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i
Classe de troisi^me.
AFRIQUE. ASIE. OGEANIE
t
Tous droits rese^wcs.
4400 + 1200. — Paris. Imprimerie Ladurk, 9, rue de Fleurus4
1
AFRIQUE. ASIE. OC^NIE
PAR
MARCEL DUBOIS
Pi-ofesseur do Gdographie colontale k la Faculty des lettres de Paris
Haitre de conferences
h I'^ole normale superieure de jeuncs filles de S^Yres
AVEG LA COLLABORATION DE MM.
C. MARTIN
Aucien ^leve de la Faculte des lettres
de Paris
Pro£s8seiir agrigd au lycee du Mans
H. SCHIRMER
Docteur hs lettres
Charge de coun
k la Faculty des lettres de Lyon
CROQUIS DANS LE TEXTE
DEUXliMB riRAGB
PARIS
G. MASSON, fiDITEUR
laO, BOULEVARD SAIMT-GERHAIIf
1893
2.0^
AVIS
iuBS autenrs do ce volume avaient tout (Tabor d adopte une
redaction plus breve et plus purement soolaire, consaorant a
TAsie les principaux developpements. Puis, sur les conseils
dun grand nombre de mattresy ils out revu et complete les
chapitres r el a tils a VAtrique, II leur a paru que la gravite
des inter its frangais engages dans cette par tie du monde leur
imposait Vobligation de fournir aux jeunes gens une etude
plus etendue de riiistoire des explorations et de la colonisation
africaines. En matiere si delicate, nous pensons qu'il vaut
mieux pecher par excds que par defaut. On nous pardonnera
sans doute d* avoir sacrifie au desir de mettre de bonne heure
la jeunesse au courant des questions les plus brdlantes dinterit
national, Cette preoccupation n'implique dailleurs a aucun de-
gre^ chez nous, le dessein de demontrer la superiority de nos
colonies africaines sur telles ou telles autres. On constatera en
nous lisant, que nous nous sommes tonus aussi loin de Fopti-
misme systematique que du denigrement. Nous avons voula in^-
termer les jeunes gens, non les passiouner.
0/2 4
AFRIQUE - ASIE - OCEANIE
PREMTfeRE PARTIE
AFRIQUE
CIIAPITRE I
DESCRIPTION G^Ifl^RALE DE L'AFRiaUE
Situation. — L'Afrique» faisant partie de Tancien continent*
est une vaste peninsulc qui ne tient k TAsie que par Tisthme de
Suez, aujourd'hui perce d'un canal. La plus grande partie de
son lerritoire est comprise entre les deux tropiques, elle appar-
ticnt done h la fois a Themisphere boreal et k Themisph^re
austral. Cependant, grAce k son grand developpement du nord
au sud, elle compte aussi d*importantes regions dans les zones
tcmp6r6es.
Dimensions et contours. — Borneo du c6t^ de TAsie par la
mer Rouge et Tisthme de Suez, du c6te de TEurope par la Medi-
tcrranee, baignee k Test par Tocean Indien, k Touesl par Tocean
Atlantique, TAfrique a pr6s de 50 millions de kilometres carres,
k peu pr6s trois fois la superficie de TEurope. C*est aussi le con-
tinent le plus massif du globe. D'aucun c6t6 les oc6ans n'en-
tamentfortement ses contours ; elle n*a point de mers int^rieures,
sauf Tetroite tranch^e de la mer Rouge, qui appartient autant k
TAsie qu*a TAfrique, et la MMiterran6e qui ne ddcoupe point ses
rivages comme ceux de TEurope.
A peine peut-on dire que des golfes se forment sur ses cAtes :
m31 15)^8
6 AFRIQU8.
les sinuositSs auxquelles on a donn^ ce nom sont peu profondos
en comparaison de la masse des lerres. Au nord, le golfe de la
grande Syrte sur la cdle tripolitaine, celui de Gabes, en
Tunisie, s*ouvrent largemenl vers la haute raer. A Touest, le
golfe de Guinee n*est pas k proprement parler un golfe, et n*en-
ferme point une partie de I'ocean Atlantique.
D autre part, les caps ne sont point des saillies trSs accen-
tuees de la lerre sur I'ocean. Le cap Ban au nord, le cap Vert
h Touest, le cap Lopez, sur la m^me c6te, k la hauteur de TEqua-
teur, le cap de Bonne-Espe'rance au sud, k ['est le cap Guardafui
sont des dentelures peu importantes, comme celles qui forment
les golfes.
Les contours de I'Afrique 6tant peu d6coup6s, on y reraarque
^galement peu de presqu'iles. On cite d'ordiaaire la presqu'lle
des Somalis, au nord-est, mais elle repond tr^s mal k cette
definition.
Les iles aussi sont rares sur les cdtes d'Afrique, en comparai-
son de celles de I'Europe par exemple. Le golfe de Guinee en
compte tres peu : des ilots comme Saint-Helene et V Ascension,
que leur 61oignement permet k peine de considerer comme des
d^pendances de I'Afrique, plus un autre petit groupe volcanique
assez voisin de la c6te, Annobon, Fernando Po, etc. I.ac6te liord-
ouest est plus riche, avec les archipels de Madere, des Canaries
et du Cap'Vert. Mais il ne faut pas oublier que ces iles, s6par6es
de I'Afrique par des profondeurs de 1 000 metres et plus, sont
des Yolcans isol^s au milieu de la mer et non des prolongements
du continent africain. A Test, Madagascar, les Mascareignes, les
Seychelles meritent tout aussi peu le nom d'iles africaines. Ce
sont peut-etre les restes d'un continent disparu; en tout cas,
Madagascar, avec sa faune et sa flore particulieres, est un monde
k part, que le rapide courant de Mozambique isole plus encore
que la distance. Les Comores sont des volcans qui ont surgi au
milieu du courant de Mozambique. Les seules lies vraiment
africaines par le sol et la position sont les petites Iles de Mafia,
Zanzibar et Pemba, la longue Socotra qui prolonge le cap
Guardafui, et les petits archipels de la mer Rouge. Dans la M^di-
terran^e, les grandes iles sont toutes europ^ennes. Djerba seule,
au fond de la petite Syrte, meritc d'etre citee. Que sont du reste,
k c6t^ des archipels europ^ens, ces quelques iles minuscules ou
perdues dans les mers? Le grand corps de I'Afrique n'en reste
/•
DESCRIPTION r.t^NfiRALE. 7
pas moins une masse compacte, qui nc se laisse point penetrer.
Relief. — U n*est pas temps encore de tracer une esquisse
definitive du relief de l*Afrique. Pourtant on peutdire — malgre
de r^centes et int^ressantes d^couvertes — qu'il est peu vari6
et monotone comme ses contours. Au lieu de ce melange de
toutes les formes de relief qu'on voit en Europe, melange de mon-
tagnes, de plateaux et de plaines, nous trouvons en Afriquo une
forme predominante, celle de plateau. L'Afrique n'a point d'im-
menses massifs demontagnes comme THimalaya, point de grands
pays uniform^ment^lev^s comme le Tibet, et pourtant lel^vation
moyenne de ses terres est sup^rieure k celle de I'ensemble de
TAsie : r^partie sur toute la surface elle donne encore une
altitude de 580 k 660 metres pour I'ensemble du continent.
C'est dire combien le plateau d'altitude moyenne occupe de
place en Afrique.
II n'est pas encore possible de d^brouiller le syst^me des dif-
fi^rents plissements africains, mais on connait le relief dans ses
grandes lignes.
1® Toute une moiti^ de TAfrique, au sud de la ligne oblique
qui va du Congo au Nil, n*est guere qu'un immense plateau dont
les reberds sont formes par des chaines de mdntagnes; les
plaines n'y occupent qu'une mince lisi^re entre leur talus exte-
rieur et Toc^an. Le rebord oriental du plateau, sans 6tre une
Cordill6re, m^ritc d'etre regards comme la principale ligne de
soul^yement de TAfrique, car cette ligne se prolonge presque
sans interruption de la mer Rouge a Textr^mit^ m6ridionale, et
comprend k la fois les soramets les plus hauts du continent, le
Kilimandjaro, etc., et le massif le plus puissant, les monts
d'Abyssinie,
Du c6t6 de TAtlantique, la bordure est moins marquee. Entre
le fleuve Orange et le Coun^ne on trouve plut6t des terrasses que
des chaines, et il y a des solutions de continuity. Pourtant \k
encore on rencontre, en venant de la c6te, la saillie de massifs
cohfus de montagnes, saillie qu'on retrouve en montant du
bassin du Congo vers la region des grands lacs, ou le plateau
sud aft-icain, rMuit k 900 kilometres de largeur, finit en pointe
vers I'Abyssinie. A I'int^rieur de tout ce grand triangle, le pla-
teau parait presque continu et forme probablement une masse
de 1 000 i 1 100 metres de hauteur.
2« Le Congo el le Nil, dont les affluents ne sont s^par^s au
8 iFRlQUE,
nord-ouest des grands lacs que par une ligne de falte ind^cise,
forment une longue depression relative au travers de TAfrique.
3° Au nord de celte ligne, les plateaux recomraencent, seule-
.ment ils ne forment plus une seule masse et sont de moiudre
hauteur. C'est d*une part, entre le Nil et la cuvette du Tchad, le
groupe de plateaux du Kordofan, du Dar-Fertit, du Dar^For et du
Ouadai, Lk commence la longue ligne de soul^vement qui, tra-
versant en biais I'Afrique du Nord, a form6 les massifs du Sahara
central, Tibesti et Ahaggar, Ce sont d'autre part les pays ^lev^s
qui s'elendent entre Congo, Tchad et Niger (Adamaoua, Kame-
roun, etc.). A Touest enfin, entre la c6te et le Niger, s'^l^ve le
groupe de plateaux dont le Fouta-Djalon parait 6tre le noeud,
ot qui s*etend parall^le k la c6te jusque dans le Sahara au nord,
sous les noms de Taganet et d*Adrm\
4* Enfin, au nord des regions relativement basses du Sahara
septentrional (elles ont encore en moyenne environ 400 metres
de hauteur), nous trouvons un autre soul^veroont, compl6tement
ind^pendant celui-1^, car il continue le systeme des raontagnes
d'Europe, et dirig6 d'ouest en est. II a fait surgir au nord
de I'Afrique une nouvelle serie de hautes terres : les pays de
f Atlas y les djebel tripoli tains, et le Barka, Les pays de TAllas
ne sont qu'une d^pendance des plateaux de la p6ninsule espa-
gnole, et on les a appeles avec raison VAfrique Mineure,
Ainsi, en resume, le relief de I'Afrique est rudimentaire comme
ses contours. EUe n*a ni ossature, comme TEurope, ni plateau
central, comme I'Asie ; la forme la moins achev^e du relief, le
plateau, est presque partout predominante.
Climat. — Le climat de I'Afrique se ressent k la fois de sa
position astronomique sur le globe et de Timperfection de ses
formes. L'Afrique, comme Sumatra, comme Borneo, est^cheval
sur r^quateur, mais elle d^passe les tropiques au nord et au sud
et atteint le trente-septi^me parallele au nord, le trente-quatri^me
au sud. Par sa position astronomique, elle ne ferait done partie
que de deux zones : 1® Au centre, celle des pluies tropicales, qui
tombent en general quand le soleil est au zenith ; 2<» au nord et
au sud, la zone subtropicale des aliz^s et des pluies d'hiver.
Mais la difference de temperature entre la mer et Tint^rieur du
continent et les vents locaux qui en resultent, Tinfluence des
bordures montagneuses sur la repartition des pluies, la presence
de courants marins froids ou chauds sur les cotes, tout cela a
^'
DESCRIPTION GtMfeRALE. 9
modifi^ la simplicity de ce climat theorique. En r^alit^ il y a en
Afriquc plusieurs grandes regions climat^riqucs dilTerentes :
1** VAfnque equatoriaky ou les pluies tombenl loule Fannie ;
2** Au nord et au sud de I'Afrique ^qUatoriale, les deux
regions presque identiques du Soudan et du Zambizey contr^cs
de moussons oti Thiver est plus 6u moins sec ;
3^ line double zone de deserts ou steppes subtropicaux,
Sahara au nord, Kalahari au sud, au climat extreme, ou ne
tombe aucune pluie r^guli^re ;
4* Les deux zones temp6r6es de pluies subtropicales d'hiver,
mediterraneenne an nordf region du Cap au sud. Mais ce ne sont
1^ encore que des divisions toutes g^n^rales; partout les condi-
tions locales de relief, etc., modifient le climat.
Eaux. — Le regime des eaux d'un pays ^tant d'une fa^on
g^nerale la r^sultante du climat et du relief, on retrouve en lui
Foriginalit^ du climat africain. L*absence de grands fleuves
navigables depuis leur embouchure, Yoil^ ce qui distingue
TAfrique des autres continents. Les fleuves sont coiurts dans
TAfrique mineure, sur la c6te orientale et celle du Cap, k cause
du peu d'etendue des versants; ils manquent tout k fail dans le
Sahara et les steppes australes, par suite de I'irr^gularit^ des
pluies.
Quant aux ^normes masses d'eau qui tombent chaque annee
sur TAfrique centrale, ou bien elles s'amassent h Tint^rieur des
plateaux en d'immenses bassins ferm^s et marecages k pente
indecise, tels que le Tchad, les marais du Nily le Dilolo enlre
Congo et Zamb^ze, ou bien elles s*6coulent en arlores puissantcs
corame le Congo^ le Nil, le Niger : mais ces fleuves mSmes sont
forces de traverser un cadre de montagnes pour descendre k la
c6te et sont coupes de chutes et de rapides. Le Nil commence
par une cascade, les chutes de Ripon, compte de nombreux
rapides jusqu*a Gondokoro, et a encore six stages ou cataractes
h descendre entre Khartoum et Assouan avant de couler tran-
quillement vers la mer. Le Niger, coupe de chutes de Sotuba
k Koulikoro, en aval de Bammakou, descend de nouveau une
s6rie de rapides vers Texlremit^ du grand coude qu'il fait au
nord, et est interrompu encore une fois au dernier tiers de sa
course, par des chutes infranchissables k Boussa. Le Zambeze,
le Iroisi^me fleuve de TAfrique par la masse des eaux, compte
encore plus de cataractes, et entre autres les plus grandioses de
10 AFBIQUE.
TAfriquc, les fameuses chutes Victoria. Le Limpopo, le fleuve
Orange n'en sont pas plus exempts. Le Congo lui-meme, ce
grand fleuve qui roule probablement autant d*eau que tous les
autres fleuves africains ensemble, termine son cours sup^rieur
.par les sept calaractes de Stanley-falls, et n'echappe au cadi*e
des terrasses c6ti6res que par les 32 chutes Yellala ou de
Livingstone.
Seuls, quelques cours d'eau secondaires, comme le Chire,
affluent du Bas-Zamb^ze, le Kouilou au nord du Congo, et sur-
tout le Benoue, affluent du Niger, permettent de pen6trer sans
grande difficulte dans I'interieur et acquiferent par l^ une impor-
tance exceptionnelle ; mais, dans leur ensemble, les fleuves afri-
cains, coupes k la fois dans leur cours superieur et moyen, sont
dans toute la force du terme des fleuves de plateau.
Ainsi, des fleuves divis6s en stages successifs, des bassins
fermes — d'apres Chavanne, les bassins sans ecoulement cou-
vriraicnt en Afrique pr6s de 7 millions et demi de kilometres
carr6s et Ton en d6couvre chaque annee de nouveaux ; — une
autre grande partie de TAfrique sans eau permanente aucune,
tel est dans ses traits principaux le regime des eaux qui resulte
du relief et du climat de TAfrique. 11 contribue lui aussi k en
defendre I'acces.
Flore et faune. -^ La distribution actuelle des plantes et des
aniniaux k la surface du continent africain se fait surtout sui-
vant le climat, en raison de I'abondance des pluies, de la seche-
resse de Tair, de la chaleur ou du froid que les saisons y appor-
tent. Etant donnes les climats si difl'erents qu'on trouve en
Afrique, il serait done difficile de parler d'une flore et d*une
faune africaines : il y en a en realite plusieurs, absoluraent dif-
ferentes, car elles s'excluent generalement Tune Tautre, et dont
les limites, surtout pour la flore, coincident avec celle des diffe-
rents climats.
!•» Mettons k part la flore et la faune de TAfrique mineure,
qui est essentiellement mediterraneenne, Sur le versant nord du
plateau de Barka comme dans le Tell tunisien, comme sur les
pentes de TAtlas, on retrouve les arbres caract6ristiques de
I'ltalie et de TEspagne, les broussailles du maquis corse, les
plantes odorantes des collines pierreuses de Provence. Malgr^
I'acclimatation de quelques plantes tropicales rendue possible
par la chaleur, et la presence de quelques animaux nettement
DEScnipnoN gAhKbalb. h
africains, la (lore et la faune de ces pays ruppellent beaucoup
Forfi t^uedts-uils HWlIf
aBacjtKAtrftt^i^iatJt3iaatr. t^^^
^orr AXttai'/brair-^ieBiiet irBpiealar.- ^^^
Ficn£i Cip.ariiattriatf^Kiivvrtr. mrrm
jtnt tupsin* ^ arSrt. \^^
F/ort dttJfauU Jvmmetr HI
f\e. I. — tones de T^gc^tatum de I'Atrique Id'api-^s Ber);bau5).
mnins le rcsle de I'Afrique que celles des pays baign^s par la
2° La flore et la faune saliarieDoes peuvent 6tre caract^s^s
12 AFRIQUE.
d'un mot : elles sont desertiques, A ce milieu special du d6scrt
il faut des plantes et des animaux specialement organises pour
resister aux grands (hearts de chaleur et de froid, a I'evaporation
qui devient si active dans Tair desseche, h la privation d eau
pendant de longues journees. Les mSmes conditions d'existence
amenent dans les deserts la presence des m^mes ^tres organises :
aussi beaucoup d'esp6cesdu Sahara se retrouvent-elles eh Arabie,
dans I'int^rieur de la Perse, et m^me dans TAsie ccntrale, et la
(lore de cette parliede TAfrique n'est en somme, malgre quelques
variantes, qu'une portion de la grande flore des deserts.
3" Bien plus africaines, c'est-S-dire plus originales, sont la
flore et la faune du Soudan, Elles sont toutefois moins riches en
esp6ces que Tlnde par exemple; le climat alternativement sec et
humide en elimine bien des plantes tropicales — cocotier,
palmier k huile, etc, -_ — et s*accuse dans le nord par la presence
d'arbres epineux, acacias et autres, et par le d^veloppement
enorme des gramin^es : les steppes herbeuses occupent tout le
nord du Soudan.
4* UAfrique e'quatoriale, pluvieuse pendant presque toute
I'annee, est naturellement encore plus riche, tant en esp^ces
qu'en individus. Dans les districts du Diour par exemple, entre
Nil et Congo, le naturaliste Schweinfurth a recueilli en cinq
mois environ 700 especes phanerogames, plus qu on n*en pour-
rait trouver dans n'importe quel district de I'Europe. L'humidite
perpetuelle jointe k la chaleur a donn^ naissance en bien des
points a cette forme parliculiere de vegetation qu*on nomme
foret vierge, fouillis d'arbres et de lianes dont les racines plon-
gent dans un perp^tuel marecage et au milieu duquel les terres
cultivees ne sont que des clairi^res. La for^t vierge commence
par places au sud du Bornou et du Haoussa, et celle que Stanley
a decouverte sur FArouwimi, affluent du Congo, est evaluee
par lui k 688000 kilometres carres, c'est-a-dire une super-
ficie superieure a celle de la France, de la Belgique, de la
Hollande et du Luxembourg r^unis. La foret 6quatoriale est la
vraie patrie du palmier k huile, du cocotier, de I'arbre k beurre,
du bambou, de la liane de caoutchouc et de tant d'autres plantes
utiles de I'Afrique centrale.
Grdce au courant ti^de de Mozambique qui longe la cdte
sud-est de TAfrique, la flore tropicale de TAfrique 6tend son
domaine le long de la mer jusque vers Natal. Elle cesse bien
DESCRIPTION GtlN^RALE. 13
plus au nord sur les rivages de FAdantique, par suite du .cou- *
rant froid qui suit la c6te vers le nord et de la s^cheresse crois-
sante de I'air.
5<> Au sud-ouest du continent, la flore des steppes int^rieures
du Ngami et du Kalahari, ainsi que de la cdte aride du Damara-^
land, ressemble k cellc des steppes et des deserts de FAfrique du
nord : meme developpement de graminees, memes arbustes
epineux. Seul, le dattier manque pour completer le paysage. 11
est remplac^ par quelques espfeces curieuses, speciales h celte
region.
6<» A Textr^mite sud de TAfrique, la flore du Caj» occupe \m
domaine restreint, mais d'une incroyable richesse, grdce k la
diversity de son relief. Les differentes zone^ temp6rees etag^es
sur les raontagnes contiennent chacune plus d'esp^ces que maint
riche district de TEurope.
Du Soudan au sud de TAfrique il n'y a pas de zones de faunes
differentes. Les animaux ayant des facultos de migration beau-
coup plus d^veloppees que les plantes, et pouvant, par le choix
de leurs refuges, subsister un certain temps dans des regions ou
ils periraient k la longue, ne sont pas limites rigoureusement
par le climat comme les plantes. Le lion, Thyene, T^l^phanl,
I'hippopotame, la girafe, Tantilope, le crocodile ont pu se
repandre sur tout le continent, du Senegal au cap de Bonne-
Esperance. Le desert seul est pour eux un obstacle infranchis-
sable, mais il ne barre pas I'Afrique au sud comme au nord.
7° Enfln Madagascar est un monde k part. De meme que
d'autres iles dans d'autres oceans (Ceylan, Nouvelle-Z^lande),
elle parait ^tre le reste dun continent disparu, dont elle aurait
garde en partie la flore et la faune originates. Environ quarante
families vegetates, cent especes animates de Madagascar ne se
retrouvent pas sur le continent voisin.
Population. — La distribution des races humaines en
Afrique a varie beaucoup, suivant le caprice des migrations des
peuples, mais s'est toujours plus ou moins conformee au cli-
mat.
1° La moitie de TAfrique septentrionale appartient au domaine
de la race blanche. Les populations originaires de I'Afrique Mi-
aeure, et qu'on est convenu d'appeler Berber es, ressemblent
physiquement aux Espagnols, auxFrangais du Midi, aux Italiens,
aux Grecs et autres peuples de la Mediterranee. La meilleure
14 AFniQUE.
preuve de cette affinite est que ces derniers, transportes de Tautre
cote de la mer , y vivent et s'*, reproduisent aussi bien que dans la
m6re patrie. De mtoe, les ArabeSy dont le pays d'origine oflre
lant d'analogie avec TAfrique du Word, y ont prosp^re depuis le
vii*^ et le XI® si6cle, date de leur grande invasion. On en compte
une cehtaine de raille en %ypte, environ 600000 en Algerie
d'apres Faidherbe, plus d*un million peut-Atre au Maroc. lis
peuplent presque h eux seuls le Barka et certaines oasis du
Sahara, comme le Tafilelt. Enfin on trouve encore leurs tribus
sui les plateaux du Ouadai, du Darfor et du Kordofan.
^*' S'il n'y a que des blancs dans TAfrique Mineure, il n'en est
pas de m^me dans la valine du Nil et dans le desert. A cdte des
Arabes el des Berb^res, on y trouve des populations basan^es
qui ne sont pourtant pas des n^gres. Copies, Berabra, Tebou,
sans compter les negres importes du Sud, qui ne s'acclimatent
pas sur les bords de la Mediterran^e, mais qui peuvent vivre et
sc perp^tuer dans la chaleui bumide des oasis et de la vallee du
Nil. Tous ces elements divers crois6s a I'infini ont donn6 nais-
sance a des types hybrides, maintenant plus norabreux que les
gensde race pure. Ainsi on appelle Maures les m^tis de Berberes,.
d'Arabes et de Negres; ils dorainent dans le Sahara occidental.
La population du Fezzdn se compose d'aulres sang-meles (me-
lange de Berberes, d'Arabes, de Tebou et de Negres) ; enfin peu
d'habitants de la vallee du Nil ont encore le pur type arabe ou
^gyptien.
S** L'Afrique tropicale, du Soudan au Zambeze, est le domaine
inconteste de la race negre. Mais cette race n'est pas la seule,
comme on I'a cru longtemps. Des peuples basanes, qui n*ont ni
les cheveux, ni le type du n^gre, qui d'apres certains savants
(Hartmann, Schweinfurth, etc.) ont plutdt de Tanalogie avec les
Egyptiens et les Berberes eux-m^mes, Abyssins, MomboiittoUj
Bedja, etc., occupent de vastes espaces dans Test; un autre
peuple, peut-elre de la m^me famille, la race mysterieuse au
teint bronze des Peulhj Foutbe ou Foulldn, partage tout le Sou-
dan du Tchad a I'Atlantique avec les negres qu'elle domine. 11
faut ajouter maintenant k cette enumeration cette autre race mys-
terieuse des PygmeeSy rencontres deja par Schweinfurth et autres
sur rOuell6 et TOgooue, et dont Stanley semble avoir trouve la
vraie patrie dans la grande foret du Congo.
Les Arabes se rencontrent encore dans TAfrique tropicale;
DESCRIPTION G^N^RALE. IS
mais ils iie font qu*y passer en chefs de guerre et en marchands;
le cHmat chaud et humide les eprouve fortement. Les seules tri-
bus arabes qui soient v^ritablement k demeure dans le Soudan
sont fortement crois6es de sang noir.
VEuropeen supporte le cliraat plus difficilement encore.
Pas plus que Tlnde ou les lies de la Sonde, le Soudan, la Guin^e,
le Congo, la c6te de Test ne seront jamais peuples de blancs,
Seule Taltitude, qui modifie la temperature et fait retrouversous
TEquateur les conditions des climats temperes, a menage ga et
la quelques refuges ou les blancs pourront s'etablir. De ce nom-
bre sont TAbyssinie, le Fouta-Djalon ; et peut-^tre TAdamaoua.
Le plateau des grands lacs, avec ses hautes montagnes, est
des maintenant utilise en partie comme sanatorium. Mais les
regions elevees au-dessus de la moyenne sont rares, et la majeure
partie de TAfrique tropicale restera le domaine inconteste des
noirs.
4° L'Afrique australe, comme TAfrique du Nord, a ses races k
part. A c6te des Cafres, qui appartiennent k la grande famille
des n^gres bantou, et qui peuplent les contrees sud-orienfales,
on trouve dans le sud-ouest les IJottentots (Namaqua) et les
Bushmen, race d'hommes petits et ch^tifs. Mais surtout TAfrique
australe est accessible aux races europe'ennes. Des populations
hoUandaises, frangaises, anglaises se sont successivement fixees
et multipliees au Cap, et ont essaime a Tinterieur. L altitude des
plateaux de I'Orange et du Transvaal (1 000 k 1 400 metres) a
permis aux colons de race franco-hollandaise d'y fonder des
etats europeens.
5^ Les iles africaines, generalement elevees et assainies par
les brises de mer, sont plus habitables que le continent. Les
Portugais ont pris pied k Mad^re, les Espagnols aux Canaries,
les Frangais et les Anglais aux Mascareignes et aux Seychelles.
Madagascar est encore presque exclusivement peuplee d'Afri-
cains {Sakalaves, etc.) et de tiovasy peuple d'origine malaise;
mais Televation du plateau interieur la predestine a la colonisa-
tion europeenne.
Ressources naturelles de TAfrique. — La terre d*Afrique
n'ayant pas encore 6te exploree completement, meme k sa sur-
face, on ne saurait dire exactement jusqu'ici quels mineraux elle
renferme en plus grande abondance. ha houille, cet aliment in-
dispensable de rindustrie, est exploit^e dans le Transvaal au
r
t6 AFRIQUE.
nord-est de la colonie anglaise du Cap. Des mines de fer exis-
tent dans un grand nombre de regions africaines, et en particu-
lier dans notre colonie de TAlgerie. Le plomh est aussi une des
1 ichesses de la region du Maghreb. Mais ce sont surlout les m^-
taux precieux qui ont jusqu'ici attire en Afrique les colons et les
coraraer^ants europeens ; la c6te de Guinee, celle de Mozambique
sont des lieux ou des indigenes apportent de I'iut^rieur la
poudre d'or. On a decouvert en Transvaal et dans lesmontagnes
de Test un grand nombre de gisements d'or. Les paillettes du
tni^me metal sont roulees par un grand nombre de fleuves.
Enfm, ce sont les grands gisements de diamants qui ont valu k
la colonie anglaise duCap un si prompt developpement. ^
La vegetation afrieaine offre ^galcment beaucoup de ressour-
ces. Au nord, dans la region medilerraneenne, les plantes les
plus varices des contrees chaudes de I'Europe peuvent prosp^-
rer. Le Maroc, TAlgerie et la Tunisie cultivent avec succes les
Grangers, les oliviers, les cilronniers et enfm la vigne que les
Fran^ais introduisent de plus en plus sur le sol algerien. La val-
lee dalluvion du Nil est une des plus fertiles du monde.
La zone tropicale, si 6tendue en Afrique, possMe comrae
plantes alimentaires le dattier, le bananier et le palmier; mais
les Europeens recherchent de preference les produits vegetaux
necessaires h leur industrie, ceux qui donnent le caoutchouc, la
gomme, Yhuile d'arachides,
Dans la zone temperee du Sud, dans la colonie anglaise du
Cap en particulier, I'agriculture est, comme sur les bords africains
de la Mediterranee, la principale richesse. Les c^reales, la vigne,
I'elevage des troupeaux y ont attire nombre de colons et don-
nent lieu a un trafic considerable.
Sur la c6te est de la region tropicale d'Afrique baignee par
I'ocean Indien, et dans Tile Bourbon, la culture de la canne a
Sucre et du cafe est la ressource principale du commerce.
Les animaux utiles sont egalement nombreux en Afrique. Le
cheval, I'ane, le moulon, la chevre sont des sources de richesse
pour TAfrique Mineure. Le dromadaire transporte I'homme et
les marcliandises k travers le desert. Dans I'Afrique equatoriale,
I'elepliant, le rhinoceros, Thippopotame fournissent I'i voire.
Enfin, dans la zone temperee du sud, la colonie du Cap eleve
avec un 6gal succes chevaux, boeufs, moutons, ch^vres et au-
truches.
DESCRTPTIpN G£n£RALE. 17
Commerce et formation des £tat8. — Si massif que soil
le continent africain, il n*est pas rest^ en dehors du commerce.
Le cours du Nil a ^t^ suivi par les marchands de I'antiquite et
Tancienne £gypte a connu en partie TAfrique ^quatoriale. Au
moyen kge les caravanes arabes ^tablirent des communications
r^guli^res entre le Maghreb et le Soudan ; de longs convois de
chameaux amenaient alors les produits du centre de TAfrique k
travers le desert. Au xv et au xvi« siecle, les Portugais, k la re-
cherche de Tor, remontaient la Gamble et le Zambeze, Toutefois
on pent dire que jusqu*en ces demi^res ann^es le commerce
€urop^n est rest^ sur les cdtes. Les grandes explorations mo-
dernes lui ont ouvert des routes k Finterieur.
L'antique voie du Nil s'est momentan^ment ferm^e par suite du
reveil du fanatisme musulman et de la fondation d*un ^tat theo-
cratique sur ses bords; mais le Niger, le Congo, le Zambeze Tout
remplac^. Une compagnie anglaise qui exerce des droits souve-
rains, remonte le Bcu-Niger et la Benoui jusque dans TAdamaoua.
L'Etat libre du Congoy puissance neutre fondle par le roi Leo-
pold de Belgique k la place de Tancienne Association internatio-
nale africaine, et reconnue par la conference de Berlin, a convert
le Congo moyen et ses affluents d*une flottille de yapeurs d-assez
fort tonnagfe. Les embarcations anglaises et portugaises remon-
tent le has Zambeze et son affluent le Ghiri\ les canonni^res fran-
raises sillonnent le bas Senegal, le has Ogooue et le moyen
Niger.
Des routes de terre viennent enfin supplier k ced routes flu-
Tiales insuffisantes. La France s'est fray^ une route militaire et
commerciale — d^ji transform^e en chemin de fer de Bakel k
Bafoulabe — entre le bas Senegal et la portion navigable du
moyen Niger, en attendant qu*elle atteigne le Soudan par un
chemin de fer venant du nord k travers le grand desert. L'ltalie
s'ouvre TAbyssinie et essaye de detourner le commerce du Sou-
dan oriental vers Massaouah, L'AUemagne et TAngleterre, ^ta-
blies sur la c6te orientale, utilisent d^j^ les routes de caravanes
qui m^nent aux grands lacs et ^tudient des traces de chemins de
fer. Dans trois ans, un chemin de fer allant de Matadi au Stan*
ley-pod tournera les rapides du Congo inf^rieur et reliera Tes-
tuaire au cours moyen. Dans TAfrique australe, les voies ferrees
partant du Cap et de Port'Elisabeth s*avancent d^]k jusqu'au del4
de Kimberley, au nord du fleuve Orange, tandis que le clieinin
AfOa. GL. 3*. %
r^
18 AFRIQUE.
de fer en construction de la baie Delagoa franchit les montagnes
du Transvaal.
Ainsi de tons cdt^s les Europeens p^n6trent dans la grancte
citadelle africaine. lis sent deja maitres de toutes les c6tes, main-
tenant h proximite de TEurope, depuis qu*un Frangais, H. de
Lesseps, en per^ant Tisthme de Suez^ a permis aux navires d'at*
leindre la c6te orientale d'Afrique sans doubler le cap de Bonne-
Esp^rance. En ce moment ils sont en train de se rendre maitres
de^l'inlerieur et de faire de TAfrique, qu'ils se partagent, une de-
pendance commerciale de TEurope.
Mais le relief et le climat, qui donnent aux regions africaines
des aspects si divers, leur ont m^nag^ un avenir ^galement dif-
ferent. Au nord et au sud, ce seront des colonies de peuplementr
des pays ou se deversera le trop-plein de la population euro-
p^enne. L'oeuvre est dejk commenc^e en Algerie et au Cap ; la
Cyrenaique et le Maroc, encore au pouvoir des indigenes et des
races orientales, sont destines k subir le m^me sort. Toute
TAfrique intermediaire, du Sahara au Zambeze, ne pent former
au contraire — h part quelques pays tres elev6s — que des co-
lonies d' exploitation et de commerce. Ce seront les Indes africai-
nes : les Europeens pourront s'en rendre maitres, mettre en va-
leur leurs richesses, assurer les communications p^r un reseau
de postes militaires et de comptoirs de commerce, mais ils ne
8*y fixeront jamais en grand nombre. Ces pays resteront -^ de
par le climat — le domaine des races indigenes qui les habi-
tent.
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Publications periodiques : LAfrique explor^e et civUisie. Geneve.
Almanack de Gatha (statistique).
Bulletin de la Sociiti de Gdographie.
Proceedings of the R. Geogr. Society. London.
Zeitschrift der Gesellschaft fur Erdkunde in Berlin.
Mittheilungen de Peiermann.
Statistiques coloniales (Minist^re du commerce).
Scott Keltic : The Statesman's Year-book Londres (Statistique).
Vie politique d V stranger (sous la direction de M. Ernest Lavisse).
Bevue de geographies etp. etc.
CHAPITRE n
L'AFRiaUE MINEURE
La M^diterranee n*a pas seulement groupe autour d'elle les
peuples antiques dans une merae civilisation, elle a reuni dans
une m6me parents physique les pays qui la bordent. Malgre la
distance, malgre la variete infinie de leur relief, tous les pays
tournes vers elle, qu*ils soient en Europe, en Asie ou en Afrique,
se ressemblent par certains traits communs. L'hiver tr6s doux
rabsence de fortes gel6es, I'et^ chaud, le ciel bleu, la lumi^re
intense, ram^nent tous leurs climats divers k un seul type: le
climat qu*on appelle k juste titre cliraat mediterraneen.
On a dit que les pays du nord de TAfrique apparliennent plus
20 AFRIQUE.
k TEurope qu'& TAfrique ; il serait encore plus exact de dire qu*il
y a une Afrique mediterraneenne : ce sont les pays que la Medi-
terran^e vivifie, les pays de TAtlas, la cdte tripolitaine et la Cyr^
naique, regions qu'on appelle souvent aussi V Afrique Mineure^
par opposition k la grande Afrique.
L'Afrique Mineure se compose de plusieurs contr^es assez
difT^rentes entre lesqueiles Tanalogie du climat m^diterraneen
etablit seule un lien. II faut done distinguer: 1^ les pays de
TAtlas; 2*" la Tripolitaine et la Cyr^nalque. On y pourrait joindre
la Basse-Egypte, si ce pays ne se rattachait par le Nil k la zone
tropicale.
PREMIERE SECTION
MVS DC L'ATLAS OU MAQHRCB
Uniti da relief. — Le Maroc, TAlgSrie et la Tunisie ne
ferment qu'une seule conlree par le relief. Ce pays, que les
Arabesont appel^ du nom caraCteristiquedeI);estreft-e/-Jllfa^Ar6&,
lie du couchant, parce qu'il forme comme un petit continent
isol6 dans le grand, m^rite encore plus le nom de pays de
VAtlaSy car c'est TAtlas qui en fait Tunit^.
Le grand plissement de FAtlas, long d'environ 2 300 kilometres
de longueur, et dont la direction est assez bien indiqu^e par
une ligne qui irait de TEtna k Tile de Ten^riiTe, occupe tout le
grand quadrilat^re limits au nord par la H^diterran^e, k Test
par le golfe de Gabes, k Fouest par I'Atlantique et au sud par le
Sahara. II est mSme nettement limits de ce cdte par une suite
de failles qui en longent la base: ce sont les valines de Toued
Drda, de I'oued Djedi et la ligne des Chotts jusqu*au golfe de
Gab^s.
L'Atlas n*est pas du reste une chaine unique qui couvre le
pays de ses contreforts. Des plissements secondaires Tont divise
dans certaines parties en massifs distincts, tandis qu'ailleurs il
ne forme qu'une seule masse de plateaux. On pent distinguer
dans TAtlas trois regions principales, qui coincident plus ou
moins avec les divisions politiques: 1<> TAtlas marocain, compost
de chaines parall^les, form^es des mdmes roches et orient^es k
peu pr^s de m^me que les sierras espagnoles de I'autre cdte du
detroit: 3<^ TAtlas de la Moulouia k la fronti^re tunisienne, carac*
L'AFRIQUE MINEURE. 31
tdrisc par Tapparition de hauts plateaux encadr^s de montagnes;
3^ I'Atlas tunisien, ou les plateaux se d^sarticulent de nouveau
i^n chalnes.
g 1. Atlas MxnocAiN.
L*Atlas marocain a una chaine maltresse, nomm^e quelque-
fois grand Atlas, qui s*6tend sur 600 kilometres du cap
Guir (Iguir Oufrahi) jusqu*au djebel Aiachi^ vers les sources
de la Moulouia. G*est une puissante ar^te de gr^s, de porphyres
et de granit, qui s'6l6ve graduellement de 2000 h 5 000 et m^me
3 500 metres vers Test, formant ainsi un rempart k peine den-
tele par des pics d'environ 4 000 metres {Djebel Tiza^ environ
5400 metres, chnes au sud-est de Maroc: environ 4 050 metres),
linsi, quoique les sommets n^atteignent pas la hauteur de ceux
de nos Alpes, FAtlas, sur une longueur de 160 kilometres, est
plus haut que n'importe laquelle de nos chalnes alpines et
' forme un mur comme les Pyrenees.
Ses cols, mal connus dans Test, sont k des hauteurs conside-
rables; les caravanes, dit M. de Foucauld, n'en pratiquent aucun
entre le djebel Aiachi et le Tizi-n-Glaouif ou col des Glaoui,
lui-meme obstru6 en hiver par les neiges. Le col de Tagherout^
qui m^ne de Maroc dans la vall6e de Foued Sous, s'ouvre,
d apres Hooker et Ball, k 3 500 metres de hauteur. A Touest,
les cols s*abaissent: les Bibaotidn ou « Portes d, col franchi en
dernier lieu par Lenz, ne sont qu'^ environ 1 200 metres, entre
Maroc et Taroudant.
Le djebel Aiachi est une sorte d'immense Saint-Gothard (plus
de 4000 metres de hauteur), d'ou se detachent des chaines
divergentes qui en font le noeud orographique du Maroc; de Ik
partent en elTet les valines de YOum-er^Rbia vers Touest, d'un
affluent du Sebou vers le nord, de la Moulouia vers le nord-est,
et de Toued Ziz vers le sud. Ces avant-monts encore peu connus
paraissent Aleves; Rohlfs a traverse le djebel Tamarakouit au
sud de Fez par un col de 2080 metres. Le djebel iian, entre le
Sebou et FOum-er-Rbia, est un pays alpestre aux cimes souvent
couvertes de neiges.
La grande chaine de FAtlas est accompagnee au sud par
plusieurs rides paralleles qui viennent se souder dans Fest k
Farete principale. Celle qu'on designe communement sous le
22 AFRIQUE.
nom d'Anti^AtlaSf au sud de la valine longitudinale du Sous, est
estim^e diversement de 1 500 h 3000 metres; vers son point dc
rencontre avec le grand Atlas, elle forme un massif puissant, le
djebel Siroua, convert de neiges ^ternelles, et peut-fitre la plus
haute cime de TAtlas. Une autre chaine, le djebel ZagheroUf
continue au del^ du Ih*da la ride de TAnti-Atlas. Au sud, une
troisi^me chaine parall^le court de la mer au DrAa comme un
mur r^gulier de 600 kilometres de long, de 2 & 500 metres de
hauteur, coup^ seulement par d'etroites cluses que se sont
creus^es les torrents qui descendent au Drda : c'est la chaine du
Baniy exploree par M. de Foucauld, et derni^re ride du grand
plissement de TAtlas.
Au nord du Maroc s'^l^vent des avant-monts dont la direction
n'est pas celle du grand Atlas ; ils paraissent orient^s en demi-
cercle le long de la c6te entre Ceuta et le cap Tres Forcas; c'est
la region du Rif (rivage), encore tr6s mal connue. Les monts des
Beni'Hassan, k. Touest de Tetuan, ont encore plus de 2 000 metres
de hauteur.
g 2. Atlas algerien.
De la Moulouia k la fronti^re tunisienne, FAtlas ofTre un
aspect tout different. C'est un socle de hauts plateaux encadres
par jdeux zones de montagnes qui en sont les rebords vers la
mer et le desert. Dans cette partie du syst^me, les pays de
I'Atlas setrouvent doncdivis^s en trois bandes parall^les: 1® le
Tell, ou region des montagnes du littoral; 2® les hauts plateaux
au centre ; 3^ les montagnes du cdte du Sahara.
Montagnes du Tell. La zone des montagnes littorales a 80 ki-
lometres de large en moyenne. Elle commence k Touest par les
monts de Tlemcen (de 1 200 ^ 1 800 m.), entre la Tafna et
risser, dont les chaines sont g^neralement escarp^es au nord.
Le long de la c6te court la chaine des Traras (Djebel Filhaoucen,
H57 m. au-dessus de Nemours).
Le massif de Mascara ou des Beni-Chougran s*etend en trois
rides paralleles du sud-ouest au nord-est, entre le Sig et la Mina,
separant la plaine littorale du Sig de celle d*Egris, situ6e au sud.
Au deli, les monts de Daya (1 300 k 1 400 )n.) et les monts de
Saida (Djebel Nesmote 1 204 m.) continuent a peu pr^s Torienta*
L'AFRIQUB MINEURE. 23
tion des monts de Tlemcen et sont au sud les premieres rides
du Tell.
A Test de la Mina^ les montagnes forment deux massifs
distincts, separ^s par la valine du Ghelif qui coule parall^le k la
c6te: i* au sud, VOuarsenis, vaste forteresse de montagnes
couples par des gorges praticables, comme celle de Teniet-el-
Haad, et qui occupe tout le rectangle entre la Mina, le Nahr-
Ouassel, le Haut et le Bas Gb^lif. Les cimes varient de 1 500 k
2000 mMres (Ouarsenis 1985 m., Achaoun 1804 m., etc.);
3" eatre le Ch61if et la mer, le Dahra, suite de crates paralleles
qui s'etagent du nord au sud, et dont les plus hautes cimes sont
k Test, au-dessus de la plaine de la Metidja (Djebel Zaccar,
1 580 m.).
Sous le m^ridien d' Alger, on peut de nouveau distinguer trois
stages dans les montagnes du Tell: I*' le long de la c6te, un
bourrelet de coliines de 200 k 300 metres seulement, le Sahel
de Kolea^ dont les hauteurs se prolongent jusqu'au-dessus
d' Alger; 2<> au sud de la superbe plaine, autrefois bassin
lacustre, de la fttetidja, les crates boisees portant les noms de
Mouzaia (1604 m.), des BenUSala (1640 m.), de Haouara
(1526 m., etc.) et qu'on r^unit parfois sous la rubrique de
monU de Medeah ; 5® au del^ d*un nouvel 6tage de plaines
(plaines des Beni-Sliman, des Arib), les crates du Kef Lakhdar^
du djebel Dira (1 810 m.) au-dessus d'Aumale et autres, au deli
desquelles commencent les hauts plateaux.
Le systeme se coraplique encore k Test d*Aumale et de Tlsser.
La I'escarpe des plateaux est formee par la chaine des Bibdn,
brisee et ravin^e par les eaux du plateau qui y ont creus6
entre autres les beaux d^fil^s dont toute la chaine porte le nom
(Bibdn, Portes) et par ou passe la grande route des plateaux de
Setif k la valine de I'oued Sahel. Ses sommets principaux sont le
llaraza (1 270 m.), le Guergour, TAnini (1 546 m.) et le Meghris
(1 722 m. au nord de S6tif).
Entre la mer et les vallees de Toued Sahel et de I'lsser s*6tend
le massif montagneux de la Kabylie. On y distingue deux stages :
1*> le massif cdtier de Dellys, isol6 par I'oued Sebaou; 2<* le Djur-
djurtty immense demi-cercle de montagnes sauvages, ravinees k
rinfmi par les affluents du Sebaou, et dont les flancs abrupts se
dressent comme une forteresse au-dessus du foss6 circulaire que
leur font les vallees do I'lsser et de I'oued Sahel. Le mont cul-
S4 ' AFRIQUE.,
minant, le Lalla Khedidja, n*atteint que 2 308 metres de hauteur;
mais partout la cr^te reste 61ev6e et difficile k franchir. Une
seule route la traverse jusqu*ici: celle du col de Tirourda
(1760 m.), entre Fort-National et Beni-Mansour ; les cols de
Chellata (i 500 m.), de Tamella (1 150) ne sont que des chemins
de mulets k peine praticables.
La cr^te principale du Djurdjura se continue au deU de Toued
Sahel par la chaine des Babor dans la petite Kabylie. On com-
prend sous ce nom toute la zone montagneuse et difficile entre
i'oued Sahel et Philippeville. EUe a pour ar^te principale la
chaine puissante des Babor, dont les sommets ont pr^s de
2 000 metres (djebel Takintoucht 1 674 m. , Djebel Adrar 1 994 m. ,
Tababor 1 965 ra., Babor 1 970 m., etc.) et qui se prolonge en
ligne droite par les monts d'el-Kantour jusqu'i la valine du
Safsaf, entre Constantino et Philippeville, tandis qu*au nord ses
contreforts accidentent partout la c6te et ferment en particulier
la grande saillie circulaire du cap Bougaroun, sous le nom de
Sahel de GoUo. La chaine des Babor, rompue par Toued Agrioun
et rOued-el-Kebir, n*en est pas moins une barriere entre Bougie,
Djidjelli et S6tif. Une seule route la traverse: celle du Chabet-el"
Akra (ravin de lamort), de Setif a Bougie, qui utilise les defiles
de Toued Agrioun: pendant 10 kilometres, les rochers a picse
dressent de chaque cdt6 k 1 700 et 1 800 metres, et Tetroitesse
de la gorge est telle, qu'en beaucoup d'endroits le soleil ne se
montre qu*^ midi. i>jidjelli et Collo sont encore isolees par les
montagnes du reste de TAlgerie : elles n*ont que des sentiers de
mulets pour les relier k S^tif et k Gonstantine, et leur grand
chemin est la mer.
A Test de Gonstantine il n'y a plus de chaine proprement dite
dans le Tell. Des croupes comme le djebel Aouara (976 m.), au
nord de Guelma, et les monts des Beni-Sala, k Test de la Sey-
bouse, Yont s'etageant en altitude d^croissante vers les plaines
du lac Fetzara et de Bdne. Tout au bord de la mer, du cap de
Fer au cap de Garde, le volcanisme a cr^^ un massif isol^: la
superbe chaine de TEdough s'^i^ve jusqu*^ 1004 metres au-
dessus de Bdne.
Hauts plateaux. — La zone des hauts plateaux atteint son
plus grand developpement dans Test du Maroc et Touest de
I'Alg^rie (150 k 200 kil. de large). G'est une suite de terrasses
d*altitudes dilT^rentes, que leur etendue fait paraitre unies
L'AFRIQflE UniEURE. 25
corame Toc^an; cependant elles ont une pente, et queiques
cuvettes peu profondes, ou les eaux s'amassent en hiver, les
divisent en une s^rie de bassins ferm^s ou Ckotls. Ce sont, k
Touest, le chott Gharbi et le chott Tigris sur la fronti^re ma-
rocaine, et le chott CherguV, entre Saida et G^ryville : leur
altitude varie de 900 a 1 000 metres. Queiques crkes isol^es,
comme le djebel Antar (1 550 m.) qui domine M^ch^ria, se
montrent de loin, en loin, comme des ^cueils ayant resists au
travail des eaux, qui, k une ^poque g^ologique ant^rieure, ont
tout nivel6 autour d'eux. <( La plaine n*est pas horizontale
cependant; elleest ondul^e comme le fond d*une mer affouill^e
par le mouvement des yagues; elle est d^chir^e par queiques
ravines creusees autrefois par les eaux ; mais Tuniformit^ et la
nudity de la surface sont telles, que Tceil, manquant de point de
repfere, ne pent apprecier ni les creux ni les hauteurs. Une
troupe en marche ou un camperaent doivent se faire 6clairer
h de grandes distances pour se garder des embuscades, aussi
dangereuses et presque aussi faciles k tendre que dans le pays
le plus couvert. L'etranger, qu*aucun indice n'alarme, aussi
loin que porte sa vue, ne se doute pas souvent que dans un
pli de terrain, k moins d*une port^e de fusil, se derobe un
douar de nomades, un djich de pillards, un ennemi quel-
conque' ».
Les plateaux de la province d'Alger sont dej^ moins hauts que
ceux de la province d'Oran ; les fonds, les Zahrez, ne sont plus
quk 870 metres environ. Une longue croupe, escarp^e au nord,
rOukait et les Seba-Rous (1 190 m.), se prolonge sur le milieu
du plateau, suivant Torientation gen^rale de TAtlas, et separe
la cuvette des Zahrez de celle de la Daya'* Dakhla au nord.
Les hauts plateaux de la province de Constantino sont k la fois
beaucoup moins larges et plus accident^s. Apres avoir forme k
Touest les hautes piaines de la Medjana (915 m.) et de SMf
(1 100 m.), ils se subdivisent au sud de Constantino en une
foule de petits bassins (chott el Beiday chott Mrouri, sebkha
Djendeli, Gueraa-el-Tarf), que s^parent des collines de 5 i
400 metres.
1. Gharbi et chergui correspondent enarabe&nos adjectifs occidental et
oriental.
% Lieutenant-colonel Niox, Algirie.
5. Daya signifie mare, sebkha lagune sal^e; chott s'emploie poiu* les
lagunes de grande ^tendue.
26 AFRIQUE.
Des hauteurs plus considerables (monts du Hodna, 1 800-
1 860 m.), djebel Bou-Thaleh, 1515), s^parent les plateaux de
Setif d'une veritable depression de 100 kilometres de long sur
pr^s de 80 de large, qui fait exception au milieu de toutes ces
liautes lerres : c*est le Hodna, ancien lac maintenant vide, situe
a 500 metres d'altitude seulement.
AxLAs SAHARIEN. — Les moutagnes qui ferment le rebord
meridional des hauts plateaux de Touest ont bien Failure de
chaines. EUes se dressent comme des remparts k pic plus hauts
au sud qu'au nord : 1 500 metres environ du c6te du Sahara,
800 k 1 000 metres du cdte du plateau. Ge sont, en partant de
I'ouest : les monts des Ksour (djebel Maiz, au nord de Figuig
1J950 m., djebel Mzi 2 200 m. ,etc.). aretes de gres tourmentees,
Dihra Jl^<fcTM«aIa Hautfl -Plat«aux " SAHARA
qui presentent Taspect de citadelles ; les monts du K%el et le
djebel Amour (environ 1 900 m.), region de plateaux eieves et
de montagnes, qu*uhe enorme muraille, le Kef-Guebli, le « ro-
cher meridional » (1586 m.), termine ^ pic au-dessus du
Sahara. Elle n'est franchissable qu'en peu d*endroits, par les
« foum » ou bouches que les torrents se sont ouvertes pour
descendre dans le desert. Leurs erosions ont decoupe dans le
djebel Amour, comme dans nos plateaux calcaires de France,
des tables de roc, les gada, dont la falaise a pic se dresse k
50 et 100 metres au-dessus des valiees.
Les monts des Ouled-Nail et les monts du Zab, au sud des
plateaux des Zahrez et de la cuvette du Hodna, sont composes
de cretes paralleles qui s'etendent sur une largeur de plus de
20 lieues, brisees partout par les oueds qui en descendent ou
les valiees qui ont servi autrefois k Tecoulement des eaux du
Ilodna vers le Sahara. Les princi pales cretes sont le djebel
Lazereg (1480 m.), le Serialba (i blO m.), les Seba-Mokren
(1 486 m.), et au sud le djebel Bou-Kahil (i 500 m.).
C'est dans le massif de VAures que TAtlas saharien atteint sa
L'AFRIQUE MINECRE. 27
plus grande puissance. L*Aur^s occupe un vaste quadrilat^re
d*au moins 100 kilometres de cdt^ entre Foued Kantara et
Toued el-Arab. Les plis montagneux, serr^s comme les fronces
d une etoffe, dessinent de longues aretes rectiligDes, des crMes
etroites, s^par^es par de profondes valines parall^les n*ayant
entre elles que des communications difficiles : Toued Kantara,
Toued Abdi, Toued Abiod, Toued ei*Arab^ Au nord, une
chaine orientee un peu plus vers Test, le Kef-Mahmel et le
Chelia, contient le plus haut sororaet de I'Algerie (2312 m.).
G'est entre cette chaine et les autres montagnes que se
trouvent aussi quelque hautes plaines fertiles, de plus de
1 000 metres d*altitude. Le plissement de TAur^s est continue
k Test par le djebel Chechar (1 860 m.) et des monts des iVc-
. Bibin
^ - -^ ^ ' ' * tabor
I
Fig. 3. — Coupe de I'Atlas suivant le m^ridien de Constantine (d'aprfes Nioz).
memeha. (sommets de 1 400 m.) encore plus sauvages que TAu-
r^s; les chemins n*y sont egalement que des « foum », gorges
de sortie des torrents : la route de Tebessa & Negrine (rancienne
voie romaine de Carthage k Ad Majores), suit Toued Gheria dans
un defile de 40 kilometres, que surplombent des rochers de
200 metres de hauteur.
\ 5. Atlas tunisien.
Vers la fronti^re tunisienne les hauts plateaux disparaissent ;
les deux bandes montagneuses du nord et du sud se sont pen
^ peu rapprochees Tune de Tautre, et fmissent par ne plus
former qu'une zone continue de montagnes, toujours orient^es
dans le sens general de TAtlas, et separees seulement parole
long sillon longitudinal de la Medjerda. Au nord, les montagnes
du Tell algerien continuent par les monts des Khroumirs, sorto
' 1. Kiox, Alg&rie.
26 AFUIQUE.
de Kabylie moins ^levee (1500 m.), mais tout aussi sauvage;
per les monts des Ouchtetay et le massif de moins en moins eleve
des Mogod, dont les derniers contreforts sont les caps au nord
de Bizerte, Ras*el-Keroun et Ras-el-Abiod ou cap Blanc. Au sud
de la Medjerda, les massifs, ravines de toutes parts par les
eaux, ne forment qu*une suite irr^guli^re de hautes terres sans
chaines proprement dites. Vers la fronti^re algerienne, le djebel
Hallauk (1 450 m.) continue Torientation des monts des Ne-
memcha. Le massif de Kalaa-es-^nam (chateau des Idoles) do-
mine h 4 460 metres les sources de Toued Mell^gue. De cette zone
confuse se detache vers le nord-estune chaine mieux carac-
teris6e : ce sont le djebel Djougar, et le Zaghouan (1 343 m.),.
superbe vue de Tunis, et plus loin, separees par une depression,
les hauteurs du Dakhelat-el-Malou^n (300 m.), qui forment la
p^ninsule du cap Bon.
L* Atlas se termine vers Kairouan en plateaux doucement
inclines, dont les creux contiennent des marais ou sebkhas. Au
sud, les chaines sahariennes s'avancent plus k Touest, et le
djebel Arbet, qui se profile le long des chotts, a encore 1 100 me-
tres k Test de Gafsa.
Climat. — Dans les pays de TAtlas, la latitude accuse h
Fextr^me certains traits du climat m6diterran6en : ainsi I'^t^
pauvre en pluies y devient presque compl^tement sec, et Tannic
n*a par suite que deux saisons bien tranchees : la saison s^che
et la saison des pluies d'hiver. On sait que les mers mettent
plus de temps k s'echaufTer que les continents. En ete, la
M^diterranee est done relativement plus froide que la cdte
d'Afrique, qui elle-m6me est moins chaude que Tint^rieur :
il en resulte un ^ppel d*air vers le sud, qui fait naitre en
et6, sur la cdte nord-africaine, des vents du nord mod6r6s
mais d*une assez grande Constance : ce sont les vents etesiens
des Grecs. lis apportent le beau temps et la secheresse, car en
arrivant sur la terre d'Afrique ils se rechauffent, et la vapeur
d'eau qu'ils emportent ne peut guere se condenser*. En hiverla
!• Pluies tombiet iur la cdte algerienne (Capr^s Ilann :
En mai 5 0/0 de la quantity annuelle totale.
En juin 5 0/0 — —
lin juillet 0,0 — —
En aout 4 0/0 — —
Enseptembre 4 0/0 — —
L'AFRIQUE MLNEURE. «)
situation change. La mer se rerroidit bien plus lenteinent que
le continent ; les nuages que les cyclones poussent alors sur
c6te d*Alg^rie se condensent au contact froid des montagnes :
c'est la saison des pluies.
Le relief joue done un grand rdle dans ces condensations, et
la quantity de pluie tombee varie suivant la hauteur des mon-
tagnes. Ainsi c*est au Haroc qu*il en tombe le plus ; de mdme
TAlgerie est mieux arros^e que la Tunisie, la Tunisie que la
Tripolitaine, et la Tripolitaine que r£gypte^ Ainsi d*une mani^re
generale les pluies du climat m^diterran^en diminuent en Afrique
d'ouest en est.
De district k district les diffi^rences sont tr^s sensiblessuiTant
la hauteur des montagnes cdti^res, et il tombe moins de pluie
dans la province d*Oran que dans la province de Constantine
(Oran, 51 cm. par an; Alger, 71 cm.; Philippeville, 79 cm.
La Galle, 84 cm.).
Temp^ature. -^ D*une fa^on generale, la temperature de
la cdte nord de TAfrique est en raison inverse de la quantity
des pluies : c'est au Haroc qu*elle est la moins haute, c*est vers
TEgypte qu*elle atteint son maximum. Le Maroc tourn^ vers
TAtlantique a le climat maritime de Madere et des Azores, seu-
lement plus maritime encore, c*est-k-dire encore plus humide
et plus ^gal. La cdte occidentale est plus froide que les cdtes
m^diterran^ennes sous la m^me latitude : sous I'influence du
courant d'eau froide qui longe la cdte du nord au sud, la
moyenne annuelle de Hogador estinferieure de 1 degr^, celle du
mois d'aotlit de 4 degr^s k la moyenne d^Alexandrie. Cette action
de la mer se traduit par des brouillards ispais, qui le matin cou-
vrent les c^tes jusqu'au del^ d*Agadir, aux confins du Sahara.
En Alg^rie, la disposition particuli^re du relief a cr^^ trois
zones climat^riques distinctes : le Telly les plateaux et la
zone saharienne. Le Tell, tellus, la terre par excellence, a un
climat tr6s doux (temperature moyenne d'Oran -f-17<> cent.,
d' Alger 18**, de Tunis, 19<>,6), qui devient plus chaud en Tu-
nisie, ou Tabaissement des montagnes permet aux ventii saha-
riens de souffler plus souvent sur la cdte.
1. PliUes annuelUt en Algirie 70 cm. en moyenne.
a HalU 55 —
a Tripoli 30 —
d Alexandrie 22 -«—
30 AFRIQUE.
Les hauts plateaux ont encore le elimat m^diterrau^en, mais
aggrav^ par raltitude ; c'est le elimat de plateau, et on ne saurait
mieux le comparer qa*k celui de TEspagne int^riewre. Seule-
ment, comme les. plateaux alg^riens sont encore plus m^ridio-
naux et plus ^lev^s, le elimat est encore plus extreme. Comme
en Espagne, la neige y atteint I'hiver jusqu'4 un demi-metre
d*epaisseur, et le thermom^tre descend k — 10® et plus bas
encore. Par contre, en 6t6, les chaleurs bril^lantes de la Castillo
et de la Manche sont d^pass^es. En m^me temps, il tombe beau-
coup moins de pluie que sur les montagnes c6ti^res. Dans la
province de Gonstantine seulement, ou des chaines de montagnes
s'^l^vent sur le plateau mdme et ou les chaines bordi^res sont
moins compactes, les hauts plateaux re^^oivent un peu plus de
pluie et peuvent devenir terres de culture : les environs de
Setif sont incomparablement plus fertiles que les plateaux ora-
nais, et de B6ne k Batna il y a transition douce, non changement
brusque de elimat. Le Tell se confond ici avec les hauts pla-
teaux.
Par contre, en Tunisie, c'est le Sahara qui empi^te sur le
Tell. Gr^ce k la disposition particuli^re du relief tunisien, qui
laisse presque tout le versant du golfe de Gab^s ouvert aux vents
sahariens, les pluies sont beaucoup plus rares, la chaleur beau-
coup plus forte, et le Tell beaucoup plus etroit qu*en Algerie.
Hydrographie. — II faut distinguer nettement dans les cours
d'eau de T Atlas, ceux qui descendent sur son versant nord et
ouest, et ceux du versant sud. Ces derniers, bien qu' aliments
par les neiges et les pluies de FAtlas, sont sahariens par leur
cours, et ont leur place marquee dans I'hydrographie du
Sahara.
Les fleuves les plus considerables de TAtlas sont ceux de la
partie ouest du Maroc, et au Maroc mSme, ceux qui descendent
de la chaine la plus elev6e. Ainsi les cours d'eau du sud-ouest,
riviere de Mogador, Temifty etc., venus de la partie la moins
considerable de TAtlas, ne sont en 6te que des cours d'eau insi-
gnifiants. Par contre, \Oum-er-Rhia^ « la mere des p^turages »,
qui vient du djebel Aiachi, et dont les affluents recueillent le»
eaux de toute la grande chaine neigeuse au sud de Maroc, est
accessible aux bateaux en toute saison, et devient en hiver un
torrent infranchissable qui — vu le manque de ponts — arr^te
les communications pendant des semaines. Le Sefrou, Soubour
I'AFRIQUE MINEURE. • 51
des ancienSy qui draine tous les monts au sud de Fez, est le
grand fleuve du Maroc. Large de 100 k 300 metres dans son
cours inferieur, profond de 3 metres en moyenne, il pourrait
Stre remonte jusque vers Fez par des vapeurs k fond plat; il a
des crues de plus de 7 metres. Le versant du Rif est trop court
pour avoir autre chose que des torrents; mais k Test, la Jfou-
louia (Malva des anciens), grossie par les neiges de TAfachi et
les eaux de I'oued Zaa, est le fleuve le plus considerable peut-
Stre qui descende de TAtlas k la Mediterran^e. II d^bouche en
face des iles ZafTarines.
Les fleuves de TAlgerie, coulant d*etage en ^tage et de gorge
en gorge k travers les montagnes du Tell, n*ont aucune valeur
pour la navigation, et leur d^bit inconstant leur en donne peu
pour rindustrie. Dangereux par leurs crues en hiver, ils peu-
vent tout au plus dtre utilises pour Firrigation, k Taide de bar*
rages et d*autres travaux d*art dont les Remains nous ont donne
Texemple. La Tafna et son affluent Toued Isser descendent du
massif de Tlemcen par de longues gorges, pr^s de Sebdou et de
Lamorici^re, et percent encore le massif des Traras avant de se
Jeter dans la mer pr^s de Tile Rachgoun. La Macta est le
canal d'^coulement du marais forme par le Sig, qui traverse la
vallee de Sidi-bel-Abb^s, et par VHabra qui vient des hauls pla-
teaux et perce successivement les monts de Saida et de Mascara ;
leurs gorges ont ^t^ utilis^es par des barrages ; la rupture de
celui de THabra, situ^ k Perr^gaux, au sortir du massif de
Tlemcen, a d^vers^ ,une inondation de 14 millions de metres
cubes d'eau en d^cembre 1881.
Le Chelifj form6 par les cours intermittents de Toued Touila
et du Nahr-Ouassel sur les hauts plateaux, n'acquiert d*impor-
tance qu*en contournant TOuarsenis ou il cntre par la gorge de
Boghar. II coule ensuite dans une longue valine entre TOuar-
senis et le Dahra, et se jette dans la mer non loin de Mosta*
ganem; il est tr^s utile aux cultures, grdce aux barrages qu*on
a construits partout, mais absolument irr^gulier dans son debit.
Son principal affluent, la Mina (195 kil.) ne sur le plateau au
sud de Tiaret, forme de belles cascades et garde un cours tr^s
tpurmente jusqu*^ Relizane.
Les rivieres qui traversent la belle plaine de la Metidja, ne
sont egalement utilisees que pour les cultures : (Chiffa, connue
par ses gorges dans les monts dc Medeah, Barrack, etc.). —
52 AFIIIQUE.
i7sser, venu du Titeri, se heurte au massif de la Kabylie el le
eontourne par les gorges de Palestro, Souk-el-Haad, etc. Le
Sebaou, l*art6re centrale de la Kabylie, est ^galement un torrent
de raontagne qui ddbouche k Touest de Dellys. h'oued Sahel est
plus long (210 kil.); descendu des montagnes d*Aumale, il par-
court autour du Djurdjura une valine basse et fertile et se jette
dans le golfe de Bougie. Voued eUKehiVy la « grande riviere d,
est form6 par la reunion du Rouramel et du Bou-Merzoug. 11
s'engage dans les montagnes du Tell par la gorge cel^bre qui
eontourne le rocher ou s*el6ve Constantine, franchit les Babor
par d'autres defiles et se jette dans la mer k Touest du cap Bou-
garoun. L'absence de villes k son embouchure prouve combien
il est inutile aux communications. Le Safsaf n'esi qu'un ruisseau
qui finit k Philippeville. La Seybouse (230 kil.), grossie de Toued
Zenati, de la Heboudja, est le seul fleuve d'Algerie qui ait de
Teau en toute saison ; elle porte des barques jusqu a iO kilo-
metres de son embouchure.
La Medjerda (le Bagradas des Anciens), qui regoit du sud
Toued Mell^gue etun nombre considerable de torrents des monts
des Kroumir et des Ouchteta, est la seule grande riviere de la
Tunisie. Elle a de Feau en quantite suffisante, mais sa vallee est
couple de defiles (de Souk-Ahras k Ghardimaou, et en aval de
Beja) et de plus elle se jette,. non dans la mer, mais dans la
lagune sans profondeur d*El-Bahira, maintenant presque enti^re-
ment comblee par la vase.
Les chotts des Hauts-Plateaux ne sont que des fonds ou la
neige et la pluie s'amassent en hiver en nappes supeiiicielles
que Tevaporation a bientdt transformees en couches de sel res-
plendissantes. NuUe part Feau ne reste k la surface du sol toute
Tannee ; en certains endroits elle se conserve k une certains
profondeur, lorsqu*une couche de terrain impermeable la ras-
semble : 1^ sont creus^s les puits ou oglaty seule ressource per-
manente des Hauts-Plateaux.
Dans le sud-est de la Tunisie, le d^faut de pente des terrasses
a donne naissance k des sebkhas (mares) semblables, toute pro-
portion gardee, aux chotts des Hauts-Plateaux : telles sont les
cuvettes au sud-est et au sud-ouest de Sousse; la plus grande,
la sebkha Sidi-^UEani ou lac de Kairouan (500 kil. carr^s en
temps de pluie) ne se dess^che pas tout k fait en de certaines
annees. Plus au nord^ le Kelbia est m^me un veritable lac.
L'AFRIQUE MINEURE. 35
qui se deverse en temps de crue par Toued Henfis dans la mer.
Cdtes. — La c6te des pays de TAtlas, rocheuse mais peu
d^coupee, est en general peu favorable k la navigation. II faut
distinguer, au Maroc, trois regions diff^rentes : 1<* la cdte du
sud-ouest, ou aboutissent les contreforts de I'Atlas ; elle compte
un excellent port : Agadir, au sud du cap Guir; 2" la c6te basse
et sablonneuse de Touest, de Mogador k Tanger : sur plus de
600 kilometres, on y remarque deux saillies seulement (la
haute falaise du cap Cantin, et le promontoire de Mazagan), et
pas un seul bon port. Mogador^ le meilleur, n'est pas k Tabri de
la houle du large ; Asfi est rendu par ses brisants impraticable
aux bateaux d'un certain tonnage ; Mazagan est sans profon-
deur, la'rade de Dar-el^Beida (Casablanca, la maison blanche)
n'est pas abritee du tout, mais a au moins Tavantage d'etre pro-
fonde, ce que ne sont ni Rbat, ni Mahdyay ni El-Araich (Larache)
an nord; 3* la c6te nord du Maroc est escarpee et rendue dange-
reuse par les 6cueils, mais elle a de bons ports : les lies Zaffa^
rines. Melilla, ^ Tabri du cap Tres Forcas, BadiSy en face de Tile
de Penon-de-Velez, Ceuta, enfin surtout Tanger, bati comme
Alger, au bord d*une baie en demi-cercle.
Le littoral algerien merite le jugement de Salluste : Mare
'ssevum, littus importuosum. L'emploi de la vapeur et la creation
i\ grands frais de ports artificiels ont diminue aujourd*hui le
danger de ces baies largement ouvertes aux temp6tes du nord,
<Jont la houle jetait a la c6te en un seul jour, le 25 Janvier 1841,
vingt-quatre navires a voile dans le golfe de Stora, et en faisait
sombrer trois autrss sur leurs ancres. C'est du c6t6 de I'ouest
qu*on trouve les meilleurs ports, a Tabri de quelques caps pro-
jetes vers le nord-est. Nemours est ouvert k tous les vents, mais
i'ilot de Rachgoun abrite une rade qui sera le port de Tlemcen.
Le port d'Oran, dans la baie, qui s'ouvre entre les caps Falcon
€t la pointe de VAiguilley n'est qu'un port artificiel, mais la
rade de Mers-el-Kebir (le « grand port ))), derriereune pointe du
cap Falcon, est une des plus sures de TAlgerie. Le promontoire
eleve des caps Ferrat et Carbon (600 m. au djebel Orouze) abrite
-de mtoe le mouillage d'Arzeu, egalement tr6s sur, tandis que
Mostaganeniy k Test dans la m^me baie, est a la merci des vents.
La cote du Dahra, presque droite, n'a qu*un refuge, Tenes,
cr6e artificiellement k Taide de jetees, et encore I'acces en est-il
difficile en cas de temp^te. U en est de m^rae du petit port de
GE06. GL« 5*. 3
M AFRIQUE.
Cherchell : souvent les bdtiments sont obliges de rcprendre le
large, parce que l^entr^e est impraticable. II n'a, du reste, que
4 metres d'eau.
La baie d! Alger est largement ouverte entre la pointe Pescade
et le cap Matifou ; mais, h Touest, les collines du Sahel abritent
le port d* Alger contre les tempdtes du nord-ouest ; des jet^es
I'ont rendu sCkr au nord et k Test ; cependant la houle du nord-
est y pen^tre encore et secoue les navires.
D*Alger k Bougie il n y a pas un bon port. La cdte de Kabylie^
aux caps peu prononc6s (caps Corbelin, Sigli, etc.), n'a qu*une
escale, Dellys, encore compl^tement expos^e k Test, Bougie
(Saldse des Romains) situ^e au sud du massif du Gouraya (700 m.)
dans le plus beau golfe du monde, poss^de la meilleure rade de
TAlgerie; il reste k la pourvoir de quais et d'embarcad^res pour
en faire un port.
Plus loin, la cdte redevient inhospitali^re. A Test des dents du
cap Cavallo, Djidjelli est inabordable par le gros temps. L'im-
mense cap Bougaroun abrite contre les vents du nord-ouest le
petit port de Collo. Stora, abritee de m^me seulement au nord*
ouest, a ete abandonnee pour le port artificiel de Philippevillep
litteralement conquis k coups de millions sur la mer. La c6te
nord de TEdough, cap de Fer, cap Takouch, est redoutee; mais
la montagne abrite, au sud du cap de Garde^ le bon port de
Boncy encore am^lior^ par des jetees. La Calle est d'acc^s
difficile.
1 a c6te nord de la Tunisie est, jusqu*^ Bizerte, « une c6te de
for M 6vitee des navires. Toutefois un port pourra y 6tre cr66, a
Tabride Tile rocheuse de Taharka, Le lac de Bizerte, profondet
sur, peut abriter des flottes entieres, mais le canal par lequel
communique avec la mer est ensable ; il suffirait de le draguer
et d'en fortifier les abords pour faire de Bizerte un grand port
militaire admirablement plac^.
Entre le cap Sidi AH el-^Mekki et le cap Bon (Ras Addar),
s*ouvi'c le golfe do Tunis, Les plaines basses et mar^cageuses
du delta de la Medjerda en occupent le fond. Depuis Fantiquite,
le Heuve n'a cesse de gagner sur la mer; il a combl^ le golfe
d'Utiquej et c'est k I'interieur des terres qu*on trouve le rocher
oil s^elevait autrefois ce grand port. De m^me la lagune ou se
jetlc le fleuve actuel s'envase peu k peu, et la ville de Rhar ei-
Melah (Porto-Farina) a cess6 de recevoir des navires. Au sud du
^
L*AFRIQUE MINEURE. 35
delta se trouvent les collines rocheuses oil fut Carthage, et un
peu plus loin, au bord de la lagune El^Bahira, Tunis qui Ta
remplac^e dans le commerce du monde. Mais Tunis elle-mSme
aurait le sort dTtique et de Carthage si Thomme ne venait ^
son aide: dej^ ce n*est plus un port. La Bahira eiivas^e n'est
plus qu une nappe d*eau nauseabonde de 1 m. 70 au plus de pro*-
fondeur, et le chenal qui Tunit k la mer, la a goulette », n'est
accessible qu*aux barques d'un m^re de tirant d'eau ; les navires
n*arrivent m^me pas jusqu'aux quais de la petite ville du mSme
nom, qui s*est bdtie a cheyal sur T^troite fleche de sable; ils
mouiUeat en plein golfe, a plus d*un kilometre de la c6te. Un
canal drague k travers la langue de sable et la vase d*El-Bahira
fera de nouveau de Tunis un port de mer.
Au del^ du cap fion, rocher terminal de la presqu'ile de
Dakhelat^l^Maloutnt la cdte se recourbe definitivement vers le
sud et change de caract^re. Les contreforts de TAtlas n'atteignent
plus le littoral, et partout les sables altement avec les lagunes
sur le rivage. Le golfe de Hammamet n'a pas de veritables ports :
Nabel ou Nebeul, Hammamet , Sousse sont des escales ou les
grands navires ne viennent pas k quai; k Monastir, bdtie au bout
de Tancien promontonum Dionysi, ils restent k un mille en mer,
Mahdia, situ^e sur un autre promontoire, ne poss^de ^galement
qu*une rade,
Au sud du cap Kapoudiah s'ouvre le golfe de Gabh ou de la
petite Syrte, seme de has fonds, et oiji les dangers d'echouage
sont encore augmentes par la difference considerable du niveau
des marees (i m. 50 en temps ordinaire, pr^s de 3 metres aux
Equinoxes). La petite Syrte redoutee des anciens, est en effet sans
aucuD abri ; ni les lies qui s*y trouvent, Kerkenah et Djerba,
ni la cdte ne possedent un port en eau profonde; les paquebots
jettent Tancre k trois kilometres et demi de Sfax et de GabdSf k
dix kilometres de Houmt-^s-Souky le port de Djerba.
Fiord. — La flore des pays de TAtlas est mediterran^enne
eomme leur climat. Meme dans la partie du Maroc tournee du
c6i^ de TAtlantique, elle est plus europeenne qu*africaine run
seul genre sur 248 ne se retrouve pas sur les bords de la H6dK
terran^e; un tiers d'entre eux appartient mSme k TAngleterre
et k FEurope centrale, et un petit nombre seulement a TAfrique
situ^e au sud du Sahara. Dans la flofe algerienne, 1 557 esp^c06
sur 2900 sont sp^cialement mediterranecnnes, et 1 316 d'entre
9U AFRIQUE.
Jelles se retrouvent en Espagne. La flore de la province d'Oran
ressemble beaucoup k celle de ifurcie, ceile de Constantine
Tappelle In Sardaigne, la Sicile et Make.
La repartition des esp6ces se fait naturellement suivant Talti-
tude et Texposition, et le Tell, les Hauts-Plateaux et les mon-
tagnes du sud ont une flore difTerente.
Dans le Tell, Tabsence de grands froids en hiver amene la
presence des arbres et broussailles a feuillage toujours vert, et
les plantes des maqitis corse et espagnol, lentisquej jujubiers,
arbousierSf mxjrtes, spartes, genets, couvrent toutes les croupes
des montagnesque n*occupent pas de vraies for^ts. VolivieVy
Voranger, le citronnier, le chene-ze'en, le pin d'Alep et sur-
. tout le chene-liege se retrouvent partout, du Maroc a la Tunisie.
Les pluies d'hiver sont la saison pendant laquelle les plantes se
d^veloppent; I'et^ est sous cette latitude la periode du repos
pour la vegetation.
Sur les Hauts-Plateaux, les ecarts de temperature et surtout
la plus grande secheresse de lair eliminent un grand nombre
des plantes du Tell. L'olivier, le chene-liege, le pin d*Alep, le
chene-vert, bref la plupart des arbres mediterraneens disparais-
sent. Seuls les arbres qui sont armesegalementcontre les longues
secheresses et le froid, le terehinthe ou betoum, le tamarix
bordent les oueds loin des cultures, et les herbes dures, a//a,
armoise ou chi, guetdfj rfis, etc., couvrent de leurs longues
nappes le sol desseche.
Les hauteurs des chaines sahariennes, mieux arrosees que les
cuvettes des plateaux, font reapparailre des arbres du Tell : on
retrouve, dans TAur^s, V Olivier, le cedre,\e thuya, ce fameux
aitrus que les Romains ont tant recherche; de meme sur les
hautes crates de TAtlas marocain croit une esp^ce de pins de
f. TEurope centrale. Enfm sur le versant meridional des raonts, la
vegetation -est deji saharienne : c'est 1^ seulement, k Moghar,
; 'a El-Kantara, k Gafsa, que.le dattien commence k porter des
, fruits, if^, ■
Les plantes tropicales; k part quelquea esp^ces repandues
•partout, se rencontrent en plus grand nombre k Vest et k
» I'ouest, le long des c6tes raarocainei et tunisienne, qu^au centre
" toil TAtlas forme barriera. C'est. ainsi que .les acacias gommiers,
jes enphorbes,. etc, ont fait invasion dans des plaines.du Ma)X)c,
■"- -etune foret.d*aGacias.g0mtnijers (acacia saydl)'en tout sembla-
L'AFRIQUE MINEUftE. 57
bles k ceux des steppes sahariennes, pousse en Tunisie, au sud
de Bou-Hedma.
De nombreuses plantes ont et^ acclimat^es au Maghreb ; la
plus utile est Veucalyptus d'Australie, Y « arbre k fi^vre » qui a
deja assaini tant de villages. La plus encombrante est le figuier
dindey dit iiguier de Barbarie.
Fanne. — La faune du Maghreb se divise ^galement en faune
du Tell et des Hauts-Plateaux. Celle du Tell comprenait autre-
fois r^l^phant (surtout au Maroc) k c6t6 du lion, de la panth^re,
de Tours, du cerf. Aujourd'hui les grands animaux sauvages ont
presquedisparu, moins par suite d'un changement de climat que
devant la marche envahissante de Thomnie, et le deboisement
qui s*en est suivi. L'elephant du temps de Juba a disparu depuis
longtemps, et on nc sait plus ni^me k quelle esp^ce il appar-
tenait. On ne trouve plus guere de /lows, d'oMrs et de cerf$ que
dans les forSts desertes de la frontiere tunisienne, entre la Galle
et le pays des Kroumirs, dans TAtlas marocain et la region sau-
vage du Rif. Par contre la panthere, Vhyene sont encore nom-
breuses, et les sangliers et les chacals pullulent dans les fourr^s.
Toutes les esp^ces domestiques europ6ennes ont pu ^tre accli- .
mattes dans le Tell.
La t'aune des Hauts-Plateaux se compose des espfeces des,
steppes, qui supportent la soif et peuvent parcourir de grandes
distances. Vautruche, la gazelle^ nombreuses autrefois, ont
presque disparu, k force d'etre chassees par I'homme ; les habi-
tants les plus nombreux des steppes sont de petits rongeurs,
les gerboises et des reptiles {lezards, viperes, etc.). L^animal
domestique qui reussit le mieux est le cheval : la race de S^tif
compte parmi les meilleures. Le chameau ne fait que passer sur
les Hauts-Plateaux; son vrai pays est le Sahara, de Tautre cdte
des montagnes. La sauterelle estle fleau des Hauts-Plateaux, d'ou.
elle prend son vol vers le Tell.
Les montagnes du sud, Aurds, etc., abritent encore, outre les
fauves, certaines especes particulieres, comme le mouflon.
Popalation. — La population dite indigene des pays de
TAtlas n'est pas homogene; elle se compose de races abso-.
lument different es, et en partie encore s^parees en groupes
distincts. 11 convient de distinguer comme ^i^ments principaux :
i*» Les aborigenes dits Berberes, et qui eux-memes s'appel-
lent volontiers dans ieur langage u Imazighen » (hommes-
^ AFRIQUE.
libres) ; morcel^s en tribus ^trang^res les unes aiix autres, ils
n*ont du reste pas le sentiment national, et bon nombre ont
m^me quitte pour Tarabe leur dialecte originel. G*est une race
forte, energique, assez semblable par Text^rieur aux races sud-
europ^ennes. EUe a resists k toutes les invasions, et a absorbs
tour k tour les strangers qui Tavaient vaincue : Garthaginois,
Romains, Vandales, etc. ; 2* les AraheSj venus de FOrient en
deux invasions principales, au vn« et au xi« si^cle; 3<» les Jmi/s,
v^nus surtout d'Espagne au xiv* et au xv« si^cle ; 4* les negres,
importes pendant de longs si^cles du Soudan. Ces ^l^ments
s'allient en proportions dilT^rentes au Maroc, en Alg^ric et en
Tunisie.
I. Maroc. — La population du Maroc, estim^e diversement
de six k huit millions d'habitants, est en grande majorite ber-
bere, car cette race occupe encore toutes les montagnes, c'est-
a-dire les trois quarts du pays. Les Berberes se groupent sous
des noms differents : au nord, ceux qu'on appelle Kebatl (nom
dont nous avons fait Kabyle) peuplent le Rif, la presqu'ile dc
Tanger et, en general, les montagnes au nord du Sebou. L'Atlas
est habits par les Chleuh ou Chelha, qui se disent aussi Amazigk
(pluriel Im^zighen) ; les tribus chelha les plus connues sont \e^
Zemmour et les Chaouiaj pillards qui, postes sur les avant-
monts, interceptent continuellement la route de Fez k Maroc.
Au sud de FAtlas, le SoUs et le DrSa se partagent entre les deux
grandes families berberes des Guezzoiila (anciens G^tules) et
des Zenaga, et vers Test se trouve la grande tribu des Berdber^
dont le nom a ete etendu k la race tout entiere.
Les Arabes du ftlaroc sont presque tons rassembl^s dans les
plaines du nord-ouest; entre Tanger et Rbat, entre Mazagan et
Mogador ; bien que vivant sous la tente, ils ne sont plus nomades
au vrai sens du mot : ils ne deplacent leurs douars (campe-
ments) que dans un cercle tr6s restreint. L'element arabe
n*avance au milieu des masses berberes de Finterieur que sur
deux points : les plaines qui entourent les capitales de Tempire,
Fez et Marrakech (Maroc). Quelques tribus sont rassemblees
autour de la capitale du Sous, Taroudant. Enfin ils sont en
majority dans les oasis du Tafilelt, berceau de la famille
rSgnante. On les evalue en tout k un million.
Les Juifs sont ^galement tr^s nombreux au Maroc. lis s*ap-
pellent souveut « Guerouch Castilla » (exiles de Gastille), et la
L'AFRIQUE MINEURE. 39
plupart paiient encore espagnol sur la cdte; Tarabe est leur
langue usuelle dans les villes de Finterieur. En Tabsence de
toute statistique, on les evalue de 30 000 a 100 000; la verite
doit 6lre pres de ce dernier nombre, k en juger par I'existence
d^une nombreuse colonie juive dans les moindres villes maro-
caines. lis sont en butte au mepris des musulmans et aux
extorsions continuelles du gouvernement ; mais tout le com-
merce exterieur est entre leurs mains.
Les negres sont amenes au Maroc depuis des siScIes ; aujour- ^
d'hui encore on en vend publiquement a Marrakech. lis subsis-
lent surtoiit par les metis. Les a Haraiin », ou croises de
Berb^res ou d'Arabes et de negresses, forment une classe consi-
derable dans loutes les tribus. Le sultan du Maroc lui-meme a
beaucoup de sang n^re dans les veines et est de teint tr^s
Conc^.
Dans les villes, le croisement k Tinfini de toutes ces races a
produit une population hybride, connue sous le nom de Maures.
€e sont eux surtout qui forment la classe riche des fonction-
iiaires et des citadins.
II. A1.0ERIE. — La population de TAlg^rie comprend les ele-
ments suivants :
i^ Les aborigines berberes, fr^res de ceux du Maroc. Refoules
par les Arabes du xi^ si^cle, lis sesont maintenus dans les parties
les plus diilQciles et les plus montagneuses : ainsi ils occupent
au moins la moiti^ de la province de Gonstantine, tandis qu'il y
«n a beaucoup moins dans la province d'Oran. Les Berberes
forment en Algerie quatre groupes principaux :
Les Kabijles, dans les montagnes de la Grande et de la
Petite Kabylie, c'est-&*dire entre la Metidja et I'lsser inferieur k
louest, et rOued-el-Kebir k Test. Le Djurdjura tout entier est
compris dans cette region, ou une population tr6s dense a cou-
ronne de villages prpsque chaque croupe de terrain, les pentes
ei le fond des vallees etant reserves aux cultures.
Le Dahra, c'est-a-dire toutes les montagnes du littoral entre
Cherchell et Tenes ; on pent y rattaclier les tribus berberes de
I'Ouarsenis au del^ du Ch^liff;
Les Berberes de la frontiere marocaine, au sud-ouest de
Tlemcen et au dela de Sebdou ;
Le grand groupe des Chaouia de TAures, dans la province
de Conslantine. Les tribus berb(!;res couvrent presque tout Tes-
40 AFRIQUE.
pace compris ehtre la fronli^re tunisienne, Soukahras, le sud do
Constantine, Biskra et Ferk^n. La race berb^re prosp^re en
Algerie; elle y est maintenant plus nombreuse que Fel^ment
arabe.
2<» Les Arabes, restes des envahisseurs du xi« si^cle, sont la
plupart restes Ji demi nomades, c'est-i-dire que les tribus ont
garde I'habitude de se mouvoir avec leurs troupeaux dans un
cercle assez restreint en general, qui constitue leurs terres de
parcours. lis peuplent done surtout les plaines et les plateaux,
par consequent la partie occidentale de FAlgerie. C'est \k qu'Abd
el-Kader avait sa capitale, Mascara; c'est \k, sur le bas ChelilV
et sur les hauts plateaux, que se trouvent encore les plus grander
tribus arabes : Hamyan, Rezaina, Harar, Ouled Nail, etc. Lo
general Faidherbe a evalu6 I'ensemble des Algeriens de race
arabe a 600 000 seulement. Bien peu du reste ne sont pas croises
avec d'autres races.
3° Les Juifs ont exists d6s Tantiquite dans TAfrique du nord.
Mais la majority des Juifs algeriens est venue certainement
d'Espagne. lis sont environ 47 000, naturalises en bloc en i87(^
par un decret de M. Cremieux, membre du gouvernement de la
defense nationale. Us furent longteraps persecutes par les Arabes
et les Turcs. Leur niveau intellectuel se releve d'ailleurs rapide-
ment. Leur natalite est tres forte : 55 pour 1000.
A^ Les CoidoughliSj metis de Turcs et d'indig^nes, sont une
race qui disparait. Les metis negres sont nombreux, moins
pourtant qu'au Maroc. Les negres purs ont une mortalite tres
considerable sous ce climat qui n'est pas le leur. On appelle
Maures, comme au Maroc, les citadins de race indistincte qui font
le commerce. D'autres coramer^ants sont au contraire de race
berb^re tr6s pure : ce sont les Mzabites, musulmans schisma-
tiques du Sahara algerien, qui sont eparpill^s dans toutes les
villes algeriennes, ou ils s'enrichissent pour retourner ensuite
dans lenr pays. La population indigene totale etait en 1892
de 3 559 000 habitants.
5<» La population europ^enne, au premier rang par Timpor-^
tance, est encore au troisierhe par le nombre. Tous les Euro-
peens ne s'acclimatent pas egalement bien en Algerie ; ceux du
midi de I'Europe resistent naturelleraent mieux que ceux du
nord : la mortalite des Allemands est par an de 45 pour 1000 ;
celle des Fran^ais et des Espagnols de 29, celle des Italiens de 26
L'AFRIQUE MINEURE. A\
seulement. La natatite des Allemands et des Italiens est de 31
pour 1 000 ; celle des Frangais de 53,3 ; celle des Espagnols de 39.
Ainsi, en laissant rimmigration h part, les Allemands diminueut
en Alg6rie de 12 pour iOOO par an ; les Fran^ais augmentent de
4 1/2 pour 1000, les Italiens de 5, les Espagnols de 10 pour 1000.
11 y a done des peuples europ^ens qui prospferent dans TAfrique
du nord, et si notre race ne s*y multiplie pas tout k fait
autant que les Italiens ni surtout que les Espagnols, il ne
^ faut pas oublier que la natality frangaise y est bien superieure h
celle de la mfere patrie (33,3 au lieu de 26). II y avait en
1886 en Algerie : 120000 Espagnols (surtout dans la province
d*Oran), 55 000 Italiens (surtout dans la province de Constan-
tine), 15 000 Maltais, sujets anglais, et environ 3 800 Allemands.
Le recensement du 31 d6c. 1891 accuse 215 000 strangers. Les
Frangais soht plus nombreux: 267600 en 1892, sans compter
Tarmee, les lyc^es, les hospices, etc.
Certaines villes sont plus europeennes qu'africaines : Oran
(74000 hab.) n*a qu'un dixi^me de population indigene : Philip-
peville a 17400 habitants europeens sur 22000, Bdne 20000
sur 50 000, Souk-Ahras 5000 sur 5 400, Comtantine 16000 sur
42000; Tehessa m^me, sur les hauts plateaux, a un tiers d*Eu-
ropeens.
HI. TuNisiE. — La population de la Tunisie s'est considera-
blement reduite depuis Tantiquit^. De 10 ou 12 millions d'habi-
tants elle est tombee k environ 1 million 1/2. Moins de la
moitie sont des tribus derai-nomades berb^res et arabes (Khiou-
mivy OvLchteta^ Mogod, dans lenord; Ouled Yakouh, Ouled-
Riahy Soudsiy etc., au centre; Frdchichj Hammama, Nefet, Benir
Zid, etc., au sud). La majorite de la population est urbaine, et
forme sous le nom de Maures un melange de toutes les races.
Ge sont des negociants intelligents qui vont jusqu'au Soudan
parfois faire le grand commerce, ou des ouvriers dont le gout
est reste cel^bre dans toute l:Afrique du nord. Us ne sont paa
ianatiques. Les Juifs sont aussi nombreux en Tunisie qu*en
Algerie. On en compte plus de 45 000, dont pr6s de 50 000 k
Tunis m^me.
La colonie europeenne de la Tunisie augmente rapidement de-
puis le protectorat. II y a maintenant 10 000 Fran^ais, 25000 Al-
g6riens, environ 15000 Italiens (surtout Si ciliens), 11 000 Maltais
(sujets anglais), 500 a 600 Espagnols, et a peu pr^s autant de
43 • AFRIQUE.
nationalitds diverses, Grecs, Allemands, etc. Notre nationalite est
done la plus representee ; il est vrai que les trois quarts de la
colonie frangaise sont des Israelites alg^riens ou des Algeriens
musulmans, mais les Fran^ais immigres sont presque tous soit
des colons pratiquant la grande culture, soit commer^ants,
ingenieurs ou employes, tandis que les trois quarts des Italiens
et les Maltais sont des gens de petit metier. Les inter^ts fran-
^ais sont done de beaucoup les plus considerables dans la
Uegence.
G^ographie politique. — Les pays de FAtlas se divisent au
point de vue politique en trois parties : Fempire du Maroc,
I'Algerie et la Tunisie.
1** Maroc. — L'empire du Maroc comprend le territoire
d*environ 500000 kilometres carr^s limites au nord et k Fouest
par la mer, au sud par Ic Sahara, k Test par la frontiere fran-
^.aise, ligne conventionnelle passant par I'oued Adjerout^ entre
Lalla Marnia et Oudjda^ et le milieu du chott el-Gharbi pour
aboutir a Am Sissifa. G est une monarchie absolue et religieuse,
Tempereur ^tant en mSme temps V a ^mir al moumenin »,
<5'est-^-dire le commandeur des croyants.
Mais, si les 8 ou 9 millions d*habitants du Maroc reconnaissent
i'autorite religieuse du sultan, ils sont loin d'etre egalement
soumis a son autorite politique. II faut distingucr le « Bled el--
makhzen », le pays directement soumis au gouvernement de
Fez, et le a bled-es-siba », le pays tributaire, qui du reste ne
paye jamais de bonne grace le tribut : ce dernier comprend
les trois quarts du Maroc. On ne pent regarder comme reellement
«oumis que les districts suivants : au nord, le triangle com-
pris ontre Tanger, Mahdya et Fez ; un deuxi^me triangle dont
les sommets seraient Azemmour, Demnata k Test de Maroc, et
Mogador ; enfin la c6te, du Sous a Mogador. Ge sont les plaines
du Maroc, et les centres de population arabe. A part ces regions,
le sultan n'est ob^i que dans les grandes villes, comme Tarou-
dant et Oudjda, ou dans les oasis k population arabe, comme le
Tafilelt. Le reste du pays refuse chaque annee les prestations
qu'on lui reclame, et il faut chaque fois une expedition mili-
taire pour forcer les tribus recalcitrantes k payer
Le pouvoir des consuls strangers est la seule limite apport^e
it Texercice de la Yolont6 souveraine ; leurs « proteges », Euro-
peens et juifs, sont soustraits k la juridiction marocaine ; mais
I'AFRIQUE HII9EURE. 4S
lis n*ont pas le droit d*6tendre leur protection sur plus de douze
mahometans.
Le Maroc a trois capitales, ou le sultan se transporte tour k
tour : Fez, la plus importante, a environ 100000 habitants;
Maroc (Harrakech), au pied de la grande chaine de TAtlas, en a
environ 50000 ; Mequinez (Meknes), cite d^chue, n*en a plus que
20 000, dont une nombreuse colonie juive. La ville de Tanger
(12000 hab.) est le siege des transactions entre le sultan, repre-
sents par un vizir, et les residents etrangers, qui ue viennent i
Fez ou k Maroc qu'en ambassade solennelle, c*est-a-dire sans
escorte, et sont reconduits de m^me. Tetouan (:20 000 hab.)>
dans le nord, Rbat (25 000 hab.), Safi (12()00hab.) et Mogador
(20000 hab.) sur la c6te, Taroudant (20000 hab.) dans le
Sous, Oudjda dans Test, sont les principales villes sur lesquelles
s*appuie le pouvoir du sultan.
Le Maroc a 6te en i844 Tallie d'Abd el-Kader contre la France;
la bataille de VIdy, gagnSe par le marechal Bugeaud, aniena le
traite de LallaMarnia et la fixation dela frontiSre marocaine, du
reste sans cesse viol6e.
De son c6t6 TEspagne a ete en guerre avec le Maroc en 1860.
Yictorieuse, elle a obtenu la session du port de Santa^Cruz de
Mar Pequena sur la c6te sud du Maroc. Elle possSdait deja la
forteresse de Melilla depuis le :^v« siecle, et celle de Ceuta depuis
le xvi^. Enfin elle occupy en 1849 les iles Zaffarines, poste
d*observation en face de la Moulouia.
2^^ Algerib. — L*Alg6rie, conquise de 1830 a 1872, a passe par
bien des regimes divers. Depuis 188i , les decrets dits « de ratta-
chementi) Tout assimilSe, du moins enpartie, aux departements
frangais. L*Algerie est divisee en trois provinces, Alger y Constan-
Une et Oran^ qui elles-mSmes se subdivisent en territoire civil et
ierritoire militaire. Le territoire civil forme les trois departements
d'Alger, de Constantine et d'Oran qui ont, comme les departe-
ments frangais, leur pr6fet, leurs sous-pr6fets, leur conseil
general (ou les musulmans sont representes par des assesseurs
nommSs par le gouvernement) et leurs deputes. Les communes
y sont soit assimilees aux communes franc^aises (communes de
plein exercice, avec conseil municipal elu), soit des communes
<( mixtes )) regies par un administrateur civil k la nomination du
gouvernement, lorsque la proportion des digenes y est encore
trop considerable.
44 AFRIQUE.
Lft ierritoire miiitaire^ qui occupe encore presque tous les
Hauls Plateaux a Touest et le versant saharien, comprend les
regions ou la colonisation a peu ou point penetre et oi!i les
insurrections sont encore a craindre. 11 est divise en trois divi-
sions militaires, Alger, Gonstantine et Oran, et en quatorze subdi-
visions. Les communes y sont soit mixtes, soit « indigenes »^
c'est-&-dirc administrees par des militaires.
Les differents services administratifs de TAlg^rie sont ratta-
ches aux ministeres k Paris. Mais les ministeres del^guent
leurs pouvoirs pour la direction g^nerale des affaires a un
gouverneur general, residant k Alger, assiste d'un conseil supe-
rieur de gouvernement compost des chefs de service et de
6 conseillers generaux par departement.
DIVISIONS ADMINISTRATIVES.
D6partement d' Alger. — Chef-lieu: Alger (81800 hab. en 1892>
capitaie intellectuelle de TAfrique mineure (ficoles superieures df»s
Sciences et des Lettres, ficole de Droit, Ecole preparatoire de mede-
cine, Mddraga ou ^cole indigene de jurisprudence musulmane, arche-
vech^, cour d'appel).
Arrondissements : Tizi-Ouzou sur un seiiil qui commande l*entree
de la Kabylie par le Sebaoui
MMeah a 920 metres dans le massif du m^me nom ;
Milianah ;
OrUansville sur le Chelift.
Ddpartement d*Oran. — Chef-lieu : Oran (74200 hab.), position
militaire Ires forte, premiere vilie commerciale de TAlgerie.
Arrondissements: Tlemcen (30 000 hab.) a 800 metres, dominant
les vallees de Tlsser et de la Tafna ;
Sidi'hel-Ahhh (21 000 hab.) sur le Sig, fondee en 48i9 pour defen-
dre la route de Tlemcen a Mascara ;
Mascara a 585 metres, sur le versant sud du massif du m6me nom;
ancienne capitaie d'Abd el-Kader ;
Mostaganeniy ancienne cite au sud de Tembouchure du Chc^liff.
Departement de Gonstantine. — Chef-lieu : Constantine (4C 000 hab.)
a 600 metres, a Tentr^e des monts du Tell, sur un rocher a pic de
trois c6tes ; ancienne Cirla, capitaie des rois numides ; chef-lieu de
province romaine, puis d*un beylik turc; prise en octobre 4837 apres
deux sieges memorables.
Arrondissements : Bone (30000 hab.) a 2 kil. de Tancienne-
Uippone, quatrieme ville de I'Algerie par la population ;
L'AFRIQUE MINEUHE. 45
PbilippevUle {22000hab.}, ancienne Rusicada, cr^^e en 1858 pour
servir de port a Gonstantine ;
Bougie (12000 hab.), ancienne Saldae et capitale d'un empire berr
b^re, d^bouch^ de la Kabylie et des plateaux de S^iif, forte position
militaire ;
Sitiff ancienne Sitifis, h 1100 metres, sur le plateau ;
GuelmOy dans la vallee de la Seybouse ;
Batna a i020 metres, poste militaire qui a remplac^ le castnun
romain de Lambese au nord de TAures.
Z"" TuNisiE. — La Tunisie est gouvern^e par un bey, sous le
protectorat de la France, proclam^ k la suite de la campagne
de 1881, devenue necessaire par suite de Tattitude hostile quale
predecesseur du bey actuel, pousse par les Italiens de la R^gence,
ijvait cm devoir prendre contre nous. Maintenant, le pouvoir
4iutrefois absolu du bey est limite par les deux traites du Bardo
(1881) et de la Marsa (1883) : ils soumcttent les actes du sou-
verain au contr61e du resident general de France, qui dirige
1 administration, et dont le visa est necessaire pour la promul-
gation des lois.
Le gouvernement, dont le si^ge est Tunis (135 000 hab.),
s'exerce par des ministres, les uns indigenes (premier ministre
dirigeant les catds ou gouverneurs, ministre de la justice et de
ta plume), les autres fran^ais : ministre de la guerre qui est le
general commandant les troupes, directeurs des finances, des
Iravaux publics, de I'enseignement ; le resident general lui-
m^me remplit les fonctions de ministre des affaires etrang^res.
La Tunisie est divisee en caidats ou outdn administres par des
prefets indigenes ou caids, qui ne peuvent plus ^tre nomm^s
sans Tassentiment du resident. De plus, six contr61eurs frangais,
^ la Gouletfe, k Neheul, k Soime, au Kef, k Gafsa et a Sfax,
s'assurent de la faQon dont les caids administrent et pergoiyent
rimpdt, en meme temps qu'ils remplissent les fonctions consu-
laires (etat civil, etc.) vis-a-vis de leurs nationaux.
Une justice fran^aise a 6te instituee par la creation d*un tri-
bunal de premiere instance k Tunis et de six justices de paipt k
Tunis, laGoulette, Sousse, Sfax, le Kefei Bizerte, Leur juridic-
tion s'6tend sur les Fran^ais, les indigenes en contestation avec
•des Europ^ens, et, depuis ^'abolition des juridictions cpnsulaires
, .€^ 1881,.sur tous les strangers. Un corps d^occupationfraji^ais
. paye par la France occupe les principaux points strat^gigues
€t est charge en particulier defaire respecter la fronti^re sud
46 * AFiaOUB.
de la Tunisie contre les pillards tripalilains toujours tenths de
la franchir.
DEUXI£HE SECTlOri
AUTRES PAYS D£ L'AFRIQUE MINEUKE : COTE TRIPOLITAINE, CYR^NAIQUr
Limites de la zone mediterranienne. — Lorsqu^on a
depasse la region de TAtlas, on ne rencontre plus de soul6-
vement important sur la c6te de TAfrique du nord. Aucune
grande chaine ne la separe du desert du Sahara au sud ; aussi
Taction du desert se fait-elle sentir jusque dans son voisinage
imm6diat, et une etroite bande de terrain le long de la me^
participe seule au climat m6diterraneen. Les plateaux qui
s'elevent k quelque distance dans Finterieur, Hamada el-Eomra^
Barka appartiennent de]k completement au desert, et on peut
consid^rer leur rebord, qui se redresse en falaises quand on
vient de la cdte, comme la limite extreme ou s'exerce rinfluence
bienfaisante de la Mediterran^e. Du reste, en bien des endroit&
la transition est insensible entre les deux domaines climate-
riques, et il est difficile de dire, par exemple, si les rives de la
grande Syrte, ou se confondent les plantes mediterraneennes et
desertiques, appartiennent & la Mediterran^e plut6tqu*au Sahara.
Relief et cdtes. — La cdte tripolitaine qui s'etend a Test
de la petite Syrte est d*abord un pays bas, sablonneux, ou Yon
ne voit guere que des bancs de sable, des marais, des lagunes et
des ecueils. G'est la zone des salines; Tune d*elles, la Sebkha el--
MekhbaSf a ^te exploit^e par les V^nitiens d^s le xni^' si^cle.
Les campagnes plus fertiles de Tripoli lui succedent; \k s'ouvre
6galement le seul port de cette c6te, k Tabri d*une jet^e natu-
relle d'^cueils. II n*est pas comparable du reste aux ports de la
Tunisie, car tant qu'on n'aura pas reli6 les recifs par un veri-
table mdle, les temp^tes du nord pourront jeter les navires k la
cdte. La barre ne permet Tenlree qu'aux navires calant moina.
de 5 metres. Dans toute cette partie de la Tripolitaine, les hau-
teurs se maintiennent loin de la c6te ; ce sont les croupes qui
marquent la fin des plateaux sahariens : djebel DouiraU NefoUsa^
Yefren (600 a 800 met.) et djebel Ghouridn (675 ma.),^dont les-
falaises d^chiquetees s'avancent comme des p^dmontoifes dans,
la plaine, h une distance de 60 a 100 kilometres de la c6te.
L'APBIQUE MINEURE. 47
Au deU dc Tripoli, les plateaux se rapprochent et la c(ite eUe-
m^e devient rocheuse au cap el-Tadjoura : c'est la region des
collines de Mesellata et de la haute plaine de Tarhana (300 m^t.) ;
\k s*ouvrent aussi quelques anses sans profondeur, dont Tune
abrita dans I'antiquit^ une ville florissante : Leptis Magna, dont
on Yoit encore le in6le ensabl^. Le village de Lebda Ta rem-
placee.
Au dela, le rivage de la grande Syrte n*offre sur 500 kilo-
metres ni une ville, ni un port. « La grande Syrte est comme
le champ de bataille de la mer et du Sahara. Les vagues do
Tune, pouss6es durant neuf moispar les vents du Nord, luttent
ici avec les sables de Tautre, et le rivage n'offre qu'une alter-
native de dunes mouvantes, de marais salants et de plaines cou-
vertes d'une couche de sel de trois k quatre pouces d'^paisseur.
Le golfe n*est pas plus sOr pour les navires que la cdte pour les
cara vanes; le courant qui porte les eaux ^ I'est se brise contrc
le plateau de Barka, et est reil^chi en mille directions qui
causent au milieu de ces bas-fonds une agitation extreme et
dangereuse*.... »
La cdte arrondie du plateau de Barka vaut mieux que la prd^
cedente. Le rebord du plateau, qui en est en mSme temps le
faite, le Djebel Akhdar, dont les cimes d^passent 1000 metres
a Touest, se dresse dans le voisinage imm^diat de la cdte, ou ses
derniers contreforts forment des caps escarp^s, et abritent
quelques ports assez surs. Benghaziy k Fabri d*un de ces pro-
montoires rocheux, s'est malheureusement ensabl^ depuis Tanti-
quite; les navires de plus de 2 m. 50 ne peuvent plus entrer
dans leport. Tolmitah, Tancienne Ptolemais, est une crique bien
abritee, mais egalement peu profonde; Marsa Sousa (autrefois
Apollonia, le port de Cyrene) est un petit port bon seulement
pour les petits navires; le golfe de Bomba est ouvert aux vents
du large. Mais plus loin, aubas du plateau calcairede la itfarma-
rique (500 m6t. environ) dont les^. escarpements se prolongent
paralieiement k la c6te jusqu'en Egypte, la baie de Tobrouk forme
un vaste port de 3 kilometres, profond de plus de 40 metres et
encore mieux abrite par la nature que Bougie, car il n*est ouvert
absolument qu*au vent d*Est.
Climat. — A Tabaissement du relief correspond sur la cote
i. Victor Duruy, Bistoire des Bomaina,
48 AFRIQUE.
Iripolilaine la diminution des pluies. On n'a pas encore inesure
exactement la quantite annuelle qui tombe k Tripoli, mais il est
certain qu^elle n*est pas bien differente de celle d'Alexandrie
(22 cent.). Les djebel qui arr^tent les nuagcs venant du nord,
8ont mieux arroses que la cdte mSme : le versant nord du
Ghourian par exemple a des eaux courantes et quelquefois des
crues subites remplissent le lit des ou4di jusqu a la mer. Les
pentes du Djebel Akhdar doivent de m^nie k leur altitude les
ruisseaux et la verdure qui font de cette partie de la (]yrenaique
une contr6e privilegiee de la cdte d'Afrique, celle ou les anciens
avaient peut-^tre plac^ leur jardin des Hesperides.
La temperature augmente sur la cdte tripolitaine en propor-
tion de la raret6 des pluies; en outre le sirocco ou vent du
Sahara y apporte souvent une poussi^re et une chaleur insup-
portables.
Hydrographie. — Les ou^di de la Tripolitaine (oued So-
1 fedjiUy oued Zemzem, etc.) ne sont naturellement permanents
qu'2i leur tSte dans le djebel, sous forme de petits ruisseaux.
Leurs crues pourraient cependant dtre utilis^es pour Tirrigation,
et 1^ encore les Romains nous ont donne I'exemple des barrages
k Tissue des ravins du Ghourian et de la Gyr^naique.
Flore et fauna. — La flore et la faune de cette contree
hybride sont un melange d'esp^ces mediterraneennes et d6ser-
tiques. Volivier croit en for^ts sur le Ghourian et le Djebel Akh-
dar, tandis quun.vaste bois de datliers, entoure Tripoli. De
mdme Vamandierj le grenadier^ le flguier, le lentisque et mille
autres broussailles y rappellent TEurope meridionale, tandis que
le palmier dounij Vacacia talha font penser au desert. Ija faune,
, tr6s pauvre du reste, offre le m^me contraste : le boeuf d'Eu-
rope y c6toie le chameau. Les animaux des steppes, gerboises,
, gazelles, lezards sont les plus communs.
Population et gdographie politique. — De m^me que dans
le Maghreb, les Berb^res tripoli tains se sont maintenus surtout
dans la montagne, tandis que les Arabes occupent les plaines.
Les indigenes des djebel Yefren, Nefousa, Ghourian sont ana-
logues aux Kabyle3 par T^nergie qu'ils apportent k d^fendre leur
independance et k cultiver leur sol. Une partie d'entre eux est
,. troglodyte, c'est-k-dire habite des maisons creus^es dans, le roc.
Des tribus d'Arabes nomades, Orfellay Aoulad Slimdn, Aoulnd
Khris errent le long de la grande Syrte ; ils sont brigands par
L'AFRIQUE MINEURE. 49
gout et pasteurs par necessite : une de leurs tribus, les Bou'
Saefi, est renommee pour la beauts de ses chameaux. Le Barka
tout entier est peiiple d'Arabes (Zouya, Aouaghir, etc.).
La Tripolitaine, etat independant jusqu'en 1855, forme de-
puis un vilayet ou province turque, gouveriK^e par un valif
assists d'un certain nombre de sous-gouverneurs ou moutoi-'
sarif et de chefs de canton ou katmakam, distribues dans des
cMteaux forts aux points strat^giques de la contr^e. Tels sont le
Kasr-Yefrin et le Kasr-Ghouridny qni surveillent, perches sur
les plus hautes crates, les populations remuantes du djebel.
Mais Tautorite turque n'est que nominale sur les bords de la
grande Syrte et le Barka. Les brigands Ourfella et autres
n'ob^issent k personne, et les Arabes de la Cyr^naique sont k b
d^YoUon du chef de la fameuse confr^rie religieuse des Senousi»
qui leur envoie ses ordres du fond du Sahara.
TROISlfiME SECTION
G^OfllRAPHIE iCONOMlQUE DE L'AFRIQUE ININEURE
De Tensemble des pays qui composent TAfrique Mineure, on
peut dire ce qui est si vrai de TAlg^rie, k savoir qu'ils ne sont
que le complement des pays europ^ens qui leur font face, lis
fournissent en abondance tout ce que lescdtes septentrionales, a
la lisi^re ^troite, ne sauraient donner en quantite suffisante. Ce
sont d*admirables colonies, dont la valeur est encore rehauss^e
par leur proximity meme. Ce n'est pas d*hier que toute cette
region a pris de I'importance pour les diverses peninsules du
continent. Cyr^ne fut deja, plusieurs si^cles avant Jesus-Christ,
une colonie grecque prospere. Pius tard Carthage put un instant
balancer la fortune de Rome, et tout le pays, de Gab6s jusqu'^
rOc^an, resta jusqu'^ la fin de la domination romaine le grenier
de Tempire; des mines nombreuses attestent encore le souci
que prenaient les Romains de sa prosp6rit6. Cette oeuvre remar-
quable de colonisation savante disparut bientdt sous les coups
des barbares, et les Arabes ne firent rien dans la suite pour la
restaurer. Ce n'est que depuis une cinquantaine d'ann^es que,
GjgOG. CL. 3*. ^
50 AFRIQUE.
sur I'iniliative de la France, tous ces pays onl repris pour TEu-
rope une r^elle valeur.
Agricalture, aptitude naturelle. — Noiis avons vii que
cette contree appartient dans Tensemble k la zone mMiterra-
n^enne. Toutefois la diversite du relief et les diffi^rences d expo-
sition permettent d'^tablir certaines distinctions. L'ancienne
Cyrenaique, le pays de Barka, forme une sorte d*ilot, riche en
c^r^ales et en fruits. Le reste de la c6te tripolitaine touche
presque au desert; les cultures proprement dites n'y ont pas
d*importance. Les pays de T Atlas ont une bien autre \aleur,
mais TAlgerie n*est pas la region la plus favoris^e. Dans le Tell,
la zone la plus fertile, prosp^rent les cereales, les oliviers, la
vigne. Les hauts plateaux, propres seulement k Televage et k
la culture de Talfa, occupent dans notre colonic une surface
d^mesuree.
Au dela des fronti^res alg^riennes, k Test et k Touest, les
hauts plateaux plus d^meinbres, plus articul^s, plus ouverts aux
vents humides, sont moins st6riles. En Tunisie et dans le Maroc,
il n'y a veritablement que le Tell et le desert; ces deux pays,
offrent relativement beaucoup plus d'espace k la culture que la
region centrale : les travaux d'irrigation y sont plus faciles, les
cours d*eau plus abondants. Le Maroc surtout, d'apr^s I'avis de
la plupart des voyageurs, « ne saurait §tre trop Yant6 ». Tout le
Tersant qui regarde TOc^an est d*une f^condite prodigieuse. Les
prohibitions mises k Texportation par le gouvernement ont
seules, jusqu'^ present, emp^che I'extension des cultures.
Dans ces divers pays, Vamenagement des eaux est une oeuvre
de premiere n^cessit^. Dans la region cultivable de TAlg^rie et
de la Tunisie, les Fran<^ais ont ^tabli de nonibreux barrages et
construit de vastes reservoirs, dont plusieurs sont renouvel^s de
I'epoque romaine. Dans le Maroc, certains fleuves, comme
rOued Draa, sont captes entierement par I'irrigation et leurs
eaux ne parviennent que rarement k la mer.
Un fleau, redoutable pour les regions de I'Atlas, c'est Tinvasion
des bauterelles ou plut6t d une esp^ce particuli^re de criquets,
dont les nuees epaisses ont souvent r^duit k la famine les regions
les plus favoris6es.
Les pays de TAtlas, et surtout la Tripolitaine, ne sont pas fa-
Yorables en g^n^ral k la vegetayion forestiere. G'est d'ailleurs, on
je sait, un trait caracteristique de toute la zone de climat m^dir
L'AFRIQUE HINEURE. (1
terran^en ; bien des espaces ne sont en r^alit6 que des brous-
sailles, des taillis peu eley6s» ce qu*on appelle en un mot le ma"
quis. Ce n'est que dans les massifs montagneux, ou les eaux se
d^versent avec plus d*abondance, que les arbres sont d'une belle
venue. Ce sont les massifs les mieux articul^s, les mieux arros^s
de Test et de I'ouest qui renferment les plus belles fordts : Haroc,
province de Constantine, Tunisie.
Ces for^ts, si n^cessaires en ce pays plus qu'en tout autre
comme reservoir d*bumidit6 et de fraicheur, ne sont encore
d*autre part que faiblement exploit^es, mdme en Alg^rie. L*ab-
sence de moyens de communications faciles est la cause de cette
situation encore precaire, non moins que les incendies auxquels
la main de Thomme n*est pas ^trang^re. Actuellement il coiUte
moins cher de faire venir en tel endroit d'AIg^rie des bois de
Su^de que d'une fordt situ^e k quelques kilometres. Les plus
beaux fOts de chSne ne sont utilises que pour le charbon.
Les principales essences sont les pins, le ch^ne vert, le ch^ne-
lifege, i'olivier sauvage. Le ch^ne-li^ge couvre plus de 500000
hectares et pourrait foumir, tant k r£tat qu'aux particuliers,
d'immenses ressources.
Les CULTURES ALiMENTAiRES out ^ih k T^poquo romaino la princi-
pale richesse de tout ce pays. C*est pour les d6velopper que les
Remains ont ex^cut6 ces vastes travaux d'irrigation que nous ad-
mirons encore. D*immenses cargaisons de bl^ ^taient en effet
transportees chaque ann^e en Italic.
Les cereales sont au premier rang de ces plantes alimentaires.
Mais la terre ne les fournit plus en aussi grande quantity qu*au-
trefois. Les premiers colons qui se sont ^tablis en Alg6rie comme
dans un Eldorado ont appris k leurs d^pens que la terre n*y pro-
duit pas sans travail. Les grandes plaines de la Tunisie et sur*-
tout du Maroc offrent d'ailleurs beaucoup plus d*espace encore
que rAlg6rie k cette culture ; mais les r^coltes n'y atteignent pas
le dixi^me de ce que le sol pent donner
Les cereales sont une des principales ressources d avenir des
pays de TAtlas. La consommation de froment deviendra toujours
plus grande en Europe, k mesure que les progr^s du bien-Stre le
feront parlout substituer au seigle. Quelles que soient les res-
sources qu'offrent k cet 6gard la Russie, les Etats-Unis, Tlnde,
il pent etre en tout cas tr6s avantageux pour divers pays d'Eu-
rppe de trouver ainsi, k portee, les provisions de bl6 qui leur
^2 AFRIQUE.
sont n^cessaires. On a calculi qu'il suffirait de deux mauvaises
r^coltes successives dans les pays producteurs pour amener la
disette. La culture des cer6ales, qui seront toujours un objet de
premiere necessity, peut done sans danger prendre une grande
extension dans toute TAfrique septentrionale.
Le ble et Yorge sont les cereales les plus abondantes. Le ble
dur, qui est indigene, est particuli^rement estim^ en Europe
pour la fabrication des p^tes. Le mats^ le millet r^ussissent ^ga-
lement partout.
Les cultures maratcheres sont tr6s d^veloppees dans tous les
Etats barbaresques. On sait le rdle que jouent les primeurs
d*Alg6rie surnos marches fran^ais. Les legumes (pois, f^ves, etc.)
sont au premier rang des exportations du Maroc.
Mais les cultores arboresgentes ont encore plus d'importance.
Les fruits ont 6t6 de tout temps la principale richesse agricole de
laTripolitaine; etles pays de 1' Atlas ne sont pas moins favorables
ileur production que les cdtes europ6ennes, si celebres, quileur
font face de Tautre cdt6 de la M^diterranee : Fet^ m^diterran^en,
chaud et sec, est tres propice k la maturation.
Volivier vient partout k Tetat sauvage, et couvre de vastes
^tendues forestiferes depuis la Cyr6Haique jusqu'au d6troit de Gi-
braltar. Mais les arbres greffes sont encore en trop petit nombre,
et les huiles, mal pr^par^es par les indigenes, ne sont encore em-
ployees qu*k la fabrication des savons. C'est de Marseille que, par
une 6trange bizarrerie, I'Alg^rie re^oit les huiles comestibles n§-
cessaires a sa consommation. L'olivier exige peu d'humidite et
sa culture peut s'6tendre utilement jusqu'a la lisiere du desert,
tandis qu'en Europe la zone ou il reussit est relativement etroite.
Le figuier supporte encore mieux la s^cheresse et donne d'ex-
cellents fruits.
Voranger et le dtronnier demandent au contraire moins de
chaleur et plus d'humidit6 ; ils sont nombreux surtout dans la
zone ]ittorale.
Dans les possessions fran^aises, en Algerie et en Tunisie, c'est
la vigne qui jouit actuellement de la plus grande faveur. Les
plantations se sont surtout developpees k partir de 1878, k la
suite des d^sastres qui frapp6rent la m^tropole ; les vignobles pro^
ductifs representent aujourd*huilOOOOO hectares, qui ont donn^^
en 1890, 3 millions d'hcclolitres. II est toutefois permis de se de-
mander si la reconstitution tr^s rapide du vignoble de la m^tro-
L'AFHIQUE MINEURE. 55
pole et raccFoissement tr^s remarquable de la production nd
porteront pas un coup sensible aux vignes africaines. La consom-
mation du vin n*est pas illimit^e, et les d^bouch^s sont en defi-
nitive assez restreints.
Parmi les cultures industrielles, le colon, n^est plus cultiv^ sur
un espace considerable. Le sol et le climat sont pourtant tr^s pro-
pices k cette culture, de m^me que la Tunisie et le Maroc. Hais
I'abondaDce de la laine, qui fournit largement aux besoins des
indigenes, n'en a pas favorise Textension.
Le lin n'a pas beaucoup plus d'importance; la seule plante
textile qui soit Tobjet d'un commerce actif est Yalfa; mais c'est
une culture propre aux plateaux et qui n'est par consequent r6-
pandue qu*en Alg^rie. On Temploie surtout en Angleterre k la
fabrication du papier.
La culture du tabac s etend de la Tripolitaine au Maroc, mais
elle n*est vraiment induslrielle qu*en Algerie, d'ou TEtat fran^aia
tire dejk de grosses cargaisons pour ses manufactures du con-
tinent.
