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Full text of "Adresse aux amis de la paix"

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ADRESSE 

AUX     AMIS 

DE    LA    PAIX. 

Fak  m*  Servan  y  ancien  Avocat-Générdl 
au  Parlement  de  Grenoble^ 


i  7  89, 


aMMMBBaMB^aa««tyi^jajLteaiijMBBjgjy!^^^ 


A  FER  T  I  S  S  E  M  E  N  T. 


l 'i'iViimiflni'wf™" 


[A  maladie  de  l'Etat ,  aigrie  déjà  par  sa 
durée  ,  semble  s'envenimer  encore  à  l'ap- 
proche de  son  terme  :  il  m'a  paru  qu'en  ce 
moment  un  ouvrage  utile  seroit  celui  où 
l'on  s'attacheroit  à  montrer  l'intérêt  de  tous 
les  partis ,  dans  la  paix  et  la  plus  prompte 
conclusion. 

C'est  à-peu-près  ce  que  je  me  suis  pror 
posé  dans  ces  feuilles.  Je  voudrois  que 
leur  résultat  fût  de  convaincre  les  hommes 
les  plus  acharnés  contre  la  révolution  ac- 
tuelle ,  que  le  plus  grand  péril  pour  eux 
seroit  de  la  faire  avorter. 

J'ai  rassemblé  sur  ce  sujet  les  pins  fortes 
objections  ou  les  plus  spécieuses  ^  et  si  je 
n'ai  pu  donner  à  toutes  des  réponses  sans 
réplique,  il  n'en  est  aucune  où  je  n'apporte 
quelque  adoucissement. 

Je  ne  me  dissiîiiule  point  qu'on  est  à 
présent  excédé  de  lectui'e ,  et  que  cet  Ou- 
Trage ,  malgré  ses  boixnes  intentions  ,   n© 

A  2 


AVERTISSEMENT, 

sera  yraisemblablement  utile  à  personne  ; 
du  moins  me  sera-t-il  utile  à  moi-même  ,  et 
j'ayoue  que  je  me  consolerai  d'avoir  achevé  , 
pour  le  seul  contentement  de  mon  cœnr , 
ce  foible  écrit  que  son  inspiration  seule 
m'a  fait  commencer  :  quand  je  n'aurois 
point  écrit  pour  le  repos  des  autres,  j 'an- 
rois  eu  besoin  d'écrire  pour  le  mien  ^  et 
dans  le  salut  ou  la  ruine  de  ma  Patrie^  ces 
sentimens  de  paix,  dont  je  propose  ici  le 
témoignage  ,  ne  pourront  qu'augmenter  ma 
joie  ou  soulager  ma  douleur. 


ADRESSE 

AUX     AMIS 

E    L  A    P  A  I  X. 


.5    I E  S   hommes   passionnés    et    dangereux    ne   lisent 

guère  ,  ou  ne  lisent  que  des  li-\Tea  dangereux  et  pas- 

^  siennes  comme   eux  5  ils  rejettent  tout  ce  qui  ne  les 

flatte  point.  Toutes  les  pensées  modérées  les  irritent. 

Hommes   équitables  ,  hommes  sages  ,  vrais  amis  de 

j      la  paix  ,  je  ne  puis  donc  m'adrefser  qu'à  tous  :  vous 

I     seuls   aurez  la  patience   de   me   lire,  et  peut-être  le 

courage  de  me   croire. 

Et  voici  d'abord  ce  que  j'ose  vous  dire  :  il  n'est 
plus  temps  ,  Amis  de  la  paix  ,  il  n'est  plus  temps 
de  vous  cacher  dans  la  retraite  que  vous  chérissez , 
de  fuir  les  hommes  injustes  et  turbulens  que  vous 
craignez  ,  ou  de  garder  un  silence  modeste  au  milieu 
de  leurs  disputes  emportées  :  il  n'est  plus  temps ,  en- 
fin ,  de  vous  contenter  de  réfléchir  et  d'observer  ;  la 
repos  n'est  plus  de  saison,  et  la  prudence  est  d'avoir 
du  courage.  Il  faut  agir,  il  faut  parler  vous-mêmes  : 
voici  le  moment  où  vous  devez  vous  répandre  en  pu- 
blic ,  vous  montrer  par-tout  5  et  plût  au  Ciel  que ,  dans 
ce  moment  critique,  tout  homme  sage  osât  se  donns-r 

A3 


[6] 

à  lui-même  la  place ,  et ,  s'il  le  pouvoît ,  la  hauteur 
d'un  obélisque  dans  les  places  publiques  ! 

Amis  de  la  paix  ,  lorsque  tout  conjuré  pour  sa 
ruine,  c'est  à  vous  enfin  de  conspirer  pour  son  salut, 
et  vous  niavez  pas  un  seul  moment  à  perdre  :  si  vous 
laissez  échapper  celui  qui  s'ëniuit  y  votre  silence  et 
votre  inaction  seront  aussi  coupables  que  les*  discours 
et  les  complots  mêmes  des  hommes  factieux  :  ils  au- 
ront voulu  perdre  la  Patrie,  et  vous  n'aurez  pas  voulu 
la  sauver  !  Que  dis-je  !  ils  auront  même  déployé  plus 
de  courage  pour  faire  le  mal ,  que  vous  pour  l'em- 
pêcher ;  et  prenez  bien  garde  qu'en  partageant  avec  eux 
le  crime  de  mauvais  Citoyens ,  vous  n'ayez  tout  seuls 
l'infamie  de  la  lâcheté. 

Bons  Citoyens  !  concevez-vous  bien  la  situation  où 
nous  sommes?  Encore  un  moment  de  patience  et  dé 
courage  ,  et  la  France  est  sauvée  5  encore  un  degré 
d'anarchie,  et  la  France  est  perdue.  Ne  voyez-vous 
pas  la  Nation  entière  suspendue  par  un  cheveu  sur  un 
abyme  ?  et  le  ciseau  de  la  Discorde  est  ouvert  !  Bons 
Citoyens  !  que  ferez-vous  ?  .  .  . .  Ah  !  sans  doute  ,  tout 
ce  que  vous  pourrez  faire  :  ce  qui  n'excédera  pas  en- 
tièrement votre  pouvoir,  vous  le  comprendrez  rigou- 
reusement dans  votre  devoir  même. 

Et,  d'a4ord,  ce  que  vous  avez  de  plus  pressant,  c'est 
de  vous  unir  :  formez  enfin  des  assemblées  d'hommes 
sages,  comme  il  y  en  a  d'hommes  turbulens.  Quoi  î 
les  insensés  et  les  médians  savent  s'unir,  et  les  bons 
et  les  sages  ne  sauront  que  s'isoler  !  Que  la  sagesse 
«est  dangereuse  ^  si  elle  ne  veut  être  utile  qu'à  elle- 


même  !  Unissez  -  vous  donc  ,  bons  Citoyens  ,  et  ne  • 
tardez  point  à  montrer  à  la  Patrie  des  assemblées 
régulières ,  dont  l'unique  objet  soit  le  rétablissement 
de  la  paix  par  tous  les  moyens  qui  dépendront  de 
votre  fortune ,  de  vos  lumières ,  et  de  votre  courage  t- 
là ,  vous  vous  éclairerez  mutuellement  sur  les  dangers 
communs  ;  vous  vous  communiquerez  vos  observations 
M  vos  vues  5  vous  vous  animerez  à  cbercher  ensemble 
les  ressources ,  et  jamais  vous  ne  vous  séparerez  qu'a- 
près avoir  concerté  cbaque  jour  les  combats  que  vous 
devez  livrer  à  toutes  les  idées  ,  comme  à  toutes  les 
actions  dangereuses. 

Dans  ce  moment  d'effervescence  terrible,  attendez- 
vous  à  trouver  par -tout  les  idées  exagérées,  par-tout 
îes  ât:tions  tendant  à  la  violence.  Vous  serez  envi- 
Tonnés  d'hommes  qui  ressemblent  à  ceux  que  l'ivresse 
a  frappés  :  toutes  les  limites  ,  les  routes  mêmes  va- 
rient à  leur*  yeux  troublés  ;  et,  parce  qu'ils  clian- 
çellent,  ils  croient  que  leur  chemin  est  mobile.  Ce  que 
les  uns  appellent  justice  inviolable  ,  vous  l'entendrez 
nommer  par  les  autres  oppression  insupportable. 
Droits,  devoirs,  raison,  équité,  toutes  ces  notions  de 
morale ,  qui  doivent  être  fis.ées  comme  des  termes  cher 
des  hommes  soumis  à  des  lois ,  sojit  maintenant  ébraii* 
lées  dans  leurs  fondemens  par  les  secousses  d'uiié 
grande  révolution  :  chacun  s'empresse  de  les  saisir 
comme  des  matériaux  pour  l'édifice  qui  lui  convient 
dans  la  subversion  générale  j  et  tous ,  disputant  sur  deâ 
ruines ,  sont  prêts  de  s'en  fair^  des  armes  pour  achever 
âe  s'éGrasw  par  leurs  rwines  mêmes. 

A  4    , 


[M 

I. 

Amis  de  la  paix,  vous  trouverez  des  âmes  douces 
et  sensibles  que  les  meurtres  et  tous  les  crimes  de 
la  populace  ont  indignées  contre  le  peuple  même. 

Voiis  trouverez  des  âmes  timides ,  épouvantées  par 
le  trouble  ,  et  préférant  déjà  l'ordre  apparent  du  des- 
potisme aux  désordres  qu'entraînent  les  efforts  pour 
la  liberté. 

Vous  rencontrerez  même  encore  des  liommes  super- 
stitieux ,  qui  croient  la  religion  perdue ,  pour  peu  qu'on 
touche  au  Sacerdoce. 

A  cliaque  pas  vous  serez  arrêtés  par  la  foule  de  ces 
liommes  qui  se.  font  aujourd'hui  une  profession  de  la 
politique  même;,  s'emparant  hardiment  de  l'avenir  pour 
le  semer  de  pré%iges  funestes ,  et  recueillant  d'avance 
chez  la  génération  future  une  moisson  de  malheurs 
qu'ils  se  plaisent  à  répandre  au  milieu  de  la  généra- 
tion présente  :  en  mêrne^  temps  d'autres  hommes ,  pour 
qui  l'idée  seule  à'^ égalité  est  un  joug  insupportable  j 
TOUS  heurteront  de  leur  orgueil  irrité. 

Enfin,  si  vous  vouiez  descendre  au  Peuple,  et  jus- 
qu'à la  populace  même^  vous  serez  révoltés  ,  peut-être, 
de  ces  âmes  grossières  et  violentes^  ouvertes  à  tous 
les  mensonges  comme  à  tous  les  excès. 

Amis  de  la  paix ,  observez  tout  ce  que  ces  hommes 
font ,  avec  vigilance  ;  écoutez  tout  ce  qu'ils  disent  , 
avec  patience  ,  et  répondez  à  tout  avec  modération. 

Ne  vous  obstinez  point  à  consoler ,  par  le  souvenir 


[9] 
s.Dianx  passés  /  ou  par  les  espérances  des  biens  à  ve- 
r,,  ces  âmes  passionnées  cmç  le  présent  seul  occupe. 
Au  lieu  de  vous  attacLer  à  combat !:re  les  principes 
I  chacun,  appliquez-vous  plutôt  à  leur  nionti^er  les 
nvenances  qui  paroissent  snpérieures  aux  principes 
îmes. 

Tâchez  enfin  j  dans  ce  chaos ,  de  les  ramener  douce- 
j:i!ntà  l'intérêt  général  par  ce  iil  de  Tintérét  particu- 
le r  que  la  passion  a,  brisé  dans    leurs  mains. 

ï  I. 

Amis  de  la  paix ,  attendrissez-vous  avec  ces  hommes 
Imains  et  sensibles  que  les  violences,  les  outrages, 
il  meurtres  ,  les  crimeâ  de  tous  les  genres  ont  remplis 
(  terreur  et  de  pitié. 

\lais ,  leur  direz-vous ,  ne  commettez  pas  l-injustiçe 
(  confondre  une  grossière  et  vile  populace  avec  le 
Il  et  véritable  Peuple,  laborieux  ,  lionne  te  ,  et  plus 
tentieliement  ami  de  l'ordre  que  nous-mêmes  :  car 
(in,  le  Peuple  a  besoin  de  l'ordre  pour  s'assurer  le 
i:es3aire  ,  et  nous  ne  l'implorons  guère  qu'afin  de 
l'tégernos  plaisirs,  Appellerez-vous  la  Nation  F ran- 
tsc,  ce  tas  de  brigands  achevés  ou  com.mençés,  sans 
J'fession  ,  sans  domicile,  sans  patrie?  insectes  qui 
lnivent  les  vices  du  Gouvernement  où.  ils  pullulent  , 
< urne  les  vers  annoncent  un  cadavre,  et  prouvent  la 
î  rt  du  corps  qu'ils  détruisent. 

III. 

Wis  de  la  paix,  quand  on  vous  dira  que  la  Nation 


[  «o  1  ! 

Françoise  a  cîmngéiié  càtractère  eh  cliaïigèftnt  de  poii 
tion  \  quand  on  vous  peindra  la  confusion  de  toug  ijï 
droits  ,  l'oubli  de  tous  les  devoirs  ,  le  mélange  tl; 
conditions ,  l'anéantissement  de  toutes  les  distance}, 
par- tout,  enfin,  l'insubordination  qui  mène  à  tous  ];! 
désordres  par  la  licence  5  quand  on  en  voudra  conclii» 
que  l'ancien  avilissement  a  tout-à-fait  corrompu  nolL- 
î^ation ,  que  la  servitude  nous  a  rendus  incapables  |i 
Ja  vraie  libe,rté ,  et  que  ,  pour  avoir  trop  obéi  ,  nous  \i 
sommes  plus  dignes  de  nous  gouverner  nous-mêmej; 
pourquoi ,  répondrez -vous  ,  voulez-vous  si  légèremej: 
désespérer  du  caractère  de  la  Nation  ?  Ne  faut-il  ij; 
distinguer  un  accident  passager  d'un  état  durable  ?ji 
crise  qui  peut  guérir  est-elle  toujours  une  maladie  ml» 
telle  ?  Que  diriez -vous  d'un  homme  qui  s'épouvanj- 
roit  de  se  voir  couvrir  de  pustules  ,  après  avoir  r<Ji 
l'inoculation  pour  garantir  sa  vie  même  ?  Vous  T<|j 
étonnez  de  quelques  actes  d'insubordination  et  dei- 
cence  5  mais  que  ne  vous  étonnez-vous  bien  davj- 
tage,  en  voyant  la  France  sans  lois,  sans  Magistraj^ 
sans  force  qui  la  contienne  et  la  dirige ,  et  sacli|t 
pourtant  se  contenir  et  se  diriger  depuis  deux  ni» 
«ntiers  par  la  seule  force  du  sentiment^  ou  de  l'hei- 
tude  de  l^ordre  ? 

Cliercbez  dans  les  histoires  humaines  quelque  ai|e 
«xemple  d'un  si  grand  Empire^  où  tous  les  Gitoy|» 
armés,  et  livrés,  pour  toute  règle,  à  leurs  passio,> 
aient  si  long  -  temps   conspiré  à  se    conserver  pk  W 
qu'à  se  détruire.  |! 

Doit-on  augurer  d'un  tel  Peuple -une  licence  inG«| 


[  II  ] 

f  y  OU  le  facile  rétablissement  de  l'ordre  ?  Si  la  seule 
]  jitude  du  travail  a  pu  contenir  les  dernières  Classes 
f  Citoyens  5  si  la  seule  puissance  de  la  morale  a  pu 
iirimer  les  autres  ,  qu'arrivera-t-il  lorsque  les  Lois 
I [tiendront  ces  hommes  de  toute  leur  énergie? 

)e  tout  temps  le  Peuple  François  est  connu  par  sa 
s  mission  à  des  Loix  vicieuses  :  est-ce  un  motif  d'au- 
ter  sa  révolte  contre  des  Loix  plus  sages?  Il  est  ce- 
Ire  par  ion  attachement  pour  les  plus  mauvais  Rois  i^ 
e-ce  un  présage  de  s  on,  in  gratitude  pour  le  plus  doux 
(j  Princes  ,  celui  qui  a  plus  rendu  aux  François  eu 
{ixmois  que  ses  prédécesseurs  ne  leur  avoient  ravi 
e  Imit  siècles  ? 

'il  est  vrai  que  les  Peuples  aient  leurs  caractères 
ciEÇie  les  hommes  5  croyons  qu'ils  sont  également  ia- 
viables  pour  les  Peuples  comme  pour  les  individus, 
I  caractère  est  un  cercle  autour  duquel  les  hommes 
fvent  tourner  )  mais  d'où  ils  ne  peuvent  sortir  ja- 
is 5  et  soyons  bien  sûrs  que  le  François,  léger,  im~ 
j; lieux  ,  prompt  à  censurer,  à  murmurer  méme^  sera 
tijours  le  Peuple  le  plus  facile  à  gouverner  avec  du 
f  ti  et  de  l'honneur. 

1  ne  faut  point  confondre  un  Peuple  barbare  et  de- 
V  II  féroce,  avec  un  Peuple  avili  et  corrompu  :  parmi 
1<  excès  de  la  populace  même  on  n'a  remarqué  ni  Fa- 
Vssement  de  la  lâcheté  ,  ni  la  corruption  de  l'avarice  5 
0  ne  l'a  point  vue  ,   dans  ses  atrocités ,  marchander 

c  de  l'argent  la  vie  de  ses  ennemis  ni  la  sienne  : 
H^lle  pitié  d'observer  toujours  une  Nation  chez  ses 
i^Ure&j  et  déjuger  des  vices  qui  sont  dans  les  chau- 


mières,  par  ceux  qu'on  Tolt  dans  les  Palais  î  Voy 
un  grand  cliene  dont  les  insectes  ont  attaqué  la  cimt 
elle  se  brise  sous  Peffort  d'un  orage  ,  mais  l^irbre  res 
debout  en  résistant  par  ses  racines  :  telle  est  la  Franc, 
La  tête  de  ce  grand  chêne  est  brisée,  mais  le  Peupl 
comme  des  racines  profondes  ,  le  soutient  au  milieu 


l'orage. 


I  V. 


Amis  de  la  paix ,  vous  êtes  bien  convaincus  qu' 
ne  peut  la  conserver  que  par  la  liberté  fondée  sur  :! 
Loix  :  mais  ne  vous  révoltez  point  contre  ces  an'. 
timides  qui  vous  diront  qu'un  siècle  de  despotisme  '; 
moins  funeste  que  quelques  mois  d'anarcîiie ,  que  l 
révolution  la  plus  heureuse  coûte  toujours  trop  cîn, 
et  que  la  liberté  est  un  héritage  qu'il  faut  laisser  'I- 
fricher   à  ses  enfans. 

Vous  leur  répondrez  avec  modération  ,  qu'après  i 
siècle  de  despotisme  on  trouve  encore  un  siècle  [5 
despotisme  ,  et  qu'après  quelques  mois  d'anarchie  '\ 
H  souvent  conquis  des  siècles  de  liberté. 

V. 

Amis  de  la  paix,  vous  vous  appercevrez  bieiiit 
que  la  vanité  de  paroître  de  grands  politiques  a  s  ii 
la  plupart  de  vos  concitoyens  ,  comme  autrefois  js 
étoient  passionnés  de  paroître  des  hommes  à  borjs 
fortunes. 

