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Full text of "Aduertissement envoyé a la noblesse de France : tant du party du Roy que des rebelles & Coniurez"

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/^2  2/ 


Aduertiflement 

ENVOYE'    A  LA  NO- 

BLESSE     D  E     F  R  A  N  C  È^ 

tant  du  party  du  Rôy  ^ 

que  des  Rebelles  & 

Coniurez. 


^9^ 


A     P  ARIS, 

Chc^  lean  Poupy  ^rue  Jainéî laques^ 
a  renfeigne  S.  Martin. 

M.  D.  LXXIIII. 

Auec  Priuilege  du  Roy. 


A.-^ 


^ p  l^  EF^T I S  S  E MENT 

a  la  NohlefJeyUm  du  party  du 

K  ojque  des  Rebelles  & 

Çoniure^ 

o  M  B I E  N  que  ce  Royau- 
me foit  l-vn  de  ceux ,  ou 
bien  pluftoft  ccluy  delà 
Chreftienté,  des  mieux e- 
ftablis  &  ordonneZ5&:  au- 
quel iufques  icyles  Roys 
ont  ciré  plus  de  volontaire  obeyflancej  & 
entière  fidélité  de  leurs  fubieds,ayant  eftc 
pour  ce  regard  noftre  nation  fingulierc- 
ment  recommandée  par  defllis  toutes  les 
autres,  fi  ne  faut-il  douter  que  la  longueur 
&:  continuation  des  guerres  eftrangeres, 
fouz  les  feuz  Roys  de  tresheurcufc  mé- 
moire Frâçois  premier,  &  Henry  fécond, 
n'yayt  accumulé  vue  grande  fuperfluité 
de  mauuaifes  liumcurs,qui  auroientpeu  à 
peu  difpofé  le  corps  deeelt  eftat  à  recc- 
uoir&  endurer  le  changement  &  akera- 
tiô^dôc  depuis  il  a  efté  toft  encores  main- 
tenant fi  griefuenict  trauaillé  &  affligé  en 
tous  fes  membres.  Car  comme  la  guerre 

A  ij 


f^ 


,  C        ADVERTISSEMENr 

foit  la  mère  nourricière  de  toute  licccc  Se 
impunicéj&  que  ne  pouuant  pour  l'ardeur 
&:fbrcç  des  armes,  la luftice  retenir  fon 
cours  ordinairCjVnchafcû  fe  vueille  difpê- 
fer  &:  exempter  de  la  fubieftiô  des  loix  & 
du  cômandcment  de  (es  fupericursjfe  vc- 
liàt  par  ce  moyé  la  liaifon  &  vnité  du  peu- 
ple à  diflbuldrc,  il  ne  s'efl: peu  faire  autre- 
ment que  les  rancunes,  enuies,  fimultcz, 
&C  diui{ions,ny  ayêt  pris  tout  auflî  toft  leur 
racine  &c  fondcment.Dc  manière  que  noz 
B.ebelles,<jui  complottoiêt  dés  lors  défai- 
re Ôc  fufciter  le  trouble  que  nous  voyos,  y 
tsftant  la  matrere  défia  bien  préparée  :  ont 
cftimé  d'ailleurs  que  la  icuneflcdu  Roy 
leurprcfentoit  ync  belle  occafion  de  def- 
ployer  6c  mettre  en  cuidêcc,  tout  ce  qu'ils 
auoient  conceu  demauuaife  volonté  co- 
tre luy&:  fa  couronne  quelques  années  au 
pari^uat.Il  fèmble  auflî  que  Dieu  fc  {entât 
extrêmement  irrité  &  prouoqué  contre 
nous  pour  les  infinis  abus  5^  maluerfatiôs 
qui  fe  commcttoientjtant  au  minifterc  de 
l'Egli{e,quen  ladminirtration  de  la  indi- 
cé, ayt  bien  voulu  lafcfaer  la  bride  pour  yn 
temps  à  la  fureur  des  ennemis ,  pour  auos. 
les  verges  &perfecations  nous  retirer  du 


I  t .  ^  \ 


A  LA   NOBLESSE.  J    C>    O 

profond  fommeil  d'ingratitude  &;  oublia- 
eCjOu  nous  cftions  aucunement  enfèpuc- 
liz  par  vn  trop  grand  ayCcôC  repos. 

Tant  y  a  que  ceux  qui  par  la  Icdurc  de 
rantiquitéjOU  biê  par  rentremife&  expé- 
rience des  affaires,  peuuent  faire  plus  cer- 
tain difcours  &  iugcmet  de  la  fubfîftencc 
ou  altération  des  Monarcliics,ne  s  efmer- 
ueilleront  iamaisq  foyons  tobez  au  pré- 
cipice d'û  malheur  fi  perilleuXjauquel  bos 
èc  raauuais  auons  cooperé^les  vns  par  vnc 
hôchallâce  d'y  pourueolr  &  obuier,les  au- 
tres par  vnc  incroyable  aftuce  Sc  dextérité 
de  l'accueillir  &:  aduâcer .  Mais  trop  bien 
pourront- ils  s'efmcrueiller  qu  aucûs  de  la 
NobleflTe, voire  de  ceux  qui  eftoict  des  plus 
obligez  à  la  coferuatio  de  ce  Royaume^fe 
foiêt  bâdez  Sc  liguez  pour  fa  ruine,  &  pour 
faire  &  entreprendre  cliofes ,  defquelles 
(quâd  bien  le  deffeing  reu(ïîroit)*ce  fcroit 
toufiours  au  preiudicé  de  leur  honneur^Sc 
à  l'aneantiflement  du  nom  &  tiltre  qu'ils 
doiuentcoferuerautât  ou  plus  cliereméc 
que  leur  vie  propre.  Ce  n'efl:  nouueauté 
que  les  eftats  qui  ont  quelque  difparité  en- 
femble ,  &font  diffères  en  meurs  Se  faços 
de  viurç^entrenc  quelquefois  en  copeten  - 

A  iij 


f^^ 


A  D  V  E  R TI  s  s  E  M  Ç  N  T 

ce  les  vns^uec  les  aurres,  félon  que  nous 
lifons  à  Rome  fouuêt  le  peuple  s  cftre  mû- 
ri né  cotre  les  Nob!cs,qu'ils  appellbiec  Pa- 
tnciens,ofGspourla  ialoufie  qu'ils  ^uoiêt  ^ 
de  leur  grandcur,&  mainccnarit  pour  dé- 
fendre leurs  anciës  droids,frâchifes,&  H- 
bertez.Et  d'aucant  quVn  chacun  des  me- 
bres  du  corps  polinque^doic  rendre  à  Ten- 
tretenemét  de  ce  g.  luy  eft  propre  en  fuyâc 
&c  rcicvftant  tout  ce  qui  Juy  peulcengêdrer 
quelque  dmiinuno  oumutatiô  de  naturel. 
Ton  trouueroit  bien  eftrange^qu'vn  bon 
nombre  de  gcnnls-homes  fe  foitdiftraid 
de  robei'Tance  du  Roy^pourfembarqucr 
en  vne  fadion  non  moins  enncmie3&:  en- 
uieuCe  de  la  preeminece&afFrâchifTemêr, 
dont  ils  iouïflent  par  ToAroy  8^  bénéfice 
des  Roys,que  la  gloire  dé  Dieu^ô^  du  falut 
de  leurs  confciêcesm'eftoit  que  leshiftoi- 
res  nous  apprennent  que  ce  font  certains 
aueuglemens&  esblouiflemês  d'efpritjOU 
bien  comme  vue  humeur  acre  6ù  bilieufc, 
qui  leur  fait  perdre  le  gouft  ô^  fentiment 
des  choies  bônes,  &  addonner  leur  appé- 
tit à  celles  qui  leur  font  du  tout  contraires 
&:  interdidcs.  Et  cela  no'  fait  auflî  efperer, 
que  s'iUfepcuuêt  vnefQisdefueloppcr  de 


A    LA   NOBLESSE.  O 

ces  nuccs  &;ombrages,&  par  la  purgatîort 
de  leurs colcres  rccoinircr  leur  première 
fancé,qiie ores  deuxmqfnics  ilsvjêdronÊ 
à  recognoiftre  &:  acculer  le  CGfr- ^qu'ils  fai- 
foicnc  à  leurs  maifonSjdç  fe  dcparcir  fi  le- 
gecement  dudeuok  ^  fcruice  qu'ils onc 
promis  &  iuré  de  rendre  à  leur  Prince. 

