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ADRESSE
AUX AMIS
DE LA PAIX.
Fak m* Servan y ancien Avocat-Générdl
au Parlement de Grenoble^
i 7 89,
aMMMBBaMB^aa««tyi^jajLteaiijMBBjgjy!^^^
A FER T I S S E M E N T.
l 'i'iViimiflni'wf™"
[A maladie de l'Etat , aigrie déjà par sa
durée , semble s'envenimer encore à l'ap-
proche de son terme : il m'a paru qu'en ce
moment un ouvrage utile seroit celui où
l'on s'attacheroit à montrer l'intérêt de tous
les partis , dans la paix et la plus prompte
conclusion.
C'est à-peu-près ce que je me suis pror
posé dans ces feuilles. Je voudrois que
leur résultat fût de convaincre les hommes
les plus acharnés contre la révolution ac-
tuelle , que le plus grand péril pour eux
seroit de la faire avorter.
J'ai rassemblé sur ce sujet les pins fortes
objections ou les plus spécieuses ^ et si je
n'ai pu donner à toutes des réponses sans
réplique, il n'en est aucune où je n'apporte
quelque adoucissement.
Je ne me dissiîiiule point qu'on est à
présent excédé de lectui'e , et que cet Ou-
Trage , malgré ses boixnes intentions , n©
A 2
AVERTISSEMENT,
sera yraisemblablement utile à personne ;
du moins me sera-t-il utile à moi-même , et
j'ayoue que je me consolerai d'avoir achevé ,
pour le seul contentement de mon cœnr ,
ce foible écrit que son inspiration seule
m'a fait commencer : quand je n'aurois
point écrit pour le repos des autres, j 'an-
rois eu besoin d'écrire pour le mien ^ et
dans le salut ou la ruine de ma Patrie^ ces
sentimens de paix, dont je propose ici le
témoignage , ne pourront qu'augmenter ma
joie ou soulager ma douleur.
ADRESSE
AUX AMIS
E L A P A I X.
.5 I E S hommes passionnés et dangereux ne lisent
guère , ou ne lisent que des li-\Tea dangereux et pas-
^ siennes comme eux 5 ils rejettent tout ce qui ne les
flatte point. Toutes les pensées modérées les irritent.
Hommes équitables , hommes sages , vrais amis de
j la paix , je ne puis donc m'adrefser qu'à tous : vous
I seuls aurez la patience de me lire, et peut-être le
courage de me croire.
Et voici d'abord ce que j'ose vous dire : il n'est
plus temps , Amis de la paix , il n'est plus temps
de vous cacher dans la retraite que vous chérissez ,
de fuir les hommes injustes et turbulens que vous
craignez , ou de garder un silence modeste au milieu
de leurs disputes emportées : il n'est plus temps , en-
fin , de vous contenter de réfléchir et d'observer ; la
repos n'est plus de saison, et la prudence est d'avoir
du courage. Il faut agir, il faut parler vous-mêmes :
voici le moment où vous devez vous répandre en pu-
blic , vous montrer par-tout 5 et plût au Ciel que , dans
ce moment critique, tout homme sage osât se donns-r
A3
[6]
à lui-même la place , et , s'il le pouvoît , la hauteur
d'un obélisque dans les places publiques !
Amis de la paix , lorsque tout conjuré pour sa
ruine, c'est à vous enfin de conspirer pour son salut,
et vous niavez pas un seul moment à perdre : si vous
laissez échapper celui qui s'ëniuit y votre silence et
votre inaction seront aussi coupables que les* discours
et les complots mêmes des hommes factieux : ils au-
ront voulu perdre la Patrie, et vous n'aurez pas voulu
la sauver ! Que dis-je ! ils auront même déployé plus
de courage pour faire le mal , que vous pour l'em-
pêcher ; et prenez bien garde qu'en partageant avec eux
le crime de mauvais Citoyens , vous n'ayez tout seuls
l'infamie de la lâcheté.
Bons Citoyens ! concevez-vous bien la situation où
nous sommes? Encore un moment de patience et dé
courage , et la France est sauvée 5 encore un degré
d'anarchie, et la France est perdue. Ne voyez-vous
pas la Nation entière suspendue par un cheveu sur un
abyme ? et le ciseau de la Discorde est ouvert ! Bons
Citoyens ! que ferez-vous ? . . . . Ah ! sans doute , tout
ce que vous pourrez faire : ce qui n'excédera pas en-
tièrement votre pouvoir, vous le comprendrez rigou-
reusement dans votre devoir même.
Et, d'a4ord, ce que vous avez de plus pressant, c'est
de vous unir : formez enfin des assemblées d'hommes
sages, comme il y en a d'hommes turbulens. Quoi î
les insensés et les médians savent s'unir, et les bons
et les sages ne sauront que s'isoler ! Que la sagesse
«est dangereuse ^ si elle ne veut être utile qu'à elle-
même ! Unissez - vous donc , bons Citoyens , et ne •
tardez point à montrer à la Patrie des assemblées
régulières , dont l'unique objet soit le rétablissement
de la paix par tous les moyens qui dépendront de
votre fortune , de vos lumières , et de votre courage t-
là , vous vous éclairerez mutuellement sur les dangers
communs ; vous vous communiquerez vos observations
M vos vues 5 vous vous animerez à cbercher ensemble
les ressources , et jamais vous ne vous séparerez qu'a-
près avoir concerté cbaque jour les combats que vous
devez livrer à toutes les idées , comme à toutes les
actions dangereuses.
Dans ce moment d'effervescence terrible, attendez-
vous à trouver par -tout les idées exagérées, par-tout
îes ât:tions tendant à la violence. Vous serez envi-
Tonnés d'hommes qui ressemblent à ceux que l'ivresse
a frappés : toutes les limites , les routes mêmes va-
rient à leur* yeux troublés ; et, parce qu'ils clian-
çellent, ils croient que leur chemin est mobile. Ce que
les uns appellent justice inviolable , vous l'entendrez
nommer par les autres oppression insupportable.
Droits, devoirs, raison, équité, toutes ces notions de
morale , qui doivent être fis.ées comme des termes cher
des hommes soumis à des lois , sojit maintenant ébraii*
lées dans leurs fondemens par les secousses d'uiié
grande révolution : chacun s'empresse de les saisir
comme des matériaux pour l'édifice qui lui convient
dans la subversion générale j et tous , disputant sur deâ
ruines , sont prêts de s'en fair^ des armes pour achever
âe s'éGrasw par leurs rwines mêmes.
A 4 ,
[M
I.
Amis de la paix, vous trouverez des âmes douces
et sensibles que les meurtres et tous les crimes de
la populace ont indignées contre le peuple même.
Voiis trouverez des âmes timides , épouvantées par
le trouble , et préférant déjà l'ordre apparent du des-
potisme aux désordres qu'entraînent les efforts pour
la liberté.
Vous rencontrerez même encore des liommes super-
stitieux , qui croient la religion perdue , pour peu qu'on
touche au Sacerdoce.
A cliaque pas vous serez arrêtés par la foule de ces
liommes qui se. font aujourd'hui une profession de la
politique même;, s'emparant hardiment de l'avenir pour
le semer de pré%iges funestes , et recueillant d'avance
chez la génération future une moisson de malheurs
qu'ils se plaisent à répandre au milieu de la généra-
tion présente : en mêrne^ temps d'autres hommes , pour
qui l'idée seule à'^ égalité est un joug insupportable j
TOUS heurteront de leur orgueil irrité.
Enfin, si vous vouiez descendre au Peuple, et jus-
qu'à la populace même^ vous serez révoltés , peut-être,
de ces âmes grossières et violentes^ ouvertes à tous
les mensonges comme à tous les excès.
Amis de la paix , observez tout ce que ces hommes
font , avec vigilance ; écoutez tout ce qu'ils disent ,
avec patience , et répondez à tout avec modération.
Ne vous obstinez point à consoler , par le souvenir
[9]
s.Dianx passés / ou par les espérances des biens à ve-
r,, ces âmes passionnées cmç le présent seul occupe.
Au lieu de vous attacLer à combat !:re les principes
I chacun, appliquez-vous plutôt à leur nionti^er les
nvenances qui paroissent snpérieures aux principes
îmes.
Tâchez enfin j dans ce chaos , de les ramener douce-
j:i!ntà l'intérêt général par ce iil de Tintérét particu-
le r que la passion a, brisé dans leurs mains.
ï I.
Amis de la paix , attendrissez-vous avec ces hommes
Imains et sensibles que les violences, les outrages,
il meurtres , les crimeâ de tous les genres ont remplis
( terreur et de pitié.
\lais , leur direz-vous , ne commettez pas l-injustiçe
( confondre une grossière et vile populace avec le
Il et véritable Peuple, laborieux , lionne te , et plus
tentieliement ami de l'ordre que nous-mêmes : car
(in, le Peuple a besoin de l'ordre pour s'assurer le
i:es3aire , et nous ne l'implorons guère qu'afin de
l'tégernos plaisirs, Appellerez-vous la Nation F ran-
tsc, ce tas de brigands achevés ou com.mençés, sans
J'fession , sans domicile, sans patrie? insectes qui
lnivent les vices du Gouvernement où. ils pullulent ,
< urne les vers annoncent un cadavre, et prouvent la
î rt du corps qu'ils détruisent.
III.
Wis de la paix, quand on vous dira que la Nation
[ «o 1 !
Françoise a cîmngéiié càtractère eh cliaïigèftnt de poii
tion \ quand on vous peindra la confusion de toug ijï
droits , l'oubli de tous les devoirs , le mélange tl;
conditions , l'anéantissement de toutes les distance},
par- tout, enfin, l'insubordination qui mène à tous ];!
désordres par la licence 5 quand on en voudra conclii»
que l'ancien avilissement a tout-à-fait corrompu nolL-
î^ation , que la servitude nous a rendus incapables |i
Ja vraie libe,rté , et que , pour avoir trop obéi , nous \i
sommes plus dignes de nous gouverner nous-mêmej;
pourquoi , répondrez -vous , voulez-vous si légèremej:
désespérer du caractère de la Nation ? Ne faut-il ij;
distinguer un accident passager d'un état durable ?ji
crise qui peut guérir est-elle toujours une maladie ml»
telle ? Que diriez -vous d'un homme qui s'épouvanj-
roit de se voir couvrir de pustules , après avoir r<Ji
l'inoculation pour garantir sa vie même ? Vous T<|j
étonnez de quelques actes d'insubordination et dei-
cence 5 mais que ne vous étonnez-vous bien davj-
tage, en voyant la France sans lois, sans Magistraj^
sans force qui la contienne et la dirige , et sacli|t
pourtant se contenir et se diriger depuis deux ni»
«ntiers par la seule force du sentiment^ ou de l'hei-
tude de l^ordre ?
Cliercbez dans les histoires humaines quelque ai|e
«xemple d'un si grand Empire^ où tous les Gitoy|»
armés, et livrés, pour toute règle, à leurs passio,>
aient si long - temps conspiré à se conserver pk W
qu'à se détruire. |!
Doit-on augurer d'un tel Peuple -une licence inG«|
[ II ]
f y OU le facile rétablissement de l'ordre ? Si la seule
] jitude du travail a pu contenir les dernières Classes
f Citoyens 5 si la seule puissance de la morale a pu
iirimer les autres , qu'arrivera-t-il lorsque les Lois
I [tiendront ces hommes de toute leur énergie?
)e tout temps le Peuple François est connu par sa
s mission à des Loix vicieuses : est-ce un motif d'au-
ter sa révolte contre des Loix plus sages? Il est ce-
Ire par ion attachement pour les plus mauvais Rois i^
e-ce un présage de s on, in gratitude pour le plus doux
(j Princes , celui qui a plus rendu aux François eu
{ixmois que ses prédécesseurs ne leur avoient ravi
e Imit siècles ?
'il est vrai que les Peuples aient leurs caractères
ciEÇie les hommes 5 croyons qu'ils sont également ia-
viables pour les Peuples comme pour les individus,
I caractère est un cercle autour duquel les hommes
fvent tourner ) mais d'où ils ne peuvent sortir ja-
is 5 et soyons bien sûrs que le François, léger, im~
j; lieux , prompt à censurer, à murmurer méme^ sera
tijours le Peuple le plus facile à gouverner avec du
f ti et de l'honneur.
1 ne faut point confondre un Peuple barbare et de-
V II féroce, avec un Peuple avili et corrompu : parmi
1< excès de la populace même on n'a remarqué ni Fa-
Vssement de la lâcheté , ni la corruption de l'avarice 5
0 ne l'a point vue , dans ses atrocités , marchander
c de l'argent la vie de ses ennemis ni la sienne :
H^lle pitié d'observer toujours une Nation chez ses
i^Ure&j et déjuger des vices qui sont dans les chau-
mières, par ceux qu'on Tolt dans les Palais î Voy
un grand cliene dont les insectes ont attaqué la cimt
elle se brise sous Peffort d'un orage , mais l^irbre res
debout en résistant par ses racines : telle est la Franc,
La tête de ce grand chêne est brisée, mais le Peupl
comme des racines profondes , le soutient au milieu
l'orage.
I V.
Amis de la paix , vous êtes bien convaincus qu'
ne peut la conserver que par la liberté fondée sur :!
Loix : mais ne vous révoltez point contre ces an'.
timides qui vous diront qu'un siècle de despotisme ';
moins funeste que quelques mois d'anarcîiie , que l
révolution la plus heureuse coûte toujours trop cîn,
et que la liberté est un héritage qu'il faut laisser 'I-
fricher à ses enfans.
Vous leur répondrez avec modération , qu'après i
siècle de despotisme on trouve encore un siècle [5
despotisme , et qu'après quelques mois d'anarchie '\
H souvent conquis des siècles de liberté.
V.
Amis de la paix, vous vous appercevrez bieiiit
que la vanité de paroître de grands politiques a s ii
la plupart de vos concitoyens , comme autrefois js
étoient passionnés de paroître des hommes à borjs
fortunes.