C'est  le  malheur  de  notre  Nation  ,  que  tout  ,  jusq  là 
la  raison^  y  prend  les  travers  de  la  mode  :  attend- 


C»3] 

,is  donc   à  trouver   à   ckaque  pas  de  ces  politiques 
Lurdes  ,  injustes  ou  menteurs. 

Js  accuseront  de  mille  défauts  les  décrets  de  PAs' 
^iblée  *  Nationale.  Mais  vous  ,  sans  discuter  leurs 
^iroclies ,  contentez-vous  de  leur  dire  :  vous  avez 
royé  des  liommes  à  l'Assemblée  Nationale  ,  et  vous 
ijis  étonnez  que  leur  ouvrage  ne  soit  pas  sans  défaut  ! 
Tantôt  ils  se  plaindront  de  l'extrême  lenteur  ,  et 
ttôt  de  l'extrême  précipitation  de  cette  Assemblée. 

jans  les  faire  rougir  de  leur  contradiction ,  deman- 
t;  seulement  si  jamais  une  Assemblée  d'iiommes  a 
ï.s  remué,  et  plus  fixé  de  vérités  importantes  dans 
Ifi  court  espace  de  temps,  et  si  dans  la  rapidité  de$ 
inemens  il  étoit  possible  de  mettre  plus  de  lenteur 
Èis  les  décisions. 

|)emandez  ,  en  un  mot ,  qu'on  examine  attentivement 
*3  temps  permettoit  de  faire  beaucoup  plus  ,  ou  si  la 
nessité  permettoit  de  faire  beaucoup  moins. 

'résentez  à  ces  hommes  une  vérité  qui  les  saisira 
p  t-être  :  nous  ne  sommes  point  placés,   leur  direz- 

;s  j  dans  uù  juste  point-de-vue  ,  pour  juger  de  cette 
rolution.  Et  qui  sait  si  la  postérité,  en  s'éioignant 
objets  ,  et  jugeant  cette  mémorable  Assemblée  , 
i s'étonnera  pas  toujours  davantage  de  son  activité, 
e  comparant  l'ouvrage  avec  le  temps  du  travail  5  et 
c.  sa  sagesse  ,  en  comparant  l'ouvrage  avec  la  gran- 
dir des  obstacles? 

VI. 

iiommes^sages  ,  ce  ne  sera  pas  sans  peine  que  yo«s 
«  endrez  si  souvent  reproefeer  à  votre  Assemblée  Nft- 


t  i4  3 

tionaîe  sa    fermentation,   son  trouble  ^  son  désord 
et  sans  doute  vous  admirerez   ces  détracteurs   quiii 
passionnent  eux-mêmes  contre  ceux  qui  se  sont  tîî; 
sionnës  pour  eux  ;  mais  que  pourroient-ils  vous  répÎH 
dre  ,  si  vous  leur  disiez  :  quand  vous  avez  envoyé  \)i 
Députés  à  l'Assemblée  Nationale,   vous,  Hommes  u 
Tiers-État ,  ne  leur  avez-vouâ  pas  dit  :  è>nsez   toiè 
nos  chaînes  ?  Et  vous ,   Nobles  5  vous  ^   Ministres  b 
la  Religion ,  vous  avez  dit  aux  vôtres  :  €onseTvez\li 
toutes  i  et  vous  osez  vous  scandaliser  tous ,  après  ci!:e 
mission ,  du    bruit  que  font   vos  Représentans  enU 
-couant  ces  chaînes   avec  violence  :  vous  appelez 
multe ,  désordre  ,   cabale  ,  le    combat  que   vous  « 
commandé  vous-mêmes  î  | 

Êtes- vous  donc  si  insensés  de  croire  qu'un  Pei  « 
cîiange  de  Gouvernement,  comme  un  homme  paisfe 
change  de  vêtement;  ou  qu'on  passe  de  la  sértii|j[è 
à  la  liberté  ,  comme  d'un  appartement  à  un  àolj? 
avez-vous  cru  que  dans  une  Assemblée,  composée  dW 
foule  d'hommes  dont  les  uns  veulent  devenir  libres  lît 
les  autres  veulent  rester  maîtres  ,  on  puisse  têrmlïr 
ces  questions,  où  se  mêlent  les  plus  ardentes  pass  la 
humaines  ,  comme  un  géomètre  résout  dans  son  cabl3t 
ttH  problême  sur  les  nombres  5  et  qu'il  fût  possibl«,|n 
un  mot  f  d'acquérir  sans  trouble  cette  liberté  qu'o;  \t 
peut  même  conserver  sans  inquiétude  ? 

Quand  vous  ne  verrez  jamais  l'ordre  et  le  sil«!;* 
dans  une  Assemblée  d'esclaves  ,  étonnez-vous  aloilft 
voir  quelquefois  le  désordre  et  le  trouble  dans  i® 
Assemblé»  d'hommes  libres  ;  c'est    au  milieu  du  i- 


C  i5] 

i[te  et  des  cris  cle  ces  hommes   libres  que  se  forma 

(Vent  la  loi  qui  doit  imposer  le  silence  à  tous  les 

)yens  y  et  c'est  dans  le  silence  terrible  de  tous  les 

ts ,  que  le  despotisme  forme  la  loi  qui  doit  arra- 

;  r  des  cris  étouffés  à  cliaque  particulier. 

VIL 

ions  Citoyens ,  vrais  amis  de  la  paix  ,  dissipez  de 
xesYOS  forces  les  alarmes  qu'on  affecte  de  répandre^ 
Fila  liberté  de  l'Assemblée  Nationale  dans  le  sein  de 
a  api  taie.  Faites  bien  comprendre  que  si  cette  liberté. 
\  Dit  pas  fondée  sur  l'intrépidité  des  Députés  ,  ell* 
e3roit  sur  l'intérêc  de  Paris  même.  Les  Citoyens  d» 
:ï3  ville  veulent-ils  seuls  être  esclaves,  tandis  qu«f 
iCi  voulons  être  libres  ,  ou  veulentriis  être  libres  ,  et 
pneus  soyons  seuls  esclaves?  Le  peuple  de  Paris  p 
mi ,  veut-il  ,  peut-il  être  le  Peuple-Roi ,  comjii# 
;Ki  de  Rome? 

lassez  donc  ces  craintes  dangereuses  ,  &  comme 
Bistingue  la  force  d'un  bomme  aux  pulsations  de 
')  )ouls  y  faites  sentir  la  liberté  de  l'Assemblée  ,  à  la 

:ité  même  de  ses  débats. 

tînmes  justes  ,  et  qui  voulez  sificèrement  la  paix, 
laiez  écouter  mes  réflexions  sur  ceux  qui  ont  la 
»ité  de  nous  dire^  ou  de  nous  faire  entendre  que 
io  !  Assemblée   Nationale  n'est     qu'un    assemblage 

-  nmes  audacieux  et   pervers  , .  qui  encbaînent  des 

nés  foiUes  et  timides  ;  que  veulent-ils  que  nous 
'*f,3ns  de  cette  terrible  vérité  ?  Dans  ie  moment  ou 
^  s^misesy  lequel  vaut  niieux  dd  l'ignorer  ©u  de 


t  i6  ] 

l'apprenclre  ?  Pour  moi ,  j'ai  beau  rêver,  et  je  ne  -vis 
pas  qii'on  en  puisse  tirer  autre  cliose  à  présent 'quf'a 
guerre  civile  :  Citoyens  cruels  ou  bien  imprudeii  ^ 
attendez  du  moins,  pour  nous  découvrir  le  désord  , 
que  nous  soyons  assez  paisibles  poiir  le  réparer,  ^t  ! 
si  Dieu  lui  -  même  me  révéioit  une  vérité  qui  lit 
porter  le  trouble  et  la  guerre  ,  je  ne  dis  pas  dU 
un  vaste  Empire,  je  ne  dis  pas  dans  une  feule  cité  ,  n's 
dans  la  dernière  des  familles  ,  je  me  dirois  à  rr  - 
même  :  cache  cette  'vérité  dans  le  fond  de  ton  cœïi 
c'est  un  dépôt  que  Dieu  te  confie  pour  maintenir ,{« 
le  celant  ,  la  paix  parmi  tes  semblables,  Oïd  ,ia 
vérité  même  ,  quand  elle  est  dangereuse  ,  doit  fo 
êncLaînée  comme  une  bête  féroce.  Et  que  ces  liômilis 
ne  disent  pas  que  la  vérité  n'est  jamais  dangefeuj  : 
ce  seroit  dire  que  l'esprit  de  l'homme  est  toujours  jur , 
et  que  son  cœur  est  toujours  droit.  Nous  ne  pouijjis 
pas  plus  recevoir  la  vérité  dans  tous  les  temps,  W 
la  nourriture  à  toutes  les  heures. 

JBons  Citoyens  ,    ne  vous   laissez    point   alarme  île 

toutes    ces  révélations   dangereuses  5  dites-vous  b  . , 

que  toute  assemblée    d'hommes    a  toujours   offerlim 

^>  mélange  de  vices  et  de  vertus  ,  d'audace  et  de  timi(j3, 

\        de  talens  et  de  calomnies  ;   que  ce  mélange  mêmeist 

peut-être   nécessaire  pour    opérer  la  fermentation jui 

épure  les  décisions  de  ce    qui   est   dangereux  ,  ewe 

ne  laisse  que  l'utile  :  à*peu-près  comme  de  la  cop- 

naison  des  plantes  venimeuses   et   salutaires  on  f<ii» 

de  vrais  remèdes.  i 

San?  vous  embarrasser  de  scruter  les  poeurs  de  |u« 


tji  viennent  àè  vous  faire  des  Lois  ^  cOntente£-vouâ 
e  ces  Lois  mêmes  :  que  yous  importe  l'ouvrier ,  quand 
ous  n'avez  à  faire  que  de  l'ouvrage  ?  Fût-^ce  là  main 
e  Catiiina  qui  présentât  de  bonnes  Lois  ,  il  faudroit 

s  recevoir  comme  de  la  bouche  de  Caton  même  5  et 
uand  on  croit  entendre  là  raison  de  tous  les  Iiommes  , 

ne  feut  jamais  y  chercher  la  passion  de  tel  homme.^ 
V  I  I  L 

Je  sais  bien  ,  Amis  de  la  paix ,  qu'on  n'épargnera 
en    pour  décrier  ces  Lois  ,    et  que  d'avance  on  en 

édira  les  effets  les  plus  funestes.  Voulez-vous  abréger 
;s  vaines   prédictions  5   faites  à  ces   détracteurs   une 

ule  question^  et  pressez -les  d'y  répondre  nette- 
leat. 

Des  Lois  anciennes  et  des  Lois  nouvelles. 
En  avouant  tout  ce  que  vous  voudrez  de  nos  Loif 
jùvelles  ^  rendront- elles  j  leur  demanderez-yous  ,  le 
BÙple  François  plus  malheureux  qu'il  ne  l'étoit  par 
s  Lois  ancienneè  ?  Alors  vous  Verrez  ces  hommes 
Higir  et  se  taire  ^  ou  du  moins  s'efforcer  de  parler 
5iir  ne  rien  dire. 

Mais  suivez  -  les  dans  leur  fuite  ,  et  demandez  -  leur 
3  ont  tout- à -fait  oublié  ce  que  nous  étions^  pour 
alarmer  tant  de  ce  que  nous  allons  être.  Bien  loin 
3  lions  regarder  conime  des  Citoyens^  leur  direz^-yous  , 
^èine  sembloit-on  nous  croire  des  hommes  :  notre  cons- 
i^ce  appartenoit  à  tous  les  prêtres  j  notre  fortune  à 
>U8  les  déprédateurs  ,  et  nos  personnes  à  tous  les  da- 
teurs  :  nous    étions  la   proie  de    nos   enneinis  dâii 

'guerre,  et   la  fable    de  l'Europe  dan»   la  paix  ; 

B 


[  .8  ] 

îioiîs  seuls  enfin  nous  ignorions  encore  le  degré  d'ab- 
jection où  nous  étions  tombés  5  et  sitôt  qu'un  Fran- 
çois avoit  passé  la  limite  de  sa  Patrie  ,  son  nom  étoi 
itn  fardeau  qu'il  ne  cessoit  plus  de  porter  jusqu'; 
l'extrémité   du  globe. 

Nous    étions  si  loin  d'avoir  qlielqiie    liberté  ,    qu'i 
ne  nous  étoit  pas  même  permis  de  parler  de  la  libel-ti 
des   autres  ^   et  souliaiter  un  meilleur  gouvernement 
étoitpour  nous  aussi  périlleux ,  que  pour  d'aUtres  Peuple 
de  l'obtenir. 

Pour  comble  de  misère  ,  le  temps  et  l'infortune  non 
avoient  ravi  jusqu'à  cette  gaieté  que  l'Europe  appeloi 
folie  ,  et  que  la  Nature  sembîoit  nous  avoir  donne'l 
comme  elle  donne  le  sommeil  aux  malheureux. 

Vous  qui  blâmez  tout  ce    qui  vient  de  se    faire! 
j'interroge  votre  conscience  ,  ajouterez-vous  ^  et  je  701  i 
demande  de  me  répondre  avec  bonne -foi  :  si  l'on  voii 
avoit  annonce  ,  li  y  a  vingt  ans",  tout  ce  qn  on  voi  \ 
offre  aujourd'hui ,  vous  l'auriez  d'abord  écouté  comnj 
nn  réve^  et  vous  l'auriez  ensuite  reçu  comme  unpréseï 
de  la  Divinité  ;  et  maintenant,  parce  que  ce  présent  vo 
est  offert  de  la  main  de  quelques  Concitoyens  que  TOii 
ii'aimez  on  n'estimez  pas  ,  vous  le  décriez  :   eb  bien: 
venez   donc    avec    nous  ;     venez  jurer    sur  le    co( 
de  nos  Lois  absurdes  et   barbares ,  venez  jurer  à 


m 


porte  de  nos  prisons  d'Etat  5  venez  jurer  dans 
campagnes  désolées  >  dans  les  chaumières  incendié 
d'impôts  ,  dans  les  places  publiques  teintes  du  saj 
humain  ,  dans  le  palais  des  Rois  investis  de  la.f  a':ter 
et  du  mensonge  ;  vendez  jurer  au  milieu  d«  ces  cot? 


f 


(  19  ) 

isans  ,  de  ces  ministres  plus  vils  que  là  servitude  ,  et 
lus  corrompus  que  le  vice  même  ;  venez  jurer  ,  eniiii  , 

la  face  de  Dieu  et  des  Hommes  ^  que  notre  ancien 
tat  étoit  meilleur  que  celui  qu'on  nous  offre.  Non  , 
ous  ne  Poseriez  jamais  ,  et  déjà  vous  croiriez  entendr» 
î  cri  de  la  Nation  indignée  ,  attestant  contre  vou» 
;  ciel  et  la  terre. 

Un  mensonge  nuisible  à  la  Patrie  est  sans  doute  le 
lus  grand  parjure  :  pourquoi  donc  commettez  -  vous 
evant  chaque  Citoyen  le  parjure  que  vous  n'oseriea 
rofércr  devant  la  Na*^ion  toute  entière  ? 

I  X. 

De   la  vanité  des  prédictions  politiques. 

C'est  une  place  si  commode  que  l'avenir^  on  y    dis- 
ose  si  bien  de  toutes  clioses  ;  les  événemens   qui    ne 
ont  point  encore»- arrivés  gênent  si  peu  ^  que  vous  ie- 
ez   bien    vous   attendre  ,    vous  qui  desirez    la  paix  , 
e  voir   ceux  qui  ne  s'en  soucient  guère,    se   sauver 
es  reprocKes  du  passé ,  en  se  jetant  parmi   les  lan- 
cines de  l'avenir  ;    malgré  tout  ce  que  vous  pourrez 
ire^  ils  voudront  vous  en  épouvanter  j    et  \ous  cn- 
'ndrez  sur  la  Constitution  nouvelle  les  prédictions  les 
lus  funestes. 

Lés  hommes  sont  presque  tous  des  enfans  ;  comme 

ix  ils  se  plaisent  ,  par  Pémotion  même  de  la  terreur  , 

écouter  les    contes  quiNles  effrayent  :  tâchez  de  ra- 

lener  ceux-ci   à  la   vérité  par  les  réflexions  que  je 

aïs  vous  offrir 

Lfs«Zj  direz  -  vous  j  ou  faites  -  vous  raconter  ce  c^t- 

B  a 


C  20  J 

les  Lômmes  ont  ^crit  sur  les  gouvérnemens  de  la  terr 
les  plus  célèbres  par  la  liberté  j  et  je  puis  vous  assure 
que  vous  ne  trouverez  pas  un  de  ces  gonveïnemieni 
pii  la  liberté  ait  été  conservée  ou  ruinée  ,  précisémeni 
de  la   manière  que  les   politiques  l'avoient    annoncé; 

Quand  on  établit  le  Tribunat  à  Rome ,  doutez] 
vous  que  les  Patriciens  ne  fissent  des  harangues  ad; 
Sîiirablés  pour  en  démontrer  les  dangers ,  et  qu'ils  nt| 
peignissent  le  Peuple  Romain  à  Rome  ,  comme  01' 
peint  le  Peuple  François  à  Paris  ?  Harangues  admi^i 
râbles  ,  éloquence  sublime  î  et  le  Tribunat  sauvil 
Rome.  |! 

Quel  politique  Romain  me  rega.rdala  dictature  comnwj 
l'institution  la  plus  salutaire  ?  et  l'institution  de  h\ 
dictature^  à  la  fin  ,  perdit  Rome.  Nul  liomme  'ni\ 
put  voir  la  connexion  des  événemens  entre  la  dicta'j 
ture  de  Camille  ou  de  Fabius  ^  et  celle  de  Sylla  ou  èj 
César.  \  ,    '^  j 

O  !  vanité  de  la  politique  même  après  l'existënc  | 
de  l'Empire  Romain,  quand  mille  histoires  eurent  expôsi; 
à  tous  les  yeux,  et  mis  ^  pour  ainsi  dire  ^  dans  toute 
les  mains  les  pièces  de  cette  vaste  machine  :  quant  1 
elles  eurent  montré  les  événemens  qui  en  avoient  ex- 
cité le  jeu  ,  ces  étonnans  effets  furent  encore  un  pro  ^: 
blême  :  il  a  fallu  de  nos  jours  le  génie  de  Mon-| 
tesquieu  pour  nous  en  expliquer  la  grandeur  et  h] 
ruine. 

Et  ce  qui  est  bien  singulier  ,  ce  même  Montesquieu  jl 
qui  dans  cet  Ouvrage  ,  perçant  tout  le  passé  avet  Tîli 
mil  d'aigle  ^  semble  n'avoir  besoin  que  de  se  tourner! 


