervirens L. T. C. au nord 
de Sillé, 
+° Mercurialis perennis Z, Sillé, Mézières. 
Salix repens L. Sillé, aux étangs, 
K Alisma Plantago L. Sillé, forêt, aux 
étangs. 


x 


132 CONGRÈS INTERNATIONAL DE BOTANIQUE. 

* Alisma ranunculoides L. Sillé. + Muscari racemosum DC, Conlie, Dom- 
* — repeus Lam. Sillé. front. 

#* — natans L. Sillé. — comosum Mill. Conlie, Domfront. 


+ Triglochin palustre L. Neuvillalais, R. 
+* Orchis viridis Crantz. Neuvillalais, Sillé, 


Colchicum autumnale Z, Domfront, 
Crissé, etc. 


forêt. * Juncus pygmæus Thuill. Sillé, étangs. 
+ —hircina Scop. Conlie, Crissé, Ruillé, ? Cyperus longus ZL. (Saint-Léonard-en- 
Neuvillalais. C, Bois). 
+ — coriophora L. Neuvillalais. €, * — fuscus L. Sillé, forêt. 
Sillé, R, # — flavescens L. Sillé, forêt, 
ÿ — simia Lam, Domfront, camp de * Carex pulicaris L. Sillé, étangs. 
César, Mézières. * — stellulata ZL. Sillé, forêt. 
7 — fusca Jacqg. Domfront, camp de * — canescens L. Sillé, forêt. 
César. Vignes. * — stricta Good. Sillé, forêt. 
+ Ophrys myodes Jacq. Conlie, Mézières, * — vulgaris Fries. Sillé, forêt, 
Domfront. * — præcox Jacq. Sillé, forêt. 
+ — aranifera Æuds, Conlie, Domfront, * — Œderi Ehrhart. Sillé, forêt. 
Neuvillalais. Ÿ — maxima Scop. Mézières. R. 
7 — apifera Huds. Neuvillalais. * Alopecurus geniculatus Z, Sillé, étangs. 
+* Epipactis palustris Crantz. Neuvillalais, | + Osmunda regalis L. Forêt de Mézières. 
Sillé. * Blechnum Spicant Smith. Forêt de 
+ — ovata Crantz. Conlie, Sillé. Sillé. 
+* Spiranthes autumnalis Rich. Sillé, | +* Ceterach officinarum Walld. Sillé, Neu- 
Conlie. villalais, Rouessé. 
+ Iris fœtidissima L. Mézières. * Lycopodium clavatum Z, Forèt de 
* Scilla autumnalis L. Rouessé. Sillé. R. 


Plusieurs de ces plantes donnent lieu à des observations spéciales. 

Ces observations ont, pour les déductions que l’on peut tirer rela- 
tivement à l'influence du sol sur la végétation, une importance 
d'autant plus grande qu’elles sont faites sur une toute petite échelle. 
On ne compte, en effet, que 15 kilomètres de Domfront à Sillé, 
41 de Conlie ou de Mézières à Sillé, et 5 de Crissé à Sillé. 

La grande Ciguë, très-commune au Mans et à Sillé, ne se trouve 
pas à Conlie; il m'est arrivé il y a quelques années d'envoyer à la 
Pharmacie centrale de France 30 à 40 kilogrammes de semences de 
grande Ciguë que j'avais fait récolter à Sillé. 

Une chose qui n’a frappé dans mes herborisations, c'est que les 
plantes à corolle bleue sont plus communes dans les terrains cal- 
caires de Conlie que dans les terrains primitifs de Sillé. Vers la fin 
du mois de juin, par exemple, on rencontre surtout dans les environs 
de Sillé : le Vaccinium Myrtillus, les Erica tetralix, cinerea et vul- 
garis, les Ulex europœus et nanus, le Digitalis purpurea, le Coty- 
ledon Umbilicus, une quantité considérable d'Orchis maculata ; et 
dans le terrain calcaire de Conlie on trouve en plus ou moins grande 
abondance : l'Anagallis cœrulea, Y Aquilegia vulgaris, Y Anemone 
Pulsatilla, Ÿ Ajuga genevensis, le Campanula glomerata, le Lac- 


C. PERSONNAT. — LE VER-A-SOIE DU CHÈNE. 133 


tuca perennis, le Veronica prostrata, le Gentiana Cruciata RK., 
les Muscari racemosum et comosum, le Salvia pratensis, etc. ; les 
Bluets, la Vipérine et la Pervenche s’y trouvent aussi en plus grand 
nombre qu’à Sillé. 


M. Camille Personnat, secrétaire, fait au Congrès la com- 
munication suivante : 


SUR LES CHÊNES DONT SE NOURRIT LE VER-A-SOIE DU CHÊNE 
(Bombyx Yama-Mai), 


Par M. Camille PERSONNAT. 


Lors de notre dernière visite à l'Exposition universelle, les hono- 
rables membres du bureau de la Société botanique de France ont 
bien voulu s'arrêter avec intérêt devant les éducations que j'y a 
faites du nouveau Ver-à-soie du Chène, et m'engager à en faire 
l’objet d’une communication an Congrès international. Je m'em- 
presse de répondre à cette amicale invitation; ce sera de la bota- 
nique appliquée, puisqu'il s’agit d'utiliser industriellement la feuille 
d’un arbre universellement répandu. 

Le Ver que j'ai l'honneur de présenter à l'assemblée est originaire 
du Japon, où il a fait, jusqu'à ces derniers temps, l'objet d’un 
monopole exclusif. On le désigne sous le nom de Bombyx Yama- 
Maï. 

Ce qui constitue l'importance de cette espèce, c’est qu'elle donne 
un magnifique cocon d’un beau jaune verdâtre, complétement fermé, 
qui se dévide très-facilement à la mécanique, et dont le brin est 
élastique et solide, malgré sa finesse; c’est que sa soie, fort abon- 
dante, possède beaucoup d'éclat, et que sa chenille peut se nourrir 
à l'état sauvage, en plein air, des feuilles du Chêne commun de nos 
bois. On aperçoit d’un coup d'œil l'immense avenir d'un si précieux 
insecte, l'immense richesse que sa propagation répandrait dans la 
France centrale et dans toute la partie de l'Europe où le Ghène 
abonde, et où le climat se prêterait parfaitement à sa culture. 

Les échantillons de cocons, de soies gréges et de tissus qne je 
mets sous les yeux du Congrès ne démentiront pas, je l'espère, les 
favorables appréciations que je viens de formuler. 

Je n’entreprendrai pas, messieurs, de vous faire connaître en 
détail les divers modes d'éducation qu’on peut mettre en pratique 


13/1 CONGRÈS INTERNATIONAL DE BOTANIQUE. 


pour le Ver du Ghène, ou de décrire les caractères de ce Bombyx 
sous les différents états qu'il traverse pendant sa vie. Ce serait 
abuser de vos moments, et vous pouvez, d’ailleurs, par les planches 
que j'ai l'honneur de vous soumettre, vous rendre compte de la 
grosseur de l'œuf, de la belle couleur verte de la chenille, de la 
dimension et de la brillante livrée des papillons. Pour ceux qui 
voudront entreprendre la culture de cet insecte, ils trouveront tous 
les renseignements nécessaires dans le livre que j'ai publié sur ce 
sujet (1) et dont j'offre un exemplaire au Congrès. 

Je me contenterai donc ici de dire que le Ver du Chêne se conduit 
à peu près comme celui du Mûrier; que c’est, comme chez ce 
dernier, l'œuf qui passe l'hiver (grand avantage pour les soins de 
conservation), et que la chenille, après quatre mues ou changements 
de peau, file un cocon dont les deux bouts sont complétement 
fermés. I n’a aussi qu'une génération par an. L'éducation de la 
chenille se trouve même beaucoup moins compliquée. Le Yama-Maï 
est, en effet, une espèce sauvage qui aime le grand air, ne craint 
point les variations de température, et n’a pas besoin, conséquem- 
ment, de cette atmosphère factice qu'on donne à tort au Ver-à-soie 
ordinaire. 

On peut l’élever de trois manières principales : : 

Soit en plein vent, sur taillis de Chênes ou sur arbres isolés, dont 
on éloigne autant que possible les ennemis de la chenille ; 

Soit sur des branches coupées, dont le pied trempe constamment 
dans des vases pleins d’eau ; 

Soit enfin sur branches coupées pendant le premier ou les deux 
premiers âges, et sur des arbres vivants, en pleine nature, pendant 
les derniers. 

Le Yama-Maï mange la feuille de tous les Chênes indistincte- 
ment, On le nourrit plus généralement, au Japon, des Quercus 
dentata, Q. castaneifolia et ©. serrata; en France, toutes les 
espèces ou variétés qui croissent dans nos bois lui conviennent 
également : Q. pedunculata, sessiliflora, pubescens, Cerris, etc. 
Il mangerait même le Ghène-vert et le Chêne-liége; mais je crois 
qu'une nourriture de ce genre, pendant toute la durée de l’édu- 
cation, pourrait nuire à la qualité de la soie, Il peut s’alimenter 


(4) Le Ver-à-soie du Chéne (Bombyx Yama-Maï), son histoire, sa descriplion, ses 
mœurs, son éducation, ses produits. À vol. in-8°, avec 3 pl. col. 5 fr. A la librairie 
agricole de la Maison rustique, 26, rue Jacob. 


C, PERSONNAT. — LE VER-A-SOIE DU CIÈNE. 139 


encore, ainsi que je l’ai constaté, de quelques autres végétaux, tels 
que le Cognassier, l’Alisier, le Ghâtaignier; mais ces particularités, 
qui ne démontrent pas que le Ver demeure aussi bien constitué en 
changeant de végétal, n’ont d'intérêt que dans le cas où la chenille 
viendrait à naître avant l'apparition des feuilles de Chêne. 

Quant au produit d’une culture industrielle, j'arrive, par un 
calcul irréfutable, à 300 kilogrammes, au moins, de cocons frais par 
hectare de bois taillis; ce qui, en réduisant le prix des cocons à 
h ou 5 francs le kilogramme, donne encore un résultat de 1200 à 
1500 francs par hectare, 

Pour obtenir un aussi beau résultat, les frais auront été peu im- 
portants : une première et rapide main-d'œuvre pour l’aménage- 
ment du sol; un filet pour couvrir le taillis et qui durera dix ans, 
ou mieux les frais d'un gardien pour deux hectares pendant cin- 
quante à soixante jours; enfin, le coût de la main-d'œuvre pour la 
récolte. Tous ces frais seront, d’ailleurs, en partie couverts par le 
produit de la coupe du bois. 

Vous le voyez, messieurs, nous arrivons à un résultat magnifique ; 
c'est une nouvelle source de richesse à jeter dans nos campagnes 
sans nuire à aucune autre. 

Je ne m'arrête point à quelques objections qu’on a cru pouvoir 
élever contre ces éducations en plein air : d’abord les oiseaux ; mais 
c'est ici l’histoire de l'introduction du blé en France. Si l’on semait 
quelques grains de blé dans un jardin, à proximité des habitations 
où les moineaux pullulent, on ne récolterait pas une graine; tous les 
épis seraient dévorés. Il en sera de même pour le Ver du Chêne. 
Tant qu'on l’élèvera en petites quantités, il faudra le surveiller ou 
l'abriter ; mais dès qu'on pourra mettre assez d'œufs à l’éclosion et 
faire la part du déchet naturel, les oiseaux ne prélèveront sur les 
récoltes qu'un impôt inappréciable. D'ailleurs, le produit mériterait 
la dépense d'un gardien. 

Je n'insiste pas davantage sur les attaques des insectes : on peut 
les éloigner. Quant au préjudice que semble causer aux Chênes la 
privation de leurs feuilles au printemps, la pousse d'automne, plus 
vigoureuse, répare tout le dommage. 

Après avoir démontré l'importance pour nos pays de cette nou- 
velle espèce, je dois donner quelques brèves explications sur lhis- 
toire de son introduction en Europe. 

C'est en 1861 que M. Duchesne de Bellecourt, consul général de 


136 CONGRÈS INTERNATIONAL DE BOTANIQUE. 


France au Japon, en envoya quelques graines en France; de ces 
graines on ne put obtenir qu’un seul cocon. Ce résultat, bien que 
négatif pour la propagation de l'espèce, suffisait cependant pour 
donner une haute idée de ses qualités : il faisait connaître la beauté 
de la soie et la robusticité du ver. 

Dans de telles circonstances, on ne pouvait que désirer un nouvel 
envoi de graines ; et M. Eugène Simon, qui dirigea la mission scien- 
tifique agricole envoyée en Chine et au Japon en 1862, fut spéciale- 
ment chargé de rechercher et de rapporter le Yama-Maï. Mais on 
ne put en obtenir que par l'entremise de M. Pompe van Meerderwoort, 
officier de la marine hollandaise et directeur de l'École impériale de 
médecine de Nangasaki. C’est, en effet, à ce savant que nous devons 
les rares semences qui ont produit tous les Vers acclimatés que nous 
possédons aujourd'hui en Europe. 

Occupé depuis longtemps de travaux relatifs à la sériciculture, je 
recus de la Société d'acclimatation un très-petit lot de ces précieuses 
graines, et j'eus le bonheur de réussir complétement dans ieur 
élevage, à Privas (Ardèche), où je me trouvais alors, et d'obtenir un 
excellent grainage pour l’année suivante. Puis, développant d'année 
en année: mes essais, je parvins à élever des milliers de vers à 
Laval (Mayenne), où se trouve actuellement le centre de mes cul- 
tures, et à en faire l’objet d’une sérieuse exploitation agricole. Les 
nombreuses demandes de graines que j'ai reçues de tous les pays 
d'Europe et d'Amérique, le vif intérêt que ie public a pris tout l'été 
et prend journellement encore à mes éducations et à mon exposition 
du Champ de Mars, celui que vous avez bien voulu témoigner à Ja 
communication que je viens de vous faire, me prouvent, messieurs, 
l'importance du sujet qui nous occupe. 

Ma part, dans cette conquête agricole, est d’avoir su acclimater 
définitivement le Yama-Maï, puisque seul j'ai pu le reproduire, 
d'année en année, depuis cinq ans, des graines de M. van Meerder- 
woort, et d’avoir étudié complétement ses mœurs et ses besoins, de 
manière à donner aux futurs éducateurs un guide détaillé, qui leur 
permit d'éviter les échecs. Ma première récompense sera de voir 
prospérer cette œuvre utile, et je remercie le Congrès de contribuer 
à sa propagation en me permettant de lui soumettre les résultats 
déjà obtenus. 

Je demande, en terminant, la permission de dire quelques mots 
rapides sur les autres séricigènes nouvellement expérimentés ou in- 
troduits en France, afin de les comparez au Fama-Mai. 


EICIILER, —- BALANOPHORÉES. 437 


Trois autres espèces se nourrissent également de feuilles de Chêne: 
ce sont les Bombyx Pernyi, du nord de la Chine, B. Mylitta, des 
Indes orientales, et À. polyphemus, du nord de l'Amérique. Ges 
vers donnent des cocons fermés ; mais les fils en sont unis par une 
gomme qui ne se dissout qu'à l’aide de solutions alcalines, et la soie 
est grise, sans éclat. De plus, c’est le cocon qui passe l'hiver; l'œuf 
éclôt au printemps, huit jours après avoir été pondu, ce qui est une 
grande difficulté pour les envois. 

Les Bombyx (Saturnia) Cynthia, de l’Aïlante, et B. Arrindia, 
du Ricin, font des cocons petits et naturellement ouverts, ce qui en 
rend le dévidage mécanique fort difficile sinon impossible. La soie 
est grise et terne. Le premier pourrait cependant donner quelques 
résultats dans le Midi, si l’on plantait des bois d’Ailante sur les 
crêtes dénudées des coteaux, parce que les éducations auraient 
alors lieu sans frais, et que, sous le climat méridional, le Cynthia 
donne deux récoltes par an. 

Enfin, le B. Cecropia, de l'Amérique du Nord, qui vit sur le Pru- 
nier ; le Faidherhia Bauhiniæ, du Sénégal, qui mange les feuilles du 
Jujubier; le 2. Atlas, des montagnes de l'Himalaya, qui vit sur le 
Berberis asiatica, et quelques autres, donnent des cocons ouverts, 
difficiles à dévider, ou bien se nourrissent de végétaux peu suscep- 
tibles de se répandre dans nos climats. 

Ïl demeure donc évident qu'après le Ver du Mürier, la plus belle 
des espèces connues, la seule qui, pour nos pays, offre un intérèt 
sérieux, véritable, c'est le Bombyx Yama-Maï , aujourd’hui défini- 
tivement acclimaté. 


M. Kichler, secrétaire, fait au Congrès la communication 
suivante : 
SUR LA 
STRUCTURE DE LA FLEUR FEMELLE DE QUELQUES BALANOPHORÉES, 


Par ME. A.-NV. EICIILER, 


Privatdocent à l'Université de Munich, 


Messieurs, 


Si j'ose appeler, pendant quelques instants, votre attention sur la 
famille des Balanophorées, ce n’est pas que j'aie la prétention d’ex- 
poser le résultai d'investigations complètes et définitives. Loin de là, 


138 CONGRÈS INTERNATIONAL DE BOTANIQUE. 


ma communication ne portera que sur quelques parties du sujet ; 
mais comme elle traite de points encore peu connus, et qu’elle 
pourra jeter sur eux quelque lumière, j'espère que cette savante 
assemblée voudra bien, en considérant l'intérêt qu'offrent ces curieux 
végétaux, me prêter sa bienveillante attention, et m'accorder toute 
son indulgence. 

Malgré les belles et récentes recherches de MM. J.-D. Hooker, 
Weddell et Hofmeister (1), ilest dans l’histoire naturelle des Bala- 
nophorées, un point sur lequel il reste encore quelque obscurité : 
c’est la structure et la composition morphologique de la fleur femelle. 
Qu'il me soit permis, en négligeant les anciennes opinions qui ne 
pouvaient être que très-imparfaites, à cause de l'insuffisance de la 
méthode et des moyens d’investigations, de jeter immédiatement un 
coup d'œil sur l’état actuel de la science en ce qui concerne ce sujet, 

Dans le cas le plus simple, la fleur femelle se compose d’un pistil 
nu : telle est l’organisation du Éalanophora et du Sarcophyte (£. 1). 
Dans les autres genres, il s’adjoint à ce pistil un périgone qui lui 
est partout adhérent et ne s'élève le plus souvent au-dessus de lui 
que par un limbe peu distinct (f. 3, 5-9), Tantôt entier, dentelé 
ou crénelé (f. 3, 5, 8), ce limbe n’affecte que chez le Mystrope- 
talum la forme d’un périgone prononcé et régulièrement trilobé 
(f. 10). Cette formation progresse chez le Cynomorium, dont le 
périgone se compose de plusieurs pétales, dont le nombre varie de 
4 à 8, qui ne sont pas soudés entre eux (f. 11), et n'adhèrent 
souvent au pistil qu'à sa partie inférieure. C’est encore le seul 
genre où l’on trouve quelquefois, dans la fleur femelle, le rudiment 
d'une étamine (f. 44). Cet organe manque, en eflet, dans les fleurs 
femelles des autres membres de la famille. 

Le pistil présente cette différence caractéristique qu'il est pourvu 
chez les uns d’un seul style (1. 4, 3, 10, 11), chez les autres de 
deux (f. 5, 7, 8). C’est d’après cette différence que l’on a divisé la 
famille des Balanophorées en deux groupes : les Monostyli et les 
Distyli; et que l’on a pensé qu'il n’y à qu’un seul carpelle chez les 
premiers et deux chez les seconds. 


(1) 3.-D. Hooker, On the structure and affinities of Balanophoreæ, dans les Transac- 
tions of the Linnean Society, t. x (1859). — Weddell, Considérations sur l'organe 
reproducteur femelle des Balanophorées et des Rafflésiacées, dans les Ann. sc. nat. 11, 
14, p. 166 et suiv. ; Mémoire sur le Cynomorium coccineum, dans les Archives du Mu- 
séum, 1. x, — Hofmeister, Neue Beitræge zur Kenntniss der Embryobildung der Pha- 
nerogamen, p, 572 et suiv. 


EICHLER. -— BALANOPHORÉES, 139 


D’après les observateurs dont nous venons de mentionner les re- 
cherches, l'ovaire contient d'ordinaire un seul ovule, dressé dans les 
uns et penché dans les autres. Dressé dans les Hélosidées (1), il y 
est à la fois atrope ou orthotrope, sans enveloppe, sessile à base 
large sur le fond de l'ovaire, et adhérent partout à la paroi ovarienne: 
c'est une masse de parenchyme ovoïde ou oblong, creusée d’un sac 
embryonnaire situé dans l'axe près du sommet (f. 6). Mais, selon 
M. Hofmeister, le Scybalium présenterait une exception remarqua- 
ble, en ce qu’il aurait deux sacs embryonnaires extra-axiles et symé- 
triquement opposés (2) (f. 7). 

L'ovule penché est propre aux groupes des Lophophytées et des 
Monostyli. Sur les Lophophytées, nous ne possédons pas d’indica- 
tions plus récentes que celles de M. Weddell (3), qui font supposer 
un nucelle nu et anatrope, pendant librement du sommet de la cavité 
ovarienne (f. 9). Mais cela est en contradiction avec les descriptions 
qu'ont données, il y a déjà plus de trente ans, M. Pœppig de l'Om- 
brophytum, et MM. Schott et Endlicher du Lophophytum (h). 
Selon ces descriptions, dont l'ancienneté a empêché qu’on ne leur 
accordàt beaucoup d'importance, l'ovaire contiendrait deux ovules 
en deux loges. 

Dans les tribus des Sarcophytées et des Langsdorffées, l’ovule se 
compose, suivant M. Hofmeister, d’une seule cellule qui pend libre- 
ment d'un funicule également unicellulaire (f. 4 f), près du sommet 
de la cavité ovarienne (f. 4). La situation des vésicules embryon- 
naires, placées au voisinage du funicule (f. 4 +), démontrerait que 
cet ovule est anatrope, malgré la simplicité de sa structure (5). 

Le groupe des Balanophorées proprement dites, qui ne consiste 
que dans le seul genre Balanophora, possède un ovule aussi simple, 
mais composé cependant de quelques cellules. Il est, du reste, comme 


(1) Nous suivons provisoirement la division proposée par M. J.-D. Hooker dans le mé- 
moire cité plus haut. 

(2) Hofmeister, L. c., p. 599. Dans ce passage, l’auteur suggère une autre explication 
du fait : c’est qu'il y ait dans le Scybalium deux ovules dressés et cohérents. 

(3) Ann. sc. nat., L. c., pp. 184, 185, pl. 10. Je dois faire remarquer que l’inter- 
prétation que j’expose n’a pas été donnée par M. Weddell, mais qu’elle est déduite des 
figures de son mémoire. 

(4) Pæppig et Endlicher, Nova Genera et Species plant., t. 11, p. 40, tab. 155. 

(5) Schott et Endlicher, Meletemata botanica, p.1, tab. 4. . 

(6) Dans le Sarcophyte, on trouve souvent, d’après M. Hofmeister, deux ovules sépa- 
rés par une cloison, M. Hofmeister suppose que chacun d’eux appartient à un des deux 
carpelles dont se compose le pistil du Sarcophyte, et que la cloison est formée par la 
paroi ovarienne, Nous reviendrons plus loin sur ce point, 


410 CONGRÈS INTERNATIONAL DE LOTANIQUE. 


le précédent, dépourvu d'enveloppe, anatrope, et fixé à un suspen- 
seur unicellulaire au sommet de la cavité ovarienne, dans laquelle il 
pend librement (f, 2). 

Enfin, dans les Gynomoriées et dans les Mystropétalées, nous 
trouvons l’ovule le plus développé de ceux de la famille : il consiste 
en un nucelle multicellulaire, revêtu d'une enveloppe simple, mais 
composée aussi de plusieurs couches cellulaires (1) (f.12). Hémitrope 
dans le Cynomorium (f. 12), il est, dans le Mystropetalum, parfai- 
tement anatrope ; du reste, dans les deux genres, il pend librement 
du sommet de l'ovaire par un court funicule, ou bien il est immé- 
diatement fixé à sa chalaze (f. 12). 

Telles sont les modifications principales que l’on rencontre dans 
la structure de la fleur femelle des Balanophorées. Ce sont là des 
différences en apparence très-importantes, que l'on ne rencontrerait 
que très-rarement, peut-être même jamais, dans un autre ordre du 
règne végétal, et qui ne peuvent aucunement être ramenées à un 
type commun. C’est surtout d'après ces différences que l’on a tenté, 
d’une part, de diviser la famille en groupes, de l'autre, d’en déter- 
miner la position systématique. Quant à leur aflinité, les Balanopho- 
rées sont généralement rangées aujourd'hui dans le voisinage des 
Haloragées, surtout sur l’autorité de MM. J.-D. Hooker et Hofmeister. 
Pour caractériser ce rapport, M. Hooker s'appuie principalement 
sur la structure externe, M. Hofmeister bien plus sur des raisons 
tirées de l’embryogénie. M. Hooker dit notamment : 

«Le périgone supérieur et l’étamine épigyne du Cynomorium 
» (lequel genre devrait trancher la question, puisqu'il est le plus 
» développé de l'ordre) classeraient les Balanophorées parmi les 
» Calyciflores épigynes; et ce serait évidemment le genre Æippuris 
» qui, par son étamine unique, par son pistil monocarpellé et mo- 
» nostyle, et par son ovule unique penché, représenterait la forme 
» la plus rapprochée du Cynomorium. D'autre part, pour les, 
» Distyli, ce serait le genre Gunnera, aussi de l'ordre des Halora- 
» gées (sensu ampliori), qui prouverait l’affinité des deux familles. 
» Car le pistil du Gunnera (sous-genre Misandra), avec ses deux 
» styles, son ovule unique penché, son périgone adhérent, est 
» presque pareil à la fleur femelle du Lophophytum ; la fleur mâle 

(1) Dans le Mystropetalum, on ne connaissait pas encore celte enveloppe; elle est 


cependant très-distincte et facile à voir, Elle forme sur la graine un testa mince, mem- 
braneux, qui adhère très-intimement à l’endosperme, 


EICHLER. — BALANOPHORÉES. la 


» des deux genres, par son périgone composé de deux pétales et 
» ses deux étamines alternes, dénote aussi la plus étroite affinité. » 

M. Hofmeister trouve cette manière de voir confirmée, non-seule- 
ment parce que l’ovule très-exceptionnel des Balanophorées, réduit 
à un nucelle complétement nu, se retrouve chez l’Hippuris, mais 
parce que l’endosperme se forme dans ces deux genres d’une ma- 
nière identique et également exceptionnelle, par la partition com- 
plète de tout le sac embryonnaire, et non pas, comme dans la plu- 
part des genres, par des cellules libres. — Parmi les nombreuses 
hypothèses présentées sur l’affinité des Balanophorées, celle de 
MM. Hooker fils et Hofmeister est certainement la mieux motivée ; 
cependant elle pèche en ce qu'élle ne donne que des rapports 
incomplets, parce que les auteurs ont négligé les formes à ovule 
dressé, qui n’ont pas d'analogues parmi les Haloragées. 

Je demanderai maintenant à l'assemblée la permission d'exposer 
mes propres recherches, et je choisirai d’abord, comme la plus favo- 
rable pour la clarté de ce début, la fleur femelle du Lophophytum, 
spécialement du Z. mérabile. 

Les matériaux qui ont servi à ces recherches consistent en une 
belle série d'échantillons conservés dans l'alcool, et recueillis dans 
le voisinage de Canta Gallo, province de Rio de Janeiro, par l’hono- 
rable docteur Théodore Peckolt. Ges échantillons font partie des 
collections de M. de Martius ; ils ont été mis à ma disposition par cet 
illustre savant avec la plus grande obligeance. Je saisis avec empres- 
sement cette occasion pour exprimer publiquement à M. de Martius 
mes vifs et sincères remerciments. Je suis, en outre, extrèmement 
reconnaissant, pour la communication de matériaux précieux, à 
M. Nægeli, directeur du Musée botanique de Munich, à MM. Al. 
Braun et Garcke, qui m'ont envoyé les Balanophorées de l’herbier 
royal de Berlin, à M. Fenzl, auquel je dois celles de lherbier 
impérial et royal de Vienne, à M. Wigand (de Marbourg), à 
M. J.-D. Hooker et à M. Weddell. 

Observée à l'extérieur, la fleur du Lophophytum mirabile a la 
forme d’un cône à six pans, renversé, ‘allongé, un peu comprimé, 
un peu rétréci au milieu, et terminé, à son sommet, par une 
dépression cratériforme d’où sortent les deux styles courts et diver - 
gents (f. 8). Excepté à sa base, cette fleur est d’une consistance 
dure, presque osseuse vers le sommet, et d’une couleur jaunâtre ; sa 
longueur est de 4 millimètres et demi environ. Pour faciliter liu- 


142 CONGRÈS INTERNATIONAL DE BOTANIQUE. 


telligence de sa structure interne, qui ne peut s’exposer en peu de 
mots, il sera bon d’entrer tout de suite dans l'examen organogé- 
nique. 

La fleur du L. mirabile naît immédiatement sous le sommet de 
l'axe du capitule, sur lequel se trouvent réunies les fleurs femelles, 
et qui forme dans sa jeunesse une gibbosité large, mais relativement 
basse, en forme de mamelon hémisphérique; il n’y à aucune trace 
de bractées (1) (f. 13 a). Ce mamelon s‘allonge ensuite en un court 
cylindre ou en un corps claviforme, sans autre changement (f. 13 4); 
alors commence une autre phase. Les cellules situées immédiate- 
ment au-dessous du sommet s’élargissent, se divisent et se subdivi- 
sent, et forment ainsi deux sailliés opposées qui se dirigent à gauche 
et à droite de l’axe du capitule (f. 43 c). En s’accroissant rapidement, 
ces saillies prennent bientôt la forme d’une cuiller évasée (f. 14), 
s’'inclinent l’une vers l’autre en se courbant au sommet, et finissent 
par s’unir à partir de la base (f. 14, 15). En faisant cela, elles con- 
stituent une cavité de forme ovoïde, comprimée, qui est d’abord en 
communication avec l'extérieur par un canal placé à son sommet, et 
qui persiste assez longtemps en cet état (f 15). L'union des bords, 
au reste, devient si parfaite, que l’on n’en trouve aucune trace dans 
la fleur développée, Il convient, en outre, de faire remarquer que ces 
deux organes (qui ne sont autres que les carpelles, comme on le 
verra plus clairement par la suite de cette exposition) se partagent 
tout d’abord, intérieurement, en deux couches constituées par un 
seul rang de cellules à l'origine. L'une d'elles, extérieure, ne s’aug- 
mente dans la suite que par des partitions verticales à sa surface, et 
reste, par conséquent, dans cette direction, toujours composée d’un 
seul rang de cellules. Plus tard, celles-ci s’élargissent, principa- 
lement vers le sommet, et elles acquièrent des parois épaisses, 
poreuses, dures et blanchâtres; leur contenu devient limpide et 
disparait, et le tout se transforme enfin en un épiderme bien prononcé 
(f. 15-18) (2). La couche intérieure, au contraire, en s’accroissant 


(1) Je ferai observer que M. Weddell, qui a indiqué des bractées dans cette espèce 
(Ann. sc. nat., L. c., p. 185), a eu sous les yeux non pas le vrai L. mirabile Schott et 
Endl., mais le Lophophytum nommé par Leandro Archimedea, qui est bien différent 
du L. mirabile et constitue une espèce nouvelle que je décrirai dans le Flora brasi- 
liensis de M. de Martius sous le nom de Z. Leandri. Dans le L. mirabile il n’y a jamais 
de bractées. 

(2) Cet épiderme ne possède pas de stomates, organes dont on sait que la famille des 
Balanophorées est généralement privée. (Cf, J,-D. Hooker, L. c.) 


EICHLER. — BALANOPHORÉES. 145 


par des divisions en tout sens, se trouve bientôt composée de plu- 
sieurs rangs de cellules qui s'augmentent continuellement et se dis- 
tinguent très-nettement des cellules épidermiques par leurs parois 
minces et par leur contenu plasmatique, trouble et granuleux 
(£. 15-18). C’est, par conséquent, de cette couche qu’est formée la 
plus grande masse, le corps pour ainsi dire de la fleur, et c’est dans 
cette partie que s’opèrent ultérieurement la plupart des phases de 
l'évolution. 

Le sommet du mamelon primitif, qui donnait naissance aux car 
pelles, et qui est par conséquent l'axe floral, se trouve, pendant le 
commencement de l’évolution que je viens de décrire, caché entre 
les carpelles dans le fond de la fleur, où il forme une gibbosité 
hémisphérique à peine visible (f 45 a). Mais bientôt il s'élève, 
s’allonge en un cône libre dans la cavité ovarienne, et produit 
latéralement deux nouveaux organes, savoir, deux mamelons cellu- 
leux très-petits, qui sont situés chacun en face d’un carpelle, Ceux-ci 
s’accroissent, et, comme ils s’abaissent peu à peu vers la base, le 
tout prend bientôt la forme d’une colonne, du sommet de laquelle 
pendent deux corps ovoïdes (f. 16 ov), qui sont les ovules dans 
leur première phase de développement. 

Pendant cela, les carpelles, qui étaient demeurés ouverts au som- 
met, s'unissent encore dans ce point, et la cavité ovarienne se trouve 
fermée de tout côté (f. 16). Du sommet fermé naissent immédiate- 
ment les styles (f. 16). C’est la couche extérieure (laquelle joue sur 
l'ovaire le rôle d’un épiderme) qui leur donne naissance, et leur évo- 
lution est due à un développement secondaire. Mais il ne serait pas 
d'un grand intérêt d'entrer dans les détails de ce développement, 
et je crois pouvoir négliger aussi la description de la structure des 
styles. Qu'il me soit permis seulement de faire remarquer que 
chacun d'eux correspond exactement à la ligne médiane du carpelle 
auquel il appartient, et que, par conséquent, ils sont tous deux 
orientés, comme le sont aussi les ovules, à gauche et à droite de 
l'axe du capitule. 

Quant aux changements survenus dans l’intérieur des carpelles 
pendant la naissance des ovules, il n’y en a que deux qu’il importe 
de noter, On voit d’abord une zone de parenchyme, située autour du 
sommet de la cavité ovarienne, se transformer en un anneau de cel- 
lules sclérenchymateuses à parois très-épaisses; poreuses et blanchà- 
tres, formées par des couches superposées, ét dont le contenu finit 


Au CONGRÈS INTERNATIONAL DE ROTANIQUE. 


par disparaitre (f. 46 sc). Cet anneau, d'abord très-mince, s’aug- 
mente peu à peu, par l’adjonction des cellules voisines qui se trans- 
forment en cellules de sclérenchyme, et arrive à représenter un épais 
manteau en forme de cloche, ouvert au sommet pour laisser passer 
le tissu mince qui conduit aux styles (f. 47 sc). On rencontre encore, 
dans un degré d'évolution ultérieure, des cellules de même struc- 
ture dispersées en petit groupe au-dessus de cet anneau, dans le 
voisinage du sommet (f. 17 sc’). — En même temps commence la 
formation des faisceaux vasculaires. Il en entre, à l'origine, deux 
dans l'axe floral ; ils sont situés l’un à gauche, l’autre à droite, et 
correspondent ainsi aux deux carpelles ; mais, un peu au-dessus de 
la base, chacun d'eux donne naissance à un rameau qui s’incurve 
vers la ligne médiane de la fleur, l'un en avant, l’autre en arrière, 
de sorte que, sur la section horizontale, on en trouve quatre disposés 
en croix (f. 18 /), car ces quatre faisceaux s'élèvent en conservant 
leur situation respective jusqu'au manteau sclérenchymateux, à la 
surface extérieure duquel ils se terminent brusquement (f. 17 /). 

La colonne axile et les deux jeunes ovules qui lui sont attachés, 
en continuant de s’accroître, finissent par remplir complétement 
la cavité ovarienne; la colonne s’élargit si bien dans la direction de 
la ligne médiane, qu’elle touche les paroïs en avant et en arrière. 
Alors tout le système se confond avec les parois ovariennes, de 
sorte que la fleur entière représente un corps solide. Il est bien évi- 
dent que c’est la colonne qui forme ainsi une cloison complète entre 
les deux ovules (f. 17-18). 

Voilà donc la fleur arrivée à un degré d'évolution que l'on peut 
regarder à peu près comme définitif. Elle subit bien encore quelques 
changements jusqu'à son parfait développement; mais seulement 
pour achever la formation de parties déjà constituées, et non pour 
créer des organes complétement nouveaux. 

Parmi ces changements ultérieurs, il faut mentionner d’abord l'é- 
volution des sacs embryonnaires. Il s’en forme, comme à l'ordinaire, 
un dans chaque ovule ; dans la fleur développée, le sac constitue une 
utricule allongée, extraaxile, située dans la proximité de la cloison, 
renfermant deux vésicules embryonnaires à son extrémité supérieure 
et deux vésicules antipodes au point opposé (f. 19). On peut con- 
clure de là que l'évolution de l’ovule a suivi le type anatrope et 
(selon l'expression de M. J.-G. Agardh) apotrope; on était à même 
de le supposer déjà par la configuration qu'avaient prise les tissus 


EICIILER. — BALANOPHORÉES. 145 


dans les phases antérieures. Le reste du tissu de l’ovule entourant 
ce sac se transforme par des divisions répétées en un parenchyme 
régulier très-serré, rempli d’un plasma trouble et opaque, par lequel 
il se distingue très-nettement du tissu de la paroi ovarienne et de la 
cloison, qui reste bien plus clair (f. 17-19). Je dois cependant faire 
remarquer que le sommet de la cloison se développe de la même 
manière que le tissu ovulaire, de sorte que les deux ovules finissent 
par sembler confondus entre eux, au-dessus de la cloison (f. 47). 
D'ailleurs, il est à peine nécessaire d'indiquer que ces ovules sont 
tout à fait dépourvus d'enveloppe, puisque cela résulte évidemment 
des figures. 

La dernière phase de développement dont il me reste à faire 
mention, consiste en ce que nous voyons se multiplier les cellules 
à la base de la cloison et dans la couche la plus interne de la paroi 
ovarienne, vers le moment où les ovules se confondent avec elle. 
Cette multiplication ne cesse que quand la fleur a atteint sa perfec- 
tion. Comme les cellules ainsi formées restent bien plus petites 
que celles qui les entourent, il se forme de cette façon un manteau 
parenchymateux spécial qui enveloppe tout le système ovulaire, et 
s'amincit vers les styles en s’effilant (f. 17-19 #). C’est une couche 
de cette partie qui se transforme dans le fruit en coque scléren- 
chymateuse (1). 

C'est par là que se termine l’évolution de la fleur femelle, dès lors 
apte à recevoir l’imprégnation. Les phases ultérieures appartiennent 
à celle du fruit. 

Après cette exposition, l'explication morphologique des organes 
floraux du Lophophytum n'offre plus de difficultés. Le mamelon 
primordial est l’axe ; les deux organes latéraux qui en naissent et qui 
donnent naissance aux styles sont les carpelles. La fleur tout entière 
n'est donc qu'un pistil nu. La cloison médiane, qui résulte du 
développement de la colonne ovulifère primitivement libre et 
centrale, doit être regardée comme un placenta, et ce placenta 
comme la continuation directe de l’axe floral ; enfin, le reste se com- 
prend de soi-même. Je dois seulement faire remarquer que les ovules, 
quant à leur signification morphologique, présentent plutôt le 


(4) C’est la couche périphérique qui subit ce changement. Dans les fruits qui avortent, 
le manteau se transforme tout entier en sclérenchyme et forme ainsi un noyau dur, avec 
une petite cavité centrale où sont les restes des ovules atrophiés. 


CONGRÈS BOT, 10 


116 CONGRÈS INTERNATIONAL DE BOTANIQUE. 


caractère d’un bourgeon métamorphosé que celui d’une feuille (1). 

Je viens de considérer la fleur comme un pistil nu; les auteurs 
qui m'ont précédé lui ont, il est vrai, attribué un périgone; ils ont 
pris pour tel le bord cratériforme qui couronne le sommet de la fleur. 
Mais il est évident que cette interprétation n’est pas fondée. En 
effet, ce bord, ce prétendu limbe, doit, comme nous l'avons vu, sa 
naissance aux carpelles; et, ce qui prouve le mieux combien il est 
impossible de réserver au périgone, dans la constitution de la fleur, 
ne fût-ce qu'une seule couche de cellules, c’est que le tissu qui 
émet les styles et qui, par conséquent, appartient indubitablement 
aux carpelles, forme la partie la plus externe, c’est-à-dire l’épiderme 
de cette fleur. On trouverait, au reste, beaucoup d'exemples analo- 
gues à ce prolongement des carpelles autour de la base des styles, 
notamment parmi les pistils gynobasiques, etc. 

La structure de la fleur femelle du Lophophytum nous révèle 
ainsi une forme tout à fait nouvelle et inattendue dans la famille des 
Balanophorées; de plus, elle nous permet non-seulement d’expli- 
quer les anciennes indications de MM. Schott et Endlicher (2), qui 
ont tant choqué les botanistes modernes, mais aussi de rectifier les 
vues taxonomiques fondées sur la structure de ce genre. Mais per- 
mettez-moi, messieurs, d'abandonner pour un moment ce sujet, au- 
quel je reviendrai plus tard. 