C'est le malheur de notre Nation , que tout , jusq là
la raison^ y prend les travers de la mode : attend-
C»3]
,is donc à trouver à ckaque pas de ces politiques
Lurdes , injustes ou menteurs.
Js accuseront de mille défauts les décrets de PAs'
^iblée * Nationale. Mais vous , sans discuter leurs
^iroclies , contentez-vous de leur dire : vous avez
royé des liommes à l'Assemblée Nationale , et vous
ijis étonnez que leur ouvrage ne soit pas sans défaut !
Tantôt ils se plaindront de l'extrême lenteur , et
ttôt de l'extrême précipitation de cette Assemblée.
jans les faire rougir de leur contradiction , deman-
t; seulement si jamais une Assemblée d'iiommes a
ï.s remué, et plus fixé de vérités importantes dans
Ifi court espace de temps, et si dans la rapidité de$
inemens il étoit possible de mettre plus de lenteur
Èis les décisions.
|)emandez , en un mot , qu'on examine attentivement
*3 temps permettoit de faire beaucoup plus , ou si la
nessité permettoit de faire beaucoup moins.
'résentez à ces hommes une vérité qui les saisira
p t-être : nous ne sommes point placés, leur direz-
;s j dans uù juste point-de-vue , pour juger de cette
rolution. Et qui sait si la postérité, en s'éioignant
objets , et jugeant cette mémorable Assemblée ,
i s'étonnera pas toujours davantage de son activité,
e comparant l'ouvrage avec le temps du travail 5 et
c. sa sagesse , en comparant l'ouvrage avec la gran-
dir des obstacles?
VI.
iiommes^sages , ce ne sera pas sans peine que yo«s
« endrez si souvent reproefeer à votre Assemblée Nft-
t i4 3
tionaîe sa fermentation, son trouble ^ son désord
et sans doute vous admirerez ces détracteurs quiii
passionnent eux-mêmes contre ceux qui se sont tîî;
sionnës pour eux ; mais que pourroient-ils vous répÎH
dre , si vous leur disiez : quand vous avez envoyé \)i
Députés à l'Assemblée Nationale, vous, Hommes u
Tiers-État , ne leur avez-vouâ pas dit : è>nsez toiè
nos chaînes ? Et vous , Nobles 5 vous ^ Ministres b
la Religion , vous avez dit aux vôtres : €onseTvez\li
toutes i et vous osez vous scandaliser tous , après ci!:e
mission , du bruit que font vos Représentans enU
-couant ces chaînes avec violence : vous appelez
multe , désordre , cabale , le combat que vous «
commandé vous-mêmes î |
Êtes- vous donc si insensés de croire qu'un Pei «
cîiange de Gouvernement, comme un homme paisfe
change de vêtement; ou qu'on passe de la sértii|j[è
à la liberté , comme d'un appartement à un àolj?
avez-vous cru que dans une Assemblée, composée dW
foule d'hommes dont les uns veulent devenir libres lît
les autres veulent rester maîtres , on puisse têrmlïr
ces questions, où se mêlent les plus ardentes pass la
humaines , comme un géomètre résout dans son cabl3t
ttH problême sur les nombres 5 et qu'il fût possibl«,|n
un mot f d'acquérir sans trouble cette liberté qu'o; \t
peut même conserver sans inquiétude ?
Quand vous ne verrez jamais l'ordre et le sil«!;*
dans une Assemblée d'esclaves , étonnez-vous aloilft
voir quelquefois le désordre et le trouble dans i®
Assemblé» d'hommes libres ; c'est au milieu du i-
C i5]
i[te et des cris cle ces hommes libres que se forma
(Vent la loi qui doit imposer le silence à tous les
)yens y et c'est dans le silence terrible de tous les
ts , que le despotisme forme la loi qui doit arra-
; r des cris étouffés à cliaque particulier.
VIL
ions Citoyens , vrais amis de la paix , dissipez de
xesYOS forces les alarmes qu'on affecte de répandre^
Fila liberté de l'Assemblée Nationale dans le sein de
a api taie. Faites bien comprendre que si cette liberté.
\ Dit pas fondée sur l'intrépidité des Députés , ell*
e3roit sur l'intérêc de Paris même. Les Citoyens d»
:ï3 ville veulent-ils seuls être esclaves, tandis qu«f
iCi voulons être libres , ou veulentriis être libres , et
pneus soyons seuls esclaves? Le peuple de Paris p
mi , veut-il , peut-il être le Peuple-Roi , comjii#
;Ki de Rome?
lassez donc ces craintes dangereuses , & comme
Bistingue la force d'un bomme aux pulsations de
') )ouls y faites sentir la liberté de l'Assemblée , à la
:ité même de ses débats.
tînmes justes , et qui voulez sificèrement la paix,
laiez écouter mes réflexions sur ceux qui ont la
»ité de nous dire^ ou de nous faire entendre que
io ! Assemblée Nationale n'est qu'un assemblage
- nmes audacieux et pervers , . qui encbaînent des
nés foiUes et timides ; que veulent-ils que nous
'*f,3ns de cette terrible vérité ? Dans ie moment ou
^ s^misesy lequel vaut niieux dd l'ignorer ©u de
t i6 ]
l'apprenclre ? Pour moi , j'ai beau rêver, et je ne -vis
pas qii'on en puisse tirer autre cliose à présent 'quf'a
guerre civile : Citoyens cruels ou bien imprudeii ^
attendez du moins, pour nous découvrir le désord ,
que nous soyons assez paisibles poiir le réparer, ^t !
si Dieu lui - même me révéioit une vérité qui lit
porter le trouble et la guerre , je ne dis pas dU
un vaste Empire, je ne dis pas dans une feule cité , n's
dans la dernière des familles , je me dirois à rr -
même : cache cette 'vérité dans le fond de ton cœïi
c'est un dépôt que Dieu te confie pour maintenir ,{«
le celant , la paix parmi tes semblables, Oïd ,ia
vérité même , quand elle est dangereuse , doit fo
êncLaînée comme une bête féroce. Et que ces liômilis
ne disent pas que la vérité n'est jamais dangefeuj :
ce seroit dire que l'esprit de l'homme est toujours jur ,
et que son cœur est toujours droit. Nous ne pouijjis
pas plus recevoir la vérité dans tous les temps, W
la nourriture à toutes les heures.
JBons Citoyens , ne vous laissez point alarme île
toutes ces révélations dangereuses 5 dites-vous b . ,
que toute assemblée d'hommes a toujours offerlim
^> mélange de vices et de vertus , d'audace et de timi(j3,
\ de talens et de calomnies ; que ce mélange mêmeist
peut-être nécessaire pour opérer la fermentation jui
épure les décisions de ce qui est dangereux , ewe
ne laisse que l'utile : à*peu-près comme de la cop-
naison des plantes venimeuses et salutaires on f<ii»
de vrais remèdes. i
San? vous embarrasser de scruter les poeurs de |u«
tji viennent àè vous faire des Lois ^ cOntente£-vouâ
e ces Lois mêmes : que yous importe l'ouvrier , quand
ous n'avez à faire que de l'ouvrage ? Fût-^ce là main
e Catiiina qui présentât de bonnes Lois , il faudroit
s recevoir comme de la bouche de Caton même 5 et
uand on croit entendre là raison de tous les Iiommes ,
ne feut jamais y chercher la passion de tel homme.^
V I I L
Je sais bien , Amis de la paix , qu'on n'épargnera
en pour décrier ces Lois , et que d'avance on en
édira les effets les plus funestes. Voulez-vous abréger
;s vaines prédictions 5 faites à ces détracteurs une
ule question^ et pressez -les d'y répondre nette-
leat.
Des Lois anciennes et des Lois nouvelles.
En avouant tout ce que vous voudrez de nos Loif
jùvelles ^ rendront- elles j leur demanderez-yous , le
BÙple François plus malheureux qu'il ne l'étoit par
s Lois ancienneè ? Alors vous Verrez ces hommes
Higir et se taire ^ ou du moins s'efforcer de parler
5iir ne rien dire.
Mais suivez - les dans leur fuite , et demandez - leur
3 ont tout- à -fait oublié ce que nous étions^ pour
alarmer tant de ce que nous allons être. Bien loin
3 lions regarder conime des Citoyens^ leur direz^-yous ,
^èine sembloit-on nous croire des hommes : notre cons-
i^ce appartenoit à tous les prêtres j notre fortune à
>U8 les déprédateurs , et nos personnes à tous les da-
teurs : nous étions la proie de nos enneinis dâii
'guerre, et la fable de l'Europe dan» la paix ;
B
[ .8 ]
îioiîs seuls enfin nous ignorions encore le degré d'ab-
jection où nous étions tombés 5 et sitôt qu'un Fran-
çois avoit passé la limite de sa Patrie , son nom étoi
itn fardeau qu'il ne cessoit plus de porter jusqu';
l'extrémité du globe.
Nous étions si loin d'avoir qlielqiie liberté , qu'i
ne nous étoit pas même permis de parler de la libel-ti
des autres ^ et souliaiter un meilleur gouvernement
étoitpour nous aussi périlleux , que pour d'aUtres Peuple
de l'obtenir.
Pour comble de misère , le temps et l'infortune non
avoient ravi jusqu'à cette gaieté que l'Europe appeloi
folie , et que la Nature sembîoit nous avoir donne'l
comme elle donne le sommeil aux malheureux.
Vous qui blâmez tout ce qui vient de se faire!
j'interroge votre conscience , ajouterez-vous ^ et je 701 i
demande de me répondre avec bonne -foi : si l'on voii
avoit annonce , li y a vingt ans", tout ce qn on voi \
offre aujourd'hui , vous l'auriez d'abord écouté comnj
nn réve^ et vous l'auriez ensuite reçu comme unpréseï
de la Divinité ; et maintenant, parce que ce présent vo
est offert de la main de quelques Concitoyens que TOii
ii'aimez on n'estimez pas , vous le décriez : eb bien:
venez donc avec nous ; venez jurer sur le co(
de nos Lois absurdes et barbares , venez jurer à
m
porte de nos prisons d'Etat 5 venez jurer dans
campagnes désolées > dans les chaumières incendié
d'impôts , dans les places publiques teintes du saj
humain , dans le palais des Rois investis de la.f a':ter
et du mensonge ; vendez jurer au milieu d« ces cot?
f
( 19 )
isans , de ces ministres plus vils que là servitude , et
lus corrompus que le vice même ; venez jurer , eniiii ,
la face de Dieu et des Hommes ^ que notre ancien
tat étoit meilleur que celui qu'on nous offre. Non ,
ous ne Poseriez jamais , et déjà vous croiriez entendr»
î cri de la Nation indignée , attestant contre vou»
; ciel et la terre.
Un mensonge nuisible à la Patrie est sans doute le
lus grand parjure : pourquoi donc commettez - vous
evant chaque Citoyen le parjure que vous n'oseriea
rofércr devant la Na*^ion toute entière ?
I X.
De la vanité des prédictions politiques.
C'est une place si commode que l'avenir^ on y dis-
ose si bien de toutes clioses ; les événemens qui ne
ont point encore»- arrivés gênent si peu ^ que vous ie-
ez bien vous attendre , vous qui desirez la paix ,
e voir ceux qui ne s'en soucient guère, se sauver
es reprocKes du passé , en se jetant parmi les lan-
cines de l'avenir ; malgré tout ce que vous pourrez
ire^ ils voudront vous en épouvanter j et \ous cn-
'ndrez sur la Constitution nouvelle les prédictions les
lus funestes.
Lés hommes sont presque tous des enfans ; comme
ix ils se plaisent , par Pémotion même de la terreur ,
écouter les contes quiNles effrayent : tâchez de ra-
lener ceux-ci à la vérité par les réflexions que je
aïs vous offrir
Lfs«Zj direz - vous j ou faites - vous raconter ce c^t-
B a
C 20 J
les Lômmes ont ^crit sur les gouvérnemens de la terr
les plus célèbres par la liberté j et je puis vous assure
que vous ne trouverez pas un de ces gonveïnemieni
pii la liberté ait été conservée ou ruinée , précisémeni
de la manière que les politiques l'avoient annoncé;
Quand on établit le Tribunat à Rome , doutez]
vous que les Patriciens ne fissent des harangues ad;
Sîiirablés pour en démontrer les dangers , et qu'ils nt|
peignissent le Peuple Romain à Rome , comme 01'
peint le Peuple François à Paris ? Harangues admi^i
râbles , éloquence sublime î et le Tribunat sauvil
Rome. |!
Quel politique Romain me rega.rdala dictature comnwj
l'institution la plus salutaire ? et l'institution de h\
dictature^ à la fin , perdit Rome. Nul liomme 'ni\
put voir la connexion des événemens entre la dicta'j
ture de Camille ou de Fabius ^ et celle de Sylla ou èj
César. \ , '^ j
O ! vanité de la politique même après l'existënc |
de l'Empire Romain, quand mille histoires eurent expôsi;
à tous les yeux, et mis ^ pour ainsi dire ^ dans toute
les mains les pièces de cette vaste machine : quant 1
elles eurent montré les événemens qui en avoient ex-
cité le jeu , ces étonnans effets furent encore un pro ^:
blême : il a fallu de nos jours le génie de Mon-|
tesquieu pour nous en expliquer la grandeur et h]
ruine.
Et ce qui est bien singulier , ce même Montesquieu jl
qui dans cet Ouvrage , perçant tout le passé avet Tîli
mil d'aigle ^ semble n'avoir besoin que de se tourner!
I
C ^1 )
iluï percer aussi sûrement l'avenir 5 ce Monteâqilietl
jivise àe prédire une grandeur future à une petite
jibublique de Suisse 5 et cette République n'a pu tirer
j;qu'à présent sa sûreté que de sa modération : bornée
i sa conservation , on diroit qu'elle met sa sagesse èù
« mentir la prédiction de Montesquieu.
iL'Abbé de Mabli n'a- t- il pas vanté le Gouvetne-
]!ntnaissantdeSuède?et ce Gouvernementn'a pas cessé
i se tourmenter et de tendre à se dissoudre.