Telles sont a peu pr^s toutes les cultures qui font jusqu'& pre-
sent I'objet d'une exploitation serieuse, dans TAfrique septen-
trionale, mais il s'en faut qu'elles ^puisent la liste de ce que ce
pays fortune pourrait fournir.
Edrisi nous assure que la region occidentale du Maroc recol-
tait de son temps le meilleur sucre de Tunivers entier. Les
arachides pourraient 6galement y prosp6rer, de m^me que I'in-
digo, la garance, qui ne sont encore produits qu'en faibles
quantites. Mais le climat et le sol seraient surtout favorables
dans le Tell, en Tunisie, dans les plaines occidentals du Maroc
h la culture du murier, qui pourrait recevoir utilement une
grande extension.
On voit en resume de quelles sources de richesse nombreuses
et abondantes dispose ce pays.
L'elkvage est aussi susceptible dun grand d^veloppement.
Mais il faut faire une distinction. Dans toute la region tournee
vers la Mediterranee et soumise au climat sec de cette mer, I'ele-
vage du gros betail n*y rencontrera jamais des conditions corapa-
rables k ceUes de nos provinces. du nord-ouest, des Pays-Bas ou
de r Angleterre; mais les plaines du Maroc qui regardent vers
rAtlantique, et que visitent plus frequemment les vents pluvieux,
offrent deja des conditions meilleures On compte plus de 6 mil-
W .'^
"m{
54 AFRIQUB
lions de b^tes k cornes dans le Haroc, 1 million seulement en
Alg^rie.
Les hauts plateaux, que leur climat extreme, leur secheresse
estiyale rendent impropres k Televage du gros betail, convien-
nent mieux aux moutons et aux chevres, qui parcourent plus
faciiement de grands espaces pour trouver leur nourriture. C'est
toutefois le Maroc qui Temporle encore de beaucoup ; bien que
Texportation des moutons y soit interdite, il en renferme plus
de 40 millions de t6tes et 12 millions de ch^vres; TAlgdrie n*est
riche k peine que de 10 millions de moutons et de 4 millions de
ch^vres. Les chevaux, qui sont celfebres pour Ffl^gance de leurs
formes, leur endurance et leur sobri6t6, ne sont pas nombreux
et la race a beaucoup deg^n^r^. Les dues et les mulets, que le
Maroc nourrit au nombre de plusieurs millions, rendent beaucoup
plus de services aux indigenes; le chameau est Fanimal par
excellence du desert et de la region des oasis : TAfrique Mineure
en renferme peut-^tre un million.
Les volailles ne sont nombreuses en Alg^rie que depuis la co-
lonisation frangaise, mais elles puUulent au Maroc, qui exporte
chaque annee des oeufs pour plus d'un million d« francs. L'61e-
vage des autruchesy qui sembie devoir r^ussir en Alg^rie, n*est
pas encore sorti de la periode des debuts et des t^tonne-
ments.
En somme la Tunisie, ou les animaux sont encore si rares, et
le Maroc occidental deviendront faciiement de grands pays d'ele-
vage, favorables a la fois au d6teloppement du gros et du petit b^
tail; TAlg^riegardera de preference la sp^cialite du mouton et de
la ch^vre. Elle exp^die d^j^ dans la metropole chaque ann^e
800 000 t^tes d'animaux k viande; les cuirs, les peaux de
chevre, les laines sont aussi parmi les articles d'exportation les
plus importants du Maroc.
La chasse est une des grandes ressources alimentaires de TAl-
g6rie et de la Tunisie, mais la peche a une valeur beaucoup plus
importante. Les cdtes, tr6s poissonneuses, donnent aux p^cheurs
d'abondantes cargaisons de thons et de sardines; les Sponges
sont r^coltees sur le littoral de la Tunisie m^ridionale et de la
Tripolitaine ; le corail est extrait des rochers qni bordent la c6te
d'Algerie depuis Tile de Tabarka jusqu'^ B6ne.
Les pays de TAfrique Mineure sont done riches en ressources
agricoles de toute nature, mais ces ressources sont encore loin
L*AFHIQUE MINEURE. 55
d'avoip atteint le developpcment qu'elles peuvent recevoir. Les
campagnes si fertiles des pays de Barka sont presque inhabit^es,
et les modes d*exploitation y sont rudimentaires; l*Algerie et la
Tunisie, plus avancees, gr^ce k la colonisation fran^aise, peuvent
encore augmenter leur richesse. Mais le Haroc surtout, qui est
sans contredit, avec la Tunisie, la contr^e la plus favoris^e de
TAfrique du Nord et qui a, de plus, sur ce dernier pays Tavan-
tage d*une plus grande ^tendue, peut esp^rer un plus grand
avenir.
Industrie. — La Tripolitaine, TAlg^rie-Tunisie, le Maroc
sont des pays essentiellement agricoles. La condition premiere
d*un grand d^yeloppement industriel, la houille, fait a peu pr^s
defaut et les gisements qu*on a d^couverts ^k et 1^ ne donnent
qu*un combustible mediocre et sont d'une exploitation difficile
et codteuse.
Les autres minerais sont plus abondants et meilleurs, mais ils
ne sont encore utilises qu'en Algerie, le gouvernement cherif-
fien s'est obstinement oppos6 jusqu*k ce jour k toute entreprise
dont le premier r^sultat eut 6t6, pensait-il, de livrer sans de-
fense le Maroc aux etrangars.
L'Algerie et la Tunisie sont particuliferement riches en fer; le
massif de TEdough dans la province de Gonstantine en possede
k Ain-Mokra des mines fameuses. d'ou on extrait en moyenne
plus de 200000 tonnes. La compagnie de Mokta el-Hadid, qui
est concessionnaire de ces mines, exploite egalement des gise-
ments precieux en Tunisie, dans le pays Rhroumir, et aux envi-
rons du cap Serrat. Bien que les frais de transport accroissent
sensiblement le prix de revient, les fers alg^riens et tunisiens,
qui sont d'une qualite superieure, et particulierement propres k
la fabrication des aciers, trouvent facilement acheleurs. Des mi-
ni^res nouvelles, ouvertes k Beni-Saf dans la province d'Oran,
donnent d^j^ pr^s de 550000 tonnes.
L*Alg6rie possede Egalement de riches mines de cuivre, mais
le Maroc semble k cet egard plus favoris^. Les depots qui exis-
tent dans rOued-Sous, au nord de Taroudant, sont connus de
longue date et ils ont donne naissance k une branche d'industrie
tres prosp6re (chaudronnerie).
Des mines de plomb argentiferCy de mercure, d'antimoine, de
zinCy ont 6te reconhues en plusieurs endroits.
Le set gemme est commun dans le Maroc, et les Ghotts d'Alg6-
56 AKRIQUE.
rie et de Tunisie sont d'inepuisables reservoirs qui pourront
donner lieu a un important commerce.
L* Atlas et les chaines du littoral sont riches en carrieres : le
calcaire, le granit, le platre, le calcaire hydraulique sont facile-
ment exploites. D'abondants d6p6ts dHargiles servent en Tunisie
et dans le Maroc k une active industrie de poteries. Enfm les
carrieres de marbre, exploit^es deja par les Romains en Numi-
die, fournissent encore d*6normes blocs estimes sur le marche
europeen.
Vindustrie proprement dite est plut6t en decadence. L'in-
fluence europeenne ne lui a pas 6te favorable. Au Maroc toute-
fois, grace a I'isolement, les traditions originales se sont mieux
maintenues. Mais la aussi, les marchandises europ^ennes pene-
trent de plus en plus, refoulant par leur bon march6 les produits
du pays. II n'y a pas d ailleurs k proprement parler d'industries
verilables, ce sont plutdt des corps de metiers, dont les artisans
parfois tr^s babiles s'adonnent a la fabrication sp6ciale de telle
QU telle categorie d'objets.
. La vieille industrie des tissus en laine et en poil de chfevre est
la plus renommee; elle occupe peut-etre plus de 25000 ouvriers;
les tapis du Mzab en Algerie, ceux de Rbat au Maroc, sont celfe-
bres. On sait la vieille renommee des « maroquins » dont Maroc
a deja perdu la specialite, transport^e k Fez. Le Maroc envoie
chaque annee k Alexandrie et en Europe pour pres d*un million
de babouches et d'objets travaillcs en cuir. La fabrication des
poteries, la trempe des armes meritent aussi d'etre citees, mais
ces diverses industries, tant en Algerie et Tunisie qu au Maroc,
ne sont plus guere aliment^es que par la vente aux etrangers de
curiosites locales.
Commerce. Voles de communication. — La question du
commerce et des voies de communication est complexe dans les
divers pays de I'Afrique septentrionale. Ces pays n'ont pas en
effet seulement d'importance par eux-m^mes; ils servent en
outre de debouches et de portes d*entr6e k toute une partie du
Soudan.
A ne considerer d'abord que le commerce interieur, TAfrique
du nord n'est pas favoris6e sous le rapport des voies de commu-
nication naturelles. Ce n'est que sur TOcean que, gr^ce k
r^tendue plus considerable des plaines, les fleuves pourraient
faciliter les echanges. Mais la plupart sont epuisespar la canali-
L'AFniQUE MINEURE. 57
sation agricole ; on ne peut guere en definitive citer comme voie
navigable que TOued Sebou, que les grosses barques pourraient
pendant la plus grande partie de I'annee remonter jusqu'^ Fez;
mais jusqu'a present 11 n'est pas utilise.
Les routes sillonnent dej^ les colonies frangaises d*Alg^rie et
de Tiinisie sur pres de 15 000 kilometres, raais au Maroc les che-
mins sont detestables, tous les transports se font k dos de cha-
meau, ce qui en majore singulieremenl le coAt. Les routes se-
raient d^ailleurs difficiles d construire daus ce pays, ou les
torrents, k sec pendant dix mois de Tann^e, prennent tout k
coup d*enormes proportions et doivent ^tre par consequent fran-
chis sur d'immenses ponts, solidement construits. La route de
Fez a Mequinez, mal entretenue, est la seule que possfede encore
le Maroc; il faut pr^s de deux semaines aux missions euro-
peennes pour se rendre de Tanger k Fez. Le gouvernement du
Sultan ne fait rien d'ailleurs pour ameliorer cctte situation; il
craint d'ouvrir trop large la porte a I'influence des Europeens et
on salt toutes les difficultes qu'il oppose k I'etablissement de
phares, de lignes tel^graphiques, k la pose de cables sous-ma-
rins.
A plus forte raison les chemins de fer n*existent-ils que dans
les possessions frangaises. On a d^']k eu Toccasion de marquer,
dans un volume precedent, les lois g6n6rales de la construction
du reseau algerien-tunisien et les besoins 6conomiques auxquels
il r6pond; on n'insistera pas ici.
Les Etats barbaresques sont le debouch^ du Soudan, du c6t6
de I'Europe ; mais, k ce point de vue encore, ce n'est pas TAlge-
rie qui est le plus favorisee. Les ports de notre colonic sont en
effet de tous ceux de TAfrique du nord les plus 61oignes du desert
et ils en sont de plus s6pares par une large bande de plateaux
eleves. II est vrai que la proximity g6om6trique n'est pas le seul
fait a considerer, dans I'etude de la concurrence que se font les
peuples mediterraneens pour Texploitation du Soudan. Ce ne
sera pas dej^ trop des ressources de TAlgerie-Tunisie, pour
amortir, par un supplement de convois, les frais d'une entreprise
transsaharienne. Tant que TAlg^rie est rest6e sous la domination
arabe, de nombreuses caravanes avaient encore Alger comme
point d'attache ; mais, depuis que les Frangais se sont 6tablis
dans le pays, elles ont enti^rement abandonne cette direction,
pour obliqueri Test vers Tripoli, k I'ouest vers le Maroc. De ce
^ AFRIQUE.
dernier cdt6 c'est Agadirj situe sur le versant sud de TAtlas,
qui a ^U pendant des si^cles le point de depart de la route
suivie par les caravanes. C'est aujourd'hui Mogador, en de^^
des montagnes, qui attire la plus grande partie des denr^es du
Soudan dirigees vers le Maroc.
Mais c'est sans contredit la Tripolitaine qui offre, k ne consi-
derer que le Soudan, pour les communications avec Tinterieur
les facilit^s les plus grandes, etc*estle premier rdle economique
de ce pays. En revanche les ports des Syrtes sont mauvais et
dangereux. On a deiji emis I'id^e de la constiuction possible
d'une voie ferree qui uuirait Tripoli ou plutdt le fond du golfe
de Sydra au lac Tchad et se prolongerait jusqu'au golfe de
Guin^e.
A ces rontes dirigees dans le sens du m6ridien, il convient
d*aj outer le cherain tr6s frequents qui court trans versalement aux
premieres et conduit les pelerins du Maroc k Alexandrie et au
Gaire, puis de Ik k la Mecque. De nombreuses marchandises sui-
vent annuelleraent cette voie.
Le commerce interieur est assez actif, mais surtout en Alg^rie,
ou la delimitation tr6s nette entre les pays de plaine, les plateaux
et le desert, n6cessite entre les populations qui habitent ces di-
verges regions des ^changes nombreux.
Le commerce exterieur des pays de TAfrique Mineure est sol-
licit6 et favoris6 tout k la fois par le voisinage de FEurope et par
leur situation sur le passage des innombrables steamers qui sil-
lonnent constamment la M^diterran^e. L'Algerie et la Tunisie,
dont les forces productives se developpent rapidement, occupent
d^}k une place importante dans le mouvement general du trafic
et leurs relations avec les divers pays mediterraneens et surtout
avec la France prennent de jour en jour une extension plus
grande.
Mais le Maroc et la Tripolitaine sont rest6s jusqu*^ ce jour
comme des pays perdus, peu connus et encore moins fr6quentes.
11 ne faut pas seulement chercher la cause de ce phenomene bi-
zarre dans Tctat politique deplorable dont ils souffrent tous deux.
II vient aussi de ce qu'ils sont places en face de deux p6ninsules
europ^ennes, qui produisent en suffisance tout ce qu'ils donnent
eux-m^mes. L'Espagne surtout, pays veritablement africain, peu
peupl6 d'autre part et peu riche, n'est pas press^e de s'emparer
d*un pays dont elle ne tirerait autre chose que ce que son sol lui
L'AFRIQUE UINEURE. 59
donne dejk et Tltalie n'^prouve pas un besoin plus pressant dc
demander k la Gyr^naique des bl^s ou des fruits. La France, qui ne
poss^de sur la H^diterran^e qu'une bordure ^troite, etait pouss^e
par des n^cessit^s ^conomiques bien autrement imperieuses k
s*emparer de I'Alg^rie et dela Tunisie. Les pays au sol plus pauvre,
k la population plus dense, du nord de I'Europe, TAngleterre et
I'Allemagne ont encore de bien plus fortes raisons pour vouloir
exploiter k leur profit les pays m^diterran^ens; la derni6re sur-
tout, qui ne peut trouver dans ses colonies les ressources dont
dispose sa rivale. Et voil^ pourquoi tant de convoitises s agitent
actuellement autour du Maroc et k un moindre degre autour de
la Tripolitaine.
Le commerce de la Tripolitaine atteint peut-^tre 20 k 25 mil*
' lions de francs, mais il est difHcile d'indiquer exactement la
proportion des importations et des exportations. Les premieres
consistent surtout en cotonnades, en m^taux, en quincaillerie
et d*une fa^on g^n^rale en objets fabriqu^s de toute nature. Les
a ^cus de Marie-Th^r^se » destines au commerce du Soudan,
ou ils servent de monnaie, forment aussi un appoint considera-
ble dans les importations. La Tripolitaine exporte de Talfa pour
plusieurs millions de francs, des c^r^ales, du b^tail, des peaux
etdes laines, du beurre, des fruits, des dattes, etc., du sel et de la
sonde, des eponges. C'est enfin par le port de Tripoli que s* expe-
dient en Europe les marchandises apportees du Soudan par les
caraTanes : plumes d'autruche, poudre d'or, ivoire, encens. Ce
commerce de transit a beaucoup perdu d'ailleurs de son impor-
tance. On evalue k environ 5 millions de francs la valeur des
^changes annuels qui s'effectuent entre la Tripolitaine et le Sou-
dan.
C'est avec TAngleterre et plus specialement avec Tile de Malte
que la Tripolitaine entretient les relations les plus actives.
Lltalie, la France, la Turquie viennent ensuite, mais bien lorn
derriere le pavilion britannique.
Les deux ports principaux sont Tripoli (450 000 tonnes) et
Benghazi (300 000 tonnes). Ce dernier s'est developp6 rapidement
depuis quelques ann^es. La valeur de son commerce a quadruple
en huit ans.
Le commerce exterieur du Maroc se chiffre par une valeur de
85 ^ 90 millions de francs. Les importations sont leg^rement
superieures aux exportations; elies comprennent les colonnades,
60 AFRIQUE.
soieries, lainages, le sucre, le th^, les ^pices^ les m^taux et
objets en fer, les boissons. Le Maroc exporte principalement des
legumes, du mais, de I'huile d'olive, des peaux brutes et ouvr6es,
des laines, des boeufs, des amandes, des oeufs.
C'est encore la Grande-Bretagne qui tient le premier rang
dans ce commerce. EUe y participe pour la moiti^ des exporta-
tions et les deux tiers des importations. C'est sur le marche de
Londres que sont envoy^s les legumes, les huiles, les fruits, les
oeufs que produit ce pays. Les boeufs vont k Gibraltar. La France
occupe honorablement la second e place, elle envoie dans le
Maghreb des soieries, de la quincaillerie, des produits coloniaux
(sucre, etc.) ; elle achete des peaux, des laines et d'innom-
brables objets de curiosity ou de luxe.
Les autres pays m^ritent k peine d'etre cit^s : les relations de
TEspagne avec le Maroc ne depassent pas 5 millions. La Belgique
y envoie des fers, la Su6de des bois; I'Allemagne ne fait que
d^buter, mais si les exportations marocaines k destination de ce
pays se soldent par 60 000 francs, les importations sont d^j^ dix
fois plus fortes.
Le mouvement des ports marocains atteint pr^s de 900 000
tonnes k I'entr^e (1891), k peu pres 6galement reparties entre
les pavilions frangais et anglais. Le port de Tanger, situe au
seuil de la Mediterranee, k quelques kilometres de TEurope, est
de beaucoup le plus important (285000 tonnes) • II faut citer
ensuite, sur I'ocean, Casablanca, Mazagan, Asfi ou Safi, Mogador.
Le pavilion marocain ne flotte que sur quatre cents navires,
jaugeant 20 000 tonnes. En somme, si on lvalue a 450 millions
de francs le commerce general de TAlg^rie, a 50 millions celui
de la Tunisie, on voit que le mouvement du trafic dans tpute
TAfrique Mineure ne depasse pas 600 millions de francs. C*est
un chifTre encore faible, surtout pour le Maroc, pays d'immenses
ressources qui pent atteindre k une prosperite bien sup6rieure
k celle de TAlgerie. Cette derniere colonic est encore elle-m^me
en voie de developpement et la Tunisie promet de retrouver
promptement son antique richesse. II n'est pas enfin jusqu'a
la Tripolitaine qui ne soit susceptible de progres, lorsque les
campagnes si fertiles de la Cyr6naique seront mises en exploita-
tion.
Or, ce but ne pent ^tre atteint que par I'etablissement des
Europeens. Le probl6me est resolu.pour FAlgerie et pour la
L'AFRIQUE MINEURE. 61
Tunisie. Un des homines qui cannaissent le mieux la regence
de Tripoli, le voyageur G. Rohlfs, conseillait recemment aux
Allemands de s*etablir dans Tancienne Qyrenaique. Mais 11 est
douteux que les Italiens laissent d*autres colons que leurs natio^-
naux, fi!^t-ce m^me ceux d'une nation amie, s*^tablir dans un
pays qu'ils surveillent jalousement. En attendant, c'est en
Tonisie qu'ils 6migrent. Par un phenom^ne analogue, c'est sur
I'Algerie occidentale que s*abattent les bandes nombreuses
d*Espagnols qui quittent la m^re patrie, pr^f(^rant une colonic
tout organis^e et en plein rapport k un pays encore barbare,
ou tout est k cr6er. Nous n'avons garde de vouloir eloigner
de nos possessions les ^l^ments strangers, mais il faut prendre
soin de ne pas tirer pour eux les marrons du feu et de ne
pas les laisser devenirun danger pour la prosperity commerciale
de notre colonic en temps de paix, en temps de guerre pour
sa s6curit6 et pour son ind^pendance.
Le Maroc, cet « empire qui croule », comme on Fa si bien
denomm^, est k Theure actuelle le pays du monde le plus en
butte aux convoitises des puissances. VEspagne^ qui en attend
tranquillement la succession, semble r^solument d^cid^e k em-
p^cher tout autre ^tablissement d*une nation quelconque. EUe
occupe, sur la cdte mediterran^enne, Ceuta, Melillay et plusieurs
autres postes. Le port dlfni sur la cdte occidentale lui a ^t6 en
outre conc6d6 par le sultan en 1885, apr^s de nombreuses et
p^nibles negociations. L^Angleterre^ qui trouve au Maroc un
excellent march6, ne se soucie pas davantage de voir une autre
puissance s'emparer de cette region ; et c'est egalement pour
se garantir centre toute Eventuality qu'elle a plants son dra-
peau au cap Juby. VAllemagne songe ouvertement a s'6tablir
au Maroc. D6s I'ann^e 1876, elle n6gociait pour acqu6rir un
dep6t de charbon; en 1880, elle faisait sender le cabinet de
Madrid sur la cession du port d'Agadir, un des meilleurs de la
c6te occidentale, et lan^ait Tid^e d'une alliance hispano-alle-
mande pour Texploitation du Maroc. Les Espagnols, inspires
peut-fitre par les Anglais, ne se sont pas laisses prendre au
pi6ge; mais les Allemands ont continue d'entretenir avec le
Maroc des negociations actives qui n'en sont pas moins dange-
reuses et mena^antes pour les puissances rivales. La France
surtout ne saurait voir sans inquietude la realisation de ces
plans. Nous n'avons pas k insister ici sur les consequences poli-
62 AFRIQUE.
tiques et strat^giques qui en r^sulteraient pour nos colonies
africaines ; mais au seul point de vuq commercial, nous devons
desirer que le Maroc reste le plus longtemps possible ind^pen-
dant, aussi bien que la Tripolitaine k Test. D^ailleurs, si au
moment de la liquidation g^n^rale nous n'avons pas k intervenir
comme puissance co-partageante, nous aurons du moins le droit
d'exiger, comme compensation, quelques rectifications de fron-
ti^res, qui accroitront k la fois la s^curit^ militaire et la yaleur
^conomique de TAlg^rie.
En attendant, c'est la France qui a rouvert TAfrique Mineure
k la civilisation europ^enne et au commerce general, par la prise
d*Alger, I'annexion de I'Algerie et Toccupation de la Tunisie.
G'est elie qui a provoqu^ cette renaissance vigoureuse dont
TEurope enti^re a profits ; c*est elle encore qui occupe sans
conteste, dans cette region, la preponderance; il lui restera
toujours le merite d'avoir eu Tinitiative du mouvement. D s'en
faut d'ailleurs que cette gloire platonique soit le seul des avan-
tages que nous ayons retires de nos conqu^tes, et il ne tient qu*^
nous d*en accroitre indefiniment la valeur.
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Sujets de devoirs
Zones naturelles de I'Alg^rie.
L'Atlas, etude g^n^raie.
La Tunisie, geographie physique, politique et ^conomique.
Comparer la Tunisie et la Tripolitaine ; leur importance commerciale.
Centres et voies de commerce de TAfrique Mineure ; les expliquer par la
geographie physique (nature du sol, climat et produits, etc.)*
Les e6tes de I'Algerie, geographic physique et economique.
Le Maroc.
CHAPITRE UI
LE SAHARA
Limites. — Le Sahara couvre une superficie d'enviroii
6200000 kilometres carr6s, si toutefois on peut, dans letat
actuel de nos connaissances, en determiner le developpement.
On a coutume de fixer au nord ses limites approximatives aux
pentes meridionales de FAtlas, et aux cretes des Djebel qui
forment le rebord septentrional des plateaux tripolitains; au
nord-est, nous I'avons vu, il touche k la M6diterran6e par la
grande Syrte et les escarpements du plateau de la Marmarique,
au del^ de la Cyr6naique; k Touest, ses deserts confinent h
I'Atlantique ; k Test, le Nil marque une interruption de la zone
deserte sur un court espace, au sud, le Soudan fait contraste
avec le Sahara.
Relief. — G*est a tort qu'on a cru longtemps la surface du
Sahara partout unie et sablonneuse. Une importante ligne de
soulevement le traverse en biais, du sud-est au nord-ouest : la
trainee de monts du Tibestiy explor^e par le voyageur aUemand
Nachtigaly est composSe de deux massifs volcaniques qui sc
Li; SAHARA. GS
font suite, YEmi-Koussi (environ 2 600 m.) et le Tarso (2 500 m.),
entailles de valines abruptes dont le fond est encore ^ 8 et
900 metres au-dessus de la mer du cot^ de Test. Nachtigal y a
vu un crat^re, et une source chaude t^moigne encore de Tan-
cienne activity volcanique. Le Tibesti se relie au nord-ouest, par
les plateaux d'Afafi (600 m.) et de Toummo (600 k 900 m.), k un
deuxi^me massif de roches k la fois anciennes et yolcaniques,
VAhaggar ou Hoggar, « s^ie de plateaux superposes s'^levant
graduellement par Stages de 5 et 600 metres a 2000 metres
environ d'allitude », dit le voyageur qui a lemieux etudie ce
pays, M. Duveyrier. On distingue dans cette masse de plateaux
trois points sureleves ; VAhaggar proprement dit, le Teisili du
nord, plateau de gr^s ancien et la chaine d'Anhef k Test, plus
basse, mais ayant encore de i 500 a i 800 metres de hauteur.
Tons ces massifs ont ete d^coup^s par des ^osions profondes,
dont les gorges servent maintenant de routes au commerce:
telle est k Test la valine de Rhdt et la gorge d*Egueri (900 m.)
qui lui fait suite, ouverte du sud au nord entre le plateau du
Tasili et la chaine secondaire de VAkakous. Telle est ^galement
k Touest la grande valine de VIgharghar. Le soul^vement de
TAhaggar se prolonge k Touest par le plateau granitique de
Mouydir et se perd dans le Sahara occidental.
Le plateau du Sahara est done divis^ en g^n^ral en deux
versants; mais des plateaux secondaires y cr^ent bien des pentes
differentes. Tandis que le Sahara occidental parait s'abaisser
reguli^rement du nord au sud vers la depression du Toudt
(environ 150 m. au-dessus de la mer) et vers le Niger, une ligne
de plateaux calcaires disposes en fer a cheval dans le Sahara
algerien, (M^tab, 500 m., Tademayl, 600 m., Hamdda de Ting^
hertj 500 m., plateau de Rhaddmes^ 350 m.) entoure une cuvette
dont la pente va du sud vers le nord et dont la partie la plus
basse est la region des ChoUs au sud de TAtlas, dont le niveau
est k Touest de 30 metres au-dessous de la mer.
A Test, un autre cercle de plateaux, hamdda de Mourzouk
(500 m.), Harndda-el-Homra (500 k 650 m.) ou Plateau Rouge,
Djebel-^sSoda ou Montague Noire (900 m.) et Haroudj\ encadre
presque entierement, sauf k Test, la depression du Fezzdn, dont
le marais ou « foss^ » de Mourzouk (hofra) et Toued el-Chati
paraissent ^tre les points les plus has (environ 300 m. au-dessus
de la mer).
q£og. cl. 3*. 5
«ft AFRIQUB.
Dans le desert Libyque, le plateau parait s*abaisser en pente
douce des oasis deKoufra (500 ^ 600 m.) explor^es par M. Rohlfs»
jusqu'aux depressions A'Aoudjila et de Siouahy qui sont m^me
un peu au-dessous du niveau de la mer (Aoudjila,— 30 m.;
Siouah, — 29 m.; Aradj, oasis iTest de Siouah, — 75 m.). Les
plateaux de Barka (500 m.) et de la Marmarique (400 m.)
separent ces depressions de la Hediterran^e.
Le versant sud du Sahara est ^galement fort accidente : au
sud du Tibesti, Nachtigal a d^couvert que la region du Borkou
et du Bodele\ sur environ 100000 kilometres carres, est au-
dessous du niveau du lac Tchad: nulle part Nachtigal n*y a
releve d'altitude de plus de 190 metres au fond des valiees, et
il a trouve celle de 150, tandis que le lac Tchad est k 270 metres
au-dessus de la mer. Vers Touest au contraire, le massif d*Air
ou Asben s'eieve comme une lie de roches volcaniques et grani-
tiques (1 500 et 1 800 m. d*altitude) au-dessus de plaines de
500 metres environ de hauteur, et forme une veritable region
alpestre d'enyiron 200 kilometres du nord au sud, et de 60 ^
100 kilometres de largeur.
Enfin dansle Sahara occidental, les plateaux de VAdrarAhenet
et de VAdrar se maintiennent k des altitudes d'environ 600 metres,
s*il faut en croire les rapports des indigenes, et une rangee de
hauteurs, appelees egalement Adrar, Akseiba, hamdda d'Ain-
Berka, etc., se prolonge le long de I'ocean Atlantique du
sud au nord k 500, puis 400 metres de hauteur. (Tendouf, 400*
metres d'apres Lenz).
Climat. — Le Sahara continue en Afrique la zone de I'Arabie
et forme une zone sans pluies regulieres entre la region des-
pluies d'hiver, dites subtropicales, au nord et celle des pluies
d*ete, dites tropicales, au sud. On attribue generalement la cause
de cette secheresse k VAlize du nord-est, soufflant d'Asie ou il a
traverse des contr6es plus ou moins arides, et par consequent
arrivant tres sec lui-meme en Afrique. Ge vent parait en efTet
dominant en ete, alors que le soleil, se trouvant vers le tropique
du Cancer, cree un centre de depression barometrique dans le
sud du desert, devenu la partie la plus chaude du continent.
En hiver, au contraire, la difference entre le desert et la
Mediterranee s'attenue et le vent souffle meme quelquefois du
desert vers.Ja mer : c' est le Sirocoo d'Algerie, le Khamsin
d'Egypte, qui amene sur les cdtes une secheresse et une pous-»
LE SAHARA* 67
si^re ^touffantes. En general, les vents sont faibles k cettc
epoque, par suite du peu de difference de la pression barom6-
trique entre la mer et le continent.
Enfin il faut remarquer que le Sahara occidental est soumis k
un regime different. Lk, les vents qui dominent sont ceux du
nordnmesU ob^issant k Tappel d'air continuel qui se fait de
TAtlantique vers les solitudes surchauffSes de Tint^ri^ur. Ces
vents venant de TOc^an sont plus charges de vapeur d*eau que
eeux qui ont traverse seulement la H^diterran^e orientale, et
par suite le Sahara occidental proflte de condensations un peu
plus frequentes.
II ne faut pas s'imaginer, en effet, que le desert est un pays
ou ne tombe aucune pluie. Seulement elles sont absolument
irreguli^res. Quand M, Duveyrier vint chez les Touareg, il y
avait neuf ans, dirent-ils, qu*aucune pluie s^rieuse n'^tait
tomb^e. Les indigenes du Toudt parlent mdme d'une secheresse
de vingt ans. Hais il faut compter avec Texag^ration indigene.
En r^alit^, il n'est peut-^tre pas une partie du desert ou une
pluie ne soit tomb^e par hasard . D est arrive k M. Rohlfs de recevoir
une averse diluvienne dans la partie incontestablement la plus
s^che du desert, les dunes du desert libyque. Quelques ann^es
sont mSme exceptionnellement pluvieuses, telle I'ann^e 1880,
ou la premiere mission Flatters eut k . essuyer de nombreux
orages en se rendant chez les Touareg-Azdjer.
La temperature est continentale k Texc^s, comme dans TAsie
centrale, et pour la m^me raison : la s6cheresse de Tair, qui
favorise la radiation solaire le jour, et le rayonn^ment de la
chaleur vers Tespace, la nuit. Si elle ne pr^sente pas les mSmes
ecarts, c*est que, d'une part, le Sahara situ^ sous le tropique,
ne peut avoir de grands froids comme le Gobi ou le Tibet, et que
d*autre part, Taltitude est beaucoup moindre. N^anmoins on a
observe des oscillations journali^res de 50^ (Nachtigal au Bor-
kou, k Gatroun, etc.); les oscillations mensuelles du thermo-
m^tre presentent fr^quemment un ecart de 35<* k 38*» (-}- 2<»,5 et
-f- 40® observes en avril par la mission Flatters) et la difference
entre les temperatures de toute Tannee est bien plus grande
encore. Les calculs les plus mod6r6s T^valuent au moins k 55® ;
— 5® en hiver et -+-50® ^ Tombre en ete I C'est dans le sud du
desert qu'il fait leplus chaud; Nachtigal a observ6 46® k Tombre
au Borkou, et k Kaouar, les temperatures de 40 k 45® ii Fombre
68 AFRIQUE.
he sont pas rares. Au soleil, les chifTres sont bien plus ^lev^s
encore.
Hydrographie. — On ne connait de cours d'eau permanents
au Sahara que dans le Uoggar, ou Taltitude des monts semble
faire naitre plus de pluies et ou quelques ruisseaux et fontaines
coulent k la surface du sol, au dire des indigenes. L'exp^dition
Flatters a rencontr^ k la base du Tasili quelques reservoirs d'eau
pluviale qui ne tarissent pas : le plus grand est le lac Men^
khough. Quelques petits lacs d*eau tres sal6e se rencontrent
dans certains entonnoirs des dunes, k Atn-Teiba dans le grand
Erg, et dans les dunes d'Edeyen en Fezzan.
Des lits de rivieres k sec, qu'on nomme oued (pluriel ouftdi),
encore remplis parfois pour un moment par une averse passa-
g6re, pj'ouvent qu'k une epoque anterieure le desert a 6t6 mieux
arrose que maintenant. lis couvrent de leur ramure des contr^es
tr6s 6tendues, et forment ainsi un reseau fluvial theorique,
qu'il est n^anmoins important de connaitre, car c'est dans ces
lits k sec qu'on trouve d'ordinaire les nappes d'eau souterraines,
seule ressource du Sahara actuel.
Le mieux connu de ces anciens fleuves est Ylgharghar, Son
lit, d6mesur6ment long, commence au sud diddles, au centre de
TAhaggar, ou, parait-il, il coule encore un ruisseau d'eau vive.
Dejk large k Amguid, k 600 metres d'altitude, la coulee flu-*
viale se prolonge par un vaste defil6 k travers le plateau du
Tasili, dont elle recueille au nord les eaux souterraines par la
ramure des oued Igkargharen, franchit par une seconde trouee
le plateau de la Hamada de Tinghert, puis disparait dans les
dunes du grand Erg, ou son lit n'est pas encore defmitivement
retrouve. Mais on revolt ses traces aux environs d'Ouargla,
veritable confluent ou aboutissent les coulees ^galement k sec
de Foued Mya, qui descend du plateau de Tademayt. A partir de
Touggourt, Tancien fiieuve a m^me laiss^ un lit tr^s net, bord^
de berges en talus, et sem^ de « daya » ou cuvettes allongees ;
c'est ce qu'on nomme aujourd'hui Toued Rirh^ bas-fond allong^
de 130 kilometres de long, d'environ 20 kilometres seulement
de large, qui aboutit au bord sud-ouest du chott Melrhir^ bassin
de reception de Tancien Igharghar. On croyait autrefois que
righarghar s*etait jadis deverse dans le golfe de Gabes, par la
ligne des chotts ou marais sal^s qui se prolonge dans cette
direction au sud de I'Atlas. Mais Texamen attentif des roches de
LE SAHARA. 69
risthme de Gab6s, entre k mer et le chotl Djerid, a r6v6I6 que
ces roches sont de formation ancienne et que meme avant les
temps historiques, les chotts ne communiquaient pas avec
la mer. Surtoutle parcours connu de Tlgharghar, on trouve une
nappe d'eau k peu de profondeur au-dessous de son lit : Dour-
naux-Ihip^r^ et Largeau I'ont trouv^e k 8 metres au sud-est
d*Ouargla ; elle affiieure k Ouargla, dans Toued Rirli et les
chotts.
D*autres ou^di de grand developpement se partagent les
diverses parties du desert : le Niger re^oit, dans le coude qu'il
fait vers le desert, tout un r^seau d'affluents aujourd*hui k sec
et descendant des plateaux du Tasili et de TAhaggar : oueds
Tin-TaraMn, Terarart, etc. L'oued es-Chati est la goutti6re qui
coUectionne sous les sables de son lit les rares pluies tomb^es.
sur le HamSda el-Homra et les dunes d'Edeyen ; l'oued Kaouar,
au sud du plateau de Toummo, est de m^me un courant souter-
rain allant du nord au sud. On n*a pas encore d^couvert de lit
de fleuve dans le desert libyque.
II faut faire une place a part aux fleuves descendus de TAtlas.
Alimentes par les pluies d'un autre climat, ils coulent un certain
temps k ciel ouvert avant d'etre absorbes par le desert. Le plus
important est Toued Drda, descendu de T Atlas marocain; il doit
aux neiges de ce dernier de couler en toute saison jusqu'au
coude ou il change de direction vers Touest. Au temps des
crues, il atteint m^me la mer, apres un cours d'un sixi^me au
moins plus long que celui du Rhin. L'oued Zis ne coule k
ciel ouvert que sur les deux tiers de son cours, mais son
courant souterrain alimente toute la grande oasis du Tafilelt ; ses
grandes crues le portent jusqu'^ une mare terminate ou a daya »
au sud du Tafilelt. L'oued Saoura, appele successivement
oued Guir^ Saoura et plus loin oued Messaoud, descend egale-
ment de I'Atlas marocain et n'a d'eau que dans la partie supe-
rieure de son cours. Mais son lit, que rejoint celui de l'oued
Zousfana venu de Figuig, garde a travers les dunes de I'Erg
occidental un courant souterrain qui affleure au TouAt et vivifie
cette oasis.
Des rivieres descendues des montagnes algeriennes, la princi*
pale est l'oued Djedi, qui suit la longue faille parallMe au
syst^me de I'Atlas. Son affluent sup^rieur, l'oued Mzi, coule
presque toute I'annee et alimente Laghouat; mais le Djedi lui-
70 AFRIQUE.
m^me ne coule que raremfiot, et n'atteint presque jamais le
chott Melrhir ou il se jetait autrefois. L'oued Kantara n est d*or-
dinaire qu*un ruisseau qui arrose I'oasis de Biskra.
Les chotts Melrhir^ Gharsa, Djerid sent encore maintenant le
bassin de reception des torrents qui descendent k certaines
^poques de TAur^s et des montagnes tunisiennes, et les crues
sont parfois assez fortes pour les couvrir d'une mince couche
liquide. Mais d*ordinaire les chotts ne sont que de grandes
cuvettes au fond doucement ondule, tant6t sablonneux, tantdl
boueux, et couvert d'une poussi^re saline laiss^e par les eaux
^vapor^es. Us sont done semblables k ceux des hauts plateaux,
si ce n*est qu*ils sont plus riches en eaux souterraines. La mis-
sion des chotts a trouv^ des gouffres de boue dans le Melrhir, le
chott EsSelanif Tissot et Roudaire en ont signal^ de semblables
dans le chott El-Djerid, et en bien des endroits on a trouv^ de
Teau sal^e & 1 ou 2 metres seulement de profondeur.
Des eaux art^siennes, c*est-a-dire des nappes d'eau s^journant
k une grande profondeur, ont 6t6 decouvertesdans le Sahara, k
RhaddmiSj k Temassinin, au pied du plateau de Tinghert, dans
loued Rirh et dans les oasis du desert libyque, Dakhely Khav"
gueh, Farafrahy Baharieh et Siouah, La plus connue de toutes
est celle de Toued Rirh, qu*on a appel^e k la surface du sol en
forant des puits sur une vaste echelle, depuis Temadn jusqu*au
Melrhir. Gr^ce k elle, les colons frangais ont cr^^ de nouvelles
oasis dans le Sahara alg^rien.
Cdte. — La cdte du Sahara est inhospitali^re comme le desert
lui-m^me. Les dunes qui bordent en general sur le rivage se
prolongent dans la mer par des bancs de sable qui, dans ces
parages tourmentes par les courants, ont dej^ caus^ bien des
naufrages. Tout le monde connait le banc dArguin, au sud du
bap Blanc, sur lequel vint s*^chouer le vaisseau la Me'dme. Les
abris sont des plus rares, les caps dangereux k doubler pour
les navires k voiles. Longtemps les Portugais du xv<> si^cle ne
purent depasser le cap Noun. Le cap Juby, le cap Bojador n'of«-
frent pas de veritable abri. Les premiers ports sont la baie du
Rio de Oroy k Fabri de la p^ninsule Ed-Datla, et les baies du
Levrier et d*Arguiny au sud du cap Blanc.
Flore et faune. — Le Sahara n*est pas d^pourvu de vege-
tation comme on pourrait se Timaginer; le desert, aride et nu,
sans vie aucune, existe sans doule dans certaines regions :
LE SAHARA. 71
Rohlfs I'a rencontr^ dans les dunes k Touest de Dakhel et sur ces
efTroyables serir ou plateaux pierreux qui s^parent Aoudjila de
i'oasis de Koufra, Toutefoie, une Y<^getation humble d^aspect,
organisee pour r^sister aux longues secheresses, couvre la ma-
jeure partie du desert. Cette flore saharienne, qui compte beau*
coup de plantes communes aux Hauts-Plateaux alg^riens, h
TArabie et m^me k la Perse, est naturellement tr^s pauvn*. on
esp^ces : M. Cosson n'en a compte que 408 pour tout le Sahara
alg^rien, etM. Grisebach estime^ 1 000 le total de tout led^serf.
Ce sont surtout des herbes d.ures, dHn parfois haut de 1 m^tre,
dUy sebdt, recherch^s par les chameaux ; ou encore des arbustes
^pineux, tamarix, acacias de diverses esp^ces, retem (sorte de
gendt) ; enfm, on trouve parfois k I'^tat sauvage Tarbre qui fait
la richesse des oasis, le dattier.
« Otez le dattier, qu'est-ce que Toasis? Un pAtis solitaire avec
une maigi^e vegetation, qui, sans Tombre rafraichissante que lui
procure I'arbre tutelaire, se verrait, apr6s une courte existence,
d^p^rir hStivement dans ses germes^ ». Le dattier est Tarbre
par excellence du desert, et son aire de croissance se confond
avec lui. On voit, il est vrai, des dattiers dans les villes de I'Al-
g^rie; mais ce sont des arbres d*agr6ment qui ne portent point
de fruits. De m^me les dattes ne miirissent pas k Maroc. G*est
qu*il faut au dattier, pour fructifier, k la fois une somme de
cbaleur tr6s grande; environ 6 OOO'* par an, et une atmosphere
tr^s seche ; la pluie lui est nuisible, et il ne se nourrit que de
Teau des nappes souterraines. II a besoin, dit un proverbe arabe,
d*avoir les pieds dans Teau et la tete au soleil.
La faune du desert est tr^s pauvre comme celle des deserts
asiatiques. Elle ne comprend guere que la gazelle, le renard du
desert (fennec), des reptiles et des insectes; les contr^es mon-
tagneuses, mieux arros^es, abritent en plus quelques mouflom^
dries sauvages, antilopes (surtout dans TAhaggar et TAir) ; le
lion n*habite que les steppes de la lisi^re du Soudan et les valines
boisees de TAir. Vautruche se voit encore daiis les steppes du
Sahara occidental. L'animal domestique le plus precieux est le
chameau, probablement importe d'Asie; il pent rester jusqu'i
4jne douzaine de jours sans bqire. Le boeuf d^p^rit au Sahara,
par suite de Tabsence de bons fourrages, et de la trop grande
sdcheresse de Fair.
. 1. ^>chtigal, Sahara ei Soudan , t, I.
-r-i AFRIQUE.
Population. — Des tribus berb^res, refoulees probableraent
dans le desert par les grandes invasions arabes, se partagent li^
Sahara avec les Arabes et une race particuliere, les Tibbou.
Les prineipales tribus berb^res sont : 1* les Beni-Mzab, dans
le Sahara alg^rien ; 2° les Toudreg ou Imocharh, diyisSs en plu-
sieurs confederations, Azdjer, Hoggar, Taitoq ou Touareg de
I'ouest, Kel-Oui* ou TouAreg de I'Air, Aouelimmid^n ou Touareg
de TAdrar (vers le Niger). C'est une population de guerriers et
depasteurs, qui portent tous, par hygiene, la face couverte d*un
voile, d'ou leur surnom de « gens du voile » [MolathemXn).
M. Duveyrier a fait des Touareg du nord un portrait peut-6tre
trop flatteur ; on sait que ce sont des Touftreg- Hoggar qui ont
massacre par trahison la mission Flatters en 1881 ; 3*> les Gha--
damesiens et les Modjabra ou habitants d'Aoudjila et de Djfilo
sont egaleraent Berberes et forment la classe des marchandis du
desert ; on les trouve partout jusque dans le Soudan.
Des tribus arabes occupent la Marmarique, le Barka, Koufra,
une partie du FezzSn (oued Es-Chati, etc.), le Tafilelt, et une
partie du Sahara occidental.
Les Tibbou ou Tebou, race cuivr6e aux formes elanc6es qui
parait aborigine, ont pour principale patrie les montagnes du
Tibesti, ou ils se sont maintenus k T^tat de race pure; ils sont
de sang plus mele k Kaouar, au Borkou et au Fezzan. Une race
aborigene noire existe encore d'apr^s M. Duveyrier dans les fonds
du Sahara, oued Rirh, ^c. Enfin, beaucoup de tribus sont le
produit du melange de ces differentes races et des nfegres
importes du Soudan. Tels sont les Maures qui parcourent le
Sahara occidental (Tadjakant, Berabich, Douaich, etc.), et
presque tous les habitants du FezzAn.
G^ographie politique. — Le Sahara septentrional appartient
en partie aux Etats riverains de la Mediterranee, Maroc, France*
Turquie et Egypte.
Le Maroc exerce une souverainet6 plus ou moins nominale sur
les pays du Drda (oasis prineipales; Tamagrout et Tatta), le
TafUelt (ville principale Abouam), et Toasis de Figuig (12 vil-
lages ou ksour fortifies contenant environ 3000 hommes).
Les oasis du Toudt et d'Jn-Salah reconnaissent la supr6matie
religieuse du sultan et lui envoient des presents, mais il n'y
exerce aucun pouvoir temporel.
La FnAxcE a pouss6 ses frontieres par des expeditions succes-
LE SAHARA. 73
sives jusqu'aux grandes regions de dunes de TErg oriental et oc-
cidental. Ses possessions sont reparties entre les trois provinces
de TAlgerie, et administr^es comme territoire militaire. Atn-
Sefra, t6te du cherain de fer de la province d*Oran, Laghouat,
sur la route d* Alger, et Biskra^ t^te du chemin de fer de Con-
stantine, sont nos trois places d'armes au pied de TAtlas, ap-
puyees elles-m^mes sur les places des Hauts-Plateaux, Mech^ria,
Geryville et Batna. Un fort k Ghardaxa commande le Mzab. Tou-
gourt, Ouargla, le SoUf^ au sud des Ghotts, ont une garnison
permanente de spahis. El Goleah est notre poste avanc^ vers les
oasis du Tou^t.
La TuRQuiE a ^tendu les fronti^res de la Tripolitaine jusqu'i
Rhaddmes k Touest, jusqu*^ Rhdt et Gatroun au sud, jusqu'^
Aoudjila et Djalo k Test. Mais son autorit^ n'y est que nominate.
Les Rhaddmesiens n'ont accepts la presence d'un fonctionnaire
turc dans leur ville que pour 6viter d'etre annexes par la France.
Le pouvoir des garnisons turques du Rh^t et de Mourzouk ne
s'exerce pas en temps ordinaire au de]k des murs de la ville ; et
les tribus nomades, Toudreg et Arabes, sont makresses des
routes. Aoudjila, Djalo sont, comme tout le Barka et une partie
du FezzSn, sous Tinfluence des SenoiUi, qui y parlent en maltres.
Un bey turc reside k Mourzouk, capitSile du FezzSn.
L'Egtpte exerce une souverainete un peu plus effective sur les
oasis du Khargueh, Dakhel, Baharieh, Farafrah et Siouah ; mais
1^ encore on rencontre aujourd*hui Tinfluencerivale des Senothi.
Get ordre religieux, dont le chef reside dans la petite oasis de
Faredgha, entre Djalo et Siouah, est k Theure qu'il est la verita-
ble puissance politique du Sahara central. Ses zaouxas ou mona-
st^res, tous dot^s de riches plantations de palmiers par la pi^t^
des fldMes, se trouvent maintenant dans toutes les oasis impor-
tantes : Siouah, Aoudjila, Koufra, dans Test; Misda, Sokna,
Zouila, Mourzouk au Fezzdn; RhadSm^s et Rhat k Touest; il
exerce une influence prepond6rante dans le Tibesti; il a des
adeptes dans le monde musulman tout entier : en Egypte, k
Constantinople, en Turquie d'Asie, k la Mecque, k Tripoli, en
Tunisie et en Alg^rie. Le si6ge du grand-maitre, DjaraboHb, est
un centre de 4000 ^mes, ou Ton a accumule force materiel de
guerre. Or, Tordre des Senousi a pour but la renovation et la pro-
pagation de rislam par tous les moyens, et se montre partout
Tennemi r^solu de la civilisation chretienne.
t* A7RIQUE.
Les TouAREO 8ont constitues en confederations ind^pendiantes,
aussi hosiiles aux Turcs qu'k la France. Geux du nord ont pour
allies les habitants s^dentaires des oasis du Tou^t et d'ln Salah,
chez qui ils vont s*approvisionner de grains el de dattes, et dont
ils protfegent le commerce.
Les Kbl-OoK de I'Air ont pour vassaux les gens de Kaouavy chez
qui ils yont chercher le sel qu'ils transportent au Soudan. Au-
cune autorite ne rfegle les rapports des tribus pillardes du Sahara
occidental. Sur la c6te, FEspagne a occupe la bale du Rio de
Oro, et les Anglais ont une factorerie au cap Juby.
G^ographie 6conomique. — On con<^oit ais^ment que le
Sahara ne puisse avoir une grande valeur ^conomique. II est
au contraire un obstacle aux communications et aux relations
commercialese et on peut bien dire que c'est veritablement ce
desert qui separe le monde europ^en du pays des noirs. Sup-
primez, en effet, des Etats du Nord, du Maroc, de TAIg^rie, de
la Tunisie, tout ce qui appartient k k zone du desert, et ramenez
le^rs limites k la partie cultivable, 11 ne reste qu une bande
etroite, sioiple ilot qui se rattache bien visiblement k TEurope
par le seuil de Gibraltar et le d^troit de Tunisie.
On sait que ce n'est pas la nature mSme du sol qui s'oppose k
la mise en culture dune partie du Sahara. Les sables infertiles,
les dunes ne s etendent que sur une surface relativement res-
treinte. Dans beaucoup de depressions, ou se sont accumul^s les
debris des roches desagregees, le terrain presente, pour la con-
texture et les qualit6s productives, des analogies frappantes avec
la terre jaune si fameuse. 11 ne lui manque qu*un peu d'eau poui
former un excellent humus. C'est en effet Tabsence d'humidite
qui fait de ces immenses espaces un desert presque absolument
sterile. La vegetation est restreinte a quelques groupes d*oasis
ou I'affleurement dune source, I'existence d'une nappe d*eau
souterraine, ont permis k quelques milliers d'individus de s*in-
staller k demeure, pour r6colter des dattes et cultiver un peu de
ble. Les indigenes se sont montres de tout temps tr^s habiles
dans Tamenagement des eanx, dans le creusement des puiH av"
tesiens. On connait aussi les tentatives faites depuis plus de
trente ans par les Frangais, dans la partie meridionale de leurs
.possessions, pour cr^er, au moyen des puits, des oasis \k ou ne
s*6tendaij, auparavant, fauted'eau, qu*un espace sterile. Des mil-
lions de palmiers ont pu Stre ainsi plant^s. Mais il faut se garder
LE SAHARA. 75
de nourrir des esp^rances trop vastes sur la transformation
possible du desert par le moyen des puits. Les reserves en eau
ne sont pas in^puisables et ne peuvent ind^finiment fournir
d aliment k de nouvelles entreprises. Des calculs dignes de foi
ont ^tabli que les puits art^siens ne pourront jamais fertiliser
que la cinq-centi^me partie tout au plus du desert. La principale
utilite des oasis ainsi cr^^es sera done beaucoup moins de per-
mettre Tetablissement k demeure de colons cultivant le sol, que
de faciliter les communications entre le nord et le sud. A I'heure
actuelle, les oasis du Sahara couvrenl environ 200 000 kilometres
carr^s. Mais il faut encore ajouter que cet espace cultivable n*est
pas utilise comme il pourrait TStre. Les habitants r^coltent les
dattes et les fi^uits spontanes du sol, mais ne songent pas en tirer
autrement parti par le travail. lis prefferent aller chercher dans
le Tell ou dans le Soudan la petite quantity de cer^ales dont ils
ont besoin.
Le desert proprement dit est separ(^ du Soudan par une zone
de transition, qui s etend sur plus d*un million de kilometres
Carres et comprend surtout des steppes. Ce n'est plus le desert,
mais ce n'est pas encore le pays fertile. C'est dans cette region
que les gens du Sahara se fournissent de b^tail et qu'ils amenent
en hiver leurs chame&ux et leurs moutons
C'est le palmier-fattier qui fournit dans toute T^tendue du
Sahara le plus de ressources aux indigenes. Mais les dattes seules
ne peuvent suffire k leur alimentation. Dans lesmeilleures oasis
ou cultive un peu de ble et d'orj^e et quelques legumes. On r^-
colte les figues en grande quantit6 ; mais les grenades et les rai-
sins s'accommodent peu de la trop grande chaleur.
Le sud-ouest renferme de nombreux champs d^alfa^ et les
gommiers sont tr^s abondants dans toute la region occidentale,
et principalement dans I'Adrar. Les habitants font une grande
consommation de tahojc et d! opium; ils cultivent le premier
dans les oasis du sud et r^coltcnt le pavot dans le nord.
Les ressources tirees de la vie animale sont nombreuses. Le
chameau est Tanimal par excellence du Sahara; on connait ses
admirables qualit6s de sobri6te. Une vari6t6 speciale, le m^hari,
est remarquable pour la rapidity de sa course; il peutfaire ais^-
ment, dit-on, 80 lieues en 24 heures, marchant sans boire, man-
ger ni s'arr^ter. Le lait des chamelles entre pour une large part
dans Talimentation g^n^rale, pendant la saison des p^turages;
W AFRIQUE.
toute la chair du chameau est bonne; son poll sert h la fabrica-
tion des cordes et des v^tements; de sa peau on fait des
outres excellentes contre la chaleur et T^vaporation, et des
chaussures; sa fiente mdme sert comme combustible ou comme
engrais.
Les chevaux ct les hcmfs sont rares etd* aspect ch^tif; mais il
y a dans le sud et dans Touest de vastes troupeaux de moutons
et de chevres.
Les autruches, si recherch^es pour leurs plumes* sont nom-
breuses dans la region occidentale.
La prineipale richesse min^rale du Sahara est le sel^ qui existe
en immenses d^p6ts sous diverses formes. La plupart des salines
sont des sebkhas peu profondes, ou le sel se forme par Evapora-
tion. Gelles de Bilma dans le Kaouar sont les plus importantes;
des milliers de chameaux vont porter chaque ann^e les charges
de la pr^cieuse denree dans tous les pays environnants. La
saline d'Idjil, au nord de TAdrar, non loin deTOcean, alimente
les pays du S^n^gal et du Niger. La sebkha d'Amadghor, dans
le massif du Ahaggar est a peu pr6s abandonnee. Ce sont
enfin d*Enormes blocs de sel gemme, qu*on recueille dans
les salines de Taoudeni, sur la route de Mogador k Tombouctou.
C'est W que se fournit le Soudan central. La plus grande
partie du sel ainsi produit. est exporte au Soudan, qui en
manque. Ce sont les Touareg de I'Air et les Arabes du Sahara
occidental qui sont les principaux intermMiaires de ce com-
merce.
Vindustrie du Sahara est tout h fait rudimentaire ; tout au
plus peut-on citer des nattes, quelques objets en cuir et en m6-
tal, des arnies, des objets d'ornements.
Le commerce du desert est done mediocre; mais un ^change
assez actif se fait par ses oasis entre le Soudan et TAfrique m^di-
terran6enne. II se fait au moyen des fov'es et des caravanes, Au
nord, les marches les plus considerables sont ceux de Rhat, de
Rhadam^Sy d*In-Salah, de Tendouf; au sud, il faut citer Agad^s
et Araouan. G*est 1^ que se ferment et aboutissent les caravanes.
C*est Ik qu'elles commencent v6ritablement la traversde du de-
sert, ou qu'ellesse divisent, au sud pour parcourir le Soudan, au
nord pour aboutir aux divers ports.
Les routes qu*elles suivent sont nombreuses et croisent en tous
sens le Sahara, entre les points que nous avons indiquEs. Nous
LE SAHARA. 77
uYODs d9j^ vu qu'au nord, k partir de In-Salah, de Rhat, de
Rhadames, les caravanes ont desappris le chemin de TAlg^rie pour
se d^tourner du c6te de la Tripolitaine ou vers le Maroc; les ^
nombreuses tentatives faites pour ramener vers nos ports les voies
du commerce saharien n'ont pas ^t^ jusqu'^ present couronn^es
de succ^s.
Les projets de chemins de fer transsahariens» destine k unir
plus ^troitement le Soudan aux pays m^diterraneens, D*ont pas
jusqu*a ce jour abouti. En tout cas, il semble bien certain que
la meilleare direction k Buivre n'est pas vers Tombouc-
tou, maiB bien vers le lac Tchad. La region du Bornou est
la plus opulente du Soudan ; c*est aussi la moins ^loign6e de la
mer M^diterran^e ; mais il reste encore k savoir si ce n'est pas
plut6t du c6t^ du sud et de Vouest, par le golfe de Guin^e et le
Senegal, qu*il faut ouvrir des debouches au Soudan.
Quoi qu'il arrive, le Sahara ne conservera d*importance que
comme voie de passage. Son commerce n'est qu*un trafic de
transit : ce n*est done qu*^ faciliter k tous points de vue la tra-
versee que doivent tendre tous les efforts.
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Duveyrier (ii.). Historique des explorations au sud de G^ryville {Bull, Soc»
g€ogr., 1872).
Pomel (A.). Le Sahara ^ giologie et giographie, Alger, 1873, in-8.
Duveyrier (U.). Lettres durantsa mission aux Chotts {Bull, Soc, g4og,^ 1875).
CHAPITRE IV
]gGYPTE ET NUBIE
Position et limites. — L'figypte, limitee au nord par la Me*
diterran^e, h Test par le canal de Suez et la mer Rouge, k Touest
par le desert libyque, n'appartient exclusivement a aucune des
grandes regions naturelles de TAfrique du nord : par la serenity
de son del, elle fait partie du Sahara; par son delta, elle est
m6diterran6enne; par Thumidite qu'elle doit k son fleuve, elle
est presque une contree tropicale; par sa forme et sa position
enfin, elle fait la transition des pays m^diterraneens au Soudan :
dans cette partie du continent, la bande ^troite occupee par la
vallee du fleuve 6tablit des communications k travers le desert
entre la Mediterran^e et TAfrique tropicale.
Relief et Climat. — L*Egypte et la Nubie, qui n*en est que la
suite sous un autre nom, comprennent sur la carte tout Fespace
entre le Sahara et la mer Rouge; mais en reality TEgypte n'est
qu*une valine et un delta.
Entre cette vallee et la mer Rouge, un plateau heriss^ de
chaines ^levant leurs crates de granit et de gr^s k i 500 et 2 000
metres, et coup6 de vallees profondes, s'etend sur plus de
1 000 kilometres de la latitude de Souakim k celle ^du Cairo ;
mais ce n'est qu'un pays de steppes et de desert. A partir du con-
fluent de rAtbara au sud il n'y a pas de pluies reguli^res, et en
Nubie les averses manquent pendant des annees. Seul le ver-
sant de la mier Rouge est plus favorise : Fenorme quantite de va*^
fecYPfE ET NUBIE. 79
peur d'eau que la chaleur tient en suspension dans Fair au-dessus
de cette mer se refroidit et se condense lorsque le vent la pousse
eontre les montagnes, et il en r6sulte en hiver des averses qui
font parfois couler des torrents temporaires dans les ravins qui
descendent vers la mer. Mais de Fautre cdt^ des montagnes cd-
ti^res s etend le desert : le sol est nu, lair est sec ; les cadavres
se dess^chent en Ntibie et tombent en poussi^re sans se corrom-^
pre; le thermomfelre passe fr^quemment en 6t6 de 0« au lever du
soleil k plus de 40^ dans Tapr^s-midi ; bref , tous les ph^nom^nes
sahariens s*y observent, et si la vallee du Nil ne venait I'inter-
rompre de son cordon verdoyant, il n y aurait pas de raison de
ne pas prolonger le Sahara jusqu'aux chaines c6ti^res de la mer
Rouge»
Dans cette valine mdme, si Fair est rendu plus humide par
suite de T^vaporation constante de la nappe d'eau du fleuve, le
eiel n*en est pas moins serein comme au desert. 11 tombe par an
eaviron 5 centimetres de pluie au Gaire. A Alexandrie m6me»
pourtant situee au bord de la mer, il n*en tombe gu^re que 20,
et la zone m^diterraneenne, reduite k des pluies minimes, ne
comprend pas mSme tout le delta du Nil. Cette diminution tient
k deux causes : 1<> le r6tr6cissement de la Mediterran6e orientale
qui apporte moins de vapeur d*eau; 2® Tabsence de montagnes
qui puissent la condenser.
Aussi le climat est-il presque aussi chaud que dans le desert
mSme. La moyenne annuelle du thermom^tre est de H- 20* i
Alexandrie, -h 22<> au Gaire, + 26° k Keneh, + 28o k Thebes :
elle augmente k mesure que Finfluence des vents de mer diminue.
Les hearts de temperature sont ^galement tr^s grands; il peut y
avoir 40* k Fombre, et geler la nuit suivante.
Le Nil. — L'Egypte veritable, FEgypte cultivee, n'est que la
valine, large de quelques kilometres k peine, dans laquelle ser-
pente le Nil, et le delta qu'il forme en aval. Toute la vie du pays
est concentree la; la partie utilisable et habitable du sol ne re--
presente m^me pas 30000 kilometres carr^s, c'est-^-dire Feten-
due de la Belgique : c'est dans cet espace restreint que s'est epa-
nouie une des grandes civilisations de Fantiquite.
Gomme Foasis de Khiva et tant d'autres, FEgypte est fertilisee
par un. grand fleuve venant d*un autre climat. Le Nil, le second'
fleuve de Funivers par sa longueur, le quatriSme par Fetendue
des pays qu*il arrose, descend des grands lacs de FAfrique equi-
80 AFRIQUE.
toriale« puis traverse le Soudan oriental, et appartient k ces re-
gions par toute la moiti^ superieure de son cours. C'est sous
ces climats entiSrement diff^rents de celui de TEg^pte qu'il
re^oit les masses d'eau qui le font grand fleuve. Lorsqu'il entre
dans le desert, en aval de Khartoum^ il roule a une quantite
d'eau cgale k quatre fois ceUe de la Loire ou k sept fois celle
de la Seine ^ » : c*est ce qui luipermet de fournir encore une
course de 2600 kilometres, pendant laquelle il ne recevra plus
aucun affluent permanent, et d'arriver, diminu^ il est vrai, k la
Mediterranee de I'autre c6t6 du desert.
Le Nil est encore k 570 metres d*altitude k Khartoum. D s*en-
gage dans le plateau de Nubie, qu*il descend, echelon par Echelon
par des rapides et des sinuosites sans nombre. La premiere des-
cente est pr^s de Garri, un peu au nord de Khartoum : c'est ce
qu'on appelle la sixieme cataracte, en partant de la mer. Puis le
Nil decrit k Test, ;autour du plateau de Bayouda, une grande
courbe, au cours de laquelle se pr^sentent les rapides nommes
cinqui^me et quatri^me cataracte, en aval de Berber et vers
Korti. La troisieme cataracte, k Henne\ la deuxi^me k Ouddi
Haifa f la premiere, k Assouan consistent ^galement en rapides
echelonnes sur plusieurs kilometres, dans lesquels le fleuve sc
divise entre des blocs de granit. II sort des rpchers k Assouan,
et sa vallee d'alluvions, large de trois a quatre kilometres, en
comprend bientdt une vingtaine. C'est I'Egypte proprement dite.
Au Cairo commence le delta, large de 200 kilometres vers la mer,
et couvrant de son limon i 7 000 kilometres carres. Le fleuve
s*epanche dans la Mediterranee par 2 bouches principales : celle
de Rachid ou de Rosette, la plus considerable, et celle de Da-
miette, D*immenses lagunes, comparables k celles du delta du
Rh6ne, s*etendent derriere les fleches de sable arrondies qui
constituent les rivages : ce sont le lac Menzaleh k Test, le lac
Bourlos au centre, et le lac Mariout, de formation plus recente,
au sud d*Alexandrie.
L'£gypte ne serait qu*une maigre oasis sans le phenomene de
la crue reguliere du Nil. C'est la crue qui lui a donne sa prodi-
gieuse fertility en y accumulant le limon qu'elle charrie. Les
pluies equatoriales, qui commencent k Lado, sur le Haut-Nil des
le mois d'avril, gonflent le fleuve et portent peu k peu son debit
1. £. Reclus, Geographic universelle»
fiGYPTE ET NUBIE. «1
i Khartoum de 500 metres cubes par seconde k 5 000. D^s le 7 ou
8 juin la cnie s'annonce en Egypte par Teau verddtre des marais
du Haut-Nil. Puis les affluents du Nil qui viennent d*Abyssinie,
lo Nil bleu et FAtbara, deviennent k leur tour des torrents d'un
demi-kilom6tre de large et le Nil ainsi grossi monte de 7 metres
a Khartoum, de 17 metres k Assouan, de 7 ^ 8 metres encore au
Caire : c*est k cette inondalion du Nil et au limon qu*elle depose
que TEgyple doit son existence.
Flore et Faune. — La flore et la faune de TEgyple, excep-
tion faite des esp^ces domestiques, est celle du desert environ-
nant. Les arbres — sauf Yacacia — y sont des plus rares; le
dattier, le palmier doum se voient surtout dans la Haule-Egypte.
Le sycomore rappelle le Soudan. Le papyrus, le lotus blanc,
plantes caracteristiques des eaux du Nil, ne se voient plus que
dans le delta.
Les especes du desert, hy^ne, chacaU renard, repr^sentent la
faune sauvage; le chameau et Ydne les b^tes de somme; le
lion est inconnu, I'hippopotame et le crocodile mfime, poursuivis
par rhomme, out disparu du bas-fleuve; on n'y trouve plus que
des poissons, et sur ses rives, des masses de sang Hers et d*oi-
seaux aquatiques.
Population. — Dans ce pays ou le fleuve est tout, presque
toute la popu^tion est groupie autour de lui. Ce mediocre espace
de la valine du Nil renferme pr^s de 7 millions d'hommes, c*est-
k-dire 240 par kilometre carre : cette density donne une id^e de
la richesse du sol.
Mais tout le reste de I'Egypte, pr6s de 1 million de kilometres
Carres, poss6de seulemjent une cinquantaine de tribus, metis
d'Arabcs, de negres et de Berb^res, en tout au plus 200 000 in-
dividus. 11 y a environ 6 millions et demi d'indig^nes sedentaires,
250000 noraades, et 100000 etrangers. Six millions sont mu-
sulmans, 410000 Chretiens coptes, 60 000 catholiques, 42000
grecs ortliodoxes, et 15 000 juifs.
La race des habitants sedentaires est aujourd'hui bien mdl^e ;
pourtant on rencontre encore des paysans coptes ou fellahs qui
ont dans toute sa puret6 Tancien type egyplien. La plupart ont
du sang arabe et negre dans les vcines, et des traits infiniment
moins beaux.
C^ograpbie politique. — L*Egypte est un 6tat tributaire de
la Turquie. Rendue presque independante par le g^nie de Moham-
«£0G. CL. 3*. G
«2 AFWQUE.
med'Ali, elle 6tait depuis 1841 la possession her<5dilaire dc sa
famille, qui r^gnait sous la suzerainete de la Porle. Lc coiitr6le
anglo-frangais etabli en 1879 avait place les finances ct, en fait,
tout le gouvernement ^gyptien sous la protection coramtinc do
la France et de TAngleterre. La revolte d'Arabi-paclia contrc le
contr61e en 1882, suivie du pillage d'Alexandrie, et rhosilalion
du cabinet fran^ais k intervenir, ont permis k FAnglctcrpe d'en-
voyer seule des troupes en Egypte : Finsurrection du Soudan
cgyptien, le massacre dune armee en novembre 1885 dans le
Kordofan, enfin la prise de Khartoum, lui ont fourni Toccasion
de les y garder. Le khedive n*est plus aujourd'hui qu un instru-
ment cntre les mains de I'Angleterre. L*Angleterre place ses
fonctionnaires k la tMe de tons les services; elle cherche a s*as-
surer le monopole de la route du Nil et la possession exclusive-
du canal de Suez, cette oeuvre frangaise qu'elle a jadis entravee
de toutes ses forces.
L'Egypte proprement dite est divisee administrativement en
Haute et Basse-Egypte et en 8 mohafzas ou gouvernements :
Alexandrie, Rosette ^ Damiette^ Port-Said. El Arich, hmailia, Suez
et Kosseir. La capitale est le Caire (375 000 hab.). G*est la ville
la plus populeuse de I'Afrique et le centre dcs etudes musulma-
nes : son university d'El-Azhay* compte une douzaine de mille
etudiants. Le Caire ri valise avec Alger par les institutions euro-
peennes : ecole de medecine et de pharmacie, bibliotheque, ob-
scrvatoire, Societe de geographie, Institut egyptien, etc. — 11 est
sans rival par les tr^sors d art entasses dans son musee, collec-
tion unique due surtout aux recherches de deux Francais, Au-
guste Mariette et M. Maspero.
Jusqu'en 1884, laNubiey le Haut-f^iU le Kordofan, le Dar-For
formaient ensemble le Soudan egyptien, sous les ordres dun
gouverneur general residant k Khartoum. Maintenant toutes ces
provinces sont au pouvoir d*une insurrection musulmane; les
postes anglais ne depassent guere la deuxieme cataracte, Ouiidi
Haifa, c'est-^-dire la limite de I'Egypte proprement dite.
Les oasis du desert libyque rattachees k TEgypte sont El-
Khargueh (3000 hab.) Dakhel (17000 hab.) Farafrah et Siouah
(6000 hab.), I'ancienne oasis de Jupiter Ammon. La region de
la mer Rouge 6tait divisee en deux provinces : Souakim et
Massaouah. Les Italiens se. sont fait ceder par di verses conven-
tions la baie d'Assab et Massouah, d'ou ils pen^trent mainte-.
fiGYPTB BT NUBIE. 9$
nant dans le nord de TAbyssinie. De son c6t6, TAngleterre a
occup6 Souakim, pour tenir la route de caravanes qui rejoint la
boucle du Nil h Berber, Les Italiens voudraient bien s'emparer
d*une autre route, qui m^ne de Hassaouah a Khartoum par la
place forte de Kassala, en ce moment au pouvoir des derviches;
mais I'Angleterre s'y est oppos^e jusqu'ici.
G6ographie dconomique. — On sait que c*est aux inonda-
tions du Nil et au precieux limon qu'il depose que TEgypte doit
|K)ur une grande part la fecondit^ de son sol. L'abondance des
recoltes depend done . uniquement de la r^gularit^ des inonda-
tions. Si elles sont trop abondantes ou trop pauyres, si elles
viennent quelques jours trop t6t ou trop tard, les moissons
peuvent 6tre eomproraises et amener la famine h bref d61ai.
€'esl Fhistoire de& vaches maigres et des vaches grasses, et c'est
justement pour pr^venir ce fl^au que les gouverneraents do
Tfigypte ont de toute antiquity apport^ tous leurs soins aux
grands travaux d*irrigation et d'amenageitient des eaux.
Deux systemes ont et6 de tout temps en presence : Tinondation
par bassins, Tirrigation par canaux. L'inondation par bassins
dispense, il est vrai, de toute culture; le Nil depose chaqne
ann^e sur le sol le limon fecondant qui renouvelle ind^finiment
la fertilite de la terre, sans qu*il soit besoin de la retourner. Les
instruments sont inutiles et sont encore les no^mes qu*au temps
d* Abraham, ou tout au moins d'Herodote; le fellah ne travaille
qu'avec la main ; d6s que Teau se retire, il jette la semence sur
la terre encore tout amollie par les eaux, et pour I'enterrer il se
«ontente de lecher dans ses champs ses pores ou ses boeufs.
Mais il faut que J'cau reste au moins soixante-dix jours dans
chaque bassin pour y deposer les mati^res fertilisantes d'ayril
h oclobre ; la culture est done pendant cette p6riode complete?-
ment arrSt^e et le sol ne produit qu'en hiver. C*est le syst6me
encore employ^ dans toute la Haute-Egypte. . >
L*irrigation par canaux a precisement Tavantage de laisser la
terre libre durant Tannee enti^re et permet de lui demander
annuellement plusieurs moissons successives. EUe a remplaee
dans la plus grande partie du delta la submersion. Tout un
r6seau serr6 3e canaux sillonne deja la Basse-^Egyp^e sur prfis
de 4000 kilometres de longueur. Quand les champs sont trop
«leY6s aunfessus du niveau general des eaux, les indigenes
^mploient de grossiefe^ machines agricoles; le a chadouf» e»t
84 AFRIQUB.
une sorte de panier qui peut au moyen d'un levier k grands
bras porter I'eau k 3 ou 4 metres de hauteur. Le « sakieh » esl
une roue mue par les boeufs ou les dues. Les Europ^ens ont u
limr tour construit de puissantes porapes k vapeur ; on en comple
dej^ plus de cinq cents.
Ce systeme permet h la fois les cultures d'6t6 et d'hiver. Pen-
dant cettc derni^re saison on plante et on r^colte les ce'reales ;
la p^riode estivale, qui est de beaucoup la plus feconde, voit
murir le ru, les legumes, les fruits, les melons et toutes les
plantes industrielles, le colon, le iahac, Vindigo, la canne a
Sucre, Dans les champs ou la moisson peut se faire en aoiU ou
en septembre,. on s6me immediatement d*autres plantes, dont
la periode de maturation est reduite a soixante ou soixante-dix
jours, coitime le mais, le sorgho, le sesame : ce sont les cul-
tures d'automne.
Ce syst6me de production intensive offre h son tour plusieurs
inconv6nients. II necessite d'abord de grands travaux qui sont
bien loin d'etre terminus. 11 faut completer le reseau des ca-
naux, nettoyer sans cesse les rigoles existantes, creer des bar-
rages. Mais surtout il est a craindre que la fertilite de la couche
superficielle du sol nc diminue rapidement, maintenant que le
Nil ne depose plus chaque annee de nouvelles couches de limon.
II faudra recourir alors aux engrais; les alluvions du Nil s*6pui-
seront comme celles de tons les autres grand^ fleuves, commc
celles par exemple du Mississipi, et Tepuisement sera d'autanl
plus rapide qu'aux anciens produits de Tagriculture 6gyptienne
se sont ajoutees d'autres cultures particuli^rement epuisantes :
le tabac, le coton, la canne k sucre.
Agriculture. — L'etat des cultures est encore tout k fait
rudimentaire, Les fellahs, qui sont une des richesses de I'Egypte
par la modicite extreme des salaires dont ils se contentent, tra-
vaillent peu et mal, abrutis qu'ils sont par la misere, decou-
rages par la rapacite du fisc : les produits qu'ils r^coltent sont
en general mediocres. te ble, mal r^colle, sature de scl, peu
riche en gluten, n'est pas eslime sur les marches d'Europe; les
fibres de coton sontplcines d'impuretes; Tindigo est brCkle, etc.
De grands progr^s restent a accomplir de ce c6te k I'agriculture
egyjptieone.
Ea6n^ tout un bon tiers du delta rcste encore improductif.
C'est la region des sables du littoral qui s'^tendent depuis le
6GTPTB ET NBBIB. ^
lac Mariout jusqu'au lac Menzaleh. De puissanies usines hydrau-
liques ont d^j& ^t^ construites pour travailler au dess^chement
des marais; mais Toeuvre est k peine commenc^e.
A toutes ces raisons qui expliquent pourquoi T^gypte se
trouve aujourd'hui dans un 6tal si precaire, il faut ajouter une
derni^re cause humaine. II ne semble pas que Tadministration
des Anglais ait ete tres favorable aux progr^s de Tagriculture
dans les pays du Nil. Nous ne voulons m^me pas parler des
consequences tres fAcheuses que les ^venements politiques ont
pu exercer de ce chef; mais les ing^nieurs dont le gouverne-
ment britannique a inonde le pays appartenaient aux services
de rinde. lis ont cru decouvrir le Nil, et ont pretendu y appli-
quer les precedes en usage pour Tam^nagement des eaux de
rindus et du Gauge, fleuves tr6s dilTerents d'origine, de nature
et de r6le. De 1^ une s^rie de maladresses, qui n'ont eu pour
resultat que de rendre le Nil plus torrentiel, et qui ont 6te
beaucoup plus nuisiblcs qu'utiles k Tagriculture.
Les cereales et les legumes occupent environ la moiti6 des
tcrres cultivees : 1 250000 hectares. Ce chiffre n*est d'ailleurs
qu'approximatif; le service de statistique organist jadis par
Amici-bcy a ete supprim^, et il est difficile d*avoir des donnees
r6centes et precises.
Une bonne r^colte moyenne produit, d*apr6s les rapports
consulaires :
6^8 millions d'hectolitres de bl^.
2 4 4 — d'orge.
5 4 6 — de mais.
Cette variation si grande dans les chilTres de production de-
pend du resultat plus ou moins favorable des inondations an-
nuelles du fleuve.
Les cereales proprement dites, le bl6 et I'orge sont cultivees
surtout dans la Haule-figypte. Le riz n'est plants sur une grande
6chelle que dans les provinces de Beherat, Garbieh, Dakarlieh;
la production ne suffit pas au reste k la consommation locale.
Les legumes sont une des principales ressources du pays.
Outre les pois, qiii sont au premier raftg, il convient de citer
les feves et les lentilles. Le sol humide convient k merveille k ce
genre de produits. On cultive en grand dans toute I'Egypte les
dattiersj qui donnent des produits excellents.
Sa AFAIQUE.
La canne h mere est plantee specialement dans Tancien do-
maine particulier du khedive, la Daira-Sanieh » devenu depuis
doniaine d'£tat. Elle couvre une superflcie de plus de 20 000 hec-
tares et la production s'est accrue dans des proportions consi-
derables. Elle atteignait dansles deruieres annees 55000 tonnes
valant pres de 50 millions de francs. La plus grande partie des
produits sont envoy^s a Marseille.
Le eafe, dont on avait tent6 la culture, n'a pas donne de re-
sultats satisfaisants. La production du iabac n'est pas non plus
tr^s importante, elle ne depasse pas un million de kilogrammes.
La consommation locale, tr6s considerable, necessite une impor-
tation quatre fois plus forte.
Le coton a ^te introduit en Egypte dans la premiere moilie
du dix-neuvi^me siecle par le Frangais Jumel. Lors de la guerre
de Secession la culture de la pr^cieuse iibre a\ait pris une exten-
sion rapide. L*Egypte a naturellement souflert de la reprise des
adaires en Amerique. Mais le climat sec des pays du Nil, joint
a rhtlndidite artificielle du sol, convient a merveille a ce genre
de culture; aussi TEgypte est-elle restee malgre tout un des
pays producteurs de coton les plus iraportants du monde.
400 000 hectares sont cultives eh cotonniers, particuli5rement
dans le delta ; mais c'est une exploitation difficile et couteuse,
qui ne peut se faire avec profit que dans les grandes proprietes
ou Tentretien des canaux est assure. L*exportation atteint,
ann^e moyenne, 30 millions de kilogrammes. La graine du
coton a elle-m^me en Egypte une grande valeur marchande.
L*huile qu'on en retire sert dans le pays m6me k lalimentalion
des fellahs, et on Temploie dans le Royaume-Uni a la iabri-
tion des savons.
Le henne fournit a la fois de la poudre employee dans la lein-
ture et des eaux de senteur. Les nombreux rosievh du l^ayoura
servent k la preparation de I'huile et de I'eau de roses.
Les oasis du desert de Libye fournissent, outre les dattes, de
grandes quantites de gommes et cultivent I'arbuste a manne.
Ce sont les dnes qui sont le plus g^neralement employes pour
les transpoits. Leur nombre est considerable et la race est tres
belle. Les hosufs dans la Haute-Egypte et les buffles dans les
champs marecageux du delta sont employes au labour et surtout
au d^c(»rticage des grains; leur cuir est tres estime pour la
fabrication des outres, et leur poil sert k la preparation des
iGWn ET NUBIE. 87
toiles k tentes. La viande du mouton est la nourriiure animale
la plus repaodue, mais la laine est grossiere. Les chevres^ les
porcsj la voldille abondent aussi dans tout le pays.
Des cspeces variees de polssons sont p^cliees sur les cotes de
la Mediterranee, dans les lagunes du littoral ct dans les diffe-
rents bras du Nil. 440 barques sont employees a cette induslrie
sur le seul lac de Menzaleh.
Telles gont les principales ressources de Tagriculture dans la
region du Nil inferieur. On voit qu'elles sont variees et nom-
breuscs; et Ton comprend ainsi comment I'Egypte a pu sufiire,
dans I'antiquit^y a nourrir une population plus nombreusc
encore que de nos jours.
Mais I'Egypte ne renferme ni bois, ni charbon, ni minerais.
Vindustne y aura done elle-mtoe un caract6re tout agricole.
Les pierres a bdtir existent toutefois en d^pdts abondants, qui
ont rendu possibles ces grandes constructions dont les ruines
ont surv6cu : pyramides, palais, etc. On extrait le porphyre et
diverses autres pierres precieuses, grenat, etc., des carri^res
d'Assouan. De riches gisoments d'alb^tre et de marbre k Siout,
a Esneli, fournissaient jadis des mat^riaux estimes pour les
<EUvres artistiques. Les c6tes de la raer sont bord^es de salines,
a Damiette, a Rosette, k Souakim, et le sel est encore extrait des
lacs Natron. Le salp^tre se tire du Fayoum et le soufre vient de
la mer Rouge. On a recemment decouvert enfin non loin de
cette mer, a 300 kilometres au sud de Suez, des sources de
p6trole que les Egyptiens ont exploitees d(i']k dans I'antiquite.
On se propose d'amener le petrole de Jcmsah, le lieu d'exploi-
tation, au moyen de luyaux de fonte, a Suez et de la a Port-
Said, d'ou on Texpedierait directeraent en Asie et en Europe.
L*iNDUSTRiE proprement dite ne comprend guere que les
industries textiles et les raffineries. Le centre de Tindustrie
cotonniSre est le Caire. On trouve encore des manufactures ac-
tives a Alexandrie, a Girgeh, a Siout. Les raffineries les plus
nombreuses sont egalement installees au Caire et dans la Haute-
Egypte. A ces industries, organisees d'apres les rn^thodes mo-
dernes suivies eii Europe 6u en Amerique, il faut ensuite ajouter
tous les objets fabriques a la maniere orientale par de nombreux
artisans dissemines dans tout le pays. Les soieries, les colon-
nades, les toiles, les chMes, ainsi produits, sont livres chaque
ann^e au commerce pour une somme importante, Les poterics
88 AFRIQUE.
d'Edfou sont encore cel^bres, et la bijouterie ^gyptieniie est
renoram6e,
Au point de vue du commerce, TEgyptc joue dans le monde
uu rdle important. Ge pays, dont la nature semblait avoir f . t
une region compleitement fermee, entre deux deserts slerfJes et
qui n'a pas meme de bons ports, se trouve toe a Theure pre-
sente un des grands carrefours du monde. II est d*abord le lieu ,
de passage entre la Medilerranee et la mer Rouge, e'est-'.-dirc,
depuis I'ouverture du canal de Suez, entre I'Europe et I'extremc
Orient. C'est, en second lieu, un intermediaire nalurel entre
FAsie et TAfrique. Le Caire est le point de rencontre naturel do
toutes les caravanes, de tons les pelerinages qui se dirigent vers
la Mecque de tons les pointe de TAfrique. Le Nil est enfin une
des principales portes de sortie de tout le continent noir.
Les relations k I'interieur sont assurees surtout par les voie^
navigables naturelles ou artificie'lrs. Les canaux d*irrigation,
rendent au commerce non moins de services qu*a I'agriculture,
Le principal est le canal Mahmoudieh, qui rattache Alexandric
au Nil et au Caire.
De bonnes routes sont difficiies k conslruire et plus encore a
entretenir sur ce sol peu ferme. Ce sont encore les digues cu
Nil ou les berges des cananx qui sont les meilleures voies de
communication par terre.
L'^tablissement des chemins de fer presentaient egalement de
grands obstacles. Le reseau s'est pourlant developpe avec rapi-
dite; I'Egypte comptait, en 1890, plus de 2 000 kilometres en
exploitation. L'activite des relations par voies ferrees ne pent
nianquer de prendre une grande extension, quand les lignes
^gyptiennes penetreront plus avant dans I'interieur de TAfrique,
ou elles ne depassent pas aujourd'hui Siout, a 500 kilometres du
sud du Caire. Une compagnie americaine songe k construire une
ligne qui de Port-Said ou d'un autre point quelconque du canal
de Suez gagnerait Damas et desservirait ainsi toute la Syrie.
Actuellement les lignes frequent6es sont celles qui conduisent
d'Alexandrie au Caire el k Suez.
Les lignes tele'graphiques sillonnent TEgypte sur 5 800 kilo-
metres. La plus grande partie est exploitee par Fadministration
du khedive; le trajet Alexandrie-Suez, qui unit les cables de la
Mediterranee k ceux de la mer Rouge, est entre les mains d'une
compagnie anglaise.
£GYPTE £T MDIE. SO
Le conuTierce en £gypte se fait suivant quatre grandes direc-
tions :
1® Les caravanes africaines apporlent au Caire les marchandises
du Maroc et du Fezzan : maroquins, babouches, burnous et tapis.
Le Soudan envoie tons les produits qu'il fournit; un des plus
importants objets de ce trafic est encore constitu6 par les escla-
ves, dont la vente clandestine siir les marches du Caire est plus
ou moins toleree par le gouvernement; Tivoire, les plumes d au-
truche, les gommes, les peaux, les cafes d'Abyssinie, meritent
cnsuite d'etre cites.
2<» D'Asie, TEgypte re<joit paries caravanes de Syrie des fruits,
des huiles, des soieries; les negociants d*Arabie lui vendent du
cafe, des armes, des pellcteries.
En Afriqae commc en Asie, FEgypte expedie en retour les pro-
duits de son propre sol, ou ceux qu*elle re^oit d'Europe.
5* Les relations de I'Egypte avec TEurope sont done alimontees
dej^ pour une bonne part, par le commerce de transit, dont il
est difficile d*evaluer separement la valeur. EUes atteignent en-
viron 600 millions de francs, dont 350 millions reviennent k
Texportation.
Ce sont naturellement les produits agricoles qui torment le
contingent principal des ventes h Ve'tranger, Le coton y figure h
lui seul pour 225 millions en 1891, les f^vespour22 millions,
le Sucre pour 14 millions.
Les tissus sont au premier rang des importations, Les melaux
et machines, les houilles et matieres combustibles trouvent un
abondant debouch^ dans ce pays si pauvre en minerals. Le tabac,
les boissons, le betail, les denrees coloniales constituent ensuite
les achats les plus importants.
\J Angletenvre fait environ la moitie de ce commerce (300 mil-
lions en 1891). C'est Londres qui regoit la plus grande quan-
tile du coton egyptien.
La Tvrquie^ la France et la Russie vlennent au second rang
(environ 50 millions chacune). La France vend k TEgypte des
soieries et des draps, des vins et des liqueurs, de la quincail-
lerie, des articles de Paris ; elle en regoit pour une valeur a
peu pr6s equivalente du coton, des graines oleagineus^s, des
fruits, des gommes. Notre commerce avec TEgypIo a dlminue ;
c^etait une consequence facile a prevoir du desinteressement
m^r rf
90 JIFRIQUE.
dont notre gouvemement a fait prcuve dans les affaires polili-
ques de ce pays.
UAutriche ct YI(alie font chacune avec TEgyple pour 25 mil-
lions d'affaires.
C'est le port d'Alexandrie qui importe et qui exporle la lota-
lite des marchandises achetees ou vendues par I'Europe en
Egyple. Le mouveraent de son port est de 3 500 000 tonnes,
entrees et sorties reunies. Le pavilion d'Angleterre entre dans ce
total pour la moitie.
4<^Le commerce de transity par le canal de Suez, est enorme. II
est inulile d*insister sur Tiraportance extraordinaire de cetic
voie naiurelle de communication, con^ue et executee par un Fraa-
(jais, a Taide de capitaux en grande parlie fran^ais. II est inu-
tile de rappeler tons les obstacles opposes a sa construction par
la jalousie malveillante de la puissance qui devait le plus en pra-
fiter. L*^ouverture du canal de Suez est en tous cas I'evenement
qui a le plus contribue au developpcment prodigieux que la ma-
rine et le commerce ont pris depuis vingt ans. En diminuant de
moitie la distance entre I'Europe et I'lnde, elle a eu pour pre-
mier r^sultat de substituer peu k peu la marine k vapeur a la
marine k voiles.
Le trafic s'est k son tour developpe avec une telle rapidite
(6 780000 tonnes en 1889) que le canal, ouvert a peine depuis
vingt ans, est aujourd'hui reconnu insuffisant. Les Anglais les
premiers ont projet^ la construction d'un second canal, paral-
lele au premier, ou coupant transversalement le delta, en pro-
longement du canal Mahmoudieh. Mais la Compagnie de Suez a
le monopole de toulc creation de canal entre les deux mers ;
apres de longues negocialions, elle s'est engagee a executor
tous les travaux necessaircs pour assurer la rapidite et la regu-
larile du transit. II a ete convenu que le canal actuel sera elargi
ou qu'un nouveau sera creusS quand le mouvement annuel
dopassera 10 millions de tonnes.
Six puissances marilimes participent surtout au trafic du canal :
I Co Anglais viennent en tete absorbant les trois quarts du ton-
nage : c'est pour eux le chemin de Flnde et de I'Australie. Les
Allemands tiennent le second rang ; la France le troisiime.
Le qualrieme appartient aux Hollandais. C'est par cette voie
que les Hollandais entretiennent des relations avec les lies
de la Sonde. Les Italiens tombent au cinquieme. Les na-
^^
fiGYPTE ET RUBIE. ^i
vires du Lloyd austrohongrois occmpent eiifin une place appre-
ciable.
Le canal s'^tend sur une longueur de 160 kilometres. La lar-
geur est de 70 h 100 metres a la surface, de 22 sur le fond. La
profondeur depasse 8 metres. Port-Said, fonde k Tentree sur la
Mediterranee, est un immense d^pdt de charbon ou peuvent s*ap-
provisionner les paquebots au long cours. Suez a Textremit^
oppos^e, sur la mer Rouge, prend une grande importance. Le
mouvement de son port ind^pendarament de celui du canal, de-
passe 1 800 000 tonnes, hmailia est le principal garage, situe
.v^i*s le milieu du tfajet.
. En principe, le canal de Suez est neutre, et cette neutrality a
ete reconnue formellement par une convention r^cente conclue
entre les grandes puissances maritimes. Le canal ne pent ^tre
bloque par aucune puissance; et chacune d'elles se trouve sur
le pied d'egalite.
Mais on ne pent iiier qu*en fait les Anglais y exercent, par
Tenormite meme du trafic fait sous leur pavilion, une preponde-
rance r^elle; ils n*ont rien neglig^ d'ailleurs pour s'en rendre
au besoin les maitres : Gibraltar, Malte et Ghypre dans la Medi-
terranee, Perim et Aden dansTocean Indien, gardent les passes
qui y menent. L'occupation prolongee de I'Egypte ne doit laisser
cnfin aucune illusion k cet egard; Tintervention des troupes an-
glaises dans ce pays, si malheureusement abandonne par la
France, n*a pas en realite d*autre but que de permcttre a cette
puissance de surveiller de pr^s et de tenir, pour ainsi dire, sous
sa main, ce passage international.
C*est ainsi que I'Egypte a paye cher les avantages de sa posi-
tion. II ne semble pas en effet qu'elle ait beaucoup gagne en
prosperite sous I'administration britannique. Le plus clair resul-
tatde Toccupationaete de faire perdre au pays un de ses princi-
paux debouches, le Soudan.
»2 AFRIQUB,
CHAPITRE Y
ABYSSINIE
Position. — L'Abyssinie, situeeentre le 6« et le 15* degr6 de
latitude nord, et le Z^^ et le 44^ de longitude est, occupe par
son relief et son climat particuliers une place k part dans le
continent africain.
Relief. — L'Abyssinie peut Mre compar^e k une grande cita-
delle qui domine de haut les plateaux de TAfrique orientale.
C'est, en y comprenant au sud le pays de Kaffa qui en fait partie
dans la nature, un grand ovale de montagnes qui sc dressent
sur un socle de plus de 1 000 metres au-dessus des rivages de la
mer Rouge, du pays des Danakil et 'des Galla, du Soudan ^gyp-
tien et des steppes qui s'etendent entre Berber et Souakim.
Cette masse compacte est en general redressee vers Test,
inclin^e vers le Nil. La grande ar^te en est le rebord oriental :
sur plus de i 000 kilometres une chaine court du nord au sud ;
vue de Test, c'est corame une muraille gigantesque, qui a d^ja
2400 metres pr6s de Kasen, visra-vis de Massaouah, atteint
5180 metres au mont Souwaira au sud de la baie de Zoula, plus
de 5 500 metres au massif d'i4n^o/ et depasse encore 5000 metres
dans le ChOa, Ce soulevement abyssin est dans le meme axe que
la grande crMe de I'Afrique ^quatorialc, et peut-etre m^me
celle-ci en est-elle le prolongement direct, car les explorations
de MM. Teleki et von Hoehnel, au sud du pays de Kaffa^ signalent
des deux cdt^s du lac Rodolphe des chaine s de volcans courant
du nord au sud.
La chaine abyssine n*est montagne que du cdt^ de Test. Sur
I'autre versant commencenllesp/a^eaMor qui forment la masse de
TAbyssinie, plateaux d'altitude fort diilerente, et h^riss^s eux-
m^mes de montagnes.
Au nord, celui des Bogos, en face de Massaouah, est relative-
ment has : il n a gufere que 1400 metres vers son centre Keren,
et les cimes atteignent rarement 2000 metres.
Les plateaux de Hamdsen (Asmara) et du Tigre, situes plus au
sud, ont d^j^ une altitude minima de 1800 k 2000 metres k
Touest et s'elfevent encore vers le rebord oriental. (La ville
ABTSSTNIE. 09
d'Adoua est 4 I960 m., celle d'Adigrat k 2520m., celle d'Antalo
i 2410m.). Lescime9sonthautes(Semayata 5090 m. au-dessu3
d'Adoua).
De I'autre cAt^ du Takazz^, le Simian ou Simiin, ^nornie pla-
toau votcanique, s'^lfeve (outd'uii bloc A une hauteur moyenoe
de plus de 5000 metres, avec des cimes de 4000 h 6000 metres
de hauteur. Cette masse est comparable k celle de I'Oetzthal, le
grand plateau alpestre du Tyrol.
Au sud du Slm^n, le Liula, entre le Takazz^ et la chaine do
■^13^
-.K>^™.l:;--^7^-.-
Fig. 1, — Proll de I'llbjstinis <d'«prta RmIiu).
Test, a egalcmetit des monts de 5800 metres (mont Biala, etc.),
ct r^norme Go&na s'M\e & 4200 metres.
Cne depression relative, celle du lac Tana, qui semble £tre I',
suite de I'axe d'alTaissemeDt marqu^ par le golTe de Tadjouruh
el le lac d'Aital, ^chancre au sud-ouest les hautes terres : le lac
Tana u'est qu'^ I 750 metres et les plateaux environnants i 1 800
el 2000.
tlais, au sud, le massif volcanique du Godjam s'^I^ve de nou-
veau comme une gigantesque citadelle qui au centre (plateau do
Tchok) depasse 4000 metres.
Enfin, dans le pays montueuxde Kaffa, lessommets atteignent
pr6sde 5700 metres (monl Kalo 5250 m..mont Egan 3090 m.,
niont Hotta. au su<), 5680 m.), etlesvallees sonl encore fi 1800
ct 2 0410 metres de hauteur (villede Bonga 1880m.,ville deSaka,
1800 m., do Mo()jcr2l60m.).
L'Abyssinie pent en somme Hre consid^ree comme une masse
dc hautes terres que les forces volcaniqoes ont boulevers^es,
au point qu'il est difficik dVi reconnaltre la pente g^n^ale.
94 AFRIQUE.
»i» ■ • ' ■
^Partout on Irouve des feves trachytes, })asaltes; certains vol-
cans, le Dofane dans le Choa, et VErteali, fument .encore; les
solfatares et les tremblements de terre sont frequents sur tout
le versant de la mer Rouge.
Climat. — Le relief si remarquable de TAbyssinie lui a
donn^un climat special. Par sa latitude, elle appartient a cette
partie de TAfrique ou tombent des pluies d*ete et qui passe en
m^me temps pour une des plus chaudes contrees de la terre : le
Soudan. En effet, I'Abyssinie reQoit comme le Soudan oriental,
ses pluies d'6t6 des vents de Test et du sud-est. Mais on sait
combien le changement d'altitude modifie le climat d un pays.
On trouve, en s*elevant sur les plateaux, une temperature do
plus en plus froide (0^,57 par iOO m. d'elevation sous celte lati-
tude), et si les montagnes sont assez hautes, on pent subir en
quelques jours les memes variations de climat qu'un voyageur
6prouverait en quelques semaines s'il se dirigeait vers le nord
usqu'^ la zone glaciale.
L*Abyssinie echappe done par sa hauteur au climat du Sou-
dan, et on y rencontre toute I'echelle successive des climats.
Les savants ont class6 les pays abyssins en trois zones princi-
pales : . . .
1* La qolla ou Koualluy zone tropicale qui comprend toutes
les regions ou r6gne encore le climat soudanais, grandes cha-
leurs et pluies d'6t6 bien marquees, c'est-^-dire tons les pays
au-dessous de 1 800 metres de hauteur. La grande chaleur de
cette partie de I'Afrique a eu pour effet de reculer les limites de
cette zone chaude plus haut qu'en Amerique : Tisotherme de
20 degres, qui marque la fin des terres chaudes au Mexique, se
rencontre dej^ k 1 000 metres de hauteur. Le versant est de
TAbyssinie est trop raide pour que la qolla y forme une zone de
quelque largeur; raais k Toiiest, elle forme autour des hauts
plateaux une ceinture de 100 i 200 kilometres de large, et
pen^tre dans Tinterieur mtoe par les valines profondes du
Takazze et autres qui entaillent le plateau. C'est dans ces gorges,
ou aucun souffle de vent ne rafraichit Fair, que la chaleur est la
plus grande : le voyageur qui y descend croit entrer dans tin
four. Les parties basses autour du lac Tana (1800 m.) sont
encore k demi tropicales ; les rives sont malsaines et bord^es de
glantes tropicales comme les valines iitferiieures.
i^ Lsivoina-de^, ou2one moy>en'6e, de 1800 k 2400 metres,
ABYSSIME. 95
est de beaucoup la plus ^tendue de TAbyssinie. Voina-dega veut
dire plateau de la vigne; c'est dire qu'on y rencontre une cha-
leur const ante, k peine plus elevee que celle de la Mediterram^e.
Ainsi Gondar (1900 m.) a une moyenne annuelle de 19®, sans
que le mois le plus froid ait moins de 16®. C'est une chaleur
annuelle legereraent sup^rieure a celle du sud de TEspagne, de
ritalie et de la Gr^cc ; mais comrae nous sommes dans un pays
ou les pluies tombent en ^t^ et mod^rent la temperature, on
n'observe pas les chaleurs qui rendent les mois d'6t6 si insup-
portables dans le midi de TEurope. La moyenne du mois le plus
chaud, avril, ne d^passe gu6re25® a Gondar : ainsi cette parlie
do TAbyssinie est k la fois plus chaude que le sud de TEurope et
pourtant plus temperee. Les pluies resserablent encore 6 celles
du Soudan : elles tombent en ete, et durent plus longtemps dans
le sud que dans le nord ; h Gondar, il pleut du 20 juin environ
jusqu a la fin de septembre, tandis qu*au nord d*Adoua les seuls
mois pluvieux sont juillet et aout; il tombe en moyenne 1 metre
d'eau par an, sauf au nord, ou la quantity varie beaucoup de
20 k 80 centimetres. Aussi le Tigre est-il plut6t une steppe,
avec des variations de temperature qui rappellent celles de la
Nubie.
5<» La dega ou zone froide, au-dessus de 2400 metres, est
moins bien connue. La temperature annuelle y varie probable -
ment, dit Dove, de 16® k 7® et 8® vers 3900 metres de hauteur,
et les froids nocturnes deviennent considerables. L*armee
anglaise a eu k supporter, k 3200 metres, une gelee de — 4® le
28 mars. Dans les alpes du Semi^n, de 3900 k 4200 metres, on
a, em hiver, — 4® i — 1® le matin, -f- 7® a -f- 9® & midi ; le ther-
mometre peut tomber sur les cimes k — 8®. Ces basses tempe-
ratures favorisent les condensations, et bien que la plus grande
partie des pluies tombe aussi en ete, aucune saison n*en est
depourvue, etla neige se conserve parfois sur les cimes pendant
toute Tannee. La limite des neiges, qui est k 4400 metres
pendant la saison plus seche, descend a 3500 metres en ete. La
greie est egalement frequente. La quautite d'eau tombee doit
6tre considerable : les hauts sommets, comme la GoAna, sont
meme pendant la saison seche tres-souverit fenveloppes de
nuages, et il pleut dans la haute montagne pendant des jours
entiers.
Hydrographie. — Le regime des rivieres en Abyssinie est
96 AFRIQUE.
cclui des torrents. Les eaux tombant en cascades dc plateau en
plateau, ont comme dans les montagnes Rocheuses, entaille
Icurs assises et creuse des cluses profondes, aux parois souvent
i\ pic. Ainsi Terosion a contribue au moins autant que le volca-
nisme a accidenter le relief abyssin; les eaux, au lieu de servir
de chemin, ont isol6 les plateaux les uns des autres : on loute
saison, le lit des rivieres est ui) precipice au fond duquol il faut
descendre pour remonter peniblement de Tautre c6t6, et quand
les eaux torrentielles y bouillonnent, ce sont des fosses infran-
chissables pendant des semaines.
A Test, la pente est tellement rapide que les valines se r6dui-
sent a des defiles a pic ouverts dans la chaine bordi^re. Ce «ont
les portcs de I'Ethiopie de ce c6t6 : I'arm^e anglaise a utilise, en
1868, celui de Koumaili pour s'^lever sur le plateau.
Au nord, deux oued, le Khor-Baraka et son affluent YAnseba.
('e^cendent du plateau d'Asmara et se sont fraye une vallee le
plus souvent k sec du sud au nord vers la plaine de Tokar, sui-
vant ainsi la direction du principal soulfevemeht de TAbyssinie.
Les grandes vallees suivent la pente generale du pays vers
Touest. VAtbara descend du rebord du plateau de Tana, mais
ses affluents traversent TAbyssinie de part en part : le Mareb
sort du plateau d' Asmara presque vis-a-vis de la source de
TAnseba, et decrit une grande courbe qui isole I'Asmara du
Tigre; le Takazze descend du massif d'Angol dans la chaine
orientale, et serpen te successivement vers I'ouest, le nord et le
nord-ouest, h une grande profondeur au-dessous des plateaux
environnanls: il n'est de}k plus qu*^ 1300 metres d'altitude k
son premier coude, et separe ainsi par un abime le Gondar et le
Simen dc I'Abyssinie orientale et du Tigre. L'Atbara, grossi par
ce torrent qui lui apporte les pluies de la moiti6 de TAbyssinie,
devient en ete un fleuve redoutable d*un demi-kilomoire de
large, de 5 & 6 metres de profondeur, et contribue ainsi puissara-
ment a la crue du Nil. Pendant la saison seche, il est a sec dans
son cours inf6rieur. Le Mareb ne rejoint TAtbara que rarement;
d'ordinaire il est absorbe par les irrigations a sa sortie dans la
plaine.
Le Dahr-el'Azrekf ou Nil Bleu, sert d'emissaire au lac Tana^
et contourne le massif du Godjam par une courbe immense qui
fait rassembler ce plateau k une citadelle entouree sur trois
c6tes par un fosse profond. 11 doit au lac Tana {2980 kil.
AlJYSSlME. 97
Carres, cinq fois le lac de Gen6ve) un d^bit r^gulier qui lui fait
atteindre le confluent de Khartoum en toute saison ; c'est pour-
tant d'ordinaire une riviere assez maigre et impropre k la navi-
gation. Mais quand les abondantes pluies d'orage se mettent k
tomber sur les plateaux, les profondes cluses se remplissent en
un clin d'oeil d'une eau grondante qui balaye tout sur son
passage, et le Nil bleu devient k Khartoum plus puissant que le
grand Nil lui-m^me.
On connait mal les fleuves du versant sud. Deux au raoins
acqui^rent un developperaent considerable en longeant la base
des plateaux: VAouach, ne dans le sud-ouest du Choa, decrit une
courbe inverse de celle du Nil bleu, vers Test; c'est dans son
cours superieur un fleuve considerable, de 50 metres de large
et au moins 1 metre d'eau (les crues montent k 15 et 18 m.);
mais comme tous les fleuves qui pen^trent dans les steppes, il
decroit progressivement et n'atteint pas la mer: il s'arrete a
environ 100 kilometres de la bale de Tadjourah et remplit le
bassin ferme du lac d'^lous^a. VOuma ou Oumo a ete entrevue
par M. d'Abbadie, qui I'avait prise pour une branche du Nil; le
voyage de M. Borelli k travers le pays de Kaffa, joint aux infor-
mations de MM. le corate Teleki et von Hohtiel venus du sud,
permettent d'affirmer qu'elle coule du nord au sud, et se jette
dans le lac Rodolphe ou Basso-Narok, tandis que les eaux descen-
dues de Touest du Kaffa vont probablement rejoindre le Sobat,
Flore. — La flore, expression fidele du climat, diff'ere d'as-
pect a raesure que les plateaux s*eievent. Une vegetation exube-
rante correspond au climat tropical de la qoUa. 11 y a jusqu*a
200 especes arborescentes : les forets de tamaris^ acacias^ syco-
moresy palmiers, bambous hauts de 10 metres, forment au fond
des valiees du Mareb et du Takezze comme un ruban de loret
vierge. Al 400 metres encore, M. Rohlfs a rencontre uneforet de
baobabs d'une grosseur prodigieuse, et des plantes tropicales
(palmiers, bananiers) croissent jusque sur les rives du Tana, k
1 750 meires de hauteur.
Au*dessus de 1 800 metres, la flqre de la voina-dega a ete
comparee par le naluraliste Schweinfurth k celle du sud de
I'Europe. La foret est devenue rare: elle n*a plus que 30 especes.
La plante caracteristique est la vigne; elle croit dans toute
retendue de cette zone, de 1800 k 2400 metres. L'o/m>r, le
myrtey le citronniei\ le grenadier font e^alement songer aux
GiOQ. CL. 3*. 7
M AFRIQUE.
pays de la M^diterran^e, tandis que les grands eupkorbes, Ics
palmiers sauvages rappellent qu'on est en Afrique.
La flore de la zone vraiment temp^r^e, la dega, est encore
plus nettement europ^enne. L't/, le genevrier (souvent enorme),
Yolivier sauvage^ le rosier^ les hruybres^ enfin de raagnifiques
gazons la caract^risent. Sur les cimes on retrouve les rhadoden"
drons, mousses et lichens de nos Alpes.
Fauna. — Les zones de la faune abyssine sont moins tran-
ch6es. Vhippopotame, V elephant et le crocodile ont remont^
les gorges des rivieres jusque vers leurs sources, et peuplent
egalement le lac Tana. Pourtant le Hon, le zebre, la girafe, le
chameau ne depassent gu^re la qolla ; par contre le cheval, le
bceuft le mouton se trouvent suiiout dans la zone nioyenne. II y
a des bouquetins sur les crates du Sim^n comme dans les Alpes.
Population et g^ographie politique. — L'iniluence du
climat se fait encore mieux sentir sur la repartition des trois
millions dUiabitants que compte TAbyssinie. Les profondes
vallees boisees de la qoiia n*ont pas de population sedentaire : le
sejour en est mortel pour les Africains eux-m^mes; il n'y a pas
un village sur le Mareb, ni sur le Takazze. Les plateaux de la
qolla qui forment ceinture k Fouest sont peuples, mais bien peu
encore. Les bourgades qu'on y trouve, FazokU Roseres, sont
situees k la lisiere des steppes soudaniennes, plus salubres. Les
Changalla, tribus h derai-n^gres, sont les habitants de la qolla;
les Abyssins des hautes terres redoutent a bon droit cette region :
sur 140 qui residaient k Metemmeh, 80 moururent en un an.
Presque toute la population de TAbyssinie est groupie dans
les zones moyenne et superieure. lA s'6l6vent les villes de
TAbyssinie, d'ailleurs assez rares dans ce pays ou les divisions
natureiles ont maintenu les indigenes dans un etat de patriarcat
feodal. Le plateau du Tana, k la limite inferieure de cette zone,
le plus riche et le plus facile d acc^s, poss6de au nord les villes
de Tchelga et Gondar (1900 m.), cite sainte maintenant un
peu dechue (6 k 7000 hab.); a Touest, Debra-Tabor, residence
des rois d'Ethiopie, qui commande k 2 500 metres de hauteur
les campagnes du Tana, et les routes du Tigre et du Choa.
De I'autre c6te du massif du Gouna, Magdaluj perchee en nid
d'aigle au-dessus d*un affluent du Nil bleu, a 2 760 metres de
hauteur, est la forteresse presque inaccessible ou le negus Theo-
dores, abandonne des si ens, se tua, en 1868, a Tapproche de
I
1
ABYSSINIE. 09
rarm^e anglaise. Detruite par lord Napier, elle a ^te reconstruitc
& cause de sa position importante sur la route du Choa.
Dans le pays alpestre du Sim^n, Dobarik conunande le d^bou-
ch^ du col de Lamalmon par ou passe la route du Tigre a Gon-
dar.
A Test du Takazze, Sokata (2240 m.) est situ^e sur la route
du Choa a Adoua (1950 m. d'altitude), capitale du Tigre et
une des villes les plus importantes de I'Abyssinie; c*est Ik que se
reunissent les routes du nord venant Tune de la baie d*Adulis
par la passe de Koumalli (route suivie par les Anglais en 1868),
Tautre de Hassaouah par Keren. Asmara, k la t^te des vallees de
I'Anseba et du Mareb superieur, et Godofelassi sur le Mareb, sont
les stapes de cette derni^re route maintenant occupee par les
Italiens. Axoum, remplac^e par Adoua pour le commerce, est
encore la cite sainte ou les negus se font couronner.
Les plateaux du sud, Choa, Godjam, KaiTa, ont dH a leur
isolement naturel une existence politique k part. Le Choa
et le Godjam, vaincus maintes fois par los rois d'Abyssinic,
n'ont pu 6tre fondus dans le royaume et sont restos des
royaumes tributaires. L*Abyssinie n'a jamais ^t6 un Etat centra-
lise: en theorie, le suzerain ou negous est le chef civil et militaire
de tout le pays; mais en pratique, les « ras » ou gouverneurs des
provinces de Hamdsen, du Tigre\ du Lasta, etc., ne faisaient
qu'assister k la guerre le souverain residant dans VAmhara ou
province du Tana. Apr^s la mort du roi Johannes, vaincu et tue
par les derviches du Hahdi musulman, le roi du Clioa, Menehk,
a profits des divisions des ras abyssins pour s'emparer du tr6ne
des ndgus et les rdles sont maintenant renverses: le suzerain est
maintenant au sud, et a fort a faire pour forcer k I'obeissance
les chefs de I'Abyssinie proprement dite. Menelik a accepts
Talliance que lui offraient les Italiens et s'est mis sous leur
protectorat en les autorisant a occuper la route d'Adoua.
La partie la plus peupl6e du Choa est le plateau situe entre le
Nil bleu et I'Aouach. Lk s'eleve la capitale actuelle de Menelik,
Litche. La ville d'Anhobery k la porte d'un defile de la chaine
orientale, est le point d'arrivee des routes de caravanes de
Tadjourah et de Zeilah, par le Harrar.
L'ouest et le sud-ouest du Choa sont peupl^s par des tribus
non abyssines, de race galla; ce sont les restes d'une grande
invasion de negres venus du sud au xv® siecle. Us sont seden-
100 AFRIQUE.
taires comme les Abyssins, mais musulmans, et forment de
pelites confederations tributaires (pays de Gourage, de Kabena,
deLitnmou avec la ville de Sakica), Au sud, les habitants du
Kaffa^e disent chr6tiens et reconnaissent la suzerainet6 du roi
d'Abyssinie. Le Godjam^ ce plateau isol6 par le Nil bleu, est
peupl6 egalement d'un melange d'Abyssins et de Galla. Son chef,
qui porte le titre de roi comme celui du Choa, reside h Mon-
korer, sur le versant sud; il poss6de au nord les villes de Motta
et de Basso. Un pont, construit en 1884 par un ing^nieur italien,
relie le royaume au reste de I'Abyssinie.
La religion des Abyssins est le christianismey introduit au
IV® siecle: c*est le rite copte, du reste m^le de norabreuses
pratiques paiennes.
G^ographie economique. — Le pays comprend plusieurs
zones agricoles. Dans les terres chaudes ou kollUy les condi-
tions climateriqucs conviennent a merveille k la culture de la
canne a sucre, dU tabac, et en general de toutes les planles
qui exigent pour murir beaucoup de chaleur et d'humidite.
Les v&ina dega sont le pays d'election du cafe, de la vigne et
desautres cultures arborescentes de la zone mediterraneenne.
Au-dessus de cette altitude, les degas sont particuli^rement
favorables k Televage du betail.
GrAce k cette variete si particuliere du relief, TAbyssinie pour-
rait devenir pour les Europeens un veritable grenier d'abon-
dance; mais, sans parler des moyens de transport qui son!
encore tout primitifs et tr^s coiiteux, les proced^s de culture
sont encore rudiraentaires, et les habitants se donnent tout juste
la peine de recueillir les fruits spontan6s du sol. La production
suffit tout au plus aux besoins locaux.
Toutes les ce're'ales, le ble, le riz, Torge surtout, sont cultiv6es;
les legumesy entre autres les pommes de terre et le chou rouge,
introduit par les voyageurs et les missionnaires alleraands, sont
une des principales nourritures des habitants. La vigne est
aussi d*origine 6trang6re; elle donne de bons produits; mais la
plupart des ceps ont ete arrach6s dans ces temps' derniers sur
les ordres du n^gus. Tous les fruits europeens mi]irissent, le
cafeier pousse a T^tat sauvage dans le Godjam, aux environs de
Gondar; on en expedie chaque annee en Arable des quantites
considerables qui sont ensuite dirig^es sur TEurope et vendues
sous le nom de a moka ». La canne a sucre est plant^e dans les
ABYSSII^UE. 101
plaincs inondies des terres basses, et notamment dans le Clioa ;
la culture du coton est appelee ^prendre une grande extension,
lorsque FEthiopie s*ouvrira d Tinfluence europ^enne. Le lin est
la fibre des terres hautes.
Le quinquina retrouve dans ce pays les conditions d*altitude
et de climat cpii lui permettent de prosp6rer sur les flancs orien-
taux des Andes. Le tabac du Tigre est estim^.
Bien que I'Abyssinie ait Taspect d'un pays deboise, les arbres
sont encore nombreux et d'une belle venue. On rencontre encore
dans quelques regions d'immenses forets de genevriers. Les
palmiers ne prosp^rent pas loin de la c6te, et les habitants de
rGthiopie sont obliges de faire venir des pays voisins, les dattes
qu'ils consomment.
L'Abyssinie, ou les pMurages s*etendent dans les degas, sur de
vastes espaces, est un grand pays A'eLevage et de chasse. Le
bi^iail est tr6s abondant etle commerce des peaux et du beurre
est un des plus productifs. La faune domestique varie, comrae la
flore, suivant Taltitude. Les chameaux ne vivent pas au-dessus
de 1200 metres. L'dne ne rend que peu de services; mais le
chevaU d'origine arabe, s'est transforme sous Tinfluence du
milieu; devenu animal de montagne, il gravit les rochers d'un
pied tr6s sur. Les Abyssins cl6vent diverses especes de moutons
et de chtvrei&a^ grands troupeaux; le gros b^tail, en revanche,
n'est pas nombreux.
Dans les plaines inf^rieures on chasse la girafe, le zebre, le
buffle sauvage, Telephant. Les autruches sont aussi un animal
caract^ristique des terres basses. La civette porte-musc est tres
repandue; on obtient chaque ann^e pour une valeur conside-
rable de mati^re parfuni6e.
L*£thiopie est pauvre en minerais; on recueille dans le God-
jam, le Damot et sur les rives du Tzana, un peu de poudre d'or,
et on asignale quelques gisements de houille non loin du litto-
ral ; les mines du Choa et du Tigr^ donnent un excellent fer ; le
soufre se rencontre dans les regions volcaniques. Mais c'est le
sel qui est Tobjet du commerce le plus actif. Les depots de sel
gisent au pied des monts de THaramat dans le pays des Danakils,
qui ont le monopole de I'exploitation, et qui vendent la pre-
cieuse denree aux caravanes de Fint^rieur.
Ce ne sont done ni les minerais ni Tindustrie qui sont la res-
source decette region. Cest un pays essentiellement agricole;
lOii AFRIQUE.
c*est un des plus favoris^s du monde, par la vari6t6 de son cli-
mat et Tuniversalit^ de sa flore ; toutes les plantes europ^ennes,
comme les cultures indiennes, peuvent y prosp^rer ^galement.
Mais ces qualit^s si remarquables du pays abyssin resteront sans
utilite pour le commerce g^n^ral, tant que les moyens de com-
munication avec la cdte ne seront pas meilleurs.
Commerce. Yoies de commokication. — II n*y a pas en Abyssinie
de cours d*eau navigable. Les routes n'y existent pas et seront
difficiles k construire dans ce pays 06 les hauts plateaux de
3 000 metres sont h peine eloignes du littoral d*une centaine de
kilometres. Tons* les transports se font actuellement k dos
d'hommes ou de bMes.
L* Abyssinie a trois portes de sortie :
La pente gen6rale du relief la tourne vers le Nil; c'est peut-
^tre, malgre la longueur du trajet et la difficult^ de la naviga-
tion, le couloir ou s*engageront le plus volontiers k destination
d'Alexandrie les produits des valines et des terrasses ethio-
piennes. Mais Tetat politique du Soudan ^gyptien tient cette
route absolument fermee.
On ne pent nier toutefois que la voie d'Adulis, de Massaouah
et de Souakim, n'ait des avantages nombreux. C'est par 1^ que
r Abyssinie touche k la mer, et si le rebord du plateau, s'elevant
k peu pr^s k pic au-dessus du littoral, est difficile k franchir, les
vallees de quelques cours d'eau facilitent les communications.
C*est, en effet, de ce cdte, que se sont 6coul6es jusqu'i present
toutes les denrees 6thiopiennes : peaux, beurre, cafe, muse,
plumes d'autruche, ivoire, poudre d*or, tabac. Les matchan-
dises de prix, peu encombrantes, sont les seules dpnt la vente,
en Fetat actuel des voies de communication, est r^muneratrice.
Les Europ^ens payent en soieries italiennes, en colonnades
anglaises, en thalaris ou 6cus d'argent autrichiens, la seule
monnaie de m6tal employee dans TAbyssinie. On lvalue ^ 12 ou
13 millions de francs les transactions qui s'operent k Mas-
saouah.
Si FAmhara regarde le Nil et si le Tigr6 a pour d^bouch^
naturel Massaouah, le Choa pourra trouver dans lavenir inleret
k diriger ses produits sur notre colonic d'Obok, C'est la seule
valeur commerciale de ce poste qui est surtout une station mili-
taire, un dep6t de charbon. La distance est sans doute beaucoup
plus longue que celle qui s^pare les hauts plateaux du Tigre de
ADYSS1ME. 103
la raer ; mais le relief s*6tage en pente plus douce k partir de la
€6te.
Mais aotuelleraent ce sont les Italiens qui font 1p plus d*ef-
forts pour introduire leur influence sur les plateaux d'Abys-
sinie et pour en d^tourner k leur profit le commerce vers Mas-
saouah, oii fiotte leur drapeau. II ne semble pas que le commerce
g^n^ral ait beaucoup gagne k Tintervention des Italiens dans ces
parages. Si le trafic de Massaouah s*est accru, cen*est que gr^ce
au corps expeditionnaire.
C6te de la mer Rouge & Test de TAbyssinie. — La cdle
sud-occidentale de la mer Rouge est une dependance naturelle
de TAbyssinie; c*est par \k que le commerce et les armees
europeennes ont p6n6tr6 dans ce pays. C'est une bande de terre
•s^che et infertile, ou Ton retrouve les oueds dessech^s, les salines
^t les acacias des steppes egyptiennes, qu*elle depasse encore
par la chaleur : Massaouah est une des regions les plus brCklantes
du globe, de 1^ son excessive mortality. Mais sur la cdte s*ouvrent
de bons ports : Massaouah ellennSme, la baie de Zoula, la baie
d'Assab, Obock et Tatljourah dans le golfe de Tadjourah, enfin
Zeilah, Obock, en face d'Aden, a sur ce dernier port Tavantage
d*avoir de Teau potable, et son mouillage, accessible aux plus
grands navires, est tout aussi sAr.
La cdte et Tinti^rieur sont parcourus par des tribus f^roces,
lesDanaA:i7ou Afar^ musulmans fanatiques et affili^s aux Senousi,
•qui ont deji massacre maints voyageurs europ^ens (Henry Lam-
oert, consul fran^ais d'Aden, expeditions de Munzinger en 1875,
de Giuletti en 1879, Pierre Arnouxen 1881, etc.). Le centre de
fanatisme est la ville sainte de Harrar,
Trois puissances europ6ennes se partagent la c6te: Y Italic a
occupy successivement la baie d^Assab, Massaouah et la cdte
interraediaire : c'est ce qu*elle appelle la colonic Ery three ; la
France a mis un depdt de charbon k Obock, achete d6s 1862, et
possede sur le pourtour du golfe de Tadjourah, environ 900 kilo-
metres de c6tes. Des negociants fran(?ais, MM. Pierre Arnoux,
Bremand, Soleillet se sont efforces d y attirer le commerce du
Choa, qui commence k en prendre le chemin. Les Anglais^
dans la meme pens^e, ont oceupe le port de Zeilah, au sud de
Tadjourah.