La fleur mâle du Lophophytum ressemble beaucoup, dans l'en- 
semble, à la fleur femelle du même genre; elle ne consiste égale- 
ment qu'en deux organes foliacés : deux étamines supportées par un 
axe très-raccourci etsituées, comme les carpelles, à gauche et à droite 
de l’axe du capitale sur lequel les fleurs se trouvent encore réunies. 
Les botanistes lui ont accordé un périgone, en considérant comme 
tel quelques écailles charnues qui se trouvent entre les étamines, 
mais qui ne sont que des ovaires avortés. On trouve des organes 
semblables entremèlés aux fleurs mâles du Langsdor ffia et d'autres 
plantes de cet ordre (3). 

La structure que nous venons de décrire n’est pas propre au seul 

(1) Si j'émets celte hypothèse, c’est à cause de l’analogie que l'organisation du 
Lophophytum offre avec celle des Hélosidées et d’autres tribus, dans lesquelles l’ovule 
représente, comme nous le verrons plus tard, le sommet de l’axe floral. Je reconnais 
cependant que cette interprélation souffre quelque diflicullé, parce que chez le Lopho- 
phytum l'évolution des ovules, organes latéraux nés au sommet d'un axe, répond mieux 
à la naissance d’une feuille, 


(2) Meletemata bot., L. c. 
(3) J'ai observé des formes transitoires qui relient ces écailles à un ovaire bien déve- 


EICHLER, —= BALANOPHORÉES. 4117 


genre Lophophytum; elle se rencontre encore dans quelques autres, 
et d’abord dans l'Ombrophytum. 

Celui-ci est extrêmement voisin du précédent. Ses fleurs femelles, 
abstraction faite de la grandeur des parties et de quelques détails 
peu importants, se distinguent à peine de celles du Lophophytum. 
Ce que j'avance ici confirme l'exactitude de la description tracée 
anciennement par M. Pœppig (4), qui attribuait à cette plante deux 
ovules séparés par une cloison; et rien n’est à y changer que l’inter- 
prétation morphologique. La même conformité existe entre les fleurs 
mâles des deux genres. 

Un autre genre rentre dans ce type : c'est le Scybalium. 1 serait 
trop long d’en décrire la structure; je me borne à en donner (pl. I, 
f. 20) une figure qui suffira, si l’on se reporte à l'explication des 
planches, pour démontrer l'analogie parfaite qui existe entre le 
Scybalium et le Lophophytum. Par cette analogie s'expliquent, 
non-seulement les anciennes descriptions (2) qui donnent au Scyba- 
lium deux ovules séparés par une cloison, mais encore l'indication 
plus récente de M. Hofmeister (3) qui lui accorde un seul ovule 
muni de deux sacs embryonnaires. Ceci provient de ce que M. Hoi- 
meister ne s’est pas rendu compte des deux nucelles, dont il a con- 
fondu les cellules avec le tissu ovarien environnant. 

Si nous avons trouvé dans les trois genres précédents, qui sont 
tous américains, toujours deux carpelles et deux ovules, le Sarco- 
phyte, au contraire, genre de l'Afrique méridionale, présente ces 
organes au nombre de trois, sans altération aucune des principaux 
types de l’organisation précédente. Cependant, comme les matériaux 
dont j'ai pu disposer n'étaient pas propres à l'examen délicat qu’exi- 
gent les études organogéniques, je ne puis émettre en toute sûreté 
cette assertion, je puis seulement affirmer que la description de 
M. Hofmeister (4), lequel attribue au Sarcophyte un seul ovule 
unicellulaire penché (ou quelquefois par exception deux), n’est pas 


loppé, mais je ne puis insister ici spécialement sur ce point, lequel sera mieux traité 
dans la monographie des Balanophorées que je prépare pour le Flora brasiliensis de 
M. de Martius. 

(1) Pœppig et Endlicher, Nova Genera, 1. c. 

(2) Schott et Endlicher, Meletemala bol, -p. 3, tab. 2, 

(3) Neue Beitræge, l. c., p.299. 

(4) Neue Beitræge, l. c., p. 581 et suiv. Je dois faire remarquer que les fleurs exa- 
minées par moi proviennent du même échantillon que celles qu’a décrites M. Hofmeister. 
Dans l'explication des planches, j'ai cherché, autant que possible, à mettre d'accord nos 
observations réciproques. 


148 CONGRÈS INTERNATIONAL DE BOTANIQUE. 


exacte, et que j'ai toujours trouvé moi-même trois ovules à nucelle 
multicellulaire, séparés par autant de cloisons qui se rejoignent sur 
l'axe, et adhérents, de toutes parts, aux cloisons et aux parois ova- 
riennes (pl. I, f. 21 et 22). J'ignore si ces ovules sont dressés ou 
penchés, anatropes ou orthotropes, et je ne connais pas davantage, 
dans ce genre, la nature ou l’évolution des cloisons; mais, en consi- 
dérant l’affinité incontestable du Sarcophyte avec les Lophophytées, 
et en reconnaissant combien il se rapproche, par l'ensemble de sa 
structure florale, des genres de cette tribu, on peut conclure que 
cette structure ne diffère que par le nombre des organes. Je suis 
donc disposé à croire que la fleur du Sarcophyte est aussi un pistil 
nu (comme c’est l'opinion de tous les botanistes), qu’elle se compose 
de trois carpelles, qu’elle offre d'abord un placenta axile libre, muni 
de trois ovules descendants, fixés à son sommet, qui deviennent 
finalement anatropes et apotropes ; que ce placenta s’élargit, dans la 
suite, en formant des cloisons entre les ovules, et se confond 
finalement avec ceux-ci et avec les parois ovariennes en un corps 
solide. 

Les fleurs mâles possèdent un périgone dans le Sarcophyte et dans 
le Scybalium. Geci ne peut modifier en rien l'explication que nous 
avons donnée de la fleur femelle; d'autant moins que dans tous les 
autres genres des Balanophorées, à l'exception seulement du Lopho- 
phytum et de l'Ombrophytum, 1 n’y a point de similitude entre les 
fleurs des deux sexes, relativement à leur composition morpholo- 
gique. 

Nous allons trouver une structure et une évolution tout à fait diffé- 
rentes de la précédente dans le groupe des Hélosidées (dont j'exclus 
le Scybalium déjà décrit). Je prendrai pour type de ce nouvel 
examen le genre //elosis; mais, pour être bref, je n’en rapporterai 
que les traits principaux, renvoyant pour le reste au Flora brasi- 
liensis el au mémoire déjà plusieurs fois cité de M. Hofmeister, dont 
les investigations relatives aux Hélosidées me paraissent, à peu 
d'exceptions près, fournir des résultats fort exacts. 

La fleur de l’Æelosis naît, comme celle du Zophophytum, sous 
forme d’un mamelon celluleux qui représente l'axe floral, Celui-ci 
produit deux saillies opposées (f. 23) qui, en s'accroissant rapide- 
ment et en s'unissant par les bords, forment bientôt un sac surmon- 
tant l'axe et portant deux pointes allongées qui répondent aux som- 
mets des saillies primordiales (f. 24-26), Comme ces deux pointes 


EICHLER. — BALANOPHORÉES. 149 


se transforment plus tard en styles, les organes qui les ont produites, 
c'est-à-dire les deux saillies, doivent être considérés comme des 
carpelles, Cependant l'axe floral s'accroît en même temps que les 
carpelles, sans autre changement (f. 24-26); et quand ceux-ci finis- 
sent par se réunir aussi au sommet et par former la cavité ovarienne, 
il remplit entièrement cette cavité, et se confond de toute part avec 
les parois. Bien qu'il en résulte une union très-intime, il reste ce- 
pendant une suture assez visible, provenant de la différence des 
cellules juxtaposées, suture qui indique très-nettement où commence 
l'axe et où se terminent les carpelles (f. 27). Enfin, une cellule 
située un peu au-dessous du sommet de l'axe, se transforme en un 
sac embryonnaire pourvu, à son extrémité supérieure, de deux 
vésicules; le tissu voisin se remplit d'un plasma trouble et épais; 
bref, le sommet de l’axe se transforme directement en ovule (f, 27). 
Quant aux changements ultérieurs qui s’opèrent dans les carpelles, 
ils n’offrent rien de bien intéressant ; aussi je les omets, sans négliger 
cependant de noter que la partie supérieure des carpelles s'élève à 
peu près comme dans le Lophophytum, autour de la base des styles, 
en un limbe court, mince et irrégulier, qui couronne le sommet de 
l'ovaire (f. 25-27). Ge limbe n'a donc nullement la valeur d’un péri- 
gone, valeur qu’on lui a toujours reconnue; ce n’est qu'un simple 
prolongement des carpelles. 

La fleur de l’Æelosis se réduit encore à un pistil nu, comme celle 
des précédents, et se compose, comme celle du Lophophytum, de 
deux carpelles ; mais voici la différence importante qui la caractérise: 
l'axe floral qui se développait, dans les précédents, en un placenta 
sur lequel naissaient les ovules sous forme d'organes latéraux, de- 
vient immédiatement dans l’Æelosis l’ovule lui-même; il en résulte 
un seul ovule dressé et orthotrope, tandis que dans les Lophophy- 
tées et les genres voisins il se trouvait des ovules descendants ana- 
tropes, et aussi nombreux que les carpelles. 

La structure de lHelosis est commune à tous les genres de la tribu 
des Hélosidées connus; bien que nous ne sachions l’évolution d’aucun 
d'eux, nous pouvons inférer des observations précédentes et de cette 
analogie, qu'ils se développent tous de même que l'Helosis. 

J'incline à croire qu'il en est encore de même dans les Langs- 
dorfliées. En effet, si ces plantes diffèrent des Hélosidées sur quelques 
points remarquables, principalement en ce qu’elles n’ont qu’un seul 
style terminal, du moins, par la structure de leur ovaire et de leur 


150 CONGRÈS INTERNATIONAL DE BOTANIQUE. 


ovule, elles leur paraissent fort analogues. Mes investigations m'ont 
en effet démontré que l’ovule du Langsdorffia ne consiste point, 
comme l’a affirmé M. Hofmeister (1), en une seule cellule anatrope, 
descendante et libre; il est, au contraire, composé d’un très-grand 
nombre de cellules, dressé, orthotrope et adhérent partout à l'ovaire. 
On se convaincra facilement de la justesse de mes assertions en 
consultant les figures 28 et 29 jointes à ce travail. Quant au reste de 
la structure de la fleur du Langsdorffia, cette fleur est, à mon avis, 
comme celle de tous les genres précédents, dépourvue de périgone, 
et ne consiste qu'en un pistil nu; je ne vois pas, en effet, de motifs 
suffisants pour attribuer le rôle d'un périgone, à l'exemple des au- 
teurs, au limbe court qui couronne cette fleur. Ce limbe, d’après sa 
structure anatomique, à la même signification que celui des Hélosi- 
dées et des autres genres déjà étudiés ; ce n’est qu'un simple prolon- 
gement des bords de l'ovaire lui-même; mais il serait trop long 
d'exposer ici les détails de cette structure, Quant à savoir si le pistil 
du Langsdorffia se compose, comme celui des Hélosidées, de deux 
carpelles dont les styles se seraient réunis par coalescence, ou ré- 
duits par avortement à un seul, ou bien si plutôt le pistil ne se com- 
pose que d’un seul carpelle, comme le donne à penser la simplicité 
du style, c’est une question que je ne puis trancher ; les matériaux de 
mes études, trop insuffisants, ne le permettraient pas, et ce point 
doit être réservé à des investigations ultérieures. D'ailleurs , pour le 
moment, il n'est pas d’une grande importance ; il nous suffit, en 
effet, d'avoir constaté que la fleur du Langsdor/ffia est un pistil 
nu, à ovule unique, dressé, orthotrope et dépourvu d'enveloppe, qui 
a, comme nous le concluons par analogie , la même origine 
que dans les Hélosidées, en ce qu'il représente l’axe floral méta- 
morphosé. 

Pour le genre Balanophora, je suis à mème de constater l'exacti- 
tude des recherches de M. Hofmeister (2). Il résulte de ses investi- 
gations que la fleur femelle de ce genre consiste aussi en un pistil 
pu à style unique, et qu’elle ne possède qu'un seul ovule, com- 
posé de très-peu de cellules, anatrope et descendant librement du 
sommet de la cavité ovarienne (f. 4, 2). Ilest probable, du reste, 
que dans ce genre le pistil n’est formé que d’un seul carpelle, 


(1) Neue Beitræge, loc. cit., p. 576.— Voy. aussi un mémoire de M. Karsten sur ce 
sujet, dans les Nova Acta Acad. Leop.-Carol. Naturæ Curiosorum, t, XXVI, pars 2. 
(2) Loc. cit., p. 585 et suivantes. 


EICHLER. — BALANOPHORÉES. 451 


Si nous jetons maintenant un coup d'œil rétrospectif sur les formes 
dont il vient d’être question, nous trouverons que chez toutes la 
fleur femelle consiste toujours en un pistil nu et que les ovules y 
sont sans enveloppe. Les deux genres qui nous restent à examiner, 
le Cynomorium et le Mystropetalum, ne sont pas dans les mêmes 
conditions ; ils ont non-seulement un périgone bien accusé (f. 40, 
11), mais aussi un ovule pourvu d'une enveloppe (f. 12). Il s’y 
joint quelques autres différences, dont la plus remarquable est peut- 
être celle que je vais exposer. Dans toutes les Balanophorées, à 
l'exception de ces deux genres seulement, les inflorescences naissent 
à la manière des bourgeons adventifs : c’est-à-dire qu’elles se forment 
dans l’intérieur de l'organe de végétation, qui est dans ce cas une 
sorte de rhizome. Elles y demeurent assez longtemps, et forcent par 
leur croissance le tissu de ce rhizome à s’élargir pour leur consti- 
tuer une enveloppe; enfin, en s’allongeant brusquement, elles rom- 
pent et dépassent cette enveloppe, qui persiste à la base du pé- 
doncule sous forme d’une gaine ou d’un calicule, quelquefois peu 
visible (PAyllocoryne), mais le plus souvent bien apparent (Langs- 
dor ffia) ,et dans quelques cas véritablement énorme (Ombrophytum). 
Au contraire, chez le Cynomorium et le Mystropetalum, on ne 
trouve pas cette singulière évolution, qui rappelle en quelque façon 
celle de la fructification des Agaricus ; les inflorescences y forment 
la continuation des rameaux du rhizome. 

Je suis porté à croire que ces différences, celles de la structure 
florale et de la végétation, sont des motifs suffisants pour séparer ces 
deux genres des Balanophorées, Ils formeraient la famille des Gyno- 
moriées. On m’accordera tout au moins, quand même on ne serait 
pas d'accord avec moi sur cette séparation, que les Cynomoriées ont 
avec les Balanophorées bien moins d’affinité que les membres de ce 
dernier groupe n’en ont entre eux. D’ailleurs, en considérant com- 
bien les genres des Balanophorées, comme nous les définissons, 
concordent entre eux par les caractères de leur fructification et de 
leur végétation, mentionnés plus haut, il paraît évident que cet 
ordre ne peut être divisé davantage. 

J'ai essayé d'établir sur les bases de cette étude une disposition 
systématique des Balanophorées que j'ai lieu de croire naturelle. 
Les groupes qui en résultent coïncident pour la plupart avec ceux 
qu'a proposés M. Hooker. J'en exclus naturellement les Cynomo- 
riées, 


152 CONGRÈS INTERNATIONAL DE BOTANIQUE. 


Balanophoracez. 
Trib. IL Eubalanophoreæ. 
@. Style 4 ; ovule 1, pendant, libre, anatrope. 
Balanophora Forst. 
Trib. IL. Langsdorflieæ. 
@. Style 1 ; ovule 1, orthotrope, adhérent à l'ovaire. 
Langsdor ffia Mart., Thonningia Vahl (Dactylanthus Hook. f. ?). 
Trib. HI. Helosideæ. 
@. Styles 2; ovule 1, orthotrope, adhérent à l'ovaire. — 4. Un pé- 
rigone, à étamines. — Poils claviformes entremêlés aux fleurs. 
Helosis Rich., Corynæa Hook. f., ARhopalocnemis Jungh., Phyllo- 
coryne Hook. f., Sphærorrhizon Hook. f. 
Trib. IV. Scybalieæ. 
@. Styles 2 ; ovules 2, pendants du sommet d'un placenta axile trans- 
formé en cloison, anatropes, adhérents à la cloison et à l'ovaire. — 
. Un périgone ; 3 étamines. — Poils claviformes entremêlés aux 
fleurs. 
Trib. V. Lophophyteæ. 
@. Styles et ovules comme dans les Scybaliecæ. — Z. Pas de péri- 
gone ; 2 étamines. — Point de poils entre les fleurs. 
Lophophytum Schott et Endl., Ombrophytum Pœpp. 


Trib. VI Sarcophyteæ, 

Ç. Ovaire formé de 3 carpelles; stigmate sessiles ovules 3, pendants 
du sommet d’un placenta axile élargi en cloisons entre les ovules, 
anatropes, adhérents aux cloisons et à l’ovaire. — J‘. Un*périgone ; 
3 étamines. — Point de poils entre les fleurs. 

Sarcophyte Sparrm. 


Permettez-moi encore, messieurs, deux mots sur la situation taxo- 
nomique de l’ordre des Balanophorées, ainsi constitué. Si l’on con- 
vient d'en exclure, à mon exemple, le Cynomorium et le Mystro- 
petalum, 1 n’y à plus lieu de lui attribuer avec le genre Æippuris 
une aflinité fondée seulement sur le Cynomorium. Comme nous 
avons constaté quele Lophophytum ne possède ni périgone, ni ovule 
unique, l'affinité avecle Misandra, supposée par M. d.-D. Hooker, 
tombe également. Ainsi disparaît toute analogie entre les Balano- 
phorées et les Haloragées. La vue se porte au contraire dans une 
direction bien différente; et c’est le Myzodendron que nous recon- 
naissons comme la forme la plus analogue à une partie de nos gen- 
res. En effet la fleur femelle du Myzodendron consiste également en 


EICHLER. — BALANOPHORÉES. 153 


un pistil nu, formé, comme celui du Sarcophyte, de trois carpelles ; 
et l'axe floral s’y allonge aussi en un placenta central qui porte trois 
ovules situés chacun en face de chaque carpelle, pendants, ana- 
tropes et dépourvus d'enveloppes, comme le sont ceux des Lopho- 
phytées, du Scybalium et du Sarcophyte. Il est vrai que chez le 
Myzodendron le placenta ne s'élargit point en cloisons, et que les 
ovules n’adhèrent pas à l'ovaire. Mais cette différence ne peut soule- 
ver d’objections sérieuses ; car non-seulement nous voyons dans le 
Lophophytum les placentas et les ovules primitivement libres (de 
sorte que le Myzodendron représente en quelque sorte une phase 
plus jeune du Lophophytum) , mais encore nous trouvons chez quel- 
ques genres très-voisins du A/yzodendron un placenta développé en 
cloisons, et quelquefois même, au moins dans le fruit, une adhérence 
entre la semence et l'ovaire (1). Je dois encore faire remarquer que 
les fleurs mâles sont aussi presque identiques dans le Lophophytum 
etle Myzodendron; elles ne se composent, en effet, dans ce dernier 
genre, que de deux ou trois étamines, sans périgone. En un mot, 
l'analogie de ces deux types est aussi parfaite qu’on peut la désirer. 

Quant aux Hélosidées et aux Langsdoriliées, à ovule unique, 
dressé, orthotrope et adhérent à l'ovaire, celles-ci trouvent une ana- 
logie frappante parmi les Viscacées et les Loranthées. Car d'après 
les recherches de M. Hofmeister (2), l'ovaire et l’ovule de ces deux 
groupes sont formés suivant le même mode, et l'ovule est dépourvu 
d'enveloppe. Il est vrai que les Viscacées et les Loranthées sont 
pourvues d'un périgone, organe qui, nous l’avons vu, fait compléte- 
ment défaut aux fleurs femelles des Balanophorées. Nous croyons, 
néanmoins, que les Balanophorées doivent rentrer directement dans 
la grande classe que M. Baïllon a composée avec beaucoup de raison 
des Viscacées, Loranthées, Santalacées (comprenant le Hyzoden- 
dron), Olacinées, etc., et qu’il a nommée la classe des Loranthacées. 
En effet, la différence offerte par la présence du périgone est effacée 
par les transitions qui relient les différents types de cette classe; si 
le Mzodendron possède encore des fleurs nues, les genres voisins 
ont un périgone simple ou double, et ce perfectionnement se révèle 
aussi en quelque façon chez les Balanophorées, savoir dans leur fleur 


(4) Voyez Baillon, premier et deuxième Mémoire su: les Loranthacées, dans l’Adan- 
sonia, 1861. 

(2) Neue Beitræge, loc. cit., p. 539 et suivantes. 

(3) Mémoire sur les Loranthacces, loc. cit. 


454 CONGRÈS INTERNATIONAL DE BOTANIQUE. 


mâle, laquelle est nue dans les Lophophytées et pourvue d’un péri- 
gone dans les autres types. Les Balanophorées, dans la classe des 
Loranthacées, constitueraient le groupe inférieur, l'organisation la 
moins développée, organisation qui, par l'intermédiaire des Myzo- 
dendrées et des Viscacées, se relierait aux formes des Santalacées, 
Loranthées et Olacinées, qui représentent l'évolution la plus haute 
du même type. 

Cependant il y a une difficulté qui s'oppose encore à cet arrange- 
ment systématique; elle est présentée par le genre Balanophora, 
dont l’ovule attaché à la paroi ovarienne, et non émanant d'un pla- 
centa axile ou constituant le sommet de l’axe lui-même, n'a pas 
d’analogue parmi les Loranthacées. Toutefois il est permis de con- 
jecturer que l’histoire de l'évolution de ce genre, que nous ne con- 
naissons pas encore, nous montrera peut-être qu’il y a dans le Bala- 
nophora, à l'origine, un placenta axile qui se soude plus tard à la 
paroi ovarienne, et du sommet duquel pendrait l’ovule : conjecture 
arbitraire sans doute, mais non dépourvue de probabilité. Si cette 
hypothèse se tronvait justifiée, c'est des Lophophytées que le Bala- 
nophora se rapprocherait le plus; il rentrerait très-naturellement 
avec elles dans le type commun de la classe des Loranthacées. Dans 
le cas contraire, il se trouverait que les Balanophorées ont encore 
des aflinités avec d’autres ordres qu'avec les Loranthacées. Il en 
serait de même si l’on conservait parmi elles les Cynomoriées ; elles 
renfermeraient alors des types très-différents, qui les relieraient à 
des ordres très-éloignés. L’affinité indiquée par les Cynomoriées 
concernerait du reste l’Æippuris et les Haloragées, comme je l'ac- 
corde sans hésitation à M. Hooker. 


M. J.-E. Planchon présente les observations suivantes : 


Les rapports des Santalacées, Olacinées et Loranthacées ont été 
aperçus par R. Brown, par M. Decaisne et par moi-même, bien 
avant les travaux de M. Baïllon. Il pourrait bien se faire qu'on dût 
rapprocher les uns des autres des types végétaux qui diffèrent ce- 
pendant par la présence ou l'absence d'un tégument ovulaire ou 
même d'un périanthe. Peut-être le Cynomorium est-il simplement 
une Balanophorée douée d'une organisation supérieure à celle des 
autres types incomplets de la mème famille. On sait qu'il existe 
dans les Pipéracées un périanthe incomplet qui s'accuse davantage 


C. PERSONNAT. —= VÉGÉTATION DE L'ARDÈCHE, 156 


dans les Saururées; et d'après M. Eichler lui-même, on ne saurait 
séparer les Myzodendron des Loranthacées. 


M. Eichler répond que les Balanophorées, comme 1l les con- 
sidère, sont tres-logiquement reliées en un seul groupe par le 
défaut d'enveloppes ovulaires et par la smgularité de leurs 
bourgeons. 


M. C. Personnat, secrétaire, fait au Congrès la communi- 
cation suivante : 


APERÇU DE LA VÉGÉTATION DU DÉPARTEMENT DE L'ARDÈCHE, 


Par EE. Camille PERSONNAT. 


Le département de l'Ardèche est fort peu connu dans le monde 
scientifique, surtout sous le rapport du règne végétal. Il n'a été 
visité que par quelques rares botanistes, dont les observations ont 

été signalées dans la Flore de France de MM. Grenier et Godron, 

dans le Pugillus de M. Jordan (qui y à fait une ample moisson 
d'espèces nouvelles), ou dans la Flore du centre, où M. Boreau 
a accueilli toutes les créations du savant observateur lyonnais. 
D'autres richesses se trouvent encore enfermées, inédites, dans 
l'herbier de notre regretté confrère, Henri de la Perraudière, que 
j'ai eu le trop court plaisir, en 1860, d'accompagner ou de guider 
dans quelques-unes de ses courses autour de Vals et du Mézenc. 

Mais ces fructueuses visites ont eu lieu à de longs intervalles, à la 
hâte et presque toujours aux mêmes époques de l’année. Aussi, que 
de choses ne reste-t-il pas à trouver, à signaler ou à décrire! Sur 
ce sol exceptionnel et sous ce climat spécial, il semble que les plan- 
tes se déforment et revètent un facies ou des caractères propres à la 
contrée. 

L’Ardèche, en effet, se trouve située dans la région méridionale 
de la France, sur la limite où finit celle du centre, et cette position 
géographique suffirait déjà pour recommander ce coin de territoire 
à l'attention des botanistes ; mais ce qui en fait un pays exceptionnel, 
sous le rapport de la végétation, c’est le relief que lui ont donné les 
révolutions volcaniques par lesquelles son sol a été si profondément 
bouleversé dans les temps anciens ; c’est l'élévation de ses points 
culminants où la neige persiste pendant plusieurs mois; c'est la tem- 


156 CONGRÈS INTERNATIONAL DE BOTANIQUE. 


pérature brûlante de la plupart de ses vallées méridionales : c'est la 
diversité des terrains qui se montrent à sa surface, et conséquemment 
la variété de ses productions végétales. . 

Ainsi, le Mézenc s'élève à près de 1800 mètres au-dessus du ni- 
veau de la mer; le Gerbier-de-Joncs à 1500 mètres ; un grand nombre 
d’autres sommets atteignent de 1400 à 1500 mètres, et les plateaux 
des trois chaînes granitiques du Tanargue, des Boutières et du 
Coiron (jusqu'à Gourdon) conservent une altitude qui varie entre 
1200 et 1500 mètres. La région des Hètres et celle des Sapins sont 
donc largement représentées sur notre sol; aussi retrouve-t-on, au 
milieu de ses rochers abruptes, de ses riches forèts et de ses vastes 
pâturages, presque tout ce qui peut être observé dans la chaîne des 
Cévennes et une grande partie des espèces qui constituent la végé- 
tation alpestre. 

Au nord-ouest, le département touche, par les versants occiden- 
taux de la chaîne du Mézenc et par la vallée supérieure de la Loire, 
à la région qu'on appellele plateau central de la France. La flore de 
ce vaste bassin arrive donc jusqu’à nos portes et pénètre même chez 
nous, entre le Béage et le mont Gerbier. Et à quelques pas de là, les 
plateaux basaltiques du Coiron, qui conservent encore, autour de 
Privas, une élévation de 7 à 800 mètres, s’abaissent peu à peu vers 
le Rhône en changeant de nature et se transforment en coteaux cal- 
caires, dont les pentes inclinées vers le sud et rendues arides par un 
soleil brûlant reproduisent ou rappellent la vature la plus méri- 
dionale. De même, les vallées étroites et escarpées qui prennent 
naissance dans toutes les déchirures de ces chaînes, qui s'ouvrent 
vers le midi avec un sol dont l'élévation n'excède plus 70 à 100 mè- 
tres, et demeurent conséquemment toujours à l'abri des vents froids, 
donnent accès, du côté du Gard et jusqu'au pied des monts, au cli- 
mat et aux productions de la région méditerranéenne ; tandis que de 
l’autre côté de la chaîne à laquelle est adossée la partie sud de l’Ar- 
dèche, l'arrondissement de Tournon voit naître sur ses pentes sep- 
tentrionales et dans ses vallées, une fraiche et Iuxuriante végétation 
qui entretient partout un brillant tapis de verdure et de fleurs. — 
Enfin, du côté de l’est, la grande vallée du Rhône sert de voie facile 
à cette même nature méridionale et à celle des parties supé- 
ricures du bassin, qui, marchant toutes deux en sens inverse, vien- 
nent pour ainsi dire s'y donner la main ou s'y croiser en face de 
l'Ardèche, 


C. PERSONNAT. — VÉGÉTATION DE L’ARDÈCHE. 197 


C'est ainsi qu’on peut récolter au Mézenc et au Gerbier-de-Joncs, 
les Petasites albus Gærtn., Gnaphalium norvegicum Gunn., Senecio 
leucophyllus DG., Crepis grandiflora Tausch, Leontodon pyrenai- 
cus Gouan, Paradisia Liliastrum Bert., Pedicularis comosa L., 
Arbutus Uva-Ursi L., Phyteuma hemisphæricum L. et Halleri 
AIL., Lycopodium Selago L. et alpinum 2, Festuca spadicea 1. 
et pulosa Hall., Juniperus alpina Clus., Soldanella alpina L., de 
nombreux Saxifrages et un grand nombre d’autres plantes des hauts 
sommets. 

Sur les plateaux moins élevés : les A/chemilla alpina L., Saxi- 
fraga hypnoidesX.., Antennaria dioica Gærtn., Anemone montana 
Hoppe, Valeriana tripteris L., Gentiana lutea L. et autres, Aco- 
nitum Napellus L., Dianthus deltoides L., et toutes les plantes de 
la végétation subalpine. 

Enfin, au pied même des montagnes, dans les vallées des bassins 
de l'Ardèche, de l'Ouvèze et du Rhône, les Catananche cœærulea L., 
Dorycnium suffruticosum Nill., Dianthus Godroni Jord., Satu- 
reia hortensis L., Rhus Cotinus L., Helianthemum polifolium DC. 
et canum Dun., Cistus laurifolius L. et albidus L., Aphyllanthes 
monspeliensis L., Leuzea conifera DC., Lavandula latifolia Willd., 
Linum narbonense L. et campanulatum X., Linaria simplex DC. 
et supina DG., Euphorbia Gerardiana Jacq., Serrafalcus patulus 
Parl., Calamagroshis littorea DCG., à côté des Hippophaë rham- 
noides L., Astragalus Cicer L., Asclepias Cornuti DC., Salsola 
KaliL., Coris monspeliensis L., Ruta anqustifolia Pers., Aspara- 
qus acuthifolius L., Cerinthe aspera Roth, Phlomis Lychnitis L. et 
Herba-venti L., et une foule d’autres espèces de la région des 
Oliviers. 

On peut donc en quelques heures, sans fatigue, sur un espace 
restreint, — et c'est là surtout le charme des herborisations dans ce 
beau pays, — étudier les végétations les plus diverses et faire les 
récoltes les plus variées. 

Mais ce qui excite encore très-vivement l'intérêt, c'est, comme je 
l'ai dit, la déformation fréquente des types connus, qui a déjà donné 
lieu à la création de nombreuses espèces nouvelles : le C'arduus 
rigrescens des auteurs y devient le C'. vivariensis Jord.; le 
Dianthus hirtus S y transforme en D. vivariensis Jord., etc., etc. 

Voici quelques-unes des dernières observations que j'ai pu noter ; 
elles concernent les espèces suivantes : 


158 CONGRÈS INTERNATIONAL DE BOTANIQUE. 
1° Anemone montana Hoppe. 


L'Anemone montana Moppe, par exemple, recueilli sur les coteaux 
du Goiron, offre des feuilles dont toutes les subdivisions sont pétio- 
lulées, tandis qu'habituellement les premières divisions seules 
présentent ce caractère considéré comme important. C’est cependant 
en réalité A. montana Hoppe de MM. Grenier et Godron. Le calice 
est d’un pourpre noir et en entonnoir lorsqu'il fait soleil ; à l'ombre, 
les sépales sont connivents, à sommet un peu déjeté. — M. Jordan 
ayant tiré quatre espèces nouvelles des deux types À. Pulsatilla L. 
et À. montana Hoppe (1), notre plante paraît se rapporter à son Pul- 
satèllarubra (Lam.) Ann. Soc. Linn. de Lyon, 1860, p. 424, par la 
couleur de ses fleurs et par ses feuilles commençant à se développer 
en même temps que les fleurs. (Il paraît, d'après M. Jordan, que ce 
dernier caractère distingue sa plante du vrai P. montana Moppe, 
dont les feuilles ne se développeraient qu'après les fleurs). Mais 
ce qui éloigne notre espèce de celle du savant botaniste lyonnais, 
c'est que chez nous la tige est toujours couverte d’une villosité lon- 
gue et soyeuse comme celle de l'A. #7ontana Hoppe, tandis que le 
P. rubra (Lam.) loc. ct. ne présenterait que des tiges simplement 
velues, à poils courts. M. Boreau(//. cent.) signale deux variations 
de A. montana Hoppe, l’une à fleurs d’un pourpre noir, l’autre à 
coloration moins foncée. Nous avons ces deux formes sur nos co- 
teaux, mais je ne pense pas qu'elles y constituent deux espèces 
distinctes. 


2 Colchicuim autumnale L.? 

J'ai trouvé assez fréquemment des pieds de C'olchicum en fleurs, 
au printemps, dans les prés un peu humides. Est-ce bien le C'. au- 
tumnale L.? M. Grenier dit, à la vérité, dans sa Flore de France, 
p. 170, que « dans les lieux inondés, les fleurs ne se montrent qu'au 
printemps », et il donne à cette particularité lesynonyme: C. vernale 
Hoffm.; mais dans les individus que nous avons récoltés ainsi, au 
printemps, les divisions du périgone sont toujours éfroites, aiguës, 
ne se recouvrant pas par les bords, et d'un rose pâle; tandis que 
dans les fleurs automnales, très-communes dans les environs de 
Privas, les divisions périgonales sont oblongues, obtuses. La 


(4) Ce n’est pas que nous adoptions complétement toutes les espèces jordaniennes et 
autres de date récente, dont la validité ne nous paraît pas toujours suffisamment démon- 
trée; mais ces espèces constituent au moins des formes distinctes de celles précédem- 
ment décrites, et c’est à ce point de vüe que nous les admeltons ici, 


C. PERSONNAT, — VÉGÉTATION DE L'ARDÈCHE, 459 


fleur du printemps est aussi plus petite et d’une consistance plus 
ferme. 

3° Crocus vernus All 

Dans tous les individus à fleurs blanches que j’ai cueillis sur les 
Coirons, la gorge de la corolle et les filets des étamines sont dépour- 
vus de poils, tandis que la plupart des auteurs, et notamment 
MM. Grenier et Godron, dans la Flore de France, donnent comme 
caractère important, pour le C. vernus AÏl. : « gorge et filets velus 
ou pubescents. » — Koch dit encore, /auce barbata, mais il ne 
parle pas des filets. — M. Parlatore, monographe du genre C'rocus, 
dit à la vérité : f/amentis glabris, mais il ajoute : fauce inter sta- 
minum basin ciliata-barbata. — Ge caractèrenoté comme impor- 
tantn’est donc pas constant. Ce qui le donne à penser, c'est que, dans 
notre Crocus, on remarque des granules à la gorge,et, comme on le 
sait, ces petits tubercules se transforment quelquefois en poils. Ce 
n’est cependant que le GC. vernus All. ! 

Je ne veux point multiplier les citations; celles-ci suffisent 
pour démontrer quelle influence le sol et le climat de l'Ardèche 
peuvent exercer sur le développement des diverses parties de la 
plante. 

Je demande seulement au Congrès, avant de finir, la permission 
de lui soumettre trois nouvelles espèces hybrides, dont l’une a été 
déjà discutée et controversée, mais dont les deux autres ne me sem- 
blent pas avoir été observées. 


ï° Primula grandifloro-officinalis. (P, variabilis Bor., non Gren. 
Godr.) 

Contrairement à l'opinion de quelques botanistes, mais d'accord 
avec celle de certains autres, la plante que nous avons trouvée sur le 
bord d’une prairie, à Combier, près de Privas, nous paraît être réelle- 
ment une hybride des P. grandiflora et P. officinalhs. Ces deux 
congénères abondent dans la localité : le P, grandiflora sur les 
tertres, et le P. officinalis dans les prés. Toute autre forme de Pri- 
mula y est extrèmement rare. Nous ne saurions donc douter que 
notre plante ne soit réellement une hybride. En voici la description : 

Fleurs peu nombreuses, dressées ou à peine penchées, à pédicelles 
pubescents-tomenteux, inégaux, ordinairement plus longs ue le ca- 
lice ; pédoncules radicaux dépassant ordinairement les feuilles. Co- 
rolle à Zmbe plan, d'un jaune pâle et à gorge tachée d'orangé, à 


160 CONGRÈS INTERNATIONAL DE BOTANIQUE. 


tube non saillant hors du calice. Capsule paraissant plus courte que 
le calice non étroitement appliqué sur elle. Feuilles inégalement et 
faiblement dentées-crénelées, oblongues ou obovales, vertes en des- 
sus, tomenteuses en dessous au moins dans leur jeunesse, à peine 
contractées à Ja base, ou insensiblement atténuées en pétiole ailé. 
Fleurs très-odorantes, presque aussi grandes que celles du ?. gran- 
diflora (2 1/2 à 3 cent.); celles du centre de l’ombelle à limbe 
souvent court, concave, ressemblant aux fleurs du P. officinalis. 

Hab. --- Privas, bords d’un pré non loin du ruisseau, dans le ra- 
vin au-dessous de Combier. Une seule toulle. --- Mai. 

Cette plante se rattache donc au ?. granaiflora Lam., par sa 
corolle à limbe plan et d'un jaune pâle, par ses fleurs ordinairement 
dressées ; et elle s’en sépare par ses fleurs 4rês-odorantes et portées 
plusieurs sur un même pédoncule. 

Ces deux derniers caractères, ainsi que les taches orangées de la 
gorge, la rapprochent du P. officinalis Jacq., dont elle s'éloigne par 
son limbe du double plus grand, plan et d’un jaune pâle. 

Elle se distingue, en outre, du P. elatior Jacq., par ses fleurs odo- 
rantes, dressées, non penchées, à calice non vert sur les angles ; 
par les fleurs centrales de l’ombelle petites, concaves; et par ses 
feuilles moins brusquement contractées en pétiole à la base; 

Du P. éntricata Gr. God., par ses corolles à tube non saillant 
hors du calice et ses feuilles non pubescentes à la face supérieure ; 

Du P. Thomasinii Gr. God., par son calice non enflé, vésiculeux 
et sa pubescence moins décidément tomenteuse ; 

Enfin du P. variabilis Goup. in Gren. et God. F7. de Fr., par 
ses fleurs {rés-odorantes, d'un jaune pâle et maculées à la gorge. 

Notre plante, quoique plus odorante, nous paraît être la même que 
celle décrite par M. Boreau sous le nom de P. variabilis ; le P.va- 
riabilis de MM. Grenier et Godron ne nous semble pas la même 
forme que celle analysée dans la Flore du Centre, et pourrait être 
le P. officinali-grandiflora. 


>° Polygonum Hydropiperi-Persicaria Nob. 

Épis grèles du P. Hydropiper, un peu interrompus à la base, 
droits, comme dans le P. Persicaria, jamais penchés. Feuilles du 
P. Persicaria, mais ordinairement sans tache et d'un vert pâle, ce 
qui les rapproche des feuilles du ?. Hydropiper. Fleurs à sépales 
verts à la base et d’un rouge vif au sommet, entremèlés de deux ou 


C. PERSONNAT. -— VÉGÉTATION DE L'ARDÉCIIE. 161 


trois fleurs blanches par épi. Racines radicantes aux nœuds infé- 
rieurs. — Saveur herbacce. 

Hab. — Privas, graviers de l'Ouvèze, sous la ville; en société 
avec les congénères, qui se trouvent seuls dans la localité. — Août- 
septembre. 


6° Bcntha silvestri-rotundifolia Nob, 


_ Épi grêle, un peu interrompu à la base, comme dans le H. rotun- 
difolia. Feuilles sessiles ou à peine pétiolées, ovales ou oblongues, 
aiquës et dentées-en-scie comme dans le M. silvestris. Villosités du 
M. rotundifolia. Odeur se rapprochant davantage de celle du 
M. silvestris L. ou du M. candicans Crantz. 

Serait-ce le M. insularis Requien in Gr. God. F1. de Fr., de la 
Corse? 

Hab. — Privas, bords humides et herbeux de l'Ouvèze, sous la 
ville ; en société avec les congénères. — À. G. — Août-septembre. 

Peut-être ces trois formes ne seront-elles pas encore admises 
comme hybrides, conformément à l’article 36 du Code des lois de la 
nomenclature botanique que nous avons voté, puisqu'il faut, pour 
attester l’hybridité, l'avoir constatée par voie expérimentale. Mais à 
cause des caractères mixtes de nos plantes et de leur habitat au mi- 
lieu de leurs congénères, j'ai la conviction que ce sont réellement 
des hybrides. de vais bien essayer de les obtenir par fécondation 
artificielle; j'avoue cependant que l'opération présente pour moi 
quelque difficulté. 

En attendant, si les noms que j'ai proposés pour les deux dernières 
plantes doivent être provisoirement repoussés, je proposerai de qua- 
lifier ces formes par l'adjectif ambiquus, qui n’a pas encore été, je 
crois, employé dans les genres Polygonum et Mentha. Nous aurions 
alors les P. ambiguum, M. ambiqua, jusqu'à ce qu'on pût adopter 
les noms caractéristiques de l’hybridité. 