Or  afin  de  nous  acheminer  à  vn  entier 
cfclarciflcmenc ,  bL  induyre  les  forlignans 
&  defuoyez  à  reprêdre  leurs  vieilles  arres: 
&:Ics  autres  decôtinuer  &:perfeucreven 
la  fidélité  qu'ils  ont  gardée  iufques  à  ce 
iourdliuy  le  \t^  fuppliray  vouloir  côfidc- 
rer  combien  ce  leur  eft  d  heur  d'eftre  nez 
pluftoft  Frâçois  q  Barbares;pIuftoft  Chre 
fticns  que  Mahometainsrpluftoft  riches  &S 
afFrâchis  que  tilains  &  tributaires.  Et  puis 
que  ccftvn  fi  précieux  tiltre  ,  qucçeluy 
que  lefusChrift  nous  a  communiquc:quc 
c  eft  vn  G  doux  air,que  celuy  que  nous  ha- 
lainons  en  ce  elimat:&  que  c  eft  vn  fi  grâd 
priuilegc,que  fbyos  dîftinds  &:  fepàrez  de 
lafcruitude  &  fubiedïo  populaire,  de  co- 
bien  fommes  nous  obligez  &:redctiable5 
à  Dieu.au  Roy  &  à  la  Frâce  dont  nous  te- 
nons tant  de  beaux  &  exeellens  droids  &: 
prerogatiues  :  &  de  cobicn  nousfcroit  re- 


¥7 


ADVERTISSEMENT 

prochabic  &  ignominieufc  ringratitude,fi 
pour  no**  acqliicer  d Vnc  fi  cftroidc  ôc  par- 
ticulière obligation ,  nous  ncxpofions  les 
biens  &  la vfl^pour  la  caufc  de  noftre  oiçu, 
pour  leferuice  de  noftre  Prince3&  pour  la 
manucention  du  repos  de  noftre  patrie? 

Premièrement  s'il  cft  ainfi^comme  il  eft, 
quelaNoblcfle  aytd  autant  plus  docca- 
fi5  que  nul  autre  du  peuple,  de  remercier 
&:reucrerce  Dieu,  tout  bon  de  toutpuift 
fant,qu  elle  en  reçoit  plus  de  grâces  &:  de 
faueurs5il  cft  biêraifonnable  qu  elle  s'em- 
ploie à  maintenir  Thôneur  quiluy  cft  deu, 
ne  permettant  qu'il  (bit  fouillé  ny  contro- 
uerfé  parlesfaulfes  &nouuclles  erreurs, 
qu'vntasdecerueaux  altérez  &  fantafti- 
queSjS  efForcét  introduire  ^  fèmer  parmy 
nouSjpour  deceuoir  &:  peruertir  rintegri* 
té  des  confcicnces.  Et  puis  q  nous  fommes 
en  diffèrent  Cm  le  fait  de  la  religiô^le  moyë 
que  nous  pouuos  garder  en  cela,  &lc  plus 
(eur  expédier,  eft  dé  ne  prendre  cognoif. 
(ance  des  choies  qui  ne  font  de  noftre  gi- 
bier,ny  nous  fier  àno2fens,ainslcs  capti- 
uâs,nous  reigler  ^rapporter  à  la  gcnerali- 
té,&  à  la  foy  &  creacc  de  noz  majeurs,la- 
quelle  eft  encores  de;  préfet  par  la  grâce  de 


A    LA   NO  B  LE  S  SE. 

DicUjinuiolableméc obfcruec  parle  Roy, 
èc  du  plusgrand  nombre  de  tes  (ubieâs. 
Qujil  nous  fouuienne  du  lîecle  de  noz  Pè- 
res, quand  ils  fe  contcntoicnt  de  leur  fim- 
plicité^nerecherchans  point  plus  auandes 
myftei'es  ,  qu'il  leur  faifoit  befoing  pour 
leurfalut,  &:penfons  qu'ils  gouuernoyenc 
aucc  autant  de  prudence, (pour  le  moins,) 
leurs  familles  que  nous:  qu'ils  cftoicnt  au- 
tatdroiduriers^i^  charitables  à  leurs  pro- 
chains;&:  que  ou  le  feruice  du  Roy  fè  pre- 
fentoit  5  fans  beaucoup  difcourirny  mar- 
chander,ils  y  cooroient  incontinent  la  te- 
fte  baiflècj&r  en  recournoient  le  plus  com- 
muneniêt  aucc  vne  glorieufe  victoire  des 
ennemis.  Remémorons quantes  &:  quan- 
tes  fois  ils  fe  font  croifez  pour  la  defenfc 
de  noftre  religion:  combien  de  vovases 
aoultre  mer  ils  ^t  entrepris  fous  la  con- 
duitte  de  noz  Roys,pour  conquérir  &  de- 
liurer  la  Terre  Sainde3&  pour  extirper  la 
racine  des  herefies. 

Dauantage,  ou  il  a  efté  quéftion  de 
çombatrepour  le  pais  &  pourrcxtenfioni 
des  limites  y  ou  pour  empefcher  que  le 
moindre  de  noz  villages  ne  fuft  couru,  ôc 
fourragé  par  les  cftrangers;  ils  n'ont  iamais 


AD  VERTISSÇMENT 

faid  refuz  d'y  hazardet  &:  prodiguer  6^ 
leurs  pcrfonncs  j  &  la  fubftance  de  leurs 
lïiaifons .  Et  à  la  vérité,  ceft  bien  de  tout 
temps  que  Ion  a  faiâ  tel  èftat  de  Tamour 
&:  charité  que  nous  deuons  à  la  patrie,  que 
mefmes  les  Anciens  reputoient  à  grand 
heur, de  pouuoir  aueclepris  de  leurs  vies, 
luy  confèruer  fa  dignité ,  èc  recouurer  la 
paix  &  le  repos  que  les  forces  ennemies 
luy  rauiflbient.  Dcquoy  ic  reprcfcnterois 
quelques  exemples,!!  la  vertu  de  noz  Fra- 
çois  n  eftoit  en  cela  autant  où  plus  loiia- 
ble,que  celle  des  Grecs  &  Romains  :  &  Ci 
de  noftreaage,dc  pendant  les  guerres  des 
feuîzRois  tat  deçà  que  delà  les  Monts,  ils 
n'auoicnt  faid prcuue  de  lentiere deuo- 
tion  qu'ils  portent  à  laccroifTement  & 
profperité  de  ceftc  courone.Il  cft  vray  que 
dcpuis(nefçay-iepar  qiiplmalhcur  )  nous 
nous  fommes  tat  efloignez  dclaperfeâio 
denozdeuancierSj&fi  auant  oubliez, a 
tout  le  moins  quelques  vns,en  lobferuâce 
de  noftre  mère  commune ,  qui  cft  le  pays, 
que  fi  la  pofterité  veult  iugcr  de  noz  aclios 
éc  volôtcz  par  les  belles  marques  que  no* 
en  laiflbnSjClle  n  cftimera  iamais  que  tant 
de  ruines ,  dcgats ,  ôc  démolitions ,  foicnc 


A    LA    NOBLESSE. 

cuures  de  mains  Françoifo ,  mais  pluftoît 
de  quelque  flotte  &  inondation  Goctique 
&  Vandalique.  Noz  Anceftrespourtef- 
moignage  de  leur  pieté^dc  pour  1  ornemëc 
&  décoration  de  leur  patrie,  batiffoiêt  des 
temples  à  Dieu  j  des  Palais  à  leurs  enfans, 
des  tobcaux  &  fepulchres  à  leurs  cendres? 
£t  nous  dVne  certaine  rage  &:furie  bar- 
barefque,auons  en  moins  de  deux  liyuers 
condamnéjbruflé5&  mis  en  poudrCjCe  qui 
auoitefté  par  eux  fondé  &  érigé  durant 
mille  &  douze  ces  ans  Jl  n  cft  befoing  d  e- 
xaggerer  ny  déclarer  plus  auant  la  cruau- 
té de  noftre  ficcle^dont  il  feroit  à  fouhaiter 
que,  dés  maintenant  là  mémoire  en  fuft  e- 
ftein(5te  3  afin  que  noz  voifins&  ceux  qui 
Viendront  cy  apr^s^ne  nous  reuoqucnt  en 
difputc,  la  fidélité  &:  courtoifiequc  nous 
prétendons  cftre  comme  héréditaire  ;  6^ 
peculiere  à  noftre  nation. 