Quand les nouveaux Américains voulurent se donUelf
1 g constitution ^ combien les Anglois n'anneincèrent-»
i pas sa ruine ! Les Anglois mêmes ^ depuis qu'ils
«it libres et riches^ n'ont point cessé dé se prédire
en jour à l'autre la banqueroute et l'esclavage 5 eC
( qu'il y a d'admirable , on voit toutes ces vaipes
I dictions se réfugier dans l'avenir , à mesure que
1 présent les dément et les poursuit , et s'appeler*
t jours effrontément la vérité , le lendemain mêin#
c jour qui les a convaincues d'imposture.
Te vais plus loin , Amis de la Paiiï r si vous dôman-'
dz maintenant à tous ces politiques si claiïvoyans sur
l effets de notre Constitution nouvelle , de vous dé-
opper tontes les causes d« la révolution qui nous
|isionne aujourd'hui , nul ne pourroit vous les assigner
ac netteté 5: vous^ les verriez tous entrer dans un
iyrinthe^, où chacun errant à sa manièi^e $- eherche-
rt une issue différente «■
?oibles et insensés qile nous sommée^ nous ne sau-
r as expliquer le passé ni le présent , et nous avons^
'fureur de deviner L'ayenir ! nous oublions sans cesse
[ 22 3
qufe les ïiomînes n'ont que deux grands maîtres poi
le$ instruire, Pexpérience et le génie ; que ces den
maîtres ne peuvent , dans les choses qui ne tiennr i
pas à nos premiers besoins , presque rien l'un sai
l'autre j que l'expérience n'est rien sans le génie qi
la recueille , comme le génie est peu de chose sai
l'expérience qui le soutient.
Quelle pitié , de voir tous ces spécelateurs démenti
pièce à pièce nos machines politiques , calculer
dimension de chaque roue ^ leur action réciproque
leurs frottemens 5 et ^ comme s'ils avoient tout fait
annoncer hardiment leurs effets et leur durée ! mal
le premier mobile de tous ces rouages , le cours de$ évd
nemens et tout ce que notre ignorance appelle^ûî^aroi
le peuvent- il calculer? Savent -ils si, de l'urne dç
Providence, toujours enfoncée dans un nuage ^ «es éri
nemcns couleront comme des torrens- ou comme.dij
> ij
ruisseaux ? !
Hélas î au lieu de prédire le cours réglé des effet'!
que ces hommes précipités n'en prévoient - ils plut?
l'incertitude et le» écarts ! et comptant peu, sur la so]
dite de tout cet engrenage politique , que ne disposer
"ils autour de ces rouages, des ouvriers qui sachent 1
réparer^ quand les événemçns les auront endommag;
piir un mouvement trop violent ; ou qui puissent fac
liter leur j€u , si ce mouvement^ au contraire, e
trop fotbie ! '
Ces ouvriers , plus nécessaires que la machine mêwi
politiques modernes, apprenez des politiques ancieni
c§ qu'ils sont j ou ce qu'ils doivent être î ce sont 1
r i3 3 ^
instituteurs des enfans 5 ce sont les censeurs dc^s nom-
mes y ce sont en un mot , tous ceux qui formeront
nos moeurs : voilà , voilà le seul régulateur de la pro-
litique humaine et des événemens du hasard 5 et voilà
la seule chose dont vous ne daignez point nous parler î
Bons Citoyens î redites-le sans cesse , parce que sans
cesse on l'oubliera : ce sont nos mœurs qui décideront
du sort de notre constitution ,^ et notre constitution ne
sauroit décider seule du sort de nos moeurs.
Si nos lois civiles égalisent davantage les fortunes 5
si elles resserrent le ressort de la puissance paternelle ;
si par leurs institutions sur les dots , elles rendent les;
mariages plus faciles j si par la liberté du divorce elles
affermissent ce lien en l'allégant ;
Si nos lois de Police favorisent le travail , et rendent
Foisiveté plus pénible que le travail même 5 si elles
ont Part d'établir des fêtes^ vraiment publiques et pa-
triotiques 5
Si nos Lois criminelles sont douces et impartiaîeà 5
si nous joignons à des lois qui punissent les fautes avec
modération^ d'autres lois qui récompensent les vertus -
avec générosité ^
Si par l'influence secrète , mais bien étendue , de nos
lois fiscales , on ramène les Villes dans les Cam-
pagnes j
Si nos Lois relic^ieuses cessant de dénaturer l'homme ,
ne s'occupent plus de le façonner à l'esclavage civil
par l'esclavage religieux 5 si ces lois bannissent la
superstition qui avilit le cœur , pour établir à sa place
I la morale qui Pdlève et Paffennit j
B4
[24]
Si Pori établit enfin une éducation où Tamour' cîe
la Patrie et de la liberté soit nourri par les plus
profondes racines de Phabitude : alors , bons Citoyens,
nous pourrons dormir en paix sur les défauts même
de notre Constitution , et ceux qui nous prédisent la
servitude et le mallieur , aulont menti.
Mais , si toujours dupes de notre caractère in-
quiet, impétueux et vain , nous voulons briller dans^
l'Europe par nos forces et nos ricbesses 5 si nous re-
gardons au-deliors les victoires comme un lionneur , i
et le luxe au-dedans comme un bonbeur 5 si nous con-
tinuons à chercber d'autres délices que celles delà
liberté dans le sein de nos familles : alors ^ bons Ci- !
toyens , quelle que soit notre Constitution , ceux qui \
îious auront promis en son nom le bonbeur , nous auront
bien trompés.
X.
Hommes sages ^ malgré ces réflexions ^ n'attendez
pas que nos politiques discoureurs consentent tonsi
à se taire devant l'avenir : vous trouverez toujours des i
îiommes précipités , qui ^ sans attendre l'expérience
s'efforceront d'entraîner les esprits dans leurs conjec-
tures sur les effets de nos lois nouvelles.
JDe r avilissement de V autorité royale»
Vous les entendrez sur- tout murmurer souvent de
l'avilissement de l'autorité royale : vous êtes François ^
et ce reproche vous touchera î nous I avilir l'autoriti
royale ! nous qui chérissons la Monarchie par principes
et nôtre Monarcjue par sentiment !
f25]
Mais,, pour savoir ce qui peut avilir un Roi , ne
faut-il pas coniioitre ce qui doit l'honorer? Si la gloire
, d'un Roi est de commander à des hommes , n'est-ce pas
" l'avilir que de dégrader ses Sujets?
Prenez-y garde , direz-vous à ces François qui s'a-
larment, votre cœur vous trompe : accoutumés à comp-
ter les Rois pour tout , vous avez insensiblement oublié
' ' de compter les hommes pour quelque chose 5 toute
restitution faite à la nature humaine vous paroît un
irol à la royauté 5 et vos yeux sont si fascinés ^ que la
Loi même jvous semble effacée , quand ^ au-lieu de la
, volonté éclatante d'un Roi , vous n'y découvrez que
ia vôtre et celle de vos semblables.
Hélas ! faut-il blâmer les Rois de se croire presque
des Dieux , quand nous-mêmes avons la foiblesse de
crier au sacrilège contre des Lois qui leur prescrivent
de n'être que les premiers des hommes?
Cependant, quelle idée avons-nous de Dieu même?
€elle d'un Etre à qui l'accomplissement de tout mal est
impossible , et la perfection de tout bieii est nécessaire ?
seroit-ce donc avilir les Rois^ de leur ôter la puissance
de nuire , pour les combler du pouvoir d'être bienfai-
*ans ?
Et. quel indigne avilissement , au contraire , quand
les institutions humaines , abaissant un Monarque au-
dessous du plus vil de ses Sujets ^ eu font l'homme de
son Empire le plus craint à la fois , et le moins estimé 5
'quand, lui préparant une route facile aux plus grands
vices , elles ne cessent de lui embarrasser celle des
moindres vertus !
[ 26 3
Bons Citoyens , dites encore qiî'un Trône doit étr»^
un Autel où les Sujets portent tour à tour les \œnx
conflans de leurs besoins, et les doux sentimens d©
leur gratitude. Quelle profanation , d'en faire un asyle
où des Rois , des" Ministres , des scélérats affreux ,
soient toujours assurés de Pimpunité des Lois , sans ja-
maispouvoir s'y soustraire à la haine des hommes , et
aux vengeances de l'opinion !
Garantir les Rois de la foiblesse qui les conduit au;»
abus,, de la puissance 5 leur conserver toute la force qui:
peut en faire un légitime usage 5 tel est l'unique moyen
de maintenir la majesté des Rois et la liberté des Su-
jets j et d'îionorer à la fois les Rois par leurs bienfaits ^
et les Sujets par leur amour.
ï^ous n'assurons point que nos institutions nouvelles
ayent entièrement atteint ce but 5 mais, nous pouvons,
assurer qu'elles y tendent, et c'est bien assez pour les.
justifier d'avoir avili la majesté royale. Eli! comment
auroient -elles pu l'avilir? Elle étoit dégradée jusqu'au'
despotisme.
XL
Hommes sages ^ vous savez que les Iiommes convien-
nent assez facilement des bons principes , mais qu'ils
en nient souvent les conséquences : c'est que les boas
principes en morale et en politique ^ ne s'adressent
qu'à la raison , et leurs conséquences attaquent les in-.
térê^ts et les passions.
C'e«t, par exemple, un principe aujourd'hui géné-
ralement reconnu , que l'union du pouvoir législatif an
( 27 )
pouvoir exécutif > produit le pouvoir arbitraire j làf
première conséquence de ce principe etoit de rameiïei?
le pouvoir législatif à la Nation , en laissant le pouvoir
exécutif au Prince ; cependant ce partage si simple a
excité de grandes rumeurs : on n'ose plus dire que
le Prince seul doit faire les Lois, mais on assure qu'il
peut seul les empêcKeT. *
Du N ^to absolu et suspensif .
En vérité , liorames sages , la vie des individus et
celle des Etats n'étant qu'une suite de volontés et
d'actions , quiconque a le droit de les empêcher de
tout faire , a celui de les détruire.
Mais il faut écouter les raisons d'une telle opinion r
ce que prétendez-vous donc faire de vos Rois , disent
r> ses partisans ? vouLbz-vous qu'ils soient les premiers
« Huissiers delà Nation? Tous les Sujets auront- le
w droit de coiitmander , et le Roi seul n'aura que la
>5 prérogative d'obéir ! Simple spectateur de l'œuvre de
M la Loi , il n'y con-courra jamais' d'une manière efii-
r> cace ! et si vous lui pei'juettez de l'arrêter un mo-
» ment^ c'est pour lui faire subir l'affront de l'admet-
» tre malgré lui, et d'en être le héraut lui-m^ême î
33 Quel intérêt; voulez- vous que les Rois prennent à,-
33 l'exécution de ces Lois qui leur seront toujours
•>■ étrangères , et leur paroîti'ont souvent ennemies ?
30 N'est-ce pas aussi une injustice trop criante dans
% votre Constitution , de supposer toujours le Prince
« sans vertus, et vos Représentans -sans vices? Rois
» et Représentons, n'auront-ils pas tous uiie passion:
(aS)
Si commune ? ne seront-ils pas tous également âmbir
» tieux ? Si l'ambition des Rois est plus soutenue ,,
» celle des Représentans sera plus \ive : la sagesse
» exigeoit sans doute que ces poids à-peu-près égaux
w fussent balancés Pun par l'autre , , et qu'en acçor-?
ce dant aux Représentans de la J^Tation le droit de pro^
3> poser des Loix , on assurât au Monarque le privir
S3 lége de les refuser.
33 Quand on verra des Louis XI occuper le Trône ^
*» et leis de Thou , les Harlay , les Mole ^ les Beauvil-
» liers , les Montausier , les Fénélon , 1er Montes^
» quieu ^ etc. , remplir vos Assemblées Nationales ^
» votre Constitution paroîtra fort sage : mais quand un
» Roi aura l'ame d'Henri IV ^ et que vos Représen-
»» tans auront le génie des Ligueurs , quels seront le«
» effets de cette Constitution ?
do Pourquoi , d'ailleurs , voulez-vous être plus savant
35 et plus jaloux en fait de liberté , que le Peuple An«
^ glois ? Ce Peuple réfléchit-il moins que vous ? N'a-
» t-il pas l'espérience qui vous manque? Airaez-vous
» mieux consulter une vaine théorie , qui peut vous
33 tromper, que des faits dont le succès est prouvé ?
y> et faut-il que la vanité de mieux faire vous aveugle
» sur les moyens avérés de faire le bien ?»
Toutes ces raisons^ Amis de la paix , ne sont poinfe
sans force 5 mais pour rassurer les esprits , je vous pro-
jposerai d'abord une réflexion bien simple»
- Quand il s'est agi de ce fameux veto royal , rappelez-
vous qu'il s'éleva deux partis qui faillirent a dégénérer
en affreuse discorde ; les uns vouloient que ce droit fûfe
t 39 ]
Absolu et sans limites , et les autres vouïoient l'anéantir
tout-à-fait : mais anéantir un tel droit étoit vraiment
dangereux , et l'abandonner sans limite , l'étoit peut-'
être encore davantage : le limiter dans un juste espace y
paroissoit le vœu de la sagesse 5 et quand on jDarvient à
mécontenter à la fois deux partis opposés , on peut se,
croire assez voisin, de la vérité.
Après cette réflexion , liommes sages , vous vou»
garderez bien de Pimprudence de jugement , tant repro-
cliée à notre Nation ; vous ne préférerez point liante-,
ment notre Constitution nouvelle à toutes les autre*
Constitutions ;, à peu près comme nous mettions notre
cuisine et nos modes au-dessus de celles du reste de.
l'univers : vojis vous contenterez de faire observer
qu'en fait de gouvernement comme de régime y les
exemples sont trompeurs ^ et que ce qui fait le salut
de l'un y peut entraîner la ruine de l'autre. Vous ferez
remarquer aux détracteurs y que dans le Gouverne*
ment d'Angleterre ^ par exemple , les GiUnds ont un
puissant intérêt de s'unir au Peuple contre le Roi qui
Voudroit empêcîier des Loix nécessaires au maintien^
,de la Constitution , parce que cette Constitution leur
assure de très -grandes prérogatives. Mais dans la nôtre j>
sca contraire ^ les Grands sont tous intéressés à s'unir
ail Monarque pour ruiner la liberté et la Constitution
qui les abaisse. Il est donc clair, direz-vous ^ c|ue la
Constitution Angloise pouvoit , sans péril , accorder à
son Roi plus de force que la nôtre ne devoit lui en
laisser avec prudence.