L*oasis de Harrar^ situee k 280 kilometres de la cdte,
A moitie chemin entre Ankober et Zeilah, a une importance
104 AFRIQIE.
qu'augmente encore sa position h 1 700 metres d'altitude, avec
un climat sain et des eaux courantes. EUe est, avec ses 9500 mai-
sons, la ville la plus peupl^e de TAfrique orientale, du Caire k
Zanzibar. Aussi le ;roi Men61ik n'a-t-il pas manqu^ de mettre
la main sur le Harrar el cette route du Choa. Des traites con-
clus en 1885 par M. Lagarde, commandant d'Obock, ont placd
les sultans de Tadjourah et de Gobad sous notre protection.
BibUographie
Borelli (Jules), tthiopie mMdionale, 1885-88. Paris, 1890, in-4.
b'Abbadie. Douze ans dans la haute Ethiopie. Paris, 1868, in-8
Bruce. Voyage aux sources du 2Vi7, en Nubie et en Ahyssinie^ trad., Paris,
1790, in-4.
Holland et Ilozier. Record of the Expedition to Abyssinia, compiled by order
of the Secretary of state for war. London, 1870, in-4.
Lejean (Guill.). Voyage en Abyssinie, exicutide 1862 d, 1864. Paris, 1873, in-8
Petermann (Aug.). Der englische Feldzug in Abyssinien. Gotha, 1868, in-4
Raffrey (Achille). L' Abyssinie, Paris, 1876, in-8.
Rivoire (D. de), Mer Rouge et Abyssinie. Paris, 1880, in-18.
Rohlfs (Gerhard). Meine Mission nach Abessinien. Leipzig, 1883, in-8.
Ruppell (Ed.). Reisen in Abessinien. Francfort, 1834, in-8.
Soleillet (Paul). La mer Rouge: Obock (dans Rambaud, La France coloniale
Paris, 1890, in-8).
Heuglin [Th^od. \oii).Rei8e nachAbessinieUy den Gala-LanderUj etc. Gera, 1874.
Sujets de deToirs
•
La c6te africaine de la mer Rouge, les ports et les TOies de commerce qui
aboutissent.
Les diverses regions naturelles de I'Afrique du nord, differences de relief,
climat et hydrographie.
Productions de TAbyssinio, influence du climat.
Les nations europdennes dans r.Afrique du nord Leurs colonies, leur*
zones d'influence, leurs enlreprises
LE SOUDAN. 105
CHAPITRE VI
LE SOUDAN
Situation et limites. — Le nom de Soudan est de ceux
auxquels on a attache plusieurs significations differentes. Sou-
vent on ne designe par \k que les 6tats n^gres situes autour du
Tchad et du Niger ; d'autre part on appelait Soudan egyptien les
provinces du raoyen Nil, de la Nubie, du Kordofan et du Dar For
conquises par I'Egypte et maintenant au pouvoir de I'insurrec-
tion mahdiste; enfin on a pris Thabitude de reunir sous le nom
de Soudan frangais les divers territoires conquis par la France
entre le Senegal, la Gambie et le Niger.
En realite, toutes ces contr^es font partie d*une m6me grande
region naturelle. Les limites qu on a Thabitude d*assigner au
Soudan : Fouta-Djallon k Touest, monts de Kong au sud, Nil
blanc h Test, ne correspondent pas dans la nature k un change-
ment dans Taspect ou les conditions physiques du pays. Toute
la large bande de terre qui s'etend entre TAtlantique d'une part,
et TAbyssinie de Tautre, entre le desert au nord et TAfrique
^quatorialc au sud, a, d*une facon g6n6rale, le ra^me aspect du
au m^me climat: partout il y pieut en 6t6 et 11 fait sec en hiver;
c'est cette partie de FAfrique qu*un savant meteorologiste* a
appel^e le domaine des moussons africaines, et c'est elle tout
entiere qui m^rite le nom de Soudan.
Neanmoins, comme des espaces peu connus separent encore
les pays du Niger de la c6te atlantique, on pent conserver pro-
visoireraent Tancienne classification qui distingue ces pays rest^s
separ^s par les inter^ts sinon par la nature, et etudier a part :
i^ le Soudan proprement dit; 2<» le Soudan maritime, c*est-a-
dire la Guin6e et la Senegambie.
PREMlfiRE SECTION
SOUDAN PROPREMENT DIT
Relief. — Le Soudan proprement dit se subdivise par sou
1. Woeikof, Diekltmnte dcrErde.
im AVRIQUB.
relief en quatre parties distinctes: 1<* le Soudan oriental, pays
de plateaux; 2® la grande plaine alluviale du lac Tchad; 5^^ les
plateaux et les montagnies du Haoussa ; 4" au del& de la valine
du iNiger, les terrasses du Soudan occidental.
1" Le Soudan oriental, Kordofan^ Dar-For^ Ouadai, etc., est
un pays de plateaux ondul^s, hauts de 500 metres en moyenne,
et accident^s par des massifs isol^s de monts granitiques et de
volcans. Dans Test, ces hauteurs sont isolees et peu ^levees: le
djebel Kordofan^ le djebel Deyer^ le djebel Nouba n'ont gu6re
que 300 metres de plus que la steppe et 800 metres de hauteur
absolue. Le Dar-For poss6de un veritable massif : le Marrah. Les
montagnes, croupes de granit et volcans eteints, se succedenl
sur 200 kilometres du nord au sud et atteignent plus de
1 800 metres, soit 900 metres de plus que le plateau environ-
nant. Des monts peu connus, comme le djebel Abou-UaraZj
paraissent raltacher au nord-ouest le djebel Marrah aux monts
de I'Ennedi et du Tibesti^ qui continuent la serie volcanique k
travers le Sahara.
A Touest du Marrah, le plateau s'incline vers le lac Tehad,
mais d*innombrables rides accidentent sa surface et la divisent
en un certain nombre de cuvettes; les monts du Dar-Soulla,
puis le djebel Ghe're (i 000 m. environ) et le djebel Medogo
torment autant de barri^res entre lesquelles les eaux s'amassent
en lagunes.
2* Plaine du tchad. — Le milieu du Soudan est occup^
par une depression considerable : c*est la plaine alluviale oil
s*amassent les eaux du Tchad, D*est en ouest elle a environ
400 kilometres de large; sa longueur au sud, vers le Chari, est
encore inconnue. Le Tchad n'est qu'S environ 268 metres au-
dessus de la mer, et le pays qui s*etend au sud du lac est absolu-
ment plat : le voyageur Nachtigal estimait qu'^ 450 kilometres
de distance dans le sud, il n*etait pas arrive a plus de 50 metres
au-dessus du niveau du lac. La depression du Tchad pent done
se prolonger sur de vastes espaces au sud, et peut-etre le seuil
qui separe les eaux du Chari de celles du Congo est-il tres peu
eieve.
3® Plateaux du Haoussa. — A Touest du lac recommencent
les hautes terras^ mais ce sont des massifs isoies et non un pla-
teau continu. Entre le Tchad et la Benoue s'eievent les monts du
Ouandala (Wandala) peu eieves (environ 800 metres), mais se
LE SOUDAN.. 107
dressant comme une forteresse au-dessus des plaines. Au sud,
le cdne isole du mont Mendifj qui est peut-6lre un ancien vol-
can, a peut-^tre 2 000 metres. A I'ouest du Ouandala, un dos de
pays (environ 200 m. au-dessus des plaines) separe seul, dans le
pays des Marghi et, le Tchad de la fienou^; mais plus loin, entro
le Tchad, le Niger et le B^nou^ s*^tendent les plateaux du Haoussay
vaste triangle calcaire au nord, granitique au sud et haul de
580 a 600 metres en moyenne (La ville de Zaria est k 620 ra.,
celle de YaTioba k 750,celle de Gombe k environ 420). Ces hautes
telres sont limit^es nettement par 5 depressions profondes:
1<* au nord, la faille oix coulent en sens inverse le Sokoto et le
Komadougou Yoobe (altitude k Sokoto: environ 230 m.); 2» k
Touest, la valine du Niger (altitude k Rabba, 170 metres); 3<» au
sud, la vallee encore plus profonde de la Benoue (altitude a
Loko : 60 metres seulement au-dessus du niveau de la mer) .
La par tie orientate de ces plateaux, le Yakoba ou Baoutchi,
s*eleve en veritable pays alpestre : RohKs estime le fond des
vallees k plus de 900 metres au-dessus de la mer, et certaines
montagnes, conmie le Saran^/a, ont plus de,2000 metres de
hauteur.
4° Terrasses du Soudan occidental. — Le relief des pays k
Touest du Niger est beaucoup moins bien connu. Deux voya-
geurs seulement ont traverse la boucle du Niger de part en
part : Barth dans le nord, entre Say et Tombouctou, et le capi-
taine Binger de Touest au sud. Onsait cependant que, 1^ encore,
domine la forme de plateau. 11 y a quelques mois encore, on
croyait g^neralement k Texistence d'une grande chafne allant
d*est en ouest, du Niger k TAtlantique, et sur les cartes, les
« monts de Kong », courant paralleles k la c6te, figuraient
une grande barrifere naturelle qui aurait isole le Soudan des
pays du golfe de Guinee. Le voyage du capitaine Binger k travers
ces contr^es, rest^es jusqu'alors tierges de toute exploration,
a reduit cette conception k neant. On sait maintenant que le
pays de Kong, — comme le soup^onnait Barth, le sagace explo-
rateur du Soudan, — estnon pasun massif de montagnes, mais
un pays de terrasses en moyenne peu 6 levees (la ville de Kong
n'est qu'a environ 650 m. d'altitude). II y a ^^ et \k des mon-
tagnes: le mont de Naouri, dans le pays des Mossi, auquel
M. Binger donne 1800 metres; les monts de Bousso, au nord
du Dahomey, qui ont plus de 2 000 metres, s'il faut en croire
108 AFRIQUE.
Skertehley; iliais nulle part le pays ne pr^sente Taspect d'une
chaine. Sous la m^me latitude le caprice des pentes menetantdt
vers le Niger, tant6t vers la mer: ainsi les fleuves cdtiers, le
Gomo6 et le Volta, drainerit jusque vers le 12® degre de latitude
une grande partie de la boucle du Niger, et parfois des seuils
insignifiants separent les rivieres qui coulent dans des directions
opposees.
Aucun Europ6en n*a encore explore le « plateau des Man--
(Ungues » qui separe la boucle du Niger de Tarriere-pays de
Liberia. Les plateaux k Test de sierra Leone sont un peu mieux
connus. Des monts d'une certaine altitude, le Yucca^ le raont
Daro (1 340 m^t. environ), le mont Kourouivoro (1 180 met.) et
la chaine du Loma separent les sources du Niger de la Rokelln
et rejoignent probablement par des crates d'environ 800 metres
le massif du Fouta-Djallon.
Le Fouta-Djallon est le noeud orographique d'oii sortent deux
bras du Senegal, la Gambie, la Casaraance, le rio Grande, le
rio Nunez, le rio Pongo, et a, comme tel, une certaine impor-
tance. Son altitude a 616 toutefois exageree : au lieu de
3 000 metres que lui attribuait Lambert en 1 860, les cimes
n*en ont peut-6tre pas 2 000. Le plateau de Labe\ on naissent la
Gambie et le rio Grande, est a environ 1 150 metres; le plateau
de TimbOt d'ou sort le Bafing, a environ 750; nulle part le socle
qui porte les pics ne parait depasser 1400 metres, hauteur
alteinte par M. Bayol. L*ensemble des terres est incline vers
Touest, c*est-^-dire que le plateau se dresse en pentes raides a
Test au-dessus de la Gambie sup^rieure et de la Faleme, tandis
qu'il s*abaisse par Echelons vers la cdte.
Le Fouta-Djallon se desarticule au nord entre la Gambie, la
Falem6, le Bafing etle Niger en plateaux isoles qui seprolongent
jusqu'au Senegial : tel est le massif de Tambaoura dans le Bam-
bouk, qui se dresse comme une forteresse entre la Faleme et le
Senegal.
Les hauteurs continuent entre le Niger et le S6n6gal sans qu*il
puisse 6tre question d'une chaine. Ce sont des plateaus de gres,
dont la pente abrupte est du c6le du Niger; au-dessus d'eux
s'eleve de temps en temps un petit massif insulaire de roches
plus anciennes. Tel est le rocher de Kita, qui domine la route
du Senegal au Niger; il n'a gu6re plus de 600 metres au-dessus
de la mer. Plus au nord, les plateaux du Deledougou et du
^^
LE SOUDAN. 100
Bambara n'ont plus gu6re que 300 mMres : on voit combien
sont peu importantes les hauteurs qui forcent le Niger a se
delourner vers Timbouctou.
Glimat. — Moussons. — La partie de TAfrique comprise
entre les 5<» et 17** de latitude nord et entre TAtlantique et
TAbyssinie est, suivant Texpression d un met^orologiste, « un
pays de moussons tr^s caract6ris6es*. » Pendant Tete boreal, Ic
Sahara chauff6 par le soleil joue le r61e de foyer d'appel : c*est
probablement dans le sud du desert, vers 17«» de latitude, que
se trouve alors le centre de depression barometrique vers
lequel accourent les vents. Aussi les souffles du sud-est et du
sud-ouest apportent-ils les vapeurs de TAtlantique et de Toc^an
Indien jusqu*^ la lisi^re du desert. C*est la saison des pluies,
Mais en hiver il n'en est pas de m^rae. Le soleil se trouve alors
dans rhemisph6re austral, vers le tropique du Capricorne, et la
zone de plus grande chaleur se trouve transport6e vers le b^ de
latitude et le golfe de Guinee. En m^me temps I'air s'amasse
dans le nord du desert, relativemenl plus froid que la mer en
celte saison, et il en r6sulte des vents du nord et du nord-est
soufflant avec persistance du desert vers TAfrique ^quatoriale et
le golfe de Guinee. C'est la saison seche,
Naturellement ce renversement de la mousson est graduel.
PluSvUn endroit est proche de la lisi^re nord du Soudan, plus le
temps pendant lequel soufflent les vents du sud est court, et
moins il a de pluies. Ainsi on compte sur la c6te de Guinee pres
de 250 jours de pluie par an. Sur la B^nou^ les pluies durent
encore de fin avril k commencement octobre; elles ne sont plus
que de quatre mois k Zaria, et il n'y a plus que 90 jours de
pluie en moyenne k Gandou. De m^me, les pluies durent huit k
neuf mois sur le Nil superieur k Lado {5<» lat. nord) ; entre 6* et
9<> de latitude elles commencent en mai et finissent en octobre ;
k Khartoum (15° de lat.) la saison pluvieuse (charif) est reduite
h trois mois : juillet, aoAt et septembre.
Ainsi, dans tout le Soudan, le climat est caract6ris6 par I'alter-
nance d'une saison s6che, pendant laquelle soufflent les vents
du nord, et d'une saison humide, pendant laquelle les pluies et
les orages viennent toujours des regions du sud.
Temperature. — Le Soudan etant la partie la plus large de
4. Wocikof, Die Klimate der Erde, t. U.
itO AFIUQUE.
TAfrique, a aussi un climat continentaL^ c'est-^-dire de grands
hearts de temperature. L*6levation de la temp^ature n'a pas lieu
en 6t6 comme en Europe ; aux mois de juillet et d aout Thumi-
dite constante de Fair emp^che le thermometre de monter au-
dessus de 50 k 52 degres centigrades. (Maximum de tempe-
rature observ6 k Kouka au mois d'aout : 4- 52°, 5). Mais lors-
que arrive la saison s^che, la temperature s*accroit rapidement
sous rinfluence des vents sees venant du desert. C'est done vers
la fm de cette saison, en avril et en mai, lorsque Taliz^ du nord-
est a seche les rivieres dans le nord et reduit les plaines du
Bornou et du Haoussa h T^tat de steppes brulees, qu*on observe
les plus grandes chaleurs du Soudan : les moyennes de ces mois
montent jusqu'S -+- 55° et 54° centigrades, temperatures qui,
ramen6es au niveau de la mer, donnent 56° et plus ! Naturel-
lement, plus la saison seche est longue, plus le thermometre
montera, et ainsi s'explique ce fait en apparence anormal, qu'il
fait plus chaud dans le nord que dans le sud du Soudan. Ainsi
le thermometre marque certains jours a Kouka jusqu'a H- 45° a
I'ombre en avril I
Malgr6 ces temperatures exceptionnelles, le climat du Soudan
est plus egal que celui du desert. Les nuits y sont beaucoup
moins froides; le thermometre de Nachtigal n'est pas descendu
au-dessous de -f- 15° centigrades pendant les deux hivers qu'il
a passes k Kouka. L egalite de temperature s'accuse davantage a
mesure qu'on avance vers le sud et que I'humidite de I'air aug-
mente. A Lado, sur le Haut-Nil, k la lisiere de I'Afrique equato-
riale, I'oscillation annuelle du thermometre est en movenne de
5° seulement.
Hydrographie. — Les eaux du Soudan font partie de trois
systemes hydrographiques : les unes vont au Nil, d'autres
s'amassent dans des bassins fermes comme le lac Fittri et le
Tchad ; a Touest, elles vont au Niger.
I. Versant du Nil. — Le Nil, venant de TAfrique equaloriale,
traverse du sud au nord la zone du Soudan avant de traverser
le desert. 11 ne draine du reste qu une faible partie du Soudan
oriental, Sentiar, Kordofan el une moitie du Dar-For. Ces plateaux
etant aussi ceux qui se rapprochent le plus de la steppe, les
rivieres temporaires . dites « Khdr » (pluriel Kheran) appar-
tiennent au systeme du grand fleuve plutdt par la pente generale
du sol que par le cours de leurs eaux, car meme en temps de
r
I
LE SOUDAN. Uf
pluie, la plupart n'atteignent pas le Nil. Ainsi le Khdr-Abou-
Hable, alimente par les pluies du Djebel Nouba, coule en temps
' de crue pendant 300 kilometres vers le nord-est, mais il n'est
pas silkr que ses eaux se confondent jamais avec celles du Nil.
Un seul cours d*eau, k la limite du Soudan et de TAfrique ^qua-
toriale, semble plus considerable : c'est le Bahr-el^Arab, des*
cendu du plateau du Dar-Fertit, et qui rejoint le Bahr-el-Ghazal
en recueiUant les ouftdi du Dar-For. A Test, le Nil regoit pendant
sa travers^e du Soudan le Nil Bleu et VAtbaray mais ces fleuves
sont aliment^s par les pluies du plateau abyssin et ne naissent
pas dans le Soudan.
n. Bassirs fermes. — Malgr^ les voyages de Denham, Barth»
Overweg, Vogel, Rohlfs, Beurmann, Nachtigal, le regime du lac
Tchad est encore peu connu. On n'est encore fixe ni sur sa pro-
fondeur, ni sur le volume de ses eaux, ni sur leur exacte prove-
nance. Nachtigal a determine k peu pr^s son altitude —
270 metres seulement au-dessus de la mer — et sa superficie :
environ 27 000 kilometres carr^s, k peu pr^s la grandeur de la
Sicile, Sonl un tiers d'lles, situ^es surtout dans Fegt. Mais on ne
pent encore delimiter exactement la region dont ce vaste bassin
rcQoit les eaux.
Au nord, les steppes du Kanem ferment le bassin du lac, qui
de ce cdte n*a pas d'af fluent. Le^ahr-el-Ghazal, qui a longtemps
passe pour une riviere considerable descendant du Tibesti, sc
trouve etre au contrair e un emissaire d u lac, une longue depres-
sion ou le trop-plein du lac se deverse en temps de crue k ciel
ouvert, et en temps ordinaire par voie souterraine.
A Touest, le Tchad a un grand affluent, le Komadougnu Yoohe^
d'environ^OO kilometres de cours; mais sa valiee etant orientee
d'ouest en est, il ne re^oit que les pluies relativement courtes
du Soudan septentrional : aussi est-il k sec au commencement
de rete. vers la Benoue, le versant hydrographique du Tchad
s'etend sur environ 200 kilometres. Le principal affluent est
ici le Komadougou MbotUou; il n'a d*eau qu*apres les pluies.
A Test, le Tchad n'a pas plus d'affluent qu*au nord. Le voyage
de Nachtigal a demontre que tout pres de la rive court .une
ligne de hauteurs qui arrete les eaux du Ouadai. EUes se ras-
semblent k Test dans un bassin ferme qui, selon la saison, est
tantdt une lagune, tant6t un lac : le Fittri,
G*est done du sud que vient la majeure partie des eaux du
112 AFRIQUE.
Tchad. La se diverse par un delta un grand fleuve, le Chdriy
forme par la reunion de deux cours d'eau venant du sud, le
Ba^Bousso ou Chdri propremenl dil, et le Serhe-Ouel ou Log- '
gone. On ne sait rien de la longueur de leur cours: on ne les
a pas remontes au deli de 500 kilometres. En tout cas ce sont
des fleuves puissants, grossis par les pluies de I'Afrique equa-
toriale : ils ont tous deux des crues de 4 i 5 metres; mtoe
k la fm de la saison s^che, la branche principale du delta a pr^s
de 1 kilometre de large et le courant une vitesse de 1 metre a
1 metre et demi h la seconde. D'apr^s Nachtigal, le fleuve de
I'ouest, le Loggone, serait de beaucoup le plus important. 11
aurait en saison seche jusqu'k 7 metres de profondeur, tandis
que le Ch^ri n'en a que 2.
Le Tchad, sans d^versoir apparent, sans autre reservoir
souterrain que le Bahr-el-Ghazal, est naturellement soumis ai-
de grandes variations de niveau. La ligne indecise de ses rivages
se modifie incessamment. Le niveau de ses eaux semble s'elever
en ce moment, et le lac ronge ses rives nord et ouest. La ville
de J^jpiu^ batie primitivement loin du lac, est peu a peu
envahie par lui, et d6s i873 on prevoyait la necessity de trans-
porter ailleurs la capitale du Bornou.
III. Lb Niger. — Le Niger est la grande art^re qui recueille
les eaiix du Soudan occidental. II a une certaine ressemblance
avec le Nil. Comme lui, il coule successivement sous plusieurs
climats, et relie par son cours des pays d'aspect tres different.
Seulement, au lieu de traverser le desert de part en part, le
Niger ne fait que decrire une courbe a travers la partie m^ridio^
nale, et apr6s ^tre rentre dans le Soudan, il fmit par aboutir h
un point bien plus meridional que ses sources, dans une region
qui, par son climat et sa vegetation, fait deja partie de TAfrique
cquatoriale.
Le Niger y long de 4200 kilometres, est le troisi^me fleuve de
TAfrique par la longueur du cours, le deuxieme peut-etre par
la masse des eaux. Quant h Tetendue des pays draines par lui,
elle a ete evaluee a 2 600 000 kilometres carres, ce qui est fort
exagere. D'abord on a compris dans ce chiffre toute une partie
du Sahara, dont la pente, fort problematique du reste, menerait
les eaux au Niger, s'il y en avait; d'autre part, Texploration du
capitaine Binger a revele que les rivieres du Grand-Bassam et
les affluents de la Volta s*etendent vers le nord beaucoup plus
w r
LE SOUDAN. 115
loin qu*on ne le supposait; et le a bassin » du Niger se trouve
de ce fait encore diminu^ de plusieurs degres carres.
Du reste, il n'est pas permis de tracer une ligne de partage
rigoureuse, et de separer nettement sur la carte le « bassin » du
Niger du reste du Soudan. Une semblable demarcation ne re-
pond k rien de r6el. On ne peut repartir les pays de la bouclc
du Niger en deux regions differentes, suivant le caprice du ter-
rain qui fait couier les ruisseaux vers les affluents du Niger ou
vers les rivieres du golfe de Guinee. De m6me il serait oiseux
de tracer une ligne de faite dans le Ilaoussa entre les eaux qui
vont au Niger par la riviere de Sokoto et celles qui vont au Tchad
par le Komadougou Yoob6, alors qu'aucune hauteur appreciable
ne les separe et que Taspect des deux versants est le meme. Les
lignes de partage des eaux sont bonnes k noter surtout lors-
qu'elles coincident avec des montagnes qui sont en m^me temps
limites climateriques, car c'est le climat, et non la direction des
eauXy qui determine les limites des grandes regions naturelles.
On peut distinguer quatre parties dans le cours du Niger :
1*» son cours sup6rieur; 2<» la courbe qu'il d^crit k travers les
steppes; 3<* son cours inferieur; A^ le delta. Dans chacune de ces
parties le fleuve a une physionomie differente.
1* Cours super ieur. — Le cours sup^rieur du Niger s'etend de
sa source k Koulikoro^ en avalde Barnakou. Le Niger, connu
dans ces pays sous le nom de Diolihd, prend sa source presque
sous le parall61e de Freetown dans la chaine du Loma; c'est la,
au milieu de croupes de 1 100 a 1 400 metres, que MM. Zweifel
et Moustier ont vu en 1879, pour la premiere fois, le ruisseau
sacre qui deviendra le Niger. II coule d abord vers le nord pen-
dant 140 kilometres, puis descend rapidement le versant nord-
est du plateau en recevant chemin faisant de nombreux affluents,
entre autres le TankissOy riviere considerable venant du Fouta-
Djallon. Le DiolibA continue k descendre en longeant de tres
pres la base des coUines qui le separent du Senegal ; il regoit k
droite des affluents encore mal connus, et suit desormais cette
direction nord-est qu'il conservera jusqu'a Timbouctou. Toute
cette partie de son cours est extremement rapide. A Siguiriy
450 kilo metres de la source, il est deja descendu de 510 metres
et n*est plus qu*^ 540 m etres au-dcssus de la mer. II descend
encore 30 metres de Siguiri a Bamakou par une serie de rapides ;
eniln, entre Bamakou et Koulikoro, un dernier barrage, celuide
G'i:.rj. cL. 5*. 3
\U AFRIQUE.
Sotuba, marque la fin de son cours de montagne : c'est la que
commence la partie navigable du Niger et qu*est le port d'at-
lache de nos canonni^res sur le fleuve.
2° Cours moyen. — La grande courbe du Niger est mainte-
nant presque enti^rement exploree. De Koulikoro k Kabara, port
de Timbouctou, deux voyages en canonniere faits en 1887 et
en 1889 par nos officiers, le commandant Garon et le lieutenant
de vaisseau Jaime, ont permis de tracer au 50 000® le cours du
(leuve sur la carte. De Timbouctou a Say, le voyageur allemand
Barth a releve avec grand soin au compas les sinuosites du
fleuve, dont il suivait la rive septentrionale.
Entre Koulikoro et Timbouctou, le Niger coulant dans un pays
presque absolument plat — il n'est plus qu'k environ 250 metres
au-dessus de la mer — s'etale en larges nappes ou se ramifie
comme le Nil Equatorial en d'innombrables marigots, Ses deux
bras principaux ferment en aval de Sansandig une Mesopotamie
longue de 200 kilometres et coupee d'innombrablcs canaux; un
des marecages, le Deboe\ devient en temps de crue un veritable
lac, dont les bateaux ont k craindre les tempetes. Le Niger re-
volt dans cette partie de son cours un affluent aussi conside-
rable que lui-mtoe, le Mahel-Balevel ou^Ba^o^Jqui vient du
Ouassoulom et qui est peut-6tre aussi long que re Dioliba. Gc
Bagoe se ramifie lui-m§me en cinquante bras differents autour
de Djenne, avant de rejoindre le Niger.
Jusqu'en aval de Timbouctou le Niger continue a n*Etre qu un
labyrinthe d'iles et de marigots, bras du fleuve pendant la crue,
lacs d'eau stagnante et malsaine pendant le resle de I'annee.
Mais alors le fleuve change a la fois de physionomie et de direc-
tion. La vegetation, qui s'est faite de plus en plus pauvre, a
maintenant le raractere des steppes, et la verdure tropicale est
bornee aux bas-fonds periodiquement inondes par le fleuve. En
meme temps le Niger se heurte aux plateaux du Sahara et ces
terrasses, bien que tres peu prononcees, le font devier vers
Vl'est. A Bamba, a 260 kilometres de Timbouctou, il s'engagc
meme dans ces. plateaux, qu'il traverse par une serie de gorges
ou le fleuve ecume entre des parois a pic et des ecueils. Au pas-
sage de Tossai il n'a, suivant Barth, que 90 metres de large, mais
il est d*autant plus profond. Le pays a droile et a gauche appar-
tient a u desert . Mais le Niger, arrtto par un plateau plus com-
pact et plus eleve, le Kidal, se replie dans le district de Boiir'
LE SOUDAN. 115
roum vers le sud-est par une nouvelle serie de gorges et de
rap ides — queTJungo-Park put franchir neanmoins — et rentre
ainsi peu h peu dans le Soudan. En aval de CjOgo la vegetation
reparait sur ses rives.
Dans tout ce long parcours, le Niger, comme le Nil en aval de
Khartoum, est d6pourvu d'affluent, car on ne pent compter
comrpe tels les oueds Terarart, Tafassasset, etc., coulees k sec
qui viennent du desert. A GimilMb, dans le Soudan, il re^oit de
nouveau une riviere veriM)le, le Goulbi ou fleuve de Sokoio,
C'cst ce cours d*eau, prolonge en dfoile ligne vers le Tchad par
le Koraadougou Yoobe, dont il n'est separ6 que par un seuil
imperceptible, qui avait fait naitre dans Timagination des geo-
graphes arabes la legende d'un Niger allant d'ouest en est
rejoindre le Tchad, et de la le Nil. En tout cas c'est dans cette
depression que passe la grande route commerciale du Tchad
au Niger. Le Goulbi de Sokoto, comme le Yoob6, subit Finfluence
de la longue saison seche : son lit ne renferme plus que des
mares quand reviennent le» pluies. Le Niger regoit d*autres
cours d*eau encore du pays des Mossi et du Boussa, mais on ne
les a pas encore explores.
Quoique a une tres faible altitude, le grand fleuve n'en a pas
encore fini avec les rapides ; il est oblige de se frayer un passage
k travers les collines qui couvrent cette partie trfes accidentee
du Yaouri et du Noupe. Un de ces rapides, celui de Boussa,
' forme une chute infranchissable ; c'est la que, selon toute appa-
rence, I'intrepide Mungo-Park fit naufrage et trouva la mort,
apres avoir descendu les deux tiers du Niger I Entre Rabba et
Egga le fleuve franchit les derniers rapides, et bien qu'il coule
encoje quelque temps entre des falaises d une centaine de me-
tres, il est desormais navigable jusqu'a la mer.
3" Cours infe'rieur, — Au point ou commence la partie ma-
ritime de son cours, le Niger n'est plus qu*a ^i56 me tres d'alti-
tude, et il a encore 750 kilometres k parcourir jusqu'a la mer,
C'est alors une nappe majestueuse, profonde en toute saison
d'une vingtaine de metres, d'une trentaine apres les crues.
II reQoit k Lokodja son grand affluent, la Benoiie, qui Fegale
par la masse des eaux et le depasse par I'importance commerciale.
Sortie des monts de VAmadaniia a ii np. altitude d'environ
500 metres seulement, grossie immediatement par le Mayo Kebbi,
. deversoir des marais de Toubouriy la Benoue devient des Yola
110 AFRIQUE.
un grand fleuve et coule d'est en ouest sur plus de 1000 kilome-
tres k travers une r(^gion dej^ presque 6quatoriale par Tabon -
dance des pluies. A Yola. k 1000 kilometres du confluent, elle
n*est deja plus qu'a 200 metres d*altitude, et son courant a 800 a
1000 metres de largeur. Aussi, malgr6 les ecueils et les bancs de
sable, les vapeurs de faible tirant d'eau peuvent-ils remonter jus-
qu'a Yola m^me, pendant les hautes eaux d*aoi^t et de septembre.
La Benoue permet done de pen^trer plus loin dans I'interieur que
le Niger lui-meme. Elle acquerrait encore une tout autre impor-
tance, si comme Font suppose Barth etVogel, le marais de Tou-
qouri se diverse egalement k Test dans le Loggone, et si une
ligne ininterrompue de canaux navigables permettait un jour de
passer directement de la Benou6 au lac Tchad.
Le Niger en aval de Lokodja a quitt6 le Soudan proprement
dit, et ses rives sont desormais celles d'un fleuve de I'Afrique
equatoriale. A la vegetation soudanienne a succed^ la for^t
vierge, avec ses fourr^s impen^trables et son humidite etouffante
et malsaine.
4° Delta. — A 200 kilometres de la c6te commence le delta,
immense agglomeration de boues semi-liquides, coupees de mil-
liers de canaux, couvertes k Tinterieur par la foret vierge, et sur
le pourtour par les fourres de mangliers qu*on rencontre partout
au point de rencontre de I'eau salee et de Feau douce dans les con-
trees equatoriales. Le delta du Niger couvre environ 25 000 kilo-
metres Carres. On compte dans ce dedale une douzaine de
bouchesprincipales ; les plus importantes sont, a partir de I'ouest :
la riviere de Be7iin (ancien rlo Formoso), profond de 5 metres
a maree basse, mais d'entree difficile; le rio Forcados, plus
accessible ; la riviere iVAkassa ou de Noun, actuellement la plus
importante et suivie par des navires de 4 metres de tirant
d'eau ; la riviere BrasSy d'acces facile ^ enfin les entrees de New-
Calabar et de Bonny, Quant a I'estuaire du Vieux-Calabai\ il est
forme par un fleuve independant, le Cross-river, qui confond son
delta avec celui du Niger.
Flore. — La flore du Soudan change du nord au sud avec la
duree de la saison des pluies : elle passe graduellement de la
vegetation du desert a celle de la foret vierge. La majeure parlie
du Kordofan, duDar-For, du Ouadai, tout le Kanem, tout le Bor-
nou au nord du Komadougou, le nord du Sokoto et le coude du
^\iger jurqu'a Sinder apparliennent a 1 aire des sleppes, ver-
LE SOUDAN. 117
doyants pAturages apr^s les pluies, plaines nues et calcineos
a la fin de la saison s^che. Les arbres qui pars^ment ces steppes
sont ceux qui supportent une longue secheresse : palmiers doiim,
tamarinSy acacitis de diverses especes. Le dattier ni^me se ren-
contre en petites forMs isolees, mais ses fruits ne valent pas
ceux du desert.
L'extreme sud du Soudan pr^sente un aspect tout contraire.
Dans le sud du Baghirmi, du Bornou, le long de la basse Benoue
et du Bas-Niger, la grande foret vierge, au li^u de rester can-
tonnee dans les bas-fonds et le long des cours d'eau, couvre tout
le pays, et les cultures n*y forment pour ainsi dire que des clai-
rieres. Aux arbres de la steppe ont succed6 des esp6ces nouvelles :
le cocotievy le cotonniei* {Eriodendron)^ arbre enorme qui n'a de
commun que le nom avec Tarbuste que nous connaissons ; Tarbre
a beurrc ou karite, le hamhoUj le bananier, la canne a sva^e, la
liane a caoutchouc indiquent par leur presence une humidite
croissante; Tarbre caracteristique est le palmier a huile, qui a
besoin pour fructifier d*un air humide et chaud comme celui
d*une serre.
La transition est d*ailleurs graduelle entre ces domaines oppo-
ses. NuUe part on ne rencontre de chaine de montagnes qui
forme une brusque ligne de demarcation ; mais les plantes ne
s'en excluent pas moins les unes les autres : de meme qu'on ne
voit pas de palmiers k huile dans le nord du Soudan, on ne
trouve ni un tamarin ni un hadjilidj, a peine quelque acacias
dans le sUd.
II faut faire une place ^ part aux contrees montagneuses dune
certaine Elevation, comme le Yakoba, I'Adamaoua. Le climat du
Yakoba, eleve de 3000 pieds en moyenne, avec des montagnes
de plus de 2000 metres, a ete compare par Rohlfs k celui de nos
pays m^diterraneens, dont il parait possftder certaines especes,
citronniers, grenadierSy etc.
Fanne. — La difference entre la faune du nord et celle du
sud n'est pas moins frappante. EUe s*affirme avant tout par la
disparition de Fanimal le plus utile, le chevaL 11 n'existe pas sur
le Bas-Niger et la B6noue, et ceux qu'on y importe meurent en
peu de temps de dysenteric ou de malaria. Par centre, dej^ sous
la latitude du Haut-Niger, la contr6e de Kankan produit des che-
vaux excellents ; de m^me k Test, les plaines herbeuses du Bor-
nou etduHaoussa sont des pays d*61evage. A mesure que le carac-
1
iiS AFRIQUE.
tSre de la steppe s'accuse, la race devientdu reste meilleure : les
chevaux du Massina, au sud de Timbouctou, ceux des steppes au
sud de TAir, enfin ceux du Kanem sont estim^s k Tegal des che-
\aux de Barbaric et achetes k prix d*or par les grands du Haoussa
et du Bornou.
Le basuf zebus onhcBui ^bosse, le compagnon inseparable des
bergers feil^n k travers tout le Soudan, n'a ^galement pu ^tre
acclimate par eux sur la basse et moyenne B6noue. U ne reparait
que dans FAdamaoua, k la faveur de Taltitude.
Le chameau ne supporte le climat du Soudan que pendant la
saison s^che. Ceux qui restent pendant les pluies a Kouka ou h
Kano deviennent promptement impropres a tout travail, mai-
grissent ct meurent si on ne les ramene pas au desert.
La faune sauvage subit la m^me transformation du nord au
sud. La steppe nourrit une quantity incroyable de gazelles, girafes,
antilopeSj auiruchesj etc. Leur presence a amen^ celles des grands
carnassiers, lion,panthere, hyene. Dans les marais du Tchad, du
Baghirmi et du Bas-Niger pullulent les hippopotames et les cro^
codiles; Vele'phant vit encore en troupes dans les jungles desertes
de la rive nord-orientale du Tchad, mais il se fait tr^s rare dans
le Bornou et le Haoussa, pays fortement peupl^s.
. Populations, £tats. I. Soddan oriental. — Le Sennar, Kor-
dofan, Dar-For, Ouadai, pays de steppes ou I'eau manque k la
surface du sol pendant plus de la moitie de I'ann^e, sont habitus
par une population tr6s clairsemee. On lvalue celle de Tancien
Soudan egyptien a environ deux millions et demi d*habitants, —
k pen pr6s 5 par kilometre carr6, — celle du Kordofan k 300 000
— 1 par kilometre carre, — celle du Dar-For a 3 ou 4 millions,
— 6 A 8 par kilometre carre, — enfin celle du Ouadai k 2 mil-
lions et demi, soit 6 par kilometre carre.
Dans ces pays qui ont servi de temps immemorial de grande
route au commerce entre le Tchad et le Nil, la race est tr6s m^ee.
Entre le Nil Bleu et le Nil Blanc habite un melange de n^gres
Dinka et ChUlouk, de Fang ou Founj (race particuli^re k demi
civilisee qui a fond6 au xvi« si^cle le royaume de Sennar), de
Bedja ou Nubiens (tribus principales : Hadendoa et Bich^ri), et
enfin A'Arahes. Dans le Kordofan et le Dar-For, les elements de
la population sont : les Zoghawa, race cuivr^e qui se rapproche
des Tebou et qui a eu son heure de puissance au xii® siecle ; les
n^gres proprement dits : Foriens du Dar-For, etc. ; des tribus
LE SOUDAN, 110
arabes : Bagg^ra, Kababich; enfin quelques colonies de Felldn
immigr^es de Touest de TAfrique.
Au Ouadai' on distingue egalement, k c6te des negres indigenes
(Haba, Massalit, Kouka, etc.), des ZoghawUy des Tebou-Ddza dans
le nord, des Felldn et des Arabes (Mahamid, etc.).
Jusqu*en 1885, ]a haute Nubie, le Sennar, le Kordofan, le Dar-
For faisaient partie des possessions ^gyptiennes et ressortissaient,
sous le nom de Soudan egyptieUy du gouverneur de Karthoum.
Une r^volte formidable des tribus nomades (Baggdira, Hadendoa,
Bichdri, etc.), suscit^e par un agitateur musulman de Dongolah
qui se fit acclamer comme Mahdi (Messie), la destruction de Tar-
m^e ^gyptienne command^e par le g^n^ral anglais Hicks, suivio
de la prise de Khartoum h^roiquement d^fendue par le general
Gordon, a fait provisoirement de ces pays le siege d*un empire
musulman, qui du reste parait dej^ en voie de dissolution.
La capitale du Soudan ^gyptien 6tait Khartoum j fondle en 1830
par M^hemet Ali au confluent du Nil blanc et du Nil bleu ; ellc
comptait 70000 habitants avant le si^ge et le pillage. El Obetdf
la capitale du Kordofan, en avait 30000; El Fdcher (la Resi-
dence) et Kobe (6 000 habitants), sur la grande route des cara-
vanes 6taient les principales villes du Dar-For. Haintenant toutes
ces cites sont probablement k peu pr^s abandonnees, le Mahdi
ayant ordonne d'habiter sous la tente et proscrit les habitations
de briques ou de pierre.
Le Ouadai, habits par une population guerri^re et fanatique,
est toujours reste ind^pendant sous des rois indigenes, et sou-
vent mSme il a fait la loi a ses voisins le Bornou et le Baghirmi.
Le roi du Ouadai est du reste un fervent disciple des Senousi,
dont le grand-maitre est naturellement hostile au proph^te de
Dongola. Plusieurs fois le bruit a couru qu*il lui avait declare la
guerre, et il est possible qu*une expedition senoilisi et ouadayenne
mette fin k Tempire de Khartoum. La capitale du Ouadai est
Abechr, sur la route de caravanes de Khartoum a Kouka. L an-
cienne capitale, Ouara, ou fut assassin^ Yogel, est maintenant
abandonn^e.
IL Pays du Tchad. — Malgr^ les guerres qui les ont desol6s,
les riches pays du Tchad sont relativement bien plus peuples que
le Soudan oriental. On leur attribue au moins 6 millions d*habi-
tants pour environ 700000 kilometres carres.
Les races y sont tr^s nombreusos. Dans le nord, Teiement le
120 AFRIQUE.
plus nombreux est celui des Ddza ou Tebou du Sud et des Ka-
nemhoUj race aux menibrcs sveltes et aux traits plus beaux que
ceux des negres. A Touestdu lac, les gens du Bornou ou Kanouri,
noirs, laids et vigoureux, seraient sortis, d'aprfes Nachtigal, du
melange des Tebou avec les noirs aborigines. D'autres negres,
Marghiy Mousgou, Mandara, etc., formentla majority des popula-
tions au sud du Tchad, mais partout ils sont asservis k d*autres
races.
Dans le Kanem, ce sont des Arahes nomades et brigands, les
Aoulad Slimdn, forts d'un millier d'hommes seulement, qui vivent
sur le pays qu'ils terrorisent et qu'ils ont k moitie depeuple par
leurs razzias continuelles. Pour rester ind^pendants, ils se recla-
ment, selon les circonstances, tant6t du Ouadai et tant6t du Bor-
nou; mais il semble que le Ouadai, profitant de la faiblesse
actuelle du Bornou, prend peu k peu possession du Kanem.
Le Bornou est au pouvoir d une famille al^abe, celle du cheikh
Mohammed el Kanemi, qui a renverse Tancienne dynastie indigene
au commencement de ce siecle. Son fils Omar est devenu cel^bre
par la tolerance avec laquelle il a recu successivement les voya-
geurs Barth, Yogel, Beurmann, Rohlfs, Nachtigai ; mais son
successeur a expuls6 la mission Mac-lntosh, et le commandant
Monteil n'a pu se faire admetlre au Bornou quk force de tact
et de prudence. L'autorite du souverain est dailleurs assez
precaire. Ses vassaux, les chefs de Sinder, de Mackena, de
LoggonCy sont en r^aiite independants et le bravent sans qu'il
ose leur faire la guerre. La capitale du Bornou est Koiika. Les
villes notables sont : Ngoimou, au sud de Kouka ; Sournkolo,
Machena, GoummeU sur la grande route de caravanes de
Kouka k Kano ; Sinder, situ^e sur la lisiere du desert et port
d'arriv6e des caravanes de TAir; enfm, dans le sud: DoloOy
capitale du Mandara, £tat independant dans les montagues du
Ouandala, et Kamak-Loggone, sur le lleuve du m^me nom.
Le royaume de Baghirmi, reduit k 1 million d*habitants par
les guerres sanglantes qu'il a eu a soutenir contre le Ouadai,
paye maintenant tribut k ce dernier Etat. La plus grande partie
des contrees qui figurent sous le nom de Baghirmi sur les cartes
appartient du reste k des tribus paiennes chez lesquelles le
roi musulman de Baghirmi va faire des razzias d*esclaves. Mas-
segna, capitale du Baghirmi, est devenue celebre par le si6ge
qu'elle soutint en 1870 et 1871 contre le sultan de Ouadaif ; elle
LE SOUDAN. 121
comptait alors 20 000 habitants. Bougoman, sur le Ghari, raarquc
le point de passage des caravanes.
Les Arahes jouent un grand rdle dans le Bornou et le Baghirmi.
Bien que le climat leur soit beaucoup moins favorable que les
steppes du Dar-For et du Ouadai, de nombreuses tribus arabes,
que Nachtigal evalue k 100 000 individus, vivent au Bornou et
au Baghirmi, ou ils sont devenus pasteurs de zebus. Ges Arabes,
connus sous le nom general de Choua^ sont devenus du reste
tres fonces de teint par suite des croisements avec les popula-
tions environnantes, mais ils vivent k part et ont gard6 leur
langue : ils Torment une force importante avec laquelle les sul-
tans sont obliges do compter. Le premier ministre du cheikh
Omar, au temps de Rohlfs et de Nachtigal, ^tait un Arabe Ghoua.
in. Les Etats iiaoussa. — Entre le Bornou et le Niger, la
race negre indigene des Haoussa est tomb^e sous la domination
du peuple remarquable et myst^rieux des Felldn, Sous Ije nom
de Peulhj FoulhCj Foula, Fellaia, Felldn, les n6gres designent
« des hommes rouge-brun, aux cheveux a peine laineux, aux
traits presque europ^ens, aux formes sveltes et h I'intelligence
developp6e »*. Gette race superieure aux n6gres n*a pas encore
livr6 le secret de son berceau. On en trouve la premiere trace
dans Touest, prfes du Senegal, dans le Fouta-Toro, le Bondou,
d*ou elle semble s*^tre infiltree peu k peu dans tout le Soudan
occidental. Les Peulh ou Felld.n y menaient la vie de nomades
pasteurs, lorsqu'une serie de guerres religieuses les a pos^s en
maitres des n^gres parmi lesquels ils vivaient. A la fin du
xviu® sifecle, ils fondent les Etats du Fouta-Djallon et du Fouta
sen^galais. Vers 1804, un marabout, Othm^n Dan Fodio, pr^clie
la guerre sainte et fonde Tempire de Sokoto; peu apr^s, un
autre prophMe fonde sur le Moyen-Niger TEtat du Macina. Sous
le r^gne du fils d*OthmSn, le sultan Bello, le Bas-Niger est atteint
et le Noupe conquis. Apr^s 1850, la Benoue est franchie : les
royaimies paiens de Kororofa et de Foumbina disparaissent
devant la marche envahissante des Fell^n et un nouveau puissant
£tat musulman se constitue dans TAdamaoua .
Actuellement les pays entre le Bornou et le Niger sont repartis
en deux grands Etats peulh : l"le Sokoto et le Gandou; 2<» VAda--
maoua, qui eux-m^mes se subdivisent en un certain nombre de
i. General Faidlierbe
122 AFRIQUE.
royaumes vassaux. Le sultan de Sokoto est le chef religieux de
tous les Fell^n et porte le litre de commandeur des croyants,
tout comme le sultan du Maroc et celui de Constantinople. Les
royaumes ou provinces qui lui payent tribut sont, d'apr^s les der-
ni^rcs informations (voyage de Staudinger en 1885) : 1° le Zam-
fara (ville principale Syrmi) ; 2<» le Katsena (capitale du m^me
nom) ; 3*" le Kano, dont le chef est un des plus puissants, grSce
aux ressources qu'offre la grande ville de Kano, capitale com-
raierciale des Etats felMn ; ¥ le royaume de Zaria^ dont le souve-
rain a lui-mSme pour tributaires les sultans de Keffi et d*Anassa-
rawa sur la Benoue; 5" le Baoutchi (capitale Yakoba); 6« le
Hourly sur la rive droite de la Benou^ sup^rieure; 1^ le Kororofa,
au dela du m6me fleuve.
Le Gandou est un royaume gouverne par le frere du sultan de
Sokoto. II est, en fait, vassal de ce dernier; sa capitale, Gandou,
n*est du reste qu a trois journees de Sokoto. Les royaumes vas-
saux du Gandou, sont : 4<» le Kebbi, sur le moyen Niger (villes :
Sai, Birni-n-Kebbi) ; 2<* en aval, le Yaouri; 5<> le puissant royaume
de iVbiipe (capitale Bidda, ports sur le Niger : Rabba, Eggan, Lo-
kodja); 4** de Tautre c6t6 du Nigtr, une partie du pays des Fo-
rouba,
UAdamaoua admet la supr^matie religieuse du sultan de
Sokoto, mais ne lui reconnait pas de droits politiques. Le sultan
d'Adamaoua, qui reside k Yola, commande aux villes de Gachka,
BagniOy Ngaoundercy etc. Dans la montagne vivent des n^gres
paiens et independants.
Tous ces Etats sont du reste loiA d'etre reguliferement consti-
tues. Dans le nord du Sokoto, les Totiareg, les chefs noirs paiens
de Mar ode, de Gobei\ etc., font de perpetuelles incursions autour
des villes musulmanes et interrompent souvent les communica-
tions. Les souverains feMn n'ont plus T^nergie de leurs anc6-
tres ; leur gouvernement ne subsiste que gr^ce k la pusillani -
mite des n^gres haoussa qu'ils ont subjugu^s, et ces pays
comptent parmi les plus accessibles aux Europ^ens.
Aussi ont-ils, depuis 20 ans surtout, attire Tattention de TEu-
rope. Les Anglais^ les premiers, ont pris pied sur le Bas-Niger.
Une grande societe de commerce, la Royal Niger Company y
pourvue d'une charte royale lui permettant d'exercer des droits
souverains, a accapar^ le commerce du has fleuve. Apr6s avoir,
en 1884, achet^ k prix d'or les comptoirs de deux Soci^tes fran-
LE SOUDAN. 123
C'dises rivales, elle a proclam^, en 1887, son protectorat 8ur le
Bas-Niger jusqu*& Lokodja, et sur la Benou6 jusqu'k Ibi (h
190 milles du confluent). Enfin, par convention du 5 aoi^kt 1890,
con clue entre les.gouvernements fran^^ais et anglais, tous les
Etats haoussa ont et^ places dans la a zone d*influence )> de TAn-
gleterre, tandis que TAngleterre « reconnait la zone d'influencc
de la France au sud de ses possessions mediterran^ennes jusqu'5
une ligne de Say sur le Niger k Barrua sur le lac Tchad. » U faut
done s'attendre h voir la Compagnie du Niger, dont les opera-
tions n'ont gu^re depasse jusqu'ici Rabba sur le bas fleuve,
imposer de gre ou de force son protectorat k tous ces riches ter-
ritoires.
A leur tour, les AUemands ont jet^ les yeux sur TAdamaoua.
Apres avoir tente de disputer la Benoue k la Compagnie
anglaise (expedition de Flegel, en 1882 et 1885), ils se sont
content6s d'occuper le Kameroun, enfoncement du golfe de
Guinee, ou la maison Woermann de Hambourg avait depuis
longtemps des comptoirs. Sur leurs cartes, leur nouvelle colonic
se prolonge hypothetiquement jusqu'^ TAdamaoua ; malheureu-
seraent pour eux, Tabsence de rivieres navigables et Thostilitd
des indigenes ne leiir ont pas encore permis d*ouvrir une route
de commerce vers Tinterieur, tandis que les missions fran-
^aises Mizon et Maistre, venues Tune par la Benoue et Tautre
par rOubangui, ont mis le Congo frangais en rapports avec
l*Adamaoua.
lY. Peuples et Etats dd Hadt-Niger. — Bien qu'on ne puisse
encore proceder k aucune Evaluation mSme approximative, on
salt que le Haut et le Moyen-Niger sont tres diversement peu-
ples. D*une mani^re g^n^rale, la population augmente vers le sud
etdiminue vers le nord;c'est la consequence de rin^gale repar-
tition des pluies et de la fertility croissante du sol vers le sud.
Mais les guerres et les razzias ont modifie cette repartition dans
le detail.
La region du Haut-Niger est relativement peu peupiee pour sa
richesse : les conquerants nfegres y ont fait le vide. Vers 1856,
un marabout du Fouta sen^galais, revenu de la Mecque, El-Hadj
Omart se mit k pr^cher la guerre sainte, fanatisant ses compa-
triotes, les Toucouleurs, et massacrant tout ce qui ne se con-
vertissait pas. Le Haut-Niger, le Kaarta, le Bambara furent sue*
cessivement envahis et devastes. Repousse de Medine, en
!24 AFRIQUE.
1857, par le g^n^ral Faldherbe, le marabout se (ourna vers Ic
Moyen-Niger, conqtiit le Segou et le Macina et en fit le siege
de son empire ; mais les pays entre le Senegal et le Niger
^taient k moiti^ d^peupl^s. A son tour, un negre mandingue,
Samory, a iond6, en J 882, un empire sur le Haut-Niger, dans
le Ouassoulou, et d^peuple cette riche contree par des mas-
sacres continuels.
Les principales races qui habitent le Haut-Niger sont :
1® Au sud, les Mandhigues, grande famiile negre qui occupc
toute la region des affluents superieurs du Niger et de la
Volta, et les plateaux de Tarriere-pays de Sierra Leone et de
Liberia. Soumis k Samory ou group^s en petils Etats ind^pen-
dants, ils peuplent en majority les villes assez considerables
de cette region : Kankauy grand entrepot de commerce, d'ou
les Diotila ou marchands mandingues rayonnent jusqu*au
Sahara d*une part, jusqu'a Saint-Louis et Sierra Leone de
Tautre ; Tengrera, sur la Bagoe ou Niger oriental ; enfin cette
mysterieuse ville de Kong^ que M. Dinger a vue pour la pre-
miere fois. Kong est un pays ind^pcndaut, mais le Ouassoulou,
le Bissandougou et beaucoup d autres pays mandingues ob^is-
saient h Samory. Celui-ci nous a meme dispute la rive gau-
che du Niger. En 1885, il revendiquait Bamakou et se heur-
tait une premiere fois aux troupes fran^aises. En 1884, il
envahissait le Boure, bloquait nos forts et s'avangait jusque
vers le Senegal et Bafoulabe. En 1886» une nouvelle defaite
infligee par le colonel Frey lui inspirait des craintes meme
pour ses possessions sur la rive droite du Niger; un traite
n^goci^ avec le capita ine Fournier donnait toute la rive gau-
che du fleuve jusqu*au Tankisso k la France, et plagait sous
son protectorat Tempire de Samory lui-meme, mais Samory
continuait les hostilites. Les trois campagnes successives des
colonels Archinard (1&91), Humbert (1891-92), Combes (1893)
ont ea pour r^sultat de lui enlever ses capitales, Kanknn,
Bissandougou, Sanankoro, Kerouanc^, et de I'isoler de la colo-
nic de Sierra Leone, d*ou il tirait ses munitions de guerre.
Les Mandingues ont egalement quelques villages importants
sur la rive gauche du Niger en territoire fran^ais (Kangaba,
Sibi) ;
2^ Au nord des Mandingues, les Bambard, n^gres parents
des Mandingues, group^s en petites confederations de villages.
LE SOUDAN. 125
s^^iendentsur les deux rives du Niger, jusqu'au de\k du Segou.
Bamakou, Koulikoro, Nyamina, Daba, tous ces villages connus
par les campagnes des colonels Gallieni et Borgnis-Desbordes,
sont peupl^s de Bambara. Les Bambara sont une race intelli-
gente et vaillante; encore paiens, ils se sont d6fendus avec
fureur contre les Toucouleurs musulmans d'El-Hadj Omar ; mais
les petites confederations d^sunies sont tombees tour k tour
sous les coups des conquerants. Samandig, une de leurs capi-
tales, a ete detruite apr^s un si^ge c616bre. Leur autre grande
ville, SegOj encore plus heureusement situee sur le Niger, dans
une plaine unie, h 40 kilometres seulement du confluent de la
Bagoe, etait devenue la capitale officielle du sultan Ahmadou, le
fils d'El-Hadj Omar;
3° Les ToucouleurSf metis de FeMn et de noirs, originaires du
Fouta sen6galais ou region des steppes en aval de Bakel, 6ner-
giques, intelligents, musulmans fanatiqucs, etaient, il y a quel-
ques annees encore, la race dominante sur tout le haut Senegal
et les pays bambara du Niger. lis avaient sem6 partout des colo-
nics militaires, des forteresses, pour commander les pays enne-
mis; eux-memes restaient masses sur trois points : le plateau du
Kaarta au nord du Senegal, le Segou sur le Niger, enfin le pays
de Mourgoula enire le Senegal et le Niger, par lequel ils donnaient
la main aux FeMn du Fouta-Djallon. L*intervention de la France
amodifie tout cela. Les citadelles toucouleures en pays bambara,
Mourgoula, Niagassola, Hourdia, etc., sont tombees successive-
ment et les Toucouleurs, fuyant k la fois la domination des Chre-
tiens detestes et la vengeance des negres qu'ils exploitaient, ont
emigre au Kaarta. Actuellement, cette race, est done reduite k deux
tron^ons, dun c6te le Kaarta et le Fouta sen^galais, de Fautre le
Segou, separ^s par les tribus ennemies des Bambara. Les Toucou-
leurs sont du rcste en train de disparaitre 6galement du S^gou
et du Kaarta; ils y sont noyes dans la masse bambara qui les
absorbe peu a pen, et la prise rocente des dernieres forteresses
toucouleures par le colonel Archinard ne fera probablement
qu'acceierer cette disparition. Actuellement, Fempire d'El-Hadj
Omar n'existc plus. Son successeur, Ahmadou, a he puni de sa
mauvaise foi envers la France par la perte de ses possessions ; il
vient d'etre chasse du Kaarta et du Bakhounou, plateaux au nord
du Senegal, ou les Toucouleurs n'occupaient d'ailleurs guere
que les villes. La residence royale, Nioro, ainsi que Kouniakary,
126 AFPilQUC.
Dlala^ Dianghirti, Bakouinit, dernieres citadelles d'Amahdou,
sont tomb^es au pouvoir cte la France. Celle de Mourdiaj impor-
lante parce qu'elle commande k route de communication du
Kaarta au S^gou, a 6t6 occupee des f 89ft.
4° I.e pays en aval de S6gou pr6sente k m6rae pheno-
mene d une race etrangere venue s'imposer aux po^esseurs
du sol, negres Bambara et Sonrhai, seulement \k les wn-
queurs sont, non des Toucoulcurs, mais des Felldn purs. Au
commencement du xix« sieclc, pcu de temps apres la fonda-
tion du royaume de Sokoto, un agitateur, Mohammed Lebbo,
pr^chait la guerre sainte sur le Mdyen-Niger et fondail Tem-
pire du Macina, L'antique ville de Djenne en devenail la capi-
tate, bientot remplacee par une ville nouvelle dont le nom
rappelle le zele musulman du fondateur, Hamd-Allahi (a la
louange de Dieu). Mais cet empire qui, au temps de Clapper-
ton, vers 1850, a compris meme Timbouclou, est tombe rapi-
dement en dissolution. En 1862, El-Hadj Omar prenait Ham-
dallahi et le Macina faisait momentanement partie de I'empire
toucouleur. En 1864, El-Hadj Omar tombait a son tour avec
llamdallahi, sous les coups des Bambara revokes, et depuis le
Macina n'a plus eu d'unite politique. En 1895, le colonel
Arcliinard, apros avoir chasse du Maciua nctre vieil ennemi
Ahmadou, a installe k sa place son frere Aguibou, qui reside
k Bandiagara.
5<> Toute la partie septentrionale de la boucle du Niger est
liabitee depuis le moyen lige par un peuple qui a eu son heure
de gloire, le peuple sonrhai, Au xv« si^cle, le grand empire son-
rhai s'^tendait de Timbouctou au Haoussa, et sa capitale Gagho
ou Gogo, sur le Niger en aval de Bourroum, etait par la richesse
et la population superieure a Timbouctou. Mais, des la fm du
XVI® si^cle, cet empire, conquis momentanement par une armee
venue du Haroc, etait tombe en dissolution. Maintcnant les
negres sonrhai, dont la langue se parte encore du Djenne jus-
qu'au delft de Sal sur le Moyen-Niger, soni partout asservis k
d'autres races : au sud, ce sont les Felldn du Macina; au nord,
les Touareg du desert, qui ont franchi le fleuve et se disputcnt
leur pays. Gagho, pillee a la fin du xvi" siecle par les Marocains,
n*estplus qu'un faible village oii Barth a eu peine k reconnailrc
Tancienne capitale ; I'antique cite de Timbouctou, qui a 6ti) la
capitale litteraire du Soudan, est ballottec sans ccsse entrc les
LE SOUDAN. 127
Touareg et les Felidn, dont Tinfluence y domine tour k tour, et a
perdu son importance. D'apr6s Lenz, elle n'avait plus que
20 000 habitants en 1880. Entre Tirabouctou et Gagho, le pays,
ravage en 1844 par une invasion de FellAn, est resle presque
desert. Barth n*a rencontr^ le long du fleuve que de pauvres
villages negres (Rhergo, Bamba), toujours tremblants devant les
tribus touaregs qui errent dans les bas-fonds du fleuve, ou elles
font paitre des troupeaux de boeufs. Les seules villes sonrhai
qui existent encore sont Sinder (environ 18 000 habitants au
temps de Barth), situees en aval de Gagho, et Dore\ situee k
Test du Niger, capitale de la province de Libtako. Cette derniere
depend nominalement du sultan fellan de Gandou; maisles Toua-
reg nomades sont maitres des routes et commandent en reality;
6^ Populations h Vinterieur de la boucle du Niger. — Les
voyages du capitaine Binger et du capitaine von Francois,
en 1889, nous ont appris que les Peulh et les Mandingues se
partagent I'int^rieur de la boucle du Niger. Les Peulh sont
particuliferement nombreux dans le pays de Kong. Le capitaine
Binger nous a enfin renseignes sur ce mysterieux peuple des
Mossi, dont le nom paralt d4jk dans les chroniques portu-
gaises du xvi^ si^cle et dont il a visits la capitale, Ouaga-
dougou.
G^ographie dconomique. — Le Soudan vit encore, si Ton
pent dire, sur la reputation que lui ont faite les auteurs arabes
des siecles precedents. On se le represente volontiers comme un
pays extraordinairement fertile, renfermant des ressources in6-
puisables. C'est a travers le Sahara que les Arabes du Maghreb
atteignaient ce pays; et Tirabouctou, la premiere station qu'ils
rencontraient au sortir des sables arides et sur la limite des
pluies tropicales, a pris vite dans lours imaginations et dans
leurs recits Timportance fabuleuse d'une Terre promise, d'un
Eldorado. C'est a peine si les relations, beaucoup moins enthou-
siastes, des explorateurs contemporains, ont pu faire justice de
ces vieilles legendes accreditees depuls des siecles.
En realite le sol n*est pas tres fertile, dans Fensemble du
Soudan. 11 convicnt d'ailleurs de ne pas englober dans les m^mes
considerations tons les pays qui s*etendent de la source du
Niger aux premiers affluents du Nil. La difference est en parti-
culier tr6s sensible entre les deux grandes regions hydrogra-
phiques du Niger et du lac Tchad. Les pays draines par le grand
128 AFRIQUE.
Reuve sont, k ce qu*il semble, lesmoins favoris^s; le sol rouge,
ou Toxyde de fer afflue parfois, est souvent aride. Les c^reales
donnentde maigres produits; Televage est la grande Industrie
des habitants, qui se nourrissent du produit de leurs troupeaux,
et des fruits de leurs for^ts. Le bassin du lac Tchad rappelle
TEgypte; cest encore le domainedu palmier; les cultures sont
celles des bords du Nil ; le doukhn et le dourah sont les plantes
qui fournissent» comme en Nubie, le contingent le plus abondant
k Talimentation des indigenes. Les animaux domestiques sont
les m^mes que de Tautre c6te des monts du Darfour.
Les differences ne sont pas raoins marquees entre le nord et
le sud. Au nord, dans la boucle du Niger, dans le Kanera et
jusque dans le Bornou r^gnent encore les steppes, que la seche-
resse rend infertiles toute une partie de Fannee. Au sud, sur le
Benoue, dans le Baghirmi, c'est deja la vegetation tropicale,
avec son exuberante richesse. Le Soudan n'est done pas un pays
« un )), se distinguant dans toutes ses parties par des carac-
teres identiques. La vari^te des ressources economiques y est
tr^s grande.
La contr6e la plus favorisee est sans aucun doute celle qui se
Irouve au centre m^me du pays, entre le Niger et le Benoue. C'est
le Haoussa,pays de montagnes, qui ne connait ni les sleppes du
Niger, ni les marecages du Tchad, et ou Tetagement des zones
permet a toutes les cultures de prosperer. La population y esl
tres dense, les villes prosperes; c'est enfin la region dont les
debouches vers la mer et par consequent vers I'Europe sont les
plus faciles. Faut-il ajouter encore que le climat est^ dans les
hautes regions, analogue k celui de lltalie m(^ridionale et que
les blancs pen vent peut-elre y vivre sans danger?
Mais, dans le reste du Soudan, la chaleur, plus constante qu'au
Sahara, est toujours extreme; sur bien des points le climat, trop
humide, est malsain. L'Europ^en ne peut s'y installer A demeure
ni surtout y Iravailler. Le noir ne travaille pas, d'autre part, de
son plein gre, il est parfois fort paresseux ; et comme Fescla-
vage, qui recrutait les travailleurs, est supprim6 par les Euro-
peens, les bras manquent pour la culture de ce sol mediocre-
ment fertile. C'est une double cause d'inferiorit6 tr6s reelle, et
qui doit entrer s6rieusement en compte dans les calculs de ceux
qui comptent sur la prosp6rite et sur I'avenir economique du
Soudan.
LE SOUDAN. 129
On ne peut enfin n^gliger de signaler que c*est un des pays
du monde lesplus difficiles d*acc6s. C'est bien celui ou la haine
etle fanatisme des musulmans ont fait le plus devictimesparmi
les explorateurs. Trois ou quatre Europ^ens tout au plus ont yu
Timbouctou dans ce si^cle; Kano, Kouka, les grands centres du
Tchad, ne sont pas mieux connus. On voit par 1^ combien nos
renseignement? sur ce pays doivent encore ^tre vagues et peu
precis. Nous en savons pourtant suffisammentpour pouvoir ^nu-
merer ses principales productions et les sources de sa richesse
commerciale.
Les FORfiTS couvrent une bonne partie de la superficie du Sou-
dan, particuli^rement au sud, dans la region des pluies tropi-
cales. Les rebords du lac Tchad et du Chari sont occupes par
ces jongles mar^cageuses, qui sont un des traits caracteristi-
ques du continent noir. Les tamariniers, les baobabs, les pal-
miers k Test, les acacias k Touest, sont les arbres les plus
r^pandus. Un grand nombre d*essences fournissent aux besoins
de Taiimentation indigene. Le bananier se rencontre partout,
son fruit est le pain du n^gre. Le kola donne la noix du m^me
nom, qui est, en Afrique, Texcitant par excellence. Son utilite
contre Tinftuence enervante du climat est reconnue par les.
Europeens eux-mdmes. Ce produit, qui joue en tout pays afri-
cain un rdle considerable, est Tobjet d'un grand commerce. On
Texpedie dans le nord k travers le Sahara jusqu'au Maroc et
danfii la Tripolitaine. On en consomme encore sur place de plus
gra()des quantit^s. Le karite, ou arbre k beurre, tres coramun
dans la valine du Niger, peut faire concurrence aux arachides.
U peut servir comme elles k la fabrication des savons et des
bougies. Le beurre v^g^tal est d un usage general au Soudan,
pour la cuisine et Teclairage. Le cocotier n'apparait que dans la
regiop meridionale ; sa noix est employee a la preparation des
huiles; des acacias de diverses esp^ces donnent les gommes, et
de nombreux arbres fournissent enfm d'excellent bois de
construction et d*ebenisterie. T elles sont les principales res-
sources que la vegetation arborescente procure au Soudan.
Agriculture. — Les cereales sont cultiv6es un peu partout.
Le doukhn murit de preference dans les lerres sablonneuses
du Nord, le dourah pr6f6re le sol argileux du sud. Le fromenty
Vorge et le mats sont r^pandus d*une facon plus egale et pian-
t6s sur une grande etendue. Le riz est la nourriture princi-
6£0G. CL. 3*.
i^O AFRIQUE
pale des gens du Haoussa. De nombreux legumes^ oiguons, igua-*
ines> past^ques, f6ves, entrent egaleraent pour une part impor-
tante dans Talimentation publique.
Les fruits mediterran^ens, acclimates au Soudan, citrons,
figues, atteignent un volume considerable; mais ils attnt fades
et sans goiit.
Le colon est la culture industrielle de beaivcoup la plus
repandue. Dans le Haoussa et le B6nou6, ou les proc6d6s savants
de plantation sont le plus en progr6s, les ffljres atteignent un
^clat et une solidite remarquables. Les (^toffes port6es par les
indigenes sont en general de couleur bleue ; aussi Vindigo est-il
cultiv6 en grand. Le sesame et les arachides donnent des huiles y
on rencontre enfin de nombreux champs de tabac.
h'elevage est en honneur dans une grande parlie du Souddn.-
Les chevaux et les dnes, qui sont excellents, servent aux trans-
ports. Les boeufs appartiennent k diverses esp^ces; la plus
repandue est celle du zebu^ ou boeufs bosse. Les moutcns k poil
et les chevres font la richesse des peuples Foula. La volaille et
les pigeons sont une nourriture tres repandue. L'a])iculture
enfin est prosp6re et les ruches sont particuliferement soi-
gnees.
La peche, sur les bords du Niger et du lac Tchad, est uno
Industrie active.
Mais la chasse est pour ce pays une reSJBource bien autrement
importante. La faune sauvage est extraordinairement abondante.
EUe ne trouve un champ "moins favorable que dans le Haoussa,
un des pays les mieux cultiv^s du Soudan. Les lions, les pan-
theres, les leopards, sont traques partout pour leurs fourrures,
qui forment un objet de commerce pr6cieux. Les autruches
donnent leurs plumes, et les civettes leur muse. Mais c'est aux
elephants que les indigenes font la chasse la plus active, ipour
s*emparer de leurs defenses; grdce h cette poursuite inces-
sante, le nombre de ccs animaux diminue rapidement. L'ivoire
du Soudan est moins blanc que celui de TAfrique orientaie;
mais il est plus dur et surlout plus transparent. Le poids des
quantites vendues aux traitants dans chacune des annees der-
nieres peut Hre evalue k 100 ou 120 000 kilogrammes, autant
que la statistique peut donner de chiffres dignes de foi.
Un autre genre do chasse non moins fructueux se fait encore
dans toule I'etendue du Soudan, c'est la chasse k Thomrae.
LE SOUDAN. 131
Cette partie de TAfrique est le pays du monde qui a fourni le
plus grand nombre d*esclaves. Cost par milliers qu'en emm^ne
encore chaque ann^e les caravanes en Egypte, k Tripoli, en
Maroc; et c'est pour subvenir aux besoins de ce commerce, que
les tribus et les empires n^gres se font perp^tuellement la
guerre. Bien que le commerce des esclaves soit une des bran-
ches les plus importantes du traflc soudanien, ce n'en est pas
moins la grande plaie de ce pays si m^me on n'euvisage la ques-
tion qu*au point de vue brutal des int^r^ts ^conomiques. 11
enleve k la region ses meilleurs travailleurs et perp^tue dans
toute r^tendue du pays un etat d*ins6curit»^ et de guerre.
Industrie. — Le Soudan est riche en minerais, mais les mines
sont peu exploitees et peu connues. Le Boure, sur le cours su-
perieur du Niger, foumit de Vor en abondance ; Timbouctou 6tait
jadis un grand marche pour le commerce de ce m^tal ; les cara-
vanes n*ont pas cess6 d'en apporter sur les marches mediterra-
neens des quantit^s appreciables. Le Baghirmi rec^le de Y argent
et les montagnes du Haoussa sont particuli^rement riches en
metaux divers; mais c'est le fer qui est Tobjet de Texploitation
la plus active. On I'extrait dans le Bornou. Le m^me pays renferme
quelques mines de sd gemme^ mais en general le Soudan est
pauvre de cette denrce de premiere necessity : il faut la faire
venir par des caravanes, des salines du Sahara.
Vindtistrie proprement dite, au sens europ^en, n'existe pas,
mais la petite industrie familiale est bien organisee. C'est le
tissage et la teinture des colonnades, qui occupent le plus grand
nombre d'ouvriers. Les etoffes de Kano dans le Haoussa sont les
plus estim^es et les plus repandues. La laine est beaucoup moins
employee. Un ver du tamarinier donne une soie grossi^re. Le
travail du cuir est tres prospfere et les mille objets en cuir brode
que le pays exporte ne manqucnt pas d*un certain goAt artisti-
que. Les fondeurs, les forgerons, les armuriers, les orffevres sont
nombreux k Kouka, a Kano, k Sokoto; les bagues et les bracelets
d*or sont finement cisel^s.
Le COMMERCE du Soudan est assez actif ; k Tinterieur du pays
les ^changes ont donn^ naissance k un important traflc entre les
diflerentes regions.
Mais c'est surtout au point de vue des rapports avec I'^tranger
qu'il est interessant d'^tudier les facilit^s qu'oitre ce pays au
commerce. Les relations sont favoris6es par le nombre et Tim-
152 AFRIQUE.
portance des voies naturelles. Le Niger draine toutc la region
occidentale ; il est vrai qu*on ne peut Tutiliser sur tout son cours.
Mais on est en droit de penser que la misfe en communication des
trois bassins est realisable; actuellement des rapides et des
chutes interrompent encore la navigation vers Koulikoro et
pres de Boussa. On connait la belle reconnaissance tentee r6cem-
ment par le lieutenant de vaisseau Garon, de Bamakou h Kabra,
le port de Timbouctou; des cannoniferes frangaises sillonnent ac-
tuellement cette partie du grand fleuve ; les vapeurs anglais le
remontent d'autre part dans sa partie basse jusqu'A pres do
800 kilometres de Tembouclmre. Mais son afduent, le Benoue,
est une vole de communication bien autrement facile ; c'est en
effet le seul des cours d'eau africains qui ne soit pas interrompu
par des cataractes dans son cours moyen. II contourne au sud
les pays les plus fertiles et les plus populeux du Soudan et ouvre
une voie directe vers le bassin ferme du lac Tchad.
II semblerait done que tous les produits du Soudan dussent
suivre cette double voie. Or, en reahtc, le commerce suit jusqu'a
present une tout autre direction : les communications sont fa-
ciles entre les affluents du Chari et du Bahr el Arab ; c'est la voie
que suivent encore en partie les caravanes pour gagner Khartoum,
Le Cairo, Alexandrie. Mais la route du Nil n'est pas encore celle
par ou s'ecoulent la plusgrande quantitedes marchandises ; chose
6trange, c'est du c6t6 ou ce pays semble le plus compl6tement
ferme aux relations du dehors, c'est a travers le Sahara que les
^changes sont les plus nombreux. Ce ph^nomene s'explique au
reste, si Ton songe que les Elals barbarviques ont ete de tout
temps le meilleur client du Soudan. Quand les Europeens se sont
substitues comme acheteurs aux habiiants du Maghreb, les ca-
ravanes n'ont pas change de route, elles ont seulement porte
leurs produits jusqu'aux ports de Mogador, Tanger, Tripoli, d'ou
on les expediait sur Gibraltar et sur Malte.
Mais la difficulte, la longueur et le coiit des transports k dos
de chameaux restreint forcement le commerce, efTectu^ de cette
sorte, aux marchandises de prix. II est naturel que les blancs
cherchent a ouvrir aux produits du Soudan d'autres debouches.
La voie du Niger ne peut manquer alors de regagner ses droits.
Les denrees de la region oriental e du bassin du Tchad continue-
ronl peut-^tre — quand les routes du Soudan egyptien seront
redevenues libres — k gagner Khartoum et TEgypte, ou bien
LE SOUDAN. 133
encore' Tripoli ; raais les pays du Baghirmi, du Bornou, dii Son
rhai et surtout du Haoussa, trouveront avantage k faire descendre
par le Chari et par la Benoiie dune part, par le Niger d'aulre
part, leurs produits jusqu'a la mer. Le voyageur allemand
Gerhard Rohlfs, un des hommes qui connaissent le mieux le
Soudan, prevoit que Tutilisation de ces magnifiques voies navi-
gables et T^tablissement des routes et des chemins de fer d6ve-
lopperont dans des proportions considerables la prosp^rite de ce
pays.
Mais on ne peut esp6rer faire suivre la m^me voie aux mar-
chandises du Soudan occidental, et, k vrai dire, les Frangais ne
le doivent pas souhaiter. Toute la contr^e en amont de Timbouc-
tou ne peut entrelenir des relations actives avec le bas Niger.
Les marchands trouveront bien plut6t interet a remonter le cours
du fleuve et k gagner la c6te par le Senegal. Les deux cours
d'eau ne sont s^pares Tun de I'autre que par un seuil etroit,
d'altitude mediocre; la construction dune voie ferr^e facilitera
ces relations. Les Rivieres du Sud, frangaises et anglaises, pour-
ront, k leur tour, attirer le commerce de la region des sources.
Les principaux marches du Soudan sont situ^s dans le Bornou
et dans le Haoussa. Kouka et Kano paraissent etre de notre temps
les plus prosp6res. Timhouclou est bien dechu ; on estime tou-
tefois k 25000 tonnes encore le raouvement commercial de
Kabrttf son port sur le Niger.
II est impossible d'evaluer en ehiffres le commerce du Soudan ;
il n'est gu6re plus aise d'indiquer exactement la destination et
la provenance des marchandises. On doit se contenter d'enume-
rer rapidement les plus importantes d*entre elles.
Les exportations comprennent les esclaves en premiere ligne.
L*ivoire et Tor sont vendus en quantity de plus en plus faibles.
Les caravanes transportent encore des plumes d*autruche, de
la gomme, de la cire, des peaux d*animaux sauvages, des noix de
kola. De grosses cargaisons de noix de kola sont exportees aussi
en Amerique, k destination des n^gres. Les cereales, les peaux,
le betail, Tindigo et beaucoup d*autres produits pourront four-
nir dans Tavenir un aliment considerable au commerce.
Les importations consistent en draps et cotonnades, tapis de
damas, caftans de Stamboul, sel, sucre et farines; fusih et mu-
nitions, menus objetsde tout genre, provenant en majeure parJie
d'ltalie et d*Angleterre : aiguilles, couteaux, rasoirs, miroirs^
i5i AFRIQUE.
vcrroterie, papiers, etc. On ne peut negliger de citer aussi les
a cauris », petits coquillages iinportes des iles de I'ocean Indicu
et qui servent dans une grande partie de I'Afrique de monnaie
divisionnaire.
Deux puissances europeennes s.c disputent le Soudan, la France
et I'Angleterre. On peut ajoutcr que les Allemands convoilent
aussi d'attirer vers leur colonic de Cameroun une partie du com-
merce soudanien.
Les Anglais ont su se faire la part du lion. Nous avons ddtj^
vu leurs tentatives — a vrai dire assez malheureuses — pour
s'implanter au Soudan egyptien. lis restent en tout cas les
maitres de I'Egypte. Mais leur situation sur le Niger et sur le
Benoue est bien autrement solide. La « Royal Niger Company » ,
reconnue officiellement et soutenue par le gouvernement britan-
nique, rogne en maitresse sur les deux fleuves. Elle exerce les
droits souverains. Elle a, bien entendu, le monopole du com-
merce et bloque veritablement le Niger. L'Angleterre esp^re par
ce moyen — et non sans quelque apparence de raison — exercer
dans tout le Soudan central une influence prepond^rante.
La conference de Berlin lui a d*ailleurs reconnu formellement
la suzerainete du Niger inferieur, en mfirae temps qu'elle consa-
crait les droits et les pretentions de la France sur le cours supe-
rieur du mtoe fleuve.
II faut bien reconnaitre toutefois que notre position n'est pas
aussi privilegiee. Dans le pays soumis^ notre influence, le sol esi
moins fertile, la population moins dense, les communications
moins aisees. On ne peut douter que I'^tablissement de routes
unissant le Niger au Senegal n'y ddveloppe le commerce et n*y
r6tablisse la prosperity. Notre drapeau flotte sur le Niger, nos ca-
nonnieres le parcourent et font connaitre sur les rives le nom et
la puissance de la France. Peu a peu les peuplades de Tinterieur
s*habitueront h nouer des relations avec nos postes. Le principal
est h rheure actuelle d*assurer la facilite des communications
avec la cdte.
Notons, en terminant, qu*en principe la navigation du Niger
est libre, aussi bien que le commerce fait sur ses rives; la
conference de Berlin a maintenu formellement les droits et
Tegalite parfaite de toutes les puissances.
Le Soudan egyptien, — Cette region, qui comprend le Sennar,
le Darfour> le Kordofan, le Dar-Ferlit, ne merite plus son ancien
LE SOUDAN. 135
noni> depuis que les troupes du khedive et des Anglais en ont
et^ chasseespar les bandesdu mahdi.
La perte de ce pays est un desastre pour TEgypte, non point
tant encore a cause de sa fertility qui n'est pas tr6s grande,
qu*en raison des communications qu'il ouvrait avec le centre de
TAfrique.
Les xNubiens sont d'excellents agricuUeurs. lis s^ment deux
especesparticulieres decereales qui supportent particulierement
la f^cheresse, le dcmkhn et le dourah. Le tabac et le coton sont
les.principales cultures industdelles avec le se'sam^ et les ara-
tiide$ 4*ou on extrait desbmies.
L'ariire k gomme abonde lians le Kordofan, le long des rivieres
tcmporaires; le cassa senna, plus repandu encore, donne le sene.
Les bois de toute sorte sont abondants.
Le Darfour et le Kordofan sont des pays de steppes et de
ptorages favorables k Yelevage, qui pourrait y prendre un
grand developpement : les bceufs a bosse, les moutons» les
ch^wessoBt nombreux. C*est la chasse qui fournit au commerce
le pllt» de ressources; les plumes d'autruche sont un des objets
les pliis precieux que transportent les cara vanes. Le Kordofan
seul en vendait avant la guerre pour 2 150000 francs, mais le
nombre des oiseaux sauvages diminue.
La Nubie et le Soudan egyptien sont riches en produits mine-
raux. Les mines d*or des monts de TEtbai, en Nubie, ont el6
prosperes; elles sont aujourd'hui trop pauvres pour fournir a une
' exploitation remuneratrice. Le cuivre est tres abondant parlout,
mais il n*est pas exploite.
On pent neanmoins, des a present, conclure que toule la re-
gion du Soudan egyptien devra son importance, dans Tavenir,
moins peut-etre aux produits do son agriculture qu'aux richesses
de son sous-sol. Le climat est peu favorable k la culture; la po-
pulation est tres clairsemee, I'industrie est k peu pres nulle :
c*est en somme un pays pauvre.
Mais par centre, au point de vue commercial, c'est la voie na-
turelle de penetration a Tinlerieur de TAfrique, dans la region
des grands lacs, sur le Congo, dans le Soudan et m^me en Abys-
sinie. G'est une sorte de bassin dans lequel viennent affluer tons
les produits de ces regions voisines, pour s'engager ensuite par
la voie du Nil, vers TEgypte et vers I'Europe. De 1^ venait I'im-
portance de Kob6 dans le Darfour, d'El-Obeid dans le Kordofan,
136 AFRIQUE,
de Khartoum en Nubie. C'etaient autant de grands marches oi!i
se reunissaient chaque jour vendeurs et acheteurs, au nombre
de plusieurs milliers, pour y ^changer les marchandises de
TAfrique contre les colonnades et les verroteries venues d'Eu-
rope. Ces considerations expliquent pourquoi les Anglais se sont
montres si empresses de « proteger » FEgypte de ce cdt6 et d y
envoyer leurs troupes; elles jettent aussi un certain jour sur les
entreprises resides quelque peu raysterieuses d'Emin-Pacha et de
Stanley.
Mais on sait qu a Theure actuelle ce pays est absolument fenme
au commerce.
Les principaux objets des echanges 6taient, avant la guerre,
les esclaves, I'ivoire, les plumes d'autruche, les gommes, les
peaux, les bois.
deuxi£mb section
SOUDAN MARITIME : S^N^GAMBIE ET GUIN£e ,
«
Position et limites. — La Sen^gambie el la Guin^e ne sont
dans la nature que la partie maritime du Soudan. Separee nette-
raent de la region saharienne par le cours du Senegal^ au nord
duquel on ne trouve plu^ que des steppes, la Senegambie n'a,
au sud et k Test, d'autres limites que celles que la convention
a bien voylu }ui donner. Entre le Senegal et le Niger, il n'y a
aucune chaine de montagnes, aucune difference dans le climat
ou Taspect du pays ; de meme les plateaux qui separent au sud
le Haut-Niger de TAtlantique ne diff^irent en rien de ceux du
Senegal, si ce n'est qu'il y pleut un peu plus longtemps. G'est
done par une classification absolument Active qu'on comprend
sous le nom de Senegambie les divers pays compris entre le
Senegal au nord, la Rokelle au sud, la mer et le seuil indecis
qui separe les sources de ces cours d*eau du Niger, et qu'on
design e du nom de Guine'e la cdte du golfe de ce nom, qu*au-
cune frontiere naturelle ne separe de rint^rieur.
Climat* -^ La zone maritime du Soudan est soumise comme
le Soudan ^ui-meme au regime des moussons^ e'est-^-dire
qu'elle a deux saisons bien tranch^es, la saison s^che et la
saison humidet amenees par TaUernance des vents du nord-est
LE SOUDAN. 157
en hiver, du sud et du sud-ouest en ^te. Rien n'est plus r^gulier
que ce renversement de vents qui se fait peu k peu, et on a pu
noter sur la c6te les differentes etapes que parcourt h Taller et
au retour la mousson pluvieuse. EUe se montre d'abord sur la
c6te d'lvoire au commencement de mars. Aux premiers jours
d'avril, elle souffle h Sierra Leone, k la fin du mois elle est au
rio Nufiez, au milieu de mai k Bissao, a la fin de mai sur la Casa-
mance. Vers le 20 juin, elle atteint la Gambie ; elle est k Goree
dans les premiers jours de juillet, un peu plus tard encore a
. Saint-Louis. Puis, quand le soleil revenant vers Themisph^re
austral ram^ne au sud le foyer d*appel des vents, les souffles du
sud-ouest perdent peu a peu de leur force et de leur regularity,
puis cessent tout a fait. Apres une p^riode de vents variables,
les vents du nord venus du desert s'^tablissenl, gagnent peu k
peu vers le sud, et ainsi les pluies r^trogradent, lentement
comme elles ^taient venues, vers le golfe de Guin^e, II en r6sulte
que les divers points de la c6te ont des pluies d'autant plus
longues et plus abondantes qu'ils sont situ^s plus loin vers le
sud. En effet, Sierra Leone compte par an environ 140 jours de
pluie, tandis qu'il n*y en a plus que 110 ^ Bissao (11^,8' de lati^
tude), 84 k Sedhtou (12^,6' de latitude), 48 sur la Gambie et
environ 55 seulement au Senegal, En m^me temps, la quantity
de pluie tombee diminue vers le nord : il pleut des jours entiers
sur le rio Nuiiez, tandis quk Saint*Louis les averses ne diirent
que deux k trois heures. La quantite annuelle de pluie sur la
c6te est la suivante :
Lagos [cdte basse) : environ 1 m. 70
Sierra Leone (cdte montagneuse] : environ 3 m.
Goree n). 53
Saint-Louis ni. 40
Les observations manquent dans Tinterieur, mais il est tres
probable qu'on y observera la mdme diminution du sud au
nord. De plus, il est certain qu*il pleut plus dans les r^giond
montagneuses. A Kitaf qui est situ6 a 600 metres seulement, k
peu pr6s sous la latitude de Sainte-Marie-de-Bathurst, la quan-
tite annuelle est dej^ d'environ 1 m. 30.
La temperature de la S6n^gambie et de la Guin^e varie non
avec la latitude, mais avec le changement de saison. Les pluies
abaissent dune fa<?on g^nerale la moyenne des mois humides, et
le thermom^tre se tient presque partout a la temperature uni-
138 AFRIQUE.
forme de 27&28 degr^s centigrades ; il ne s*en ecartc que tr6s pcu
dans cette atmosphere satur^e de vapeur d*eau. C*est une cha-
leur moderec^ mais continuelie etd*autantplusaccablante. II en
est tout autrement pendant I'autre saison. Le vent du nord-est
qui souffle alors a passe par le desert et favorise par sa seche-
resse les ecarts de temperature. En hiver, ou le desert se r^froidit
la nuit par rayonnement, ce vent arrive froid en S^negambie :
il a fait descendre le thermotn^tre jusqu'a moins de 8 degres, a
Saint-Louis. Mais, au printemps, quand le desert s'echaufTet le
vent devient rapidement briilant, et c'est lui encore qui, apres
avoir apporte au S^n^gal les temperatures les plus basses, y
apporte les plus fortes chaleurs : 44*^,8 k Saint-Louis.
lilnfin, il faut noter une difference sensible entre la cdte et
rinterieur. A Saint-Louis, k Goree, k Sierra Leone, des brisesde
mer locales rafraichissent la saison s^che, et le courant froid
qui longe du nord ati sud la cdte ouest d*Afrique, contribue
encore k abaisser la temperature. Mais dans Finterieur, ou les
brises de mer n'arrivent pas, les trois derniers mois de la saison
s^che sont brCklants. Tandis qu a Saint-Louis la limite de 40 degres
a I'ombre n*est depass^e qu'environ deux fois par an, le fait se
produit une quarantaine de fois a BakeU et Ton arrive ainsi k
des moyennes de 34 et 56 degres k Tombre pour les mois d'avril
et de mai, pendant qu'^ Saint-Louis le mois le plus chaud n'a
qu*une moyenne de 28 degres.
Comme dans le Soudan proprement dit, c'est au nord qu*il
fait le plus chaud, et les temperatures de la saison seche s'atte-
nuent k mcsure qu'on avance vers le sud. Aussi ne remarque-
t-on plus, au sud de Goree, de difference de temperature entre
la cdte et Tinterieur.
Hydrographie. — Les fleuves cdtiers qui arrosent la zone
maritime du Soudan ont un trait commun ; ce sont des fleuves
de terrasses, divises en plusieurs biefs par des chutes et des
fipides.
Les cours d'eau du Yorouba et du Dahomey, YOgoun qui
debouche k Logos, le Oueme qui aboutit k la lagune de Porto-
yovo ou lac Denham, n*ont guere que 300 kilometres de long
par suite de la proximite des terrasses de rinterieur. Aussi ne
sont-ils navigables que pendant la saison des pluies, et ne peu-
vent-ils mainienir leurs embouchures libres comme le puissant
Niger.
LB SOUDAN. 13d
* La Voitn est sxu conlraire un flcuve considerable, dontle cours
s'est singuli^reraent prolonge surles cartes depuis le voyage du
capitaine Dinger, et dont les crues formidables font monter le
niveau de 15 et 20,mfetres enlre juillet et octobre. Malheureuse-
raent le fleuve, qui laisse entrer des navires de 5 metres, est
dejacoup6 par des rapides a 92 kilometres de son embouchure.
' Le Comoe on Komoi, qui d^bouche au Grand-Bassam, figure
sur les cartes jusqu*^ la latitude de Kong, depuis que MM. Bin-
ger et Treich-Lapl^ne Tont descendu en 1889. C'est egalcment
unc riviere abondantc qui prend sa source k quinze journees
de marche seulement de Bamakou sur le Niger; raaiseile cesse
d'etre navigable k 40 kilometres de la cdte. Le cours du fleuve
LoAou est encore inconnu. '
Les rivieres qui descendent du Liberia et du Sierra Leone, le
Saint-Paulf la Rokelle; les Scarcies, ainsi que les Rivieres du Sud
venues du Fouta-Djallon, n'ont que peu de longueur par suite du
pcu de developpement de leurs versants; mais elles sent ali-
mcntees par les pluies abondantes de la montagne et roulent un
flot considerable que la maree grossit encore. Ainsi le rio Nunez
a 5 ^ 6 metres de profondeur a maree basse k 60 kilometres do
la c6te et la maree y monte de 6 metres dans Testuaire : il est
done accessible aux grands navires. Le rio Grande, long d*en*
viron 750 kilometres et sorti du ccEur du Fouta-Djallon, forme
avec le rio Geba un estuaire de plusieurs kilometres de large,
qui s'enfonce de plus de 100 kilometres dans les terres. La
Casamancef qui n*a que 300 kilometres en tout, est navi-
gable sur 175 kilometres jusqu'li Sedhiou pour les bateaux de
2 metres. Enfin la Gambie est le modele du genre :, nee a
H50 metres dans le voisinage des monts les plus eleves du
Fouta-Djallon, elle regoit dans son lit et celui de son affluent le
Greg-River une quantite d'eau qui en fait le fleuve le plus
abondant de toute la Senegambie; les navires la remontent en
tout temps jusqu*i Mac-Carthy k 280 kilometres de la cdte, et
la navigation des barques n'est arretee definitivement que par le
seuil de Barrakounda, k 450 kilometres de la mer, sans compter
qu'au del^ de ce seuil existe un bief superieur navigable sur
170 kilometres encore. N*etait son climat si meurtrier, la Gam-
bie oflrirait plus d*avantages que le Senegal pour penetrer dans
rinterieur: son estuaire a 20 metres de profondeur.
Entre la Gambie et'le Senegal le voisinage du desert se fait
140 afriqie;
sentir. Aucune riviere ne vient des steppes au nord de celle de
Saloum.
Le Senegal lui-m^me, qui apporte k la <;dte les eaux d'un cli-
mat plus humide, ne regoit d'affluents ni de droite ni de gauche
dans tout son cours inferieur, et on pent le comparer au Nil in-
erieur dont il a aussi les biefs coupes de cascades, avec cettc
restriction que le Senegal traverse non le desert, mais la
steppe qui precede le desert. Le Senegal est forme par la reu-
nion de deux rivieres, le Bakhoy et le Bafing. Le Bakhoy sort des
collines que longe le Niger, non loin du Tankisso, et suit la
direction du nord jusqu'^ ce qu*il se heurte au plateau de Kaarta.
L^ il rc^it de Test une riviere nee k quelques kilometres seu-
lement du Niger, et qui continue exactement le Cours du bas
Senegal : le Baoule. he Bakhoy et le Baoule, nds dans unreUel'
de peu d'importance, roulent un flot mediocre : le grand cou-
rant du Senegal est le Bafing, la « riviere Noire » et vient du
Fouta-Djallon pr6s de Timbo. C*est encore du Fouta-Djallon que
Tient le plus grand affluent du fleuve, la Falemey riviere large de
300 metres au confluent avec des cnies de 8 metres et plus. Au
deli, le Senegal ne re^oit que quelques oueds vite dessech^s.
Vers la c6te, il se ramifie dans la plaine en un dedale de mari"
gois ou canaux qui aboutissent de nouveau au fleuve principal.
Tel est au nord de Dagana le Cacar, lac ou se deverse le trop
plein des crues; le lac de Guier est un cul-de-sac qui se pro-
longe tr^s loin dans le pays des Djoloff.
Le Senegal est le type des fleuves de plateau, separes en plu-
sieurs biefs par une s6rie de barrages. D6ji le Bakhoy et le Bafing
surtout, qui descend d'une hauteur de plus de 600 metres dans
son cours jusqu'i Bafoulabe, sont interrompus par des chutes
nombreuses. De Bafoulabe aux Kayes, le Senegal descend encore
de 143 metres k 67 par une serie de cataractes : celles de Gouina
et du Felou ont environ 16 metres de hauteur. H6me en aval,
bien que le fleuve n'ait plus que 67 metres k descendre en
1 000 kilometres de cours, de nombreux seuils de roches vien-
nent affleurer la surface de Teau pendant la saison s^che. Les
inconv^nients de ces barrages sont evidents : le Senegal n'est
navigable en toute saison pour les petits vapeurs que jusqu'Si
Mafou, k 350 kilometres de la c6te, et m^me pendant les hautes
eaux, lorsque le fleuve monte de 12 et 15 metres k Bakel, on est
arr^te k Medine par les chutes de Felou. Mais ce regime a aussi
LE SOUDAN. 141
ses avantag6s. Les barrages du haut ileuve reticuncnt les eaux
de crue ; sans eux, le haut Senegal ne recevant pas de pluies
pendant les trois quarts de I'ann^e serait peut-^tre k sec pen-
dant la saison sfeche. De cette fa<?on, le Bakhoy et le Bafing con-
servent des reservoirs d'eau tranquiUe et profonde, souvent
navigables sur une grande distance ; Thumidite de Teau fait
naitre sur leyrs bords une vegetation d'arbres toufTus, qui, u
leur tour, les prot^gent contre I'evaporation.
Cdtes. — La c6te g^n^gambienne se divise en plusieurs par-
ties distinctes :
i^'Du Senegal au cap Vert, des alluvions sablonneuses, charri^es
par le Senegal, font une ceinture d une vingtaine de kilometres
de large aux plateaux de Tinterieur; aussi la cdte s*etend-elle
suivant une courbe tr^s douce, et sans aucun port, jusqu'ft la
pointe rocheuse du cap Vert, Ces alluvions mouvantes, d^po-
sees sur une c6te basse et dans une mer ou la maree n'est
gu^re que de 2 metres, ont donne lieu aux m^mes phenomenes
que sur nos cdtes basses de la Mediterran^e. Elles ont forme au
point de rencontre de la mer et du Senegal un cordon liUoral^
dit langue de Barbaric, long d une trentaine de kilometres,
large de 400 metres seulement en moyenne, oil les sables se
sont accumuies en petites dunes. Le Senegal debouche ainsi
non dans la mer, mais dans une longue lagune doni le grau
ou chenal de sortie varie constamment suivant les caprices de
la mer ou la force du courant fluvial. Aussi le Senegal est-il
un des fleuves d'Afrique dont I'entree est le plus difficile ; le
chenal a rarement plus de 4 metres k maree basse, et il est deja
arrive que la barre soil rest6e impraticable aux gros na vires
pendant deux mois. Le vrai port de cette cdte s'ouvre k Tabri
du massif basaltique du cap Vert : c'est Dakar^ port profond
ct sur ou les transatlantiques viennent a quai. G*est 1^ qu'est
le veritable debouche du Senegal, et que sera peut-etre la capi-
tale plus tard.
2° La cdte decrit une seconde grande courbe du cap Vert au
cap Roxo; mais 1^ les alluvions sont decoupees par la Gambie
et la Gasamance, qui se sont ouvert de profonds estuaires. La
barre de la Gambie, nettoyee par la forte masse d'eau qu'elle
roule en tout temps, a 9 metres d*eau k maree basse. En de^a, k
Tentree de Testuaire, les navires trouvent devant Sainte^Marie-
de-Bathurst des fonds de 20 k 25 metres d'eau. La Gasamance
U2 AFRIQCE.
par coiilrc n a que 2 metres d*eau sur $a barre h basse mcr.
Z^ Au sud du cap Roxo, la cdte est tout le coatraire de ce
qu'elle est au nord du cap Vert, decoupee, d^chiquetee en
ecueils, bancs de sable, iles, estuaires; les lies Bissagos^ de Los,
Sherbro ne sont que les debris de la cdte primitive dont la ligne
de hauts fonds se prolonge avec r6gularit6 au large. On attribue
aux rivieres descendant du Fouta-Djallon et aussi k d'anciens
glaciers ces gigantesques erosions. Devant I'embouchure du rio
Geba et du rio Grande la c^ est rendue dangereuse par lo
labyrinthe des iles Bissagos, entources d'innombrables r^cif&.
De ce nombre sont les iles Alcatras, rochers compl^tement st6-
riles, mais importants par T^paisse couche de guano dont ils
sont reconverts. lis sont devenus c61ebres par le martyre de
quelques nfegres du rio Nunez, envoy^s par le gouverneur du
Senegal pour y tenir garnison au nora de la France, et que
rincurie administrative laissa mourir de soif et de faim/Au sud
de la Guinee portugaise, la cdte toujours basse est decoupee par
les estuaires du rio Nunez, du rio Pongo, de la Mellacoree;
mais les dentelures sont moins profondes.
4° La c6te de Sierra Leone et de Liberia est un pen differente :
les derni^res terrasses du Fouta-Djallon, encore hautes d'environ
300 metres, s'avancent ]usqu*a la mer et font saillie de temps en
temps sur la c6te basse : la p^ninsule rocbeuse de Sierra Leone
se dresse k 700 metres au sud de I'estuaire de la Rokelle; elle
abrite un port sur : Freetown. De m^me, les ports de Robei'tsport,
de Monrovia s'ouvrent h la base des deux seules saillies de la
monotone et presque rectiligne c6te du Poivre : le cap Mount,
haut de 325 metres, et le mont Mesurado,
5° La partie nord du golfe de Guinee, qui commence au cap
Palmas, est d'une etonnante regularite : les cdtes dites de
VIvoire, de VOr, des Esclaves, se suivent presque en droite ligne
et le seul saillant important est le delta du Niger qui, en s*avan-
^ant dans la mer, a divise le fond du golfe en deux baies : celles
de Benin et de Biafra.
La cdte des Esclaves est rocbeuse a Touest et se presente
d'abord sous forme de falaises de gres de 100 ^ 200 metres
de hauteur. II en est de m^me d'une partie de la Cdte de TOr,
oil les collines granitiques du pays des Achanti ferment le seul
promontoire urt pen en saillie jusqu'au Niger : le cap des TroiS'
Pointes. C'est dans cette partie que se groupent surtout lea
LE SOUDAM. 143
escales europ^ennes : Etminay Cape-Coast'Castley Akkra, etc.
Mais dans son ensemble, la cdte de Guinee est basse et bordoe
de lagunes. Du fleuve Lahou k ApoUonie sur la cdte des Esclaves,
et de la Volta au Niger, la c6te est double presque partout : du
cdte de la mer ce sont de longues fleches de sable sans cesse
bord^es d'une blanche ligne d'ecume; du c6te de la terre on
trouve les eaux tranquilles de lagunes ou les fleuves deposent
leurs alluvions en se raihifiant k Tinfini. La lagune d*Ebrie
s*6tend ainsi en ligne ininterrompue entre le Lahou et Ic Comoe;
elle communique avec la mer par le grau du Grand-Bassam,
qui, deblay^ par le courant du Comoe, est devenu un des rares
ports de cette cdte accessiblcs aux navires de 3 metres. Plus
loin, la lagune d'Assini n'a pas 2 m^^tres d'eau dans son chenal.
Celle de Quetta, k Test de la Volfa, a au moins 400 kilometres
carres; elle reste encore en arri6re de celles qui se prolongent
k partir du Togo. Le nom de cdte des Esctaves rappelle encore
les facilit^s qu*eurent les n^griers d'exercer leur trafic dans
les mille canaux de ces lagunes, k Tabri des vaisseaux de guerre
qui ne pouvaient franchir la barre. Le lac Denham ou lagune
de PoriO'NovOj la lagune dlkoradou ou de Lagos se prolongent
en ligne presque continue jusqu'au delta du Niger. Le peu de
stabilite et de profondeur des graus donne une grande impor-
tance a ceux d'entre eux qui restent toujours accessibles aux
navires. C'est ce qui a fait la fortune de Lagosy le grand port
de la Guinee. Notre lao^une de Porto-Novo est une voie impor-
tante parce que le fleuve qui s'y jetle, TOueme, peut 6tre re-
monte jusqu*i la hauteur d'Abomey pendant les hautes eaux;
mais elle n*a pour entree directe que le chenal instable de Ko-
tonou et souvent les bateaux sont obliges de faire un detour par
Lagos pour y penetrer.
6® La cdte change encore d'aspect a partir du fond du golfe
de Benin. Au sable succede la vase : c*est le delta du Niger. Sur
plus de 350 kilometres, la cdte ne consiste qu'en plages boueuses
et noy6es, ou la ligne sombre des paletuviers marque seule Ten-
droit ou fmit la terre et ou commence Toc^an.
' Le ph6nom6ne caract6ristique de la cdte de Guinee est la barre^
ligne ininterrompue de vagues qui se brisent avec force sur les
bas-fonds en avant de la cdte et qui rendent les d6barquements
da ge eux.
Flore. — La flore des cdtes passe comme celle du Soudan
144 AFRIQUE«
proprement dit, de la tor&i tropicale au sud a la vegetation des
steppes au nord. On retrouve sur la c6te de Guin^e, de Liberia,
de Sierra Leone, des Riviferes du Sud, les arbres de la for^t
vierge du Bas-Niger : palmier a huile, cocotievy bananier^ arbre
a heurrcy kola, etc. Dans le Fouta-Djallon et sur le haut Sen6gal
on ne remarque deja plus le palmier k huile et le cocotier; les
arbres caracteristiques sont Yarbre a beurre et le kola.
Enfin au nord, vers Bakel et le Fouta, les arbres tropicaux ne
se rencontrent plus que le long des cours d eau, oil ils peuvent
braver de longues s6cheresses et forraent encore des fourr6s
impen^trables. Partout ailleurs, les graminees alternent avec les
acacias ou arbres a gomme : c*est d^ik la ceinture de steppes du
Sahara. Le voisinage du desert se r^vele aussi par I'apparition
du dattier : il atteint le Senegal dans la region particulierement
chaude comprise entre Medine et Bakel.
Le long de la mer, Thumidite de I'air permet aux plantes tro-
picales d'avancer plus loin vers le nord. Ainsi le cocotier croit
maintenant en grand nombre sur le bas Senegal.
Faiine. — La faune passe par les mSmes transitions que la
riore. Sur la cdte de Guin^e elle est d'une richesse incomparable.
Les grands animaux de TAfrique 6quatoriale y ont trouve un
milieu favorable; seulement Velephanty traqu^ par Thomme, a
disparu de la cdte des Esclaves el de la cdte de TOr; Vhippo-
potame est egalement en voie de disparition. Les especes nui-
sibles sont nombreuses ; les termites ou fourmis de terre, dont
la voraciLe est proverbiale, y deviennent un veritable fleau, une
mouche analogue k la tsetse rend la presence du b^tail impos-
sible sur certains points de la cdte ; enfin un insecte importe du
Bresil, la chique (pulex penetrans) est tr^s redou table ^ Thomme :
il depose ses oeufs sous les ongles du pied, ce qui am^ne la perte
du doigt attaque.
De Liberia au Senegal, la faune s*appauvrit peu.^ peu, elle
reste equatoriale jusqu*aux Rivieres du Sud ; le cheval, le chien
meurent en peu de temps au Sierra Leone.
Au Senegal r61(^phant et Thippopotame ne se rencontrent plus
que le long des affluents du haut fleuve ; par centre apparaissent
les animaux de la steppe : girafe^ antilope, chacaly lion sans cri-'
nicre. Autre preuve du changement de climat : le cheval peul y
vivre.
Popnlation — Races. — Les races sont tres diverses dans
le Soudan maritime. Sur la rive nord du Sfn^gal errent les
^ibus maures (Trarza, Brakna, Douaich), melange de Berbfires,
d'Arabes et de noira; elles ae distinguent par leur rapacity et
leiir cruaute, et auraient Tail le vide sur le baa S^n^gal, s^ la
France ne leup avail impose par les armes I'obligation de ne plus
franchir le fleuve qu'en quality de marchands.
An sud du Senegal, la grande nation des Ouolof occupe toule
lacdtejusqu'au cap Verteti la Gambie; ce sont dea nfegrea cou-
leur d'eb^ne aux formes alhletiquea, la plupart musulmaus, mats
Fig. G. — B^parUUoa du musulnitns dans te Soudan occideataL
sans fanalisme. Ce sont eux qui fourniasent k la France ses meal-
leprs ouvriers et ses plus fiddles soldats noirs.
Le long du S^nSgal s'echelonnent lea Torodo ou Tottcouieun,
■ dont nous avona parlS k propos du Haut-Niger. Ce sont eux qui
out fait la force dea armies d'El Hadj Omar et qui grossisseul A
I'beure qu'il est celle de notre ennemi le sultan Ahmadou. Leur
territoire s'^tend h peu prfes de Podor i Bakel.
La region entre Senegal et Fal^m^ est occup^e par use race au
teint assez clair, les Soninke ou Sarakolels, que lea una rat-
tachent aux n^es Sonrhai, tandis que les autrea lea croient
parents des Mandiugues. Mahometans, mais paciflques et trds
dpres au gain, ila se font volontiers nos auxiliaires sur le haut
(leuve.
Les n^gres Mandinguet ou Malinke's, dont le nom, rappHla
le puissant empire de Hell^ qui exista k I'ouest du Nigeria
aCoa. CL. 3-. iO
146 ' AFRIQUE.
moyen Sge, ont reflu6 vers la c6te depuis le ivi* siScIe ct
occupent la majeure partie des territoires de la Gamble et de^
Rivieres du Sud; en m6me temps que I'arri^re-pays de Sierra
Leone^ de Liberia et de la c6te d'lvoire. lis sont surtout com-
mer^ants : ce sont les marchands mandingues ou dioula qui
serventd'inlerinMiaires entre lacdte etle Haut-Niger. Us trans-
portent les noix de kola jusqu*^ Timbouctou et appro visionnent
de sel du Sahara tons les plateaux de Tint^rieur; leur idiome
est peut-^tre le plus usite de tons en Afrique occidentale. Les
Mandingues sont z^l6s musulmans.
Les n^gres aborigenes de la c6te sont : les Nalom (musul-
mans) allies de la France; et les Solima (paiens) dans les pays
des Rivieres du Sud; les Timmi, nation guerri^re et indu-
strieuse, dans le Sierra Leone; les iCrow, (cdte de Liberia et de
rivoire) c616bres par leur courage, leurs aptitudes maritimes,
leur intelligence remarquable, leur honnStete scrupuleuse. lis
sont devenus les interm^diaires necessaires du commerce euro-
p^en sur la cdte de Guiu^e : parlant tons anglais, ils servent
d'agents dans les factoreries et remplacent avantageusement
sur les navires les matelots europeens.
Les Fanti et les Achanti peuplcnt la c6te de I'Or. Rraves,. n
demi civilises m^me, car leur Industrie est remarquable, les
Achanti n'en 6taient pas moins, jusqu*^ ces derni^res ann^es, un
des peuples les plus sanguinaires de 1' Afrique. Les massacres
qui marquaient toutes leurs ceremonies religieuses ont acquis
a cdte de ceux des Dahomeens une triste celebrite. Ces derniers
appartiennent k la race des Eoue; ils egalent les Achanti par la
bravoure et la cruaute.
Gdographie politique. — Toute la cdte du Soudan occi-
dental, sauf une partie de la c6te dlvoire, du reste privee de
ports, est aujourd*hui aux mains de puissances europ^ennes.
Mais la France seule a 6tendu ses conqu^tes dans Tint^rieur. Les
glorieuses campagnes de nos officiers sur le Haut-Niger, la
prise de possession de Tempire toucouleur, Tetablissement de
notre protectorat sur I'empire mandingue de Samory, les traites
conclus par le capitaine Binger avec le roi Tieba et les chefs
du pays de Kong, les voyages de nos canonnieres sur le Niger,
enfm la convention du mois d'aout 1890 qui met a Sai sur le
Niger la limite des zones d'iniluence anglaise et fran^aise, iie
sont, nous Tesp^rons, que le prelude de la fondation d'uu em-
LE SOUDAN. 147
pire colonial fran<;ais qui reliera nos possessions du S^n^gal h
celles du Grand-Bassam et du Dahomey et comprendra sous
le nom de Soudan frangais presque tous les pays compris dans
la boucle du Niger. Actuellement nos possessions se repartissent
de la fa^^on suivante : l^' le Senegal et le Haul-Niger; 2® les
Rivieres du Sud; 3° les comptoirs de la c6te des Esclaves; 4<* les
comptoirs du Dahomey.
I. Senegal. — Notre colonie du* Senegal comprend des pays
de regimes tr6s divers. 11 faut distinguer : 1° les pays poss^des
directemenl par la France ; S^les pays de proteclorat; S® les pays
allies par trait^s.
1" Le territoire franpais proprement dit ne comprend qu'une
bande assez etroite le long dy fleuve jusqu'a Bafoulabe, et le
long de la cdte, de Saint-Louis au Saioum. Au deU, le terri-
toire directement administre par nous ne comprend que la ban-
lieue de nos forts. Quatre communes seuleraent sont assimilees
a la France comme I'Algerie et elisent les conseillers generaux
et le depute du Senegal ; ce sont les communes de pleiu exer-
cice de Saint-Louis^ Gore'e, Dakar et Rufisque, Le reste des ter-
ritoires possed^s est divis6 en deux arrondissements : Saint-*
Louis et Dakar.
2* La majeure partie de notre colonie se compose done de
territoires proteges, regis par une s^rie de traites particuliers,
qui assurent d'ordinaire au gouvernement fran^ais des privi-
leges de commerce el le droit d'acquerir les terrains n^cessaires
a la construction de forts, routes et comptoirs. Ges pays com-
prehnent d'une pari des parties de I'ancien Senegal : Cayor, Sa-
ioum, Djolof, Fouta, Bondou, Bamhoiik, etc. ; d'autre part les
territoires nouvellement soumisdu Soudan fran^ais : Gangaran^
Deledougouy Se'gou, etc., c'est-^-dire tous les pays compris
entre le Tankisso au sud, Tetat de Ti^ba k Test et le Macina au
nord. Us sont commandes par des forts qui occupent les prin-
cipales positions strategiques : Bafoulabe, Badoumbe, Kita,
Koundou, Bamakou gardent la route du Senegal au Niger;
Koundian surveille le Bafing, Niagassola le Bakhoy ; Siguiri et
Kaugaba gardent le Haut-Niger, Djenne et Bandiagara sont nos
avant-postes en aval, Koniakarg, Nioro nous assurent le Kaarta,
landis que Mourdia garde la route de Nioro au Niger.
Jusqu'en 1890 tous ces pays relevaient au point de vue polir*
lique et administratif du gouverneur du Senegal k Saint-Louis.
r
lis AFRIQUE.
Mais nos possessions se sont tellemeht ^tendues depuis i881
qu'il devenait urgent de les organiser. L*officier sup^neur qui
commandait au nom du gouverneur sup le haul fleuve, ^tait
trop loin pour en ri^ferer continuellement i Saint-Louis ct agis-
sait sous sa responsabilit^; les depenses Staient de m^me enga-
g^es sans la participation de Tadministration de Saint-Louis qui
u'avait plus qu'i les enregistrer. Pour rem^dier i cette situation
un d^cret du mois d'aotit 1890 a donne Tautonomie adminis-
tratiye et militaire £lu Soudan frangaisv Le comitiandant du
Soudan frangais, dont la residence ^st provisoirement fix^e k
Kayes, dispose d*un budget special, distinct du budget du S^-^
n^gal, et toutle personnel civil et militaire en service relive
directement de lui. De plus, il correspond direclement avec le
sous-secretaire d*Etat des colonies h Paris, mais « ne pent tou-
tefois engager une action politique sans Tadh^sion du gouver-
neur du Senegal ».
3^ Les pays li^s par trait^s avec la France embrassent une
superficie bien plus vaste. Ce sont : 1"* au nord du Senegal, les
confederations des Maures Trarza et Brakna, des Ouled AH et
des Douatch, qui font avec Saint-Louis le commerce de la
gomme, et qui se tiennent tranquilles depuis la rude le^on que
leur a inflig^e le g^n^ral Faidherbe; 2® le Fouta-Djallon, gou-
verne par des almamy de race peulh ; 3^ les pays avec lesquels
le capitaine Binger a traite : le Kenedougau ou royaumo du roi
Tieba, et le pays de Kong,
II. Gaxbie anglaise. — L*Angleterre possede le cours de la
Gambie avec une etroite bande de terre depuis Yarbatenda
jusqu*a Tembouchure. Ge territoire, enclave dans les posses-
sions fran<;aises, n'a qu*une importance secondaire pour les
Anglais que le climat en tient d*ailleurs eioignes. Sauf les
fonctionnaires, il n*y en a qu*une viugtaine dans toute la
colonic. Le commerce est en grande partie entre les mains de
maisons frangaises. La capitale est Bathurst^ dont Tair em-
peste est funeste mSme aux n^gres (737 morts sur 202 nais-
sances en 1884). Les principaux postes sont Albrtda et Mac-
Carthy.
III. 6uin£e poRTUGAisE. — Uu terrftoire portugais est egale-
ment enclave dans notre temtoire. La a Guine » portugaise,
deiimitee par convention de 1886 s*etend du cap Roxo jnsqu*a
une ligne tracee au nord de la livi^re Gogon, comprenant ainsi
LB SOUDAN. 149
le cours complet du Cacheo, du rio Geba, du rio Cassini, et le
cours inf^rieur du rio Grande, ainsi que les ilcs Bissagos. C*est
un territoire d'environ i 50 000 habitants FeMn et Mandingues,
dont 10 000 k peine sont soumis efTectivement au Portugal. Le
chef-lieu est Boulam dans une lie k Tentr^e du rio Grande
(3700 hab.). Les autres postes sont : Cacheot BUsao. Le com-
merce se fait surtout pai* des maisons fran^aises.
lY. Rivieres DU Sud. —-On comprend sous ce nom les terri-
toires de la Casamance, du Cogon, du rio Nunez, de k Dubrekah
et de la Hellacoree, separes depuis 1889 de la colonie du Senegal
et constitues en gouvernement particulier. Us forment du reste
moins une colonie qu*une serie de terdtoires de traite, enc^ore
fort mal connus k Tint^rieur et pouvant contenir 200 000 habi^-
tants, Nalou et Sousou, branches de la famille mandinjgue. La
residence du gouverneur est Banty sur la MellacOree, pr^s de la
fronti^re sud; le poste,de Boffa protege leis factoreries du rio
i*ongo, celui de Boke sert de march6 au rio Nunez et au royaume
des Nalou. Comme sur la Gambie, les negociants europiens ne
resident dans le pays que quatre k cinq mois. Seul, le poste de
Banty est relativement salubre.
V. SiERBA Leome. — La c6te anglaise de Sierra Leone s*^tend
8ur environ 350 kilometres des Rivieres du Sud au Liberia. Avec
les districts situ^s le long des ri^vi^res des Scarcies et de la Ro-
kelle, la colonie compte environ 73 000 kilometres carr^s et plus
de 500000 habitants, Timmi, Mandingues, etc., dont environ
60000 soumis^ la juridiction anglaise. Le climat, le plus meur-
trier peutr^tre de toute la cdte africaine; a valu k Sierra Leone le
surnom de a Tombeau du Blanc », White mans Grave, (Morta-
lite de la population blanche de Freetov^n : plus d'un tiers en
1881). Aussi les blancs ne sont-ils que cent ou deux cents, et k
part le colportage fait par quelques marchands italiens, presque
toutle commerce est aux mains des « Sierra-L^onais o, noirs k
demi civilises, descendants des negres delivr^s par les croiseurs
anglais et debarqu^s par eux sur cette c6te« La capitale, Fre^
town, 30000 habitants; un gouverneur pay^ par la colonie y
reside.
VI. Lib'ria. — En 1822, une society am^ricaine pour T^ta-
blissement des negres affranchis fondait une colonie au capMesu-
rado; en 1848, la colonie devenue considerable, devenait la
Uepablique de Liberia. D*abord composee de .8000 citoyens,
130 . AFRIQUB.
elle s'est agi^andie par des immigrations succ^ssives et s*i^tend
«aujourd'hui de Sierra Leone k la riviere San-Pedro, au dela du
cap Palmas. Elle contient, outre 48 000 citoyens, environ 1 mil-
lion de negres vassaux. La partie sud de la colonie, a partir de
la riviere Sinoa, est en outre occupee par les petites r^publiques
vassales des Krou. La constitution de Liberia est calqu^e sur
celle des Etats-Unis, mais les blancs ne sont ni ^lecteurs, ni
eligibles. Par centre, le commerce et Targent sont entre leurs
mains. Le chef-lieu, Monrovia (du nom du president americain
Monroe), assez salubre k cause de son ^I^vation sur les pentes
du mont Mesurado, n*a pourtant que 8 000 habitants.
VII. Etablissembnt de la cote de l'1 voire. — La France a
r^cemment annexe la partie ouest de ia c6te de Tlvoire et nos
possessions s'^tendent maintenant sans interruption du Rio
Cavally k Apollonia. Lk se trouvent nos comptoirs du Grand-
Bassam et d'Assini, autrefois dependances administratives du
Gabon, maintenant constitutes avec inflniment plus de raison
en colonie independante sous le gouvernement du capitaine
Binger. Le scul poste occupy par nous, outre Grand-Bassam et
Assini, est Dabou, au nord de la lagune d'Ebrie. Le royaume
d'Aasinij assez important, est vassal de la France. C*est k Grand-
Bassam qu*a abouti le capitaine Binger venu de Kong, ou 11 avait
^te rejoint par notre resident sur la cdte, M. Treich>Lapl^ne.
VIU. Cote de l'Or. — D^couverte et exploit^e par les Portu-
gais, en 1470 (car la presence des Dieppois, au xiv* siecle, sur
cette cdte, soutenue trois siMes apres par Yillault de Bellefond,
ne repose sur aucune preuve positive), la c6le de l'Or a attir6
successivement des llollandais, des Brandebourgeois, des Danois
et des Anglais. Par suite de Tachat, en 1871, des derniers
comptoirs hollandais, TAngleterre est maintenant seule mai-
tresse de cette cdte, longue de 600 kilometres, d'Assini h Togo,
et d une zone d'environ 200 kilometres de large dans I'interieur.
La colonie compte k pen pres un demi-million d*habitants, sans
compter les confederations alliecs des V'antiy et le royaume des
AchantU vassal de TAngleterre depuis la guerre de 1873, qui a
amene la prise de leur capitale, Coumassie. Le siege du gouver-
nement, autrefois k Cape-Coast-Castle, a et^ transf^re pour rai-
sons sanitaires a Christiansborg-Accra, villes jumelles qui comp-
tcnt ensemble 16 000 habitants. Situees dans la partie la plus
accidentee de la c6te, elles ont deux sanatoires dans la mon-
LE SOUDAN. 151
Uigne, Aboude, k 400 metres, station des missionnaires de BMe,
et, plus haut encore, la cite noire i'Akropong. Les principaux
postes anglais sont : Axim, qui sera un jour le d^boucb^ des
mines d*or du Wasaw; Elmina, Tantique forteresse portugaise
du xv« siecle ; Cape-Coast^Castley debouch^ du pays des Achanti ;
Quettah, sur la lagune du mSme nom.