I 


C  ^1  ) 

iluï  percer  aussi  sûrement  l'avenir  5  ce  Monteâqilietl 
jivise  àe  prédire  une  grandeur  future  à  une  petite 
jibublique  de  Suisse  5  et  cette  République  n'a  pu  tirer 
j;qu'à  présent  sa  sûreté  que  de  sa  modération  :  bornée 
i  sa  conservation  ,  on  diroit  qu'elle  met  sa  sagesse  èù 
«  mentir  la  prédiction  de  Montesquieu. 
iL'Abbé  de  Mabli  n'a- t- il  pas  vanté  le  Gouvetne- 
]!ntnaissantdeSuède?et  ce  Gouvernementn'a  pas  cessé 
i  se  tourmenter  et  de  tendre  à  se  dissoudre. 
Quand  les  nouveaux  Américains  voulurent  se  donUelf 
1  g  constitution  ^  combien  les  Anglois  n'anneincèrent-» 
i  pas  sa  ruine  !  Les  Anglois  mêmes  ^  depuis  qu'ils 
«it  libres  et  riches^  n'ont  point  cessé  dé  se  prédire 
en  jour  à  l'autre  la  banqueroute  et  l'esclavage  5  eC 
(  qu'il  y  a  d'admirable  ,  on  voit  toutes  ces  vaipes 
I  dictions  se  réfugier  dans  l'avenir  ,  à  mesure  que 
1  présent  les  dément  et  les  poursuit ,  et  s'appeler* 
t  jours  effrontément  la  vérité ,  le  lendemain  mêin# 
c  jour  qui  les  a  convaincues  d'imposture. 

Te  vais  plus  loin  ,  Amis  de  la  Paiiï  r  si  vous  dôman-' 
dz  maintenant  à  tous  ces  politiques  si  claiïvoyans  sur 
l  effets  de  notre  Constitution  nouvelle ,  de  vous  dé- 

opper  tontes  les  causes  d«  la  révolution  qui  nous 
|isionne  aujourd'hui ,  nul  ne  pourroit  vous  les  assigner 
ac  netteté  5:  vous^  les  verriez  tous  entrer  dans  un 
iyrinthe^,  où  chacun  errant  à  sa  manièi^e  $-  eherche- 
rt  une  issue  différente  «■ 

?oibles  et  insensés  qile  nous  sommée^  nous  ne  sau- 
r  as  expliquer  le  passé  ni  le  présent ,  et  nous  avons^ 
'fureur  de  deviner  L'ayenir  !  nous  oublions  sans  cesse 


[  22  3 

qufe  les  ïiomînes  n'ont  que  deux  grands  maîtres  poi 
le$  instruire,  Pexpérience  et  le  génie  ;  que  ces  den 
maîtres  ne  peuvent  ,  dans  les  choses  qui  ne  tiennr i 
pas  à  nos  premiers  besoins  ,  presque  rien  l'un  sai 
l'autre  j  que  l'expérience  n'est  rien  sans  le  génie  qi 
la  recueille  ,  comme  le  génie  est  peu  de  chose  sai 
l'expérience  qui  le  soutient. 

Quelle  pitié  ,  de  voir  tous  ces  spécelateurs  démenti 
pièce  à  pièce  nos  machines  politiques  ,  calculer 
dimension  de  chaque  roue  ^  leur  action  réciproque 
leurs  frottemens  5  et  ^  comme  s'ils  avoient  tout  fait 
annoncer  hardiment  leurs  effets  et  leur  durée  !  mal 
le  premier  mobile  de  tous  ces  rouages  ,  le  cours  de$  évd 
nemens  et  tout  ce  que  notre  ignorance  appelle^ûî^aroi 
le  peuvent- il  calculer?  Savent -ils  si,  de  l'urne  dç 
Providence,  toujours  enfoncée  dans  un  nuage  ^  «es  éri 

nemcns  couleront  comme  des   torrens-  ou   comme.dij 

>  ij 
ruisseaux  ?  ! 

Hélas  î  au  lieu  de  prédire  le  cours  réglé  des  effet'! 

que   ces  hommes  précipités  n'en  prévoient  -  ils  plut? 

l'incertitude  et  le»  écarts  !   et  comptant  peu, sur  la  so] 

dite  de  tout  cet  engrenage  politique  ,  que  ne  disposer 

"ils  autour  de  ces  rouages,  des  ouvriers  qui  sachent  1 

réparer^  quand  les  événemçns  les  auront  endommag; 

piir  un  mouvement  trop  violent  ;  ou  qui  puissent  fac 

liter  leur  j€u  ,   si  ce  mouvement^  au    contraire,  e 

trop  fotbie  !  ' 

Ces  ouvriers  ,  plus  nécessaires  que  la  machine  mêwi 

politiques  modernes,  apprenez  des  politiques  ancieni 

c§  qu'ils  sont  j  ou  ce  qu'ils  doivent  être  î  ce  sont  1 


r  i3  3  ^ 

instituteurs  des  enfans  5  ce  sont  les  censeurs  dc^s  nom- 
mes y  ce  sont  en  un  mot  ,  tous  ceux  qui  formeront 
nos  moeurs  :  voilà ,  voilà  le  seul  régulateur  de  la  pro- 
litique  humaine  et  des  événemens  du  hasard  5  et  voilà 
la  seule  chose  dont  vous  ne  daignez  point  nous  parler  î 

Bons  Citoyens  î  redites-le  sans  cesse  ,  parce  que  sans 
cesse  on  l'oubliera  :  ce  sont  nos  mœurs  qui  décideront 
du  sort  de  notre  constitution  ,^  et  notre  constitution  ne 
sauroit  décider  seule  du  sort  de  nos  moeurs. 

Si  nos  lois  civiles  égalisent  davantage  les  fortunes  5 
si  elles  resserrent  le  ressort  de  la  puissance  paternelle  ; 
si  par  leurs  institutions  sur  les  dots ,  elles  rendent  les; 
mariages  plus  faciles  j  si  par  la  liberté  du  divorce  elles 
affermissent  ce  lien  en  l'allégant  ; 

Si  nos  lois  de  Police  favorisent  le  travail ,  et  rendent 
Foisiveté  plus  pénible  que  le  travail  même  5  si  elles 
ont  Part  d'établir  des  fêtes^  vraiment  publiques  et  pa- 
triotiques 5 

Si  nos  Lois  criminelles  sont  douces  et  impartiaîeà  5 
si  nous  joignons  à  des  lois  qui  punissent  les  fautes  avec 
modération^  d'autres  lois  qui  récompensent  les  vertus - 
avec  générosité  ^ 

Si  par  l'influence  secrète  ,  mais  bien  étendue  ,  de  nos 
lois  fiscales  ,  on  ramène  les  Villes  dans  les  Cam- 
pagnes j 

Si  nos  Lois  relic^ieuses  cessant  de  dénaturer  l'homme  , 

ne  s'occupent  plus   de  le  façonner  à  l'esclavage  civil 

par  l'esclavage    religieux  5    si   ces  lois    bannissent   la 

superstition  qui  avilit  le  cœur ,  pour  établir  à  sa  place 

I  la  morale  qui  Pdlève  et  Paffennit  j 

B4 


[24] 

Si  Pori  établit  enfin  une  éducation  où  Tamour'  cîe 
la  Patrie  et  de  la  liberté  soit  nourri  par  les  plus 
profondes  racines  de  Phabitude  :  alors  ,  bons  Citoyens, 
nous  pourrons  dormir  en  paix  sur  les  défauts  même 
de  notre  Constitution  ,  et  ceux  qui  nous  prédisent  la 
servitude  et  le  mallieur  ,  aulont  menti. 

Mais  ,    si    toujours    dupes    de    notre  caractère  in- 
quiet,  impétueux  et  vain  ,  nous  voulons  briller  dans^ 
l'Europe  par  nos  forces  et  nos  ricbesses  5   si  nous  re- 
gardons  au-deliors  les  victoires  comme  un  lionneur  ,  i 
et  le  luxe  au-dedans  comme  un  bonbeur  5  si  nous  con- 
tinuons   à   chercber   d'autres  délices  que  celles  delà 
liberté  dans  le  sein  de  nos  familles  :  alors  ^   bons  Ci- ! 
toyens  ,  quelle  que  soit  notre  Constitution ,  ceux  qui  \ 
îious  auront  promis  en  son  nom  le  bonbeur ,  nous  auront 

bien  trompés. 

X. 

Hommes  sages  ^  malgré   ces  réflexions  ^  n'attendez 
pas  que   nos  politiques   discoureurs    consentent  tonsi 
à  se  taire  devant  l'avenir  :  vous  trouverez  toujours  des  i 
îiommes  précipités ,  qui  ^   sans  attendre  l'expérience 
s'efforceront  d'entraîner  les  esprits  dans  leurs  conjec- 
tures sur  les  effets  de  nos  lois  nouvelles. 

JDe  r avilissement  de  V autorité  royale» 

Vous  les  entendrez  sur- tout  murmurer  souvent  de 
l'avilissement  de  l'autorité  royale  :  vous  êtes  François  ^ 
et  ce  reproche  vous  touchera  î  nous  I  avilir  l'autoriti 
royale  !  nous  qui  chérissons  la  Monarchie  par  principes 
et  nôtre  Monarcjue  par  sentiment  ! 


f25] 

Mais,,  pour  savoir  ce  qui  peut  avilir  un  Roi ,  ne 
faut-il  pas  coniioitre  ce  qui  doit  l'honorer?  Si  la  gloire 

,   d'un  Roi  est  de  commander  à  des  hommes ,  n'est-ce  pas 

"  l'avilir  que  de  dégrader  ses  Sujets? 

Prenez-y  garde  ,  direz-vous  à  ces  François  qui  s'a- 
larment, votre  cœur  vous  trompe  :  accoutumés  à  comp- 
ter les  Rois  pour  tout ,  vous  avez  insensiblement  oublié 

'  '  de  compter  les  hommes  pour  quelque  chose  5  toute 
restitution  faite  à  la  nature  humaine  vous  paroît  un 
irol  à  la  royauté  5  et  vos  yeux  sont  si  fascinés  ^  que  la 
Loi  même  jvous  semble  effacée  ,  quand  ^  au-lieu  de  la 

,  volonté  éclatante  d'un  Roi  ,  vous  n'y  découvrez  que 
ia  vôtre  et  celle  de  vos  semblables. 

Hélas  !  faut-il  blâmer  les  Rois  de  se  croire  presque 
des  Dieux ,  quand  nous-mêmes  avons  la  foiblesse  de 
crier  au  sacrilège  contre  des  Lois  qui  leur  prescrivent 
de  n'être  que  les  premiers  des  hommes? 

Cependant,  quelle  idée  avons-nous  de  Dieu  même? 
€elle  d'un  Etre  à  qui  l'accomplissement  de  tout  mal  est 
impossible  ,  et  la  perfection  de  tout  bieii  est  nécessaire  ? 
seroit-ce  donc  avilir  les  Rois^  de  leur  ôter  la  puissance 
de  nuire ,  pour  les  combler  du  pouvoir  d'être  bienfai- 
*ans  ? 

Et.  quel  indigne  avilissement ,  au  contraire  ,  quand 
les  institutions  humaines  ,  abaissant  un  Monarque  au- 
dessous  du  plus  vil  de  ses  Sujets  ^  eu  font  l'homme  de 
son  Empire  le  plus  craint  à  la  fois  ,  et  le  moins  estimé  5 
'quand,  lui  préparant  une  route  facile  aux  plus  grands 
vices ,  elles  ne  cessent  de  lui  embarrasser  celle  des 
moindres  vertus  ! 


[  26  3 

Bons  Citoyens ,  dites  encore  qiî'un  Trône  doit  étr»^ 
un  Autel  où  les  Sujets  portent  tour  à  tour  les  \œnx 
conflans  de  leurs  besoins,  et  les  doux  sentimens  d© 
leur  gratitude.  Quelle  profanation  ,  d'en  faire  un  asyle 
où  des  Rois  ,  des"  Ministres  ,  des  scélérats  affreux  , 
soient  toujours  assurés  de  Pimpunité  des  Lois  ,  sans  ja- 
maispouvoir  s'y  soustraire  à  la  haine  des  hommes ,  et 
aux  vengeances  de  l'opinion  ! 

Garantir  les  Rois  de  la  foiblesse  qui  les  conduit  au;» 
abus,, de  la  puissance  5  leur  conserver  toute  la  force  qui: 
peut  en  faire  un  légitime  usage  5  tel  est  l'unique  moyen 
de  maintenir  la  majesté  des  Rois  et  la  liberté  des  Su- 
jets j  et  d'îionorer  à  la  fois  les  Rois  par  leurs  bienfaits  ^ 
et  les  Sujets  par  leur  amour. 

ï^ous  n'assurons  point  que  nos  institutions  nouvelles 
ayent  entièrement  atteint  ce  but  5  mais,  nous  pouvons, 
assurer  qu'elles  y  tendent,  et  c'est  bien  assez  pour  les. 
justifier  d'avoir  avili  la  majesté  royale.  Eli!  comment 
auroient -elles  pu  l'avilir?  Elle  étoit  dégradée  jusqu'au' 
despotisme. 

XL 

Hommes  sages ^  vous  savez  que  les  Iiommes  convien- 
nent assez  facilement  des  bons  principes  ,  mais  qu'ils 
en  nient  souvent  les  conséquences  :  c'est  que  les  boas 
principes  en  morale  et  en  politique  ^  ne  s'adressent 
qu'à  la  raison  ,  et  leurs  conséquences  attaquent  les  in-. 
térê^ts  et  les  passions. 

C'e«t,  par  exemple,  un  principe  aujourd'hui  géné- 
ralement reconnu  ,  que  l'union  du  pouvoir  législatif  an 


(   27  ) 

pouvoir  exécutif  >  produit  le  pouvoir  arbitraire  j  làf 
première  conséquence  de  ce  principe  etoit  de  rameiïei? 
le  pouvoir  législatif  à  la  Nation  ,  en  laissant  le  pouvoir 
exécutif  au  Prince  ;  cependant  ce  partage  si  simple  a 
excité  de  grandes  rumeurs  :  on  n'ose  plus  dire  que 
le  Prince  seul  doit  faire  les  Lois,  mais  on  assure  qu'il 
peut  seul  les  empêcKeT.  * 

Du  N ^to  absolu  et  suspensif . 

En  vérité ,  liorames  sages  ,  la  vie  des  individus  et 
celle  des  Etats  n'étant  qu'une  suite  de  volontés  et 
d'actions  ,  quiconque  a  le  droit  de  les  empêcher  de 
tout  faire  ,  a  celui  de  les  détruire. 

Mais  il  faut  écouter  les  raisons  d'une  telle  opinion  r 
ce  que  prétendez-vous  donc  faire  de  vos  Rois  ,  disent 
r>  ses  partisans  ?  vouLbz-vous  qu'ils  soient  les  premiers 
«  Huissiers  delà  Nation?  Tous  les  Sujets  auront- le 
w  droit  de  coiitmander  ,  et  le  Roi  seul  n'aura  que  la 
>5  prérogative  d'obéir  !  Simple  spectateur  de  l'œuvre  de 
M  la  Loi  ,  il  n'y  con-courra  jamais'  d'une  manière  efii- 
r>  cace  !  et  si  vous  lui  pei'juettez  de  l'arrêter  un  mo- 
»  ment^  c'est  pour  lui  faire  subir  l'affront  de  l'admet- 
»  tre  malgré  lui,  et  d'en  être  le  héraut  lui-m^ême  î 
33  Quel  intérêt;  voulez- vous  que  les  Rois  prennent  à,- 
33  l'exécution  de  ces  Lois  qui  leur  seront  toujours 
•>■  étrangères  ,  et  leur  paroîti'ont  souvent  ennemies  ? 
30  N'est-ce  pas  aussi  une  injustice  trop  criante  dans 
%  votre  Constitution  ,  de  supposer  toujours  le  Prince 
«  sans  vertus,  et  vos  Représentans -sans  vices?  Rois 
»  et  Représentons,  n'auront-ils  pas  tous  uiie  passion: 


(aS) 

Si  commune  ?  ne  seront-ils  pas  tous  également  âmbir 
»  tieux  ?  Si  l'ambition  des  Rois  est  plus  soutenue  ,, 
»  celle  des  Représentans  sera  plus  \ive  :  la  sagesse 
»  exigeoit  sans  doute  que  ces  poids  à-peu-près  égaux 
w  fussent  balancés  Pun  par  l'autre , ,  et  qu'en  acçor-? 
ce  dant  aux  Représentans  de  la  J^Tation  le  droit  de  pro^ 
3>  poser  des  Loix  ,  on  assurât  au  Monarque  le  privir 
S3  lége  de  les  refuser. 

33  Quand  on  verra  des  Louis  XI  occuper  le  Trône  ^ 
*»  et  leis  de  Thou  ,  les  Harlay ,  les  Mole  ^  les  Beauvil- 
»  liers ,  les  Montausier  ,  les  Fénélon  ,  1er  Montes^ 
»  quieu  ^  etc.  ,  remplir  vos  Assemblées  Nationales  ^ 
»  votre  Constitution  paroîtra  fort  sage  :  mais  quand  un 
»  Roi  aura  l'ame  d'Henri  IV  ^  et  que  vos  Représen- 
»»  tans  auront  le  génie  des  Ligueurs  ,  quels  seront  le« 
»  effets  de  cette  Constitution  ? 

do  Pourquoi ,  d'ailleurs  ,  voulez-vous  être  plus  savant 
35  et  plus  jaloux  en  fait  de  liberté ,  que  le  Peuple  An« 
^  glois  ?  Ce  Peuple  réfléchit-il  moins  que  vous  ?  N'a- 
»  t-il  pas  l'espérience  qui  vous  manque?  Airaez-vous 
»  mieux  consulter  une  vaine  théorie  ,  qui  peut  vous 
33  tromper,  que  des  faits  dont  le  succès  est  prouvé  ? 
y>  et  faut-il  que  la  vanité  de  mieux  faire  vous  aveugle 
»  sur  les  moyens  avérés  de  faire  le  bien  ?» 

Toutes  ces  raisons^  Amis  de  la  paix  ,  ne  sont  poinfe 
sans  force  5  mais  pour  rassurer  les  esprits  ,  je  vous  pro- 
jposerai  d'abord  une  réflexion  bien  simple» 
-  Quand  il  s'est  agi  de  ce  fameux  veto  royal ,  rappelez- 
vous  qu'il  s'éleva  deux  partis  qui  faillirent  a  dégénérer 
en  affreuse  discorde  ;  les  uns  vouloient  que  ce  droit  fûfe 


t  39  ] 
Absolu  et  sans  limites ,  et  les  autres  vouïoient  l'anéantir 
tout-à-fait  :  mais  anéantir  un  tel  droit  étoit  vraiment 
dangereux  ,  et  l'abandonner  sans  limite  ,  l'étoit  peut-' 
être  encore  davantage  :  le  limiter  dans  un  juste  espace  y 
paroissoit  le  vœu  de  la  sagesse  5  et  quand  on  jDarvient  à 
mécontenter  à  la  fois  deux  partis  opposés  ,  on  peut  se, 
croire  assez  voisin,  de  la  vérité. 