Je remercie le Congrès de l'attention qu’il a bien voulu accorder 
à ma communication et, comme je travaille à la Florule de l'Ardèche, 
pour laquelle j’amasse des matériaux, je prie ceux de nos confrères 
qui onteu ou qui auront à l'avenir l’occasion d'herboriser dans 
ce département de vouloir bien me communiquer le résultat de leurs 
observations. 

Je viens aussi, en terminant et au nom de la Société des sciences 


naturelles et historiques de l'Ardèche, prier la Société botanique de 
CONGRÈS BOT, 11 


462 CONGRÈS INTERNATIONAL DE BOTANIQUE. 


France de désigner nos riches montagnes comme champ d'explora- 
tion de sa session extraordinaire en 1868. D'ici là, messieurs, nous 
poursuivrons nos recherches, afin de vous guider d'une manière 
plus fructueuse et de vous faire faire de nombreuses et intéres- 
santes récoltes. 


M. le comte Jaubert adresse au Congrès des documents sur 
une question importante, dont la Société botanique de France 
s’est occupée dans le cours de l'hiver dernier. Ces documents 
sont contenus dans une lettre de M. le comte Jaubert à 
M. A. Denis, ancien député du Var, et dans la réponse de 
M. Denis. 


LETTRE DE M. LE COMME JAUBER'E À M. À DENIS. 


Mars 14861. 
Monsieur et cher ancien collègue, 


Dans une des dernières séances de la Société botanique, il a été 
question de votre Chamerops humilis, qui aurait été fécondé par le 
Phœnix dactylifera, fait dont l'importance serait considérable. 
M. Duchartre, qui présidait, a rappelé à ce sujet les expériences de 
M. Bouschet, de Montpellier, sur le croisement de diverses variétés de 
Vigne, d’où il est résulté que l'influence du pollen s’est bornée à cer- 
taines modifications du péricarpe qui n’ont pas dépassé la première 
généfation. Düût-il en être de même chez votre C'hameærops, le fait 
resterait toujours des plus curieux, les choses ne s'étant pas passées 
icientre variétés d'une même espèce botanique comme pour la Vigne, 
ni même entre genres voisins, mais entre deux genres fort éloignés 
l'un de l’autre, l’un à frondes pennées, l’autre à frondes flabelli- 
formes. On a demandé si les drupes de votre Chameærops conte- 
naient des embryons bien formés. Ge qu'il y a de certain, c’est que 
sur les quatorze que j'ai cueillies moi-même, trois prises au hasard 
m’ont présenté des embryons logés comme à l'ordinaire dans la pe- 
tite cavité excentrique de l’albumen. — On a demandé ensuite ce 
que, pour les drupes où vous trouveriez des embryons, il adviendrait 
dans les phases successives de la germination et du développement, 
— M. Cosson a fait remarquer en outre qu'il existe en Sicile une 
variété de Chameærops à drupes plus allongées que dans l'espèce 
ordinaire, et par conséquent se rapprochant davantage de la dimen- 


A. DENIS. — FÉCONDATION HYBRIDE DU CHAMÆROPS. 163 


sion des drupes de PAænix. Ghacun attend avec un vif intérêt le ré- 
sultat de l'examen auquel se livre sur la question un savant des plus 
compétents, M. Naudin, avec qui j'en ai causé lundi dernier à l’Aca- 
démie. 

En attendant, soyez assez bon pour me dire : 1° quelle est la pro- 
venance du pied de C'aameærops sur lequel vous avez opéré, son âge ; 
2° Jes circonstances principales de l'expérience; 8° si parmi les 
drupes que vous possédez, il en est qui soient dépourvues d’em- 
bryons. 

La Société vous sera fort reconnaissante de ces détails essentiels, 
et moi-même j'y verrai un nouveau témoignage de l'obligeance que 
vous m'avez témoignée, en accueillant si cordialement, dans votre 
magnifique jardin, un ancien frère d’armes parlementaires. 

Veuillez agréer, monsieur et cher ancien collègue, la nou- 
velle assurance de ma considération la plus distinguée et de mon 
dévouement. 

Comte JAUBERT. 


LETTRE DE MK. A. BENES À M. LE COMTE JAUBERT. 


Cher monsieur et très-honoré collègue, 


.…. Vous savez que depuis nombre d'années je m'occupe, en 
temps et lieux opportuns, de la fécondation artificielle de plusieurs 
Palmiers-Dattiers femelles qui, parmi quelques autres espèces, 
végètent glorieusement dans mon jardin d'Hyères. 

Or, en l’année 1863, à l’époque du mois de mai, revenant de 
féconder un Palmier dont les fleurs femelles me paraissaient épa- 
nouies, je passai devant un Chamærops humilis femelle dont les 
spathes étaient ouvertes depuis trois jours, mais qui n'avait point 
encore été en contact avec les fleurs d’un Chameærops mâle, opé- 
ration à laquelle, d'ordinaire, je n'avais point manqué jusque-là de 
me livrer le 4% du mois de mai. Or, il faut que vous sachiez, au 
préalable, que je n’avais pas dans mon jardin, en 1863, un seul 
Chamaærops mâle, et que, chaque année, j'allais religieusement 
chercher les fleurs mâles à .…....., dans un jardin qui possède deux 
magnifiques pieds de Chamærops mäle; toujours est-il que cette 
fois, comme pour réparer le temps perdu, je saupoudrai, à plusieurs 
reprises, le Chamærops femelle, et que j'attachai même de nom- 


164 CONGRÈS INTERNATIONAL DE POTANIQUE. 


breuses brindilles de la fleur fécondante aux branches qui portaient 
les fleurs femelles. 

Deux ou trois mois après cette opération, je m'aperçus d'un sin- 
gulier phénomène : jusqu'au moment dont je parle, les fruits de ce 
Chameærops femelle avaient été parfaitement ronds et gros comme 
le bout du petit doigt; mais, depuis la fécondation, les fruits 
avaient changé de forme; ils s'allongeaient comme ceux du Dattier, 
etils étaient notablement plus gros que ceux récoltés jusque-là dans 
les années précédentes. A la fin de l’année je remarquai même que 
quelques fruits, dont les stigmates n'avaient point été atteints par le 
pollen du Phœnix dactylifera, mais qui avaient reçu celui du 
Chameærops mâle, parvinrent même à maturité complète en conser- 
vant la forme ronde qui contrastait singulièrement avec la forme 
ovoïde-allongée des autres fruits. J'ajoute qu'il y eut aussi une 
vingtaine de fruits enveloppés à dessein d’une feuille de papier, et 
ainsi préservés du contact de tout pollen, qui n’atteignirent pas la 
grosseur d’un pois. Bien entendu que ces petits fruits ne possédaient 
point de germes. 

M. Naudin, qui était venu à cette époque passer quelques jours à 
Hyères, et auquel j'avais raconté le fait, à vu de ses propres yeux 
et a emporté des fruits dans ces trois états diflérents, et il m'engagea 
à renouveler l'expérience. 

En 4864, je fécondai de nouveau artificiellement le pied du 
Chameærops femelle en question et exactement de la même façon , et 
j'obtins exactement le même résultat de la double fécondation. En 
1865, je n'employai à cette fécondation que le pollen du Chameærops 
humilis, et toujours sur le même arbre, et les fruits parurent et se 
maintinrent cette fois tout à fait ronds et d’une grosseur ordinaire. 

En 1866, nouvelle fécondation par les deux pollens du Chame- 
rops et du Palmier-Dattier, retour des fruits à la forme ovoïde-allon- 
gée ; la chair du fruit avait le goût de la datte beaucoup plus pro- 
noncé que celle des autres fruits de mon jardin fécondés par le 
pollen du Chameærops mâle. 

En 1857, cette année même, fécondation répétée par les deux 
pollens ; cependant j'avais pris la précaution de recouvrir une partie 
des fleurs d'une large feuille de papier très-fort. Mais je crains que 
beaucoup de pollen étant resté sur les branches et les feuilles, et la 
feuille de papier ayant été enlevée après l'opération, je crains, dis-je, 
qu'il ne soit resté assez du pollen du Dattier pour que, après coup et 


EUG. FOURNIER. — NOMS ANCIENS DU CYPRÈS. 165 


au moindre vent, ce pollen n'ait fécondé de nouveau ce que j'avais 
voulu mettre à l'abri. Gar déjà je m'étais aperçu, avant de partir 
pour Paris, à la fin du mois de juin, que presque tous les fruits com- 
mençaient à prendre la forme allongée. Quant aux régimes du côté 
droit, leur configuration était déjà très-manifeste : elle était celle du 
Daitier. 

Il me reste une opération à faire, qui consiste à féconder le 
Chameærops humilis par le pollen du Phœnix sans mélange avec 
celui du Chamærops mâle, et je la tenterai l'année prochaine. Mais 
je n'en augure pas grand'chose comme résultat. 

J'aurai l'honneur de vous faire remarquer, en terminant cette note 
dans laquelle j'ai tâché surtout d’être très-clair, que, dans les deux 
cas de maturité des fruits, l'embryon s’est toujours montré très-bien 
formé, et que, déjà, chez MM. Huber frères, horticulteurs à Hyères 
et mes anciens jardiniers, les graines produites par hybridation 
ont parfaitement levé, et que celles de 1863 ont déjà plusieurs 
feuilles qui se sont annoncées semblables à celles du CAamcærops. 
Je ne sais si plus tard elles affecteront une autre forme; mais, si 
cela était, j'aurais le soin de vous en instruire, car le fait serait bien 
plus curieux, et mériterait d'être soumis à l'examen de la Société 
botanique de France. 

J'ai l'honneur d’être, monsieur et savant cher collègue, 


Votre très-humble et dévoué serviteur, 
A. Denis, 


Ancien député du Var. 
M. £ug. Fournier fait au Congrès la communication suivante : 


SUR LES NOMS ANCIENS DU CYPRÈS, 
Par NE, Eug. FOURNIER, 


Docteur ès sciences. 


La botanique, qui touche à tant de sciences, touche encore par 
un côté peu exploré de son domaine à l’archéologie et à la philologie 
historiques, qui peuvent souvent lui venir en aide, On sait le bel 
usage que notre illustre président à fait des ressources combinées 
de ces diverses branches de nos connaissances pour étudier l’origine 
de certains types végétaux. Elles sont appelées à faire justice de 
beaucoup de légendes erronées qu’on trouve dans l’histoire des 


166 CONGRÈS INTERNATIONAL DE BOTANIQUE. 


plantes le plus anciennement connues de l'homme, comme au début 
de toutes les manifestations de l'esprit humain : légendes dues à 
l’altération inconsciente du langage. On me permettra d'en sou- 
mettre ici quelques exemples à l'appréciation du Congrès, qui ne 
doit rester étranger à aucun des sujets où peuvent s'exercer les 
botanistes. Ces exemples sont empruntés à l’histoire d’un des arbres 
le plus anciennement connus du monde païen et surtout des races 
de l'Asie, le Cyprès pyramidal; cette histoire a été longuement 
développée par M. Lajard dans les Recherches sur le culte du 
Cyprès pyramidal chez les peuples civilisés de l'antiquité (1). 
M. Lajard n’a pas approfondi les questions étymologiques ; mais 
nous renvoyons pour les détails archéologiques et historiques à son 
beau mémoire, qui nous a fourni des documents précieux. 

Parmi les noms anciens du Gyprès, le plus connu, et par con- 
séquent le premier qui se présente à notre esprit, est le grec xur&- 
parlos, d'où dérivent presque tous les noms du même arbre dans 
l'Europe moderne. Une étymologie ridicule de xurcperlos où xurd- 
progos a été donnée par les naturalistes de la Renaissance qui 
dérivent ce dernier terme de «der» et de mædépicos, dmè Toù xverw 
apicous roùs Gxpéuovas. Mais la forme attique xurdprrlos éloigne 
le nom grec du Gyprès de mapioos et y fait au contraire ressortir le 
caractère d’un dérivé dont la forme première serait xÿræpos. Or ce 
terme existe dans la langue grecque avec deux sens assez différents : 
celui de vase servant de mesure, et de fleur de Pin. Dans le premier 
sens, il se rattache évidemment à la racine Æuwp, au sanscr. 4u 
(roupa), gr. xürn, d'où dérivent un grand nombre de termes dans 
les langues indo-européennes (2). Dans le second sens, un botaniste 
serait tenté de rattacher encore xÿmapos à la même racine, à cause 
de la forme concave des écailles du cône des Pins. Mais cette 
étymologie perd toute valeur, puisque la même racine a servi à 
désigner le Gyprès, dont les cônes diffèrent beaucoup par leur forme 
de ceux des Pins, et qui ne pouvait guère, aux yeux des peuples 
anciens, ressembler au Pin que par son odeur et son imputrescibilité. 
Or ces caractères communs sont parfaitement exprimés par la racine 
hébraïque 92 (kr) ; et peu importe qu'un dérivé de cette racine 
ait désigné l'arbre lui-même ou sa fleur; plusieurs exemples, pris 


4) Mémoires de l'Académie des Inscriplions et Belles-Leltres, 4854, &, xx. 
2) Voy. Pictet, Orig. indo-européennes, 11, 26. 


EUG. FOURNIER. — NOMS ANCIENS DU CYPRÈS, 167 


chez les anciens comme chez les modernes, prouveraient au besoin 
que le végétal et sa fleur ont été dénommés d’une manière identique. 

On a conjecturé indifféremment, comme racine de xÿrapos, l’'hé- 
breu 25 (kopher) ou 9à (gopher). M. Renan, dans son Histoire 
comparée des langues sémitiques, adopte cette dernière forme. La 
différence, il est vrai, est faible, puisque cet adoucissement d’une 
-gutturale se rencontre fréquemment dans différents dialectes sémi- 
tiques. Cependant je crois que 53 (gopher) doit être mis hors de 
cause. En effet, non-seulement la gutturale correspond moins exac- 
tement à celle du terme grec, mais encore 753 (gopher) ne paraît 
qu'une.fois dans la Bible, comme le nom de l'arbre dont Noë dut se 
servir pour construire l’arche, et n’est peut-être même pas un nom 
d'arbre, puisque les Septante l'ont traduit par &fXa rerpoycva 
(ligna quadranqula), et qu'un commentateur distingué, Hiller 
(Hierophyticon, p. 376), fait remarquer qu’en intervertissant l’ordre 
des deux dernières lettres hébraïques du mot gopher on obtient 
goreph, participe passé qui à le sens de dedolatus. En outre, il est à 
remarquer que tous les dérivés de la racine "23 (xrr) en hébreu 
comme dans les dialectes arabes, désignent des substances de na- 


AE : . se ; 0 
ture bitumeuse ou résineuse, comme Ji (giffer), bitume, ri 


(quouffre) , goudron avec lequel on calfate les navires, Joe 
(quafour), camphre, etc. De plus, le nom d'une autre plante, bien 
différente du Gyprès et en général des Gonifères, mais balsamique 
et odoriférante comme eux, a été tiré de la même racine, celui du 
225 (kopher), xümpos des Grecs, Cypros des latins, aujourd’hui 
nommé encore ie (kofreh) dans un dialecte de la Nubie, d’après 


Delile, le Henné (4) des Arabes, Lawsonia alba Lam. des pora- 
nistes, arbuste connu dès la plus haute antiquité pour ses divers 
usages (1), notamment dans la teinture et dans la pharmacie. Il en 


(4) Ses fleurs étaient employées contre la migraine: Td dé ä»0os émirhacOËy r@ 
verre Àetov per déous, xeGalalylas wdvet (Dioscoride, L. c.). C'est proba- 
blement pour cette raison que l’on s'en couronnait la tête pendant les repas, bien que 
Plutarque (Sympos. lib. 1, 4) explique autrement cet usage : TÙ dà Ts LÜT OU 
äv0os… eis Ürvov àAuTov Üréyer TOÙS merwudTas. — KÜmpou ävÜos est rendu, 
dans la traduction de Ricard, par la fleur du Souchet, comme s’il y avait Xurefpou 
dans le texte grec. Le Souchet de la Grèce (Cyperus olivaris Targ.-Tozz.) est une plante 
dont la racine est en effet aromatique, mais dont la fleur est peu apparente, et dé- 
pourvue de parfum, 


168 CONGRÈS INTERNATIONAL DE BOTANIQUE. 


est parlé au Cantique des cantiques, 1, v. 14, et IV, v. 13; et 
comme la détermination botanique du Cypros que je regarde comme 
certaine a été contredite par quelques auteurs (1), je suis heureux 
d'ajouter que mon opinion est partagée par M, l'abbé Bargès. C'était 
la même plante qui servait jadis d’aromate en Égypte pour embaumer 
les momies, et dont l'extrait est employé de nos jours dans l'Orient 
musulman pour teindre les ongles en rouge. En résumé, tout con- 
court à démontrer que xÿmapos, comme xvrpos, signifie végétal 
résineux. 

Si je ne craignais d’allonger cette note, ce serait ici le cas d'in- 
sister sur l’origine d’un des noms de Vénus, Cypris, qui était adorée 
sous la forme d'un Cyprès [voy. Lajard, Z. c. (2)]. Il y aurait lieu 
aussi de rechercher si l’on ne doit pas rattacher à la même étymo- 


(4) Je désigne ici MM. Unger et Kotschy, qui, dans un ouvrage récent, intitulé : Die 
Insel Cypern, ont attribué au Cistus creticus le nom de Cypros. Tout est contre ce 
sentiment. Le Cistus crelicus fournissait, il est vrai, un parfum, le ladanum; mais la 
plante qui le donnait élait appelée 24)Ÿa par les naturalistes grecs, ainsi que nous l’ap- 
prend Pline, Hist. nat, lib. xt, ©. 37. Le passage où Dioscoride décrit le Cypros 
(e. cxx1v) contient des détails qui s'opposent absolument à cette interprétation, qui 
ferait sourire un botaniste. Les détails pharmaceutiques qu’il donne s'appliquent par- 
faitement au Henné, et il a soin d'indiquer que la plante est tirée des côtes de Syrie: en 
effet, elle n’a jamais été que cultivée dans l’île de Chypre, où aujourd’hui on en trouve 
à peine quelques pieds dans les jardins. Il est assez curieux d'ajouter ici que le Cypros 
a été rapproché par Pline du Troëne ou Ligustrum, avec lequel le Henné a en effet 
assez d’analogie extérieure, pour que Prosper Alpin, qui avait le coup d'œil d’un natu- 
raliste, l'ait nommé Ligustrum nigrum in Hist. Æg. natur. lb. 11, cap. v, p. 125, et 
De plant. exot. cap. 11, p. 159. Vline, après avoir décrit le Cypros, ajoute (Hist. nat. 
lib. x11, cap. 51) : «Quidam hanc esse dicunt arborem quæ in Italia Ligustrum vocetur ; » 
et plus loin (lib. Xx1v, ©. 45), insistant sur les propriétés médicinales du Cypros, il dit 
encore : « Ligustrum, si eadem est quæ in Oriente Cypros » (d'après les meilleures édi- 
tions). Galien (De simpl. medic. lib. vi) s'exprime ainsi: «Cypri seu Ligustri folia. » 
Cette identification erronée explique divers passages jusqu'ici peu intelligibles des 
auteurs latins, où le mot Ligustrum désigne une plante balsamique et odoriférante qui 
n’est autre que le Henné, notamment le passage suivant de Columelle (lib, x, v. 300 à 
302) : 

« Fer colathis Violam, et nigro permixta Ligustro 
» Balsama cum Casia nectens, croceosque corymbos, 
» Sparge mero Bacchi; nam Bacchus condit odores. » 


Ces considérations expliquent surabondamment l'erreur où sont tombés les lexico- 
graphes qui traduisent Cypros par Troëne, et Cyprinum par huile de Troëne, erreur 
dont aurait dù préserver la lecture de Belon (obs. I, e. 54). 

(2) L'hypothèse étymologique proposée par M. Lajard est assez probable pour que 
l'on sourie en lisant dans le flora mythologica de Dierbach (p. 5) que si les flèches de 
l'Amour étaient en bois de Cyprès, c'est parce que peu de flèches ont causé plus de deuils 
et de regrets que celles du jeune dieu, Sur les faces d'un autel palmyrénien observé à 
Rome, où Bottari (Mus. capitol. t. 1v, pp. 77-86) conjecture qu'il avait été apporté 
par l'empereur Aurélien, autel que M, Lajard a décrit avec le plus grand soin, on ob- 
serve un grand Cyprès pyramidal, chargé de ses fruits globuleux, des flancs duquel 
naît l'Amour, 


EUG. FOURNIER. — NOMS ANCIENS DU CYPRÈS. 1689 


logie le nom de l’île de Chypre, où abondent et surtout abondaient 
les Cyprès dans l’antiquité (Virg. Géorg. I, 84), et où était parti- 
culièrement adorée la déesse Cypris. Carl Ritter (Die Erdkunde, 
XII, pp. 577, 578) a pensé que Chypre signifie l’île des Gyprès. 
Il est certain que les Phéniciens, qui la peuplèrent de bonne heure, 
durent en tirer des bois pour leurs constructions navales, et l’on sait 
d'autre part qu'avant leur établissement à Chypre cette île portait 
d’autres noms (Isocrate, É/oge d'Évagoras, et Pline, Z. c., V, 35). 
D'ailleurs Hérodote (1, 105) et Pausanias (1, 14, 6) attestent que 
les Phéniciens ont importé à Chypre le culte de Vénus. Ce peu de 
mots suffit pour infirmer les conjectures qui dérivent le nom du 
Gyprès de celui de l’île de Chypre (Ali Bei, Travels, etc. 1, 265). 

Nous venons d'examiner la racine qui a fourni le nom du Gyprès 
dans les pays aujourd'hui chrétiens. Ilest remarquable que ce ne soit 
pas la même racine qui ait servi à dénommer le même arbre dans les 
langues sémitiques. D’après Ursinus (Arboretum biblicum, p.128), 
ce terme est n3n ({hirzah), arbre d’une longue durée, odorant, 
avec lequel on construisait les images des divinités (Ésaï, cap. 44, 
v. 14). Si, comme on l’a soutenu, les thyrses des Bacchantes étaient 
en bois de Cyprès, on aurait dans le grec S&upoos la transcription 
du terme hébraïque et la confirmation du sens qui lui est attribué ici. 

Il existe dans Avicenne un terme Scerbin, Serbin ou Xerbin dont 
il dit (éd. lat. Venet. 1795, IT, p. 400, cap. 675) : et hæc 
quidem arbor est de genere Pini, et habet fructum similem fructui 
cupressi, sed est minor eo, etc. Le sens de ce terme a été discuté 
par les commentateurs ; il me semble qu’il est indubitablement fixé 
par le terme arabe actuel : ,, (serou, serv), qui a passé sous une 


forme légèrement altérée en persan et en turc, et qui désigne le 
Cyprès (1). En effet, d'après M. Kotschy (Der Libanon und seine 
Alpenflora, in Verhandlungen der K. K. :0ol.-bot. Gesellschaft 
in Wien, 1864, pp. 733-768), le Cupressus horizontalis se nomme 
en Syrie Scherebin, et le Cupressus pyramidalis, Scherebin aali. 


Comme , ya signifie également prince, majesté et élévation de ter- 
rain, c’est évidemment à la racine hébraïque sw (sk) qu'il faut 
rattacher ce terme. 

Si ces interprétations sont exactes, elles font rejeter l'opinion de 


(4) La station persane où sont plantés des Cyprès près de Schiraz, porte le nom de 
Servistan, le jardin des Cyprès. 


470 CONGRÈS INTERNATIONAL DE BOTANIQUE. 


M. l'abbé Lanci (Paralipomeni, p. 57), et celle de M. Lajard, qui 
rattachent serv (comme le gopher des Hébreux) à une racine signi- 
fiant engendrer. M. Lajard a été entraîné là par ses idées sur le culte 
de Cypris. 

Dans le groupe de langues qui nous occupe, quelques termes ont 
été faussement attribués au Cyprès par différents auteurs. De ce 


nombre est le persan sis (chemsad), qui se retrouve dans les 
termes arabes jm (chemsyr), same (échemsyr), yes (chem- 


sän) ; tous ces termes, d’après les meilleurs Dictionnaires, désignent 
le Buis, Buxus sempervirens. De ce nombre est encore le terme 
biblique vx (harhar), que M. Encontre (Additions à la Flore 
biblique de Sprengel, p. 1h, dans les Bulletins de la Société des 
sciences, lettres et arts de Montpellier) attribue également au 
Cyprès. Il n’est guère douteux qu'il n’appartienne à quelqu’une des 
grandes espèces de Juniperus qui croissent en Syrie, car les termes 


arabes ,s,s (a'rar), jle;s (a'ra'ar), désignent clairement le Géné- 


vrier ou le genièvre. Placçons encore dans la même catégorie un 
terme de l’ancienne langue arménienne, sôs, qui se trouve dans 
Moïse de Khorène (Hist. armen. 1, XV, xix, éd. Whitston), et 
qui a été traduit tantôt par Cyprès tantôt par Platane, ce qui 
prouve qu'on n'est pas bien certain du sens spécial de ce nom 
d'arbre. Or, c’est le terme de Sosna qui dans plusieurs langues slaves 
désigne le Pin (cocma en russe) ; le nom arménien actuel du Pin, 
uoXh (s0dji), paraît dérivé du terme ancien. Toute cette classe 
de termes, comme un grand nombre de ceux qui sont communs 
aux arbres résineux, se rattache à la racine sanscrite 4 (souch), 


brûler. J'aurai peut-être occasion de revenir sur ces termes dans 
un autre travail. Mais je dois faire remarquer dès à présent qu’en 
infirmant le sens attribué par certains traducteurs au terme armé- 
nien, je réprouve également l'hypothèse de M. de Saulcy, qui 
dans sa Chronologie biblique des empires de Ninive, de Baby- 
lone et d'Ecbatane, pense que le nom du roi assyrien Saos-dou- 
Khin signifie le gracieux Cyprès. Gette interprétation offre un 
sens bien étrange; mais ne l'est-il pas davantage de rassembler 
dans un seul nom des racines sémitiques et une racine sanscrite ? 
Plusieurs étymologistes ont vu dans le nom de princes anciens de la 
Perse celui du Gyprès; il ne faut pas oublier ce que nous avons dit 


EUG. FOURNIER. — NOMS ANCIENS DU CYPRÈS. 471 


plus haut du terme arabe serv, qui signifie en même temps Cyprès 
et majesté. 

Enfin l'hébreu oini13 (berd/im), qui désigne le Cyprès d’après 
certains traducteurs des Écritures, n’a probablement pas ce sens. 
C'est sans doute l'arbre nommé Bpcôv par les Grecs, et que 
Dioscoride (chap. cv) et Pline (lib. XXIV, c. 61) nous disent 
être l’Aerba sabina des Romains. Dioscoride en distingue deux 
espèces : l’une est assez caractérisée dans son texte, par son aspect 
et ses propriétés, pour être rapportée à la Sabine, Juniperus 
Sabina. L'autre, qui n’en diffère que par les feuilles, et qui est em- 
ployée, selon l'auteur grec, aux mêmes usages, est peut-être 
une espèce du même genre. D'ailleurs le terme hébreu que nous 
étudions ne paraît qu'une fois dans la Bible (Cant. 1, 17), pour 
désigner le bois qui formait les lambris. Quand le psalmiste veut 
désigner les grands arbres du Liban (Ézéchiel, c. 31, v. 8; Ésaï, 
c. 37, V. 2h; c. 14, v. 8; Zach. c. 11, v: 2), il se sert de l’expres- 
sion wi13 (berdsck). Les deux pourraient être assimilées, en rap- 
pelant combien est fréquente la conversion du w en n dans certains 
dialectes sémitiques ; Aben-Esra n’y à pas manqué; mais on ne 
peut admettre, vu le sens des passages cités, que w113 ait désigné 
un arbre tronqué et bas de formes comme le Juniperus Sabina. 
Sans doute ce n'est pas le Gèdre, comme l’a cru Olaüs Gelsius 
(Hierobotanicon, p. 7h), rectifié sur ce point par Trew (Apologia 
et mantissa observationis de Cedro Liban), et Loiseleur-Deslong- 
champs (Histoire du Cèdre du Liban). I est probable que le terme 
hébreu désigne le Sapin. Il à été généralement traduit par Abies 
dans la Vulgate. Il estmis en parallèle avec le Cèdre par le psalmiste ; 
et cela convient mieux au Sapin, pour sa taille et pour son port, 
qu'au Gyprès. Ce qui empêche d'acquérir ici une certitude philo- 
logique, c’est qu'on ne retrouve pas de dérivé de herdsch dans les 
dialectes arabes. Cependant, d’après Ursinus (Arboretum biblicum, 
p. 270), les Sapins sont nommés dans le Thargum Berazin. 

Les termes qui nous restent à examiner témoignent combien la 
longévité du Cyprès avait frappé les populations anciennes, En bas- 
breton, d'après M. Lajard, cet arbre est nommé ëivz ou vi. C’est 
le mot qui dans plusieurs langues européennes a passé à l’If, en 
vieux français euves, ancien allemand Zwa, qu'il faut rapprocher 
du latin œvum et du grec aiwv. Rien n’est plus naturel que de tirer 


172 CONGRÈS INTERNATIONAL DE BOTANIQUE. 


de leur longévité les noms d'arbres tels que le Gyprès, l'If et d’au- 
tres Conifères. Pour le Gyprès, cela est d'autant plus plausible que 
cet arbre a été dans la plus haute antiquité l'objet d’une vénération 
particulière, et que sa durée devait être d'autant plus remarquée. 
Le culte dont le Cyprès a été honoré chez les peuples les plus divers, 
aussi bien au Mexique qu'en Perse, a été commenté longuement par 
M. Lajard, et je n'y insisterais pas, s’il ne nous fournissait l’expli- 
cation des deux derniers termes dont il me reste à entretenir le 
Congrès, le sanscrit dévadarou et le persan div-dar. 

Le terme sanscrit &qa& (dévadarou) a été appliqué par Roxburgh 
au Cedrus Deodara, qui l'a gardé, bien que légèrement altéré, dans 
tous les livres de botanique. D’après M. Lajard, ce terme désigne 
également le Cyprès. Dans la matière médicale indienne d’Aïnslie, 
on ne trouve pas ce nom pour le Cyprès, mais dans un mémoire 
publié dans les Transactions de la Société botanique d' Édimbourg, 
vol. VIII, part. 4, p. 77, par M. H. Cleghorn, surintendant du 
jardin botanique de Calcutta, et intitulé Principal plants of the 
Sutlej valley, mémoire où l’auteur a soigneusement mentionné les 
noms indigènes, on trouve Deodara pour le nom indigène du 
Cupressus torulosa. Pour le Cedrus Deodara, le nom indigène est 
Kelu. L'auteur ajoute « properly dewa-daru», mais probablement 
d'après l'indication antérieure de Roxburgh. Il suffit au philologue 
de savoir que le Gyprès a été nommé en Perse dv-dar, pour tran- 
cher au besoin une incertitude qui n'existe pas d’ailleurs après la 
citation de M. Cleghorn. Il est vrai que le Cupressus torulosa n’est 
pas le C, pyramidualis de l'Asie occidentale et de la Perse en parti- 
culier, mais il ne serait pas sensé de supposer que les populations 
anciennes aient tenu compte, pour dénommer les végétaux, de cer- 
taines différences étudiées minutieusement par les procédés de 
l'analyse scientifique actuelle. Nous pouvons donc légitimement 
reconnaître au Gyprès le nom de &ag& (dévadarou), arbre divin, 
arbre sacré. Dans les Védas, l'arbre ainsi nommé est en effet pré- 
senté comme l'objet d'un culte particulier, auquel s'associe celui de 
plusieurs personnages mythologiques, très-analogues aux faunes, 
aux Dryades et aux Hamadryades. Il est fort remarquable que le 
seul nom d'un arbre nous conduise à l'origine des premières su- 
perstitions de la race indo-européenne, et nous prouve le culte 
qu'on rendait au Cyprès dès les périodes préhistoriques, culte qui 
s’est conservé longtemps, et dont les traces se retrouvent encore 


Q9 


DISCUSSION SUR LE MOUVEMENT DES BRANCHES. 47e 


dans nos cimetières. Pline nous apprend (lib. XVI, cap. xxx) 
que le Cyprès « Diti sacra fuit, et ideo funebri signo ad domos 
posita ». Il faut évidemment voir dans l'institution et même dans 
le nom des Druides une preuve de la persistance du culte de l'arbre 
(darow). Les peuplades indo-européennes, après leur séparation, ont 
adressé leur culte chacune à l'arbre qui dominait dans le pays qu’elles 
habitaient ; pour celles qui pénétrèrent dans le centre de l'Europe, 
le Chêne remplaca le Cyprès de l'Asie. Dans le Liban, c’est pour le 
Cèdre que les Maronites professent un respect religieux. 

Comme nous le disions tout à l'heure, le terme sanscrit a passé 
dans la langue persane, mais comme un simple surnom, qui n’a plus 
été bien compris. En zend, le nom de l'arbre est wrvara (auquel on a 
voulu rattacher le latin arbor). Le terme de &a : (dévas), par lequel 
les Indo-Aryas désignaient cette foule de demi-dieux répudiés par le 
monothéisme des franiens, ne fut plus pris par ceux-ci qu’en mauvaise 
part, comme il en fut plus tard des dafuores des Grecs, qui devin- 
rent les démons du christianisme. D'ailleurs il s'est rencontré un 
fait singulier : div-dar, bien qu’évidemment dérivant par altération 
du sanscrit dévadarou, s'est trouvé signifier, en persan, qui garde 
les divs. Aussi lit-on dans l’Avesta que Zoroastre avait planté des 
Cyprès sacrés, que leurs sites étaient devenus autant de buts de 
pèlerinage, qu'un temple construit autour de l’un de ces arbres était 
devenu semblable au Paradis, et que Zoroastre y avait enchaîné les 
divs. Le terme primitif n'étant plus compris, avait fait naître une 
légende. 


M. de Geleznow, vice-président, fut au Congrès la commu- 
nication suivante : Sur le mouvement des branches occasionné 
par les variations de température (\. 

M. de Candolle demande si l'influence attribuée par M. de 
Geleznow à la température ne devrait pas l'être en partie à l'hu- 
midité atmosphérique. 

M. de Geleznow répond que l'humidité de l'air ne lui parait 
pas exercer d'influence appréciable sur ce phénomène. Cela lui 
semble résulter des observations hygrométriques qu'il a faites. 


(4) Au moment du tirage de cette feuille (30 octobre 4867), le manuscrit de cette 
communication n’était pas encore parvenu au secrétaire chargé de la publication des 


Actes du Congrès. 


474 CONGRÈS INTERNATIONAL DE BOTANIQUE. 


Il a eu soin, d’ailleurs, d’éloigner tout dépôt d'humidité de la 
surface des branches qu'il observait. 

M. J.-E. Planchon recherche s’il n’en serait pas de l’abaisse- 
ment des branches des arbres comme de celui des hampes des 
plantes herbacées qui s’inclinent vers le sol après la gelée, et si 
le phénomène ne serait pas dû dans les deux cas à ce que ces 
organes perdent du liquide sous l'influence de la gelée. 

M. de Geleznow fait observer que si les hampes des Jacinthes, 
lorsqu'elles subissent les effets de la gelée, s’inclinent en deve- 
nant demi-transparentes, pour ne se relever que quand la gelée 
ne se fait plus sentir, elles ne perdent pas leur élasticité dans ce 
phénomène, tandis que les branches des arbres gelées, si elles 
deviennent plus cassanies, ne perdent -pas cependant cette 
élasticité, ce dont on peut s'assurer en les faisant osciller. 

M. Éd. Morren dit que les recherches de M. de Geleznow, 
comme celles que fait presque simultanément à Kæœnigsberg 
M. Caspary, lui rappellent celles de Dutrochet. Il y a, dit-il, 
analogie complète entre les plantes sensitives, chez lesquelles 
l’excision d’une partie du bourrelet axillaire déterminait une 
inclinaison spéciale el permanente de la branche, et les arbres 
observés par M. de Geleznow. Peut-être le rameau ligneux ne 
s’abaisserait-1l plus si l'on enlevait la portion ligneuse supérieure, 
et ne s'élèverait-il plus dans le cas contraire. — Abordant 
un point différent, M. Morren demande à M. de Geleznow 
si les plantes peuvent résister aux effets d’une congélation 
intense, comme celle qu’observent fréquemment les naturalistes 
russes. 

M. de Geleznow répond qu'il n’a pas fait d'expériences pour 
savoir si le mouvement des branches et celui des pétioles des 
plantes sensitives sont produits par la même cause. Quant à la 
congélation des sucs des arbres, il est sûr qu’elle n’en occasionne 
pas ordinairement la mort. Dans un mémoire sur le développe- 
ment des bourgeons pendant l'hiver, il a constaté, comme l'a 
fait également M. Gœppert avant lui, que les sucs des arbres 
sont complétement gelés pendant l'hiver, et que dans cet état le 
bois est difficile à entamer par la hache, mais qu'au retour du 


DISCUSSION SUR LE MOUVEMENT DES BRANCHES. 479 


printemps les arbres rentrent dans les conditions biologiques 
ordinaires. 

M. Gubler est disposé à attribuer l’abaissement des rameaux 
ligneux à la dilatation des sucs aqueux renfermés dans leur 
tissu, qui augmentent de volume quand la température descend 
au-dessous de 4 degrés. L’exception présentée par les Coni- 
fères n’est qu’apparente, car dans leur tissu ce n’est plus seule- 
ment de l’eau qu'on rencontre, mais aussi une matière résineuse 
qui, au-dessous du maximum de densité de l'eau, continue à se 
contracter. Tout au moins observe-t-on alors, dans l'écarte- 
ment du rameau, la résultante de deux effets contraires, dont 
l'un, la contraction, l'emporte sur l’autre. 

M. de Geleznow reconnaît également que ce phénomène 
dépend moins des propriétés des tissus des branches que de 
celles des liquides et des gaz qu'ils renferment; mais l’explica- 
tion des faits observés par la dilatation de l'eau et la contraction 
des résines ne lui paraît pas démontrée, et est encore aujourd'hui 
prématurée. Le phénomène, dit-il, est fort compliqué, et pour 
parvenir à en trouver une explication claire, il est nécessaire 
d'étudier les propriétés du bois frais. 

M. Balansa compare le rameau ligneux qui s'infléchit, pourvu 
de son canal médullaire, à un tube métallique rempli de liquide, 
qui se courbe quand son contenu se contracte. 

M. de Geleznow fait observer que ce n'est pas par sa masse 
trop petite, par rapport à celle de la branche, que le canal médul- 
laire exerce la plus grande influence, mais par sa position entre 
des couches annuelles douées de propriétés différentes. 

M. Cosson demande s’il faut de grandes variations de tempé- 
rature pour déplacer les branches. Il rappelle que, d'après les 
travaux de Becquerel, celles-ci n’acquièrent que lentement la 
température de l'air. 

M. de Geleznow répond que le moindre changement de tem- 
pérature occasionne dans ‘les branches un changement de 
direction, partant un mouvement appréciable. I} reconnaît que 
la conductibilité du bois frais pour la chaleur à une mfluence 
notable sur ce mouvement ; il dit qu'à longueur égale les jeunes 


176 CONGRÈS INTERNATIONAL DE BOTANIQUE. 


branches sont beaucoup plus sensibles que les branches âgées 
aux variations de température. 

M. Laisné fait remarquer que l'explication fondée sur l’aug- 
mentation de volume de l’eau n’est pas suffisante, parce que 
ce liquide, après s'être dilaté en tombant au-dessous de son 
maximum de densité Jusqu'à zéro, se contracte ensuite à partir 
de ce point à l’état de glace, et que les branches s’abaissent de 
plus en plus à mesure que le froid augmente, loin d'être 
réglées, quant à leurs mouvements, par les changements de den- 
sité du liquide. 

M. Gubler objecte que la congélation se fait insensiblement, 
des couches superficielles aux couches profondes dela branche; 
de là vient qu'un froid toujours croissant amène un abaissement 
toujours croissant. 

M. Laisné répond que M. de Geleznow a parlé, dans sa com- 
munication, de branches longues de 4 à 7 mètres, et que les 
branches d'un mètre ne peuvent pas être assez grosses pour 
qu'on admette l'hypothèse de M. Gubler. 

M. de Geleznow ajoute que les branches les plus faibles sont 
précisément les plus sensibles à l'action de la température. 


M. André Famintzin, secrétaire, fait au Congrès une com- 
munication Swr l'action que la hunière exerce sur les plantes, 
notamment dans le développement du Spirogyra (1). 


(1) Ce mémoire, dont M. Famintzin n’a pas laissé le manuscrit au secrétariat du 
Congrès, a été publié par lui (en allemand) dans les Bulletins de l'Académie impériale 
de Saint-Pétersbourg, t. x, p. 1. 


SL 


DISCUSSION DES LOIS DE LA NOMENCLATURE. 17 


SÉANCES DES 19, 21 ET 23 AOÛT. 


Discussion des Lois de In Nomenclature botanique. 


PRÉSIDENCE DE M. DU MORTIER, VICE-PRÉSIDENT. 


M. Du Mortier exprime au Congrès combien il est fier de 
présider une réunion aussi nombreuse, composée de savants 
autorisés, appelés à donner leur avis sur les questions impor- 
tantes qui vont leur être soumises. 

M. le Président explique ensuite au Congrès que la commis- 
sion nommée dans la première séance a terminé ses travaux, et 
nommé pour son rapporteur M. de Candolle. 


M. de Candolle donne lecture du rapport suivant : 


Messieurs, 


Vous avez renvoyé à une Commission le recueil des Lois de la 
Nomenclature botanique dont j'ai eu l'honneur de vous présenter 
le projet (4). 