Vous ferez sentir encore que la Constitution propre
[30]
à conserver la liberté dans une île où tout est reiA-'
part pour la retenir , ne vaudroit rien dans un continent
où tout ce qui l'environne offre des issues pour la
perdre.
En Angleterre , si la Nation vouloit absolument for-
cer son Roi dans le refus injuste d'une Loi néces-
saire 5 elle pourroit refuser à son tour les subsides j
suspendre l'action du Gouvernement, et dormir im-
punément quelque temps , comme l'Alcyon j au milieu
des flots de la mer.
Mais en France , la moindre suspension des subsides,
en allumant la fièvre de la discorde au-dedans , frappe-
roit PEtat de paralysie au-deliors , et le livreroit sans
défense aux entreprises de tous ceux qui l'environnent, i
Enfin , vous montrerez , Amis de la paix , la diffé-
rence extrême entre une Constitution aclievée , et celle î
qui n'est qu'ébauchée, et, pour ainsi dire, qu'essayée»
Dans la violence des intérêts opposés j et l'ancienneté
de nos préjugés vicieux , peut-être la seule perfection,
qu'on pouvoit donner à notre Constitution , étoit d'y
fonder les moyens de corriger insensiblement ses dé-
fauts mêmes : si l'on eut accordé ou refusé tout-à-fait
au Roi le droit d'empêcLer les Lois , c'en étoit fait ,
la Constitution étoit fixée sans retour , ou n'auroit pu
cbanger qu'en devenant pire 5 du moins , tout cliange-
ment utile auroit peut-être exigé des efforts danger eu 3i|(|i
Le Roi privé de tout veto , ne pouvoit empêcber les
Lois_^qu'on auroit vu favoriser toujours plus l'anarcliie
ou la démocratie ; et le Roi j armé d'un veto absolu ^
[21]
aMroit maintenu dans la Coustitutron tous les défauts
qui pouvoient favoriser Lr despotisme.
Amis de la paix;, dites bien ceci à quelques détrac-
teurs : n'est- il pas possible , après tout , que l'expé-
rience développe les effets de notre Constitution d'une
toute autre manière que nous Pavons preA^u ? Pouvons-
nous assurer, par exemple^ que le Peuple ne devien-
dra pas très-indifférent pour ses Assemblées politiques ^
et très-inattentif sur sa liberté ! Oserions-nous garantir
que la corruption des liommes riclies ne sera point en -
Tenimée par tous les caustiques de l'ambition ^ et
qu'enfin un Monarque adroit et ferme , profitant de
tous ces vices ^ ne puisse un jour menacer notr« liberté,
par les Lois de notre Constitution même ? Dans ces
conjonctures , que deviendrions-nous , si ce Roi étoit
armé d'une faculté illimitée d'empêcher toutes les Lojs
que les bons Citoyens proposeroient pour arrêter lei.r
ruine par des Lois meilleures ? Il me semble alors e;i-
tendre ce Prince disant au fond de son cœur avec une
joie cruelle :
ce Nation imprudente, tu as fait ^ dans l'eutbausiasmc
y* de la liberté ., des Lois qui te conduisent a ta ruine :
» tu le vois â présent, et tu trembles 5 je le vois
30 aussi f et je triomplie. Tu cL.erclies ton salut dans
3î des Lois nouvelles ^ et tu me demandes d'assurer cet
'r> appui j sur le bord du précipice où tu vas tomber.
M Non 5 je le refuge : j'en ai le droit j tu l'as consacré
» toi-même 5 tombe ^ et précipite-toi vers l'esclavage:
» ma prérogative est de t'y pousser^ en conservant
•^v toutes les Lois qui cônvieiiaezit à l'accroissement
t30
5? de ma ptiissance , et ne pennettant jamais celle»
3? qui ne conviennent qu'à ta liberté.
X I I.
objections sur la conduite de V Assemblée Nationale. \
Amis sincères de la paix ^ soyons de bonne-foi , et
n'imitons point ceux qui se trompent eux-mêmes , afin J
de mieux tromper les autres : dans la foule d'obje,c->]
tions vagues , puériles , fausses , et même odieuses y.
on vous en opposera de spécieuses et de sages : des
hommes sensés vous diront ; « falloit-il donc se liâter -
3» d^ détruire l'ancien édifice jusques dans ses fonde--
» mens , lorsqu'on étoit encore incertain d'en pouvoir,
3? élever un tout nouveau ? Dans une entreprise si dif---
33 fîcile par elle-même^ étoit^il prudent d'appeleri en-.
33 core tant de difficultés étrangères ? ne devoit - on ,
» pas prévoir que l'Etat sans Loix ^ sans soutien , pou-
5) voit périr et se dissoudre dans l'intervalle , entre le»
33 Lois anciennes qui n'existoient plus ^ et les Lois
33 nouvelles qui n'existoient pas encore ? Quels poli-
aï tiques ont jamais imaginé de plonger d'abord une
33 Nation dans l'état d'anarcliie et de guerre , pour la
33 ramener ensuite à un ordre civil plus parfait ? Dans.
,» tout ce qui s'est fait ^ enfin, ne voit-on pas tou-:
33 jours la passion , là où l'on ne devroit rencontrer:
33 que la sagesse ? 33
Ces détracteurs vous citeront Montesquieu , qui ^
dans les cliangemens politiques , défend toutes les ac-
tions subites.
lis vous citeront Rousseau.^, qui , dans son Ouvrage
sur
[33]
sut îe Gonvernement de Pologne , dit : js sens la dif-
ficulté du projet a' affranciiir vos Peuples ; ce qu<s
je crains n'est pas seulement l'intérêt mal entendu
de l' amour-propre , et les préjugés des Maîtres ; cet
obstacle vaincu , je craindrois les vices et la lâcheté
des serfs : la liberté est un aliment de Ion suc y mais
de forte digestion^ il faut des estomacs bien sains
pour Is supporter. Je ris de ces Peuples avilis qui se
laissant mener par des ligueurs ^ osent parler de li^
berté sans même en avoir l'idée , et ^ le cœur plein
de tous les vices des esclaves ^ s'imaginent que pour
être libres f il suffit d^être des mutins.,,. Affranciiir
les Peuples ds Pologne^ est mie grands et belle opé-
ration , mais hardie^ périlleuse , et qu'il ne faut
■pas tenter inconsidérément : parmi les précautions à
prendre , il en' est une indispensable ^ et qui demande,
du temps ^ c'est ^ avant toute choses de rendre dignes
de la liberté ^ et capables de la supporter <^ les hommes
qu'on veut affranchir (i).
mm « ' ■ ' ' ■ . . - I I I I •« ,
(i) A la leâiure de ce pafTage , j'ai fouvent eatsudu des hommes
fenfés s'écrier : quelles fagss levons! quel homme que ce Jean -Jacques l
Ces mêmes hommes fourenoienc que le génie de la légiflation ,
noie encore plus dans le cœur que dans la tête j que pour crou-
ler de bQrnies'lois , il falloic être capable dt les obferver ; 5c que
pour fe rendre utile aux hommes , il falloir d'abord les aimer,
i^oyaz , difoient-ils , parmiles Anciens, Nufaa, Lycurgue , Solonj ÔC
)arrai les Iviodernes , l'HoJpîtal , d'AgueJfeàu , Montefquieu , Jean--
Jacques. O vertu ! s'écrioient-ils cncorcj tu es bonne à tout I on t'a vu"
ijuelqùefois fuppléer le génie j mais dans les çhofes utiles aux
liommes , dans l'art fubiime de leur donner des lois , jamais ^
pa^ j«mftis Le talcut, la génie ne fupplésront la vertu. /
C 34 ]
Voyez 5 TOUS Jirout-ils , comment l'Abbé de Mablj
s\ xplique dans son Ouvrage postKiime , des droits
■ et- des devoirs du Citoyen : en parlant des Etats-
■ Généraux que nous pouvions rassembler pour noua
rendre à la liberté , et qu'il se figuroit comme par
•un esprit propliétî que : vous craignez ^ dit -il dans
ce singulier ouvrage , que vos Etats- Généraux ne
fussent trop mous , et moi je cjYiindrois qu'ils tî^
fussent trop vifs ^ j'ai peur que vous mettant une
fois en train de réformer les abus ^ Vous nevott'.mSk
■ lussiez tout' d'un- coup devenir des gens parfaits. Il
•y a cependant une route dont vos Etats Jiaissans
ne pourroient s'écarter sans un e octré me péril : ils
doivent se comporter avec une ecctréme cireonspeC'
fion ; ils devr oient faire semblant de ne pas voir toù^
■ les abus ; ils devrozent les traiter avec la plus gra^^wi
indulgence , . , . . Plus les vices sont £^rands et 7k/*|
pandus f moins il faudroit les attaquer de front., ^iJm
point de zèle indiscret : la vanité et l'avarice sont
(lujourd'hui les deux mobiles de toutes nos actions ;
il faut donc prendre garde d' effaroucher ces deusp
passions : loin d'exiger que les grands renoncent 4
des prérogatives qui peuvejit être à charge à la,
Nation 5 il faut , au contraire , faire espérer 4^
distinctions plus flatteuses ^ et une grandeur pli^
réelle : que chaque Citoyen sur-tout soit sûr d^ sa |
■fortune y et qu'on n'alarme point , par une éçonor I
jiîîe nial-enteridue ^ les Créanciers de l'^Etat.. Dans j
le temps qu'on n'a encore que des hommes eommuns-j, \
il ne faut pçis être assez fou pour exiger de l\
C35J
roisme ; nous avons eu des Kois despotiques : il esf
juste de faire eitcore pénitence y pendant quelque
temps ^ de cette folie. Les Etats pleins d^ égards pour
les Seigneurs et la Noblesse y doivent donc se charger
de toutes les' dettes de la Couronne, ce II faut
33 GUÉRIR l'Etat ^ mais par un régime doux , et
» ne pas oublier que c'est un malade affaibli par
» de longues maladies ^ que la convalescence doit
y^ être lente ^ et qu'en la hâtant par des remèdes
» violens ^ on risquerait de la retarder* »
Appliquez, ajouteront les censeurs^ ces opinions ae
nos plus sages politiques , à tout ce que PAssemWée
Nationale a fait , et jugez de sagesse.
ce C'ëtoit une maxime célèbre , et reconnue Je
» l'Europe entière , que le maintien de la Monarcliie
T> étoit inséparable de celui de la Noblesse 5 et notre
» Assemblée veut consen er la MoD?a'cliie , en détrui-
îj sant tout-d'un-coup la Noblesse 5 car enfin ^ l'cs-
55 sence de cet Ordre ne consistant que dans la dis-
33. tinction_, confondre la Noblesse avec le Peuple^ c'est
» la détruire.
3? Notre Peuple étoit abaissé presque au -dernier
» degré de s rvitude 5 et sans aucun intervalle y PAs-
» semblée Nationale le porte au premier degré de
T> puissance.
33 La PLcligion ou le Sacerdoce s'étoient însensi-
33 blement liés à toutes les parties du Gouvernement r
Tf le Ci'ergé enlaçoit l'Etat, comme le lierre enlace
» un ormeau : il lui nuisoit sans doute ^ mais enfin ,
3> falloit-il Parraclier avec violence y au lieu de le dé-
C a
C 34 ]
» taclier avec tine sage lenteur ? et ne sufiisoit-il pa&
7i d'abord d'anéantir l'Ordre du Clergé, en le'coti-
x> fondant dans l'Ordre de la Noblesse ?
33 Qui peut, en observant tout cela, se refuser à
3> cette idée_, que l'Assemblée Nationale n'a été que
33 Passemblage de deux factions , qui so détestaient et
33 s'insultoient ^ l'une sous le nom d^^rjstoc^^tjj^ ^
35 et l'autre sous celui de démocratie ? Et quand
» de deux factions , l'une enfin écrase l'autre , peut-
» on dire que c''est la sagesse ou bien la force qui
» l'emporte ?
3> Aussi , voyez l'ouvrage qu'ils ont fait , et dites-
39 nous comment il est possible d'excuser l'institution
» d'une Chambre unique de Représentans^ institution
» inôuie , sans exemples comme sans, motifs , et qu^on
» ne peut pas plus justifier dans une grande Monarclii©
y> par l'autorité de l'expérience, que par les spécu-
33 lations de la tbéorie. Quoi \ dans la Monarcliie
93 Françoise , coniier la puissance législative à un
33 corps très-nombreux , formant une assemblée uni-
53 cj[ue, sans contrepoids qui Farrête , et tendant tou-
» jours à la démocratie ou à Fanareliie , par la force
» accélérée de sa passion dominante ! en vérité , cette
33 institution téméraire ^ qui a tant étonné nos con-
» temporains , pourra bien faire gémir notre pos*
33 térité 33,
M:Qtifê de l' anéantissement de l'Ordre de la
Noblesse.
Amis de la paix , hommes équitables , ces objec-
■^imy^ sont fortes , f t vpus g n conviendriez î mai$ v€^ici
[3/3
ce que vous prierez ces lioinmes sensés , de considé-
rer avec quelque attention.
Le mouvement de cette révolution a été extraor-
naire , et trop rapide sans doute \ mais il faut con-
venir que cet expès , dans la force qui attaquoit, n'a
4té produit que par l'excès de la part de la force
qui résistoit.
Le plus paisible ruisseau devient torrent , quand
une digue l'arrête j il s'ei^fle , il s'élève , accumule son
poids , et rompant la digue , il entraîne tout devant
lui.