Après  cette  réflexion  ,  liommes  sages  ,  vous  vou» 
garderez  bien  de  Pimprudence  de  jugement ,  tant  repro- 
cliée  à  notre  Nation  ;  vous  ne  préférerez  point  liante-, 
ment  notre  Constitution  nouvelle  à  toutes  les  autre* 
Constitutions  ;,  à  peu  près  comme  nous  mettions  notre 
cuisine  et  nos  modes  au-dessus  de  celles  du  reste  de. 
l'univers  :  vojis  vous  contenterez  de  faire  observer 
qu'en  fait  de  gouvernement  comme  de  régime  y  les 
exemples  sont  trompeurs  ^  et  que  ce  qui  fait  le  salut 
de  l'un  y  peut  entraîner  la  ruine  de  l'autre.  Vous  ferez 
remarquer  aux  détracteurs  y  que  dans  le  Gouverne* 
ment  d'Angleterre  ^  par  exemple  ,  les  GiUnds  ont  un 
puissant  intérêt  de  s'unir  au  Peuple  contre  le  Roi  qui 
Voudroit  empêcîier  des  Loix  nécessaires  au  maintien^ 
,de  la  Constitution  ,  parce  que  cette  Constitution  leur 
assure  de  très -grandes  prérogatives.  Mais  dans  la  nôtre  j> 
sca  contraire  ^  les  Grands  sont  tous  intéressés  à  s'unir 
ail  Monarque  pour  ruiner  la  liberté  et  la  Constitution 
qui  les  abaisse.  Il  est  donc  clair,  direz-vous  ^  c|ue  la 
Constitution  Angloise  pouvoit  ,  sans  péril  ,  accorder  à 
son  Roi  plus  de  force  que  la  nôtre  ne  devoit  lui  en 
laisser  avec  prudence. 

Vous  ferez  sentir  encore  que  la  Constitution  propre 


[30] 

à  conserver  la  liberté  dans  une  île  où  tout  est  reiA-' 
part  pour  la  retenir  ,  ne  vaudroit  rien  dans  un  continent 
où  tout  ce  qui  l'environne  offre  des  issues  pour  la 
perdre. 

En  Angleterre  ,  si  la  Nation  vouloit  absolument  for- 
cer son  Roi  dans  le  refus  injuste  d'une  Loi  néces- 
saire 5  elle  pourroit  refuser  à  son  tour  les  subsides  j 
suspendre  l'action  du  Gouvernement,  et  dormir  im- 
punément quelque  temps  ,  comme  l'Alcyon  j  au  milieu 
des  flots  de  la  mer. 

Mais  en  France ,  la  moindre  suspension  des  subsides, 
en  allumant  la  fièvre  de  la  discorde  au-dedans  ,  frappe- 
roit  PEtat  de  paralysie  au-deliors  ,  et  le  livreroit  sans 
défense  aux  entreprises  de  tous  ceux  qui  l'environnent,     i 

Enfin  ,  vous  montrerez  ,  Amis  de  la  paix  ,  la  diffé- 
rence extrême  entre  une  Constitution  aclievée ,  et  celle  î 
qui  n'est  qu'ébauchée,  et,  pour  ainsi  dire,  qu'essayée» 
Dans  la  violence  des  intérêts  opposés  j  et  l'ancienneté 
de  nos  préjugés  vicieux  ,  peut-être  la  seule  perfection, 
qu'on  pouvoit  donner  à  notre  Constitution  ,  étoit  d'y 
fonder  les  moyens  de  corriger  insensiblement  ses  dé- 
fauts mêmes  :  si  l'on  eut  accordé  ou  refusé  tout-à-fait 
au  Roi  le  droit  d'empêcLer  les  Lois  ,  c'en  étoit  fait  , 
la  Constitution  étoit  fixée  sans  retour  ,  ou  n'auroit  pu 
cbanger  qu'en  devenant  pire  5  du  moins  ,  tout  cliange- 
ment  utile  auroit  peut-être  exigé  des  efforts  danger  eu  3i|(|i 

Le  Roi  privé  de  tout  veto  ,  ne  pouvoit  empêcber  les 
Lois_^qu'on  auroit  vu  favoriser  toujours  plus  l'anarcliie 
ou  la  démocratie  ;    et  le  Roi  j  armé  d'un  veto  absolu  ^ 


[21] 

aMroit  maintenu  dans  la  Coustitutron  tous  les  défauts 
qui  pouvoient  favoriser  Lr  despotisme. 

Amis  de  la  paix;,  dites  bien  ceci  à  quelques  détrac- 
teurs :  n'est- il  pas  possible  ,  après  tout ,  que  l'expé- 
rience développe  les  effets  de  notre  Constitution  d'une 
toute  autre  manière  que  nous  Pavons  preA^u  ?  Pouvons- 
nous  assurer,  par  exemple^  que  le  Peuple  ne  devien- 
dra pas  très-indifférent  pour  ses  Assemblées  politiques  ^ 
et  très-inattentif  sur  sa  liberté  !  Oserions-nous  garantir 
que  la  corruption  des  liommes  riclies  ne  sera  point  en - 
Tenimée  par  tous  les  caustiques  de  l'ambition  ^  et 
qu'enfin  un  Monarque  adroit  et  ferme  ,  profitant  de 
tous  ces  vices ^  ne  puisse  un  jour  menacer  notr«  liberté, 
par  les  Lois  de  notre  Constitution  même  ?  Dans  ces 
conjonctures  ,  que  deviendrions-nous ,  si  ce  Roi  étoit 
armé  d'une  faculté  illimitée  d'empêcher  toutes  les  Lojs 
que  les  bons  Citoyens  proposeroient  pour  arrêter  lei.r 
ruine  par  des  Lois  meilleures  ?  Il  me  semble  alors  e;i- 
tendre  ce  Prince  disant  au  fond  de  son  cœur  avec  une 
joie  cruelle  : 

ce  Nation  imprudente,  tu  as  fait  ^  dans  l'eutbausiasmc 
y*  de  la  liberté  .,  des  Lois  qui  te  conduisent  a  ta  ruine  : 
»  tu  le  vois  â  présent,  et  tu  trembles  5  je  le  vois 
30  aussi  f  et  je  triomplie.  Tu  cL.erclies  ton  salut  dans 
3î  des  Lois  nouvelles  ^  et  tu  me  demandes  d'assurer  cet 
'r>  appui  j  sur  le  bord  du  précipice  où  tu  vas  tomber. 
M  Non  5  je  le  refuge  :  j'en  ai  le  droit  j  tu  l'as  consacré 
»  toi-même  5  tombe ^  et  précipite-toi  vers  l'esclavage: 
»  ma  prérogative  est  de  t'y  pousser^  en  conservant 
•^v  toutes   les   Lois  qui  cônvieiiaezit  à  l'accroissement 


t30 

5?  de  ma  ptiissance  ,    et  ne   pennettant  jamais    celle» 
3?  qui  ne  conviennent  qu'à  ta  liberté. 

X  I  I. 

objections  sur  la  conduite  de  V Assemblée  Nationale.  \ 

Amis  sincères  de  la  paix  ^  soyons  de  bonne-foi ,  et 
n'imitons  point  ceux  qui  se  trompent  eux-mêmes  ,  afin  J 
de  mieux  tromper  les  autres  :  dans  la  foule  d'obje,c->] 
tions   vagues  ,   puériles  ,    fausses  ,  et  même  odieuses  y. 
on  vous  en  opposera  de   spécieuses  et  de  sages  :  des 
hommes  sensés  vous  diront  ;  «  falloit-il  donc  se  liâter  - 
3»  d^  détruire  l'ancien  édifice  jusques  dans  ses  fonde-- 
»  mens  ,  lorsqu'on  étoit  encore  incertain  d'en  pouvoir, 
3?  élever  un  tout  nouveau  ?  Dans  une  entreprise  si  dif--- 
33  fîcile  par  elle-même^  étoit^il  prudent  d'appeleri  en-. 
33  core   tant  de   difficultés  étrangères  ?    ne  devoit  -  on , 
»  pas  prévoir  que  l'Etat  sans  Loix  ^  sans  soutien  ,  pou- 
5)  voit  périr  et  se  dissoudre  dans  l'intervalle  ,  entre  le» 
33  Lois  anciennes    qui   n'existoient  plus  ^  et  les   Lois 
33  nouvelles  qui  n'existoient  pas  encore  ?  Quels  poli- 
aï  tiques    ont  jamais  imaginé   de  plonger   d'abord  une 
33  Nation  dans  l'état  d'anarcliie  et  de  guerre  ,  pour  la 
33  ramener  ensuite  à  un  ordre  civil  plus  parfait  ?   Dans. 
,»  tout  ce  qui   s'est  fait  ^   enfin,  ne  voit-on  pas  tou-: 
33  jours  la  passion  ,    là  où  l'on  ne  devroit  rencontrer: 
33  que  la  sagesse  ?  33 

Ces  détracteurs  vous  citeront  Montesquieu  ,  qui  ^ 
dans  les  cliangemens  politiques  ,  défend  toutes  les  ac- 
tions subites. 

lis  vous  citeront  Rousseau.^,  qui ,  dans  son  Ouvrage 

sur 


[33] 

sut  îe  Gonvernement  de  Pologne  ,  dit  :  js  sens  la  dif- 
ficulté du  projet  a' affranciiir  vos  Peuples  ;    ce  qu<s 
je  crains  n'est  pas  seulement  l'intérêt  mal  entendu 
de  l' amour-propre  ,  et  les  préjugés  des  Maîtres  ;  cet 
obstacle  vaincu  ,  je  craindrois  les  vices  et  la  lâcheté 
des  serfs  :  la  liberté  est  un  aliment  de  Ion  suc  y  mais 
de  forte   digestion^  il  faut  des  estomacs  bien  sains 
pour  Is  supporter.   Je  ris  de  ces  Peuples  avilis  qui  se 
laissant  mener  par  des  ligueurs  ^  osent  parler  de  li^ 
berté  sans  même  en  avoir  l'idée  ,    et  ^  le  cœur  plein 
de  tous  les  vices  des  esclaves  ^  s'imaginent  que  pour 
être  libres f  il  suffit  d^être  des  mutins.,,.  Affranciiir 
les  Peuples  ds  Pologne^  est  mie  grands  et  belle  opé- 
ration ,    mais   hardie^  périlleuse ,    et   qu'il  ne  faut 
■pas  tenter  inconsidérément  :  parmi  les  précautions  à 
prendre  ,  il  en'  est  une  indispensable  ^  et  qui  demande, 
du  temps  ^  c'est ^  avant  toute  choses  de  rendre  dignes 
de  la  liberté ^  et  capables  de  la  supporter  <^  les  hommes 
qu'on  veut  affranchir  (i). 

mm    «  '  ■    '       '  ■  .     .  -        I      I  I  I  •« , 

(i)  A  la  leâiure  de  ce  pafTage  ,  j'ai  fouvent  eatsudu  des  hommes 
fenfés  s'écrier  :  quelles  fagss  levons!  quel  homme  que  ce  Jean -Jacques  l 
Ces  mêmes  hommes  fourenoienc  que  le  génie  de  la  légiflation  , 
noie  encore  plus  dans  le  cœur  que  dans  la  tête  j  que  pour  crou- 
ler de  bQrnies'lois  ,  il  falloic  être  capable  dt  les  obferver  ;  5c  que 
pour  fe  rendre  utile  aux  hommes ,  il  falloir  d'abord  les  aimer, 
i^oyaz  ,  difoient-ils  ,  parmiles  Anciens,  Nufaa,  Lycurgue  ,  Solonj  ÔC 
)arrai  les  Iviodernes ,  l'HoJpîtal ,  d'AgueJfeàu  ,  Montefquieu  ,  Jean-- 
Jacques.  O  vertu  !  s'écrioient-ils  cncorcj  tu  es  bonne  à  tout  I  on  t'a  vu" 
ijuelqùefois  fuppléer  le  génie  j  mais  dans  les  çhofes  utiles  aux 
liommes ,  dans  l'art  fubiime  de  leur  donner  des  lois  ,  jamais  ^ 
pa^  j«mftis  Le  talcut,  la  génie  ne  fupplésront  la  vertu.  / 


C  34  ] 

Voyez  5  TOUS  Jirout-ils  ,  comment  l'Abbé  de  Mablj 
s\  xplique   dans    son   Ouvrage    postKiime  ,   des    droits 

■  et-  des  devoirs   du   Citoyen  :  en   parlant   des   Etats- 

■  Généraux  que  nous  pouvions  rassembler  pour  noua 
rendre    à  la   liberté  ,   et   qu'il  se   figuroit    comme   par 

•un   esprit  propliétî  que  :    vous   craignez  ^   dit -il   dans 

ce  singulier  ouvrage  ,    que   vos    Etats-  Généraux  ne 

fussent    trop    mous  ,   et  moi  je  cjYiindrois    qu'ils  tî^ 

fussent  trop   vifs  ^  j'ai  peur  que   vous    mettant   une 

fois    en   train  de   réformer  les  abus  ^     Vous  nevott'.mSk 

■  lussiez    tout' d'un- coup  devenir  des  gens  parfaits.  Il 
•y  a  cependant  une  route    dont  vos  Etats   Jiaissans 

ne  pourroient  s'écarter  sans  un  e octré me  péril  :  ils 
doivent  se  comporter  avec  une  ecctréme  cireonspeC' 
fion  ;  ils  devr oient  faire  semblant  de  ne  pas  voir  toù^ 

■  les  abus  ;  ils  devrozent  les  traiter  avec  la  plus  gra^^wi 
indulgence  ,  .  ,  .  .  Plus   les   vices  sont  £^rands  et  7k/*| 
pandus  f  moins  il  faudroit  les    attaquer  de  front., ^iJm 
point  de  zèle   indiscret  :    la    vanité  et  l'avarice  sont 
(lujourd'hui  les  deux  mobiles  de  toutes  nos  actions  ; 
il  faut  donc  prendre   garde  d' effaroucher  ces  deusp 
passions  :    loin  d'exiger  que  les  grands   renoncent  4 
des    prérogatives  qui  peuvejit   être    à    charge  à  la, 
Nation  5   il  faut  ,     au   contraire  ,   faire  espérer  4^ 
distinctions  plus  flatteuses  ^    et    une  grandeur  pli^ 
réelle  :  que  chaque    Citoyen  sur-tout  soit  sûr  d^  sa  | 

■fortune  y  et  qu'on  n'alarme  point ,  par  une  éçonor  I 
jiîîe  nial-enteridue  ^  les  Créanciers  de  l'^Etat..  Dans  j 
le  temps  qu'on  n'a  encore  que  des  hommes  eommuns-j,  \ 
il  ne  faut  pçis  être  assez  fou  pour  exiger  de  l\ 


C35J 

roisme  ;  nous  avons  eu  des  Kois  despotiques  :  il  esf 
juste  de  faire  eitcore  pénitence  y  pendant  quelque 
temps  ^  de  cette  folie.  Les  Etats  pleins  d^ égards  pour 
les  Seigneurs  et  la  Noblesse  y  doivent  donc  se  charger 
de  toutes  les'  dettes  de  la  Couronne,  ce  II  faut 
33  GUÉRIR  l'Etat  ^  mais  par  un  régime  doux ,  et 
»  ne  pas  oublier  que  c'est  un  malade  affaibli  par 
»  de  longues  maladies ^  que  la  convalescence  doit 
y^  être  lente  ^  et  qu'en  la  hâtant  par  des  remèdes 
»   violens  ^  on  risquerait  de  la  retarder*  » 

Appliquez,  ajouteront  les  censeurs^  ces  opinions  ae 
nos  plus  sages  politiques  ,  à  tout  ce  que  PAssemWée 
Nationale  a  fait  ,  et  jugez   de   sagesse. 

ce  C'ëtoit  une  maxime  célèbre ,  et  reconnue  Je 
»  l'Europe  entière  ,  que  le  maintien  de  la  Monarcliie 
T>  étoit  inséparable  de  celui  de  la  Noblesse  5  et  notre 
»  Assemblée  veut  consen  er  la  MoD?a'cliie ,  en  détrui- 
îj  sant  tout-d'un-coup  la  Noblesse  5  car  enfin  ^  l'cs- 
55  sence  de  cet  Ordre  ne  consistant  que  dans  la  dis- 
33.  tinction_,  confondre  la  Noblesse  avec  le  Peuple^  c'est 
»  la  détruire. 

3?  Notre  Peuple  étoit  abaissé  presque  au  -dernier 
»  degré  de  s  rvitude  5  et  sans  aucun  intervalle  y  PAs- 
»  semblée  Nationale  le  porte  au  premier  degré  de 
T>  puissance. 

33  La  PLcligion  ou  le  Sacerdoce  s'étoient  însensi- 
33  blement  liés  à  toutes  les  parties  du  Gouvernement  r 
Tf  le  Ci'ergé  enlaçoit  l'Etat,  comme  le  lierre  enlace 
»  un  ormeau  :  il  lui  nuisoit  sans  doute  ^  mais  enfin  , 
3>   falloit-il  Parraclier  avec  violence  y  au  lieu  de  le  dé- 

C  a 


C  34  ] 

»  taclier  avec  tine  sage  lenteur  ?  et  ne  sufiisoit-il  pa& 
7i  d'abord  d'anéantir  l'Ordre  du  Clergé,  en  le'coti- 
x>  fondant  dans  l'Ordre  de   la  Noblesse  ? 

33  Qui  peut,  en  observant  tout  cela,  se  refuser  à 
3>  cette  idée_,  que  l'Assemblée  Nationale  n'a  été  que 
33  Passemblage  de  deux  factions ,  qui  so  détestaient  et 
33  s'insultoient  ^  l'une  sous  le  nom  d^^rjstoc^^tjj^  ^ 
35  et  l'autre  sous  celui  de  démocratie  ?  Et  quand 
»  de  deux  factions  ,  l'une  enfin  écrase  l'autre ,  peut- 
»  on  dire  que  c''est  la  sagesse  ou  bien  la  force  qui 
»  l'emporte  ? 

3>  Aussi ,  voyez  l'ouvrage  qu'ils  ont  fait ,  et  dites- 
39  nous  comment  il  est  possible  d'excuser  l'institution 
»  d'une  Chambre  unique  de  Représentans^  institution 
»  inôuie ,  sans  exemples  comme  sans,  motifs ,  et  qu^on 
»  ne  peut  pas  plus  justifier  dans  une  grande  Monarclii© 
y>  par  l'autorité  de  l'expérience,  que  par  les  spécu- 
33  lations  de  la  tbéorie.  Quoi  \  dans  la  Monarcliie 
93  Françoise  ,  coniier  la  puissance  législative  à  un 
33  corps  très-nombreux  ,  formant  une  assemblée  uni- 
53  cj[ue,  sans  contrepoids  qui  Farrête  ,  et  tendant  tou- 
»  jours  à  la  démocratie  ou  à  Fanareliie ,  par  la  force 
»  accélérée  de  sa  passion  dominante  !  en  vérité  ,  cette 
33  institution  téméraire  ^  qui  a  tant  étonné  nos  con- 
»  temporains  ,  pourra  bien  faire  gémir  notre  pos* 
33  térité  33, 

M:Qtifê    de  l' anéantissement    de   l'Ordre  de   la 

Noblesse. 
Amis  de  la   paix  ,  hommes   équitables ,  ces  objec- 
■^imy^  sont  fortes  ,  f  t  vpus  g n  conviendriez  î  mai$  v€^ici 


[3/3 

ce  que  vous  prierez  ces  lioinmes  sensés ,  de  considé- 
rer avec  quelque   attention. 

Le  mouvement  de  cette  révolution  a  été  extraor- 
naire  ,  et  trop  rapide  sans  doute  \  mais  il  faut  con- 
venir que  cet  expès  ,  dans  la  force  qui  attaquoit,  n'a 
4té  produit  que  par  l'excès  de  la  part  de  la  force 
qui  résistoit. 