Finalement  comme  ce  Royaume  foit 
le  premier  de  la  Cfarefiienté  ,  auflî  les 
fubieds  d'icéluy  font  cenfcz  ,&  rcpu- 
tez  les  plus  amoureux  &:  afïèâtîonnez 
à  leur  Prince ,  êc  fingulierement  les  fci- 
gneurs  ôc  gentils-hommes  ,  lefqucls  en 
rccognoiflànce  desfranchifes ,  audoritez 

Bij 


?PZ^ 


4-4 


1 


^^C^         AD  VER  t  ISS  E  MENT 

fictraidcmcns  qu'ils  en  reçoiuent  ontfaid 
profeffion  de  toute  ancienneté  de  fe  mon- 
ftrcr  obferuàtcurs  de  fa  volonté  &  bon 
plaifir .  C  eft  ce  que  difènt  les  Eftrangcrs, 
que  noz  Rois  ont  autant  de  pouuoit  &c 
commandement  fur  leur  Noblefle ,  qu'ils 
en  vucillent  prendre  ôc  vfer,  de  qu  elle  leur 
eft  tellemet  feruiable  ÔC  ob(èquieu{e,qu'ils 
la  font  partir  de  leurs  maifons  toutes  Où 
quantesfoisque  bon  leur  femble .  Mais 
auflî  leur  pouuons  nous  refpondrCjqu'ou- 
trc  le  dcuoir  auquel  tous  vaflaulx  font  o- 
bligez  par  la  naturel  qualité  de  leurs 
fiefs ,  de  faire  (èruice  à  leur  fouuerain  fei- 
gncur  5  noz  Roys  nous  en  donnent  tant 
d'occafions  5  que  nous  ne  pourrions  faire 
autrement,  ny  tant  foit  peu  nous  y  ren- 
dre defobeiffans&fefraàaires^fans  con- 
treuenir  ôc  déroger  &  à  noftre  ferment, 
ôc  à  l'honneur  que  deuons  chérir  5c  cm- 
braÏÏer  plus  que  •toutes  les  chofes  de  ce 
monde» 

Ge  nefl:  fans  charge  que  les  Gentils- 
hommes onteftépar  Tordonnance  &  au- 
thorité  des  Roys^  choifis  &;  fegregez  du 
peuple ,  pour  viure  en  franchife  &  immu- 
nité de  toutes  conditions  (èruilcs ,  auoir 


A*  LA  NOBLESSE.  ^i»^^ 

âtoi£t  de  chaflè/uperiorité  Se  precttiiSii- 
ce  fur  des  fubieds ,  la  iurifdidion iur  eux, 
l'exadion  des  cens  &  rentes ,  les  coruees 
de  autresimpofitions:cc  n  eft  pareillemenc 
(ans  charge  qu'ils  ont  ccft  oftroy  ôc  per- 
Hiiffion  de  porter  vnc  elpee  à  leurs  coftez. 
Et  ç  eft  afin  qu'ils  entendent  que  les  Roys 
ont  fâid  elcdion  de  leurs  perionties^com- 
me  de  ceulx  qu'ils  eftimoyent  plus  géné- 
reux, ne  les  voulans  pour  ce  refped  afTer- 
uir  ny  aflubiedir  aux  arts  queftuaires  6^ 
mécaniques,  6^  à  ce  qu'eulx  fappliquans 
entièrement  à  Icxercice &  vaquation  des 
armeSjils  en  puiflcnt  faire  leur  bouclier  8C 
ramparten  occurrence  d  afFaires,&:  adue- 
nant  vne  guerre ,  pour  refifter  contre  les 
efforts  &inuafions  des  ennemis.  De  ma- 
nière que  la  Nobleffe  cftant  la  fafturc  Se 
créature  des  fouuerains,  tenant  d'eux  (es 
libertez  &  priuileges ,  c  eft  bien  la  raifbn 
qu'elle  rapporte  tous  fcs  exploits  à  laduen- 
tage  j  proufHt ,  &  entretcncment  du  chef^ 
dont  elle  prent  foneflcnce  &c  nourriture. 
Et  ou  quelqu  vn  leroit  deferteiir  de  fon  of- 
fice par  ledift ,  forfaiture  &C  felonnie, es 
cas  qui  font  (pecifiez  ôc  exprimez  par  les 
ordonnances  de  conftttutions  feodales,aa 

B  iij 


^^o 


*?      >^       ApVERTtS  SEMENT 


w 


bic*qu*il  n'cuft  feruy  &:fecouriifon  Prince 
cnuçrs  tous  ôc  cotre  tous,  ou  bien  cufl  ad- 
héré à  fes  haineux  &  malueillans ,  com- 
plotté  Se  machiné  auec  eulx/auorifé  leurs 
attêtats  j  les  accompagné  Sz  aflSfté  de  for- 
ces 8c  de  confeil ,  par  la  défaillant  &  man- 
quant de  la  fidélité  qu'il  a  iuree,  il  pert  62 
commet  fon  fief ,  illeconfifqueàfon  fei- 
gneur .  Or  cncores  que  ce  moyen  foit  or- 
dinairc>&:  puiflè  beaucoup  enuets  aucuns, 
lefqucls  fcroicnt  paraduenturc  en  opinion! 
&  fur  le  poind  de  f  e(garcr ,  fi  eft-ce  que  ic 
n'eftimeray  iamais  ceux-là  bien  nez  ,  8c 
auffi  peu  dignes  du  tikre  qu'ils  portent/ 
qui  fe  garderont  plus  de  forligncr  pour  les 
peines  des  loix ,  que  de  difficuté  quMs  fa- 
ccnt  d'acueillir  vnc  laide  tache  àleur  h5- 
neur. 

Et  pour  rcucnir  à  la  gcneralitéjieveux  di- 
xc^û  les  fiefs  obligët  la  NoblefTe  à  tout  de- 
aoir,afFe(^io,  &  loyauté  cnuers  noz  Roys, 
qued*auantagc  lesgrâdsbiensfaids  nous 
y  lient  &:  aftraignent  de  telle  forte ,  qu'il 
n'y  a  occafion  quelque  bien  fondée  que  la 
penfionscfl;re,qui  nous  en  puiflc  ou  doib- 

uediftraire&:feparer.  Etlàdcflus  quand 
Ion  confiderc  que  toute  la  grcflc  ôc  opu- 


A  tA   NOBLESSE.  '^ 

Icnce  de  cç  Royaume,  toutes  lesgradeurs 
&;  commodlite2. ,  retournent  aux  Gentils* 
hommes  :  que  toutes  les  finances  du  Roy 
font  employées  à  lentrecenement  &  paye- 
ment des  grands  eftatSj&  penfionsdes  of- 
ficiers de  la  couronne ,  des  Marefchaulx, 
Gouuerneurs ,  Capitaines ,  Lieu ten ans, 
Genfd'armes ,  que  les  bénéfices  de  valeur 
font  donnez  à  leurs  parens  :  Bricf quand  il 
ièroiî  befoing  difcolirir  &  déduire  parti- 
culièrement ïcs  moyens  du  Prince  &  de 
Ton  peuple V que  les  fruids&  reuenuz  de 
IVn  ô^  de  l'autre  leur  font  diftribu ez  ^  <îe- 
partis.  Il  femble  que  d'autant  qu'ils  ont  v- 
iie  telle  obligatiô  à  la  defenfe&;  tuition  de 
tous  les  deux ,  que  venans  à  f  oublier,  lori 
ne  pourroit  aflez  detefter  leur  infidélité  5^ 
ingratitude. 

Mais  auffi  eft-il  certain  comme  il  fe 
pcult  veoir  Ô^  vérifier ,  par  le  cours  de  noz 
Annales,  que  laNoblcile  ayant  de  tout 
temps  rccogneu  fon  bien,$£  aduâcement 
delà  libéralité  de  noz  Roys,&que  leur 
confêruation  eftoit  fi  conioinfte,  que  le 
chef  ne  pouuoit  ioufftir  ny  endurer  que 
les  membres  ny  copatiflent,  feftgouucr- 
hee  &  conduide  enleurferuice  auccvne 


f7/ 


.^^^ 


AD  VERTISSE  MENT 


fi  parfaide  deuotion  6c  volonté  ,  que  iuf- 
ques  à  noz  iours  elle  fcrt  de  miroir  ôc 
d  exemple  aux  autres  nations  dcIaChrc-" 
ftiecc.  Etpourcc  queleurvcrtuneft  feu- 
lement chantée  par  les  dodes  efcriuains, 
mais  quant  &:  quant  confeflèc  parles  plus 
fîmples  du  vulgaire,il  ne  fera  neccfla,ire  de 
fy  cftendre,ne  pouuant  ncantmpins  taire 
le  fccours  qu  elle  feit  au  Roy  lean ,  ôC  au 
comeiicemcnt  de  fa  guerre  contre  les  An- 
glois,pourà  laquelle  fournir, elle fe tail- 
la &  cotizade  fonpiaingré  adeuxliures 
pour  cent  de  leflimation  de  toutes  fes  fa- 
cukez,&:  depuis,apres  queledid  feigneur 
Roy  demeura  prifonnier  entre  les  mains 
de  îhs  cnnemis,quc  lefdids  de  la  NoblefTe 
fe  liguerët  6>c  afTcmblerét  pour  le  dcliurer, 
&cy  contraindre ,  fî  meflier  efloit ,  lefdifts 
Anglois  aueç  la  force  des  armes.  Nous  11- 
fons  fernblablement  que  f^eflans  cfleuees 
de  grades  trouppes  de  voleurs  ôi  afTaiins, 
qui  fe  furnommoient  les  côpaignons,  pre- 
noientvilles,rançonnoient,pilloifnt,bruf^ 
loienç  5  (bubz  prétexte  de  vouloir  chafler 
èc  ruiner  le  Pape  Innocent  fjpiziefme ,  qui 
pour  lors  çenoit  fon  fiegcen  Auignôjpour 
rcpurgcr  le  Royaume  de  ccftc  vçrminc, 

Mefïieurs 


À  LA   NQBLESSE.  <5        y^ 

Meflîeurs  laques  &:  Pierre  de  Bour- 
bon j  fe  meirent  en  armes  ,&  leur  liure- 
renc  la  bataille  ,  accompagnez  &:  afïî-^ 
ftez  du  plus  grand  nombre  de  ceux  de 
laNoblcflc.  Nouslifonsenl'hiftoire  des 
Albigeois  j  que  pullulant  leur  erreur  &:{e 
couurantde  mefmcs  voiles  que  font  noz 
coniurez 5 la NoblefTc  lecroifa  fouï^lcn-^ 
feigne  d'vn  Comte  deMontfott, &:lcur 
feift  Ôt  cotinua  la  guerre  iufques  à  ce  qu'ils 
furent  tous  defFaids  Se  exterminez. 