Gette Commission, qui s’est livrée à un travail attentif, article par 
article, dans quatre séances distinctes, était composée de MM. Du 
Mortier, Weddell, Cosson, J.-E. Planchon, Eichler, Bureau et de 
Candolle, c’est-à-dire de botanistes appartenant à la France, à l’An- 
gleterre, à l'Allemagne, à la Belgique et à la Suisse, et pouvant ainsi 
représenter les tendances et les habitudes des descripteurs de divers 
pays (2). 

Nous avons eu la satisfaction de nous trouver d'accord sur la 
grande majorité des articles, et, ce qui est plus important, sur les 
principes fondamentaux en pareille matière, notamment sur la loi 


(1) Lois de la Nomenclature botanique, br. in-8°, Genève, 1857, contenant une intro- 
duction historique, les lois prososées et un commentaire détaillé. Dans ce moment 
(novembre 1867), M. de Candoll: publie une nouvelle édition de cette brochure, mo- 
difiée d’après les décisions du Congres. Elle paraît en français (chez F.-B, Baillière et 
fils, à Paris), en allemand (chez Georg, à Bâle et Genève), et en anglais (chez Lovell 
Reeve et C°, à Londres). (Note ajoutée pendant l'impression.) 

(2) M. Boreau et Andersson avaient été désigaïs pour être membres de là conmis- 
sion ; on les avait crus arrivés à Paris, muheureuse nent ils ne le sont pas encore, ce 
qui nous a privés de leur concours. 


CONGRÈS BOT, 12 


178 CONGRÈS INTERNATIONAL DE BOTANIQUE. 


de priorité, qui est la base la plus solide de toute nomenclature. 
Lorsqu'il s’est manifesté parmi nous une différence d'opinion, nous 
avons cru que la meilleure solution était, en général, de préciser 
moins et de laisser plus de liberté à chaque auteur. On peut espérer, 
en effet, que la marche de la science et la pratique amèneront tels 
ou tels usages, telles ou telles règles, dont la nécessité n’est pas évi- 
dente aujourd’hui, du moins pour tout le monde. Comme il ne peut 
pas être question dans les sciences d’obliger qui que ce soit à adop- 
ter une certaine méthode, la liberté des opinions doit toujours être 
respectée, et il vaut mieux laisser un peu de vague dans certaines 
dispositions que d’insister sur des règles contestées. 

La Commission a pensé, comme le rédacteur du projet, qu’il fallait 
exposer clairement les usages suivis par les botanistes, plutôt que de 
proposer des mnovations qui ne seraient peut-être pas adoptées. De 
là certaines lacunes ou défectuosités apparentes dans le projet. Par 
exemple, nous avons reconnu que l'assimilation faite par les bota- 
nistes des mots ordre et famille, les prive d’un moyen usité en z00- 
logie pour établir un degré de plus dans la hiérarchie des groupes. 
Si le mot ordre, dans la plupart des ouvrages de botanique, expri- 
mait un groupe supérieur aux familles, notre nomenclature serait 
plus en harmonie avec celle des zoologistes, et nous n’aurions pas 
besoin d'introduire un nom nouveau tel que cohorte ; mais il nous a 
paru que l’usage de traduire famille par ordo est trop ancien, trop 
général en France et en Allemagne, trop établi dans les livres, pour 
qu'on puisse s’en éloigner maintenant. Il y a des usages qui s’im- 
posent par leur ancienneté et leur généralité. S'ils ne sont pas tou- 
jours parfaitement logiques, ils ont au moins l'avantage d’être com- 
pris par tout le monde. 

A l’occasion de chaque article, nous indiquerons si la Commission 
l’a accepté tel quel ou si elle vous propose un amendement. 

La discussion amènera sans doute des amendements. Elle pourra 
être terminée par un vote d'ensemble, portant simplement que l’as- 
semblée recommande le recueil tel qu’elle l'a amendé comme la 
meilleure direction à suivre dans la nomenclature botanique. 


L'assemblée passe à l'examen des articles. M. le rapporteur 
en donne successivement lecture, ainsi que des amendements 
proposés par la Commission ; après quoi la discussion est ouverte 
et ils sont mis aux voix par M. le Président. 


DISCUSSION DES LOIS DE LA NOMENCLATURE. 179 
L'article 1 est adopté sans discussion (L). 


ART. 2. — Les règles de la nomenclature ne peuvent être ni arbitraires ni imposées. 
Elles doivent être basées sur des motifs assez clairs et assez forts pour que chacun les 
comprenne et les accepte, 

La commission propose de remplacer les deux derniers mots 


par : 
soit disposé à les accepter. 


Cette modification est adoptée. 


ART. 3, S$ 3. — Les autres considérations, telles que la correction grammaticale 
absolue, la régularité ou l’euphonie des noms, un usage plus ou moins répandu, les égards 
pour des personnes, etc., sont relativement accessoires. 


La commission propose l'addition suivante : 


Les égards pour des personnes, etc., malgré leur importance 
incontestable, sont relativement accessoires. 


Cette modification est adoptée. 


ART. 6. — Les noms scientifiques sont en langue latine. Quand on les tire d'une 
autre langue, ils prennent des désinences latines. Si on les traduit dans une langue 
moderne, on cherche à leur conserver le plus possible une ressemblance avec les noms 
originaux latins. 


La commission propose la modification suivante : 


Les noms scientifiques sont en langue latine. Quand on les tire 
d’une autre langue, ils prennent des désinences latines, 4 moins 
d'exceptions consacrées par l'usage, etc. 


M. le professeur Karl Koch (2) présente les observations sui- 
vantes : 


En général, on aime à donner aux plantes des noms grecs avec 
des désinences latines. de préfère toujours qu’on les tire de la langue 
grecque, parce qu'ils sont alors plus euphoniques. Les Romains 
eux-mêmes nous ont donné l'exemple à cet égard, et ont préféré 


(4) Pour abréger le texte de celte discussion, on a cru convenable de ne pas y rap- 
porter celui des articles qui ont été adoptés sans modifications, et qu’on trouvera plus 
loin dans les Lois de la Nomenclature. 

(2) M. le professeur Koch avait proposé, à Londres, qu’un congrès s’occupât des ques- 
tions de nomenclature. Cette circonstance le désignait naturellement pour être membre 
de la Commission, mais, au moment de la nomination de cette Commission, M, Koch 
n’était pas encore arrivé à Paris. 


150 CONGRES INTERNATIONAL DE BOTANIQUE. 


tirer de la langue hellénique les dénominations nouvelles dont 
ils avaient besoin. 


M. P. Sagot demande s'il est bon d'ajouter des désinences 
latines à des noms indigènes tels qu'en fournissent les îles de 
l'Océanie pour former des noms spécifiques. 

M. de Candolle répond qu’en rédigeant l’article 6 1l à surtout 
songé aux dénominations génériques, et que d’ailleurs ce point 
sera mieux discuté au sujet de l'article 28. 

La modification proposée par la commission est adoptée. 


Arr. 8. — Tout individu végétal appartient à une espèce (species), toute espèce à un 
genre (genus), tout genre à une famille (ordo, familia), toute famille à une cohorte 
(cohors), toute cohorte à une classe (classis). 


M. Cosson demande que l'on rejette complétement le mot 
familia, qui, à cause de son véritable sens latin, devrait, dans 
les associations de groupes, être placé au-dessous de bus, 
comme l’a fait M. Schimper. 

On décide cependant de conserver ce mot, comme étant le 
corrélatif latin d'un terme généralement usité, surtout en 
français et en allemand. 


ART. 40. — Enfin, comme la complication des faits conduit souvent à distinguer des 
groupes intermédiaires plus nombreux, on peut créer par le moyen de la syllabe sous 
(sub), mise avant un nom de groupe, des subdivisions de ce groupe, de telle manière que 
sous-famille (subordo) exprime un groupe entre une famille et une tribu, sous-tribu 
(subtribus), un groupe entre une tribu et un genre, etc. L'ensemble des groupes subor- 
donnés peut ainsi s'élever, pour les plantes spontanées seulement, jusqu'à 18 degrés 
dans l'ordre suivant : 


Regnum vegetabile. 
Classis. 
Subclassis. 
Cohors. 
Subcohors. 
Ordo (gallice : Famille.) 
Subordo (gall, : Sous-famille.) 
Tribus. 
Subtribus. 
Genus. 
Subgenus. 
Seclin. 
Subseclio. 
Species. 
Subspecies (vel Proles, gall. : Race). 
Varietas. 
Subyvarielas. 
Variatio. 
Subvarialio. 
Planta. 


DISCUSSION DES LOIS DE LA NOMENCLATURE. A8I 


La commission propose d'ajouter, après regmum vegetabile, 
deux degrés de plus, sous les noms de dvisio et subdivisio; et 
de modifier en conséquence la fin du paragraphe, en écrivant : 
jusqu'à 20 degrés duns l'ordre suivant. 

M. J.-E. Planchon et de Schœnefeld font observer que le 
règne végétal n'étant qu'une des deux parties du règne orga- 
nique, il conviendrait peut-être de dire subregnum vegetabile. 

M. de Candolle développe l'amendement proposé par la com- 
mission, en faisant remarquer que dans le tableau les degrés 
supérieurs ne sont pas assez nombreux pour répondre aux 
groupes généralement admis. La Commission, dit-il, a cherché 
un mot latin correspondant au mot français embranchement, 
employé par les zoologistes. Elle n’en à pas trouvé de meilleur 
que divisio, duquel on peut tirer aisément subdivisio pour lin- 
dication d'un degré mférieur. 

La modification proposée par la Commission est adoptée. 

Une grande discussion s'engage sur la convenance de nommer, 
à l'exemple d'Endlicher, colors, le groupe superposé aux familles 
et appelé par Lindley alliance. Plusieurs membres proposent de 
donner à ce groupe le nom d’ordo, réservant celui de /amiha 
pour le groupe nommé or do dans le projet. 

M. de Candolle dit, que s'il a préféré le mot coors, et si la 
majorité de la Commission a partagé son opinion, c'est : 1° parce 
que le mot ordo a été pris généralement, par les botanistes, 
comme l'équivalent latin du mot français /amlle et, 2° à cause 
de l'usage introduit par plusieurs auteurs d'appeler d’un nom 
nouveau tel que cokors, alliance, ete., les associations de familles. 

M. Du Mortier et M. J.—E. Planchon font leurs réserves sur 
la convenance d'adopter le mot cohors. 

M. Du Mortier demande à l’Assemblée l'autorisation d’'expri- 
mer son avis, au moyen d’une note écrite, sur l'article en dis- 
cussion, qui lui paraît un des plus graves du projet puisqu'il 
touche à une question de classification. 


L'idée des familles des plantes appartient, dit-il, à l’école fran- 
caise, et c’est son plus beau titre de gloire; c’est Magnol, c’est Adan- 


182 CONGRÈS INTERNATIONAL DE BOTANIQUE. 


son, qui les premiers ont employé ce mot pour désigner les groupes 
formés de plantes-sœurs, Linné, au contraire, dans la formation de 
ses essais de classification naturelle, se servit du mot d'ordre qui, 
dans son système sexuel, représentait le second degré de classifi- 
cation, | 

Get exemple fut suivi par Bernard de Jussieu et par son neveu, 
dans un immortel ouvrage, le Genera plantarum, où toujours le mot 
d'ordre formait une subdivision des classes. Antoine-Laurent de 
Jussieu répartissait le règne végétal en quinze classes, comprenant 
cent ordres. 

Par là, il avait réalisé ce point que Linné regardait comme inexé- 
cutable, la classification naturelle du règne végétal, et mérité le 
titre de magnus Apollo de la botanique promis par Linné à celui qui 
découvrirait le système des familles naturelles. 

Malheureusement l'insertion des étamines constituait une base 
souvent vicieuse et prêtant à de nombreuses exceptions, surtout dans 
les Monocotylées et dans les Apétales. Au lieu de chercher une base 
systématique nouvelle, propre à améliorer la synthèse végétale, Ro- 
bert Brown entreprit une révolution suivant moi bien malheureuse, 
en anéantissant les classes, c’est-à-dire la synthèse de la botanique. 
Pour lui, il n’y eut plus que des familles. Là est l’origine de la con- 
fusion qui a régné dans la botanique depuis cette époque, car une 
science sans synthèse est un corps sans âme. 

A partir de ce moment, on voit se former deux courants, le cou- 
rant français et le courant germanique. Dans l’école française, De 
Candolle, Loiseleur, Ach. Richard, etc., cherchent à ramener la 
science à la synthèse, par l'étude des organes floraux, tandis qu’en 
Suède, en Allemagne et en Angleterre, une direction nouvelle est 
imprimée, consistant à former les classes non plus au moyen de la 
fleur, mais en les basant sur les organes endospermiques. 

Batsch est le premier qui entreprit de former ces groupes dans 
sa Tabula affinitatum regni vegetabilis ; après lui vint Agardh dans 
ses Aphorismi botanici et ses Classes plantarum, puis Reichenbach 
dans son Conspectus regni vegetabilis, Bartling dans ses Ordines 
plantarum, Lindley, Martius, Endlicher, etc., etc. Pour les uns, ces 
groupes substitués aux classes de Jussieu prennent le nom de classes, 
pour les autres, celui d'alliance ou de cohorte. Mais ce qui est 
commun à tous, c’est la suppression de l'unité scientifique et par là 
de la synthèse, puis la substitution des caractères endospermiques 
aux caractères floraux. 


DISCUSSION DES LOIS DE LA NOMENCLATURE. 183 


Est-ce là un progrès ? dans mon opinion c’est un regrettable 
recul. En effet, l'étude approfondie des graines démontre que 
celles-ci contiennent cent fois plus d’exceptions que les organes 
floraux. Ajoutez à cela la difficulté que présente l’étude des petites 
graines, étude presque rebutante pour celui qui veut étudier la bo- 
tanique, et vous serez en droit de vous demander si, en voulant 
être trop savant, on n’est pas devenu erroné et obscur ; si l'on n’ar- 
rive pas par là à substituer à une science aimable, une science in- 
grate et d’une extrème difficulté pratique. L'avenir de la science 
n’est pas là: il consiste à rechercher une base de classification meil- 
leure que l'insertion des étamines, de manière à reconstituer la syn- 
thèse végétale qui aujourd’hui fait complétement défaut. Bien évi- 
demment, les propositions soumises au Gongrès ne peuvent avoir 
pour but d’enchaîner la science sur une matière aussi importante. 
Chacun donc sera libre d'employer toutes les divisions indiquées, 
ou d'en abandonner quelques-unes. 

Mais doit-on supprimer le mot de famille (/amalia) comme le 
propose la majorité de la Commission ? Il n’est impossible de par- 
tager cet avis. D'une part, le nom de plantes-sœurs est tellement 
heureux, tellement poétique ; il représente si bien l'association na- 
turelle, que créé par l’école française, il a été admis par le monde 
entier, sinon dans les textes descriptifs, du moins dans les textes 
narratifs de tous les auteurs. 

Le mot d'ordre, dont la plupart des écrivains se servent en latin 
pour indiquer les familles des plantes, représente d'ailleurs une 
idée fausse, puisque, sauf les monotypes, ces ordres n’ont plus rien 
de commun avec ceux de Jussieu, 

Les ordres de Jussieu, ce sont les cohortes de l’école germanique, 
les alliances de l’école anglaise, et pour ces écoles les ordres sont 
presque toujours les tribus ou les subdivisions des ordres de Jussieu. 
Il serait donc logique de réserver le mot d’«ordre » à ces dernières 
divisions, et d'appliquer celui de « famille » aux subdivisions des 
ordres de Jussieu. 

Notre savant confrère M. J.-E. Planchon a fait remarquer avec 
raison à la Commission qu’en agissant de la sorte on aurait l’avan- 
tage d'adopter en botanique la même marche qu’en zoologie, 

En résumé, le mot de « famille », qui est la poésie de la science, 
ne me paraît pas devoir être supprimé de notre programme, Le pro- 
grès de la science ne consiste pas dans les chaînes, mais dans la 


18h CONGRÈS INTERNATIONAL DE BOTANIQUE. 


liberté. Laissons à chacun le droit de se servir du mot si poétique 
de familles de plantes ; pour moi, je vous assure que je ne saurais 
me décider à le sacrifier. 


M. J.-E. Planchon présente les observations suivantes : 


A l’occasion du mot a/{liance, proposé par feu le docteur Lindley 
pour désigner certains groupes de familles végétales, il exprime le 
regret de voir se perpétuer, entre les zoologistes et les botanistes, 
une discordance sur la valeur des mots ordre et famille. Ordo, 
pour les botanistes actuels, est à peu près exactement la traduction 
latine du français famille. Pour les zoologistes qui suivent plus ou 
moins Cuvier, ordre est un groupe de familles. Comment faire 
cesser ce désaccord entre deux branches parfaitement parallèles de 
l'histoire naturelle ? Peut-être en adoptant en botanique le mot 
ordre (et de forme latine ordo) dans le même sens que les zoolo- 
gistes, c’est-à-dire comme un degré hiérarchique supérieur à nos 
familles végétales actuelles. Adopter ce mot ordre (comme équiva- 
lent d'alliance) serait peut-être revenir ou à peu près au sens qu'il 
a sous sa forme latine dans le Genera d'Antoine-Laurent de Jussieu. 
En effet, par suite du travail de subdivision qui s’est fait dans les 
anciennes coupes de Jussieu, les ordines de l'illustre auteur sont 
devenus, pour la plupart, des groupes de familles et non plus des 
familles simples. Il n'y aurait donc pas autant d'inconvénient qu'il 
le semble à prendre le mot ordo pour désigner l'association de 
familles végétales que Lindley appelle a/liances, Endlicher et 
M. Ad. Brongniart classes. 

En tout cas, il y aurait avantage à s'entendre pour que les groupes 
à peu près équivalents en zoologie et en botanique fussent désignés 
par les mêmes noms. Prolonger les malentendus à cet égard entre 
des sciences connexes, c’est méconnaître la loi d'unité de la création 
et se condamner sciemment à des fautes de logique. 


M. Duchartre appuie l'opinion de la majorité de la Commis 
sion : il fait observer ‘qu'il faut s’écarter le moins possible des 
usages profondément enracinés, et qu'il y aurait un grand 
inconvénient à changer le sens universellement admis en bota-— 
nique du mot ordo. 


DISCUSSION DES LOIS DE LA NOMENCLATURE. 185 


M. J.-E. Planchon répond que l’objection de la majorité ne 
repose guère que sur l'habitude prise, et que si l’on s'était 
arrêté à une objection de cette nature, la France, on peut dire 
l'Europe, n'aurait pas le système des poids et mesures. 

La rédaction proposée par la Commission est adoptée en ce 
qui concerne les degrés désignés par cohors, subcohors, ordo et 
subordo ; elle autorise la faculté d'employer les mots famille et 
sous-famille. 

On agite l’idée d'exprimer d'une manière plus saïllante les 
noms de certains groupes plus généralement usités, en particu- 
lier le mot species. Comme il faudrait, à ce point de vue, établir 
une gradation typographique compliquée du haut en bas du 
tableau, cette idée n’est pas prise en considération. 


M. Kirschleger présente les observations suivantes : 


Il dit qu'au-dessous de l'espèce il n’y a pas de gradation, dans la 
nature, entre la race, la variété et la variation. Il insiste sur la diffé- 
rence de valeur qu’il trouve, dans le tableau que l’on discute, entre 
les quatre avant-derniers termes et les autres; il trouve un défaut 
de logique dans l'assimilation qui les met tous au même rang. C'est 
l'espèce, dit-il, qui est le véritable soldat de l’armée végétale. Dans 
les formes qui en dépendent, ce n’est que l'uniforme qui change. 


M. J.-E. Planchon répond qu'il est de pratique constante, 
depuis Linné, d'admettre des variétés en botanique; que la 
Théorie élémentaire a fixé le sens des termes qui sont en discus- 
sion, termes qui sont usités tous les Jours, et qu'il est nécessaire 
de classer entre eux. 


M. Karl Koch présente les observations suivantes : 


Il dit que, dans un type spécifique, la sous-espèce consiste, pour 
lui, en ce que la forme se perpétue généralement par le semis; la 
variété, en ce qu’elle se perpétue environ dans la moitié des cas, et 
les variations, en ce qu'aucune plante semée ne reste constante, et 
que la conservation de la forme n’est possible que par les boutures 
(Poiriers et Pommiers). Il ajoute que l’art horticole peut parvenir à 
faire une variété d’une variation, une sous-espèce d’une variété, et 


186 CONGRÈS INTERNATIONAL DE BOTANIQUE. 


même une espèce d’une sous-espèce, si l'on veut adopter les idées de 
M. Ch. Darwin, qui ne sont pas les siennes. 


M. Kanitz propose de substituer, à la place des mots de 
varietas et de varialio, ceux de lusus et de forma. 

M. de Candolle explique le but qu'il s’est proposé en construi- 
sant ce tableau; ce n’est pas de définir, rien n’est plus difficile 
en particulier pour le mot espèce. Il à voulu indiquer la hiérar- 
chie des noms, sur laquelle on peut facilement tomber d'accord. 

M. de Parseval-Grandmaison se plaint de l'importance que 
l'on accorde aux variétés, qui sont souvent, dit-il, une affaire de 
mode plutôt qu'un sujet d'étude scientifique. 

M. Duchartre dit qu'il faut tenir compte des espèces cultivées 
à l'égard desquelles il reconnaît que les difficultés de la nomen- 
clature sont considérables ; mais ce n’est pas, dit-il, parce qu'il 
y a de telles difficultés que l'on doit se refuser à mettre de l’ordre 
dans la multiplicité des formes qui apparaissent tous les jours. 

M. Ed. Morren présente les observations suivantes : 


I dit qu'on peut varier d'opinion sur la considération que l’on doit 
accorder aux races, aux variétés et aux variations, mais qu’on ne 
saurait les supprimer puisqu'elles existent dans la nature. Un ora- 
teur à déploré cette existence ; mais quant à lui, au contraire, il 
attache une véritable importance à toutes les modifications que les 
espèces éprouvent dans les jardins, et il pense que l'étude de ces 
variations a contribué à élucider diverses questions de morphologie, 
et qu'elle peut même conduire à la véritable connaissance de l'espèce. 
D'après lui, aucune variation horticole ne doit être dédaignée. 

Dansun autre ordre d'idées, ilestime que les dix-huit degrés établis 
dans la classification végétale n'ont pas tous la même importance : 
il lui semble que l'espèce, le genre, la famille et la classe réprésen- 
tent des groupes naturels, tandis que les autres divisions du tableau 
représentent toutes des idées variables et plus ou moins artificielles. 


M. Balansa fait observer que, dans la description des Grami- 
nées de l'Algérie faite par M. Cosson, il n’est question, ni de 
varialio ni de suboariahio; 1 pense, en conséquence, que ces 
termes n'ont que très-peu d'importance. 


DISCUSSION DES LOIS DE LA NOMENCLATURE. 187 


M. Cosson demande qu’on mette aux voix la suppression des 
mots variahio et subvariatio. 


Cette suppression n’est pas adoptée, et l’article 40 est adopté 
tel que le propose la Commission. 


ART. 44. — Les modifications des espèces cultivées doivent être rattachées, autant 
que possible, aux espèces spontanées dont elles dérivent. 

A cet effet, les plus importantes de ces modifications sont assimilées à des sous-espèces 
(subspecies), et quand on est certain de leur hérédité constante par graines, elles se 
nomment races (proles). 

Les modifications de second ordre ns le nom de variétés, et si l’on est certain 


Por Ir 


proles). 

Les modifications moins importantes, comparables aux sous-variétés, variations, sous- 
variations, des espèces spontanées, sont indiquées d’après leur origine (lorsqu'elle est 
connue), de la manière suivante : 1° salus (semis ; seedling, en anglais ; Sæmling, en 
allemand), pour une forme provenant de graines ; 2° mistus (métis ; en anglais blending ; 
en allemand Blendling), pour une forme provenant de fécondation croisée dans l'es- 
pèce ; 9° lusus (sport), pour une forme née d’un bourgeon, tubercule ou autre organe 
et propagée par division. 

La Commission propose la rédaction suivante pour le 


quatrième paragraphe de cet article : 


Les modifications moins importantes, pouvant être comparées aux 
sous-variétés, variations, sous-variations des espèces spontanées, 
sont indiquées d’après leur origine (lorsqu'elle est connue), de la 
manière suivante : 1° satus (semis; seedling, en anglais ; Sæmlingq, 
en allemand), pour une forme provenant de graines ; 2° #nistus (mé- 
tis; en anglais blending; en all. Blendling), pour une forme pro- 
venant de fécondation croisée dans l'espèce ; 3° /usus (en angl. 
sport, en all. Spielart), pour une forme née d'un bourgeon, tuber- 
cule ou autre organe et propagée par division. 


M. Kirschleger demande ce que signifie proles. I préférerait 
l'emploi du mot s4rps. 

M. de Candolle répond que le mot s/rps n'a pas un sens 
aussi clair que celui de proles, lequel se rattache à beaucoup de 
mots usuels, tels que prolifique, prolétaire. 

M. Ramond rappelle que de simples sous-variations, par 
exemple la forme à fleurs blanches du Digitalis purpurea, se 
perpétuent fort bien par graines. Il craint que la définition 
donnée dans le deuxième paragraphe de l’article 14 n’induise 
en erreur les phytographes, et ne les conduise à appeler races 
de simples sous-variations. 


188 CONGRÈS INTERNATIONAL DE BOTANIQUE. 


L'article 14 est adopté avec la modification proposée par la 
Commission. 


ART. 15. — Chaque groupe naturel de végétaux ne peut porter dans la science qu'une 
seule désignation valable, savoir la première qui lui ait été donnée en botanique, par 
Linné ou depuis Linné, et qui soit conforme aux règles essentielles de la nomenclature. 


La Commission propose de modifier cet article de la manière 
suivante : 


Chaque groupe naturel de végétaux ne peut porter dans la science 
qu'une seule désignation valable, savoir la plus ancienne, adoptée 
par Linné, ou donnée par lui ou après lui, à la condition qu’elle 
soit conforme aux règles essentielles de la nomenclature. 


Cette proposition est adoptée. 


ART. 46. — Nul ne doit changer un nom ou une combinaison de noms sans des motifs 
graves, fondés sur une connaissance plus approfondie des faits, ou sur la nécessité d’a- 
bandonner une nomenclature contraire aux règles essentielles (art. 3, 1°7 alinéa, 4, 41, 
15, etc., voyez section 6). 


M. Eug. Fournier présente les observations suivantes : 


Il a semblé à de bons esprits que l'œuvre que poursuit actuelle- 
ment le Congrès n’était pas nécessaire. Pour ma part, je suis con- 
vaincu qu'elle répond à un besoin général, qu'elle est réclamée par 
l'état de la science. Je ne saurais mieux le prouver qu'en feuille- 
tant devant vous, messieurs, un ouvrage paru il y à quelques se- 
maines à peine, une Flore d'un département français (1), dont l'au- 
teur, s'inspirant de motifs respectables, a cru devoir changer la 
plupart des noms généralement usités. En ouvrant son livre, on se 
croit transporté dans un monde végétal complétement nouveau. 


M. Fournier cite plusieurs des nouveaux noms créés par 
l’auteur, dont la méthode est généralement désapprouvée par 
les membres présents. M. Fournier ajoute que, cependant, sur 
certains points, l'auteur de ce livre est d'accord avec le projet 
soumis au Congrès, dans quelques-unes des nombreuses ré- 
formes qu'il propose. 


L'article 16 est adopté. 


(4) Flore du département les Hautes-Pyrénées, par M. l'abbé Dulac. 


DISCUSSION DES LOIS DE LA NOMENCLATURE. 189 
ART. 18. — Les noms de classes et sous-classes se tirent d'un des principaux carac- 
tères, etc. 
Par suite de la décision votée sur l’article 10, la Commission 
propose l'addition suivante : 


Les noms de divisions et sous-divisions, de classes et sous- 
classes, etc. 


Cette addition est proposée aussi dans le titre du paragraphe. 
Les propositions de la Commission sont adoptées. 


ART. 20. — Les cohortes sont désignées par le nom d’une de leurs principales familles, 
avec la désinence ales. 


La Commission propose la rédaction suivante : 


Les cohortes sont désignées de préférence par le nom d’une de 
leurs principales familles, et autant que possible avec une désinence 
uniforme. 


ART. 22. — L'usage justifie les exceptions suivantes : 

1° Lorsque le genre d’où le nom de famille est tiré se termine en latin par iæ ou #s 
(génitif icis ou idis, ou iscis\, la désinence iceæ, ou ideæ, ou ineæ est admise (Salicineæ, 
de Salix ; Berberideæ, de Berberis ; Tamariscineæ, de Tamarix), etc. 

M. de Schænefeld fait remarquer que l’on doit dire : Tama- 
ricinee, du génitif Tumaricis, bien que l'expression de T'amaris- 
cineæ, rapportée par M. de Candolle, ait généralement cours 
dans les ouvrages descriptifs. 

Cette rectification est adoptée. 


ART. 23. — Les noms de sous-familles (subordines) sont tirés du nom d’un des genres 
qui se trouvent dans le groupe avec la désinence en eæ ou incæ. 


La Commission propose la rédaction suivante : 


Les noms de sous-familles (subordines, subfamiliæ) sont tirés du 
nom d'un des genres qui se trouvent dans le groupe, avec la dési- 
nence en ec. 


Cette modification est adoptée, conformément au vote émis 
déjà sur l’article 8. 


ART 24, — Les noms de tribus et sous-tribus se Lirent du nom d’un des genres qui en 
font partie, avec la désinence cæ (Roseæ, de Rosa). 


190 CONGRÈS INTERNATIONAL DE BOTANIQUE. 


La Commission propose la rédaction suivante : 


Les noms de tribus et sous-tribus se tirent du nom d’un des genres 
qui en font partie, avec la désinence eæ ou 2neæ. 


Cette rédaction est adoptée. 


ART. 25. — Les genres, sous-genres et sections reçoivent des noms, ordinairement 
substantifs, qui sont pour chacun d'eux comme nos noms propres de famille. 

Ces noms peuvent être tirés d’une source quelconque et même être composés d'une 
manière tout à fait arbitraire, sous la réserve des conditions indiquées plus loin. 


M. Karl Koch présente les observations suivantes : 


Il blâme la formation arbitraire des noms dérivés par anagramme 
d'un nom générique ancien, comme G2/ola, Oqglifa, Lifago, tirés 
de Filago. I ajoute qu'il n’est pas nécessaire de tirer le nom d’une 
qualité du genre, parce qu'avec l’accroissemert des matériaux et 
le progrès de la science, il peut arriver que cette qualité cesse d’ap- 
partenir à toutes les espèces du genre. Il cite comme exemple de ce 
fait le genre Lagenaria nommé ainsi à cause de ses fruits lagéni- 
formes, et dont une espèce a été créée dernièrement par M. Naudin 
sous le nom de £. sphærocarpa. 


L'article 25 est adopté. 


ART. 27. — Lorsqu'un nom de genre, sous-genre ou section est liré d’un nom 
d'homme, on le constitue de la manière suivante : 

Le nom, dégagé de tout titre et de toute particule préliminaire accessoire, est terminé 
en & ou 14. 

Les syllabes qui ne sont pas modifiées par cetle désinence, conservent leur ortho- 
graphe exacte, même avec les lettres ou diphthongues usitées dans certaines langues et 
qui ne l'étaient pas en latin Cependant les ä, 6, ü, des langues germaniques, deviennent 
des æ, æ, u’, les é et les è de la langue française deviennent dese, 


M. Karl Koch partage l'opinion exprimée dans ce paragraphe 
par M. de Candolle. 


Mais il ne voudrait pas qu'on arguät de ce sentiment pour changer 
certains noms (donnés jadis par les maîtres de la science, et qui ne 
cadrent pas avec cette règle, par exemple, Furcræa, de Fourcroy, 
Goodenia, de Goodenough, Wontagnea, de Montaño. C’est pour 

oi, dit-il, une loi de ne point changer un nom donné par un bota- 
niste, même quand il a été mal formé. Il faudrait à ce compte chan- 
ger beaucoup des noms de Robert Brown, auquel les langues an- 
ciennes n'étaient pas très-familières, M. Koch n'admet ces rectifica- 


DISCUSSION DES LOIS DE LA NOMENCLATURE. 491 


tions que pour les cas où il y a une faute d'impression évidente 
dans l'ouvrage primitif, ce qui est le cas pour le genre de Fumaria- 
cées Dicentra, dont l’auteur dit positivement qu'il le nomme ainsi 
parce qu’il y voit deux éperons (en grec xéyrpz), et qui à été imprimé 
par erreur Diclytra, ce qui ne signifie rien. Aussi a-t-on rectifié en 
Dielytra, sans se donner la peine de faire des recherches dans l’ou- 
vrage original. 


M. Eug. Fournier dit : 


Que c’est une question fort délicate que celle de la latinisation 
des noms. Dans l’un des exemples cités par M. Koch, Montagnea 
a certainement été ainsi écrit en latin pour rendre la prononciation 
de l’* espagnol ; mais cela est impossible, puisque gn est dur en 
latin, comme dans Sphagnum. I faudrait écrire, pour se r'appro- 
cher de la prononciation originale, Montanja, en se rappelant que 
le 7 est une semi-voyelle en latin, comme aujourd’hui encore en 
allemand. Mais chaque botaniste prononcera généralement le mot 
latin comme il prononce sa langue maternelle, de sorte qu'il vaut 
mieux revenir à la règle simple posée par M. de Candolle, Ainsi, si 
l’on changeait le * espagnol en 77, le 74 portugais qui équivaut au À 
dans la prononciation, devrait suivre la même règle. On arriverait 
ainsi à altérer si bien les noms propres modernes qu’ils ne seraient 
plus reconnaissables sous leur forme latine. 


M. de Schænefeld fait observer que l’& de la langue allemande 
devrait, en latin, devenir we, le tréma placé sur l’à étant, dans 
la langue allemande, la trace d’un ancien e. 

M. Eichler, M. Koch et plusieurs botanistes allemands approu- 
vent cette observation, et font remarquer que les Allemands 
suivent ordinairement, dans leurs publications latines, la règle 
indiquée par M. de Schæneteld. 

M. Eug. Fournier dit que cette règle est suivie, depuis long- 
temps, dans l’inpression du Bulletin de la Société botanique ac 
France. 


Tout en en maintenant l'opportunité, il dit qu’elle donne lieu à 
quelques inconvénients. Ceux des membres de la Société qui ne con- 
naissent pas la valeur de là allemand s’obstinent toujours sur les 
épreuves qui leur sont communiquées à supprimer l’e additionnel, 


192 CONGRÈS INTERNATIONAL DE BOTANIQUE. 


que le secrétariat rétablit toujours, par exemple quand on latinise le 
mot Müller. 


M. de Candolle propose de se ranger à l'opinion de messieurs 
les botanistes allemands, et d'insérer dans l’article en discussion 
que l'# des langues germaniques se traduit par ve en latin. 


Cette proposition est adoptée. 


ART. 28.— Les botanistes qui ont à publier des noms de genre font preuve de discer- 
nement et de goût s’ils ont égard aux recommandations suivantes : 


La Commission propose d'ajouter à ces recommandations . 
19° Éviter de faire choix de noms qui existent en zoologie. 
Cette proposition est adoptée. 


La Commission propose d'ajouter, après l’article 32, un article 
ainsi CONÇU : 


ART. 33. — Les noms d'hommes employés comme noms spécifi- 
ques ont la forme du génitif du nom ou d’un adjectif dérivé (Clusèe 
ou Clusiana). La première forme s’emploie quand l'espèce a été 
décrite ou distinguée par le botaniste dont elle prend le nom, la 
seconde forme, dans les autres cas. Quelle que soit la forme adoptée, 
tout nom spécifique tiré d’un nom d'homme commence par une 
grande lettre. 


Cet article est adopté par le Congrès. 

En conséquence, l'article 33 du projet devient l’article 34, et 
ainsi de suite. Seulement, pour obvier à l'inconvénient de 
changer tous les numéros subséquents, on décide de réunir en 
un seul article les articles 37 et 38 du projet. 


ART. 35 (du projet). — 4° Éviter, dans le même genre, les noms trop semblables de 
forme ou de sens, ceux surtout qui ne diffèrent que par les dernières lettres, 


La Commission propose le rejet des mots ou de sens. 

M. de Schœnefeld soutient qu'il faut conserver ces mots. H cite, 
à l'appui de son opinion, les termes parfaitement synonymes de 
Fumaria parviflora et F. micrantha, dont la coexistence jette 
de la confusion dans l'esprit quand on emploie l'un deux. 

La proposition de la Commission est adoptée. 


DISCUSSION DES LOIS DE LA NOMENCLATURE. 193 


ART. 35. — 7° Ne pas dédier une espèce à quelqu'un qui ne la pas découverte, ni 
décrite, ni figurée, ni étudiée en aucune manière. 


La Commission propose la rédaction suivante : 


Ne pas nommer une espèce d’après quelqu'un qui ne l’a ni dé- 
couverte, ni décrite, ni figurée, ni étudiée en aucune manière. 


Cette rédaction est adoptée. 


M. Ed. Bureau demande un article additionnel. Il fait valoir 
l'inconvénient des désignations génériques composées de deux 
mots; il cite comme exemple les noms suivants : Bignonia impe- 
ratoris Maximiliani, Abies regine Amalie. M ajoute que Linné 
dans son Philosophia botanica, a recommandé d'éviter de pareils 
noms, bien qu'il en ait lui-même formé de semblables. 

M. Eug. Fournier fait observer qu'un fait analogue s’est 
malheureusement rencontré aussi dans la formation d’un nom 
de genre (Maria Antonia Parl.). 
= On convient d'ajouter, à l’article 35 du projet, un paragraphe 
additionnel ainsi conçu : 


8& Éviter les noms spécifiques composés de deux mots. 


M. Otto Kuntze voudrait qu'on écartât, par un paragraphe 
additionnel, les noms dans lesquels le sens du nom spécifique 
forme un pléonasme à côté de celui du nom générique. 

M. de Candolie répond qu'il importe de changer le moins 
possible les noms généralement admis et consacrés par l'usage 
pléonasme où non, dit-il, 1l y a toujours une désignation. 

M. Du Mortier dit que, d’un autre côté, une école nouvelle, 
pour montrer qu'elle ne redoute pas le pléonasme, a innové, 
d’une maniere fâcheuse, en nommant Spiranthes spiralis Asch. 
L'Ophrys spiralis L, (Spiranthes autumnalis Rich.), Viscaria 
wscosa (Gil.) Asch., le Viscaria purpurea Wimm. (Lychnis vis- 
cosa Gil.). I se joint à M. de Candolle pour regretter et blâmer 
les changements introduits dans la nomenclature sans nécessité 
absolue. 

M. de Candolle dit quil a suivi autrefois le précepte qu'il 
donne en conservant, dans sa Monographie des Campanularées, 

CONGRÈS BOT. 15 


19/4 CONGRÈS INTERNATIONAL DE BOTANIQUE. 


le Specularia Speculum, à cause du nom ancien de Campanula 
Speculum L. 

M. de Schœnefeld cite des noms formant pléonasme de sens, 
qui sont admis par tout le monde sans contestation, tels que : 
Arctostaphylos Uva Ursi. 

M. de Candolle dit qu'il ressort de cette discussion l'utilité 
d'ajouter, à l’article 35, un nouveau paragraphe addiuonnel 
ainsi CONÇU : 

9 Éviter les noms qui forment pléonasme avec le nom du genre. 


L’addition de ce paragraphe est adoptée. 

M. Eichler voudrait que l’on indiquât, dans un autre para- 
graphe additionnel, la nécessité d'employer, dans les adjectifs 
terminés en /olus, florus, ete., un ? pour voyelle de liaison entre 
le nom de plante qui commence ce terme composé et sa termi- 
naison. On écrirait ainsi : gesnerifolius, hederifolius. Ecrire 
hederæfolius, gesneræfolius, comme on le fait très-souvent, c’est 
commettre une faute, parce que les Latins, dans la composition 
des mots, n’employaient comme voyelle de liaison que la voyelle 
:, quelle que fût la déclinaison du premier des mots reliés par 
cette synthèse de langage. 

M. de Schœnefeld appuie cette observation, et fait remarquer 
que l'orthographe proposée par M. Eichler est adoptée depuis 
longtemps dans l'impression du Bulletin de la Société botanique 
de France. 

M. de Candolle fait observer que c'est là une question de 
latinité et de grammaire plutôt que de nomenclature. Il y 
aurait, dit-il, une foule de recommandations analogues à fare 
si l’on voulait prévenir les fautes de latin et de grec qui échap- 
pent ou peuvent échapper aux auteurs. 


AnrT. 36 (du projet). — Les hybrides d’origine certaine sont désignés par le nom de 
genre, auquel on ajoute une combinaison des noms spécifiques des deux espèces dont 
ils provienneni, ie noin de l’espèce-mère étant mis le premier avec la terminaison À ou 0, 
et celui de l'espèce qui a fourni le pollen venant ensuite, avec un trait d'union entre les 
deux (Amar yllis viltalo-reginæ). 

Les hybrides d’origine douteuse se nomment comme des espèces. On les distingue 
par l’absence de numéro d’ordre et par le signe X précédant le nom de genre (X Saliæ 
capreola Kern.). 


Une lougue discussion s'engage sur ce paragraphe. 
5 5 


DISCUSSION DES LOIS DE LA NOMENCLATURE. 195 


Les membres qui y prennent part reconnaissent tous l'utilité 
de désigner, par le nom de leurs parents, les hybrides dont la 
filiation est mdubitablement reconnue. 