IX. Cote des Esclaves. — - La cdte des Esclaves est rest^e sans
maitre jusqu'en 1854. En 1860 encore, les Portugais seuls exer-
<;aient quelques droits de police a Whydah. Mais, en 1862, TAn-
gleterre fondait la colonie de Lagos; la France a achetS, en 186^,
Kotonou au Dahomey et assumait le protectorat de Porto-Novo;
enfin, en 1884, 1'Allemagne est entree en sc^ne et sur lademande
des n^gociants de Hambourg, elle a annexe le dernier territoire
rest^ vacant, celui de Togo^ entre Grand-Popo et Quettah.
Le territoire de Togo compte • seulement 50 kilometres de
c6tes.
11 n est guere possible encore dVji evaluer la population.
Petit'PopOy Porto-Seguro et Bagrida en sont les escales. Des offi-
ciers allemands, en particulier le capilaine von Francois, ont
explore rinterieur et une station allemande, Bismarckburgy
s'el6ve dej^ a 250 kilometres de la cdte, sur un plateau de
700 metres d'altitude.
Le Dahomey ayant conteste la validite du traite de 1863,
€t envahi nos territoires de Kotonou et Porto-Novo, la France
les a occupes militairement en 1890 et en a repousse deux
armees dahomeennes, et une armee de 2000 lipmmes, com-
mandee par le colonel Dodds, a conquis en 1892, au prix d'une
s^rie de combats sanglants, les deux capitales du pays, Cana et
Abomey.
Aujourd'hui nos troupes occupent les points strategiques du
royaume, et le roi Behanzin, avec quelques fideles, s'est retire
dans le nord.
Nos postes sur la c6te sont Kotonou et Grand-PopOy Agove
et Whydah,
Le royaume protege de Porto-Novo est un petit territoire de
40 kilometres de c6te et environ 150000 habitants.
La route de terre qui relie Abomey d Whydah est rendue
presque impraticable a une armee par les vastes marais de Ko
ou Lama ; mais les vapeurs peuvent remonter rOu6me jusqu'i
proximite de la capitale.
i52 AFRIQUE.
* Le reste de la c6te des Esclaves est occupy par la coloiiie
anglaise de Lagos, Rattach^e autrefois au gouvernement de la
c6te de TOr, elle est autonome depuis 1886. Le territoire soumis
^ la juridiction anglaise n*est que de 189 kilometres carr^savec
71 000 habitants,-presque tous dans la grande ville commerciale
de Lagos. Le service d*ordre y est fait par des troupes indigenes
recrut^es un peu dans toutes les races, et qu'on est convenu
d-appeler soldats haoussa.
L'arriere-pays ou ((Hinterland » de la colonic est au pouvoir
de netgres yorouba, les Egbas^ qui se sont constitues en confede-
rations ind^pendantes. Abeokouta, la grande cite des Egbas,
eorapte entre 100 et 200 000 Ames; elle est situ^e sur TOgoun,
&'150 kilometres seulement au nord de Lagos. Jalouse de son
independance, elle a repousse jusqu'ici avec la mfirae energie
les attaques de Tarmee dahomeenne et les offres de I'Angleterre.
Ibadan (100 000 habitants), situee plus au nord dans le Yorouba
proprement dit, est egalement une confederation de villages,
souvent en guerre avec les Peulh du Noupe, qui n*ont pas reussi
^ la conquerir. 11 y a dej^ beaucoup de musulmans dans les pays
Yorouba, et Tlslam compte des sectateurs meme k I^agos.
X; Delta DU Niger. — Le delta du Niger appartient k la
Compagnie coyale du Niger, Le village d'iifceusa, k Tentree de la
branche principale, le Noun, est le centre de ses operations.
Halgre rinsalubrite terrible du climat, la Compagnie a couvert
les canaftx dufleuve de ses comptoirs. Brass-Town, Neiv^Calabarr
Bonny sur les branches de Test, Abo, Onitsa sur le Noun sont
les escales pfincipales de ce commerce qui a fait donner k tout
ce reseau le nom d*Oil-rivers (rivieres de Thuile).
66ographie 6conomique. — Les nombreuses colonies euro-
peennes qui se suceedent sur la cdte occidentale d'Afrique,
depuis I'embouchure du Senegal jusqu'k celle du Niger, semblent
offrir certains caracteres communs. Le sol n*est pas en general*
d'une exuberante fecondite, mais il presente de bonnes quahtes
moyennes. La variete du relief permet d autre part li des plantes-
tres diverses d'y prosperer egalement. On a souvent compare,
au point de vue de Torographie pure, le Fouta-Djallon, au pla-
teau ethiopien. L*analogie se poursuit dans le domaine econo-
mique, grdce k I'etagement des cHmats et des zones de culture
dans Tun et I'autre pays, et grSice aussi aux facilites que I'en-
semble de ces conditions naturelles oiTre de part et d*autre k
i
^
LE SOUDAlf. IS^
r^tablissement des blancs: La region du Fouta-Djallon doit!
devenir un grand centre d'exploitation agricole. Plusieurs cul-
tures pr^cieuses, le coton, le cafe, Tindigo, le th6 peut-6tre,
peuvent y devenir d^abondantes sources de richesses. Tous C6S
pays de Touest ont d*ailleurs sur ceux de Test un grand avan-
tage, c*est qu*ils sont bien plus faciiement p^n^trables. De nom-
breuses rivieres descendent k la cdte, et leurs yallees pourront
ouvrir du moins des voies d'acc^s facUes vers Finterieur, Par
centre, les colonies du Senegal et de la Guin^e ne sont plua
sur le chemin des navires; c'est k Test du continent africaiu
que passe aujourd'hui le grand courant commercial qui unit
TEurope k Textr^me Orient. 11 est vrai qu'en revanche les
paquebots qui font le service du Bresil n'ont pas k se d^tourner
sensiblement de leur route pour toucher k Dakar.
II faut enfin remarquer que ces pays peuvent encore servir do
d^bouch^s a une partie du Soudan. Mais on doit bien se garder
de fonder sur ces avantages de position des esp^rances trop
grandes. Nous savons deji que toute la region du Haut-Niger
n'est pas tr^s riche.
Ce sont, en r^sum^, les produits du pays m6me qui constituent
la meilleure ressource d*avenir de la S^n^gambie et de la
Guinee. ,
Les pentes du Fouta-Djallon sont recouvertes de foreU magni-
fiques, dont les essences variees, propres aux constructions, k
r6b6nisterie, li la teinture, el les produits divers, fruits, gommes,
resines, peuvent alimenter un actif commerce. Le bois de feck
est exploite dans les environs de Freetown ; les acacias it gomme,
les arbres k caoutchouc abondent au Senegal ; les noix de kola^
le beurre vegetal de karite servent aux m^mes usages qu*au
Soudan. Le cocotier est I'arbre universel, son fruit est.comestible,
ses fibres sont employees k la fabrication des cordes, des
paniers, des toitures de maisons; la coque de sa noix sert de
vase. Le palmier donne Vhuile de palme que les marchands vont
acheter aux indigenes en remontant les fleuves sur des bateaux
sp^ciaux, servant k la fois de magasins et de lieux de marche.
Les seuls navires de Hambourg en importent chaque ann^e pour
plusieurs millions de francs.
Diverses cereaUs sont cultivees en Guinte : dans les terres
basses, le riz et le mats prosp^rent; le bl6 est en revanche tr^s
repandu dans les parties hautes avec Torge et le dourah. Les
154 AFIIIQUE.
bananes, les ignames, la racinc du manioc servent aussi h Tali-
mentation des n^gres.
Le cafeier vient h Tetat sauvage, et atteint des proportions
inaccoutum^es. C*est un grand arbre dc lO ^12 metres d*e!eya-
tion, qui est surtout vigoureux dans les terres argileuses. On
sait Timportance qu'ont prise dans ces derniers temps les plants
de Liberia, pour la restauration des grandes plantations du
Bresil, ou de Ceylan. La production est faible, mais elle pourrait
atteindre une haute valeur. La canne h sucre et le tabac, dont
les champs sont peu nombreux, seraienl au^si avantageusement
cnltiv^s. .Le semme fournit quelques milliers de tonnes de
graines, mais ce sont les arachides ou pistaches de terrc, qui
ont trouv6 le debouche le plus considerable. On en exporte
chaque ann^e de i 20 ^ 150 000 tonnes, valant pres dc 40 millions
de francs. Les arachides sont employees particuli^rement a Mar-
seille, k la fabrication des huiles et des matiSres grasses. Les
progr^s accomplis dans le traitemcnt de ce produit lui ont per*
mis de faire snr nos marches une s6rieuse concurrence aux
huiles d'olive elles-m^mes. Le coton et V indigo^ dont la produc-
tion ne d^passe guere le besoin de la consommation locale, sont
les plantes industrielles dont Texploitation pourrait donner le
plus de benefices.
Les animaux domestiques sont peu nombreux: ils sont d'ail-
leurs les m6mes qu'au Soudan. Les ruches abondent, et le Sene-
gal expedie chaque annee plus de 30000 kilogrammes de cire.
La peche est tr6s fructueuse sur les cdtes.
La S6negambie et la Guinee pourraient done tirer de leur
sol des ressources abondantes. La culture est d'ailleurs en
progr^s.
Inddstrie. — Le Fouta-Djallon est, dit-on, riche en minerais :
argent, cuivre, etain, fer; mais le seuLmetal vraiment digne
d'etre cit6 est lor. Les gisements les plus productifs sont au
S6n6gal, dans le Bour6 et surtout dans les terrains d*alluvion du
Bambouk, entre le Bafmg et la Faleme. Mais ces mines sont
difficilement accessibles ; elles ne sont visitees que par les noirs,
ot le mdtal qu'ils en retirent ne vient m^me pas au Senegal; ils
prcfferent I'^changer contre le sel et les colonnades qu'apportent
les caravanes, Les filons pr6cieux, auxquels la Cote d'Or doit son
nom, se trouvent dans les roches de gneiss du Ouasa, a une
centaine de kilometres au nord du port d'Axim; ils sont touiours
L6 SOUDAN. i;^;^
exploit^s« On eh retire antiueliement pour 5 millions de poudre
d'or.
L'iNDUSTRiE indigene est k peu pres nuUe. II faut citer pourtant
le tissage des cotonnades et la fabrication des nattes de jonc.
Commerce. — On a deji vu les ressources du pays en voies de
communication, Les fleuves ^ont en g^n^ral peu navigables ; le
S^n^gal est encorabre de rapides et de bancs de sable; des
barres dangereuses ferment l*entr6e d*un grand norabre, par-
ticuli^rement sur la cdte de Guinee.
Les ports les plus commodes sont Dakar ^ k I'extr^mit^ du cap
Vert, relie k Saint-Louis par une voie ferr6e, Bathurst k Yem-r
bouchure de la Garabie, et Freetown, Cape^Coast-Castle est le
d^bouche de Fempire des Achanti, et Lagos re^oit les marchan-^
dises de Dahomey. Ces ports sont desservis par deux lignes r6gu-
lieres de paquebots, un service anglais de Liverpool, et les
Messageries maritimes de Bordeaux. Un c^ble sous-marin les
relie k I'Europe.
Le mouvement du commerce sur les c6tes du Senegal et de la
Guinee atteint un chiffre assez 61ev6. On pent I'^valuer k
150 millions de francs. La premier rang parmi les exportations
revient aux substances oleagineuses. Les arachides (30 millions)
sont fournies par le Senegal, la Gamble, Sierra L^one ; la noix
de palmiers et Thuile de palme (25 millions) proviennent sur-
tout des c6tes du Sud. Les gommes sont, apr6s les arachides
!*objet de commerce, le plus important de la S^n^gambie
(8 4 10 millions). La vente du caoutchouc repr^sente une
moindre valeur (5 millions). Les noix de kola, la poudre d or, le
caf6, les bois, les peaux, la cire, Tivoire, les plumes d'autruche
completent la liste des marchandises vendues k I'Europe. Nos
aavires apportent en echange dans le pays des cotonnades (gui-
nees de I'Inde, tissus frangais), des boissons, du sel, des fusils
et de la poudre, du tabac, du corail, de I'ambre, des verroteries.
Ce commerce se partage entre trois puissances, TAngleterre,
ia France, I'AUemagne; la valeur du traflc des deux premieres
se balance; la troisieme fait beaucoup d'efforts pour supplanter
Tune et I'autre. Dans le chiffre total qui vient d'etre indique,
40 k 45 millions reviennent au Senegal frangais et 10 millions
aux Rivieres frangaises du Sud. La Gambie anglaise et Sierra
Leone sont representees chacune pour environ 6 millions^ la
Guinee portugaise pour 3. Le conmierce de I'Etat libre de Liberia
156 AFRIQUE
se monte k iO millions environ. Dans la Guin^, les possessions
anglaises sont au premier rang (50 millions) ; nous venons
ensuite avec 12 millions.
Le commerce du S^n^gal suit une progression constante; cette<
colonie, mieux exploit^e et mieux administr^e, peut contribuer
pour une part plus grande encore k la prosperity de la metropole.
Nos comptoirs des Rivieres du Sud sont une des regions les plus
favoris^es, les plus riches de la S^negambie. Mais sur la cdte de
Guin^e nous ne jouons qu un role secondaire.
Les Anglak ne pourront pas pr^valoir contre notre influence
en Si^n^gambie; mais leurs postes sur la C6te d'Or et ^ Lagoi^
sont les mieux silues' pour attirer les marchandises des
royaumes de Tint^rieur.
Les possessions du Pai^tugal ne sont qu'une d^pendance des
archipels que ce royaume poss^de au large.
Les Allemands n'okit que deux ou trois comptoirs, mais ils ne
negligent rien pour drainer une parlie du commerce des colonies
voisines. Nous avons su jusqu*^ present garder assez bien le
monopole dans les ndtres. 11 faut prendre garde de nous laisser
supplanter, sous pr^texte de philanthropie internationale.
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Sujets de devoirs.
Les Yoies de commerce de I'Afrique du nord.
La cdte de Guin^e, climat, hydrograpliie, productions et commerce, colo-
nies eui*op^ennes, leur importance respective.'
Le Niger, g^ographie physique et economique.
i58 Muaufi-
Golonies fran^aises de rAfi'ique occidentale et pays de protectorat. Les
comparer au point de vue du climat, du commerce et de la population
Les peuples de I'Afrique du nord (repartition des races, degre de civilisa-
tion, religion, etc., density de la population).
^ Relief de I'Afrique du nord.
CHAPITRE VII
AFRiaUE EaUATORIALE
Relief* — L'Afrique equatoriale comprend des contrees de
relief fort different: 1<> k Test et k Touesl, le long des cotes, deux
zones de montagnes et de terrasses qui s'elevent graduellement
vers rinterieur du pays, et dont le dernier gradin forme la
bordure du plateau d'Afrique; 2<» k Tinterieur le plateau des
grands lacs, et 5° le bassin du Congo.
I. Versant oriental et plateau des grands lacs. — La
ligne des hautes terres qui forme du nord au sud le rebord
oriental du plateau des grands lacs est en ra^me temps I'ar^te
raaitresse de TAfrique equatoriale. Non qu'elle constitue une
chaine puissante comme THimalaya, mais elle porte sur son
socle de 1 800 k 2 000 metres les plus hautes montagnes du
continent. Du sud de TAbyssinie jusqu'au del^ du Kilima*Ndjaro
s'etend un long renflement volcanique, forme k ce qu'il semble
par une double rangee de volcans, s^pares par des fissures ou
se succedent des lacs k des altitudes diverses (Basso-Narok ou
lac Rodolphe environ 500 m. d'altitude, lacs Baringo 980 m.,
Nakouro, Naiwacha 1960 m., de Natron 650 m. et Manyara).
On ne connait encore que bien peu les montagnes du nord.
L*exp6dition de MM. le comte Teleki et von Hohnel en 1888 a
toutefois revile que des deux c6tes du lac Rodolphe, grande
lagune qui occupe le fond d*une faille k 500 metres seulement
d'altitude, se prolongent des rang^es de volcans eleves dont les
voyageurs ont apercu les cimes neigeuses (volcans El-KaramojOf
Lekakiseray Elgon k Touest, ce dernier evalue a au moins
4200 m.; Koulall et Njiro a Test).
La ligne des montagnes continue ensuite entre le Victoria
J
APRIQUE ^QUATORIALE. 159
Nyanza el les petits lacs de Test par des volcans moins hAuts
(Dounye Longonok environ 2500 m., Dounye Ngat 2150 m.,
d apr^s Thomson) tandis que dans la rangee des montagnes de
Test se dressent des pics enormes : le Kenia (Dounyo Eguir6)
d.) 5500 metres, le Dounyo Bourou (2800 m.) qui emet encore
des vapeurs, le Dounye Erok (environ 4000 m.), enfin, k Test
du lac de Natron, le groupe des grants de I'Afrique: le mont
Gelei (4200 m.), lemont Merou (4480 m.) et le Kilima-Ndjaro
(6100 m.) masse enorme qui n*a pas moins de 100 kilona^res
de Test a Touest et de 50 kilometres du nord au sud. C'est
jusqu'ici la plus haute montagne de TAfrique ; M. Meyer en a
escalade le premier en 1887 le cratfere, k 50 metres au-dessous
de la pointe de glace terminale; le pourtour de la montagne
est environ 270 kilometres, le double du geant de la Sicile,
FEtna. Du massif du Kilifna-Ndjaro le plateau descend vers la
mer par une serie de croupes decroissantes de 2 000 a 1 200 me-
tres de hauteur; les monts granitiques de VOusambara^ en face
de Tile de Pemba, ont encore 1500 metres.
Au sud du Kilima-Ndjaro les hauteurs sont moindres et on ne
sait encore si la grande ligne volcanique s*arr6te \k. Plus loin,
les montagnes granitiques qui ferment le rebord du plateau
dans YOumgara n'ont plus guere que 2 000 metres et sont en
partie orientees du nord-ouest au sud-est (monts Uoubeho entre
rOuami et le Roufidji). Elles se reinvent vers le sud-est du pla-
teau ; les monts de VOubena vers le lac Nyassa ont au moins
2400 metres de hauteur.
Le PLATEAU DES GRANDS LACS qui s^^tcud k Fouest de ce soule-
vement a sa pente generale vers Fouest. Les mesures connues
jusqu'ici lui donnent 13 i 1400 metres dans Fest (Oukala
1 320 m.), 1 20Q metres au centre (lac Victoria 1 200 m., Tabora
1240 m.) et environ 1000 metres k Fouest et au sud (Ougou6
1000 m., Mpimboue 920 m., Blantyre 1000 m. environ). Au
centre du plateau le sol parait peu accidente : les montagnes
de VOunyamouesi ne sont que des buttes isolees, et dans
VOugogo aucun faite notable ne separe les affluents du Roufidji
et ceux du Tanganyka. Dans le sud et Fouest au contraire, 16
sol est coup6 par une suite de failles profondes, au fond des^
quelles les eaux se sont amassees en lacs et dont les bords s6
reinvent en chaines de montagnes: ce sont au sud, celles des
lacs Nyassa, Rikoua et Tanganyka, orientees presque de m^me
r
\m AFRIQUE.
et does probablement aux m^mes causes; au nord, celles des
lacs Albert Edouard et Albert,
, Lavallee la plus profonde de toutes est celle du sud: le
niyeau du lac Nyassa n*est qu'^ environ 480 m^res au-dessus
de la mer, done k plus de 700 metres au-dessous du lac Victork
fit du niveau nioyen du plateau, et on n*en a trouve le fond qu*k
130 et 170 metres au-dessous de la surface. Cette profonde
entaiUe est bordi^e de hautes montagnes : a Test la chaine
Livingstone (de 2000 & 3000 ra.) qui est le rebord exterieur
du plateau sous cette latitude, et descend en pente douce vers
Je Rovouma tandis qu'elle se dresse h pic au-dessus du lac; elle
aboutit au plateau de Blantyre ou du C^tre qui a encore plus de
A 000 nietres de hauteur. A Fouest, les montagnes sont moins
continues; pourtant des massifs comme le Tchombe' oni encore
plus de 1 650 metres, et la mission de Tchakousi, au sud-ouest
du lac, est encore k 1 430 metres au-dessus de la mer.
On connait beaucoup moins la valine du lac Rikoiia ou lac
Leopold, decouvert en 1880 seulement par Thomson, et revu par
fotterill et Kayser. Plus elevee que le Nyassa (k peu pr^s 780 m.)
elle p^rait orientee de mSme, et encaiss^e egalement entre deux
falaises de montagne. Elle fait ^videmment partie dum^me sysr
teme de plissements.
La longue dcchirure du sol que remplit le Tanganyka a
630 kilometres du sud au nord et s'enfonce egalement tr^s loin
au-dessous du niveau du plateau. Le niveau du lac n'est qu a
800 metres, et Livingstone n*a pu en trouver le fond avec une
sonde de 550 metres; M. Giraud a mesure ailleurs 647 metres
de profondeur. Si ces mesures sont exactes, le fond de la vallee
du Tanganyka serait k moins de 200 metres au-dessus de la
mer. Des monts de 1 000 a 1 800 metres (Misozi 1 750 m.) Fen-
cadrent Egalement de hautes falaises presque partout.
Cest au nord-ouest du plateau des lacs que se trouvent les
plissements les plus considerables. La derni^re expMition de
Stanley a confirm^ que les lacs Albert-Edouard (niveau k
1 000 m.) et Albert (niveau environ 700 m.), qui se succedent
,dans la m^me direction, sont encaisses entre deux chaines tr^s
(felev6es. On ne connait pas encore I'altitude de la chaine occi-
dentale, monts Balegga ou Malega, qui suit k Touest le lac
Albert k une distance de 75 kilometres environ. Mais la chaine
orientale des Rouwemori s^^l^ve jusqu'aux neiges eternelles. Elle
AFRIQUE £QUATORIALE. 161
a de i 200 k i 800 mMres k Test du lac Albert, de 2 000 k
5450 metres entre les deux lacs, apr^s quoi elle s'abaisse de
Douveau k i 800 et 1 400 metres dans le sud. Ainsi une chaine
longue comme les Pyr^n^es, aux cimes plus hautes que les
Alpes, fait pendant, k Touest du plateau des lacs, au Kenia et au
Kilima-Ndjaro. On ne salt encore si les montagnes se prolongent
au sud du lac Albert-Edouard; cette contr^e mysterieuse de
YOuroundi est encore une des moins connues de TAfrique.
Mais la zone montagneuse se prolonge directement au sud par
le massif considerable du Mfoumbiro (environ 3000 m.) entre
le lac Albert-£douard et le Yictoria-Nyanza.
11 est difficile de delimiter le plateau des grands lacs vers
Touest. Au delk de Tanganyka et du lac Hoero, il semble qu'il se
termine par des terrasses ^tagees de 1 500 k 1 000 metres k tra-
vers lesquelles descendent les affluents du Congo ; mais nul n a
encore explore les pays k Touest des lacs Alexandra et Albert-
£douard.
Au nord, le plateau finit par les croupes de 1 500 ^ 1 iOO metres
que traverse le Nil pour descendre k Ouadelai. Le relief entre
le Nil et le lac Rodolphe et, au nord-est, au delk du Kenia, est
encore inconnu.
Au sud, le plateau a pour limite hydrographique le demi-
cercle des monts Lokinga (2 k 3000 m,) qui separent le lac
Bangou^lo (1 120 m.) du Zarab^ze et repoussent le Congo
superieur vers le nord. Mais il est probable que la zone des
hautes terres continue de Tautre cdt^ des montagnes, et que le
plateau des lacs se relie k ceux de TAfrique australe sans autre
interruption que la coupure profonde du Zamb^ze (360 m. k
Zumbo).
II. Bassin du Congo. — La partie de TAfrique interieure
drain^e par le Congo m^rite bien le nom de bassin. Toute la
contree comprise entre la grande courbe du fleuve au nord et
le Kassai et le Sankourou au sud est en elfet une grande cuvette,
vers laquelle convergent les rivieres des quatre points cardi-
naux. Cette cuvette, dont le fond est tres uni, a dd autrefois
etre recouverte par les eaux. Les masses liquides du Congo et
de ses affluents ont du s'y accumuler avant de se frayer violem-
ment un passage k travers la ceinture des montagnes bordieres
de Touest. £lles ont laiss^ partout d'^paisses couches de limon
comme trace de leur passage; dans les contr^es de Ti/ima, du
oeOG. CLj. 5*. 11
^
162 AFUIQUE.
has-Ouhandjiy du Tchouapa^ du Sankourou, on peut cheminer
des jours entiers sans rencontrer une pierre k la surface du sol.
Le niveau du bassin varie de 520 metres vers le Stanley-pool
k 450 metres aux Stanley -falls. M^me \k, TAfrique conserve
done Faltitude d un plateau. Le bassin est limite k Test par le
plateau des grands lacs, au sud par les hauteurs entre Congo
et Zamb^ze, qui atteignent 1 800 metres, k Touest par les ter-
rasses et chaines de la cdte occidentale. II est impossible de
dire jusqu'ou il s'etend au nord.
Au nord-est, on sait maintenant qu*aucun soulevement notable
ne le s^pare du Nil. Les voyages d'Emin-Pacha, de Tltalien
Gessi, et surtout du savant russe Junker, qui a parcouru toute
la contr^e entre le Bahr-el-Ghazal et V Quelle, n*ont r^v616 que
des altitudes de 600 k 705 metres. Ainsi le terrain se renfle k
peine entre les plaines de YOuelle et des rivieres du Nil, situ6es
k peu pres au mSme niveau (Quelle' k la Zeriba d'Abdallah :
440 m., Nil k Lado : 460 m., Djour a Waou : 430 m. d'altitude).
Mais quel est le relief entre le Chari et le Congo? Toute sup-
position serait pr^matur^e. On n'a pas d'indice si les raonts de
TAdamaoua continuent k se prolonger vers Test ou s*il n'y a Ik
que des plaines k pentes indecises.
111. Relief de la cdTE occidentale. — Le relief de la cdte ouest
de TAfrique ^quatoriale est encore imparfaitement connu an
nord. Tout pr^s de la raer, le magnifique volcan de Kameroun^
qui dresse ses trois pics k pr^s de 4 200 metres dans les airs, et
dont la masse isolee n a pas moins de 2000 kilometres carr^s
de base, n'est que la suite de la rangee de volcans des lies du
golfe de Guin^e. On ne connait gufere les terrasses et les chaines
qui d6fendent de ce c6t6 Tacces de 1' Afrique int^rieure et forcent
les rivieres k descendre en cataractes ; seuls les pics voisins de
la c6te, le mont des Elephants (520 m.), le mont des Alouettes
(4040 m.), figurent avec precision sur les cartes.
Le relief du Congo fran^ais est mieux connu. Des terrasses
schisteuses courent paralleles k la cdte. Leur surface d^compos^e
par les pluies se transforme en une couche ^paisse de sable
rougefttre dite lateritey formation particuli^re aux climats plu-
vieux sous les tropiques. Ce sont du reste des gradins peu Ale-
ves; pr6s de la cdte les croupes ont au plus 1 200 metres (mont
de la Mitre, etc.) ; la plus 6levee parait ^tre celle des monts de
Cristal (environ 1500 m.) au nord de rOgoou6. Vers le Koui-
AFRIQUE £QUAT0RULE. 1«3
lou, elles ne d^passent gu^re 1 000 metres, et s*abaissent encore
davantage des deux c6t6s du Congo (700 m.).
Le plateau de Y Angola marque un rel^vement sensible du ter-
rain. Les terrasses ^tag^es du cdt6 de la mer se dressent k pic
du c6te du Kouango; au sud du Couanza, on distingue m^me
trois chaines successives parall^les k la cdte, avec des cimes de
2000 k 2400 metres (monts Lovili, £longa, etc.)* EHes sont^le
rebord du vaste plateau de BihS qui se prolonge entre les
affluents du Kassai et du Zamb^ze, et dont le socle atteint
1 600 metres de hauteur. Ce plateau est d'ailleurs si uni vers
Test, qu'il a pu s'y former un marais k 1 200 metres d'altitude :
Le lac Dilolo, dont les eaux vont k la fois k I'Atlantique par le
Congo, et k la mer des Indes par le Zamb^ze.
La ligne des montagnes c6ti^res continue au sud, mais elles
sont moins hautes : 1000 k 1500 metres. Seule, la Serra de
Chella ou de Neve (de la neige) se dresse k 1 900 m6tres de hau-
teur k Test de Mossam^des.
Climat. — Le ciimat de ces regions k peine explor^es est
encore bien imparfaitement connu. Bien des ph^nomenes d^con-
certent encore les observateurs : Ainsi ces « vents mysterieux de
la saison s^che ^ » qui soufllent en temp^te du sud-ouest sur le
Congo. D faut done se bomer k enregistrer les faits aujourd'hui
connus.
Les pluies varient beaucoup sur la cdte ouest. 11 faut noter
d*abord une diminution constante du nord au sud. C*est au fond
du golfe de Guinea, sur les pentes du Kameroun et au nord du
Gabon f que paraissent tomber les pluies les plus abondantes de
FAfrique. On en estime la quantity k 5 ou 4 metres par an. Au
Gabon mSme il est tomb^ exceptionnellement 5 m. 10 d'eau en
1882. De 1^ les pluies dlminuent constamment vers le sud, jus-
qu'au moment ou elles cessent tout k fait.
Moyenne annuelle du Gabon
— de Chinchoxo
— de Loanda
(l/2« de lat. nord) : 2 m. 86
(5« de lat. sud) 1 m. 08
(9* de lat. sud) m. 34
Enfin k Mossamedes, il y a eu pendant vingt ans une douzaine
au plus de pluies r^elles; on se trouve Ik sous un climat com-
pletement different de celui de TAfrique 6quatoriale.
Quant aux pluies de I'interieur de I'Afrique 6quatoriale, elles
i. Yon Danckelmann.
464 AFJtlQUE.
paraissent rentrer presque toutes dans le domaine des vents
d'est, Les courants atmosph^riques qui soufflent sur la mer des
Indes du siid-est ou du nord-est, selon quele soleilram^ne vers
ie sud ou le nord leur centre d'attraction, se transforment sou*
vent en vents d'est sur le continent. G*est done de la mer des
Indes que viendraient les pluies qui tombent sur le plateau des
grands lacs et au sud du Congo. Cette th^orie parait confirmee
par le fait que la pluie a parait augmenter sur le versant orien-
tal de la bordure montagneuse de Touest, les nuages venant
g^n^ralement du continent, c*est-a-dire de Test dS d'ou ce phd-
nomine de pluies plus abondantes k Tint^rieur que sur la c6te
ouest.
II ne faut pas oublier que Tevaporation si active sous T^qua-
teur pompe de grandes quantit^s de vapeur d*eau k la surface
m^me de TAfrique equatoriale, et que les courants ascendants^
qui r^ultent de T^chauffement des couches inf^rieures de Fair^
jouent un grand rdle dans la formation des orages tropicaux.
Temperature, Ccmparaison avec VAmerique du Sud. —
L*Afrique ressemble k TAmerique du Sud par ses contours et
sa position k cheval sur Tequateur, et pourtant son climat est k
la fois plus chaud et moins pluvieux. Cela tient k la disposition
diff^rente du relief. L*Am6rique tropicale presque tout enti^re
est ouverte aux vents aliz^s de TAtlantique; la grande ar^te de
son relief est k I'ouest; aussi, de la cdte aux Andes, I'Am^rique
tropicale a-t-elle un climat maritime. En Afrique c'est le con-
traire, les grandes hauteurs sont k Fest; 1^ ou s'^tend sur
Tautre continent la plaine des Amazones, on trouve de hautes
montagnes et de lai^es plateaux, qui isolent Tinterieur du con-
tinent de rOc6an, du moins pour les couches inf6rieures de
Fair. L'influence de la masse des terres n'est done pas neutra-
Usee comme en Am^rique par le souffle continu et moderateur
dela mer, la chaleur est plus forte, la temperature moins 6gale^
tous les ph^nomfenes du climat moins r^guliers, en un mot le
climat est plus continental.
r
\ Moyenne annuelle ' d'lquitos (Amazone, 3 ij^ lat. sud) : -|- 25*,9
— de Rubaga (Afrique, 1 l/2» lat. nord) : -f 28»,5
— de Lado (Nil, 5<» lat. nord) : -f 29»,5
i. Von Banckelmann.
2. Woeikof. Die KUmate der Ei de. j
I
APRIQUE ^QUATORIALE. 465
Aussi, tandis qu'en Am^rique la temperature n*augmente pas
sous l*equateur quand on avance de la c6te dans rint^rieur, en
Afrique il fait plus chaud dans Tint^rieur qiie sur la c^te orien-
tale.
La c6te occidentale de TAfrique ^quatoriale ressemble au
contraire par un point h la cdte correspondante de rAm^rique
du Sud; elles ont toutes deux une temperature remarquablement
basse pour leur latitude. Au Gabon^ k un dcmi-degr^ seulement
de requateur, la moyenne annuelle du thermometre tombe au-
dessous de 21 degr^s centigrades! A Loanda, il oscille entre 19 et
20 degr^s; il y fait done moins chaud en ete qu*^ Lisbonne. Gette
temperature anormale tient aux m^mes causes qu*en Am^rique :
Aux vents frais qui soufflent avec persistance de Touest et du
sud-ouest, c*est-&-dire de la mer refroidie par le courant an--
tarctique qui remonte le long de la c6te vers le nord.
EUe tient aussi probablement k un phenomene particulier k
eette partie de TAfrique, la nebulosite extreme du ciel. II n'y a
qu'environSpourlOO de jours absolument sereins k Ftvt, sur le
Congo, et la proportion est moindre encore au Gabon. Le ciel est
gris meme pendant la saison s^che, par suite des grands incen-
dies d*herbes qui ont lieu chaque ann^e. Des savants ont admis
« qu'au moins un cinqui^me du territoire africain compris entre
r.equateur et le tropique du Capricorne est brdie par le feu pen-
dant la periode de mai k octobre » ^ De \k, des brouillards sees
de fumees qui durent des semaines et s'etendent fort loin.
Hydrographie. I. Plateau des grands lacs. — Le phenom^ne
le plus grandiose de Thydrographie de FAfrique equatoriale
est celui des grands lacs qui se developpent sur des etendues
immenses, dans les fissures du plateau. On ne pent comparer
ces bassins qu*a ceux de TAmerique du Nord. Ges lacs n*ont ete
explores que dans la seconde moitie du vl^ siede, par Burton,
Speke, Livingstone, B^^ker, Gameron, Stanley et autres. Leur de-
couverte, I'etude du regime des pluies dans les pays oil ils se
ferment, ont fait comprendre le regime des grands fleuves de
FAfrique, si obscur jusque-1^. Les grands lacs ont en effet pour
deversoirs les plus grands fleuves del'Afrique, le Nil, le Gongo,
et le Zambeze.
. 1* Yersant du Nil, — Le lac Oukereoue ou Victoria NyanzUf
1. Ton Danckelmann
106 AFRIQUE. .
situ^ sous rfquateur m^me, k 1 200 metres d*altitiide, est le
plus grand de tous; sa superficie est egale k la septieme partie
de la France. C*est de \k que sort le Ai/, le second fleuve de
Tunivers par sa longueur (plus de 6400 kilometres), le qua-
tri^me par F^tendue des pays qu'il arrose (environ 3 350 000 ki-
lometres Carres). Sa source r^elle est encore indecise. L* Anglais
Speke a eu, il est vrai, la gloire de decou\rir, en 1858, 1'endroit
ou il s*^chappe du grand lac; mais bien des cours d'eau impar-
faitement connus se jettent dans le lac Victoria au sud et k
l*ouest, et on ne peut decider encore laquelle merite par son -^
importance d'etre appel6e du nom de Nil. Les deux rivieres qui
attirent le plus Fattention jusqu'ici sont le Simeiou ou Stmiou,
venant du sud-est, et le Kagviera ou Tangoure, sorti du petit
lac Alexandra au sud-ouest du lac Victoria.
Quoi qu'il en soit, le Victoria, ce lac plus grand que la mer
d'Aral, se diverse au nord par une cascade de 4 metres de hau-
teur,, appel^e par Speke chutes de Ripon, et forme un fleuve 6cu-
mant, large d'un demi-kilom6tre. II descend d'abord rapidement
vers le nord-ouest, s'^tale en passant en deux petits lacs, le
Gita^Nzige et le Kodja, puis continue sa chute rapide vers Fouest ;
il descend de plus de 500 metres en 150 kilometres de cours et
tombe par une derni^re cascade de 35 metres, les chutes Mur-
chison, dans le lac situ^ k I'^tage inf^rieur du plateau, le
Mwoutan-Nzige ou lac Albert, On sait depuis le dernier voyage
de Stanley que ce lac Albert (700 metres d'altitude) est aliments
par une cinquantaine de cours d'eau venant des Rouwenzori, et
qu'une large rivifere, la Semliki, lui apporte les eaux d'un lac situ6
k 300 metres plus haut, le lac Albert-Edouard dont les affluents
sont encore inconnus. II y a la une branche du Nil qui peut ega-
ler la premiere par sa longueur. Le Nil ressort du lac Albert, k
20 kilometres des chutes Murchison, k Tetat de fleuve tranquille,
large de 500 k 2000 metres, profond de 5 ^ 12. II n'est plus
qu'a 680 metres et a descendu les echelons du plateau od il est
ne. 11 serpente ainsi paisiblement pendant 200 kilometres vers
le nord a travers les grandes herbes de la province equatoriale,
rencontre des montagnes au coude de Doufile, descend encore
quelques rapidesi Fole\ k MakedOy et commence k Lado (Gondo-
koro) un deuxieme cours tranquille k travers une plaine d'allu-
vions presque horizontale, ancien lac dont le plateau du Kordo-
fan marque la fin au nord.
AFRIQUE EQUATORIALE. 167
L'afflux d*eau que revolt le Nil dans cette partie de son cours
est considerable. Sorti des grands lacs, il a d^ji de 300 k
900 metres cubes k la seconde. Puis viennent les innombrables
affluents de cette grande plaine de TAfrique ^quatoriale, ou les
pluies s*etalant snr le sol uni couvrent k un moment donne le
pays d'un reseau de mar^cages et de rivieres enchev^tr^es. On
connait peu les cours d eau qui viennent de Test (Achoua^ Acha,
etc.). Le Sobat apporte probablement au Nil les eaux de tout le
, versant ouest de TAbyssinie meridionale, et roule quelquefois
plus d'eau que le Nil lui-mSme. A 120 kilometres du confluent,
on lui a trouv^ un d^bit approximatif de 1 200 metres cubes k la
seconde, autant que le Rhdne et TArve r^unis k Geneve.
Le Bahr eIrGhazal, qui rejoint le Nil k Touest, nn peu avant le
Sobat, lui apporte les eaux d*inondation de I'incroyable quantity
de rivieres connues sous le nom de Rivihres du NiL Tout le
grand triangle explore parSchweinfurth, £min-pacha et Junker,
entre le Nil, les terrasses des Niam-Niam et celles du Dar-For,
n'est qu'un labyrinthe de cours d'eau (Rdl, Diour, Pongo, Bahr
el-Arab, etc.) qui convergent vers le Bahr el-Ghazal, et, vu k
d^faut de pente, transforment le confluent avec le Nil en un
marais de quelques mille kilometres carres, alternativement k
sec et inonde. G'est la « region des embarras », ou les herbes
obstruent souvent le fleuve ; elles ont arrets jadis k cet endroit
les envoy^s de N6ron k la recherche des sources du fleuve,
et ont interrompu completement la navigation de 1870 a
1877.
C'est au coude du Kordofan que le Nil sort de I'Afrique equa-
toriale sous le nom de Bahr el-Abiad ou fleuve Blanc. II arrive
au Soudan avec un flot qui a Khartoum est de plus de 5 000 me-
tres cubes a la seconde apr^s les pluies, et de 500 metres cubes
au moins en toute saison ; c*est surtout ce flot constant venu des
grands lacs, qui va lui permettre de fournir une course de
2 700 kilometres a travers les steppes et le desert.
2« Le Tanganyka, long de 630 kilometres et large de 50 en
moyenne, a longtemps pass^ pour se rattacher au Nil. Mais la
riviere Rousiziy doht le cours est exactement dans Taxe du lac,
s'est revelee comme un affluent de celui-ci, et non comme un
courant qui en sort. Le Tanganika n*ayant pas d'affluent consi-
derable par suite de la disposition du relief (la plus longue ri-
viere parait le Malagarazi a Test), on a cru alors qu'il etait
168 AFRIQUE.
un bassin ferm^. Gependant on salt aujourd'hui que T^vapora-
tion n'absorbe pas h elle seule les eaux qu'il regoit. Son d^versoir
est la Loukougay qui va rejoindre le Congo. L'appoint du lac est
du reste fort inconstant : Cameron avait trouve le deversoir
obstru^ completement: Stanley Ta mdme vu couler en sens in-
verse ; depuis, le lit a et6 deblaye par une crue du lac, et dans
ces dernieres annees il parait avoir vers6 une assez grande quan-
tite d*eau au Congo.
5<^ Le lac Rikoua parait Stre un bassin ferm^, ce que confirme
la salinity de ses eaux. Le lac Nyassa^ long de 600 kilometres,
large de 24 seulement en certains endroits, est en sonune plus
petit que le Tanganyka (50000 kilometres carr^s au lieu de
39 000) ; mais il est rendu dangereux par de formidables bour-
rasques qui s'engouffrent entre ses falaises rocheuses. II n a pas
d* affluents considerables, et par suite une grande egalite de ni-
veau; recart annuel est de moins d*un m^tre. D se diverse dans
le Zambeze par le Chire,
n. Bassin du Congo. — Le Congo est un des grands fleuve^
de la terre ; c'est en effet probablement le deuxi^me par la gran-
deur du territoire drains par ses eaux : Environ 4 millions de
kilometres carr^s, maintenantque le fleuve Quelle a ete reconnu
son tributaire.
Cour$ superieur. — Le Congo, ou du moins sa branche la plus
lointaine, nait sur le plateau des grands lacs entre le Tanga-
nyka et le Nyassa, k moins de 700 kilometres de la cdte d'Afri-
que, et coule sous le nom de Tchasi et de Tchambeezi vers le
sud-ouest comme s'il allait rejoindre le Zambeze. Mais, arretees
par les monts Lokinga, ses eaux et celles des rivieres voisines
s'amassent k environ 1 100 metres d altitude en un lac ou plutdt
en un vaste marecage envahi k moitie par des roseaux gigantes-
ques : Le lac Bemba ou Bangoueolo. Ce n'est qu'une mare, car
il n'a nulle part plus de 5 ^ 6 metres de profondeur. Au sud-
ouest, un rapide courant, le Louapeula, en sort, serpente vers
Touest puis versle nord et descend, probablement parde nom-
breuses cascades, les echelons du plateau jusqu'^ un deuxieme
lac, le Moero, a 850 metres d*altitude, dont les eaux sont conte-
nues au nord par les chaines de hauteurs du Koua et du Koma.
11 est du reste grossi par de nombreuses riviere^. Le Louapoula
ou Louvoua s^echappe de ce deuxieme bassin par une nouvelle
serie de rapides et entre dans un troisieme reservoir, le Landju
AFRIQUE EQUATORULE. 169
ou se forme le veritable Congo. G*est I^ en effet qu*il recoil son
grand affluent : Le Loualaba.
Le Loualaha^ ne dans le sud, k quelques lieues des sources
du Zamb^ze, est en eifet un puissant 'courant gross! par un
^ventail de riviferes (Loubouri, Kamorondo, Louviyo, etc.) et
qui, apres avoir form^ un chapelet de huitlacs, apporte au con-
fluent avec le Louapoula plus d'eau que ce dernier n*en 'a lui-
m^me. G'est au Landji ^galement qu'aboutit le Loukouga, la
riviere intermittente du Tanganyka.
Sorti du Landji, le Congo estun grand fleuve, profond de plu-
sieurs metres et large de 1 000. 11 continue k descendre vers le
nord, coup^ de temps en temps par un rapide (Nyangou^, Hsen-
doua), jusqu'aux Stanley-falls, groupe de sept cataractes qui
marquent h la fois le changement de direction du Congo vers
ToLiest et le commencement du grand bief navigable du Congo
moyen.
Coun moyen. — Le fleuve alors arrive k 450 metres d'alti-
tude (il en a descendu pr^s de 100 depuis le Landji) d^crit une
immense courbe vers le nord, coulant avec la majesty d'unemer
en mouvement, et sans cesse accrue par de nouveaux fleuves qui
lui apportent les pluies ^quatoriales. Ce sont, k gauche : Le Lou-
bilach, le Loulongo, le Tchouapa, tons profonds et navigables
jusqu*li de grandes distances de leur embouchure, puis surtout
rimmense Kassai, rival du Congo par la longueur de son cours.
Sorti II i 200 metres du marais de Diloh sur le plateau de faite
entre Congo et Zamb^ze, le Kassai couvre une contri&e immense
de la ramure press^e de ses affluents (LotUoua, Sankourou, Lou'
kenidy grossie des eaux du lac Leopold k droite; Kouango k
gauche, venant des monts Hozamba au sud). Decrivantlui aussi
une grande courbe vers Fouest, il rejoint le Congo k Tendroit
ou celui-ci, finissant la sienne, coule vers le sud. La masse du
Kassai est telle, que, dans le d^fll^ rocheux de 400 metres qu'il
traverse avant le confluent, il atteint plus de 40 metres de pro-
fondeur.
A droite, le Congo re^oit successivement : VArouhouimi, de-
venu c^l^bre depuis le dernier voyage de Stanley qui Fa remonte
vers le lac Albert. 11 est coup^ d une infinite de chutes, ce qui
s'explique, puisqu'il descend directement du plateau de Test*
Vltimbiri est connu seulement jusqu aux chutes de Loubi ; le
Mongalaest peu connu ^alement. Le puissant Oubanghi ou Ou-
170 AFRIQIJE.
bandji regoit probablement dans son lit les eaux de rimmense
territoire en partie inconnu qui s*etend entre le Congo frangais,
le Chari et les affluents du Nil. Depuis le voyage de M. van Gele
en 1890, il est certain, en effet, qu'il a pour affluent VOuelle ou
Makoua, le grand fleuve du pays des Niam Niam atteint par
Junker en 1883 et coulant d'est en ouest sous la m^me latitude.
L'Oubanghi, large de 5 kilometres en moyenne, est navigable
pendant 500 kilometres jusqu'aux rapides de Zongo, Venant de
contrees ou Tinfluence de la saison seche du Soudan se fait d6j^
sentir, il est sujet k des variations de niveau : Son lit de 3 kilo-
metres a moins d'un metre d*eau pendant les maigres et jusqu'a
5 metres pendant les crues. La Likoualla^ remontee par H. Jac-
ques de Brazza sur 300 kilometres, YAlimay dans le Congo
frangais, rejoignent encore le Congo sur le plateau interieur.
G'est en aval du Stanley-pool, lac de 210 kilometres carres,
forme par les eaux du fleuve arretees par les montagnes bordi6res,
que finit le cours moyen et navigable du Congo. II descend vers
la cdte d*environ 260 metres, par un escalier de 32 cataractes et
de nombreux rapides qui s'echelonnent sur 275 kilometres de
longueur, Via Mala grandiose, ou les falaises sciees par le fleuve
montent quelquefois k 300 metres de hauteur et ou la masse li-
quide, resserree quelquefois dans un passage de 250 metres de
large, atteint jusqu'a 90 metres d*epaisseur!
Cours inferieur. — A Vivi, apres les rapides de Yellala, com-
mence le cours inferieur du Congo. Cinquante kilometres plus
loin il devient estuaire. Le fleuve puissant a alors jusqu'i 17 ki-
lometres de large et jusqu'A 500 metres de profondeur; la maree
est impuissanle k le refouler et il continue k couler en pleine
mer, un peu devie.vers le nord-ouest par le cpurantmarin qui
remonte la cdte. L'eau reste douce jusqu'^ 22 kilometres en mer,
jaune jusqu'^ 64 kilometres, et le courant porte jusqu*^ 350 ki-
lometres de Tembouchure les debris qu*il a charries. Le lit du
fleuve continue k se creuser au fond de la mer : A 32 kilometres
de la c6te il est k 360 metres de profondeur, tandis qu*on ne
trouve que 180 metres d'eau k droite et k gauche. Le debit du
Congo inferieur varie, d'apres Stanley, de 40000 k 72000 metres
cubes k la seconde : C'est plus qu'aucun autre fleuve de Tancien
monde, et seul, TAmazone, alimente par un climat encore plus
humide, le depasse dans le nouveau.
Le Congo, grossi par des affluents venant du nord et du sud
imiQUB £OUATORIALE. 171
de r^quateur, c'est-i-^lire de pays oil les pluies ne lombent pis
k la mdme epoque, doit k cette circonstance la puissaace con-
sUnte de ses eaux. Cependant le volume de crue de certalnes
rivieres est tel que le grand lleuve s'en rcssent : II subit deut
crues par an qui atteigneut i metres k Vivi : L'une en dtombre.
Crue £ii^ moyenn*.^^ mai'^re .i^l"
Fig. <I. — ComparalSH) d« principim flsnvsi du monde (d'aprts Reclui).
causte par la crue des rivieres au sud de I'^quateur, I'autre en
mai, causae par I'Oubanghi et les tleuvcs voisins.
III. Flbdvbs de la c&tb ooest. — Peu de cfltes sont aussi riches
en rivieres que la cite ouest yers I'Equateur. Le rio del Hey, le
Moungo, le Kameroun ou Wouri, font une ceinture Je marais
au pic de Kameroun. L'Edea, le San Benito, le Mouni, et mille
autres. roulent des masses d'eau considerables. Mais leiir cours
est imparfaitement connu, et leur importance commerciale
nulle, car ils sont toils interrompus par des catsractes k peu
de distance de la mer. Le Moungo cesse d'etre navigable aprSs
120 kilometres, le Wouri apr^slOO, leSan Benito apr^s 35; le
Kmto et I'estuaire du Gabon r^unis ne permettent pas de pen^-
trer k plus de 100 kilometres k TinteHeur.
L'Ogooue' est un fleuve d'tine longueur de 1 200 kilometres, et
172 AFRIQDE.
qui roule plus d*eau que le Rh6ne ou le Rhin (10000 metres
cubes k la seconde). II nait ^ moins de 200 kilometres du Congo,
sur le plateau des BateMsy coule vers le nord, devient consi-
derable apr^s sa reunion avec la Passa, pr^s de Franceville,
puis serpente par des m^andres innombrables et des cataractes
k travers les raontagnes bordi^res et semble vouloir rejoindre le
Gabon; mais, repousse par les contreforts de la chaine de Cris-
tal, il oblique vers le sud-ouest, s*^tale en lacs et en marigots
et finit par le delta de 4 $00 kilometres carr^s qui forme la pe-
ninsule du cap Lopezy au sud de la baie de Nazareth. L'OgoouS
est navigable dans cette derni^re partie de son cours jusqu*^
Ngole k environ 350 kilomtoes dans les terres, mais seulement
pour les embarcations dun m^tre de tirant d*eau. La branche
principaledu delta et la baie de Nazareth ont au moins 6 metres
de profondeur.
Le Kouilou (Niadidsns sa partie sup^rieure) n'a que 600 kilo-
metres de long, mais il naitii moins de 100 kilometres du Congo
et les facilites de son cours lui donnent une importance speciale.
II descend lui aussi Tescalier des montagnes schisteuses par une
serie de chutes infranchissables qui commencent k 60 kilometres
de I'embouchure. Hals, au delk^ il redevient navigable sur
200 kilometres, et une route sans obstacles naturels permet de
gagner de Ik Brazzaville et le Stanley-pool. Le Kouilou-Niadi
pent done servir de d^bouche aux regions du Congo.
Au sud du Congo, les fleuves de TAngola traversent egalement
des gorges profondes. Le Couanza^ descendu du plateau de
Moussombo, non loin des sources du Kassai et du Zambeze, tra-
verse la zone montagneuse dans toute sa largeur, par des cluses
et des cataractes. Apres la derniere, dite de Livingstone, il de-
vient navigable sur 200 kilometres jusqu'^ la mer. 11 regoit k
droite le Loucalla, descendu des terrasses du nord de F Angola
par des chutes dont Tune a 30 metres de hauteur.
Au sud du Couanza, les pluies ne sent plus assez abondantes
pour former des fleuves permanents; nous sortons du domains
de TAfrique equatoriale.
IV. Fleuves de la cote orientale. — Le versant oriental des
monts qui arretent les nuees de Focean Indien est un des mieux
arroses de I'Afrique et les rivieres y sont considerables. Le
Rovouma nait sous le nom de Loudjenda sur le plateau de Blan-
tyre, dans un marais non loin du lac Chiroua dont il etait jadis
AFRIQUE l:QUATOiaALE> 175
l*^missaire, et longe les bases des monts du Nyassa vers le nord-
est, jusqu'i son confluent avec une riviere moins considerable,
le Rovouma proprement dit, qui vient de Touest. II n*est alors
qu'4 226 m^res d'altitude et coule vers Test jusqu*^ la baie
situ^e au nord du cap Delgado. D est navigable sur 300 kilo-
mMres seulement.
Le Roufidji, dont le cours sup^rieur n'est pas enti^rement
explore, semble descendre de la chaine des monts Livingstone k
Test du Nyassa; il est rejoint par une grande riviere couple de
rapides, la Rouehuy qui descend du plateau au nord du lac. Le
Roufidji forme un delta assez etendu (1500 kilomq.) en face de
Tile du Mafia. II n*est navigable que sur 200 kilometres.
Les rivieres au nord sont moins importantes : Le Roufou,
YOuami, descendent des monts de I'Ousagara; le Panj^awi vient
du Kilima-ndjaro, s'unit au Rou-vou, et est interrompu par des
rapides jusqu'^ 40 kilometres de TOcean. Le Tana est grossi
par les torrents du Kenia, et devient un fleuve de 50 metres
de large sur 4 a 10 metres de profondeur, mais, arrive pres de
la cdte, il s'etale dans les terres alluviales de la baie Formosa
en plusieurs canaux sans profondeur.
Le Djouka (Ouebi ou Webbi) nait dans Tinterieur du pays
inconnu des Galla ou Oromo, au sud-est de FAbyssinie, k la
lisiere de TAfrique equatoriale. On croyait m^me jusqu a ces
demiers temps pouvoir le confondre avec TOwma qui coule vers
le sud k travers les montagnes de KafTa; mais ce cours d*eau
aboutit au lac Rodolphe ou Basso-Narok. En tout cas le Djouba
regoit encore assez de pluies pour porter des barques; I'Ame-
ricain Chailie-Long Ta remonte sur 278 kilometres et aurait pu
naviguer encore plus loin.
Les c6tes. — I. C6te occidentale. — A Texception de quel-
ques points oil s'avance la masse isoiee d'une montagne, comme
le volcan de Kameroun, le mont des Elephants, le mont de
TAlouette, et le mont de la Mitre qui a forme la saillie du cap
San Juan, la c6te ouest de FAfrique equatoriale est une terre
k demi noyee d'alluvions amenees par les norhbreuses rivieres
nees des pluies tropicales. Aussi la ligne des paietuviers ou
mangliers indique-t-elle seule le plus souvent la ligne du rivage
dans ces vases mouvantes periodiquement couvertes et decou-
vertes par le flbt. Sous I'influence du courant marin qui longe
la cote du sud au nord, de longs cordons littoraux revetus de ces
174 AFRIQUE.
arbr^s sont venus sMnterposer entre la mer et Tembouchure des
fleuves, qui la plupart, y compris VOgooue\ se trouvent rejet^s
vers le nord. La c6te a done en g^n^ral les courbes peu accen-
tu^es des terres raouYantes fa^onn^es par le flot; elle est mdme
presque droite du cap L(ypez k Saint-Paul de Loanda, Seule la
partie situ6e entre les caps San Juan et Lopez fait exception ; 1^
se trouvent trois d^coupures qui rappellent celles des rivieres
du Sud en S^negambie : Ge sont les baies de CoriscOy I'estuaire
du Gabon, long de 70 kilometres et profond de 8 metres k Yen-
lr6e, de 4 metres encore au fond, et la baie de Nazareth.
Au sud de Testuaire du Congo, la cdte de Y Angola a d'abord
le m^me caract^re ; une seule baie T^chancre, celle de Bango,
au sud de laquelle une longue langue de sable abrite le port
de Saint-Paul de Loanda.
n. GdTE ORiENTALE. — La cdte orientale est une des plus dente-
lees de VAfrique ; elle doit cet avantage en partie au courant de
Mozambique qui rase le littoral de ce nom du nord au sud et le
d^coupe en falaises tout en entrainant les alluvions vers le sud;
ainsi on trouve presque partout Teau profonde. En m^me temps,
des bancs de coraux forment une ceinture distante d'environ
30 kilometres de la cdte, k Tinterieur de laquelle ii y a de bons
ports. Les baies de Mokambe\ de Mozambique, Conducia, Masa-
sima, Memba, etc., sont toutes profondes et sures; au nord du
cap DelgadOj Mikindani, Lindi, Tile de Kiloay d^]k utilisee an
X' siede, Dar-es^Salam, ofPrent de m^me, entre les r6cifs de co-
rail, d'excellents mouillages. Par centre, Bagamoyo et Saadani,
situ^s sur une plage basse au debouche de la valine du Roufou,
ne doivent leur importance qu'^ leur position en face de Zanzi-
bar.
Les lies de Zanzibar et dePemba occupent une position d*une
importance commerciale capitale sur cette cdte. La ville de
Zanzibar, situee dans les parages les plus sillrs de la cdte ouest
de rile, etait destinee k devenir Tentrepdt de I'Afrique orientale ;
le chenal entre Tile et le continent n'a pas moins de 45 metres
de profondeur, et si les grands navires ne peuvent accoster k
quai, ils sont du moins en surety dans la rade par 14 metres de
fond. Peraba a 6galement sur sa cdte ouest un bon port, Kichi-
Kachi, mais I'entr^e en est difficile.
Au nord de Zanzibar, Tanga, Tile de Mombaz, deji grand port
au XIV® siecle, la rade de Melinde, cellos de Lamou, de Manda,
AFRIQUE EQUATORIALE. i75
de Patta, abrit^es par les lies du m^me nom, Kistnayou pr^s du
Djouba, coQtinuent la serie des bons ports qui font de cette c6te
de TAfrique ^quatoriale une region privilegi6e pour la naviga-
tion.
Flore. — La (lore de TAfrique equatoriale varie naturellement
avec la quantity des pluies. Celle du Kameroun et du Gabon ne
diff^re pas de celle de la Guin^e. C'est sur la c6te la m^me forit
vierge avec ses lianes, ses cocoliers et ses palmien a huile, Au*
dessus de i 000 metres seulement, la for^t Equatoriale fait place
sur les flancs du mont Kameroun k des arbres, puis k des gazons
qui rappellent I'Europe.
Le long du Congo et autour des lacs, partout ou Thumidite
constante de Tair s'allie k la chaleur Egale toute I'annee, la forit
vierge occupe tout le terrain qui n*est pas pris par les cultures.
U faut lire dans le dernier ouvrage de Stanley la description de
la grande for^t de V Arotihouimiy ou TexpMition entra le
28 juin 1889 pour n'en sortir que le 5 d6cembre. Presque toute
la region entre le Sankourou et rArouhouiini parait envahie par
la mSme vegetation d'arbres et de lianes entrelacEes. Puissante
par son developpement, cette flore n'est pas tr^s riche en especes ;
les plantes tropicales du Nil s'y rencontrent du reste avec celles
du Cap et de THindoustan.
Vers le sud, la foret vierge ne tarde pas k s'eclaircir en m^me
temps que diminue Thumidite. D6j^ sur la c6te du Loango, les
plaines couvertes de graminees, les « semoi \) ou savanes,
alternent avec les grands bois; entre le Kouiiou et le Congo ces
bois se transforment en buissons, et k Saint-Paul de Loanda, la
forM vierge a compl^tement disparu de la c6te,
De m^me, dans les montagnes a I'ouest du Congo et sur les
plateaux entre Congo et Zarabeze, loutes les hauteurs sont cou-
vertes de brousse et de grandes herbes ; la for^t tropicale ne se
montre que le long des cours d'eau, qu'elle marque dun cordon
verdoyant. De meme encore, la diminution des pluies se traduit
entre le Nyassa et la cdte orientale par Tabsence de bois sur les
terrasses. lis sont remplaces par la brousse, du reste aussi impe-
netrable pour les voyageurs que la for^t vierge elle-meme.
Dans le nord, la substitution graduelle d'une saison s^che aux
pluies tombant toute Tannee arrete Textension de la foret Equa-
toriale k peu prEs au pays des Niam-Niam entre le Congo et le
Nil. Les especes caracteristiques, palmier h huilcy pandanus,
176 AFaiQU£«
arbre h kola^ ne d^passent pas dans cette region les limites du
bassin du Congo, de m^me qu elles ne gravissent pas au sud les
pentesde TAngola.
Par contre, sur tout le versant de Zanzibar, la richesse de la
vegetation est en proportion des pluies. La for^t vierge se montre
souvent tout pr^s de la cdte, et alterne avec des herbes toufTues
et des marais aux joncs gigantesques. Les grands arbres, tyco-
mores ^ tamariniers^ calebassiersy se montrent mSme sur les
pentes des montagnes de FOusagara.
Faune. -^ La faune subit le radme changement graduel du
nord au sud. Gelle du Kameroun et du Gabon est une des plus
riches du monde ; de jour en jour on y d^couvre des esp^ces
nouvelles. Les grands mammif<§res sont encore nombreux dans
rint^rieur. La c6te du Gabon et du Loango est le domaine des
grands singes : Gonlle rendu cdl^bre par les chasses de du Ghaillu,
chimpanzef koultty etc. Les grands animaux y sont encore tr^s
conununs, sauf Velephant, qui 1^ comme ailleurs disparait par
suite de la chasse qu'on lui fait.
La faune est la m^me sur le Congo et les grands lacs. Les
grands pachydermes sont les habitants naturels de cette y^ge^
tation puissante. V elephant n'est pas encore rare en dehors
des grandes routes du commerce ; Vhippopotame et le crocodile
pullulent dans les fteuves au point de gSner la navigation ; le
imffle, le sanglier, Yantilopet le z^bre, lerhinoceros, la panthere^
Yhyhte^ abondent sur les plateaux, mais le lion est rare ; c*est
plutdt un habitant des steppes que des pays k vegetation tro-
picale.
Les savanes des plateaux du sud-ouest sont incomparablement
plus pauvres en especes. Les incendies periodiques, qui brCdent
les herbes sur des dizaines de mille kilometres carres, contri-
buent plus que le climat k les d^peupler.
Population. — La region du Haut-Nil et celle du Congo sont
parmi celles qu*ont le plus desoiees les guerres et les razzias des
chasseurs d'esclaves. Chaque ann^e le Soudan egyptien et la
cdte de Zanzibar etaient le point de depart de carayanes armees
qui revenaient avec des convois de captifs, apres avoir tue k peu
pres trois fois autant de malheureux qu'elles en ramenaient. Le
negrier Zebehr (qui avait conquis le Dar-For pour le compte
du gouvernement egyptien) et TArabe Tippou-Tip, le maitre du
Haut-Congo, ont acquis par ce genre d*exploits une ceiebrite
AFRIQUE £QUATORIALE. 177
europtoine. Mais combien d'autres ont fait et foot encore ce
Irafic de chair humaine I
N^anmoins, telle est la richesse des plateaux de TAfrique cen-^
trale, quMls ne paraissentpas tr^sdepeupl^s. On lvalue la popu
hition tr^s dense de TOuganda et du Haut-Nil k environ 12 mil-
lions d^horaraes. Stanley a estime celle de r£tatdu Congo k une
trentaine de millions ; le Congo fran^ais compte bien 9 millions
de n^gres sur une surface un peu plus grande que la France, et
il y en a k peu pr^s autant au sud du Congo, dans les posses-
sions portugaises. G*est peu si Ton compare ces chiffres k la
superficie du territoire; c'estbeaucoupsil'onsongeauxguerres
de Tesclavage.
Certaines tribus de TAfrique ^quatoriale ont su se grouper et
former des IStats. Quatre principaux royaumes n^gres se sont
partag6 le bassin du Haut-Congo :
1® Le plateau entre les lacs Tanganyka-Nyassa et Bangou^olo
est soumis au roi de la tribu des Bemba, de la race des n^gres
bantou, qui a maintenant pour vassal, pr&s du lac Ho^ro, le roi
de Kazembe\ h^ritier dechu d*une monarchie negre puissante
au xTiii<' si^cle ;
^^ Le haut bassin du Loualaba et du Louapoula constitue
le royaurae du chef Msiri, qui reside k Ounkeya, au sud-est du
Mo6ro. C*est un chef cruel et redoute, qui a organist une arm^e
de deux mille fusils, achet^s aux traitants noirs de TAngola ;
5" II a pour voisin, au nord, Tempire d'Ouroua (ou du Kob-
songo) ; la nation des Roua, en butte aux razzias des marchands
d'esclaves, vit sur la defensive dans des villages caches au fond
de la for^t ou isol^s sur des lies au milieu des lacs. D'apr^s les
nouvelles rapport^es, en 1889, par M. Arnot, I'empire d'Ou-Roua
serait en train de se dissoudre ;
4° A Touest, sur les plateaux du Haut-Kassai, florissait encore,
en 1876, Tempire n^gre le plus vaste connu, celui du Mouata-
Yamvo, chef de la nation des Lounday bienveillants et hospita-
liers, lorsqu'ils ne connaissent pas encore les traitants Stran-
gers. C'etait un empire feodal, oil les chefs payaient tribut; au
rapport de M. Arnot, cet empire s'est Sgalement dSsagrSgS dans
les derniSres annSes.
Au nord de Lounda, vit la nation intelligente des Balouba^
qui ont constituS deux petits Stats vers le confluent du Kassai et
du Lou-Loua.
o6oo. CL. 3*. 12
178 AFRIQUE.
Des£tats se sont formes egalement, dans la region des grands
lacs. Le plus c^l^bre est YOunyamouezi : le « pays de la Lune »,
d^crit par Burton, Speke, Cameron, etc., et qui parait avoir
exists d^s le xyii" si^cle entre le Tanganyka et le lac Victoria.
Actuellement les Oua-Nyamouezi ne forment plus d'Etat auto-
nome, et sont fractionnes en tribus dont les unes sont ind^pen-
dantes, etles autres infeodees aux Arabes de Tabora.
De nombreuses tribus des grands lacs vivent egalement iso*
l^es : Les Oua-Hhay pasteurs au nord-est du Tanganyka; les
Oua-Djijiy dont la capitale Oudjiji est le port le plus frequente
du lac; les Oua-Touta, pillards de caravanes; les Oua^Fiba,
nation de bons marins, sur la rive sud-est du Tanganyka.
Le royaume d'Ou-Ganday au nord-ouest du lac Victoria, est
tout aussi connu par les descriptions qu'en ont faites Speke et
les missionnaires qui ont eu tant a souffrir de la cruaut6 du roi
Mt^sa.
Sur rOuelle, les Mombouttou ou Mombattou ont constitue
quelques petits royaumes ; mais ni le grand peuple des Niam-
Niam^ ni les entreprenants habitants de TOubanghi, les Bou-
banghi ou Apfourous^ ni tant d'autres tribus du Congo, ne se
sont group^s en etats distincts. Du reste, les royaumes existants
sont plutdt des assemblages de chefs payant tribut k Tun d*eux
que des ^tats organises. L'Afrique equatoriale ^tait done d'avance
livree aux etrangers.
G^ographie politique. Partake de TAfrique iqnatoriale*
— Lies Arabes, marchands d*esclayes, en ont 6te les premiers
maitres. Partis de Zanzibar, ils ont p^n^tr^ sur le plateau des
lacs, qu'ils ont couvert de leurs postes armes. U fut un temps
peu eloigne ou TOunyamouezi leur appartenait, oil les chefs de
tribu venaient prendre le mot d'ordre a Tabora, devenue une
capitale arabe. Encore, en 1872, les Arabes soldaient une force
arm^e de 3 000 hommes dans cette region.
lis se sont ^tablis plus solidement encore sur le Haut-Congo^
D^s 1886, dit Stanley, ils depassaient le Tanganyka et venaient
acheter Tivoire chez les Hany^ma. Plus tard, les Europ^ens ont
trouv^ les chasseurs d'esclaves installes en maitres sur tout le
Haut-Congo, depuis les Stanley-Falls jusqu'au Landji. Et ilj»
sont maintenant dans le pays de Msiri, k Touest du lac Mo^ro !
Ils ont couvert de villages et postes arabes la route de Zanzibar;
Nyangoue, le point d'arrivee sur le Congo des caravanes de
AFRIQUE ^QUATORIALE. 17^
Ve&U est une ville arabe, comme les viUes d'Oudjidji et de
Tabora. Le long du Congo, les villages arabes se succMient
k Riba-Riba^ Kibongo^ aux Stantey-Falls, Le veritable roi
de la contr^e est Tippou-Tip» le « Ramasseur de richesses »,
marchand arabe dont les hordes bien armies font la loi. II
a, au sud-est de Nyangou^, une forteresse centrale, KassongOj
QU il a r^uni 9 000 esclaves et fiddles. Stanley lui-mdme et
r^tai du Congo ont ^t^ obliges d*entrer en composition avec
ce roi dea N^riers, et, pour permettre k la station de Stanley-*
Falls d*exister, ils ont di!^ la mettre sous la garde de ce m^me
Tippou-Tip, devenu ainsi Tallin plus que douteux de T^tat
europ^n du Congo.
Maintenant toutefois Thistoire de TAfrique ^quatoriale est
entree dans une nouvelle phase. Son partage entre les puissances
europ^ennes est consomm^.
I. OuEST ALLEMAND. — La c6te occideutale, malgr^ son insa-
lubrite, est occup^e tout enti^re, du moins nominaleroent, par
des etats europ^ens. Au nord, le fond du golfe de Biafra, du
rio del Rey au cap Campo, forme la colonie allemande de
Kameroun, Les comptoirs que la France y poss6dait ont ^te
^changes, en 1885, centre les territoires de la Dubrekah en
Senegambie. Les principaux points occup^s par les Allemands
sur cette c6te de 500 kilometres, sont : Au bas du pic de
Kameroun, Victoria^ future capitale de la colonie, car elle a
Tavantage d une eau pure et d*un bon port. Au fond de la baie,
Kameroun, reunion de villages negres, ou est jusqu*ici le si^gc
de la colonie; au sud. Petit et Grand-Batanga. 11 est difficile
de dire jusqu'ou la colonie s'etend k Tint^rieur. On en a evalue
la surface k 18000 kilometres carr^s et la population k
500 000 kmes;
II. Gabon et Congo franqais. — Les efforts de M. Savorgnan de
firazza et de ses vaillants collaborateurs ont valu k la France la
possession de presque tout le triangle situe entre la c6te, le
Congo et rOubanghi, territoire plus grand que la France elle-
m^me (plus de 600 000 kil. carres). C'est seulement de 1875
que datent les explorations qui ont amen6 ce resultat. Dans un
premiervoyage (1875-1879), H. deBrazza, avec HH. Harche et
Ballay, remontait TOgooue, se convainquait de son inutilitc^
comme voie de commerce, d^couvrait TAlima et la Licona, et
regagnait la c6te apres avoir traite avec toutes les tribus, sauf
i83 AFRIQUE. .
les Apfourous du Bas-Alima. En 1880, il repartait, fondait
Franceville au confluent de rOgoou6 et de la Passa,^ 800 kilo-
metres du Gabon, traitait avec le roi Makoko et les chefs Apfou-
rous, maftres de TAlima, descendait le Congo, et fondait Brazza-
ville sur le Stanley-Pool, ou il laissait le sergent de tirailleurs
s^negalais Halamine avec deux hommes a la garde du drapeau
Iricolore, que celui-ci eut k defendre avec Makoko contre les
tentatives de Stanley. Depuis, le pays a ^te reconnu possession
frangaise jusqu*^ TOubangi; le Congo depuis le confluent de
celui-ci et une ligne partant en aval du Stanley-Pool pour
rejoindre la cdte k Masmbi servent de fronti^re au sud. Au
nord, une ligne partant au sud du cap Campo dans le sens du
parallMe s^pare la zone d*influence allemande et frangaise pres
de la c6te et la fronti^re reste ouverte dans le nord. Une seule
enclave interrompt la ligne de nos possessions sur la cdte : Le
petit territoire du cap San-Juan et de la baie de Corisco, qui,
ainsi que les lies Elobeyy appartiennent k TEspagne. EUe n'y a
d'ailleurs pas fait acte d'occupation effective.
11 ne pent encore 6tre question d'influence effective sur toutes
les tribus de ce vaste territoire; mais on a convert de postes
les principales routes et de grands progres ont et6 r6alis6s sans
effusion de sang. II y a quelques annees encore, les tribus du
Haut-Ogoou^ vivaient parqu^es chez elles, sans pouvoir p^netrer
chez le voisin autrement que les armes k la main ; les objets de
commerce passaient de main en main et mettaient un an a
parvenir au Congo. Maintenant, une arraee de quelques milliers
de noirs, bateliers, porteurs, soldats, circule sur les rivieres et
les routes; les barri^res qui imraobilisaient cette partie df^
TAfrique sont levies.
Les postes fran^ais sur la c6te sont : Libreville, sur Testuaire
du Gabon (1500 habitants, dont 390 blancs), chef-lieu de ia
colonic, apres avoir ete bien pr6s d'etre evacu6 en 1873, a cause
de son insalubrite. Libreville est le point d arrivee de la route
la plus courte de la cdte au moyen Ogoou^. Le cap Lopes,
balaye par les vents du large, aet6 choisi par M. deBrazza, pour
premier poste de ravitaillement de rOgoou6. Loango, vieille
cite portugaise ou le d^barquement est facile, a encore aujour-
d*hui des coraptoirs portugais, frangais, allemands et anglais.
Dans rint6rieur, les postes de Lambarene, Njole, Booue\ La^-
toursvUle^ Mapoko se succ^dent sur TOgoou^ ; Francevillt, sur
V
AFRIQUE ^QUATORIALE. i81
la PasM, est le point de depart de la route de 85 kilometres qui
rejoint I'Alima. Le Kouilou est gard^ par les postes de NgotoUy
Niadi^Loudimay etc. BrazmvUie^ sur le Slanley-Pool, est notre
poste principal sur le Congo;
III. LoANGO poRTUGAis. — Un petit territoire portugais s'inter-
cale entre notre colonie et T^tat du Congo. Cabinda, devenue
une ville fort active gr^ce k Tinteiligence des n^gres k demi
civilises qui I'habitent, est le chef-lieu. Chinchaxo est un point
de reMche;
IV. fiiAT LIBRE DU CoHGo. — L'explorutiou du Congo ne date
pas de loin. Les Portugais, possesseurs de la cdte depuis 1485,
laiss^rent dormir leur colonie pendant trois si^cles. Lesconnais-
sances se r^duisaient a la notion vague d*un grand fleuve sorli
de grands lacs, et qu on mettait en relation tantdt avec le Nil,
tant6t avec le Zambeze. Quelques Portugais, Lacerda entre autres,
avaient p^n^tr^ dans Tint^rieur, mais n*^taient pas revenus.
Enfin, en 1857 et 1858, Burton et Speke decouvraient le Tail-
ganyka. Puis vinrent Livingstone, Cameron en 1874 ; enfm Stanley,
embarqu^ en 1876 sur le Loualaba, r^solvait la question du Congo
en le descendant jusqu'^ son embouchure. Depuis, les explora-
tions se sont succ^d^ avec une rapidity vertigineuse. Giraud,
Boehm, >Kissmaiiii, deerup, Lenz, Mechow, Tappenbeck, Mas-
sari, von Fran<?ois, Grenfell, Ponel, van Gele, et cent autres out
travaill^ dans V a Association intemationale du Congo )) k la
reconnaissance du grand fleuve et de ses affluents.
En 1884, cette Association, fondle apres le grand voyage d^
Stanley, sous la presidence tlu roi des Beiges, deyenait 1* « £tat
indipendant du Congo », Etat neutre dont le roi Leopold devenait
le sottverain, en m^me temps que le principal bailleur de fonds.
Le nouvel Etat a et6 reconnu par TEurope k la conference de
Berlin avec les fronti^res suivantes, au sud : La rive m^ridio-
nale de Testuaire jusqu*a Yivi, le parall61e (te Vivi jusqu*au
Sankouroii, le cours de cette riviere, la ligne de faite entre
Congo et Zambfeze jusqu'au Bangou^olo; k Test : La rive ouest
des lacs Moero, Tanganyka, et le trentieme meridien ; au nord :
Le quatri6me parallele jusqu'a TOubanghi, la rive gauche
de ce fleuve et du Congo jusque vers Manyanga ; U des nego-
ciations laborieuses ont reconnu k Tfitat du Congo une petite
bande de territoire au nord du bas fleuve de mani^re k lui
perraeitre d'atteindre la mer et de construire un chemin de fer
182 AFniQUE.
sur cette rive, Tautre 6tant h peu pr^s impraticable entre Vivi
et Manyanga.
Dans ce territoire d'environ 1 940 000 kilometres carres, on a
commence par occuper les grandes routes des fleuves. Les
l)ateaux k vapeur circulent maintenant sur le bas fleuve jusqu'i
Vivi-Matadi. Le si^ge de Tadministration de cette region a
emigre de Yivi k Boma pour raisons sanitaires; quant au com-
merce, il est surtout concentre h Banana j ^ Tentr^e du Congo :
c'est le port du nouvel Etat sur la mer.
hangilaj Manyanga, Loutete\ etc., garden! la route de cara-
vanes qui tourne les cataractes de Vivi au Stanley-Pool. Leo-
poldville, sur ce lac form^ par le Congo, est I'arsenal de TEtat
neutre sur le moyen Congo. C'est de son port Kinchassa que
partent les vapeurs pour le haut fleuve. Les stations de VEqua-
teuvy au confluent du Tchouapa, de Bar-Ngakiy au milieu de
n^gres qui fournissentk TEtat ses meilleurssoldats; deS/an/^jf-
Falls sur le Congo ; celles de Louebe et de Loulouabourg sur le
Lou-Loua, de Nkaundja sur TOubanghi, de Mpola sur le Tan-
ganyika sont les principaux postes de Tint^rieur.
L*Etat du Congo a ^te declare, en 1885, neutre k perp6tuit^.
Dans le cas ou il serait question de le ceder k une puissance, la
France a un droit de preemption sur toutes les autres, la Bel-
gique except^e.
Les finances du nouvel Etat sont naturellement en deficit.
Les d6penses, pour 1890, sont ^valu^es k 4 millions, les recettes
Il 500 000 francs. L*Etat neutre ne s*est soutenu que grkce aux
sacrifices personnels du roi Leopold et k une avance annuelle
de 2 millions consentie pour 10 ans par la Chambre des repre-
sentants beige. Enfin Tfitat songe a se faire des revenus fis-
caux; impdts directs sur les entreprises industrielles et autres,
phages sur les caravanes qui traversent le Congo, et surtout
droit d'entr^e de 10 pour 100 sur les marchandises ; mais I'a-
doption de cette derni^re mesure est subordonnee a Tassenti-
ment des signataires de la conference de Berlin, et la HoUande,
principal importateur du Congo, Ta refusee jusqu*ici.
V. Angola. — La vieille colonic portugaise d* Angola, qui
8*6tend du Congo au sud de Mossamed^s, comprend 700 000 kilo-
metres carres et 2 millions d*habitants. Environ 4 000 seule-
ment sont blancs, presque tons venus du Portugal et du Br^sil.
et beaucoup ne sont que des immigrants temporaires; c*est
■'^
AFfilOTTP jfiQUATOUTALE. 185
qu^aunord de MossamMes, la race blanche ne s'acclimate gn^re*
Les Br^siliens (pii ont du sang negre dans les veines r^sistent le
mieux au climat.
La capilale de la colonic est Saint-^Paul de Loandat la ville la
plus ancienne et la plus considerable de toule la c6te entre Lagos
etle Gap (15000 hab.). Les autres centres de colonisation sont :
Noki sur le bas Congo ; sur la c6te : Amhriz, Benguela, Mossa*-
medeiy qui date de 1840 seulement, mais k qui son climat sa-
lubre a donne le premier rang pour la population blanche; dans
rinterieur : Ambaca, terminus du ehemin de fer de Loanda;
Malange et Bihe^ avant-postes sur le plateau. Dans la province
de Hossam^^s, Caconda, Huillay sont peupl^es par des Boers du
Transvaal, arrives en 1888 avec leurs families et leurs trou-
peaux, apr^s un exode prodigieux de sept annees k travers les
steppes de TAfrique m^ridionale.
YI. Region des grands lacs et cdTB orientale. — Dans TAfrique
orientale, les puissances sont ^galement en train de remplacer
les Arabes. Apr^s avoir appartenu du xvii<» au xix*' si^cle k Timam
de Hascate, et depuis 1856 k un de ses ills, le sultan de Zan-
zibar, Tempire de la c6te orientale et des grands lacs vient
d'etre partag6 entre TAngleterre et TAllemagne. L'Angleterre
a d'abord ^t^ quasi seule maltresse dans ces parages, et le sultan
de Zanzibar agissait suivant ses inspirations. Mais en 1884, une
societe de negociants allemands proc^d^rent k Tachat d*un
domaine colonial, et Tappui tr^s vif du gouvernement imperial,
exprime par Toctroi d une charte de protectorat et Tapparition
.d*une flotte allemande devant Zanzibar, a forc^ TAngleterre
k un partage.
\^ Possessions allemandes. — Par conventions pass6es en
4886 et 1890, FAllemagne est devenue maitresse de la moiti^
de la c6te de Zanzibar — rachet^e au sultan pour la somme de
4 millions de marcs — et de la partie centrale du plateau des
lacs. La frontiere suit le Rovouma jusqu*au Nyassa dont elle longe
la rive nord-est, passe de la pointe nord du lac k la poiiite sud
du Tanganyka, donttoute la c6te orientale ^choit k TAllemagne,
et se confond avec la frontiere du Congo jusqu*^ la latitude du
Mfoumbiro, pour aboutir au Victoria Nyanza. EUe reprend de
Tautre cdt6 du lac et suit vers le sud-ouest une ligne qui passe
par le Kilima-ndjaro et aboutit k Wanga en face de Tile dc
Pemba.
184 AFRIOUE.
Les Allemands s'occupent en ce moment k organiser ce terri-
toire. Des troupes ooloniales ont vaincu la resistance du chef
Boiichiri que leur avaient suscitee les Arabes. Les ports Lindi,
Kiloa^ Dar-^S'Salam^ Bagamoyo, Saadani^ sont maintenant oc-
cupes par une gamison allemande. Des missionnaires allemands,
k la requite de FAUemagne, sont envoy6s par le pape k Baga-
moyo et dans Tint^rieur. Quelques plantations de caf6, coton,
tabac, commencent k se montrer dans les vallees de FOuami et
du Roufou.
Des explorateurs sont enyoy6s de tons cdt^s pour se rendre
compte des ressources du pays, et ont fond4 les postes alle-
mands de Boukobe, Tabora et Mpouapoua.
2® VAngleterre a eu pour sa part la c6te orientale et
rint^rieur situes au nord des possessions allemandes ; le
pays entre Kilimandjaro et K^nia, tout le nord du Victoria
Nyanza, le riche royaurae de I'Ouganda, enfin les pays jus-
qu'aux lacs Albert-Edouard et Albert rentrent ainsi dans sa
zone d*influence. Les territoires allemands de Vitou et autres^
acquis des 1885, sont devenus possessions anglaises ; de
plus, TAngleterre a proclame son protectorat sur les deux
lies de Zanzibar et de Pemba. Elle a achete a la France
Tabandon du traits de 18C2 (qui garantissait Tind^peodance de
Zanzibar) par la reconnaissance de notre protectorat sur Mada-
gascar.
Les stations europennes sont jusqu*ici Mombazy Tantique
reisidence du roi des Zendji au xiv« si^cle; LamoUf port du
sultanat de Vitou, Port-Dumfordy Kismayou, enfin dans Tin-,
t^rieur, Machako, Kikouyok et Mengo dans VOugarida.
Pays Somal. — Le pays Somal occupe tout le grand triangle
situ^ entre TAbyssinie, le Kenia et le cap Guardafui. Bien peu
de voyageurs (Chailli<^Long, von der Decken, Haggenmacher^
Paulilsciike, Revoil, James et Aylmer, etc) ont r^ussi a pen^trer
a quelque distance dans rint^rieur. G*est, dans son ensemble, un
plateau separfe de la cdte au nord par des monts granitique»
(Gan Liback au sud de Berbera 1 960 met. djebei Karkar^ etc.) et
k Test par des terrasses encore en grande partie inconnues. Le
climat est celui des steppes k pluie d'ete, le vent le plus frequent,
Talize du nord-est. La c6te, moins arros^e que Tint^rieur, est
un desert de plantes salines; les monts ont des for^ts d*acacias
gommiers, palmiers doum, genevriers, etc. Les hauts plateaux.
AFRIQUE fiQUATORIALE. 18&
comme VOgdden (900 met. environ), sont couverts de toufre&
d'herbes serr^es et parsem^s d'acacias.
La c6te du golfe d*Aden, rocheuse et sem6e d*6cueils, n*d
qu*un port sur, Berbera^ (I'ancienne Barbaria des Grecs), Las
Gorif Bender Ghateniy Bender Allouh sont les autres escales.
Le cap Guardafui est une falaise de 275 metres que lescourant^
rendent tr^s dangereuse aux navires. Au sud du ras Hafounr
commence le Barr el-Kkassatn (terre rude), cdte rocheuse de-
plus de 500 kilometres de longueur, avec des falaises de 60 k
120 metres de hauteur. Au sud, Magdoehou, Merka^ eiBrava sont
les seuls ports de cette cdte.
Ces trois ports faisaient partie, jusqu*a ces demiers temps, du
sultanat de Zanzibar. L^Angleterre les a ajout^s k sa colonic de
TAfrique ^quatoriale. Au nord, V Italic sl proclame, le 16 mai
1888, son protectorat sur le sultanat d*Oppia ou Obiat, puis sur
toute la c6te entre le Djouba et le ras Hafoun, enclavant ainsi les
ports anglais. Enfin sur le golfe d*Aden, VAngleterre a xiccvtpi*
Zeilah, Berbera, Las Gori, Bender-Ghazim. Mais la valeur de
toutes ces acquisitions restera probl^matique tamt que les
Somalis, race sanguinaire, cruelle et de plus musulmans fana-
tiqaes, fermwont les routes de Tint^rieur.
G^ographie dconomique. — II est bien difficile, en F^af
actuel, d'evaluer avec precision les ressources 6conomiques que
les Europ^ens pourront tirer de FAfrique ^quatoriale. II est
rare que deux voyageurs aient vu le na^me pays sous un aspect
identique, quails s'accordent sur les qualites du sol, le chiffre de
la population, sur le profit en un mot qu'on en peut retirer.
Enfin toutes les convoiiises acharn^s dont TAfrique est actuel-
lement Tobjet ont rendu tr6s ^pre la lutte des ambitions et de^
int^r^ts. II s^mUe en particulier qu'on se soit donn^ le mot,,
dans un certain camp, pour d6nigrer — on coii^oit facilement
dans quel int^rfit — toutes les entreprises tent^es dans Touesl
et dans le centre de TAfrique. Tout ce pays ne serait qu*uir
d^rt, oCi quelques racines, quelques feuilles de tabac ou de
caf6, n'attireront jamais des colons ni des navires en grand
nombre '. Nous verrons plus loin si les maitres de FAfriqne
orientale ont le droit d'esp^^rer pour leurs possessions un avenir
i. Peschuel-LOsche, Unter-Guinea und Cotigostaat aU Hondets^ und
Wirih^chaftsgebiet.
1
186 AFRIQUE.
beaucoup plus brillunt; cherchons pour le moment quelles sont
au vrai les ressources dont peuvent disposer les pays du Congo.
Le sol, en premiere ligne, k ne considt^rer que ses qualites
intrins^ques, n*est pas d*une richesse productive tr^s grande. II
est constitu^ sur de grands espaces par une terre rougeAtre,
qu*o0 appelle la laterite ct qui est produite elle-radme par la
decomposition de roches diverses; mais cette terre contient
souvent du fer en des proportions assez grandes pour nuire 4
sa fecondite. Sur la c6te, le sol est sablonneux, peu riche en
humus, et la vegetation ne pr^sente gu^re cet aspect luxuriant,
qu'on s'attendrait h trouver sous le climat de TEquateur. Les re-
gions les plus favoris^es seraient encore les vastes etendues que
recouvrent les forSts; Taccumulation, durant de longs si^cles,
des d£ )ris v^getaux y a reconvert le sol d*une couche epaisse
•de terreau tres fertile ; mais la for^t vierge est pr^cis^ment la
partie du pays dont la mise en culture presente le plus d*ob-
stacles. G*est Texploitation qui reclame de la part du colon la
perseverance la plus energique et la plus longue ; des travaux
<le plusieurs annees sont necessaires pour mener Toeuvre k
bonne fin.
Le relief du sol aggrave encore ces inconvenients. U n'est pas
assez considerable pour combattre Tinfluence pernicieuse du
dimat et permettre aux blancs de sejourner et surtout de tra-
vailler dans ce pays tropical; mais il est, par centre, assez puis-
sant pour rendre tres difficiles les relations de la c61e avec Tinte-
rieur. Les gvdXiA^fleuves qui sillonnentle plateau n'ofTriront done
au trafic qu*une utilite relative. Les marchandises pourront sans
doute etre transportees par eau sur des milliers de kilometres k
llnterieur, mais il faudra toujours les transborder k la lisiere
du plateau et les dinger sur les ports d*embarquement par des
voics de terre.
Le climat, qui fait a premiere vue la richesse de ce pays, con-
tribue lui-meme k detruire en partie les bienfaits dont il Tenri-
chit. Au nord Tabondance des pluies tropicales, la regularite
des precipitations et la Constance de la chaleur favorisent le
developpement d'une vegetation riche et abondante, dont la
foret vierge est Tcxpression. Mais c'est aussi la region la plus
malsaine et par consequent la plus inaccessible k Thomme. Au
sud I'air est plus frais, plus sec, partant plus salubre; les
families des blancs prosperent et se perpetuent dans tout le pays
^
AFRIQUE £QUAT0RIALE. 187
au sud du Coanza; mais c'est en revanche la r^ion des savanes,
ou les s^cheresses sont fr^quentes et provoquent dc redoutables
famines.
En r^ume, i*ensemble de ces conditions naturelles n^est pas
favorable au developpement ^conomique des pays du Congo. La
cueillette et la chasse en font aujourd'hui les principales res-
sources. Mais ces ri chesses elles-mdmes s*6puiseront vite. D^ji
les animaux, traqu^s dans les regions du littoral, se retirent
vers rint6rieur et Tivoire devient rare ; les forfits k leur tour ne
fournissent plus avec'autant d*abondance les fruits et les r6sines
qu*on en retirait ; les noirs ont en effet la deplorable coutume
de couper Tarbre, pour faciliter le travail de la recolte.
Mais k mesure qu'animaux et piantes seront plus loin de la
cdte, les frais d*achat s*eleveront rapidement. II est d*ailleurs
trop certain que les depenses necessaires k r^tablissement des
voies de communication, routes ou chemins de fer, ne seraient
pas compens^es par la valeur du trafic r^duit k ces seuls.objets.
La ressource veritable consiste done dans Texploitation m^me
dusol. Mais ici intervient un nouvel element de calcul, dont on
ne peut m^connaitre la port^e. Si queiques voyageurs men-
tionnent certains cantons tr^s peupl^s, il est fort probable que
la density de la population dans TAfrique centrale ne d^passe
pas en g^n^ral 8 a 10 habitants par kilomMre carr^.
C*est le manque de bras qui fait la grande inferiority du Congo.
Si le sol en effet n'est pas tr^s fecond, il est n^anmoins suscep-
tible de porter, sous certaines conditions, toutes les cultures de
la zone tropicale; et T^tablissement de voies de communication,
devenu r^mun^rateur, ne serait plus qu*un jeu pour les Euro-
peens.
C'est, nous le savons dej^, la vegetation spontan^e des FoafiTs,
qui fait pr^sentement la richesse de TAfrique centrale et de la
Ouinee meridionale. Certaines essences fournissent d*abord
d*excellents hois de construction ou des ecorces estimees pour la
teinture. Les fibres du baobab sont employees avec succ^s k la
fabrication des cordages, des etoffes, du papier. Les bananes
sont pour le n^gre une nourriture dont la recolte facile est tou-
jours assuree. Le caoutchouc que fournit par evaporation le sue
laiteux d'une sorle de liane est un des principaux objets de com-
merce sur toute la cdte occidentale. Les colonies porlugaises en
exporlent, chaque annee, pour 4 ou 5 millions de francs et les
I
mS AFRIQUE. I
pays de riiit6rieur en expedient euxnn^mes des chargementsF
considerables. Les gommeis et re'sines sont extraites de diverse^
sortes d*acacias ; et la noix de Kola pourrait s'exporter en grand.
Mais ce sont encore les substances ol^agineiises qui alimentent
pour la plus forte part le conunerce de ce pays. L'Ouest africain
frauQais 6coule chaque annee sur Marseille phisde 8000 tonnes
d'huile de palmes et d*amandeiff destinies k la fabrication d&
Savons parfum^s et de chandelles. Halheureusement cette denr^e
est, par sa nature, tr^ encombrante et d*un transport p^nible.
La zone d*approvisionnement des navires europeens ne peut
d^passer la region c6tiere, tant qu'une voie ferree ou tout au
moins une route ne rattachera pas au littoral la section nurvi-
gable des grands cours d*eau de Tint^rieur.
CuLTORBs. — Le dourah, le manioc, au nord, le mais et le sor-
gho au sud, fournissent le plus fort contingent k Talimentation
publique. En g^n^ral les plantes comestibles indigenes sont peu
nombreuses au Congo, et la plupart de celles qu'on y r^colte
aujourd*hui, pommes de terre, etc., sont d*importation euro-
p^enne. Le riz peut prosp^rer dans toute la region ba^^se, et les
fruiU d'Europe trouventi sous le climat relativement sec de
I'Angola meridional, un champ de culture tr^s favorable. On y
r^coltede grosses provisions d'oranges, de grenades, de raisin$.
Le ca/e peut devenir une grande ressource. On Ta d^ja plante
dans des conditions exceilentes sur les flancs des collines qui
s^parent la plaine basse des hauts plateaux. L'Angda en ex-
porte annuellement plusieurs millions de tonnes, et les Portu-
gais ont recemment construit une route de 80 kilometres, uni-
quement destin^e k roller aux ports de Goanza les cafeteries
les plus productives. Des negociants allemands ont fonde de
ni^me, dans notre colonic du Gabon et sur les flancs du Came*
roun, d'importantes plantations. Le cacao, le the, la canne h
sucr&, reusstssent dans les jardins d*essais des missr^naires el
d^tonent de bond produits.
Les arachidesi se plaisent dans les terrains sablonneux ; elles
tronveront par suite au Gabon et dans TOuest africain un pays
d*etecti<m. Le tabae est cultive un peu partout par les indigenes.
Le sesame est egalement tr^s repandu, et Vindigo est une des
plantes dent la culture donne le plus de promesses. Le climat
du Congo est trop humide pour le coton^ mais dans la region de
MosB^medes il r^ussit k merveille.
AFRIQUE fQUATOBULE. 180
Dans toute la region septentrionale, oii r^gne la for6t, Yelevage
est impossible, mais la volaille est partout tr^s r6pandue. A rest
dans les prairies des environs du Tanganika, au sud dans les
savanes inimcnses qui annoncent d^j^ TAfrique meridionale, les
animaux domestiques sont plus nombreux; de grands troupeauz
de zebu»9 de moutonsy parcourent TOuroundi, et les Boers ont
pousse leur betail jusqu*aux confins des possessions portugaises.
On r^colte dans TAngola beaucoup de miel et de cire.
Les n^gres poursuivent les aniilopet^ les gazelles^ les grands
/aiit;es pour leurs peaux et leurs fourrures; mais c'est leld-
phanty qui procure Tobjet de commerce le plus pr^cieux. Le
nombre de ces animaux a sensiblement diminu^ sur la c6te,
mais suivant Stanley, TEtat du Congo en renfermerait plus de
200 000 ; chacun d eux porte environ 25 kilogrammes A'ivoire.
Hais ce n'est pas encore Fivoire qui est au premier rang des
produits africains. L'Afrique centrale souifre, en effet, plus que
le Soudan lui-mSme, de la traite des enclaves. Pendant trois
si^cles, le pays d* Angola n'a cess^ de fournir des n^gres aux
planteurs du Br^sil. Aujourd'hui encore 60 k 80 000 esclaves
sont enleves chaque ann^e des rives du Congo, et vendus dans
les divers pays musulmans. C'est par Zanzibar, que les Arabes
avaient coutume d*ecouler leur marchandise humaine. La sur-
veillance active exerc^e sur les cdtes n'a gu^re r^ussi qu a le
transformer en un commerce de contrebande.
IfiDosTRiE. — Les ressources minerales du Congo ne sont pas
^ans valeur. On recueille le sel en grande abondance dans la
region du Tanganika; et Kavel6, sur la rive orientale du lac, est
un des marches de TAfrique pour cette denr^e.
L*Angola renferme quelques mines d* argent; on y recueille
^galement im peu de poudre d'or, Mais c'est le cuivre, dont les
gisements sont le plus abondauts dans TAfrique centrale. C'est
le metal le plus generalement employ^ par les indigenes pour la
fabrication de leurs ustensiles.
Le travail industriel est relativement developpe chez quelques
peuplades, les Hombouttous au nord, les Bihenos au sud. La
construction des pirogues est un des arts qui sont le plus en
honneur.
GonMEBCG. — L'Afrique centrale n'est done pas di^pourvue
•de ressources; mais les moyem de communication sont de
midi^re valeur. Tous les cours d'eau ont des cataraatas et ne
too AIUI^E.
peuvent ^tre remont^s que sur unc drstaaca relativement peu
considerable, 400 kilometres sur FOgou^, ^5(1 i peine sur
le Congo et sur le Coanza. Mais sur le plateau afrlcan^ le
Congo ofTre au commerce un r^au de voies navigables qui n*est
comparable qu*^ celui de TAmazone dans le monde. Depuis le
Stanley-pool, ce splendide avant-port du Congo, jusqu*aux Stan-
ley-falls, sur 1 700 kilometres, le ileuve est navigable pour \es
bateaux a vapeur ; et encore peut-on compter sur un second bieV
praticable en amont, des Stanley-falls aux chutes de Msandoun.
D'autrepart, si TArouwimi, qui descend directement du plateau
des grands lacs, n'a que 150 kilometres navigables, et si Tltim-
biri n*en a que 200, TOubangi en a plus de 700, TAIima 550, le
Loualaba 400, le Lomami ou Loubilach plus de 800, le Loulongo
960, le Tchouapa 1 130, et le Kassai-Kouango environ 3000 avec
ses affluents 1 En somme, on estime k plus de 11 500 kilometres
Tensemble de ce magnifique r^seau, qui n*a qu*un defaut, celui
d*etre un bassin ferme, sans communication directe avec la mer.
Or le pays n'olTre aucune ressource en animaux de transport.
Le chameau ne pent pas vivre sous le regime des pluies tropi-
cales; les chevaux, les boeufs, les ^nes ne prosp^rent pas davan-
tage, et perissent rapidement sous les piqures de la terrible
mouche « ts^tze » ; ce n*est qu'au sud du Coanza et aux approches
des pays du Zamb^ze que les boeufs porteurs peuvent etre utile-
ment employes. On se propose, il est vrai, de domestiquer Teie-
phant, comme en Asie; mais la ration journaliere enorme qu41
reclame en fourrages pourrait occasionner fr^quemment de»
retards pr^judiciables au conunerce ou mSme k la securite.
C'est done en definitive aux hommes qu'il faut recourir. 0»
sait avec quelle habilete H. Savorgnan de Brazza a su organiser
dans rOuest africain le service des portages. 11 fonctionne aujour-
d*hui d^une fa^n reguliere, et plus de sept mille hommes, ap-
partenant a di verses tribus, nous pr^tent chaque ann^e leur libre
concours. Cette organisation merveilleuse, si rapidement menee
k bonne fin, est en outre tres favorable aux progr^s de la civili-
sation. Au contact incessant des blancs, qui en est la consequence,
les n^gres perdent vis4i-vis de nous les sentiments de defiance
et d*hostilite, qui les avaient d*abord animus ; et cette transfor-
mation morale ne pent manquer k son tour de se repercuier
grandement sur la valeur economique de notre colonic.
Les sehtiers qui descendent de Leopoldville, le long des ra**-
AFllIQUE fiQUATORIALE. 191
pides da Congo, sont egalement suivis par de nombreuses cara-
vanes de porteurs.
Mais ces moyens de transports n'ont, bien entendu, qu*uno
valeur provisoire. Les Frangais et les administrateurs de l*Etat
du Congo cherchent activement la route, qui ouvrira les commu-
nications les plus faciles entre le point extreme de la navigation
int^rieure du fleuve et les ports de la cdte. Le Kouilou, dont le
cours entier nous appartient, semble remplir les conditions desi^
rees. U n*est sans doute navigable que sur une tr^s faible dis-
tance, mais sa valine, est en pente douce et permet en conse-
quence r^tablissement d*une bonne route.
C*est un chemin de fer qu'on est en train d^^tablir entre le
Stanley-Pool et le cours inferieur du Congo ; le trac6 le plus
commode remonte la rive droite, de Boma, la capitale actuelle
de r£tat du Congo, k Brazzaville. Mais ce projet a Tinconv^nient
— tres grave — d'emprunter le territoire fran^ais et d'aboutir
k une station fran<^aise, et la rive gauche a eu, pour cette seule
raison, la preference: Mais de ce cdt6 la construction de la voie
rencontrera de grosses difficult^s techniques, provenant de la
distribution beaucoup moins r^guli^re des pentes ; Tach^vement
du projet ne pourra qu*en ^tre retards a et pourtant, sans le
chemin de fer, tout TEtat du Congo, quelle que soit Timmensite
de ses ressources, ne vaut pas une pi^ce de 2 shellings^ »
Les colonies portugaises, plus vieilles de plusieurs si^cles, ne
sont gu^re plus avancees. La metropole a pourtant fait ^tablir
quelques routes ; on a mSme commence la construction de la
voie ferree qui doit relier Saint-Paul de Loanda au district d*Am-
baca, le centre des cultures du caf^. 80 kilometres sont deja
livr6s a la circulation, mais les travaux sont continues avec une
lenteur extraordinaire.
Tels sont les principaux moyens de transport, qui permettent
aux denrees de gagner la cdte atlantique; mais il s*en faut
qu*elles suivent toutes cette voie. Sans parler des esclaves, dont
les troupes sont exclusivement dirig^es sur les ports de Tocean
Indien, une grande partie de Tivoire, recueilli sur le Congo,
s*exporte par Zanzibar, d'ou les traitants arabes Texp^dient k
Bombay.
II est difjQcile d'6valuer k plus de 100 millions de francs le
1. Stanley. Proceedings of the R. G. Society, octobre i886>
492 AFRIQUE.
mouvement des echange$ qui s*op&rent annuellement dans ia
region du Congo et dans la Guin^e m^ridionale.
Les exportatioTUt comprennent les amandes el Thuile de
palme, le caoutchouc, Tivoire, le cafe, la cire, les gommes, les
arachides, les peaux de fauves, les liuiles de poisson.
II faut citer parmi les importations , dont la valeur est bien
moindre, les eaux-de-vie allemandes, qui sont partout au pre^
mier rang et constituent parfois la moitie ou les deux tiers des
marchandises vendues par les na vires aux comptoirs de la c6te.
puis viennent les cotonnades anglaises, la verroterie de Boheme,
les perles et les broderies et les divers objets de luxe et d'orne-
ment destines aux chefs, le sel, les- fusils et la poudre, le tabac
et enfin tous les mille objets d'usage europt^en, qu^emportent
les explorateurs pour se concilier la bienveillance des tribus
qu*ils visitent : Yieux uniformes, parapluies, etc.
€e sont les Anglais et les AUemands qui font la meilleure part
de ce conmierce; les Aliemands au nord du Congo, les Anglais
au sud. Les premiers sont les maitres du march^ au Gabon
fran^ais. Le Portugal ne fait de m^me qu un sixieme du com-
merce de TAngola ; les Anglais en absorbent les deux tiers.
Des symptomes heureux permettent toutefois d'esperer que
cette situation deplorable ne tardera pas a se modifier sensible-
ment, du moins en ce qui louche la France. Le gouvernement a
donn^ une impulsion trte active k nos relations avec la c6tc
d*Afrique, en subventionnant un service postal mensuel qui, au
depart du Havre et de Marseille, visitera reguli^rement nos colo-
nies africaines.
Le Congo est d*autre part reli6 k TEurope par plusieurs lignes
etrang^res, qui ont leurs points d^attache^ Lisbonne, Liverpool,
Anvers, Rotterdam et Hambourg.
L'Elat du Congo fait partie de Y Union postale universelle, et
quelques lignes telegraphiques sont install^,es dans TAngola.
Les ports les plus actifs de la c6te de Guinee sont Libreville
au Gabon, Banana aux bouches du Congo, Loanda dans les pos-
sessions portugaises.
Si, pour conclure, on cherche k determiner la valeur respec-
tive des positions occupies dans TAfrique central e et occiden-
tale par les diverses puissances, on remarquera d*abord que
VAngleterre n'a plante son drapeau sur aucun point de cette
Hg^on. Si elle a daiga6 laisser aux Beiges I'honneur et le ra^-
^
1
AFRIQUE £quatorule. 10 ;
rite de faire g^nereusement les frais du nouvel Etat, elle coniple
bien retirer tous les benefices de leurs efforts et recolter la
moisson que d*autres auront semee. Les AUemands, en pro-
t^geant TAutriche dans la p^ninsule des Balkans, ne sont pas
plus habiles.
Nous avons dej^ vu que les Allemandsy tr^s occupes k Test do ]
TAfrique affectent un peu de n^gliger leurs possessions de la !
c6te occidentale, qui sont pourtant leurs premieres colonies. !
Cameroun n'est assurement pas une possession de premier ordre.
Mais le littoral est fertile, habits par une population relative-
ment dense, et les for^ts qui recouvrent les flancs de la mon-
tagne recelent de grandes richesses. Ces ressources suffisent a
la prosp^rite d*une bonne colonie d*exploitation.
Les PortugaiSf qui tirent un si maigre profit de leurs posses-
sions effectives, ne laisse pas que de pretendre au protectorat
du yaste royaume de.Loanda. Rien d ailleurs, sinon la mauvaise
administration, n'empeche leur colonie de devenir un debouche
naturel pour toute la region des hauts affluents du Congo et du
Zambeze.
La France enfin occupe une position de premier ordre, puis-
qu'elle detient la meilleure route d*acces vers les plateaux. Mais
il faut nous hMer ; Tavenir est k ceux qui reussiront a detourner
k leur profit le courant de marchandises, plus ou moins consi-
derable, dont TAfrique pent etre la source.
Mais, apr6s tout, ces considerations ne donnent que la valeur
fl relative » des divers Etats ou colonies, entre lesquels -se par-
tage TAfrique equatoriale du centre et de I'ouest.Chacune de
ces colonies ne vaut done que ce que vaut d*une fagon n abso-
lue » le pays lui-m^me. Or, il ne faut pas oublier que ce pays
n'a, pour bien des raisons, qu*une valeur restreinte et n'aura,
de longtemps, qu'une importance mediocre.
Partie orientale. — La valeur 6conomique des vastes con-
tr^es qui s*etendent sur la c6te orientale d'Afrique, du goU'o
d'Aden au Zambeze, est naturellement tres variable; et si les
connaissances que nous en avons sont moins incompletes que
pour TAfrique centrale proprement dite, il y a neanmoins bien
des lacunes encore dans les renseignements.
Bans la region qui s^etend de Roufidji au sud, jusqu'au Tana,
rhumidit^ est abondante, la chaleur moderee par Taltitude n'est
pas extreme ; et sur les parties les plus privil^giees du plateau,
CfOG. CL. 5*. 13
r
.»>T^
194 AFRIQUE.
les plantes de toutes les zones prosp^rent. On cite les royaumes
d*Ouganda et de Karagou^, parmi ceux oil la terre rouge» ^paisse
de plusieurs metres, est particuli^rement f^conde. II convient
d*ajouter que cette region se distingue aussi par la density de la
population et par les ressources que le grand nombre de bras
et le bon march^ de la main-d'ceuvre peuviBnt en consequence
fournir aux entreprises des Europ^ens. Les chiffres baissent^
il est vrai, rapidement» k mesure qu*on se rapproche de
la c6te.
11 est d*ailleurs tr^s prudent de n'accepter qu'avec beaucoup
de reserves les r^cits enthousiastes que nous rapportent de ce
pays certains explorateurs. S'il fallait les en croire, TOusagara,
l*Ousambara» situ^s k peu de distance de la c6te, devraient Mre
compt^s (( parmi les pays du monde les plus fortunes, les plus
combles de benedictions » . lis surpassent en a productivity »
tous les autres pays coloniauxet on nous annonce qu*ils seront au
XX® siecle un des grands marches de la terre pour les denr^e^
exotiques. Apr6s tout, ce n'est pas impossible, caril est certain
que le plateau des grands lacs est, au point de vue ^conomique^
une des meilleures parties de TAfrique. Ce n'est pas k dire
pourtant qu*il ^chappe aux causes g^nerales d*inferiorite qui
frappent le continent africain : climat dangereux, repulsion
de rindigene pour le travail, difficulte d'etablir de bonnes voies
de communication.
Le pays somal est encore moins favoris^ de la nature. La
vegetation n'est active et la culture n*est possible que sur les
flancs des montagnes de Touest, bien exposees aux vents humides ;
mais le vaste plateau du centre, convert de p^lurages et epai^ne
par la niouche tsetse, est tres propice k Teievage des troupeaux;
la chasse et la pSche sont les seules industries possibles dans la
region basse.
L*Afrique orientale se distingue, on le voit, par des caract&res
tres varies; nous retrouverons necessairement cette variete dans
renumeraton des produits que porte son sol.
La vegetation forestiere est en general moins riche et moins
repandue que dans la partie occidentale et dans le centre meme
du continent. L'Afrique orientale est plutdt un pays de steppes
et d'herbages. On rencontre pourtant d'epaisses forets de coco-
tiersyioni les amandes sont employees en grand a la fabrication
des huiles. Les bananes sont la substance alimentaire la plus
AFRIQUE ^QOATORULE; i05
pr^cieuse; et sur le plateau des grands lacs, elles constituent la
principale nourriture des indigenes. Les arbret h gomtnes ali-
mentent un commerce actif; la gomme copal est, avec le
caoutchouc, un des principaux objets d'exportation de la c6te de
Zanzibar. Hais ces produits s*epuisent rapidement.
Le riz vient dans les terres fortement arros^es des bords
du lac Victoria et dans la zone basse du littoral. Le ble et le
dourah sont les grains que les habitants du nord s^ment de pr^-
f^rence. Le mais et le sorgho sont cultiv^s partout. Le manioc
est une racine pr^cicuse, qui donne plusieurs recoltes annuelles
et dont les noirs consomment une forte quantity.
L*ile de Zanzibar s*enrichit par de vastes plantations d^^picet;
on y recolte le poivre, la cannelle, la noix de muscade, mais
surtout le clou de girofle. L exportation de cette derni^re denr^e
atteint, ann^e moyenne, 8 millions de kilogrammes. La canne h
mere ne r^ussilque difiicilement ; on en trouve pourtant quel-
ques champs dans Tile de Zanzibar. Le cafeier donne quelques
sacs de graines dans TOugdnda et dans le pays des Gallas, mais
cette plante n'a pas actuellement d*importance ^conomique dans
TAfrique orientale. On fonde aussi de grandes esp^rances sur
la culture du tabac ; quelques plantations en ont d^j^ 6t6 ten-
' t^es dans les environs de Bagamoyo. Le plateau somal, Tancien
pays des aromates, produit Vencem et la myrrhe.
La culture du coton est, avec celle du tabac, le genre d*ex-
ploitation, dont les Allemands font avec le plus de complaisance
miroiter les promesses. Toutefois les pluies survenant trop tdt
compromettent souvent la recolte, et sous 1 equateur en parti-
culier, elles sont trop abondantes pendant la saison s^che elle-
m^me, pour qu*on puisse esperer de bons r^sultats. Ce n'est
pas k dire assurement qu'en quelques cantons privilegies, le
cotonnier ne puisse fournir d'excellents produits
Velevage n'est gu^re en honneur sur le plateau des grands
lacs ; mais plus au nord, les Masai, les Gallas, les Somalis sont
des peuples pasteurs et en partie nomades. Outre le betail ordi-
naire, on 616 ve au Somal les chameaux et les autruches.
La piche est une industrie active dans toute I'elendue de
TAfriquc orientale, aussi bien sur la mer que dans les fleuves.
Les Somalis p^chent le requin et en expedient les ailerons jus-
qu'en Chine.
Uais e'est comme pays de chassd que I'Afrique orientale est
196 ^ AFRIQDE.
surtout e^l^bre. Seulement le nombre des animaiix d^croit rapi-
dement, gr^ce k la poursuite dont ils sont Tobjet. C*est pour-
tant la cdte de Test qui exporte la plus forte partie de Tivoire,
fourni par le continent noir, mais c'est du Congo qu*elle en
regoit plus de la moiti6»
Industrie. — L'abondance du fer a permis k Tindustric
m6tallurgique de prendre une certaine extension. C'est surtout
au nord, dans la region du Kiliman-Djaro et dansTOugandaqu^on
rencontre le plus grand nombre de forgerons.
Zanzibar poss^de quelques usines instances sur le modele
europeen; raffmeries de sucre, fabriques d'huiles, etc.
Voies de communication, — Sur la c6te, le climat malsain
s'oppose k r^tablissement des blancs. C'est sur le plateau quo
les essais de colonisation ont le plus de chance de reussir;
mais alors le but ne pent ^tre atteint que si de bonnes voies
de communications rattachent a la c6te le centre des exploi-
tations.
Or, TAfrique orientale est moins favorisee encore, sous le rap-
port des voies navigables, que I'autre partie du continent. Les
grands lacs seront sans doute sillonnes dans un avenir plus ou
moins prochain par des vapeurs ; mais ces lacs sont tous des
bassiiis fermes, ou du moins tous les fleuves qui s'en echappent
sont encombres de rapides et de chutes. Le Zambfeze et le Chire
ne peuvent 6tre remontes qu'en aval des cataractes. Les cours
d'eau qui se deversent au nord dans la mer sont encore moins
utiles; leurs vallees pourront toutefois servir au trac6 des routes
futures. L'une des plus importantes de ces routes sera sans
contredit celle qui, au depart de Dar-es-Salam, en face de
Zanzibar, gagnera le lac de Tanganyka et le Nyassa. Le premier
tron^on de cette route, long de 50 kilometres, est d^jd construit
jusqu'au point ou elle se bifurquera dans les deux directions.
D'autres routes, ayant pour point de depart Mombaz ou Melinde,
se dirigeront sur le Nyanza. — Mais tous ces beaux projets sont
entaches d'un grave inconvenient ; nous savons que dans une
grande partie de I'Afrique orientale, les animaux de transport
font k peu pr^s defaut; la valine du Pangani est un des rares
chemins ou la mouche ts^ts^ n'exerce pas ses ravages : partout
ailleurs elle interdit I'emploi des chevaux, des boeufs, etc. Quel-
ques elephants importes de I'lnde, n'ont m^me pas accompli
leur premiere ^tape. C'est la raison qui a fait adopter par les
AFRIQUE EQUATORIALE. 197
AUemands l'id6e d'une voie ferree qui relierait k la c6te la region
des lacs.
C*est jusqu'^ present par les « porteurs » ou a pagazi » que
s'op6re tout le commerce. Leur charge habituelle est de 25 h
50 kilogrammes. Les caravanes, qui comprennent parfois plug
d*un millier de t^tes, sont organis^es comma une arm^e en
marche; elles ne suivent en general que de simples sentiers, Le
pays n*est pourtant pas enti^rement d^pourvu de routes; on en
signale quelques-unes, aux environs de Roubaga, la capitale de
I'Ouganda. Les missionnaires anglicans ont construit un chemin
qui contourne k Test, par Blantyre, les cataractes du Ghire, et
gagne le Nyassa, Un autre chemin r^unit le Nyassa au Tanga-
nyika.
Zanzibar et Mozambique sont les- deux points d'attache du
dd)ley qui se relie au r^seau general par Aden.
Commerce, — A s*en tenirauxchiffres de statistique, le com-
merce de la cdte orientale ne depasserait pas 50 ou 60 millions
de francs. Encore faut-il observer qu'une bonne partie de ces
valeurs revient au commerce de transit, puisque Tivoire est
apport^ surtout du Congo. Mais en revanche ces chif&es seraient
bien plus forts, si Ton pouvait y ajouter la valeur des ^changes
que les boutres arabes op^rent sur toute la c6te.
C'est en effet par les ports de Toc^an Indien que les traitants
arabes cherchent k ^couler de preference leur marchandise
humaine, k destination des empires musulmans d*Asie. Le port
de Zanzibar expediait k lui seul, dans ces dernieres annees,
plus de 15000 esclaves par an. C'est pr^cis^ment sous couleur
d*aiderle sultan k faire la police de ses c6tesque certaines puis-
sances europ^ennes, prises tout k coup d^enthousiasme^ sont
intervenues k Zanzibar.
Outre les esclaves, la c6te orientale exporte de Tivoire, des
gommes, des bois, des peaux, des huiles, des epices. Elle importe
des tissus, des armes, de la quincaillerie, des boissons, de la
verroterie. Les importations depassent souvent la valeur des
exportations.
C*est avec TAsie que se fait une grande partie de ce commerce ;
les traitants y vendent leurs esclaves et les negociants de la c6te
envoient k Bombay de grosses cargaisons d*i voire, de gommes, etc.
C'est de Tlnde que viennent en retour la majeure partie des coton-
nades et autres objets manufactures, vendus aux noirs. L^altcr-
198 AFRIQUE.
nance si remarquable des moussons n*a pas contribu^ pour
peu de chose a perp^tuer ces relations depuis Tanliquit^ la
plus recul^e : tout le commerce d*echanges sur la cAte de
Zanzibar est entre les mains de « Banyans » venus de Tlnde.
Parmi les puissances europ^ennes c'est I'Angleterre, la France
et I'AUemagne qui participent au trafic dans la plus forte pro-
portion.
U s'en faut d*ailleurs que FAngleterre et surtout TAUemagnc
exercent r^ellement leur influence dans toute I'etendue de ces
pays ; toutes ces limites ne sont encore tracees que sur le papier.
Si FAfrique orientale est plus riche, plus peuplee et a plus de
chance d^avenir que les pays du Congo, il est probable que ses
possesseurs auront lohgtemps k compter avec un obstacle, qui
n'existe pas de Tautre c6te, et que les Anglais dej^ connaissent
en Egypte: ce sont les traitants arabes.
Mais on ne pent nier Timportance du r61e que ces nou^elles
possessions permettront d TAngleterre et k FAUemagne de jouer
en Afrique ; et sans parler des Anglais, qui ont fait leurs preu ves,
il faut rendre hommage k Fhabilete d^ploy^e par les AUemands,
nouveaux venus en la mati^re. Savants, explorateurs, financiers,
commer^ants, aventuriers m^me, tous ont apport^- leur pierre
et travaillent avec un admirable ensemble k Foeuvre commenc^e.
Le gouvernement, favorable eti secret, d6s les premiers joiu*s,
aux entreprises de F « Association de FAfrique orientale ;>, n'est
intervenu officiellement que pour en consacrer les resultats.
La France n'a plants de ce c6te son drapeau sur aucun point
du continent. Mais des titres s^rieux nous permettent de jouer
dans ces parages un r61e considerable: nous possedons Mada-
gascar et les archipels voisins, k quelques heures de navigation
du continent; la grande ile et ses annexes sont riches en produc-
tions agricoles et minieres, elles possedent surtout d'excellents
ports. Les relations avec la cdte peuvent devenirtr^s actives; au
lieu de perdre au developpement economique de FAfrique orien-
tale, nous pouvous done, au contraire, en faire grandement notre
profit.
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Trivier, Mon voyage au continent noir, Bordeaux, 1891 « in-8.
Sujets de devoirs
fL& Gongo» 4tade de geographic physique et ^conomique.
200 AFRIQUE.
Le Nil et les differents pays qu!il traverse.
Le plateau des grands lacs.
Comparer la zone tropicale de I'Afrique avec celle de TAm^rique dii Sud ;
difTerences de relief, climat, etc.
La colonisation europeenne dans I'Afrique ^quatoriale.
Principales Toies de penetration dans I'interieur de I'Afrique.
CHAPITRE Vin
AFRiaUE AUSTRALE
Relief. — L'Afrique auslrale rappelle I'Afrique ^quatoriale
par la disposition generale de son relief. Elle a, comme cette
derni^re, son bassin int^rieur k Fouest, separe de la cdte occi-
dentale par une bande de montagnes : les plaines du Koubango
et du Kalahari font pendant a celles du Congo. Elle a de meme
sa zone de hauts plateaux k Test; le Transvaal est aussi elev6
que le plateau des grands lacs. Enfin c'est egalement dans les
chaines bordi^res de Test que se trouvent les plus hautes mon*
tagnes:
1° La zone de terres elev6es qui separe la cote occideotale de
I'interieur a la forme d'un grand bombement dont la convexite
est k environ 200 kilometres de la mer. Les terrasses s el^vent
d'ailleurs rapidement : a 100 kilometres de la baie de Walfish
on est d6ja k 600 metres de hauteur. Ce plateau est surmonte
(^k eilk de montagnes. Les chaines calcaires du pays des Damara^
d'abord peu elevees (1 100 m.), atteignent 2300 metres dans le
massif de YOmataka, a Test de la Walfish-bay, disparaissent peu
k peu au sud, et se relevent dans le pays des Namaqiuif ou on
franchit un col de 1 600 metres pour passer d'Angra Pequena h
Bethanie.
Dans la colonie du Cap les montagnes s'61event encore : la
chaine de VOlifant se termine par un piton de 2 085 metres et la
montagne de la Tablcy qui forme I'ossature du cap de Bonne-
Esp6rance, dresse ses flancs abrupts k pr^s de 1 100 metres au-
dessus de la ville du Cap.
2^ La zone des montagnes c6tieres qui termine le plateau
AFRIQUG AUSTI\ALE. SOI
africaiu au sud du continent se compose d*une s^rie de croupes
parall^les k la c6te, qui s'etagent en augmentant de hauteur vers
rint^rieur. Les Groote Zivariebergen. (grandes montagnes noires)
ont plus de 2 200 m^res d^altitude. Au de\k de cette zone cdti^re,
des plateaux ou karrou s'etendent jusqu'& TOrange vers lequel
ils s'abaissent en pente douce. lis sont coupes en deux par une
chaine sinueuse, dont le milieu est connu sous le nom de
Nieuveweld, et qui finit k Test par le massif du Compass
(2 700 m.). C*est le noeud orographique des monts du Cap : deux
chaines s'en delachent : I'une qui va finir sur la c6te vers
rembouchure du Key-River ; Tautre qui se recourbe vers le
nord-est, et contribue k former la ceinture orientale de
FAfrique.