Or  qui  vouldroit  rapporter  de  temps  en 
temps,  les  grands faiîls  d'armes  que  la  Mo  - 
bleÊ  a  exploidez  pour  la  querelle  de  (es 
Roys^onen  feroitvnc  longue  hiftoire,  &? 
m  eft  aduîs  qu'il  n  eft  befoing  de  recueil- 
lir il  curieufemet  les  exemples  de  noz  de- 
uanciers,  ayans  de  noftre  temps ,  &  mef- 
tnes  depuis  l'aduenement  de  noftre  Roy 
àl^  couronne,  les  Gentils-hommes  fait 
telle  preuue  deleur  fidélité  &C  affection, 
qu'ils  ont  en  cela  furpaffé  la  vertu  &c  la 
gloire  de  leurs  predeceffeurs.  Car  comma. 
depuis  enuiron  fept  ans ,  ce  Royaume  ayc 
cfté  continuellement  trauaille  de  troubles 
où  efmotions,^  qu'il  ayt  efté  befoing  que 
fa  Majefté  pour  la  feurcté  de  fa  perfonnej 

C 

42^ 


'^.  ADVERTISSEMENf 

^  côferuatioD  de  fon  eftac,  fe  foie  tenu  or- 
dinairement arme ,  pour  fc  garder  de  fur- 
prinfe  des  ennemis,  fes  bons  &:  obeyflans 
vaflaux  &  {ùbiea:s(qui  fontjgraccs  à  Dieu, 
dix  &:  vingt  pour  vn  des  autres)  ne  fe  font 
iamaislaffcz  ny  de  la  defpenfe  qu'il  leur 
a  conuenu  faire,ny  des  voyages  où  ils  ont 
cfté  mandez  &  menez  par  cous  les  coings 
&endroîfts  delà  France.  Qui  plus  cft, 
aux  derniers  troubles ,  aflauoir  après  cefte 
belle, iournee  de  faind  Michel  5ay ans  e- 
fté  conuoquez  pour  venir  à  Paris,  où  le 
Roy  eftoit  trefeftroifltemeiit  enuironné  Se 
affiegé  par  les  rebelles ,  ores  que  les  pafla- 
gcs  fuflent  fermez ,  fi  n  y  cuft-il  celuy  des 
Gentils-hommes  duparty  de  faMajeftc, 
quinefèmeifl:  endcuoir  darriuer  la  parc 
qu'il  eftoit  appellc.Tel  pour  favicillefle  fe- 
ftoit  quaflc  &c  licccié  des  armes ,  qui  char- 
gea le  corceletfur  le  dos.  Telauoit  eftc  re- 
duid  en  fa  maifon  pour  faire  cfpargnc ,  Sc 
acquider  (es  debtes,lequel  engagea  de  re- 
chef la  ferme  ôcle  moulin  pour  achapter 
des  cheuaux  :  &:  ny  euft  celuy  ,  lequel 
des  dernières  frontières  &  extremitez  de 
la  France,  n'accourut  à  la  deliurance  du 
Roy  au  meilleur  ordre  ôc  équipage  qu  il 


-^^ 


A    tA    NOB  LES  SE. 

luyfut  poffible .  Et  maintenant  que  noiis 
fommcs  rentrez  pour  la  troifiefmc  fois  en 
ccfte  fiebiire,ie  ne  doubte  point  q  lesmcf^ 
mes  ayâs  efté  requis  ^  fommez  par  fa  Ma- 
jeftëdu  fecoursd:  féru icc  qu'ils  liiy  doi- 
uentj&  puisqu'auccfon  intereft  &  du  pli- 
blic,il  y  va  du  particulier  d'vn  chafcun  de 
fcsfubieds  de  quelque  qualité  qu'ils  foict, 
ne  redoublent  le  defir  &:  cnuic  qu'ils  ont 
d'affeurer  pour  iamais  parvne  triomphâte 
vidoite^Peftat  ^  le  repos  de  ce  Royaume. 
Car  il  eft  indubitable,que  la  fin  de  ce- 
tte guerre,  tire  quant  &:  foy  aueclc  chafti- 
ment  des  rebelles ,  reftabliflcment  de  la 
Monarcbie:ou  bien  auec  la  perte  des  for- 
ces du  Roy  5  l'vfurpation  de  fa  couronne. 
Et  cftâtneceiTaire  de  tomber  à  IVn  de  ces 
deux  poinfts^qui  pourroit  eftre  ccluy  fi 
peu  François,  fi  peu  affeâionné  au  bien 
^grandeur de fon  Prince,  fipeufoigneux 
de  la  tranquillité defon  pays,  qui  ne  choi- 
fiffe  pluftoft  vne  mort  honorable  recom- 
pcfcc  d'vn  nom  immortel ,  que  de  fouffrir 
te  permettre  que  de  fon  temps  vn  petit  a- 
mas  de coniure2:,n*ayantpour  toutrêparc 
que  la  retraidedvnç  ville  ^fevâtc  fuppc- 
ditcr  bc  confondre  tant  d'armées  &  tant 

Çii 


f7> 


ADVERflSSEMENT 

de  peuples  qui  font  auiourd'huyvnis  cn- 
femble  pour  la confeiuation  de  toute  la 
France,  tant  en  fon  chef  qu'en  fès  parties? 
Pendant  les  guerres  que  les  Roys  onc 
eues  auec  reftrangetjOrcs  qu'il  ne  fut  que- 
ftion  que  d  affaillir  vn  Thionuille,  ou  bien 
de  gaigner  vn  logis,  il  n  y  a  celuy  qui  fcift 
difficulté  de  feprefenter  à  la  brefche ,  ô«^ 
qui  ne  feift  vne  muraille  de  fon  eftomac 
pour  arrefter  le  cours  des  cntreprifès  de 
rE{pagnol.  Et  maintenant  que  nous  ne 
combattons  plus  pour  des  gabions,  ny 
pour  des  pierres  ,  ains  pour  toute  vne 
Françç,en  laquelle  noz  maifons,noz  fem- 
mes ^  nozenfans ,  noz  vies ,  font  encîofes 
^  comprinfes  :  &  que  l'vne  ne  peut  périr 
qu  auec  la  ruine  de  tous  nous  autres ,  &ç 
principalement  de  la  gloire  de  Dieu,  la- 
quelle,  fi  nousfommesvrays  Ghreftiens, 
nous  deuons  préférer  à  toutes  chofes ,  fe- 
rons nous  fi  lafches  &:  défaillis  decucur, 
d'efpargner  noftre  fang  duquel  nous  auôs 
eftéiî  prodigues  ailleurs,  &:fommes  ordi- 
nairement  en  noz  querelles  particulières, 
veu  mefmes  que  nous  ne  pouuons  elperer 
plus  gracieufe  cômpofition  de  noz  con- 
"iurezj  qu  vne  perpétuelle  captiuité ,  &  af- 


ATA    NOBLESSE.  'S  ^ 

feruagG  de  noz^  biens,  de  noz  vies ,  &  dé 
noz  confciences  ?  Penfons  ce  qui  eft  tref- 
certaines:;  donc  rexperience  nous  fait  def- 
ja  par  trop  fages,quc  le  Roy  ne  peut  eflre 
dcfobey  de  fes  lubieds ,  que  nous  ne  le 
foyons  des  noftres  :  qu'il  ne  peult  patit 
changement  en  fon  efîat ,  que  ce  peu  que 
nous  auons ,  ne  foit  bien  esbranflé,  &  que 
c  eft  follie  de  croire,  que  ceux  qui  font  en 
mefme  nauirejfe  puiflent  fauuer  &:  exem- 
pter d'vn  commun  naufrage.  Penfons  que 
fi  le  pilote  qui  tient  le  gouuernal ,  par  fau- 
te deftrefouftenu  des  rames  eftcôtrainifl 
décéder  à  Fimpetuofitédes  vents,que  ne- 
ceflairement  les  marchans  &  niariniers 
courront  la  mefme  fortune.  i 