Le  plus  paisible  ruisseau  devient  torrent  ,  quand 
une  digue  l'arrête  j  il  s'ei^fle  ,  il  s'élève  ,  accumule  son 
poids  ,  et  rompant  la  digue  ,  il  entraîne  tout  devant 
lui. 

Suivez  bien  l'iiifloire  de  cette  révolution  j  et  vous 
verrez  que  le  peuple  ne  s'est  trop  élevé  peut-être  , 
que  par  l'acharnement  de  la  noblesse  et  du  clergé  à 
le  retenir  dans  son  abaissement;  qu'il  n'a  tout  exigé, 
comme  un  droit  ,  que  parce  qu'on  ne  vouloit  rien 
accorder  qu'à  titre  de  grâce  ;  qu'on  n'a  détruit  le  gou- 
vernement jusque  dans  ses  fondemens ,  qu'en  voyant 
la  noblesse  tt  le  clergé  cliercher  dans  les  moindres 
ruines  des  matériaux  pour  refaire  un  édifice  tout  pa- 
reil ;  qu'enfin  cqs  deux  ordres  s'obstinant  à  peser  sur 
la  nation. ,  ils  l'ont  eux  -  mêmes  réduite  à  les  jeter 
par  terre ,  comme  un  insupportable   fardeau. 

Soyous  de  bonne  foi  ,  les  événemens  qui  ont  pré- 
cédé l'Assemblée  Nationale  ,  et  ceux  qui  l'ont  ou- 
verte,  ne  montrent  dans  la  noblesse  et  le  clergé  qu'une 
suite  d'imprudences  -inexcusables  ;  et  de  la  part  des 
communes  ,  les  événemens  oui  ont  suivi ,  laissent  voir 
des  actes  de  colère  j  eiteis  inévitables  des  outrages 
«t  de  l'injustice. 

C  3 


£3S3 

-Conçoit-On  la  f.mte  de  la  J>Tobless«  qui  va  .s'unir 
intimement  à  Tordre  du  Clergé^  dont  le  sacrifice  dans 
les  ..circonstances  présentes  étoit  indispensable  ?  Ne 
devoit-elle  pas  mettte  sa  politique  à  capituler  plus 
avantageusement  au  milieu  des  ruines  de  cet  Ordre, 
d.cîit    elle  se   seroit  fait  un  utile  rempart? 

Quelle  démence  de  la  part  de  ces  deux  Ordres,  et 
cjueile  ignorance  des  temps  et  des  lumières  y  de  you- 
îçir  se  défendre  dans  ce  siècle  y  et  s'enveloppant  de 
toutes  les  institutions  des  siècles  que  nous  méprisons 
profondément  î 

Comment  justifier  leur  opiniâtre  résistance  à  se 
réunir  aux  Comnumes  ?  Les  yiolences  ^  les  outrages, 
les  haines  terribles  qui  en  ont  été  la  suite  ^  ne  sont- 
elles  pas  leur  ouvrage  ?  Peut-on  s'étowner  ,  après  ces 
événemens ,  que  les  Communes  n'ayent  vu  dans  la 
Noblesse  et  le  Clergé  ,  que  des  ,iiommes  dont  la 
]^s.uie  étoit  d'autant  plus  dangereuse  pour  l'avenir  ^ 
qu'elle  avoit  été  plus  impuissante  à  présent  ?  Dans 
ces  circonstances  ^  former  de  ces  hommes  deux  Or- 
dres ,  ou  un  seul  Ordre  séparé  ,  les  déclarer  partie  in- 
tégrante de  la  Législation  ,  laisser  dans  leurs  mains  un 
très-grand  pouToir  ^  ce  n'étoit  pas  se  reconcilier  avee 
des  ennemis  calmées,  c'étoit  les  déchaîner  après  les  avoir 
outragés^  c'étoit  leur  aiguisex  des  armes  pour  la  ven- 
geance. 

Enfin  ,  plus  on  réfléchit  sur  ce  qui  s'est  passée  plu« 
on  incline  à  croire  que  les  Communes  ,  emportées  par 
les  événemens  et  les  passions^  se  sont  trouvées  dans 
€G8     eonjoBctiires    terribles    où  il    «st   trop   difficile  ^ 


(  59  5 
et  Inénie    daiigersux ,    de   faire     tout     ce  qui     serait 
înielix. 

Môme  en  conveilaîit  qtle  ïa  séparation  des  Ordres 
est  en  général  une  bonne  loi  dans  une  Monar.cliie  ,  on 
doutera  beaucoup  si  cette  Loi  étoit  convenable  darvs 
ce  moniefit  a  la  nôtre  y  et  si  nous  ne  devions  pas  re- 
venir lentement  à  cette  institution  ;,  au  travers  da 
temps,  et  guidés  par  l'expérience ,  comme  on  revient 
des  passions  à  la  raison  ^  par  une  longue  succession  do 
senti  mens  plus  modérés* 

Mais  ce  que  l'on  conclura  nettement  ,  c'est  qu'il 
n'appartient  point  à  la  Noblesse  et  au  Clergé  de  se  ' 
plaindre  d'an  anéantissement  qu'ils  ont  eux- même  "s 
provocpié  avec  une'  imprudence  incroyable  ;  que  di^ 
roit-on  d'un  Laboureur^  qui  oser^DÏt  murmurer  de  ,né 
point  recueillir  de  bon  grain  j  nprès  avoir  semé  de 
l'ivraie  ?  Il  est  permis  à  quelques  Politiques  de  blâmer 
j  l'anéantissement  de  totite  distinction  dans  une  Monar^ 
"  cnie  5  mais  telle  à  été  la  conduite  de  la  Noblesse  et 
du  Clergé  ,  qu'ils  sont  comptables  ,  envers  la  Nation  ^ 
des  maux  mêmes  qu'ils  ont  forcé  les  Communes  à 
leur  faire* 

Amis  de  la  Paix,  vous  ramènerez  bien  des  esprits^ 
vous  terminerez  bien  des  disputes  en  faisant  envisager' 
sous  ce  point-de-vue  l'unité  du  Corps  de  nos  Repré^ 
,  sentans  ^  et  sans  décider  de  ce  cpii  est  bon  à  la  Mo- 
narchie en  général  ^  contentez  -  vous  de  montrer  ce 
q^i  convient  peut-être  dans  ces  circons^tances  a  lai 
fldtre* 


C  i 


r4o3 

JBxamen  de  V Institution   d^une    Cliambre  unique  d^ 
Keprésentans» 

Cependant   rae   croyez    pas  qiie    Pinstitution   d'une 

Cliàiîibre  unique   soit  axissi  dangereuse  qu'oij  a   voulu 

îe  dire  5  la  nature]  et  le    caractère  y  si  l'on  peut  s'ex-. 

■'  'Y  II 
primer  ainsi ,  d'une  Assemblée  législative  ^   dépendent 

principalement  de  la  durée  du  pouvoir  de  ses  Meiri* 
bres  5  et  peut-être  qu'en  bornant  la  durée  de  cliaque 
législature  à  deiix  années  ,  on  a  plus  fait  pour  tempê- 
ter l'ambition  si  redoutée  d'un  Corps  législatif  unique  ^ 
que  si  l'on  avoit  institué  une  secon^le  Cbambre  (1)  j 
. . ^ . . —     I 

(i)  Pour  contenir  les  paflions  qui   doivent    naître  &  fermente»  V 
dsils  te  foyer  d'un  grand  Corps  tel  qu'une  Chambre  unique ,  c^tW  <,- 
ques  perfonnes  proporoÎ2nt  rinftirution  d'un  Sénat  donc  les  plaçai 
feroient  à  vie. 

U'.ie  telle  inftiturion  ,  loin  de  remplir  fon  objet,  feroit  évidem-r 
jnent  dangereufs  j  des  Sénateurs  à  vie  ,  n'ayant  plus  rien  à  efpérer  ,;. 
ni  à  craindre  de  la  Nation  ,    fe  jetteroient  infailliblement  du  côtf' 
du  Monarque,   qui  pourroit  fe  les  attacher  par  de  grands  dons  6ç 
par  de  plus  grandes  efpérances. 

Cette  inftîtution  feroit  donc  un»  force  enlevée  à  celle  de  la  Nâ 
tien,  pour  l'ajouter  ^  la /Force  du  Monarque  j    elle  produire  it  l'ait 
«?e  ces  deux  effets  :  ,        . 

Ou  le  sénat  à  vie  attaqiiero.it ,  de  concert  avec  le  Monarque  , 
îa  Chambre  des  Repréfentan-s  par  une  corruption  fourde ,  ou  la 
Chambre  des  Repréfentans  attaquerpit  y  par  là  force  des  lois ,  les 
Sénateurs   corrompus. 

Le  premier    cas  ferait  trèszJvraifemblabîe  &     très-dangereux  i  le  ■ 
fécond    ne   îe  feroit  pas  moins  :  quand  les  différens  pouvoirs   poliïi-. 
«jiîes   ne  peuvent  fe  balancer  par  leurs  paffions  mêmes,    &  qu'ils 
foïït  obligés  de  recoiirir  à  l'^mprité  des  lois  ^  îe  combat  çft  trçs- 


[  4'  ] 

en  prolongeant  le  Pouvoir  des  Représentans  jusqu'à  $îX 
ou  sept  années  5  et  bien  loin  de  craindre  l'ambition  de 
la  Cil  ambre  unique  de  nos  Représentans ,  je  craindrois  , 
bien  davantage   leur  indifférence. 

dangereux,  Se  les  lais  mêmes  ont  déjà  reçu  une  atteinte  pref- 
qu'irréparable  :  quels  moyens  sûrs  ,  prompts  Se  doux  ,  pourroic- 
on  établir  pour  accufer ,  juger  Se  punir  les  prévarications  des 
sénateurs  à  vie  ,  fur-tout  quand  ces  prévarications  fercient  deve- 
nues générales  î 

On  doit  bien  remarquer  à  ce  fujet ,  qu'en  formant  une  conf- 
titution  ,  on  doit  toujours  prévoir  la  corruption  des  hommes  ,  & 
ne  jamais  compter  fur  les  vertus  qui  ne  font  point  un  effet  de 
l'intérêt  nrême    de  leurs  pafÏÏons, 

D'autres  politiques  avoient  placé  le  contre-poids  d'une   cbambce 
unique    dans    ririftitution  d'une  féconde  Chambre ,  fous  îa  forme  . 
îd'un  Sénat,  dont  les  places  feroient  à  temps. 

Un  tel  Corps  ne  formeroit  jamais  un  contre-poids  fuSlfant  dans 
la  conflitntion  monarchique  ;  il  feroit ,  par  fa  nature  même  5 
toujours  confondu  avec  celui  des  Repréfentans  j  ils  ne  formeroienc 
«nfemble  qu'une  Chambré  unique  renforcée. 

Si  chaque  Membre  de  ce  Corps  fe  cônfidère  &  s'eftime  davan- 
tage,  comme  Sénateur ,  il  fera  animé  de  l'intérêt  d'être  nornmc 
une  féconde  fois  ;  &  de-là  fuit  la  néceiSté  de  ménager  les  Re- 
préfentans de  la  Nation,   où  font  fes  Electeurs. 

Si  chaque  Sénateur  fe  confîdère  plutôt  comme  Membre  des  Com- 
munes que  comme  Sénateur  ,  il  fentira  bien  plus  l'intérêt  de  favo- 
rifer  les  entreprifcs  d'un  Corps  dont  lui  Se  fes  enfans  feront 
toujours,  que  de  remplir  les  devoirs  de  Sénateur  qui  ne  durent 
qu'un  moment ,  Se  de  foviteqir  U  prérogative  royale  dont  ua 
autre  jouit. 

Enfin  pour  fe  refumer  :  ri.'iftitution  d'un  Sénat  à  vie  don- 
neroit  crop  de  force  au  pouvoir  executif,  &  celle  d'un  Sénat  à 
temps  ne  tempéreroit  point  aiTez  la  force  du  Corps  légiAati£  La 
première  institution  feroit  danger eufe ,  Se.  lâ  -féconde  pour  le  moins 
Inutile, 


C  42  1 

.Ce, n'est,  point  sijir  PAssemblëe  Natioriaïe  qtie  nous 
Toyoîîs  aiijonrcl'liui  ^  qu'il  faut  se  former  une  idée  ce 
celles  qui  suivront  5  nous  avons  tu  celle  -ci  isp^itée  de 
passions  violentes^  et  de  mouveniens  extraordinaires  ■> 
et  je  ne  redoute  pom'  les  autres,  que  les  petites  pas~ 
siens  et  la  langueur  dans  tous  les  mouvemens  ,  d'où 
peut  résulter  Pindifférence ,  le  pire  dauge  r  pour  la 
liberté  ci. lie. 

Je  vais  tâclier  d'expliquer  mes  idées  sur  ce  sujet. 
.    Tout  Citoyen  ,  Membre  d'un  Corps  particulier  ins- 
titue dans  la  g  ande  société  générale  ,  peut  être  animé 
de  trois  intérêts  fort  distincts 5  l'intérêt  -de   Vhomme'» 
l'intérêt  de   corps  ,    et;  l'intérêt   dé  l'état. 

L'intérêt  àeVhônlriie  ,  qui  dépend  de  sa  constitution 
pliysique  et  de  ses  habitudes  morales  ,  se  réduit ,  dans 
ja  société  civile  ,  à  cLerclier  son  boniieur,  soit  daiis 
les  ricbesses ,  soit  dans  le  pouvoir,  soit  dans  l'esti- 
me publique ,  soit  dans  l'exemption  de  toute  passion  , 
ou   le   repos. 

L'intérêt  de  corps  incite  cliacun  A.&  ceux  qui  en 
font  partie^  à  seconder  les  passions  de  VJioiîWie y  par 
tous  les  moyens— cju'on  peut  tirer  de  son  Corps  5  aussi 
quand  ce  Corps  est  très-puissant  y  et  quand  les  Membres 
y  sont  attacnés  pour  toujours,  ou  pour  long-temps  , 
îe  parti  qu'ils  peuvent  tirer  est  si  grand  ^  que  clia- 
cun confond  alors  l'intérêt  de  Vliomme' qmqc  l'niterélfc-, 
de  Corps. 

Enfin  ,  l'intérêt  de  Vétat  se  mesure  dacs  tous  les 
cœurs  sur  les  moyens  que  la  .ConstitutJon  de  l'Etat 
présente  à  cliacun  pour  s'y  rendre  lieureux  5  quand  les 


r  45  ] 

viès  de  Vetat  coïncident ,  pour  ainsi  dire  ,  arec  les 
;'-rét3  de  V homme  et  les  intérêts  du  corps  ^  et  que 
-s  les  trois   tombent  sur  les  mêmes  points  ,  il  résulte 

cet  accord  la   pîas  grande    force  morale  qu'il   soit 

Tisible  de   donner  à  des  Citoyens. 

Mais  j  ce  clief-d'oeuvre  de  sagesse  est  bien  rare  5  près- 

(6  toujours  j  au  contraire,  5  les  intérêts  de  V homme  et 

1  iiiXévQts  à.Q  corps  contrarient  les   intérêts  de  IV/^fl/; 

<  ce  qui  arrive    de  pins  heureux  dans  nos   Gouverne- 

;ns,    est  d'instituer  les   corps  et    l'état^  de  manière 

e  n'étant  pas   opposés  par  leur    nature   même  ,  il*- 

issènt  du  moins  accorder  souvent  leurs    intérêts  ,  et 

.  se   combattre  jamais  à  outrance  :    c'est  à-peu-près 

t  état  moyen   qu'on  peut   observer   dans  nos    méil- 

jrs  Gouvcrnemeus  connus»  L'iiar^nonie  complète   àe& 

jrêts  de   V homme  ,  du   corps  dont   il    est  membre  , 

de    Vétat  dont  il    est  citoyen  ,  ne  peut  s'observer 
'Core  nulle  part. 

Il  seroit  très  -  facile  de  faire  l'application  de  ces 
ées  à  nos  Parlemens  de  France,  dans  lesquels  des 
agistratures  inamovibles  et  îiéréditaires ^i  exerçant 
'  très-grands  pouvoirs  ,  avoient  entièrement  confondu 
5  intérêts  de  cbaque  liomme  ,  avec  ceux  de  son  corps , 
)  les  opposant  en  même-temps  aux  vrais  intérêts  <lé 
Etat. 

On  pourroit  aussi  considérer  le  Parlement  d'Angle- 
rre  ,  composé  d'une  Chambre  où  les  pouvoirs  sont 
amovibles  ,  et  d'une  autre  où  ils  durent  sept  ans  et 
'  iivefit  se  renouveller  encore  5  on  verroit  que  l'in- 
lot  de  ce*  d©ux  Corps ^  par  l'importance  et  la  duré» 


(  44  ) 

ë.^  leurs  pouvoirs  ,  absorberoient  tons  les  intérêts  jtr- 
ticuliers  de   leurs    Membres  ,    et  combattioieiit  jn» 
cesse  les  intérêts  âe  l'Etat  ,  si  Pon  n^avoit  eu  l'aijde 
îes  instituer  de  manière  à  se  combattre  i'im  i'au^ 
et  à  soutenir  PEtat  par  ce  combat  même. 

Mais  ce  li'est  pas  de  cela  qu'il  s'agit  ici,  et  j  ne 
cberche  qu'à  détenuiuer  lé  genre  et  le  degré  de  pas  t>u 
■qui  animera  nos  Assemblées  Nationales  ^  et  d'ard 
on  ne  sauroit  nier  que  l'intérêt  propre  du  Corpa^  lejs- 
latif  ne  doive  être  très-foiblë  dans  le  cœur  de  chiiai 
membre.  Se  voyant  dans  ce  Corps  pour  deux  ënlei 
seulement,  et  dans  l'Etat  pour  toujours,  nulnep€^ra 
balancer  entre  l'intérêt  de  l'un  et  celui  de  l'autre,  i 

Qu'importe^  en  effet,  de  travailler  péniblenteî  à 
l'accroissement  du  pouvoir  d'un  Gorps  oii  peut-éti  bin 
ïie  rentrera  pins  ?  Quel  est  l'intérêt  de  se  donwles 
ïuaîtreâ  qui  peuvent,  toute  votre  vie  ,  vous  ôppi^er 
comme  sujets,  dans  la  foible  espérance  de  pattu  {• , 
encore  quelques  mbmens,  ce  pouvoir  avec  eux  co  m 
Député  ?  Non  ,  ce  calcul  n'est  pas  dans  le  cœu  «' 
ïnain  ,  et  l'expérience  a  toujours  prouve  que  l'ext  né 
lirièveté  d'un  pouvoir  auquel  tous  peuvent  préten  ) , 
tarit  dans  sa  source  l'ambition  de  cliacun.  Les  paj  n$ 
qu'on  traite  d'insensées  ,  ne  laissent  pas  d'avoi  on 
calcul  très-juste  et  ime  sorte  de  sagesse  5  elle  cor  pt* 
à  tâcher  de  mesurer,  à-pèù-près ,  les  trà.vauxf««;es 
jouissances  5  et  qniand  la  disproportion  est  trop  gra  3  / 
comptez  que  les  sentiniens  reprennent  leur  niveau  Ici 
le  cœur  reste  calme. 