3<» C'est de ce cdt6 que se trouvent les plus hautes chaines
de TAfrique australe. Les montagnes bordieres, Jes Draken-
hergen, s'elevent par trois echelons successifs a des hauteurs de
plus de 5000 metres (Champagne-Castle 5160 m., mont aux
Sources 5050 m.^ mont Hamilton 5480 m.). EUes ne forment
du reste muraille que dun cdte : k I'ouest elles ne sont que le ,
rebord peu saillant du plateau, et vers le nord elles prennent de
plus en plus la physionoraie d^mmenses falaises, d'ou le nom
de Randbery (montagne du bord). Les chaines s'abaissent peu k
peu vers le Limpopo, Le mont de Mauch, dans le Transvaal, a
encore.2600 metres, maisle Pimng-Kopy au-dessus du Limpopo,
n'en a plus que 1 570.
A Touest de ce grand plissement, le plateau sud-africain se
maintient k une grande hauteur; le sol du Transvaal est en
moyenne & 15 et 1 400 metres, et s abaisse doucement vers le
Kalahari.
Au del^ du Limpopo, les montagnes ne forment plus de chaine
parall^le a la cdte. Le plateau des Matebeles et du pays de Gaza^
explore par Mauch, Erskine, Kuss, Paiva d'Andrada et autres,
s'el6ve en terrasses irr^gulieres, dominies (^k et la par des mas-
sifs comme VOutobi (12 k 1400 m.) et la chaine de Sita Tonga
(environ 1 500 m.). Vers I'ouest, le plateau est plus eleve (1 000 k
1200 m.), le socle du massif de Manica na pas moins de
2000 metres d'altitude et le sommet du Doe monte k 2400 me-
tres. C'est «ur ce plateau du « Monomotapa » que le voyageur
Mauch a retrouve k 500 kilometres de Sofala, les mines fameuses
de Zimbaoe que les Portugais virent d^jk au xv® siecle et ou ils
202 AFRIQUE.
crurent reconnaitre le pays d*Ophir. La proyenance de ces mines
antiques est encore inconnue.
Climat. — 1^ ZoMB du Zaudeze. — Au sud de TAfrique 6qua-
toriale s'^tend une zone climat^rique assez semblable au Soudan.
Sur le Zamb^ze, comme au Soudan, les phiies ne tombent que
lorsque le soleil s*approche du tropique, c*est-^-dire dans
rh^misph^re austral, pendant les mois d*octobre k mars. La
zone de plus grande chaleur et par suite de depression barome-
trique se trouvant alors dans le sud du continent, les vents
soufflent du nord, des humides regions de I'Afrique ^quatoriale
et de Toc^an Indien. Hais lorsque le soleil, repassant T^quateur,
entralne k sa suite Talize du sud-est qui souffle alors semble-t-il
sur tout le Zamb^ze, la s^cheresse s*6tablit, car Taliz^ laisse k
peine tomber quelques pluies au contact des montagnes bordi^res
et arrive compl6tement sec dans Tint^rieur. A T6t6, k 400 kilo-
metres de la c6te sur le Zamb^ze, il ne tombe pas de pluie pen-
dant tout Thiver; k Inyati, dans Touest du plateau des Mat^beles,
la s^cheresse dure de fin mars k fin octobre, tant que souffle
Talize du sud-est.
Toute cette region est done une region de pluies d'ete comme
le Soudan, et la dur^e de la saison humide parait augmenter de
mSme k mesure qu'on se rapproche de I'^quateur. Ainsi, au
Bangou^olo les pluies durent d'octobre k mai et sont ^valu^es k
environ 1 m. 20 par an. A T^te elles cessent d^j^ fin mars, et la
quantity annuelle n'est plus que de 85 centimetres.
Les temperatures de la region du Zamb^ze sont encore bien
peu connues. On pent dire que 1^ comme au Soudan la saison
s^xhe augmente les hearts du tbermometre. A T^te, k 150 metres
d*altitude, on a observe 4- 38" en et6 et -+- 18" en hiver. Plus
loin, sur les plateaux de Touest, les temperatures de — 4" et
de -f- 58° se sont dej^ presentees.
2<* CdTEs DU Gap. — Le climat des c6tes du Cap presente une
grande difference k Test et k Touest.
A 1 est, la c6te de Natal a comme le Zambeze des pluies tropi-
cales d'ete. Soixante pour cent de la quantite annuelle de pluie
tombent de novembre k fevrier. L*alize, qui augmente de force
en ete par suite de Techauffement des plateaux de rinteriem*,
se heurte aux pentes froides des Drakenbergen, sur lesquelles
se coudensent alors les vapeurs de TOcean. La carte des pluies
de I'Afrique australe montre que la zone la plus arrosee est
AFRIQUE AUSTRALE im
oaturelleinent la plus haule, et coincide avec la grande buv
LlaCKDt
am/ff^^r ;to'f </» ^wt tuitaf//*
-.! I
m\
au'^fffat ae S^
I. — Pluies d« I'Afrique (d'aprfes Bergbaus).
rifire de 3 & 3000 metres qui se dresse ii Test du continent.
A I'oueal, du cAte du Cap, la difference est complete. L'dt^est
204 AFRIQUE,
s:!c, et c*est Thiver qui est pluvieux : 61 pour 100 des pluies
annuelles tombent pendant les quatre moisfroids, de mai k aoftt.
C'est le regime des pluies du Chili, et il est amene par les m^mes
causes. Pendant Thiver austral, le centre de haute pression baro-
m^trique se trouve sur I'Atlantique vers Tequateur, des vents
chauds du nord-ouest soufflent alors sur la c6te du Cap et leurs
vapeurs se condensent a son contact. En et6, au contraire, le
centre de hautes pressions est dans I'Atlantique sud, le vent
souffle du sud-ouest, apporte un air froid et reste sec.
Z^ Cote ouest. -^ Plus au nord, il ne tombe pas de pluie du
lout.
Lk encore, on pent noter une ressemblance avec la c6te ouest
de TAmerique du Sud au nord du Chili. L'air refroidi par le
contact du courant antarctique, qui longe les deux continents,
s ecoule constamment vers la cdte en vents frais du sud-ouest
qui se rechauffent en arrivant sur le continent, et ne laissent par
consequent pas tomber de pluies. II pleut en moyenne une fois
par an k Angra Pequeiia, cinq ou six fois k Walfish-bay. A Mos-
sam^d^s encore, il n'y a eu en vingt ans qu'une douzaine de
pluies reelles. Par contre, on observe la comme au Perou des
i)rouillards humides qui tombent doucement en petites gouttes
pendant la nuit ou le matin.
4^ A rinterieur, la bordure montagneuse diminue les pluies.
Tandis qu'au Cap on observe de 60 a 70 centini6tres de pluies
par an et qu'il en tombe plus d'un m^tre sur les montagnes, le
Transvaal n'en re^oit guere que 40 centimetres et le Kalahari
moins de 20. Pourtant nulle part n*existe le d6sert absolu. Le
Kalahari est une steppe qui n'est pas d^nu^e de vegetation.
La temperature est moins elevee sur les cdtes que sous les
latitudes correspondantesdanslaMediterran6e (moyenne aunuelle
du Cap -h 16°, 5, moyenne de Beyrouth -+- 20^ 6* moyenne de
Natal + 19% 8 et moyenne du Cairo + 21°, 9). Au Cap, c'est le
courant antarctique, vers Natal, c'est I'alize du sud-est qui mo-
dere les chaleurs. Sur le plateau les temperatures sont extremes;
mais la moyenne annuelle est peu elevee egalement, gr^ce k I'al-
titude du pays : Bloemfontein, k 1370 metres, a une moyenne de
-f- 16®, 2 sous le 28«* paralieie. Cette fraicheur relative des pla-
teaux, jointe k la secheresse de Fair, en fait un des pays les
plus sains de la terre. La natalite europeenne y est souvent triple
de lamortalite.
AFRIQUE AUSTRALE. SO .
Hydrographie. — 1<* Toute la moitie occidentale de l^Afriquo
australe n*a pas de cours d*eau permanent. Le Counene, qui des-
cend du plateau de Bihe, est presque toujours k sec k Tendroit
ou il atteint la mer. De ra^me toutes les rivieres qui descendent
vers le Kalahari des montagnes de Mossamedes et du plateau des
Damara n'arrivent pas jusqu*au Zambeze ou les conduirait peul-
Hre la pente du sol et se perdent en chemin dans des cuvettes
peu profondes, ou elles s evaporent en laissant une couche do
sel. Le laciV^ami est une de ces mares aux rivages changeants;
seulement il regoit plus d'eau que les autres et par suite n*est
jamais completement k sec; mais souvent son eau, r^duite par
Tevoporation, depose des cristaux de sel sur ses bords. Apr^s
les crues, le Ngami se diverse par la riviere Zouga dans une
autre lagune, celle-ci tout k fait sal^e, le Makarikari,
2* VOrange marque au sud la limite de cette zone. Long de
2140 kilometres, il descend du Champagne-Castle ou mont
Cathkin, coule d*abord entre deux croupes des Drakenbergen,
puis serpente vers I'ouest a travers le plateau. C*est 1^ qu'il re-
volt un affluent plus long que lui, le Vaal, mais beaucoup moins
considerable par la masse liquide. L'Orange lui-m^me diminue
de volume en coulant sous le climat de plus en plus sec de
Touest. Apres les Anghrabies, grandes cataractes ou il descend
brusquement de 800 metres k 660, il ne regoit plus d affluent per-
manent; il traverse par des defiles profonds la zone des mon-
tagnes bordieres et debouche dans la mer pres du cap Voltab.
Une barre en defend I'entr^e aux navires.
Les rivieres cotieres au sud et a Test de la colonic du Cap ne
peuvent avoir d'importance, par suite du peu de developpement
de leurs versants ; les principales sont V OH f ant-river , sur la c6te
ouest, le Kei au snd, la Tugela a Test.
o<» Le Limpopo, par centre, est un veritable fleuve de 1 500 ki-
lometres, qui, apres etre sorti des collines qui dominent Preto-
ria, decrit au nord un cercle immense autour du Transvaal
avant de descendre par de superbes cascades I'escalier des monts
du littoral. Coulant sous un climat assez sec, le Limpopo n'a que
peu d*eau eu egard au developpement de son cours. On ne pent
le remonter qu'a 150 kilometres de I'embouchure.
Au nord du Limpopo, le Sabi, descendu du plateau de Manica,
se ressent de Talternance des saisons. Pendant les pluies, c'est un
torrent de 2 k 5 kilometres de large, que les bateaux ne peuvent
?06 AFRIQUE.
remonter h cause de la force du courant; pendant la saison eechCt
c'est une petite riviere d'un demi-m6tre de profondeur.
4<^ Le Zamhkze est par sa longueur le qualrieme fleuve de
]*Afrique. N6 sous le nom de Liba sur le plateau d'environ
1 200 metres qui ferme au sud le bassiii du Congo, grossi par
un ^missaire du lac DUolo qui alimente ^galement le Kassai', il
coule d abord vers le sud, dans un pays ou la pente est ^ faible
qu*il s'^tale en immenses marecages au temps des pluies. Au bwit
d'environ 400 kilometres de ce cours de plateau, pendant lequel
il est navigable jusque vers ses sources, il tourne au sud-est et
s'engage dans une region de rapides (Gonye, Katima, Molelo, etc.) .
Deux cents kilometres plus loin, il s'engloutit tout entier dans
une fissure profonde de 120 metres, large de 50 : ce sont les fa-
meuses chutes Victoria j la « Fum6e tonnante », decrites par Li-
vingstone. Le fleuve est alors h 700 metres, mais les rapides ne
sont pas finis ; il lui faut encore descendre ceux de Kansalo, les
gorges de Kariba, la cataracte de Tchikarango, les rapides de
Kebrabassa, avant de couler plus tranquillement et de devenir
navigable.
C'est dans cette partie moyenne de son cours qu'il regoit ses
grands affluents : 1" i Touest, le Tchobe\ qui se deverse en amont
des chutes Victoria, lui apporte les eaux du plateau de Lounda
et est navigable sur une grande partie de son cours. Le bassin
du Zamb^ze s^etend peut-^tre plus loin encore. Le Koubango,
dont les sources sont h 400 kilometres seulement de la c6te oc-
cidentale, et qui re^oit lui-m^me le Kouito, riviere de 800 kilo-
metres, apporte tres probablement une partie de ses eaux au
Tchobe, tandis que I'autre se deverse dans le Ngami; 2® le Ka-
foue\ encore mal connu, vient de Touest et rejoint le Zambeze en
aval des gorges de Kariba. On le dit coupe par une seule cascade;
5^ le Loangoue\ debouchant h Zumbo, apporte au Zambeze les
eaux d'entre Tanganyka et Nyassa.
Dans son cours inferieur, le Zambeze, qui n'est plus qu'a
160 metres d'altitude, traverse encore les montagnes bordieres
par les gorges deLupata, tongues de 17 kilometres, larges de
40 metres parfois, mais ou le fleuve reste navigable avec plus de
20 metres de profondeur. II regoit dans cette partie de son cours
un affluent de grande importance, le Chire\ Deversoir du lac
Nyassa, le Chire n'est coupe de cataractes qu'en amont de Ca-
tonga, sur 75 kilometres au plus^ Le reste de son cours offre une
r
AFRIQUE AUSTRALB. 207
naTigatioD facile aux vapeurs et constitue la voie d*acc^s la plus
facile vers les grands lacs. C'est ce qui explique T^pret^ avec
laquelle rAngleterre a dispute le Ghir(§ au Portugal.
Le delta du Zamb^ze est fort ^tendu. La branche la plus consi-
derable est celle de Koama; une autre branche, le Muto^ aboutit
h Quilimane, mais elle est obstru^e et les bateaux du Zamb^ze
ne gagnent Quilimane que pendant les crues, en utilisant une
autre coulde, le Quaqua. La reconnaissance d'une nouvellc
branche du delta, le Tchinde, va faciliter consid^rablement
Tacc^s du Zamb^ze : d*apr^s le voyageur Rankin, les navires de
400 k 500 tonnes pourront d^sormais y entrer.
C6te8. — 1* La c6ie infertile qui borde la zone s^che du sud-
ouest s'etend presque sans inflexions du cap Frio k la baie de
Saint' Helene, pr^s du Cap. On n*y voit que deux ^chancrures,
WcdfUh-hayj bien abrit^e etprofonde de 7 metres, et Angra-Pe-
quehay longue de 8 kilometres et encore plus profonde (13 k
14 metres) ; mais toutes deux sont d^pourvues d*eau potable. Sur
presque toute la c6te, de longues dunes bordent le rivage comme
dans le Sahara; on en compte jusqu*^ 16 rang^es paralleles au
sud de Walfish-bay.
2« Le cap Saint-Martin^ la baie de Saldanha et la baie de la
Table marquent le commencement d*une c6te toute diff^rente,
le long de laquelle les montagnes bordi^res tombent directement
dans la mer. Capetown^ entour^e par le demi-cercle des mon-
tagnes du Lion, de la Table et du pic du Diable, est ainsi prot^
gee contre les vents du large. De I'autre c6te du cap de Bonne-
Esperancej la baie r^li^re de FaUe-bay est ouverte aux tem-
ples; pourtant on a pu utiliser la crique de Simonstown a
i abri du Cap. La c6te m^ridionale du Cap, Danger-point et le
cap des Aiguilles^ n'offre aucun abri et est k bon droit redout^e
des navigateurs. 11 faut aller jusqu*^ AliwaUSouth dans la Mossel-
bay, pour trouver un port derri^re la p^ninsule du cap Saint-
Blaise. Les bales de Plattenbergy de Saint-Frangoisy sont sans
abri. Port-Elizabeth m^me, la seconde ville du Cap, dans la
baie d^Algoa^ n*est protegee que tr^s imparfaitement par le cap
Recife, L*entree du port d' East-London est impraticable pendant
des jours entiers. Puis, on ne trouve plus d'abri qu'au Port-
Hataly et encore n'est-il pas accessible aux navires de plus de
5 metres.
Le seul port vraiment sOr et profond de toute cette c6te orien-
g M^ ■fa.
208 AFWQUE.
tale, sablonneuse et bord^e de lagunes, est la magnifique bale
Delagoa, destin^e a devenir la porta de sortie de tous les pla-
teaux de rinterieur. Les plus grands vaisseaux y sont k False
par des fonds de 12 ^ 30 metres. Lourengo-Marqvez, au fond
de la bale, a encore une profondeur de 6 metres. Les Anglais
ont voulu mettre la main sur cette clef du Transvaal; une deci-
sion arbitrate du marechal de Mac Mahon, en 1875, a rendu la
bale au Portugal, dont les droits 6taient incontestables.
5<» La cdte de Mozambique^ rasee par le courant de Mozambique
au sud du cap Corrientes, et au nord par un contre-courant, est
ensabl^e et rendue plus datigereuse encore par des recifs de co-
rail. Elle n'a que peu de ports. La bale dlnhambane est vaste,
mais n'a que 4 metres de fond. L'antique Sofala est inabor-
dable aux grands navires. II existe un bon port k Tembou-
chure du Poungoue : Bangue, qui supplantera Sofala ; Quilimane
est jusqu'ici le port du Zambeze, mais il n'est pas, nous I'avons
vu, sur un chenal navigable du fleuve.
Flore. -^ La flore du Zambeze est une flore de transition
entre I'Afrique equatoriale et les steppes. On n*y voit plus de
for^t vierge que dans les bas-fonds ou des endroits constamment
noyes de vapeurs humides, comme les environs des chutes Vic-
toria. La vegetation des hautes herbes domine.
La flore du Damara, du Nama et du Kalahari est franchement
desertique. Les arbustes epineux, acacias, etc., les plantes
grasses, plantes a seve saline, y dominent. Le dattier y manque,
mais elle compte un arbre qui lui est special, le Welwitschia mi-
rabilis (du nom de Welwitsch, le botaniste qui Ta decouvert).
C'est peut-etre la plus curieuse des plantes du desert : le tronc,
qui a jusqu'^ 3 et 4 metres de tour, s'enfonce comme un coin
dans le sol et n'en Emerge que de quelques centimetres; ses
feuilles se reduisent k deux, immenses, etal^es sur le sol et
recouvertes d'un ^piderme qui les fait ressembler k du cuir.
La flore du Cap appartient aux especes temp6r6es et est, gr^ce
k la difl'erence d'altitude, d'une grande richesse : on I'a evalu^e
k 12 000 especes, deux fois plus que I'Europe enti^re, et dans
ce nombre 450 lui sont particuli^res. Elle offre les m^mes Con-
trastes que les cliniats ; presque tropicale vers Natal, temper^e
dans le sud, elle finit en brousse sur la cdte plus s6che de Fouest.
Les foreis couronnent les croupes bien arrosees des Drakenber-
geh et du plateau de Manica ; sur les plateaux de Finterieur, les
AFRIQUE AUSTRALB. S09
pluies moins abondantes ont fait naitre la v^g^tation des savanes^
et le Transvaal est couvert d'herbes k perte de vue. L*altitude y
a du reste amen^ la presence d'arbres snbtropicaux, tfels que
Yoranger et le citronnier.
Panne. — A la v^g^tation de hautes herbes du Zamb^ze cor-
respond une faune tr^s riche. Du temps de Livingstone — et
maintenant encore dans les districts ^cartes — Velephantf le
buffley Vhippopotame^ le rhinoceros^ le lion, Yantilope se ren-
contraient en quantit^s prodigieuses. La girafe et Vautrucke^
b^tes des steppes, ne se montrent qu*au sud du Zambeze.
La faune du Gap est pauvre en esp^ces originates ; mais les
animaui de TAfrique du Zambeze la peuplaient autrefois par mil*
liers. Us reculent maintenant devant la marche envahissante de
rhomme. On ne voit plus gu^re au sud de TOrange que Yhyhie^
le chacal, en fait de carnassiers; Yhippopotame a emigre vers le
Bas-Orange, Yelephant, dans les for^ts de Knysna, sur les bords
de la bale de Plattenberg, oil il est d^fendu de le chasser. Par
contre, les esp^ces europeennes se sont partout acclimat^es.
Au nord, le cours du Limpopo marque une limite d la faune
europ^enne ; la mouche tsetse occupe tout le moyen fleuve sur
une largeur de 20-150 kilometres et le long de la cdte, toute la
zone entre les montagnes, le bas fleuve et au sud la baie de Lagoa.
Absente du plateau de Manica, elle se montre de nouveau sur les
affluents du Zambeze qu'elle accompagne jusqu*au Chir^.
Population. — La population s*est r^partie suivant la salu-
brity etla fertility du sol. La partie de Touest, Damaraland, etc.,
ne pourra jamais nourrir qu'une population clairsem^e. On en
lvalue les habitants k 230000, group^s sur les plateaux; la
c6te est presque d^serte. Us appartiennent k la race des n^gres
bantou au nord (Ovambo, Herrero, etc.), hottentote au sud
vers rOrange (Namaqua, Bushmen); les Europ^ens sont repr^-
sent^s par des m^tis portugais, quelques missionnaires et n^go-
ciants allemands et anglais, et surtout par des Boers immigres.
Les blancs les plus nombreux dans les pays de I'Afrique
australe, sont les Boers, n^s du melange des Fran^ais huguenots
r^fugi^s apr^s la revocation de T^dit de Nantes et des colons
hoUandais. C*est une forte race, ayant h^rite de ses ancStres k
la fois la tenacity hollandaise et le caract^re ind^pendant et
aventureux qui en a fait les pionniers de TAfrique australe. Ce
sont eux qui, apr6s avoir colonist le Cap, Natal. TOrange, lo
GtOG. CL. 3*. i^
m AFRIQUE.
Transvaal, fuyant toujours la domination des Anglais d^test^s,
poussent maintenant leurs chariots et leurs troupeaux errants
jusqu'du Ngami et jusqu*au plateau de HossamM^s. On lvalue
les Boers de TOrange k 55000, ceiix du Transvaal a 60000. lis
sont encore en majority sur les plateaux de Finterieur. Mais la
d^couverte des mines de diamant et d'or a amen^ la presence
d'une quinzaine de mille strangers, et Tindustrie et le conmierce
sont d^j^ entre les mains d'Anglais.
II ne reste de tribus hottentotes qu'au nord de I'Orange (dans
le Griqualand, 52000 Hottentots contre 16000 Europ^ens). Mais
la race s'est perp6tuee au Cap par la classe trfes nombreuse des
metis (environ 90000). La rnoiti^ orientale de I'Afrique australe
est occup^e par une branche de la famille bantou, Cafres, Zou-
lou, Betchouana et Basouto, Us sont au nombre de 400000 dans
la colonic du Gap proprement dite (en tout environ 600000 indi-
genes ou metis contre 500 000 blancs) . La proportion est encore
plus forte dans la Cafrerie a Test : Plus de 520000 Gafres pour
un territoire de 40000 kilometres carres; environ d5 par kilo-
metre carre . A Natal il y en a plus de 400 000 contre 40 000 blancs ;
enlin le Zoulouland est enti^rement peupie de noirs.
Dans le nord du Transvaal, le domaine de la mouche tsets^ est
en m^me temps limite ethnographique. Les Boers se sont tenus
loin du Limpopo et les noirs m^me y sont tr^s clairsem^s.
G6ographie politique. — I. Territoire alleuand. — La
cdte du Coun6ne au fleuve Orange est rest^e sans maitre jus-
qu'en 1884. A la suite de contrats passes par le n^gociant alle-
mand Luderitz avec les chefs indigenes, TAllemagne a pro-
clame son protectorat de I'Orange au cap Frio, malgr^ les pro-
testations de la colonic du Cap et des Anglais en general, qui
revendiquaient volontiers toute I'Afrique australe pour eux. 11
lie leur est reste qu'une petite enclave ou ils avaient fait acte
d'occupation effective : Walfish-bay. Des negociations avec le
Portugal oat ajoute k la colonic allemande la c6te jusqu'au
Counene; k I'interieur, le territoire allemand s'^tend jusqu'au
20* degre a I'esl de Greenwich, mais, k part les comptoirs de la
c6te, cette souverainete est encore nominale; les seuls Euro-
peens qui aient de Tinfluence a Tint^rieur sont les mission-
naires lutheriens du Damaraland .
Walfish-bay, rest6e k I'Angleterre, a ete proclam^e port
Iranc pour attirer le commerce, mais elle manque d'eau po-
AFRIQUE ACSTRALE. Sli
table, et il faut en apporter du Cap. Angra-Pequeha est le si^ge
de radministration allemande. Neu^Barmen^ Bethaniay Warm-
bad, sont les principales missions k Tint^rieur.
II. Cap. — Ce n*est qu*en 1652 que la compagnie hoUandaisc
des Indes orientales fonda la ville du Cap, En 1685, les colons
hollandais furent renforc^s par Tarriv^e des huguenots chasses
par Louis XIY. En 1793, une flotte anglaise, agissant soi-disant
pour le stathouder de HoUande r^fugi6 k Londres, prenait la
ville du Cap. Rendue k la R^publique batave par le traits
d* Amiens, elle fut reprise par FAngleterre d^s 1 806 et lui est
restee aux traites de 1815. Une grande Emigration des Boers
fuyant le regime anglais a amenE en 1834 la fondation de TEtat
d' Orange et la colonisation de NataL DEs 1843, TAngleterre
mettait la main sur Natal et un nouvel exode des Boers,
sous Pretorius, eut pour r^sultat la fondation du Trans-
vaal. L'Angleterre a voulu s'approprier ces nouveaui territoires
conrnie les premiers. En 1848 elle annexait sans fagon la Rdpu-
blique d'Orange, et ne la rendit k elle-mSme qu*en 1854,
quand on s*apergut qu*elle coutait plus qu'elle ne rapportait au
tr^sor. En 1871, elle prenait au mSme Etat d*Orange, contre
une somme de 2 250 000 francs, le Griqualand-Westy et, comme
il renferme les principales mines de diamant, elle ne Ta point
rendu. Le Basoutoland, la Cafrerie^ ont ^\k absorb^s morceau
parmorceau de 1850 k 1885. En 1877, un commissaire anglais
proclamait Tannexion du Transvaal, malgrE les protestations
unanimes des Boers et de la HoUande. Mais les Boers se d^fen-
dirent. Apres la defaite et la mort du g6n6ral Colley, en 1881,
le ministere Gladstone, placE dans Talternative de reconnaitre
ses torts ou d'exterminer un petit peuple qui luttait pour son
droit, a eu le courage de rendre aux Boers leur ind^pendance.
Le Zotdouland, apres une longue guerre contre le roi Cetti-
wayo et les chefs qui lui succEd^rent, a 6t6 annexe en 1887.
Aujourd'hui les territoires anglais comprennent done :
1® La colonic du Cap^ capitale Cape-Town. — Arsenaux mili-
taires k SimorCstowrij dans une crique de False-bay. II y a un
Parlement de deux chambres 61ues ; mais le gouverneur nomm6
par la couronne a droit de veto; la magistrature est egalement
nommee par la m^tropole, et de plus on peut evoquer k Londres
les affaires qu'on veut soustraire k la justice coloniale.
2® Le Griqualand-West n'a d'importance que depuis la d^cou-
242 AFRIQUE.
verte des diaraants en 1869. Capitale : Kimberley (20000 hab.).
Territoire administr^ par la couronne.
3® Le Basoutoland, occupy par TAngleterre « pour assurer
rind^pendance des Basouto centre les Boers de la R^publique
d'Orange » , mais seulement apr^s une guerre contre ces m^mes
Basouto, qui a coAte cent millions de francs. Territoire admi-
nistr6 par un resident nonun^ par la m6tropole.
4<> La Cafrericy annex6e en entier depuis 1885. Des conunis-
saires anglais sont places k c6t6 des chefs et r^glent les rapports
entre eux et les rares blancs du pays.
5<> Natal, maintenant peupl^ aenviron 47 000 Anglais, Alle-
mands, Norw6giens et 40000 coolies indous. Capitale rdelle
Durban (25 000 hab.) Le si6ge du gouvemement est k Pieter-
maritzbourg, k 625 metres d'altitude, au centre du pays.
Golonie « de la Couronne », c*est-i-dire dont tons les services
sont dirig^ par la mdtropole. Seul le conseil l^gislatif a
25 membres ^lus sur 30.
6° Zoulouland (21 000 kilomq.). Ne compte encore que des
postes militaires el des missions.
ni. Orange et Transvaal. — La Republique ou VrijStaai
d*Orange est gouvern^e par un Volksraad ou assemblee popu-
laire ^lue pour quatre ans, et assist^e d'un conseil executif de
5 membres. Les blancs ont seuls droit de vote. Le service miii-
taire est obligatoire. Capitale : Blosmfontein.
La R^pubhque du Transvaalf trois fois plus vaste, est s^parie
de rOrange par un affluent du Vaal, puis le Vaal lui-m^me, et
s*^tend k Touest jusqu'au Griqualand, au nord jusqu'au Limpopo,
h Test jusqu'aux terrasses sup^rieures du Zoulouland, sans
atteindre nulle part la c6te. Gouvern6e par un Volksraad assists
d'un president et d*un conseil de 5 membres ; ne sont ^ligibles
que les Transvaaliens de naissance ou les citoyens propri^taires
(lepuis 15 ans. La Grande-Bretagne a nominalement droit de
contr61e sur les relations 6trang6res de Tfitat. Capitale : Pre-
toria (8000 hab.). Potchefstroom est Tancien chef-lieu.
IV. Territoirgs du Zahbeze. — Apres avoir laiss^ dormir ses
colonies pendant des si6cles, le Portugal a lui aussi faitpreuve
d'activit6 en Afrique. La plupart des itineraires qui croisent la
carte entre TAngola et les bouches du Zambfeze portent des
noms portugais : Lacerda, Baptista et Jos6, Gamitto, Capello ct
vens;I Silva Porto, Paiva d'Andrada, Cardozo, Victor Cordon, el
AFRIQUE AUSTRALB. 213
le plus illustre de tous, Serpa Pinto, ont prouT^ Tactivit^ scien-
tifique des Portugais de nos jours dans cette partie de TAfrique
inconnue ou leurs anc^tres avaient d^}k p^n^tr^. L'action poli-
tique allait de pair avec Texploration. Zumbo ^tait r^occup^
en 1861, Tarri^re-pays de Sofala, le Gazaland et le plateau de
Manicaf soumis en novembre 1889 au prptectorat; on gagnait
\ le sud du Nyassa ou une mission portugaise s*installait h
j Mponda, en novembre 1889, et on commen^^ait I'^tude d*un
chemin de fer le long du Chir^; le major Serpa Pinto sou-
I mettait avec une arm^e de 6 000 Cafres les Makololos, tribu
; pillarde du Chird, et organisait Toccupation arm^e, pendant
' que Victor Cordon passait des trait^s avec les tribus du Sanhati,
affluent meridional du Zamb^ze. D^j& les cartes publi^es k Lis-
bonne marquaient une Afrique portugaise allant de TAngola au
Zamb^ze, quand TAngleterre est violenmient intervenue. Une
grande compagnie anglaise, le Zambezia^ ou British South Afri-
can Company f dont le chef est M. C^cil Rhodes, le premier
ministre du Gap, et le principal actionnaire un membre de la
famille royale d*Angleterre, s*est constitute pour Texploitation
des regions entre le Gap et le Zamb^ze, et a obtenu le 15 octo-
bre 1889 une charte de protection qui lui donne des droits sou-
verains. La convention avec TAllemagne avait limits cette der-
ni^re au 20^ degre k Test de Greenwich, laissant toute la region
du Ngami et des Mat6b6l6s ouverte k I'Angleterre; raais la fron-
ti^re du nord n'^tait pas fix^e. Le Betchouanaland et le royaume
n^gre de Khama ont ^t^ successivement places sous protectorat
anglais et les agents du Zambezia devaient k bref d^lai se heur-
ter aux Portugais sur le Sanhati et le Zamb^ze. D'autre part,
la Compagnie britannique des lacs africains (African Lake Com-
pany)^ fondle en 1878 pour aider les missions du Nyassa et y
faire en m^me temps le commerce, avait le plus grand int^rdt
k s'assurer la route du Chir^, la meiUeure de celles qui donnent
accds au plateau.
Le gouvernement anglais a tranche la question par la force.
Un ultimatum remis en Janvier 1890 au gouvernement de Lis-
bonne Ta somm^ de retirer imm^diatement ses troupes du
Chir6. Par un traits que le minist6re portugais a du se resigner
k signer le 20 aoAt 1890, le plateau du Chird et le Zambfeze
entre les chutes Victoria et Zumbo sont devenus anglais. La
fronti^re du Mozambique portugais suivra d^sormais le Msingue,
214 AFRIQUE.
affluent de Rovouma, la rive est du Nyassa jusqu'^ 15<*30' de
latitude sud, le cours du Rouo, affluent du Chir§, rejoindra le
Zamb^ze en amont de T^td, et en suivra la rive droite jusqu*^
Zumbo, ce point restant portugais avec une enclave de 10 milles
sur la rive gauche. De \h elle court vers le sud-est, laissant le
Sanhati k TAngleterre, coupe en deux le plateau>de Manica, dont
la partie orientale seule reste portugaise, suit le Sabi jusqu*^
son confluent avec le Lounde, et rejoint Textr^mit^ nord-est
du Transvaal.
A Touest YAngola portugais a pour limites TEtat libra
du Congo, le Kabompo, affluent du Zamb^ze, et le Zamb^ze
lui-mtoe jusqu'aux chutes Victoria. Le Portugal ne garde que
le droit d*etablir des chemins de fer et des t^l^graphes dans
rintervalle.
Enfln, le Zamb^ze et le Ghire sont ouverts au commerce
international, le Poungou^ au commerce a;iglais seul.
Ainsi, du Cap au Nyassa, s*^tend une bande ininterrompue
de territoires britanniques ; le Zambezia et la Compagnie des
lacs se donnent la main.
Dej^ le Zambezia diploic une activity d^vorante pour
mettre en valeur les pays conquis. On prolonge le chemin
de fer de Kimberley jusqu'^ Mafekengy k la fronti6re nord du
Betchouanaland; le telegraphe jusqu*^ Fort-Salisbury dans le
Blachonaland ; des stations et postes militaires ont dt^ fond^s
k Mafekeng, Ramoutsa, Palapye, Macloutsie, Victoria, etc.,
et un service de postes fait en douze jours le trajet de Touli
k Fort-Salisbury; la nation guerri^re des Matebeles est de-
venue Falliee des Anglais; enfln la Compagnie a franchi le
Zamb^ze; elle a achet^ chez les Barotse un territoire de
225 000 milles carrds, c*est-^-dire un pays plus grand que la
France.
La colonic portugaise a pour capitale Tile de Mozambique
(10 000 hab.), dej& grand port arabe quand Vasco de Gama y
aborda. Les postes portugais de la c6te sont : Lourengo-Marquez
sur la baie heleigoai ; Inhambane (2 000 hab.); Sofala^ absolument
dechue; Angoche; Tile d*Ibo. Dans Tinterieur : Tete\ forteresse
sur le Zamb^ze k 400 kilometres de la c6te, et Zumbo, en
amont; Chirongij sur le has Chir6; Massara et Villa-Gouveia,
iorteresses sur le plateau de Manica.
36ographie 6conomique. — 1. Region du Zambezb. — On
AFRIQUE ACSTRALE. 215
n*est pas encore fix^ sur la valeur econbmique des pays de
Zamb^ze. Les ravages causes par la traite rendent encore cette
appreciation plus difficile. Tout le pays du Zambeze est vide
d*habitants; en plusieurs districts et sur la cdte de Sofaia
et de Mozambique, elle descend frequemment au-dessous de 0,5,
c*est-§-dire que, plac^e dans des conditions semblables, la
France n'aurait pas 300 000 habitants, la population d*un de
< nos departements ou d'une de nos grandes villes. La traite
' a-t-elle fait toutlemal? 11 est certain que des milliers d'esciaves
ont et6 durant trois si^cles expedi^s de Mozambique vers TAsie,
' TAm^rique, ou simplement k Madagascar ; un nombre bien plus
considerable d'indigenes a du perir dans les guerres et les
famines qui ont ete partout la consequence de cet ignoble trafic.
Mais, d'autre part, comme ce pays devrait pouvoir nourrir, k
n'en juger que d'apr^s sa superficie, 200 millions d*habitants,
il faut bien croire aussi que les conditions physiques du sol et
du dimat ne sont pas ^trang^res k T^tat lamentable ou nous le
voyons aujourd'hui.
En fait, bien que situ^e k peu de distance au sud de TEqua-
teur, cette contree ne possede pas dans Tensemble la vigueur et
la richesse de v^g^tation qui caracterisent la nature tropicale.
Les p^riodes de s^heresse sont d*autant plus redoutables, que
le sol, en majeure partie sablonneux, est par consequent tr^s
permeable et laisse aussitdt se perdre dans les profondeurs,
sans utility pour la vegetation, Teau qu*il regoit. Mais on trouve
aussi sur d'immenses espaces des terrains tr^s suffisamment fer-
tiles et arroses dont la mise en valeur par la culture serait
facile; les tentatives faites par plusieurs soci^t^s de mission-
naires ont prouve qu*une pareille exploitation serait fructueuse.
G'est toutefois T^levage qui, k premiere vue, semblerait devoir
faire la richesse des pays du Zambeze, pays de savanes et de
prairies. Mais un obstacle d'un autre genre s'oppose au deve-
loppement de cette industrie. La terrible mouche tsetse, dont
la piqilire est mortelle pour la plupart des animaux domes-
tiques, boeuf, cheval, chien, exerce ses ravages dans toute la
contree. Le b6tail n*y pourra vivre, tant qu'on n'aura pas trouve
de remade efficace contre ce fl^au.
Le pays du Zambeze semble etre un des pays d*Afrique les
plus riches en mines. La houille, qui n'a ^t6 signalee sur ce
continent qu'en des endroits si rares, y existe en gisements puis-
216 AFftlQUE.
sants dans les environs de la bale de Lagoa et pr^s de T^t6. La
serra Maxinga, prfes de celte derni^re ville, renferme quelques
filons auriferesy mais c'est surtoul dans le pays de Sofala que
les Portugais ont exploits le pr^cieux m^tal. lis avaient cm
retrouver le fabuleux pays d*Ophir dans le massif de Manica, ou
la poudre d'or se trouvait en plus grande abondance. Le fer est
tr^s commun. Les mines les mieux exploit^es par les indigenes
sont encore dans la region de Tet^, qui est ainsi le centre d'un
important district minier.
U. Afrique m^ridiomale. — fiien que situ^e k des milliers de
kilometres de I'Europe, en face d*un ocean vide, et tournant
pour ainsi dire le dos au monde civilise, TAfrique du Gap est
sans conteste une des regions les plus prosp6res de tout le
continent noir. G'est sans doute k son admirable climat, tr^s
voisin de celui de notre M6diterranee, qu'elle doit une bonne
partie de sa fortune, mais c'est aussi h Theureux hasard, qui y
conduisit au xvii» si^cle des races de colons dnergiques.
Merveilleusement aptes k la mettre en valeur, les Hollandais
Tenrichirent par Televage. Si les refugi^s fran(^ais, originaires
des provinces de Fouest et du sud, n^introduisirent pas la vigne
qui existait avant eux, ils apport6rent du moins avec eux les
m^thodes et les proc6des qui devaient donner tant de reputation
aux cms africains. La laine et le vin comptent encore aujourd*hui
parmi les ressources les plus importantes des colonies du Gap.
D'autres mines de richesses ont 6te depuis exploit^es ; mais k
part les m^taux, ce sont surtout des objets de luxe, dont le
caract6re est pr6cis6ment de perdre une grande partie de leur
valeur, k mesure qu'ils deviennent plus communs (diamants,
plumes d'autmche). La concurrence de TAmerique et de TAus-
tralie, ayant d'autre part depr6ci6 fortement les laines, on con-
Qoit que les colons sud-africains aient recherche d'autres res-
sources.
Leur pays au reste n*en est pas avare, grkce a I'^tagement
des climats, et par suite des cultures, gr^ce aussi aux diffe-
rences d'orientation et d'humidit^; toutes les plantes y pros-
perenty depuis celles de nos climats, jusqu'aux cultures tropi-
cales.
DivBRsiTE DES CULTURES. — Lcs plaiucs basscs du Natal et de
la Cafrerie sont abondamment arros^es par les torrents qui
descendent de la montagne. La chaleur est assez forte, et ccs
AFRIQUE AUSTRALE. 5i7
conditions, qui rappellent k certains ^gards celles de Vtigypie^
conviennent admirablement k la canne ii sucre, au riz, a Tm-
digo, au colon, A I'ouest, le climat est beaucoup plus sec;
mais un printemps suffisamment humide, qui d^veloppe les*
bourgeons, et un 6t6 tr^s chaud, qui murit rapidement les
fruits et les emplit de sucre, sont les conditions les plus favo-
rables k la culture de la vigne. GVst ainsi que deux plantes,
dont les exigences sont contradictoires, la vigne et la canne
k sucre, peuvent prosp^rer, presque cdte k c6te.
Derri^re la chaine cdtiere de la colonic du Cap proprement
dite, et dans les hautes vallees du Natal, on s^me k Test le
maU et le sorgho^ k Touest les cereales de nos climats. Plus
haut encore et jiisqu'^ la region du sterile <( Karrou » on ciil-
tive le tabac; mais c*est dej^ surtout le pays des pares a ele-
vagcj pour le gros b^tail et pour les autruches. A mesure qu*on
s'eloigne vers le nord la secheresse augmente; c'est le domaine
du mouton. L'elevage m^rne est impossible sur les bords
du Limpopo, infest6s par la mouche « ts^ts^ », mais le Trans-
vaal, ou cette Industrie est en consequence moins prosp^re, est
un riche pays minier. C'est aussi par les mines que s'enrichira
le D§mara-land, ou le b^tail et les plantes ne trouvent qu'en de
rares cantons Fhumidit^ necessaire k leur entretien.
On voit combien sont varices k Tinfini les ressources dont
dispose TAfrique m^ridionale. C'est en outre un pays tr^s sa-
lubre ou TEurop^en s'acclimate a merveille et pent coloniser
lui-m^me. Le genre m^me d'exploitation le plus r^pandu, I'^Ie-
vage, n'exige qu'un nombre de bras restxeint. Pour les planta-
tions du sud, les pays voisins de llnde fournissent k bon compte
des travailleurs. Les Hindous import6s de Bombay se comptent
par milliers au Natal. Les Chinois eux-m6mes, toujours k TafMt
d'une bonne affaire^ n*ont eu garde, bien entendu, de n^gliger
oe pr^cieux pays. On en trouve dejk quelques centaines; nul
doute que leur nombre ne s'accroisse.
Le grand obstacle est la secheresse ; et le deboisement impru-
dent n'a fait qu'aggraver le mal. C*est le manque d*eau qui rend
le « Karrou » si sterile et dans mainte autre region les fermes
k culture et les pares k eievage n*ont pu se maintenir que grkce
k des travaux coiiteui d'amenagement des eaux. Dans les envi-
rons de la montagne, on a construit, au pied des derni^res
pentes, des barrages et d'immenses reservoirs. Des canaux
218 AFRIQUB.
d'irrigation distribuent ensuite dans les campagnes voisines
cette eau pr^cieuse. Mais plus loin, dans la direction de Touest,
il faut recourlr aux pompes et aux puits.
L'Afrique m^ridionale n'est pas un pays riche en cereales;
elle suffit k peine aux besoins de la consommation locale. Le
Transvaal oriental donne toutefois d'excellents grains, qui pour
ront alimenter un actif commerce d'exportation.
Le froment est la c^reaie la plus r^pandue dans le Cap; le
nidU est la nourriture pr6f6r6e des gens du Natal, et le sorgho
joue le m^me r61e dans les montagnes du Basoutoland.
Les legumes de tout genre sont nombreux et les fruits sont
excellentSy aussi bien ceux de TEurope occidentale, pommes,
poires, que ceux de la zone mMiterraneenne, oranges, citrons.
La vigne pourrait devenir une des grandes richesses de la
colonie. La production k I'hectare est 6norme. La vigne n'a pas
k souffrir au Cap de I'exc^s du froid ou de Thumidite ; elle n'a
pas k redouter les gel^es de printemps oud'automne. Les bonnes
r^coltes sont le cas g^n^ral et les r^coltes extraordinairement
abondantes sont aussi frequentes qu*en France les mauvaises.
Mais en revanche, les planteurs africains connaissent aussi Toi-
dium et m^me le phylloxera; et tout r^cemment le gouverne-
ment colonial a sollicit^ Fenvoi d*une mission fran^aise pour
combattre le fl^au.
Les vins du Cap, et notamment les crus de Constance, ont joui
longtemps en Europe d*une reputation m^ritee et Texportation
s'est ^lev^e en certaines ann^es jusqu*S 50 000 hectolitres.
Le tabac r^ussit partout sur le plateau et les Allemands y
voient une ressource future pour leurs possessions du nord du
tleuve Orange. La quality des feuilles est sup^rieure; mais la
consommation locale est considerable ; et des 2 millions de
kilogrammes qui sont r^colt^s chaque ann^e, aucune parcelle
ne sert k Texportation ; les descendants des HoUandais ont
adopte les habitudes de leurs compatriotes d*origine.
Les champs de canne a sucre couvrent au total plus de
12 000 hectares. La distillation fournit en outre 10 000 hecto-
litres de rhum.
L*arbuste k the, qui pousse dans d*exceUentes conditions sur
les flancs arroses des monts Drakenberg, est n^anmoins peu
r^pandu encore.
On calcule que Velevage occupe au moins le tiers de la popu-
AFRIQUE AUSTRALE. S19
lation; c'est une Industrie tr^s prosp^re dans la colonic du
Gap elle-mdme et dans les r^publiques hollandaises; et c'est, k
vrai dire, la seule ressource des grandes plaines herbeuses de
Touest, dans le pays des Damara et des Namaqua.
Les chevaux sont relatiyement peu nombreux, 6 ou 700 000.
Ce n*est pas non plus au gros betail que convient le mieux la
moyenne partie des p^turages, trop courts et trop sees ; aussi
les bites h comes sont-elles surtout nombreuses dans la region
orientate du Cap et dans les valines de la Cafrerie et du Natal.
C'est, au reste, dans ce dernier pays que les 61eveurs de TEtat
d*Orange m^nent leurs animaux pendant toute une p^riode de
Tannee. On compte environ, dans TAfrique m^ridionale, 5 mil-
lions de bStes i comes. Un grand nombre ne sont employees
qu*aux transports. Ce sont, on le sait, les boeufs qui trainent les
lourds wagons des fioSrs.
Le mouton est la source des plus gros revenus. Un million de
b6tes k grosse queue ne sont destinies qu*& la boucherie ; mais
la race indigene a kik de bonne heure am^lior^e par Tintroduc-
tion de merinos fran^ais et de moutons anglais, qui ont accru
la finesse de la laine. Plus de 12 millions de b(§tes produisent
annuellement environ 40 millions de kilogrammes de laines
d*une valeur de 50 k 60 millions de francs. G*est le dixi^me
de ce qu*exporte I'Australie ; et c'est le quaranti^me de la quan-
tity de laines manufactur^e chaque ann^e dans le monde. On
\oit que le Cap n'occupe plus, dans cette branche d*industrie,
un des premiers rangs.
On a tent6 d'acclimater dans le pays la chkvre d' Angora. Les
essais ont bien r^ussi et le poil dit « mohair » n*est gu^re infS-
rieur k celui d*Asie Mineure. On en recueille 5 millions de kilo*
grammes sur un nombre k peu pres Equivalent debates.
L'61feve de Yautrucke en pares ferm6s a pris une grande exten-
sion depuis Temploi des m^thodes artificielles pour Tincubation
des oeufs : 180000 autruches donnent aujourd'hui 130000 kilo-
grammes de plumes. Mais cette Industrie a cessE d'etre aussi
lucrative.
Mines et Industrie. — Les colonies du Cap et les r6pubJiques
hollandaises sont sans aucun doute les pays d'Afrique od les
richesses du sous-sol sont le plus abondantes et le plus varices.
Les mines de diamant meritent d'etre cities en premiere
ligne. Giles sont situees dans le Griqualand-West, non loin du
220 AFRIQUE.
confluent dii fleuve Orange et du Yaal. Les gisements ne sont
autre chose, d'apr^s les travaux des g^ologues, que des bouches
d*anciens crat^res, que la pression des gaz aurait emplies de
terre k diamant jusqu*^ roriOce. L'exploitation devient done de
plus en plus penible k mesure qu'on creuse ; les puits attei-
gnent d^j4une profondeur considerable, qui d^passe, pour cer-
tains d*entre eux, 150 metres. Quatre puits principaux sont
ouverts ; le plus important est celui de Kimberley, qui a donn^
son nom k toute la region et pr^s duquel s*est bMie la ville
ainsi nomm^e. C*est en 1870 qu*a commence le « rush »; et la
« fi^vre du diamant » n*a cess^ d'attirer dans ce pays des
mineurs en grand nombre. Les mines ont produit, en 1888,
700 kilogrammes de diamants, repr^sentant une valeur de plus
de 100 millions. La baisse forc6e des prix avait un peu diminu^,
pendant quelques ann^es, le chiffre de la production; il s*est
relev^ dans ces derniers temps. Un certain nombre des conces-
sions les plus importantes appartiennent k une Compagnie fran-
f^ise.
De Tautre c6te du Yaal, dans la R6publique sud-africaine,
c'est Vor qui appelle les mineurs et les aventuriers. On en a
d^couvert en de nombreux endroits des filons tr^s riches, mais
que le manque de voies de communication n'a pas encore pennis
d'exploiter en grand. Les gisements les plus connus sont k
rheure actuelle ceux du Witwaters-rand, sur le plateau de Pre-
toria, et k quelque distance au sud-ouest de cette ville. Les
mines de Kaap sont plus k Test, dans la direction de Lourengo-
Marquez. La voie ferr^e qui joindra bientdt ce port k la capi-
tale du Transvaal ne pent manquer de leur donner une grande
valeur.
Diamant et or ne sont assurement que des ressources plus ou
moins passageres ; les mines s'^pui^eront vite. Mais en atten-
dant, elles auront attire dans le pays des masses d'immigrants ;
forces de chercher des moyens de subsistance, ils Tenrichiront
plus tard par la culture ou par Tindustrie. C'est le phenom^ne
que nous avons vu se produire en Amerique et en Australie, et
tout presage que TAfrique m^ridionale aura la m^me histoire.
La houille ne manquera pas, en revanche, de d^velopper dans
les Etats du Cap une active Industrie, quand Textraction sera
faite avec plus de raethode, et les transports moins couteux.
Les gisements soni souvent k fleur de terre, et si le minerai du
AFRIQUE AUSTRALE. 321
Stonnbergen (Natal) est de quality mediocre, le charbon du
Transvaal est excellent. Les mines de combustible de ce dernier
pays ont en outre Tavantage de n*Stre pas situ^es k plus de
150 kilomMres de la cdte; et les strat^gistes ont fait remarquer
toute rimportance qu*elles pourraient ^ventuellement acquMr
pour nod navires de guerre et de commerce, au cas oi!i TAngle-
terre nous fermerait ses d^pdts de charbon du Cap.
Le cuivre est le m^tal usuel dont on retire du sol la plus
grande quantity. On exploite quelques mines dans le Namaqua-
land; mais c*est k Ookiep, k 140 kilometres de la c6te m^ridio-
nale, que Textraction est le plus active. Gette locality est relive
par un chemin de fer k Port-NoUoth, qui exporte chaque annee
-20 000 tonnes d'un excellent mineral, pour une valeur de
plu9 de 15 millions de francs. On signale mdme des mines de
fevy de cobalty de manganese, Le sel se recueille sur la c6te
occidentale ; et des iles k guano situ^es non loin de cette c6te sont
mises en exploitation r^guli^re.
Ifais malgr^ toutes ces richesses min^rales, Vindustriemanu'
facturikre est encore relativement peu d^veloppee dans la
colonie du Gap. En somme, le travail industriel ne s'appliqne
encore qu*li la transformation premiere des produits de l*agri-
culture, lavage des laines, minoteries, tanneries, raffineries,
distilleries. Le Gap est encore un pays essentiellement agricole,
mais il poss^de toutes les conditions n^cessaires au d^veloppe-
ment d*une puissante industrie.
VoiEs DB COMMUNICATION. — L'Afriquc mdridionalc est relative-
ment bien outill^e en voies de communication. Ge n*est pourtant
pas que les fleuves offrent de grandes ressources; ils sont
absolument impropres k toute navigation. La mer, il est vrai,
contourne tout le pays et les abris sont suffisamment nombreux ;
mais les relations entre la cdte et Tint^rieur ne sont pas moins
difBciles que dans la plupart des autres pays d'Afrique, grdce
au rebord sur^Iev^ du plateau, qu'on ne franchit qu*au moyen
de rampes extrdmement raides. Ge n*est (\o!k 1 800 et m6me
2 000 metres que les routes et les chemins de fer, qui s'engagent
dans rint^rieur, coupent la cr^te de ce rebord et p^n^trent sur
le plateau.
De bonnes routes s'^tendent sur 15 000 kilometres; elles se
prolongent au nord, k travers le pays des Bechuanas par des
chemins qui aboutissent au lac Ngami et au Zamb^ze.
22S AFRIQUE.
Les chemins de fer ont une longueur de plus de 3 000 kilo-
metres; ce sont, pour la plupart, des lignes de penetration,
unissant aux ports les villes de rint6rieur; la plus importante
est la voie qui du Cap gagne Beaufort, Hopetown, Kimberley et
Hafekeng, et qui aura un embranchement sur Pretoria, dans un
avenir prochain. Mais jusqu'^ present TEtat d'Orange n*est relie
k la cdte par aucune voie ferree. La ligne de rails qui existe
entre Port-Natal et Ladysmith n*est que le premier Irongon du
chemin de fer qui franchira les monts Kathlamba k 1 900 metres
d*altitude et desservira Bloemfontein. G'est par les wagons a
boeufs que toutes les laines de ce pays gagnent encore Port-
Nat&l. Mais le chemin de fer ne changera pas la situation de la
petite republique vis-^-vis de TAngleterre; elle restera sous
la tutelle commerciale de sa puissante voisine.
Le Transvaal est plus independant; le d6bouche naturel de
toutes ses marchandises est en effet la baie Delagoa, qui appar-
tient au Portugal. Nul doute que le mouvement commercial n*y
prenne une grande extension, quand la voie ferree qui I'unit k
Pretoria sera completement terminee. Les Portugais ont con-
struit la section qui se trouve dans leurs possessions ; les rails
sont dej^ pos6s k Tinterieur du plateau, mais les ing^nieurs
n*ont pas encore attaqud la region montagneuse qui separe les
deux trouQons.
A part LourenQO-Marquez, les ports dignes d'etre cit^s sur la
cdte sud-africaine sont Port-Natal, la « marine » de Durban,
East-LondoHy Port-lSlisabeth, le plus important pour le mouve-
ment des echanges, a Tentree de la baie d'Algoa, Mossel-Bay et
le Cap.
18 000 kilometres de fits telegraphiques sillonnent les Etats
de TAfrique du Sud ; un cdble sous-marin fait le tour du conti-
nent et se prolonge de deux c6tes jusqu'^ Aden d*une part, jus-
qu*^ Lisbonne de I'autre.
Commerce. — On pent evaluer k 700 millions de francs le
mouvement annuel du commerce dans TAfrique meridionale;
500 millions sont la part des possessions anglaises, 75 mil-
lions reviennent k I'Etat libre d'Orange et environ 425 mil-
lions a la Republique sud-africaine, beaucoup plus vaste que ce
dernier pays. Dans les colonies anglaises les importations euro-
peennes depassent sensiblement les exportalions, ce qui n*est
pas du tout un signe certain de faiblesse ou de decadence. Le
AFRiQUE AUSTRALE. 213
m^me ph^nom^ne se reproduit n^cessairement dans toutes les
colonies de peuplement, ou les progr^s de Tiudustrie ne sont
jamais aussi rapides que ceux de Texploitation agricole.
Ce sont, bien entendu, les diamants, qui fournissent k YexpoT'
taiion le chiffre le plus ^lev^; les laines, Tor, les minerais de
cuiyre, occupent le second rang; les plumes d*autruche, les peaux
et les cornes, le sucre de canne, les vins, viennent ensuite sur la
liste des produits africains vendus k Tetranger.
Les importations comprennent les tissus de coton et de laine,
les articles de mode, les objets de mercerie et de quincaiUerie,
les substances alimentaires, farines d*Australie» caf6, th^, etc.,
les machines.
VAngleterre fait les 9/10 du commerce de la colonic du Gap,
et m^me la part qu*elle prend au mouvement des ^changes dans
les r^publiques du nord-est n*est gu^re moins considerable. Sur
5 millions et demi de tonnes qui entrent dans les ports de
FAfrique du sud, plus de 5 millions sont converts du pavilion
anglais.
S'il est permis aprfes ces chiffres de citer une autre puissance^
c'est VAllemagne qui viendrait au premier rang. Le commerce
de Hambourg avec le Cap s*accroit d'ailleurs d*ann6e en annee ;
les navires de Tancienne Compagnie Woermann apportent des
charbons, du ciment, de la biere, des bougies, de la dynamite
(3 000 quintaux), etc. Quant au territoire allemand, ce n'est en
grande partie qu*un desert, dont les richesses minerales ne
semblent pas devoir r^pondre aux esp6rances qu'on en avait
conQues. L'elevage m^me ne rencontre que des conditions pr6-
caires; ce n*est qu*au nord, sur les bords du Goun^ne et au sud
dans les environs imm6diats du fleuve Orange que les colons
pourraient cultiver un peu de tabac et de coton et recolter
quelques figues. Faut-il ajouter que les rares tentatives d*6ta-
blissement faites jusqu'alors n'ont pas et6 tr^s encourageantes.
La population, de plus, est tr6s hostile et Tattitude des Anglais
n'est gu^re moins malveillante vis-^-vis de leurs voisins. On se
plaint amerement Tun de Tautre, et les journaux de Londres
ne cessent d'annoncer que TAUemagne leguerait volontiers k
d*autres Thonneur de tirer parti du Namaqua-Land. Les AUe-
mands, desenchanl6s eux-m^mes, tournent d un autre c6te leurs
entreprises. On a fond6, k Berhn, une soci6t6 du « Pondo-
land » qui se donne pour mission de coloniser ce canton a for-
224 AFRIQIE.
tiiii6 D de la Cafrerie, et qui y poss^de d6j§ 150000 hectares.
Les Frangau et les Portngais ne prennent qii*une part insi-
gnifiante au commerce de TAfrique m^ridionale; mais la France
^tablie k Madagascar pourra jouer dans Tavenir un rdle notable,
et le Portugal, qui se reveille d'une longue torpeur, ne man-
querapas de profiter des relations que le cheminde ferva cr^er
entre la baie de Lagoa et le Transvaal.
L*£tat d'Orange restera toujours en revanche une annexe de
la colonie du Cap, et la colonie du Cap elle-m^me, tiraillee entre
des populations qui se d^testent, ne pourra garantir son avenir
^conomique qu*en ouvrant par la culture, k son commerce, des
ressources moins al^atoires que les diamants ou les plumes
d*autruche. Elle ne peut d^j^ plus soutenir la comparaison avec
TAlg^rie, d'origine si r^cente.
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AFRIQUE IKSULAIRE. 225
CHAPITRE IX •
AFRiaUE INSULAIRE
PREMIERE SECTION
ARCHIPELS DU N0R0-0UE8T
Mad^re, les Canaries et Tarchipel du Gap- Vert, qui se succe-
dent au nord-ouest de TAfrique, ne font pas partie du socle du
continent africain. Des profondeurs de 1 000 metres, de
5000 metres m^me au sud-est des lies du Cap-Vert, isolent ces
archipels volcaniques, qui semblent plut6t les restes d'un con-
tinent disparu au cours des dges geologiques. En tout cas, par
ie climat, la faune, la flore et les habitants, ils forment au milieu
de TAtlantique autant de petits mondes k part.
G6ographie physique. — 4° Madere. — Les quatre iles de
Mad^re, situ6es k 900 kilometres du Portugal et k 700 du Cap
Cantifi en Afrique, sont des volcans surgis des profondeurs de
I'oc^n (2 000 metres deprofondeurentre Madere et Porto-Santo),
<lont les laves tr6s anciennes se sont recouvertes de verdure.
L'ile de Madere est une masse oblongue d*environ 700 kilometres
carr^s, haute de 800 metres, avec une ar^te de i 800 metres
(Pico Ruivo 1 847 metres) qui la divise en deux versants herisses
de gorges profondes et finissant en falaises sur la mer. Poi^to'-
SantOf beaucoup moins etendue, est aussi moins accident^e.
Le climat de Madere est c61ebre parmi tons par son egalit^.
Pendant r6t6, Valize du nord-est souffle sans interruption et
fnod^re la temperature. En hiver, Madere rentre dans la zone
des vents variables, et les tildes vents d*ouest dominent; aussi
fevrier, mois le plus froid, a-t-il encore une moyenne de
15^ 1/2, tandis que le mois le plus chaud ne depasse pas
22 degr^s de moyenne ; aiusi Tecart annuel n*est que de 7 de-
gres. Le vent du desert, le « leste », souffle rarement. II ne plei^t
pas beaucoup k Madere (0 m. 74 par an k Funchal).
GrKce k ce climat exceptionnel, a son relief et k ,sa proximite
GiOG. CL. 5*. 15
226^ AFRIQUE,
de deux continents, Madere a une flore magnifique. Elle compte
des railliers de plantes europ6ennes et africaines; les esp6ces
les plus differentes, le poirier, le bananier, le pin et le palmier,
le laurier et le mimosa ont trouve place sur ses pentes. On dis-
tingue 3 zones superposees : 1" jusqu'i 750 metres les champs
et vergers des esp^ces terap6r6es (les bananiers s'arrfitant dej& a
250 metres) ; 2* jusqu*^ 1 600 metres les lauriers et bruyferes ;
3° au-dessus de 1 600 metres, les gazons et plantes alpines d'Eu-
rope, myrtilles, etc.
La population est 6galement nombreuse. De 16000 habitants,
au XVI® siecle, elle est mont^e k 140000, soit 165 par kilometre
carr6. Madere regoit chaque annee la visite d*une foule d'6tran-
gers, venus du nord pour y passer la mauvaise saison. Les fonc-
tionnaires et residents de la c6te de Guinee viennent en masse y
respirer Fair frais, et ce double afflux de visiteurs temporaires
est, comme en Suisse, une des principales sources de richesse
des habitants.
L'archipel de Madere forme une province du royatime de Por-
tugal. La capitale administrative estFunchal (20000 habitants).
Porto-Santo n a que 1 750 habitants en tout.
2<» Canaries. — L*archipel des Canaries, ^107 kilometres de
la c6te saharienne, se compose de 7 iles et de quelques 6cueils^
r6unisen deux groupes : 1° & Test, Lanzarote et Fuerteventura;
2° la Grande Canarie, Tenerife, Gomeray Palma, et Tile de Fer.
Toutes sont volcaniques, et trois d'entre elles ont eu des 6rup*
tions dans les temps historiques : Lanzarote, Palma et Ten^rife
(la derniere k Lanzarote en 1825). Les volcans sont 61ev6s en
general; lePicode la Cruz k Palma aplusde 2350 metres, et le
gigantesque pic de Teyde k T6nerife s'el6ve comme un phare k
3 715 metres au-dessus de la mer.
Le climat se rcssent de la proximite du Sahara. Les vents du
desert soufflent souvent, dans les deux iles de Test surtout, et y
causent, en fletrissant les recoltes, de terribles famines. Les
iles de Touest sont plus temperees : pourtant T6nerife a encore
une moyenne de 1 7®, 7 en Janvier, de 26® en octobre* : c'est Id
une temperature d'6t6 malsaine pour les Europ^ens.
Les pluies sont rares dans ces parages ou Talize souffle plus
de la moitie de Tann^e. Ce n*est qu*en novembre et d^cen^e
que les vents d'ouest apportent des averses reguli^res (en tout
environ 65 jours de pluie par an). Les monla^nes, plus froides.
AFRIQUE INSULAIRE. 227
sont plus arrosees. Tout lo monde a entendu parler du curieux
aspect du pic de Teyde, constamrnent coupe par un anneau de
nuages indiquant la zone de contact de Taliz^ et du contre-
alize. En ete, cet anneau est de 1 200 a 2 000 metres; en hiver,
quand le soleil ramene vers le sud la zone de Talize, le contre-
alize s*abaisse et les nuages du pic descendent k 600 metres.
La flore se ressent des longues secheresses. Les deux lies de
Test ont une vegetation saharienne : plantes grasses, arbustes
^pineux, etc. Les iles de Touest ont quelques for^ts sur leurs
pentessuperieures; lauriers, chenes, pins, bruyeres, genets se.
succfedent de 700 k 2000 metres. Au-dessous de 700 metres, on
retrouve les plantes africaines : euphorbes ^normes» nopals, pal- .
mierSy dragonniers, etc. La faunej tr^s pauvre au debut, est .
maintenant presque europeenne dans les iles de Touest, tandis
que le chameau est Tanimal caracteristique des deux iles orien^
tales : c*est une consequence de leur climat saharien.
La population est aus»i ancienne que celle de TAfrique. Des
inscriptions decouvertes a Palma, k la Grande Canarie et h File
de Fer, rappellent les inscriptions berb^res antiques du nord de
TAfrique. Ces Berberes se sont du reste fondus dans la popula-
tion europeenne, ou le sang andalou domine. Les Normands et
Gascons amenes par Jean de Bethencourt, premier conquerant de
rile, les emigrants irlandais et flamands ont et6 absorb^s de m^me
par la masse espagnole et en ont pris la langue et les moeurs.
Les Canaries n'ont que 300000 habitants (environ 39 au ki- •
loraetre carre). Elles forment une province de I'Espagne et en-
voient des deputes aux Cortes. Santa-Cruz de Tenerife est la
residence du gouverneur; Las Palmas^ le chef-lieu judi-
ciaire.
3*» Cap-Vert. — Les iles du Gap-Vert ne sont pas le prolonge-
ment du cap de ce nom : 465 kilometres et des profondeurs de
4000 metres les en separent. Ce sont des iles purement atlan-
tiques. Elles sont reparties en 3 groupes : 4<» au nord-ouest,
Scto Antao, Sao Vicente , Santa Lucia, Sao Nicolau se prolon-
gent sur un meme haut-fond; 2^ File dxiSel, Boavista, itfato, Sao
Thiago torment du nord au sud un second groupe separe par
des fonds de 4 000 metres ; 3<* Fogo et Brava situees au sud-
ouest. Elles ne sont pas purement volcaoiques : on y a trouv^ des
roches anciennes et m^me des assises sedimentaires, peut-6lro
les restesd*un^te(re plus vaste*
228 AFRIQUE.
line seule lie, Fogo, dont le volcan a 2 960 metres, a eu des
Eruptions dans les temps historiques.
Le climat denote le voisinage du continent par de plus grandes
chaleurs et surtout de plus grands hearts de temperature : le
thermom^tre a d6j& vari6 de 17 degr^s en un an (+ i6 degr^s
en d6cembre et H- 53 degres en septembre). Le vent du desert,
qui soufQe si souvent au Senegal, atteint aussi les lies du Cap-
Vert, ou il est connu sous le nom de « leste » ou vent d*esl.
Malgre tout, il fait moins chaud que sur le continent en face : In
moyenne annuelle est d*environ 24 degr6s, gr^ce k rinfluenco
de la mer. Les pluies de mousson du Senegal arrivent en ete
jusqu*aux iles, maissont beaucoup moins r^guli^res; leur raret6
a dej^ cause d'horribles famines.
La florcy soumise k huit mois de s^cheresse, n*a pas Taspect
tropical; il n*y a deforets qu*^ S3o Antdo et Sao Thiago, ou les
monts s'el6vent k i 800 et 2 200 metres, et regoivent un peu
plus d'eau. Les autres iles sont presque complfetement depourvues
d'arbres. Comme aux Canaries, les plantes europeennes se refu-
gient sur les hauteurs.
Les iles du Cap-Vert sont malsaines pour les Europeens par
suite de la trop grande chaleur, et les plages mar^cageuses y
entretiennent la fi^vre. Aussi la population est-elle clairsemee :
100000 habitants, 29 par kilometre carre. Des esclaves ouolofs
et autres, mfiles aux raaitres portugais, ont forme la race de
couleur qui seule peuple les iles : les blancs n'y sont qu'une in-
lime minorite. La plus peupl^e des ties est la plus montagneuse
et la plus fertile : SSo Thiago ; on y trouve le chef-lieu de Tar-
chipel, Villa-Praia (4000 habitants). Les meilleurs ports sont
dans deux iles presque arides, Boavista et SSo Vicente. Cette
derniere est la grande station de charbon des lignes transatlanti-
ques.
Decouvertes en 1456 par le Venitien Cadamosto au service de
rinfant don Henri de Portugal, les iles du Cap- Vert sont portu-
gaises. EUes forment 2 districts, les iles du Vent et les iles
Sous le Vent, qui envoient deux deputes k Lisbonne.
Giographie 6conomiqne. — Lesol volcanique de Maderb
est tr^s fecond et si les pluies sont peu abondantes dans la
zone basse, ThumiditS constante dont sont mouill^s les flancs
de la montagne rend ^irrigation facile. Tous les fruits de la
terre, si varies, sont exquis et jotiissent-d^une reputation
AFRIQUE INSUUIRE. 229
universelle. Halheureusement des maladies ont parfois ruine les
genres de culture les plus productifs, r^pandant la mis^re et
provoquant Teinigration.
Le mais et quelques tubercules, pomraes de terre, palates,
ignames, sont avec le poisson la nourriture pref^ree des habi-
tants. Mad^re est celebre pour sesprimeurs expediees en Europe,
fruits, legumes ; ses figues^ ses ananas sont particuli^rement
succulents.
La canne h sucre^ dont on exportait jadis plus de 4 millions
de kilogrammes, n'est plus cultivee que sur une surface res-
treinte, depuis que TAmerique fait concurrence. La culture de
la vigne, la principale ressource de Tile, a pass6 elle-m^me par
de nombreuses vicissitudes ; lorsque, apres 25 ans d^eiforts, la
recolte, qui etait torabee h 5000 hectolitres, commen^ait k se
relever sensiblement, Tinvasion du phylloxera est venue de nou-
veau detruire les esperances des cultivateurs. Toutefois, les
plants d'Afrique et d'Am^rique ont bien r6ussi, et I'exportation
se relive: elle a depasse 24000 hectolitres en 1888.
De riches pdturages nourrisseht au nord-ouest d*abondants
troupeaux, et la cire et le miel de Madere sont tr6s estimes siir
les marches anglais.
* Le mouvement des echanges atteint 10 a 12 millions de
francs ; les importations depassent un peu les exportations,
gr^ce a Tafllux des etrangers; les Anglais font plus de la moiti^
de ce commerce.
Le port de Funchal doit en outre a sa position sur le grand
chemin des steamers une activity tr6s grande.
Le groupe des Canaries est moins riche. Outre les cer^ales, les
legumes et les fruits d'Europe, on cultive aux Canaries la canne
a Sucre et la vigne ^ mais sur une surface restreinte. Les planta-
tions de cactus ont en revanche une veritable importance
economique, grace a la cochenille, qu'on recolte sur leurs
feuilles. Le tahac, peu repandu encore, donne de bonnes esp6-
•3nces; les feuilles seraient appr6ci6es, dit-on, a Fegal de
celles des Antilles. Le cafe^ le colon n'occupent que quelques
champs.
La chevre est Tanimal domestique le plus commun. Les
oiseaux aux riches plumages abondent, plusieurs esp6ces ont
ete acclimatees en Europe, et Tune d'elles conserve encore le
nom de son pays d'origine.
230 AFRIQUE.
La peche est active sur la c6te du Sahara; on recueille surtout
la morue (7000 tonnes par an).
Le commerce des Canaries ne depasse pas 20 millions de
francs; les exportations ont une valeur superieure aux importa-
tions. Le port le plus frequente est Las Palmas, dans la
Grande-Canarie.
Nous Savons qu*aux ties du Cap Vert la vegetation n*a pas
I'aspect luxuriant des tropiques. Les indigenes cultivent le riz,
le mats ct plusiieurs autres cereaies et legumes des pays chauds :
manioc, ignames^ etc. Le§ vignes "soni rares et les cafeteries ne
donnent en moyenne qu'un millier de quintaux. Leclimat est
trop sec pour la carine a %ucre, mais convient mieux au tabac,
Les plantations de cinchonas r^ussissent sur les flancs des
montagnes les mieux arros^es.
Les animaux domestiques sont nombreux et servent k Tappro-
visionnement des navires de passage. La pSche est une industrie
lucrative chez les Caboverdiens ; mais on v recueille surtout le
cor ail.
Le sel et le fer sont extr^mement abondants dans plusieurs
lies.
Le commerce exterieur est tr^s restreint. Les exportations
et importations reunies n*atteignent pas 5 millions de francs.
€e commerce est au reste entre les mains des Anglais et des
Americains; les Portugais n'y prennent qu*une part insigni-
fiante.
! Porto-^rande, dans File Saint-Vincent, est un bon mouillage
ou font escale la plupart des navires europeens k destination de
rAraerique du Sud.
Mad^re, les Canaries, les iles du Cap-Vert ne couvrent en
somme qu*une surface restreinte; et si le sol y est en majeure
partie tres fertile, il n*est pas partout suffisamment arrose. Ces
archipels sont en outre exposes k tons les fl^aux de TAfrique du
Nord : secheresse, sauterelles, etc. ; des maladies d'un autre
genre, phylloxera, oidium, ont attaque leurs cultures les plus
productives et la concurrence de TAmerique leur peimet a
peine de planter avec profit la canne k sucre ou'le caf6. Us ne
meritent done plus au m6me degr^ qu*autrefois le nom <( dlles
Fortun^es » que les anciens avaient donne k Tun d*entre eux;
mais ils sont devenus par contre des points de reldche extrSme-
ment importants.
AFRIQUB INSULAIRE. 231
11 faut ajottter que les Espagnols et les Portugais ^talent bien
les peupies les moins int^resses au d^veloppement de Ja prosp^-
rit^ de ces colonies, puisqu*ils trouvent en abondance sur leur
propre sol la plupart des produits qu*elles fournissent. Ce sont
les peupies qui n ont pas ehez eux de « Midi », ce sont en par-
ticulier les Anglais et les Allemands qui exploitent et colonisent
Maddre et les groupes voisins, qui en ach^ent les primeurs et
les fruits, qui vont y passer la raauvaise saison. C*est grSce k
eux. en definitive que quelques^unes.de ces Sles sont encore si
piaosp^res.
DEUXifiME SECTION
IkCS OU^ ftOLFE QC AUIN tt
Leg lies du golfe de Guin6e sont les seules vraiment africaines.
Anoobon, SSo Thome, Tilha do Principe et Fernando-Po se suc-
c^iicnt du sud-estauBord-esten uneseulechainevolcaniquequi
continue sur le continent par le volcan de Kameroun.
Annoton est la moins elev^e et la plus petite de toutes :
^0 m^res d'altitude et 17 liilometres carres; mais c*est la plus
ssaiubre par sa situation au milieu des eaux relativement fraiches
■du courant equatorial. La flore, tropicale sur la cdte, rappelle
TEurope vers la cime. Sa population est de 3000 n^gres ou
iniil&tres. Elle appartient k TEspagne.
Sao Thame, bien plus grande (929 kilometres carres), a plu-
«ieurs jhcs de pkis de 2000 metres et est habitable pour les
Ewoptens dans Tinterieur, tandis que les cdtes basses leur sont
mortelles. Le climat est du reste tr6s humide, presque aussi plu-
vieux qu*au Gabon, que rappelle la vegetation des parlies basses.
Les cinchonas et le cafeier reussissent par centre sur les penles
moyennes de 600 a 1 400 metres de hauteur. La population a
pass6 rapidement h 18 000 habitants, dont seulement 1 200 blancs
et hommes de couleur. L*ile appartient au Portugal.
L*ile du Prince, ilha do Principe, n'di que 151 kilometres car-
res, el est plus insalubre que les pr^cedentes, car elle est en
dehors du courant Equatorial, dans les eaux chaudes de Guin^e.
Elle n'aque 2 200 habitants, presque tons n^gres. Elle appartient
au Portugal.
FemandO'Po est la plus grande de toutes (2071 kilometres
•252 AFRIQUE.
carres) et la plus imposante d'aspect : son grand volcan, le Cla-
rence-peak ou Pico de Santa Isabel, se dresse k pres de
5500 metres dans les airs. Mais le climat ne diff^re en rien de
la c6te de Kameroun en face : il est aussi pluvieux (2 metres et
demi a 5 metres par an), aussi chaud (moyenne annuelle de
Santa Isabel H- 25®, 6) et aussi insalubre.
La vegetation varie selon Taltitude : les plantes europeennes
s'acclimatent sur les pentes moyennes, et le naturaliste Mann a
trouve sur les somraets des plantes alpines et abyssiniennes. La
race noire r6siste seule au climat. II n'y a dans Tile que 90 a
100 blancs sur plus de 30 000 habitants. Fernando-Po est ^I'Es-
pagne.
Dans les lies du golfe de Guinee, Thumidit^, tr^s abondante,
convient k raeryeille k plusieurs cultures' tropicales. Les som-
mets sont cou verts de forits ^paisses, qui fournissent d'excel-
lents bois de construction. Le riz, le mats, le manioc, les
ignames, les bananes sont, comme sur le continent voisin, la
nourriture principale des indigenes. La canne a mere y pros-
pere, mais c'est le cafe et le cacao qui entrent pour la part la
plus considerable dans la valeur des exportations. On compte
aussi sur les pentes plusieurs millions de pieds de cinchonas,
Le commerce des lies du golfe de Guin^e, qui r^sulte de la
vente de ces divers produits coloniaux, est encore peu conside-
rable (10 a 12 millions); il pourrait prendre une bien autre
extension si le sol etait enti^rement cultive et si les bras ^taient
plus nombreux. Ce sont en partie les fleaux occasionnes par la
secheresse qui font eraigrer les habitants des Canaries ou de&
iles du Cap^Vert; cest en revanche Texageration de Thumidit^
qui ecarte les colons du golfe de Guin6e.
TROISlfeME SECTION
. ILES DE L*ATLANTIQUE MERIDIONAL
Le seuil, dit du Challenger, qui s'etend du nord au sud de
TAtlantique meridional entre des abimes de 4 000 metres, porle
quatregroupesd'iles que leur position astronomique seule permet
de rattacher a I'Afrique : TAscension, Sainte-Helene, Tristan
da Cunha et Gon^alo Mvarez.
AFRIQUE IKSULAIRE. 23i^
V Ascension, d^couverte en 1502, et situ^e k 1 550 kilometres,
du cap Palmas, est un ilot de 9840 hectares, enti^rement volca-
nique (860 metres d*altitude au centre]. Le climat, temper^ par
le souHle egal de Taliz^ du sud-est, n'a qu*iine moyenne annuelle
de 20 k 21 degr^s, et fait de Tile un sanatoire pour les Euro-
p^ens de la c6te d'Afrique. Les pluies sont tr^s rares et la flore
tres pau^Te : le roc est k nu dans la majeure partie de Tile,
faute d'humidite suffisante. L'Ascension, d^pourvue d*arbresei>
1856, a pourtant maintenant 160 hectares de forSts sur les
cimes (eucalyptus, acacias, etc.). Vu le manque d'eau, Tile n'a
pas de population civile. Occup^e en 1815 par les Anglais pour
surveiller Napoleon k Sainte-H^l^ne, elle est rest^e un poste
militaire et un depdt de charbon.
Sainte-Helene, situee k 1 900 kilometres k Touest de Hossame*
d^s, est entierement volcanique ^galement, et la moitie de son
grand crat^re, situ6 sur la cdte m^ridionale, a disparu rong^e
par la mer; Tautre moitie forme un haut amphitheatre de mon-
tagnes(picde Diane, 825 metres), veritable ossature de File.
Sainte-Heiene est encore-dans le domaine de Taliz^ et le courant
marin antarctique en abaisse encore la temperature : Tete n*y
est pas plus chaud qu'en Angleterre (extremes annuels + 12 et
+ 29 degr^s). II tombe environ 1 m. 20 d'eau sur les montagnes
et le brouillard est assez frequent sur le plateau de Longwood.
Cette atmosphere humide favoriselesforfits. Sainte-Heiene, apr^s
avoir eu une llore originale tr^s riche, nourrit maintenant une
vegetation cosmopolite de chines, de cypres, de pins, de coton-
niers, bananiers, pommiers, vignes, etc. On y a meme importe
les animaux d'Europe. Sainte-Heiene a une population d*origine
anglaise, hollandaise, negre et meme malaise. Longtemps gardee
avec soin comme lieu d'exil de Napoleon, elle aaujourd'hui perdu
son importance de point de rel^che, depuis le percement du canal
de Suez, et sa population a diminue : 4100 habitants en 1891
au lieu de 6 800 en 1861. James-Town est le chef-lieu.
L*archipel de Tristan da Cunha, isoie k 2 550 kilometres de
toute terre, est en dehors des alizes, dans la zone des vents
d'ouest qui permettent de doubler le cap de Bonne-Esperance;
aussi a-t-il ete decouvert relativement tdt, en 1506. II se compose
de 5 lies volcaniques; le volcan de la plus grande s'eievea
2 500 metres dans les airs. La temperature moyenne, tres douce
pour la latitude, oscille entre 14 et 20 degres; par centre les
S:S4 AFRIQUE.
yents d*otie&t y am^iteDt de grands orages : Tristan da Cuohaest
un nid de teaip^tes. La (lore est pauvre, mais renferme des
especes inconaues ailleurs; la population s*est alinientee surtout
par des naufrages; elle est maintenant d'environ J 00 personnes
8ur la grande ile, qui reconnaissent pour la forme le protectorat
de TAngleterre, laquelle du restene leur demande rien.
A 400 kilometres au sud-est de Tristan da Gunha, Tile deserte
de Gough ou Gongalo Alvarez ne sert qud la pSche des ^niioaux
marins.
QUATRl£:»E SECTION
MADAGASCAR ET D^PENDANCES
G^ographie physique. — Madagascar est rile laplus impor-
tante de Toc^an Indien. Superieure k la France en supeiilcie
(600000 kilometres carr^s), elle est constituee par une seri« de
«haines montagneuses> orientees d peupr^s du nord au end, et
entre lesquelles sont intercales, au centre, des plateaux. La pre-
miere de ces chaines court le long de la c6te orientate, qu elle
domine de 800 k 900 metres, k quelques lleues de distance.
Une seconde chaine, plus haute {1 000 k 1 400 metres), n'est que
le rebord d*un plateau herisse lui-mdme de montagnes, ou se
Irouvent les plu& hautssommets de Tile (Tsifaiavona 2 650 me-
tres). Ge.plateau (800 k 1 400 metres), qui porteles noms d'ltne-
rina au centre, de pays des BehtUes au sud, s*abaisse par une
pente tres rapide vers Touest et surtout le nord-ouest, ou se
tpouve la grande plaine Sakalave, sablonneuse et coupee de ra-
vins (environ 200 metres au-dessus du niveau de la mer).
Le climat y est determine par lalternance des moussons
^saison seche, d<avril ou mai k novembre, saison des pluies, de
novembre k avril). Mais le relief fait varier considerablementila
quantite de pluie et la temperature. Des pluies tres abondantes
tombent sur les chaines de Test, etla cdte orientale, avec sacha-
leur etouiTante et sa vegetation tropicale, rappelle la c6te orien-
tale d'Afrique; elle a merite d'etre appeiee le cimetiere des
Europeens. Sur les plateaux de Tinterieur, le climat est beau-
€Oup plus sain. L*aUze du sud-est qui condense ses vapeurs sur
lespentes orientales, souffle, froid et sec de Tautre c^te. Aussi
la temperature est«^elle incomparablement phis supportable que
AFRIQUE INSVLAIRE. 335
sur la c6te orientale; et en m^me temps il tombe beaucoup
moins de pluie. Les Europeens, et en particulier les Francis,
iont faciiement souche dans cette partie deTile.
Les rivieres du versant oriental de Tile sont, par suite de
I'abondance des pluies et de la d^clivit^ du sol, des torrents qui
charrient les alluvions en quantites ^nomnes. Gelles du versant
ouest, plus developp^, ont un cours plus considerable. Le Man-
goka (environ iOO lieues) vers le sud^ouest, le Betsiboka et
rikopa qui passe k Tananarive sont les principales. Quelques
lacs pars^ment le plateau.
La cdte, bien ^chancree, a de bons ports dans le nord : Diego-
Suarez^ ia baie la plus merveiUeusement articul^e que Ton
connaisse; Voh^raar, Antongil/ Fenerife sur la c6te orientale,
rile de Nossi-Be, les baies de Passandava, -^brindHia, Hajounga
a Touest. La moitie m^ridionale de Tile est moins favoris^e :
les cdtes sont presque droites, basses, et les alluvions des tor-
rents ont donn^ naissance k des cordons, littoraux et deslagunes
sur la c6te orientale. Ses ports sont mediocres et rares: Tama-
tave et la baie de Sainte-Luce m^ritent d'etre nommi^s sur la
c6te est, et k Touest la baie de Saint-Augustin.
La flore, que M. Grandidier nous a revel^e dans son magistral
ouvrage {Hhtoire naturelley physique et politiqttede Madagascar) ^
est d*une grandc richesse et renferme notamment un grand
nombre d'esp^ces originales. Les bois en particulier sont d unc
grande vari^te (^b^ne, palissandre, teck, carophrier, casuarina,
pandanus, sandal, mimosa, etc.).
La faune de Madagascar est particuli^re : on n y voit pas les
grands quadrup^des de TAfrique, sauf le sanglier et le zebu.
Par contre, des singes 16mures et d'autres especes qu*on ne voit
pas ailleurs rappellent que Tile n*est pas un morceau ddtache
du continent africain. Plus de iOO esp6ces d*oiseaux sont origi-
nales. Enfin les ossements de grandes especes ^teintes [epyomis]
rappellent la faune de certaines lies polyn^iennes.
Population, — Madagascar est faiblement peupl^e. M. Gran-
didier evalue. ia population a 4 millions, pour une superticie
plus grande que la France. On distingue 5 races : i^ des n^gres
aborigenesou venus d*Afrique, ressemblant auxCafresetconnus
sous le nom de Sakalaves ou Malgaches ; ils sont agriculteurs,
hospitaliers, mais en sont restes k la tribu en fait d'organi-
sation sociale; 2^ des metis d'Arabes etde Malgaches ou ilntoi-
Y
236 AFRIQUE.
moYo^y dans le nord et le sud-esl de Tile; 3° lepeuple des ffova»
(environ un million), de race malaise, qui porte k Madagascar
par le courant equatorial, il y a environ 650 ans, s'est emparc
du plateau central oti il s*est maintenu comme race dominante.
Les Hovas sont intelligents et disciplines en comparaison des
Malgaches; aussi forment-ils une nation; mais ils sont fourbes,.
criiels et vantards.
Les CoMOREs (Mayotte, la grande Comore, Anjouan et Mahili)
sont un groupe de volcans pouss^s au milieu du canal de Mozam-
bique. Grace a la hauteur des montagnes, aucun mois de Tannee
n'est d^pourvu de pluies, et le sol de laves et de cendres est
d'une etonnante fertilite. Plusieurs iles sont encore couvertes de
for^ts. Mayotte a des ports tr^s surs. L*archipel couvre 2 500 kilo-
metres carr6s et compte 50000 habitants, metis d'Arabes et
de n^gres. Le climat est en general malsain pour les Euro-
p^ens.
Geographie politique. — Madagascar est nominalement un
royaume hova ; en fait. Tile se divise en partie soumise aux
Hovas (pays a Test du 44* degre de. longitude et au nord du
29® de latitude, sauf la c6te nord-ouest) et en partie ind^pen*
dante (presque tout le sud et I'ouest). Le royaume hova est une
monarchie feodale ou les castes sont rigoureusement ferraees.
La capitale est Tananarive (150000 hab.); Tamatave a
20000 habitants, Fianarantsoa 16000. L'expedition de 1882-
1883, necessitee par la violation du traite de 1868 conclu entre
les Hovas et la France, a abouti k la reconnaissance de notre
proteclorat sur Tile de Madagascar, les relations exterieures du
gouverneraent devant etre confiees k un resident fran^ais etabli
a Tananarive. En revanche, la France a reconnu la reine Rana-
valo comme souveraine de File enti6re. Enfin le meme trait6
nous a donne au nord la baie de Die'go-Suarez en toute propriete.
Ce sera le premier centre dc noire colonisation dans I'lie, et
notre grand arsenal dans la mer des hides. Nous poss6dion&
depuis 1841 Nossi-Be'y ile de 29 000 hectares k Fentree de la baie
de Passandava (capitale Hellville 1 000 hab.) et Sainte-Marie^
long ilot de J 5 000 hectares, marecageux et malsain, sur la c6te
orientale. L*Angleterre, apres avoir sourdement combattu noire
proteclorat par ses missionnaires methodistes, a fini par le re-
connaitre en 1890, en echange de Fabandon du trait6 de 1862,
^ui garantissait Findependance de Zanzibar.
AFRIQUE INSILAIRE. 237
Nous occTipons Mayotte depuis 1841 et les autres Comores
vrennent d*accepter notre protectorat.
G^ographie ^conomique. — En ce qui concerne les res-
sources 6conomiques, Madagascar n'est pas un Eldorado, mais
eWe a toutefois une bonne valeur moycnne. A part certains
cantons, ou le sol exclusivement compose de sable presente
Taspect d*un desert, la terre est en general fertile et donne tous
les produits.
La vegetation forestiere y est puissante; un cercle de for^ls
<ie 40 kilometres de largeur enserre le plateau interieur; cette
lisi^re ininterrompue de 4 000 kilometres est une des principales
richesses de Tile. Les bois de construction sont remarqua-
blement beaux ; les troncs droits et reguliers du « bois rouge »
mesurent parfois plus de 18 a 20 metres de hauteur. Les bois
d*ebenisterie et de teinture pourront ^galement Stre exploites
avec profit.
Le riz fait le fond de Talimentation des Halgaches : mais la
culture se fait encore suivant un mode primitif et le rendement
ost mediocre. L*exportation ne depasse pas actuellement 4 ou
h 000 tonnes. Lqs indigenes recoltent aussi en abondance ma-
nioc, patatesj ignameSj pommes de terrey poiSj bananes, oranges^
figuesy ananas, melons. La vigne, introduite d^j^ 11 y a un demi-
si^cle, et abandonn^e depuis, donnerait pourtant de bons pro-
duits; Texc^s d*humidite de la saison pluvieuse, qui est aussi
<;elle de la maturite, rend seulement le fruit l^g^rement aqueux.
La canne a sucre, rencontrerait d*excellentes conditions sur la
«dte orientale, la mieux arros^e. Le tabac reussit partout et les
indigenes en consomment une notable quantity.
Madagascar est un pays de pdturages : sur les plateaux
:s*6tendent de vastes et luxuriantes prairies. L*ile nourrit une
quantite enorme de boeufs et c'est elle qui fournit de betail la
Reunion et Maurice surpeupl^es : Fexpoiiation annuelle h desti-
nation de ces deux iles porte sur plusieurs dizaines de milliers
de t^tes. Qui ne voit toute Timportance que pourra prendre un
jour ce commerce, en concurrence avec les produits des colo-
nies australiennes et des Etats de la Plata, beaucoup plus
^loignes de TEurope? La race ovin^, qui reussit ^galement,
n'est representee que par un nombre restreint d'animaux.
Mines. foDvsTRi^. — Lesress(mrcesmineraies>:ne sent peut-6tre
pas aussi considerables qu'on Favait d'abord cru. t'or et V argent
238 AFRIQLE.
ne scmblent pas etre tres aboncbuats. Les gisements de houille
n*auraient pas, d*apres ]es derniers reaseignements, toute Tim-
portance qu*on leur avait attribute au ikebut. Ces mines qui
s*^tendent surtout au. iiord-ouest de l*ile pourront neanmoins
prendre une grande vaieur. Ce n*esi vraisemblaMement pas
sans motif que les Anglais ont tente de bonne heure d*en di>t6nir
la concession. Le fer et le cuivre abondent et sont de bonne
qualite.
Vindustrie proprement dite est encore dans Tenfance. Mais
les indigenes sont habiles et ing^nieux et les objets divers qu*ils
fabriquent seront sans nul doute appr^ci^s sur les marches
d'Europe.
CoMUERCE. — L absence de voiet de communication el la
difficult^ d*en construire sont un des grands obstacles qui s*op-
posent au d^veloppement ^conomique de Madagascar. Les Mai-
gaches sont syst^matiquement hostiles k F^tablissement de
routes, qui ouvriraient leur pays aux Europ^ens. Us serefusent
surtout k percer la ceinture de forMs, qui les protege de touted
parts; il n*existe que de simples sentiers, que Ton ne pent
suivre qu'^ pied ou en palanquin. On ne trouve pas au reste, k
Madagascar, de b^tes de somme; tous les transports se font a
dos d'hommes.
Rien d*^tonnant que dans des conditions semblables le com-
merce ne soit pas encore tr^s actif. Le mouvement des affaires
est toutefois en progr^s; on peut T^ valuer ^15 millions de
francs, dont la moitie revient a Timportation.
L*exportation consiste en bestiaux, riz, gomme, caoutchouc,,
cire, graines oleagineuses, orseille, caf^, etc. Les cotonnades-
jinglaises, le rhum de Maurice, les objets manufactures de quin-
caillerie, sont les principaux Elements des ventes op^rees en
echange par les Strangers.
La France occupe une place fort honorable dans le trade de
Madagascar; elle fait peut-^tre la moitie des affaires et participe
m^me dans une proportion l^gerement superieure au mouve-
men! du port de Tamatave. Les relations entre la c6te malgachc
et rile de la Reunion sont en particulier tr^s actives. Ge sont
les colons des Mascareignes qui coloniseront Madagascar.
VAnglelerre et VAmerique se disputent le second rang; la
premi6re ne r^ussit pas;' maigre le voisinage^de Maurice^ k
nous suppianter.
AFRIQUB INSULAIRE. 239
Le port le plus fr6quent6 est actuellement Tamatave : une
ligne telegrapkique Tunit k la capitale.
Le sol des Gohores, form^ de cendres et de debris volca-
niquesy est d'une ^tonnante fertility. Plusieurs lies sont encore
bois^es et donnent de bons bois de construction. La canne h
suere fait la richesse des terres basses, notamment dans les lies
Anjotmn et Mayotte, qui produisent aussi beaucoup de rhum,
Cette Industrie est toutefois moins r6mun6ratrice depuis quelques
annees et les planteurs onjt donn^ de preference leurs soins k
d'autres cultures : cafe, riz, vanille, maU^ tabac. Mayotte tire
aussi de gros revenus de la vente de YhuUe de cocotier,
Malheureusement les bras font d^faut et le commerce des
Comores n*est pas trfes considerable. Mayotte poss^de pourtant
d*excellents refuges et la rade de Tile Anjouan fut longtemps
fr^quentee conmie point de rel&che entre le Cap et les Indes.
gimqui£:me section
AUTRE8 ILES DE L'OC^AN INDIEN
Creographie physique et politique. — i"" Les Auirantes et
les Seychelles ferment k 600 kilometres de Madagascar, deux
groupes d*ilots granitiques, entoures de bancs de sable et de
coraux. EUes ne couvrent ensemble que 350 kilometres carr^s ;
Tile la plus etendue, Make des Seychelles, a un pic de i 920 me-
tres et 120 kilometres carres. 11 y pleut beaucoup {2 m. 76 de
pluie par an 5 Mahe); la temperature annuelle est d* environ
26 degres, et la chaleur constante : le thermometre ne descend
pas au>dessous de 22 degres. Pourtant, grace au vent, le climat
est plus sain qu*aux Comores. Les plantes tropicales croissent
avec exuberance dans cette chaleur egale ; Tarbrecaracteristique
est le cocotier. Colonisees au xvni® siecle par la France (les
Seychelles portent le nomd'un contr61eur des fmances fran^ais),
ces.iles appartiennent maintenant a TAngleterre. Le chef-lieu
est Port'Victoria (8000 hab.), bon port a Mahe.
2® L'lle de Sokotra, egalement aux Anglais, surveille Tentree
du golfe d*Aden k 200 kilometres au nord-ouest du cap Guarda-
fui. C'est une ile au climat presque desertique, k la vegetation
pauvre, habitee par une population singuliere. On y recolle
'240 AFHIQUE.
•d'excellents fruits (dattes, oranges) et surtout de Talo&s.
5® Les Mascareignes se composent de deux ties, la Reunion et
Maurice (ancienne tie de France), ties soeurs qui ont a peu pr^s
la m^me forme et la m6me superficie (environ 2 000 kil. carr^s),
le mSme climat et les m^rnes productions. Ce sont toutes deux
<les ties Yolcaniques. La Reunion est composee des laves vomies
par deux volcans qui ont form^ les deux massifs montagneux
<le rile. Tun au centre, depuis longtemps ^teint, le Piton des
Neiges (3069 m.), Pautre au sud, fumant encore, le PUon de la
Foumaise ou Yolcan (2625 m.). Leurs contreforts tombent dans
la mer et couvrent toute Tile de leurs « raornes » crevasses
{Grand Benard 2890 m., etc.) entrem^l^s de vastes cirques
d^effondrement (cirques de Salazie, de Cilaos, etc.) et de pla-
teaux de 1 200 S 1 500 metres de hauteur. Maurice, plus basse,
n*a que des volcans eteints (le Pouce, les Trois-Mamelles, Piton
-du Milieu, etc.) et la partie nord de Tile est platC:
Le climat est r^gle par Falternance de la saison des pluies
ou hivernage (novembre 2i avril), par vents alternatifs de sud-est
•et de nord-est, et de la belle saison (mai k octobre) ou r^gne
seulement Taliz^ du sud-est. L*air est alors rafraichi par ce
souffle constant, et le thermom^tre ne varie que de 16 ^ 25 de-
gres a la Reunion, de 17 ^ 26 degres k Maurice; pendant Thiver-
nage, au contraire, on observe des temperatures de -h 33 degres.
C*est la saison des cyclones, d*autant plus dangereux k la R^u*
nion, que la cdte, toute de laves etde galets, n^offre aucun abri.
Saint^Denis, Saints-Paul, Saint'Louis, Saint-Benoit n*ont que
<les rades foraines toujours battues par une mer furieuse ou
les navires pendant 6 mois de Tannic doivent toujours se tenir
pr^ts a gagner la haute mer. Le port de la Pointe des Galets ^
Mli en 1882-1884 k grands frais, est encore plus artificiel que
-celui de Philippeville. Maurice est mieux partag^e: le Port-
Louis est le meilleur refuge de Foc^an Indien.
La flore est naturellement tr^s riche sur ce sol volcanique, et
ymee par Taltitude : les c6tes basses sont le royaume de la
<;anne k 'suore ; le§^ plateaux produisent les cer^ales et les fruits
d'Europe; les Qr^tes ont,^€^DCore, malgr^ le d^boisement, de
helles for^ts. *'
La Reunion est relativement bien moins peuplee que Maurice.
Elle a environ .170000 habitants (66 par kil. carr^}, dont
20000 blancset environ 52000 coolies hindous, tandis que
Matift^ ^a a 370000 (139 par kil. c^frt), donf SSOOOO coo-
lies indous. La R^tiYiion6sta3simil^e k la France; elle comprend
2 arrondissements, Saint-Ikinu (35000 hab.) et Saint-Pi^rt^
(3O0W hab.), 61it un conseil g^n^ral, un s^nateur et deut
d^put^, et est administr^e par un gouverneur assists d'un
conseil priv6. Maurice, conquise par les Anglais en 1810 et
gard^e par eux en 1815 k cause de son excellent port, est
« colonic de la couronne », c'est-A-dire d^pourvue d^assembl^es
^lectives el gouvern6e par le cabinet de Lohdres, qui deI6gue
le pouvoir executif k un gouverneur nomme par lui. Les trait^s
de 1815 ont garanti aux Mauriciens, rest6s Fran^ais de coeur,
leur i^eligion, leur langue et leurs lois. La capitale est Port-Louu'
(61000 hab. en 1888).
66ographie ^conomique. -^ Les cocotiers sont la grande
richesse des Amirantes et Seychelles et donnent ie koprah et
IhuUe. Une esp^ce de noix particuli^re, connue sous le nom de
« coco de mer », est sp^ciale aux Seychelles. Elle avait jadis
une grande valeur comme talisman, dans tout Toc^an Indien;
raais elle aperdutoute vertu, depuis qu'on en connalt la prove-
nance. Les Seychelles exportent aussi de la vanille et des clous
de girofte.
Les fibres d'une espSce de cocotier servent k la fabrication de
sacs h Sucre; les insulaires tressent aussi des chapeaux de paille.
Le commerce des Seychelles ne d^passe pas 3 millions de
francs, mais le port de Mah^, Port Victoria, doit surtout son
importance k sa position. G*est, depuis pen, Tescale de la grande
ligne des Messageries frangaises, qui dessert TAustralie. Une
ligne annexe dont le point d'attache est k Hah^ des Seychelles
touche la Reunion, Maurice, Madagascar.
Aux Mascareignes hommes, plantes et animaux d*Europe
s*acclimatent k merveiUe. Les bras manquent toutefois k la
Reunion, surtout depuis que la Grande-Bretagne ne permet plus
de recruter daiis ses colonies de Tlnde des travailleurs agricoles.
Sur 170000 hectares de terre cultivable, 60000 seulement sont
mis en valeur. Maurice est mieux exploit^e, mais la destruction
presque Complete des anciennes fordts, aggravant les dangers
de Id s^cheresse, y a i^estreint notablement Taire des cultures.
L'ilfe fran^aise a mieux ddnsfei*v^jusqu'^'ce jour sa parure fbres-
ti^re (56000 hectares) ; te^ essences pr^cieuses pour les coii-
striictibns maritixnes et T^benisterie y sont encore varices.
G^oG. a. 5*. 16
212 AFRIQUE.
L^^s principales cultures servant h ralimentatton des insulaires^
sont le blcy le mats, le rts, le manioc, les patates, etc. On r^-
coite aussi beaucoup de fruits : ananas, bananes, fig^es, oranges.
Le betail n*est pas nombreux. Ni la Reunion, ni surtout Maurice
ne peuvent d*ailieurs suffire k leur approvisionnement. G*est
de Madagascar qu*il faut faire venir le surplus de la nourriture
n^cessaire, grains et vi^ndes; le riz est imports de Textrtoe
Orient.
C*est aux cultures industrielles que les colons r^ervent la
meilleure partie du sol. La canne a sucre vient au premier
rang. EUe occupait nagu^re, k la Reunion seule, plus de
50000 hectares; elle n'en couvre plus que 40000. Plusieura-
recoltes mauvaises et surtout la concurrence du sucre de bette-
raves ont amene une forte crise. Maurice, a moins souifert de la
(( crise sucriere ». C*est en Tann^e 1877 que la production a
atteint dans les deux lies le chiifre Te plus 61ev^, 500 000 quin-
taux m^triques a la Reunion, 1 350000 k Maurice. G*est au reste
le vingti^me k peine de la production totale du sucre de canne
dans le monde. Les deux lies exportent en outre plus de 2 000 hec-
tolitres de rkum,
Les colons de la Reunion, si eprouves par la crise sucrifere,.,
s^'Sont tourn^s vers d*autres cultures. Le cafe, a repris un peu
de faveur. 11 n'est encore plante que sur un peu plus de 4 000 hec-
tares: mais la recolte, qui atteignait il y a cinquante ans-
12 000 quintaux, eh compte aujourd*hui plus de 32 000.
La vanille est a la Reunion comme k Maurice un des produits-
les plus r^munerateurs. Les epices et particulierement le clou
de girpfle, le tabac, le cacao ne sont recoltes que sur quelques
centaines d*hectares.
VindustriCf qui trouve k la Reunion et m^me k Maurice, dans-
le torrent d^coulant des montagnes, une puissante provisioi^
de force motrice, est a peu pr^s born^e k Tindustrie de la
canne : fabrication du sucre, raffineries, distilleries, tissage
des sacs.
Les voies de communication ne sont pas ^galement develop-,
p^es dans les deux lies. Dans Tile montagneuse de la Reunion,
il n y a qu*une route circulaire de 230 kiloip^tres, et quelques
routes transversales. La premiere est long^e aujourd'hui par un
chemin de fer, .sur plus de la moiti^ de son pareours entre
Saint-Pierre et Saint-Benoit. Le point central de cetteyoie ferr^e
AFRIQUE INSVUIHE. 345
est k nouveau port de la Pointe des Galets^ k Touest de Saint-
Denis. Maurice, plus basse, est sill.onn^e de routes et de chemins
de fer.
1 ^ mouvement du commerce dans les Mascareignes e^t d*en*
viron 200 millions dte francs, dont tea trdis quarts reVieiineiit
k Maurice, le dernier quart ^eulement k notre colonie. L$s
exportations, qui d^passent sensiblement les importations k
Maurice, et leur sont tres inf^rieures k la Reiktiion, consistent
surtout en sucre. Les importations comprennent les produit^
alimentaires : riz et c^r^ales de Tlnde, boeufs de Madagascar,'
vins de France, et les objets manufactures, provenant surtont
d'Angleterre.
Les deux m^tropoles font respectivement la plus jgrande parti^
du commerce de leurs colonies, auxquelles elles sont relives par
le service mensuel fran^ais des Messageries luaritimes, faisant
escale k Mah^ des Seychelles. '
Maurice et la Reunion avaient nagu^re beaucoup plus d*im-
portance comme points de rel^che, lorsque les navires^ desti-
nation de TextrSme Orient doublaient encore le Gap. Ges deux
ties sont aujourd'hui - loin du chemin suivi par les steamers)
surtout depuis que la compagnie des Messageries a remplac^
Tescale de Saint-Dienis par celle des Seychelles. Mais les navires
anglais qui se rendent au cap de Bonne-Esp^rance par le canal
de Suez, ou en reviennent, s'arrfitent encore k Maurice. Celte
lie est le noeud des relations entre les colonies anglaises du Cap,
de rinde, de la Malaisie et de TAustralie.
Toutefois les possessions britanniques de Maurice et des
Seychelles n*emp6chent pas que les iles africaines de Toc^ah
Indien ne soient avant tout des terres fran^aises, puisque Tung^
s^appelait jadis Tile de France et que Tautre porte encore un
nom fran^ais. Et pourtant la comparaison n*est pas flatteuse
pour nous; le commerce de nos possessions : Reunion, Mada-
gascar, Comores, atteint tout au plus le chifTre de 80 millions
de francs, inf^rieur de moiti6 au trafic de Tile Maurice seule.
Mais la Reunion ne subit sans doute qu'une crise passagere ;
la grande terre de Madagascar,^ peine connue,. sera bjoQ^ot
exploit^e; les Gomoresenfm verront assur^ment leur importance
grandir, k mesure que se d^velpppera TAfrique orientale.
Ui AFRIQUB.
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Iferve (Ed.). La Reunion (Revue des Deux Maudes, fevr. 1879).
Sujets de devoirs
ties pays du Cap ; comparaison avec TAfrique Mineure.
Les plateaux de I'Afrique (altitude et relief, climat, salubrity, produc-
tions, etc.).
Le Nil, le Niger, le Congo et le Zamb^ze, ^tude physique et commerciale.
l^tats et colonies de I'Afrique meridionale.
Les grandes voies naturelles de I'Afrique.
L'EXPANSION £UfiOP£fiN^'E EN AFRIQUE. tl5
R^artitioD des Europ^ens en Afrique (influence du cliinat, de I'altitude,
des avantages commerciaux, etc., principaux centi^s de population).
Difference du relief de TAfrique et de TAm^rique du Sud ; consequenceis
qui en d^coulent pour le climat. les fleuves et le commerce.
Les lies de Toc^an Indies.
Left cdtcs de I'Alrique.
■ I m»
CHAPITRE X
l/BXPAVaiOn EUROPEENlfE EN AFRiaUE
Au premier a^ect I'Afrique apparait comme le moins priTil^-
gie des grands continents. Le sol d'abord n*est pas d*une fertility
' tr^s grande. Les fleuves^ coulant tautdt dans des sillons ^troits,
tantdt s*^pandant en \astes marecages, ne rendent pas h Tagri-
culture, si Ton excepte le Nil, des services notables. Mais c*est
lec/tfno/quisemble ^tre le grand ennemi de T Afrique. N'est-ce
pas en effet Tabsence d*eau qui ferme k la culture ces tastes
^tendues de desert, situ^es en latitude k la hauteur des regions
d'Asie, les plus fertiles et les plus peupUes du monde? Enfln
n'esti-ce pas 14 oil la v^g^tationest le plusriche que le climat i»t
le plus meurtrier pour les blancs? U semble qu*ils puiseent
s*6tablir a demeure sous certaines conditions, dans Tint^neur
du pays, raais d'autres fl^aux les attendent : la mouche ts6t8i§
n^ permet pas T^levage nirintroductiond'animaux domestiques
ou de transport, dans une grande partie de TAfrique centrale ;
aillours les secheresses, les invasions de sauterelles ruinenl
periodiquement les r^coltes et provoquent la famine.
Pour tirer parti d*un sol moyennement fertile et oil rEurfq>^n
ne pent travailler, il faut recourir aux bras de la population in-
digene. Mais on sait qu*en g^n^ral les habitants sont extreme-
meat eiairsem^s. La density kilom^lrique ne d^passe le chiffre iO
ou 15, que dans un tres petit nombre de cantons. Voilli plusieurs
siaeles, en effet, que TAfrique, pour employer une expression
de Cameron, « perd son sang par tous les pores ». La traite ne
s'exerce plus en liberty, partout ou Vautorit^ des blancs est
reconnue ; mais elle se fait encore en reality sur une graiide
echelle. En arrachant &inii au eontinent africain la meilleurje et
M AKRIQUE. '-
la plus vigbureuse psuitia^de sa p<lpulation» les liommes ont done
contribu6 a diminuer singuli6remeht la v^Ieur des ressources
econofniques dont il dispose.
Neanmoins k ne consid^re^ue les cartes, TAfrique n*est plus
k vrai dire qu'une coloniiefimrop^enne, et tout ce qui n'est pias
encore officiellement plac^ sous un protectarat quelconque fail
partie du moins deia « sphere dMnfluence » de telle ou telle
puissance : les Anglais occupent Tfigypte et n*attendent qu'une
victoire pour mettre la main sur le Soudan egyptien. Les Ita-
liens prot^gent I'Abyssinie et rendrajent volontiers le m^me
service k la Tripolitaine. Le Maroc est assur6ment le joyau le
plus precieux des terres qui restent k prendre; mais I'Espagne
en convoite patiemment Th^ritage et ses possessions futures
s*i^tendent deja, dans la pens^e des patriotes de Madrid, jusqu*au
cap Blanc, ou commencent les n6tres. Les cdtes du S^n^gal et
de Guinea sbnt moreelees k rinfmi ; et bien rares sont les points *
qui n'y portent aucun pavilion. Toute la region du Niger est
d'oresetdeja partag^ ehtre la France et TAngleterre.^Du Gabon
ju Cap, il, n*est pas un point de la cdte qui ne soil occupy par
les Frani^ais^ TEtat du Congo, les Portugais, les Allemands, les
Anglais. L'Etat du Congo'est en principeune colonic europ^enne
iQternalionale, dont I'heritage est d'avance attribu^ k la Belgi-
que.; Les Allemands et les Anglais ont pouss^ la pr^voyance
Usqu^a se partager k Tamiable le desert de Kalahari et les Por-
tugais ont partage de force avec les Anglais les pays du Zam-
b^ze. Les Allemands prolongent hardiment jusqu^au lac Ban-
goueolo la ligne du Rovouma qui les s^pare du Portugal. Les
Anglais se sont r6serv6 au del^ de la rilri6re Tana, vers le nord,
le .littoral qui leurouvre lepaysdu Kenia et la route de TEgypte.
lis occupent ^galement la c6te septentrionale du pays Somal et
la France ^e montre k Toccasion jalouse d'assurer Tintegrit^ de
sa colonic d'Obock.
. Les ties ne sont pas nioins nettement distributes. Les Espa^
gnols et les Portugais se partagent celles de la c6te occidentale;
le pavilion britannique flotte sur les rochers de SainterH^lene et
de TAscension. Nous nous r^servons en revanche Madagascar et
quelques autces lies de Tocean Indien^ les Anglais occupent le
reste. . i * '
Yoyons maintenant quelle est la situation respective sur ce
continent de chacun.des Etats colonisateurs.
^EXPANSION ECROP^ENNE EN AFRIQUK. 247
La France m^rite h tous ^gards d'etre citee en premiere ligne.
t'Alg^rie-Tunisie, k la fois terre de peuplement et d*exploitation,
est sans contredit la plus belle colonie d'Afrique; elle nous as-
sure en outre la preponderance dans totite la partie septentrionale
du continent. La possession du Tou^t nous rapprochera de moins
de i 200 kilometres du Niger, ou doming notre influence. On a
projete depuis longtemps la (Construction d'lin chemin de fer, qui
unirait le Soudan k n6ire colonie mediterran6en^e ; TOuest afri-
cain nous ouvre le Congo et Ic centre de TAfrique. Madagascar*
ou nous avons Tavantage de n*avoir aucun voisin, nous permet
de surveiller toute la c6te orientate; et par Obock nous touchons
k TAbyssinie. Nos possessions s'^cheloanent en definitive d une
fa^on remarquable tout autour de TAfrique et nous pouvons
partout faire valoir nos interMs.
Les Anglais occupent une position quelque peu symetriqiie de
la n6tre. L^Algerie etla colonie du Cap se correspondent, mais
la comparaison n*est pas« tant s*en faut, k notre d^savantage.
L*un des deux pays est situe en face de TEurope, Tautre, k dcs
milliers de kilometres de toute terre, ne s'ouvre que sur un
ocean vide : lechiffre de la population iiiimigree, du commerce,
est par suite bien plus considerable au nord qu*au sud. A Test
les Anglais tendent evidemment, comrae nous a Touest, ^ joindre
le pays qu*ils occupent sur la Mediterran^e k. leurs etablisse-
ments sur les mers de Tlnde : s'ils n'ont pa^, pour franchir cette
distance, k traverser de^ desert, il leur faudra longtemps encore
lutter contre les dangers suscites par les Arabes et les derviches.
lis aspirent aussi k r^aliser pratiqueraent Tid^e des vieux g^o-
graphes, qui faisaient du Niger et du Nil un seul et m^me fleuve.
lis poss^defit du moihs, avec les embouchures de ces deux grands
cours d'eaU,* deux des iheilleurs debouches de toiite TAfrique.
Quelques iles ^parses leur permettent en outre de surveiller les
mers et d'approvisionner facilement leurs navires. Peut-fitre
enfin r^vent-ils de detourner vers le Nil toute une bonne partie
du trafic du' Congo; mais ils entreraient alors en concurrence
avec les Alleraands qui revent k leur tour de a faire enlrer k
leiir profit dans un seul lit tout le torrent de marchandises de
TAfrique equatoriale* ». ^
' C*est mSme ce qui fait aux yeux des Allemands la yaleur pre-
IV Dr. Karl Peters." • • • . . , . ,
m AFRlQUf.
miere 4e leurs ^tablissements Ae rAfriqtie orientale ; et c*est
sans dou^e k la comparaison des avantages qu'ils esp^rent reti->^
rer de ce cdt6, qu'il faut attribuer cette sorte d*indiff6rence
qulls affichent pour la cdte occidentale en general. Toute leur
(aveur est k Tlreure presenfe pour Zanzibar et les grands lacs.
Tout leur sert k ce but, vers lequel ils tendent avec une perseve-
rance et une decision reniarquables. Leurs publicistes annoncent
que c*est la « marchandise allemande, qui doit conquerir
I'Afrique » et d^clarent que « chaque bribe de denr^e allemande
yendue sur ce continent est une pierre appqrtee au monument
jd^ la grandeur nationale )).
Les Italiens, quoique gens du Midi, sont beaucoup moin&
enthousiastes. U est vrai que leurs succes n*ont rien d*encoura-
geant. lis ont mis plusieurs annees k franchir la distance, moin-
dre de iOO kilometres, qui s^pare la cdte de Massaouah du
plateau. Encore sont^ils k peine ^tablis sur les hauteurs, lis sc
sont pourtant assure pour Tavenir la preponderance en Abyssi-
nie; et ne se feront pas k Foccasion scrupule de s*etal)lir en
Gyrenaique et de s'approprier ainsi le seul canton fertile de la
Tripolitaine.
Les Portugais sont les premiers venus sur le continent afri-
cain. Ce sont eux qui Tout decouvert^ mais iis n*ont pas su
Feiploiter. Leurs etablissements d*Afrique sont restes le plus dair
de leurs possessions coloniales ; mais ils sont vides d*habitant&
et ce n*est qu*au prix de longs efforts qu*ils acquerront une
valeur serieuse. U est juste d'ajouter que le gouverneoient de
Lisbonne s'est reveille de sa torpeur et travaille avac une acli-
vitetres louableau reievement de son empire colonial. Quelque&
lies compietent le domaine du Portugal en Afrique; Nadere et
San Thome soot parmi ses plus riches et $es plus prosperes pos-
sessions.
VEspagne, a part quelques lies et quelqges « presidios p, vit
surtout d^esperances; mais elle possedera sans doute, une des
regions d*Afrique appeiees au plus brillant avenir. Saura-t-elle
etre alors k la hauteur de sa ikche et ne pas se laisser conflsquci"
tou$ le$ benefices da rheritage? On pent Tesperer, lorsqu*on
songe au succes des colons espagnols en Algerie; maisce seront
toujours bien enteQdu les peuples du Nord, Apglais ou AUemands^
qui seront de preference les clients duHaroc.
Deux autres peuples, voisins sur la carte d*Europe, meritjsnt
4
L'EXPANSION EUR0P£ENN£ EN AFRIQUE. 249*
encore une mention en Afrique. Les Hollandais ont contri-
bu6, dSs la premiere heure, k la colonisation de TAfrique m^ri-
dionale; et depuis plusieurs si^cles leurs descendants n*ont pa&
cess^un seuljour de continuer roeuvre conunenc^e, s'avangant
toujours vers le nord, k mesure qu*ils ^taient refoul^s du c6t^
du sud. Nous avons vu qu'ils empiMent dej^ sur les possessions-
portugaises. Les Beiges administrent TEtat international du
Congo, dont leur monarque est souverain, mais il est douteux:
qu*ils r^ussissent k jouer un r61e important dans le d^veloppe-
ment ^conomique de ce pays.
On peul considerer TAfrique comme partag^e : les diplomate^
ont trac^ sur les tapis verts, les limites de possessions respec-
tives. G*est seulement sur le terrain que la lutte commencera,
lutte opiniitre, ou beaucoup sans doiite seront bless^s^ et oik
quelques-uns peut-^tre disparaitront. II importe done que chacun
soit k son poste, maintienne ses positions, surveilie ses alen-
tours. II s*agit aujourd*hui en Afrique de la lutte pour la vie. II
faut construire, mais avec prudence, des routes, des chemins de-
fer; il faut des services maritimes. II faut en un mot ouvrir des-
d^bouch^s : c*est le premier but k atteindre. L*avenir est k ceux
qui arriveront les premiers.
r
I i
* :
/
{.
DEUXltlME PARTiE
ASIE
•I
CHAPITRE I
«
. DESCaUPTIOn G^NERALE DE L'ASIB
Situation et contours. — VAsie est la masse principale des
terres qui forment I'ancien continent. Sa superficie couvre
42 millions de kilometres carr^s, c*est-^-dire plus que TEurope
et TAfrique r^unies. Elle a son orientation g^nerale d'ouest k
est. La distance de' TArchipel k la mer de Behring est de
100 degres ou li 000 kilometres. Sa plus grande largeur est de
8 000 kilometres. Toucliant k TAfrique, par Tisthme de Suez,
consider^e comme une de ses p^ninsules, elle n'est point nette-
ihent separ^e de TEurope qui la termine et la complete k I'ouest.
liargement baignee par trois 6eeans, Toceah Glacial du Nord,
le Pacifique et Tocean Indien, elle confine vers I'ouest k TAtlan-
tique par la Mediterranee, qui en est une branche.
L*Asie est tout entiere comprise dans Themisphere boreal ; ses
peninsules meridionales, TArabie, Flndeet Tlndo-Chine, son!
situees en grande partie dans la region tropicale de cet hemi-
sphere; la plus grande portion de ces -terres appartient cepen-
dant k la zone temperee boreale ; enfin, une bande de ses contrees
les plus septentrionales depasse le cercle polaire. Remarquons
en outre que Tarchipel de grandes lies place au sud de Tlndo-
Ohiiie, et qu'on rattache k TOceanie, est en realite une depen-
dance du continent asiatique. En resume, TAsie est comme le
noyau de Tancien continent.
•Oceans et hers interieures. — L*Asie, que touchent directe-
ment ou indirectement les eaux de tous les grands oceans^ est
^2 ASIE.
bien loin cependanl dc se laisser p<^n6trer et d6couper par
elles corame TEurope. La surface additionn^e des presqu*iles
et des lies n'egale pas le quart de la superficie totale, tandis
qu*en Europe elle occupe le tiers. Elle est, dans le detail de
ses contours, plus vari^e et plus dentel6e que TAfrique. Mais par
son immense d^veloppement d*est en ouest, elle oppose une
grande ^paisseur ayx influences oc^aniques, et Ton a justeroent
remarqu^ que a nulle part sur le globe, on n*est plus eloign^ de
toute mer que vers le centre de TAsie ».
Au nord, Tocean Glacial forme la mer de Kara, entre la Nou-
Yelle-Zemble et la Siberie ; ce n*est point la vraiment une mer
interieure.
Le Grand Oc^an, k Test, dessine aussi de larges d^coupures
sur la c6te asiatique, decoupures qui ont pris le nom de : mer
de Behring entre le Kamtchatka et les lies Al^outiennes, de mer
d'Okhotsk entre la Siberie et les Kouriles, de mer du Japon,
entire le Japon et la Gor^e, de mer Jaune et de mer de Chine;
uxais aucune d'elles n'entame refellement la masse continentale.
L*oc^an Indien decoupe trois p^ninsules : I'Arabie, llnde et
rjndo-€hine ; mais cette penetration est peu considerable encore,
si Ton examine quelle masse le s^pare de Toc^an Glacial. L9
mer d*Oman et la mer ou golfe de Bengale ne sont point fer-
inees du tout au reste du bassin de Toc^an Indien, mais au
contraire ouvertes en entonnoir vers le sud. Gependant a Touest
ei^istent deux mers interieures r^elles et importantes, le golfe
Persique et la mer Rouge : de ce cdte, TAsie est articulee. En
effet, la mer Rouge communiquant aujourd'bui avec la Mediter-
ranee par le canal de Suez, et le golfe Persique n'etant pas tres
eioignie i^op plus de la Mediterranee, grkce au long sillon de la
vallee de TEuphrate, on peut dire que de 4x c6te TAsie rappelle
un peu TEurope.