Et  pour  nous  faire  veoir  ce  qui  eh  ad- 
uiendroit,finouscftions  reduidsen  cefté 
extrémité ,  ie  reprefenteray  feulement  vn 
fynodc  qui  flit  fait  à  Chaàll5s  fur  laSaoné 
aux  premiers  troubles ,  auquel  il  fut  con- 
clud  &  arrrefté  par  vn  grand  nombre  de 
Miniftres^que  leur  religion  nefe  pouuoit  : 
bienfonder  ny  eftablir  fans  pteallablemêc 
exterminer  trois  vermines  du  monde, 
qu'ils  difoient  cftre  FEglife  des  Pàpiftes, 
les  ParlemensV&  la  Noblçfle ,  &  defaivî 

G  iii 


-^n 


*Vy.  APVERTISSEMÏNT 

fuyuant  les  inftrudions  &  ordonnances 
dcfdids  Miniftrcs  ,  lors  furent,  bruflecs 
quelques  maifonsdcs  gentils-homes  par 
leurs  païfans  propres ,  félon  qu*il  aefté  vé- 
rifié Se  rapporté  par  informatiôs  à  laCour 
de  Parlement  de  Di-jon5&!:  temonûréds?^ 
puis  par  les  eftats  de  Bourgongncf  à  leurs 
Majeftez.  Nous  voyos  corne  l'autorité  du 
Prince  eft  recogncuë  à  Geneuc,commc  la 
monnoyceftforgeeàfbn  coin ,  &  comme 
la  Nobleflc  y  eft  receuë  &:  rcfpedec  ;  ô^ 
pour  parler  de  ce  qui  nous  touche  de  plus 
prcs,  nous  voyons  comme  les  Gentils- 
hommes font  traiftezés  lieux  où  les  en- 
nemis font  les  plus  forts.  Au  commence^ 
ment  ils  publioicnt  ne  faire  la  guerre  que 
aux  Preftrcs  &:  à  la  Meflc,  &c  auiourd'huy 
ils  l'eftendent  aux  Gentils-hommes, voire 
à  leurs  plus  proches  parent  Se  voifins,fans 
aucun  refpeftjà  leurs  chenaux  ,  à  leurs 
bourfes ,  à  leur  vaiflèlle ,  à  leurs  caues  Se 
grenierSjô^:  aux  bagues  &ioyaux  de  leurs 
femmes.  Tout  leur  eft  de  guerre ,  comme 
Ton  dit  :&  lie  font  plus  de  différence  ny 
diftindion  des  prçftres  aux  autres^  des 
temples  aux  chafteaux ,  ny  mcfmes  des 
purs  Catholiques  à  ceux  qui  ont  vcfcti 


A   tA   NOBLESSE.  O       f 

douccmct,&:  ne  leur  ont  cfté  en  rien  con- 
traires. 

Et  faut  confeflèr  que  ce  font  iùgcmens? 
de  Dieujlequcl  cognoiiTant  que  fcs  ferui- 
tcurs  ic  lâfchent  quelquefois,  &  fe  kifrent 
tromper  par  les  rufes&eàuteles  defes  en- 
nemis,ne  fe  fouciahs  de  leur  faire  èmpef- 
chement  ny  refiftçnce ,  poùrueu  qu'ils  ne 
foienr  endommagez  ny  greuez  en  leur 
particulier, permcd à  la  fin  que  la  tem* 
pefte  tombe  fur  eux,fi  rudement  qu'ils  ne 
fçauentoù  fe  vouer  ny  recourir  ,finon  à 
la  mifericorde  de  cctuv ,  dont  ils  oifit  ne- 
gligez  les  iniùreSjpoUrce  qu'elles  tfeftoiét 
priuees.  Cefttoutainfîquefi  le  feu  f allu- 
mant en  vne  maifon,  ceux  qui  en  feroicnc 
vn  peu  efloignez,  ne  tenoient  compte  de 
rcfl:eindre,cftimans  qu  il  xie  pourroit  gai- 
gner  iufquesàeux.  Or  croyons  qu'vne- 
ftat  ny  plus  ny  moins  que  le  corps  hu- 
main, eft  fait  &:compofé  de  membres  fî 
conioinds  &:  colliguez  &  en  fubftancc,  &: 
en  tous  fymptomes  &  aceidens ,  que  ainfî 
que  difoitce  Romain  Menenius  Agrip- 
pa, ils  ne  peuucnt  aucunement  fubfifter 
que  par  vn  mutuel  cntretenemcnt ,  con* 
nexité,  S>c  cohérence  des  vns  auec  les  au- 


47^ 


\    '*    ',  Ad  VERT  I  S  SE  MENT 

trcs.  Métrons  le  cas  que  Dieu  pour  nous 
punir  &  chaftier  permette  rabolition  des 
Eglifesde  ce  Royaume  :  félon  qu  il  a  fait 
de  celles  de  ludce^de  l'Aiie  yôc  de  l'Afri- 
que j&fuppofons  que  l'autorité  desEc- 
clefiaftiques  foit  anichilce  &  fupplantee 
par  l'introduélion  des  côfiftoires/ur  quoy 
fonderons  nous  la  fermeté  &  folidité  de 
noftre  Noblcire?Si  nous  alléguons  lesor- 
donnances  6c  conftitutions  des  Roys  & 
EmpercurSjdefqucls  nous  tenons  les  fiefs 
&  les  droids  qui  en  dépendent ,  inconti- 
nent les  Miniftres  nous  obicfterot  que  ce 
font  inuentions  humaines  ,&:  que  par  la 
loy  de  grâce,  &:  félon  la  pureté  de  l'Euan- 
gile,  toutes  pcrfonnes  font  nées  franches: 
qu'il  né  fault  rie  allouer  ny  approuuet  que 
ce  qui  eft  contenu  expreflement  ésefcri- 
turcs,  efquelles  Ion  ne  lid  poind  ce  nom 
de  gentils- hommes.Si  nous  nous  voulons 
preualoir  de  la  force ,  ils  nous  fufciteronc 
tant  de  petits  Huguenotcaux  en  noz  vil- 
lages j  qu'ils  nous  fera  bien  difficile  auec 
vn  ou  deux  valets  de  rabbattre  les  coups 
de  cinq  ou  fix  cens  fourchefieres., 
C'elï  pourquoy  ie  ne  me  puis  affez  efmcr- 
làciilcr  de l'aitèuglémént  de  quelques  vns 

de  noftre 


A    LA    NOBLESSE.  C  C> 

de  noftre  NoblefTc  ,  lefquels  portans  le 
manton  aux  miniftrcs ,  ne  voient  pas  que 
reftabliflèment  du  Caluinifmc^  eft  laneâ- 
ciflemecde  leurgrandcur,&:  que  mefmes 
par  les  Maximes  de  ceftc  fcdc ,  toutes  les 
authoricezquiprouiennent des  hommes 
çftans  côdamnees  Se  abbatucs,  confequé- 
ment  ilz  font  redui6ts  au  petit  pied. Qu'ils 
confiderent  fi  défia  les  miniftrcs ,  qui  ne 
font  que  naiftre  &:fortir ,  ou  de  quelque 
boutique  de  cordonnier  ou  defe  defro- 
querde  quelque  cloiftre5fattribuent  en 
leurs  cofiftoires  la  cognoiiTance  des  affai- 
res, de  lagucrre^dcreilat^de  la  iuftice.dela 
police ,  ic  iufques  à  vouloir  entendre  les 
griefs  &  doleâces  des  femmes  cotre  leurs 
maris  :  il  défia  par  les  Canons  èc  cenfures 
de  leurs  SynodeSjilsaccouftument  de  rei- 
glerô.^  reformera  leur  mode  ladeipence 
deshabillemens,lacontcnâcedesfuppofts  ^ 
de  leurs  Egli{ès,lors  qu'ils  auront  acquise: 
empietté  vn  peu  plus  d'authorité^de  quel- 
le arrogâce  éc  tyrannie  ils  entreprendront 
de  les  manieràlabaguette?Ce  nefont  pas 
des  Meffires  Ican^quife  contentët  de  cin- 
quante frans  par  an^pour  defferuirla  par- 
roiffe  d'vn  village,  ou  la  chappeUe  du  féi- 

D 


AD  VERTISS^EMENT 

gneur  du  lieu.  Cculx  cy  font  des  magnifi- 
ques Meffieurs  delà  Roche  ou  de  la  Co- 
lincjlefquels  pour  leur  qualité ôi^  fuffifan ce 
f cftiment  mériter  beaucoup  meilleur  ap- 
poinftement  •.  &:  auflî  que  pour  entretenir 
Madamoifelle  Colinettc  &fafuitte  on  ne 
leur  peult  donner  moins  de  cinq  ou  fix 
cens  liures,aùcclcsprouffits  des  Cènes  & 
des  Baptefmes.len ay  vcu  nagueres quel- 
qu'vn  de  mes  voifins  aflfez  empefché ,  Sc 
d'autant  plus  qu'il  n  ofoit  f  en  plaîrid  re ,  de 
peur  d'irriter  les  Dieux  du  Confiftoirc. 