M. Eug. Fournier rappelle qu'aujourd'hui encore des mono- 
oraphes fort estimés imposent un nom spécifique simple aux 
hybrides les plus authentiques, comme par exemple le fait 
M. Andersson dans sa récente monographie du genre Sa/ix. 

M. Kirschleger affirme qu'il faut rejeter ad calcem generis les 
hybrides connus. 

M. Germain de Saint-Pierre fait remarquer que ce sont des 
formations éphémères, transitoires et qui, par conséquent, ne 
méritent point un nom spécifique. 

M. C. Personnat objecte que certains hybrides vivaces se con- 
servent longtemps par un mode de reproduction asexuel. 

M. J.-E. Planchon cite comme exemple d'hybride authentique 
le Cistus Ledon L. (C. monspeliensi-laurifolius Planchon) à 
anthères stériles, que M. Bornet a reproduit artificiellement , et 
l_Ægqilops triticoides (Triticum vulqarè-ovatum Godron). 

D'autre part, les membres du Congrès sont généralement 
d'accord de conserver la nomenclature ordinaire pour les 
hybrides douteux. 

Sur la question de savoir si c’est le nom de la mère, comme 
le propose le projet, ou celui du père qu'il faut placer le premier 
dans la formation du nom composé de l’hybride, la Commission 
à été d’un avis contraire à celui de l’auteur du projet, qu’elle 
propose de modifier comme il suit : 


Les hybrides d’une origine démontrée, par voie d’expérience, sont 
désignés par le nom de genre, auquel on ajoute une combinaison des 
noms spécifiques des deux espèces dont ils proviennent, le nom de 
l'espèce qui a fourni le pollen étant mis le premier, avec la termi- 
naison 2 ou 0, et celui de l'espèce qui a fourni l’ovule venant 
ensuite, avec un trait d'union entre les deux (Amaryllis vittato- 


reginæ pour l'Amaryllis provenant de l’Amaryllis reginæ fécondé 
par l’A. vittata). 


MM. Germain de Sant-Pierre et Lestiboudois défendent la 
rédaction primitive. 


196 CONGRÈS INTERNATIONAL DE BOTANIQUE. 


M. Germain de Saint-Pierre soutient que le nom de la mère 
doit tre placé le premier des deux, parce que la maternité 
est plus facile à constater que la paternité; et aussi parce que, 
dans les plantes hybrides, les attributs essentiels du sexe femelle, 
les ovules, tendent à se maintenir, tandis que les attributs essen— 
tiels du sexe mâle, les granules polliniques, tendent à dispa- 
raître. — Du reste l'influence de la mère et celle du père peuvent 
être soit égales, soit inégales sur le produit. — L'absence de 
pollen chez l'hybride obligeant à le féconder par un mâle 
normal, la descendance tend à retourner au mâle. 

M. Lestiboudois dit que l'opinion de M. Germain de Sant- 
Pierre lui paraît la vraie, et que, s'il en est ainsi, pour tout 
esprit français, le nom du père, étant le terme modificateur, 
doit être placé en second. 

M. J.-E. Planchon fait observer qu'il s’agit ici de parler latin, 
et qu’en latin l'inversion est la règle. Il ajoute que, quand même 
la question serait indifférente, on devrait s’en rapporter, pour la 
juger, à la loi d’antériorité et, par conséquent, à la nomencla- 
ture établie par Schiede, c’est-à-dire à la rédaction modifiée par 
la Commission. 

M. Kirschleger fait observer que Schiede ne connaissait pas 
toujours le mâle et la femelle, et qu'il est bien difficile de les dis- 
tinguer dans les hybridations naturelles. Il ajoute que, cepen- 
dant, dans ses travaux, il s’est fait une loi de placer toujours le 
nom du mâle le premier, avec une terminaison masculine, et 
que cet usage est suivi par tous les phytographes de la région 
rhénane. 

M. Otto Kuntze présente quelques observations (4). 

M. J.-E. Planchon ajoute que M. Éd. Bornet, qui assiste à la 
séance, place également le nom du mâle le premier, que 
M. Godron a fait de même, et qu'il faut se ranger en cette ma- 
tière à l'usage général. 

M. de Candolle persiste à croire qu'il serait plus logique de 

(4) Le secrétaire chargé de la rédaction des Actes du Congrès, qui a vivement engagé 


{ous les membres à lui remettre une note sur leurs opinions, regrelle de n'avoir pu 
toujours, en l'absence de ce document, reproduire la discussion. 


DISCUSSION DES LOIS DE LA NOMENCLATURE, 197 


placer le nom de la plante-mère en premier, comme le faisait 
Gærtner fils dans son ouvrage classique sur les hybrides, mais 
il reconnaît que l'usage contraire à prévalu, et il est d'avis que 
dans une affaire en grande partie de convention, 1l vaut mieux 
suivre l'usage. 

Après plusieurs autres observations, l’article 36 est adopté 
avec la modification proposée par la Commission. 


ART. 39. — Les métis d’une origine certaine sont désignés par une combinaison des 
deux noms de sous-espèces, variétés, sous-variétés, etc., qui leur ont donné naissance, 
en observant les mêmes règles que pour les noms d’hybrides. 


Plusieurs membres contestent l'opportunité de cet article. 

M. de Candolle fait observer qu'il sera, dans la pratique, 
d’une application très-rare, puisque dans les plantes hybrides 
ou métis on sait très-rarement par expérience de quel pied est 
venu le pollen. 

Cet article est adopté. 

ART. 40. — Dans les plantes cullivées, les semis, les métis d’origine obscure et les 
sports reçoivent des noms de fantaisie, en langue vulgaire, aussi différents que possible 
des noms latins d'espèces ou de variétés, elc. 

Plusieurs membres contestent l'utilité de fixer la nomencla- 
ture des formes horticoles, à cause de leur peu d'importance 
taxonomique et de leur peu de constance. 

M. de Candolle insiste sur l'intérêt qu'éprouve la science à 
fixer cette nomenclature, parce qu’elle tire des formes horti- 
coles des conséquences importantes pour beaucoup de théories 
d’un ordre supérieur. 

M. Kirschleger s'élève contre la foule de dénommations per- 
sonnelles qui envahit la nomenclature horticole. 

M. H. Vilmorin fait observer qu’en créant ces noms, les hor- 
ticulteurs suivent précisément le conseil qui leur est donné pour 
éviter la confusion naissant de l'application de termes latins, en 
apparence spécifiques, à de simples variétés. 

L'article 40 est adopté. 


ART. 42. — La publication résulte de la vente ou de la distribution, dans le public, 
d’imprimés, de planches, d’autographies ou seulement d'étiquettes accompagnant des 
échantillons d’herbier. 


198 CONGRÈS INTERNATIONAL DE BOTANIQUE. 


La Commission propose de modifier ce paragraphe de la ma- 
nière suivante : 


La publication résulte de la vente ou de la distribution, dans le 
public, d’imprimés, de planches ou d’autographies. Elle résulte aussi 
de la mise en vente ou de la distribution aux principales collections 
publiques d'échantillons numérotés, nommés et accompagnés d’éti- 


quettes imprimées ou autographiées, portant la date de la mise en 
vente ou de la distribution. 


M. Karl Koch présente les observations suivantes : 


La publication ou la distribution d'échantillons d’herbier accom- 
pagnés seulement d'étiquettes n’est pas réellement une publication 


scientifique, et je ne puis consentir à lui en reconnaître le ca- 
ractère. 


M. le rapporteur fait remarquer que les modifications pro- 
posées par la Commission parent aux inconvénients redoutés, 
avec raison, par M. Koch. 

L'article 42 est adopté avec la modification proposée par la 
Commission. 


ART, 43. — Une communication dans une séance publique, des noms mis dans des 
collections ou des jardins ouverts au public, ne constitue pas une publication. 


M. Karl Koch soutient l’article, 


Il fait valoir l'inconvénient grave des dénominations proposées à 
la légère par les horticulteurs, qui augmenterait si on leur recon- 
naissait un caractère scientifique. Au printemps, dit-il, on a pu voir 
à l'exposition horticole l'Érable du Japon présenté sous six noms 
différents, tous nouveaux. On a déjà bien assez de synonymes 
sans chercher à en augmenter le nombre. J'ai déjà traité cette 


question l’année dernière au Congrès de Londres, avec quelques 
détails (1). 


Un débat animé s'engage sur le sens dans lequel doit être pris 
le mot communication. 


M. Lestiboudois dit que les communications faites à l’Académie 


(1) Voyez le mémoire de M. Koch, Einige dia Systemalik betreffende Vorschlæge, in 
Report of the international horticultural exhibilion and bolanical congress, p. 188. 


DISCUSSION DES LOIS DE LA NOMENCLATURE. 199 


des sciences qui, généralement, ne sont pas publiées 7 extenso 
dans les Comptes rendus, et qui demeurent aux archives de 
l'Académie, constituent un mode de publicité dont l'article 43 
conteste à tort la valeur. 

M. de Candolle fait observer que beaucoup de Sociétés n’ont 
pas des bureaux aussi bien organisés que l’Académie des 
sciences de Paris ; que pour plusieurs il est difficile de constater 
ce qui a été dit ou lu, les auteurs pouvant modifier leurs com- 
munications après une séance; et qu'il s’agit seulement de noms 
proposés, le titre du chapitre où est placé cet article étant inti- 
tulé : De la publication des noms. 

M. Beautemps-Beaupré propose de modifier de la manière 
suivante l’article 43 : 


… Une communication faite verbalement dans une séance publique, 
ou l'insertion de noms mis dans des collections, etc. 


La Commission propose de modifier ainsi l’article : 


Une communication de noms nouveaux faite dans une séance 
publique, etc. 


Cette proposition est adoptée. 


ART. 46. — Une espèce annoncée dans un ouvrage sous des noms générique et spéci- 
fique, mais sans aucun renseignement, ne peut être considérée comme publiée. Il en est 
de même d'un genre annoncé sans aucune indication, pas même en disant de quelles 
espèces d’un autre genre on le compose. Si plus tard l’auteur ou une autre personne 
font connaître publiquement ce que signifiait le nom, la date de cette seconde publication 
est la seule qui compte. 


M. Éd. Bureau insiste sur l’utilité que présente cet article. 


Il cite à l’appui de son opinion un travail de M. Miers, publié dans 
le Journal de la Société d’horticulture de Londres, dans lequel ce 
savant a créé un grand nombre de Bignoniacées nouvelles, sans en 
indiquer les caractères. Si M. Miers n'avait pas eu l’obligeance de 
lui envoyer les échantillons-types de ses travaux, M. Bureau n’au- 
rait pu savoir à quelles espèces se rapportaient les noms de l’auteur 
anglais, qu'il s’est fait un devoir de conserver. 


Après une discussion à laquelle prennent part MM. Balansa, 


200 CONGRÈS INTERNATIONAL DE BOTANIQUE. 


Pomel, l'abbé Ravain, Kirschleger et Eichler, on décide de mo- 
difier cet article de Ia manière suivante : 


Une espèce annoncée dans un ouvrage sous des noms génériques 
et spécifiques, mais sans aucun renseignement sur les caractères, 
ne peut être considérée comme publiée. Il en est de même d'un 
genre annoncé sans être caractérisé. 

ART. 47. — Les botanistes feront bien d’avoir égard aux recommandations suivantes : 

4° Indiquer exactement la date de la publication de leurs ouvrages ou fractions d’ou- 
vrages, et celle de la distribution de plantes nommées. 

2° Ne pas publier un nom sans indiquer clairement si c'est un nom de famille ou 
de tribu, de genre ou de section, d’espèce ou de variété, en un mot sans indiquer une 
opinion sur la nature du groupe auquel ils donnent le nom. 

3° Éviter de publier ou de mentionner dans leurs publications des noms inédits 
qu'ils n’acceptent pas, surtout si les personnes qui ont fait ces noms n’en ont pas auto- 
risé formellement la publication. 

Pour le premier paragraphe, la Commission propose la 


rédaction suivante : 


1° Indiquer exaciement la date de la publication de leurs ou- 
vrages ou fractions d'ouvrages, et celle de la mise en vente ou de 
la distribution de plantes nommées et numérotées. 


M. de Candolle fait observer que cette modification est pro- 
posée pour mettre ce paragraphe en harmonie avec la nouvelle 
rédaction adoptée pour l’article 42. 

A propos du troisième paragraphe, M. Eug. Fournier en fait 
valoir la justesse. 


Il dit que si l’on se croyait obligé d'accepter les noms inédits im- 
posés par les voyageurs à leurs plantes, on encombrerait la science 
de notions erronées. Il cite à l’appui de son opinion une collection 
fort importante qui vient d’être rapportée en France par le voya- 
geur de l'expédition scientifique du Mexique, et dont les étiquettes 
portent souvent des noms erronés quant au genre et parfois quant à 
la famille. Il ajoute que souvent le voyageur n’accorde lui-même 
que peu d'importance à ces noms, qu'il invente provisoirement pour 
se faciliter la rédaction d’un cahier de notes qui restent générale- 
ment inédites. Cependant il ajoute que quand ces noms inédits sont 
scientifiques et consacrent une nouveauté réelle, il croit nécessaire 
de les conserver avec le nom de l’auteur qui les à créés. Il a déjà 
suivi cette règle pour les noms donnés par Boivin à des 4/4izz1a de 


DISCUSSION DES LOIS DE LA NOMENCLATURE. 201 


l'Afrique australe ; il compte la suivre encore dans une énumération 
des Fougères brésiliennes qu'il prépare, et où il tiendra à con- 
server les noms inédits de Saint-Hilaire, qui sont accompagnés, 
dans l’herbier de ce voyageur, de longues et authentiques descrip- 
tions. Il croit utile, dans tous les cas, de mentionner des noms iné- 
dits donnés par des voyageurs, quand ces noms se trouvent dans 
plusieurs grands herbiers, quand même ils seraient simplement 
manuscrits, ét qu'on ne les accepterait pas. 


L'article 47 est adopté avec la modification proposée par la 
Commission. 


ART. 48. — Pour être exact et complet dans l'indication du nom ou des noms d'un 
groupe quelconque, il faut citer l’auteur qui a publié le premier ie nom ou la combi- 
naison de noms dont il s’agit. 


Un long débat s'engage sur la question de savoir si l'on doit 
après une combinaison de deux noms, l’un générique, l'autre 
spécifique, citer l'auteur qui à fait cette combinaison ou celui 
qui à fait antérieurement l'espèce. 

M. Kirschleger soutient que c’est commettre une injustice 
flagrante que d'attribuer, par exemple, à R. Brown le Watthiola 
tristis, qui est une plante connue antérieurement de Linné. 

M. Lestiboudois dit : 


Que pour décider la question qui occupe le Gongrès, il faut éta- 
blir nettement ce qu'on prétend énoncer en faisant suivre la déno- 
mination binaire d'une plante du nom d’un auteur. Pour tout bota- 
niste, cette citation n'indique qu’une chose, c’est que l'association 
du nom générique et du nom spécifique, en un mot, l'appellation 
complète de la plante appartient à l’auteur cité. Elle n'indique pas 
qu'il a créé et défini le genre, ni qu’il a découvert l'espèce, elle dit 
seulement que le premier il a imposé à la plante dont il s'agit cette 
dénomination complexe suivie de son nom. Si l’on veut qu’une simple 
citation signifie autre chose, on tombe dans des difficultés inextri- 
cables, on arrive à une confusion inévitable, et cela sans nécessité. 

Il est bien facile, en effet, par la synonymie, de faire savoir si 
l'espèce appartient à l'auteur cité, ou si elle ne lui appartient pas : 
lorsque après le nom de Matthiola tristis R. Br., on ajoute Chetran- 
thus tristis L., on montre bien que l'espèce n'appartient pas à 
R. Brown, et qu'elle était connue de Linné. Il se pourrait mème que 


20° CONGRÈS INTERNATIONAL DE BOTANIQUE. 


la formation du genre ne fût pas due à l’auteur cité, qu'il y eût 
seulement introduit une espèce connue qu’on avait omis d'y placer, 
ou même qui avait été inscrite sous un autre nom; on le ferait com- 
prendre en faisant suivre la description du genre du nom de l’auteur 
qui l’a fondé, ou en mentionnant dans la synonymie les différents 
noms imposés à l'espèce. On ne commettrait ainsi d’injustice envers 
personne, et l’on serait clair pour tout le monde. Vouloir, au con- 
traire, attribuer à l'inscription d’un nom d'auteur un sens extrême- 
ment compliqué, c’est cesser d’être intelligible. 


Plusieurs membres, répondant à M. Kirschleger, font observer 
que toute injustice disparaît quand on ajoute à Matthiola 
lrishsR. Br. Cheiranthus tristis L.; qu'il faudrait, à son compte, 
attribuer souvent l'espèce non à Linné, mais à Clusius, ou plutôt 
à Lobel et à Dalechamp, qui ont employé les dénominations 
binaires, et que, dans tout cas, c’est un mensonge flagrant que 
d'attribuer à Linné le démembrement générique créé par 
R. Brown sous le nom de Matthiola, que peut-être il n'aurait 
pas accepté. 

M. Eichler répond qu'on ne commet aucun mensonge scienti- 
fique quand on a soin de placer le nom de Linné entre deux 
parenthèses, avant celui de R. Brown (Matthiola tristis (L.) 
R. Br.), et que, par cette méthode, on garantit scrupuleuse- 
ment les lois de l’añtériorité. 

M. Balansa approuve la rédaction de Particle 48. IL serait 
irrationnel en effet, dit-il, de continuer à attribuer à un auteur 
une espèce mise plus tard dans un genre que ce même auteur 
n'adopterait pas. 

M. Éd. Morren dit qu'on se préoccupe de la vérité historique 
aux dépens de la clarté de la nomenclature. 

M. de Schœnefeld rappelle qu'il est l’auteur de l’article inséré 
au Bulletin de la Société botanique (t. NW, p. 438), au nom de 
la Commission du Bulletin, dont il faisait partie à cette époque 
comme secrétare de la Société. 1 demande à M. Kirschleger 
comment celui-ci nommerait, suivant sa méthode, le Conyza 
squarrosa DC. ({nula Conyza L.)? 


DISCIUSON DES LOIS EE LA NOMENCLATURE. 203 


M. Kirschleger reconnaît que, dans ce cas, il serait obligé de 
suivre la notation ordinaire. 

M. J.-E. Planchon demande à M. Kirschleger si, dans ses 
herborisations, il indique aux élèves qui les suivent, deux noms 
d'auteur pour une seule plante. 

M. Kirschleger répond qu'il ne croit pas nécessaire d’mdi- 
quer des noms d'auteur dans une herborisation. 

M. de Candolle se réfère, pour l’article en discussion, aux 
motifs très-développés qu’il à insérés dans son Commentaire. 

L'article 48 est adopté à la majorité, contre deux voix de 
minorité. 


ART. 49, — Un changement de caractères constitutifs ou de circonscription dans un 


groupe n’autorise pas à citer un autre auteur que celui ayant publié le premier le nom 
ou la combinaison de noms. 


Quand les changements ont été considérables, on ajoute à la citation de l’auteur pri- 
mitif : mutalis charact., où pro parle, ou eæcl. gen., excl. sp., eæcl. var., ou telle 


autre indication abrégée, selon la nature des changements survenus et du groupe dont il 
s’agit. 


M. Koch dit qu’il n’adhère pas à la rédaction de cet article. 


À mon sens, dit-il, il n'importe de placer le nom de l’auteur après 
celui de la plante que quand celui-ci a été donné à plusieurs plantes 
diverses. Il arrive fréquemment que les divers auteurs conçoivent 
différemment l'étendue d’un genre ou d’un type spécifique. Il est donc 
nécessaire au lecteur de savoir comment est conçu le genre dont il 
lit l'étude, et par conséquent à l’auteur de citer le botaniste dont il 
adopte l'opinion, au moins entre parenthèses. Par exemple, il m'est 
impossible d'écrire Arum L., puisque Linné a compris le genre 
Arum tout autrement que ne le comprennent M. Schott et beau- 
coup de botanistes modernes ; je lui donne même une étendue diffé- 
rente, plus large que ne le fait M. Schott. Ge n’est pas aider le lec- 
teur que d'ajouter L. emend. ; on n’apprend rien par là sur la na- 
ture de la modification qu’on fait subir à la diagnose Linnéenne. Il 
faut dire au moins Arum Schott, K. Koch auct. Autre exemple : 
Linné a fait un Frarinus americana, mais il a confondu sous ce 
nom trois ou quatre espèces. Il me faut donc éviter tout à fait de 
citer Linné pour cette espèce, et j’écrirai Fraxinus americana Lam. . 
Si je disais Fr. americana L. emend., je n'apprendrais pas au lec- 
teur quelle espèce je prétends désigner, du Fr. juglandifoha, du 


204 CONGRÈS INTERNATIONAL DE BOTANIQUE. 
Fr, pubescens, où du Fr. platycarpa. Pour le genre Ribes, Linné 
a fait dans une seule espèce trois variétés, décrites aujourd'hui 
comme de vraies espèces. Impossible par conséquent de le citer, 
avec telle particule modificatrice qu'on voudra, sans introduire la 
confusion. 


M. de Candolle rappelle ce qu'il a dit dans son commentaire 
sur l’inconvénient d'avoir dans les livres autant de noms, en 
apparence différents, qu'il existerait d'auteurs ayant compris un 
genre ou une espèce un peu autrement que leurs prédécesseurs. 
La désignation de l’auteur perdrait alors son principal avantage, 
qui est d'indiquer immédiatement le cas où l'on à fait deux 
genres sous le même nom dans deux familles différentes, ou 
deux espèces absolument différentes dans le même genre. 


L'article 49 est adopté. 


ART. 54. — Lorsqu'un nom existant est appliqué à un groupe qui devient d’un ordre 
supérieur ou inférieur à ce qu’il était auparavant, le changement opéré équivaut à la 
création d'un nouveau groupe, et l’auteur à citer est celui qui a fait le changement. 


M. Eichler fait remarquer que cet article consacre une injus- 
tice, celle d'attribuer à un monographe qui ne fait qu'élever 
à un rang supérieur les groupes proposés par un prédéces- 
seur, sans autre changement essentiel, la gloire d’avoir connu 
et dénommé ces groupes. Il serait possible, dit-1l, qu’en agis- 
sant ainsi, on attribuât à un monographe le mérite d’avoir fixé 
la science au sujet d’une plante qu'il ne connaissait que de 
nom. 

M. de Candolle répond que si l’auteur venu en second trouve 
la règle trop dure, 1l lui sera loisible de l'atténuer par l'emploi 
d’une parenthèse, ou par l'addition d'une synonymie ordinaire 
expliquant les faits. 

M. Du Mortier ajoute que si le monographe qui a le plus à 
perdre, pour l'avenir, dans l'adoption d’une telle règle, de- 
mande lui-même cette adoption, on aurait mauvaise grâce à le 


réfuter. 
L'article 51 est adopté. 
ART. 56, — Lorsqu'on divise une espèce en deux ou plusieurs espèces, la forme qui 


avait le plus anciennement le nom est celle qui le conserve. 


DISCUSSION DES LOIS DE LA NOMENCLATURE. 205 


M. Balansa fat observer que cette règle est inapplicable dans 
certains cas où un ancien type est divisé en deux d’égale valeur 
et dérivant également tous deux du premier. Par exemple, 
quand le Quercus Robur L. a été dédoublé par Ehrhart en 
Q. sessiliflora et ©. pedunculata, aucun de ces derniers ne 
pouvait garder le nom de Q. fobur. 

M. Du Mortier dit qu'il en est de même de certaines Roses. 
Le Rosa villosa L. comprenait, dit-il, toutes les roses tomen- 
teuses. Il ajoute que l'appellation de Æobur à été appliquée 
d’une manière variable, après la division du type Linnéen, 
tantôt au @. pedunculata, tantôt au Q. sessiliflora. 

M. de Candolle reconnait la justesse de cette observation, et 
propose de rédiger l’article 56 avec la modification suivante : 


Lorsqu'on divise une espèce en deux ou plusieurs espèces, si l’une 
des formes a été plus anciennement distinguée, le nom lui est con- 


servé. 


Cette rectification est adoptée. 

M. Kanitz dit : Dans la pratique, cette décision peut être diffi- 
cile à appliquer, s'il existe un mélange dans l’herbier de l’au- 
teur du premier type spécifique. Il cite l’herbier de Kitaïbel, 
dans lequel se trouve un Fmaria prehensilis Kit. qui ne corres- 
pond pas pour tous les échantillons à la description publiée par 
Kitaïbel. 

M. Eichler soutient que la confusion opérée dans l’herbier ne 
peut pas être prise en considération, et que la publication seule 
peut faire loi. | 

ART. 98. — Lorsqu'un genre devient subdivision de genre ou que le contraire arrive 
lorsqu'une espèce: devient subdivision d'espèce ou vice versd, les noms qui leur étaient 
propres subsistent pourvu qu’il n’en résulte pas deux genres du même nom dans le 


règne végétal, deux subdivisions de genre ou deux espèces du même nom dans le même 
genre, ou deux subdivisions du même nom dans la même espèce, 


La Commission propose de modifier cet article de la manicre 
suivante : 


, « . » Q j 4 F ° 
Lorsqu'une tribu devient famille, qu’un sous-génre du une section 
devient genre, qu'une subdivision d'espèce devient espèce, ou que 


206 CONGRÈS INTERNATIONAL DE BOTANIQUE. 


des changements ont lieu dans le sens inverse, les noms anciens des 
groupes subsistent pourvu qu'il n’en résulte pas, etc. 


La proposition de la Commission est adoptée. 


ART. 60. — Chacun doit se refuser à admettre un nom dans les cas suivants : 


4° Quand ce nom est appliqué dans le règne végétal à un groupe nommé antérieure- 
ment d’un nom valable ; 


29 Quand il forme double emploi dans les noms de classes ou de genres, ou dans les 
subdivisions ou espèces du même genre, ou dans les subdivisions de la même espèce; 

3° Quand il exprime un caractère ou un attribut positivement faux dans la totalité du 
groupe en question, ou seulement dans la majorité des éléments qui le composent ; 

4° Quand il est formé par la combinaison de deux langues (exemple : ew mis avant un 
mot latin, sub avant un mot grec, oides, opsis, appliqués à un mot latin, etc.) ; 

5° Quand il est contraire aux articles de la seclion 5. 

A propos du troisième paragraphe, M. Kanitz fait observer 
comme exemple que la majeure partie des variétés de l’Urica 
dioica étant monoïque, il convient de supprimer ce nom, qu'il 
propose de remplacer par celui d'U. major. 

M. de Cardolle fait observer que, pour ce eas, 1l lui paraît. 
préférable de conserver un nom consacré par l'usage, attendu 
qu'il subsiste dans les espèces des formes dioïques. 

M. Weddell ajoute que le nom d'U. major ne vaudrait guère 
mieux que celui d'U. doïca. 

À propos du quatrième paragraphe, M. de Schœnefeld fait 
remarquer que cette interdiction ferait supprimer des noms 
consacrés par l'usage, tels que : Anemone ranunculoides. 

La Commission propose de modifier ce paragraphe en le 
réduisant au principe général sous cette forme : 


k° Quand il est formé par la combinaison de deux langues. 
Cette modification est adoptée. 


Arr. 67. — Les botanistes emploient dans les langues modernes les noms scientifiques 
latins ou ceux qui en dérivent immédiatement, de préférence aux noms d’une autre 
matière ou d’une autre origine. Ils évitent de se servir de ces derniers noms, à moins 
qu'ils ne soient très-clairs et très-usuels. 

M. Duchartre fait observer que les noms latins deviennent 
indéclinables en français. 

M. de Schœnefeld dit que cela dépend des langues qui les 
emploient; qu'en allemand, ces noms se déclinent et prennent 
la marque du pluriel latin. 


DISCUSSION DES LOIS DE LA NOMENCLATURE. 207 


M. Germain de Saint-Pierre propose de formuler un article 
additionnel jrortant qu'en français les noms latins de plantes 
sont invariables. . 

M. de Candolle répond que l'usage spécial de chaque langue 
doit régler ces détails. 


Quand j'ai rédigé mon projet, dit-il, je me proposais de consulter 
des littérateurs et des botanistes de divers pays pour formuler des 
règles propres à chaque langue, relativement aux noms latins intro- 
duits dans les langues vulgaires. Le temps m'a manqué, et il faut 
convenir que cette recherche aurait soulevé bien des questions. Je 
me suis borné aux recommandations, applicables dans toutes les 
langues, dans un intérêt scientifique. 

Il ÿ à environ quarante ans, mon père avait été frappé de la dis- 
cordance qui régnait au sujet des noms botaniques dans la langue 
française; 1l en écrivit à Raynouard, qui saisit de cette question 
l’Académie française, mais celle-ci n’a jamais statué. Il y a sous ce 

rapport anarchie dans le Dictionnaire de l’Académie ; tantôt les 
noms latins sont invariables, tantôt ils reçoivent la marque du plu- 
riel français. Les dictionnaires de Bescherelle et de Littré, à ce point 
de vue, sont souvent en désaccord avec le Dictionnaire de l’Aca- 
démie. Si celle-ci n’a pas voulu trancher la question, c’est encore 
moins à nous de le faire. 


L'article 67 est adopté ainsi que l’article 68. 

Tous les articles du projet ayant été successivement examinés, 
M. le Président met aux voix, par assis et levé, l'adoption de 
l'ensemble du projet. 

L'assemblée tout entière se lève, à l'exception d’un seul 
membre. 


M. le Président dit : 


En conséquence, au nom du Congrès international de botanique, 
je déclare adopté le code des Las de la Nomenclature, qui sera 
publié tel qu’il à été adopté par l'assemblée dans les Actes du 
Congrès. 


M. le rapporteur donne alors lecture des lignes qui suivent, 
proposées par la Commission : 


205 CONGRÈS INTERNATIONAL DE BOTANIQUE. 


Les botanistes réunis à Paris, en Congrès international, au mois 
d'août 4867, ayant pris connaissance du recueil des Lois de la 
Nomenclature botanique rédigé par M. Alphonse de Candolle ; 

Sur le rapport d’une Commission nommée par eux ; 


Arrêtent : 
De recommander ce recueil, tel qu’il a été adopté par l'assemblée, 
comme le meilleur guide à suivre pour la nomenclature botanique. 


La lecture de cette résolution est accueillie par les applaudis- 
sements unanimes et répétés des membres du Congrès. 


LOIS 


DE LA 


NOMENCLATURE BOTANIQUE 


CHAPITRE PREMIER 


CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES ET PRINCIPES DIRIGEANTS. 


ARTICLE À. — L'histoire naturelle ne peut faire de progrès 
sans un système régulier de nomenclature , qui soil reconnu et 
employé par l'immense majorité des naturalistes de tous les pays. 

ART. 2. — Les règles de la nomenclature ne peuvent être 
ni arbitraires ni imposées. Elles doivent être basées sur des mo- 
fs assez clairs et assez forts pour que chacun les comprenne 
et soit disposé à les accepter. 

Arr. à.— Dans toutes les parties de la nomenclature, le prin- 
cipe essentiel est d'éviter ou de repousser l'emploi de formes et 
de noms pouvant produire des erreurs, des équivoques, ou 
jeter de la confusion dans la science. 

Après cela, ce qu'il y a de plus important est d'éviter toute 
création inutile de noms. 

Les autres considérations, telles que la correction grammati- 
cale absolue, la régularité ou leuphonie des noms, un usage 
plus ou moins répandu, les égards pour des personnes, etc., 
malgré leur importance incontestable, sont relativement acces- 
soires. 

ART. {. — Aucun usage contraire aux règles ne peut être 
maintenu s’il entraine des confusions ou des erreurs. Lorsqu'un 
usage n’a pas d'inconvénient grave de cette nature , il peut mo- 
tiver des exceptions qu'il faut cependant se garder'd’étendre ou 
d'imiter. Enfin , à défaut de règle, ou si les conséquences des 


règles sont douteuses, un usage établi fait loi. 
CONGRÈS BOT, 11 


210 CONGRÈS INTERNATIONAL DE BOTANIQUE. 


Art. 9. — Les principes et les formes de la nomenclature 
doivent être aussi rl que possible en botanique et en 
zoologie. 

Arr. 6. — Les noms scientifiques sont en langue latine. 


Quand on les tire d’une autre langue, ils prennent des désinences 
latines à moins d’exceptions consacrées par l'usage. Si on les 
traduit dans une langue moderne, on cherche à leur conserver 
le plus possible une “rescmblance avec les noms originaux 
latins. - 

Arr. 7. — La nomenclature comprend deux catégories de 
noms : 1° Des noms, ou plutôt des termes, qui expriment Ja 
nature des groupes compris les uns dans les autres; 2° des 
noms particuliers à chacun des groupes de plantes où d'animaux 
que l’observation a fait connaitre. 


CHAPITRE IT 


SUR LA MANIÈRE DE DÉSIGNER LA NATURE ET LA SUBORDINATION 
DES GROUPES QUI COMPOSENT LE RÈGNE VÉGÉTAL. 


Arr. 8. — Tout individu végétal appartient à une espèce 
(species) , toute espèce à un genre (genus), tout genre à une 
famille (ordo, familia), toute famille à une cohorte (Cohors), 
toute cohorte à une classe (classis), toute classe à une division 
(divisio). 

Arr. 9. — On reconnaît aussi dans plusieurs espèces des 
variétés et des variations, dans certaines espèces cultivées, des 
modifications plus nombreuses encore; dans plusieurs genres 
des sections, dans plusieurs familles des #ribus. 

Arr. 10. — Enfin, comme la complication des faits conduit 
souvent à distinguer des groupes intermédiaires plus nom 
breux, on peut créer par le moyen de la syllabe sous (sw), mise 
avant un nom de groupe, des subdivisions de ce groupe, de telle 
manière que sous-famille (subordo) exprime un groupe entre 


LOIS DE LA NOMENCLATURE BOTANIQUE, D); 1 à 


une famille et une tribu, sous-tribu (subtribus), un groupe entre 
une tribu et un genre, etc. L'ensemble des groupes subordonnés 
peut ainsi s'élever, pour les plantes spontanées seulement, jusqu'à 
20 degrés dans l’ordre suivant : 


Regnum vegetabile. 
Divisio. 
Subdivisio. 
Classis. 
Sabclassis. 
Cohors. 
Subcohors. 
Ordo (gallice: Famille). 
Subordo (gall. Sous-famille). 
Tribus. 
Subtribus. 
Genus. 
Subgenus. 
Sectio. 
Subsectio. 
Species. 
Subspecies (vel Proles, gall. Æace.) 
Varietas. 
Subvarietas. 
Variatio 
Subvariatio. 
Planta. 


Art. 41. — La définition de chacun de ces noms de groupes 
varie, jusqu'à un certain point, suivant les opinions indivi- 
duelles et l’état de la science, mais leur ordre relatif, sanctionné 
par l'usage, ne peut être Interverti. Toute classification conte- 
nant des interversions, comme une division de genres en familles 
ou d'espèces en genres, n'est pas admissible. 

ART. 12. — La fécondation d’une espèce par une autre es- 
pèce, crée un hybride (Lybridus), celle d’une modification soit 


212 CONGRÉS INTERNATIONAL DE BOTANIQUE. 


subdivision d'espèce par une autre modification de la même es- 
pèce crée un métis (ms/us). 

Arr. 43. — Le classement des espèces dans un genre ou 
dans une subdivision de genre se fait au moyen de signes typo— 
graphiques, de lettres ou de chiffres. Les hybrides se clas- 
sent après l’une des espèces dont ils proviennent, avec le 
signe x mis avant le nom générique. 

Le classement des sous-espèces dans l'espèce se fait par des 
lettres où par des chiffres; celui des variétés, par la série des 
lettres grecques z, B, y, ete. Les groupes inférieurs aux variétés 
et les métis sont indiqués par des lettres, des chiffres ou des 
signes typographiques, à la volonté de chaque auteur. 

Ant. 4h. — Les modifications des espèces cultivées doivent 
être rattachées , autant que Li aux espèces spontanées 
dont elles dérivent. 

A cet effet, les plus importantes de ces née sont assi- 
milées à des sous-espèces (swbspecies), et quand on est certain 
de leur hérédité constante par graines, elles se nomment races 
(proles). 

Les modifications de second ordre prennent le nom de va- 
riétés, et si l’on est certain de leur hérédité à peu près constante 
par graines, elles se nomment sous-races (sw/proles). 

Les modifications moins importantes, pouvant être comparées 
aux sous-variétés, variations, sous-variations des espèces spon- 
tanées, sont indiquées d'après leur origine (lorsqu'elle est con- 
nue) de la manière suivante: 4° Satus (semis; seedling, en 
angl.; Sœmling, en allemand), pour une forme provenant de 
graines ; 2 mustus (métis; en angl. blending (1); en all. Blend- 
lnç), pour une forme provenant de fécondation croisée dans 
l'espèce; 5° lusus (en angl. sport, en all. Spéelart), pour une forme 
née d’un bourgeon, tubercule ou autre organe, propagée par 
division. 

(1j Dans la traduction anglaise, M. Weddell, d'accord avec M, de Candolle, propose le 
mot half-breed, qui est plus connu et répond mieux au sens du mot mé'is. 


LOIS DE LA NOMEACLATURE BOTANIQUE. 213 


CHAPITRE III 


SUR LA MANIÈRE DE DÉSIGNER CHAQUE GROUPE OU ASSOCIATION 
DE VÉGÉTAUX EN PARTICULIER. 


SECTION I. 


Principes généraux, 


ART. 15. — Chaque groupe naturel de végétaux ne peut 
porter dans la science qu’une seule désignation valable, savoir 
la plus ancienne, adoptée par Linné, ou donnée par lui ou après 
lui, à la condition qu’elle soit conforme aux règles essentielles 
de la nomenclature. 

ART. 16. — Nul ne doit changer un nom ou une combinai- 
son de noms sans des motifs graves, fondés sur une connais- 
sance plus approfondie des faits, ou sur la nécessité d'abandonner 
une nomenclature contraire aux règles essentielles (art. 3, 
41° alinéa, 4, 11, 15, etc., voy. sect. 6). 

ART. 17. — La forme, le nombre et l’arrangement des noms 
dépendent de la nature de chaque groupe, selon les règles qui 
suivent. 

SECTION IT. 


Nomenclature des divers groupes. 
$ 4. — Noms de divisions et sous-divisions, de classes et sous-classes. 


ART. 18. — Les noms de divisions et sous-divisions, de 
classes et sous-classes se tirent d’un des principaux caractères. 
Is s'expriment au moyen de mots d’origine grecque ou latine, 
et eu donnant aux groupes de mème nature une certaine har- 
monie de forme et de désinence (Phanérogames, Cryptogames; 
Monocotylédones, Dicotylédones, ete.). 

ART. 19. — Dans les Cryptogames, les noms anciens de 
familles, tels que Æhces, Musci, Fungi, Lichenes, Alje, 
peuvent être employés comme noms de classes ou sous-classes. 


$ 2, —- Noms de cohortes et sous-cohortes, 


ART. 20. — Les cohortes sont désignées de préférence par le 


21h CONGRÈS INTERNATIONAL DE BOTANIQUE, 


nom d'une de leurs principales familles, et autant que posssible 
avec une désinence uniforme. 

Les sous-cohortes (rarement employées) peuvent être dési- 
gnées de la même manière. 


$ 3. — Noms de familles et sous-familles, de tribus et sous-tribus, 


Arr. 21. — Les familles (Ordnes, Familiw) sont désignées 
par le nom d’un de leurs genres, avec la désinence aceæ (Ro- 
saceæ, de Rosa; Ranunculaceæ, de Ranuneulus, ete.). 

ART. 22, — L'usage justifie les exceptions suivantes : 

1° Lorsque le genre d’où le nom de famille est tiré se termine 
en latin par #x ou is (génitif icès ou édis), la désinence ceæ, ou 
ideæ, ou ineæ est admise (Salicineæ, de Salir ; Berberideæ, de 
Berberis ; Tamaricinee, de Tamarir), 

2 Lorsque le genre d'où le nom est tiré a un nom d’une 
longueur inusitée et qu’il n’y a pas de nom de tribu fondé sur 
ce même genre dans la famille, on admet la terminaison en ee. 
(Dipterocarpee, de Dipterocarpus). 

3° Pour quelques grandes familles anciennement nommées, 
très-connues sous leurs noms exceptionels, on conserve les noms 
anciens (Cruciferæ, Leguminosæ, Guttiferæ, Umbellifere, 
Compositæ, Labiate, Cupulifere, Conifere, Palme, Grami- 
neæ, etc.). 

h° Un ancien nom de genre devenu nom de section ou d’es- 
pèce, peut être maintenu comme base d’un nom de famille 
(Lentibularieæ, de Lentibularia ; Hippocastance , de Æsculus 
Hippocastanum ; Caryophylleæ, de Dianthus Caryophyllus ; ete.). 

Arr. 23. — Les noms de sous-familles (swbordines, sub/ami- 
liæ) sont tirés du nom d’un des genres qui se trouvent dans le 
groupe, avec la désinence en ee. 

Arr. 24. — Les noms des tribus et sous-tribus se tirent du 
nom d’un des genres qui en font partie, avec la désinence eæ 
où ne. 


.$ 4. — Noms de genres et de divisions de genres. 


Anr. 25. — Les genres, sous-genres et sections reçoivent 


LOIS DE LA NOMENCLATURE BOTANIQUE, 245 


des noms, ordinairement substantifs, qui sont pour chacun d'eux 
comme nos noms propres de famille. 