A Fouest, la mer Noire, VArchipel et la Mediterranee touchent
TAfiie.
QoLF«is. -^ Les golfes formes par ces mers sont des echancruri^
plus insignifiantes encore.
L*ocean Glacial p^n^tre en (^stuaires de grandes largeurs aux
eiyibouchures de VObi et de VIenissei.
A Test, le golfe de Petchili, au fond de la mer Jaune, est a^sez
bien ferme. Au sud-est, les golfes du Tonkin et de Siam marQuant
imt eKidfoppem^pt^ de rinda-Chiii«,
A
DESCRIPTIOK GfiN^RALE. S53
L'oc^an Indien dessine les golfes du B&ngale, d* Outfit, et eelui
A' Aden k 1 entree de la mer Rrouge.
IsTHiES, 1NETR0IT8, CApfi. -^- En msott iA6ine de son ^pais*
seur et de son d^faut d*articulation, TAsie ne pr^Bte gu^re la
fomie g^ograpbique qu*on appelle isthine. L'isthme de Suez lui
est ext^rieur. On cite encore risthme de Kra, qui masque un
r^tr^cissement de la p^ninsule de Malacca d^tach^e de Flado-
Chine.
De nombreux d6troits .s^parent I'Asie soit des autres parties
du monde qui se rapprochent de ses c6tes» soit des archipels
qui les entourent. Au nord, le dMroit de Bekring, passage c^^
l^bre entre I'oc^an Glacial et le Grand Oc^an, est situ^ au point
ou TAm^rique du Nord est voisine de TAsie.
Au sud, le d^troit de Malacca s*allonge entre la presqu*!le du
fn^me nom et Tile de Sumatra. Le d^troit d'Ormuz'donne acci^s
du golfe d*Oman dans le golfe Persique. Enfin, le dStrbit de
Balnel-Mandeb commande les communications entre Toc^an
Indien et la mer Rouge, et avec le canal de Suez, veritable
d^lroit artificiel, le chemin maritime le plus court de TEurope
a I'Asie.
Qtioique peu penetrable comme TAfrique, TAsie pr^s^hte uil
plus grand nombre de proi§minences remarquablies au moins
dans le detail de ses contours. Le cap Oriental^ dont le nom in-
dique la position, termine la Sib^rie en face de TAm^rique. Au
sud, le cap Romania est le point de TAsie le plus rapproche
de r^quateur; enfin le cap Comorin est la pointe extreme des
Indes.
P^ESQu*iLEs ET iLEs. — C'est au sud de FAsie, comme au sud
de TEurope, que se d^tachent les presqu*iles les plus remar-
quables. On a souvent compart, mais avec peu de justesse,
la presqu*ile d'Arahie k la p^ninsule iberique, celle de VInde
A ritalie, celle de Vlndo^hine, ihieux decouple encore, a la
peninsule balkhanique. Ces comparaisons n*ont d'ailieUrs
aucune valeur au point de vue du cHmat et de la vie mari-
time. Deux des peninsules terminates d*Asie s*ouvrent sur des
oc^and tropicaux; Tautre, I'Arabie, a tous les caract^res
du elimat continental : ce n'est une peninsule que par la
forme.
L*Asie est bbrd6e k Test d*utt cbapelet d'iles Toleanique^
qui sont parmi les contr^es les plus riches et les phH pros*
254 . ASIE.
p^res du monde. Ge sont Sa^Aa^/en, appartenanl a la Russic;
les iles du Japon^ formant ayec les Kouriles un arc de cercle
depuis le Kattitehatka jusqu'& la Cor^e; puis Formose et Hai-
Nan, ilescbinoises.
Les Philippines et . les iles de la Sonde sont consider^es
comme faisant partie de FOceanie.
Au $ud de la peninsule des Indes est Tile de CeyUm^ comme
en Europe la Sicile au sud de la peninsule italique. Dans la
MMiterranee, Chypre appartient aux Anglais.
VoLCANs., — Sur la cdle et dans les iles ofientales de TAsie,
s*^tend une ligne de volcans : 1** le Klioutcheff du Kamtchatka^
masse volcanique la plus considerable qui existe, cdne de debris
aussi haut que notre mont Blanc (4804 metres) ; — 2° les grou-
pes des Kouriles et du Japon, ou le plus grand volQan est le
Fomi'Yamar, dans Tile japonaise de Nippon; — Z^ les volcans
de Formose,
En outre, TArm^nie k Touest renferme plusieurs crateres ini-
portants.
Relief. — Hontagnes. Plateaux et plaines. — Le trait
principal du relief de Fasie est I'enorme amoncellement.de hau-
teurs de sa partie centrale ; 1^ sont les plus hautes montagnes
et les plus hauts plateaux du monde. Au sud, k Test eta Fouest,
cette masse montagneuse ,a des ramifications. Enfin au nord
s'etend la plaine de Siberie, qui \a s'amincissant de^Fouest^
Fest, et qui se confond au sud-ouest avec la depression du Tou-
ran. Si le niveau de la mer s'elevait de 500 metres, Foceaa
Glacial communiquerait avec le lac d'Aral et la Caspienne,
Le grand massif central de FAsie, appele souvent Asie centrale
ou Haute-Asie, se compose de hauts plateaux et de chaines mon-
tagneuses qui les bordent et les traversent.
Du plateau de Pamir, appele par les Hindous « toit du monde » ,
et qui est le centre du syst6me montagneux d*Asie, se detachent
vers Fest trois chaines : .
. 1<» Les monts Himalayas, renfermant les plus hauts sommets
du monde (le Gaurisankar, 8840 metres), decrivent un arc de
cercle depuis le massif du iaraAoroMm qui. les rattache au pla-
teau de Pamir, jusqu'au nord de la peninsule dlndo-Chine et au
cours du Brahmapoutra. Les Himalayas ne sont pas une .seule
chaine, mais une s^rie de gradins qui s'd^vent du sud aii nOrd»
de FInde au Thibet. ; ^
DESCRIPTION \GENERALE.
ta^
2* Les montd Thian^ekdn se dirigetot k partir' du plateau de
Pamir vers le nord>est; plus ils s*ayancent dans cette direction^
plus il» bomptent de ramifications et de chataons secondairee.
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Fig. 8. — Profil du continent asiatiqiie du nord au sud*. • '
Plusieurs de ces sonmiets atteignent la hauteur de 7000 m'^tres/
Us se continuent par \ Altai,
5® Mais la vraie cordill^re de TAsie est la chaine du iCouen-Zun,
qui, au dire des explorateurs qui ont r^cemment visits ces rt^*
gions, se prolongerait par des ramifications depuis le Pamir jus-
— liooe..
■2X««L>«u««
Fig. 9. — Pi-ofll du continent asiatique de I'ouest & Test.
qu*aux extr^mites de I'empire cliinois. C'est comme un coin
enfonce dans la masse centrale du Pamir entre THimalaya et le
Thian-Ghan. Le Kouen-lun renferme des sommets un peu moins
(Aleves que ceux deTHimalaya, maisatteintune hauteur moyenne
plus considerable.
Entre THimalaya et le Kouen-lun s^^tend le haut plateau du
Thibet; entre le Kouen-lun et le Thian-Chan est le plateau deMbn--
i/olie ou de Gobi. Enfln le Pamir, qui fait la liaison de toutes ces
iSW ASIE.
\itxviiefttr»f e^ le plus haut plateau dn monde (4 000 metres de
h$Mfm mojenne) avec celai de BoUvie en Arti^rique.
A l*(Kiedt de ee itoud du Pamir, le vaste plateau de tifdtt,
couvrant la Perse, TAfghanistan et le Beloutchistan, et sillonn^
de chalnes de montagnes dirigees du nord-ouest au sud-est, con-
tinue le syst^me montagneux de FAsie. II est lui^mdme rattach^
ensuite au plateau de I'Asie Hineure par les montagnes d*Arm^nie.
Ainsi, en Asie comme en Europe, un immense soul^vement
montagneux s est produit de Test a Touest, ct les montagnes for-
jilent une ligne sensiblement parallele h T^quateur.
A ce.syst^me principal des montagnes d*Asie s*en rattachent
•quelques autres d*une importance secondaire :
Au nord-ouest, la haute barri^re du Caiicase horde le plateau
•d'Arm^nie, et confine vers le nord k la region des steppes; c'est
une montagne aussi europeenne qu^asiatique. La harri^re heau-
•coup moins haute et frequemment interrompue des monts Ou-
rah a longtemps ete consid^ree comme la separation de TEurope
•ct de TAsie.
Au sudde TAsie, les p^ninsules d*Arahie et de Flndesont cou*
vertes de plateaux comme TEspagne et lltalie. Enfin, des chaines
de montagnes, courant du nord au sud, traversent Tlndo-Chine,
la presqu*ile de Malacca, et ont leur prolongement jusque dans
les lies de la Sonde.
La plaine de Siberie s^etend au nord de FAsie montagneuse ;
fertile et favorable k 1 agriculture dans sa partie m^ridionale,
•elle se termine au nord par d*immenses taundras ou steppes
mar^cageuses.
Climat. — L'Asie, bien que situ^e en grande partie dans la
zone temp^r^e, doit k ses formes massives, aux inegalit^s de son
relief, k l*eloignement de la mer, d'avoir un climat continental
par excellence. En hiver, la Siberie orientate a des froids de
^4 degr^s au-dessous de la temperature normale ; en ete, le Tur-
kestan a des chaleurs de 8 degr^s au-dessus. Pendant cette
saison, les plateaux de FAsie centrale, les campagnes de FHin-
doustan et du Touran, plus echauifes que la mer, agissent
comme foyers d'appel. On distingue alors en A^e trois zones de
basses pressions : Turkestan oriental et desert de Gobi — {riaine
de FIndus — depression aralo-caspienne. En hiver, au contratre,
la surface marine se refroidissant plus lentement que les terres^
devie&lpour les airs un centre d*attraction.
\
DESCRIPTION G£iNERALE 251^
Les vents 90uffl<gnt du nord et du nord-est dans VAsie septen-
trionale, ou ils apportent peu d'humidite, k cause du faible
relief, insuffisant k produire la condensation. Uans TAsie occi-*
dentale, les vents dominants du sud-ouest, c*est-^-dire du Sahara,
sont enti^rement sees. Au contraire, au sud et au sud-est, dans
rinde et dans la Chine m^ridionale, la mousson indienne se re-
froidit au contact des hautes montagnes et depose sur leurs
pentes d'abondantes pluies.
Entre la region septentrionale, relativement peu arros^e, et les
pSninsules du sud, merveilleusement f^condees par les moussons,
s'interpose la zone des pays sans eau. Les deserts de la Mon-
golie, du Thibet, de Tlran et de T Arable continuent la zone afri-
caine du Sahara.
Versants. FleuYOS et lacs. — La ligne de partage des eaux
est assez nettement marquee en Asie par la s^rie des hauts pla-
teaux priv6s d'humidit^ qui s'interposent entre le nord et le
sud; ce ne sont point les monts Himalayas, mais le Kouen-lun
qui separe les deux versants et forme une cordill^re.
Les ileuves qui se jettent dans Toc^an Glacial re^oivent leurs
eaux des montagnes du Thian-Ghan et de leurs ramiflcatioBs qi i
se prolongent jusqu'au nord-est de TAsie et ne forment point
ime ar^te continue. Ceux qui ont leurs embouchures dans le Grand
Oc^an et dans Foc^an Indien viennent du Kouen-lun. Enfin, dans
Textrfime Occident de TAsie, les cours d'eau du golfe Persique
et de la mer Noire ont un regime particulier :
i^ Dans Tocean Glacial arctique se jettent VObi^ VIenissei et la
Lena, venant des massifs du Thian-Chan et de ceux qui les con-
tinuent dans la direction du nord-est. Ces grands Ileuves de 4 k
5 000 kilometres de longueur ont la majeure partie de leur
cours en plaine. Leurs embouchures sont libres pendant plu-
sieurs mois de Tann^e, gr^ce k Vinfluence des courants chauds
venus de TAtlantique qui pen6trent dans Toc^an Glacial jusque
sur les cdles de Siberie. Fleuves de plaines, c'est-^-dire abon-
dants et peu rapides, ils se prfitent merveilleusement k la navi-
gation. Le long de leur cours se sont etablies les grandes villes
siberiennes.
2« Dans le Grand Oc6an debouche : le fleuve Amour , qui tra-
verse une riche region, et forme sur une partie de son cours la
fronti^re entre Tempire de Chine et la Siberie. La Chine poss^de
sur le m^me versant un couple de grands fleuves voisins par
6^06. CL. 3*. 17
M^ ASIE.
leurs embouchures, le Hoang-llo ou Fleuve Jaune^ et le Yang^
Ue-Kiang ou Fleuve Bleu, dont les grandes plaines alluviales
out ^te le centre de la civilisation chinoise.
Z"" La rner de Chine et le golfe du Bengale resolvent chacuo
une partie des fieuves de la p^ninsule dlndo-Chine : le Song-
Koi ou Fleuve Rouge, route commerciale de la Chine au Tonkin,
le Mekong f dont le cours inf§rieur traverse la colonic frangaise
de Cochinchine, puis, sur le golfe du Bengale, Ylraouaddy^
grande artere commerciale de la Birmanie anglaise.
4° Les glaciers de THimalaya nourrissent trois grands fleuves :
le Brahmapoutra, le Gange et Ylndm. Les deux premiers sont
accoupl6s vers leurs embouchures comme les deux grands
fleuves de Chine.
5° C'est encore un couple de fleuves, VEuphrate et le Tigre,
qui apportent leurs eaux au golfe Persique, issus du plateau
d'Armenie et traversant la plaine de M6sopotamie.
6^ La mer interieure d'Aral re^oit le Syr-Daria et V Amour
Daria,
Les lacs de TAsie sont tres nombreux; on doit en distinguer
deux esp^ces. Les uns, et la plupart pr6sentent ce caract&re,
sont sans ^coulement, et se trouvent places soit sur les hauls
plateaux, soit dans les steppes ;> d'autres, comme le lac Baikal,
sont les reservoirs ou les fleuves empruntent leurs eaux ; du lac
Baikal sort Tune des branches de Tl^nissei.
Races de TAsie. — Les regions du sud-ouest de TAsie sont
peupl^es par diiferents rameaux de la bace blanche.
La grande presqu*ile de THindoustan est habitue par ime
^norme agglomeration de peuples indo-europ^ens d^sign^s sous
le nom g^n^ral de Hindous, Les Afghans, les Beloutchis, les
Per&ans et les tribus du Caucase se rattachent k la merae fa-
mille.
II faut y. ajouter les Araben, occupant la grande p^ninsule h
laquelle ils ont donn^ leur nom.
Mais la plus grande partie des 800 millions d'individus qui
vivent en Asie est composee de differentes branches de la bacb
JAONE. Ce sont, a Test, les Japonais, les Chinois, les Mongols et
les Thibetains ; au sud, dans la peninsule dlndo-Chine, les Bir-
mans, les Annamites et les Siainois; k Touest, les peuplades du
Turkestan ou peuplades touraniennes, et les Turcs ou Ottomans
fix^s en Asie Mineure et en Syrie.
DESCRIPTION G^INtRALE. 259
Beaucoup moins nombreux sont les Malais dans la presqu'ile
de Malacca, les Samoiedes^ de race boreale, dans rextrSme nord
de la Sib^rie.
Parmi les Europ^ens qui ont colonist TAsie, les Russes seuls
s*y sont ^tablis en grand nombre ; apres eux les Anglais et les
Fran^ais forment les groupes les plus considerables.
Prodnctions naturelles. — L*Asie renferme de grandes ri-
chesses min^rales. La houille est r^pandue en gisemenls 6normes
dans trois provinces de la Chine, le Ghan-Si au nord, le Z^
Tchouen et le Hou-Nan au sud, mais peu exploitds dans Tile
de Teso et au Tonkin. Les mines de fer se rencontrent dans
les mdmes regions de la Chine, Vetain k Malacca. La Sib^rie
produit de Vor et de V argent.
La vegetation est inegalement r^partie en Asie. Au nord, les
contrdes de la Siberie ou Tagriculture pourrait prosperer ne sont
pas encore peupiees d'un nombre suffisant de colons. La haute
Asie du centre est peu habitable et sterile. Toute la force de
production est concentree dans I'Asie meridionale et orientale,
qu*arrosent les pluies de moussons; on y trouve les cultures
les plus variees.
Parmi les cereales, le riz tient la premiere place. La province
du Bengale, sur le cours inferieur du Gauge, la Birmanie bri-
tannique, la Cochinchine fran^aise, la Chine meridionale, le
Japon, en produisent une quantite considerable. Le hie des
terres septentrionales de la valiee du Gange est exporte en
Europe par Calcutta.
L*arbre k the crolt dans les provinces du nord de la Chine, au
Japon, et dans quelques parties de THindoustan; le the est un des
objets principaux du commerce de TEurope avec FAsie orientale.
,Les Anglais exportent presqueexclusivementen Chine, de leur
colonic d'Hindoustan, Xopiuniy narcolique favor! des Asiatiques.
Le comptoir de Hong-Kong est le centre de ce commerce.
Enfin la province de Berar, dans TUindoustan, produit beau-
coup de coton.
. Les forets de llnde et de Flndo-Chine fournissent le bois de
teckj recherche pour la construction, Yebhie et le santal; de
I'Asie meridionale vient le bambou.
Dans TAsie tropicale, et en particulier dans THindoustan, se ren-
contrent V elephant, qu'on dresse, et le tigre royal, terrible car-
nastier dont le gouvernement anglais, encourage la destruction.
Les contrees tempgrfes de I'Asie occidenfale, I'Asie Miueure,
rArm^nie ee servent du chatneau pour le transport des marr
chandises par caravanes; cet aaiiual est moins employ^ dans
I'Asie centrals et orientale. Le cheval rend les mfimes services en
Perse, en Arabie, en Syrie et dans le Turkestan. Leg bceaft sont
41ev^s Gomme animaux de trait dans THindoustan et dans I'lndo-
Ghine. Enfla les hautes vallto de I'Himalaya nourrissent les
^5
•^ \
Fig. 10. ~- Alrea d« i^laliini de I'Aiia. ' '
K, opiiatii — iltphSEli,
chkvrea, diles do th^t, dont les poils donneot les fameuses
6toffes de cachemire.
Un seul petit animal, le vtr A me, m^rite d'etre cit6 a part
dans r^num^ration des richesses de I'Asie. On sait combien nos
industriels recherchent les soiea de la Chine el du Japon.
Commerce. Principales routes de terre et lignes de
Davigation. — Les regions les plus commercfantes comme les
plus Fertiles et les plus industrielles de I'Asie sont les deux p^
DESCRIPTION 6fa*RAI.E. ^SM
ninsules d'Hindoustan et i^lndo-Chinep la Chine proprement dite
et le Japon.
L'Hindoustan est d^}k sillonn^ de cherains de fer qui rejoignent
la valine du Gange k celle de Flndus et relient les priDcipaux
ports de commerce de la p^ninsule. La Chine possMe un reseau
de canaux et de routes ; une premiere Toie ferr^e, construite k
grands frais, a ^te d^truite par ordre de Tempereur. Quant k
rindo-^hine, ses fieuves sont d'une navigation difficile, sauf le
fleuve Rouge, au Tonkin, qui permettra k la France de faire p^
n^trer son commerce jusqu'au coBur de la Chine.
L'Europe recevait autrefois, par des caravanes qui traversaient
VAsie, les riches produits de la Chine, du Japon et de llnde.
Mais depuis qu'un Fran^ais, H. de Lesseps, a perc^ le canal de
Suez, les navires ne sont plus eontraints de faire le tour de
TAfrique pour gagner I'Asie prientale. Aussi la plus grande par*
tie du commerce de TAsie avec TEurope se fait-elle par voie de
mer : des services r^guliers de navires k vapeur apportent le co^
ton, le bl^, le riz de THindoustan, le riz, les Apices, le cuivre
de rindo-Chine, le th6, les soies de la Chine et du Japon. Ces re-
lations sont facilitees par T^tablissement de deux lignes t^l^gra-
phiques entre TEurope et I'Asie, Tune traversant tout le conti-
nent au nord par la Sib^rie, pour aboutir au Japon et k la Chine,
i'autre sous-marine desservant Aden, Tlnde anglaise, et par Sin-
gapour se prolongeant aussi jusqu*^ Textr^mite de I'Asie orien-
tale.
L'Angleterre fait la plus grande partie du commerce de ces
regions, soit directement, soit par I'interm^diaire de ses colonies
de rinde. EUe a aussi la preponderance dans les ports de I'Asie
occidentale, sur les cdtes d'Asie Mineure et de Syrie.
Viennent ensuite la France, puis I'Am^rique, dont les navires
traversent le Pacifique pour aborder au Japon et en Chine, enfin
I'Allemagne, Tltalie et I'Autriche-Hongrie. Les ports de ces pays
qui font le plus grand commerce avec I'Asie sont : Marseille, San
Francisco, Hambourg, G^nes et Trieste. Sauf, bien entendu,
TAm^rique, les itin^raires de tons les services de paquebots sont
k peu pr^s les mSmes.
Les £tat8 et les colonies de FAsie. Rapport de la geo-
graphic physique avec la formation territoriale des
£tats. — Rappelons tout d'abord qu'on ne doit pas consid^rer
TAsie, plus que I'Afrique et I'Europe, corame un monde s6par6.
282 ASIE.
Quoique distincte, par sa structure, des deux autres parties
de Tancien continent, elle est en relations ^troitcs avec elles sur
plusieurs points. Les plateaux asiatiques, Arabie, Iran, conti-
nuent la zone des plateaux sahariens de I'Afrique; la plaine sibe-
rienne rappelle exacteraent la plaine russe; la depression cas-
pienne est une region sans limites qui permettenl de la repartir
entre TEurope et TAsie. L'Asie Mineure offre, dans sa partie
occidentale, bien des traits de ressemblance avec le littoral de la
peninsule des Balkans, qui lui fait face, et FArchipel est une
zone de transition.
Aussi tous ces pays de TAsie occidentale ^taient-ils predestines
a vivre en commun avec les contr6es de TEurope et de TAfrique;
Thistoire et la civilisation s*y sont d^veloppees, sans tenir compte,
des divisions arbitraires que la coutume a introduites en geo-
graphic. Arabes, Turcs, Russes ont 6tendu leurs conqu^tes, pro-
pag6 leur domination d*une partie du monde k Tautre* Dans
Vantiquite, les Perses ont pu former un empire qui, ayant son
centre sur le plateau de Tlran, compta des sujets en Europe
et en Afrique. Aujourd'hyi TAsie occidentale est aux mains
d*Etats mixtes ; Terapire turc y compte la majeure partie de
ses provinces (Anatolie, Arm^nie turque, S yrie et Mesopotami a
1 800 000 kilom^Fres'carrSs, 16 millionsTl habitants) ; Tem^pire
russe d6tient les depressions et les plaines (Siberie, T urkestan ,
territoire transcaspien, 15079000 kilom6tres^arres, 977S000
habitants). Enfin quelques Etats ind^pendants auxquels la de-
cadence de la Turquie a permis de se reformer, subsistent en
Arabie. Les Etats du plateau de Tlran n'ont plus qu'une inde-
pendance nominale. L'Afghanistan et le Bdloutchistan, ce dernier
surtout, sont places sous Tinfluence anglaise.
Au centre^ r6norme soul^vement des Pamirs et du plateau
thibetain forme comme une zone neutre et une large bande de
separation entre les diif6rentes contrees. de TAsie. 11 coupe le
monde indien du monde chinois, s'interpose entre les p^nin-
sules du sud, Inde, Indo-Chine, et les regions siberiennes, entre
TAsie occidentale et TAsie orientale. C'est ce qui explique com-
ment les differentes regions naturelles du continent asiatique
ont pu avoir des destinies independantes, des histoires distinctes.
Des peuples nombreux et puissants, comme les Indo-Ghinois,
les Hindous, ont pu, pour cette meme raison, rester sous la de-
pendance de metropoles europeennes. Aucune solidarity h'unis-
DESCRIPTION Gl^IStRALE. 263
sail ces peuples, comme il arriva en Europe k l*epoque des croi-
sades; communiquant difficilement entre eux, ils ne pouvaient
gu^re avoir d*int^r^ts communs.
L'Asie peninsulaire, coraposee de Tlnde et de I'lndo-Chine,
forme une de ces regions naturelles. Elle est aujoiird'hui pres-
que entifere sous la domination des grandes nations maritimes
'de TEurope (empire colonial anglais de I'lnde et de Flndo-
j Chine, 4200000 kilometres carres, 280000 000 d'habitants;
, — empire colonial fran^jais, 520000 kilometres carr6s,
20000000 d'habitants). dependant Tlnde a toujours ete en
relations avec les pays de plateaux qui la bornent k louest :
ses communications avec le monde indo-chinois ont et6 plus
rares et plus difficiles jusqu'i notre siecle, ou Tart de Thomme
sait vaincre les obstacles naturels : des lors une certaine solida-
rity s'est etablie entre Tlnde et les pays birmans. Mais la mer
a toujours 6te le chemin le plus frequents des conqu^rants et
des commer^nts des contr^es voisines ou m^me lointaines vera
rinde, des Arabes, des Frangais, des Anglais. Llndo-Chine
t^CQut aussi par mer les peuples qui Font initi^e a la civilisa-
tion : cependant, comme son nom Findique, elle est ouverle a
rinfluence de deux grands peuples voisins du continent, des
Chinois et des Indiens. La France et TAngleterre s y disputent
la preponderance, et ly disputent aux Chinois sur les confins
septentrionaux.
Par rindo-Chine FAsie confine au monde insulaire de la Ma-
laisie ou Insulinde, qui est en r^alite une dependance de Tan-
cien continent, au mSme titre que les archipels de TAsie orientale.
L'Asie orientale forme aussi une region d'un caract6re tout
jiarticulier. L^, loin de Tatteinte du monde europ6en, se sont
developp^s de puissants Etats, ind^pendants jusqu'aux exces de
risolement, se condamnant longtemps k la reclusion politique,
fiers de leur antique civilisation. Mais la Chine a du entrer en
conmiunication avec trois peuples europeens, avec les Russes
de Siberie par la Mandchourie et la Mongolie orientale, avec les
Fran^ais par ses provinces limitrophes de Flndo-Chine, avec les
Anglo-Indiens par le Thibet meridional. Les Japonais, souples et
hardis comme tous les peuples insulaires, sont au contraire de-
venus les disciples de FEurope, pour mieux ^viter de devenir
ses sujets. L'Asie orientale a seule echapp6 k la domination eu-
rop6enne ; ses habitants ont de plus etendu leur empire sur la
.264 ASIE.
zone des grands plateaux du centre de TAsie. Mais Tarriv^e des
colons russes sur le littoral du Pacifique leur presage moins de
facility pour maintenir d^sormais leur isolement traditionnel et
peut-6tre leur ind^pendance politique. lis seront pris de plus en
plusentre deux Europes, lancienne venant de Touest par terre et
par Tocean Indien, la nouvelle qui, aprfes avoir transforme TAm^
rique du Nord, jouera son rdle dans le Pacifique comme dans
TAtlantique.
Blbliographie.
Charton. Voyageurs anciens etmodetmes. Paris, 1867, 4 vol. in-8.
Girard de Rialle. Les peuples de I'Asie et de V Europe. Paris, 1884, in-32.
Humboldt (de). Geologic et climatologie asiatiques. Paris, 1851, 2 vol.
Lanier. Lectures g^ograpkiques. Asie, Paris, 1889, 1" vol.
llarga. Giographie militaire. Paris, in-8, t. III.
Raify. Lectures gdographiques. Paris, 1 vol. i.n-8.
Beclus (6lisee). Geographic universelle, t. VI.
Beclus (On(§siiue)r La Terre it vol d'oiseau.
Hitter. Die Erdkunde von Asien, in-8. Berlin, 8 vol.
Vivien de Saint-Martin. Dictionnaire giographique. Paris, 1879-1887, 3 vol.
Vogel. Le Monde terrestre, t. Ill, 2« par tie.
CHAPITRE 11
, SIBI^RIE
t
La SiWrie, qui occupe toute I'Asie septentrionale, a une su-
perficie superieure k celle de I'Europe ; elle represente plus du
double de la Russie, dont elle depend politiquement (12 millions
^t demi de kilometres carr6s). — Elle est situ6e presque tout
enti^re au deli du 50® degre de latitude nord qui traverse la
moyenne AUemagne pres de Prague et la Russie pr6s de Kiev.
Les pointes septentrionales s'avancent jusqu'i 300 lieues du pWe.
Relief — Consid6r6e dans son ensemble et relativement aux
lerres elevees de TAsie Gentrale, la Siberie est un pays de plaines ;
mais ce terme ne convient propreraent qu'a la partie occidental''^
au bassin de I'Obi et du Tobol. Celle-ci est le simple prolongement
4e la basse Europe, dont la s^pare le soul^vement de TOural, et
SIB^RIE. ^6$
de la depression aralo-caspienne k laquelle elle confine par le
renfiement des steppes khirgizes.
A Test de Tl^niss^i, le sol se relive en collines et en plaines
accident^es, seniles de cailloux.
La Siberie centrales entre ri6niss6i et la L6na, forme un pla-
teau montueux. A Test de la L^na, la region orientalej mat
connue, et qui va se r^tr^cissant de plus en plus, est monta*
gneuse, surtout dans le voisinage de la cdte.
Le relief de la Siberie enti^re est done un plan incline du
sud-est au nord-ouest.
La Siberie meridionale^ depuis la troupe des portes mongoles
au sud-ouest jusqu'aux rivages du Grand Oc6an, est couverte par
une serie de hauteurs formant le faite de partage entre le ver-
sant de la mer Glaciale, les bassins ferm^s de la MongoUe et le
domaine de la mer d*Okhotsk. Ge long soul^vement se compose
de massifs, de chaines et de plateaux coupes par les nombreuses
troches des rivieres sib^riennes.
Du cdte de I'ouest, au-dessus des steppes khirgizes, s'^l^ve
d*abord le Jarhagatat, s^par^ du massif altaique par la depres-
sion du Saisan-Nor et de I'lrtich superieur. Ce dernier syst^me
pr^sente le type frequent en Asie de montagnes k ramifications
paralieies ; celies qui se prolongent au sud-est yers la Hongolie
sont inexplor^es. En general, I'aspect de TAltai- est celui d*une
A'^denne grandiose, avec ses longues croupes arrondies, ses pla-
teaux de schiste argileux, coupes de mar^cages et de fondrieres»
d'une altitude moyenne de liiOO k 1500 metres. Le massif prin^
cipal, aux sources de TObi, s'el6ve k 3350 metres dans la Be-
loukn.
La yallee de rieniss^i s^pare TAltai d*un syst^me montagneux
qui le continue k Test : ce sont les monts Sajan, ou apparais-
sent les roches ign6es et les courants de lave. L^ se trouve la
plus b'^ute cime de la Siberie Fn^ridionale, le Mounko-Sardik
(3474 metres).
La 'V'ransbaikalie est une succession de larges plateaux mon-*
tueux, plateau de Vitim^ steppes de la Daourie, plateau d* Aldan
(900 mMres), domin^s au sud par la chaine des monts lablonoi
(2 000 k 2 500 metres), puis par celle des Stanovol dont Taltittide
decroit vers Test (1000 k 1400 metres). Ces dernieres common-
cent au nord de TAmour et se deploient en deux arcs dont la
convexite est tournee vers la mer d*Okhotsk.
206 iSIE.
Les monts de la p^ninsule duKamtchatka semblent apparteiiir
k un autre systeme et se rattachent au soul^yement de la cein-
ture insulair^ de TAsie orientale. On y compte une quarantaine
de sommets d'origine volcanique. Le Klioutchef^ qui se dresse
au bord de la mer, k Taltitude du mont Blanc (4 800 metres), oifre
la plus prodigieuse accumulation de mati^res volcaniques con-
nue sur Ic globe.
Climat. — Largement ouverte au nord sur la mer Glaciale,
ferm^e, au sud, de TAsie Centrale, baign^e k Test par des mers
que d^laissent les courants chauds du Pacifique, la Sib^rie a un
climat essentiellement continental, excessif, et surtout des fix>ids
intenses.
En hiver, la Sib^rie occidentale participe au regime des vents
oc^aniques de TEurope qui soufflent du sud-ouest. Elle sert
aussi de d^versoir aux couches d*air amassees dans la Mongolie
occidentale et qui p^n^trent par la br^che du haut Irtich. Hais.
grkce k Tabsence de relief, ces masses a^rienncs s'ecoulent li-
brement au nord, au sud et au sud-ouest. U en est autrement
dans la Sib^rie orientale, ou lair, retai*d6 par les asp^rit^s du
9ol, s*accumule. La pression barom^trique est en moyenne de
774 millimetres, c*est-&-dire de 20 ou 25 de plus que dans TEu-
rope occidentale. On a mSme constate k Nertchinsk Textreme de
796 millimetres. A cette pression s'ajoutent la ser^nite du ciei
et Fabsence de vent, conditions qui determinentles tr^s grands
froids. C'est dans la depression entre Yakoutsk et Tembou-
chure de la Lena qu'oscille le p61e du froid. Pendant des mois
le thermometre se maintient k — .30® ; il descend k — 50® et
meme — 62®. II a atteint — 68® a Verkoyansk.
L*air froid descendant, tandis que Fair chaud rayonne, il en
resulte que les valiees sont plus froides que les montagnes. A la
hauteur de 1 000 k 1 500 metres, Tair plus dilate s*epanche vers
le Pacifique et la Chine septentrionale, donnant naissance aux
vents de la mousson d*hiver dans ces regions. II est a remarquer
que dans les toundras, I'hiver est moins froid, a cause de Tagita-
tion de Fair qui deplace les couches les plus froides.
En ete, la pression diminue dans la Siberie orientale, comme
sur tout le continent. La moyenne estivale descend k 754 millime-
tres. Lepdle du froid devient alors un foyer d'appel; I'air venant
du Pacifique afflue : c'est la saison des nuages et des pluies. Le
thermometre monte en juillet, k Yakoutsk, jusqu'a 40 degres
SIBERIE. 267
au-dessus de zero, cequi fait un ecart de pr6s de 100 degr^s
entre les temperatures extremes d'hiver et d'et6. Pendant cette
saison, la Sib^rie occidentale aun regime climat^rique plus va-
riable. Les moussons ne s'y font pas sentir. La pression est plus
basse encore qu*^ Test, k cause des fordts, qui emp^chent la di-
' latation de Tair, et du voisinage des steppes, ou se trouve alors
le centre des plus basses pressions de la plaine septentrionale.
L'annee siberienne se partage done entre deux saisons extremes
qui sesuccedent presquesans transition et sont d*in6gale dur^e.
D^s le mois de juillet la neige se montre, et d^s le milieu d'aoi]it
les feuilles commencent k tomber. La decouverte d*ossements
de mammouths, de rhinoceros et d autres esp^ces animales dis-
parues, atteste que le climat de la Sib^rie n*a pas toujours ei6
aussi froid. L'abaissement de la temperature s*estfait sentir parle
nord, sous Tinfluence des glaces polaires et, par le sud, en raison
des neiges accumulees sur les inontagnes ; il a du se produire
subitement, car on a retrouv^ des cadavres entiers de mammouths
enfouis dans les toundras dont la chair a pu dire d^voree par
les chiens.
La Sib^rie doit Tabondance de ses pluies a la mousson d'^t^.
En hiver, les vents dominants de la Sib^rie orientale sont des
vents du nord-ouest. Soufflant vers les regions plus chaudes et
plus basses du Pacifique, ils s*6loignent du point de condensa-
tion. Dans la Transbaikalie, des hivers entiers se passent sans
neige et frequemment Temploi des traineaux est impossible. Au
contraire, les moussons d'et^, venues de la mer, se refroidissent
k la rencontre des hautes terres et foumissent beaucoup d'hu-
midite. La Siberie orientale est done favorisee pendant cette
saison. La pluie tombe quelquefois pendant quarante-cinq jours
cons^cutifs dans le bassin de I'Oussouri. La moyenne annuelle
est de 37 centimetres a Vladivostock, de 39 a Nertchinsk, de 14
k Irkoutsk.
Hydrographie. — La Sib6rie est arros^e par les fleuves les
plus longs et les plus puissants de TAsie, apres ceux de la
Chine.
Ob ou Obi (longueur du cours, 4 350 kilometres , superficie du
territoire draine, 3 millions et demi de kilometres carres). La
branche maitresse est VIrtichy issu de la depression comprise
entre TAltai et le Tarbagatai. G'est d*abord VIrtich noir qui se de--
verse dans le Saisan-nor (3 fois le lac Leman). 11 en ressort sous
268 ASIE.
le nom dlrtich Wane, parcourt la slepipe de Baraba, puis s'unit
k Vlchim et au Tobolj ce dernier descendu des pentes oura-
liennes. VObi proprement dit est form6 de deux rivifercs n6es
dans les glaciers de TAltai. A Barnaoul il n*est d^j^ plus qu*^
100 metres d*altitude. II s'engage alors dans les steppes, et d6-
crit une grande course vers le nord-ouest k la rencontre de
rirtich dent il continue la direction. Sa largeur moyenne est
de 800 metres. 11 se jette dans la mer par un estuaire long de
800 kilometres et large de 50.
liNissEi (environ 4 500 kilometres de long). 11 est originaire
des montagnes de Sajan et de la chatne du Tannou-^la, qui leur
correspond au sud. II s'^chappe de la region montagneuse par
des cluses profondes qui le r6tr6cissent jusqu*& 50 metres de
largeur. Mais, a Krasnoi'arsk, k 2 000 kilometres de la mer, il
n'est plus qu'k 160 metres d*altitudc, et, k Yenisseisk, k
65 metres seulement. Son principal affluent, k droite, la Ton-
gouska superieure, suite de VAngaray lui'amene les eaux du lac
Baikal. Ce lac, long de 600 kilometres, large de 100, d'une su-
perficie de plus de 50000 kilometres carr6s, est une veritable
mer interieure, encadree de montagnes alpestres. II estalimente
surtout par la Selenga^ venue d*un plateau lacustre de la Mon-
golie et qui pent etre consid^ree conune la source la plus loin-
taine de lienissei. Ce fleuve finit dans une embouchure qui est
un veritable fiord, large de 60 kilometres dans la partie cen-
trale et de 20 k Tentree. Les eaux marines remontent jusqu'ft
500 kilometres.
Lena (longueur 4850 kilometres, etendue du bassin 2500000
kilometres carres). Ala difference des fleuves precedents, la
Lena commence sur le versant nord des montagiies de la Siberie
meridionale. Les sources se trouvent k 50 kilometres seulement
du lac Baikal, k Faltitude de 1000 metres environ. EUe traverse
des assises de gres rouge decoupees en falaises, hautes de
100 metres et, k 160 kilometres de son origine, devient dejSi
navigable. Elle decrit une courbe vers le nord-est entre les
hautes terres de la Siberie centrale k gauche et les murailles
de gres des plateaux de Yitim et d* Aldan, k droite. Les affluents
venus de ce c6te, drainant une region abondamment arrosee,
lui apportent un fort contingent d'eau. Au confluent du Yitim,
la largeur de la Lena est de 600 metres. A partir de Yakoutsk,
le fleuve se rejetle au nord-ouest et se termine par un delta de
Slfi^RlE. 200
2Q000 kilometres carrSs. L'ensemble des voies Aavigables du
baBsin forme une ligne d*eau de 10 000 kilometres.
Le caractere commun a ces trois fleuves est qulls ont la plus
grande partie de leur cours en plaine. Tous trois parcourent,
avec une direction sensibiement parallele, le versant septentrio-
nal qui s'infl^chit vers la mer Glaciale. Grdce k Thorizontalite
du sol, leurs rdseaux fluviaux communiquent facilement par des
canaux et des portages. Le debit moyen de chaque fleuve est de
10 000 metres cubes k la seconde, soit environ 4 fois le Rhin.
Les eaux s*etalent librement et, en temps de crue, debordent
sur des kilometres de largeur. On a constate que ces fleuves
se deplacent sans cesse k droite, ou la rive est presque toujours
plus eievee qu*^ gauche. Beaucoup de villes ont dii etre partielle-
ment reconstruites,
AuouR. — Le bassin de YAmour (4 fois grand conune la
France) est tout entier contenu dans la region montagneuse de
la Siberie orientale qui est en meme temps la partie la mieux
arrosee.
L*Amour (environ 5000 kilometres de long) est un fleuve
briseur d'obstacles. II doit son origine k deux grandes rivieres,
la Chilka et VArgoun, prolongement du Keroulen, qui se deve-
loppent sur le plateau mongol k la base meridionale des monts
lablonoi. L* Amour perce par une succession de defiles la chaine
orientale du plateau ou Chingan et descend vers le sud-est en
une plaine que limite k Forient la rangee du petit Chingan ou
Altin-Khan. II se fraye 1^ un passage etroit, long de 130 kilo-
metres, puis, ayant re^u k (koite le Soungari et YOussouri,
il s'epanche au nord dans une plaine basse, bornee k droite
par la chaine littorale du Sikota-AUn, L'Amour franchit cette
derniere barriere et va finir dans Tocean Pacifique, en face des
rivages septentrionaux de Tile Saghalien.
L* ocean Pacifique re^oit encore Y Anadir (240 kilom.). C'est
un fleuve au cours lent, embarrasse d'ilots et de bancs de sable ;
il est extremement poissonneux.
Les fleuves siberiens, coulant lentement dans de larges lits, sont
tres tavorables k la navigation. Aussi sont-ils siUonnes, en ete,
par des flottilles de navires k vapeur, comme la Volga, leur
soeur de la plate Russie. En cette saison, leurs embouchures
sont libres, grftce aux courants chauds venus de TAtlantique.
Hais rete dure peu. L*Amour n*est navigable que pendant
270 ' ASIE.
quatre mois, la L^na pendant deux mois seulement. Les fleuves
gelent sur 1 metre k 2 m. 40 de profondeur. Le gel commence
par la surface, qui se soul^ve en forme de voiite, sous reifort des
sources demeurees liquides. L'eau solidifiee finit par s^accu-
muler k une hauteur de phisieurs metres. Quand survient la
d^bAcle, c'est par Tamont que les fleuves siberiens recommencent
k couler, k cause de Forientation du sud au nord. Les glaces
amoncelees forment des amas qui ont quelquefois pr^s de
100 metres de long sur 20 de large et 3 metres d epaisseur.
Ces banquises labourent le sol et y creusentde profonds sillons.
Les fleuves siberiens d^truisent ainsi leurs rives et entrainent a
la mer jusqu*a des lambeaux de for^ts.
Cdtes. — La connaissance complete des rivages siberiens
date du voyage de Nordenskiold en 1878-1879. Les cdtes de
Tocean Glacial arctique, situees sous une tres haute latitude,
sont inhospitalieres pendant la plus grande partie de Tannic.
Leurs articulations sont d'ailleurs tr6s mediocres ; les contours
en sont arrondis; les caps comme le Tcheliouskinej peu sail-
lants en general, les golfes mal ramifies, sauf les estuaires flu-
viaux tels que ceux de I'Obi et de Tlenissei. Les iles, comme la
Nouvelle Siberie et la terre de Wrangel ne cdrrigent en rieq
cette pauvret^ des decoupures du littoral.
La cdte du Pacifique ou sevit le climat continental est aussi
bloquee par les glaces pendant les mois d'hiver, et le port de
Yladivostock, citadelle navale des Russes, devra etre remplac6
et complete un jour ou Tautre par une station plus m6ridionale
et mieux accessible.
Presque parall61ement a la rangee littorale du Sikota-Alin et
separ6e du continent par le d6troit peu profond de Tartaric,
reconvert chaque hiver de glace, s*allonge la grande ile Sagha--
lien ou Sakhalin (63 000 kilometres carres). La population n'est
que de 15000 habitants.
La c6te siberienne est en voie de soulevement. On a relrouve
des coquilles arctiques incorporees a la vase qui occupe le fond
des toundras. Sur certains points, I'^mersion du rivage a soii-
lev6, jusqu'i plus de 100 metres d^altitude, les amas de bois
charries par les fleuves et qui garnissent les c6tes de la mer
glaciale dune frange noire. Ces amas de bois qu*on rencontre
atissi bien avant dans I'interieur sont designes sous le nom de
« bois d'Adam » ou « bois de Noe » .
SIBfiRIE. 271
Flore et faune. — Aux differentes zones climat^riques cor-
respondent des zones de v^g^tation tr^s marquees. On en compte
quatrc, qui sont du sud au nord :
1® La zone des steppes ou la p^riode des pluies et, par suite
celle de la vegetation, se borne a quelques mois. Le sol ne
produit que des mousses et une herbe rare;
2« La zone des terre& cultivables, large de 150 & 400 kilo-
metres;
3^ La for^t marecageuse ou taiga. Les pentes septentrionales
de I'Altai et des mont*^ Sajan, expos6es aux vents du nord-est,
sont revetues d'une riche frondaison de pins, de cadres, de bou-
leaux. Vers le 60® parall61e cessent les arbres k feuilles caduques
et se montrent les forSts de r^sineux, pins et sapins. La limite
de la vegetation forestiere d^passe au nord le 72** degre, mais
la brievete de I'ete, la s6cheresse du climat, les froids excessifs
de rhiver ne permettent pas k la s^ve de circuler librement et
aux arbres de prendre les proportions convenables. Dans la
partie septentrionale, ils n'ont plus que 5^6 pieds de haut et
25 k 30 centimetres d'epaisseur. Dans le voisinage du Pacifique,
au contraire, I'abondance des precipitations aniene une recru-
descence de la vegetation forestiere. Meme on rencontre la
vigne sauvage sur les bords de TOussouri ;
A^ Au dela du 70* et du 72® degre de latitude, Tabsence de
chaleur determine une nouvelle region infertile. Ce sont les
toundraSj vastes etendues oii la terre, profondement geiee,
se couvre, quelques semaines seulement, de mousses et de
lichens. Dans les endroits abrites se montrent quelques plantes
k fleurs, quelques broussailles de sorbiers ou de bouleaux nains.
La Siberic est naturellement tres riche en especes animales
des regions arctiques. On y trouve toutes les varietes des ani-
maux k fourrures, ours, renards de toutes couleurs, marlres,
zibelines, etc. Parmi les especes domestiques, I'animal le plus
utile est le renne. Dans le voisinage des Mongols et des Khirgiz,
on utilise le chameau et le yak. Le tigre se rencontre dans 1' Altai
par 50^ de latitude.
Populations. — La Siberie, plus grande que I'Europe, a une
population inferieure k celle de la HoUande (4300000 hab.,
soit 0,4 par kilometre carre. Quatre millions et demi appar-
tiennent k la race slave. Les races primitives, connues sous le
nom de Tchoudes, qu*on suppose d'origine finnoise, ont en
272 ASIE.
grande partie disparu. Les rameaux subsistants de cette popu-
lation indigene sont les Vogoules, habitant le versant oriental de
rOural, les Ostiaks, places k Testuaire de TObi, sur les rives de
riftich et de la basse Tongouska, les Samoyedes, r^pandus dans
toute la zone maritime^ etc. La race conquerante est celle des
Mongols, k laquelle appartiennent les Tongomes qui dominent
dans' la Sib^rie orientale, les Bouriates du Baikal, les KcU-
moukSf etc. Les Vakoiites de la Lena se rattachent k la race torque
ainsi que les Tchouvaches, les Ouriankhes^ etc. Dans les regions
circumpolaires habitentles Tchouktchis. La plupart de ces peu-
pies ont adopts le christianisme, mais ils sont demeur^s au fond»
idol^tres.
Cr^ographie politiCiae. — La cpnqu^te de la Sib^rie par les
Russes a conunence au xvi» si6cle par Texp^dition du Cosaque
Yermak. Tobolsk fut fondee en 1587, Yakoutsk en 1632, Au
milieu du xvii* si6cle, les colons, attires par I'appdt de Tor,
atteignirent le littoral du Pacifique., L'Amour fut conquis une
premiere fois en 1689. Depuis le milieu du xvui^ si^cle, la
Sib^rie a re^u environ 1 million de formats ou exiles des deux
sexes. Aujourd'hui, le nombre des d^port^s envoy^s en Sib^rie
est d*environ 20 000 par an. La colonisation se d^veloppa au
XIX® si^cle, grAce k Tabolition du servage. En 1876 fut cr^ee la
province maritime de la Siberie orientale. Les trait^s de Tientsin
(1858) et de P^kin (1860) ont donn6 aux Russes la rive droite.
de rOussouri jusqu a rOc6an. D6s lors, la creation du port Yla-
divostock devint une base d'attaque contre la Coree.
La Siberie est divisee politiquement en deux grands gouver-
nements g^n^raux : Siberie occidentale, chef-lieu Omsk^ et
Siberie orientale, chef-lieu IrkoulsL Les gouvernements gene-
raux se subdivisent en gouvernements particuliers et en pro-
vinces. La province de V Amour est soumise k un regime mili-
taire special et subdivis^e en regiments et bataiilons de
cosaques.
La region oil les colons se pressent en plus grand nombre est
la Transbaikalie, sur les confins mongols, si^ge d*un conunerce
actif avec la Chine. Le gouvernement le plus peupld est celui
de Tomsk (1,4 par kilom. carr^).
La plus grande ville est Irkoutsk (40000 hab.), qui doit sa
prosp^rit^ aux relations commerciales avec Fempire chinois.
L*ancienne capitale Tobolsk (20 000 hab.), au confluei^t de
SIBERIE. 173
l*Irlich et du Tobol, est une ville d^chue. Elle est depass^e par
Tomsk (33 000 hab.) sur le Tom, ville universilaire, centre des
echanges de la region, et par Omsk (37000 hab.), au confluent
de rOm et de Flrtich. Citons encore, dans la Siberie occiden-
tale : lekaterinenbourg, au centre des regions mini^res de
rOural, Irbit, c^l^bre par ses ^tablissements metallurgiques et
ses foires, Semipalatinsk^ sur Flrtich, qui conunerce avec le
Turkestan, Tioumen, sur la Toura, au passage de la grande
route siberienne, au carrefour de nonibreuses voies, Barnaoul
sur rObi, capitale de la contr^e mini^re de TAltai. Dans la
Siberie orientale : Krasnoiarsk, au confluent du Yenissei et de
la Kachta, sur le tract siberien, Yenisseisk au milieu de gise-
ments de fer et de lavages d*or, Yakoutsk sur la Lena, march^
central de pelleteries, Tchita, centre d'approvisionnements
pour les colonies de I'Amour, Nertchinsk, dans une region de
mines, Kiakta^ ville de comptoirs, entrepdt du commerce avec
la Chine. Dans les provinces du Pacifique : Blagovechfchensk,
au confluent de TAmour et de la Zeya, en amont de la ville chi-
noise d*Aigoun, conmierce avec la Mandchourie, Nikolaievsk^
port sur TAmour, Petropavlosk, capitale du Kamtchatka, d^pdt
de fourrures, Okhotsk, Vladivostok (dominatrice de TOrient),
place de giferre.
Geographie 6conomiqae. — Agricdltore. — La Siberie
olTre dans ses provinces m^ridionales jusqu*au 55* et meme jus-
qu'au 58*» degr^ de latitude, un champ tr^s vaste et relativement
tr^s tavorable k la culture des cer^ales : le tchernoziom s'y
rencontre sur de grandes etendues et pent rivaliser avec les
fameuses terres noires de la Russie m^ridionale. Les terres culti-
vables representent un total de 4 millions de kilometres carres et
peuvent fournir en abondance la plupart des produits de TEii-
rope temperee. Les parties les plus fertilesse rencontrent dans la
Transbaikalie, autour de Nertchinsk, et dans la vallee de TOus-
souri.
Les grands obstacles au developpementde cette richesse sont,
d une part, I'enormite des distances, qui rend difficile Tecoule-
ment des produits, et le manque de bras, mais surtout le climat.
Le. hetail est peu abondant en Siberie, k cause de la difficult^
de le nourrir pendant Thiver.
De vastes etendues de prairies naturelles pourraient nourrir
de grands troupeaux, mais Fdevage n'a pas 6t^ jusqu*5 present
6£0&. CL. 5* IB .
274 ASIE.
en faveur, pas plus chez les indigenes qu'aupr^s des colons russes.
Les foretSy qui couvrent en Siberie d'immenses espaces,
mais ou les arbres sont souvent chetifs, ne servent exclusi-
vement qu'k la consommation locale, et parliculi^rement k la
construction des habitations. Mais la Siberie est un admirable
pays de chasse et la poursuite des animaux k fourrures est
depuis trois si^cles une des principales occupations des habi-
tants. La valeur des fourrures export^es annuellement depasse
5 millions de roubles (environ 20 millions de francs) ; les peaux
d'^cureuil sont de beaucoup les plus norabreuses, celles du
renard noir et de la martre zibeline les plus recherchees et les
plus chores.
La peche ne fournit gu^re qu'^ I'alimentation des habitants.
Productions minieres, Industrie. — La Siberie fut exploit^e k
Torigine comme pays minier, et surtout comme pays producteur
de me'taux precieux, mais la concurrence de la Galifornie et de
I'Australie, dans ces dernieres ann^es, a rendu cette induslrie
moins ilorissante et peu remuneratrice. Les principaux centres
d'exploitation sont I'Oural (vallees de la Toura et du Taguil),
TAltai et la Transbaikalie. On a recueilli, en 1884, 30000 kilo-
grammes d'or (sur 150000 au total dans le monde).
C'est surtout la d6couverte de mines abondantes de houille et
de fer qui est destinee k faire naitre en Siberie une grande
industrie metallurgique. G'est I^katerinenbourg qui traite une
bonne partie du mineral de fer extrait des mines de I'Oural. H
faut ajouter que la Siberie est maintenant le pays producteur de
graphite le plus important du monde (mines de Batugol).
La Siberie pourrait voir se d^velopper une industrie manufao-
turiere puissante. II ne manque que les debouches : la main-
d*CBUvre aussi laisse beaucoup k d^sirer. La fabrication des
eaux'de-vie de pommes de terre et de grains passe en premiere
ligne. Le centre manufacturier le plus important de la Siberie
est Tioumen,
Commerce. Voies de communication. — Les grands fleuves de la
aiberie sont tous navigables, mais ces fleuves sont gel^s une
bonne partie de I'annee, et il arrive souvent que les s6cheresses
estivales rendent difficile la navigation pour les bateaux calant
plus d*un mfetre. Leur grand d^faut, si on excepte TAmour, est
surtout de n'avoir pas de debouches.
Les routes et les chemins de fer sont naturellement appeles k
8II3ERIE. 275
corriger le defaut capital des fleuves sib^riens, qui reside dans
leur direction sud-nord, oppos^e h celle des fleuYes russes. Les
routes, en particulier, leur sont perpendiculaires et ont g6n6ra-
lement la direction ouest-est. Tel est le cas du faraeux « tract »
siberien, qui conduit de Perm k la fronti^re chinoise par Kkateri-
nenbourg, Omsk, Tomsk, Irkoutsk, Kiakta, et qui a plus fait pour
la prosperity de la Siberie que le coursmfime des grands fleuves.
Les habitations, les villages, les villes se sont 6chelonn6s sur son
parcours, el les localites qu*une modification d'ilin^raire de la
route a d^laissees ne tardent pas k d^perir (Tobolsk). G*est le
vrai centre de Tactivite du pays.
Jusqu*^ present il n'existe encore en Siberie que la ligne de
Perm k lekaterinenbourg et k Tioumen, reliant les voies navi-
gables de la Volga et celles de TOb- On a commence les etudes
du chemin de fer transsiberien, qui aura 7 500 kilometres. Pour
le moment, il est question de relier les voies fluviales par des
(rontons de voies ferries. Plusieurs ont 6t6 commenc6es entre
•
Tomsk et Vladivostock.
CoHUEBCE. FoiREs. — Lc commerco exterieur se fait surtout,
comme dans la Russie orientale, par TintermMiaire de grandes
foires annuellies, qui se tiennent en general en fevrier. La plus
renommee et la plus active est celle dlrbit, entre Tioumen et
lekaterinenbourg.
Le commerce avec la Chine est insignifiant. Les importations
chinoises en Siberie ne depassent gu6re 28 millions de roubles
{env. Ii2 millions de francs).
Les ports russes du Pacifique, Nikolaievsk, Vladivostok, n'ont
eu jusqu a present qu'une importance militaire.
BU>liographie.
Lanoye. La Siberie d'apres lea voyages les plus r^cents. Paris, 1879.
Sabir (de). Le fleuve Amour. Paris, 1861, in-4.
Vrangell (de). Le nord de la Sihirie^ trad. fr. Limoges, 1883.
Cotteau. be Paris au Japon d iravers la Sihirie. Paris, in-8, 1883.
Hansteen. Souvenirs dun voyage en Sibdrie. Paris, 1857, in-8.
Meignan. De Paris a Pikin par ierre. Paris, 1876, in-8.
Kordenskiold. Voyage de la V6ga aulour deVAsie et de V Europe. 2 vol. in-8,
1886, trad.
Prjevalsky. Voyage dans les possessions russes de VOussouri. Saint-Peters-
bourg, 1870, in-8.
Tchihatchef. Voyage sdentifique dans V Altai oriental. Paris, 1846, in-4.
E. Reclus. Geographic universelle, t. VI, p. 575.
276 ASIE.
Sujets de devoirs.
Los cdtes de la Sib^rie.
La froiiti^re russo-chinoise.
La colonisation russe : influence du climat et du relief sur la repartition
des colons.
Gompai*aison des fleuves sib^riens avec les fleuves europ^ens.
CHAPITRE in
TURKESTAN
Au sud de la Sib^rie occidentale et des monts Ourals s*in-
cline la depression aralo-caspienne, d^sign^e aussi sous le nom
de Touran par opposition aux terres elevees du plateau de
17?'an qui le surplombent au sud. Du cdt6 de Test, le Touran
est doraine par les escarpements des monts Thian-Chan et du
plateau de Pamir, d*ou d^coulent les eaux qui le sillonnent. Ces
deux regions, si differentes par leur relief, mais dependantes
Tune de Tautre au point de vue hydrographique, forment le
Turkestan,
Relief. — La serie des chaines bordi^res occidentales du
grand massif de I'Asie int^rieure est interrompue au sud de
I'Altai et du Tarbagalai. Un seuil, elev6 de 600 metres seu-
lement, fait communiquer la Dzoungarie a Test avec les plaincs
du lac Balkach et les steppes khirgizes u Touest. Ge sont les
celebres porter Mongoles, par ou sont passees tant d'invasions.
Au sud, s*allonge le vaste syst6me des monts Thian-Chan,
Thian-Chan. — Get immense soul6vement couvre une super-
ficie vingt-cinq fois plus grande que celle desAlpes europeennes.
La longueur, d'est en ouest, depuis Toasis de Khamil, en plein
desert de Gobi, jusqu'^ Samarkand, est de 2450 kilometres,
soit la distance de Lisbonne k Gorfou. Simple a Torigine, et
elev6 seulement de 960 metres, le systeme atteint rapidement
3 et 4 000 metres, et, en meme temps, il se multiplie et se com-
plique. On distingue les chaines maitresses orientees parallele-
TURKESTAN.
S77
inent, du nord-est, au sud-ouest, et les chaines ext^rieures,
disposees en ^ventail, en dehors de la masse, et enfermant entre
leur raraeaux des plaines triangulaires. Les avant-chaines sont
compos^es de mollasse comme les chaines subalpines des Alpes.
Les hautes chaines sont granitiques et pr^sentent de nombreuses
traces de Yolcanisme.
Au sud A'Ouroumtsi s'^leve Tar^te du Katoun ou Katyriy qui
d^passerait 4 800 metres. Elle porte de nombreux cdnes d'erup-
tion d'ou s'6panchent des coulees de laves basaltiques. Sous
les noms de Iren-Chabirgan et de Doro-Choro, cette chaine
limite, au nord,le bassin de Kouldja; elle projette vers le nord-
est le rameau de VAla-taou dzoungarien.
Au sud du Katoun se developpent les nionts Archariy puis,
au del^ de la valine du Koung^s, le Nara-taou^ que continue.
Fig. 11. — Profil compart des Pyr^n^es, des Alpes et des monts Thian-Cban.
apres la percee du Tekes, le souleveraent du Nan-chan. Dans
le prolongement sont orientes deux sillons de YAla-taou (4 a
5 000 mM.) dont les diverses branches enferment le lac Issik-
Koul, puis vient la chaine Alexandre y qui va s'abaissant par le
Kara-taoUy k Test du bassin du Syr-Daria.
La plus puissante des aretes du Thian-Ghan est I'arete rn^ri-
•dionale qui commence au sud de la vallee de Youldouz. Ce sont
proprement les monts Celestes des Chinois. La cime culminante,
le Chan-'Tengri (6500 metres), couronne un demi-cerclc de
glaciers long de 100 kilometres. A Touest, la chaine s'inflechit
Ters le sud : c'est \eKok-tal-taou, qui s'arrete au-dessus du pla-
teau d*Aksdi. Au dela, I'arete transversale du Yassi-taou et du
Hogarth que coupe la breche du Naryn, va rejoindre, au nord,
la chaine Alexandre.
Au sud du plateau d'Aksai s*ouvre le col du Tourovg-art
(3500 met.), par ou Ton pen^tre du bassin du Naryn dans la
depression de la Kachgarie. Beaucoup plus important est le
passage utilise toute I'annee qui traverse a 5i40 metres dalti-
278 ASIE.
tude la chaine du Terekdavan et qui a toujours et6 la grande
voie de communication entre le Ferghana et le pays de
Kacligar.
Cette chaine du Terekdavan annonce le soulevement de FAlai,
qui reproduit I'orientation du Tian-Chan. La hauteur moyenne
est de 4, 5 et 5 500 metres. Les cols les moins Aleves d^passent
3000. L'Alai se continued Touest par le A^flj-a^c/ie'/aoM (4000 m6t.).
11 est double du Transalai, Les deux chaines sont s^par6es
par un plateau, ancien lac dess6ch6, large de 40 kilometres
k Tendroit le plus ^lev6. Le Transalai renferme le g^ant de
toute cette region de TAsie, le pic Kaufmann (7 000 m^t.).
Le Transalai forme le rebord septentrional du vaste plateau
de Pamir, Le rebord oriental est le Kizil-Art, dont le pic
culminant est le Tagharma (6 800 ra6t.). Au sud, le plateau
s adosse k I'^norrae massif de VHindou-Kouch.
Pamir. — Le plateau de Pamir (toit du monde) mesure
300 kilometres du nord au sud, et 500 de Test k Touest. Sa
superficie est de 100 000 kilometres carres. L*altitude est de
4 000 h 4500 metres. Qu'on se figure une contr^e grande comme
le tiers de I'ltalie, port6e tout entiere k la hauteur de la Yungfrau.
On distingue le Pamir oriental ou petit Pamv\ compose de
valines herbeuses, et le Pamir occidental, tres montueux, ayant
son inflexion g^n^rale vers Fouest. Les chaines montagneuses
qui sillonnent le plateau sont insignifiantes : elles ne d^passent
guere 500 metres, et toutes les pentes sont facilement acces-
sibles, en dehors de la saison des neiges.
Depuis les promontoires occidentaux du Thian-Chan et du
Pamir jusqu*a la Caspienne, s'abaissent les plaikes u Touran,
fond d*une ancienne Mediterranee dessechee. Au nord du lac
Balkach, sur les confins de la Siberie, s'^tendent les steppes
khirgizes. Au-dessus des c6tes orientales de la Caspienne se
dresse le plateau argileux de YOust-Ourt. Au del^ s'etend Tim-
mense sabliere du Kara-Koum, interrorapue par la valine de
TAmou-Daria; mais les grandes etendues sablonneuses repa-
raissent dans le Kysyl-Koum et dans VAk-Koum, k Test de la
mer d'Aral.
Climat. — Le Turkestan, par sa position k Tinterieur du
continent asiatique, a un climat excessif. 11 est soumis pendant
I'hiver, au regime des vents polaires sees et froids. Sur les
frontieres de la Siberie, le thermomelre pent descendre jusqu*^
TURKESTAN. 2:9
— A(P et — 50**. Les fieuves g^lent pendant plus de deux mois.
M^me h Merv, situ^e au sud, il tombe quelquefois un peu de
neige et la temperature pent s'abaisser k — \b^, — Les regions
protegees par les raontagnes ont un climat raoins rigoureux.
A Tachkend, qui est k 400 metres d*altitude, il fait, en hiver,
3 degr^s de plus quk Pelra-Alexandrovsk. A Samarkand,
rhiver est de 10 degres plus chaud qu'^ Vernyi, situe a la
m6me altitude. La haute valine du Syr-Daria ou Ferghana, bien
abrit^e au nord, ne connait qu'exceptionnellement la rudesse
de rhiver. En 6t6, Fair s'^chauffe rapidement au contact des
deserts de sable. Aux froids du Groenland succ6de la tempe-
rature des lies du Cap-Vert. L'ecart entre les extremes est de
74 degres. La raoyenne de juillet k Tachkend est de -I- 26*.
Le Pamir, quoique situe k la latitude du midi de I'Gspagne,
doit k son altitude un climat trSs rigoureux. L'air y est extrd-
mement sec; partant le rayon nement sol aire est intense et le
refroidissement rapide. Le thermometre peut marquer en m^me
temps — 10* k Tombre et -f- 70* au soleiL
Le Touran doit son infertility k la pauvrete des pluies. A
Petro-Alexandrovsk la moyenne annuelle est de 0,6 centimetres
seuleraent. il en est de m^me dans tout le bassin moyen de
TAmou-Daria. Les surfaces argileuses sont encore plus depour-
vues d*humidite que les sables, a cause de T^vaporation qui
est plus active. En certains lieux, des annees enti^res se
passent sans qu'il tombe une goutte d*eau. Dans les steppes
khirgizes, les precipitations sont deja de 10 centimetres. Elles
augmentent vers le sud, a raison de Taction r^frigerante des
montagnes. On a 32 centimetres a Tachkend, 34 k Samarkand,
51 a Vernyi, au pied de I'Ala-taou. Sur les monts Tian-Chan
les nuees neigeuses ne d^passent pas 3 000 metres. Les chaines
exterieures, plus hautes, protegent les parlies internes de la
montagne, ou il y a peu de neige, meme en hiver, a Taltitude
d$ 3'^00 metres. Sur les flancs meridionaux du Pamir, la ligne
des neiges perpetuelles se tient k 5 000 metres.
Hydrographie. — Le Turkestan est en voie d'assechement
continu. Beaucoup d'anciens lits ont ete combles. Un grand
nombre de rivieres sont absorbees par les sables et les mare-
cages. Les lacs diminuent, s'evaporent, quelques-uns meme
disparaissent.
La depression touranienne est traversee par deux grands
280 ASIB.
fleuves, le Syr-Daria et YAmou-Daria, lis se jettent aujourd'hui
dans la mer d' Aral, mais ils ont ete autrefois tributaires de la
Caspienne. On a retrouY^ dans le desert de nombreuses traces
de I'ancien lit de rAraou; les voyageurs Font suivi sur un
espace de plus de 500 kilometres.
. Le Str-Daria, ancien laxarte (1600 kil.), s*ecoule, sous le
tiomde Naryn, d'line vall6e longitudinale des monts Tian-Ghan.
Au sortir d'uixe longue clusoj k travers la chatne du Hogart, il
arrose Toasis du Ferghana. Au dela de Kokand. et de Khodjend,
il se recourbe vers le nord et passe entre le plateau de Kara-
taou a droite et le Kizil-Koum k gauche. A partir de Kazalinsk,
il se divise. Son delta, embarrasse de roseaux, est un vaste
marScage. Gel^ pendant Thiver, il est dilKicilement navigable
en ete, k cause des bancs de sable.
L'Amou-Daria, ancien Oxus (2 500 kil.), est originaire du
Pamir. II sort du lac Sarkoul, k I'altitude de 4 200 metres. ,
Cette nappe, de 5 a 4 kilometres de large, est recouverte tout
rhiver d'une ^paisse couche de glace. L'Amou-Daria re<?oit
tout son contingent d'eau dans son cours montagneux, car,
au sortir du Pamir, il ne recueille plus aucun affluent et il perd
une grande quantite de ses eaux par Fevaporation et Firri-
gation. On pent considerer comme appartenanl k son domaine
hydrographique deux cours d'eau qui sont absorb^s par les
sables avant la fin de leur cours : le Zarafchan k droite, qui
fertilise la plaine de Samarkand, et le Mourgab au sud, qui
arrose Foasis de Merv. A Fissue de la region elevee, FAmou-
Daria, large de 2 kilometres, se dirige parallelement au Syr-
Daria. A 150 kilom6trt?s de la mer d'Aral commence la region
basse et fangeuse de ses embouchures.
La HER d'Aral (60000 kilom.q.) est en vole constante d'ass^-
chement, malgre les apports de ces deux fleuves. Dominie k
Fouest par les falaises du plateau d'Oust-Oust, elle ne presente
partout ailleurs que des rives plates^ tout k tour sablonneuses
et marecageuses. Sa profondeur maxima est de 68 metres;
en moyenne elle ne depasse pas 10 metres. Son niveau est
superieur de 48 metres a celui de la Caspienne.
La MER Caspienne occupe le' fond de la depression toura-
nienne, puisqu'elle est k 26 metres au-dessous de la surface
mediterraneenne. Elle mesure 1 200 kilometres du nord au
sud, 550 kilometres de large dans sa partie septentrionale,
TURKESTAN. 281
280 seulement au sud. Son etendue est de 400000 kilometres
Carres. Elle se divise naturellement en trois parties distinctes.
I^a cavite septentrionalc, dont le fond continue la pente de la
steppe, n*est qu'un vaste mar6cage. Elle n'a pas plus de ib k
16 metres de profondeur. La denivellation augmente vers le
centre. Le bassin rn^ridional, entour^ de montagnes, accuse une
profondeur de 700 k 900 mMres. La cdte orientate, tres de-
couple, est tantdt basse, tant6t escarp^e. Au centre s'avance
la p^ninsule de Mangischlaky au sud do laquelle s'ouvrele grand
golfe de Karahougaz. Presque ferme par une longue fl^che
de sable, ce reservoir salin ne communique avec la mer que
par une bouche etroite qui a de 140 k 150 metres de large
dans la partie la plus resserr^e.
VIssik-Koul est le seul grand lac du Turkestan situ^ en pays
de montagnes. Sa superficie est d'environ 6 000 kilometres
carres. 11 est k 1500 metres d'altitude. Comme son nom
Tindique (lac chaud), il ne geie jamais.
Le lac Balkach marque le fond de la depression septentrio*
nale du Turkestan. 11 se deploie en arc de cercle long de
550 kilometres au pied des falaises du plateau kliirgize. Sa
rive meridionale n'est qu'un long marais ou se deversent sept
grandes rivieres. La profondeur maxima ne depasse pas
20 metres, la moyenne est de 10 metres. La forte evaporation
continue sans cesse a le diminuer. Une serie d'etangs sales,
disposes en colliers, semblent continuer le Balkach k Test. Tels
sont le Sassyk-Koul et VAla-Konlj qui jalonnent la tranchee des
Portes Mongoles.
Le principal Iributaire du Balkach est le fleuve Hi (1500 kil.).
II vient du Thian-Chan, comme le Syr-Daria. Dans le bassin de
Kouldja sa largeur est dejk de 200 a 400 metres. L'ensemblc
de ses embouchures forme une superficie de 1 300 kilometres
carres. La valiee de I'lli est le grand chemin de penetration
dans le Turkestan chinois.
Beaucoup de rivieres qui se rendaient autrefois au lac Bal-
kach se perdent aujourd'hui avant de I'atteindre. Ce pheno-
mene est du, comme I'obstruction des valiees de I'Amou et
du Syr-Daria, a la diminution graduelle des precipitations a tmo-
spheriques.
Flore et faune. — Le contraste sensible qu'offrent la confi-
guration et le climat des d^^ux parties du Turkestan se retrouve
282 ASIE.
dans les productions naturelles du sol. Si Ton excepte les oasis
du Ferghana, du Zarafciian, de Merv et quelques autres, le
Touran pr^sente Taspect dun desert. Les seules plantes qui
croissent dans le sable ou entre les cailloux du Kara-kouni et du
Kisil-koum sont des plantes aromatiques ou ces arbustes resi-
neux appel^s saksaouls. A Test du lac d'Aral, sur une longueur
de 500 kilometres en droite ligne, il n*existe qu'un seul arbre^
un peuplier, objet de la veneration des noraades. Autour du lac
Balkach s'etendent les « steppes de la faim ». — Tout autre est
I'aspect de la region montagneuse. Dans le Thian-Chan, les valines
du nord, exposees aux alizes du nord-est, renferment des for^ts
enti^res d'arbres frui tiers, abricotiers, vignes, au-dessus des-
quels s'616vent les pins. Certaines de ces hautes vallees, bien
abritees "des vents froids, ont des p^turages merveilleux. Le
froment y murit jusqu'^ I'altitude de 2000 metres. Dans le
Pamir, la vegetation arborescenle consiste en saules, bouleaux
et gen6vriers. L'orge et les haricots croissent jusqu'^ 5900 metres,,
et Ton trouve a 4 000 metres, dans les creux humides, au bord
des lacs et des ruisseaux, des prairies k Therbe extr^raement
savoureuses que paissent en ete les troupeaux desKhirgizes. La
faune du Pamir est extr^mement riche : ours, loups, leopards,
chamois, cerfs, etc.; abondent. II n*y a pas moins de cent douze
esp^ces d'oiseaux.
Populations. — Le Turkestan entier, six fois grand comrae
la France, renferme 5 800 000 habitants. La population indi-
gene se divise naturellement en noraades du desert et seden-
taires des montagnes. Deux millions appartiennent a la race
ARYENNE. Cc sout les Tttdjiks, nombreux dans le Ferghana et la
Bokharie et qui sont de religion musulmane, et les Galtckas du
Pamir occidental. La grande majorite des habitants sont &e
RACE TOORANiENNE. On distinguc les Turkmenes ou TurcomanSy
les Khirgizy les Kalmouks, les Ouzbegs, etc. Les premiers et les
seconds sont mahometans, les Kalmouks sont bouddhistes. On
compte environ 600000 Russes.
Geographie politique. — La conqu^te russe a debute en
1847 et 1848 par I'occupation de Tachkend et de Samarkand.
En 1873, le khan de Khiva, bombarde dans sa capitale, a du
reconnaitre la suzerainete des Russes. Plusieurs expeditions
dirigees centre les tribus turkmenes du sud ont abouti, en
1884 & la prise de Merv, la aclef de I'lnde » . De Ik les Russes me-
TUnKESTAN. 283
nacent les fronti^res de TAfghanistan. D autre part, ils ont
obtenu de la Perse la position de SarachSy qui commande le
cours de THeri-roud. Du c6te du nord-est, les Russes, profitant
en 1865 d*une r^volte des indigenes de la Dzoungarie contre
la domination chinoise, annexerent le territoire de Kouldja. lis
formferent alors la province de S^rairetchie ou desSept-Rivi^res
avec la ville de Vernyi pour capitale. Mais, par le traits du
24 fevrier 1881, ils ont restitu^ aux Ghinois la plus grande
partie de ce territoire. Toutefois 11 288 kilometres carres sont
rest^s en leur pouvoir et un pays de 24167 kilometres leur a et^
concede sur Tlrtich noir.
Le Turkestan russe est divis6 en onze gouvernements qui
forment la lieutenance g^nerale du Turkestan ou d'Asie centrale.
La capitale est Tachkend (120 000 habitants). Viennent ensuite
par ordre d'importance : Khokand (54000), Khodjend (34000),
Samarkand (33000), Andidjan (30 000). Citons encore dans la
province du Syr-Daria : Turkestan, Perovski et Kazalinsk, ces
deux derni^res, postes strategiques sur le fleuve ; dans la province
du Ferghana, la nouvelle ville russe de Margilan, qui a deji
26000 habitants, eiSharikan; dans le cercle de TAraou-Daria,
le fort de Petro-Alexandrovsk; dans le territoire Iranscaspien, la
capitale Askabad (8000 habitants), Mervy dont Toasis renferme
200 000 habitants, le fort d'Alexandrovsk et le port de Krasno-
vodsk ; dans la S^miretchie, Vernyi^ Ibiky Kopal, Lepsinsk et
SerjiopoL
£tats vassanx. — Le khanat de Khiva, vassal de la Russie,
a une superficie de 57 800 kilometres carres et une population
de 400000 nomades. La capitale, Khivay renferme 15 000 hab.
Le khanat de Bokhara, place sous la protection des Russes,
s'etend sur 240 000 kilometres carres avec une population
sup^rieure h 2 millions d'habitants. La capitale est Bokhara
(70000 habitants), sur le has Zarafchan.
Entre TAmou-Daria et THindou-Kouch sont plusieurs petits
khanats,plus ou moins tributaires des Afghans. Les principales
villes sont Kondouz^ pr6s de I'Ak-Serai, affluent de TAmou;
Koulm, Balkhf I'ancienne capitale de la Bactriane, Maimene au
sud, pr^s de Herat, Faizahady Inderah au sud-est de Koundouz,
prfes d'un defile celebre de THindou-Kouch.
La Russie pousse activement, au prix de grands sacrifices
d'hommes et d'argent, ses conquetes dune part vers e Tur
284 ASIE.
kestau chinois par I'lli, de Tautre vers 1' Afghanistan par Mer\
et Sarachs. sur la route de H^rat. De Ik les inquietudes de TAn^
gleterre.
Gdographie iconomiqne. — La region des steppes du Tur-
kestan est destin^e a devenir pour les Busses, plus encore que
la Siberie peut-^tre, un champ magnifique de colonisation.
Agriculture. — Actuellement la plus grande partie du pays
ne se compose que de deserts et de paturages ; 2 250 000 d'hec-
tares seulement sur 108 millions sont en culture, dont les deux
tiers dans la Semiretchie et le Ferghana. Mais on calcule que
cette proportion pourrait ^tre singulifereraent elev^e et qu'au
lieu dun cinquantieme on pourrait fertiliser par Tirrigation et
conqu^rir k la culture un sixieme ou un septifeme du sol. G est
d*autant moins impossible que tout cc pays a ete jadis tr^s
prosp6re et tres riche, grdce h un excellent syst^me de canalisa-
tion, dont les debris 6pars font encore aujourd*hui la fertilite de
quelques oasis.
Les Russes songent k multiplier le nombre des canaux d'irri-
gation. Leur attention se porte, en ce moment, sur un canal
derive du Mourgab qui doit fertiliser 40000 hectares autour de
Bairam-Ali.
Le Turkestan, aux et6s tres chauds, peut produire non seu-
lement les cereales qui murissent d^s la fin de juin, mais encore
beaucoup de plantes du Midi, le colon, le riz, les fruits, le rai^
si fly qu'on r^colte en septembre. Le cotonsurtout sembleappeie
k un grand avenir. L*exportation de la Russie en d^passe dej^
50000 tonnes.
Velevage^ dans ce pays de steppes k prairies et de peuples
nomades, est rest6 jusqu'aujourd'hui Toccupation principale de
la majorite des habitants.
Industrie. — Le Turkestan poss^de de nombreux gisements
de houille, mais mal exploites. Le Badakchan a toujours ete re-
nomme pour ses pierres precieuses, Le fer, Vargent, le cuivre
abondent dans les montagnes du Ferghana. Les provisions de se/,
enfin, sont inepuisables.
L'elevage du ver hsoie, introduit depuispeu d*annees, senble
devoir reussir a merveille. L*industrie des etoffes en poil de
chameau est ancienne dans la contree, celle du colon s accli-
mate peu k peu. Les cuirs, enfin, sont travailles en plusieurs
endroits Les principaux centres industriels du Turkestan, qui
TUr^KESTAN. 285
sont aussi les centres de commerce les plus importants, soot
Samarkand et Tackkend,
Commerce. — Voies de communication. — Le developpement
des voies de communication est, pour le Turkestan comme pour
la SiWrie, une question d'importance vitale.
Le Syr-Daria et TAmou-Daria peuvent porter des barques et
m^me des vapeurs d'un faible tirant d'eau. Mais les deux fleuves
sont trop peu constants pour permettre un service regulier.
Blnfm les deux cours d'eau n*aboutissent qu'i un lac ferme.
C*est presque exclusivement par caravanes que se fait actuel-
lement le commerce. Leur point d'attache avec TEurope est
Orenbourg, point de depart de la grande route qui gagne la
Chine par Vernyi et Kouldja. C'est de cette premiere ligne que
se d^tachent au sud les grandes routes des caravanes qui se
dirigent vers Tachkend et Bokhara. De la derni^re. partent les
routes qui gagnent la Perse par Merv et Meched, Herat, dans
TAfghanistan, et enfin llnde par Balkh et Peichawer.
Le chemin de fer transcaspien, qui part de Krasnovodsk, et
qui a et6 mene recemment jusqu'a Samarkand (1460 kil.), par
Merv, Tardjoui sur TAmou, et Bokhara, n'a pas encore enleve
toute importance a ces anciennes voies. C'est surtout une ligne
strategique et elle gardera longtemps ce caract6re; mais elle
finira sans nul doute par 6tre un chemin de commerce impor*
tant. Le prolongement de cette ligne jusqu*^ Tachkend vient
d'etre decide.
Commerce exterieur. — Le commerce du Turkestan passe do
plus en plus entre les mains des Busses.
Le commerce de Bokhara avec la Chine, I'lnde, I'Afghanistan,
la Perse a presque completement disparu. Les marchandises
anglaises ont 6te peu k peu chassees de toute la region comprise
entre le Caucase etle Pamir.
Les principaux objets d*exportation sont le colon, la sole filee
et les dechets de soie, les peaux, la laine noire, connue en
Europe sous le nom d' « astrakhan », et enfin les chevaux, qui
sont achetes en grand nombre pour la remonte de la cavalerie
russe.
En resume, on ne pent s'emp^cher d'admirer I'oeuvre des
Busses dans ce pays. Leurs succes sont dus aux qualites du
colon, mais surtout a cette parente de race qui fait que les
Busses sont beaucoup mieux compris des Asiatiques que nous
2SG ASIE.
ne le sommes des Arabes, ou les Anglais des Indous. L'Asie
centrale n'est qu'un prolongement de la Russie, a bien meilleiir
titre encore que FAIg^rie de la France. C*est en tout cas une
colonie d un grand avenir et qui ne tardera sans doute pas,
sous Tadministration sage des Ru3ses, a regagner sa prosperite
d*autrefois.
Bibliographie
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Girard de Rialle. M^moire sur I'Asie centrale, Paris, 1874, in-l&
Koiiropatkine. Les confins anglo-russes dans I' Asie centrale. Paris, 1885, in-8.
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Zaleski. La vie dans les steppes khirgizes. Paris, 1865.
Leclercq. Du Caucase aux monts Altai t TranscaspiCj Boukharie, Ferghana^
Plon, 1890, in-8.
Lessar. L'ancienne jonction de VOxus avec la mer Caspienne. Paris, 1889, in-8.
E. Reclus. Gdographie universelU, t. IV, p. 305.
Sujets de devoirs
Compai'er les d6serts du Turkestan aux autres deserts du globe.
Les Toies de communications a travers le Thian-Chan et le Pamir et la fron-
liere anglo-russe et russo-chinoise.
Le cbemin de fer transcaspien et son importance au point de vue des com-
munications g^nerales du globe.
iiiAIi. ^87
CHAPITRE IV
IRAN
On comprend sous le nom d'Iran un grand, plateau de 2 mil-
lions et demi de kilometres carr^s d etendue, entre les plaines
de la Mesopotamie, le golfe Persique, la plaine de Tlndus et les
stej pos du Turkestan. A Test, il se relie aux plateaux de TAsie
centrale par I'Hindou-Kouch, k I'ouest h ceux de I'Asie Mineure
par les massifs armeniens.
Relief. — L'Hiiidoo-Kouch se soude au Pamir et ^ la chaine
du Karakorum par le col de Baroghil (3100 m.), qui delimite
les bassins de TAmou-Daria et de T Indus. De 1^, il se profile
vers le sud-ouest, orientation qui est celle du Thian-Chan. Mais
il presente beaucoup plus de cohesion, autant du moins qu*on
pent Taffirmer, dans T^tat insuffisant de nos connaissances. La
iigne des sommets ne descend gu6re au-dessous de 4000 k
4500 metres. Le massif culminant, situ6 k I'ouest de la riviere
de Tchitral, atteindrait 7 500 metres. La chaine de THindou-
Kouch est travers^e de norabreuses brSches qui ont 6t6 utilis^es
de tout temps comme lieux de passage entre I'lran^et le Touran.
Le plus frequente est le defile creuse par la riviere de Kondouz,
affluent de TAmou-Daria, et qui est connu sous le nom de col de
Bamian.
Au sud de THindou-Kouch et de ses prolongements m^ri-
dionaux s*ouvre la tranch6e de la riviere de Kaboul, affluent de
ilndus, que suit la route du fameux defile de Kaiber, la clef de
i'Hindoustan.
Au dela s*^16vent les montagnes qui forment la barri^re de
riran du cdt6 de I'lndus. G*est d'abord le Sefid-Koh, parall^Ie k
la riviere de Kaboul, puis le long soul^vement du SoumftAw-
Dagh, oriente du nord au sud. II se compose de diverses rangees
de gres ou de calcaire alignees dans le m^me sens. Elles ont
t)utes leurs pentes longues regardant vers I'lran, tandis qu'elles
tombent sur la vallee de I'lndus par escarpements rapides et en
maints endroits inaccessibles. Le groupele plus fameux est celui
du Trone de Salomon, qui culmine a 3440 metres. Au sud de ce
288 iSIE.
massif se cretise la depression du col de Bolan, sur la route d
Kandahar k I'lndus. Le syst^me du Souleiman-Dagh reparait au
deM, dans les montagnes calcaires de Brahoui qui se prolongent
jusqu'^ la mer.
La chaine bordi^re septentrionale continue THindou-Kouch h
Fouest. On d^signe souvent sous le nom de Paropamisades la
zone montagneuse, large de 200 kilometres, qui separe I'Afgha-
nistan du Touran. Elle commence k Touest de la passe deBamian
par la chaine du Koh^i-Baba^ qui atteint 5 000 metres, puis
viennent les nombreuses chaines du fChorassan^ dont la plus
septentrionale, le grand et le petit Balkan, dominent les deserts
turkm^nes. Au sud de la Gaspienne surgit le rempart de TEl-
jiouRz, ou se dresse limposante masse volcanique du Damevend
(6 600 m.). Le cratere du sommet, qui a 300 metres de tour^ est
envahi par les neiges, tandis que, tout autour, le soufre tapisse
de petits cdnes lateraux d ou s'echappent des fumerolles. Le
PLATEAU DE l'Aderbai'ojan a pour rebord septentrional la chaine
du Kara-Daghy qui renferme le massif du Sehend, a Test du lac
d'Ourmiah (3500 m.), et le massif du Savalan (4800 m.).
La bordure occidentale de Tlran est formee par les hautes
terres du Kourdistan. Un plissement de I'ecorce terrestre, sem-
blable a celui qui a produit le Jura et les Alieghanys, a donne
naissance a des sillons paralieies qui courent vers lei sud-est^
depuis les sources de I'Araxe et le lac d'Ourmiah jusqu au lit-
toral du Mekran. Les montagnes du faite sont composees de
porphyres trachitiques. Le mont culminant, le Koh-i-Dena, a
5200 metres. Du c6te de I'lran ces massifs forment une muraille
escarpee, flanquee de contreforts et de rameaux secondaires
qui s'abaissent graduellement vers le sud-est. Du cdte de la
valiee du Tigre se succedent un nombre infini de chaines cretacees
dont iesparois verticales, hautes de 500 a 600 metres, dominent
la plaine mesopotamienne et entre lesquelles les fractures du
sol ont ouvert une grande quantite de breches sinueuses. La
forifte de terrasses apparait surtout dans le Farsistan et le
Laristan. Enfin les chaines du Mekran vont rejoindre le plateau
du Belouchistan et les monts Brahoui.
. Le PLATEAU de lIran, eieve de plus de 1200 metres, est sillonn^
de chaines medianes qui affectent, comme les monts du Kourdis-
tan, la direction du nord-ouest au sud-est. Sur 1800 kilometres,
de TAderbaidjan au Belouchistan, se developpe, sans autre in-
TMSU 2ao
terruption que celle des cols et des cluses, une chaine monta-
gneuse de caract^re alpestre. Le Garghicfi et le Darbich ont plus
de 5 500 metres. Le Ckir-Kouh, au sud de Yezd, a 4 000 metres.
Gette altitude est depass^e par le Kouh-i^Eazar^ au sud-ouest
de Kirman (4200 m.). Les groupes insulaires eux-mdmes ont
aussi rorientation du nord-ouest au sud-est, k Texception toute-
fois de la Montagne Noire ^ haute de 1500 metres, situee en
plein desert, li 150 kilometres de T^h^ran, et dirig^e de Touest
k rest.
La plus grande etendue de I'lran consiste en yastes plateaux
sablonneux entrecoupes d*argiles, de salines, et parsemee d'oasis.
Tel est au nord-est le Dacht-i-Kevir, desert de sable, le desert
de Lout, le a Sahara persan », immense nappe sablonneuse
ciment^e de sel, et, dans T Afghanistan, le desert pierreux de
D^cfc^ f urieusement balaye par les tourbillons du simoun.
Climat. — Le climat de I'lran est un effet manifeste du relief.
Les vents dominants sont ceux du sud-est, venant d'Afrique et
d'Arabie, et ceux du nord-est, yenus de la Sib^rie et du Turkes-
tan. Les uns et les autres sont arr^tes par la ceinture exterieure
du plateau, qui condense leur humidity. Lorsqu*ils parviennent
k rinterieur, ils se sont rechauffes dans leur mouvement de
descente. On pent done distinguer trois zones climateriques
absolument distinctes :
i^ La lisiere maritime de la Gaspienne et de la mer d'Oman.
C'est une region chaude et humide. Les vents du nord, fixes par
la haute barri^re de FElbourz, d^posent dans les provinces du
Ghilan et du Mazend^ran jusqu'^ 1 m. 30 d*eau par an. Aussi la
vegetation yest-elletropicale.N'etaient les arbresde nos climats,
on se croirait dans une for^t vierge. G est la contree du riz;
2*" Les regions montagneuses, en particulier les chaines du
Khorassah, du Kourdistan et les terrasses du Farsistan, qui doi-
vent k leur altitude une temperature relativement moder^e;
5<> La zone des plateaux et des deserts. Le courant polaire
du nord-est et le contre-courant equatorial ont perdu toute leur
humidite au contact des montagnes exterieures. Aussi ces vents
sont«iIs ici parmi les plus sees de Ja terre. Au del^ des dei^
nieres chaines calcaires, le Kohroud k Touest et les moats du
Kermanvers le sud-est^ on trouve le desert. Les dunes de sable
s'etendent jusqu*4 1 kilometre de Yezd. U n y a plus d'eau que
dans les canaux^souterrains. Les dattiers paraisj^nt. Les villages
6^06. CL. 5*. 19
290 ASIE-
ne sont plus que des oasis qui doivent leur eau aux montagnes
du sud-ouest. Au nord, sur la route de Teheran k Nichapour,
c'est aussi le desert. La ville de Sergendeh, quoique situ^e k
512 metres au-dessus de Teh6ran et & 15 kilomMres seu-
leraent de la mer, revolt la faible quantite de 29 centimetres
d'eau par an. L'air 6tant extraordinairement sec, aucun obstacle
ne s'oppose ni k Taction solaire, ni au refroidissement. Aussi les
variations de temperature se succedent-elles sans transition.
De la nuit au jour, on passe de la temperature de la Siberia
k celle du Bengale. En liiver, on a des froids de — 20® et la
neige n'est pas rare. En avril, dans le desert de Lout, la tem-
perature moyenne est de 58^^. Elle s*eieve jusqu*a 55** k Tombre.
Au mois de juillet, a Meched, on a releve 62<* des huit heures
du matin.
Hydrographie. — Le versant meridional de la Caspienne et
le versant de la mer d'Oman n'offrent pas assez d'etendue pour
des fleuves importants. Les monts du Kourdistan et duLuristan
deversent leurs eaux dians le bassin du Tigre. La Kerka et le
Karoun sont des tributaires du Chat-el-Arab. Les monts du
Khorassan alimentent VAtrek^ qui debouche au sud-est de la
Caspienne. De la bordure septentrional e decoulent YHeri-Rotid
et le Mourgab. La premiere de ces rivieres, issue du Koh-i-Baba,
coule dans une valiee longitudinale, arrose Herat, perce la
chaine au nord, et se termine a Toasis de Sarachs, apres un
cours de 800 kilometres. Le Mourgab est la riviere de Merv. —
La chaine de THindou-Kouch fournit au bassin de Tlndus la
' riviere de Kaboul. — L'interieur du plateau est necessairement
tres pauvre en eau De Teheran h Karatchi, k Tembouchure de
rindus, sur une longueur de 1600 kilometres en droite ligne, il
n y a pas un seul cours d'eau qu'on ne puisse traverser k pied.
Le plus grand lac est celui d*Ovrmiaht dans les montagnes de
TAderbaldjan. II mesure une superficie de 4000 kilometres
carres. II est sale plus fortement que la mer Morte meme. Le
lac de Nirisy dans le Farsistan, est aussi une nappe d'eau saiee.
Le plus etendu des bassins interieurs est celui de YHilmendj
dans TAfghanistan. Cette riviere, longue de 1 100 kilometres, des-
cend comme le Kaboul de I'lndou-Kouch. Elle decrit une grande
courbe en plaine et se jette dans le lac Hamoun, vaste mare-
cage en grande partie -desseche.
Cdtes. — Sur la mer Caspienne, la cdte persane commence
IRAN. 291
au sud de la baie de Khil-Agatch et de Lenkoran, et se termine
k la baie d^Assan-^KouH ou debouche TAtrek. Form6e par une
bande de sables, elle est basse, insalubre, creus6e de golfes ou
de lagunes. La baie d*EnzelU sorte de marecage couvert de
roseaux, s'ouvre sur la mer par un chenal de 8 kilometres
de long. Au fond, Pir^i-hazar, est Tavant-port de Recht. Le port
de Meched-hter est le d^bouch^ maritime de Barfrouch, mais
Ics caboteurs seuls peuvent y p^netrer. Au sud-est, le golfe d'is-
terabad est s6par6 de lamer par une presqu'ile et plusieurs lies
Les coUines de sable et les marais salants se succ^dent ensuite.
et rendent la cdte encore plus malsaine.
Sur le golfe Persique, la zone littorale qui s'allonge au pied
des chafnes du Farsistan est torride et insalubre. C'est le
Gharnuir. Le meilleur port est Bender-Buchir; encore est-il
fort malsain. En face de BenderAbbas se trouve la grande ile
de Tavilah(i 300 kilom. carr6s), d^serte et pierreuse. Le littoral
du Mekrany k Test du d6troit d'Ormuz^ pr6sente k la mer
une ligne uniforme de coUines sablonneuses .bu de falaises
rocheuses. Ses baies sans profondeur ne sont pas accessibles
aux grands navires. Les principales sont celles du Gouadar et
de Sounmiani. Cette derni^re a iOO kilometres d'ouverture.
A 20 kilometres de la c6te on trouve File Achtola Tile en-
chantee de Nearque. Sur la c6te du Beiouchistan, de nom-
breux crat^res deversent des yases chaudes et des eaux sau-
metres.
Flore et Fanae. — L'Iran fait partie de la longue bande de
deserts qui coupe transversalement Tancien monde; c'est-^-dire
que les conditions naturelles du sol et du climat ne sont pas,
au premier abord, tr^s favorables au developpement de la vege-
tation. Tout le plateau interieur, plus du tiers du pays, n est
occupe que par des sables et des deserts qui sont encore plus
infertiles que le Sahara, et les oasis sont tr^s rares. Le sol nest
productif que dans les valines des montagnes micux exposecs
aux vents humides ou arrosees par des cours d*eau. Les deux
provinces, du Ghilan et du Mazenderan, sur les bords de la Gas-
pienne, forment un monde k part. Toutes les vegetations s'y
meient avec une luxuriante abondance, depuis les forets des
zones temperees jusqu*aux cultures presque tropicales. On cul-
tive le ble jusqu*^ 1 altitude de 2 700 metres. La vigne croit
jusqu'^ 2200 metres sur les pentes de TElvend. On trouve dans
393 ASIE.
rAderbaldjan des rizi^res k plus de 1 200 in^ti'es. Les palmiers
ont presque disparu du littoral caspien. On ne les cultive plus
que dans les basses valines des chaines bordi^res et au sud-est
du plateau.
La faune de la Perse difl%re peu de celle des pays limit rophes.
Les solitudes du plateau sont peuplees de gazelles, d*ours, de
sangliers, de loups, de leopards. Le lion habite dans les valines
entre Tlran et la plaine du Tigre, et k Fouest des monts de
Chiraz. Le tigre se rencontre dans le Mazend^ran. Le chamois
est tr^s commun dans la region des montagnes.
Populations. — La race indigene est la race iramenhb. Les
Iraniens plus ou moins m^l^s d'elements Strangers forment la
majorite de la population persane. Us habitent surtout dans la
partie meridionale du plateau, la province du Farsistan. Les
Afghans paraissent se rattacher k la m^me famille. La race con*
querante et dominante est celle des Torcs, venus du Touran. Les
montagnes de Touest sont le domaine des Kourdes, qui vivent
sous la tente. a Ift race sfiiiiTiQOE appartiennent les Arabes de
TArabistan, les Moutehes du Kirman, les Armeniens, qui ne sont
repr^sent^s que par quelques faibles communaut^s. Les valines
de THindou-Kouch renferment les Kafirs ou Infld^les, d*origine
aryenne, qui descendentpeut-^tredessoldatsd*Alexandre. Lan-
cienne religion de Zoroastre n'est plus pratiquee que par les
fiti^^res, petit groupe defideles qui n*a d*importance qu'^ Yezd.
Les Persans professent Tislamisme, mais ils sont de la secte des
Chiites, hostiles aux Arabes et aux Turcs, qui sont Sunnites.
CWogn^hie politique. — Llran est partag^ entre trois
JBtats ind^pendants: la Perse, TAfghanistan et le Belouchistan.
La Pbkse en occupe plus de la moiti^ (i million et demi de
kilometres carr^s), la partie occidentale dans toute sa largeur
avec la plus grande partie du littoral de la Gaspienne, du golfe
Persique et du golfe d*Oman. De ses 8 millions d*habitant8»
2 millions et demi sont nomades. La population sMentaire et
laborieuse est fix^e dans les provinces montagneuses du nord-
ouest, de l*ouest et du sud-ouest, dans VAderbatdjan, compost
des massifs occidentaux de I'Arm^nie, dans l*ancienne Perse
ou Farsistan, region fertile et liien arros^e.
La Perse est gouvern^e par un prince appel6 schah, dont le
pouvoir est absolu et iliimit6. U est assists de ministres ou
vizirs qu'il d^signe et qui ne sont que ses serviteurs. Le
.< <>
mHJi. 205
royaume est divis^ en provinces et gouYernements, adminis-
ires par des gouverneurs ou beglier-bey, choisis g^n^ralement
dans la famille .royale et qui r^unissent tous les pouvoirs.
Au-dessous d*eux« les gouverneurs des villes, les commandants
de police et les chefs de quartiers acb^tent leurs charges et ne
se font pas scrupules de se rembourser de leurs avances ou
detriment des administr^s. £n fait, la Perse est surveill^e par
la Russie, dont Tinfluence est pr^pond^rante.
La capitale est Teheran (210 000 hab.), au pied de TElbrouz,
au milieu de jardins renommes. Viennent ensuite, par ordre
d*importance : Tebriz ou Tauris (180 000 hab.), k Test du lac
d*Ourmiah, entrep6t des marchandises entre la Turquie, la Cau-
casie et Tlran, capitale de TAderbaidjan ; Ispahan (90000 hab.)»
grande place forte en decadence; Me'ched (70000 hab.),
dans le Khorassan, ville sainte, visit^e chaque ann^e par
100000 pterins; Kerman (45 000 hab.)» Recht, dans le Ghilan
(41 000 hab.),li Tentr^e de la route de la Gaspienne k T^h^ran;
Yezd (40000 hab.), dans une oasis; Hamadan (35000 hab.)»
Tantique Ecbatane, au pied de TElvend, ^tape entre Bagdad et
Teheran ; Ckirax, pr^s de Tancienne Pers^polis, dominant une
fteine ricfae et fertile; Sari, Astrabad, au carrefour des routes
de la Gaspienne, de Tlran et du Touran; Chotuter sur le
Karoun, Kachan au milieu de vei^ers et de florissantes cul**
tores.
L^AfGHAirrsTiJi ou Iran du nord-est, plus grand que la France
(700000 kilomMres carr^s), n'est peupl^ que de 4 millions
d*habitants. La plupart sont nomades et n*ont d'autre lien avec
le gouvernement que le payenient de Timpdt. La capitale actuelle
e&lKaboul (00000 hab.), k 2000 mMres d'altitude. Les autres
viUes sont Kandahar, sur la route de Kaboul k H^rat (60 000 hab.),
Herat sur THdri^roud (100000 hab.), Gkazni k 2500 mi^tres
d altitude, dans une position strat^gique iraportante entre Kaboul
et Kandahar. Les Afghans se sont ^tendus au nord de rHindoti-
KcHich, dans le Turkestan meridional. Les khanats de Ouakhan,
Badakchan, Kondouz, Balkh, Saripoul, JIfatmene, etc., depen-
dent ofQciellement de Kaboul, mais sont de plus en plus sur-
Talies par les Russes.
Au nord-est du territoire afghan, k rextr^mite du plateau
iranien, les montagnards du Kafiriitan ferment un petit £tat
autonome.
2:)4 ASIE.
Le Belouchistan, grand comme la moitiS de la France, ne
compte pas mSme un demi-million d'habitants. Le khan est le
vassal de TAngleterre. Depuis 1841 11 y a un resident anglais
dans la capitale Khelat (14000 hab.) et des garnisons anglaises
k Quetla^ Gandava, Khozdar et Gouadar. Ge pays est done en
r^alit^ sous T^troite d^pendance des maitres de Tlnde.
La Perse et TAfghanistan s'interposent entre les possessions
russes du Turkestan et Tlnde angiaise. Les deux peuples rivaux
ont cherch6, en mdme temps, k y ^tablir leur domination. Les
Russes conclurenl en 1834 un traite d'alliance aveo le schah de
Perse et poqssferent leur alli6 k s'emparer du Khorassan et de sa
capitale Herat, raais les Persans ^chou^rent en 1838 devant cette
ville, defendue par des oiificiers et des ing^nieurs anglais, line
seconde attaque en 1856 n*eut pas plus de succ^s. Dans TAfgha-
nistan, deux comp^titeurs se disputaient le pouvoir. Les Russes
soutenaient le premier. Le second appela les Anglais. Grdce k
eux il fut ramen^ dans Kaboul (1840). Mais, deux ans apr^s,
les Afghans, soulev^s, extermin^rent une arm^e angiaise de
20000 hommes. En 1863, les Anglais prirent leur revanche. Le
sultan de Kaboul, devenii leur allie, s empara d'H^rat apres un
an de si^ge. Apr^s la mort de leur prot^g^, les Anglais occu-
p6rent le pays, depuis 1878 jusqu*en 1881. En T^vacuant, iU
ont conserve tous les defiles du fleuve Kaboul. L*annexion de
Merv par les Russes, en 1884, faillit amener la guerre. L'interven-
tion de TAllemagne a maintenu la paix. Une conunission anglo-
russe a ^t^ nommee pour tracer la nouvelle fronti^re de la Russie
et de TAfghanistan. Mais cet arrangement ne parait pas devoir
assurer une longue paix. En 1888 une insurrection a eclats
centre T^mir de Kaboul, pensionne par le gouvernement anglais.
A la fin de 1889 une maladie d*Abdurhaman a caus^ de grandes
inquietudes et le gouvernement de Tlnde a envoye k Peichaver
des troupes destinies k pr^venir ou k r^primer les troubles qui
pourraient suivre la mort de r^mir.
Giographie iconomique. — Agricolture. — En moyenne,
on calcule qu*^ peine la quaranti^me partie du sol de Tlran est
r^ellement cultiv6e. Sur cette faible partie, toutefois, le Persan,
qui a toujours 6t6 essentiellement agriculteur, a conserve ses
qualit^s traditionnelles et salt faire rendre k la terre d'excel-
lents produits. II n*y a veritablement en Perse que des deserts
et des jardins.
IRAN. 205
Les conditions naturelles ne conviennent pas k la culture des
cereales (bl6 etorge), qui fournit k peine aiix besoins de la con-
sonunation locale et ne la d^passe quelquefois que dans la region
occidentale.
Le riz vient k merveille sur les bords de la Caspienne.
Mais la vraie richesse originale de Tlran, ce sont les pro-
duits des cultures arborescentes et particuli6rement les fruits,
Le climat extreme et relativement sec convient bien a ce genre
de culture, en permettant aux sues de se distiller, aux essences
de se concenlrer, Les fruits de la zone ni^diterraneenne et des
regions temp6rees prosperent ^galement; plusieurs mdnie
seraient originaires de ce pays. La vigne, Ms ancienne dans le
pays, y a et^ delaissee depuis Tintroduction de la religion
musulmane. Le tabac est un des principaux revenus du pays.
L*exportation annuelle atteint pr^s de 5 millions de kilogrammes
et la production doit ^tre beaucoup plus considerable. Les Per-
sans fument 6galement une partie de V opium qu ils r^coltent
eux-m^mes. Le reste est exporte en Chine, oi!i il fait une serieuse
concurrence aux produits de I'lnde. La culture de la canne k
Sucre, jadis tr^s etendue, a compietement disparu. Les r^colte$
de coton n*ont pas depasse jusqu'^ present les besoins de Tin^
dustrie locale.
L'Iran a toujours 6t6 un pays tr6s favorable k Velevage et, par
consequent, un pays de peuples pasteurs. Une bonne moitie des
habitants ne se nourrissent aujourd*hui que des produits des
troupeaux. C*est naturellement T^levage du mouton, Tanimal
des steppes par excellence, qui est la plus prosp^re. Les chevres
sont 6galement tr^s nombreuses et fournissent k I'industrie
locale un poil renomme pour sa finesse. Les chameaux et les
dromadaire^ servent aux transports dans les plaines et sur les
plateaux, les mulets dans la montagne. Les chevaux persans et
ceux de H^rat sont estim^s.
La Perse prodjuit en moyenne 400000 kilogrammes de sole
brute, dont elle n'exporte en Uussie que la moitie.
Proddits MmERAUx. — Les richesses min^rales de I'lran sont
nombreuses et varices, mais il n'y en a qu'un tr6s petit nombre
d'exploit^es. Plusieurs cours d'eau de I'Afghanistan roulent
dans leurs sables des paillettes d'or qui sont recueillies en divers
endroits. L'Elbourz et I'Hindou-Kouch sont riches en metaux de
loute nature, argent, fer, cuivre, plomb, etc. Le &el existe en
296 ASIE.
qiiantites cnormes; les deserts en sont impr^gn^s, de vastes
bassins lacustres en contiennent des provisions in^ptiisables.
Industrie. — L'industrie persane, a eu jadis une grande
^poque de splendeur et elle ^tait encore au xiii« si^cle, au
tenips de Marco Polo, tr6s brillante. Gette Industrie, aujourd*hui
si d^chue, a &iik ruin^e presque enti^rement par renvahissement
des produits strangers. Les Persans sont rest^s tr^s habiles dans
la trempe de Vaciei\ dans la fabrication et Tornementation des
armes, des poignards. Mais la veritable industrie nationale est,
comme dans tons les pays de p^turages et de steppes, celle de
la' /ame. La Perse est toujours renommee pour ses tapis, tiss6s
k Kerman, au centre m^me du plateau, et k Recht: et les
Afghans fabriquent k Kaboul et k Kandahar des chdles et d'autfes
etoffes de laine, qui ne sont gu6re infSrieurs aux produits si
c61ebres du pays voisin de Kachmir.
VoiEs DE COMMUNICATION. — Les voics de penetration en Perse
sont de tous c6tes assez difliciles. Deux cours d*eau sont utili-
sables : le Karoun k Touest, ouvert au commerce anglais, mais
on aura toujours ici k lutter contre les rigueurs d*un climat
torride ; le Kaboul k Test, mais cette voie ne p6n6tre pas assez
loin dans Tinterieur et c'est de ce c6t6 qu'il est le moins facile
d*aborder Tlran.
Par le nord, H^rat et M6ched sont en communication facile
avec Bokhara ; Tabriz est relie k Tr^bizonde et par suite dlrecte-
ment k TEurope par une grande route de caravanes qui traverse
TArmenie, mais qui est pen praticable en hiyer; du cdt6 de la
Gaspienne, enfin, Teheran se rattache k la c6te par une chauss^e
carrossable, qui est k peu pr6s la seule de tout le pays; on a
inaugur6 le premier trongon, long de 10 kilometres, de la voie
ferree qui unira Teheran k Recht, et qui doit se relier dans un
avenir prochain au reseau russe de la Transcaucasie. On a com-
mence la construction d une route de Meched k Janian, pres de la
frontiere russe. Le schah a ordonne la mise k Tetude d'une ligne
ferree entre Teheran et Enseli.
A rinterieur memo, il n'y a pas de routes, mais simplement
des sentiers de caravanes, qui unissent les principales viltes
entre elles et avec les ports.
Commerce. — 11 n'y a de veritable activite que sur le pourtoiir.
C'est au pied meme de la couronne de montagnes qui enserre le
plateau de presque tous les cdtes, a Tinterieur comme k Texte-
L.
IRAK. S97
rieur, que se trouvent raiig^es toutes les grandes yillcs indus-
trielles et commer^antes.
Dans la Perse proprement dite, Tebriz est le grand entrepot
pour les marchandises entre la Turquie, la Gaucasie et Tlran ;
lipahan est une ville morte; Teheran ne doit son importance
aetueiie qu'^ son titre de capitale. C'est toutefois un carrefour de
caravanes important. Meched n'est qu'une ville de pMerinages,
mais qui pourra devenirun grand centre d*6changes, quand eile
sera relive k Merv par la yoie ferree dont les Russes ont dej^
obtenu la concession. Ce sera pour eux une des portes de llran.
Dans {'Afghanistan, Herat, la « ville aux cent mille jardins »,
est une place forte et une position militaire plus encore qu*une
ville de commerce. C'est, dit-on, la clef des Indes.
Kandahar et Kabaul, qui sont ensuite les principaux entre-
p6ts de TAfghanistan, n*ont n^anmoins qu'une activity mMiocre.
C'est la politique qui leur donne actuellement toute leur impor-
tance.
A Fext^rieur, Recht et Barfrouch sont de bons ports auxquels
les richesses du Ghilan et du Hazend^ran pourraient assurer un
grand avenir, si la jalousie de la Russie, qui monopolise le com-
merce de la Caspienne, ne leur interdisait tout d^veloppement.
Le commerce total de la Perse a M5, en 1891, de 178 mil-
lions de francs (contre 250 en 1886).
Llran, dont les peuples ont jadis doming sur 'toute TAsie occi-
dentals, est aujourd'hui menace par le voisinage des deux grands
empires russe et anglais. I/Angleterre, d'une part, cherche sur-
tout k assurer la fronti6re occidental de Tlnde et k ne pas kis-
ser les Russes s'en approcher de trop pr6s ; la Russie, d autre
part, qui n'a pas de colonies dans les pays chauds, tend forc6-
ment k prolonger le plus loin possible vers le midi le cercle de
son influence et letendue de ses possessions pour assurer de
plus en plus son ind^pendance economique.
BibBographie. ^^
BeU. A vUlt to the Karaun river and Kum (Blakwood's Vagasine). Edinlmrgb»
avril 1889, in-8.
Binder. AuKurdistan^ en Misopotamie et en Perse, Paris, 1887, in-8.
B«nge. Vexpiditim ru98e en Khorassan, Mittheilangen, 1860.
lb
20S ASIE.
Caria Serena. Homines et choses en Perse. Paris, 1885*
Dieulafoy (Mme). La Perse^ la ChaldSe^ la Susiane. Paris, 1888.
Ernouf. Le Caucase^ la Perse et la Turquie (VAsie. Paris, in-18.
Perrier. Voyage en Perse,, dans V Afghanistan^ le Bilouchistan, Paris, 1860
2 vol.
OrsoUe. Le Caucase et la Perse, Paris, 1885.
Hue. Les Russesr et les Anglais dans V Afghanistan. Paris, 1885.
Paquier. La Russie et I'Angleterre dans VAsie centrale, Paris* 1885.
— LAsie centrale a vol d'oiseau, Paris, 1881.,
— Herat et les terriioires contestes (Rev. de Gdogr.)^ 1885.
E. Reclus. Geographic universelle, t. IX, p. 25, 109 et 139,
Sujets de devoirs.
Productions de la Perse : rapports du climat et de la 001*61
Gomparaison de la Perse et de I'Arabie.
les routes d'Europe a I'lnde par I'lran.
CHAPITRE V
ARMENIE — PATS DU CAUCASE
Relief. — Armenie. — Entre les valines de la Koura et du Rion
au nord, et les plaines de la Mesopotamie au sud, s*6l6ve, comme
unecolossale He montagneuse, le massif arm^nien. C*est le noeud
orographique ou se relient les plateaux de I'lran et de TAnatolie.
L' Armenia constitue uue region a part, avec sa physionomie
alpestre, sa configuration tourmentee, ses escarpements arides,
ses volcansxiux pentes abruptes et ses grands lacs. Facilement
accessible par les c6tes ou elle se rattache k I'lran et a I'Asie
Mineure, elle surplombe de ses parois rapides les vallees du
nord et du sud. Une serie de chaines montagneuses, formant
comme autant de gradins superposes, depuis les rivages de la
mer Noire, soutiennent la gigantesque acropole arm^nienne.
Celle-ci se compose en realite de plusieurs plateaux, d*altitude
differehte, entaill6s par de profondes dechirures ou serpentent
les fleuycs, et qui seryent de socles k de puissants cones vol-
caniques. Telssont, au nord, le plateau d'J^r-seroitm, aux sources
ARMfiNIE. — PAYS DU CAUCASE.
2(K>
de TEuphrale (2 000 m.); au nord-oiiest, les plateaux de Kars
(2 000 ni.) el d'Erivan (i 000 m.) ; au sud, les plateaux de Ba-
jerid et Diarbekir,
Le geant de TArni^nie est le massif de TArarat avec ses deux
hautes cimes volcaniques, le Grand Ararat (5000 m.) et \e Petit
Ararat (3900). Au nord de la depression de I'Aras, lui fait face
un autre massif entoure de crat^res : c'est VAlagozy haut de
4000 metreo environ. Au sud d'Erzeroura et de la valine sup6-
rieure de 1 Euphrate, le soul^vement du Bingol-Dagh atteint
presque la ra^me altitude. A gauche du Mourad s'el^ve une
chaine escarp6e percee d'enormes crat^res. Celui du Tandourek
Fig. 12. — Coupe du Caucase et du massif arm^nien.
(3 500) n*a pas moins de 2 000 metres de circonf^rence et 300 me-
tres de profondeur.
Le Caucase s'^tend sur une longueur de i 200 kilometres du
nord-ouest au sud-est, depuis le detroit de Kertch entre la mer
Noire et la mer d'Azov jusqu*au promontoire d*Apcheron sur la
Caspienne. Sa direction est done la direction normale des
grandes chaines asiatiques. Sa largeur varie entre 40 el 200 ki-
lometres. Elle est de 100 kilometres dans la partie m^diane.
au col de Dariel. Chaine unique a Touest, au nord de la mer
Noire, le Caucase se ramifie et presente jusqu'^ trois et quatre
aretes paralieies, soudees entre elles par des chainons transver-
saux. Le systeme s'abaisse vers la Caspienne par des terrasses
etdescoUines. Le soul^vement caucasique ofTre une remarquable
unite geographique. La masse centrale est formee de granit et
de schistes cristallins. Les chaines exterieures sont composees
d*assises calcaires. Les temoignages de I'activite volcanique sont
nombreux/Aux deux extremites, k Taman et a Kertch d une
part, a Bakou de I'autre, jaillissent des volcans de boue. II y a
300 ASIE.
de temps en temps des Eruptions de lave et des projections d€
pierres. Pres de Bakou sont des sources de naphte et de p^trole.
Six sommets depassent le mont BlAnc. Les principales cimes
sont : le Maroukh (5 400 m.) dans le Caucase occidental,
VElbrouz (5 600 m.) et le Kasbeck (5000 m.) dans le Caucase
central. Ce qui caracterise le Caucase, plus encore que la hau-
teur des grands sommets, c*est, comme dans les Pyr6n6es, la
grande elevation moyenne de la chaine. Dans la section occiden-
tale, les cols ne sont guere inferieurs k 3 000 metres. Le col de
Maroukh est k 5 600 metres. La plupart s*ouvrent k plus de
2000 metres. Celui de Dariel, qui est la grande voie de commu-
nication k travers le Caucase, est k 2 450 metres. Les versants
ext^rieurs du systeme different sensiblement. Le col de Maroukh
n'est qu'a 55 kilometres de la mer Noire, tandis qu'au nord,
il faut parcourir pres de 120 kilometres pour voir Faltitude
s'abaisser seulement k 500 metres. Comme dans les Pyrenees,
et pour les memes causes, la rapidity des pentes et Tabsence de
valines intermediaires, les lacs font presque defaut.
Climat. — Le cKraat est caracteris^ par la secheresse de Fair
et lachaleur des et^s. La temperature moyenne varie jentre 10
et 15 degres; mais les hearts de temperature sont conside-
rables. A des hivers qui rappellent ceux de Moscou, succedent
des etes semblables k ceux de mainte region tropicale. Tiflis
est, comme son nom Tindique, la « ville chaude » par excel-
lence. La chaleur solaire s'accroit de la reverberation produite
par les i*oches nues qui environnent son bassin. La valiee de
TAras est une des contrees de TAsie ou les extremes de tempe-
rature sont le plus penibles. A Erivan, qui est k un millier de
metres d*altitude, le thermometre descend, en hiver, jusqu'^
— 55°. La moyenne de Janvier est de — 15®. L'ete, la temperature
monte jusqu'^ H-40<^, H-44® et meme H-45®. Les Europeens
sont obliges de chercher un asile frais dans les vallons de la
montagne. Les fievres sont frequentes. Chaque soir, pendant
rete, un vent du nord ou du nord-ouest descend des monr
tagnes d*Alagoz et balaye la valiee en soulevant des tourbillons
de poussiere.
Les pluies proviennent surtout de la mer Noire. Dans le Cau-
case occidental, il tombe trois fois plus d*eau que dans le Cau-
case central et dix fois plus que dans le bassin de la Koura. La
moyenne annuelle est de 24 centimetres k Bakou, 33 k Erivan,
ARM£ME. — PAYS DU GAUCASE. 301
49 k Tiflis, 1 m. 7 a Poti, 2 m. 5 ^ Koutais et 2 m. 8 & Dachovsky.
Grace k la forte temperature de T^te et k ia pauvret^ relative
de I'humidite, les neigcs persistantes se tiennent k une altitude
eiev^e. L'Alagoz est libre de neiges en ^t^, et sur le versant nord-
ouest du Grand Ararat les neiges permanentes ne se rencontrent
quk 4370 metres. Pour les mSmes causes, le phenom^ne des
neiges est moins marqu^ dans le Gaucase que dans les Alpes. Sur
le flanc tourn^ vers. la mer Noire, les neiges perpetuelles sent k
5570 metres. Htiit glaciers descendent du Kasbeck, mais le plus
longne depasse pas 5 kilometres. La plupart des fleuves de glace
s'arrStent k 2400 metres, mais ils descendent plus has surle
versant nord, moins riche en neiges, mais plus d^coup^.
Hydrographie. — Les souffles pluvieux de la mer Noire ali-
mentent le Kara-Sou ou Eupbrate sup^rieur, jusqu*au bassin
d*Erzeroum. Au nord, I'abondance des precipitations donne nais-
sance au Tchorok, tributaire de la mer Noire, dont le volume
est considerable, proportionnellement k Tetendue du bassin.
La depression qui s*ouvreau sud du Gaucase est parcourue par
deux fleuves d'importance tres inegale : le fiton, tributaire de
la mer Noire, et la Koura, qui se jette dans la Gaspienne.
Le Rion, sorti de montagnes pittoresques, debouche dans
une plaine basse et marecageuse ; il arrose Koutais et fmit k
Poti. II est navigable sur 75 kilometres.
La Koura est un fleuve de 1000 kilometres de longueur. N^e
pres de Kars, elle coule d*abord vers le nord, dans une valiee
de rupture, entre de hautes falaises, puis elle entre dans la
depression longitudinale, paralieie au Gaucase, oil se trouve
Tiflis. A gauche, YAlazan lui apporte les eaux du Gaucase cen-
tral; k droite elle se conjugue avec la grande riviere armenienne^
longue de 780 kilometres, YAras, Elle se forme entre les sources
des deux branches superieures de TEuphrate, coule entre
TAlagoz et T Ararat, ou elle fertilise le bassin d'Erivan, contoume
par une grande courbe au sud les montagnes du Gok-Tchai et
se reunit k la Koura dans une region de steppes. Gelle-ci^ rou-
lant une masse enorme d'argile et de sable, se divise en deux
bras et forme un delta qui s'allonge de 4 kilometres carres par
an. La plus grande partie de son bassin est sterile.
L'Armenie renferme deux grands lacs : au nord, le Coh-
Tchai ou Sevangay deux fois et demie grand comme le lac Leman,
et, au sud-est, le lac de Van, qui a 200 kilometres de toiur.
50^ ASIE.
Flore «l faune. — La Transcaucasie fait encore partie de la
zone mediterrft&^enne : elle est done riche en espfeces arbores-
centes, Le Caucase possMe de magnifiques for^ts qui s'^levent
jusqu'^ 2 300 metres. Protegees par la barriSre caucasique
contre les vents du nord-e^ ^chauflfees, en 6t6, par un soleil
tropical, les valines m6ridiona!es et les plaines elev6es de TAr-
in6nie ont une merveilleuse fecondil6, JBeaucoup de nos arbres
fruitiers sont originaires de ces contr^es. La vigne croit a I'etat
sauvage jusqu*^ Taltitudede 1 200 metres, C'est sans doute avec
TAsie Mineure sa patrie d*origine. Le noyer s*el6ve jusqu*^
plus de 1 600 metres. Le cotonnier est cultiv^ dans la valine du
Rion k la hauteur de 650 nni^tres.