,  Or  ayant  pratique  Sc  conucrfé  auec  des 
plus  habiles  ôc  rufez  de  toute  la  faa:ion,&: 
defcouuertbeaucoup  de  leurs  fecrets&ar- 
tifîccs,pour  le  regret  que  i  ay  de  vcbir  pé- 
rir à  crédit  vn  bon  nombre  de  Gentilz- 
horrimeSjparmy  Icfqucls  i'enay  de  ceux 
qui  m'appartiennent,  qui  y  font  méfiez, 
dont  il  mè  defplaift  blé  fort:&  pour  lé  dé- 
fit &  volonté  que  iaurois  de  les  çonuier  &: 
rappellera  leur  première  obey  fiance,  iè  ne 
feray  difficultéleur  remonftrer  &  remet- 
tre deuant  les  ycjux  lefèrmcnt  de  Tinuefti- 
turc  de  leurs  fie6,ledeuoir  &  obligation 
qu  ils  ont  au  Roy ,  èC  la  fidélité  qu'ils  luy 
ontpromifei  Et  d'aduantàge  comble  leurs 


A  LA   NOBLESSE. 

f  redeccflèurs  faifoiêtd'cftacdc  conferuét 
kpoinft  d'honneur,  5^  de  viure  &:  mourir 
ppur  le  Prince  &C  le  païs.  Ils  m'allégueront 
que  depuis  eftans  encrez  en  cefte  nouuelîc 
opinion, ils  ont iurez à  leurs  miniftres  de 
ncfen  départir, ny tant foit peu pofer  les 
armes  5  que  l'exercice  n'en  fur  bien  intro' 
duift  Û  afleuré ,  de  façon  que  leur  feroic 
honte  de  renoncer  à  la  locieté  de  leurs  E- 
gliles.  Sur  quoy  pour  leur  Icuer  ce  fcrupu- 
le ,  ie  leyr  demanderay ,  fils  ne  font  point 
plusdeconfciencedc  faulfer  &:  violet  le 
premier  fermer  qu'ils  ont  faift  aii  Roy^des 
^  chofes  qui  font  de  leur  deuoir ,  que  celuy 
qu  ils  font  puis  après  contre  les  bonnes 
meurs  ,  &C  à  perfonnes  qui  n'ont  ny  fei- 
gneurie ,  ny  commandement  fur  eux  ?  le 
fçay  que  quelques  vns  des  plus  opiniaftres 
répliqueront ,  qu'il  fault  pluftoft  obcïr  à 
Dieu  qu  aux  hommes;  comme  fi  par  là  ils 
vouloient  conclurre  &c  inférer  que  leurs 
miniftres  fulTent  plus  qu'cfprits  humains 
Se  angeliqueSj&  partant  que  quand  d'vne 
part  le  Roy  leur  commande  de  viure  ôc  fe 
contenir  doucement  en  leurs  maifons,&: 
d'autre  cofté  que  les  Miniftres  fonitenc  la 
trompette  de fcdition,  qu'il faulc  pluftoft 

D  ij 


f;/ 


0 


^  ADVERTISSEMÉNT^ 

clcoutcr  le  fon  guerrier  de  ces  Mcgcrcs ,  q 
la  voix  pacifique  de  fa  Majefté.En  fommo 
tant  plus  nous  remuerons  celle  caufe5tanc 
moins  nousy  trouuerrons  d'apparence^ne 
(è  pouuâc  la  rébellion  &  felonnie  des  \aC- 
faulx  enuers  leur  fouucrain  feigneur,  fi  bic 
pallier  &  defguifer ,  qu'elle  ne  fente  touC- 
iours  fa  rebcUionrny  plus  ny  moins  qu'vnc 
putain  pour  fe  couurir  &  habiller  du  voilc 
de  chafteté  ne  laifle  d'eftre  cogneue  Se  re- 
marquée pour  vnc  femme  de  fon  jneftier* 
le  ne  doute  point  qu'ils  ne  fondent  ôJ 
appuient  leur  principale  raifon  fur  la  rcuo- 
cation  dePediâ:,combienqu'eftant  pofte^ 
rieurc,€lle  ne  fe  peut  rétrograder  pour  fer-* 
uir  d'excufe  Se  couuerture  a  Hnfraftiort 
qu'ils  en  auoient  faifte  auparauantpar  la 
teptinfè  des  armes, par  laquelle  de  ce  meC 
mefaidy&  comme  par  manière  de  com-^ 
mife, ils  f^ontpriuezeulx-mefmes  du  bé- 
néfice dudit  Ediâ:.  Et  iaçoit  que  celle  ref- 
poneepar  toute  difpofition  de  droiA ,  foit 
peremptoire,&:que  le  Roy  les  puifiie  paier 
d'vnnvûtjouilnefctrouue  point  de  repli- 
que(fevous  ay  oftél'Edid  pource  que  vo* 
y'aiiez  contrcucnu  )  fi  eft-cc  qucpour  ne 
4:toupei:  fi  court  le  propos,  &afiin  que  par 


A   LA   NOBLESSE.  ^        y 

Vn  entier  efclarciffetnent  nousen  puifTios 
tirer  le  fruid  que  nous  defirons ,  qui  cftle 
biê&:kcôferuatio  de  ceux  qui  {ë  declai- 
rêt  fous  vn  faux  tilcrc  ennemis  deleurPdn 
ce,^iepaflèrayencores  oultre  a  examiner 
l'équité  de  l'Édid  ,  dont  ils  font  tant  de 
querimonies  en  leur  aflcmBIees ,  &:  Ipe- 
cialemcnt  enuers  les  Anglois  &  Allcmans^ 
Difons  donc  que  le  Roy  ayant  de  fon 
authorité  &:  par  leur  infradion ,  eu  droid: 
&:pouuoir  auec  l'interdidion  du  CaJui- 
nifincjde  confifquer  &:  les  corps  &:les  biés 
de  tous  ceux  quî  fouz  ce  prétexte  ce  font 
efforcez  défia  par  trois  bc  quatre  fois ,  de 
luy  rauir  ô^  la  vie  &  la  couronne  ,  néant- 
moins  pour  vfct  plus  defarbonté  &  dou- 
ceur accouftumee,que  de  la  rigueur  de  iu- 
fl:ice,feft  contenté  de  prohiber  &:  défen- 
dre feulement  leursCenes  &  monopoles, 
qui  ne  feruent  à  autre  efFcft,  qu'aux  rc- 
ueiîcs  &  enrollemens  de  leurs  foldatsileur 
ayant  au  refte  remisse:  concédé  leurs  biês, 
leurs  eftats ,  &:  la  liberté  des  confciences, 
pourucu  que  pofknslcs  armes,ilsfe  retirée 
cnleursmaifons.  Etlà  deffus(afin  qu'ils 
rccognoiffentla  graceqùç  fa  Majefté  leur 
fait)qu'ils  me  nomment  vn  feul  Prince  en 

D  iij 


^      X9 

AÙVERTISSEI^ENT 

Allctïiagncjqui  foufFrc  &  tolcrc  à  fcs  fùB* 
icds  d  auoir  &  exercer  autre  religion  que 
la  fiennc?Ie  confefTe  qu'il  y  a  pluralité  d'o- 
pinions es  terres  de  l'Empire  ,  mais  auffi  y 
a  il  pluralité  de  Princes,defquels  vn  chaC- 
cun  riere  (by  maintiêt  S^  lait  garder  cftroi- 
ârcment  fa  religion /ne  perriietfànt  à  vn 
feul  de  fès  vaflaulx&  fèruiteurs  dy  rien 
changer  où  innoucf.  Nous  ne  voyons  pas 
qu  en  Angleterre,ores  que  lé  nombre  des 
Catholiques,  voire  des  ftigneurs  &c  gcn- 
tils-hommcs,furmonte  des  deux  parts  ce- 
luy  des  aduerfaires,  ou  que  la  Pvoyne  con- 
fente  qu'ils  facenc  aucun  exercice  de  leur 
religion^  ou  queux  la  requièrent ,  &  qu'ils 
àyent  iamais  entrepris  de  troubler  &  alté- 
rer l'eftat  de  leu  r  maiftreflè.Nous  ne  voyos 
pas  qu'à  Geneue^ôi  aux  lieux  où  les  rebel- 
les fe  font  rendu2è  les  plus  forts ,  Ion  y  fouf- 
fre  autres  perfonnés  que  Galuiniftes.  Et 
fil  eft  ainfi^qùc  par  l'ordonnance  de  Dieu, 
&  félon  qu  il  eft  pratiqué  &:vfité  entre  les 
hommes ,  le  fubieft  eft  tenu  &r  obligé  par 
fon  deuoir,dc  fe  foumettre  aux  loix  de  fon 
fouuerain,  foit Monarque,  Potentat, ou 
Republique  :  &  fi  par  tout  le  monde  les 
fouuerains  font  enpofTeflîonde  ceftcau- 


A   LA   NOBLESSE.  V 

thoritc  cnucrs  le  fubie£t,<qucl  tort  ferions 
nôMsà  noftre  Roy,  de  luy  reftrcindrc  le 
pouuoir  commun  de  cous  les  Princes  ,6^ 
quiaefté  encorcs  plus  particulier  à  les 
predcceflqurs? 