Suivez bien l'iiifloire de cette révolution j et vous
verrez que le peuple ne s'est trop élevé peut-être ,
que par l'acharnement de la noblesse et du clergé à
le retenir dans son abaissement; qu'il n'a tout exigé,
comme un droit , que parce qu'on ne vouloit rien
accorder qu'à titre de grâce ; qu'on n'a détruit le gou-
vernement jusque dans ses fondemens , qu'en voyant
la noblesse tt le clergé cliercher dans les moindres
ruines des matériaux pour refaire un édifice tout pa-
reil ; qu'enfin cqs deux ordres s'obstinant à peser sur
la nation. , ils l'ont eux - mêmes réduite à les jeter
par terre , comme un insupportable fardeau.
Soyous de bonne foi , les événemens qui ont pré-
cédé l'Assemblée Nationale , et ceux qui l'ont ou-
verte, ne montrent dans la noblesse et le clergé qu'une
suite d'imprudences -inexcusables ; et de la part des
communes , les événemens oui ont suivi , laissent voir
des actes de colère j eiteis inévitables des outrages
«t de l'injustice.
C 3
£3S3
-Conçoit-On la f.mte de la J>Tobless« qui va .s'unir
intimement à Tordre du Clergé^ dont le sacrifice dans
les ..circonstances présentes étoit indispensable ? Ne
devoit-elle pas mettte sa politique à capituler plus
avantageusement au milieu des ruines de cet Ordre,
d.cîit elle se seroit fait un utile rempart?
Quelle démence de la part de ces deux Ordres, et
cjueile ignorance des temps et des lumières y de you-
îçir se défendre dans ce siècle y et s'enveloppant de
toutes les institutions des siècles que nous méprisons
profondément î
Comment justifier leur opiniâtre résistance à se
réunir aux Comnumes ? Les yiolences ^ les outrages,
les haines terribles qui en ont été la suite ^ ne sont-
elles pas leur ouvrage ? Peut-on s'étowner , après ces
événemens , que les Communes n'ayent vu dans la
Noblesse et le Clergé , que des ,iiommes dont la
]^s.uie étoit d'autant plus dangereuse pour l'avenir ^
qu'elle avoit été plus impuissante à présent ? Dans
ces circonstances ^ former de ces hommes deux Or-
dres , ou un seul Ordre séparé , les déclarer partie in-
tégrante de la Législation , laisser dans leurs mains un
très-grand pouToir ^ ce n'étoit pas se reconcilier avee
des ennemis calmées, c'étoit les déchaîner après les avoir
outragés^ c'étoit leur aiguisex des armes pour la ven-
geance.
Enfin , plus on réfléchit sur ce qui s'est passée plu«
on incline à croire que les Communes , emportées par
les événemens et les passions^ se sont trouvées dans
€G8 eonjoBctiires terribles où il «st trop difficile ^
( 59 5
et Inénie daiigersux , de faire tout ce qui serait
înielix.
Môme en conveilaîit qtle ïa séparation des Ordres
est en général une bonne loi dans une Monar.cliie , on
doutera beaucoup si cette Loi étoit convenable darvs
ce moniefit a la nôtre y et si nous ne devions pas re-
venir lentement à cette institution ;, au travers da
temps, et guidés par l'expérience , comme on revient
des passions à la raison ^ par une longue succession do
senti mens plus modérés*
Mais ce que l'on conclura nettement , c'est qu'il
n'appartient point à la Noblesse et au Clergé de se '
plaindre d'an anéantissement qu'ils ont eux- même "s
provocpié avec une' imprudence incroyable ; que di^
roit-on d'un Laboureur^ qui oser^DÏt murmurer de ,né
point recueillir de bon grain j nprès avoir semé de
l'ivraie ? Il est permis à quelques Politiques de blâmer
j l'anéantissement de totite distinction dans une Monar^
" cnie 5 mais telle à été la conduite de la Noblesse et
du Clergé , qu'ils sont comptables , envers la Nation ^
des maux mêmes qu'ils ont forcé les Communes à
leur faire*
Amis de la Paix, vous ramènerez bien des esprits^
vous terminerez bien des disputes en faisant envisager'
sous ce point-de-vue l'unité du Corps de nos Repré^
, sentans ^ et sans décider de ce cpii est bon à la Mo-
narchie en général ^ contentez - vous de montrer ce
q^i convient peut-être dans ces circons^tances a lai
fldtre*
C i
r4o3
JBxamen de V Institution d^une Cliambre unique d^
Keprésentans»
Cependant rae croyez pas qiie Pinstitution d'une
Cliàiîibre unique soit axissi dangereuse qu'oij a voulu
îe dire 5 la nature] et le caractère y si l'on peut s'ex-.
■' 'Y II
primer ainsi , d'une Assemblée législative ^ dépendent
principalement de la durée du pouvoir de ses Meiri*
bres 5 et peut-être qu'en bornant la durée de cliaque
législature à deiix années , on a plus fait pour tempê-
ter l'ambition si redoutée d'un Corps législatif unique ^
que si l'on avoit institué une secon^le Cbambre (1) j
. . ^ . . — I
(i) Pour contenir les paflions qui doivent naître & fermente» V
dsils te foyer d'un grand Corps tel qu'une Chambre unique , c^tW <,-
ques perfonnes proporoÎ2nt rinftirution d'un Sénat donc les plaçai
feroient à vie.
U'.ie telle inftiturion , loin de remplir fon objet, feroit évidem-r
jnent dangereufs j des Sénateurs à vie , n'ayant plus rien à efpérer ,;.
ni à craindre de la Nation , fe jetteroient infailliblement du côtf'
du Monarque, qui pourroit fe les attacher par de grands dons 6ç
par de plus grandes efpérances.
Cette inftîtution feroit donc un» force enlevée à celle de la Nâ
tien, pour l'ajouter ^ la /Force du Monarque j elle produire it l'ait
«?e ces deux effets : , .
Ou le sénat à vie attaqiiero.it , de concert avec le Monarque ,
îa Chambre des Repréfentan-s par une corruption fourde , ou la
Chambre des Repréfentans attaquerpit y par là force des lois , les
Sénateurs corrompus.
Le premier cas ferait trèszJvraifemblabîe & très-dangereux i le ■
fécond ne îe feroit pas moins : quand les différens pouvoirs poliïi-.
«jiîes ne peuvent fe balancer par leurs paffions mêmes, & qu'ils
foïït obligés de recoiirir à l'^mprité des lois ^ îe combat çft trçs-
[ 4' ]
en prolongeant le Pouvoir des Représentans jusqu'à $îX
ou sept années 5 et bien loin de craindre l'ambition de
la Cil ambre unique de nos Représentans , je craindrois ,
bien davantage leur indifférence.
dangereux, Se les lais mêmes ont déjà reçu une atteinte pref-
qu'irréparable : quels moyens sûrs , prompts Se doux , pourroic-
on établir pour accufer , juger Se punir les prévarications des
sénateurs à vie , fur-tout quand ces prévarications fercient deve-
nues générales î
On doit bien remarquer à ce fujet , qu'en formant une conf-
titution , on doit toujours prévoir la corruption des hommes , &
ne jamais compter fur les vertus qui ne font point un effet de
l'intérêt nrême de leurs pafÏÏons,
D'autres politiques avoient placé le contre-poids d'une cbambce
unique dans ririftitution d'une féconde Chambre , fous îa forme .
îd'un Sénat, dont les places feroient à temps.
Un tel Corps ne formeroit jamais un contre-poids fuSlfant dans
la conflitntion monarchique ; il feroit , par fa nature même 5
toujours confondu avec celui des Repréfentans j ils ne formeroienc
«nfemble qu'une Chambré unique renforcée.
Si chaque Membre de ce Corps fe cônfidère & s'eftime davan-
tage, comme Sénateur , il fera animé de l'intérêt d'être nornmc
une féconde fois ; & de-là fuit la néceiSté de ménager les Re-
préfentans de la Nation, où font fes Electeurs.
Si chaque Sénateur fe confîdère plutôt comme Membre des Com-
munes que comme Sénateur , il fentira bien plus l'intérêt de favo-
rifer les entreprifcs d'un Corps dont lui Se fes enfans feront
toujours, que de remplir les devoirs de Sénateur qui ne durent
qu'un moment , Se de foviteqir U prérogative royale dont ua
autre jouit.
Enfin pour fe refumer : ri.'iftitution d'un Sénat à vie don-
neroit crop de force au pouvoir executif, & celle d'un Sénat à
temps ne tempéreroit point aiTez la force du Corps légiAati£ La
première institution feroit danger eufe , Se. lâ -féconde pour le moins
Inutile,
C 42 1
.Ce, n'est, point sijir PAssemblëe Natioriaïe qtie nous
Toyoîîs aiijonrcl'liui ^ qu'il faut se former une idée ce
celles qui suivront 5 nous avons tu celle -ci isp^itée de
passions violentes^ et de mouveniens extraordinaires ■>
et je ne redoute pom' les autres, que les petites pas~
siens et la langueur dans tous les mouvemens , d'où
peut résulter Pindifférence , le pire dauge r pour la
liberté ci. lie.
Je vais tâclier d'expliquer mes idées sur ce sujet.
. Tout Citoyen , Membre d'un Corps particulier ins-
titue dans la g ande société générale , peut être animé
de trois intérêts fort distincts 5 l'intérêt -de Vhomme'»
l'intérêt de corps , et; l'intérêt dé l'état.
L'intérêt àeVhônlriie , qui dépend de sa constitution
pliysique et de ses habitudes morales , se réduit , dans
ja société civile , à cLerclier son boniieur, soit daiis
les ricbesses , soit dans le pouvoir, soit dans l'esti-
me publique , soit dans l'exemption de toute passion ,
ou le repos.
L'intérêt de corps incite cliacun A.& ceux qui en
font partie^ à seconder les passions de VJioiîWie y par
tous les moyens— cju'on peut tirer de son Corps 5 aussi
quand ce Corps est très-puissant y et quand les Membres
y sont attacnés pour toujours, ou pour long-temps ,
îe parti qu'ils peuvent tirer est si grand ^ que clia-
cun confond alors l'intérêt de Vliomme' qmqc l'niterélfc-,
de Corps.
Enfin , l'intérêt de Vétat se mesure dacs tous les
cœurs sur les moyens que la .ConstitutJon de l'Etat
présente à cliacun pour s'y rendre lieureux 5 quand les
r 45 ]
viès de Vetat coïncident , pour ainsi dire , arec les
;'-rét3 de V homme et les intérêts du corps ^ et que
-s les trois tombent sur les mêmes points , il résulte
cet accord la pîas grande force morale qu'il soit
Tisible de donner à des Citoyens.
Mais j ce clief-d'oeuvre de sagesse est bien rare 5 près-
(6 toujours j au contraire, 5 les intérêts de V homme et
1 iiiXévQts à.Q corps contrarient les intérêts de IV/^fl/;
< ce qui arrive de pins heureux dans nos Gouverne-
;ns, est d'instituer les corps et l'état^ de manière
e n'étant pas opposés par leur nature même , il*-
issènt du moins accorder souvent leurs intérêts , et
. se combattre jamais à outrance : c'est à-peu-près
t état moyen qu'on peut observer dans nos méil-
jrs Gouvcrnemeus connus» L'iiar^nonie complète àe&
jrêts de V homme , du corps dont il est membre ,
de Vétat dont il est citoyen , ne peut s'observer
'Core nulle part.
Il seroit très - facile de faire l'application de ces
ées à nos Parlemens de France, dans lesquels des
agistratures inamovibles et îiéréditaires ^i exerçant
' très-grands pouvoirs , avoient entièrement confondu
5 intérêts de cbaque liomme , avec ceux de son corps ,
) les opposant en même-temps aux vrais intérêts <lé
Etat.
On pourroit aussi considérer le Parlement d'Angle-
rre , composé d'une Chambre où les pouvoirs sont
amovibles , et d'une autre où ils durent sept ans et
' iivefit se renouveller encore 5 on verroit que l'in-
lot de ce* d©ux Corps ^ par l'importance et la duré»
( 44 )
ë.^ leurs pouvoirs , absorberoient tons les intérêts jtr-
ticuliers de leurs Membres , et combattioieiit jn»
cesse les intérêts âe l'Etat , si Pon n^avoit eu l'aijde
îes instituer de manière à se combattre i'im i'au^
et à soutenir PEtat par ce combat même.
Mais ce li'est pas de cela qu'il s'agit ici, et j ne
cberche qu'à détenuiuer lé genre et le degré de pas t>u
■qui animera nos Assemblées Nationales ^ et d'ard
on ne sauroit nier que l'intérêt propre du Corpa^ lejs-
latif ne doive être très-foiblë dans le cœur de chiiai
membre. Se voyant dans ce Corps pour deux ënlei
seulement, et dans l'Etat pour toujours, nulnep€^ra
balancer entre l'intérêt de l'un et celui de l'autre, i
Qu'importe^ en effet, de travailler péniblenteî à
l'accroissement du pouvoir d'un Gorps oii peut-éti bin
ïie rentrera pins ? Quel est l'intérêt de se donwles
ïuaîtreâ qui peuvent, toute votre vie , vous ôppi^er
comme sujets, dans la foible espérance de pattu {• ,
encore quelques mbmens, ce pouvoir avec eux co m
Député ? Non , ce calcul n'est pas dans le cœu «'
ïnain , et l'expérience a toujours prouve que l'ext né
lirièveté d'un pouvoir auquel tous peuvent préten ) ,
tarit dans sa source l'ambition de cliacun. Les paj n$
qu'on traite d'insensées , ne laissent pas d'avoi on
calcul très-juste et ime sorte de sagesse 5 elle cor pt*
à tâcher de mesurer, à-pèù-près , les trà.vauxf««;es
jouissances 5 et qniand la disproportion est trop gra 3 /
comptez que les sentiniens reprennent leur niveau Ici
le cœur reste calme.
Après avoir vu que l'ÎRtérêt de Corps sera trèa-f M
(45)
chaque inembre de l'AsjseraMée Wationaîe , v^yoïm
.e sera Pinlluence de l'intérêt de V homme.