Après  avoir  vu  que  l'ÎRtérêt  de  Corps  sera  trèa-f  M 


(45) 

chaque  inembre  de  l'AsjseraMée  Wationaîe  ,  v^yoïm 
.e  sera  Pinlluence  de  l'intérêt  de  V homme. 
Il  conviendra  que  si  ,  par  notre  Conatittition  aou» 
^  le  Roi  ne  peut  point  armer  l'intérêt  de  V homme 
re  Pintérêt  du  Corps  législatif^  ce  corps  à  soa 
_,  n'ayant  ni  argent  adonner  ,  ni  places  à  pro- 
ie _,  ne  peut  espéi'er  aucun  secours  de  ia  passion 
inante  de  cliaf[ue  homme. 

;  q^uant  à  la  passion  la  plus  énergique  ,  le  désir  de 

me  ,  et  Paiiiour  de  la  gloire  ,  il  n'appartient  ni  au 

arque  ^  ni  à  l'Assemblée  Nationale  de  la  satisfaire  \ 

n'attend  rien  que  de§  faveurs  de  Popinion  publi- 

5  et  remarquez  encore  que  ce  désir   de  glori'e  s'af- 

ira  à  mesure  que  les  objets   traités  dans   l'Assem- 

K  Nationale  ,  deviendront  moins  importans  et  plus 

nJtieux. 

'intérêt  particulier  de   cîiaque  membre  ne   s'unira 

:  point  y  ou  ne  s'unira  que   foiblement  à  l'intérêt 

^orps  }  déjà  foible  en  luirinéme  :  mais  que  devons- 

.  attendre  de  Pintérêt  de  VEta^p ,  et  quelle  sera  sou 

gie  ?  je  l'ignore  encore  5  et  jusqu'à   l'établissement 

il  Lois  de  l'éducation  ,  des  fêtes  nationales  ^  et  sur- 

't  dès  loix  rénumératoires  ^  on  ne  peut^  je    crois  ^ 

fi  prononcer  sur  le  degré  d'intérêt  que  cliaque  Fran- 

r>  concevra  pour  la  Patrie. 

'■-  ne  considérer  que  la  Constitution  politique  même^ 
I'  plus  grand  défaut  y  peut-être  ,  est  d'affoiblir  trop 
f  térêt  d'état  et  l'énergie  des  passions  oitiles  ,  par 
riéantissement  total  des  distinctions^  et  par l'extrêaie 
»  éviatioB  de  la,  durée  de  tous  les  pouvoirs» 


[  4Ô  3 

•  Je  suppose  ,  en  effet ,  d'après  toutes  les  apparei  's 
que  la  France  soit  réglée  à  l'avenir  sur  le  plane,  Ja 

•paix,  autant  qu'elle  l'ëtoit  autrefois  sur  celui  (lia 
'guerre  et  des  tracasseries  étrangères  5  je  supî)orse';n, 
core  que  nos  Lois  fiscales  ,  civiles  ,  criminelies  elltii. 
iitaires  sont  aclievées  5  il  s'en  faudra  bien  alors  lue 
nos  Assemblées  Nationales  présentent  ces  grands  bé- 
rets qui  nous  transportent  aujourd'lmi  5  il  faut  h  ne 
espérer  qu'elles  seront  bornées  aux  détails  éconiii- 
ques  de  Fadministration  d'une  grande  famille  5  et  il- 
îieur  à  nous  s'il  en  arrivoit  autrement  !    ' 

Mais  ,  quand  nous   serons  parvenus  à   ce  poin  'd{i 

•  nous  devons  tendre  rapidement ,  et  que  notre  situibn 
enfin  sera  fixée,  je  demande  quelle  sera  la  pa!|)n 
énergique  et  générale  que  les  François  pourront  er 
du  sein  de  leur  Constitution  même. 

Il  ne  faut  point  juger  du  Peuple  par  ce  momei'ie 
mutinerie  ,  d'audace  et  d'ivresse  de  l'égalité  :  q^  jtd 
le  calme  sera  rétabli  ^  vous  verrez  les  Citoyeiig^  ;- 
vres  ,  les  Citoyens  riclies  ,  et  même  les  Citoyeïis  )- 
blés  reprendre  insensiblement  dans  l'Etat  le  degré  ie 
leur  assigne  l'opinion  fortifiée  de  l'babitude  ,  à-]  > 

•  près  comme  des  liqueurs  d'une  pesanteur  inégale  îe 
-mêlent  dans  une  forte  agitation  ,  mais  se  séparent  'îJ 

le  repos  ,  et  se  replacent  selon  leur  pesanteur  spéi- 
que  ;   alors   ce  Peuple  dont  on  craint  tant  au]ÔT!rrd|iï 

•  les  excès  ,  contractera  insensiblement  la  plus  prof(  le 
indifférence  pour  ses  Assemblées  biennales  ,  où' il  e 
verra  qu'une  distraction  incommode,  bien  plutôt 


r  47  ] 

Texercice  d'une  grande  puissance  :  trouvant  dans  les 
Lois  des  barrières  contre  la  licence  ,  sans  puiser  dans 
la  Coiistitution  des  sentimens  vifs  pour  la  liberté  ,  ce 
Peuple  ne  tirera  que  de  lui-même  ses  passions  bonnes 
on  mauvaises  ,  utiles  ou  dangereuses. 

Quant    aus.    Citoyens     d'une    classe    plus    relevée  ^ 
quelle   sera  leur  pasgion  ?  Sera-ce  l'ambition  de  servir 
l'Etat  dans  l'Assemblée    Nationale  ?  Pense- t- on  que 
l'ame    même   la    plus   active   soit   fort   tourmentée  du 
dessein  d'abandonner  sa  Province  ,    ses   amis  ^    ses  pa- 
rens ,  sa  -  famille  _,  et  de    se  transporter  dans  irne,  terre 
(^ui  lui   est  étrangère  ,  pour  y   traiter  le   plus  souvent 
des  détails   purement   économiques    de  l'intérieur    du 
Royaume  ,   avec  une  assiduité   fatiguante  ,  et  l'espoir 
tout  au  plus  d'une  estime  partagée  avec  plusieurs  au- 
tres 5  estime  meTie  à  peine  acquise  ,  qu^elle  sera  effa- 
cée par  le  passage  de  la  foule  des  nouveaux  Représen- 
.    tans  ,    qui  se    plairont  à  cliksser  devant  eux  ,    comme 
I)  de  la  poussière^  la  mémoire   et  les  services   de  leurs 
jj  devanciers  ? 

'  i  Trouverâ-t-on  dans  les  simples  Municipalités  et  les 
1 1  petites  Assemblées  Provinciales  ,  un  ressort  plus  puis- 
ij.sant?  je  ne  le  crois  pas.  Des  pouvoirs  si  bornés  par 
^j  leur  durée  et  par  leurs  objets  ,  pourront-ils  former  uii 
\\  principe  de  passion  énergique  et  publique  ?  Et  n'est-îl 
•M  pas  à  craindre  que  dans  cette  indifférence  _î  les  anies 
f  j  actives  et  fortes  se  repliant  sur  elles-mêmes  ,  et  dédai- 
4i  gnant  de  s'appliquer  au  gouvernement  ,  ne  l'abandon- 
H    nent  à   ces  petits  intr  gans  subalternes,   à  ces  fripons 


C  4S  ) 

Ae  toutes  les  classes  ,  qui  ne  savent  qu'aclietei"  les  àti- 
très,  ou  se  vendre  eux-mêmes  (i).  ' 

En  un  mot  >  qu'on  l'examine  bien  ,  l'objet  propre 
àe  notre  Constitution  nouvelle  paroissant  être  la  tran- 
quillité qui  naît  de  l'égalité  >  il  s'agit  de  savoir  si  dans 
tme  Monarchie  et  cîi€z  uri  grand  Peuple  d'un  caractère 
actif ,  inquiet  et  léger  5  c'ette  Constitution  sera  assez 
forte  pour  changer  son  caractère  ^  ou  si  son  caractère 
ne  sera  pas  assez  fort  pour  faire  changer  la  Constitution. 

Il  s'agit  de  savoir  si  la  Constitution  ,  en  le  condui- 
sant à  l'indifférence  >,  n'offrira  pas  des  moyens  au  Mo- 
narque pour  le  ramener  ail  despotisme  ,  ou  si  son  ca- 
ractère ^  en  ie  précijDitant  vers  des  nouveautés  ^  ne 
ïuinera  pas  la  liberté  même. 


(i)  UAfTeïiibléc  Nationale  a  redouté  l'efpric  des  Provinces,  * 
c'cll  pour  l'anéantir  qu'elle  a  voulu  morceler  le  Royaume  ,  8c 
donner  de  nouveaux  centres  à  toutes  les  opinions  ^  &  de  nouvellaî 
directions  à  toutes  les  habitudes  :  cette  entreprife  hardie,  ds^ï^ 
tous  les  temps ,  peut,  félon  quelques  bons  Citoyens,  devenir  f** 
-taeStc  dans  celui-ci  :  c'étoit  le  moment ,  difenc-ils  ,  de  planter  i 
la  hâte  un  clou  dans  cette  roue  emportée  par  un  mouvement 
trop  rapide  ,  &  ce  n'étoit  pas  celui  de  l'augmente  r  beaucoup  pluj. 

lis  ajoutent  :  fi  l'efprit  de  Provinces  fembloit  G.  dangereux  -^r  | 
pouvoit-on  efpérer,  qu'elles  fe  fbumcttroient  à  une  divifioui  ^  j 
anéantie  cet  efprit  ?  &  fî  l'on  a  compté  fur  leur  foumiflîon  ,  l'eC-  I 
prit  des  Provinces  étoit-il  donc  (i  .dangereux  ? 

Ces  hômnles  prétendent  qu'au -lieu  de  brifer  en  morceaux  C« 
fefTort  ancien  ,{formé  par  l'attachement  des  François  à  leur  Province , 
il  falloit  au  contraire  fe  faire  Un  art  de  le  fortifier  en  le  dirigeant 
vers  un  centre  commun  ^  le  bien  de  la  France  entière.  Il  faU 
icit ,  difent-ils ,  former  un  patriotifnie  général  de  tous  ces  patrio-  ; 

Je 


(  49  ] 
Je  ne  puis  m'empècher  de  faire  ,  en  passant  ,  une 

flexion  sur  ce  sujet  :  j'ai  toujours  entendu  avec  éton- 

iiieiit  reproclier  à  la  Constitution  Angloise ,  comme 

3  défauts  ,  ce  qui  me  sembloit  des  moyens  de  salut 

des  principes  de  force. 

Je  partois  de  ce  point  de  morale-pratique ,  qu'il  ne 

ut  point  conduire  Fiiomme  au  bien-être  par  le  repos , 

lis  à  l'espérance  du  repos  ,  par  le  mouvement  con- 

me    d'une    passion    utile  :  en   appliquant    ensuite , 

mme  on  le   doit  ,   ce   principe  aux  grandes  sociétés 

viles  ,  je  voyois  dans  la  Constitution  Angloise  l'éner- 

3  des  passions  excitées  ,  tantôt  par  l'ambition  d'ob- 

lir  dans  la  Cliambre  des  Communes  un  pouvoir  d'une 

îez  longue  durée  ,  tantôt  par  l'amour  de   la  Patrie 

.  de  la  liberté  ,  que  les  craintes  d'une  corruption  tou-- 

irs  exagérée  ,  alarment  vivement  ,  tantôt  enfin  par 

spérance  d'une  Pairie  inamovible  et  héréditaire. 

Je  voyois  encore  tous  les  Corps  qui  composent  ce 

)uvernement ,   dans  un  choc   souvent  violent  5  mais- 


'nes  particuliers  ;  alors  on  n'innovait  presque  rien  :  mœurs ,  usa- 
j  ,  habitudes ,  préjugés ,  tout  ctcit  conservé ,  ec  l'édifice  des  Mu^ 
lipalités  ,.  cet  édifice  si  désiré,  et  le  dernier  asyle  de.  la  Nation 
lu'ée ,  se  seroit  élevé  sans  peine,  comme  sans  délai,  sur  des 
liidemens  respectés  et  chéris.  La  main  du  dernier  ouvrier ,  disent 
liijours  ces  mêmes  hommes  ,  suffit  ppur  démolir  :  mais  le  seul 
jiie  de  l'architecte  sait  édifier  ;  et  quelle  situation  affreuse  de 
■  r  nos  Députés  établir  des  disputes  interminables,  assis  sur  à^s 
'>ris  qui  nous  écrasent? 

le  ne  sais  si  ces  hommes  ont  raison  ,  mais  leurs  plaintes  et  leurs 
<intes  ^onc  bien  excusables. 

D 


[5o]  i 

de  ce  clîoc  même  résnltoit  un  état  de  compresswj 
mutuelle  ,  qui  augmentoit  le  ressort  de  cliacun  5  enfin 
îe  voyois  toutes  ces  passions  se  cïianger  fréquemme: 
en  patriotisme  sublime  par  le's  rivalités  entre  l'Angl 
terre  et  la  France  5  en  un  mot ,  ce  Corps  nie  semble 
aussi  animé  que  yigoureux  ,  ses  combats  même  proi 
voient  sa  force  ,  et  tout ,  jusqu'aux  vices  de  qudqu 
particuliers  ,  sembloit  être  combiné  pour  le  mainti(j 
de  la  liberté  publique.  i 

Je  dirai  encore  quelqiies  mots  sur  ce  sujet.  | 

Il  n'y  a  guère  que  trois  manières  de  conserver  i' 
Gouvernement  libre  ,  ou  par  la  vertu  des  Citoyens  ;  (j 
par  l'opposition  et  le  combat  des  passions  dangereuses 
ou  par  l'opposition  de  la  vertu  de  quelques-uns , 'avij 
les  passions  nuisibles  de  tous  les  autres.  I 

De  ces  trois  modes  d'institutions  politiques,  leprj 
mier  est  entièrement  cbimérique  ,  puisqu'il  consiste 
faire   d'Konnêtes  gens  de  tous   les  Citoyens  :  ce  n'(  i 
pas  dans  le  temps  où  nous  sommes  qu'il  faut  y  penseï  j 

Le   second  mode  d'institution  ne  suppose    que  cj 
lionimes  vicieux  ,  qui  se  combattent  les  uns  les  autr< 
Il  est  plus  applicable  à  la  foiblesse  humaine  ,  et  si  | 
tout  à  l'état    du   genre    humain    dans    l'Europe   m 
derne. 

Enfin  ,   la  troisième  m.éthode  consiste  à  former 
lu  vertu  une  passion  dans  le  cœur  d'un  grand  noml 
de  Citoyens ,  et  à  maintenir  sans  cesse  le  gouvernemen 
en  opposant  cette  passion  utile  aux  efforts  des  passio 
dangereuses.  Ce  mode  d'institution  est  le  clief-d'œu> 


[  5i  ] 

dla  politique  ,  et  la  seule  perfection  où  nous  puissiOn^ 

tendre. 

Tusqu'à  préssnt  il  n'y  a  rien  dans  nos  lois  nouvelles 
c.  remplisse  la  seconde  institution  ,  et  la  troisième 
e:ore  moins  5  on  n'y  voit  rien  qui  fasse  balancer  en- 
t  elles  les  passions  dangereuses  ,  ni  rien  qui  puisse 
lii-e  de  la  vertu  une  grande  passion  publique.  Notre 
i'nense  vaisseau  est  à-peu-près  achevé  ;  mais  oii  sont 

I  vents  qui  peuvent  le  pousser  à  son  terme  ? 

['ose  le  dire  ,  les  passions  et  l'ame  capables  d'ani- 
nr  le  corps  de  ce  grand  empire  ,  d'une  vie  uniforme 
e soutenue  5  on  peut  encore,  au  défaut  des  lois  po- 
iiques  ,  les  trouver  dans  les  Icàs  de  l'éducation  ,  dans 

II  institutions  sur  les  mœurs ,  dans  les   fêtes  publi- 

q;s  j  et  sur-tout  dans  l'art   de  distribuer  des  récom- 

pises.    Rassurons  -  nous  donc  ,   et   croyons    que  nos 

Semblées  Nationales  sauront  bien  retrouver  ces  grands 

yacipes    où    ils    sont  ,   pour    les    appliquer    à   notre 

cistitution  ,  où  ils  ne  sont  pas.  Voici  seulement  tout 

c  que    j'en    veux    conclure   ;    c'est  que  les   alarmes 

<jon  a  voulu  nous  donner  sur  l'arnbition  et  Peffer- 

ivîcenoe   passionnée   de   nos  Assemblées  Nationales  , 

ruites  à  une  Cîiambre  unique,  sont  si  fausses ,  que 

1'   craintes   opposées   me    paroissent   beaucoiip   plus 

f  dées  5   et  que  si  notre    constitution  est   menacée  ^ 

est  par  le  défaut  des  grandes  passions  ,  et  non  par 

Ir  excès.  > 

■I 

^,  ■  - 


D  2 


C  52  ]  ! 

XIII. 

T)e  Vesprît  de  suite  dans  les  Assemblées  JSfationales 

Une  erreur  sensible  ,  à  mon  avis  ,  au  sujet  de  l'ins- 
titution d'une  Chambre  unique  des  Représentans  ,  es 
de  lui  supposer  un  grand  esprit  de  suite  et  d'union 
d'une  législature  à  l'autre.  On  a  voulu  croire  que ,  di 
Jeux  en  deux  années,  cette  Cliambre  communiqueroi i 
à  ses  successeurs^  comme  un  héritage  respecté ,  ses proj 
jets  à  suivre  ,  ses  décrets  à  soutenir  5  et  ceci  a  étél'uij 
des  plus  puissans  argumens  contre  le  veto  suspensif  \ 
quelle  sera  ^  disoit  -  on  ,  la  valeur  de  ce  veto  conti'ij 
ti'ois  Assemblées  ,  dont  les  deux  dernières  ajoiiteroii} 
l'esprit  d'obstination,  qui  fait  soutenir  une  mauvais; 
loi  ,  à  l'esprit  d'imprudence  ou  d'ambition  qui  la  fij 
proposer  par  la  première  ?  j 

Mais   il   me   semble    qu'à    bien   consulter  le  cœui 
Imraain  j  il  doit  arriver  précisément  le  contraire.  De  j 
Sénateurs  permanens  ,  inamovibles  et  héréditaires  cor  | 
tractent  un  esprit  de    corps  et  de   suite  ,   qui  fait  ]  | 
caractère  propre  de  leur  ambition  5  mais  quand  le  corj  ; 
seul    est    permanent  ,    et    que    l'amovibilité    est  dai  \ 
tous  les  Membres ,  l'esprit  de  corps  n'est  qu'une  on  | 
lire,  qui  n'a  pas   même  le  temps  de  se   former  daii 
la  courte  durée  de  chaque  Assemblée  :  ces  Chambr( 
qui  composeront  les  diverses  législatures,  n'auront ri(| 
de  commun   oue   le  nom  ;   la   vanité  de  mieux  fai  ! 
deviendra  une  sorte  de  jalousie  qui  les  fera  pencher  i 
penser  et  faire  autrement, bien  plutôt  qu'à  imiter  5  loin  (| 


[  53  ] 

s'approprier  les  projets  d'ambition  ou  de  lois  de 
leurs  prédécesseurs ,  leur  gloire  sera  de  les  effacer 
par  d'autres  projets  et  d'autres  lois  5  et  dans  le  combat 
qui  s'étabiiroit  par  un  veto  entre  le  Roi  et  l'Assemblée 
Nationale.,  je  suis  convaincu  que  les  Assemblées  sui- 
vantes seront ,  en  général ,  plus  favorables  au  veto  du 
Prince  ,  qu'au  projet  de  loi  d'une  Assemblée  rivale. 
Ainsi  5  dans  l'institution  d'une  cîiambre  unique  ,  où 
quelques  politiques  n'ont  craint  que  l'excès  de  sa 
force  avec  des  Ptois  foibles  ,  j'ose  penser  que  l'excès 
de  sa  foi  blesse  avec  un  Prince  îiabile  seroit  cent  fois 
plus  dangereux, 

XIV. 