Puis  donc  Meilleurs ,  que  vous  faides 
profeffion  de  viure  en  fincerité  de  con- 
fciéce,aduouezla  puiiTace  de  voftre  Roy, 
laquelle  Dieu  a  tant  authorifèc:  puis  que 
vousfaiâes  tantd'cftat  de  l'honneur,  fer- 
ucz  Se  honorez  celuy  auquel  vous  eftes  rc- 
dcuables  de  tout  refped^feruice ,  &:  obeif- 
fànce  :  &  puis  queny  TAnglois ,  ny  TAlle- 
mp  5  n'endure  que  fës  fubieds  foienc  bi- 
garrez &  diuifez  d  opinions,nc  foyez  plus 
violés  &  iniques  à  fa  Majefté,  6^  ne  iuy  dô- 
nez  point  d'aduâtage  d'occalîon  d'implo- 
rer Ranimer  contre  vous  la  vcngcâcedii 
ciel  &:  de  la  terre.  Et  puisqu'il  aoublié  les 
chofopaflèes,  &  que  par  eftedil  atouf- 
ioursfàid  paroiftre  n*auoir  autre  volonté 
que  de  vous  réunir  &:  c5fèruer,aiât  à  tou- 
tes heures  les  bras  ouuertspourembraA 
fer  &  recueillir  ceux  qui  recourront  à  (à 
clémence  ,  oubliez  &:  amendez  voz 
faultcs  ,  amolliflans  ce  cueur  félon  que 
ccfte  mutinerie  de  Miniftrcs  vous  con- 


f-7 


7 


ApVERTISSEMENT 

trainâparfèspiperies  Se  faulfes  frayeurs^ 

de  côiiertir  à  la  riiyne  de  voftre  Prince.  £t 

afin  de  vousy  difpofer,  oyc2.  les  griefs  & 

.  plaintifs  de  noftre  pauure  merc,qui  eft  la 

_  France ,  laquelle  nous  reprefcn tant  le  pi- 

t  teux  Se  miferable  eftat  où  elle  eft  rcduiàe, 

&  f efforçant  par  pleurs  &:  gemiflèmens, 

autant  quefafoybleflTc  leluy  permed ,  de 

nous  induire  Se  efmouuoir  à  compaffion, 

me  fcmble  pouuoir  vfer  dç  tels  ou  fembla^ 

bles  propos. 

O  Roys  Se  peuples  Ghrefticns,qui  auez 
cuz  cognoiflancc  de  mes  forces ,  lors  que 
i'eftoisàla  fleur  de  mon  aage^&enpro- 
fpcrité  de  mes  affaires ,  lors  que  le  S.  nom 
de  mon  Dieu  eftoit  chaté  d'vn  mefme  ac- 
cord Se  harmonie  par  mes  enfans,(es  tem- 
ples décorez  &:  embellis.-lors  que  mes  vil- 
les eftoient  riches  &:Gpulentes,meschâps 
gras  Se  fertilsj&c  qui  auez  porté  enuie  à  ma 
gradcur  lors  que  la  courtoilie,  l'abondacc, 
la  vertUjla  picté,me  faifoient  renommera 
redoubter  par  tout  le  monde,  maintenant 
que  me  voyez  efcheuelee ,  ridée ,  fleftrie, 
defolee,&:  abandonnée  de  tout  le  bon- 
heur qui  mefouloit  accôpagner ,  quel iu- 
gemet  ferez  vous  de  voftre  voiûne  la  Fra- 

ce?Par- 


A  LA  NOBLESSE*  3      1 

àduenturc  direz  vous  que  le  luxe&  l'or- 
gueil de  mon  peuple  &2:les  forfaidures  62 
abus  que  je  luy  ay  fouffers  &  conniuez, 
m'ont  accueilly  de  longue  main  le  mal  ^ 
ennuy  qui  m'enuironne  de  toutes  parts: 
&puisquilyademafaultc  j&que  ceux 
font  aggrandis  &:  cfleuez;  de  mes  moiens, 
qui  auiourd'huy  me  delchirent  les  entrail- 
les 5  &  rongent  leur  merc  iufques  aux  os,. 
queic  n'en  puis  reicûer  lacoulpe  que  fur 
moy-mefmes.  Mais  pour  cela  faulti1,que 
ie  fois  ropprobre  bu  la  rilce  d  entre  vous, 
^  quefc  ioiiant  la  tragédie  d  vn  Roy  in- 
dignement perfècuté  fur  mon  thcatrCj 
vous  en  foycz  feulement  les  {pcdateurs^         / 
Helas  ie  fçay  bien  que  c'eft  moy  qui  en  pa- 
tiray  despremieres,6^  que  le  principal  bue       ' 
des  ennemis  tend  à  la  confufion  de  mes 
eftatSjâ:  à  l'vfurpatiô  de  cefcepcre  Royal. 
Mais  croyez  aufli  (&:  ne  mefprifez  point 
raduercifîèmcnt  d'vne  CaiTandre  mori- 
bunde  )  que  fi  bien  toft  le  co^rs  de  cefîe  , 

i'agc  aeft  arrcfté  par  des  forces  commu- 
nes, il  pénétrera  iufques  à  vous, ô£  vue  feu- 
le eftincelle  du  feu,  qui  eft  allume  en  mes     . 
maifons,embrafera.toutes  les  voftres.Par- 
donnez  moy  ie  vousfupplie,fi  ie  vous  tien 

E 


advertissement 
k  langage  d'vne  femme  paffionmcc ,  pâr-# 
donnez  dis-  ie  à  ma  douleur ,  Ôc  à  1  apprc- 
henfion  que  i  ay  dVnc  combuftion  géné- 
rale &  ineuicable,  fi  de  bonne  heure  vous 
ne  vo,us  refoluez  par  vnc  fraternelle  con- 
ionftion  d'armes,  de  conieils  èc  volonrez, 
de  rempcfcher  Se  diuercir.Or  ie  fuis  aflèu- 
rec  qu  encorcs  q  mes  pleurs  &  clameurs 
ne  trouuaflenc  lieu  de  pitié  en  vous ,  que 
la  neceflité  vous  contraindra  de  fecourir 
celle  qui  ne  peult  tomber ,  que  par  la  pe- 
fanteur  de  fa  cheutte,elle  d  eftône  les  plus 
efpeflcs  6c  fortes  murailles  de  voz  eftats. 

Et  aprçs  que  vous  aurez  entenduz  mes 
plaindes  j  il  mefemble  que  ie  ne  me  puis 
mieux  addrcflcr,  qu'à  ce  grand  Dieu  au- 
theur  &  fondateur  de  mon  EmjMre,  pour 
me  douloir  àc  lamenter  de  l'ingratitude 
ô^  cruauté  de  fcs  ennemis.  Il  voit  &con- 
gnoit  iufquesau  fond  la  malice  de  leurs 
defleings  ,  &  oyt  les  cris  des  feruiteurs 
liens ,  qui  font  par  cy  par  là  martyrifez 
pour  le  fouftenement  de  fa  gloire,  &:  pour 
la  fâindc  foy  &  dodrine  de  fon  Egli- 
fe.  le  me  plain  doc  Seigneur,  que  ces  lou- 
Ueteaux  &  renardeaux  feftans  peu  à  peu 
gliflczen  ta  bergerie,  ont  degloutizlcs 


A  LA   NOBLESSE,  0 

lîîîîples  oiiailles ,  &  encof  es  ay-ie  plus  de 
rcgrec,qu'ils  fe  manquent  de  la  peau  d'vne 
brebis.Helas  Seigneur,  ie  t'en  parleray  en 
fimple  femme:eft-jl  polïîble  que  ceux  qui 
conlpurquent  ^  bruflenc  les  Temples ,  ^ 
qui  tafchenc  d'abolir  touces  les  marques       ♦ 
de  ta  religion,  foiçnc  tes  Apoftres  ?  que  le 
tonnerre  &:la  fouldrc^e  leurs  piftollcs, 
fbit  vn  fon  &:  vne  fcintîlle  du  fainâ:  Efprit? 
que  ta  loy  foit  la  loy  des  brigands  &  for- 
bannis?que  tes  commandemens  ne  foient 
quefacrileges^profanations^meurdres^rc- 
bcUion^barbarie^degafts ,  5c  toute  licence 
èç  impunité  d'offenfer  fon  Roy  &r  fon 
prochain?Non  non  Seigneur ,  ie  ne  pour- 
rayiamais  penferque  tu  fois  autre  que  le 
Dieu  de  lujftice, Dieu  qui  vculteftre  feruy 
de  pureté  3c  candideffe  de  cueur ,  non  fé- 
lon, non  cruel,  non  fanguinaire,  non  in- 
cendiaire: Dieu  qui  recommcinde  de  ren- 
dre toute  fidélité  Se^^obciUan  ce  aux  Prin- 
ces qu'il  a  créez  5c  ordonnez  pour  le  gou- 
uernemet  du  peuple.Trop  bien,helas!fauc 
il  que  i'aduouc  que  ce  font  les  fléaux  de 
mes  péchez ,  Se  que  fil  te  plaift  me  cha- 
ftier  aucc  la  (èuerité  de  tes  loix,ce  n'eft  en- 
cores  rie  de  ce  que  iendurc^en  compairai* 