Il conviendra que si , par notre Conatittition aou»
^ le Roi ne peut point armer l'intérêt de V homme
re Pintérêt du Corps législatif^ ce corps à soa
_, n'ayant ni argent adonner , ni places à pro-
ie _, ne peut espéi'er aucun secours de ia passion
inante de cliaf[ue homme.
; q^uant à la passion la plus énergique , le désir de
me , et Paiiiour de la gloire , il n'appartient ni au
arque ^ ni à l'Assemblée Nationale de la satisfaire \
n'attend rien que de§ faveurs de Popinion publi-
5 et remarquez encore que ce désir de glori'e s'af-
ira à mesure que les objets traités dans l'Assem-
K Nationale , deviendront moins importans et plus
nJtieux.
'intérêt particulier de cîiaque membre ne s'unira
: point y ou ne s'unira que foiblement à l'intérêt
^orps } déjà foible en luirinéme : mais que devons-
. attendre de Pintérêt de VEta^p , et quelle sera sou
gie ? je l'ignore encore 5 et jusqu'à l'établissement
il Lois de l'éducation , des fêtes nationales ^ et sur-
't dès loix rénumératoires ^ on ne peut^ je crois ^
fi prononcer sur le degré d'intérêt que cliaque Fran-
r> concevra pour la Patrie.
'■- ne considérer que la Constitution politique même^
I' plus grand défaut y peut-être , est d'affoiblir trop
f térêt d'état et l'énergie des passions oitiles , par
riéantissement total des distinctions^ et par l'extrêaie
» éviatioB de la, durée de tous les pouvoirs»
[ 4Ô 3
• Je suppose , en effet , d'après toutes les apparei 's
que la France soit réglée à l'avenir sur le plane, Ja
•paix, autant qu'elle l'ëtoit autrefois sur celui (lia
'guerre et des tracasseries étrangères 5 je supî)orse';n,
core que nos Lois fiscales , civiles , criminelies elltii.
iitaires sont aclievées 5 il s'en faudra bien alors lue
nos Assemblées Nationales présentent ces grands bé-
rets qui nous transportent aujourd'lmi 5 il faut h ne
espérer qu'elles seront bornées aux détails éconiii-
ques de Fadministration d'une grande famille 5 et il-
îieur à nous s'il en arrivoit autrement ! '
Mais , quand nous serons parvenus à ce poin 'd{i
• nous devons tendre rapidement , et que notre situibn
enfin sera fixée, je demande quelle sera la pa!|)n
énergique et générale que les François pourront er
du sein de leur Constitution même.
Il ne faut point juger du Peuple par ce momei'ie
mutinerie , d'audace et d'ivresse de l'égalité : q^ jtd
le calme sera rétabli ^ vous verrez les Citoyeiig^ ;-
vres , les Citoyens riclies , et même les Citoyeïis )-
blés reprendre insensiblement dans l'Etat le degré ie
leur assigne l'opinion fortifiée de l'babitude , à-] >
• près comme des liqueurs d'une pesanteur inégale îe
-mêlent dans une forte agitation , mais se séparent 'îJ
le repos , et se replacent selon leur pesanteur spéi-
que ; alors ce Peuple dont on craint tant au]ÔT!rrd|iï
• les excès , contractera insensiblement la plus prof( le
indifférence pour ses Assemblées biennales , où' il e
verra qu'une distraction incommode, bien plutôt
r 47 ]
Texercice d'une grande puissance : trouvant dans les
Lois des barrières contre la licence , sans puiser dans
la Coiistitution des sentimens vifs pour la liberté , ce
Peuple ne tirera que de lui-même ses passions bonnes
on mauvaises , utiles ou dangereuses.
Quant aus. Citoyens d'une classe plus relevée ^
quelle sera leur pasgion ? Sera-ce l'ambition de servir
l'Etat dans l'Assemblée Nationale ? Pense- t- on que
l'ame même la plus active soit fort tourmentée du
dessein d'abandonner sa Province , ses amis ^ ses pa-
rens , sa - famille _, et de se transporter dans irne, terre
(^ui lui est étrangère , pour y traiter le plus souvent
des détails purement économiques de l'intérieur du
Royaume , avec une assiduité fatiguante , et l'espoir
tout au plus d'une estime partagée avec plusieurs au-
tres 5 estime meTie à peine acquise , qu^elle sera effa-
cée par le passage de la foule des nouveaux Représen-
. tans , qui se plairont à cliksser devant eux , comme
I) de la poussière^ la mémoire et les services de leurs
jj devanciers ?
' i Trouverâ-t-on dans les simples Municipalités et les
1 1 petites Assemblées Provinciales , un ressort plus puis-
ij.sant? je ne le crois pas. Des pouvoirs si bornés par
^j leur durée et par leurs objets , pourront-ils former uii
\\ principe de passion énergique et publique ? Et n'est-îl
•M pas à craindre que dans cette indifférence _î les anies
f j actives et fortes se repliant sur elles-mêmes , et dédai-
4i gnant de s'appliquer au gouvernement , ne l'abandon-
H nent à ces petits intr gans subalternes, à ces fripons
C 4S )
Ae toutes les classes , qui ne savent qu'aclietei" les àti-
très, ou se vendre eux-mêmes (i). '
En un mot > qu'on l'examine bien , l'objet propre
àe notre Constitution nouvelle paroissant être la tran-
quillité qui naît de l'égalité > il s'agit de savoir si dans
tme Monarchie et cîi€z uri grand Peuple d'un caractère
actif , inquiet et léger 5 c'ette Constitution sera assez
forte pour changer son caractère ^ ou si son caractère
ne sera pas assez fort pour faire changer la Constitution.
Il s'agit de savoir si la Constitution , en le condui-
sant à l'indifférence >, n'offrira pas des moyens au Mo-
narque pour le ramener ail despotisme , ou si son ca-
ractère ^ en ie précijDitant vers des nouveautés ^ ne
ïuinera pas la liberté même.
(i) UAfTeïiibléc Nationale a redouté l'efpric des Provinces, *
c'cll pour l'anéantir qu'elle a voulu morceler le Royaume , 8c
donner de nouveaux centres à toutes les opinions ^ & de nouvellaî
directions à toutes les habitudes : cette entreprife hardie, ds^ï^
tous les temps , peut, félon quelques bons Citoyens, devenir f**
-taeStc dans celui-ci : c'étoit le moment , difenc-ils , de planter i
la hâte un clou dans cette roue emportée par un mouvement
trop rapide , & ce n'étoit pas celui de l'augmente r beaucoup pluj.
lis ajoutent : fi l'efprit de Provinces fembloit G. dangereux -^r |
pouvoit-on efpérer, qu'elles fe fbumcttroient à une divifioui ^ j
anéantie cet efprit ? & fî l'on a compté fur leur foumiflîon , l'eC- I
prit des Provinces étoit-il donc (i .dangereux ?
Ces hômnles prétendent qu'au -lieu de brifer en morceaux C«
fefTort ancien ,{formé par l'attachement des François à leur Province ,
il falloit au contraire fe faire Un art de le fortifier en le dirigeant
vers un centre commun ^ le bien de la France entière. Il faU
icit , difent-ils , former un patriotifnie général de tous ces patrio- ;
Je
( 49 ]
Je ne puis m'empècher de faire , en passant , une
flexion sur ce sujet : j'ai toujours entendu avec éton-
iiieiit reproclier à la Constitution Angloise , comme
3 défauts , ce qui me sembloit des moyens de salut
des principes de force.
Je partois de ce point de morale-pratique , qu'il ne
ut point conduire Fiiomme au bien-être par le repos ,
lis à l'espérance du repos , par le mouvement con-
me d'une passion utile : en appliquant ensuite ,
mme on le doit , ce principe aux grandes sociétés
viles , je voyois dans la Constitution Angloise l'éner-
3 des passions excitées , tantôt par l'ambition d'ob-
lir dans la Cliambre des Communes un pouvoir d'une
îez longue durée , tantôt par l'amour de la Patrie
. de la liberté , que les craintes d'une corruption tou--
irs exagérée , alarment vivement , tantôt enfin par
spérance d'une Pairie inamovible et héréditaire.
Je voyois encore tous les Corps qui composent ce
)uvernement , dans un choc souvent violent 5 mais-
'nes particuliers ; alors on n'innovait presque rien : mœurs , usa-
j , habitudes , préjugés , tout ctcit conservé , ec l'édifice des Mu^
lipalités ,. cet édifice si désiré, et le dernier asyle de. la Nation
lu'ée , se seroit élevé sans peine, comme sans délai, sur des
liidemens respectés et chéris. La main du dernier ouvrier , disent
liijours ces mêmes hommes , suffit ppur démolir : mais le seul
jiie de l'architecte sait édifier ; et quelle situation affreuse de
■ r nos Députés établir des disputes interminables, assis sur à^s
'>ris qui nous écrasent?
le ne sais si ces hommes ont raison , mais leurs plaintes et leurs
<intes ^onc bien excusables.
D
[5o] i
de ce clîoc même résnltoit un état de compresswj
mutuelle , qui augmentoit le ressort de cliacun 5 enfin
îe voyois toutes ces passions se cïianger fréquemme:
en patriotisme sublime par le's rivalités entre l'Angl
terre et la France 5 en un mot , ce Corps nie semble
aussi animé que yigoureux , ses combats même proi
voient sa force , et tout , jusqu'aux vices de qudqu
particuliers , sembloit être combiné pour le mainti(j
de la liberté publique. i
Je dirai encore quelqiies mots sur ce sujet. |
Il n'y a guère que trois manières de conserver i'
Gouvernement libre , ou par la vertu des Citoyens ; (j
par l'opposition et le combat des passions dangereuses
ou par l'opposition de la vertu de quelques-uns , 'avij
les passions nuisibles de tous les autres. I
De ces trois modes d'institutions politiques, leprj
mier est entièrement cbimérique , puisqu'il consiste
faire d'Konnêtes gens de tous les Citoyens : ce n'( i
pas dans le temps où nous sommes qu'il faut y penseï j
Le second mode d'institution ne suppose que cj
lionimes vicieux , qui se combattent les uns les autr<
Il est plus applicable à la foiblesse humaine , et si |
tout à l'état du genre humain dans l'Europe m
derne.
Enfin , la troisième m.éthode consiste à former
lu vertu une passion dans le cœur d'un grand noml
de Citoyens , et à maintenir sans cesse le gouvernemen
en opposant cette passion utile aux efforts des passio
dangereuses. Ce mode d'institution est le clief-d'œu>
[ 5i ]
dla politique , et la seule perfection où nous puissiOn^
tendre.
Tusqu'à préssnt il n'y a rien dans nos lois nouvelles
c. remplisse la seconde institution , et la troisième
e:ore moins 5 on n'y voit rien qui fasse balancer en-
t elles les passions dangereuses , ni rien qui puisse
lii-e de la vertu une grande passion publique. Notre
i'nense vaisseau est à-peu-près achevé ; mais oii sont
I vents qui peuvent le pousser à son terme ?
['ose le dire , les passions et l'ame capables d'ani-
nr le corps de ce grand empire , d'une vie uniforme
e soutenue 5 on peut encore, au défaut des lois po-
iiques , les trouver dans les Icàs de l'éducation , dans
II institutions sur les mœurs , dans les fêtes publi-
q;s j et sur-tout dans l'art de distribuer des récom-
pises. Rassurons - nous donc , et croyons que nos
Semblées Nationales sauront bien retrouver ces grands
yacipes où ils sont , pour les appliquer à notre
cistitution , où ils ne sont pas. Voici seulement tout
c que j'en veux conclure ; c'est que les alarmes
<jon a voulu nous donner sur l'arnbition et Peffer-
ivîcenoe passionnée de nos Assemblées Nationales ,
ruites à une Cîiambre unique, sont si fausses , que
1' craintes opposées me paroissent beaucoiip plus
f dées 5 et que si notre constitution est menacée ^
est par le défaut des grandes passions , et non par
Ir excès. >
■I
^, ■ -
D 2
C 52 ] !
XIII.
T)e Vesprît de suite dans les Assemblées JSfationales
Une erreur sensible , à mon avis , au sujet de l'ins-
titution d'une Chambre unique des Représentans , es
de lui supposer un grand esprit de suite et d'union
d'une législature à l'autre. On a voulu croire que , di
Jeux en deux années, cette Cliambre communiqueroi i
à ses successeurs^ comme un héritage respecté , ses proj
jets à suivre , ses décrets à soutenir 5 et ceci a étél'uij
des plus puissans argumens contre le veto suspensif \
quelle sera ^ disoit - on , la valeur de ce veto conti'ij
ti'ois Assemblées , dont les deux dernières ajoiiteroii}
l'esprit d'obstination, qui fait soutenir une mauvais;
loi , à l'esprit d'imprudence ou d'ambition qui la fij
proposer par la première ? j
Mais il me semble qu'à bien consulter le cœui
Imraain j il doit arriver précisément le contraire. De j
Sénateurs permanens , inamovibles et héréditaires cor |
tractent un esprit de corps et de suite , qui fait ] |
caractère propre de leur ambition 5 mais quand le corj ;
seul est permanent , et que l'amovibilité est dai \
tous les Membres , l'esprit de corps n'est qu'une on |
lire, qui n'a pas même le temps de se former daii
la courte durée de chaque Assemblée : ces Chambr(
qui composeront les diverses législatures, n'auront ri(|
de commun oue le nom ; la vanité de mieux fai !
deviendra une sorte de jalousie qui les fera pencher i
penser et faire autrement, bien plutôt qu'à imiter 5 loin (|
[ 53 ]
s'approprier les projets d'ambition ou de lois de
leurs prédécesseurs , leur gloire sera de les effacer
par d'autres projets et d'autres lois 5 et dans le combat
qui s'étabiiroit par un veto entre le Roi et l'Assemblée
Nationale., je suis convaincu que les Assemblées sui-
vantes seront , en général , plus favorables au veto du
Prince , qu'au projet de loi d'une Assemblée rivale.