Du  'Tribunal pGUT  juger  les  accusations  principales^ 

On  vous  objectera  souvent ,  contre  l'institution  d'un& 
clianibre  unique^  l'impossibilité  de  trouver  un  tribunal 
équitable  pour  juger  les  accusations  capitales.  Si  l'on 
prend  ce  tribunal ,  vous  dira-t-on  j  dans  l'Assemblée 
Nationale  ,  l'accusateur  alors  devient  juge.  Le  forme- 
ra-t-on  hors  du  sein  de  l'Assemblée  ?  Quelque  part 
qu'on  le  prenne  ,  l'accusateur  paroîtra  si  puissant ,  et 
le  tribunal  si  dépendant ,  qu'il  ne  sera  plus  possible  de 
conserver  l'opinion  de  l'équité  dans  Us  jugemens. 

Dans  toutes  ces  objections  ,  ces  politiques  semblent 
se  créer  des  monstres  pour  avoir  le  plaisir  è^Qn  pa- 
roi tre  dévorés  :  on  ne  doit  point  considérer  Faccusation 
d'une  Assemblée  Nationale  comme  celle  d'un  parti- 
culier 5  quand  un  homme  se  rend  accusateur  ,  il  est 
un  ^  il  n'a   qu'une  ame  j  qu'un  esprit  5  c'est   l'intérêt 


[54] 

de  la  vengeance  ou  du  dédommagement  î  mais  quand 
une  grande  assemblée  est  accusatrice  ,  à  moins  que 
le  délit  ne  soit  aussi  criant  qu'évident  ,  l'accusation 
n'est  jamais  que  le  résultat  de  la  pluralité ,  et  d'une 
pluralité  toujours  plus  foible ,  à  mesure  que  le  délit 
est  moins  grave  ou  plus  douteux.  Combien  de  Mem- 
bres ,  après  avoir  rejeté  tout  liant  cette  accusation 
dans  leur  opinion,  et  par  leur  suffrage^  continueront 
à  la  désapprouver  au  fond  de  leurs  cœurs  ?  Assurément 
on  ne  peut  pas  dire  que  ces  hommes  fassent  partie  dans 
l'accusation  intentée  au  nom  de  l'Assemblée  Natio- 
nale ,  et  ils  peuvent  être  juges  sans  inconvéniens. 

D'ailleurs,  l'intérêt  véritable  d'une  Assemblée  Na- 
tionale est  de  trouver  celui  qu'elle  accuse  ,  innocent , 
au  lieu  que  l'intérêt  du  particulier  accusateur  est 
presque  toujours  de  le  trouver  coupable. 

D'après  ces  idées ,  est-il  donc  bien  difficile  de  for- 
mer ,  dans  le  sein  de  l'Assemblée  Nationale ,  un  tribu- 
nal équitable  aux  yeux  même  de  l'accusé ,  en  admet- 
tant simplement ,  et  dans  une  très  -  grande  étendue  ^ 
la  liberté  des  récusations  ? 

X  V. 

Du  pouvoir  de  corriger  la  Constitution k 

Amis  de  la  Paix^  quand  on  vous  parlera  de  notre 
nouvelle  Constitution  ,  bornez-vous  aux  grandes  dif- 
ficultés ,  et  méprisez  les  petites  5  avec  les  hommes  qui 
ne  savent  faire  que  de  petites  difficultés  j  les  grandes 
réponses  ne  sont  jamais  entendues» 


[55] 

Mais  enfin ,  pour  vous  mettre  à  Votre  aise  avec  tous 
les  esprits  ,  accordez  sans  peine  qu'il  se  peut ,  après 
tout  ,  que  nos  nouvelles  lois  politiques  aient  plu- 
sieurs  vices  connus  ,  et  encore  plus  d'inconnus  :  mais  , 
leur  direz-vous  ,  un  caractère  qui  peut  effacer  tous  les 
défauts  de  cette  constitution ,  c'est  la  liberté  qu'elle 
nous  ménage  de  les  corriger  tous. 

Remarquez-le  bien  :  la  prem.ière  cliose  que  font  tous 
les  législateurs ,  est  d'enlever  au  Peuple  la  disposition 
de  l'avenir  ^  sous  le  prétexte  de  lui  assiirer  le  présent  5 
dans  la  crainte  qu'il  ne  cliange  le  bien  en  mal  ,  on 
lui  ôte  la  puissance  de  changer  le  mal  en  bien  ,  et 
c'est  une  grande  injustice  comme  une  grande  faute. 

L'injustice  est  très-grande  ,  puisqu'enfin  une  Nation 
est  la  seule  souvera.ine  d'elle-même  5  c'est  de  plus  une 
grande  faute  ,  puisque  les  abus  étant  toujours  au  pro- 
fit du  petit  nombre  j  ils  ne  peuvent  jamais  être  vérita- 
blement corrigés  que  par  le  plus  grand. 

Aussi ,  ce  que  les  hommes  sages  doivent  d'abord 
considérer  dans  une  constitution  politique ,  n'est  pas 
1  tant  la  manière  dont  elle  règle  à  présent  l'ordre  pu- 
blic ,  que  les  ressources  qu'elle  se  ménage  pour  en  ré- 
pare^ le  désordre  à  venir.  La  plus  grande  sagesse  d'une 
législation  est  moins  peut-être  d'établir  le  bien  ,  que 
de  préparer  d'avance  les  remèdes  pour  les  maux  qui 
naîtront  du  bien  même. 

Il  me  semble  que  notre  Constitution  offre  cet  avan- 
tage ,  et  nous  en  jouirons  peut-être  plus  e|u'aucun  Peu- 
ple libre  du  continent  de  l'Europe.  Les  Anglois  mêmes, 
faute  d'avoir  bien  placé  les  idées  de  la  souveraineté , 


[  56  ] 

ont  soumis  la  Nation  à  leur  Parlement  ^qu'ils  regar- 
dent comme  le  vrai  souverain  ;  et  confiant  le  pouvoir 
de  corriger  au  même  corps  qui  a  l'intérêt  d'abuser ,  il 
arrive  que  la  Nation  qui  se  plaint  règne  quelques  jours, 
et  que  cinq  ou  six  cents  Citoyens  dont  elle  se  plaint 
régnent  sept  ans  ,  et  même  toujours. 

Notre  Constitution^  en  proclamant  cette  vérité  fon- 
damentale de  la  souveraineté  de  la  Nation,  en  abré- 
geant ensuite  la  durée  du  Pouvoir  des  Représsntans  ^ 
a  rapproché  tous  les  Pouvoirs  de  leur  véritable  source  ', 
et  du  moins  celui  de  corriger  les  abus  ,  reviendra  sans 
cesse  dans  les  mains  du  Peuple  qui  les  souffre. 

"     ■  XVI. 

Amis  de  la  Paix ,  quand  vous  aurez  montré  à  tous 
ces  esprits  inquiets  ou  prévenus ,  qn'il  est  bien  témé- 
,raire  de  condamner  une  constitution  politique  avant  son 
épreuve  5  qu'en  jugeant  même  des  effets  de  notre  Consti- 
tution nouvelle  5,  autant  que  la  simple  spéculation  peut 
le  permettre  ,  elle  n'aura  point  les  inconvéniens  qu'où 
annonce  5  qu'enfin  ,  en  supposant  tous  les  défauts ,  on  i(| 
doit  se  rassurer  par  l'iieureux  pouvoir  qu'elle  a  mé- 
nagé à  la  Nation  de  les  corriger  tous  ;  vous  pourrez  , 
après  ces  réflexions,  essayer  sur  les  esprits  le  moyen 
le  plus  efficace,   celui  de  l'intérêt  propre. 

Tâchez  de  ramener  doucement  les  détracteurs ,  de 
quelque  Ordre  qu'ils  soient  ,  à  comparer  ce  qu'ils 
étoient  à  ce  qu'ils  pourront  être ,  et  je  doute  qu'aveC 
un  peu  d'attention  ils  ne  finissent  par  calîner  leur  ame 
trop  aigrie.  - 


;    c^7]  ,  ; 

te  ne  Suis  point  assez  insensé  pour  -prétendre  t[à% 
TOUS  consolerez  de  leurs  pertes  les  Courtisans  et  les 
grands  Seigneurs  ,  ou  nos  EAeques  et  nos  Abbés 
Coramendataires ,  nos  Fermiers  ,  nos  Receveurs  gé- 
néraux y  nos  Intendans  ^  nos  Magistrats  5  quels  dé* 
dommagcmenô  faire  envisager  à  ces  gens  -là  ?  Comme 
ils  n  étoient  tout  qu'autant  qiiè  la  Nation  ii'étoit  rien  y 
il  est  clair  qu'ils  ne  seront  rien  quand  la  Nation 
sera  quelque  cîiose  :  dans  toute  Révolution  excitée 
par  les  excès  du  Despotisme ,  et  de  son  affreux  cpr^ 
tège^  il  est  indispensable  que  là  joïe  publique  fasse 
verser  d©e'  larmes  à  ceux  qui  rioient  auparavant  des 
pleurs  dé  tout  le  monde. 

Amis  de  la  Paix  ,  laissez  donc  les  hommes  de  cette 
espèce  ,  et  n'entreprenez  jamaiô  de  les  appaiser^  ni  par 
les  idées  de  justice  ,  ni  par  l'image  de  la  liberté  :  lu 
malheur  de  ceux  qui  ont  exercé  le  pouvoir  arbitraire  ^ 
est  d'être  avili  au  point  de  supporter  plus  péniblement 
l'égalité  que  la  servitude  5  ils  aimeront  mieux  obéir  tou- 
jours aux  fantaisies  de  quelques-uns  ,  que  de  ne  pou- 
voir jamais  faire  obéir  les  autres  aux  leurs. 

Tout  fee  que  vous  pouvez  faire,  hommes  sages  et  in-^ 
dulgens  ^  et  ce  c[ue  vdus  ferez  sans  doute  ,  c^esÇ  de 
ménager  et  de  plaindre  Ces  hommes  que  leur  naissance  ^ 
leur  éducation  ,  leuts  habitudes  j  leurs  préjugés  rendent 
aujourd'hui  si  malheureux  :  mais  après  eux  ,  il  est  peu 
de  Citoyens  à  qui  vous  ne  puissiez  montrer  les  plus 
Consolantes  ressources  dans  l'ordre  qui  va  naître. 

De  V intérêt  de  la  Noblesse i. 

Je  me  figuré  ^  par  exemple  j  que  vous  êtes  au  mij 


[58  3 

liftu  des  Nobles  de  TOtre  Province  ;  et  votis  leur  dîtçs  ,1 
(ju'étiez^vous  donc  sous  ce  Gouvernement  que  vourf 
pleurez  ?  Les  premiers  jouets  de  quelques  grandes  fa-i 
.milles  qui  vous  comptoient  pour  rien;  et  toute  votr( 
gloire  consistoit  à  peine  à.  restituer  loin  de  Iji  Cour  à 
quelques  inférieurs  ^  les  mépris  dont  elle  vous  avoiii 
accablés  :  obligés  de  ramper  ,  l'argent  à  la  main  ^  de- 
vant des  Valets  et  des  Courtisannes ,  quels  honneurs  ^ 
quelle  fortune  attendiez-vous  de  ce  Gouvernement  ii 
X'egretté  ?  Vos  préjugés  vous  bornoient  à  la  professioni 
militaire,  et  vous  maudissiez  tous  la  profession  mili- 
taire 5  du  sein  de  Versailles  ,  la  Cour  vous  envoyoilij 
des  enfans  despotes  ,  qui ,  sous  le  nom  de  ColoneU, 
venoient  tyranniser  tous  les  hommes  et  même  les  vieil; 
lards  de  la  Noblesse  militaire  :  cet  absurde  renvCT^ 
sèment  de  l'ordre  ,  en  faisant  rire  l'Europe,  vousar-l 
rachoit  de  pleurs  de  honte  et  d'indignation  j  vot« 
ïionneur  se  fîétrissoir,  votre  raison  étoit  dégradée  j'el 
Tousrougissiez  de  votre    avilissement. 

Quelles  plaintes  ne  formiez-rvous  pas  contre  lu 
Ministres?  Quel  mépris  n'aviez -vous  pas  pour  voi 
généraux?  Que  de  cris  s'éîevoient  contre  votre  dis- 
cipline militaire,  puérile,  souvent  avilissante,  tou- 
jours versatile ,  et  sous  le  prétexte  de  la  plus  servik 
obéissance  ,  étouffant  la  fierté  du  courage  et  la  dé- 
licatesse   de  l'honneur  ?        • 

Telle  étoit  pourtant  votre  profession  unique  :  que 
regrettez-vous  donc  ?  serQit-ce  le  pouvoir  de  tourmen- 
ter ceux  que  vous  appeliez  vos  vassaux  ?  Regrettéz- 
voiâs  la    liberté  de  dévaster  leurs  propriétés  pour  1« 


: 


C59] 

t.isir    d*assa&9Îner  quelques  animaux  ?  Est-ce  Tidée 

Egalité  d'une  poignée  d'inférieurs  qui   tous   désoje  ? 

îiis  pourqui)i  l'idée   de  l'abaissement  de  tant  de  su-' 

rieurs  insolens  ,   ne  vous  console- 1- elle   pas  ?  Quoi 

dic  !   aimez-vous   mieux    recevoir   des    affionts   qu© 

(Itre  privés  du  pouvoir  (Ten  faire,     et  trouvez-vous 

tyrannie    si   douce  ,  que   vous  deviez  i'aclieter  par 

y.re  esclavage  ?  Et  comment  pouve2\-voiis  parler  sin- 

H^ment  de  votre  considération  passée  y   saus  ce  Gou- 

iBiement  ^  où  la  richesse  dominant  tout  ^  la  Noblesse 

(R)ouvoits'enricliir  qu'en  s'avilissânt  à  sesyeùx  même? 

.  .  oyez-vo-us  pas  qu'un  peu  de  vanité  peut-être  vous 

triipe  en  ce  moment,et  qu'en  cantemplant  îeslîécombre» 

[uelques  grandes  familles  de  la  Cour  ,  vous  croyei: 

^couvrir   les  vôtres  ? -Ah  !    v0yez  plutôt  dans    ce» 

mbres,   des    matériaux   pour  votre  élévation  fu- 

:  que   vous  connoissez  peu  les  hommes  ^  puisque 

LOt  d'égalité   vous    fait  peur  !    quand  même   ils 

nt  assez  éclaire' s  pour  la  reconnoitre ,  ils  ne  se- 

jamais  assez  sages  pour  l'établir  f  et  quelque  base 

1$    lui   donnent  dans   leur   théorie  ,    comptez   quQ 

F^actions  sauront   bien  la  rendre  cliimérique  :  il  se 

a-a  des  siècles  entiers  _,  soyez-en  bien  sûrs^  avant 

e  caractère  de  la  Noblesse  soit  effacé  de  l'opi- 

ublique  :  et  retenez  bien  ceci,  nobles  du  Royaume, 

Js  et  vos  enfans  prenez  soin  d'ajouter  ,  à  cet  éclat 

e  de  la  Noblesse,  le  prix  réel  de  quelques  ta* 

de  quelques  vertus ,  et  sur-toUt  de  l'affabilité  \ 

jihâis  il  n'existera  d'égalité  entre  le  Peuple  et  vous, 

iterez-vous  pour   un  malheur,  ta   nécessité    im* 

E  a 


p  60  3 

posée  à  tos  en  fans  de  valoir  quelque  cHo'e  ,  poBî 
être  quelque  cliose  ,  d'orner  leur  noblesse  par  le  mé 
rite  ?  Etiez-vous  donc  heureux  par  leurs  vices  ,  e 
Çraignez-Yous  de  l'être  moins  par  létirs  vertus  ?  Leu, 
prescrire  la  loi  d'être  utiles,  n'est-ce  pas  leur  comn^and«| 
le  bonlieur  de  leur  fanjille  et  le  vôtre  ? 

Intétêt  du   Clergé. 

Amis  de  la  paix  ,  voua  aurez.beau coup  plus  de  peii 
à.  calmer  l'anie  des  Ministres  de  la  religion,  irrités  (jt 
toutes  ces  atteintes  qu'ils   appellent  des  attentats  5 
voile  qu'on  disoit  sacré  ,  et  qui  y  durant  tant  de  siècleii 
sjç  couvert  tant    de  passions  et  d'intérêts  humains.,  (jjjfn 
tou-à-fait  déchiré  5  ménagez  ceUx  qu'il  couvroit;,  Ipii 
agte   paroissez   porter  sur    tous   ces  objets  que  des  •: 
gards  circonspects  et  dou,teux  5  demandez  doucemii  Vo 
à  ces  hommes  qui  se  plaignent  d'avoir  été  dépouilMfent 
îiaquelle  à%  ces  deiix  questions  devoit  être    exaïni 
1^  première  :  l'une,  si  la   Nation    dépouille  à  ^iiéî 
îjg.  Clergé  ;  l'autre,  s"  le   Clergé  n'a  pas  aiitreibi^ 
j^uiiié  la  Nation  ?(ï) 

,  Vaus  pouvez  encore  leur  dire  5  les.  Conseils  dev 
B-eligibn  ne  preserivaient-ils  pas  l'abandon  de  ces  b 
dont  \ous    réclamer    la  propriété  ,    et  pouviez?»*- 


leine 

isS;'J 


(i)  £<?  Clergé^   die  Montefquîeu  ,  recevait  tant  ^  qu'il  f au] 
dans  les  trois  races  on  lui  ait  donné  pluJieUrs  fois  tous  les 
du  Royaume  i  auflî  le  Clergé  a-c-il  toujours  içprouyé  le  ibrt 
«aufes    violentes:    Texcès  dans  les   dpns  a  cçnilaminent  pij 
l'excès  dans  le?,  refiituùpn^. 


'leeti 
«et  11 


1 6'  i 

inrdqùer  ies  lois  qui  protégeât  les  ricîrèssesy  sans  de*- 
tnentir  l'évangile  qui  les  proscrit  ?  Vous  nous  avez 
tnis  dans  une  situation  telle  ^  (|u'il  Falloit  refuser  dé 
vous  écouter  ,  ou  cesser  de  vous  croire  :  et  cOnVenéas 
que  si  le  Décret  dont  vous  vous  plaignez  est  une  in- 
justice aux  yeux  des  lois  civiles  ,  vos  inurmtires  contré 
ce  jugement  seroient  iin  vrai  scandale  aux  yeux  dé 
notre  Reliiîioni, 

o 

Vous  assurez  que  là  Religion  Gatliolique  e'si:  per- 
due :  comment  cela  se  peitt-il  quand  la  Religion 
Chrétienne  est  affermie  ?  Là  base  de  cette  Religion 
divine  j  nVst-ellé  pas  l'amour  de  ï)icu  et  des  hommes  t 
«Et  n'est-de  pas  l'affefmlï' que  d'en  éloigner  PihtoiéranCô 
et  la  superstition  qui  nous  avôiént  fait  haïr  l'es  hommes  > 
poiir  ne   plus  aimer  Dieu  ? 