La faune est aussi vari6e que la flore. Les vallees de la Koura
et de TAras sont hantees par les tigres, les lizards, les leopards,
les hyenes. Les for^ts de la Mingr^lie sont infestees de pan-
Ihferes, de loups, etc. L'ours se rencontre sur les pentes infe-
rieures jusqu*^ i 500 metres d'altitude.
Populations. — - Le Caucase, vrai carrrefour des peuples,
compte une infinite de races. On y parle au moins quarante
dialectes differents. A la race gaugasienne: appartiennent les
TcherkesseSy les Abkazes, les Georyiens, les Lazes, les Lesghiens,
Dans le bassin de la Koura et de I'Aras habitent des Tartares^
de RACETURQUE, Autour du massif de FArarat vi vent des Kourdes^
de RAGE ARYENNE.
fl Le Kurde est presque en tout point Toppose de son voisiij
I'Ai'abe; le goAt du pillage seul leur est commun; mais en cela
m^me TArabe tient plus du voleur, le Kurde du guerrier. Les
Arabes n*exercent la violence que 1^ ou ils sont les plus forts;
lis craignent les armes k tir et les fuient sur leurs excellents
chevaux; ils dedaignent I'agriculture et les villes, le chameau
leur tient lieu de tout et leur permet le sejour dans un pays
inhabitable pour tout le reste du monde. Le Kurde, au con-
traire, est agriculteur par besoin, guerrier par penchant; de
Ikr ses villages et ses champs dans la plaine, ses chateaux et
«es forts dans la montagne. 11 combat k pied; les murs et les
montagnes sont sa defense, le fusil son arme. Le Kurde est
excellent tireur; son arme richement damasquin^e se transmet
de p^re en fils et il la connait conune son plus ancien compa*
gnon^ m
1. Lettres »ur IChient, par le mar6chal de Moltke.
ARMfiNIE. — PAYS DU CAUCASE 303
Les Arme'niens de race s^mnQOE 'se groupent aux sources de
I'Aras et de TEuphrate, dans le bassin d'Erzeroum, dans la
vallee sup^riejare du Tchorok, entre Tifls et Erivan. On estime
le nombre total des populations arm^niennes d 4 millions.
Les cultes sont trte nombreux. On trouve en Caucasie et en
Arih^nie des Chretiens du rite grec, des arm^niens gregoriens,
des arm^niens unis, des musulmans sunnites et des musulmans
ehiites, des luth^riens, des juifs ; m^me, dans les montagnes,
des bouddhistes et des paiens. La presque totality des Arme-
niens appartient au culte gr^gorien, doctrine interm^diaire
entre le catholicisme romain et Torthodoxie grecque. Le chef
supreme des Arm^niens du monde entier est le catholicos
d*£tchmi<idzin*
Gdographie politique. — L attaque du Caucase par les
Russes date du xvur si^cle. En 1801, ils se flrent ceder Tiflis..
Apr^s avoir bris6 la resistance acharn^e de Schamyl et des
Tcberkesses, ils se rendirent maltres du Caucase oriental
(1859), puis du Caucase occidental (1863).
L'Arm^nie a forme dans Fantiquit^ un Etat ind^pendant qui,
sous la dynastie des Arsacides, conquit la Syrie, une partie de
TAsie Mineure et de la Perse. 11 succomba definitivement au
v« si6cle apr^s Jesus-Christ et devient une province des Sassa*
nides.
Au viii« siecle il passa avec la Perse sous la domination
arabe. Yictime des ambitions et des convoitises de ses voisins,
TArmenie fut partagee entre Tempire ottoman et Tempire
persan.
Au xix« siecle une nouvelle puissance, la Russie intervint en
fayeur des Chretiens armeniens persecutes. Par le traits de
Gulistan en 1813, elk se fit c6der par la Perse, Derbent, le
Chirvan, le Talisch et le Karabagh.
A Tourkmantchai, en i 828, les Turcs abandonn^rent encore
le pays eotre la Koiira et TAras, les territoires d'Erivan et de
Nakhitchevan, le port de Lenkoran sur la Caspienne. Ce traits
fut compl6t6 en 1829 par celui d*Andrinople, qui donna aux
Russes la Gourie avec Poli, les districts d'Anapa, Akhalzikh et
Akhalkalaki. Ces derni^res conventions stipulaient pour les
populations chr^tiennes la liberty d*6migration. Des families
nombreuses cherch^rent un asile sur le territoire russe. Les
Turcs reprirent Toffensive en 1855. Les Russes s*empar&rcnt
304 ASIE. • i
de Kars, mats ils furent arr^tes par le traite de Pari^w lb ont
pris leur revanche en 1877. Le congres de Berlin (1878) adjugea
^ la Russie le port deBatoum, les villes d*Ardah»i et de Kars.
Le gouvernement ottoman a ete invite par les puissances k
apporter quelque adoucissement & la condition des Chretiens et
k les protSger centre les Giroassiens et les Kourdes, mais la
Porte s'est d^rob^e k ce devc^ir^ La Ruissie elle-m^me s*est
montree hostile aux Arm^niens* Elle est intervenue dansTelec-
tion du catholicos d*Etchmiadzin^qui reside en territoire russe^
et elle a entrepris, malgre les vtves reclamations des habi-
tants, d'imposer dans les ^coles Tetude de k langue msse.
Les pays du Caucase et TArmenie russe forment la lieute-
fiance du Caucase. Le pays est divise en provinces ou gouverne-
ments subdivis^s en districts et en cercles. La Gaucasie msse
comprend deux divisions naturetles : Gircaucasie et Transcflfu-
casie. La Transcaucasie C^AO 000 kil. carres, A millions d'hab.)
a pour capitale Tiflis (100 000- hab.), capitate de la Oaucasie
enti^re, situee dans un cirque de montagnes nues et escarp^es.
Elle commande le passage entre la Gaspienne et la mer Noire,
entre Bakou et Poti ou Batoum. Lesautres villes ont peu
d*importance. Anapay port de la mer Noire, est bien d^chu,
Soukhoum-Kale est le d^ouche maritime de FAbkhazie, Kou-
taiSy Potiy Batounty port de guerre et de commerce k Test de
Tembouchure du Tchorok, Erivan, forteresse et vilte commer-
^ante, Kars k 1 900 metres d altitude, vaste camp retranche
flanqu^ de 11 forts, Yelizavetpoly Bakou, premier port de com-
merce sur la Gaspienne.
Giographie teonomique. — Production du sol. — Le sol de
la Transcaucasie est tr^s fertile et les terres noires des valines
poiirront foumir ^ la Russie tons les produits m^diterraneens,
.quand la restauration des anciens travaux d*irrigation aura
rendu au pays son aspect d*autrefois.
La Transcaucas^ est le « Midi » dela Russie; elle lui fournit
son vin, ses primeurs en fruits et en legumes, jouant ainsi,
vis-i-vis de ce pays, le m^me rdle que notre c6te m^diterra-
n^enne et FAlg^rie pour la France : e*est une colonie pr^cieuse.
' Les cultures industrieUes ontmoins d*importance.
he9 fotits sont digamies et devastees, la chasse n'y a plus
d*importance ; mais la piche est toi4<yttrs une industrie trte
productive. ' .
ARMfiNIE. — PAYS DU CAUCASE. 305
Les richesies minieres sont abondantes. L*Arm^nie poss^de
dlmmenses provisions de sel gemme.
Les sources thermales sont nombreuses, mais les sources de
naphte de Bakou se placent de beaucoup au premier rang. Le
petrole qu'on en exporle est un des principaux objets du traflc
de la Caspienne. Les puits d^exploitation, au nombre de pr^s de
deux cents, ont fourni en i886 plus dun milliard de kilo-
grammes d'huile.
Vindustrie ne comprend gu^re encore que Texploitation des
mines. L'elevage des vers k sole est tomb6 en decadence.
YoiEs DE coxMONicATioN. — A part la grande route militaire
qui, par le col de Dariel, conduit en Russie, et les chemins de
caravanes qui penfetrent en Asie Hineure et en Perse, la voie
commerciale du pays de beaucoup la plus importante est celle
qui unit la Caspienne a la mer Noire et que suit aujourd'hui le
chemin de fer de Batoum k Bakou par Tiflis, de m^me que la
ligne du t^l^graphe indo-britannique. C'est aujourd'hui la ligne
la plus directe pour se rendre en Asie centrale. C'est peut-6tre
par \k qu'afduera un jour une partie du commerce entre TAsie
orientale et TEurope, quand des voies ferries traverseront d'est
en ouest le continent asiatique. On vient, sur Tordre du conseil
de Tempire, d'^tudier le trace d'une ligne ferr^e de Vladi-
kavkaz k Tiflis par le col d'Arkhot. EUe aurait une longueur de
164 kilometres 6t franchirait le Caucase par deux tunnels, Tun
de 7 000, rautre de 12 000 metres.
Le COMMERCE de la Transcaucasie apris des proportions enormes
dans ces dernieres ann6es, gr^ce au developpement de Tagri-
culture, k la decouverte des mines de p6trole et surtout a la
substitution du port excellent de Batoum k la rade dangercuse
de Poti : la valeur des echanges a passe en sept ans, de 1879 k
1886, de 5 a 30 millions de roubles (environ 120 millions de
francs). Le port de Batoum entre dans ce chiffre pour plus des
deux tiers. On ne saurait manquer de remarquer que c*est un
des ports malheureusement trop rares ou le pavilion fran^ais se
trouve au premier rang : il est rattache k Marseille par un ser-
vice regulier de paquebots appartenant aux Messageries mari-
times. D*abord declare « port franc », Batoum est rentr^ dans le
droit commun et n*est plus qu*un p6rt russe.
Par ses possessions arm^niennes, la Russie se rapproche de
la vallee de FEuphrate : elle prend position sur les plateaux
QtOG. CL. 3*. SO
306 ASIE.
qui forment le lien entre I'Iran et TAsie Mineure. Or, on sail
quelle est Fimportance, pour Favenir du commerce indien, de
cet isthme entre Bassorah et Alexandrette. Un chemin de fer
unissant ces deux villes diniinuerait considerablement les frais
et la dur^e des voyages entre la M^diterran^e et I'lnde, c'est-^*
dire mettrait I'Angleterre beaucoup plus pr^s de sa colonic.
Bibliographie
Dubois de Hontpereux. Voyage autour du Cauease et Atlas. Paris^ 1 vol.
in-8, 1867.
Hommaire de Hell. Les steppes de la mer Caspienne^ le Cauease et la Russte
nUridionale, Paris, 1845, 5 vol. in-8.
Jaubert. Voyage en AmUnie el en Perse. Paris, 1821, in-8.
Koechlinr Schwartz. Vn touriste an Cauease. Paris, in-18.
Leraosof (Paul). Cauease {Grande Encyclop6die). Paris, Lamirault, 1890, in-8.
Mourier. Batoum et le bassin du Tchorok. Paris, 1887, in>8.
Orsolle. Le Cauease et la Perse, Paris, 1885.
Padde. Voyages dans les Alpes mingr^liennes. Tiflis, 1866, in-4.
Serena (Carla). Excursion dans le Cauease de la mer Koire cl la mer CdS"
pienne (Tour du Monde), 1880-1884.
Villeneuve. La G^orgie. Paris, 1870, in-8.
E. Reclus. Geographic universelle, t. YI, p. 50.
Sujets de devoirs
Comparaison du Cauease et des principales chaines de I'Europe.
Les c6tes de la mer Noire : importance commerciale et voies de commu-
nication.
Gonqu6tes russes au sud du Cauease : leur valeur sti*ategiquc et eco-
nomique.
CBAPITRE VI
AXATOLIE OV ASSES WfTSimE
L'Asie Mineure est une vaste penijasule, couvrant une sup^N^
ficie presque^gale k celle de la France (510 OOOkilom, car*)« La
ANATOLIE OU ASIE MIKEURE. 30^
mer Noire, la mer de Marmara, TArchipel et la M^diterraoee Li
baignent au nord, k Fouest et au sud.
Relief. — L*Asie Hineure est, comme Tlran, un plateau reo
tangulaire : la surface de ce plateau atteint une altitude variant
de 800 k 1 200 metres environ, relev^e ici par des sillons monta-
gneux, creusee 1^ de lagunes et de cuvettes qui ne sont jamais
tr€s profondes. Elle a ^te bouleversee k di verses ^poques par
les forces souterraines, comme Tatteste le nom de Phrygie
brul6e, donn^ dans Tantiquit^ k une partie de la contree. Une
ceinture de montagnes horde le plateau sur presque tout son
pourtour. Le soulevement presente sa plus grande Elevation au
sud. On le ddsigne dans son ensemble sous le nom de Taurus.
Le Tadrds se d^tache du massif armenien sur la rive droite
du Kara-sou. II forme alors le rebord meridional du plateau de
Siwas, — Au sud de la ville de Kaisarieh Emerge le c6ne vol-
caniquedu moni Arge'e (4 000 metres). Le Taurus s'incline vers
le sud-ouest, accompagn6 de VAnti'Tauru$ qui lui fait face a
Test. U comprend les deux chaines du Boulgar-Dagh (3 500) et
de YAla-Dagh (3400), relives par le seuil 61ev6 de 966 metres
qui forme les portes Ciliciennes, Ge c^l^bre col, situe sur la dia-
gonale du Bosphore au golfe d'Alexandretteetquid^bouche dans
le bassin du Seihoun, a servi de passage k tous les conque-
rants, depuis Xerxes et Alexandre jusqu'd Ibrahim Pacha. Le
Taurus ciliden se complique de plusieurs rameaux, dont Tun
dresse ses falaises au-dessus de la H^diterranee. — Plus escarpe
encore est le Taurus l^cieuy qui se termine, k Fouest, par la
pyramide volcanique de VAk^Dagh (3000 m.).
Au nord, les hauteurs cdtieres des anciennes provinces de
Paphlagonie et du Pont, Ala-^Dagh et likaz-Daghy entre le
Sakaria et le Kysil-Irmak, le Kolat^Dagh, au sud de Tr^bizonde,
presentent k ia mer Noire un rerapart interrompu de br^ches,
qui atteint 2 000, 2 500 et meme 3 000 metres.
A Fouest, au contraire, le plateau, au lieu de s'appuyer k une
chafne bordi^re, se d^sarticule, et envoie vers Farchipel des
systemes de monts et de coUines d'orientation difif^rente, entre
lesquels s'insinuent des valines riches et peupl^es. Citons le
mont Olytnpe au sud de Brousse (2500 m.), leiiCa3-Da^A,ancien
Ida (1 800 m.) le Sipyle, le Tmolus et, Fancien Cadmus, le Baba-
Dagh au sud du Heandre (1800 m.).
« Con&ider^e sous le rapport de la repartition des accidents
308- ASIE.
«le son relief, I'Asie Mineure se presente comme un niassif inon-
tagneux, d^prim^ presque dans sa region centrale en un pla-
teau qui peut avoir une altitude moyenne de 800 k 900 metres.
En faisant abstraction des vallees et des depressions locales,
tout le reste de la peninsule nous apparait comme une ^norme
agglomeration de montagnes dont les chaines alTectent, en
quelque sorte, deux directions principales, savoir du nord-
ouest au sud-est et du nord-est au sud-ouest. A ces deux
grandes lignes se rattachent, pour ainsi dire comme des rami-
fications lat(^rales, un grand nombre de chaines sillonnant la
peninsule dans toutes les directions. Un autre fait qui frappe
egalement dans le tableau general de cette derni^re, c*est la
concentration dans sa partie m^ridionale des chaines les plus
eiev^es. Ainsi non seulement le Taurus se trouve plus ou moins
^chelonne le long du littoral meridional, mais encore le mont
Argde qui, dans Tetat actuel de nos connaissances, peut dtre
consider^ comme le point culminant de I'Asie Mineure, n'est
quk 59 lieues de la Mediterranee, tandis qu*il est a 106 lieues
de la mer Noire. Ainsi, si Ton faisait une coupe k travers la
peninsule, depuis le Pont-Euxin. jusqu'i la M6diterran6e, on
aurait une ligne courbe tr6s saccadee et dentel6e, mais dont le
plus grand renflement se trouverait k son extremite "sud et qui
irait en descendant vers son extremity m6ridionale. »
La contr^e montagneuse embra«se en Asie Mineure une
etendue de terrain presque aussi considerable que celle
occupee par la region plane, a Pour ne choisir qu'un seul
exemple parmi les regions de I'Europe les mieux etudiees sous
tous les rapports, nous citerons TAngleterre, oix les districts
les plus montagneux, comme par exemple les Highlands
d'Ecosse, n'offrent nulle part des altitudes de 1 700 metres. Or,
en Asie Mineure, des altitudes semblabliBS sont ^ peine comp-
tees parmi les montagnes, car on y voit des provinces eritieres,
comme entre autres la Lycaonie, ou de telles altitudes caracte-
risent de vastes plateaux, en sorle que Ton peut dire que, dans
la peninsule, des plaines trfes etendues, parfaitement horizon-
tales et jonch^es de mines d'une multitude de cit6s antiques,
sont souvent au-dessus des sommets inhabitables des plus
hautes montagnes de TAngleterre.
(( L'ensemble des traits qui constituent la physionomie phy-
sique de la peninsule conduit naturellement k tirer deux consd-
ANATOLIE QU ASIE NIN£UI\E. 300
quences : d*abord que cette contree doit oiTrir les plus grands
contrastes dans ses conditions climatologiques et dans sa \eg^-
tation; ensuite que rextr^me varidte de son relief ne pent man-
quer de lui fournir tous les elements du pittoresque et ^u
beau^ »
Climat. — L'Asie Mineure, comme Flran, se partage en deux
zones climat^riques bien trancbees : le pourtour ext^rieur qui
appartient au climat raediterran^en et le plateau int^rieur. La
c^te septentrionale est exposee en partie aux courants polaires,
mais, a Test, elle est abritee par le Caucase. La zone meridionale,
protegee par le rebord du Taurus, est plus chaude. Sur les cdtes
de TArchipel, les lies et les promontoires modifient k Tinfini le
regime des vents (extremes de temperature k Srayrne : —4°
et -4-59®; moyenne de la cdte meridionale : -1-14® et -f-29'^;
moyenne d'Erzeroum, k 1900 metres d'altitude : -h 24® et — 10®).
Le littoral revolt la plus grande partie de ses pluies pendant
les mois d'hiver, de novembre k mars. Les mois de juin et
juillet ne fournissent k Smyrne que 4 centimetres seulement.
L'interieur. du plateau, garanti par les bordures montagneuses
contre Tinfiuence maritime, est singuli^rementplus sec. Quelques
steppes et deserts rappellent, par leur dSveloppement, certalnes
contr^es du Turkestan. Tel est le desert sale au nord de Konieh«
presque au centre de la peninsule. La depression centrale a du
etre le bassin d'une mer interieure aujourd*hui dessechee. Les
nombreuses. nappes d'eau salee qui couvrent I'Anatolie sont
entourees de vastes etendues tristes et desoiees revStues d'efHo-
rescences salines. De mSme, ce plateau subit des exc^s de chaud
et de froid, de brusques changements de temperature que ne
connait point la zone maritime.
Hydrographie. — En general, TAsie Mineure est pauvre en
eau. Le debit total de ses fleuves represente seulement le tiers
du debit des fleuves franc^ais. Ces fleuves sont caracterises par
leur irregularite de regime. Torrents souvent impetueux pen-
dant la saison des pluies, ils sont quelquefois presque compie-
tement desseches pendant les mois d*ete. En outre, leur cours,
comme celui de tous les fleuves de hautes plaines, dessine des
contours capricieux et decrit des meandres soit dans les siUons
du plateau lui-meme, soit k travers les bordures montagneuses
i. De Tchihatchcf. Asie Mineure^
5tO ASIE.
ou Teau a dO se frayer un passage. Ces gorges portent le nom
de boghaz. Tels sont le Sakaria (600 kil.), le Kml-Yrmaky ancien
Halys (800 kil.), et le Yeschil-Yrmak (400), qui d^bouchent dans
la n>er Noire, le Djihoun et le Seihouriy tributaires du golfe
d*Alexandrette. Mais les fleuves qui se jettent dans FArchipel ont
un moindre trajet k accompHr sur le plateau et ne percent point
de barriere montagneuse; teur cours est done moins heurt^,
leur regime moins variable, leur allure plus paisible. A cette
categoric apparliennent le Ghediz (ancien Hermus) et le Meri'
deres (Meandre) aux eaux lentes et profondes, aux innombrables
circuits.
Mais les fleuves d*AsieMineureseressemblent par leur aspect;
ils charrient une assez grande quantity d'alluvions et forraent
des deltas. Le Seihoun et le Djihoun n'ont cesse. d'errer dans la
plaine d'alluvions de 100 kilometres qu'ils ont formee. Souvent
ils se sont unis. Aujourd*hui ils sont k 72 kilometres Fun de
I'autre. Le travail des fleuves de I'archipel a consid^rablement
modifie le dessin de la edte, comblant les golfes, rattachant les
Sles au continent, enfouissant les villes sous la vase< I)e Tancien
golfe oil se jetait le Meandre dans Fantiquit6, il ne reste qu'un
petit lac situe kil kilometres de la mer en ligne droite. On a
calcuie que depuis vingt-trois sifecles il avait conquis sur la mer
une superficie de 300 kilometres carres. De mfime les empiete-
ments du Ghediz ont k demi ferme I'entree du golfe de Smyrne.
L'Asie Mineure est tres riche en lacs et en marais. A peu de
distance de la c6te occidentale se succedent le lac Sabandja^
aux eaux douces et potables que Pline le Jeune proposait d'unir
k la mer de Marmara et au pont Euxin, le.lac de Nicee ou Imik-
gheulf le lac d^Apollonia, le Manyas-gheul, le lac d*Eguerdir et
le plus considerable de tous, le Touz-gheul, au fond dune
depression (950 metres d'altitude, superficie : 1 000 kilometres
carres). C'est une immense nappe salee. La couche de sel atteint
en certains endroits jusqu'i 2 metres.
Cdtes. — Les articulations littorales de TAsie Mineure sont
en rapport avec le relief.
Au nord, sur la mer Noire, les decoupures ne sont point tres
profondes. Les principales baies sont celles de Trebizondey au
3ud-est du cap Sacre, les baies d'Ounieh et de SansouHj de
chaque c6te du Yeschil Irmak, le golfe de Sinope et la baie
A'Eregli. — La pointe la plus saillante est «telle de Sinope, au
ANATOUE OU ASIE MINEURE. ZH
sommet de la convexite que la c6te, en son milieu, pr^sente k la
mer Noire — Les iles sont rares et m6me font tout k fait defaut.
Le littoral mMdional, bordS ^galement de tres pr^s par les
moDtagnes, offre des contours assez rectilignes. Les sommets du
Taurus lycien et du Taurus cilicien d^terminent deux ^normes
saillies. A I'ouest du premier se creuse la bale de Makri, k Test
se d6veloppe le golfe largement ouvert d'Adalia ou de Satalieh,
Au del^ du cap d'Anemour^ qui termine I'avanc^e des monts de
la Gilicie, la cdte se recourbe au nord, jusqu'aux bouches mar6-
cageuses du Seihoun et du Djihoun ; puis vient le golfe d*Man-
deroun ou d' Alexandrette 06 commence la cote syrienne. — Ces
rivages de la Garamanie presque deserts aujourd'hui rappellent
peu le littoral populeux et florissant de Tancienne Pamphylie et
de la Gilicie.
Tandis qu*au nord et au sud les chaines bordi^res du plateau
anatolien courent paralUlement k la mer Noire et k la H^diter-
ranee, au contraire, k Test, les rameaux orient^s perpendicu-
lairement k Tarchipel et les valines qu*ils enserrent, ont pro-
duit, par leur contact avec la mer, une richesse extreme de
formes. Par le nombre infini et la vari^t^ de ses indentations,
cette c6te rappelle TEurope. Le developpement total entre les
Dardanelles et le d^troit de Rhodes est le quadruple de la dis-
tance directe — D*ailleurs en deux endroits la cdte europ^enne
et la c6te asiatique se rapprochent et ne ^ont s^par^es que par
des d^troits. Le Bosphore asiatique s*^tend sur une longueur de
38 kilometres; la largeur varie entre 3 700 metres et 700 metres
seulcment. Les Dardanelles sont comme un grand fleuve de
67 kilometres, large de 7500 k 1 260 metres — Entre les deux
s^etalela mer de Marmara, oi!i s*enfoncent les bales d'Ismid et de
Gemlik et ou s'avance le promontoire 61eve de Cyrique. — A la
sortie des Dardanelles, la c6te prend brusquement la direction
du sud. L*archipel offre les golfes d'Edremid, de Tchandarlyky
de Smyme, de Scalanova, Cette articulation est compl^t^e ar
les iles de Thaso, Samothrakij Imbro^ Limni, k Touest des Dar-
danelles, TenedOj Mytilini ou Lesbos^ ChiOy SamOy Kalymno^ Ko
et Rhodes, qui prolongent les promontoires asiatiques dans la
direction de TEurope.
Dans le vaste golfe form6 par la rencontre de la c6te d'Ana-
tolie et de la c6te syrienne se trouve la grande ile de Chypre
(9 000 kilom. car,) Sa longueur est de 220 kilometres, sa largeur
312 ASIE.
de 12 kilometres seulement dans la longue ar^te de Karpas qui
s*avance h Test. Entre le sillon montagneux du nord et le massif
meridional de I'Olympe (2 000 m.) s'elend la plaine du Pidias,
qui arrose la capitale Levkosia. EUe appartient k TAngleterre
depuis 1878.
Flore et faune. — Pour la flore, comme pour le climate
TAnatolie se divise en deux grandes zones distinctes. Tandis
que le plateau interieur appartient veritablement au domainc
des steppes, la c6te depend de la zone des produits mediterra-
neens, et par consequent des cultures arborescentes. Les arbou-
siers, les lauriers y prennent ua developpement remarquable.
Les montagnes du nord renferment de grandes forets. On n*y
trouve pas moins de 50 esp^ces de chines. Les essences speciales
k la contree sont les cypres (I'arbre de Chypre), le noyer etlc
platane, I'arbre anatolien par excellence. Le Taurus cilicien
appartient k la region subtropicale. Sur les premieres pentes
croissent les palmiers. Au-dessus s^eievent les arbres a feuilles
caduques, puis viennent les coniferes, les cadres jusqu'a
2 000 metres. Plus haut, c'est le domaine de la brousse.
Presque partout les anciennes forSts ont disparu et le deboi-
g ment a eu pour consequence une diminution de la faune. Le
lion ne se rencontre plus que dans les gorges de la Lycie*
L'hyene a ete exterminee. Sur les plateaux vivent des troupeaux
de chevres et de moutons sauvages. Les chevaux sont rares. On
emploie.beaucoup le chameau, introduit en Asie Mineure au
xii* siede et qui s*est merveilleusement acclimate.
Population. — La population de TAsie Mineure est de 6. mil-
lions d'habitants environ. La majorite est turque^ mais on designe
sous le nom de Turcs tous les musulmans sedentaires, quelle
que soit leur origine. Les villes maritimes de TArchipel comp-
tent aujourd'hui, comme dans Tantiquite, de nombreuses et
riches colonies grecques. Les hommes de race hellenujue do-
minent meme dans les iles. L*Asie Mineure re^oit chaque annee
un fort contingent d*immigrants. C*est par centaines de mille
que s*y sont refugies les Thessalieus, les Thraces,les Bulgares, les
Cosaques, les Tcherkesses. Ceux-ci, fuyant la domination russe^
ont ete cantonnes dans la plaine par le gouvernement turc.
Les Armeniens sont environ 2 millions en Turquie. Ne pou-
vant porter les armes ni se livrer au negoce, ils sont livres
sans defense aux violences des races barbares qui les entourent.
ANATOLIE OU ASIB UIKEUKB. 315
Tcherkesses, Lazes et Kurdes. Les Lazet habitenl sur les bords
de la nier Noire, de Batoum 4 Trebizonde. Les Kurdes, b. la fois
guerriers el nomades, se d^placrat sans cesse. lis sonl environ
5 millions dont 1 million de Kurdes ollomaos. Ceux-ci resident
(ft-f'j/ 7 li S S^d fo fe^ So ZoiSo
Fie- 13. — DensiU de la popalalinii «D Asie UiDenre.
dans les villayets d'Erzeroum, de Diarbekir et de Bagdad, lis sont
gouvernte par des chefs h^r^ditaires.
Gdographie politique. — 1/Asie Mineure proprement dile,
province de I'empire turc, est divis^e en neuf villayets. Mais
certaines regions ont une condition politique privilegi^e. Tela
sont le Zeiloun, habits par environ 5 000 Armeniens refugi^s
dans les montagnesdu Taurus, le £osan, occupe par 50 000 Kur-
des au nord-ouest du golfe d 'Alex and rette, enfin Tile de Samot
(468 kilom. carr. ; 40 000 habitants). Ella forme une principaut^
tributaira gouvern^e par un prince de nationalite grecque qui
est Donun6 par la Porte et place sous la garantie de la Fraucer
de I'Angleterre et de la Russie.
ZU ASIE.
La capitale Smyme (180000 hab.), la plus puissante des co-
lonies grecques, est entouree de villages tr6s populeiix. Scutari
(75 000 hab.) est une simple d^pendance asiatique de Constan-
tinople. Brousse (60 000 hab.). Sivas (40000 hab.), au point de
rencontre des routes de caravane entre la mer Noire, TEuphrate,
la M^diterranee. Konieh (40 000 hab.) au croisement des routes
de Syrie et de Constantinople. Kaisariek (60 000 hab.), rendez-
vous des caravanes venant de la valine de TEuphrate aux mar-
ches de la mer Noire, de la mer.de Marmara, et de TArehipel.
Ama$ia, sur le Tosanli ou Iris, ville universilaire et centre
industriel, Kastamouni, sur la route de Constantinople k San-
soun, Sinope, bon port de la mer Noire, Angora (Ancyre) sur im
affluent du Sakaria AfiouwrKara-Hmar, grande ville dlndustriet
sur la t^oute de Constantinople k Alep, Aidin, k droite de la
valine du M^andre, Adana sur une branche navigable du Seihoun,
Chio, Kos et Rhodes.
De TArm^nie, la Turquie poss^de uixe region de 200 000 kilo-
metres Carres avec plus de 2 millions d'habitants. C'est le pays
des sources de TEuphrate, la haute plaine d'Erzeroum riche et
fertile, les bords du grand lac de Van. Les deux villes princi-
pales sont Tre'bizonde, au d^bouch^ de TArmenie et de la Perse,
et Erzeroum. Cette ville de 60 000 habitants a une grande impor-
tance commerciale et politique. C'est le carrefour des caravanes
entre le golfe Persique, la mer Caspienne, la mer Noire. C'est
la forteresset commandant la valine de TEuphrate. Mais les
Russes se sont rapproch^s en s*emparant de Kars : par la haute
valine de TAras ils peuvent marcher sur Erzeroum. Enfin le
voisinage de la Perse, maitresse aussi d*une partie de rArm^nie,
j)eut aggraver encore pour la Turquie ces menaces.
66ographie iconomique. — Agriculture. — L*AsieHineure,
dans son ensemble, est un pays essentiellement agrjcole. Mais
Tagriculture, autrefois si florissante, gvkce k un ensemble puis-
sant de travaux de toute nature, est tout k fait d^chue.
Les cer€a/e« prosp^rent jusqu'i une altitude 61ev6e et sc r6-
eoltent d^s le commencement de juin. lloranger, Yoliviery le
figuieir surtout, donnent des produits fameux. La culture de la
t;ijrne pour la production du vin, desliqueurs, des raisins secs^
est particuli^rement en progr^s. Les vignobles de Brousse sont
r^oipi^^s et le vin de Chypre 6tait d^j^ c^l^bre k T^poque des
croisades.
AMTOLIE OU; ASIE MINEURE. 3^5
Les mUtrierB sont cultives en grand, particuliferement h Chypre.
et c*est encore celte lie qui fournit une bonne part des prodiiits
odorif^rants, si recherch^s par les Turcs. Le coUm mieux traits
pourra devenir une des richesses du pays ; c'est enfin TAsie
Biineure qui r^colte en partie le tahac a turc )>.
Velevage est Tindustrie principale du plateau, particuli^re-
inent en Arm^nie. Les chevres d" Angora^ dont I'^levage ne se
fait sur une grande ^chelle que dans la Galatie, ne fournisse&t
pas annuellement plus de 500 000 kilogrammes de laine. G*est
ie produit que FAngleterre revend au poids de Tor sous le
nom de laine de Cachemire,
Produits nin^raux. -^ Les gisements sont nombreux, mais il
. n y en a qu'un tr^s petit nombre d'exploit^s. — • Chypre 6tait
jadis cel^re pour ses richesses min^rales; elle a donn^ son
nom au cuivre. Elle ne fournit plus aujourd*hui que du tel qui
s*extrait des marais salapts, nombreux le long de ses c6tes.
Industrie. -— L*industrie traditionnelle des tapis de Smyrne
et de Brousse est la plus prosp^re. Elle oceupe plus de
40000 ouvri^res dans toute TAnatolie.
VoiEs DE COMMUNICATION, rr^ L*Asie Mincuro n'a pas de centre;
la ou il deyrait 6trc, il n'y a qu'un, desert, fr^quent^ par les
seuls nomades. Toute la yie s'est concenCree sur le pourtour, ^ la
descente du plateau, sur la mer et dans les vallees basses des
fleuves.
Le r^seau des chemins de fer ne comprend encore que
963 kilometres (Scutari a Ismid, Houdania h Brousse, Smyrne k
Alaschehr. et k Serackoi par Aidin; Mersina a Tarse).
Mais TAsie Mineure est importante aussi comme pays de pas-
sage. Le courrier, qui fait en trente-cinq jours le service postal
cntre Constantinople et Bagdad, suit la grande route de cara-
vanes qui de Brousse gagne le Tigre par Tokat, Siwas, Diarbekir
ct Mossoul. r— Une autre grande route relie Tr^bizoude a la
Perse par Erzeroum et Bayezid.
Les ports d*Asie Mineure, si favoris^s par la nature, sont mal
entretenus. La plupart en outre sont mal outill^s. II faut pour-
tant excepter celui de Smyrne, constniit par une Soci^t^ fran-
^aise.
Commerce. — C*est Smyrne qui est le principal entrepdt de
tout le commerce d'Asie Mineure. Le'mouvement des ^changes
y atteint environ 250 millions de francs dont 75 & 100 pour
316 ASIE.
TAngleterre, 40 pour la France, 25 pour la Turquie et 20 pour
rAutriche.
Les exportations consistent surtout en denr^es agricoles.
Chypre seule a exp6die, en 1885, 55 000 hectolitres de vins.
A rimportalion, TAnatolie regoit d'Europe les etoffes et les
produits manufactures de toute nature.
L'Asie Mineure esl, appel^e, sous Tinfluence du commerce
europeen, sous I'influence de la civilisation hell^nique, pr^do-
minante dans TArchipel, k devenirun march^ important pour
les relations internationales. La. Compagnie franc^aise des Messa-
gerie$ marilimes de Marseille envoie reguli^rement ses navires
k Smyrne. La Compagnie nationale italienne de Palerme et do
Brindisi, le Lloyd austro-hongrois de Trieste, de nombreux
armateurs anglais entretiennent de frequents et actifs rapports
avec Smyrne.
Toutefois, dans cette lutte d*influence des Europeens en Asie
Mineure, c*est sans contredit la France qui a le plus perdu. 11
n'y a pas un si^cle que le pavilion fran^ais entrait encore pour
50 pour 100 dans le commerce de Smyrne. Nous n*y participons
plus que dans la proportion de 18 pour.lOO. Les Anglais nous ont
depuis longtemps, supplant^s. Les Allemands nous preparent
une concurrence non moins dangereuse.
BU>liographie
CoUigDon. Notes d'un voyage en Asie Mineure {Rev. des Deux Kondes, 1*' Jan-
vier et 15 avril 1888).
Dottain. La Turquie d^Asie d'aprh le traits de Berlin {Rev, de GSog., sept 1878).
Dutemple. La Turquie d^Asie. Paris, 1883, iii-8.
Georgiades. Smyrne el VAsie Mineure. Paris, 1885, in-8.
Labarthe. La Miditerran^e asiatique [Rev, de GSogr,^ noy..l884).
Pigeonneau. Les intirits commerciaux de la France et la Turquie tTAsie
{Bev. polit.el litt., dec. 1870).
Quesnel. La. Turquie d*Asie {Rev, polit, et /t7<., 2* sem. 1883);
Tchihatchef. Asie Mineure, Paris, 1853-1860, 3 vol. in-4.
— Une page sur COrient. Paris, 1868.
Yivien de Saint-Martin. Description de VAsie Mineure. Paris, 1845, 2 toL
E. Reclus. GSographie universelle, t. IX, p. 317 et 46t.
De Moltke, Lettres sur IVrient, trad. Marchand. Paris, Fischbacher.
Sujets de devoirs
. C6tes de I'Asie Mineure : voies de communications marilimes.
MESOPOTAMIE ET SYRIE. 317
R61e de I'Asie Mineure dans Ic commerce du monde : projets de voies inter-
fiationates.
Les difT^rentes regions naturelles de I'Asie Mineure et leurs richesses.
Comparer TAsie Mineure et I'Afrique Mineure.
CHAPITRE Vn
. BU&SOPOTAMIE ET STRIE
Relief. — Mesopotamie. — La depression m^sopotamienne a
pour ceinlure, ^ Test, les premiers gradins des monts du Kour-
distan, et, du cdl6 de FAnatolie et de rArmenie, les soulfeve-
ments dirig^s du nord-est au sud-ouest, compris sous le nom
de Taurus. Au sud de Diarb^kir, le massif du Karadja-dagh
{{ 900 m.) avec ses coulees de basalte et ses roches ign^es rap-
pelle encore la nature volcanique de TArm^nie; mais, sur la
rive di^oite de TEuphrate, apres le Nemroud-daghy haut de
803 metres, se succ^dent des plateaux calcaires qui ne sont pas
sans analogie avec les causses des Cevennes. A Test du Karadja-
•dagh apparaissent aussi les assises calcaires dans les monts de
Mardin (1 500 m.) qui precedent la masse dolomitique de Tour^
Abdin. Le falle de passage, tr^s rapproch^ du Tigre, est forme
■des massifs du Karatchok et du Bautman ; celui-ci se relie a la
<ihaine Iransversale du Sindjar. Les monts du Kurdistan
forment du c6te du Tigre des chaines parall^les interrompues
par des breches qu'un 6crivain anglais a comparees k un ba-
taillon range en colonnes de compagnies. En certains endroits
«'616vent an-dessus de la plaine des parois verticales hautes de
1)00 h 600 metres, appel^es dh. Les nombreuses fissures qui
^ntaillent la masse ont valu k la contr^e le nom d6 Pays des
Brfeches. Depuis la plus baute antiquity, les d6fil6s du Dialah
ont servi de chemin aux caravaiies de la Mesopotamie vers
rOrient. Vers le sud, s'^tend une plaine de formation secon-
•daire , faiblement ondulee. Elle se continue par les steppes
•d'argile et les tables de rochers de la Babylonie, auquels succ^de
Tine region absoliimeht plate, formee d'alluvions.
318 ASIE.
Syrie. — • A Touest de TEuphrate, le plateau calcaire s'616ve par
degres jusqu*^ Taltitude moyenne de 600 metres, puis il s'ef-
fondre brusquement en une profonde traneh^e, le Ghoi% k Test de
laquelle le sol se relive en une chalne sensiblement parallele h
la mer. Gette chaine dite Syrienne, commence sur les bords
du golfe d*Alexandrette par YAmanus ou Akma-dagh, encore
orients dans le mtoe sens que le Taurus et TAnti-Taurus. Les
sommets d^passent k peine 2 000 metres. Les pentes occiden-
tales, assez rapides, sont franchies par des cols dont le plus
celebre, le d^filS des partes Syriennes, donne acc^s dans la
plaine d'Anlioche. La breche de I'Oronte separe TAmanus des
monts Ansariehy qui vont en s'abaissant vers la plaine de Tri-
poli, mais le soul^vement reparait k une quinzaine de kilo-*
metres du littoral et forme le Libjin. C'est un rempart calcaire,
long de 150 kilometres, decoupe en massifs par de nombreuses
fissures perpendiculaires. Trois sommets atteignent 3 000 nfi6-
tres. La cime culminante est k 3 200 metres. La route de Beyrouth
k Damas qui le traverse passe k \ 800 metres. Parallelement au
Liban s*616ve YAnti-Liban. La pyramide basaltique qui le ter-
mine au sud, YBermoriy d^passe 2 800 metres. La depression
compHse entre ces deux plissements parallMes du Liban et de
FAnti-Liban est la Syriiecreuse (Coel^-Syrie) oxxelBekaa.
A la suite du Liban viennent les monts Galileens. Ce sont des
rangees transversales, orient6es de Fouest k Test et rejointes
par des chainons lat6raux. Le Djebel-Djarmouk a presque 120O
metres, mais il ne saurait rivaliser en ceiebrit6 avec le mont
Tabor, qui n'a que 560 metres d'altitude. Au sud des monts.
Galileens et de Nazareth s*etend du sud-est au nord-ouest une
large plaine. C'est la plaine d'Esdraelon. EUe est limitee au sud
par une ar6te montagneuse qui va former le promontoire du
mont Carmel, Son altitude maxima est de 550 metres. Au sud-
est s'elfevent les collines de Gilboa.
La Palestine est un plateau ^levS de 600 k 800 m^tres^
s*abaissant du c6t6 de la mer sur une plaine cdti^re, caracterisi^
par la depression extraordinaire du bassin interieur. Les crates
de ce plateau fortement dechir6, entrecoup6 de ravins et de
vallons ne s'ei^vent gu^re k plus de 1000 metres au-dessus de
la Mediterran^e (mont ^^oietmont Gariim 900 m,,Tell'A8sour
1011 ra«) Mflia elles forment de formidables escarpements au-
dessus de la vallee du Jourdain et de la mer Morte, situ^e ^
HfiSOPOTAUIE ET SYRIE. 519
394 mMres au-dessous du niveau marin. Jerusalem, situee k
SO kilometres seulement de cette mer» la domine de 1 200 m^
tres. Les elevations situees k Test du Jourdain sont aussi un
plateau raving de 750 k 900 metres d elevation. Le Djebel Ocha
a 1058 metres. Les monts de itfoafr atteignent 1170 metres.
Plus au nord, surgit Tenorme amas volcanique du Haouran
ou Ton distingue une vraie chaine de crat^res. La plus haute
cime a 1855 metres. Les mati^res fondues ont une epaisseur de
200 metres. Vers Damas s*etend une large coulee de laves. Le
Safa est un autre massif de volcans ^teints. La superficie est
de 1200 kilometres carr^s. Les c6nes s'^tagent entre 900 et
1100 metres d'altitude. Tout alentour s'etendent les deserts;
au sud-ouesty le desert de Kra, au sud le pays brule du
Harra.
Climat. — Les differences de latitude et d'altitude determi-
nent en Syrie des climats tres variables. Comme en Asie Mineure
les pluies sont restreintes aux mois d*hiver; elles sont duesaux
vents de Touest et sud-ouest. La c6te jouit du climat maritime
doux et egal. A Beyrouth, la moyenne de Janvier est de 12 de-
gres ; celle de juillet 27. Les montagnes et les hauts plateaux
ont un climat dur qui se rapproche de celui du centre de la
France. A Jerusalem, la moyenne hivernale est inferieure de
4 degres k celle de Beyrouth. Le froid y est souvent tres vif ;
exceptionnellement la neige tombe. — Le Liban intercepte les
nuees pluvieuses. L'Anti-Liban est peu arrose. Au dela de cette
barriere regne la secheresse absolue. A Texception de quelques
oasis, comme celle de Damas rafraichie par les eaux d un petit
lac, et Toasis de Palmyre, & 190 kilometres au nord-est de
Damas, c'est le desert, lepays calcine du Harra. Les vents desse-
ches n*apportent aucune humidite dans les plaines de la Meso-
potamie. Ici le climat continental exerce toutes ses rigueurs.
Le thermometre descend quelquefois en hiver k 6^ et atteint en
ete + 500.
Hydrographie. — Les fleuves syriens sont I'Oron^e et le
LeonteSy qui parcourent en sens inverse la depression dela Coele-
Syrie. L'Oronte, sort! de FAnti-Liban au nord de Balbeck, coule
entre des rives eievees, s*eiargit en formant un lac etd^s niar6-
cages, puis il se detourne k Touest, arrose Antioche, rdgoit les
eaux du lac du mSme nom et se fraye une breche vers la m&p
entre I'Amaaus. et les monts Ansarieh. Le Leontes, issu aussi
520 ASIE.
de TAnti-Liban s'ouvre un passage dans les gorges du Liban et
va finir pres de Tyr.
Le fleuve de la Palestine est le Jouodain. II a ses sources dans
le massif de THermon. Son lit s'elargit bient6t et forme un cha-
pelet de lacs, le lac vaseux de Merom^ puis le lac de Tiberiade
(mer de Genesareth et mer de Galilee) dont le niveau est deja a
200 metres au-dessous de la Mediterran^e. Le Jourdain d^roule
ensuite ses meandres entre des parois escarpees et s'ach^ve par
deux bouches mar^cageuses dans la her Morte.
Cette mer, bord6e de rochers nus et de rivages arides, d^passe
en supcrficie 1 200 kilometres carr^s ; elle est divis6e en deux
bassins d'in6gale profondeur par lap^ninsule du Lisan.Au nord,
la sonde descend k 1500 pieds; au sud, elle accuse seulement
12 pieds. La mer Morte est deux fois plus sal^e que la Medi-
terranee. Elle contient une tr6s forle quantite de chlorure de
magnesium et de brome. La presence de ces matiSres salines,
qui lui ont valu le nom de lac Asphaltite^ rend cette mer impro-
pre k la vie animale. Les poissons ne peuvent y vivre; les
plantes aquatiques mSme n*y germent pas.
EuPHRATE ET TiGRE (^tcnduc du bassin 660 000 kil. can*.). -—
VEuphrate (2 800 kil.) appartient par ses sources k la region
kourdo-arm^nienne. Les massifs de TArm^nie sont en r6alite
<( un immense barrage interceptant au profit de la region tigro-
«uphratinienne les vapeurs f6condantes de la mer Noire et de la
H^diterran^e » . Toute la haute vallee jusqu*au bassin d'Erze-
roum est soumise k Tinfluence des vents occidentaux venus
<le la mer Noire. II est form6 de deux riviferes, le Kara-Sou,
venu du plateau d'Erzeroum qui, par sa direction principale,
^emble assign^ k I'Asie Mineure, et le Jfowrac?, n6^ 2 800 metres
d*altitude dans TAladagh, qui coule entre des falaises de lave.
Le fleuve se fraye une voie k travers les contreforts du Taurus
4armenien et dans les collines crayeuses des avant-chaines. II
franchit 500 chutes sur une longueur de 150 kilometres et, en
certains endroits, est r6tr6ci jusqu'^ 50 metres de largeur. 11
se dirige vers le golfe d'Alexandrette, dont il n'est plus quk
150 kilometres, lorsqu'il se retourne au sud-est et va se rap-
prochant du Tigre. « Les ponts, les routes, les caravanserails
ont ete presque tousb^tis par le sultan Mourad. Aussi les Turcs
ont donne son nom par gratitude k TEuphrate. A Kieban--
MaadertfCe fleuve ressemble de tout point k la Moselle. Encaisse
M^SOPOTAVII^ £T SYRIE. 321
entre.de bai||ea montagnes sauvag^s, il poursuit sa marche
rapide en de singuliers detours, sort de la montagne apr^s un
parcours de dix lieues et regoit non loin d^ Maiatia le Tog^
niasuif le vieux H^las ou Koremos; apr^s avoir contourne une
hauteur couronn^e des mines d*une vieille eglise, il se dirigc
a Testy vers la vaste plaine d*Is-Oglu, puis il se retr^,cit, se
resserre daps une feote ^troite enjtre de hautes montagnes, se
pr^cipite de roc en roc, n*est plus navigable et forme ce que
les cartes appellent les cascades de.Ruchar. Trente lieues plus
loin, k Gerger^ le fleqve sort des murs de calcaire qui Tavaient
cri^e^i^., s*etend, et se dirige en de vastes circuits, vers la celebre
ville de SarnsfiU. Ut, la valine. s*ouvre et DSuphrate ressemble k
rOder pr^ de Fruncfort... De Samsat le fleuvp coule daujs un
lit large de 800 pieds, qu*il n'emplit que rarement, vers Touest,
jusqu*& Rumkalehf ou, il atteint le point occidental le plu$
extr^e de son cours^ Toute I'^tendue de plus de cinq^apte
lieues entre Marach jusqu*^ Karatcha-Dagh forme une plaine
rocailleuse,. presque d^nudee de terre et tellement couverte
de ruines en, pierres qu*en dehors de q\ielques senticrs on
n*avance qu*avec peine Ji pied et point du.tout k cheval. Avant
d'arriver> Ri^mkaleh on traverse une ville taill^e dans le roc.
€e roc est une pierre qui, semblable k c^Ue de Halte, a com-
mence par etre moUe et s*est ensuite durcie k Tair; ces mon^
tagnes sontyisities presque chaqueann^e par des tremblements
de terre.... Plus importante est la situation, de Beladcbik ou
Biradchik (ouyerture). Ici le fleuve sort de la inontagne, reste
en plaine, jusqu*^ son embouchure et devient navigable^ »
L*£uphrate ser^pand alors ^travers une plaine immense, peu
accident^e,, entre des dunes de sable k droite et des steppes
argileuses k gauche. II re<^oit ses derniers tributaires, k gauche,
ceux qui descendent du.Karadja-dagh et du plateau de Mardin,
grossis pendant la saison pluvieuse; les autres, « fleuves sans
eau », ne comnmniquent que rarement avec le fleuve. Les nom-
breuses divagations de FEuphrate tant6t I'^loignent et taplot le
rapproche^t du Tigre jusqu*^ la distance de 3 kiloip^tres* Les
deux fleuvea communiquent par des canamc mal entretenus.qui
s*envasent et forment.autant de mar^cages. En aval de Babylone^
TEuphrate forme, des coul^^s, des marigots, desamas lacustre3
1. Lettrei $ur VOrient, du mar^chal de MolUce.
o£o«. GL. 3*. 31
322 ASIE.
dont Tensemble nomm^ lagune de Nedjefy rappelle le Fayoun de
la vallee du Nil. Pr6s de Kama TEuphrate s'unil au Tigre.
Le T16RE, plus court que TEuphrate (2000 kilometres), a ses
sources dans une region lacustre voisine du Mourad. Deux mille
pas seulement les s^parent des rives de TEuphrate avec lequel
il se confond 200 lieues plus bas. II contourne au sud le plateau
de Diarb^kir et par une serie de cluses descend vers la plaine. II
sort de la region montagneuse pr^s d'Argana-Maaden, En ^t^, il
est facilement gu^able k Diarbekir. II traverse ensuite une plaine
vaste et fertile ou il revolt le Battman^ qui lui am^neun volume
d'eau plus consid^rjable que le sien. La barri^re du Kurdistan
intercepte au profit du Tigre les souffles humides de Toc^an
Indien, comme font les Alpes armeniennes pour TEuphrate. Au
sortir de ce premier bassin, le Tigre p6n6tre dans une haute
montagne de gr6s et se fraye une voie dans une gorge etroite.
Ses eaux enserrent Djezireh (File), apr6s quoi, il entre de nou-
veau en plaine. La contree devient monotone et depourvue
d*arbres. Le Tigre passe k Mossoul, station interm^diaire des
caravanes sur le chemin de Bagdad k Alep. hk conunence le cours
navigable. Le fleuve arrose ensuite Bagdad,
Le courant fluvial, forme de la jonction des deux fleuves
s'appelle le Chat-el- Arab, Sa largeur est de 500 metres environ,
sa profondeur de 4 metres, le debit moyen est de 6 000 metres
cubes. Le Chat-el-Arab di^passe ainsi tout autre courant compris
entre Tlnde et le Danube; il est m6me de deux fois superieur
au Nil. Deux rivieres venues du Luristan le rejoignent, la Kerka
et le Karoun.
Au del^ de Bassora^ commence la region deltaique, plaine
basse inond^e, couverte de roseaux et qui s avance de 50 metres
environ par an.
Cdtes. — Le golfe dlskanderoun est forme k Test par TiAima-
dagh^ qui forme T^peron du Ras-el-Chansir k ^ 600 metres au-
dessus de la Mediterranee. Au deli du fleuve Oronte, les monts
Ansarieh projettent les caps de Raz-el-Bazil et de Raz-lbn-Eaniy
au deli duquel s'abrite derriere des recifs dangereux le port de
Latakieh (Laodic^e), fr6quente par les p^cheurs d'eponges. —
Plus loin, le rivage dessine une longue sinuosite. A la base de
vertes coUines s*6tage Tripoli, Son port El Mina est k quelque
distance k Fouest, sur une presqu'ile entour^e d*^cueils. Le
littoral devient tres accidents, les saillies ou raz se multipiient>
MfeOPOTAMIE ET SYRIE. 325-
les ports sbnt rares et mddiocres. Au sud de ia bale de Saint-
Georges, au pied d'un promontoire, s*^leve Beirouty la ville la plus
commer^ante de la c6te syrienne. Les anciens ports de Sidorif'
de Tyr et de Saint-Jean d'Acre sont presque ensabl^s. -^ Au siid
du mont Garmel, qui domine de 550 metres la H^diterran^e, ia
cdte trace vers la mer une 16g6re concavity. H^riss^e d'^ueilis;
ou bdrdee de dunes, expos6e aux assauts d'une mer furieuse;'
elle n'offre qu*un seul port, Jaffa, qui est un abri peu siir. Asca* '
Ion et Gaza ne sont que des villages. - i
Flore et Faune. — La flore varie naturellement suivadt
I'altitude. La region du littoral, appel^e pays de Ganaan est trigs
fertile. Les cultures montent sur les pentes du Ltban jus--
qnk 1200 metres. Ge n*est qu'ezceptiohnellement qu oh lbs
trouve i 1 800 et k 2000 metres. Les cadres croissent au deW
de 2000 metres.
Suiyant les saisons, laSyrie et la M^sopotamie ofTrenl rasjf^ct-
d'un jardin verdoyant et fleuri et de plaines uniform^metit i
grises, brilil^es du soleil. Peut>^tre le climat s*est4I modifie
depuis rantiquit6 et ^tait-il alors plus humide. La v^rite ^st
que les domaines de la y^g^tation se sont d^placSs. Les gtaiides '
for^s dont parlent les auteurs anciens ont presque entiSrle-
raent disparu. La Palestine, autrefois couverte de v6g6tation; !est
aujourd'hui, dans la partie m^ridionaie, aride et pierreuse. Le^'
daltiers sont devenus tr6s rares dans les oasis. Le bananier
n*existe plus sur les bords du lac de Gen^sareth. Les cedres;*
Tantique parure du Libani; ne sont plus representes que paride'
maigres bouquets; C*est seuleraent dans TAmanus que la veg^-*'
tation foresti^re a conserve son aspect. Par contre, les arbres'
ont toujours manqu^ dans les plaines de FEuphrate. ' ■ r
La M6sopotamie se divise naturellement en quatre zones qui'
se prolongent d'un fleuve k I'autre, du nord au sud.
Au nord, c'est la contree des Alpes armeniennes couvertes de''
for^ts ou de paturages, qui s'abaisse en coUines et en terrassesi
Au sud du Karatcha-dagh commence une plaine l^gferem^nt'
accidentee, de faible relief, arros^e par les pluies de Tautoinrie !
et du printemps, ou le froment croit k I'etat sauvage, mais M' *
rile pendant les t^t^s sees et chauds.'
La region babylonienne n'est plus visit^e par les pluies abcili^^-
dantes des «afebn5 equinoxiales. La fertilite du-sol n'appara^it
plus que dalfts" fes Kdux feicond^s par le d^bordement des fletive»»'
m ASIG.
Eiifln, au del^ de Hit sur TEuphrate et de Samarate sur le
Tigfre, s'etend une immense plaine d'alluvions. ou ne croissent
•que quelques plantes am^res, partout ou le travail humain ne
vient pas r^partir sagement I'inondatiou capricieuse des eaux.
L^ fauoe comme la flore 8*est modifiee. Le lion ne se voii
plus, les panth^res et les onces ne d^passent pas i'Amanus.
La Syrie renferme des ours, des chacals, etc., et une petite
esp^ce de crocodile.. La depression du Ghor rappelle TAfriquQ
par sa faune conune par son climat.
Pppnlj8i|ioq8. — La superficie de la Syrie et de la. l^I^po-
taoaie est d^environ 900 000 kilometres carres; leur population,
de,.6 niillions d*habitants.
La population dit^ api^be se compose de deux Aliments dis-
tinQjts, les Bedouins errants et les Fellah qui habitent les villages
et la banlieue des villes. A cette race se rattachent le» SyrienSy
\esj)ru;;e$f les Maronite$, — La race seiiitiqu£ est repr^i^e
par. les JuiFs. Les AaMiMiENs sont peu nomhreux. Les Torgs et
les fiiuscs soxit en minority. — Le long de la c6te septentrionale
da la Syrie habitent les iln«^rieAj^ au nombre d*en.viron 150000;
lis r.on.t les cheveux blonds et les yeux bleus.
14 religion oflicieUe est Tislamisme, mais tcM^s le? autres
soi^t tolj^rees. — Le culte musulman est profess^ par lea Druz^^
mais, comiue \e% Amarieh ils sont, ,au fond, manich^ens, par
les M^toualU qui habitent entre le Liban et les montagnes de
Damas, par les hmailiens des environs de Hon^s* Le^ ai^tres
peupjles se partagent entre r£gU^p grecqvie qui se divis^ en trois
fractions, TEglise arm^nienne et FEglise latine. Les Juifs, qui
soat rares partout, sauf sur le littoral et qui sont deveniis pres-
que des strangers dans leur prppre patrie, sont sojimis,^ Vauto-
rit^^ d'un grand rabbin. — Le grpupe le plus in^rtajPit des
indigenes catholiques est celu^ des Maronites^ qui ocpup^nt le.
versant occidental du Libai\ et la region comprise eotre Tripoli
et Antiocbe. lis sont gouvern^s par un patria^che qui porte le
titre de patriarche d^AJotioche, ^lu par les ^vdques et confirm^
par le saintrsi^ge. lis ont et^ de tout temps prot^g^s. par la
France.
66ographie politique. — - Hesopotamie et Syfie formeiAt
sept villayets de Tem^ire turc.
Le bassin de TEupbrate et du Tigre, qui fut (dans Fantiquit^ le
centre d*un monde. interm^cliaire plac6 entrfs I'lnd^^ et la Grice
H^SOFOiA^lkiK ET SYHIE. 525
et le berteau d'une civilisation qni rayonna de la Caspienne^
la Phenicie et des tnonls de Salomon au royaume de Lydie, tie
presente plus aujourd'hui que des contrees d^solees et des cit6s
d^chues.
Diarbe'kir (40000 habitants), sur le Tigre, au croisemeht
des routes des bassins de TEuphrate et du Tigre, Margin
(20000 habitants), Malatia, Mossoul (50000 habitants) sur la
rive droite du Tigre,. a remplacement de Tancienne Ninive,
Souleimanieh (iOOOO habitants) pr^s'de la fronti^re persane,
Bagdad (80000 habitants), k Tentr^e de I'lran par la valine de la
Dialah, rattach^e k Bassora'par un service'de vapeurs.
Presque toutes les villes actives et peupl6es de la Syrie sont
^tablies sur la cdte mediterran^enne. Beirout (800O0 habitants),
Akka (Saint-Jean-d'Acre) (5000 habitants), Taraboulan (Tripoli)
(24000 habitants).
Les grandes agglomerations de Ddtnas (150000 habitants),
entrepot naturel entre la Perse, la Syrie, Ffigypte, et'd'ilfep
(70000 habitants), station interm^diaire entre TEuphrate et
Alexandrette, font exception. C'est qu'elles ne doiventpasmottts
leiu* prosperity k la fertility de Toasis qui les entoure et k rahden
difeveloppertient de leur industrie qu'^ leur situation k Tehtree
du desert. Jerusalem (30000 habitants), k 800 metres d'dltitude,
entour6e de trois cdt6s de ravins profonds ou coulent les tor-
rents du C6dron et de la G6henne, ielhleem (5000 habitants),
Hebron, El Rika (Jericho), k Textreraite du Ghor, JVaWous (Na-
plouse) au sud de la plaine d'Esdraelon, Sebdstieh (SamdHe),
Kaisariek (Caesarea) , Jaffa , Askalon , Gaza ,
Gdographie ^conomique. — La Syrie et la M^sopot^tttie
sont ert d^pendance Tune de Tautre pour le developpement des
voies comnierciales et le raouvement des ^changes : la Syrie dst
le d6bouche de la M6sopotamie sur la M6diterran6e.
C'est TAGRicuLTtRE qui a fait jadis leur richesse h toutes deux
etqui est encore aujourd'hui Toccupation principale des indi-
genes. Mais la decadence ne les a pas ^pargnSes plus que tan t
d*autres pays de FOrient.
Les savants travaux d*irrigation qui suppleaient dans ce pays,
pour le cliVnat et la culture, k Tabsence des forets, ont ete de-
laisses, de sorte que la consequence a ete la m^me de part et
d'autre : les cultures ont recule devant le desert.
Dans la partie de la Syrie voisinc de la raer et dans les valines
,325 ASIE.
bien arros6es de Tint^rieur, on cullive en grand les cereales,
Les orangers et les citronniers abondent. La vigne donne le ce-
Ifebre « vin d*or » du Liban.
La Basse-Mesopotamie, ou r^ussissent egalement les cerealei,
cultive d^j^ quelques plantes tropicales. La limite entre les deux
domaines est h pen pr^s le parallele d*Ana sur Tfiuphrate : c*est
\k que cessent les oliviers, Au sud le cotonnier prospere ; de nom-
breux bouquets depalmiers fournissent les dattes, qui sontun des
objets principaux du trafic. La region inf&rieure des deux fleuves
est celle qui a le plus souffert : elle est presque enti^rement ste-
rile et livr^e aux excursions des nomades pillards.
Le hetail de Syrie est peu estim^ et ne donne que des pro-
duits inferieurs ; mais les hautes valines du Tigre contieunent
de bons pdturages.
L*^levage du ver h sole a fait dans le Liban de grands progr^s.
Les produits ont atteint, ces annees derni^res, pr^s de 300 000 ki-
Ugranunes de soie gr^ge.
Les INDUSTRIES, jadis si fameuses, d*Alep, de Damas, de Bag-
dad, de Mossoul, sont compl^tement d^chues.
Damas ne fabrique plus d'armes. Le travail du cuir^ la fabri-
cation des savons et des huiles, celle des objets de pieU en bois
d*olivier incruste de nacre, sont, avec Fextraction du bitutne et
du self les principales industries du pays.
Commerce. Yoies de communication. — Les conditions naturelles
ne sont pas les mSmes en M^sopotamie et en Syrie. Dans le
premier de ces deux pays il n'y a que tr6s peu de routes
m^ritant ce nom ; le Tigre et TEuphrate sont toujours les prin-
cipales art^res^ En Syrie, les voies de communication les plus
importantes sont, au contraire, perpendiculaires k la direction
g^n^rale des syst6mes montagneux et des cours d'eau. Le
centime d'attraction est la mer et non plus le fleuve. C'est la
ni6me direction que suivent encore aujourd'hui les routes qui
m^nent de I'interieur aux differents ports, et dont la principale
est la magnifique chaussee de Damas a Beyrouth, construite en
1860 par les ing6nieurs frangais. Cost enfin dans ce sens que
devra se faire aussi la p6n6tralion du pays par les voies ferries,
comme en Asie Rlineure. Jerusalem est maintenant relive h Jaffa
par un chemin de fer. Deux autres lignes sont projet6es, Tune
'd*Alexandrette k Alep, I'autre de Beyrouth k Damas.
La seule voie dirigt^c dans le sens du meridien est la grande
i
MESOPOTABUB ET SYIIIG. 327
route des caravanes, peu importantc pour le commerce, qui con-
duit de Damas aux villes saintes de Aledine et de la Mecque.
Mais ces deux pays out une bien autre importance comme
points de passage intemational. Par son coude vers la Mediter-
ran^e, TEuphrate est la route naturelle entre le golfe Persique
et le golfe d'Alexandrette. C'est cette vole par la valine de TLu-
phrate que les Anglais songent depuis longtemps k utiliser
pour gagner Plnde. Le plan qui semble le plus rationnel con-
sisterait k prendre pour point d*attache sur la Mediterran^e
Alexandrette» Tembouchure de TOronte (Fancienne Seleucie) ou
Tripoli, et ^gagner de 1^, par Alep, Ourfa, Diarb^kirou Hardin,
Mossoul, Bagdad et Bassorah.
Cette voie riouvelle completerait le canal de Suez, en permet-
tant aux voyageurs et aux marchandises de prix d*eYiter le long
couloir de la mer Rouge, et de gagner au moins dix jours, dans
la duree du trajet des ports m^diterran^ens k Bombay. II est
m^me permis de prevoir pour un avenir plus ou moins lointain
le rattachement direct de ce premier tron^on au reseau de
rinde par Bouchir et Karatchi. '
C'est certainement en prevision de ces 6v6nements que TAn-
^leterre a juge bon de prendre possession de Chypre, pour sur-
veiller a la fois les Busses en Armenie et garder d'avance le
d^bouch^ de cette grande voie future de I'extr^me Orient.
Damas et Alep sont les grands entrep6ts de la Syrie centrale
•et de Ja Syrie du nord, d*ou divergent en tous sens les routes
des caravanes.
Les ports mediterran^ens des c6tes de Syrie ne sont pas en
general tres surs ; celui d'Alexandreite (Iskanderoun) est mal-
sain, celui de Jaffa est tr^s dangereux, la rade de Beyrouth est
beaucoup meilleure. On projette d*y construire un vaste port.
G^est la villc de commerce la plus importante de la Syrie. EUe
est en relation avec tous les grands ports de TEurope m^ridio-
nale, avec Marseille en particulier. La valeur des eclianges y
d^passe 60 millions de francs. Bagdad et Mossoul sur le Tigre
ont remplace. Tune Gt^siphon et Seleucie, Tautre Ninive, mais
«lles n*atteignent gu^re importance de ces anciennes cit^s.
Les exportations de Syrie ne d^passent pas 9 millions.
Les importations, qui se font surtout au beneHce de TAngle-
terre, atteignent k peine 5 millions. La France entre k peine
j)our un quart dans ces importations.
528 ASIE.
Le commerce de la MiSdopotamie est encore beaticoup moins
considerable.
Le gouvernement turc vient d'appeler une mission fran^aise
i*restaurer les anciens canaux d'irrigation de Bagdad. Ce n'est
qu un commencement, mais qui pent ouvrir une 6re nouvelle
pour ces pays si fertiles, oil le ble rendait jadis, au temoignage
d'Herodole, 200 et plus pour un, el qu'on a sumomm6s, un pen
pr^maturement; « une Lorabardie asiatique ».
Bibliograplile.
Charmes. Voyage en Palestine, Paris, 1884, in-18.
— Voyage en Syrie (Rev. dea Deux Mondes)^ 1881-1882.
Couder. Pnlestine. Londres, 1889, in-8.
Cliesiicy. Narrative of the Euphrates expedition during the years 1835,
1836 et 1837. Londres, 1868, in-8.
Gn6rin. Description gtfographique, historique et arckiologique de la Palet^
tine. Paris, 18o8-1869, 3 vol. in-18.
Lortet. La Syrie d*aujnurd hui. Paris, 1884.
Yogiie (de). Syrie, Palestine, mont Atlios. Paris, 1887, in-18.
E. Heclus. Geographic universelle, t. IX, p. 577 et t85.
Sujdts de devoirs.
Relief de la Palestine, comparaison de la met Morte avcc les autres depres-
sions du globe.
C6les de la Palestine.
Aoutes de commence dans I'Asie ant^ri^ure.
CHAPITRE Vm
ARABIE
L'Arabie, massive peninsule de forme quadrangulaire, six fois
grande comme la France (5 millions de kilometres carr^s), est
limitee a Touestpar la mer Rouge, au sud par la mer des Indes,
au sud-est par le golfe Persique et le golfe d*Oman. Du cdt^ de
la Syrie et de la Mosopotamie ses frontieres sont ind^cises.
Relief. — C*est un plateau, une veritable continuation du
ARABIE. 523
plateau saliarien, renfleau centre, incline du nord au sud, bord^g
de chaines qui se rabattenten terrasses abruptes sur le littoral.
La jonction iavec la Syrie se fait par le plateau secondaire de
TArabie P^tr6e (duuom de la ville de Petra),'que liAite k Test
le golfe d*Akaba, prolohgement de la mer Morte. Ge plateau
se termine, au sud> par la peninsule triangulaire d'Akaba ou dn
SinaL Get ^tiorme mafssif granitique est form^ de deux groiipes
principaux, le groupe du nord, domine par les sept croupes du
Serbal (2200 metres) et le groupe meridional, ou le sommet
culminant, le Djebel Kaiharin, atteint 2 600 metres. — Les chaines
({ui bordent la mer Rouge, monts de VHtdjaZy mohts du pays
d*imr, chaines de YYemeriy ont des sommets qui d^passent
2000 metres. Au nord-est d'Aden, se dressent les monts de YEa-
(Iramaut (2400) qui vont en s*abaissant vert le golfe d'Oman.
Le littoral de ce cdt^ est garni de montagnes qui paraissent ^tre
les plus hautes de TArabie : plusieurs crates ont jusqu'i
3000 mMres. — Le centre de TArabie ou Nedjed est une haiite
plaine entour^e de cdnes volcaiiiques qui vont rejoindre le Haou-
ran syrien. De \k s'etendent vers le nord-est et vers Toiiest les
imraenses champs de lave du Harra,
Climat. — Par son climat, TArabte est une region plutdt
continentale que peninsulaire; La mer Rouge en effet ne lui
concede pas le climat maritime. Elle rappelle les plateaux
de riran 6u mieux les deserts de TAfriquc. La partie septen-
trionale appartient encore au regime mdditerraneen et con-
nait les pluies d'hiVer, mais pcu abondautes. La cAte occi-
dentale, et particuli^rement TYemen, appartient au domaine
de la mousson indienne qui, apres avoir long^le continent afri-
cain, se replie vers le sud; suivant les saisons, les vents
montent et descendant dans les deux mers lat^rales de TArabie.
GrAce ^ la- mousson d'6t6, les massifs uiontagneux sont bien
arrdsi^s. La saison humide de TYSmen rappelle celle du Soudan.
Hdme Aden revolt quelquefois alors de 16 ^18 centimetres
d*eau, mais la moyenne annuelle y est de 5 centfmMres seule-
hierit. A Mascate et dans TOman, les pluies tombent en d^cembre
et en Janvier, corhme dans THedjaz. — Les monts du Nedjed
doivent a leur relief une humidite qui produit des sources et
cree des oasis. Plusieurs rivieres n6es dans le Nedjed coulent
souterrainement jusqu^au golfe Persique. Le tiers au moins de
la peninsule arabique est priv6 d*eau et n'olfre que de6'tl(Ssert8 :
35D . ASIB..
deserts de lave du Harra, deserts de sable on nefouds du nord
ei dahna du sud, deserts rocailleux ou hamada,
(( Les dangereux passages appeles par les Arabes Nefoud ou
Filles du Grand Desert n*ont que trop de litres d cette sinistre
parents. Ce sont des bras du vaste ocean ar6nace qui couvre un
tiers de la p^ninsule, fait de fr^quentes irruptions au milieu du
fertile plateau central et ie coupe parfois presque enti^re-
ment.... Devant nous s'etendait une plaine immense dont le
sable rouge ^tait amoncele en monticules hauts de deux a
trois cents pieds, qui couraient parall^lement du nord au sud ;
leurs versants obliques, leurs sommets arrondis profond^ment
silionnes en tons sens, attestaient la violence des temp^tes du
desert. Le voyageur est comme emprisonn6 dans un abime de
sable, de chaque c6le s*616vent des murailles brulantes, des
colUnes, et, s'il regarde devant lui, il n'apergoit qu'une vaste
mer de feu gonflee par le simoun qui soul6ve ses vagues rou-
geatres.... Dans ces solitudes, aucune v6^^tation ne vient
r6cr^er la vue et rompre Funiformit^ du pay^age.... La couche
inferieyre du sol est granitique; quant, a Tepaisseur du sable,
je revalue en moyenne d quatre cents pieds; mais dans cer-
taines regions, elle est beaucoup plus considerable et atteint
jusqu'a six cents pieds.
« ....Nous arrivSmes au bord dune large depression en
forme d*entonnoir ou Tabsence de sable met k nu la base cal-
caire du sol. On rencontre fr^quemment au milieu du desert
de semblables depressions.... Leur vaste etendue les empSche
d*etre combines par le sable que souievent souvent les tem-
petes. L*excavation dans laquelle nous passdmes la nuit ne
mesurait pas moins d*un quart de mille k sa partie superieure
et sa profondeur depassait huit cents pieds* ».
La temperature de TArabie est bri!ilante. Aden, Makalea, Has-
cate ont merite le nom d* « enfers » . Dans la premiere de ces
villes, la temperature moyenne de Thiver est superieure k celle
des etes europeens. A Mascate, au mois d'avril, on reieve
40 degres k Tombre. La nuit, le tbermometre descend de quel-
ques degres k peine. Dans le Tehama et TAssir, on a ^ supporter
des chaleurs de 42 et mSme de 50 degres. L'ardeur du soleil est
tellement puissante qu*elle fait eclater la pierre. Les plateaux
ii^a\gniVe.^Une ann^e dans V Arabic centraU*
ARABIE. 551
du Nedjed jouissent d*un air plus pur, plus salubre; les
variations entre le jour et la nuit y sont beaucoup plus
grandes.
Hydrographie. — L'Arabie n*a pas de rivieres permanentes.
11 n'est pas une seule riviere du versant occidental qui pendant
toute Tannee traverse entierement la zone du Tehama pour
atteindre la mer Rouge. L'eau s*^puise en route, bue parle soleil
ou d^tournee dans les cultures riveraines. L'Oued-er-Roumma,
iongue vallee iluviale de 1 500 kilometres, entre la chaine du
golfe Arabique et le bas Euphrate, roule, au temps des pluies,
une enorme quantite d*eau qui se perd dans les sables.
Cdtes. — L* Arabic est s^par^e de TAfrique par le long cou-
loir de la mer Rouge. Cette mer, extr^mement sal6e, chauff^e
par un soleil implacable, priv^e pendant T^t^ de tributaires, est
un vaste bassin d'evaporation. On a calculi que, chaque ann^e,
une tranche d'eau de 7 metres d'epaisseur 6tait enlevee k la
mer Rouge. Soixante annees suffiraient pour la dessecher entie-
rement, si les courants, venus de la mer des Indes, ne repa-
raient les pertes dues k Taction solaire.
Les cdtes de I'Arabie ont un d^veloppement total de
3 700 kilometres. La zone Uttorale comprise entre la mer Rouge
et les chaines bordi^res, particulierement depuis les montagnes
de Madian jusqu'a TYemen, est designee sous le nom de Tehama
ou Pays Briilant. Cette bande de terre basse, depourvue d'humi-
ditiB et de vegetation, peut etre comparee au « Ghermsir » de la
Perse et k la o tierra caliente » du Mexique. Le littoral est peu
accidente ; il est horde de bancs de corail, d'ilots et de recifs
madreporiques qui ofFrent de grands perils a la navigation.
Au delk du golfe d*Akabah qui deiimite, a Test, la p^ninsule du
Sinai; la cdte se developpe jusqu*au detroit de Bab-el-Mandeb,
suivant une ligne sinueuse peu entam6e. Les navires ne trouvent
dans les ports qu*un abri pr^caire. F^es iles sont rares et peu
importantes. Les iles Farsarij habitues par des pecheurs de
perles et de corail, offrent un bon mouillage Farsan-el-Kebir ;
Kamaran, occup^e par I'Angleterre, a aussiun bon mouillage.
Plus loin s'eleve Tile Zougour, L*ilot de Perim, long de 5 kilo-
metres et demi du sud-est au nord-ouest et large de
1800 metres, partage en deux passes le detroit de Bab-el-
Mandeb (porte de Taffliction). Du c6te de TArabie, la passe de
Menheli a 3200 metres de large. Perim appartient a T Angle-
352 Aim.
terre depuis i857. La Franco a acqtiis 8ur la t6te qui iui fait
face le terriloire de Cheik-Said.
Le littoral dxi golfe d'Aden et dc la mer d*Oman, borde
d'escarpements et de falaises, cfst atissi iiihospitalier. A 170 kilo-
metres k Test du d^troit de Bab-el-Mandeb s'ouvre la baie
d'Aden^ large d une dou2^ine de kilometres, profonde de 6»
dominie par deux hauts massifs qui en retrecissent Tentree.
Le Djebel Chamchan k Test, baut de 350 metres, est un ancien
cratere. Les escarpements qui tombent k pic sur le littoral
forment le promontoire d'Aden, souvent compart k celui de
Gibraltar. A Textremite de la baie se trOuve le port principal.
Steamer Point ou la marine. Les autres mouillages de cette
c6te sont Haoura, Makalla, principal port apr^s Aden, Kechin
et Dafar, Les Anglais occupent les iles Khourian-Movrianf dont
les gisements de guano sont ^puises. Plus loin, Tile Massirah,
longue de 70 kilometres, se relie au rivage par des bancs de
sable.
Au delk du Rdz-eUHadd, s'ouvre le golfe d*Oman. Au fond
d'une baie demi-circulaire bordee de rochers et ferm^e par
une ile se trouve Mascate, principalport de TOman. Matrah
et Sohar en sont les avant-ports. Le renflement de la c6te qui
s*avance dans la direction du littoral persan et qui se termire
par reperon du raz Masandam, forme le detroit d'Ormuz par
ou Ton p^netre dans le golfe Persique.
Ce golfe presente de grandes ressemblances afvec la mer
Rouge. Les rives sont basses, sablonneuses. L^ sont les princi-
pales pecheries de'perles. A Touest du Raz-Rekkan se creuse le
golfe de Bahrein. Des deux iles de ce nom, Tune a 50 kilo-
tnetres de long et 18 de large. Au nord-ouest, les ports d'^/-
Katifei d'Hof-Hovf soni ensables. A Tenlree d'une lai^e baie,
Koteit^ plus salubre, tend k devenir Feritrepdt de TEuphrale et
de I'Arabie.
Flore et Faune. -- Les divers climats de TArabie donnent k
la peninsule une physionomie variee. La partie septentrionale
appartient k la region des steppes. La seule vegetation est celle des
plantes ligiieuses qui apparaissent au printemps. L*Arabie cen-
trale, a Texception des basis, est un immense desert ou ne pous-
sent que les lichens. Sur les plateaux et les montagnes croissent
les plantes de la zone temperee. Les penles sont couvertes de
•vignes et d*arbres fi-uitiers. L'Hedjaz possMe jusqu'4 130 vari6-
ARABIA 33?
l(^s de dattiers. L'Assir, TY^men, THadraraaut ont la flore du Sou-
dan. C'est le pays producteur dea plantea aroi^atiques, de la
inyrrhe, de la gomme, de Tencens. L'Yemen est une vraie terre
africaine. Les plantations de caf6 s'y ^tajgent entre 400 et 1 500
metres.
La faune de TArabie est tr69 pauvre. Sur les confins du desert
vivent lions, pantheres, l^,opards, chac«ds. L*^ntilope habite les
monts du Nedjed. Les regions de sable et de rocbes sont parcou*
courues par les bouqyetins ^t les gajselles. L*Yferaen est riche en
singes. L'61epbant est absent, de TArabie, Le chameaune s'y
rencontre pas k Tetat sauvage. Les Arabes s'en servent coname
animal, de charge et de course, C'est ici qu'il possMe, au plus
haut degre les qualit^s qui le rendent si pr6cieux am nomsuies.
La monture par excellence est.le chevcU. La race arabe a une
superiority, incontestee. On trouve le cheval d^ns le Nefoud,
dans les steppes Yoisines de la Syrie et de TEuphrate, mais sa
Traie patrie est rArabie des herbes, ou la r^giou septentripnale.
Populatioiui^ — . Les peuples ne sont ^tablis h demeure fixe
que sur les cdtes et dans les steppes de la M^sopotamie.. Le
desert ^st la patrie deVArab^ par excellence on Bedouin. Leg no-
mades, vivent en tribus qui se divi^nt et se modifient sans cesse.
Au sud-ouest subsistent quelques debris de la race hymiare,
cong^n^re des Ph^niciens, qui fonda une nation el, npua les
ipremieres relations avec TAbyssinie et I'lnde. L- Arabic renforme
un grand nombre de.n^i^reg import!^ d'Afrique commei esclaves
oil conune ^Idats. — L' Arabic a ^t^ le berceau de Tlslamisme.
Au xviu^ si^cle eUe a prodtfit la sectc des^oAa^ttot qui, apr^s.
avoir conquis une partie de la p^ninsule, . opt ^t^ d^t^its ea
1817.
Mographie poUtique. — La forme de gouyernem^nt varie
IbeaucoUp en Arabic. Dn grand nombre de peuplades ont gard^
une. organisation analogue k celle des nomades. Gertaij^sgroupes
de families sont constitues en oligarchies. On trouve des rao^
narchies temper6es ou absolues. La plupart des fitats n'ont
qu'une tres faible 6tendue, parfois une oasis. Les Etats consi-
derables sont formes de tribus distinctes qui ne se relient au
;gouyernement suzerain que par le paiement de la dime,
Le BOMAiNB DK8 Tones comprcud thiSoriquement unc superficie
de 560 000 kilometres carr&; il est divis6 en deux villayets, ceux
<de VHedjaZf adjacent k la Syrie, et de V Yemen, sur la c6i^ sud-
?^
554 ASIE.
«
ouest de TArabie. On lvalue la population des ^tablissemenls
ottomans k ^ million d*habitants. Le district d'El^Ahsa, sur le
golfe Persique, depend du gouverneur de M^sopotamie, qui com-
mande d^j^, dans la Mesopotamia inferieure, h des peuples
arabes en grande majority.
La yille de la Mecque (40 k 50000 hab.) doit son importance
aux souvenirs religieux des musulmans, k la reputation de ses
peierinages, beaucoup plus qu*k son activite commerciale. Les
Khadzi qui viennent s'y sanctifier ou qui vont visiter k Medina
le tombeau du Propb^te debarquent pour la plupart au port de
Djedda,
G^ographie £conomiqae. — L*Arabie est parmi les pays
les moins favoris^s du monde. Ge n*est que dans les oasisy
dans la region montagneuse du sud-ouest, sur le pourtour des
e6tes, en un mot Ik ou il y a de Feau, qu'une population seden-
taire (les fellahs) a pu se fixer et donner ^ V agriculture et k
Velevage un certain d6veloppement. Dans certains cantons de
TArabie Heureuse (Y^men et Hadramaut) Tirrigation est orga-
nis^e d*une fa(?on tr6s savante et fertilise merveilleusement le
sol. Les deux produits caract^ristiques de I'Arabie sont les
dattes et le cafe. 11 reussit particuli^rement sur les coUines
de r Yemen, mais la production annuelle ne repr6sente plus
guere que le 1/200 de la production totale.
L'industrie de la peche n'est active que sur les cdtes du golfe
Persique et elle ne se s'applique qu*i la recherche des perles, -
C'est la principale source des revenus de I'iman de Mascate. Le •
produit annuel de toutes les p^cheries est lvalue ^ plus de-
Vi millions de francs. . ■ ■ • > '
«
Les produits mine'raux ne manquent pas completement en
Arabie, mais Yindustrie proprement dite n'existe pour ainsi Aite
pas.
En Arabic, il n'y a naturellement pas de routes k proprement
parler et les chemins de caravanes sont beaucoup moins com-
mandes par les besoins du commerce ou de I'agriculture que
par la coutume religieuse des pelerinages musulmans au tom-
beau de Mahomet. lis convergent done tous k Medine et a la
Mecque, suivant des itin^raires plus ou moins directs, qui sont:
determines par la presence des sources et des pufts. La voie la
plus importante au point de vue historique est celle qui conduit
de la Mecque k Constantinople par Damas. La plus frequentee
ARABIE. 335
aujourdliui parce qu'elle est la phis commode et la plus cdurte
est celle qui commence au port de Djedda.
Les principaux bbjets d'exportation, le caf^, les gommes, soht
apport^s sur la c6te^ dos de chameaux.
C'est d*ailleurs sur la mer que sont situ^es, k part Sara, tou-
tes les yilles de commerce importantes, mais les ports sont peu
nombreux, eu 6gard k Timmense ^tendue des c6tes. lis sont
d*ailleurs tr^s d^laiss^s et la plupart sont en decadence. Djedda,
qiii a vu en 1877 le mouvement des ^changes 8*61ever encore k
120 millions de francs, n*a plus fait dans les ann6es derni^res
que 15 & 20 millions d'affaires : c*est une d^ch^ance complete.
— Hodeida, le debouch^ du Y^men, conserve plus d'importan<^e; '
et le doit surtout k I'exportation du caf^. Koveit, au fond du golfe
Persique, ne se rjel^yerait qu*en devenant, conune plusieurs in-
g^nieurs en ont 6mis Tid^e, la t^te de ligne du futnr chemin de
fer indo-europ^en ; ce qui est peu probable. Mascate, qui est
compl^tement sous Tinfluence anglaise, est une ^tape importante
de commerce entre Bombay et Bassorah, non loin des c6tes de
Perse Le mouvement de son port atteint pr^s de i8 millions,
dont 10 k rimportation.
Bail et Riad sont k Tint^rieur les deux principaux centres du
conunerce des caravanes.
Les possessions europeennes de ces parages ne sont pas davan-
tage des places de commerce de grand avenir. Leur importance
est surtout politique et militaire. Les nations de TOccident tour-
nent d*ailleurs leurs convoitises beaucoup plus sur les c6tes
egyptiennes de la mer Rouge que sur la c6te arabe. Seules TAn-
gleterre et la France ont pris pied sur cette derni^re. Mais c*est
surtout sur la cdte meridionale que les Anglais se sont etablis.
lis poss^dent les lies Kurian-Murian sur les cdtes d'Oman, et
ils ont fonde plus k Touest le comptoir et la citadelle d'Aden, ou
plutdt ils ont rendu k cette position une partie de Timportance
qu*elle eut jadis. C'est aujourd'hui une ville de 40 000 ames,
fort bien situee pour commander le detroit de Bab-el-Mandeb et
servir d*^tape commerciale ou de sentinelle maritime entre Tlnde
.et TEurope. Le nombre des navires qui y relftchent est tr6s
considerable : Steamer^Point, la a marine » d*Aden, est un des
plus importants d^pdts de charbon de la route d*Europe en
Orient. — La valeur des echanges avec les pays arabes repr^-
sente d*ailleurs une sonrnie tres mediocre, dans le mouvement
du port. Le& forts deTilo^ iePerim comple^tent ceux.d*Aden; ila
commandent Tentr^ m^e.du detroit.
Mais les Frangais ont des droits sur le territoire arabe de
Ckeik'Satd, qui est en face de Perim; ils ne les ont point fait
yaloir jusqu*^ ce jour, mplgr^ I'int^rSt politique majeur qui en
r^uUerait. Au point de yue commercial, c*est notre colonic;-
d*Obocky sur la cdte d'Afrique, qui est dcstin^e k nou^ afTranchir
d*Aden et de ison charbon.
Bibliographie.
!B^rckh«rdt. Trwelt in Arabia, trad. Paris, 1835« 3 vol.
iDeflers. Voyage au Yimen, Paris, Klinsieck, 18S9^ 1 toI. inrS,
Haltzau. Beise in der Kiisiengegend vott Hedschas. Leipzig, 1868, 2 vol.
. Palgrave. Une annie dans V Arable cenlraU^ trad. 2 vol. in-8. Paris, 18&1.
lUtter. Arabien, Berlin, 1846-1841
Yoa,Wrede. Reiae in Hadamaut, Brunswick, 1873.
2e\if!^e. Arabien und die Araber. Halle, 1875.
£. Reclus. Giographte universelie, t. IX, p. ^7.
Sujets de deroirs.
Influence du climat de I'Arabie sur la repartition, de^ populations et le^
incBurs.
CHAPITRE IX
Llnde oceape une superfici^e d'environ^SOOOOO kilometres
€ai;f;es (douze fois le Royaume-Uni) . Au point de vue des formes
horizoutalQS, eile se divise en deux grander regions, rindcjcon-
tiry^ale qui fait p^rtie du tronc asiatique et Tlnde pmimtdaire.
La longueur du pord au sud est d*environ 3400 kilometres, la
la^geur d'ouest et est de 2 200.
Relief. — A regard du relief, elle comprend : i^ une zone
inojQi^gneuse servant de bordure au plateau du Tbibet; 2^ une.
grande piaine ou coule le Gauge d*un c6te, de TautreTIndus;
LINDE.
SI7
3»un plateau triangulaire qui compose la pdninsule propremenf
dite.
Himalaya. — VHimalaya doit sa formation k une poussce
venue de la depression m^diterran^enne qui, refoulant \qs
couches s^dimentaires du plateau thib^tain contre un obstacle
solide situ6 au nord, les a courbees en une suite de plis rcii-
versus. Au nord, THimalaya n'est qu'un rebord de plateau,
tandis qu'au sud, du cdte de Tlnde, son individuality se d6gagc,
il se pr^sente comme un rempart superbe, avec son caracterc
alpestre. Une coupe transversale menee en un point ou la cr6lc
est 61ev6e de 7500 metres, rencontre k la m^me distance, au
Fig. 14. — Coupe de rUimalaya de I'ouest 6 Test.
sud, la ville de Silolhi a 1 400 metres d*altitude et, au nord, le
lac Mansaraur aux sources du Brahmapoutra k 5000 metres. A
I'ouest, rilimalaya se rencontre avec le Karakorum et I'Hindou-
Kouch ; k Test, on le connaft mal au delk de la trou6e du Brah-
mapoutra. 11 se developpe en arc de cercle du nord-ouest au
sud-est, sur une longueur de 2600 kilometres (distance de
Lisbonne k Tarchipel). Sa largeur moyenne est de 250 kilometres.
La superficie qu'il recouvre surpasse celle de la France. — 11
est forme de deux chafnes; au nord, le Trans-Himalaya, arete
rigide, peu entamee; au sud, THimalaya proprement dit, de-
coupe en massifs dont quelques-uns ont Tapparence de groupes
isoles. Au-dessus de la plaine, s'el6ve par des pentes rapides im
premier gradin. Ce sont les monts Sivalik, longs de 300 kilo-
metres, hauts de 1 200 k 1 300. Cette chaine subhiraalayenne
est compos^e, comme les chaines subalpines, de ces d^pdts
s^dimenlaires d^signes sous le nom de mollasse. A 900 metres
au-dessus, s'etagent de hautes valines longitudinales appelees
dotins, Les valines, nombreuses surtout dans THimalaya occi-
GtOG. CL. Z\
S2
333 ASIB.
dental, sont geD^ralement d*anciens lacs vid^s par les tribii-
aires du Gange, devenus des campagnes verdoyantes, Lien abri-
tees des vents et inaccessibles aux fi^vres du bas pays. Aussi les
Anglais ont-ils ^labli 1^ leurs sanatoria. Telle est la c^l^bre valine
de Kachmir, longue de 100 kilometres, large de 60, k Taltitude
de 1 583 metres.
({ Dans toute Tepaisseur de la r^ion montagneuse, des val-
lees, comme celle de Kachmir, s'ouvrent en cirques immenscs
ou rimagination populaire a vu des paradis habites par Thuma-
nite pendant son kge d'or et qui sont en effet des regions
presque sans egales pour la salubrity du climat, la fertilite du
sol, le charme et la magnificence des paysages refletes dans les
lacs et les eaux courantes, Teclat du ciel qui s'arrondit au-
dessus de TamphitheMre des neiges* ».
Au deli de 3000 metres commence la region forestifere des
pins et des arbres k aiguille. La s*ouvrent les principaux cols
de THimalaya. En certains endroits, on voit des villages jus-
qu'^ 4000, 4200 metres; mais c'est aussi la zone des roches
grises aux parois abruptes, sans vegetation, d^sol^e par les
avalanches. — La limite des neiges persistantes varie avec
les versants. Tandis qu*au nord, elle correspond a Tisotherme
de — 2 ; sur le versant sud, plus humide, elle coincide avec
risotherme de -j- t>,5. Elle varie aussi d'ouest en est. Elle se
tient k 5 650 metres dans THimalaya occidental et descend vers
4 000 dans la partie orientale. Mais, ici, k cause de la d^clivite des
pentes et de la chaleur equatoriale, on ne trouve point de gla-
ciers, tandis qu'k Toccident on pent cheminer sur les n^v^s et les
glaciers pendant 100 kilometres. — La ligne des sommets hima-
layens est i 120 kilometres environ de la base. 120 d'entre eux
depassent 6 000 metres, 40 se dresseiit au-dessus de 7 000, 17 au-
dessus de 8000. Le plus haut de tons est le Gaurisankar
(8 840 m.). Plusieurs cols sont a une altitude de 4500 k 4600
metres. — L' Himalaya temoigne grandement de Toeuvre de des-
truction des agents atmospheriques. Les roches de gneiss el
de schiste des hauts sommets, les couches siliceuses des
pentes moyennes, les gres des monts subhimalayens sont pro-
fondement attaques par les vents, les pluies, les neiges et les
glaces. L*erosion a creuse des fissures de 1 000 metres et plus
1. £iis6e Heclus. Geographic universelle, t. VlII.
LINDE. 330
de profondeur verticale. Les valines transversales, perpendicu-*
laires k Taxe, sont des rayinements ; led deux versants se re-*
joignent sans laisser entre eux de fond plat. Les cascades et les '
lacs ont disparu.
Entre rilimalaya et la plaine du Gange la transition se fait
par une zone marScageuse et enfievr^e, inond^e par les pluies
de la mousson et par les eaux descendues des montagnes : c'est
le Terat ou Bhaver.
Au nord-est, sur les confins de Tlndo-Chine, est un vaste
syst^me mal connu qui commence par les monts Gharo et
Khaiia, au sud du Bahraapoutra. On sait toutefois que les Khasia
sont une suite de plateaux dont les parties les plus elev^es
n*atteignent pas 2000 metres.
La PLAINS iNDiEMNE, compos^c de terrains d*alluvion, est for-
mee de deux depressions, Tune ou coule Tlndus et le Satledj,
Tautre qui est le bassin du Gange et de la Djemna. Elles sont
separees par un seuil qui ne d^passe pas 250 metres, c'est-
ji-dire 20 metres h peine au-dessus des eaux moyennes de la
Djemna. Au sud-ouest s*6tend le desert de Tharr^ vaste mer de
sable ou les dunes atteignent jusqu*^ 50 metres. U se continue
par une plaine saline reraarquablement horizontale qui commu-
nique avec le golfe de Katch et devient une mer pendant la
saison des pluies, c*est le Ran ou desert de Katch,
La partie centrale de la peninsule ou Dekan est un plateau
elev^ de 1 000 k 1 200 metres et incline d'ouest en est. Le sol
est en.grande partie d'origine volcanique. Les roches ignees
recouvrent encore 300 000 kilometres carr^s. De Bombay k
Nagpour, sur plus de 800 kilometres en longueur, on traverse
des coulees basaltiques et des monticules de cendres. A Tinie-
rieur se developpent de longues plaines onduiees, berissees de
coUines, aux parois abruptes et aux sommets aplatis. — La bor-
dure septentrionale est forniee de divers souievements paral-
leies. Au nord de la Nerbuddah s*etend le massif des monts
Windhya (2 200 m.), que compietent k Fouest les monts du pays
des Radjpoutes et la cliaine des Aravalli, inferieure aux Windhya
d'environ 500 metres. Entre la Nerbuddah et le Tapti sont les
monts Satpourttf dont rallitude ne depasse guere 600 metres,
mais^ Test, le groupe central, le Daghparta, atteint 1 375 metres
et le Mahadeo 1 200. Le bassin superieur du Mahanaddy est
enveloppe par un amphitheatre de hautes terres d'une hauteur
340 ASIE.
moyenne de COO metres. Les ciraes du MaikcU s*6lfevent a
i 000 metres et celles du Maghasani k 1 16.0.
Le plateau s'appuie k Touest et k Test sur des chaines
littorales appel^es Ghats (escaliers). Les Ghats orientales ne
sont que des collines ondul^es d6coup6es en tron<^ons distincts
par les valines. La cr^te 8'616ve k 1 000 ou 1 200 mfetres. Les
Ghats occidentales, tr6s voisines de la c6te, commencent au
sud de la valine du Tapti. EUes out en moyenne 2000 metres.
A la hauteur de Bombay s'ouvrent deux cols fort importants
que traversent les chemins de fer de Bombay k Calcutta et h
Madras. C'est le Thai-Ghat ou Kasara-Ghat (583 m.) et le Bar-
Ghat (US m.).
La partie m^ridionale du plateau du Dekan ou Maissour
est une haute plaine triangulaire de 600 k 900 metres d'altitude,
plus fortement inclinee sur Tocean Ipdien. Le pays de Maissour
est doming au sud-ouest par le massif des Nilghiri ou mon-
tagnes Bleues, vaste trapeze presque isol6. Le Dodabetta ou
grand mont depasse 2500 metres. A Test, par delk la coupure
du Caveri, s'el^ve le massif du Chivarat (1648 m.). Au sud des
Nilghiri s'ouvre une profonde depression utilis^e par le pas-
sage du chemin de fer de Calicut k Madras. C'est la br^che
de Pal-Ghat (250 m.), puis la bordure montagneuse se relovc
et forme un nouveau massif, celui d'Anamalah, ou mont des
Elephants. Le principal sommet, YAnamondif a presque 2 700
metres. L'Anamalah projette k Touest plusieurs chainons qui
s*abaissent vers la mer; k Test, il s'appuie sur le massif de
Palni (2400 m.). Enfin, au sud, la chaine elevee en moyenne
de 1 000 metres s avance jusqu'^ 30 kilometres du cap Comorin.
Climat. — L'Inde est par sa latitude une region chaudc.
L'equateur de la plus grande chaleur moyenne passe imm6dia-
tement au sud de la peninsule. Abstraction faite de Faltitude,
la temperature d^croit progressivement du sud au nord, mais
Tecart d une exlr^mite k I'autre, c'est-a-dire sur une etenduo
de 3000 kilometres, est de 5 degres seulement. La plus grande
Constance dans la temperature se trouve dans I'lnde meridionale,
f xposee aux influences equatoriales et aux influences maritimes.
A Geylan les temperatures extremes d'ete et d'hiver varient de
2 degres, k Madras de 6 (-f-24 en Janvier et 4- 30 en juillet).
Les inegalites s'aQcentuent si I'on s'avance vers Finterieur. A
Allahabad, au centre du bassin du Ganire, Textreme de Janvier
L'INDE. 541
est de 4- 17, Textr^me de juillet + 36<>. L'^cart est de 18^ Dans
le Penjab, la temperature d*hi\er s'abaisse jusqu'au point dc
glace, tandis qu'en et6 elle alteinl 52«.
L*annee se partage en trois saisons : Thiver, la pression est
elevee, les vents soufflent du nord-esl, puis vient xine saison
chaxide et s^che suivie d*une saison caracterisee par une pres-
sion basse, des vents humides et persistants. Le grand regii-
lateur est la mousson. Lorsque celle-ci change de direction,
d avril k juin ou de septerabre k novembre, Tequilibre des airs
etant subitement rompu, eclatent les cyclones qui rendent si
terribles les mers de Flnde et de la Chine. Au mois d'oc-
lobre 1876, en moins d'une heure, 216000 personnes furent
cnglouties dans les terres basses entre les bouches du Gauge
et du Brahraapoutra.
C'est 6galeraent la mousson qui determine le regime pluvial
de rinde. Tout le bassin moyen et inf^rieur de Tlndus qui
n'est pas visite par elle est extr^mement pauvre en eau. La
moyenne annuelle k Karatchi est de 19 centimetres. Le desert
de Tharr, Sans etre inaccessible k toute culture, semble toute-
I'ois appartenir au domaine des steppes. La region moyenne de
rinde, le Dekan central et oriental, regoit une moyenne de 50 it
75 centimetres. Les contrees les plus arrosees sont la cdte occi-
dentale, THimalaya central et oriental, ou le ruissolleraent est
intense. Bombay re^oit annuellement 1 m. 92, Cochin 2 m. 12,
Mangalore 3 m. 38. Au nord-est, on compte 1 m. 68 S Cal-
cutta, 2 m. 38 dans I'Assam, 5 m. 07 a Darjiling. Les for^ts
de TAssam et des monts Gharro amenent encore une recru-
descence. On a vu ici des pluies durer plus de trois mois sans
interruption. Une pluie de quatre heures a donne 16 centimetres,
soit la moyenne annuelle de la France entiere. Certaines regions
resolvent jusqu*^ 15 et 16 metres par an, c'est-^-dire plus que
la Champagne en cinquante ans, plus qu'Alexandrie en un siecle.
Hydrographie. — Llnde a done des fleuves abondants. Les
deux jprincipaux sont Tlndus et le Gauge.
L*IwDDS (2 900 kilometres — etendue du bassin : 1 million de
kilometres Carres), alimente par les glaciers de THimalaya occi-
dental et du Karakorum, descend du plateau du Thibet dans
une haute vallee lougitudinale, puis il perce la chaine et
tourne au sud-ouest. A Attok, il re^oit, k droite, le Kaboul
forme des caux de I'llindou-Kouch. Son cours montagneux finit
H2 ASIE.
a la cluse de Karabagk, II a dej^ parcouru une distance ^gaie
k la longueur du Rhin. L'Indus, abandonnant la region de ses
sources, se dirige vers le desert et Tevaporation lui a deja
enlev6 une partie de ses eaux quand il rencontre, k gauche,
les cinq grandes rivieres himalayennes du Penjab. La plus
puissante est le Satledj, originaire, comme Tlndus, du Thibet,
ayant bris6 comme lui THiraalaya par des gorges d'erosion
profondes. La rivifere de Kachmir est une de ses tributaires.
Le Penjab n'est plus la region arros6e et fertile que les Vedas
ont chantee. L'assechement continu du sol a tari nombre de
cours d*eau, comme le Sarasvati, autrefois affluent du Gange,
qui se perd aujourd'hui dans les sables. Le desert a gagne de
proche en proche, D'autre part, les apports des fleuves ont sans
cesse remani6 Thydrographie de la contr6e. La plaine oh ils
coulent est en effet remarquablement horizontale : un seuil de
20 metres seulement s6pare le bassin du Satledj de celui de la
Djemna. Aussi, pendant la p6riode des crues, toutes ces rivieres
communiquent-elles, transformant la plaine en une mer tempo-
raire.
Le Satledj, large de plusieurs kilometres, roule alors jusqu'i
6 000 metres cubes k la seconde. En 6t6, ce ne sont plus que
d*etroits courants serpentant entre les lies et les bancs de sable.
Semblable au Nil, I'lndus pourvu de son cortege d'affluents,
sillonne de vastes deserts sales ou il ne regoit plus une gouttc
d'eau. Le debit moyen est de 5 550 metres cubes; le d6bit de
crue 17000. A 150 kilometres de la mer, on entre dans la
region deltaique qui mesure 8600 kilometres carres. La pro-
fondeur des embouchures k maree basse est de 1 ^ 2 metres
seulement; aussi la navigation est-elle difficile aux grands
navires.
Le Gakge (2550 kil.) est le fleuve himalayen par excellence,
le fleuve sacr^ des Hindous. A la difl'erence de Flndus et du
Satledj, il nait, non pas sur le plateau thibetain, mais sur le ver-
sant sud de I'Himalaya, k 4 206 metres d'altitude. Apres avoir
traverse la region des douns, il debouche en plaine k la porte
AeEarwark'iW metres au-dessus de lamer. Tandis que llndus
moyen s'eloigne de THimalaya, le Gange coule jusqu'^ son em-
bouchure parallelement au grand systeme montagneux d'ou il
regoit la plupart de ses affluents. Sa direction peut ^tre com-
paree k celle du Pd par rapport aux Alpes. Navigable d6s sa
LIRDE. ?43
sortie des montagnes, il parcourt une region plate ou ses eaux
se distribuent en partie dans une quantity de canaux. A AUa^
babad, le Gange regoit k droite la Djemna, plus longue que lui
et qu'alimentent d la fois les eaux de la lisi^re himalayenne et
led eaux de Flnde centrale. 11 semble qu'elle se soit dirig^e
autrefois vers Tlndus, fertilisant ainsi de ses eaux le Radjpou-
tana, aujourd'hui k demi dessech^. Le Gange, large de 1 kilo-
metre et demi, se heurte aux escarpements du Windhya qui le
rejettent k Test. II se rapproche alors de THimalaya dont il suit
la lisi^re. Ses affluents himalayens tels que la Gutnti et la Gogra
lui apportent un tribut constant et abendant, tandis que les
rivieres venues des coUines bordiferes du Dekan, comme la Sone^
ont un cours torrentueux et irregulier. Le grand fleuve d^roule
ses m^ndres dans la vaste plaine, ou il se dSplace sans cesse.
Son debit moyen est de 12 k ib 000 metres cubes k la seconde.
Les crues le portent k 50000. En temps de s^cheresse, il aurait
ete reduit k 600. Le sommet du delta gangetique se trouve k
520 kilometres de la mer. La branche occidentale qui passe
k Calcutta s'appelle THougli. Le bras oriental s'unit au Brahma-
poutra pour former la Meghna.
Le Bramapoutra ne nous est connu qu*au sud du oS^ degr^
de latitude. Suivant une opinion contest^e, il faudrait voir son
cours sup^rieur dans le Yaru-tsanrb6, qui prend sa source k peu
de distance du Satledj et dont le bassin a 200 000 kilometres
carres. Au confluent de la plaine de Sadija, le Brahmapoutra
roule dejS, meme dans la saison seche, une masse d'eau plus
considerable que le Rhdne ou le Rhin. Son bassin est la region
pluvieuse par excellence de Tlnde.
Bengale. — Le Gange et le Brahmapoutra conjugues portent k
la mer une masse liquide quadruple de celle que la France en-
tiere envoie k TOcean et k la Hediterranee. Leur commun delta,
double de celui du Nil, egale retendue de llrlande (82000 kil.
carres). Pendant la periode des inondations, les innombrables
rivieres s'etalent sur plus de 400 kilometres de largeur, leurs
lits se deplacent sans cesse, se modifient et se comblent.
Le Gange transporte une masse enorme de matieres terreuses,
ce qui s'explique, si Ton songe que c^est dans son bassin que le
phenomene de ruissellement s*exerce avec le plus d*energie On
a calcuie qu'en moyenne, il charrie, chaque annee, k la mer
environ soixante fois le volume des Pyramidos d*Egypte. La
S44 ASIE
region Yoisine de la mer, fr^quemraent remanide par les teni'-
pdtes, porte le nom de Sonderbund ou Sanderband : c'est un
vaste mar^cage, hante par les crocodiles qui sont souvent
enfouis dans ces vases mobiles. Les eaux des deux fleuves trou-
blent la mer jusqu'i plus de iOO kilomMres des embouchures.
La mer Arabique ne re^oit que deux grands fleuves qui se
dSveloppent au nord des Ghats occidentales, la Nerbuddah et le
Tapti, Tous deux coulent dans des rainures du plateau, enserros
entre des chaines de montagnes parall^les, jusqu'^ la r^ion du
littoral. Us sont presque d6pourvus d^affluents. Reduits pendant
rhiver k de maigres courants serpentant dans les sables, ils
s*accroissent rapidement grAce k la mousson. Le Tapti, qui ne
roule en moyenne que 5^6 metres cubes k la seconde, en
charrie plus de 25 000 au moment des crues. Le courant mari-
time qui pen^tre profond^ment dans le golfe de Gambaye en-
traine au loin les alluvions ; aussi ces fleuves n*ont-ils pas de
deltas. La Nerbuddah finit par une embouchure de 20 kilo-
metres de largeur.
L'oc^an Indien reQoit le Mahanaddy (836 kit.), le Godavery
(1445 kil.), la Kistna et le Caveri, Le Godavery et la Kistna,
n^s k moins de 100 kilometres de la mer Arabique, sillonnent
tout le plateau du Dekan. Le domaine bydrographique du
Godavery repr6sente les deux tiers de la superficie de la France
(390000 kil. Carres).
Le trait commun k tous ces fleuves est que ce sont. de v^ri*
tables torrents, presque k sec pendant quolques mois, gonfies
et redoutables pendant la saison des pluies. Le Mahanaddy se
reduit quelquefois k 31 metres cubes par seconde. Les crues
portent son debit ii 50000, soit un tiers de plus que le Hissis-
sipi, aux plus hautes eaux. Les rivieres d*Orissa roulent alors
une masse liquide deux fois superieure k celle du fleuve ameri-
cain deborde. En 1866, une inondation a submerge 275000 hec-
tares. Les crues du Godavery peuvent faire monter le niveau de
20 metres. Le Caveri, dont le debit ordinaire est de 500 metres
cubes, pent porter jusqu*^ 13000. — Dn autre caractere com-
mun k ces fleuves est qu'ils ferment des deltas. Gelui du Maha-
naddy sert aussi de debouche k la Brahmani et k la Baitami. Ses
empietements menaceut le lac Chilka, dont la superficie atteint
1170 kilometres carres pendant la saison des pluies. Le Goda-
vei7 forme sur la c6te une saillie de 4000 kilometres carres
LINDE. 345
d*^tendue. La Kistna pousse aussi avant vers la mer la masse
de ses alluvions. Le delta du Caveri, avec toutes les coulees se-
condaires du fleuve, a un front maritime de 175 kilometres de
long. Le reseau fluvial de ces cours d'eau est complete par de
tr^s nombreux canaux d'arrosement. Dans le bassin du Caveri,
ces canaux couvrent 55000 hectares. Toute la contree littorale
est d'ailleurs parsem^e d'Stangs. On en compte jusqu*^ 27 000
dans le Maissour. Ces innombrables reservoirs servent k mod^rer
et k regulariser le d^bit des fleuves.
CAtes. — Le littoral de Tlnde a un d^veloppement total de
5 000 kilometres. Get immense littoral se presente avec une
rigidite de lignes qui rappelle les terres australes de TAfrique
et de TAmerique. Au sud du delta sablonneux de Tlndus, U
grande ile de.Katch couvre Tentree dune vaste lagune, le Ranti,
Au sud du Katch s'avance la presqu*ile de Guzei^ate^ limitee k
Touest par le golfe de Katch et k Test par le golfe de Cambaye,
EUe est rattach^e au continent par un isthme sablonneux ou
raar^cageux eiev6 seulement de 15 metres. Une petite ile voi-
sine du rivage meridional porte le fort et la ville de Diu.
Au deli, la c6te prend la direction du sud qu'elle conserve,
en s'inflechissant lentement vers le sud-est, jusqu'au cap Como-
rin. C'est la c6te de Malabar. EUe est formee par les Ghats
occidentales qui serrent de tres prfes la mer sur une longueur
de 1500 kilometres. La ligne du rivage n'est rompue par
aucune saillie notable. Les echancrures y sont rares et les bons
ports peu nombreux. Us sont places aux points ou les promon-
loires montagneux s'avancent sans interposition dune bergc.
La rade de Bombay est couverte du c6te de la mer par un
archipel dont une ile porte la ville de ce nom. Goa, Make et
Calicut sont dans des criques produites par une avancee de la
haute bordure des monts. Au sud, se developpe toute une
suite de lagunes paralieies k la cdte , formant une voie fluviale
protegee de la mer par des fieches de sable.
Ces etangs riverains sont plus nombreux encore sur le litto-
ral oriental. Les c6tes de Coromandel, d'Orism et du Bengale
sont basses, marecageuses et malsaines. Les bons abris y sont
plus rares encore que sur la c6te de Malabar, k cause des
apports des fleuves, des deltas et des lagunes. Le grand bras du
Gauge ou Hougli est un veritable golfe ou peuvent s*engager les
plus forts navires.
946 ASIB,
A rextr^mit^ meridionale de la peninsule, le golfe de Manaar
et le d^tioit de Palk s6parent du continent I'ile de Ceylan
(64000 kil. Carres, plus que la Grece). Les hautes terres sonl
ramassees au centre de la partie meridionale. Plusieurs cimes
atleignent 200 metres. Le sommet culminant, le Pedrotallagalla,
en a 2500. Toule la moitii^ septentrionale est une vaste plaine. Le
principal cours d'eau a 215 kilometres delong. La c6te orientate
est bordee de dunes. Au nord, les rivages de Ceylan rejoignenl
la c6te de Coromandel par une chaine d'ecueils nommes pont de
Rama, qui parait avoir ete un isthme, en partie detruit par
un alTaissement du sol. La population de Geylan est de 2 mil-
lions i/2 d'habitants, soit 44 par kilometres carres. La capitale
est Colombo sur la c6te occidentale. Au nord-est, au bord
d*une baie, est le port de Trincomali.
Les archipels des Laquedives et des Maldives sont form^es
d'ilots d'origine madreporique. La superficie des premieres,
sans les r^cifs et les bancs de sable, est de 52 kilometres carres.
Huit seulement sont habitees. Les Maldives se composent d'une
double rangee de recifs longue de 750 kilomfetres et large
de 50. Chacun de ces recifs est une sorte d'atoll minuscule. La
reunion dc plusieurs recifs forme un atoll plus grand qui n>st
lui-m^me qu'un anneau dun immense atoll de iOO kilometres
de tour. L'ensemble des terres 6mergees est de 900 kilometres
carres k marSe haute.
Flore et f anne. — La repartition de Thumidite atmospherique
et la variete du relief permettent k toutes sortes de plantes de
croitre sur le sol de Tlnde. Tout se meie, tout se p^netre suivant
les conditions locales d*altitude, de position, et cette variete
m^me n*est qu'une richesse de plus. On a pourtant coutume de
distinguer, d'aprfes le climat, quatre zones distinctes : 1* La re-
gion des pentes himalayennes. La flore de THimalaya offre une
grande.ressemblance avec celle de nos pays temp^res d'Europe.
Les grandes forfits, compos^es de conifSres, montent jusqu*i
5 600 metres daltitude. 2® Le bassin de V Indus, presque depourvu
de pluies,. a une vegetation d'arbustes epineux et de broussailles
qui annonce dej^ la flore de Perse et de TArabie, 3® VAssaniy oii
rhumidite surabonde, rappelle les formes vegetales des lies de la
Sonde, hk croissent le poivrier, le coton, Tindigo, le sucre, etc.
lA s*etendent ces forets de jungles qui ont besoin d'une lumiere
et d'une liumidite intenses. Dans cette contree priviiegiee, on a
LINBB. 347
r^ussi k obtenir de Torge h plus de 4 500 metres. On a trouT^
des rhododendrons h Taltitude de 5 500 metres. HSme les palmiers
el les bananiers se rencontrent ^2100 metres. 4*» Vlndepenin-
stdaire^ h I'exception de la c6te occidentale, bien arros^e, et de
la pointe m^ridionale, n'offre que rarement une richesse com-
parable k celle du Bengale. Loin des valines, le plateau est
presque depourvu de for^ts et la plupart des plantes sont k
feuiUes c^duques.
La faune de rHindoustan, comme sa flore, reproduit les
esp^ces des contr^es limitrophes. G*est surtout dans la region
humide et chaude du Terai qu*abondent les animaux sauvages.
L'el^phant ne se trouve gu^re que 1^ et dans TAssam. Le rhino-
ceros habite surtout le Bengale. Le lion a presque corapl^tement
cess^ d*exister, mais le tigre, le loup, le chacal se rencontrent
partout et causent de grands ravages. On estime k 13000 le
nombre de personnes tues dans le Bengale en six ann^es par les
animaux carnassiers. Les serpents font annuellement 20000 vic^
times. Les singes sont tr^s nombreux. Les oiseaux chanteurs
sont plusrares qu'en Occident.
Populations. — La population de Tlnde repr^sente plus de la
6* partie des habitants de la t^rre enti^re (250 millions). Les
grandes agglomerations se pressent sur les cdtes et surtout dans
la vallee du Gauge (200 et m$me 300 habitants par kilometre
carre). La presidence di^ Bengale, dont la superficie est infer,
rieure k celle de la France, a presque autant d'habitants que la
Russie (70 millions). Au contraire, dans la yall6e de I'lndus,
la density n*est plus que de 20 ^60 habitants. Les provinces cen-
trales out 9 millions d'habitants, c*est-^-dire la population de la
Belgique et de la Hollande sur une superficie 4 fois plus grande.
Gette immense population appartient k cinq races bien carac^
t^risees ; .
l^Les Aryas ou Aryens. On place leur arriv^e dans rinde^
vers le xxni* si^cle avant JesusrChrist. Venus des plaines du
Touran, berceau commun des races indo-europ6ennes, ili^
s,*etablirent d*abord dans les fertiles plaines du Kophes^ et de
Kachmir, oi^ furent composSes les hymnes les plus anciennes
du Rig-Veda, Deja ils etaient divises en cinq classes. Plus tard,
ils descendirent dans les vallees du Penjab, cette Egypte en
miniature, entour^e de plusieurs m^sopotamies. Le morcelle-
ment du territoire eut pour consequence le regime de I'autb-
348 ASiE.
nomie communale. Enfin les Aryens penStr^rent dans le Hadhya-
D^sa, r^norme plaine gangetique. A la periode anarchique sue-
c6da celle des despoties locales. La lutte se circonscrivit entre
le despote du Penjab, dont la capitale etait Ilastinapoura, dans
le bassin de Tlndus, et la dynastie des Bharata etablie a Ayodhia
(Aoude). Ces derniers TeraportSrent. lis abdiqu^rent les fonc-
tions sacerdotales, mais la classe des brahmanes se posa en
adversaire du pouvoir royal. Ce fut la periode brahmanique.
Un h^ros. Paraxon Rama, extermina 21 fois les partisans de
rautorit^ royale el fit don de la terre enti6re aux brahmanes,
puis, pour mettre un terme k ces rivalit^s, il transforma les
anciennes classes en castes et immobilisa la soci^t^. Les Aryens
d origine, habitant le haul bassin du Gange, ne d^passent
peut-etre pas 10 millions, mais 170 millions d'Hindous parlent
des langues aryennes. La civilisation aryenne peul revendiquer
les quatre cinqui^mes de la population totale. Elle n*a cess^ de
s'etendre et de gagner du terrain ;
2^ Les Dravidiens^ refoul6s dans Tlnde centrale et meridionals
par la conqu^te des Aryens, h la suite des luttes memorables
qui font Tobjet du Ramayana, Us habitent des plateaux pen
fertiles. Ceux qui sont voisins du littoral, ^migrent en grand
nombre;
5^ Au centre sont des populations nomades, telles que les
Kohly les Bandjaris, les Gond^ les Bodoj descendants des maitres
prim^tifs de la p6ninsule. Us sont fortement indianis^s;
4* Entre, le Brahmapoutra el I'lraouaddy, reside la tribu des
Khasi ou Khasia;
5® Dans THimalaya, les Thibetaim, reconnaissables k leur teint
clair, leur t^te large, leur nez aplati et leurs yeux I6g6rement
obliques. Quant aux Sikhs d'origine touranienne qui habitent k
Touest du Gauge, ils ne ferment plus que la 10* partie de la
population du bassin de Tlndus.
On peut evaluer a 10 millions le nombre total des populations
demeur^es k T^tat sauVage.
Le type dominant de rUindou est caracteris^ par la regularity
et la finesse des traits, la gracilit6 et la souplesse des mem-
bres, la couleur de la peau variant du brun au noir, enfin lex-
pression k la fois douce et mefiante de la physionomie.
Les strangers ne comptent dan^ la population de Tlnde que
pour 120 000 environ. U y a 76 000 Anglais.
LINDB. 349
La mortality moyenne de I'jnde esl de 52 pour iOOO. La mor-
talite des Europ6iens. a singnli^remenl dimiiiuie' etf iin derai-
siecle. Elle ^tait en 1854, dans Farm^e aiiglaise, de 69 sur
1000. Elle ne d^passe guere 10 aujoUrd'hui.
En trente annees (1842 k 1875) Temigration a enlev^ plus de
500 000 habitants; 550000 se sontrendus k Tile Maurice.
Les savants ^valuent k plus de 240 le nombre des langues dans
THindoustan. Presque tous les dialectes d^rivent de Tancienne
langue sacr^e des brahmanes, le Sanscrit.
Tous ces peupl^s, divis^s par la race et par la langue, le sont
bien plus encore par la religion. La religion des brahmanes, qui
divise la societe en castes, est pratiqu6e par 180 millions.
Vislanmme compte50 Aiillions de sectateurs. 6 millions d'indi-
vidus suivent le culte de la nature. Le bouddhismey religion
ascetique, cr6^e au v si^cle avant notre ^re par Qakya-Mouni, a
5 millions de fidMes. II y a pr^s de 2 millions de.chr^tiehs.
Gdographie politique. — Ges divisions et d'autres rendent
plus facile le gotiverneraent des Anglais. Suivant les traces des
Portugais et des Hollandais, les commerc^nts anglais fond^rent
leurs premiers comptoirs au debut du xvii* si6cle. Le si^cle
suivant fut rempH par la rivalite des Anglais et des Franc^ais qui
9e disputaient Tempire raongol eh dissolution. Les premiers,
vainqueurs, s'emparSrent de toutle Bengale. Le pays de Mysore
futoccup6au commencement du xix« si6cle. En 1805 fut de-
truite la puissante confederation guerri^re des Mahrattes. La
province de Guzerate et tout le littoral entre Calcutta et Madras
leur fut enlev6. En 1805, la moiti6 du royaume d'Aoude fut occu-
pee. En 1818, Ic lerritoire dii Nepaul 6tait annexe en memo
temps que Tile de Ceylan. Le Sind fut conquis en 1845. Tout le
royaume d'Aoude fut soumis en 1855. Enfin, le maharaja de
Kachmir a dii abdiquer au mois de mars 1889. — A la suite de
la terrible insurrection des cipayes (1857-58), la Compagnie des
Indes a 6te supprim6e, un ministere special de Tlndea ete cree
et le gouvernement confi6 a un vice-roi.
LInde anglaise proprement dite (2 millions 1/2 de kilo-
metres Carres, 20 millions d'habitants) comprend les trois pre-
sidences de Bengale^ MadraSj Bombay^ le pays d'Adjeniir, Be^
ravj \e% provinces du nord-ouest ei Aoude, le Penjaby YA^am et
les provinces centrales anglaises, — Le reste forme les Etats vas-
saux. Les principaux sont le Radjpoutanay les iStats de Bdroda^
350 ASISi
A' HaiderMbud, "de^ Mysoire, -^ Dans Vllimalaya, le Nepaul ct le
Boutan^ont presque ind^pendants. Ge dernier £tat est maitre de
la route entre llnde et le Thibet. Lc district anglais du Sikkim^
au coeur des montagnes, s^pare les deux Etats Tun de Tautre et
assure h Toccasion la route des plateaux aux agents britan-
niques.
La reine d'Angleterre a 6t^ proclam^e imperatrice des Indes.