Ainsi 5 dans l'institution d'une cîiambre unique , où
quelques politiques n'ont craint que l'excès de sa
force avec des Ptois foibles , j'ose penser que l'excès
de sa foi blesse avec un Prince îiabile seroit cent fois
plus dangereux,
XIV.
Du 'Tribunal pGUT juger les accusations principales^
On vous objectera souvent , contre l'institution d'un&
clianibre unique^ l'impossibilité de trouver un tribunal
équitable pour juger les accusations capitales. Si l'on
prend ce tribunal , vous dira-t-on j dans l'Assemblée
Nationale , l'accusateur alors devient juge. Le forme-
ra-t-on hors du sein de l'Assemblée ? Quelque part
qu'on le prenne , l'accusateur paroîtra si puissant , et
le tribunal si dépendant , qu'il ne sera plus possible de
conserver l'opinion de l'équité dans Us jugemens.
Dans toutes ces objections , ces politiques semblent
se créer des monstres pour avoir le plaisir è^Qn pa-
roi tre dévorés : on ne doit point considérer Faccusation
d'une Assemblée Nationale comme celle d'un parti-
culier 5 quand un homme se rend accusateur , il est
un ^ il n'a qu'une ame j qu'un esprit 5 c'est l'intérêt
[54]
de la vengeance ou du dédommagement î mais quand
une grande assemblée est accusatrice , à moins que
le délit ne soit aussi criant qu'évident , l'accusation
n'est jamais que le résultat de la pluralité , et d'une
pluralité toujours plus foible , à mesure que le délit
est moins grave ou plus douteux. Combien de Mem-
bres , après avoir rejeté tout liant cette accusation
dans leur opinion, et par leur suffrage^ continueront
à la désapprouver au fond de leurs cœurs ? Assurément
on ne peut pas dire que ces hommes fassent partie dans
l'accusation intentée au nom de l'Assemblée Natio-
nale , et ils peuvent être juges sans inconvéniens.
D'ailleurs, l'intérêt véritable d'une Assemblée Na-
tionale est de trouver celui qu'elle accuse , innocent ,
au lieu que l'intérêt du particulier accusateur est
presque toujours de le trouver coupable.
D'après ces idées , est-il donc bien difficile de for-
mer , dans le sein de l'Assemblée Nationale , un tribu-
nal équitable aux yeux même de l'accusé , en admet-
tant simplement , et dans une très - grande étendue ^
la liberté des récusations ?
X V.
Du pouvoir de corriger la Constitution k
Amis de la Paix^ quand on vous parlera de notre
nouvelle Constitution , bornez-vous aux grandes dif-
ficultés , et méprisez les petites 5 avec les hommes qui
ne savent faire que de petites difficultés j les grandes
réponses ne sont jamais entendues»
[55]
Mais enfin , pour vous mettre à Votre aise avec tous
les esprits , accordez sans peine qu'il se peut , après
tout , que nos nouvelles lois politiques aient plu-
sieurs vices connus , et encore plus d'inconnus : mais ,
leur direz-vous , un caractère qui peut effacer tous les
défauts de cette constitution , c'est la liberté qu'elle
nous ménage de les corriger tous.
Remarquez-le bien : la prem.ière cliose que font tous
les législateurs , est d'enlever au Peuple la disposition
de l'avenir ^ sous le prétexte de lui assiirer le présent 5
dans la crainte qu'il ne cliange le bien en mal , on
lui ôte la puissance de changer le mal en bien , et
c'est une grande injustice comme une grande faute.
L'injustice est très-grande , puisqu'enfin une Nation
est la seule souvera.ine d'elle-même 5 c'est de plus une
grande faute , puisque les abus étant toujours au pro-
fit du petit nombre j ils ne peuvent jamais être vérita-
blement corrigés que par le plus grand.
Aussi , ce que les hommes sages doivent d'abord
considérer dans une constitution politique , n'est pas
1 tant la manière dont elle règle à présent l'ordre pu-
blic , que les ressources qu'elle se ménage pour en ré-
pare^ le désordre à venir. La plus grande sagesse d'une
législation est moins peut-être d'établir le bien , que
de préparer d'avance les remèdes pour les maux qui
naîtront du bien même.
Il me semble que notre Constitution offre cet avan-
tage , et nous en jouirons peut-être plus e|u'aucun Peu-
ple libre du continent de l'Europe. Les Anglois mêmes,
faute d'avoir bien placé les idées de la souveraineté ,
[ 56 ]
ont soumis la Nation à leur Parlement ^qu'ils regar-
dent comme le vrai souverain ; et confiant le pouvoir
de corriger au même corps qui a l'intérêt d'abuser , il
arrive que la Nation qui se plaint règne quelques jours,
et que cinq ou six cents Citoyens dont elle se plaint
régnent sept ans , et même toujours.
Notre Constitution^ en proclamant cette vérité fon-
damentale de la souveraineté de la Nation, en abré-
geant ensuite la durée du Pouvoir des Représsntans ^
a rapproché tous les Pouvoirs de leur véritable source ',
et du moins celui de corriger les abus , reviendra sans
cesse dans les mains du Peuple qui les souffre.
" ■ XVI.
Amis de la Paix , quand vous aurez montré à tous
ces esprits inquiets ou prévenus , qn'il est bien témé-
,raire de condamner une constitution politique avant son
épreuve 5 qu'en jugeant même des effets de notre Consti-
tution nouvelle 5, autant que la simple spéculation peut
le permettre , elle n'aura point les inconvéniens qu'où
annonce 5 qu'enfin , en supposant tous les défauts , on i(|
doit se rassurer par l'iieureux pouvoir qu'elle a mé-
nagé à la Nation de les corriger tous ; vous pourrez ,
après ces réflexions, essayer sur les esprits le moyen
le plus efficace, celui de l'intérêt propre.
Tâchez de ramener doucement les détracteurs , de
quelque Ordre qu'ils soient , à comparer ce qu'ils
étoient à ce qu'ils pourront être , et je doute qu'aveC
un peu d'attention ils ne finissent par calîner leur ame
trop aigrie. -
; c^7] , ;
te ne Suis point assez insensé pour -prétendre t[à%
TOUS consolerez de leurs pertes les Courtisans et les
grands Seigneurs , ou nos EAeques et nos Abbés
Coramendataires , nos Fermiers , nos Receveurs gé-
néraux y nos Intendans ^ nos Magistrats 5 quels dé*
dommagcmenô faire envisager à ces gens -là ? Comme
ils n étoient tout qu'autant qiiè la Nation ii'étoit rien y
il est clair qu'ils ne seront rien quand la Nation
sera quelque cîiose : dans toute Révolution excitée
par les excès du Despotisme , et de son affreux cpr^
tège^ il est indispensable que là joïe publique fasse
verser d©e' larmes à ceux qui rioient auparavant des
pleurs dé tout le monde.
Amis de la Paix , laissez donc les hommes de cette
espèce , et n'entreprenez jamaiô de les appaiser^ ni par
les idées de justice , ni par l'image de la liberté : lu
malheur de ceux qui ont exercé le pouvoir arbitraire ^
est d'être avili au point de supporter plus péniblement
l'égalité que la servitude 5 ils aimeront mieux obéir tou-
jours aux fantaisies de quelques-uns , que de ne pou-
voir jamais faire obéir les autres aux leurs.
Tout fee que vous pouvez faire, hommes sages et in-^
dulgens ^ et ce c[ue vdus ferez sans doute , c^esÇ de
ménager et de plaindre Ces hommes que leur naissance ^
leur éducation , leuts habitudes j leurs préjugés rendent
aujourd'hui si malheureux : mais après eux , il est peu
de Citoyens à qui vous ne puissiez montrer les plus
Consolantes ressources dans l'ordre qui va naître.
De V intérêt de la Noblesse i.
Je me figuré ^ par exemple j que vous êtes au mij
[58 3
liftu des Nobles de TOtre Province ; et votis leur dîtçs ,1
(ju'étiez^vous donc sous ce Gouvernement que vourf
pleurez ? Les premiers jouets de quelques grandes fa-i
.milles qui vous comptoient pour rien; et toute votr(
gloire consistoit à peine à. restituer loin de Iji Cour à
quelques inférieurs ^ les mépris dont elle vous avoiii
accablés : obligés de ramper , l'argent à la main ^ de-
vant des Valets et des Courtisannes , quels honneurs ^
quelle fortune attendiez-vous de ce Gouvernement ii
X'egretté ? Vos préjugés vous bornoient à la professioni
militaire, et vous maudissiez tous la profession mili-
taire 5 du sein de Versailles , la Cour vous envoyoilij
des enfans despotes , qui , sous le nom de ColoneU,
venoient tyranniser tous les hommes et même les vieil;
lards de la Noblesse militaire : cet absurde renvCT^
sèment de l'ordre , en faisant rire l'Europe, vousar-l
rachoit de pleurs de honte et d'indignation j vot«
ïionneur se fîétrissoir, votre raison étoit dégradée j'el
Tousrougissiez de votre avilissement.
Quelles plaintes ne formiez-rvous pas contre lu
Ministres? Quel mépris n'aviez -vous pas pour voi
généraux? Que de cris s'éîevoient contre votre dis-
cipline militaire, puérile, souvent avilissante, tou-
jours versatile , et sous le prétexte de la plus servik
obéissance , étouffant la fierté du courage et la dé-
licatesse de l'honneur ? •
Telle étoit pourtant votre profession unique : que
regrettez-vous donc ? serQit-ce le pouvoir de tourmen-
ter ceux que vous appeliez vos vassaux ? Regrettéz-
voiâs la liberté de dévaster leurs propriétés pour 1«
:
C59]
t.isir d*assa&9Îner quelques animaux ? Est-ce Tidée
Egalité d'une poignée d'inférieurs qui tous désoje ?
îiis pourqui)i l'idée de l'abaissement de tant de su-'
rieurs insolens , ne vous console- 1- elle pas ? Quoi
dic ! aimez-vous mieux recevoir des affionts qu©
(Itre privés du pouvoir (Ten faire, et trouvez-vous
tyrannie si douce , que vous deviez i'aclieter par
y.re esclavage ? Et comment pouve2\-voiis parler sin-
H^ment de votre considération passée y saus ce Gou-
iBiement ^ où la richesse dominant tout ^ la Noblesse
(R)ouvoits'enricliir qu'en s'avilissânt à sesyeùx même?
. . oyez-vo-us pas qu'un peu de vanité peut-être vous
triipe en ce moment,et qu'en cantemplant îeslîécombre»
[uelques grandes familles de la Cour , vous croyei:
^couvrir les vôtres ? -Ah ! v0yez plutôt dans ce»
mbres, des matériaux pour votre élévation fu-
: que vous connoissez peu les hommes ^ puisque
LOt d'égalité vous fait peur ! quand même ils
nt assez éclaire' s pour la reconnoitre , ils ne se-
jamais assez sages pour l'établir f et quelque base
1$ lui donnent dans leur théorie , comptez quQ
F^actions sauront bien la rendre cliimérique : il se
a-a des siècles entiers _, soyez-en bien sûrs^ avant
e caractère de la Noblesse soit effacé de l'opi-
ublique : et retenez bien ceci, nobles du Royaume,
Js et vos enfans prenez soin d'ajouter , à cet éclat
e de la Noblesse, le prix réel de quelques ta*
de quelques vertus , et sur-toUt de l'affabilité \
jihâis il n'existera d'égalité entre le Peuple et vous,
iterez-vous pour un malheur, ta nécessité im*
E a
p 60 3
posée à tos en fans de valoir quelque cHo'e , poBî
être quelque cliose , d'orner leur noblesse par le mé
rite ? Etiez-vous donc heureux par leurs vices , e
Çraignez-Yous de l'être moins par létirs vertus ? Leu,
prescrire la loi d'être utiles, n'est-ce pas leur comn^and«|
le bonlieur de leur fanjille et le vôtre ?
Intétêt du Clergé.
Amis de la paix , voua aurez.beau coup plus de peii
à. calmer l'anie des Ministres de la religion, irrités (jt
toutes ces atteintes qu'ils appellent des attentats 5
voile qu'on disoit sacré , et qui y durant tant de siècleii
sjç couvert tant de passions et d'intérêts humains., (jjjfn
tou-à-fait déchiré 5 ménagez ceUx qu'il couvroit;, Ipii
agte paroissez porter sur tous ces objets que des •:
gards circonspects et dou,teux 5 demandez doucemii Vo
à ces hommes qui se plaignent d'avoir été dépouilMfent
îiaquelle à% ces deiix questions devoit être exaïni
1^ première : l'une, si la Nation dépouille à ^iiéî
îjg. Clergé ; l'autre, s" le Clergé n'a pas aiitreibi^
j^uiiié la Nation ?(ï)
, Vaus pouvez encore leur dire 5 les. Conseils dev
B-eligibn ne preserivaient-ils pas l'abandon de ces b
dont \ous réclamer la propriété , et pouviez?»*-
leine
isS;'J
(i) £<? Clergé^ die Montefquîeu , recevait tant ^ qu'il f au]
dans les trois races on lui ait donné pluJieUrs fois tous les
du Royaume i auflî le Clergé a-c-il toujours içprouyé le ibrt
«aufes violentes: Texcès dans les dpns a cçnilaminent pij
l'excès dans le?, refiituùpn^.
'leeti
«et 11
1 6' i
inrdqùer ies lois qui protégeât les ricîrèssesy sans de*-
tnentir l'évangile qui les proscrit ? Vous nous avez
tnis dans une situation telle ^ (|u'il Falloit refuser dé
vous écouter , ou cesser de vous croire : et cOnVenéas
que si le Décret dont vous vous plaignez est une in-
justice aux yeux des lois civiles , vos inurmtires contré
ce jugement seroient iin vrai scandale aux yeux dé
notre Reliiîioni,
o
Vous assurez que là Religion Gatliolique e'si: per-
due : comment cela se peitt-il quand la Religion
Chrétienne est affermie ? Là base de cette Religion
divine j nVst-ellé pas l'amour de ï)icu et des hommes t
«Et n'est-de pas l'affefmlï' que d'en éloigner PihtoiéranCô
et la superstition qui nous avôiént fait haïr l'es hommes >
poiir ne plus aimer Dieu ?