Ces noms peuvent être tirés d'une source quelconque et 
même être composés d'une manière absolument arbitraire, sous 
la réserve des conditions indiquées plus loin. 

Arr, 26. — Les sous-sections et autres subdivisions infé- 
rieures des genres peuvent recevoir un nom, substantif ou : 
adjectif, ou porter simplement un numéro d'ordre ou une lettre, 
sans nom. 

ART. 27. — Lorsqu'un nom de genre, sous-genre ou section 
est tiré d’un nom d'homme, on le constitue de la manière 
suivante : 

Le nom, dégagé de tout titre et de toute particule prélimi- 
naire accessoire, est terminé en & ou #4. 

Les syllabes qui ne sont pas modifiées par cette désinence 
conservent leur orthographe exacte, même avec les lettres ou 
- diphthongues usitées dans certaines langues et qui ne l'étaient 
pas en latin. Cependant les à, 6, ü, des langues germaniques, 

deviennent des æ, æ, ue; les é et è de la langue française, de- 
viennent des e. 

Arr. 28. — Les botanistes qui ont à publier des noms de 
genre font preuve de discernement et de goût s'ils ontégard aux 
recommandations suivantes : 

41° Ne pas faire des noms très-longs ou difficiles à prononcer. 

2° Indiquer l'étymologie de chaque nom. 

3° S'ils ont créé autrefois un nom qui n’a pas été admis, 
ne pas créer eux-mêmes un autre genre sous le même nom, 
surtout dans la même famille ou dans une des familles voi- 
sines. 

L° Ne pas dédier des genres à des personnes absolument étran- 
gères à la botanique, ou du moins aux sciences naturelles, ni à 
des personnes tout à fait inconnues. 

5° Ne tirer des noms de langues barbares , que si ces noms se 
trouvent fréquement cités dans les livres des voyageurs et pré- 
sentent une forme agréable qui s'adapte aisément à la langue 
latine et aux langues des pays civilisés. 


216 CONGRÈS INTERNATIONAL DE BOTANIQUE. 


G° appeler, si possible, par la composition ou la désinence 
du nom, les affinités ou les analogies du genre. 

7° Éviter les noms adjectifs. 

8° Ne pas donner à un genre un nom dont la forme est plutôt 
celle d’un nom de section (Æuwsiderozylon, par exemple). 

9° Éviter de reprendre des noms qui ont existé, mais qu’on à 
‘refusé d'admettre, pour nommer des genres différents des an- 
ciens, à moins qu’ilne s'agisse de dédier de nouveau un genre à un 
botaniste, mais dans ce cas il est à désirer encore : 1° Que l’aban- 
don du premier genre soit bien constaté ; 2° que la famille où 
l'on veut rétablir le nom soit tout à fait différente de la première. 

40° Éviter de faire choix de noms qui existent en zoologie. 

Arr. 29.— Les botanistes qui construisent des noms de sous- 
genres ou de sections feront bien d’avoir égard aux recomman- 
dations de l’article précédent et en outre à celles-ci : 

1° Prendre volontiers pour la prineipale division d'un genre, 
un nom qui le rappelle par quelque modification ou addition 
(Eu mis au commencement du nom, quand il est d’origine 
grecque; astrum , ella, à la fin du nom, quand il est latin, ou 
telle autre modification conforme à la grammaire et aux usages 
de la langue latine). 

2° Éviter dans un genre de nommer une section par le nom 
du genre terminé en oîdes ou en opsis ; mais au contraire re- 
chercher cette désinence pour une section qui ressemblerait à 
un autre genre, en ajoutant alors oides ou opsis au nom de cet 
autre genre, s'il est d’origine grecque, pour former le nom de 
la section. 

8 Éviter de prendre comme nom de section un nom qui 
existe déja comme tel dans un autre genre, ou qui est le nom 
d'un genre admis. 

Arr, 30. — Lorsqu'on désire énoncer un nom de section con- 
jointement avec le nom de genre et le nom d'espèce, le nom 
de section se place entre les deux autres en parenthèse. 


$ 5, — Noms d'espèces, d'hybrides et de subdivisions des espèces, 


Aur. 81, — Chaque espèce, même celles qui composent à 


LOIS DE LA NOMENCLATURE BOTANIQUE. 217 


elles seules un genre, est désignée par le nom du genre auquel 
elle appartient suivi d’un nom dit spécifique, le plus ordinaire- 
ment de la nature des adjectifs. 

Arr. 32. — Le nom spécifique doit, en général, indiquer 
quelque chose de l'apparence, des caractères, de l’origine, de 
l'histoire ou des propriétés de l’espèce. S'il est tiré d’un nom 
d'homme, c’est ordinairement pour rappeler le nom de celui 
qui l’a découverte ou décrite, ou qui s'en est occupé d’une 
manière quelconque. 

Arr. 93. — Les noms d'hommes employés comme noms spé- 
cifiques ont la forme du génitif du nom ou d'un adjectif dérivé 
(Clusi ou Clusiana). La première forme s'emploie quand l'espèce 
a été décrite ou distinguée par le botaniste dont elle prend le 
nom; la seconde forme, dans les autres cas. Quelle que soit la 
forme adoptée, tout nom spécifique tiré d'un nom d'homme 
commence par une grande letire. 

Arr. 8%. — Un nom spécifique peut être un ancien nom de 
genre où un nom propre substantif, Il prend alors une grande 
lettre et ne s'accorde pas avec le nom de genre (Digitalis Scep- 
drum, Coronilla Emerus). 

Arr. 35. — Deux espèces du même genre ne peuvent avoir 
le même nom spécifique, mais le même nom spécifique peut 
être donné dans plusieurs genres. 

Arr. 36. — En construisant des noms spécifiques, les bota- 
nistes font bien d’avoir égard aux recommandations suivantes : 

4° Éviter les noms très-longs ou d'une prononciation difficile. 

% Éviter les noms qui expriment un caractère commun à 
toutes ou presque toutes les espèces du genre. 

3° Éviter les noms tirés de localités peu connues, ou très- 
restreintes, à moins que l'habitation de l'espèce ne soit tout à 
fait locale. 

h° Éviter, dans le même genre, les noms trop semblables, 
ceux surtout qui ne différent que par les dernières lettres. 

5° Adopter volontiers les noms inédits qui se trouvent dans les 
notes des voyageurs où dans les herbiers, à moins qu'ils ne 

soient plus ou moins défectueux (voir art. 47, 3°). 


218 CONGRÈS INTERNATIONAL DE POTANIQUE. 


G° Éviter les noms qui ont été employés auparavant dans le 
genre ou dans quelque genre voisin et qui sont devenus des 
synonymes. ; 

7° Ne pas nommer une espèce d’après quelqu'un qui ne l’a 
ni découverte, ni décrite, n1 figurée, ni étudiée en aucune ma- 
nière. 

8° Éviter les noms spécifiques composés de deux mots. 

%Œ Éviter les noms qui forment pléonasme avec le nom du 
genre. 

Arr, 37. — Les hybrides d’une origine démontrée par voie 
d'expérience, sont désignés par le nom de genre, auquel on 
ajoute une combinaison des noms spécifiques des deux espèces 
dont ils proviennent , le nom de l'espèce qui a fourni le pollen 
étant mis le premier, avec la terminaison 2 ou 0, et celui de 
l'espèce qui a fourni l'ovule venant ensuite, avec un trait d'union 
entre les deux (Amaryllis viltato-reqinæ, pour Y'Amarylls pro- 
venant de l'Amaryllis regine fécondé par l'A. vittata), 

Les hybrides d'origine douteuse se nomment comme des es- 
pèces. On les distingue par l'absence de numéro d'ordre et 
par le signe x précédant le nom de genre (x Salir capreola 
Kern.). 

Ant. 38. — Les noms de sous-espèces et de variétés se 
forment comme les noms spécifiques, et s'ajoutent à eux dans 
leur ordre, en commençant par ceux du degré supérieur de 
division. 

Les métis d'origine douteuse se nomment et se classent de la 
même manière. 

Les sous-variétés, variations et sous-variations de plantes 
spontanées , peuvent recevoir des noms analogues aux précé- 
dents, ou seulement des numéros ou des lettres qui facilitent 
leur classement. 

Arr. 39. — Les métis d'une origine certaine sont désignés 
par une combinaison des deux noms de sous-espèces, variétés, 
sous-variétés, etc., qui leur ont donné naissance , en obser- 
vant les mêmes règles que pour les noms d'hybrides. 

Anr. 40. — Dans les plantes cultivées, les semis, les métis 


LOIS DE LA NOMENCLATURE BOTANIQUE. 219 


d'origine obseure et les sports, recoivent des noms de fantaisie, 
en langue vulgaire, aussi différents que possible des noms latins 
d'espèces ou de variétés. Quand on peut les rattacher à une es- 
pèce, à une sous-espèce ou une variété botanique, on l'in- 
dique par la succession des noms (Pelargonium zonale Mistress- 
Polloc/). 


SECTION IH. 


De la publication des noms et de la date de chaque mom 
où combinaison de noms. 


ART. 41. — La date d’un nom ou d'une combinaison de 
noms est celle de leur publication effective , c’est-à-dire d’une 
publicité irrévocable. 

ART. 42. — La publication résulte de la vente ou de la dis- 
tribution, dans le public, d’imprimés, de planches, ou d'auto- 
graphies. Elle résulte aussi de la mise en vente ou de la distri- 
bution aux principales collections publiques d'échantillons 
numérotés, nommés et accompagnés d'étiquettes imprimées ou 
autographiées, portant la date de la mise en vente ou de la 
distribution. 

ART. }3. —- Une communication de noms nouveaux faite 
dans une séance publique, des noms mis dans des collections 
ou des jardins ouverts au publie, ne constituent pas une publi- 
cation. 

Arr. 4h. — La date mise sur un ouvrage est présumée exacte, 
jusqu'à preuve contraire. 


ART. 45. — Une espèce n’est considérée comme nommée 
que si elle à un nom générique en même temps qu'un nom 
spécifique. 

ART. 6. — Une espèce annoncée dans un ouvrage sous des 


noms générique et spécifique, mais sans aucun renseignement 
sur les caractères, ne peut être considérée comme publiée. I 
en est de même d'un genre annoncé sans être caractérisé. 

Arr. 47. — Les botanistes feront bien d'avoir égard aux re- 
commandations suivantes : 


220 CONGRÈS INTERNATIONAL DE BOTANIQUE. 


1° Indiquer exactement la date de la publication de leurs 
ouvrages ou fractions d'ouvrages, et celle de la mise en vente 
ou de la distribution de plantes nommées et numérotées. 

2° Ne pas publier un nom sans indiquer clairement si c’est 
un nom de famille ou de tribu, de genre ou de section, d’espèce 
ou de variété, en un mot sans indiquer une opinion sur la nature 
du groupe auquel ils donnent le nom. 

3° Éviter de publier ou de mentionner dans leurs publica- 
tions des noms inédits qu'ils n’acceptent pas, surtout si les per- 
sonnes qui ont fait ces noms n’en ont pas autorisé formellement 
la publication (voir art. 36, 5°). 


SECTION IV. 


De la précision à donner aux noms par la citation du botaniste 
qui les a publiés Ie premier, 


Art. 48. — Pour être exact et complet dans l'indication 
du nom ou des nomsd’un groupe quelconque, il faut citer l'au- 
teur qui à publié le premier le nom ou la combinaison de noms 
dont il s'agit. 

Ant. 49. — Un changement de caractères constitutifs ou de 
circonscription dans un groupe n'autorise pas à citer un autre 
auteur que celui ayant publié le premier le nom ou là combinai- 
son de noms. 

Quand les changements ont été considérables, on ajoute à la 
citation de l'auteur primitif: mautatis charact., où pro parte, ou 
eæcl. gen., excl. sp., exæcl. var., où telle autre indication abrégée, 
selon la nature des changements survenus et du groupe dont 
il s'agit. 

Arr. 50. — Les noms publiés d'après un document Imédit, 
tel qu'un herbier, une collection non distribuée, etc., sont pré- 
cisés par l'addition du nom de l'auteur qui publie, malgré Pin- 
dication contraire qu'il a pu donner. De même les noms usités 
dans les jardins sont précisés par la mention du premier auteur 
qui les publie. 


LOIS DE LA NOMENCLATURE BOTANIQUE. 221 


Dans le texte développé, on cite l’herbier, la collection , le 
jardin (Lam. ex Commers. mss. in herb. par.; Lindl. ex horto 
Lodd.). 

ART. 51. — Lorsqu'un nom existant est appliqué à un 
groupe qui devient d'un ordre supérieur ou inférieur à ce 
qu'il était auparavant, le changement opéré équivaut à la créa- 
tion d’un nouveau groupe et l’auteur à citer est celui qui a fait 
le changement. 

Arr. 52. — Les noms d'auteurs mis après les noms de 
plantes s'indiquent par abréviations, à moins qu'ils ne soient 
très-courtts. 

A cet effet on retranche d'abord les particules ou lettres pré- 
lminares qui ne font pas strictement partie du nom, puis on 
indique les premieres lettres, sans en omettre aucune. Si un 
nom d’une seule syllabe est assez compliqué pour qu'il vaille la 
peine de l’abréger, on indique les premières consonnes (Br. 
pour Brown); si le nom a deux ou plusieurs syllabes, on indique 
la première syllabe, plus la première lettre de la syllabe sui- 
vante, ou les deux premières quand elles sont des consonnes 
(Juss. pour de Jussieu ; Rich. pour Richard). 

Lorsqu'on est forcé d'abréger moins, pour éviter une confu- 
sion entre des noms qui commencent par les mêmes syllabes, 
on suit le même système, en donnant, par exemple, deux syl- 
labes avec la ou les premières consonnes de la troisième, ou 
bien l’on indique une des dernières consonnes caractéristiques 
du nom (Bertl., pour Bertoloni, afin de distinguer de Bertero ; 
Michx pour Michaux, afin de distinguer de Micheli). Les 
noms de baptême ou les désignations accessoires, propres à dis- 
tinguer deux botanistes du même nom, s’abrégent de la même 
manière (Adr. Juss. pour Adrien de Jussieu, Gertn. fil. ou 
Gertn. [. pour Gærtner fils). 

Lorsque l'usage est bien établi d'abréger un nom d’une autre 
manière, le mieux est de s’y conformer (L. pour Linné, S'-Hi7. 
pour de Saint-Hilaire). 


222 CONGRÈS INTERNATIONAL DE BOTANIQUE. 


SECTION V. 


Des noms à conserver lorsqu'un groupe est divisé, remanié, trans- 
porté, élevé ou abaiïissé, ou quand deux groupes de même ordre 
sont réunis. 


Arr. 53. — Un changement de caractères, ou une révision : 
. qui entraîne l'exclusion de certains éléments d’un groupe ou 


des additions de nouveaux éléments, n’autorisent pas à changer Fe 


le nom ou les noms du groupe. 

Arr. 54. — Lorsqu'un genre est divisé en deux ou plusieurs, 
le nom doit être conservé et il est donné à l’une des divisions 
principales. Si le genre contenait une section ou autre division 
qui, d’après son nom ou ses espèces, était le type ou l'origine 
du groupe, le nom est réservé pour cette partie. S'il n'existe pas 
de section ou subdivision pareille, mais qu’une des fractions dé- 
tachées soit beaucoup plus nombreuse en espèces que les autres, 
c'est à elle que le nom doit être réservé. 

Ant. 59, — Dans le cas de réunion de deux ou plusieurs 
groupes de mème nature, le nom le plus ancien subsiste. Si les 
noms sont de même date l'auteur choisit. 

Arr. 56. — Lorsqu'on divise une espèce en deux ou plusieurs 
espèces, si l’une des formes a été plus anciennement distinguée, 
le nom lui est conservé. 

ART. 57. — Lorsqu'une section ou une espèce est portée 
dans un autre genre, lorsqu'une variété ou autre division de 
l'espèce est portée au même titre dans une autre espèce, le, 
nom de la section, le nom spécifique ou le nom de la division 
d'espèce subsiste, à moins que dans la nouvelle position il 
n'existe un des obstacles indiqués aux articles 62 et 65. 

Arr. 58.— Lorsqu'une tribu devient famille, qu'un sous-genre 
ou une secüon devient genre, qu'une subdivision d'espèce 
devient espèce, ou que des changements ont lieu dans le sens 
inverse , les noms anciens des groupes subsistent, pourvu qu'il 
n’en résulte pas deux genres du même nom dans le règne végé- 
tal, deux subdivisions de genre ou deux espèces du même nom 


actes anéisadn an" “die line dh us diitaetel 


D 
4 


LOIS DE LA NOMENCLATURE BOTANIQUE. 295 


dans le même genre , ou deux subdivisions du même nom dans 
la même espèce. 


SECTION VI. 


Ù des noms à rejeter, changer ou modifier. 


ART. 59. — Nul n'est autorisé à changer un nom sous pré- 
texte qu'il est mal choisi, qu'il n’est pas agréable, qu'un autre 
est meilleur ou plus connu, qu'il n’est pas d’une latinité suffi- 
samment pure, ou par tout autre motif contestable ou de peu 
de valeur. 

ART. 60. — Chacun doit se refuser à admettre un nom dans 
les cas suivants : | 

1° Quand ce nom est appliqué dans le règne végétal à un 
‘ groupe nommé antérieurement d’un nom valable. 

2 Quand il forme double emploi dans les noms de classes ou 
de genres, ou dans les subdivisions ou espèces du même genre, 
ou dans les subdivisions de la même espèce. 

3° Quand il exprime un caractère ou un attribut positivement 
faux dans la totalité du groupe en question, ou seulement dans 
la majorité des éléments qui le composent. 

° Quand il est formé par la combinaison de deux langues. 

5° Quand il est contraire aux articles de la section V. 

ART. 61. — Un nom de cohorte, sous-cohorte, famille ou 
sous-famille, tribu ou sous-tribu, doit être changé lorsqu'il est 
tiré d'un genre qu'on reconnait ne pas faire partie du groupe 
en question. 

ART. 62. — Lorsqu'un sous-genre, une section ou une sous- 
section passe au même titre dans un autre genre, le nom doit 
être changé s’il existe déjà dans le genre un groupe de même 
ordre sous ce nom. 

Lorsqu'une espèce est portée d'un genre dans un autre, son 
nom spécifique doit être changé s’il existe déjà pour une des 
espèces du genre. De même lorsqu'une sous-espèce, variété ou 
autre subdivision d’espèce, est portée dans une autre espèce, le 


22} CONGRÈS INTERNATIONAL DE BOTANIQUE. 


nom en doit être changé sil existe déja dans l'espèce pour une 
modification du même ordre. 

ART. 65. — Lorsqu'un groupe est transporté dans un autre 
en y conservant le même rang, son nom doit être changé 
sil devient un contre-sens ou une cause évidente d’erreur 
et de confusion dans la nouvelle position qui lui est attribuée. 

ART. 64. — Dans les cas prévus aux articles 60, 61, 62, 63, 
le nom à rejeter ou à changer est remplacé par le plus ancien 
nom valable existant pour le groupe dont il s'agit, et à défaut de 
nom valable ancien un nom nouveau doit être créé. 

ART. 69. — Un nom de classe, tribu ou autre groupe supé- 
rieur au genre, peut être modifié dans sa désinence, pour être 
rendu conforme aux règles. et aux usages. 

ART. 66. — Lorsqu'un nom tiré du grec ou du latin à été 
mal écrit où mal construit, ou qu'un nom tiré d'un nom 
d'homme n’a pas été écrit conformément à l'orthographe réelle 
du nom, où qu'une erreur sur le genre grammatical d'un nom 
a entrainé une désinence vicieuse dans les noms d'espèces ou 
de modifications d'espèces, chaque botaniste est autorisé à. 
rectifier le nom fautif ou les désinences fautives, à moins qu'il 
ne s'agisse d’un nom très-ancien et passé entièrement dans 
l'usage sous la forme erronée. On doit user de cette faculté avec 
réserve, particulièrement si le changement doit porter sur la 
première syllabe, surtout sur la première lettre du nom. 

Quand un nom a été tiré d’une langue vulgaire , il doit sub- 
sister tel qu’on l'a fait, même dans le cas où l'orthographe du 
nom à élé mal comprise par l'auteur et donne lieu à des criti- 
ques fondées. 


SECTION VIL. 
Des noms de plantes dans les langues modernes, 
Art. 67, — Les bolanistes emploient dans les langues mo- 


dernes les noms scientifiques latins ou ceux qui en dérivent 
immédiatement, de préférence aux noms d’une autre nature ou 


LOIS DE LA NOMENCLATURE BOTANIQUE. 2925 


d'une autre origine. Ils évitent de se servir de ces derniers 
noms, à moins qu'ils ne soient trèés-clairs et très-usuels. 

Arr. 68. — Tout ami des sciences doit s'opposer à l'intro- 
duction dans une langue moderne de noms de plantes qui n'y 
existent pas, à moins qu'ils ne soient dérivés du nom botanique 
latin, au moyen de quelque légère modification. 


CONGRÈS BOT, 15 


226 CONGRÈS INTERNATIONAL DE BOTANIQUE. 


SÉANCE DU 93 AOUT. 


Clôture du Congres. 


PRÉSIDENCE DE M. DE CANDOLLE. 


M. le Président appelle successivement les noms de plusieurs 
savants qui avaient annoncé l'intention de présenter des mé-— 
moires au Congrès, mais qui ne répondent pas à cet appel et 
n’ont pas envoyé leur mémoire. 

Personne ne demandant plus la parole pour un dépôt de 
mémoire où pour une communication scientifique, M. le Pré- 
sident déclare l’ordre du jour épuisé. 

M. Du Mortier exprime au nom du Congrès combien ses 
membres ont vivement senti les excellents procédés dont a usé 
envers eux la Société impériale et centrale d’horticulture, qui a 
fourni les salles nécessaires au Congrès pour la tenue de ses 
séances et les réunions de ses commissions, ainsi que pour 
l'installation de l'exposition importante de livres, de matériel 
botanique et d’herbiers qui a été mise sous ses yeux. M. Du 
Mortier rappelle que le jour même de l'ouverture du Congrès, 
la Société d’horticulture en avait invité les membres à assister 
à la séance qu’elle devait tenir le jeudi 28 ; il ajoute qu'il s’est 
rendu avec M. le professeur J.-E. Planchon à cette réunion, où 
ils ont été invités à s'asseoir au bureau comme représentants du 
Congrès international de botanique, et qu'il s’est fait un devoir, 
à cette occasion, d'offrir publiquement à la Société impériale et 
centrale d'horticulture les remerciments qui lui étaient dus. 

M. le Président remercie la Société botanique de France, et 
spécialement le bureau et le conseil d'administration de cette 
Société, ainsi que les personnes dévouées qui se sont chargées 
de l’organisation du Congrès, des soins qu’elles ont pris pour en 
assurer la réunion, 

M. Duchartre témoigne à M. de Candolle combien la Société 


SÉANCE DE CLÔTURE. 227 


botanique a dû se féliciter de’ce qu’il avait bien voulu accepter, 
avec la présidence du Congrès, la tâche laborieuse d'en préparer 
les travaux, ce qui était le meilleur moyen d'en assurer le succes, 
ainsi que l'expérience faite dans ces huit jours l’a parfaitement 
prouvé. 


M. de Candolle s'exprime ensuite en ces termes: 


Messieurs, 


Je ne puis terminer cette séance, la dernière du Congrès, sans 
vous remercier de l'honneur que vous m'avez fait en m'appelant à 
vous présider. 

Si vous n’aviez considéré que la capacité individuelle, assurément 
vous auriez pu choisir mieux, et l'expérience que nous avons faite plu- 
sieurs fois de la présidence de l'honorable M. Du Mortier le prouve 
bien, mais vous avez voulu, je suppose, rendre hommage au botaniste 
célèbre dont je ne suis que l'humble élève et successeur. Vous avez 
moins pensé à une personne vivante et ici présente qu'à un nom 
intimement lié, depuis soixante-dix ans, avec l’histoire de la bota- 
nique. Je me suis efforcé de comprendre les devoirs que cette position 
particulière m'imposait. Heureusement j'ai été soutenu par votre 
extrème indulgence, et, grâce à vous, bien plus qu’à moi, le Congrès 
international de botanique de Paris, à la suite de discussions par- 
faitement régulières et de communications importantes, aura fait 
faire à la science de véritables progrès. 


Les dermières paroles de M. de Candolle sont couvertes par 
les applaudissements unanimes des membres du Congrès, et la 
séance est levée à onze heures et demie du soir. 


RAPPORTS 
SUR LES ÉTABLISSEMENTS VISITÉS PAR LE CONGRÈS 


NOTE SUR LES COLLECTIONS BOTANIQUES DE L'ÉCOLE DE PHARMACIE. 


Le 22 août, les membres du Congrès ont visité les collections de 
matière médicale etle Jardin botanique de l'École de pharmacie. 

Réunies et classées avec soin par M. Guibourt, pendant les lon- 
gues années de son professorat, les collections de matière médicale 
présentaient, pour les savants étrangers, un très-grand intérêt. C'est 
là que se trouvent, en effet, les types principaux décrits dans 
une œuvre qui restera classique : l'Histoire naturelle des dro- 
ques simples. Les échantillons y sont classés en deux séries : 
les uns, contenus dans des bocaux, enfermés eux-mêmes dans 
des armoires vitrées, sont disposés autour de la salle et groupés 
d'après l’ordre même du livre de M. Guibourt, celui des familles 
naturelles. Des étiquettes collées sur les bocaux indiquent le nom 
vulgaire de la drogue et son origine botanique. Près de 950 sub- 
stances sont ainsi exposées, et les élèves peuvent en vérifier les 
caractères extérieurs. 

D'autres échantillons des mêmes espèces sont placés plus en évi- 
dence encore dans une vitrine occupant le milieu de la salle, Ils 
représentent les médicaments les plus usuels, avec lesquels il im- 
porte surtout de familiariser les étudiants. Gomme le but principal est 
d'apprendre à distinguer les unes des autres des substances qui ris- 
queraient d'être confondues, on les a classées, non plus d’après l'ordre 
des familles auxquelles elles se rapportent, mais d’après leur nature 
morphologique ou chimique (racines, tiges, bois, écorces, feuiiles, 
fleurs, fruits ; exsudations diverses, gommeuses, résineuses, gommo- 
résineuses, etc.). Les produits qui extérieurement se ressemblent 
le plus sont ainsi placés à côté les uns des autres, de façon que, 
par leur rapprochement même, il soit plus facile de saisir les carac- 
tères qui permettent de les distinguer. 

Une série de bois, des minéraux classés également d'après le livre 
de M. Guibourt, complètent les collections de cette salle, dont il 
serait trop long de détailler les richesses. 


Le 


NOTE SUR LE MUSÉE DELESSERT. 299 


Le jardin botanique, confié à la direction de M. Ghatin, est situé 
dans l'École même. Non-seulement les espèces médicinales les plus 
importantes, mais encore les types principaux des familles y sont 
représentés et soignés avec intelligence par le jardinier M. Drévault. 
Les espèces, au nombre de 2500 environ (1), y sont classées d'après 
l’ordre du Prodromus de M. de Candolle. Une petite serre et une 
petite orangerie servent à la culture des plantes qui ne supportent 
pas la pleine terre. 

Après avoir visité avec attention les collections et le jardin, les 
membres du Congrès ont pu assister aux expériences faites dans un 
des laboratoires de l'École de pharmacie par M. Schultz-Schultzen- 
stein. Le savant botaniste de Berlin y a montré d’une part les prépa- 
rations microscopiques des vaisseaux laticifères, sur lesquelles il a 
fondé sa théorie de la cyclose ; d’autre part les expériences physio- 
logiques qui forment la base de son mémoire sur la véritable nutri- 
tion des plantes (2). G. PLANCHON, 


NOTE SUR LE MUSÉE DELESSERT. 


Le Musée botanique de la famille Delessert, que le Congrès a 
visité le 23 août, suivant son programme, n’a pas déchu de la répu- 
tation européenne qui lui est depuis si longtemps acquise. Les 
exsiccata et les livres récemment publiés, achetés pour le Musée ou 
envoyés par les botanistes, ont tenu au courant de la science les 
collections fondées par Benjamin Delessert, augmentées et entrete- 
nues avec un soin religieux par M. François Delessert. On trouvera 
dans le livre que l’honorable conservateur de ces collections, M. La- 
sègue, a consacré à leur description (3), tous les renseignements 
qu'on peut désirer sur leur disposition et sur leur importance. Mais 
la date déjà un peu ancienne de cette publication nous fournissait 
l’occasion et nous imposait presque le devoir de signaler l’accrois- 
sement qu'elles ont pris depuis cette époque. 

Les collections contenues dans l’herbier se sont augmentées con- 


(4) Le jardin possède en outre 2500 à 3000 espèces qui ne sont pas comprises dans 
l’École botanique. 

(2) Voyez plus haut page 99. 

(3) Musée botanique de M. Benjamin Delessert. Notices sur les collections de plantes 
et la bibliothèque qui le composent, contenant en outre des documents sur les principaux 
herbiers d'Europe, et l'exposé des voyages entrepris dans l'intérêt de la botanique; par 
M. A. Lasègue, Paris, chez Fortin, Masson et Ci°, janvier 1845. 


230 CONGRÈS INTERNATIONAL DE BOTANIQUE. 


sidérablement depuis lors. Pour ne citer que les plus importantes 
qui'y sont entrées, nous devons mentionner : pour la flore de France, 
les dons de MM. Augé de Lassus, Aunier, Bouvier, Chaubard, de 
Forestier, Eug. Fournier, Graves, Montagne, Naudin, Puel (Æerbier 
des flores locales, etc.) ; l'herbier de M. Bélanger, et les exsiccata 
de MM. Billot, Bordère, Canut, Philippe et F. Schultz; pour l'AI- 
gérie, les collections de MM. Durando, Munby, P. Jamin, Bour- 
geau et Kralik ; pour l'Espagne, celles de MM. Bourgeau, Blanco 
et Lange; pour la région orientale, les exsiecata de MM. Balansa, 
Bourgeau et Kotschy; pour l'Amérique du Nord, les collections de 
Rafinesque ; pour l'Amérique centrale, les plantes de Cuba de 
Wright, les plantes du Mexique de Jurgensen, celles de Venezuela 
de Fendler et de Funck et Schlim; pour la Bolivie, celles de 
Mandon; pour la république de l'Équateur, celles de Jameson; 
pour la région des Amazones, celles de Spruce. Ajoutons encore les 
dons faits par M. CL Gay destypes du Flora chilena, par 
M. J.-D. Hooker des types du Flora antarctica, par M. Hombron 
des types du voyage de l’Astrolabe et de la Coquille, une belle col- 
lection des Indes orientales, envoyée par la Société Linnéenne de 
Londres, et tout dernièrement celui des Reliquiæ Mailleaneæ ; enfin, 
citons parmi les acquisitions les plus importantes d’exsiccata exoti- 
ques, les plantes d'Afrique de Boivin, et celles de la Nouvelle- 
Hollande de Drummond. Cela permet de comprendre comment le 
nombre des boîtes renfermant l'herbier s'élevait au 40 mai 1867 
à 2750. 

La bibliothèque s’est accrue dans des proportions plus impor- 
tantes encore. Aux beaux ouvrages de grand format et munis de 
planches qui sont indiqués dans le Musée botanique de M. Lasègue, 
il faut ajouter ceux qui concernent les Orchidées : les Folia orcha- 
dacea de Lindley, le Xenia orchidacea de M. Reichenbach fils, 
le Pescatorea, la Collection des Orchidées les plus remarquables 
de l’Archipel indien et du Japon de Blume, les Select orchi- 
daceous plants de M. Warner, la monograpie des Odontoglossum 
de M. Bateman ; les remarquables ouvrages que M. d'Ettingshausen 
a fait imprimer à l'imprimerie impériale de Vienne, avec le con- 
cours de M. Pokorny (Physiotypia plantarum austriacarum, etc. ; 
les belles publications de M, Fée sur les Fougères (onze mémoires 
dont plusieurs in-folio) ; le Flora brasiliensis de M. Martius, par- 
venu aujourd’hui à son 42° fascicule; les {/ustrations of the genus 


NOTE SUR LE MUSÉE DELESSERT, 231 


Carex, de M. F. Boott; les voyages récents : Asa Gray, United 
States exploring expedition; Seemann, Botany of the voyage of 
Æ. M.S. Herald; Flora vitiensis; Wawra, Botanische Ergebnisse 
der Reise seiner Majestæt des Kaisers von Mexico Maximilian I 
nach Brasilien ; Weddell , CAloris andina ; Maximowicz , Primitiæ 
floræ amurensis; Peters, Reise nach Mozambique. Citons encore 
le Bryologia javanica, commencé par M. Van den Bosch; les 
Annales Musei botanici Lugduno-batavi de M. Miquel; les Tabulæ 
phycologicæ de M. Kuetzing; le Selecta Fungorum Carpoloqia de 
MM. Tulasne; etc., etc. Un certain nombre de ces ouvrages ont été 
donnés au Musée par leurs auteurs. 

Nous ne saurions insister davantage, dans cette courte note, sur 
l'étendue de la bibliothèque. En général, toutes les publications 
botaniques parues depuis vingt ans, dont le bibliothécaire a eu con- 
naissance par la voie de la librairie ou par les dons des auteurs, 
doivent être ajoutées aux indications données dans le Musée bota- 
nique, pour qu'on comprenne l'importance des sommes consacrées 
annuellement à l'augmentation de ces collections. On n’a même pas 
voulu éliminer des acquisitions un grand nombre de florules locales 
des pays étrangers, bien qu’elles soient fort rarement consultées à 
Paris. Les journaux périodiques, même ceux qui sont exclusivement 
consacrés à l’horticulture, ont leur place marquée dans les cases de 
la bibliothèque, et les lacunes qui peuvent s’y trouver doivent être 
attribuées à l'indifférence singulière que beaucoup de libraires pari- 
siens ont pour les intérêts de leurs correspondants étrangers ou des 
personnes qui placent chez eux des livres en dépôt. 

Ces notes suffisent pour indiquer l'importance des collections bo- 
taniques dont nous parlons; mais aucun témoignage écrit ne pour- 
rait rendre compte de l’utilité pratique qu’elles présentent, grâce à 
l'aménagement intérieur du Musée destiné à faciliter le travail de 
quiconque y est admis dans les salles de travail, où l’on se trouve 
dans des conditions toutes différentes de celles des bibliothèques 
publiques, Tous ceux qui y sont entrés savent qu’on y peut con- 
sulter simultanément tous les livres nécessaires à des recherches 
d'ensemble et compulser l’herbier en même temps que la biblio- 
thèque, avantage inappréciable. Les connaissances étendues du con- 
servateur des collections, M. Lasègue, et son obligeance inépuisable 
sont souvent mises à profit par les botanistes qui fréquentent le 
Musée ; il n'est guère de sujet sur lequel son expérience bibliogra- 


6 PA CONGRÈS INTERNATIONAL DE BOTANIQUE. 


phique ne puisse venir en aide à leurs recherches, et l’auteur de 
cette notice saisit avec empressement l’occasion de reconnaître le 
secours précieux qu'il a trouvé dans ses lumières, notamment pour 
des recherches sur les plantes connues des anciens. Bien qu’un des 
derniers venus dans la science, il est un de ceux qui sentent le plus 
vivement tout ce qui est dû de reconnaissance à une famille dont les 
membres se transmettent depuis quarante ans le titre glorieux et 
mérité de Mécènes de la, botanique. EUG. FOURNIER. 


RAPPORT SUR L’HERBIER DE M. LE DOCTEUR E. COSSON. 


Depuis que les collections de Ph. Barker-Webb ont été léguées 
par lui au Musée grand-ducal de Florence ; que M. le comte Jaubert 
a fait transporter les siennes dans son domaine du Berry, et que 
l’herbier de M. J. Gay, soustrait par la mort de notre si regretté 
confrère aux investigations des botanistes, attend que ses héritiers 
trouvent un acquéreur, les seules collections particulières impor- 
tantes que l'on puisse étudier à Paris sont, après celles de M. Fran- 
cois Delessert, celles deM. le comte Albert de Franqueville et celles 
de M. Cosson. 

L'absence de M. le comte A. de Franqueville empêchait une visite 
qu'il eût été le premier à solliciter du Congrès; on aurait admiré 
chez lui l'importance d’un herbier qui contient presque tous les 
exsiccata distribués depuis vingt ans, et qui, très-riche en plantes 
françaises, s’est accru considérablement par l'acquisition des her- 
biers d'A. Richard et de Steudel. L'importance de ces collections 
est d'autant plus grande que M. de Franqueville, ne s’occupant lui- 
même d'aucune monographie générale, se fait un point d'honneur 
de communiquer ou d'envoyer ses plantes aux monographes fran- 
cais ou étrangers, et qu'il en résulte pour lui la possession de 1ypes 
précieux et authentiques. 

Chez M. Cosson, le Congrès devait trouver un herbier fort étendu 
également, moins général, mais doué d’un intérêt plus spécial, tant 
à cause des nombreux travaux auquels il a servi de base et dont il 
contient les types, que par le soin avec lequel il est journellement 
déterminé par M, Cosson et classé par son ami et conservateur 
M. L. Kralik. 

Les collections de M. Cosson se composent d'une bibliothèque 
botanique comprenant les ouvrages généraux et la plupart des 


RAFPORT SUR L'HERBIER DE M. COSSON. 939 


publications sur la flore de l'Europe, sur celle du bassin méditerra- 
néen et sur celle de l'Amérique du Nord, d’un herbier général, d'un 
herbier spécial des environs de Paris, d’un herbier spécial d’Abys- 
sinie et d'un herbier du Gap en voie de formation. 

L'herbier général se compose de plus de 1200 paquets et ren- 
ferme environ 50000 espèces. — Les fascicules placés dans des 
casiers sont serrés entre des cartons uniformes maintenus par une 
seule courroie. — Les genres et les espèces sont classés d’après le 
Prodromus de De Candolle, et d'après des monographies ou les 
ouvrages les plus récents pour les familles qui n’ont pas été traitées 
dans le Prodrome. — Les familles et les genres sont indiqués par 
des étiquettes saillantes portant, pour faciliter les recherches, l’in- 
dication des numéros d'ordre et, de plus, celle du volume et de la 
pagination des ouvrages adoptés pour la classification. — A chaque 
espèce est attribuée une feuille double de papier fort et collé formant 
chemise, portant épinglée à son angle antérieur et inférieur une 
étiquette donnant le numéro d’ordre de l'espèce, son nom, ses prin- 
cipaux synonymes et les régions d’où proviennent les échantillons. 
Une chemise spéciale est attribuée aux plantes originaires de 
l'Algérie, du Maroc et de la Tunisie, qui sont plus particulièrement 
l'objet des études actuelles de M. Cosson; les chemises des espèces 
de cette flore sont munies d’une étiquette bleue qui permet d’ex- 
traire facilement l’herbier algérien. — Les genres et les espèces non 
décrits dans les ouvrages suivis pour le classement sont rangés 
alphabétiquement en tête de leurs familles ou de leurs genres. — 
Les genres très-nombreux en espèces sont subdivisés par des éti- 
quettes de couleur, indiquant les sections du genre et les numéros 
des espèces qu’elles comprennent. Pour ces grands genres, tels que 
les Astragalus, les Senecio, les Panicum, etc., les espèces récem- 
ment décrites sont rangées alphabétiquement en tête de leurs sec- 
tions. 

Les paquets de l’herbier sont superposés en lignes verticales qui 
se suivent de gauche à droite. Cette disposition et les indications 
portées sur les étiquettes saillantes permettent d'arriver, avec la 
plus grande célérité, aux genres et aux espèces objets d’une recher- 
che, car il suffit de se repérer, pour cette recherche, sur la numéra- 
tion du Prodromus ou des autres ouvrages classiques. Ainsi le 
Nomenclator botanicus de Steudel, l ]ndex de Buek et les tables de 
l'Enumeratio de Kunth servent de véritable répertoire pour l’her- 
bier. 


23/ CONGRÈS INTERNATIONAL DE BOTANIQUE. 


Tous les échantillons de l’herbier ont été passés à la solution 
alcoolique de sublimé corrosif. Ils sont fixés sur des feuilles simples 
de papier blanc, au moyen de bandelettes de papier gommé, atta- 
chées chacune sur la feuille par une épingle; les étiquettes sont 
fixées aussi au moyen d’une épingle au-dessous des échantillons 
auxquels elles se rapportent. Get arrangement, par lequel on a pu 
grouper souvent sur une même feuille des échantillons de diverses 
provenances et condenser ainsi l’herbier, permet de passer rapide- 
ment en revue tous les échantillons d’une espèce, et de les examiner 
sur leurs deux faces sans aucune chance de confusion. Les fleurs et 
les parties de fleurs, les graines et les fruits détachés sont conser- 
vés dans des sachets de papier mince et souple, faciles à ouvrir, et 
collés à côté de l'échantillon dont ils proviennent. 