Vous  dites  que  les  Ministres  de  la  Religion  don- 
Vent  être  pùissans  et  considérés  pour  le  bien  de  l'Etat 
tnême  i  et  vous  avez  raison  ^  mais  ils  doivent  être 
buissans  par  leurs  exemples ,  et  considérés  par  leur$ 
cVertus  :  ces  deux  sources  véritables  de  resDect  et  de 
J)uissance  étoient  taries  5  maintenant  il  ne  tient  qyCk 
Vous   de  les  faire    couler. 

•  Vous  vous  plaignez  de  n'être  plus  comptés  poiir  rien 
«'dans  le  Gouvernement  i  mais  quoi  !  ne  vous  laisse-t-il 
l^as  la  direction  duressort  dont  vôiis  dites  vous-mêmes  que 
•l'énergie  est  supérieure  à  celle  de  tous  les  autres?  Ls  Gdu-* 
^Vèrnement  nomme  des  Magistrats  pour  infliger  des  peines 
'temporelles  ^  mais  c'est  à  VOiis  qu"*il  laissé  le  soin  ter^ 
Hble  et  délicat  de  répandre  dans  les  âmes  les  espérari-^ 
-4Se8  et  les  craintes  qui  rempiisasnt  un  avenir  infini  I  1^' 

E  â 


(  es  ) 

Katîon  s'est  cliargee  de  faire  des  lois  pour  suppléer  îa  i  C< 
morale  humaine  ;   et  c'est  à  vous  qu'elle  a   confié   le   i  f 
dépôt   de  la  morale  divine ,  ou   se  trouve  le   conjplë-  i 
îiient  et  même  le    supplément  de   toutes  les  Lois  des     la 
îiommes,  il 

Cessez  ^onc   vos  plaintes,    si  vous  voulez  qu'on  ne     fl 
Croye  pas  que  la  vertu  vous  est  trop  difficile ,  et  que  \-  Is 
vous  êtes  forcés  d'y  renoncer  5  car  «nfin  ,    si  vous  êtes  \ 
vertueux  ,  vous  deviendrez    les  premiers    hommes  de 
l'Etat  5  on  a  seulement  déplacé  pour  vous  le  pouvok  jï 
et  l'estime  ;  et   ce  que  vous  pouviez   atteindre  aupa- 
ravant par  l'intrigue  et  le  scandale  ,  vous  l'obtiendrez  à 
l'avenir   par  les  vertus  et  la  simplicité  5  à  ce  compte  j 
le^  honnêtes  gens  gagnent  ce  que  leà  médians  perdent: 
c'est  à  vous  maintenant  de  jiiger   si  vous  devez  VQ1)S 
plaindre  de  vos  pertes. 

Intérêt  de  tous  les  Citoyens, 

Hommes  sages ,  dans  Je  sein  même  du  Tiers-Etat 
vous  trouverez  des  Citoyens  inquiets  que  vous  fere? 
rougir  de  leur  ingratitude.  Se  peut^il  ,  vous  écrierea- 
vous  ,  que  vous  ayez  si-tôt  publié  ,ce  que  vous  étie« 
et  ce  que  a'ous  avez  souffert  ?  Lisez  donc  cette  Décla* 
ration  des  Droits  ^  cette  charte  de  la  nature  ;  et  sans 
vouloir  censurer  ses  défauts  en  critiques  épineujç, 
sentez  plutqt  ses  vérités  en  bons  Citoyens  et  en  hom» 
mes  simples.  Lisez-la  donc  ,  et  niez  après  ^  si  vous  l'o- 
(sez ,  que  cet  acte  rëg^iiérateur,  d'esclave  mutilé  que 
YPUS  étiez  ,  lie  fuisse  iiiainten^nt  de  yous  uu  honin\e 
Iput  entier?  . 

VoU'e  |)en§ée  nVppartieu^i'ii  pl.U§  P-AIS  y^ux  4'"^ 


(63    î 

Censeur ,  ni  aux  oreilles  d'im  délateur  ;  elle  ne  sera 
qu'à  vous-mêmes  et  aux  lois. 

Votre  conscience  sera  dans  votre  cœur  et  non  dant 
la  cervelle  d'un  fanatique  :  votre  fortune  sera  le  prix 
de  votre  travail ,  et  le  gage  assuré  pour  vos  besoins 5 
elle  ne  sera  plus  le  prix  de  l'oisiveté  d*an  autre  |  et 
la  proie  de   ses  fantaisies. 

Votre  liberté  ' ,  dont  les  derniers  Valets  et  4es  plus 
viles  Maîtresses  de  tout  homme  puissant  se  jouoient, 
quand  ils  n'en  trafique ient  pas  ;  votre  liberté  eera  sa- 
crée pour  le  Monarque  même  ^  on  a  mis  les  Lois  à  la 
porte  de  toutes  les  Prisons. 

Et  ces  Lois  que  vous  receviez  autrefois  ^  comme 
les  Juifs  recevoient  les  Lois  de  la  Divinité  ,  du  kaut 
d'une  montagne  et  parmi  les  éclairs  et  le  tonnerre  5 
ces  Lois  devenues  vraiment  humaines  ,  seront  votre 
ouvrage  même;  vous  nommerez  ceux  qui  vous  le« 
feront  ;  que  dis-je  ?  vous  les  ferez  vous-mêmes  ^  quand 
vos  Concitoyens  vous  en  jugeront  dignes» 

Comme  vous  ferez  vos  Lois  ,  vous  choisirez  vos  Ma- 
gistrats :  on  ne  verra  plus  faire  l'infâme  trafic  du  droit 
•de  vous  juger  ;  vos  fortunes  et  Tos  vies  ne  feront  plu» 
évaluées  à  prix  d'argent^  et  vendues  par  un  contrat 
•public  à  des  hommes  à  peine  pubères  ,  et  qui  n'étoient 
-souvent  connus  que  par  l'abus  de  leur  fortune  propre^ 
et  de  leur  vie  même.  \ 

.  Il  y  aura  un  honneur  pour  vous  ,  et  votre  estime 
sera  comptée  pour  quelque  chose  :  sans  anéantir  là 
î^oblesse  qui  se  croit  distinguée  par  la  seule  nais- 
sance y  vous  çn  repQiinpîtrez  une  autre  qui  se  distin*- 


Ig'^érà  pàt  là  seule  utilité  publique  5  ou  plutôt  la  M*. 
blesse  sera  ramenée  à  sa  véritable  origine  ;  et  ce  tor- 
irent  qui  avoit  causé  tant  cje  dégâts  dans  son  cours  ^  la 
digue  des  Lois  saura  le  rendre  utile  en  le  faisant  refluer 
■vers  sa  source.  Pouviez-vous  eâpérer  tant  de  biens  ?  et  si 
quelque  chose  est  plus  étonnant  que  leur  conquête «^ 
c'est  assurément  la  folie"  qui  vous  fait  disputer  stir  vo- 
tre conquête  même  ,  et  i'imptudence  qui  vous  ex* 
pose  à  perdre  le  repos  de  votre  vie  entière  par  l*in« 
quiétude  d'un  n^pment« 

^njfîii ,  Amis  de  la  ï^aix  ,  quand  vous  aurez  épuisé 
tous  les  moyens  ^  il  vous  reste  à  frappef*  un  plus  grand 
coup  sur  tous  les  esprits  î  c'est  la  menace  et  la  tes- 
Sreur  d'une  guerre  civilg  :  il  ne  s'agira  plus  alors  d'é* 
fcoutet  avec  patience,  et  de  répondre  avec  calme-;  il 
faudra  vous  livrer  à  toute  l'énergie  de  votre  ame^ 
<<^eindria  en  traits  de  feu  les  malheurs  qui  grondent  sut* 
^ps  têtes^  iporter  l'épouvante  dans  tous  les  coeurs  ,  et 
les  rameney  à  la  paix  par  l'effroi  dé  la  plug  exécrable 
discorde  i 

Hommes  sages  ^  devenez  Minerve  5  saisissez  ^0|i 
égide  ^  et  présentez  à  ces  furieux  l'image  de  la  guerre 
civile^  comme  la  tête  de  Méduse^  pour  les  rendre  im- 
înobiles  ;  il  me  semble  que  je  leur  dirois  î  malheureux 
insensés  ,  vous  ressemblez  à  des  passagers  qui  s'entre-* 
déchirent  sur  uii  vaisseau  ,  pour  quelques  voies  d'eail 
que  les  uns  veulent  boudief  à  leur  manière ,  et  les  au-* 
très  à  là  leur  ^  dans  un  instant,  passagers  et  vaisseau ,  tout 
ta  s'engloutir  dans  ungouffre;  carenftn)  grands  seigneurs^ 
Ministres  supérieurs  de  la  Religion^  et  vous  factieux^ 


(65) 

canjures  même  ,  s'il  est  vrai  qu'il  y -en  ait  5  qui  qii© 
•vmis  soyez  y  enfin ,  nous  ne  voulons  poiiit  examiner 
votre  but  j  ne  parlons  que  de  vos  moyens  5  quels  soatr- 
ils  pour  nous  amenjei*  av-o^  vues?  La  force  ouyerie? 
non ,  vous  ne  le  pouvez  pas ,  toutes  les  forces  soat 
maintenant  en  action  pour  la  liberté.  Est-ce  donc  la 
ruse  et  la  finesse  1  Mais  quelle  est  cette  ruse?  celle  dp 
différer  la  Constitution  ^  d'entasser  délais  sur  délais-^ 
de  remuer  j  d'agiter  le  Peuple  en  tout  sens  ,  de  le  ]>oïas- 
ser  jusqu'à  désespérer  de  tout  bien ,  et  de  Icdégoâîi^ 
(enfin  de  la  liberté  par  la  licence.  Eli  bien  ,  nous  TOiaf 
accordons  toiit  5  les  événemens  succéderont  selon  t®3 
desseins  5  le  Peuple  se  joindra  à  la  populace  ^  il  sW-- 
inera^,  il  deviendra  furieux ,  et  se  jettera  sans  disiiîsc- 
tion,  comme  une  bête  féroce  _,  $ur  ceux  mèms  q^*il 
regardoit  comme  'ses  frères  ;  il  attaquera  toutes  les  per^ 
sonnes^  dévastera  toutes  les  possessions o  Est-ce  là  c^ 
que  v-ous  voulez  ?  Mais  vous^  nobles  de  toute»  les 
classes;  vous  ,  Prêtres  de  tous  les  ordres.;  vous-mêmsis  j,^ 
Iiommes  factieux^  que  deviendrez-vbus  dans  cet  affresiras 
tumulte  ?  Ce  que  vous  deviendrez?  en  pouvez -voris 
doiiter  ?  et  vôtje  imagination  ne  vous  l'a-t-eile  pas  mills 
fais  présenté  avec  terreur  ? 

;  :A  l'instant  QÙ  ranarcbie  rompant  les  foibîes  diga^'s 
de  l'opinion  qui  l'arrêtent  encore  ^  se  dobord^roit  ea 
guerr;e  .civile.,  à  l'instant  oài  l'Assemblée  Nationale se^ 
roit  dissoute'  et  voudroit  se  disperseï  ;  à  cet  insiaat 
affreux.,  les. premières  victimes  seroient  tous  les  Ci- 
toyens accusés  ou  suspects  ,  n'ables  ou  Prêtres  ,  fke- 
fieijix  ou  conjures  y  les  premiers  coups  de  poignards  st- 


(66) 

rolent  pour  leur  seîn  >   les  premiers  flambeaux  patar 
leurs  maisons  5  toutes  les  barrières  fermées  de  distances 
«n  distances  ,  d'une  extrémité  du  Royaume  à  l'autre  ^ 
ne  laisseroient  plus  échapper  ni  l'innocent  ni  le  coupa- 
ble ;  et  je  défie  qu'un  seul  Député  ,  quel  qu'il  fût  ,  pût 
éviter  la  mort  qu'ilrecevroiten  tournant  de  loin  les  yeux 
vers  ses  foyers  ;  cette  exécrable  scène  montreroit  à  l'Uni- 
vers épouvanté  tous  les  crimes  de  la  ricliesse  et  de  la  puis- 
sance y  punis  par  toutes  les  fureursde  l'indigence  et  de  la 
barbarie.  O  François  ,  François  ,  Nobles  ou  Roturiers  y 
Ministres  de   la  Religion  ou  Laïcs  ,  grands  ou  petits  , 
jetez  les  yeux  sur  cet  affreux  tableau  5  fixez-les  si  vous 
pouvez  ,  et  dans  cette  foule  qui  s'enfuit ,  qui  se  cber- 
che  y    qui   s'attaque ,   qui   se   défend  ,    démêlez  ^   qui  ? 
vos  amis  ,  vos  parens  ,  vos  femmes  ,  vos  enfans  ,  vous- 
mêmes  j,  percés  de  coups  ,  mêlant  votre  sang  à  celui  de 
vos  Concitoyens  j  et  votre  cadavre  à  leurs  cadavres.  O 
Concitoyens  et  amis  (  ne  vous  révoltez  pas  contre  des 
noms  si   doux  )  !  dites  -  nous  plutôt  comment ,   à  ces 
déchirantes  idées  ^  à  ces  funèbres  images  ,  nos  Députés 
de  tous  les  Ordres  à  l'Assemblée  Nationale  ,  ne  s'u- 
nissent pas  y  ne  se  précipitent  pas  dans  l'unanime  vœu 
,  d'une  Constitution  dont  la  seule   attente   est  mille  fois 
plus  dangereuse  que  tous  ses  défauts  ?  Ceux  mém.e  qui 
détestent  cet  ouvrage  ;,  comment  ne  travaillent-ils  pas 
à  le  consommer  d'une    commune  ardeur?  Ah  !   qu'ils 
jurent  tant  qu'ils  voudront  sa  perte  au  fond  de.  leurs 
cœurs  >  mais  que  ,  pour  prévenir  la  leur  raême  ,  ils  se 
hâtent  de  le  faire  exister. 

Et  nous  qui  sommes  loin  de  l'Assemblée  National©  ji 


'^  i  h  ) 

nousqui  recevons  des  Lois  sans  les  donner  ^  nous  Con- 
citoyens de  tous  les  partis  ,  comment  la  liaine  ,  l'or- 
gueil f  la  vile  cupidité  et  toutes  les  passions  honteuses  , 
nous  aveuglent-elles  au  point  de  ne  nous  laisser  apper- 
cevoir^  dans  la  chute  épouvantable  de  l'Etat,  que  la 
ruine  des  autre^^  et  jamais  la  nôtre  ?  Comment  ne 
voyons-nous  pas  que  la  guerre  civile  arrivant  sur  les  pas 
de  l'anarchie  j  marcheroit  pêle-mêle  sur  tous  nos  osse- 
mens  ,  à  la  lueur  de  l'incendie  de  toutes  les  maisons  ?  Qui 
de  nous  pourroits^e  dire  :  ma  famille  et  moi  nous  serons 
eacceptés  ?  Hélas  !  les  scélérats  et  les  brigands  seroient 
les  seuls  qui  pourroient  se  flatter  de  survivte  et  de  sur- 
monter les  monceaux  de  ruines  où  les  honnêtes  gen» 
périroient  écrasés. 

Comment ,  à  l'aspect  de  cette  anarchie  menaçante  ^ 
les  Provinces  ne  se  liguent-elles  pas  avec  les  Provinces  , 
les  Villes  avec  les  Villes^  les  familles  avec  les  familles^ 
pour  assurer  ,  par  la  plus  libre  circulation ,  par  des 
dons  même  ,  la  subsistance  d'une  populace  qui  s'endort 
au  moins  quand  elle  est  rassasiée  ? 

Comment  ne  nous  accordons-nous  pas  à  calmer  avec 
les  plus  flatteuses  promesses ,  avec  les  exhortations  les 
plus  sages  y  ces  âmes  grossières  ,  irritées  par  l'excès  de 
tous  les  besoins  5  ces  âmes  où  toute  étincelle  peut  al- 
lumer un  incendie  ^  où  le  soupçon  se  tourne  en  délire  y 
et  le  moindre  mouvement  en  convulsions  et  en  fureurs? 

Bons  Citoyens ,  sans  doute  on  vous  a  dit  qu'il  y 
avoit  des  hommes  assez  insensés ,  assez  barbares  pour 
se  faire  de  la  disette  ,  ou  plutôt  dé  l'opinion  de  la  di-* 
fiette^  1©  plus  meurtrier  ,  1@  plus  affreux  des  iastni- 


Biens  î  on  TOiis  a  <îit  qu'ils  vouloient  conduire  le  Beti- 
fie  à  la  guerre  civile  par  une  famine  imaginaire  ,  et  de 
la  gnen'e  civile  à  tine  oppression  réelle. 

lio.innips  sages  ,  vdus  ne  croii-ez  jamaife  de  telles  îior- 
tie.urs  sans  des  preuves  proportionnées  à  la  grahdèiir  d\i 
«îélit  :  on  peut  croire  aux  cruautés  réflécliies  de  Scyî- 
la  y  à  îa  férocité  ambitieuse  de  Marius  j  atix  critnes  de 
lé.  politiv'pje  sanguinaire  de  Riciielieu^  aux  nofrs  ard- 
jÈces  de  Cromweîi  ;  on  peut  croire  à  tous  les  monstres 
îles  de  l'ambition  raisonnée  du  cœur  bumain  5  mais- 
àolt-bn  admettre  ces  monstres  nés  de  Pabsurdité  et  de 
îa  folie  ?  Est-ce  au  milieu  des  cîioses  impossibles  ^  que 
îes  ambitieux  vont  èlièrcber  leurs  crimes  et  leur  for- 
tone?  Et  quand  on  stippose  la  conception  d'un  \ast© 
^x&jet  ^  ne  faut-il  pas  au  moins  supposer  aussi  le  sen» 
€«>mmun  à  celui  qui  le  forme  ?  Nous  pouvons  tous  at- 
tester la  malignité  du  cœur  humain  qui  accuse  sans 
|îreu.ve  ^  mais  devons -nous  affirmer  des  forfaits  si  in* 
è^ïïsés^'  qu'ils  ne  pouvoiént  devenir  dangereux  que  par 
la  difiicuité  même  de  les  croire  ?...  Mais  si  ces  crinies 
étoient  vrais  5  si  ces  monstres  existoient...'..  bons  Ci- 
toyens ,  je  né  vous  parle  point  de  la  dernière  pein» 
qu'ils  méritent  5  je  né  la  connois  pas,  mais  voici  la 
première  î  c'est  dé -faire  avorter  ^  par  notre  sagesse  et 
:Èiotre  constance  ,  toutes  ces  folies  barbares.  Hercule  ,, 
éniaiit ,  étouffa  des  serpens  qui  s'étoient  glissés  dans 
sfon  berceau  :  voilà  l'image  delà  France  étouffant^ 
écrasant  les  serpens  de  la  discorde  ^  qui  se  sont  glissés 
iacs  le  berceau  de  la  liberté. 

FIN. 


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