Vous dites que les Ministres de la Religion don-
Vent être pùissans et considérés pour le bien de l'Etat
tnême i et vous avez raison ^ mais ils doivent être
buissans par leurs exemples , et considérés par leur$
cVertus : ces deux sources véritables de resDect et de
J)uissance étoient taries 5 maintenant il ne tient qyCk
Vous de les faire couler.
• Vous vous plaignez de n'être plus comptés poiir rien
«'dans le Gouvernement i mais quoi ! ne vous laisse-t-il
l^as la direction duressort dont vôiis dites vous-mêmes que
•l'énergie est supérieure à celle de tous les autres? Ls Gdu-*
^Vèrnement nomme des Magistrats pour infliger des peines
'temporelles ^ mais c'est à VOiis qu"*il laissé le soin ter^
Hble et délicat de répandre dans les âmes les espérari-^
-4Se8 et les craintes qui rempiisasnt un avenir infini I 1^'
E â
( es )
Katîon s'est cliargee de faire des lois pour suppléer îa i C<
morale humaine ; et c'est à vous qu'elle a confié le i f
dépôt de la morale divine , ou se trouve le conjplë- i
îiient et même le supplément de toutes les Lois des la
îiommes, il
Cessez ^onc vos plaintes, si vous voulez qu'on ne fl
Croye pas que la vertu vous est trop difficile , et que \- Is
vous êtes forcés d'y renoncer 5 car «nfin , si vous êtes \
vertueux , vous deviendrez les premiers hommes de
l'Etat 5 on a seulement déplacé pour vous le pouvok jï
et l'estime ; et ce que vous pouviez atteindre aupa-
ravant par l'intrigue et le scandale , vous l'obtiendrez à
l'avenir par les vertus et la simplicité 5 à ce compte j
le^ honnêtes gens gagnent ce que leà médians perdent:
c'est à vous maintenant de jiiger si vous devez VQ1)S
plaindre de vos pertes.
Intérêt de tous les Citoyens,
Hommes sages , dans Je sein même du Tiers-Etat
vous trouverez des Citoyens inquiets que vous fere?
rougir de leur ingratitude. Se peut^il , vous écrierea-
vous , que vous ayez si-tôt publié ,ce que vous étie«
et ce que a'ous avez souffert ? Lisez donc cette Décla*
ration des Droits ^ cette charte de la nature ; et sans
vouloir censurer ses défauts en critiques épineujç,
sentez plutqt ses vérités en bons Citoyens et en hom»
mes simples. Lisez-la donc , et niez après ^ si vous l'o-
(sez , que cet acte rëg^iiérateur, d'esclave mutilé que
YPUS étiez , lie fuisse iiiainten^nt de yous uu honin\e
Iput entier? .
VoU'e |)en§ée nVppartieu^i'ii pl.U§ P-AIS y^ux 4'"^
(63 î
Censeur , ni aux oreilles d'im délateur ; elle ne sera
qu'à vous-mêmes et aux lois.
Votre conscience sera dans votre cœur et non dant
la cervelle d'un fanatique : votre fortune sera le prix
de votre travail , et le gage assuré pour vos besoins 5
elle ne sera plus le prix de l'oisiveté d*an autre | et
la proie de ses fantaisies.
Votre liberté ' , dont les derniers Valets et 4es plus
viles Maîtresses de tout homme puissant se jouoient,
quand ils n'en trafique ient pas ; votre liberté eera sa-
crée pour le Monarque même ^ on a mis les Lois à la
porte de toutes les Prisons.
Et ces Lois que vous receviez autrefois ^ comme
les Juifs recevoient les Lois de la Divinité , du kaut
d'une montagne et parmi les éclairs et le tonnerre 5
ces Lois devenues vraiment humaines , seront votre
ouvrage même; vous nommerez ceux qui vous le«
feront ; que dis-je ? vous les ferez vous-mêmes ^ quand
vos Concitoyens vous en jugeront dignes»
Comme vous ferez vos Lois , vous choisirez vos Ma-
gistrats : on ne verra plus faire l'infâme trafic du droit
•de vous juger ; vos fortunes et Tos vies ne feront plu»
évaluées à prix d'argent^ et vendues par un contrat
•public à des hommes à peine pubères , et qui n'étoient
-souvent connus que par l'abus de leur fortune propre^
et de leur vie même. \
. Il y aura un honneur pour vous , et votre estime
sera comptée pour quelque chose : sans anéantir là
î^oblesse qui se croit distinguée par la seule nais-
sance y vous çn repQiinpîtrez une autre qui se distin*-
Ig'^érà pàt là seule utilité publique 5 ou plutôt la M*.
blesse sera ramenée à sa véritable origine ; et ce tor-
irent qui avoit causé tant cje dégâts dans son cours ^ la
digue des Lois saura le rendre utile en le faisant refluer
■vers sa source. Pouviez-vous eâpérer tant de biens ? et si
quelque chose est plus étonnant que leur conquête «^
c'est assurément la folie" qui vous fait disputer stir vo-
tre conquête même , et i'imptudence qui vous ex*
pose à perdre le repos de votre vie entière par l*in«
quiétude d'un n^pment«
^njfîii , Amis de la ï^aix , quand vous aurez épuisé
tous les moyens ^ il vous reste à frappef* un plus grand
coup sur tous les esprits î c'est la menace et la tes-
Sreur d'une guerre civilg : il ne s'agira plus alors d'é*
fcoutet avec patience, et de répondre avec calme-; il
faudra vous livrer à toute l'énergie de votre ame^
<<^eindria en traits de feu les malheurs qui grondent sut*
^ps têtes^ iporter l'épouvante dans tous les coeurs , et
les rameney à la paix par l'effroi dé la plug exécrable
discorde i
Hommes sages ^ devenez Minerve 5 saisissez ^0|i
égide ^ et présentez à ces furieux l'image de la guerre
civile^ comme la tête de Méduse^ pour les rendre im-
înobiles ; il me semble que je leur dirois î malheureux
insensés , vous ressemblez à des passagers qui s'entre-*
déchirent sur uii vaisseau , pour quelques voies d'eail
que les uns veulent boudief à leur manière , et les au-*
très à là leur ^ dans un instant, passagers et vaisseau , tout
ta s'engloutir dans ungouffre; carenftn) grands seigneurs^
Ministres supérieurs de la Religion^ et vous factieux^
(65)
canjures même , s'il est vrai qu'il y -en ait 5 qui qii©
•vmis soyez y enfin , nous ne voulons poiiit examiner
votre but j ne parlons que de vos moyens 5 quels soatr-
ils pour nous amenjei* av-o^ vues? La force ouyerie?
non , vous ne le pouvez pas , toutes les forces soat
maintenant en action pour la liberté. Est-ce donc la
ruse et la finesse 1 Mais quelle est cette ruse? celle dp
différer la Constitution ^ d'entasser délais sur délais-^
de remuer j d'agiter le Peuple en tout sens , de le ]>oïas-
ser jusqu'à désespérer de tout bien , et de Icdégoâîi^
(enfin de la liberté par la licence. Eli bien , nous TOiaf
accordons toiit 5 les événemens succéderont selon t®3
desseins 5 le Peuple se joindra à la populace ^ il sW--
inera^, il deviendra furieux , et se jettera sans disiiîsc-
tion, comme une bête féroce _, $ur ceux mèms q^*il
regardoit comme 'ses frères ; il attaquera toutes les per^
sonnes^ dévastera toutes les possessions o Est-ce là c^
que v-ous voulez ? Mais vous^ nobles de toute» les
classes; vous , Prêtres de tous les ordres.; vous-mêmsis j,^
Iiommes factieux^ que deviendrez-vbus dans cet affresiras
tumulte ? Ce que vous deviendrez? en pouvez -voris
doiiter ? et vôtje imagination ne vous l'a-t-eile pas mills
fais présenté avec terreur ?
; :A l'instant QÙ ranarcbie rompant les foibîes diga^'s
de l'opinion qui l'arrêtent encore ^ se dobord^roit ea
guerr;e .civile., à l'instant oài l'Assemblée Nationale se^
roit dissoute' et voudroit se disperseï ; à cet insiaat
affreux., les. premières victimes seroient tous les Ci-
toyens accusés ou suspects , n'ables ou Prêtres , fke-
fieijix ou conjures y les premiers coups de poignards st-
(66)
rolent pour leur seîn > les premiers flambeaux patar
leurs maisons 5 toutes les barrières fermées de distances
«n distances , d'une extrémité du Royaume à l'autre ^
ne laisseroient plus échapper ni l'innocent ni le coupa-
ble ; et je défie qu'un seul Député , quel qu'il fût , pût
éviter la mort qu'ilrecevroiten tournant de loin les yeux
vers ses foyers ; cette exécrable scène montreroit à l'Uni-
vers épouvanté tous les crimes de la ricliesse et de la puis-
sance y punis par toutes les fureursde l'indigence et de la
barbarie. O François , François , Nobles ou Roturiers y
Ministres de la Religion ou Laïcs , grands ou petits ,
jetez les yeux sur cet affreux tableau 5 fixez-les si vous
pouvez , et dans cette foule qui s'enfuit , qui se cber-
che y qui s'attaque , qui se défend , démêlez ^ qui ?
vos amis , vos parens , vos femmes , vos enfans , vous-
mêmes j, percés de coups , mêlant votre sang à celui de
vos Concitoyens j et votre cadavre à leurs cadavres. O
Concitoyens et amis ( ne vous révoltez pas contre des
noms si doux ) ! dites - nous plutôt comment , à ces
déchirantes idées ^ à ces funèbres images , nos Députés
de tous les Ordres à l'Assemblée Nationale , ne s'u-
nissent pas y ne se précipitent pas dans l'unanime vœu
, d'une Constitution dont la seule attente est mille fois
plus dangereuse que tous ses défauts ? Ceux mém.e qui
détestent cet ouvrage ;, comment ne travaillent-ils pas
à le consommer d'une commune ardeur? Ah ! qu'ils
jurent tant qu'ils voudront sa perte au fond de. leurs
cœurs > mais que , pour prévenir la leur raême , ils se
hâtent de le faire exister.
Et nous qui sommes loin de l'Assemblée National© ji
'^ i h )
nousqui recevons des Lois sans les donner ^ nous Con-
citoyens de tous les partis , comment la liaine , l'or-
gueil f la vile cupidité et toutes les passions honteuses ,
nous aveuglent-elles au point de ne nous laisser apper-
cevoir^ dans la chute épouvantable de l'Etat, que la
ruine des autre^^ et jamais la nôtre ? Comment ne
voyons-nous pas que la guerre civile arrivant sur les pas
de l'anarchie j marcheroit pêle-mêle sur tous nos osse-
mens , à la lueur de l'incendie de toutes les maisons ? Qui
de nous pourroits^e dire : ma famille et moi nous serons
eacceptés ? Hélas ! les scélérats et les brigands seroient
les seuls qui pourroient se flatter de survivte et de sur-
monter les monceaux de ruines où les honnêtes gen»
périroient écrasés.
Comment , à l'aspect de cette anarchie menaçante ^
les Provinces ne se liguent-elles pas avec les Provinces ,
les Villes avec les Villes^ les familles avec les familles^
pour assurer , par la plus libre circulation , par des
dons même , la subsistance d'une populace qui s'endort
au moins quand elle est rassasiée ?
Comment ne nous accordons-nous pas à calmer avec
les plus flatteuses promesses , avec les exhortations les
plus sages y ces âmes grossières , irritées par l'excès de
tous les besoins 5 ces âmes où toute étincelle peut al-
lumer un incendie ^ où le soupçon se tourne en délire y
et le moindre mouvement en convulsions et en fureurs?
Bons Citoyens , sans doute on vous a dit qu'il y
avoit des hommes assez insensés , assez barbares pour
se faire de la disette , ou plutôt dé l'opinion de la di-*
fiette^ 1© plus meurtrier , 1@ plus affreux des iastni-
Biens î on TOiis a <îit qu'ils vouloient conduire le Beti-
fie à la guerre civile par une famine imaginaire , et de
la gnen'e civile à tine oppression réelle.
lio.innips sages , vdus ne croii-ez jamaife de telles îior-
tie.urs sans des preuves proportionnées à la grahdèiir d\i
«îélit : on peut croire aux cruautés réflécliies de Scyî-
la y à îa férocité ambitieuse de Marius j atix critnes de
lé. politiv'pje sanguinaire de Riciielieu^ aux nofrs ard-
jÈces de Cromweîi ; on peut croire à tous les monstres
îles de l'ambition raisonnée du cœur bumain 5 mais-
àolt-bn admettre ces monstres nés de Pabsurdité et de
îa folie ? Est-ce au milieu des cîioses impossibles ^ que
îes ambitieux vont èlièrcber leurs crimes et leur for-
tone? Et quand on stippose la conception d'un \ast©
^x&jet ^ ne faut-il pas au moins supposer aussi le sen»
€«>mmun à celui qui le forme ? Nous pouvons tous at-
tester la malignité du cœur humain qui accuse sans
|îreu.ve ^ mais devons -nous affirmer des forfaits si in*
è^ïïsés^' qu'ils ne pouvoiént devenir dangereux que par
la difiicuité même de les croire ?... Mais si ces crinies
étoient vrais 5 si ces monstres existoient...'.. bons Ci-
toyens , je né vous parle point de la dernière pein»
qu'ils méritent 5 je né la connois pas, mais voici la
première î c'est dé -faire avorter ^ par notre sagesse et
:Èiotre constance , toutes ces folies barbares. Hercule ,,
éniaiit , étouffa des serpens qui s'étoient glissés dans
sfon berceau : voilà l'image delà France étouffant^
écrasant les serpens de la discorde ^ qui se sont glissés
iacs le berceau de la liberté.
FIN.
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