Les plantes destinées à entrer dans l'herbier sont, aussitôt après 
leur empoisonnement, classées par familles et par genres, et forment 
un herbier provisoire intercalaire muni d'étiquettes génériques, et 
reproduisant exactement le cadre et la numération de l’herbier lui- 
même, 

L’herbier général renferme des espèces de toutes les parties du 
monde, et en nombre suffisant pour représenter la série des familles 
et des genres; mais son intérêt scientifique consiste surtout dans sa 
richesse pour l'hémisphère boréal. — Les espèces des flores de 
l'Europe, de l’Asie tempérée, de l'Afrique septentrionale, de l’Amé- 
rique du Nord y sont généralement représentées par de nombreux 
échantillons. On y trouve plus particulièrement d'importants docu- 
ments sur la végétation du nord de l’Europe, de l’Europe centrale, 
de toutes les contrées du bassin méditerranéen, tant européennes 
qu’asiatiques et africaines, et des États-Unis. L'herbier offre, en outre, 
la plupart des exsiccata formés dans les pays ayant des aflinités avec 
la flore du bassin méditerranéen ou avec la flore désertique de 
l'Afrique, tels que la Perse, l’Arabie, le littoral de la Mer-Rouge, 
l'Égypte, l'Éthiopie, les Açores, Madère, les Canaries, etc. — La 
flore des anciens États barbaresques, objet des travaux actuels de 
M. Cosson, est naturellement représentée très-largement dans son 
herbier, tant par les résultats de ses voyages en Algérie que par les 
nombreuses communications des botanistes algériens. Pour les États 
de Maroc et de Tunis, l’herbier renferme à peu près l'ensemble des 
espèces qui y ont été jusqu'ici constatées, 

La région équatoriale ne figure guère dans l’herbier qu'au point 
de vue de la représentation des principaux types génériques. 


RAPPORT SUR L’'HERBIER DE M. COSSON: 235 


Parmi les contrées ne rentrant pas dans le cadre spécial de l'her- 
bier, et dont cependant M. Cosson possède un assez grand nombre 
d'espèces, nous pouvons citer l'Inde, la Chine, le Japon, l’Abyssinie 
(à laquelle, comme nous l'avons déjà dit, est consacré un herbier 
spécial), le Sénégal, le Gap, l'Australie. 

M. le comte A. de Franqueville s’est fait an plaisir d'offrir libéra- 
lement à son ami M. Cosson, la plupart des plantes qu'il possédait 
en double dans son magnifique herbier général, qui renferme, comme 
le savent tous les botanistes, presque toutes les collections classiques 
et presque tous les essiccata. M. Cosson lui doit, entre autres col- 
lections de première valeur, la série complète des plantes recueillies 
par Quartin-Dillon et Petit en Abyssinie. 

M. de Tchihatchef, avant de disposer de son herbier en faveur de 
la Société botanique, a généreusement offert à M. Gosson toutes les 
plantes qu’il avait recueillies dans l’Altaï et Asie-Mineure, plantes 
qui, ayant été déterminées par MM. C.-A. Meyer, Fischer et Boissier, 
sont autant de types précieux. 

Plusieurs collections intéressantes ont été acquises par M. Cosson 
lors de la vente des plantes non intercalées laissées par M. J. Gay. 

L’herbier de M. Maille, réparti en collections après la mort de ce 
botaniste, a fourni également l’occasion de combler d'importantes 
lacunes, et c’est à cet herbier que M. Gosson doit, entre autres, la 
collection classique d’Aucher-Éloy. 

L’herbier de M. Cosson vient de recevoir un accroissement consi - 
dérable, surtout pour les flores exotiques, par l’adjonction d’une 
grande partie de l’herbier du regrettable M. Maire. En 1566, 
M. Maire, en raison de son grand âge, ne pouvant plus s'occuper de 
botanique, mais désirant néanmoins que son herbier contmuât à 
profiter à la science, en a fait généreusement don à son ami M. E. 
Cosson. M. Cosson s’est réservé des échantillons des plantes les plus 
rares des environs de Paris, extraites de l’herbier spécial consacré à 
la flore de Paris par M. Maire, quelques plantes intéressantes de 
France et d'Europe ; pour l'Asie, des plantes de la flore des Indes et 
de Java récoltées par M. Bélanger, des plantes de Sibérie de divers 
collecteurs; pour l’Afrique, les plantes du Sénégal de MM. Le Prieur 
et Perrottet, du Cap de Drège et Ecklon, de Sieber et de MM. Ver- 
reaux, de l’île Maurice de Sieber et de Bélanger, de Bourbon 
de Goudot et de M. Perrottet, de Madagascar de Goudot; pour 
l'Amérique du Nord, les plantes du Canada, des États-Unis et du 


236 CONGRÉS INTERNATIONAL DE BOTANIQUE. 


Mexique acquises de Leman et de Schleicher, de Porto-Rico de Ber- 
landier, de Saint-Domingue et de la Guadeloupe acquises de Leman 
et de Schleicher, de la Guyane de MM. Perrottet et Le Prieur , les 
plantes de ce dernier pays et de la Colombie acquises de Leman et 
de Schleicher, du Pérou et de la Patagonie acquises des mêmes bota- 
nistes, les plantes du Brésil de Blanchet et de Claussen, les plantes 
du Chili de Bertero ; pour la Nouvelle-Hollande, les plantes de La Bil- 
lardière et de Sieber ; les plantes des îles Sandwich de Gaudichaud ; 
des îles Mariannes de M. Perrottet; des îles Philippines de divers 
collecteurs; de la Nouvelle-Calédonie de La Billardière, ete. — 
L'herbier de M. Maire a fourni en outre plusieurs exsiccata, tels que 
celui d'Autriche de Sieber; une partie de celui de l'Allemagne de 
M. Reichenbach père; celui de Suisse de Seringe; une partie de 
ceux du Cap, de Maurice et de la Nouvelle-Hollande de Sieber, etc. 
Les collections de M. Cosson doivent encore à l’herbier de M. Maire 
une nombreuse série de plantes cultivées au Jardin de Berlin, pré- 
parées et étiquetées avec le plus grand soin par M. de Schænefeld et 
comprenant de précieux types des espèces décrites par Kunth dans ses 
grands ouvrages, une autre série encore plus nombreuse de plantes 
recueillies par M. Maire lui-même dans les jardins botaniques de 
Paris, d'Avignon, de Montpellier, etc., ainsi qu'un grand nombre 
d'espèces de diverses provenances offertes à M. Maire par le Muséum 
d'histoire naturelle et par M. Delessert. 

Pour faire mieux apprécier l’importance scientifique de l’herbier 
phanérogamique de M. Cosson, nous terminerons cette note par 
l'énumération suivante des principales collections qu’il renferme, 
mentionnées par ordre géographique avec les noms des botanistes 
auxquels elles sont dues. 


EUROPE. 


Péninsule scandinave, Danemark, îles Feroë et Spitzherg. 
Andersson, Angstrüm, Blytt, Boissier, Feliman, Lange, Lefler, Linde- 
berg, Ch. Martins, Nyman, Reuter, Wahlberg, Wickstrôm, etc. 
Angleterre. 
J. Ball, Bennet, Henfrey, etc. 
Russie ei Principautés danubiennes. 
Aucher-Éloy, Dumont-d'Urville, Eversmann, Guébhard, Kühlewein, 
C.-A. Meyer, Musée de Saint-Pétersbourg, Regel, Saint-Supéry, Czer 
niaiew, de Tchihatchef, Turezaninow, etc. 


RAPPORT SUR L'HERBIER DE M. COSSON. 237 


France. 

Plantes des diverses régions et de presque tous les botanistes français, ainsi 

que tous les principaux eæsiccata publiés. 
Allemagne et Suisse. 

Albers, C. Billot, Boissier, Bourgeau, Cosson, Dænen, Huter, Facchini, 
Funk, Kühlewein, Kunth, de Janka, Lagger, de Parseval, Petter, de 
Pittoni, Reichenbach fils, Reuter, de Schænefeld, F. Schultz, Schultz 
Bip., Seringe, Sieber, Sonder, Welwitsch, Wierzbicky, Wimmer, 
Wirtgen, plantes des comptoirs d'échange de Strasbourg et de Vienne, etc. 

Péninsule ibérique et îles Baléares. 

J. Ball, Blanco, Boissier, Bourgeau, Cambessèdes, Pedro del Campo, Car- 
reno, Dufour, Durieu de Maisonneuve, Élizalde, Funk, Graells, Guirao, 
Hochstetter, Lagasca, Lange, P. Marès, Monard, Rambur, Reuter, 
Salzmann, Webb, Welwitsch, Willkomm, etc. 

Corse et Sardaigne. 

Bourgeau, de Forestier, Huet-du-Pavillon, Kralik, Mabille, Moquin-Tandon, 

Moris, Müller, Requien, Soleirol, Thomas, etc. 
Italie et Sicile, 

J. Ball, Bertoloni, Caruel, Cesati, Cosson, Dænen, de Franqueville, Gas- 
parrini, Gussone, de Heldreich, Huet-du-Pavillon, Huguenin, Kralik, 
Malinverni, Parlatore, Pasquale, Requien, Rostan, P. Savi, Tenore, 
Tineo, Todaro, Webb, Zeyher, etc. 

Turquie d'Europe, Grèce et Archipel. 


Aucher-Éloy, Clementi, Dumont-d’Urville, de Heldreich, Lagrange, Raulin, 
Sartori, Sieber, G. Thuret, etc. 


ASIE. 
Russie d'Asie et Caucase. 

Becker, Bunge, Eversmann, Hohenacker, Kittaref, Kühlewein, Lehmann, 
Maximowicz, Musée de Saint-Pétersbourg, Schrenk, Szovits, de 
Tchihatchef, etc. 

Asie-Mineure, 

Aucher-Élov, Balansa, Boissier, Bourgeau, Haussknecht, de Heldreich, 

Huet-du-Pavillon, Kotschy, Coquebert de Montbret, Pinard, etc. 
Syrie et Palestine, Chypre. 


Aucher-Éloy, Blanche, Boissier, Bové, Gaillardot, Kotschy, Ch. Martins, 
Michon, Pinard, etc. 


Arabie. 
Aucher-Éloy, Boissier, Bové, Pinard, Schimper, etc. 
Perse, 


Aucher-Éloy, Kotschy, etc, 


238 CONGRÈS INTERNATIONAL DE BOTANIQUE. 


Mésopotamie. 
Aucher-Éloy, Kotschy, Noë, etc. 
Indes. : 

L'importante collection de MM. J.-D. Hooker et Thomson, généreusement 
offerte à M. Cosson par M. J.-D. Hooker, des plantes de Bélanger, 
Metz, Perrottet, Thwaites, Wallich, etc. 

Chine. 
Plantes des environs de Canton et de Hong-Kong reçues de M. Hance. 


Japon. 
Collection de M. Maximowicz. 


Java. 
Plantes de Blume et de Zollinger reçues en don de M. A. de Franqueville. 


AFRIQUE. 


Algérie, Tunisie et Maroc. 

Balansa, J. Ball, Blanche, Boissicr, Bourgeau, Bové, Broussonnet, 
A. Charoy, Choulette, Clauson, Cosson, Debeaux, Delestre, Du Colom- 
bier, Durand, Durando, Durieu de Maisonneuve, Duval-Jouve, Espina, 
Geslin, P. Jamin, Kralik, Krémer, Lagrange, Lefebvre, Lefranc, 
Lenepveu, A. Letourneux, P. Marès, Ch. Martins, Mialhes, Monard, 
Munby, Naudin, Paris, H. de la Perraudière, Reboud, Reuter, Salle, 
Salzmann, Schimper, Sollier, Thevenon, Warion, Webb, Zickel, etc. 

Sahara au sud de l'Algérie. 

H. Duveyrier. 

Cyrénaiïque. 

Plantes de Pacho. 

Égypte, Nubie et Cordofan. 

Aucher-Éloy, Baudouin, Bové, Delile, Figari, Gaillardot, Husson, 
Kotschy, Kralik, Ch. Martins, Martins père, Raddi, Samaritani, Schim- 
per, Schweinfurth, Sieber, Wiest, etc. 

Abyssinie, 
Quartin-Dillon et Petit, Rochet-d'Héricourt, Schimper. 
Açores et Madère. 
Hochstetter, Mandon. 
Canaries. 
Bolle, Bourgeau, H. de la Perraudière, Pérez, Sagot, Webb, etc. 
Sénégal. 
Plantes de Heudelot, Le Prieur et Perrottet, 
Cap. 
De Castelnau, plantes de Drège et Ecklon, de Sicher, de Verreaux. 


RAPPORT SUR L'HERBIER DE M. COSSON. 239 


AMÉRIQUE. 

Grœnland et Labrador. 

Plantes récoltées par les frères moraves et reçues en don de M. Webb. 
Amérique anglaise. 

Bourgeau, plantes de Michaux recues en don de M. A. de Franqueville. 
Montagnes-Rocheuses. 

Bourgeau, collection complète de MM. Hall et Harbour. 
États-Unis. 

Bosc, Carey, Darlington (herbier du West-Chester), plantes de Drum- 
mond, Elliot, Engelmann, plantes de Frank, Geubel, A Gray, Hall 
(herbier de l'Illinois), Hartmann, La Pvylaie, plantes de divers collecteurs 
reçues de M. A. Lenormand ou acquises de l’herbier de M. Maille, 
Ménard, Minn (kerbier de Pennsylvanie), Salneuve, Sartwell (collection 
de Carex), Short (collection de Glumacées), Torrey, etc. 

Texas et Nouveau-Mexique. â 

Plantes de Lindheimer et de Fendler. 

Mexique. 
Plantes de MM. Botteri, Virlet-d’Aoust et de divers collecteurs. 
Antilles. 

Bélanger (Fougères de la Martinique), Ramon de la Sagra, plantes de 

Cuba reçues en don de M. A. de Franqueville. 


Guyane. 
Plantes de MM. Sagot et Le Prieur, de Richard, et de divers collecteurs. 


Bolivie. 
Plantes de M. Mandon. 


Brésil. 
Plantes de Blanchet et de Claussen et de divers collecteurs reçues en don 


de M. de Franqueville. 


Chili. 
Plantes de Bertero et de Lechler reçues pour la plupart en don de M. de 


Franqueville, 
AUSTRALIE, 


Australie, Nouvelle-Zélande et Tasmanie. 
Plusieurs envois importants de M. F. Müller. 
POLYNÉSIE, 


Nouvelle-Calédonie. 
Plantes de M. Vieillard reçues en don de M. R. Lenormand. 


210 CONGRÈS INTERNATIONAL DE BOTANIQUE. 


Parmi les nombreux exsiccala que renferme l’herbier phanéro- 
gamique, nous nous bornerons à citer les principaux : Aucher-Éloy, 
Balansa, Becker, Blanche, C. Billot, Bordère, Bourgeau, Bové, 
Caruel, Gesati, Ghoulette, Clauson, Endress, Fellman, Gaillardot, 
Hall et Harbour, Huguenin, Kotschy, Kralik, Martin , Philippe, 
Puel et Maille, Reliquiæ Lehmannianæ, Reliquiæ Mailleanæ, P. Savi, 
Schrenk, F. Schultz, Sieber, Szovits, Wimmer, Wirtgen, etc. 

L'herbier cryptogamique, bien qu’il soit moins riche que l’herbier 
phanérogamique, offre cependant des documents importants. 

Les Characées ont été revues et enrichies par M. Al. Braun, — 
Les A/ques comprennent presque toutes les espèces françaises reçues 
en don de MM. Chauvin et R. Lenormand, ou faisant partie des 
ezsiccatæ de MM. Lloyd et Le Jolis. Les Algues de l'Australie sont 
représentées par plusieurs envois de M. F. Müller. M. R. Lenor- 
mand à enrichi l’herbier d'un grand nombre d'espèces exotiques. — 
Les Lichens ont été revus par M. Nylander, qui a comblé les prin- 
cipales lacunes pour la flore de France et d'Europe. Les espèces sont 
représentées surtout par les échantillons recus de MM. Chauvin, 
R. Lenormand, Mougeot, Nyman, et par quelques fascicules de 
l'exsiccata de Schærer. — Les Hépatiques sont représentées par des 
échantillons reçus de MM. R. Lenormand, Mougeot, Prost et une , 
belle collection de M. Müller Arg. —- Les Mousses, revues et libéra- 
lement enrichies par M. Schimper, renferment l’exsiccata du Bryo- 
logia Europæa, la collection bryologique de Bory de Saint-Vincent, 
riche en Mousses de Bourbon, décrites par Bridel d’après ces échan- 
tillons, et offrant de précieux types de Hooker, Frælich, Palisot de 
Beauvois, Walker-Arnott, etc. Les Mousses de France sont largement 
représentées en outre par les récoltes ou les dons de MM. de Brébisson, 
Durieu de Maisonneuve, R. Lenormand, Maire, Mougeot, Prost, 
Cosson, etc. 

L'herbier cryptogamique comprend, outre les exsiecata déjà 
mentionnnés, ceux de Mougeot, une partie de celui de Rabenhorst, 
et celui des Mousses des environs de Paris publié par MM. Roze et 
Bescherelle, Euc. FOURNIER. 


NOTE SUR LES COLLECTIONS BOTANIQUES DU MUSEUM. 


Les membres du Congrès ont été reçus au Muséum d'histoire 
paturelle, le jeudi 22 août, par MM. Brongniart et Decaisne, pro- 


COLLECTIONS BOTANIQUES DU MUSEUM. 2h1 


fesseurs-administrateurs, assistés de MM. Tulasne et Naudin, aides- 
naturalistes. Ils ont pu faire, sous leur savante direction, une revue 
des diverses collections botaniques du Muséum, assurément remplie 
d'intérêt, suffisante pour en remporter une impression générale et 
grandiose, mais insuflisante pour en connaître les richesses et pour 
savoir quel concours ils pourraient en attendre pour leurs études. 
C'est dans l'intention de combler cette lacune que le présent rapport 
a été rédigé, grâce aux notes exactes et actuelles qui ont été obli- 
geamment fournies par MM. Brongniart et Decaisne, ou empruntées 
à des documents déjà publiés. On s’est flatté de saisir l’occasion 
de résumer l'histoire et d'indiquer l’état actuel des collections bota- 
niques du Muséum, ce qui n’a jamais été entrepris d’une manière 
spéciale. 

Ces collections forment deux départements distincts : les collec- 
tions de plantes vivantes, placées dans leur ensemble sous la direc- 
tion supérieure du Professeur de culture, et l'École de botanique 
ainsi que les herbiers et leurs annexes, placés sous celle du Profes 
seur de botanique. 

Les collections de plantes vivantes comprennent ainsi : 4° l'École 
de botanique ; 2 les Écoles des arbres fruitiers et des plantes 
potagères ou économiques ; 3° les serres; 4° les pépinières ; 5° le 
service des graines, 

I. L'École de botanique, qui, au siècle dernier, était au Muséum 
la véritable et presque la seule collection botanique qui servit à 
l'étude, est universellement reconnue pour la plus vaste et la plus 
riche qu'il y ait aujourd’hui en Europe. Elle offre une surface de plus 
de 2 hectares. Le nombre des plantes qui y sont cultivées est environ 
de 12 000. Elle admet 3 ou 4000 plantes qui sont rentrées tous les 
ans dans les serres. Toutes les plantes y sont munies d’une étiquette, 
indiquant leur nom en latin, leur patrie et leur usage. 

En 1843, la nécessité de replanter l’École et d'en doubler presque 
l'étendue fournit à M. Ad. Brongniart l’occasion de la distribuer 
suivant une classification nouvelle qui lui appartenait et qu'il 
a exposée dans son Énumération des genres de plantes cultivés 
au Muséum d'lustoire naturelle de Paris (1). On sait qu'après 
les Cryptogames et les Monocotylédonés, la série instituée par 
M. Brongniart se continue par les Gamopétales, les Dialypétales 


(1) Une deuxième édition de cet ouvrage a été publiée en 1850, 
CONGRÈS BOT, 16 


D 


A2 CONGRÈS INTERNATIONAL DE BOTANIQUE. 


(où sont intercalés les Apétäles angiospermes d’Adrien de Jussieu), 
etse termine par les Gymnospermes. C’est la nécessité d'appliquer 
sa méthode à la plantation d’un jardin qui a forcé M. Brongniart de 
suivre cette marche : « Si javais eu, dit-il, intention de passer du 
» simple au composé, comme pour les Monocotylédons, j'aurais dû 
» commencer par les Gymnospermes, puis par les Dialypétales, 
» et, dans un livre, ce serait probablement la marche la plus natu- 
» relle à suivre. » 

En replantant l'École, on a respecté, dans la crainte de les dé- 
truire, quelques arbres qui existaient dans l’ancienne École créée par 
Desfontaines en 1824, et qui sont parvenus aujourd’hui à un degré 
remarquable de croissance; parmi eux, nous citerons un Drospyros 
calycina, les Cornus mas, C. sanquinea, C. lutea, un Juglans ole- 
væformis d'environ 45 mètres de hauteur, un Cratæqus Azarolus 
de 10 mètres, un exemplaire du rare Pirus sinaica Thouin, un 
Genista œtnensis, un Pistacia chia, un Carya amæna ; plusieurs 
Quercus, Q. Turneri (Q. Pseudosuber Santi), Q. crinita (de 12 
mètres de hauteur), Q. Ægilops (Q. macrolepis Kotschy) , Q. Pseudo- 
suber Desf. Il faut noter surtout le célèbre Penus Laricio planté 
par Laurent de Jussieu en 1774, et dont la hauteur est de 24 mètres. 

L'espèce est entendue à l’École de botanique dans le sens le plus 
large; cependant, dans quelques cas, pour éclairer les botanistes 
sur la valeur des formes élevées au rang d'espèce par quelques 
auteurs modernes, on a cherché à réunir toutes les formes con- 
nues de certains genres indigènes. C’est ainsi que les ARosa sont 
actuellement représentés par 128 types, et les Sempervivum 
par 75. 

L'École de botanique (Jardinier-chef : M. B. Verlot) est, par son, 
étendue, par le nombre des plantes qu'elle contient et par le soin 
qu'on met à leur étiquetage, la régulatrice de toutes celles qui 
existent en France ; on peut mème ajouter qu'elle en est la pour- 
voyeuse, car c’est d'elle que toutes nos écoles secondaires tirent la 
majeure partie de leurs plantes. 

Le rôle qu’elle remplit vis-à-vis de la province est aussi celui des 
diverses sections du service des cultures, où la province et les colonies 
viennent puiser à pleines mains. On a lu plus haut (p. 42), dans 
une communication de M. Weddell, ce que ladministration du 
Muséum, bornée à ses seules ressources, avait fait pour l’acclimata- 
tion du Quinquina, et il n'est pas besoin de rappeler ici que c’est 


COLLECTIONS BOTANIQUES DU MUSÉUM. 23 


encore du Muséum qu'est sorti le Caféier, qui a fait la fortune de 
nos colonies des Antilles. C’est du Muséum que nos provinces du 
Midi ont reçu le Mürier des Philippines; celles de toute la France, 
le Sophora du dapon, le Gleditschia sinensis, le Planera, le 
Juglans nigra, le Paulownia, le Robinia, V'Aïlante, sur lequel on a 
espéré fonder une industrie séricicole nouvelle, et enfin une quan- 
tité d'arbres résineux dont l’économie forestière s'empare tous les 
jours. Même dans l'industrie plus modeste des fleurs, le Muséum a 
rendu des services qui ne sont pas à mépriser, si l’on envisage la 
multiplicité et l'étendue des intérêts qui y sont engagés aujourd’hui. 
Cest lui qui a procuré à l’horticulture d'agrément, depuis le com- 
mencement de ce siècle, le Dahlia, les Chrysanthèmes de la Chine 
et de l'Inde, le C'obæa, la Sauge et le Lin à fleurs rouges, et vers le 
milieu du siècle dernier, la Reine-Marguerite, plantes dont la 
culture fait vivre aujourd’hui des milliers d'hommes. 

En outre, au cours de culture est annexé, près de l’École de bota- 
nique, et communiquant avec elle, un jardin d'expériences, qui 
ne peut se prêter à des indications détaillées, parce que la dis- 
position en est renouvelée constamment selon les essais qu’on y 
doit faire. Il suffit d’en mentionner l'existence pour que l’on en 
conçoive l'utilité. Cest là que M. Naudin a fait ses expériences sur 
les hybrides végétaux, ses cultures spéciales de Cucurbitacées ; on a 
pu y voir souvent des semis de plantes nouvelles, précieuses acqui- 
sitions pour l’horticulture, qui se répandent sans que toujours on en 
connaisse la source ; l'administration du Muséum, qui possède à 
peine le nombre d'ouvriers nécessaires pour exécuter ce qu’elle con- 
çoit, n’a pas le loisir de faire valoir les services qu’elle rend. Pour ne 
parler que des tentatives les plus récentes, il y a deux ans, c’étaient 
les graines envoyées de Chine par l’abbé David, qui, à l’aide de 
soins bien entendus, produisaient un grand nombre de plantes nou- 
velles ; cette année, c’étaient les semis des graines provenant de 
l'expédition scientifique du Mexique, et envoyées par M. Bourgeau, 
qui excitaient l'attention des naturalistes. On remarque dans le 
jardin d'expériences un aquarium pour plantes de marais, une 
collection d’/soetes, une fougeraie, etc. 

Il. L'École des arbres fruitiers, confiée aux soins de M. Cappe, 
jardinier, renferme une collection spéciale d'arbres fruitiers, unique 
en Europe, qui a reçu les accroissements suivants : 


24h CONGRÈS INTERNATIONAL DE BOTANIQUE. 


En 1800 elle contenait 178 variétés de Poiriers, 54 de Pêchers. 


1830 — 262 — — 19  — 
4863 — , 41143 — — 232 — 
41867 — 1433 — — 287 — 


Cette collection sert de base à une publication magistrale et bien 
connue, que l'on doit à M. le professeur Decaisne, le Jardin fruitier 
du Muséum, parvenue aujourd'hui à son VIIT volume. La rigueur 
des déterminations synonymiques adoptées dans cette publication et 
par conséquent dans l'École, est si bien reconnue, que la plu- 
part des sociétés d'horticulture de France et d'Allemagne s’adres- 
sent au Muséum pour obtenir des greffes des espèces et des varié- 
tés qui y sont cultivées, et qu’elles regardent avec raison comme les 
étalons de l’arboriculture fruitière. 

HI. Les serres (Jardinier-chef: M. Houllet) comprennent plusieurs 
locaux distincts : un grand corps de bâtiment, construit vers 1800, 
et désigné sous le nom d'Orangerie, cette dernière sous la sur- 
veillance de M. Ruhoell; deux grands pavillons vitrés du côté du 
midi, renfermant l’un des plantes de serre tempérée, l’autre des 
Palmiers; une serre courbe divisée en deux étages, et une serre 
chaude partagée en trois compartiments, et renfermant l'aquarium 
dans celui du milieu ; enfin, plusiéurs petites serres de moindre 
importance consacrées à la multiplication. 

Il ne peut entrer dans notre plan d'indiquer le grand nombre de 
végétaux conservés dans les serres du Muséum; mais nous ne pou- 
vons nous dispenser de signaler ceux qui sont le plus intéressants 
par leur développement ou par leur rareté, savoir : 

4° Dans le Grand pavillon tempéré : 

Livistona australis, Cupania Cunninghami, Chameærops 
Griffithiana, Jubæœa spectabilis, Cocos australis, Musa 
Ensete. 

2° Dans le Grand pavillon des Palmiers : 

Corypha umbraculifera, Astrocaryum  Ayri, Livistona si- 
nensis, Thrinax radiata, Martinezia caryolæfolia, Areca 
Verschaffeltit, Cupania filicifolia, Ravenala  madagas- 
cariensis, Garcinia lancifolia, Crescentia regalis. 

3° Serre courbe supérieure : 

Une belle collection d’Euphorbes charnus, de Cactées, d'Agave, 
et surtout un grand nombre d'espèces de Zanua, d'Ence- 


COLLECTIONS POTANIQUES DU MUSÉUM. 245 


phalartos et de Dion, que l’on à pu voir en fleur l'été 
dernier. 
4° Serre courbe inférieure : 

Ceæsalpinia echinata, Cycas circinalis, C. caledonica, C. Riu- 
miniana, C. revoluta, Cocos nucafera, Napoleona impe- 
rialis, Mappa Porteana, Curatella imperialis, Latania 
rubra, Pinanga latisecta, Calophyllum Calaba, Monocera 
grandiflora, Heritiera macrophylla, Guyacum officinale, 
Mangifera indica, Dracæna marginata, plusieurs espèces 
de Rhopala, etc. 

5° Serre chaude : 


Premier compartiment : 

Orchidées réunies en collection ; Marantacées, la plus belle collec- 
tion qui existe, et qui a fourni des matériaux aux travaux de M. A. 
Gris sur cette famille; Galactodendron utile, Antiaris toxicaria, 
Acantholoma spinosum, Ruischia Souroubea, Theophrasta Jus- 
sieui, plusieurs espèces nouvelles de Pandanus. 


Deuxième compartiment : 
Des Aroïdées, des espèces remarquables de Freycinetia, de Car- 
ludovica et de Nepenthes, et les plantes qui ornent l'aquarium, 
Nymphœa, Euryale, Victoria reqia, Neptunia natans. 


Troisième compartiment : 

Fougères exotiques, réunies en nombreuse collection, où l'on 
remarque l'Angiopteris evecta, des Marattia, des Cyathea, des 
Alsophila ; une très-belle collection de Clusiacées; le TAeophrasta 
macroplylla, etc. 

Comme l’a reconnu en 1858 le rapporteur d’une commission 
chargée par l'administration supérieure d'étudier l’organisation du 
Muséum, et comme ne cesse de le répéter depuis longtemps le Pro- 
fesseur de culture, ces serres sont aujourd’hui littéralement encom- 
brées, et l'encombrement augmente sans cesse, tant par suite de 
l'accroissement des plantes déjà existantes que par les nouvelles 
acquisitions. On pourra s’en faire une idée en consultant le tableau 
suivant, qui indiquera d’une manière générale l'accroissement gra- 
duel des cultures (1) : 

(4) Ce tableau, comme le fait remarquer M. Decaisne, donne une preuve curieuse 


des oscillations que les circonstances politiques ont imprimées à l’accroissement des 
collections, De 1800 à 1815, le nombre total des plantes cultivées, loin de s’accroître, 


246 CONGRÈS INTERNATIONAL DE BOTANIQUE. 


AT 4 { Plantes de plein air... 5694 

Étaient cultivées en 4800 | PuteS HO tee TR 7440. 
Plantes de plein air... 5066 

C7 en 1815 ee de serre ..... tr 220 
{Plantes de plein air... 5639 

San en 4830 | biintes de serre :. = 3430 pa 


— en 1862 Plantes de plein air... 10105 


Plantes de serre..... 9300 13 155 (1). 


Il y à vingt ans que l'administration du Muséum demande l’achè- 
vement des serres, et a fait exécuter des plans à cet effet. Le système 
de chauffage employé, établi sous la direction de Gay-Lussac, 
pourrait être utilement amélioré, dans l'intérêt des cultures et d’une 
économie bien entendue. Quand l'administration supérieure le déci- 
dera, il y aura lieu, pour le service des serres, à des changements 
importants et nécessaires dans l'aménagement d’une partie considé- 
rable des collections botaniques du Muséum. 

IV. Les pépinières, fort considérables, sont confiées à M. Car- 
rière, bien connu par ses publications horticoles, par le Traité des 
Conifères parvenu à sa deuxième édition, etc. 

V. Enfin, le service des graines, dirigé par M. Albert Gault, mérite 
une mention distincte. Les graines, après la récolte, sont recueillies 
dans des laboratoires spéciaux où elles donnent lieu à trois manipu- 
lations distinctes. Placées dans des sacs, elles sont d’abord déposées 
au séchoir, ensuite classées par familles, puis, enfin, triées et mises 
en sachets étiquetés. Sur cette récolte, le Muséum prélève d’abord 
sa réserve. Le reste demeure à la disposition des établissements 
publics de France et de l'étranger, et des particuliers. La totalité 
des sachets de graines distribués par les soins de l’administration, 
soit aux établissements scientifiques français ou étrangers, soit aux 
colonies, soit enfin aux établissements privés ou aux particuliers, 
conformément au règlement constitutif du Muséum, s’élève annuel- 
lement à plus de 90 000. 

On aura une idée exacte de l'importance des concessions de 
graines, d'arbres et d’arbustes faites par le Muséum, tant en France 
qu'à l'étranger, par la reproduction de l’état ci-joint, emprunté aux 
registres de l'administration. 


avait diminué de 240 espèces. Ce fait s'explique par la rupture de nos relations avec 
l'Angleterre et avec les pays d'outre-mer, et prouve combien la science doit gagner à la 
stabilité de la paix, 

(1) Depuis 14862, l'augmentation du nombre des plantes cultivées soit en plein air, soit 
dans les serres, n’a pas été considérable. 


COLLECTIONS BOTANIQUES DU MUSÉUM. 2h7 


Ces concessions se sont réparties de la manière suivante, en 1858 : 


Établissements publics, te Ua eue. 178 envois. 
DAVATLÉ SE Paie ele ir cire eee cle sise en cas ee see 99 
Jardiniers-cultivateurs , . ...: ....,.....se....0e 68 
Employés supérieurs civils ou militaires, ......,... 18 
PALLICULIETSN Seat lets ea tele lee site ciel ahele tel ete NUerele 595 
Total.... 958 envois. 


Les herbiers et leurs annexes sont logés dans une galerie qui fait 
suite à celle de géologie et de minéralogie. 

Les herbiers sont placés au premier étage, où l’on trouve égale- 
ment le laboratoire de botanique et les cabinets occupés par les 
aides-naturalistes ; le rez-de-chaussée est occupé par d’autres collec- 
tions, sur lesquelles nous reviendrons tout à l’heure. 

Avant que le Muséum fût organisé sous la forme administrative 
actuelle, en 1793, les herbiers se composaient de quelques collec- 
tions distinctes : l’herbier de Tournefort, celui de Vaillant, les 
collections provenant des voyages de Commerson et de Dombey, qui 
n'avaient encore été ni étudiées ni classées. Ces collections, déposées 
dans un cabinet de ce qu’on nommait le Droquier du Jardin du ror, 
ne paraissent pas avoir jamais été mises à la disposition du public 
ni des savants. 

C’est au professeur Desfontaines qu’on doit d’avoir le premier, de 
1793 à 1797, formé par la réunion de ces collections et de quelques 
autres arrivées plus récemment au Muséum, l’herbier général qui a 
reçu plus tard de si grands accroissements. 

Il y ajouta quelques bois de diverses origines, provenant en par- 
ticulier de l’ancienne Académie des sciences, les fruits trop volu- 
mineux pour entrer dans les herbiers, et les objets de matière 
médicale qui formaient le droguier. 

Ce fut l’origine des collections qui remplissent actuellement les 
galeries de botanique. En 1802 (1° vendémiaire an X), d'après un 
catalogue sommaire des genres de l’herbier général dressé par Des- 
fontaines, il était renfermé dans 165 cartons et ne devait pas com- 
prendre alors plus de 40 000 à 12000 espèces. 

A côté de cet herbier général, on avait conservé intact l'herbier 
de Tournefort, qui a été maintenu ainsi jusqu’à ce jour. 

En 1833, avant le transport des collections botaniques dans les 
nouvelles galeries, l’herbier général occupait 344 cases, et pouvait 
être évalué de 25 000 à 30 000 espèces. Les herbiers de divers pays, 


218 CONGRÈS INT£RNATIONAL DE BOTANIQUE. 


conservés séparément, remplissaient 614 cases et comprenaient alors 
beaucoup d'espèces qui devaient être introduites dans lherbier 
général. 

En 1858, par suite de ces intercalations et de celles provenant des 
collections reçues depuis cette époque, notamment des envois faits 
par les voyageurs du Muséum, du don des herbiers de la famille de 
Jussieu, fait par les héritiers d'Adrien de Jussieu, ainsi que des 
herbiers du Brésil laissés par A. de Saint-Hilaire, l’herbier général 
occupait 1738 cases et comprenait environ 100 000 espèces. 

Actuellement l’herbier général occupe 2984 cases, et la moyenne 
des espèces étant de 33 par cases, il doit comprendre environ 
105 000 espèces. 

Tout cet herbier considérable est rangé par familles naturelles et 
par genres , suivant l'ordre du Genera plantarum d'Endlicher (1); 
les divers échantillons se rapportant à une même espèce, attachés 
sur des feuilles de papier, sont réunis dans une feuille servant 
d’enveloppe commune, et les trois quarts environ de ces espèces 
sont déterminées. 

Comme on le pense bien, c'est dans les familles qui ont été 
étudiées par des monographes français que lon rencontre le plus 
grand nombre de déterminations, précieuses alors par leur authen- 
ticité. 

Citons pour mémoire les Lichens classés par M. Nylander, les 
Urticées nommées par M. Weddell, les Amarantacées, Ghénopodées 
et Phytolaccées déterminées par M. Moquin-Tandon, les Planta- 
ginées et les Asclépiadées monographiées par M. Decaisne, les 
Bignoniacées par M. Bureau, les Solanées par Dunal, les Convolvu- 
Jacées par Choisy, les Composées en partie nommées par A.-P. de 
Candolle, les Malpighiacées étudiées par Adrien de Jussieu, les 
Mélastomacées nommées par M. Naudin, et revues cette année 
même par M. Triana. Il est sans doute à regretter que la détermi- 
nation et le classement des espèces dans les genres ne soient pas 
plus avancés dans la généralité de l'herbier, mais il faut reconnaître 
que dans l’état actuel des choses, avec le personnel restreint et les 
ressources très-bornées dont dispose le laboratoire de botanique, on 


(1) Quelques exceptions sont présentées par certaines familles, qui ont élé rangées par 
divers monographes dans l’ordre adopté par eux pour leurs travaux ; ainsi les Amaran- 
tacées et Chénopodées se trouvent distribuées suivant le classement adopté par M. Mo- 
quin-Tandon ; les Euphorbiacées, suivant la méthode de M, Baillon, etc, 


COLLECTIONS BOTANIQUES DU MUSÉUM. 219 


ne saurait guère exiger davantage. Il ne faut pas oublier ce qui a 
été fait pour arriver au classement tel qu'il existe aujourd'hui, et 
malgré des intercalations annuelles considérables : cette œuvre a été 
commencée, de 1832 à 1849, par M. Decaisne ; elle a été continuée, 
sous la direction d’Adrien de Jussieu d’abord, et ensuite sous celle 
de M. Brongniart, par le conservateur actuel de l’herbier, M. Spach; 
et les divisions et subdivisions génériques multipliées que ce der- 
nier a consignées dans les Suztes à Buffon, introduites par lui dans 
le classement de lherbier, y fournissent encore aujourd’hui des 
points de repère précieux dans la pratique. 

Outre l'herbier général, placé au premier étage des galeries de 
botanique, il existe dans les cabinets de ces galeries, soit au premier, 
soit au second étage, un grand nombre d’herbiers particuliers, soit 
des herbiers-types, soit des herbiers géographiques, conservés 
séparément. 

Ces herbiers-types conservés séparément sont ceux de : 


Tournefort, comprenant. ....... done 6180 espèces. 
Ant.-Laur. de Jussieu, comprenant............ 17208 
Desfontaines (Algérie), comprenant............ 1480 
Michaux (Amérique sept.), comprenant........ 2192 
Humboldt et Bonpland, comprenant......... ce 3369 


et les herbiers cryptogamiques de M. Desmazières et de M. Mon- 
tagne, qui, plus récemment légués au Muséum, n’ont pas encore été 
dénombrés. 

Parmi les herbiers géographiques caractérisés soit par le nombre 
de cases qu’ils occupent, soit par le nombre de leurs paquets, nous 
devons signaler d’abord l’herbier de France, qui doit son origine à 
un don précieux d’A.-P. de Candolle ; la lettre d'envoi, datée de 
Genève, le 17 juin 1822, se termine dans les termes suivants : 

« Je n’achèverai point cette note, destinée à faire partie perma- 
» nente de l'herbier de France, sans dire que plusieurs des plantes 
» qui y sont disposées ont été recueillies dans,les voyages botaniques 
» que j'ai exécutés dans les départements, par ordre du gouverne- 
» ment, dans les années 1805, 1807, 1808, 1809, 1810 et 1811, et 
» Sans y Consigner le témoignage de mon admiration et de ma 
» reconnaissance pour le Muséum d'histoire naturelle de Paris ; c’est 
» dans cet établissement que j'ai puisé mes premières connais- 
» sances sur l’art d'étudier les productions naturelles, et, si mes 
» travaux peuvent mériter que le Muséum en conserve le souvenir, 


250 CONGRÈS INTERNATIONAL DE BOTANIQUE. 


» je désire que l’on sache combien je m’honore d’en avoir été l'élève 
» et d'y compter des amis. » 

L'herbier de France s’est accru notablement depuis sa fondation, 
principalement par des dons. Mérat a légué son herbier des environs 
de Paris, et M. Weddell a fait don d’un herbier de même provenance ; 
celui de Pourret s’est trouvé légué avec l’herbier Barbier dont il 
faisait partie. L’herbier de France, qui occupe maintenant 176 cases, 
est un des plus intéressants par le soin avec lequel il est rangé et 
déterminé, et des plus utiles à consulter ; sa nomenclature a été 
vérifiée à plusieurs reprises par les botanistes les plus compétents, 
et particulièrement dans ces derniers temps, grâce à la collaboration 
bénévole de M. le docteur Puel. Il mériterait d’être augmenté, car 
les différentes régions de la France sont loin d'y être convenable- 
ment représentées, et nous espérons qu'il suflira ici de signaler ce 
fait pour inviter les botanistes des départements, et notamment ceux 
des provinces récemment annexées, à faire don au Muséum des 
espèces intéressantes de leurs flores respectives. 