E  ij  I 


>   •<- 


'^^  A  D  V  E  RT I  s  SE  M  E  NT 

fon  de  la  grauité  de  mes  offcnces.  Mais 
quoy  Seigneur,! appelle  de  ta  iuftice  au 
tribunal  de  ta  mifericorde ,  te  fuppliant  à 
ioincles  mains,&i:  profternee  deuant  ta  fa- 
ce;» qu'il  te  plaife  appaifer  ton  ire,  &  regar- 
der de  ton  œil  gracieux  vne  Royne  veriie, 
accompagnée  d'vn  Royieunc&:  débon- 
naire, éc  de  fcs  frères  orphelins  tous  affli- 
gez Se  opprimez  iniuftemct  par  leurs  fub- 
icâs.  Qji  il  te  fouuiennc  qu'ils  font  cnfans; 
d'vn  Roy  qui  a  maintenu  la  Religion  iuf- 
ques  au  dernier  foufpir,&  dVne  mère,  la- 
quelle nonobftant  toutes  les  agitations  &: 
orages  du  temps ,  n'a  point  flechy  ny  va- 
rié,mais  dVne  fermetés  confiance,  plus 
que  virile,  &:d' vne  prouidcfice  plus  que 
mortelle ,  a  fceu  fi  bien  nourrir  &  con- 
duire mes  petits  Princes, qu'ilny a  celuy 
des  trois,  qui  ne  fbit  preft  auec  leiïufiô  de 
fon  fang,de  venger  &:  auoirla  raifon  de  ta 
querelle.  Etiaçoitqic  me  promette,  que 
tu  leur  en  doncras  bien  toft  la  viftoirc  en- 
tre les  mains ,  fi  cft-ce  qu'il  me  defplaift 
qu'ils  foient  neceffitez  de  me  guérir  par  le 
retranchement  de  mes  membres  pourris. 
O  malheureux  &  ingrats ,  fi  ma  voix  &c 
mes  coftez  n  cftoiont  affoiblis  par  la  Ion- 


A   LA  NOBLESSE.  cJ   ^ 

gucur  de  la  maladie,  que  mauez  aduan-? 
cee,  &  par  tant  de  bleiïures  dot  vous  m  a^ 
uez  dclchiquctçe  depuis  la  tefte  iufque^  à 
ia  plante  des  pieds ,  ic  fcrois  retentir  mes 
regrets  &mes  gemiflemens  en  AUemai- 
gne,en  Italie^en  £fpaigne,  &  en  toutes  les 
contrées  où  la  barbarie  &:  rébellion  des 
mauuais  fubiefts  eft  condamnée.  le  me 
plaindroiSj&r  quant  &:  quât  ie  vcrifierois  la 
preuue  &  tefmoignage  de  mes  plaindes, 
que  ceux  des  miens  que  i'ay  le  plus  ten- 
drement nourris^  &  les  plus  graffement  & 
fauorablcment  traiâ:ez  font  les  côiurez,&; 
çonfpirateurs  de  ma  ruyne.Or  ie  ne  m'ar- 
refteray  point  à  prefeher  &:  remonftrer  le 
chef  deTcntreprinfe,  lequcla  défia  pafTa 
leRubicon,&:feft  déterminé  d'afîaffiner 
merpetits  Princes  &:  leur  bonne  mere^, 
pour  en  feeodes  nopces  efpoufèr  la  iouïf- 
(ancede  leur  couronne.  Mais  vous  delà 
NoblefTe,  qui  auezefté  feduids  &  abulez 
de  i^s  parolles ,  &:  précipitez  en  vnc  affo- 
ciation  fi  dcteftable  fouz  couleur  d'vnc 
religion  mafquee ,  feriez  vous  bien  fi  mef- 
çhans  &:  fcelerez^que  de  prefter  confeiite- 
ment  &  confort  à  lextermina-tion  de  vo- 
ftrc  Roy,  &à  la  mort  de  voftre  France? 

E  iij 


AD  VERTISSEMENT 

Ne  fongez  vous  point  quelquefois,  quand 
lardeur  de  voz colères eft refroidie ,  qu'il 
n'y  a  crime  fi  reprochable  aux  hommes  de 
vpftre  rcng,  quelafelonnie  &  vn  témé- 
raire attencac  contre  le  Prince?  que  tous 
ceuk  qui  fy  font  lafchez  n'en  ont  à  la  fin 
rapporté  qu'vn  hoteux  &  vilain  fupplicc, 
fuiuy  delà  damnation  de  leur  mémoire, &s 
des  armes  de  leurs  maifons?  Mais  fbit  (  ce 
que  toutesfois  ne  pcuk  eftre)que  vous  at- 
teigniez le  but  de  voz  defle^ings ,  penfez 
que  ce  vous  feroit  vn  grand  lionneur ,  de 
mener  vn  Roy  defpouillé  en  triomphe  3  &S 
idolâtrer  vn  tyran  inuefty  de  fon  Royau- 
me?Ha  que  vous  auriez  beaucoup  gaigné, 
quand  pour  feruir  a  voz  paflîos  vous  ferez 
enfler  ô^  regorger  toutes  mes  riuieres  &: 
mes  ruifleaux  du  (ang  de  mon  peuple  :  Et 
bien  vouscftescontens(dides  vous)de  dc- 
uenir  bouuiers  &rcharcuticrs,pourueu  que 
foyez  vegez  de  moy.  Et  au  contraire  ie  dy 
que  G  vous  négligez  mes  remôfirâces^quc 
Pieu  me  vengera  de  l'iniure  6c  outrage 
que  vous  me  fai(ftes,5^  que  pare'llemët  les 
Catholiques  de  maNoblefle,quifonc  dix 
&:  vingt  cotre  vn  des  voftres ,  fe  croifcronc 
ôiviuront  fous  la  protection  ôc  authorité 


A    tA   NOBLESSE.  J    ^  ^^ 

<îe leur  Roy^pour  aucc  la  force  des  armes 
vous  faire  reflcntir  &:  rcceuoir  la  peine  de 
vozfûllies. 

Sus  donc  mes  nourri/Ton  s,  qui  auez  YcC- 
pec  ceinftc  pour  la  manutentiô  de  la  gloi- 
re de  voftre  DieUjpour  mon  repos  Se  pour 
le  fcrui  ce  de  voftre  Prince ,  fus  mes  fcaux, 
&:  bien  ameZj  fur  la  loyauté  defquels  i*ay 
fondé  le  principal  appuy  de  ceft  eftat ,  qui  • 
en  tât  &:  tac  d'occurreces  àuez  faid  preti- 
ùe  de  ce cucur  généreux, qui  vouseft  traf- 
rais  de  race  en  race  par  vozanccftres  :  fus 
donc  partez  de  voz  maifons ,  puis  que  le 
Roy  part  de  fon  fciour,6^  accourczà  cefte 
belle  armce ,  qui  eft  drefleepour  mainte-^ 
nir  voftre  religion ,  &c  pour  défendre  auec 
mes  enfans&:  moy  ^qui  fuis  voftre  merc 
commune,voz  foiers,maifons  6c  familles, 
ÔC  les  grandes  franchifcs  &  libercez  qui 
vous  font  acquifes  par  la  vertu  des  de- 
uanciérs,&  dont  la  conferuation  vous  eft 
Gonioinélc  auec  celle  du  Roy  mon  fils  vo- 
ftre bon  maiftre  de  fcigncun 

F  I  R 


t^} 


Y  E^4ffrmis  a  Claude  Fremy  marchant  Lihf4ire 
I  jgn  l^p^niuerf  té  de  PariSyd* Imprimer  O"  mettre  en 
vente  vn  difiot^rs  intitt^lé,  AôacmiVcïnçnt  à  la  No- 
blcfle,tant  du  parry  du  Roy,que  des  Rebelles  ôc 
Coniurez.  vèjfendant fx  Matefié a,  tom  autres  Im- 
prhnetfts  imprimer  ny  dijlnhuer  ledit  difcours  ^fans  U 
pgrmifion  dudtt  Fremy  ^mfc^ucs  au  temps  cr  terme  de 
trois  ans, comme  appert  par  fa  permiJiHfn  ,  donnée  audit 
Fremy  des  le Jixfefme  Novembre,   1568.