Outre l’herbier de France, nous devons énumérer les herbiers 
géographiques suivants : 


L’herbier d'Europe, occupant............. SM DO 152 cases. 
— d'Algérie, DCCUDANÉ SRE NE CS ER 133 
—" "0 dek DANATIÉS VOCCUNANTe eee eee etre CU ele 24 
de Sénésambie oneupant Pete charente 32 
== s DADYENNIE, OCCUBANLS ere pa DPI 
— de l'Afrique tropicale orientale, occupant. ..... 11 
— de l’Afrique australe, occupant. ............ A1 
— de Madagascar et de Dupetit- Thouars, occupant, 4128 
— des îles de la Réunion et Maurice, occupant.... 48 
— des Indes orientales, occupant. .....,.,.... sf 88 
— de la Chine et du Japon, occupant........... 30 
— de Java et des îles d’Asie, occupant... ....... 32 
— des îles de l’Océanie, occupant. .........,... 74 
— de la Nouvelle-Calédonie, occupant, .,......., 40 
— de Ja Nouvelle-Hollande, occupant, ........... 74 
— de la Nouvelle-Zélande, occupant. ...... AC 10 
— # "AUACRUI.  OCCUDAN LE Eee fe sister ea ce 80 
— dela Nouvelle-Grenade, du Pérou, de l’Équateur 

et de la Bolivie, occupant .......,........ 220 
— duBrésil, occupant..,......,.. TS RTS 310 
— de la Guyane, occupant. ....... SR CN El 189 
— des Antilles, occupant, ....,..:,.,.,,., 24 SAUT 
— du Mexique, occupant... ........,.,... non at: He 
— de l'Amérique septentrionale, occupant, ....... 77 
Total des herbiers géographiques. .,... 2165 cases. 


Il faut ajouter à ces herbiers, pour avoir le nombre des cases 


COLLECTIONS BOTANIQUES DU MUSÉUM. 9251 


occupées, l’herbier des plantes cultivées au jardin, qui en remplit 
189. 

On nous saura gré d'indiquer sommairement quels sont de tous 
ces herbiers ceux qui présentent le plus d'intérêt, soit par le nombre 
des espèces qui les composent, soit parce qu'ils renferment beaucoup 
de matériaux inédits. 

4° L’herbier d'Algérie, que M. Cosson aura nommé tout entier 
quand il aura terminé ses travaux sur la flore de ce pays (1), con- 
tiendra les types des diverses publications de ce naturaliste, et sera 
augmenté par lui de toutes les espèces nouvelles découvertes pendant 
ses cinq voyages. 

2 L’herbier de Madagascar, extrèmement nombreux, contient les 
espèces rapportées par Boivin, et n’a jamais été l’objet d'aucun tra- 
vail spécial. Plusieurs naturalistes en ont décrit des plantes, mais il y 
aura lieu un jour à une publication fort intéressante, surtout si l’on 
y fait entrer la flore des autres îles australes de l'Afrique, égale- 
ment visitées par Boivin. On trouvera, pour la partie cryptogamique 
de ce travail, des documents importants dans l’herbier de Bory de 
Saint-Vincent. 

3° L’Aerbier de Chine, quoique peu considérable encore, doit une 
importance remarquable aux envois de M. l'abbé Armand David. 
Les beaux envois de M. David, consistant en graines et en herbiers 
bien préparés, ont été l’objet d’une grande attention au Muséum, 
où l’un des professeurs se propose de faire, à l’aide de ces envois, 
et d’autres qui sont attendus, une étude de la flore chinoise. 

La Cochinchine, qui n’a pas encore donné lieu à la formation 
d'un herbier géographique particulier, est représentée par les ré- 
coltes faites dans le Tourane par Gaudichaud, et par un envoi impor- 
tant de M. Lefèvre ; la Cochinchine, grâce à nos récents succès, 
étant maintenant ouverte à la colonisation française, il est probable 
que dans un avenir peu éloigné on possédera au Muséum les élé- 
ments nécessaires pour rectifier et compléter le Flora cochinchi- 
nensis de Loureiro. 

L'herbier des îles de l'Océanie, surtout pour ce qui regarde les 
Sandwich et Taïti, renferme beaucoup de matériaux inédits, pro- 


(1) Outre la publication in-4° commencée en octobre 1854, et dont le premier volume, 
comprenant les Glumacées, vient d'être terminé, M. Cosson va mettre sous presse un 
Prodromus Floræ algeriensis, in-8°, commençant par les Renonculacées suivant l’ordre 
de la série Candollienne. 


259 CONGRÈS INTERNATIONAL DE BOTANIQUE, 


venant des voyages de Gaudichaud, de MM, Vesco, Jules Lépine, 
Remy et d'autres naturalistes, 

L'Aerbier de la Nouvelle. Calédonie, un des plus importants parmi 
les horbicrs récemment formés, renferme des matériaux fort consi- 
dérables, dus principalement à MM, Vicillard et Pancher, qui ont 
fourni à MM, Ad, Brongniart et À, Gris les éléments de travaux 
publiés sur la flore de cette colonie dans les Annales des sciences 
naturelles 1 dans le Bulletin de la Société botanique de France ; 
les recherches que ces savants continuent donneront par la suite le 
recensement d'une flore insulaire des plus curieuses, une des der 
nières conquêtes de notre marine, 

L'Aerbier du Chili renferme les types du Ælora chilena de 
M, CI, Gay, ainsi que les plantes de Bertero, 

L'Aerbier de La Nouvelle-Grenade, du Pérou, de l'Équateur el 
de la Bolivie est un des plus importants par les études dont il a été 
l'objet, [renferme les plantes des voyages de MM, A, d'Orbigny, 
Weddell, Pentland, Jameson, Triaua, Spruce, Linden, Funck et 
Schlim, Mandon, ete, ; il contient les types du CAloris andina de 
M, Weddell et du Prodromus Floræ novo-granatensis de MM. 4,-E, 
Planchon et Triana, 

L'hcrbier du Brésil renferme l'herbier de Saint-Hilaire, extrème- 
ment nombreux, dont les espèces soigneusement étiquetées sont 
souvent l'objet de notes et de diagnoses étendues, écrites de la main 
d'Auguste de Saint-Hilaire lui-même, I faut y joindre, pour donner 
l'aperça des collections brésiliennes existant dans les galeries de 
botanique, et dont une partie est intercalée dans l'herbier général, 
les plantes recueillies par Gaudichaud et par M, Weddell, les exsic= 
cata do Claussen, de Blanchet, de Gardner, une collection nom- 
breuse donnée par M, de Martius, ete, I est fort à regretter que la 
plupart des monographes qui ont travaillé au Flora brasiliensis 
H'aicnt pas étudié les collections brésiliennes du Muséum de Paris, 
dont le règlement s'oppose absolument, sauf des cas fort rares, 
à ce que des lascicules de l'herbier soient prêtés à des savants 
Clrangers, 

L'Aerbier de la Guyane française contient, comme beaucoup 
d'autres, des matériaux inédits d'une grande importance, M, Alph, 
de Gandolle a déjà fait remarquer, dans sa Gdographie botanique, 
que le Muséum possède les éléments d'une flore de Cayenne, 
dus surtout aux envois de Le Blon, Poiteau, Martin, Leprieur et de 
MM, Mélinon et P, Sagot, 


COLLECTIONS BOTANIQUES DU MUSEUM, 252 


La même observation est à faire pour la Guadeloupe, à cause des 
envois très-considérables faits par M, Lherminier et d'autres natu- 
ralistes, dont les exsiccala ont déjà servi à M, Fée pour publier la 
Flore des Fougères des Antilles, 

Enfin l’Aerbier du Mexique, dont nous n'avons pu indiquer plus 
haut l'importance que d'une façon très-vague, est en train de 
s'accroître d'une manière considérable, à la suite des récoltes faites 
lors de la dernière expédition scientifique par MM, Bourgeau, 
Hahn, Méhédin et Guillemin, et d’un envoi important et récent 
de M. Gouin, médecin de l'hôpital de la Vera-Gruz, On sait que 
ces collections, encore inédites, sont l'objet d'une publication en- 
reprise par la commission scientifique du Mexique, et dont la direc- 
lion est confiée à M, Decaisne, qui a choisi pour son principal col- 
laborateur M, Eug, Fournier, La publication projetée formera deux 
volumes in-4°, chacun avec cinquante planches lithographiées, et 
comprendra l'étude de toutes les collections mexicaines qui auront 
passé sous les yeux des botanistes chargés de la rédaction des diffé- 
rentes familles, 

Nous n'avons pu, dans cette revue rapide, signaler tous les este - 
cala Spéciaux qui font la richesse de l'herbier général du Muséum, 

Sans vouloir les énumérer tous, ce qui dépasserait les limites de 
ce comple rendu, nous pouvons mentionner les plus importants, 
savoir, pour la cryptogamie, ceux de Desmazières, Kuctzing, Ra 
benhorst, Fries, Mougcot, Hepp, Nylander, Anzi, Schimper, etc., 
pour la phanérogamie, la collection de ceux d'Aucher-Éloy, «le 
Bourgeau, de Balansa; une collection considérable de l'Inde, con- 
tenant, outre les résultats du voyage de Jacquemont, les envois de 
M. Perrotiet, les dons de sir William Hooker et du docteur J, Hooker, 
desquels le Muséum à reçu successivement environ 45 000 espèces, 
provenant des diverses possessions anglaises; les plantes de Java de 
Blume; des exsiccata importants de l'Amérique du Nord envoyés par 
M. Asa Gray, etc, 

À lherbier se trouve annexée une bibliothèque botanique, placée 
dans le laboratoire même, et composée des ouvrages les plus usuels, 
qui compense le défaut le plus grave que les botanistes reprochent 
à l’organisation du Muséum, celui de trouver les herbicrs et la 
bibliothèque générale dans des corps de bâtiment tout à fait séparés, 
La bibliothèque du laboratoire, qui a surtout été formée par des 
dons particuliers, vu lexiguité des sommes allouées au professeur 


254 CONGRÈS INTERNATIONAL DE BOTANIQUE. 


de botanique pour les acquisitions du laboratoire, comprend des 
répertoires précieux pour l'étude. Elle forme, en quelque sorte, le 
catalogue des herbiers : en effet, elle contient les catalogues ma- 
nuscrits d'Aug. de Saint-Hilaire, de Jacquemont, de M. Weddel], 
de Wallich, celui que M. le comte Jaubert a dressé des récoltes de 
Boivin avec les notes de ce voyageur, ceux que M. Brongniart 
a fait établir pour l’herbier d’Abyssinie, pour l'herbier d’A.-L, de 
Jussieu, etc. ; les catalogues manuscrits de divers exsiccata, sur les- 
quels on inscrit les déterminations des plantes qui les composent, à 
mesure qu'on les connaît (travail qui à été commencé par M. Graves); 
en outre, plusieurs des livres classiques qui composent cette biblio- 
thèque ont reçu en marge des annotations qui indiquent la richesse 
de l'herbier correspondant; c'est ainsi que le Synopsis de Kunth 
permet d'apprécier immédiatement quelles plantes on doit trouver 
dans l’herbier d’'Humboldt et Bonpland. 

Les collections annexes dont nous avons parlé plus haut sont les 
suivantes : 

1° La collection de fleurs et de fruits secs ou conservés dans 
l'alcool; elle occupe 12 armoires vitrées, 72 tiroirs et deux meubles 
du milieu de la galerie du rez-de-chaussée. 

2% La collection des bois dont les premiers échantillons ont été 
réunis par Desfontaines au commencement de ce siècle, renfermée 
dans la même galerie, dans les armoires vitrées des travées latérales 
de gauche, et dans trois meubles du milieu, et dans le vestibule des 
galeries pour les grandes tiges. Une des travées est plus spéciale- 
ment consacrée à la structure comparée des tiges et à leurs anoma- 
lies. Une grande partie de la collection spécifique des bois est placée 
au deuxième étage et dans des cabinets de dépôt, faute de place 
pour la distribuer avec ordre. 

3° La collection en cire des Champignons de Trattinick, donnée 
en 4815 par S. M. l'Empereur d'Autriche, et d’autres modèles re- 
produits par Pinson d’après les figures de Bulliard ; ces collections, 
réunies à quelques Champignons coriaces bien conservés, occupent 
les cinq meubles du milieu de la mème galerie, que surmontent des 
tableaux à l'huile, au nombre de 50, représentant les fruits des 
colonies. 

h° Une des plus importantes collections botaniques du Muséum, 
la collection des végétaux fossiles, qui a servi de base aux travaux 
célèbres de M, Ad. Brongniart, et qui même a eu pour origine la 


COLLECTIONS BOTANIQUES DU MUSÉUM, 255 


collection particulière de ce savant, qu'il a donnée au Muséum 
en 1833, lorsqu'il fut nommé professeur de botanique. Elle com- 
prenait alors 1000 échantillons ; en 1862, le catalogue spécial de 
cette collection atteignait le numéro 6254. Les plantes fossiles sont, 
dans cette collection, considérées et classées au point de vue bota- 
nique. Elle est disposée dans les armoires vitrées des travées laté- 
rales du côté droit de la galerie du rez-de-chaussée, et la série com- 
plète des espèces se trouve dans 600 tiroirs des travées des deux 
côtés de cette galerie. 

5° La collection de tous les produits utiles, alimentaires, médi- 
cinaux ou industriels, fournis par les végétaux, et qui, sil’on jouissait 
de l’espace nécessaire pour la disposer, constituerait une des plus 
intéressantes ; elle se trouve au second étage, dans des tiroirs ou sur 
des étagères; on y remarque notamment une suite fort riche des 
écorces de Quinquina. 

Tel est sommairement l’état d’un établissement dont il n’appar- 
tient pas à une plume aussi peu autorisée que la nôtre de rappeler 
ici les nombreux titres de gloire à la reconnaissance de la science ; 
tous les naturalistes les ont présents à l'esprit. On sait notamment 
qu'une grande partie des découvertes faites dans la flore exotique, 
principalement de 1830 à 1848, ont été dues aux voyageurs payés 
ou indemnisés par le Muséum; il suffirait de citer ici les noms 
de Gaudichaud, CI. Gay, A. d'Orbigny, Weddell, Heudelot, Ber- 
nier, Leprieur, Jacquemont, Perrottet, Chapelier, Guichenot et 
Riedlé, et de tant d’autres qui nous échappent, pour rappeler tout 
ce que les progrès de nos connaissances sur la végétation du globe 
doivent à l'initiative du Muséum; et d’ailleurs, en mentionnant 
dans ce compte rendu tant de collecteurs et d’exsiccata divers, 
nous avons fait songer aux publications nombreuses dont cet établis- 
sement à fourni les matériaux, et qui auraient été impossibles sans 
le concours précieux qu'y ont trouvé les monographes, principale- 
ment les auteurs des Voyages exécutés par ordre du gouvernement, 
Si depuis 1848 les acquisitions ont paru moins fortes, il ne faut pas 
s’en étonner, puisqu'à cette époque le budget accordé au Muséum 
par l'État aété diminué de 30 000 francs, et que cette diminution, 
toujours maintenue depuis, a réduit à 15 000 l’ensemble des crédits 
d'acquisition (pour toutes les branches de l’enseignement). Actuel- 
lement les services rendus par le Muséum, tant à la science 
qu’à la pratique horticole, le sont avec des fonds et un personnel 


256 CONGRÈS INTERNATIONAL DE BOTANIQUE. 


extrèmement restreints. Le personnel du service des cultures ne cor- 
respond guère qu'à la moitié du nombre des ouvriers considéré 
comme nécessaire chez les maraîchers pour l'exploitation d’une 
mème étendue de terrain (1). Le rapporteur de la commission 
ministérielle de 1858 a lui-même insisté sur l’insuflisance de ce per- 
sonnel, Pour achat de plantes vivantes et de graines, le service des 
cultures ne dispose chaque année que d’un millier de francs au 
plus; une somme équivalente est allouée au laboratoire de bota- 
nique pour l'acquisition des exsiccata où d’autres collections bota- 
niques. En présence des reproches qui ont été souvent adressés 
par le public, dans ces derniers temps surtout, à l'administration 
du Muséum, il est bon de montrer que cette administration ne 
peut dépasser ses ressources, et que, pour la botanique en parti- 
culier, il est remarquable qu’elle puisse exécuter dans létat de 
choses actuel tout ce qu’elle réalise, grâce au concours actif et 
dévoué des chefs de service, habilement dirigés par l'initiative et 
par l’autorité des professeurs. 
EUG, FOURNIER. 


NOTE SUR LES CULTURES DE LA MAISON VILMORIN. 


Pendant l'élaboration du programme des travaux du Congrès, le 
comité d'organisation avait reçu de madame Vilmorin et de ses fils 
une invitation générale qui répondait trop bien au désir d’un grand 
nombre de personnes pour ne pas être acceptée sur-le-champ, et 
pour ne pas déterminer la visite qui fut faite à Verrières le 20 août 
dernier. Nous n’insisterons pas sur laréception dont le Congrès y 
fut l'objet. Ceux qui ont été, ne fût-ce qu'une heure, les hôtes de 
la famille Vilmorin, savent que la grâce et la cordialité y sont de 
tradition, surtout pour accueillir les naturalistes, dont les maîtres 
de la maison ont toujours été les amis et les émules. 

La propriété de Verrières présentait à l'étude trois parties dis- 
tinctes, offrant chacune un genre d'intérêt spécial, La partie d'agré- 
ment, d'abord, ancien jardin à la française modifié dans les pre- 
mières années du siècle, présente aujourd'hui un grand nombre 
d'arbres exotiques, dont quelques-uns atteignent déjà des dimen- 
sions remarquables. Il n’est pas surprenant qu'un jardin appartenant 


(1) Ce nombre est de 6 par hectare chez les maraïichers, et seulement de 3 1/4 au 
Muséum. 


CULTURES DE LA MAISON VILMORIN. DUT 


depuis plus de cinquante ans à une famille spécialement occupée 
de l’étude et de l'introduction des plantes utiles et agréables, ren- 
ferme des spécimens des meilleures acquisitions faites par l’horti- 
culture française pendant et avant cette période. 

Ce sont principalement les arbres de grandes dimensions, et 
parmi eux, les Chênes et les Gonifères, qui se remarquent à Verrières. 
Nous citerons parmi les premiers des exemplaires des Quercus alba, 
Q. ferruginea, Q. Prinos, Q. discolor, Q. monticola, Q. hetero- 
phylla, Q. Phellos, Q. falcata, Q.rubra, Q. Banisteri, Q. palustris, 
tous de l'Amérique du Nord et provenant en partie de glands reçus 
directement par M. Vilmorin père d'André Michaux, le célèbre 
botaniste, son ami particulier. Deux autres Chênes américains ré- 
clament spécialement l'attention des botanistes : l’un (qui est, selon 
toute apparence, une variété du Q. aquatica) se distingue par lir- 
régularité de ses feuilles qui sont tantôt entières, longues et étroites 
comme celles du Q. Phellos, tantôt plus ou moins dentées ou lobées 
d'un seul côté ou des deux; l’autre, qui est surtout remarquable par 
ses dimensions et sa vigueur, est un exemplaire du Q. macrocarpa, 
dont le tronc mesure près de 2 mètres de circonférence au niveau 
du sol, 

Parmi ceux de l’ancien continent, outre les Ghènes de France, on 
remarque le Q. Velani, le Q. castancifolia, le Q. Mirbecku, les 
Chènes verts à larges feuilles et à glands doux ; le Ghène-Liége du 
sud-ouest de la France est représenté par un exemplaire de forte 
taille, On sait que cette espèce, déterminée par M. J. Gay, et con- 
fondue avant lui avec le Chêne-Liége d'Italie et d'Afrique, en diffère 
en ce qu'elle met deux ans à mürir ses fruits. 

Les Conifères sont nombreux et d’une vigueur remarquable; le 
sol riche et.profond, qui repose sur une épaisse couche de sable, 
semble particulièrement favorable à leur végétation. Les P. si/vestris, 
P. Laricio et ses variétés, P. austriaca, P. pyrenaica, y sont repré- 
sentés par de forts individus plantés pour la plupart par M. Vilmorin 
père, qui en avait fait venir les graines des sources les plus cer- 
taines. Les P. Strobus, P. inops, P. sabiniana, P. rubra, P. ponde- 
rosa, de l'Amérique du Nord, présentent déjà d'assez fortes dimen- 
sions, les P. monticola et P. tuberculata de la même provenance 
fructifient déjà depuis plusieurs années. 

Parmi les Pins d'Asie, on remarque le P. excelsa, de l'Himalaya, 
et le P. abasica, des côtes de la mer Noire, au pied du Gaucase ; 

CONGRÈS BOT. 17 


258 CONGRÈS INTERNATIONAL DE BOTANIQUE. 


tous les deux se développent avec une rapidité surprenante, quoique 
leur forme ne soit pas toujours très-régulière. 

Nous signalerons encore, pour en finir avec les Pins, un exemplaire 
de P. brutra, alfectant tout à fait la forme d’un Pommier et chargé 
de cônes violacés, réunis par paquets, qui lui donnent une physiono- 
mie tout à fait distincte; un Pin Pignon, greffé sur Pin silvestre et 
assez {ort pour donner des cônes depuis deux ou trois ans; enfin, 
plusieurs spécimens vigoureux et bien venants du P. Llaveana, du 
Mexique. Quelques autres Pins, aussi d’origine mexicaine, sont 
encore trop petits pour être mentionnés ici. 

En tête des Sapins, il faut placer deux magnitiques Abies Pin- 
sapo, les plus anciens qui existent en France. Ils proviennent de 
graines envoyées à M. Vilmorin par M. Boissier, immédiatement 
après qu'il eut découvert l'A. Pinsapo dans le midi de l'Espagne. 
Convaincu, d'après l'altitude où l'arbre croit dans ses montagnes 

.natales, qu'il devait être parfaitement rustique chez nous, M, Vil- 
morin n'hésita pas à semer ces graines en pleine terre ; elles ont 
produit les arbres que nous avons vus à Verrières, et qui, âgés de 
trente et un ans, mesurent de 45 à 18 mètres de haut, et 1",50 de 
circonférence à la base. Le plus grand, seul, a déjà donné deux fois 
des cônes, tandis qu'un autre arbre, du même âge, mais qui à été 
transplanté, en donne déjà depuis plusieurs années et régulièrement. 

Dans une autre partie du jardin et en face d'un quatrième 
À. Pinsapo, de même origme que les autres, se trouve un À. cepha- 
lonica, qui l’égale en diamètre et en hauteur, et qui, lui aussi, 
fructifie abondamment depuis plusieurs années. 

Parmi les Sapins plus récemment introduits, nous citerons des 
spécimens relativement grands d’ Abies Nordmanniana, À. cilicica, 
A. orientalis, A. Mertensiana, tous les quatre d’une vigueur de 
végétation remarquable. 

Les Cèdres ne leur sont inférieurs ni en taille ni en rapidité de 
croissance ; deux Gèdres du Liban, planté ; devant la maison en 1815 
ou 1816, dépassent aujourd'hui 20 mètres de hauteur ; tous les ans 
ils sont couverts de cônes, et chose singulière, les graines de l'un 
sont toujours bonnes et celles de l’autre constamment mauvaises. 
Deux Cedrus Deodara, d'assez belle taille, montrent depuis quel- 
ques années des chatons mâles, mais n'ont pas encore donné de 
cônes, 

Enfin, nous ne quitterons pas les Conifères sans avoir men: 


2 


CULTURES DE LA MAISON VILMORIN. 59 
tionné les Sequoia gigantea et sempervirens, qui sont encore jeunes, 
mais semblent devoir justifier leur réputation d’arbres géants. 

Outre les Ghènes, plusieurs autres arbres à feuilles caduques se 
font remarquer à Verrières, et entre autres un Noyer dont l’origine 
n'est pas exactement connue, et dont les caractères ne sont ceux 
d'aucune espèce décrite par les auteurs. Il a été signalé par M. Car- 
rière, dans un numéro de la Revue horticole. Peut-être est-ce un 
hybride; toutefois il paraît se reproduire fidèlement par le semis. 

Il existe à Verrières deux beaux sujets d’A/nus cordata, axbre 
remarquable par la persistance de ses feuilles à l'automne ; il est 
rare qu'il soit dépouillé avant le 20 novembre et les feuilles ne jau- 
nissent jamais ; elles tombent vertes. 

La collection des Érables est nombreuse ; elle comprend la plu- 
part des espèces européennes et orientales, et quelques-unes de 
celles de l'Amérique du Nord. 

Nous finirons en citant : le Gleditschia triacanthos, et sa variété 
inermus, le G. sinensis, le Planera crenata, le Virgilia lutea, et 
le curieux Cytisus Adamt, qui porte, outreses fleurs propres tou-- 
jours stériles, des fleurs de Cyéisus pur pureus et de C,. Laburnum, 
dont les graines se développent parfaitement. 

Voilà ce que nous retrouvons dans nos souvenirs au sujet des 
arbres plantés à Verrières ; il nous reste à parler maintenant de la 
partie expérunentale et de la partie industrielle des cultures. 

Nous passerons rapidement sur la dernière, qui n’intéresse les 
botanistes que par la nouveauté et la rareté de quelques-unes des 
plantes cultivées. Du reste, la plupart des lots destinés à donner 
des graines et les essais comparatifs des espèces commerciales étant 
en grande partie disséminés dans les champs loin de l'habitation, 
n'ont pu être visités par les membres du Congrès. 

Qu'il nous sullise de dire que plusieurs milliers d'espèces ou de 
variétés sont semés là tous les ans, et que, dans ce nombre, il y a 
bien chaque année une centaine de nouveautés. 

La partie scientifique, qui fait le principal mérite de Verrières, 
consiste dans les collections comparatives de diverses plantes alimen- 
taires et industrielles, et dans les expériences entreprises en vue 
d'améliorer diverses plantes utiles. 

En premier lieu, nous devons citer la collection de céréales com- 
mencée par M. Vilmorin père, continuée et si bien étudiée par 
M. Louis Vilmorm, à qui elle a servi de base pour son Cataloçue 


260 CONGRÈS INTERNATIONAL DE BOTANIQUE. 


synonymique des Froments, ouvrage qui fait autorité en cette 
matière, Continuée et augmentée avec soin, elle n’embrasse pas 
moins aujourd'hui de quatre cents formes distinctes de Blés, 
Avoines, Seigles et Orges. 

La collection de Graminées comprend la plupart des espèces four- 
ragères ou ornementales, qui peuvent se cultiver en pleine terre sous 
le climat de Paris. Celles des plantes oléagineuses, des Houblons, des 
Sorghos et des Maïs, ont une importance qui se comprend sans que 
nous ayons besoin d'y insister ; mais la plus remarquable de toutes 
est la collection de Fraisiers réunie par madame Vilmorin, et qui 
comprend toutes les espèces botaniques connues de Fraisier, ainsi 
que toutes les variétés obtenues par la culture. Gette collection a 
entre autres mérites celui de représenter les types des Fraisiers 
décrits par madame Vilmorin dans le Jardin fruitier du Muséum. 

L'importance et l'intérêt des travaux botaniques auxquels cette 
collection a donné lieu de la part de MM. Vilmorin et de M. 3. Gay, 
et la lumière que l'étude des variétés cultivées jetait sur les carac- 
tères réels des espèces, sont une preuve de plus des services que 
peuvent se rendre l’une à l’autre la botanique et l'horticulture, 
qu'on a souvent le tort de vouloir séparer absolument l’une de 
l'autre. 

Enfin, c’est à Verrières qu'ont été entreprises la plupart des expé- 
riences sur l'amélioration des plantes qui ont amené M. Vilmorin 
père et M. Louis Vilmorin à créer des races perfectionnées de 
divers végétaux usuels, parmi lesquels nous citerons les Betteraves 
et les Garances en première ligne, et aussi à formuler d’une façon 
si remarquable les lois d'hérédité et de perfectibilité dans les 
végétaux. 

Voilà, en quelques traits principaux, les objets qui ont attiré 
l'attention du Congrès dans sa visite à Verrières ; malgré la rapidité 
forcée de son examen, il en avait assez vu pour concevoir la répu- 
tation européenne d’une maison qui depuis plus d’un siècle marche 
à la tête de l’horticulture française, éclairée à la fois par la science 
et par une haute intelligence pratique. Mais ce serait rendre un 
compte bien incomplet de notre visite que de ne pas insister 
sur les démonstrations internationales dont elle a fourni l'occasion, 
Par les ordres de madame Vilmorin, que secondaient, dans sa gra- 
cieuse réception, ses fils, MM. Henry et Maurice Vilmorin, et son 
honorable associé M. Mies, accompagné des principaux employés de 


CULTURES DE LA MAISON VILMORIN. 201 


sa maison, un banquet de quatre-vingts couverts avait été dressé 
sous les arbres du parc, et les toasts qui l’ont couronné, portés avec 
effusion au Congrès et aux progrès de la botanique, au nom des 
régions et des Universités les plus éloignées, dans les diverses lan- 
gues de l’Europe, ont prouvé avec éclat que la science est de sa 
nature internationale, et qu’elle doit souhaiter avant tout, pour la 
liberté des relations, le calme que peut seule lui procurer la paix. 


JOHANNES GRŒNLAND. 


EXPLICATION DES PLANCHES 


Planche E, 


Fig. 1. Balanophora polyandra Griffith. — Fleur femelle, (Grossissement 20.) 

Fig. 2. Id. — Coupe longitudinale de la fleur femelle : f, funicule; v, vésicules em- 
bryonnaires (d’après M. Hofmeister, Neue Beitr, pl. 45, fig. 1). (Gross. 90.) 

Fig. 3. Langsdorffia hypogæa Mart. — Fleur femelle isolée. (Gross. 14.) 

Fig. 4. Id. — Coupe longitudinale de la fleur femelle : f, funicule; v, vésicules em- 
bryonnaires (d’après M. Hofmeister, /. c. pl. 12, f. 4, sauf l'addition des vésicules). 
(Gross, 175.) 

Fig. 5. Helosis guyanensis Rich, — Fleur femelle. (Gross. 10.) 

Fig. 6. Id. — Coupe longitudinale schématique de l'ovaire, d’après M. Hofmeister. 

Fig. 7. Scybalium fungiforme Schott et Endl. — Coupe longitudinale schématique de 
l'ovaire, d’après les idées de M. Hofmeister. 

Fig. 8. Lophophytum mirabile Schott et Endl. — Fleur femelle, (Gross. 10.) 

Fig. 9. Jd. — Coupe longitudinale de la fleur femelle, d’après M. Weddell. 

Fig. 10. Mystropetalum Thomii Harv. — Fruit. 

Fig. 41. Cynomorium coccineum L.— Fruit à demi mûr. 

Fig. 12. 14. — Coupe longitudinale de l’ovaire (d’après MM. Weddell et Hofmeister). 
(Gross. 15.) 

Fig. 13. Lophophytum mirabile Schott et Endl.— Apparition des fleurs femelles : à, b, €, 
degrés successifs ; dans c on voit naître les carpelles, (Gross, 40.) 

Fig. 144. 14. — Fleur un peu plus âgée que celle de la figure 13 c, les carpelles se 
sont considérablement accrus. (Gross. 80.) 

Fig. 15. 14, — Coupe longitudinale d’une fleur un peu plus âgée encore : €, c, les car- 
pelles; a, sommet de l’axe floral. (Gross. 65.) 

Fig. 16. Id. — Coupe longitudinale de la jeune fleur à un degré d'évolution plus 
avancé, où la cavité ovarienne est fermée, et où l’on voit maintenant les styles, le 
placenta et les ovules : pl, colonne ovulifère ou placenta; ov, ovule; sc, cellules 
transformées en sclérenchyme ; st, les styles. (Gross. 30.) 

Fig. 17. 14. — Coupe longitudinale de la fleur parfaitement développée : f, faisceaux 
vasculaires; #”, manteau de parenchyme très-dense, enveloppant le système ovu- 
laire et s’amincissant vers le sommet dans le tissu qui conduit aux styles : ov, 
ovule; se, sac embryonnaire; cl, cloison, résultant d’une transformation du pla- 
centa ; sc, manteau de sclérenchyme ; ép, épiderme, (Gross, 25.) 

Fig. 18. Id, — Coupe horizontale de la même fleur, traversant les ovules. Les lettres 
ont la même signification que dans la figure 17. (Gross. 45.) 

Fig. 49, Id. — Portion dela figure 47, comprenant un ovule, avec une petite partie de 
la cloison et tous les tissus extérieurs de l’ovule plus fortement grossis (65 fois), 
pour faire voir les détails du sac embryonnaire. Même signification des lettres. 


LUT. 


Congres international. 


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EXPLICATION DES PLANCHES. 263 


Planche ËE, 


20. Scybalium fungiforme Schott et Endl. — Coupe longitudinale de l'ovaire, 
passant par les deux ovules, — Les lettres précédemment employées conservent la 
même signification dans cette figure et dans les suivantes, ce qui permet de se con- 
vaincre très-facilement de l'identité de structure des fleurs femelles chez le Scyba- 
lium et chez le Lophophytum. En effet, on retrouve ici, à l’exception des faisceaux 
vasculaires, toutes les parties que l’on voit dans le Lophophytum, et toutes disposées 
de même. (Gross. 65.) 

21. Sarcophyte sanguinea Sparrm. — Coupe longitudinale de la fleur femelle. 
(Gross. 65.) 

22. Id. — Coupe longitudinale du système ovulaire avec son enveloppe paren- 
chymateuse, On voit par ces figures que cette fleur ne possède pas de périgune, et 
qu’elle n’a pas de styles développés ; le stigmate (stg), dont les papilles sont altérées 
par l'alcool dans lequel l’exemplaire était conservé, est au contraire sessile. Le 
parenchyme de l'ovaire, disposé en séries rayonnantes, est partout mince ; il manque 
ici les cellules de sclérenchyme des genres précédents. Il y a trois faisceaux vas- 
culaires, disposés en triangle, situés chacun en face d’un ovule, et touchant la sur- 
face d’une couche spéciale de parenchyme plus serré m, qui représente évidemment 
l’analogue du manteau m de la figure 17 : analogie appuyée d’ailleurs sur ce fait, 
que la partie périphérique de cette couche se transforme, dans le fruit du Sarco- 
phyle, comme dans celui du Lophophytum, en coque sclérenchymateuse (ou la 
couche entière dans les fruits qui avortent), Dans l’intérieur de cette couche se voient 
les trois ovules séparés par autant de cloisons, qui se réunissent sur l’axe; bien 
qu'on ne puisse pas reconnaître les détails de leur structure, il est évident que 
l'organisation est ici en général semblable (abstraction faite de la différence du 
nombre des organes) à celle du Lophophytum. — Les indications bien différentes 
qu'a données M. Hofmeister proviennent probablement de ce que ce savant a pris 
les sacs embryonnaires pour les ovules, conjecture qui cependant n’explique pas la 
diversité de nombre que M. Hofmeister et moi avons observée dans les organes de 
cette fleur. (Gross. 65.) 


. 23. Helosis guyanensis Rich, — Apparition des carpelles ce sur l'axe floral a. 


(Gross. 75.) 


. 24. Id, — Coupe longitudinale d’une fleur un peu plus avancée : a, axe; st, styles. 


(Gross. 40.) 


. 25. Fleur un peu plus âgée encore. (Gross, 35.) 
. 26. Coupe longitudinale de la même : a, axe; st, styles. (Gross. 50.) 


27. Coupe longitudinale de l’ovaire (avec la base des styles st) parfaitement déve- 
loppé. Même signification des lettres que dans les figures 19 et 20. (Gross. 50.) 


. 28. Langsdorffia hypogæa Mart. — Coupe longitudinale de deux fleurs contiguës. 


Ces fleurs adhèrent entre elles dans toute leur partie supérieure, et ne sont libres 
qu’à leur base ; les commissures, cm, sont vers le sommet faciles à distinguer 
parce que les cellules contiguës dans cette région ont les paroïs fortement cuticu- 
larisées et contiennent de la cire. Vers la base on aperçoit l’ovule ov. (Gross. 20.) 


g. 29. Portion de la partie basale de la coupe représentée dans la figure précédente, 


plus fortement grossie (100 fois) : se, sac embryonnaire; v, vésicules embryonnaires; 


EXPLICATION DES PLANCHES. 


a, antipodes, La couche bien circonscrite de cellules plus petites que les voisines 
et remplies d’un plasma épais, doit être regardée comme le nucelle, car le sac em 
bryonnaire est libre et par conséquent ne peut à luiseul représenter l’ovule. Comme, 
en outre, cette couche a partout la même épaisseur dans la périphérie du sac em- 
bryonnaire, cet ovule ne peut être anatrope ; il est au contraire atrope ; et comme, 
finalement, le fil suspenseur de l'embryon se trouve dans l'extrémité supérieure 
de la semence (voy. Hofmeister, L.c. pl. 12), on ne peut pas douter que les 
organes v ne soient en réalité les vésicules et les autres, a, les antipodes. Il faut 
conclure de tout cela que l’ovule du Langsdorffia est dressé, orthotrope, sans 
enveloppe, et, comme on le voit sur la figure, adhérent partout aux parois ova- 
riennes, La lettre p indique une petite portion du parenchyme de l’axe du capitule 
sur lequel les fleurs se trouvent réunies. 


FIN. 


TABLE DES MATIÈRES 


Liste des membres du Congrès.........,,., BAPE TEE RE A PTE EE EUR 
OuvertureldutConer es ER EEE Eee CCE ere States ARRET CRUE 
Exposition d'instruments, de livres et de plantes......, SRE ONE de Ro 
ÉUeAUIAUNOONCLeS See Len er eee Dose MAO NASA ENS Soc 
Programme des travaux du Congrès, ...:....:,........ ON 30 dote c 
Dous faits au Congrès...,......... D 610 ain 5 0 OO E bb T oo en obe ae 
Correspondance . ............. Se NE eV tale tialel eee tett ele intel cet at 
Présentation ou indication de quelques espèces rares, par MM. de Candolle, Bureau, 
DUuMOntIenE Eee eee relie einen ati SOON solos 


MÉMOIRES ET COMMUNICATIONS. 


Des genres en botanique, par M. Malbranche................,. Joe ede 
Notice lératologique, par M. Kirschleger.......... Se eiohe CU ChalereePae non _e 
Sur la fleur des Sapindacées, par M. Radikofer........,... RD BSD share 
Sur la fécondation des Orchidées, par M. Rivière. ...,......... Do bonbe € Jr 
Sur la culture des Quinquinas, par M. Weddell...... ...... Sand tee Se 
Sur la culture des plantes à ascidies, par M. D. Moore..... Re ete le 
Sur le développement du proembryon de l’'Osmunda regalis, par M. L. Kny....... 
Sur quelques plantes d'Irlande, par M. D. Moore................ OP CDD 0 
Anomalie du Pelargonium capilatum, par M. Robillard................... 20 
Sur la flore des Gabres de Toscane, par M. Caruel............ D Se Cr Do Da 0 
Discussion sur 11 géographie botanique. ............. Se ele ee Ha 
Sur les principes généraux de la culture des Orchidées, par M. Warner....,.... 
Sur l’élat actuel de la flore grecque, par M. Th. Orphanidès. ...... ANA ete lle ere 
Considérations sur le phénomène de l’hybridité, déduites d'expériences sur les 
espèces du genre Lagenaria, par M. Germain de Saint-Pierre. ....... Sn e le 
Sur la préservation des collections botaniques, par M. I. Poisson.........,... DR? 
Observations sur la floraison d'un Agave, par M. Faivre............ Does GIE 52 
Berborisalion à Fontainebleau... ....,...... SE ES ea ee el RTS ON TE ee Ste 


Sur la nutrition des plantes et la cyclose, par M. Schultz-Schullzenstein . ...... 


© Oo n À 


266 TABLE DES MATIÈRES. 


Sur la théorie de l’anaphytose, par le même 
Sur une forme de l’Eragrostis pilosa, par MM. Cosson et Balansa. 
Sur la Flore morphologique et synoptique de France, par M. Eug. Fournier. ,..... 


Sur les anomalies de structure de la tige de l'Erodium petræum, par M. J.-E, Plan- 

chon- terre OA OP OP 0 LA d'Or oo de po Jérue n oe 
Sur la végétation du Jardin de la Mer-de-glace, par M. V. Personnat 
Sur les accidents morbides que détermine la Canne-de-Provence, par M. Caisso. . 
Sur la station de quelques plantes dans le département de la Sarthe, par M. Crié. . 
Sur les Chênes dont se nourrit le Bombyx Yama-Maï, par M. C. Personnat..... 
Sur la structure de la fleur femelle de quelques Balanophorées, par M. Eichler. ... 
Aperçu de la végétation du département de l'Ardèche, par M. C. Personnat. 
Sur la fécondation du Chamærops par le Dattier 
Lettre de M. le comte Jaubert 


OT cie see:cieermorplaceres eut 
Sur les noms anciens du Cyprès, par M. Eug. Fournier................ .. 
Discussion sur les causes du mouvement hivernal des branches......,....... 
Discussion des Lois de la Nomenclature botanique.................,.. dec 
Lois de la Nomenclature botanique. ................ so.» See ae 
Glôture du Congres net Sonata CTP PEL Gide édit. . bp 


RAPPORTS SUR LES ÉTABLISSEMENTS VISITÉS PAR LE CONGRÈS. 


Note sur les collections botaniques de l’École de Pharmacie, par M. G, Plan- 

chanté, bee EN ei SR SN ENS NE URRe a 60e tn el 
Note sur le Musée Delessert, par M. Eug. Fournier 
Rapport sur l’herbier de M. E. Cosson, par M. Eug. Fournier.........,..... 
Note sur les collections botaniques du Muséum, par M. Eug. Fournier. 


Note sur les cultures de la maison Vilmorin, par M. J. Grœnland. .... 


es vs ere 


FIN DE LA TABLE DES MATIÈRES, 


Paris, — Imprimerie de E. MARTINET, rue Mignon, 2. 


"rue Mignon, 2. . 


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