Un vice-roi la repr^sente k Calcutta. 11 touche un traiteraent de
625000 francs, plus 300000 francs de frais de repr6sentalion.
Une armee forte de 190 000 horames; dont 67000 Anglais, veille
alas^curite et k Tobeissance de Tlnde. Cette orgianisation gran-
diose permet k peine, nialgre la richesso dii paysj d'equilibrer
les depenses par les recettes (exercice de 1888-1889 : recettes,
79 millions de roupies ou 197 millions de francs, <iepenses,
81 millions ou 202 millions de francs).
L*Inde est peut-6tre le pays du monde ou, relativeraent au
chiffre absolu de la population, on trouve le moins de grandcs
villes. Trois localit^s depassent 400 000 habitants : Bombay
(780 000 hab.), blitie sur une ile de la c6te de Malabar, situ^e au
point le plus rapproch6 de Tisthme de Suez, reliee k Madras et a
Calcutta par des voies ferrees. Dans la rade se voient les iles de
Salsette et d'Elephanta, visit^es des archeoiogues; Calcutta sur
rilougly (450 000 hab.), aussi peuplee de Bombay, en comptani
les faubourgs. EUe se divise en deux parties : la ville noire
(Black-Town), sale et grouillante ; la ville inoderne, dotee de pares
et de jardins splendides; Madras (410000 hab.), sur une plage
insalubre de la cdte de Coromandel, defendue par le fort Saint'^
Georges. — Viennent ensuite Haiderahad (360000 hab.),. sur le
cours inferieur de Tfndus, Lucknow (260 000 hab.), ancienne
capitale de TAoude, sur les deux rives de la Gumti. Elle
est presque enti^rement de fondation moderne; Benares
(200000 hab.), situee sur la rive gauche du Gange, a 205 kilo-
metres, par le fleuve, au-dessous du confluent de la Djemna; la
metropole du culte brahmanique, une des plus anciennes et des
plus c616bres de la peninsule, Delhi (170000 hab.), k 250 metres
d'altitude sur la rive droile do la Djemna, autrefois capitale de
Tempire mongol, aujourd'hui simple chef-lieu de province du gou-
vernement du Penjab. Au sud s'etend une vaste plaine couverte
d*innombrables et splendides monuments, Patna (170 000 hab.),
dans la plaine gangetique, capitale de la riche province du
« r
L'lNDE. 551
Behar; Agra (160000 liab.), sjr la rive droite de la Djemna, k
200 metres environ d*altitude; Bangalore (155000 hab.), Am-
ritsir (150 000 hab.), Gawnpore (150 000 hab.), Lahore
(149 000 hab.), k 1 kilometre et derai de la rive gauche de la
Ravi, h 250 m^res d altitude, Allahabad (148 000 hab.), au con-
fluent du Gange et de la Djemna, ^104 metres d'altitude;
Jeypm^e (142000 hab.), Ahmenabad (127000 hab.), Surate
(109 000 hab.), Baroda (100 000 hab.).
On compte quarante villes de 50 k 100000 habitants et vinjgl-
quatre depassant 100 000 habitants.
Le Nepaul a pour capitate Katmandouy k 1300 metres d*alti-
tude.
Colonies portdgaises. — Les Portugais, qui ont rev616 k TEu-
rope le chemin maritime des Indes et fond6 dans ces parages
Ics premieres colonies, en se substituant aux Arabes, n*ont
garde de leur ancien domaine que des comptoirs peuples d'envi-
ron 450000 habitants, sur la cdte de la mer d*Oman. Ce sont les
ports de Diu, au sud de la presqu'ile de Guzerate, Damao sur
le golfe de Cambaye, Tilot de Sahette pr^s de Bombay, enfln Goa
et son territoire. Goa, chef-lieu de ces etablissements, est une
pptite ville de 20 000 Ames.
Colonies PRAsgAisEs. — Les Frangais, qui ne s*en ^taient pas
tenus k la lisiere liltorale, mais avaient aborde le plateau du
Dekanet la plaine gangetique parte golfe du Bengale, pouvaient
esp6rer mieux. Leurs fautes du xvin® si^cle, les abus de la poli-
tique europ6enne auxquels leurs rivaux surent les entralner, ont
livr6 rinde k d*autres.
Le traite de Paris (1 763) nous a laisse seulement cinq villes ou
comptoirs, peuples de 285 000 habitants. Sur la cdte de Malabar,
Mahe; sur la c6te de Coromandel, KarikaleiPondicheryy Yanaon
aux benches du Godavery, Chandeimagor sur le Gange, voil^ tout
ce qui nous reste d'un empire. Le chef-lieu, Pondichery
(40000 habitants), est une place de commerce assez active.
Geographic dconomique. — L'Inde est un des principaux
noyaux de la population du monde, mais c'est aussi une contr^e
remarquablement fertile en ressources de toule nature, et en
outre un pays de production intense.
Agriculture. — VagricuUure est dans Tlnde, comme dans tons
les pays de demi-civilisation, la principale richesse. On calcule
que la population agricole proprement dite comprend au moins
352 ASIE.
100 millions d'individus, soit 40 pour iOO du chifFre total.
Gependant la partie r^ellement cultiv^e n'atteint pas a beau-
coup pr^s la moiti^ de la surface totale. 11 faut sans doute d^duirc^
a priori quelques regions absolument infertiles ou inexploitables
dans la montagne (« Bhaver o et « Terai ») et dans le desert.
Mais il y a beaucoup k gagner encore sur les jungles et sur le
desert lui-mfime, par Tam^nagement des eaux.
Les parties les plus arrosSes mdme, comme les plaines du
Gauge, ont besoin d'une canalisation savante et les regions plus
s^ches ne doivent qu'a une habile distribution des eaux leur
fertilite. Le Canal du Gauge de Hardwar a Cawnpour est un des
plus cel^bres du monde. Sa longueur est de 499 kilometres.
Plus de 8 millions d'hectares sont dej^ fertilises par Tirriga-
tion. Le gouverneraent contribue aux depenses annuelles pour
plus de 20 millions de francs. « Lamoindre irregularite dans les
balancements annuels du climat, suivant la pression atmosphe-
rique, la marche des vents et des nuages a les consequences les
plus graves en Hindoustan. Lorsque les pluies manquent ou se
reduisent k de 16g6res ondees, quand les rivieres sont dessechees
et les canaux taris, la famine est inevitable, et des millions
d'hommes sont menaces de mort par inanition. Les discttes sont
a craindre surtout dans le Sindh et le Penjab, dans le bassin
gangetique et sur les c6tes orientales, partout oii la pluie
moyenne est de 1 metre d 1 m. 50 ; ces contrees se depeupleraient
rapidement si les canaux d*irrigation ne permettaient de sup-
pleer aux pluies*. »
Les forels de jungles interessent peu la geographie econo-
mique, car on ne peut les exploiter.
Les for^ts de bois do teck et de santal, beaucoup plus impor-
tantes a la richesse du pays, sont nombreuses encore dans Tlnde,
bien qu*elles diminuent beaucoup par suite d*une exploitation
trop radicale et trop rapide.
Le riz etait jadis la plante alimentaire par excellence des habi-
tants de rinde. On calcule que 180 millions d'individus se nour-
rissent aujourd'hui de cer^ales; 70 millions seulemcnt reslcnt
fiddles au riz, particuKerement dans le Bengale, le Dekan, les
regions deltaiques du littoral.
La culture des cereales ne s'est developpee dans llnde quo
1. tUsid Reclus, t. VIU.
LINDE.
555
depuis 1870, mais elle a pris rapidement des proportions
^normes, au point que ce pays joue reguli^rement depuis cette
^poque sur les grands marches du monde un r61e considerable
comme pays producteur de ble. Actuellement les Indes peuvent
exporter chaque anti^e 12 k 15 millions d'hectolitres et pour-
raient, sans grande extension de la surface cultivee, en exporter
ie double. Les terres cultiv6es en cSr^ales repr^sentent une
surface d-environ 12 millions d'hectares. Le Pendjab et les pro-
J'S
iemiie ru^*^ ^^'f d'Atuer iunfte rV
1_
7000.
6000
$000
4ooo
5900.
2000.
.0.
Fig. 15. — Zones de T^^teUon dans rfiimajaya, d'aprfes Recluf.
vinces du nord*ouest qui entrent dans cette somme pour 7 mil-
lions, sont aussi les regions les mieux irrigu^es de tout le pays
et celles 0u le rendement est proportionnellement le plus
6lev6.
La production du the a fait dans Tlnde et h Geylan des progr^s
d*une etonnante rapidite.
Aujourd'hui les jardins h Xh& occupent une surface de
125000 hectares et la recolte annuelle d^passe 52 millions dc
kilos : ce n'est encore que le 1/6 de la production totale du
raonde et la Chine en exporte encore plus de quatre fois autant;
mais les cultures augmcntent sans cesse d*etendue«
C*est daiis YAsmm et k Ceylan que le sol et le climat sont le
plus propres k cette culture.
6£0G. CL. 3*.
25
3&4 ASIE.
Le cafe est un produit de Tlnde nieridionale. Introduit dans
le pays au xvi® si^cle par un pMerin de la Hecque, il n*a gu^re
6t6 culliv6 s^rieusement qu'i partir de 18M. En 1870, la pro-
duction atteignait 500 000 quintaux metriques. La concurrence
du fir^sil et Tabaissement des prix, non moins que le d^p^risse-
ment des plantations, ont maintenu la production dans un etat
stationnaire ; elle am^me recul6.
La culture de la canne h mere n'a pas pris dans llnde le
d^veloppement qu*on a tent^ de lui donner. Elle ne fournit
m^me pas k la consommation locale. Les plantations les plus
importantes sont sur la c6te de Coromandel.
Le cinchona, ou quinquina, qui s*est acclimate sur divers
points, dans le Bengale, le Mysore, est un febrifuge pr6cieux
dans un pays ou les fi^vres emportent annuellement i million
et demi d^individus.
La cdte de Malabar fournit toujours le poivre (poivre long et
poivre blanc), le gingembre, la muscadey et diverses autres
epices ou plantes aromatiques. Le cassia, dont T^corce donne la
cannelle, se plait dans les terrains sablonneux de la c6te occiden-
tale de Geylan.
Les arbres fruUiers de nos pays, qui redoutent les exc6s
d'humidit^ pendant la periode de floraison, r^ussissent au dela
de la limite climat^rique des pluies des moussons, particuli6re-
ment sur les avant-chaines de THimalaya.
Des plantes industrielles cultiv^es dans llnde, c'est de beau-
coup le coton qui est la plus importante. Les cotonniers couvrent
aujourd*hui plus de 6 millions d*hectares et la production
annuelle, tr^s variable, oscille entre 4 et 5 millions de quintaux,
soit le 1/6 environ de la recolte moyenne totale. Les meilleures
sortes viennent sur le plateau du Dekan et dans le Carnatic.
G*est le Guzerute qui fournit la quantity la plus considerable.
Le jute qui sert k la fabrication des tissus grossiers, tant en
Inde ra^me qu*en Angleterre, est une speciality du Bengale. La
production annuelle moyenne d^passe 4 millions de quin-
taux*
C'est encore le Bengale qui fournit Vindigo, Mais cette planto
qui tire son nom m6me de Tlnde, n'a plus I'importance d'autre-
fois, k cause de la concurrence que lui font les couleurs mino-
rales.
Les pavots blancs, d*oi!i on extrait le sue qui donne Yopium,
LINDE. 355
couvrent dans la region du Gange et sur le plateau de Malwa une
superficie qui n*est guere inf^rieure k 50 000 hectares.
Le tabac est abondamment cultiv^ dans presque toutes les
parties de Tlnde, mais particulierement au sud-est.
Ainsi done, plantes alimentaires et cultures industrielles, Tlnde
produit les unes et les autres en grande abondance. Halgr^ sa
population si considerable, elle ne consomme pas la totality des
premieres et une bonne partie en reste, ann^e moyenne, dispo-
nible, pour dtre export^e. Les plantes textiles ne sont pas absor-
b^es davantage par les besoins locaux, ou du moins elles ne les
satisfont qu'apres avoir ^t^ en partie travaill^es dans les fabriques
de la uetropole qui les renvoient en objets manufactures.
Llnde n'est pas plus un pays i*elevage que la plupart des
autres contr^es tropicales. Gette nature vegetale si luxuriante
n'est pas favorable en somme au d^veloppement de la'vie animate,
qu'elle domine en quelque sorte et qu'elle etouffe. Rien d'eton-
nant que les peuples de Tlnde aient toujours ete frugivores et
que la religion leur ait fait un scrupule de la nourriture animale.
C'est une necessity qui leur etait impos^e par les conditions
m^mes du climat.
C*est dans les valines occidentales de THimalaya que vivent,
en nombre d'ailleurs peu considerable, les chevres du Thibet ou
de Kachmir, dont le pr^cieux duvet, cache sous leurs poils,
sert k la fabrication des chdles.
Les moutans, moins difficiles, sont plus nombreux, particulie-
rement dans le Dekan.
Les chevaux rendent peu de services et les Mtes h comes ne
sont utilisees que pour les transports; le chameau est la bete de
somme des pays de Tlndus, pays de steppes et de deserts ou il
retrouve son climat favori ; mais c'est Yelephant qui est Tanimal
caracteristique de Tlnde. On Temploie aussi bien pour les travaux
agricoles et domestiques que pour les transports; il n*est pas
moins utile pour la grande chasse aux fauves; et il est tradition-
nel dans la pompe des ceremonies religieuses.
L'eievage du ver a soie n'est pas prosp6re. La production
de la soie, qui ne depasse guere 400000 kilos, est loin de pou-
voir sufflre aux besoins du pays, qui sont con'^.iderables; on en
importe cinq fois autant de Chine.
Industrie, — La grande ressource de Flnde reside dans Tagri-
culture; elle est beaucoup moins riche en produits mineraux,
S56 ASIE.
Ce fut pourtant jadis un pays renomm^ pour Yor et Ics dia-
mants; le n(»n de Golconde en est rest6 fameux. Les giseraents
d'or le plus s^rieusement exploit^s sont ceux du Wainard, au
nord de Nilghiri, dans les GhAts occidentales.
La houille est plus abondante. Le bassin qui est aujourd'hui
le plus productif est celui du nord-est, dans le Bengale, mais le
chai'b^ 1 est de mauvarae quality, et ne fait que tr6s difficilement
concurrence aux charbons anglais.
Le fer et le cuivre se rencontrent sur divers points ;le salpetre
se tire da Pendjab ; et le $eh qu'on r^colte surtout k lembou-
chure du Gange dans les « Sanderbans », ne suffit pas, h beau-
coup prfes, aux besoins de la consommation locale.
Les industries de hixe, jadis si prospferes dans I'lnde, sont en
decadence.
Les industries de premiere n6cessit6, Tindustrie du v^tement
en particulier, ont 6t6 longtemps ruinees par la concurrence
anglaise ; dies ne se reinvent que depuis peu d*ann6es.
La fabrication des ti$»tu de eotoriy qui sont les plus appropries
au climat du pays, remonte dans I'lnde k une epoque fort recu-
16e. On compte aujourd'hui pr^s de 100 filatures et plus de
2 millions de broches. C'est Bombay que sa situation au centre
de la region cotonnifere designait pour devenir le principal
centre de cette industrie. C'est toutefois dans le Bengale que se
fabriquent de preference les tissus fins.
Le jute etait r6cemment encore exporte k Telat brut et tra-
yaille en Ecosse; mais plusieurs manufactures se sont ^tablies k
Calcutta, et les ouvriers indigenes deviennent si babiles que les
produits indiens defient d^sormais enti^rement la concurrence
^cossaise.
L'industrie de la laine n'a jamais 6t6 trte active dans ce pays
tropical, mais les chdles du Kachmir et du Penjab sont renommes
dans tout le monde pour Fharmonieuse richesse de leurs nuances
et le' moelleux de leur tissu.
Commerce. Voies db coMMiiificiTioif. — Le d^veloppement des
voies de communication est, dans Tlnde corame aux Etats*Unis,
la condition premifere des progrfes de la richesse agricole et de
Tactivite conunerciale.
Les premiers r^seaux de voies ferries ont 6t6 construits dans
un intirfit strat6gique. Le gouvernemenl a compris enfin que la
construction de canaux, de routes, de voies ferries, sur una
L'lNDE. S57
grande ^helle, ^tait le Trai rem&de aux terribles famines qui
ont de tout temps d^sole llnde. 4 millions d'individus ont 6t^
encore enlev^s par le ileau en 1877, etdans certaines provinces
les ravages causes par la famine sont presque p6riodiques.
Les Anglais ont d^pens^ pour les voies de communication pr^s
d'un milliard 'de francs, et les divers travaux publics sont
inscrits au budget annuel pour un chiffre qui depasse 20 mil-
lions.
Les voies navigable^ ne comprennent gu^re que le r^seau
naturel du Gange et du Brahmapoutra. Le Bengale et TAssam
sont au reste sans contredtt les provinces les plus riches de la
p^ninsule, conune eUes sont aussi les i^us peupl^es : les canaux
de Doab, le grand canal de Hardwar k Gawnpour, destines sur*
tout k rirrigation, rendent en outre de grands services aux
transports. II en est de m^me dans le Pendjab, mais Tlndus n*est
navigable que jusqu'i Haiderab; son embouchure est ensabl^e.
Sur les cours d eau du Dekan la navigation est difficile : ce
sont des fleuves de plateaux qui descendent d'^tage en etage ;
la batellerie n*est active que dans les deltas (Godavery, Kistna,
Cavery).
La construction des routes pr^sente en Inde de grands obs-
tacles, k cause des pluies tropicales qui d^trempent et ravinent
le sol pendant une bonne partie de Tannee. Jusqu'ii ces der-
ni^res ann^es on ne voyageait encore dans Flnde qu'en palan-
quin, a dos d'line ou d'elephant. Ge sont les Anglais qui ont les
premiers entrepris la construction de routes a Teurop^enne^
macadamisees ou pav^es.
La plus longue, qui ^tait aussi la plus importante avant la
construction des voies ferries, est le « Great Trunk », de Gal-
cutta k Peichawer (2 500 kilometres).
La fonction des voies ferries de llnde est surtout de rappro-
cher les principaux centres de production des ports. On pent
remarquer en effet que Galcutta, Bombay, Madras; sont autant
de centres oil aboutissent de tous les points de Thorizon les
lignes ferrees. Karatchi est le port d'attache du chemin dc
rindus. En dehors de ces traits caracteristiques du reseau in-
dien il n*y a gu6re a mentionner que la ligne du Grand-Tronc,
parallele a la route d^j^ cit^e, et qui conduit du Bengale aux
portes de TA^hanistan, servant en quelque sorte de base k tout
le reste du systeme. — Les voies ferries de Tlnde ne se pro-
558 ASIE.
longent actuellement au del^ des fronti^res du pays que sur un
seul point. C'est par la ligne qui, se d^tachant de celle de Tlndus
k Soukhar, gagne Quettah, pour relier Kandahar k Karatchi, en
attendant qu'elie soit prolong6e sur H6rat, Tobjectif bien certai-
nement vis^. Les travaux ont d'ailleurs ^te suspendus et i'entre-
prise reste inachevee.
Les voies ferries sillonnent i*Inde aujourd'hui sur une lon-
gueur de pr^s de 26 000 kilometres, soit dans la proportion de
84 kilomkres par 10 000 kilometres carr^s (222 aux Etats-
Unis), et de 10 kilometres par 100000 habitants (358 aux
Etats-Unis). EUes ont transports, en 1889, 110 millions de
Yoyageurs et 22 millions de tonnes de marchandises k toutes
distances.
Les lignes t^legrapkiques s*etendent dans Flnde sur une lon-
gueur de 50 000 kilometres et on y conipte plus de 7 000 bureaux
de poste. Le nombre des lettres expedites a ete en 1889 de
260 millions. Un fil Slectrique gagne directement Constanti-
nople par la valine de TEuphrate.
Le commerce se fait k Vinterieur par eau et par caravanes ;
les foires sont encore nombreuses et actives.
Le commerce exterieur se fait surtout par mer.
Bombay 9 le meilleur port et le plus actif^ est en eifet le dS-
bouche naturel des regions du loess, les plus fertiles de Tlnde :
c'est le grand port d'exportation (cereales, coton, opium),
comme Calcutta, au centre dun pays surpeuplS, est le premier
port d'importation ; mais Bombay n'a pas de houille, il lui faut
la chercher k prSs de 1500 kilometres. II rachete, il est vrai, ce
defaut par sa situation si heureuse sur le chemin d*Eur6pe;
c*est aussi le centre de tout le cabotage du golfe Persique. Le
mouyement total de son port atteint pr^s d*un milUard et
demi de francs, soit presque la moitie du commerce total de
rinde.
Karaichi n*a d'importance que pour le commerce de cabotage
et de transit.
Colombo est le port d*exportation de Ceyian, mais c*est k
Pointe-de-GaUes que reMchent les paquebots qui font le service
de TExtrerae Orient.
La c6te orientale n'a pas de ports. La rade de Pondichery est
encore la meilleure, et il serait facile de lui donner une grande
importauQe, moyennant quelques travaux. Le port de Madrm
L*INDE. 559
est trte dangereux, mais c*est neanmoins jusqu*& present le
centre de tout le commerce de la cdte du Goromandei.
Caicuttaf situe sur i'flougly, a 150 kilometres de Tembou-
chure, est le second port de Tlnde ; son commerce n*est guere
inf^rieur k celui de Bombay. C*est ih que debarquent les
cotonnades anglaises et la plupart des marchandises curo-
p^ennes. Les principaux objets d*exportation sont Topium et
I'indigo.
Le mouvement des ports de Tlnde est au total d*environ 8 mil-
lions de tonneaux. Les relations avec TEurope sont assur^es
surtout par le service anglais de la « Peninsular and Oriental
steam navigation Company » et par la Compagnie fran^aise des
Messageries ; les autres Compagnies de navigation, Lbyd autri-
chien de Trieste, Nationale italienne^ Allemande de Bri^me, font
aussi escale dans Tlnde, de mdme que les na vires hollandais se
rendant en Malaisie. La distance entre Marseille et Bombay
(9 500 kilom.) est franchie $n moins de vingt jours.
Le commerce total de Tlnde anglaise s*est ^lev^, en 1891,
u 5 milliards 570 millions, dont un peu plus de 2 milliards i
Texportation.
L'Europe achate, ann^e moyenne, k Tlnde, les matieres pre-
mieres pour une valeur bien plus grande qu'elle ne lui vend de
produits. II faut payer la difference en m^taux precieux. On
calcule que de 1856 k 1886 TexcMent des importations a ^t^
au total de pr^s de 9 milliards de francs.
La part du pavilion anglais dans le trafic total de Tlnde n*est
que de 50 p. 100 (1 milliard 500 millions).
Importations et exportations se balancent.
11 est loin d*en 6tre ainsi de la France, qui importe pour
200 millions de produits indiens, et n'y vend que pour 6 mil-
lions de marchandises (dentelles, soieries, vins).
C'est la Chine qui est, aprfes TAngleterre, la principale cliente
de rinde, elle s'y foumit de th6, de riz, mais elle y vend sur-
tout Topium.
En resum6, Tlnde, pays producteur par excellence, est assure
d*un bel avenir, en un temps ou le ble joue un r6le de plus en
plus considerable dans Talimentation europeenne ; mais, d'autre
part, la qufintit6 de capitaux qu*elle re(?oit chaque ann6e r^pand
peu k peu dans toutes les classes le bien-^tre et la fortune. Les
becoins de la population ne cesseront de croitre et ce n'est pas
360 ASIE.
avant de longues annees que Tindustrie indigene, malgre ses
progi^es, pourra la satisfaire; Tlnde reste done iargement ou-
verte aux produits de TEurope, et elle ofTre un inepuisable
d^bouch^, non seulement aux objets de premiere necessite
que fournit la m^tropole, mais encore aux articles de luxe, ou la
France excelle.
Enfm, rinde n*a pas seulement des relations avec TEurope ;
en r^alit^ elle estbien plut6t tourn^e vers TExtrfime Orient : elle
touche h la Chine et se prolonge d^ik sur une moiti^ de la pe-
ninsule indo-chinoise. Les Anglais chcrchent activement h relier
par une voie directe Icurs possessions avec les pays si peuples
et si fertiles de Yang-ts6-Kiang et de Hoang-Ho ; il est facile de
pr^voir tout ce que la realisation de ces plans gigantesqucs
pourrait ajouter dans Tavenir k la prosperite de llnde.
BibUographie.
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Thevenot. Voyage aux Indes Orietttales.
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Sujets de deTolrs.
Les fleuves de I'lnde. Comparer Vlndus et le Gange, i'lndus et I'Euphrate.
Les c6tes de I'lnde.
Commerce de Vlnde : principaux produits, principaux ports et voies maii-
times.
Comparer I'lnde et le Soudan.
LNDO-GIIIKE. 801
CIIAPITKE X
INDO-GHINE
La p6ninsu1e indo-chinoise occupe une superiicic de 2 mil-
lions et demi de kilometres carr^s. Elle n*a pas les formes
massives du monde Indien, ni ses deserts de sal)le, ni ses pla-
teaux de lave. Elle est riche en articulations, pourvue de cotes
liospitali^res et de bons ports; plus mince et plus vari^e de
contours que Tlnde, elle confine au plateau de TAsie Gentrale
par sa region du nord et pousse au sud les caps de la terre de
Malacca jusqu*aux approches de T^quateur.
Relief. — Le relief est une dependance de THimalaya et des
plateaux thibetains. II semble en effet que ce plateau devient
moins massif au nord-est de Tlnde et est couvert d'une serie
de chaines et de syst^mes qui ferment le lien entre THimalaya et
les hauteurs de Tlndo-Chine. De cette region de soul^vement se
detacheraient les sillons montagneux orient^s du nord au sud»
quelquefois du nord-ouest au sud-est, qui s'epanouissent dans la
p^ninsule indo-chinoise. Le caractere de ces montagnes, d^crits
par les explorateurs depuis peu de temps, leur m^riterait sur-
tout le nom de plateau. Les massifs se rencontreraient seulement
h I'ouest et au centre. Dans FAnnam et le rovaume de Siam, les
hauteurs ne depasseraient gu^re 1 200 metres (montagnes des
Chatij monts du Yanzouliny monts de Siam,) La Birmanie a les
plus hauts sommets. A Test de la Meghna une premiere chaine
littorale atteint 2 164 metres dans la montagne bleue, mais plus
au sud, les cimes sont inf^rieures k 1 000 metres. La chaine prin-
cipale est celle de VArrakan, L*altitude moyenne est de 1 000
metres. Le& sommets atteignent 1 500. Les cols sont generale-
ment eleves. Ces montagnes trahissent une origine Yolcanique.
II y a des volcans de boue sur le littoral et dans les iles situees
au sud de la baie de Combermare.
La partie meridionale de Tlndo-Chine pr^sente tous les carac-
tercs des terres voisines de Sumatra et de Java. Aussi serait-il
bcaucoup plus rationnel de la relier aux iles Malaises si elle
5^62 iSIB.
D*^tait ratiach^e au reste de la p6ninsule par risthme de Kra,
large de 50 kilometres seulement.
Le relief de la peninsule est constitute nonpar une.chaine
unique, mais par des fragments inegaux coupes par des de-
pressions. Au nord, la chalne de 500 pics renferme le mont Rot
(1 980 metres). Le long de la c6te occidentale s'allonge une chalne
haute de 1 000 a 2 000 metres qui s'avance jusqu*au nord de la
ville de Malacca. Le mont Ophir culmine & 1173 metres. Au
nord-ouest de Singapour, les ^l^vations ne sont plus que de
600 metres.
Climat. — Le climat est dans la d^pendance ^troite des
moussons. La mousson du nord-est» s^che et fraiche, soufDe du
ihois d'octobre k mars ou avril : la mousson pluvieuse du sud-
ouest d*avril ou mai k octobre. On comprend d'ailleurs que, sur
un d^veloppement de 20 degr^s en latitude, le regime doit subir
quelques modifications. II ue faut pas oublier en effet qu*entre
lapointe meridionale de Malacca et le Tonkin septentrional, il
y a la mSme distance qu'ehtre Gibraltar et TEcosse. Ainsi, en
Annara, la mousson du nord-est est un vent de mer et c*est
surtout en hiver que tombent les pluies, tandis que le vent du
sud-ouest est un vent de teiTe. De m^me il faut se garder de
croire k Tuniformit^ absolue de la temperature en Indo-Chine.
La Cochinchine a deux saisons tranchees, mais presque egale-
ment humides, tandis que le Tonkin jouit de saisons de transi-
tion entre les extremes de chaud et de froid, comme Tautomne
et ie printemps de nos regions, correspondent aux deux mous-
sons du nord-est et du sud-ouest. En general, les ecarts de tem-
perature augmentent du sud au nord. lis sont entre i'hiver et
l*ete de 2 degres seulement k Saigon, de 11 k Hu^ et de 17 §
Hanoi. Au Tonkin, la mousson d'et6, qui est ici un vent local,
amene des orages qui produisent une tr^s grande chaleur. Les
nuits sont souvent aussi chaudes que le jour. La temperature
des ihois d'6te monte a 50 degres et au de\k jusqu'^ 40 degr6s.
L'hiver au contraire est frais. Le thermom^tre marque ordinai-
rementl4, exceptionnellement7. Dans le delta, il ne descend
amais au-dessous de 10. — Les moussons dotent rindo-Chine
d'un regime pluvial tres abondant. La moyenne annuelle des
pluies est de 1 metre 48 h Bangkok, de 2 metres 11 ^ Safgon
de 2 metres 55 k Rangoun. Toute la cdte de la Birmanie est
arrosee a I'^gal du Bengale. Certaines valines regoivent annuel-
INDO-CHINE. 503
lement jusqu*^ 6 m^res d*eau. Au Tonkin, ies pluies sont rares
en 6te, mais elles sont accompagnees d*orages violents. Des piuies
d aoM ont donn^ jusqu*i 10 centimMres d eau en 24 heures.
Get ^tat hygromMrique, joint k la haute temperature, donne
au delta un caract^re d'humidite extreme et rend le climat tres
p^nible pour TEuropeen. « Elles baignent dans Teau Ies rizieres
et Teau se retrouve partout autour de nous : flaques ou mares le
long des digues, croupissements boueux sous Ies tiges vertes,
stagnations cristallines entre Ies jeunes ^pis. Sans rel&che, de
tous ses pores, cette terre sue, et Tadmirable et industrieuse
agriculture annamite qu'aucun patient labeur ne d^courage,
active encore cette transpiration f^conde.... Gependant, sous le
soleil qui arde et pompe, toute cette humidite fermente et s'^va-
pore, incessamment renouvel6e par la condensation brumeuse
des matins et la frequence des pluies. L*astre demeure en vain
plus longtemps k Thorizon, exag^rant ses cruelles morsures k Ies
rendre mortelles k I'honune; Ic marais, ou vies animales et v^g^-
tales grouillent de conserve, ou Ies racincs sont noires de sang-
sues, n*est pas dess^ch^. Les vapeurs montent in^puisables k
Taspiration furieuse du ciel. De 1^, cette lourdeur lasse qui nous
tombe aux epaules et nous courbe aneantis; de IS, la fatigue des
poumons haletant comme dans une etuve'. »
Les variations brusques dans Tetat atmosph^nque am^nent
des typhous frequents, particulierement violents pendant Thiver.
En 1882, la mer s*^leva de 8 m. 50 au-dessus du niveau ordinaire
des hautes marees. Plus de 100000 cadavres furent retrouv6s
dans les provinces m^ridionales.
Hydrographie. — Les fleuves de Tlndo-Ghine sont longs et
de fort volume. Coulant dans des regions ou les pluies sont
abondantes, ils descendent en g6n6ral par des series de rapides
les pentes des plateaux. Ils ne sont navigables qu'd leur entree
en plaine, au sortir des derniers defile, et le plateau s'avance
en g^n^ral jusqu'& une distance de la mer qui ne d^passe pas
quelques centaines de kilometres. Ils s*ecartent les uns des
autres et divergent en forme d eventail. Dans leur cours moyen
ou ils sont si rapproches, il sont encore s^par^s par de hautes
montagnes diificiles k franchir. Aussi ne rencontre-t-on pas ici
ces grandes valines alluviales conune les plaines du Gauge et du
1. Paul Bonnetain. Au Tonkin
304 ASIE.
Yang-tse-Kiang, qui font la richc8se de Tlnde et de la Chine.
L'Iraodaddy est completement inconnu dans son cours sup^-
rieur. Certains g^ographes en ont fait la continuation du Yaru-
tsan-B6. A Bamo il roule d^j^ 25000 metres cubes par seconde,
et 54000 en temps de cnie. Au delk de Mandale, il s'unit au
Kyendwen et suit la base des contreforts de FArrakan. Enamont
do Prome, il entre en plaine. Son delta commence k 220 kilo-
metres de la mer. II mesure plus de 40 000 kilometres carr^s
de super Acie et se continue k plus de 100 kilometres du rivage
par un delta sous-marin. Une bande de terres alluviales traver-
sees de bayous le relient au delta du Sittang et de la Salouen.
Le debit moyen de Tlraouaddy est inf^rieur k cehii du Rh6ne et
du Rhin, tandis qu*en temps de crue, il depasse c^lui du Congo.
La Salouen, reconnue sur 600 kilometres seulement, offre de
grands obstacles.
La Henam arrose le Siam occidental. Les grands navires ne la
remontent gu^re que sur une quinzaine de kilometres.
Le Mekong ou Cambodge a un cours extremement tourmente,
rejete d'une fissure montagneuse dans une autre, formant des
coudes brusques, des cascades hautes de 15 metres et des re-
mous. A 300 kilometres de la mer, k Pnom-Penh, le fleuve se
ramifie. Le bras de droite va se perdre dans un grand reservoir,
le Tuli^Sapf ancien golfe separe de la mer par les alluvions.
Simple marecage pendant les secheresses, le Tuli-Sap mesure,
en temps de crue, plus de 100 kilometres en longueur et une
profondeur de 12 metres. II s*ecoule alors dans le Mekong. En
aval de Pnom-Penh, le fleuve est divise en deux bras princi-
paux qui coulent paralieiement. Le bras oriental se partage en
un delta secondaire ou viennent aboutir diverses rivieres, telles
que la riviere de Saigon et le Donnai. Le delta a une largeur de
GOO kilometres entre les branches extremes. Le debit du Mekong
est de 60 a 70 000 metres cubes.
Le SoNG-Koi ou Fkeuvg Rouge prend sa source dans les mon-
lagnes du Yunan, non loin de Tali-fou. II traverse un massif
montagneux ou les plateaux atteignent 1 500 k 2 000 metres et
bordent de chaque cdte le lit du fleuve, sans laisser de vallee.
Entre Yan-Chiang et Man-hao, sur plus de 100 kilometres, le
fleuve est encaisse entre des falaises presque perpendiculaires.
En face de LachKai la largeur est d'une centaine de metres. Le
fleuve Rouge penetre dans le Tonkin, k 600 kilometres de la
INDO-CHmE. ^
mer. Toute la region comprise entre Lao^Kai et Tlian-Quan est
form^e de montagnes couvertes de for^ts ou les valines sont tr^s
^troites. line Tingtaine de kilometres au-dessous de Than-Quan^
les montagnes s*eloignent, le fleuve s*61argit et les villages se
pressent de plus en plus nombreux el peupl^s. 80 kilometres
plus loin, ie fleuve Rouge re^oit son grand affluent de droite, la
Riviere Noire (Song-Bd). II se dirige au nord pendant quelques
kilometres, puis k Test, et revolt la Riviere Claire. Le courant
descend ensuite du N.-O. au S.-E., vers le golfe du Tonkin,
h travers les plaines du delta. Au-dessous de Sontay, ii se
divise en deux branches principales ; celle du noird, qui conserve
le nom de fleuve Rouge, passe devant Hanoi et Hong-Yen, La
branche meridionale, ou hack-Day^ va se jeter dans le golfe du
Tonkin par trois embouchures principales. La branche maltresse
et le Laeh'Day sont relies Tun k Tautre par un grand nombre de
ramifications dont la plus importante est le canal de Nam-Dink,
Le fleuve Rouge conmiunique aussi avec le second grand cours
d*eau du Tonkin, le Tkat-Binh ou Song-Cau^ par le canal des
Rapides qui s*amorce pres de Hanoi et par le canal des Bambous,
navigable en tout temps.
Le Song-Cau se ramifle en deux branches principales qui se
subdivisent elles-mSmes en d'innombrables rameaux. L*une de
ces branches passe devant Hai-Phongj la ville europeenne par
excellence du Tonkin et son seul port actuel. Gette branche se
deverse dans la mer par deux embouchures dont Tune, le Cua-
Canif est de toutes les bouehes du Song^au la seule accessible
Qux navires.
Le delta du fleuve Rouge commence & 150 kilometres environ
de la mer, k laquelle il presente un front de plus de 50 lieues.
« II se produit dans le delta du Tonkin un phenomene qui
donne k ce pays une physionomie spectale et qui le place dans
des conditions exceptionnelles. Depuis une epoque tres recuiee,
les habitants du pays ont adopte la coutume de dresser des
digues le long des berges de tous les cours d*eau, de maniere
k preserver les terras des inondations qui, sans cette precau-
tion, se produiraieat chaque annee au moment desgrandes eaux.
La eonseqence de Texistence de ces digues est que les limons,
entraines en abondance par les riviefea, se deposent en partic
dans ]e fond de leurs lits. Geux-ci s*exhaussent done sans
cesse, forQant les indigenes k ei^ver toujours davantage les
305 ASIB.
digues protectrices. Le niveau des eaux dans les ileuves »*est
6iev^ ainsi graduellement au point que, pendant les crues de
la saison des pluies, beaucoup de rivieres se trouvent en contre-
bas du fleuve voisin. Qu'une digue vienne k se rompre, et des
provinces enti^res sont en quelques heures ensevelies sous les
eaux. Ces accidents sont si frequents que sur beaucoup de
points les Annamites construisent, en dehors de digues qui
bordent imm^diatement les fleuves, une deuxi^me ligne de ces
ouvrages destin^e k faire obstacle aux eaux quand elles rompent
la premiere. Les conditions sp^ciales que je viens de d^crire
ont une autre consequence. Chaque annte, les eaux des pluies
s*accuniulent dans les parties les plus basses, d*ou il est impos-
sible de les faire fouler dans les fleuves, puisque alors le niveau
des eaux fluviales est sup^rieur k celui des plaines. Les rivieres
inond^es de la sorte ne peuvent ^tre assecb^es que par le soleil
ou lorsque la baisse des fleuves permet de les faire ^couler dans
le lit de ces derniers*. »
CAtes. — Les cdtes de Tlndo-Chine sont au nombre des plus
dd!coup6esde toute I'Asie. Les points saillants sont le cap Camao^
au sud de la basse Gochinchine, le cap Romania qui termine la
presqu*ile de Malacca, longue de 1200 kilometres, et le cap
Negrais a Touest des embouchures de Tlraouaddy. Les lies sont
nombreuses ; ce sont les archipels des Andaman et des Nicobar,
qui prolongent la ligne des monts Arrakan, les lies Mergui, en
face de la cdte de Tenasserim, Tarchipel du Cambodge, les iles
l^oulo-Condorey etc. Les golfes du Tonkiny de Siam, de ifar-
labaiiy sont des articulations plus notables que celles qu*on
rencontre sur la plupart des c6tes asiatiques. Sur les cdtes du
Tonkin, d'Annam, de Cochinchine, de Gambodge et de Siam,
les bouchcs des fleuves et les lagunes abrit^es par des cordons
de sable forment les principaux refuges ; les bons ports, Hanolj
Saigon 9 Bangkok, se sont etablis sur des estuaircs*
Lc Tonkin n'offre qu'une seule rade naturelle, celle de Ha-
Long. Elle.est form6e par une depression de la c6te protegee
par un archipel de petits ilols calcaires. C*est Tarchipel de Fat-
Tsilong, — Les rochers qui le composent laissent entre eux, en
certains points, des espaces assez vastes pour constituer d'excel-
lents mouillages. On y pen^tre par deux passes tr6s sures dont
1. De Lanessan. L*Ind6*^hine frmngaise.
INDO-CHINE. 367
lune a des fonds de 20 metres. — Au fond de la bale d^bouche
la branche sepfentrionale du Song- Can et le ehenal^ large de
200 metres seulement, qui sert de debouch^ au port d'Hane^Gof*
Sur la c6te d'Annain, la decoupure du liltoral la plus connue
est la bale de Tourane, C'est une sorte de mer int^rieure,
entour^e au nord et h Touest par un amphitheatre de collines,
h Test par un rocher qui relie au continent une flSche de sable.
Les contours de la Birmanie britannique sont d^j^ plus den-
tel6s, mais c*est la ptoinsule de Malacca qui offre k cet egard
la plus grande richesse. Elie est au sud-est de TAsie ce qu*est
la Gr6ce au sud-est de TEurope ; son chef-d'oeuvre d'articulation
p^ninsulaire. La rade de Singapour est une des meilleui^s de
ces parages.
Flore et faune. -«- La physionomie du monde v^g^tal se
modifie par transitions insensibles de Tlnde k la Chine, k travers
la p^ninsule. U est peu de cohtr^es ou, grdce au sol, croisse
une plus grande diversite de productions veg^tales. La flore de
rindo-Chine orientale ne compte pas moins de 12.000 esp^ces.
Au nord-ouest, dans la Birmanie, aussi fortement arrosee que
TAnnam, les for^ts de jungles presentent la mSme variety de
plantes que I'lnde. Jusqu'en amont du delta de Tlraouaddy
s'^panouit la v^g^tation tropicale. Les mSmes caracteres se
retrouvent au centre dans le pays de Siam. Dans TAnnam on
peut distinguer : 1® la zone littorale basse et humide ou
poussent les palraiers, les pandanes, les mangllei*s; 2<> la zone
des plaines defrichees, couvertes de rizi6res, de jardins, de bois
de cocotiers. C*est avec la p^ninsule de Malacca la region la plus
riche de TAsie en variety et en abondance de fruits ; 3<» entre
500 et 1 500 metres d*altitude, la zone foresti^re oi!i les plantes
de THimalaya, de la Chine et du Japon se m^lent aux esp^ces
indo-chinoises.
L*espece animale la plus r^pandue en Indo<-Chine est celle des
elephants, NuUe part aux Indes ils ne sont aussi nombrcux. Les
indigenes ont reussi k les domestiquer. Les elephants albinos
sont Tobjet d'une sorte de veneration. Les rhinoceros et les
buffles sont utilises pour le transport des fardeaux. Les tigres
doivent k la terreur qu*ils inspirent d'etre consideres comme
des divinites. L*Indo-Chine produit une race de petits chevaux
tr6s estimes.
Populations. — La population de Tlndo-Chine n'est que de
388 AS1E.
17 millions seulement. A cet ^gard, le contraste ayec Tlnde est
frappant; mais ici la forme des valines longitudinales, enserr^es
entre de hautes barri^res paraUeles, ne permettaii pas aux
habitants de se d^velopper en groupes compacts. A Texception
des valines basses et des deltas, une seule contree, comparable,
mais en petit, k la vaste plaine du Gange, pouyait offrir une
place k une grande agglomeration d'hommes, c'est la region du
Gambodge, entre la M^nam et le Mekong. G*est 1^ que s'est d^-
velopp^e la civilisation Khmer dont tant de mines attestent
encore la splendeur,
Les pays de Touest sont habitus par diffigrentes populations
qui se rattachent h une souche unique, les Khamti sur les deux
versants du Brahmapoutra et de Tlraouaddy, les KakyeUy les
Karen dans la valine de la Salouen et dans le delta de Tlraou^ddy,
enfin les plus civilises, les Birmang. Leur culte officiel est le
bouddhisme, mais en r^alit^ ils adorent les demons. Le groupe
des Thai se divise en trois grands rameaux : les Chan ^pars
dans tout le Siam, les Laos entre la Salouen et le Mekong,
formant divers royaumes, les Siatnois qui habitent la region du
littoral. Ils sont bouddhistes. Les regions montagneuses de
TAnnam sont peupl^es par differentes tribus sauvages qu*on a
rattach^es k une famille oceanienne. Tels sont les Muong^ les
Kha, les Pnom^ les Moi, etc. Les Cham et les Khmer ou Cam-
bodgiem sont les restes de deux races d^chues qui ont ^lev^ de
puissants empires. Ces derniers ont ^^ chassis au xvii® si^cle du
bas Mekong, pal* les Annamitei, Ceux-ci sont de toutes les popu-
lations de I'Indo-Ghine celle qui se rapproche le plus des Chi-
nois. Les for^ts de te p^ninsule de Malacca sont habitues par
une race noire sauvage i peine connue.
G^ographie politique, — Indo-Ghinb anglaiss. — Les Anglais
se sont empar^s des bouches de Tlraouaddy en 1824 et 1825, el
ont force les Birmans k leur cMter les provinces d*Arra^«,
Mergui, Tavay et Yeh, et en 1853 les provinces dte Martaban,
Rangoun e% PegGU. En 1885, ils ont commence Tannexion com-
plete de laBirmanie. Le g^n^ral Prendergast, parti de Rangoun,
a remonte Flraouaddy et a occupy Uandale, capitale de la Bir-
manie (1886). Les Anglais etaient d^j^ maitres de Malacca
depuis 1826 et deSingapour depuis 1856.
La Birmanie britannique proprement dite qui est sous la d^-
pendance du gouvernement indien, occupe plus de 20000 Jcilo-
INDO-€UINE. 36^
metres carr^s. Sa population est evalu^e k i millions. Le pays
est divis6 en trois districts : A^^rakan, Pegou et Tenasserim, 11
faut y joindre les deux groupes insulaires des Andaman et des
Nicobar. La capitale est Rangoun (140000 hab.). Les villes
importantes sont Moubnein^ pr&s de ia Salouen, Promt, BaiMeiHf
Ayah et Tatoung.
Dans la Birmanie, Mandate est la seule des quatre anciennes
capitales qui subsiste. Amarapoura^ Sagain et Ava sont en
mines. Bhamo est une grande place de commerce aux tronti^res
de Chine.
Les colonies anglaises du detroit ou « strait*s settlements »
comprennent la partie m^ridionale de la p^ninsule. Quelques
pays, le royaume de Kedah, h Touest, les royauraes dePatani et
de Kelqntane k Test, sont, il est vrai, tributaires de Siam, mais
I'Angleterre a sur la c^te orientale ses colonies de Poulo-Pinang^
Wellesley^ Malacca et de SingapouVy et elle a le protectorat du
royaume de Perak.
Ihdo-Chihe FRANgAiSB. — En 1858, la.n^cessit^ d*assurer la
s^curit^ de nos missionnaires et de nos relations commerciales
amena une expedition fran^aise dans Tlndo-Chine. L'empereur
d'Annam, apr^s quatre annees de guerre (1862), nous c^da la
basse Gochinchine avec les trois provinces de Saigon^ Bien-Hoa
et Myiho k Fembouchure du Cambodge. Cinq ans apres, la
France acquit les trois nouvelles provinces de Vinh-long^
Chaudoc et Ha-Tien. En m^me temps le royaume de Cambodge
se plagait sous notre protectorat. Le Mekong fut explore par le
capitaine de Lagr^e et le lieutenant Frangois Garnier, mais
celui-ci s*assura qu'une route plus facile vers le Yang-tse-Kiang
etait ouverte par la valine du Song-Koi. Une petite expedition fut
pr^paree. Le vice-roi du Tonkin se montrant hostile, Garnier
attaqua et prit d*assaut la forteresse d*Hanoi. Le Tonkin entier
fut conquis en quelques semaines, mais peu apr^s Garnier
mourait assassin^ (1875). Cependant, en 1874>, le roi d*Annam
signait avec la France un traits de commerce. Ce traite ne fut
pas ex^cut^. L'ambassadeur frangais k P^kin crut desarmer
Thostilit^ de la Chine en lui offrant des conditions qui parurent
trop avantageuses et ne furent pas ratifi^es. Pendant ce temps
(1882) le commandant Riviere, laiss^ seul dans Hanoi, tentait
une sortie ou il fut tue. Une arm6e frangaise partit pour le
venger. Bac-Ninh, Hong-Hoa et Tuyen-Quan furent prises. La
6lE06. CL. 3*. 24
StO ASIE,
Chine signa le traits de Tientsin, par lequel elle reconnaissait
ie prolectorat franQais sur le Tonkin et TAnnam (1884-). Mais la
m^me ann^e la surprise de Bac-Le provoqua la guerre. L'amiral
Courbet bonabarda Fou-Tcheou el fit le blocus de Formose,
pendant que le general de iN^grier battait les Ghinois au Tonkin.
La paix definitive fut conclue en 1885.
Vlndo^hine frangaise (530000 kil. car.) a 6t6 formee par
Tunion des 4 pays : Cochinchine, Cambodge, Annam et Tonkin.
Chacun de ces pays conserve son autonomie administrative
et son budget. Le d6cret du 7 d^cembre 1888 a cre6 le Conseil
superieur de I'lndo-Ghine.
La CoGHi?iCHiNE (60 000 kil. car.) est divis^e en 6 provinces.
Les villes principales sont Saigonj k plus de 80 kilometres de
la mer, Cholon, Mytho, Bien-Hoa, Vinh-Long, Hatien siu* le
golfe de Siara.
La garnison frangaise est de plus de 2000 hommes.
L*Annam (275000 kil. car.) est habite par environ 2 millions
d'indig^nes, auxquels il faut ajouter les Mois, qui habitent les
montagnes formant le versant oriental de Mekong.
La religion de la majority est le culte des g^nies. Les classes
instruites suivent la doctrine de Confucius. Le bouddhisme est
tolere. II y a environ 420000 catholiques.
La capitale Hue a 30000 habitants. Son port est Thuan-An.
Bin-Dinh compte 15 000 habitants. Sur la c6te on trouve
Tourane, Quin-Nhon et Fai-Fo,
Le Tonkin (90000 kil. car.) est peuple par 42 millions d*ha-
bitants environ, dont 400 000 Chretiens.
La capitale est Hanoi (150000 hab.), k 85 kilometres de la
mer. Les villes importantes sont Bac-Ninh, k 35 kilometres pres
dti canal des rapides, fTon^-ffoa, sur le Song-Koi, Tuyen-Quan,
sur la riviere Claire, Thai-Nguyen, Lang-Son, au nord-est. sur
les frontieresde Chine, Sontay,si[i sommet du delta, iVm^-BiwA,
Nam-Dinh, Hai-Dzuong, Hai-Pkong, Lao~Kai, pres de la fron-
tiere du Yunnan.
Les troupes stationnees en Annam et au Tonkin sont de
25000 hommes. II faut ajouter 5 regiments d'infanterie indigene.
Le total des recettes pour TAnnam et le Tonkin a ete en 1888
de 17 320 000 francs, celui des depenses de 17034620 francs.
Le Cambodge, place sous le protectorat de la France, est un
royaume de 100 000 kilometres carres environ, peuple dun
i
INDO-CHINE. 371
million et demi d'habitants. La capitale est Pnom-Penh, sur le
Mekong (environ 30 000 hab.).
Le budget de 1888 comporte 3275000 francs de recettes et
[3 059236 francs pour les depenses.
La garnison franqaise est de 300 hommes.
Le royaume de Sum est le plus vaste des Etats independents
de rindo-Chine. II couvre une superficie de 720 000 kilometres
carr^s et compte pr^s de 6 millions d'habitants, dont 1 million
de Malais dans les provinces du sud et 1 million de Ghinois. La
capitale, Bangkok, est une 6norme ville de 600 000 habitants,
chinoise en bonne partie.
Geographie 6conomique. — L'Indo-Chine est encore un
pays vierge sur une grande partie de son etendue. Peu peuplde,
elle ofTre un champ libre k la colonisation. Le climat s'oppose, il
est vrai, k Texploitation du sol par les Europ6ens et la population
indigene ne pourra s accroltre que lentement. Nul doute cepen-
dant que les ressources pr^cieuses que renferme en tout genre
ce pays ne d6cuplent de valeur, quand les nations de I'Occident
y auront introduit leurs instruments et leurs m^thodes. Situ6e
au centre m6me de toutes ces regions si riches et si peupl6es
de TExtr^me Orient, Inde, Chine, Malaisie, dou^e elle-m^me de
c6tes articulees et de bons ports, elle ne pent que prendre une
part tous les jours plus grande k l'activit6] commerciale extraor-
dinaire dont cette partie du monde est actuellement le theatre.
Elle est enfm une des principales voies d'acc^s vers Tinterieur
de la Chine, vers le plateau du Yunnan et le cours moyen du
fleuve Bleu.
Agriculture. — L'Indo- Chine est, comme la Chine et I'lnde,
un pays agricole par excellence : la chaleur humide des tro-
piques et ralternative harmonieuse desmoussons en ont fait un
des terroirs les plus feconds du globe. L'agriculture y est loca-
lisee dans la zone des terres basses et sur la lisi6re du littoral
qui constituent la region la plus riche, ou du moins la plus
connue et la mieux exploitee.
Les forets vierges couvrent une bonne partie de Tlndo-Chine
particulierement dans le haut pays; elles renferment en quan-
tites presque inepuisables des bois de construction de toutes
sortes, des essences precieuses pouvant servir k reb^nisterie k
la teinturerie. L'industrie et le commerce ont d^jk su tirer parti
du bambou, dont le travail est facile et remunerateur; mais c est
572 ASIR.
le bois de teck qui a jusqu'^ present attir^ le plus Fattention des
Europ6ens. Au Tonkin, M. Dupuis a obtenu 5 000 hectares de
terres incultes entre Hone-Gay et Tile de Kebao pour Texploi-
tation des bois.
Parmi les cultures alimentairea^ il faut citer en premiere ligne
le riz, qui est la principale ressource du pays. L'Indo-Ghine en
produit, annee moyenne, beaucoup plus que la consomlnation
des habitants n'en reclame, et un excedent considerable reste
chaque ann6e disponible pour I'exportation en Chine, dansi'Inde
et en Europe. Les possessions anglaises, la Cocliinchine et le
Cambodge tirent d^ji de grands revenus de ce commerce. Le
Tonkin, plus peupl6, ne produit encore que la quantite neces-
saire a Falimentation du pays ; mais il n'est pas douteux qu'il ne
devienne prochainement lui-merae pays d'exportation. En 1889
il a ete fait concession k des Frangais de 9 500 hectares de terre
qui sont entres en production I'annee suivante.
Avec le riz, Vigname^ la patate, le mais, le millet contribuent
aussi k I'alimentation. Les legumes d'Europe s'acclimatent par-
ticuli^rement au Tonkin, dont le climat a saisons tranch^es se
pr^te bien k cette ceuvre. On a tent6 recemment d'y introduire
la vigne, mais il n'est pas sur qu'elle y prosp^re. La culture du
the a ete introduite avec succ6s en Birmanie par les Anglais. La
mtoe plante se trouve k Tetat sauvage dans nos possessions;
tout permet done de supposer qu*elle y prospera autant et
plus que dano I'lnde mtoe. La cannea sucre est plant^e a
Siam ; mais elle ne donne pas de benefices r6mun6rateurs, pas
plus que dans les colonies frangaises de Cochinchine et du
Song-Koi.
Les epicesy qui n'ont pas encore fait I'objet d'une exploitation
active, pourront ^tre cultivees avec profit, surtout dans les
regions meridionales et dans la peninsule de Malacca.
Le iabac vient bien, et la culture sollicit6e par la consom-
mation locale tr^s considerable, s'en repand vite. Les raeilleures
feuilles sont fournies par la vallee basse de la Salouen. Le be'tel
du Cambodge est tr^s estime. La production du colon ne d6passe
pas les besoins du pays, mais elle pourrait, le cas ech^ant,
prendre de grandes proportions. La culture du coton couvre au
Tonkin plus de 8 000 hectares. En un an le port d'Haiphong a
exports 526000 kilogrammes de coton, vendu sur place au
prix de 60 k 65 francs les 65 kilogrammes.
INDO-CHINE. 375
Velevage est plus developp6 dans I'lndo-Chine que dans Tlnde.
Les p^turages sont meilleurs et plus nombreux; ils nourrissent
d'ifnnienses troupeaux, particuli^rement de gros bdtail, boeuf et
bufftes.
Les boeufs du Gambodge sont estimes comme animaux de trait
et de boucherie. Les buffles du Laos servent aussi de bfites de
somme pour les lourds charrois.
Les petits chevaux de Krmanie sont tr6s estimes des Anglais,
qui les exportent en grand nombre.
L'elevage du pore est une des grandes industries agricoles de
nndo-Chine entiere. Ces animaux sont surtout nombreux dans
le Cambodge et le Tonkin ; Saigon et Haiphong en exportent un
nombre considerable en Chine et en Malaisie. Hong-Kong seul
en pe^oit de ce dernier port plus de 30 000 par an.
Les voiailles, les oiesj les canards abondent ^galement dans
la peninsule. C*e$t une des grandes richesses des colonies fran-
gaises, et particuli^rement du Tonkin.
La faune sauvage est tr^s largement representee dans le pays :
^l^pluats, rhinoceros, tigres, pantheres, sangliers, oiseaux de
passage. La chasse de tons oes animaux procure un large sup-
plement d*alimentation. Mais la peche a beaucoup plus dMm-
portance.
On produit special k Tlndo-Chine est fourni par les nids
comestibles d^hironddles saianganes. La r^colte s*en fait surtout
le long de la c6te du Tenasserim. Ce sont encore les Chinois
qui "Sont les plus friaad^ de ce mets. Le kilo se paye jusqu*^
500 francs.
La principale production animale industrieile est la soie, Mais
I'empire de Siam merite seul jusqu'i present d'etre cite.
IfiDusTRiE. — L'lndo-Chine, si bien dou^e pour Tagricultttre,
pourra devenir encore, mais toutefois dans des conditions moins
faYorables, un pays d'industrie.
Deux causes contribueront k amener ce r^sultat : tout d*abord
les indigenes font preuve d'une grande habilete traditionnelle.
£asuite les aliments de I'industrie moderne, houille, m^taux,
plantes textiles, existent en abondance dans le pays et pourront
s'y developper.
Les metaux precieiix n*y sont plus aussi abtmdants qulls
Telaient autrefois : mais on en trouve encore des gisements dis-
s^mines en divers endroits; ceux du P^gou et de la Birmanie
574 ASIE.
semblent dtre les plus riches. Pourtant il est douteux qu*ils
vaillent les frais de Texploitation.
On a trouT^ des d^p6ts dehouille assez considerables ^Malacca,
au Tonkin, en Annam. Les mines du Tonkin s'etendent sur une
longueur de plus de 100 kilometres non loin de la c6te et paral-
leiement k elle. Us couvrent une superficie de 1000 kilometres
carr6s. La Societe frangaise des charbonnages du Tonkin a com-
mence k exploiter en ao6t 1888. Les actions emises k 500 francs
sont cotees aujourd'hui 5 000. Une autre society s*est fondle,
la Societe des mines de Tourane. Les actions sont entierement
souscrites. Enfin on a commence k exploiter les mines de Tile
de Kebao. Ces diverses concessions minieres sont en voie de
prosperite. Hone-Gay devient une yeritable ville. A Kebao on se
preoccupe de la fagon la plus pratique pour faire arriver k bord
des steamers les charbons qui sortent actuellement dans, des
chalands amenes k Haiphong par des remorqueurs. A Dong-
Trien Texploitation, bien que de date toute recente, a ete menee
si activement que les charbons de cette mine tiennent actuel-
lement la place la plus important^ sur le marche de Haiphong.
L'extraction du mineral d'antimoine a Ackot est menee avec
beaucoup de succes. Ce produit est destine k devenir une grande
source de richesse pour le Tonkin.
La presqu'ile de Malacca est un des principaux pays pro-
ducteurs de Yetain; les plus importants gisements sont ceux
de la province de Wellesley el surtout du district de Malacca.
Qs sont tons entre les mains des Ghinois. De puissants depdts
de fer, des gites de cuivre, de plomb, de zinc existent en plu-
sieurs points en Birmanie, au Gambodge, au Tonkin. Les mines
argentiferes de Cao-bang sont exploitees depuis 1888. II a ete
concede au Tonkin 150 hectares de gisements d*antimoine
et 200 hectares de terrains argentiferes. Mentionnons encore
d*abondantes sources de pe'trole en Birmanie, sur Tlraouaddy,
non loin de Pagaii. Les salines du littoral d*Arakan sont assez
riches.
La Birmanie est riche encore en pierres pre'detises. On cite
les mines de rubis, de saphir, de jade, auxquelles travaillent,
dit-on, 10 000 ouvriers. L*argile, le kaolin ont ete signaies et
exerceront de plus en plus I'industrie indigene, si apte aux tra-
vaux de la ceramique.
Vindust^ie proprement dite est encore entiereraent dans Ten-
INDO-CHINE. 375
fance, bien que les indigenes paraissent avoir pour les travaux
industriels des aptitudes plus grandes peut-^tre que les habi-
tants de rinde.
Les principales industries indo-chinoises sont : la fabrication
d*objets de ceramique, tuiles, briques, poteries, la construction
des barques et des jonques, I'incrustation de meubles de luxe,
le tissage des nattes, le travail du bronze pour la fabrication des
cloches de pagodes, la sculpture sur bois, le d^corticage du
riz, etc., etc.
Commerce. Voies de communication. — Llndo-Ghine n'a pas seu-
Vement d'importance par elle-ra^me, comme pays propre de pro-
duction. C!est aussi un point de transit et c*est une des portes
de la Chine. Cette seule consideration suffit bien a montrer quelle
port^e considerable a. dans cette peninsule, la question des voies
de communication. 11 s*agit en r^lite, pour les Fran^ais et les
Anglais, d'attirer dans leurs domaines respectifs les denr^es da
la Chine m^ridionale et d y porter les leurs.
Les fleuves ne permettent pas de p^n^trer bien avant dans
I'int^rieur du pays. C*est VIraoiiaddy qui a le cours le plus tran-
quille et qui porte sur le plus long trajet les jonques, sinon les
vapeurs. Bhamo, jusqu*ou pent remonter facilement la navi-
gation, est a 1200 kilomMres de TOc^an. C'est au contraire la
Salouen qui, de tous les fleuves indo-chinois, ofTre les plus
grands obstacles, et qui est le moins susceptible d'etre utilisee.
La Menam n*est gu6re employee que sur son cours infSrieur, ou
est concentr^e toute Tactivit^ du Siam, mais elle pent porter de
faibles embarcations jusqu*k Zimm^, par son affluent le Mo-
ping.
La navigation du Mekong n'est siHre encore qu'en aval des
cataractes de Khong, k 600 kilometres de Tembouchure. Mais les
Messageries fluviales dtendent de plus en plus leui:s services vers
rint^rieur k mesure que ce fleuve est mieux connu et am61ior6 ;
k Taide de travaux d'art et au prix de quelques transbordements,
il deviendra une grande voie de commerce vers le royaume de
Siam.
« Aucun grand navire ne peut franchir les embouchures
du Mekong k cause des bancs de sable qui les barrent et qui
s*6tendent k une grande distance en mer. Mais, au-dessus de
leurs embouchures, la plupart des bras du grand fleuve peuvent
porter, m^me dans la saison des basses eaux, des navires de
87C ASI£.
tout tonnage presque jusqu'i Pnom-Penh. Pendant les hautes
«aux, on pourrait faire remonter les plus grands navires ju^
qu*aux cataractes de Khong. — Jusqu'^ Kratieh, ils n'auraient
k redouter k peu pr^ aucun danger; phis haut, au niveau des
rapides qui s'^tendent sur une longueur de 230 kilomMres,
entre Kratieh at les cataractes de Khong, 11 leur suffirait d'ayoir
une Vitesse suffisante pour vaincre celle du courant qui, d'aiileurs
ne d^passe gu^re, auxplus hautes eaux, 5^6 miUes k I'heure. »
La navigation du Song-^Koi pr^sente d*assez grandes difiQ-
cultef.
a Entre Yan-Chiang et Man-hao il n'existe qu*un tres petit
nombre de points ou le lleuve soit navigable; son lit est
encombr6 de roches entre lesquelles les eaux se precipitent en
tourbillonnant avec une telle rapidity qu'il serait tem^raire de
Touloir s*y hasarder. En aval de llan^ao jusqu'^ Lao-Kai, le
fieuve Rouge n'est que difficilement navigable. Son lit est tr^s
encaiss^, son chenal est peu profond, il existe en beaucoup de
points des barrages et des rapides difficiles k franchir. Les
barques de 300 k 250 piculs qui portent au Yunnan les marcban-
dises ayant traverse le Tonkin sont obligees de les transborder k
Lao-Kai sur des embarcations ne contenant pas ^us de 100 a
150 piculs et ne calant que 20 k 50 centimetres. Halgr^ cela,
on est oblige, pendant la satson des basses eaux, de les Italer
fiur les gaJets pour leur faire traverser un certain nombre de
barrages. Entre Lao-Kai et Than-Quariy la navigation du fleuve
Bouge* est rendue tr^s difficile par la presence de nombreux
bancs de sable qui se deplacent sans cesse et par celle de
roches qui determinent des rapides et des remous. Pendant la
«aison &6che, c est-^-^ire du mois d avril a la fin d*octobre, les
barques de 200 k 250 piculs, ne calant pas plus de 40 centi-
metres d*eau, remonteat le fleuve sans trop de difiicultes.... Les
seuls rapides qui, pendant la saison s^ehe, soienl tres difficiles
k franchir sont ceux de That-Moi'-Coi et de That-Caf. Us sont
situ^s a une cinquantaine de kilometres au-dessus de Than^an.
Pendant I'hiver, qui est aussi la saison des pluies, c'est4i-<iire
de septembre ou octobre k mars, la erue du fieuve est aocompa-
gn^e d'un accroissement considerable de la vitesse du <)ourant
et d*un deplacement des bancs de sable et des galets qui r^d
la navigation tr6s dangereuse.... Les seuls navires qui convien-
draient k la navigation du fleuve Rouge «eraient des Tapeors
INDO-CIIISE. 577
n'ayant pas plus de 50 metres de long, k cause des coudes
brusques du fleuve, ne calant pas plus de 60 centimetres et
pouvant filer 8 & 10 noeuds'. »
Au mois de juillet 1889, un petit steamer, le Laokay, a pu
franchir les rapides malgre la baisse des eaux, et remonter en
17 jours de Hanoi k la fronti^re chinoise. En le d^gageant de
quelques roches, en le corrigeant, on pourra sans doute en
faire un canal de Taleur s^rieuse pour le commerce du Yunnan.
La riviere Noire est praticable jusqu'S 50 milles de son embou-
chure; la rivihre Claire peut ^tre remont^e pendant six mois
jusqu*^ Tuyen-Quan. Enfin le Thdi-Binh est navigable.
n est regrettable, malgre tout, quel'Indo-Ghine, od les grandes
art^res iluviales sont relativement plus nombreuses qu'en aucun
autre pays du monde, n'en puisse tirer que si peu de profit pour
la facilite des relations commerciales, a cause de la direction de
ces fleuves qui s'^cartent les uns des autres et des hautes mon-
tagnes qui les s^parent.
Une ligne de chemin de fer de Rangoun h Mandal^ a et^ inau-
guree en 1889 ; elle sera bientdt prolong^e jusqu'k £hamo. Deux
autres lignes sont k T^tude, Tune k Fouest, reliant la vallee de
Mu a la riviere Chindwin, Tautre k lest, dans la direction des
Stats Chan.
Le roi de Siam a concede le droit de con^truire une ligne
ferree de Bangkok k Paknam et a Patriew.
Du c6te fran^ais, la penetration en Chine est, au premier abord,
plus facile. Le Songkoi nous permet de p^netrer au coeur m^me
du Yunnan, et ses affluents de gauche nous ouvrent Tacces de
Kouang-si. Mais jusqu*k ce jour notre gouveruement s'est k peu
pres contentc de maintenir en bon etat et de restaurer les routes
existantes. La principale est la vieille route royale, qui menait
de Saigon en Chine le long du rivage par TAnnam et le Tonkin.
Nous n'avons, en somme, sur nos rivaux qu*un seid desavan-
tage, c'est que nous ne pouvons acceder a nos ports de la Cochin-
chine et surtout du Tonkin qu*en faisant un long detour par le
sud de la peninsule de Malacca. Le percement de Tisthme de
Kra, dont il a ete souvent question, diminuera peut-^tre un
jour ces inconvenients reels de notre position.
Le commerce interieur de I'lndo-Chine est peu actif.
1. De Lanessan. L'lndorChine frangaise.
378 ASIE
Le commerce exterieur se fait surtout par mer. Les relations
qui s*6tablissent par les fronti^res de terre raeritent pourtant
d'etre cities. Bhamo est le point de depart sur Tlraouaddy des
caravanes dont I'autre point d'attache est Talifou dans le Yun-
nan. G est Ik que les commergants de la Chine raeridionale
viennent echanger leurs produits, peaux, m6taux, contre les
objets importes d'lnde ou d*Europe, coton, sel, tissus. G*est par
Manipour dans TAssam que passent k Timportation et k Texpor-
tation une partie de ces marchandises, pour 6viter le d6tour et
la navigation lente de Tlraouaddy. — Les frontieres du Tonkin
ne sont pas pacifiees depuis assez longtemps pour qu*un sem-
blable commerce ait pu jusqu'^ present s*y d^velopper.
Sur mer, Rangourij aux bouches de I'lraouaddy, est un excel-
lent port qui fait les deux tiers du commerce de toute la Bir-
manie anglaise (550 millions de francs). G'est un des grands
marches de riz de llndo-Chine; il exporte aussi le bois de teck,
les gommes, les Apices. II regoit pour la Birmanie et le Yunnan
les marchandises anglaises.
Singapoure (80000 hab.) est une des places d*entrep6t et de
relAche les plus importantes du monde. EUe commande le pas-
sage entre les mers de Chine et les mers des Indes; c'est par
elle que I'Angleterre detient le chenal 6troit que doivent fran-
chir tons les navires europ6ens pour se rendre dans TExtr^me
Orient. Le mouvement de son port d6passe 700 millions de
francs.
Bangkok est le centre du commerce de Siam. Les Chinois y
sont presque entierement les maitres du marche. La vente du
riz d6passe la moitie de la valeur de tous les objets exportes.
On lvalue le mouvement du port (sortie) a plus de 200 000 ton-
nes, dont 190 000 pour le pavilion britannique, 37 000 pour le
pavilion siamois. La France (1300 tonnes), si voisine et si inte-
ressee au developpement du trafic de ce pays, ne vient qu'au
sixi^me rang des puissances qui y entretiennent des relations,
apres TAngleterre, TAllemagne (10 700 tonnes), I'ltalie, I'Ame-
rique, la Suede.
Saigon est aussi un des grands entrep6ts de riz de I'lndo-
Chine; il sert d'escale entre les ports de la Chine et le d6troit
de Malacca. — La jauge de tous les bsitiments entres .ou sortis
d^passe un million de tonneaux : la part du pavilion britannique
dans ce mouvement est superieure a la noire. Ce grand port de
INDO-CHINE. 379
la Cochinchine est aujourd'hui un des mieux outill6s de TOrient;
il a une belle Vendue de quais, un bassin de radoub, un dock
flottant et un arsenal.
»
Le conmierce total de Tlndo-Chine firan^aise atteint li8 mil-
lions, dont 60 250 000 a Timportation et 57 000 000 k Fexporta-
tion. Les principaux objets d*exportation sont le riz (49 mil-
lions pour la Cochinchine, 6 millions et demi pour le Tonkin,
et la sole (2 millions et demi au Tonkin).
Hue est assez commergante ; mais elle est k quelque distance
de la mer, et son port est mediocre. On lui pr6f6re Tourane et
Phu-yerij ou les navires europ^ns et les jonques annamites et
chinoises viennent en plus grand nombre chaque ann6e*
Des quais d*Hanoi partent d6ji des flottilles de jonques et de
bateaux k vapeur, soit pour les diffi^rents bras du delta, soit
pour le haut fleuve et les confins chinois. Haiphongy plus proche
de la mer et la baie d'Ha-Longy capable de recevoir des navires
de tout tonnage, lui font concurrence. Le mouvement des ports
du Tonkin atteint d^j^ 53 millions de francs (centre 30 seule-
ment en 1885), dont 34 k Timportation et i9 ^ I'exportation.
Le transit par le Yunnan s*affirme de plus en plus. Des maisons
chinoises importantes de Hong-Kong se proposent d'etablir des
succursales k Lao-kai et k Son-Phong, et le gouyernement chinois
lui-m^me a exp^di6, en d^cembre 1890, par la yoie du fleuve
Rouge, du materiel et du personnel.
Les ports de I'lndo-Chine sont relics k TEurope par de nom-
breux services de bateaux k vapeur. Entre la France et sa colo-
nies les communications sont assur^es par les transports de
TEtat, par la Compagnie nationale et surtout par les Message-
ries maritimes, dont les paquebots vont au Japon. Saigon est k
vingt-huit jours de Marseille, Haiphong k trente-deux.
. Si Ton ne tient pas compte du mouvement du port de Singa-
poure, qui ne comprend gu^re que des marchandises en tran-
sit, on pent ^valuer la valeur totale du commerce indo-chinois
k environ 800 millions de francs.
Ge sont natureliement les Anglais qui d^tiennent la plus
grande part de ce trafic, mais ce ne sont pas les Frangais qui
viennent au second rang, comme on pourrait s'y attendre, en
raison de la position si importante que nous occupons dans ce
pays. Les Allemands se font de plus en plus, au detriment
m^me des Anglais, les rentiers de toutes ces mers. Leurs pro-
380 ASIE.
gr^s 8ont rapides et ce sont eux, si nous n*y prenons garde,
qui proiiteroDt le plus de nos conqu^tes et des sacrifices si
lourds en hommes et en argent que nous nous serous imposes,
et que nous supportons encore, pour arriver k Tenti^re pacifica-
tion de la contr^e.
BIbliograplii*.
Aymonnier. Giographie du Cambodge.
Bouillevwix. VAnnam et le Cambodge.
Cam^ (de). Exploration du Mekong,
Dutreufl de Rhins. Le royautne d^Annam et lea Annamiiei
Garnier (Fr.). Voyage dfexploration en Indo-Chine,
Harmand. Le Laos et la populatioH sauvage de Vlndo^hine {Tour du Monde),
1880.
Fen7. Le Tonkin et la mh-e patrie. Paris, 1890.
Lagr^e (de). Voyage ^exploration en Indo-Chine.
La Lotibi^e. Description du royaume de Siam.
Lemire. La Cochinchine franQoise et le royaume de Cambodge*
Moura. Le royaume de Cambodge,
Pallegoix. Description du royaume de Siam.
Itiomson. Dix ans de voyages dans la Chine et I'lndo^^hine,
Thorel. Voyage d*exploration en Indo-Chine.
£. Redus. G^ographie universelle^ t. VIII, p. 715.
Sujeis de deyoin.
Importance economique de rindo-Ghine, grandes routes de commenoe.
Inikienee du climat sur la colonisation.
Les €6tes de rindo-Chine.
Le Tonkin : g^ographie physique et routes de commerce.
Gomparaison de Tlnde et de I'lndo-Ghine au point de vue physique «t
economique.
ASIE CEHIfiALB. 3S1
CHAPITRE XI
ASIE CEVTRAJLB
■
Relief. — La masse des hautes terras de TAsie occupe le
centre du continent. Limit^es, au nord, par le Tian-Chan,
VAltai et les monts de la Sib^rie orientale, h Test, par les
syst^mes chinois, k Touest par le Pamir et au sud par YBima"
laya, elles affectent la forme d'un immense quadrilat^re k peu
pres egal k TEurope en etendue.
L'Asie Centrale est divis^ en deux grandes regions par les
rameaux montagneux qui se d^fachent de Y Bindou^Kouch, au
noeud du Karakorum. Le soul^vement central, qui est comme
la cordill^re de TAsie, est le Kouen-Lun. L altitude moyenne est
de 6000 metres. On rencontre d'abord la puissante ar^te du
Tougouz-^avariy puis VAltin-tagy haut de 4 000 metres environ.
Au sud et parallelement courent plusieurs autres chaines. Entre
le m^ridien du Lob-Nor et celui du Koukou-Nor se succ^dent,
du nord au sud, une serie de soul^vements montagneux dont
la direction est conforme k celle de THimalaya : Tach-davariy
Tchamen-tagy etc. Cesmontagnes renferment d*anciens volcans.
L'uqe de ces chaines d^passerait peut-6tre Taltitude de THima-
laya. Les cols qui la franchissent sont k 6 000 et 6 500 metres.
Plus k Test, se d6veloppent les syst^mes du Nan-Chan et du
Bayankara,
Le Kouen-Lun parait forme d*un amoncellement de chaines
anciennes et modernes qui se sont brouillees. Comme dans I'Hi-
raalaya, ce noyau central se compose principalement de gneiss,
mais le Kouen-Lun est moins coup6, moins entame que rilima-
laya, qui le protege contre Taction des agents atmospheriques
et retarde sa demolition. 11 n'est pas comparable d'ailleurs k ce
dernier systeme pour Tabondance des neiges et des glaces.
Thibet. — Entre le Kouen-Lun et YBimalaya est compris le
plateau du Thibet.
Diverses parties du Thibet ont 6te explorees par les mission-
naires Hue et Gabet, Prjevalsky, Carey, le pandit Krichna, le
comte Szeclienyi, Kreitoer. Tout rSceramcDt {1889-90), I'eipSdi-
(ion dirigSe par H. BoDvalQt a r^ussi k traverser I'Asie centrale
dans son ^paisseur. Mais la phis vaste parlie de ce territoire est
eocore inconnue.
Ce plateau, de forme triangulaire, couvre une guperficie de
4 millions de kilometres carr^s, Sa largear mesure 1400 kilo-
metres, aoit la distance de Naples k Haiabonrg. L'altitude
moyenne d^passe probablement 3 600 metres. La partie occiden-
tale, resserr^e et compacte, forme le plateau de KatcM. Vers le
(2^ 30OO cc Scoo^ Iv ■"-•■• ■1 audej-j'iis' <& Sffot^ RimWa
FlR. le. — HontM eommerciilei dn Thibet.
centre, la surface se soulfeTe en forme comme de gigantesques
vagues ou se deprime et produit des sortes de cuvettes k bords
6vaB^s. A Test, la masse va s'eiargissant, mais en mSme temps
die se dSsarticule, se resout en montagues et en massifs. — Le
rebord meridional du Thibet est constituS par le prolongement
du Earakokuh. Ces montagnes, appelSes Gang-dis-ri ou monts
de Tsang, ont des sommets de 6 500 k 7 000 metres. Cette
chaSne fait face au TramSimalaya, qui limite au sud le bassin
du Tmng-bo. Toutes ces montagnes sont facilement francbis-
sablespar des cols dev^s de5300 ^5800 metres. Ausud dulac
Tengri-Nor, le massif du Tang-la serait, d'apr^s Richthofen le
point de depart d'une chatne bordi^re orientate, reliant lea
monts du Thibet meridional au Kouen-Lun. II y a iJi sans doute
ASIE GENTRALE. 583
diverses chaines parallMes orient^es du sud-ouest au nord-est.
La plus meridionale porte le nom de Tarit-la.
Gobi. — Le Gohi^ appel6 par les Chinois Chamo ou ocean de
sable, s'6tend sur 850 kilometres, des fronti^res de la Sib6rie
a celles du Thibet et sur 3 500 kilomMres de Touest k Test, du
plateau de Pamir k la chaine du Ghingan. II est situ6 presque
sous la m^rae latitude que I'Europe meridionale, entre I'AUe-
magne et la Mediterranee. Sa superficie equivaut au cinqui^me
de FEurope (2 millions de kilometres carres). 11 a pour cein-
ture septentrionale Y Altai et le Yablonoi, A Test, le Chingan le
separe de la Mandchourie. Le Kouen-Lun forme sabordure meri-
dionale. Du c6te de Touest, il s'adosse au Pamir et au Thian-Chan
occidental. Le Gobi est un plateau ondule avec des croupes
montagneuses de 1500 metres et des depressions de 8 ^ 900.
L'altitude moyenne est de 1200 metres. Le sol pr6sente l*aspect,
tant6t de graviers et de galets rouge^tres mel6s de quartz, tant6t
d'etendues de sables mouvants ou d*argile, tantdt, dans la partie
orientale, de steppes. On pent, d apr6s les caractferes physiques,
distinguer dans le Gobi trois grandes regions :
1** Le plateau des Ordos, C'est une contr6e delimitee par le
cours du Hoang-ho. Sa superficie est d'environ 100000 kilo-
metres carres, I'altitude absolue est de 1 000 k 1 300 metres. Le
sol sablonneux ou salin est partout impropre k la culture, sau f
dans la valine m^me du ileuve.
2° A I'ouest de FOrdos s'etend le desert d'Ala-Chan. C'est le
fond d'un bassin lacustre. Le sol limoneux ou couvert d'efflores-
cences salines, oifre partout le caractere de la desolation, sauf
dans le voisinage de loasis de KhamiL Cette oasis est I'unique
voie de communication entre la Chine occidentale et le Turkestan
oriental.
5® La partie septentrionale forme la MongoHe ou Turkestan
mongol, qui va en s'exhaussant vers le nord. Ici apparaissent k
nu le gneiss et le syenite, qui constituent la nature du sol et qui,
ailleurs, sont recouverts de sable.
« L'impression generale produite sur le voyageur par le Gobi
a quelque chose de desoie et de deprimant. Pendant des
semaines entieres, Toeil rencontre les m^mes objets : des
plaines jaunStres sans limites, des rochers crevass6s ou des
coUines abruptes, sur le sommet desquelles on apergoit quel-
quefois la silhouette fuyante de I'antilope (Antilope gutiurosa).
7(84 ASUL
Les chameaux lourdement charges parcourent, de leur pas
mesur^ et solennel, des-ceotaines et des centaines de milles, et
le desert ne change cependant pas^ il garde toujours son aspect
s^Y^re et monotone. Le soleil se couche, les ombres epaisses de
la nuittombent; dans le ciel sans nuage s'allument des millions
d'^toiles, et la carayane s'arrSte. Heureux d'etre d^barrass^s de
leurs charges, les chameaux se couchent autour des tentes»
pendant que leurs conducteurs sont occup^s k preparer un
repas frugal. Une heure encore, hommes et animaux seront
profond^ment endormis, et tout autour r^gnera le silence de
mort du desert, comme si pas un Stre viVant n'etait \k, A tra-
vers tout le Gobi, de Urga (pr^s de la fronti^re sib^rienne) k
Kalgan (pr^s de la fronti^re chinoise), il y a, outre la grande
route de poste entretenue par les Mongols, plusieurs autres
routes de caravanes que suivent ordinairement les caravanes
qui transportent le th^. Le long de la route de poste on trouve
des stations ^lev^es de distance en distance; leur nombre total
est de 47, et chacune de ces stations comprend un puits et un
certain nombre de tentes mongoles (yurt), qui tiennent .lieu de
nos stations de postes^ »
Kachgarie et Dzoungarie. — La MongoUe se termine, k I'occi-
dent, par deux grandes depressions, que s^parent les rameaux du
Thian-Ghan. Ge sont le bassin du Tarim (Kachgarie ou Turkeitan
chinois) et la Dzoungarie, L'altitude de cette region est de 6 k
700 metres seulement. Le lac Ebenor n'est qu'^ 227 metres. Le
sol est form^ d'argile m^lang^e de sable et de calcaire. En cer-
tains endroits, la masse argileuse se dresse en falaises yerticales.
La base du Kouen-Lun est jalonn^e de cailloux. Au sud et au sud-
ouest ce sont des etendues sablonneuses. La plaine est dominie
|tu sud par les puissantes masses du Karakorum et k Fouest par
les assises du Pamir. De nombreux sentiers, tons accessiUes
en ete, permettent une communication facile avec les plaines
du Touran. Aussi bien la Kachgarie est-elle designee sous le
uom de Turkestan oriental, L'un de ces sentiers relie Kachgar k
^'a^ynsk par le Touroug-art (3 500 metres) et le col de Terekti
(3800). Un seul est utilise toute Fannie, celui qui franchit le
fameux col de Terek-^avan (3145 metres), qui donne acc^s dans
le Ferghana et ou sont passes tons les conquerants de TAsie
1. Prjevadsky. Voyages en MongoUe,
ASIE CENTRALE. 385
centralc. Plus ^lev^s sont les passages entre le Turkestan et
rinde. Le col de Sandjou est k 5060 metres. 11 se continue par
le col de Karakorum, par ou on pen^tre dana le bassin de Tin-
dus. — La Dzoungarie s'ouvre sur les steppes Khirgizes par deux
grandes br^ches qui s^parent le Tarbagatai; c*est, au sud, la
depression marquee par les lacs Ajar-nor et Jebi-nor qui rejoi-
gnent presque la depression lacustre du Balkach ; au nord, la
vallee de ri/run^ii/ source lointaine de Ylrtich Noir et le bassin
du Saisannor. *
Mandchourib. — Le Gobi oriental est born^ k Touest par la
chaine du Chingan (2500 mM.). C*est un soul^vement d'origine
Tolcanique. Le groupe principal est celui des Dix bultes. A la
suite des eruptions de 1720 k 1721 jaillirent du sol deux c6nes
de debris, dont le plus haut est k 250 metres au-dessus de la
plaine. Le crat^re, qui a plus d'un kilometre de tour, a projetd
4 coulees de lave. L^ar^te maitresse de la Mandchourie est celle
du Chan-Alin qui s*etend sur une longueur de 1500 kilometres,
depuis le detroit de Petchili jusque vers les sources de TOus-
souri. Les cimes les plus elev^es ont de 5000 k 3600 metres.
— Entre ces deux soul6vements est compris un pays de plaines
et de collines oil se d6veloppe la Soungarij tributaire de
TAmour, navigable sur 1500 kilometres environ. Au sud le
Sira-mouren ou Fleuve Jaune va se }eiet dans le golfe de
Liao-tongi
Climat. — Le climat de TAsie centrale est essentiellement
continental. — Dans le Thibet, pendant Fhiver le thermometre
s*abaisse jusqu*^ — 40. Les objets gMent en un clin d'oeil sous
rinfluence des vents froids, Tous les Oeuves sont solidifies. II
faut descendre jusqu*li 2400 et 2100 metres d*altitude pour
trouver de Teau courante. Au printemps et.au commencement
do rete, la surface du sol s'echauffant, forme foyer d'appel.
Alors soufflent les vents d*ouest dont la violence est telle qu*ils
souievent le sable et les pierres. Leur action, jointe k celle
des geiees d'hiver, pent modifier la configuration du sol. L'ecart
entre les extremes de temperature est de 80 degres. Le thermo-
metre peut monter ou descendre de 20 degres en quelques heures.
— Ces exces de temperature sont dus surtout k Textreme seche-
resse de Tair. La region au sud du Nan-Chan et de VAltin-Tagy
privee d'eau, est le vrai desert. La moyenne annuelle des pluies
a Leh dans le haut bassin de I'lndus est seulement de 7 centi-
a&o 0. cl: 3*. 25
386 ASIE.
metres. Le Thibet oriental b^n^ficie des mousson$. La mousson
indienne du sud-ouest ct la mousson chinoise du sud-est se
rencontrent dans la region du haut Hoang-ho et du Kuku-nor :
les pluies d'6t6 forraent des lacs, des marecages, des cours
d'eau. Mais Thiver se passe souvent sans neige. Sur les mon-
tagnes du sud-est, la zone neigeuse ne conmience qu*ili 5600 m^
tres. On atrouv^ la roclie nue h plus de 5 900 metres d*alti-
tude.
Dans le Gobi sud-ofiental, les alternances r^guli^res de la
ipousson d^terminent un regime climat^rique tr^s variable, lies
le mois d*octobre, commencent a souffier les vents du nord-ouest
qui se pr^cipitent avec une force inouie dans la vallee echauffec
de la Chine, emplissant Fair de poussi^re et de sable, puis
brusquement, le vent tourne au sud. 11 souffle du sud-ouest sur
les pentes septentrionales du Nan-Chan ou les pluies tonibcnt
d'avriHla fin d'automne, et du sud-est dans la rdgion du Baikal.
Sauf au sud, le Gobi a un climat d*une rigueur extreme. Sous la
latitude de 42 degr^s, c'est-^-dire k peu pr^s celle de Naples,
Prjevalsky a observe des froids de — 32. On a constate — AS k
Drga. On a vu le thermom^tre descendre au-dessous du point
de congelation du mercure. Le froid se prolonge quelquefois
]usqu*en mai, ^poque k laquelle on a vu se former sur les lacs
une couche de glace capable de porter un homme. L'et6, la
temperature est tropicale, k cause du manque d'ombre et de la
secheresse. Le thermom^tre monte k 56, 58 et m^me 45 degres
k Tombre. La temperature du sol s'^lfeve jusqu*i 50 et 60. L'ecart
entre les temperatures extremes est d'au moins 74 degres. On
franchit quelquefois 45 degres dans Fespace d*une demi journee.
L'air est toujours extr^mement sec. Les regions septentrionales
et centrales rcQoivent Thumidite des vents polaires et des vents
venus de Chine. La moyenne est de 26 centimetres k Drga. de
46 k Sivantse. Le Gobi central ^prouve quelquefois en ete de
courtes averses qui produisenl des . cours d*eaux et des lacs
temporaires. La neige est presque inconnue au sud.
Le climat du Turkestan oriental est remarquablement sec.
L'hiver, le temps est calme et froid, le ciel convert, Fatmo-
sphere rarcmcnt troublee par le vent. La vegetation commence
rapidement en mars, puis tout aussit6t vient Fete, avec ses
tourmentes de sable et ses orages sees. Le Lob Nor est alors un
cciilre dc basses pressions. Tandis qu'k Fest, les vents souHIent
ASIE GENTRALB. 387
tr^s r^guli^rement du Pacifique, dans le Turkestan meridional,
les vents dominants sont plutdt ouest et nord-ouest. Pendant
les mois de juillet, aoiit et septembre, il pleut presque chaque
jour dans la montagne, tandis qu*il ne tombe pas une goutte
d eau dans les oasis ; cela vient de cc que la vapeur d^eau est
portee par les vents du nord-ouest jusqu*aux terres 61ev6es ou
elle se condense. II se peut aussi que Tbumidite vienne de
rinde par-dessus les montagnes. Les nu^es aliraentent des
glaciers du Karakorum. On en compte 7 priiicipaux. Le plus
long mesure 100 kilometres sur 6 de largeur. Gelui de Baltoro,
qui arrive jusqu*aux plaines de Yarkahd, se termine k 5 000 me-
tres d*altitude, c'est-d-dire k 500 metres au-dessus de la limite
de la vegetation forestiere. — La temperature de juillet k
Yarkaad oscille entre 15 et 59 degres.
Hydrographie. — Les plateaux de TAsie centrale, encadres
de bautes barrieres montagneuses, constituent, au centre, des
domaines hydrographiques sans issue.
Les glaciers du Karakorum alimentent des rivieres considera-
bles qui, par les cluses du Kouen-lun, s'en vont arroser les
plaines de Kbotan et de Kacbgar. Telles sont le Yarkand-Daria
et le Kara-kach. Celle-ci coule au fond de defiles de 3000 metres
de baut. Ges valiees forment autant de brecbes par oh on penetre
facilement de la depression du Tarim dans le Thibet.
Les plateaux du ThWet nord-occidental, eleves en moyenne de
4500 a 4 800 metres, sont converts de marais salants et de
paturages. Une chaine de bassins lacustres s'etend du nord-
ouest au sud-est, sur 200 kilometres de longueur, paralieiement
au cours du Tsang-bo. Le lac Dangra-Yum mesure 500 kilo-
metres de tour. Le Tengri-nor a 80 kilometres de longueur sur
20 k 40 de large.
Entre la chaine du Gang^U-ri et le Trans-Himalaya s'ouvre
une depression longitudinale que parcourent en sens inverse Tln-
dus et le Satledj d*une part, le Tsang-bo de Tautre. Le Satledj
coule dans une valiee de 4500 metres d'altitude, riche en sources
thermale§, puis, par des gorges d'erosion de 400 et 500 metres
de profondeur, il perce le Trans-Himalaya. Le Tsang-bo est de]k
navigable k Taltitude de 4300 metres. II coule au nord du cu-
rieux lac de Palti de forme annulaire, avec un massif monta-
gneux au centre. 11 s'unit k gauche au Sitchou, qui arrose la
valiee de Lassa, A la hauteur de 3400 metres le Tsarig-bo, large
S88 ASIF.
de SOO k 400 metres, roulant 800 metres cubes en moyenne,
draine dejk une superficie de 200000 kilometres carr^s. Son
cours inf^rieur est rest6 jusqu'^ present inexplor^ et il est im-
possible de ridentifier d'une fa^on certaine avec le Brahmapou-
tra.
Le Thibet sud-oriental, le plus riche en pluies, est decoupe
par les eaux courantes en bassins divergents. De \k s*epanchent
les fleuves de la Chine et de llndo-Chine. Goulant en des vallees
paralieies et voisines sur des centaines de kilometres, ils s*ecar-
tent tenement ensuite de leur lieu d'origine qu*il n*y a pasmoins
de 9000 kilometres entreles bouches deTIraouaddy et celles du
Yang-tse-Kiang.
Dans le Gobi, la violence des vents d*hiver et la haute tem-
perature de rete produisent une rapide evaporation des eaux. Au
sud du Keroulen et jusqu*au Hoang-ho, c est-d-dire sur une
etendue deux fois grande comme la France, il n'y a pas de ri-
vieres permanentes. La Mongolie est riche en bassins lacustres.
Tel est le lac Upra-Nor, au sud du Tannou-Ola. Les sources sont
rares; cependant les eaux souterraines ne font pas defaut et Ton
trouve generalement Teau k moins de 4 metres du sol. Le pla-
teau des Ordos n*a pas de lacs, k proprement parler, mais des
fondrieres vaseuses, recouvertes d*une couche de sel et sem-
blables aux sebkhas de TAlgerie.
Les eaux descendues de l*amphithe^tre du Karakorum, du
Pamir et du Tian-Chan viennent couverger vers le b£issin du
Tarim. — La longueur de ce fleuve estde 2000 kilometres;
les irrigations le reduisent souvent k n*etre qu*un simple
ruisseau. II finit au Lob Nor, reste d'une mediterranee desse-
chee, tour k tour lac et marecage. II n'y a de nappe d'eau un
peu etendue que dans la partie occidentale dite Karahourane.
Flore et tanne. — Dans le Thibet, les vallees du sud-est
fortement arrosees sont couvertes de forets immenses. Les peu-
pliers croissent Jusqu'i 4 000 metres et Ton trouve, en des
endroits bien abrites, de Forge k 4 600 metres d'altitude, mais
le desert n'a que des arbrisseaux maigres et chetifs. L*animal
caracteristique du Thibet est le yack, qui sert de bete de somme.
Les troupeaux i'antilopes comptent jusqu*^ 2 000 tetes. Les re-
nards, les chacals, les loups abondent.
Au nord-est et au sud-est du Gobi grAce k Thumidite atmo-
spherique. le sol produit une vegetation de steppes. Oh y trouve
ASIE GENTRALE. 589
d'excellents p^turagcs. Dans le d^sert» les seules parties relati-
vement fertiles sont ccUes ou le sol est compost d*argile. L'ari-
dite est absolue sur le bord des marais salants et dans les plaines
de galets. Mais partout la violence du vent, la nature du sol, la
s^cheresse du climat et les contrastes dans la temperature em-
p^chent la croissance des arbres. De Kalgan k Ourga, sur un
parcoiu's de 700 kilometres, un vovageur a comjite seuleraent
deux arbres rabougris; seuls les arbustes ^pineux peuvent
croitre. Le saksaoul fait d^faut. Le tamari manque ^galement
dans TAla-Cban, dans le Gobi septentrional et central.
Les camassiers ne sont pas rares dans les montagnes, maid
on ne voit point d'ours. Les seuls gros mammiferes sont ensuite
Tantilope et le mouton argali. Dans le desert on netrouve guere
que le lievre nain et d'innombrables lezards:
Dans les valines du TurkeUan oriented^ la culture est avanc^e,
la verdure abonde, et Ton trouve des arbres dont quelques-uns
ont jusqu*a 5 et 4 metres de tour. Les oasis renferment des
chevaux et de nombreux animaux sauvages, mais ailleurs, on
ne voit ni pr^s, ni steppes fleuries. Les ar)>res sont quelques
oliviers sauvages et des peupliers rabougris. — La faune est
pauvre aussi dans la partie deserted On rencontre le chameau
k I'etat sauvage sur les bords du Lob Nor. Les chevaux $ont
import^es du Ferghana. \
G^ographie politique. — Le Thibet, la Dzoungarie, \i
Turkestan oriental; la Mongolie et la Mandchoune sont des pay^
tributaires de TEmpire chinois. Get empire plus grand qu^
TEurope (11 600000 kilometres carr^s) contient une populatioii
totale de 403 millions (inhabitants:
Le Thibet (1687 898 kilometres carres) renferme 6 million^
d'habitants, soit 5,6 par kilonaetre carr6. Si Ton excepteles no-^
mades turcs et mongdls qui; sous le nom de Khor et de Soki
habitent la region septentribnale, tous les peuples du Thibet pr^-
sentent une grande hohiogeneite. De race mongole, uA peu dif-
ferents des Chinois, il6 sont getieralemenit petits, mais vigoureux;
largiBs des epaules et de la poitrind. Les dialectes sont nombreux.'
La Chine fouirnit un grand nombre d*immigrants; mais les
femmes chinoisesne peuvent pen^trer aU Thibet. Beaucoup de
colons viennent aussi du Nepaul etdu Boutan.
La population est r^partie tr^s inegalement. Le plateau du
Katchi est inhabite. Led hauls bassins de Tlndus et du Satl^dj
300 km-
sont presque deserts. La region orientale offre de grandes soli-
tudes. Seules les provinces m6ridionales sont fortement peuplees
Les Thib^tains sont les plus zeles des bouddhistes. lis ont 6te
convertis au cinqui^me si^cle par des missionnaires hindous.
lis reconnaissaient plusieurs bouddhas vivants parmi lesquels Ic
Dai-Lama ou prince eccl^siastique de Lhassa.
Le Thibet compte peu de villes. Gartok n'est qu'un marche
temporaire. Dingriy au debouche du Gaurisaukar, est garde par
une garnison chinoise.- Chigalze (5 600 metres d'altitude,
i4 000 habitants) prendra de I'importance quand la route
anglaise partant de Darjiling viendra y aboutir. La capitale
Lhassa (3 500 metres d'altitude, i5 000 habitants) est en m^me
temps la m^tropole du bouddhisme. La ville et les environs
renferraent environ 20 000 pr^tres. Ghaque ann^e les pelerins
s*y rendent en foule.
La Mongolie (5 377283 kilometres carr^s) ne renferme que
2 millions d'habitants (0,6 par kilometre carr^). Les Mongols se
partagent en trois rameaux : Mongols orientaux ou Khalka^
Mongols occidentaux oil EleMies, Mongols sib^riens ou Bouriates.
Quant aux jTartom, autrefois confondus avec les Mongols, ce
terme ne s'applique qu'^ des populations de souche turque qu'on
trouve en Sib6rie, dans le Thian-Ghan, le Pamir, le Turkestan el
le Gaucase. — II n*y a aucune unit^ politique. Les Mongols
ferment des confederations compos^es de « banni^res. » Leur
langue est voisine du turc. La religion est le bouddhisme, Un
tiers de la population est forme de lamas. Gette aristocratic
religieuse est soutenue par les Ghinois. La colonisation chinoise,
commenc6e d6s la fin du xviii" si^cle est extr^mement active.
Les Mongols sont soldats d*empire; ils fournissent d'excellents
regiments de ca valeric. La fronti^re entre la Mongolie et la Chine
est marquee par la grande muraille qui s'6tend sur 3300 kilo-
metres de longueur (de Dunkerque k Astrakan). Sa hauteur est
de 8 ^ 10 metres, son epaisseur est de 6. Gommencee au
v« siecle avant Jesus-Ghrist, elle a ete forcee au bout de qua-
torze siecles par Gengis K!^an. Les villes de la Mongolie sont
rares. La seule a mentionner est Urga^ compos^e dune ville
religieuse peuplee de 10 000 lamas et dune ville de commerce
(50 000 habitants), importante comme centre entre Kiachta et
Tientsin,
La Kachgarie et la Dzounaarie comptent environ 1 200 000 ha-
ASIE GBNTRALE. 391
bilants pour une superflcie de i million 1/2 de kilometres carr^s.
Gertaines parties du Turkestan n'dnt gu^re que 0,5 habitants
par kilometre carre. Dans ce carrefour entre la Chine, la Si-
beria, le Touran et Tlran se sont rencontr^es des races diverses,
Mongols, Thibetaim, Turcs, Chinois, etc. L'element principal
est forme des Kirghizes et des Kalmoucks, k la fois bergers et
brigands. La langue dominante est le turc, la religion Tislam.
— Les Ghinois, chassis du Turkestan en 1865, y ont reparu en
1877. Leurs garnisons s'el6vent en ce pays k plus de 100 QOO
hommes. La principale ville est Yarkand (60 a 80 000 hab.). Les
Chinois ont bati k c6t^ de la ville turque la ville chinoise de
Yang-i-Chari. Kachgar el Kkotan renferment environ 40000 ha-
bitants. Cette derni^re, autrefois tr^s florissante, a 6t^ saccagee
par les Chinois en 1877.
Ldi Uandchourie {9S2 ^12 kilometres carres) compte 12 mil-
lions d'habitants (12 par kilometre carr^), dont 11 millions de
Chinois. La capitale est Mvkden (180000 habitants) k quelque
distance au nord du golfe de Petchili.
Giographie iconomiqne. — L^ Thibet, le Turkestan brien^
tal et la Hongolie appartiennent k la zone des steppes. — La
culture n'est developpee que dans quelques vallees bien abritees^
sur le bord des cours d'eau. Partout ailleurs, c'est le domaine
des p&turages et des deserts.
La Mandchourie est par excellence une region forestiere. La
sont reunies les conditions climat^riques les plus favorables k
cette sorte de vegetation, celles de la zone europ6enne des forSts
et (les cvltures k saisons tranchees. Sur les bords de I'Amour,
prosp^rent des cadres et des tilleuls gigantesques. La valine de
la Soungari a des terres trSs fertiles qui produisent des cer^ales
et du riz. Les hauts-plateaiix de YAsie centrale sont favorables k
Velevage, comme en general tous les pays de steppes herbeuses
oil la terre est peu fertile, la population peu dense. Les chevaux
sont dresses en troupeaux considerables chez les Mongols et
chez les Mandchoux ; les yacks, les moutons sont la principale
richesse des habitants du Thibet et du Turkestan. La Mandchourie
est egalement un grand pays d'^levage et de chasse.
Les relations exterieures sont peu actives. Kachgar, au pied
du Pamir, a *joue jadis un grand rdle dans le trafic g^n^ral de
rExtreme-Orient, quand les caravanes de commerce traversaient
encore le (( Toil du monde », mais elle est» depuis plusieurs
392 ASIE.
siecles, bien d^chue. La Dzoungarie semble bien ^tre la porto
de la Chine sur TEurope ; c'est par 1^ sans doute que passeront
plus tard les voies ferries, mais le commerce n'a pas encore
pris cette direction.
Tout r^cemment (1890) diverses expeditions russes ont lenle
de decouvrir une route commerciale par les valines superieures
des rivieres de Keria, de Nia et de Tchertchen, mais elles ont
reconnu que Faeces est impossible dans la region occidentale
du Thibet, plus rude et plus inhospitaliere que les autres.
BIbliograpliie.
Annenkof. Desressources que VAsie centralepourraitoffrir. h la colonisation
russe [Bull, de la Soc. de Gdogr, 2* Iriraestre 1890).
Desgodins. Mission du Thibet.
Dutreiiil de Rliins. UAsie cenirale,
lialde. Description de Vempire de Chine.
Hue. Voyage dans la Tartarie^ le Thibet et la Chine*
llamhoM. L'Asie cenirale.
Poussiclgue. Voyage en Chine el en Mongolie.
Prjevalsky. Mongolia and Tangoul country. Londres, in-8, 1876.
— Voyage an Lob-Nor,
Rcuilly. Description du Thibet.
Von RichUiofen. China.
Sclilagintweit. Reisen in Indien und Hochasien.
E. Reclus. Geographic universelley t. VIl, p. 19, 103, 141.
Siijets de devoirs.
Les bassins fermes de I'Asie centrale.
Relief et routes de I'Asie centrale.
aiAPiTRE xn
LA CHINE
Relief. — La Chine proprement dite (4 millions de kilomq.)
est la contree de montagnes moyennes, de coUines et de deltas
LA CHINE. ^aS
qui termine k Test le continent asiatique. On pent consid^rer
en Chine trois regions : l"* le haut pays du nord et la grande
ptaine chinoise; ^2** les terrasses du centre et la ptaine centrale;
5" le haut pays du sud.
i'^Le haut pays du nord comprend les montagnes des provinces
de Kan-sou et de Chan-si. Clles aft'ectent la forme de soul6 vements
paralleles orientes du sud-ouest au nord-esf. C^est comnie un
gigantesque escalier qui s'el^ve par gradins depuis les plaines
basses du Houan jnsqu*au plateau des Ordos et k la Mongolie.
Les premieres crates s*^l^vent k 1 000 et 1 500 metres, puis
Taltitude augmenle progressivement. Dans YOutat-Chan, au
sud-ouest de P6kin, les pics ont plus de 3 000 metres. — Toute
cette region est le domaine de la terre jaune, sorte de boue
argileuse chargee de calcaire extr^mement fertile. EUe couvre
uue superficie superieure k celle de la France, depuis les pro-
montoires qui dominent P^kin jusque dans la valine superieure
du Hoang-ho et du Ouei-ho, depuis le niveau de la mer jusqu'^
Taltitude de 5500 mMres, ou elle s*etale sur les plateaux en
nappes ^tendues d*une profondeur de 400 metres et davantage.
L'^rosion des eaux a creus^ dans cette epaisse couche des ravins
^u% parois verticales qui descendent jusqu'^ la base. H^me
certaines valines sabaissent jusqu'a !2000 pieds, entamant la
Cuiiche de gr^s qui sert de support k la terre jaune. En certains
eii(lroits> toute la contr^e est ainsi decouple par des excavations
paralleles. Les villages sont blottis au fond de ces tranch^es,
taudis que les champs de labour occupent les hauteurs.
« Tout ce que Hichthofen a dit des teires jaunes du Chan-si
est exact aussi pour la province de Kan-sou; on voit ici ces
laemes galeries etroites, ces memes crevasses verticales de plus
Qe 10 metres d'ouverture, ces m^mes cav ernes servant d'habi-
tations, ces m^mes auberges creusees dans le loss. La mobitite,
ioilk le trait caracteristique des terres jauhes. Comme le vent
deplace les sables du desert, de m^me les eaux souterraines
transportent le loss du sommet des terrasses au fond des ravins.
Elles commencent k creuser un vide entre le loss et Tassise
sous-jacente de gr^s : le sol s^affaisse, une crevasse circulaire
se produit k la surface; le cylindre circonscrit par cette cre-
vasse, etant mine par I'eau, se desagrege et tombe en fragments
qu*entraine le courant souterrain; il se forme un puits pro-
fond. Chaque puits finit par former une riavine allongee qui ^va
304 ASIE. .
rejoiiidrc la:rayine maitresse de la valine. Les parois ^ pic de
ces galeries s*^croulent h leur iour. Les ebaulements, les
eavernes, les crevasses, les failles/ les amas de blocs desa-
gr^g^s, tous les accidents que Ton rencontre k chaque pas,
t^moignent de la puissance des forces destructives dans ce pays.
Le paysage est monotone : on voit partout les memos coupoles
aplaties. La teinte uniform^ment jaune du sol et le ciel Toile
d'une brume de poussi^re telle que, le matin, le soleil apparait
comme un disque pSle, sans rayonnement, attristent encore
plus Vaspect de ces lieux; a peine si quelques prairies ver-
doyantes se caclient au fond de ravines arrosees par un ruis-
seau qu'ombragent des bouquets d*arbres. Dans le Kan-sou
oriental le paysage reste sensiblement le m^me. Tout le Chan-si,
toutes les vallees du Ouei-ho sont de meme nature ^ »
Au sud-est des monts du Chan-si s*etend la grande plaine
chinoise. Elle occupe toute la region nord-orientale de la Chine,
depuis Peking jusqu*au golfe d*Han-tcheou, sur une distance de
1 200 kilometres. Le sol se releve seulement dans Tancienne ile
de Chan-toung rattachee au continent.
La bordure de la Chine septentrionale, du c6te du sud« est
formee par les prolongements orientaux du Kouen-Lun. Du
massif de Kuku-Nor se d^tachent les monts Tsing-Ling ou
montagnes Bleues. — L'elevation moyenne de la chaine est de
2 000 metres, mais, comme les Pyrenees auxquelles on les a
compares, les monts Tsing-Ling sont tres difficiles k franchir,
dans, la partie centrale. Le$ plus hauts sommets atteignent
4000 metres. Cette chaine se continue ^Test par le Founiou-
chart ou quelques pics ont encore 2000 metres, mais les som-
mets ne depassent pas en moyenne 200 metres. Au del4, les-
x^ollines se prolongent jusqu*au sud de Nankin.
. 2o La Chine centrale est constitute par Tepanouissement orien-
tal du plateau Thibetain. Les agents atmosph^riques ont decoupe
cette partie du Thibet en saillies paralleles et dispos^es du
pord au sud, Ge sont les Alpes du Ze-tehouen ou monts /un-
Lmg* Les valines y sont a laltitude de 2 500 ^3000 metres.
♦Les .cols sont sup6rieurs & 3000 metres. — De nombreux
•sommets depassent le mont Blanc, plysieurs pourraient m^me
rivaliser avec ies grants de THimalaya*
.1 Guppy. Naiure (angl.), 25 sept. 1880.
L
LA CHINE. ^Oi
li Test de la valine du Min, sc d^veloppent du sud-ouest au
nord-esl des crates de grfes rouges et de roches carboniferes.
La ligne de faite entre le bassin du Min ct celui du Han-
Kian est form^ par le Tapa-^fia^n (5000 m^t.) qui va s*abaissant,
vers Test, sur la grande plaine centrale dont Han-keou marque
le milieu.
5^ Le haut pays de la Chine meridionale se relie au Thibet par
te Yunnan. G*est un plateau de plus de 2 000 metres d*allitude en
moyenne, sillonn^ d'ar^tes de grbs rouge. Sur les confins du
Thibet sont des montagnes inexplorees qui s'el^veraient jusqu'a
la zone des neiges persistantes. Le plateau du Yunnan s'incline
au sud vers Tlraouaddy et le fleuve Rouge par des plaines de
150 k 200 metres d*altitude.
Au nord du Si-Kiang s*^tendent des ondulations parall^les,
dirigees du sud-ouest au nord-est et qui s avancent jusqu*^ la
valine du Yang-tse-Kiang. Le principal soul^vement est celui des
monts Nan-^han ou Nan-ling. A Test de la depression ou coulent
le Kan-Kiang au nord et le P6-Kiang au sud, d*autres arfites,
orient^es dans le m^me sens, couvrent les provinces de Kouang-
Toung et de Fo-Kien. Ge sont les monts de Taju4ing que con-
tinuent vers le nord les monts Lofou (1 200 k 1 500 m.).
Climat. — Un pays qui s'etend en latitude sur 25 degr^s, la
distance du d^troit de Gibraltar au parallMe du cap Nord, doit
avoir des climats divers. Dune maniere g^nerale, on peut diviser
la Ghine en deux grandes zones climat^riques, s^par^es par le
Tsing-Ling et le Founiou-Ghan.
La Ghine septentrionale est soumise aux memes influences que
la Mongolie. G*est 1^ que se trouve, en hiver, le centre des basses
pressions. DSs la fin de septembre, affluent les vents du nord-
ouest, de la Sib^rie orientate. Le voisinage de la plaine et du
golfe de Petchili donne k ces vents une intensite extreme (plus
de 6 m. k la seconde). Us couvrent le sol de poussi^re et de
sable ; tout est jaune, champs, chemins, arbres, maisons et
hommes. Le printemps est, comme en Mongolie, la saison de la
plus grande s6cheresse et des tourmentes. En et6, le centre de
basses pressions se transporte du Pacifique au pdle Nord et lair
jsouffle.de Toc^an vers rint^ricur. Nulle part, ce renyersem.cnt df
la pression barometrique ne se fait mieux sentir qu'k Peking oti
les oscillations varient de 19 millimetres entre Janvier et juiilet.
— Les souffles du Pacifique sont les pourvoyeurs des pluies. La
^96 ASIG.
moyenne annuelle k Peking est de 64 centimetres, mais il arrive
frdquemment qu*en depit des vents du sud-est, les precipitations
sont insuffisantes k fSconder le sol et que les famines se pro-
duisent. L'^te est beaucoup plus frais et plus humide dans les
montagnes du Kan-sou ou la neige tombe d^s la Cm de septembre,
m^me dans les vallees. — Le climat de la Chine septentrionale
est excessif. Peking, sous la latitude de Naples, subit en hiver des
froids qui g^lent pour de longs mois le golfe de Petchili. On y
soulTre, en ete, des chaleurs de 40 degr^s.
Au sud du 50* degr^ de latitude, commence le domaine des
moussons. D*octobre k mars, domine la mousson du nord-est,
s^che en general, de mai a aoiltt la mousson du sud et du sud-est
qui souffle de la mer chaude. Ainsi, k Toppose de ce qui se passe
sur les c6tes m^diterraneennes, T^te est la periode des pluies.
D*une fa(?on absolue, elles sont beaucoup plus fortes qu'en
Europe. Un premier maximum se produit en juin, puis les
precipitations d6croissent jusqu'en septembre, epoque d*un
second maximum. La moyenne annuelle est de 1 m. 11 li
Shang-Hai, 1 m. 75 ^ Macao, 2 m. 14 k Hong-Kong et 5 m. 5 a
Kelung, dans File Formose. Le climat conserve un peu le carac-
tere continental, dans la Chine centrale. Les hivers y sont assez
rigoureux. La neige sejourne pendant des semaines sur les pHa-
teaux intermediaires dU Yunnan. On a m^me vu des geiees et de
la neige k Canton et k Hong-Kong. Mais, en general, pres des
cotes, la temperature est constante et superieure k celle de TEu-
rope meridionale (moyenne de Canton: ete -4- 27, hiver -h 14).
Hydrographie. — Le Pei-ho descend des montagnes de la
Mandchourie et finit dans le golfe de Petchili. II est sujet aux
debordements. En aoiit 1889 il sortit de son lit et inonda toute
la contree k 30 milles k peine de Peking.
La Chine proprement dite est le bassin de trois grands fleuves
paralieies, le Hoang-ho, le Yang-tse-Kiang et le Si-kiang, Les
deux premiers qui drainent une superficie de 3 millions 1/2 de
kilometres carres et s'unissent par leurs embouchtires^ forment
en realite un meme systeme hydrographique. lis sont, comme Ic
diseht les Chinois, le « principe fcmelle >) et le « principe mkle »
doht Tunioh a fecdnde le sol et cree le berceau de la civilisation
chinoise. i
Le HoANG-Ho ou Fleote Jaune (4700 kil.) nait dans une regioA
iaexploree au nord-cst du Thibet. Tout son cours montagncux
LA CHINE.
S97
se d^oule dans de formidables cluses. Bord^& gauche pari' Ala-
Chan et Tln-Ghan, il contourne par une ^norme boucle le plateau
des Ordos qui ^tage au-dessus de lui ses dunes de sable et ses
lacs sal^s. 600 kilometres le s^parent du ^Ife de Petchili ou il
a dii se jeter autrefois par le Pei-ho. Hais il se heurtc aux mon-
tagnes de gneiss qui forment les degr^ ext^rieurs du plateau de
Mongolie et prend la direction du sud jusqu'au confluent du
Ouei-ho. Gette riviere, dont le cours dessine la corde de Tare
ordosien,reniplacepour la Chine le cours sup^rieurduHoang-ho,
egar^ jusque-1^ dans une contr^e infertile. EUe impose au
Fig. 17. — Aire des d^placements successifs du HoaDg-ho.
Iloang-ho sa direction nouvelle vers Test. En ce point commence
le cours moyen du fleuve.
Le Hoang-ho est peut-fitre de tous les fleuves de Tancien monde
celui qui est le plus fortement charge de matieres limoneuses,
ce qui s*explique, quand on songe que son bassin est le domaine
de la terre jaiine. Fleuve travailleur par excellence, il ronge
sans cesse ses rives et exhausse progressivemeiit le fond de son
lit. Lorsque surviennent les crues, la surface du courant est
plus elevee que les campagnes riveraines. Les habitants bnt dA
se prot^ger centre les inondations en construisarit des digues et
des contre-digues que soixante mille oilvriers sorit sans cesse
occupes k entretenir et h reparer. Eii certains endroits ces digues
ont plus de 20 metres de haut. Elev6es k quelques kilomittes
des berges du fleuve, elles laissent entre elles une surface ciiiti-
308 ASIE.
Yabie» divisie en compartiments oi3i les agricultars s^ment et
moissonnent entre denx crues. Lorsque les digues sii rompent,
la plaine tout enli^re est sous Teau, des centaines de iriUes et
de villages disparaissent. Les inondations de 1888-i889 ontmftj^
des provinces entiftres. 16 millions d'habitants ont 6tft reduits H
mourir de faim. Le cours sup^rieur du Hoang-ho a sans cesse
vari^ dans le cours des si^cles, se portant tant6t au nord, tantdt
au sud de la p^ninsule rocheuse de Ghantoung. L'aire de ses
d^placements occupe environ 900 kilometres du nord au sud.
Qu'on se repr^sente le Rhin^en aval de Cologne, cessant de couler
vers la Hollande et se dirigeant jusqu'^ Tembouchure actuelle
de la Vistule. Depuis 1862, il se termine dans le golfe de Petchili
par une embouchure unique, mais si Ton se guide sur Tanalogie
de formation, le Hoang-ho est un fleuve k delta. Ses brandies
extremes embrassent une superficie de 250000 kilomMres
carr^s. On a calcule que ses apports limoneux pouvaient, en
25 jours, ^difier une lie d*un kilometre carr6 de surface sur
36 metres de profondeur. Les courants marins entrainent ces
boues jusque sur les cdtes de la Coree.
La zone alluviale du Hoang-ho confine k la region des coulees
du Yang-tse-Kiang. Toute la contr^e comprise entre les deux
fleuves est une plaine basse parsemee de lacs, de mar6cages et
travers6e en tous sens par un lacis de rivieres. Ces voies d*eau
ont ete utilisees pour la construction du Grand Canal qui ne sert
plus aujourd'hui qu'au mouvement local des echanges.
Le Yang-tse-Kia»nc ou Fleuve Dled est le plus long des fleuves
chinois (5500 kil.). Les eaux navigables de son bassin forme-
riicht une longueur egale k la moiti^ de la circonference ter-
reslre. Ses sources se trouvent dans une region inexploree du
Thibet, au sud du Kouenlun. Le voyageur Prjevalski Ta traverse
k 500 kilometres environ de ses origines, par 4 000 metres d*alti-
tude. Sa largeur depassait 200 metres. Sur une longueur de
i 000 kilometres, il coule au sud, comme s'il allait se jeterdans
le golfe de Siam. 11 n*esl plus gu^re qu'^ 600 kilometres de
Baluno, sur Tlraouaddy et k 200 kilometres en droite ligne des
sources du Sonkoi, fleuve du Tonkin, lorsqull se heurte aux
escarpemenls du Yunnan, entre lesquels il sefraye une voie vers
le nord-est. Au sortir de cette region tourmentec, il se grossit
k gauche du MiUy dont la vallee parallele k la chaine du Jun-ling
forme une voie navigable vors le Hoang-ho supericur. Avant
U CHINE. 390
d'arriver en plaine, !e Yang-tse-Kiang doit traverser encore uiie
zone de plateaux oil il est encaiss^ dans d*^troits d^fil^s. Au del^
d'ltchang commence le cours maritime. Le fleuve est k ^ 700 kilo-
metres de rOc^an, sa largeur moyenne est de 800 metres. A
droite le lac Toungting, de 5 000 kilometres carr^s de superficie
lui verse les eaux accumul^es d'un bassin de 200000 kilometres
carr^s. Plus loin, c*est un autre reservoir le Pojang aliments
par les rivieres du Kiansi. A gauche le Yan-tse-Kiang re^oit son
principal affluent, le Han-Kiang yyeuu du nord, que les bateaux
k vapeur peuvent remonter en ete sur un millier de kilometres.
Le Yang-tse-Kiang, ainsi pourvu de son cortege de trtbutaires,
roule en moyenne 18000 metres cubes d'eau. G*est pour le debit
ordinaire, le quatrieme fleuve de la terre. Les pluies d'ete amenent
une crue reguliere qui font hausser le niveau jusqu'^ 15 metres
et 15 metres 1/2 au-dessus de Tetiage. Aussi a-t-on di!^ le
renfermer comme le Hoang-ho par des digues. Si les pluies sont,
contre Thabitude, abondantes, Tinondation submerge les villes.
Souvent la plaine comprise entre le lac Toungting et le confluent
du Han-Kiang est transformee en mer inierieure. La plaine allu-
viale commence en aval de Nankin. La maree remonte le fleuve
usqu*^ 560 kilometres. L*embouchure, comme celle du Hoang-ho»
a beaucoup varie. II y eut mfime jadis trois bouches do.nt Tune
aboutissait k Testuaire de Hantcheou, en reliant le grand lac
Tahou. L*entree du fleuve a 50 kilometres de largeur.
Le Si-KiAKG, beaucoup moins long (1500 kil.), drainer une
contree fort difl'erente des bassins precedents. Les montagnes,
orientees du sud-ouest au nord-est, accompagnent le fleuve
presque jusqu'k la mer. Les vallees lateralesy engagecs dans Te-
paisseurdes hautes plaines, sont moins ouvertes vers Tinterieur.
Dans son cours superieur et son cours moyen, le Si-Kiang tra-
verse une serie de cluses ou il est quelquefois reduit k 200
metres de large entre des parois faautes de 900 metres et pres-
que aussitdt commence la region maritime. Le Pe'-kiang, venu
du nord, forme une ligne de navigation fluviale entre le Si-
Kiang et le. Yang-tse-Kiang, interrompu seulement par un seul
des monts Tajuling. Le Si-Kiang n*a que 2 metres de profondeur
aux basses eaux, mais, en eie, le niveau s*eiev« de 8 ^ 10 me-
tres. La maree se fait sentir jusqu*^ 500 kilometres. En amont
de Canton, le fleuve se divise. Le bras principal se dirige au
sud-ouest. La branche oricntale, qui arrose Canton, regoit k
400 ASIE.
gauche \e Toung-Kiang et d6bouche dans un vaste estuaire. Lc
delta du.Si-Kiang, coup§ par une multitude de riviferes, couvrc
plus de 8000 kilometres cams.
Cdtes. — Le littoral de la Chine forme k peu pr^s un arc dc
cercle dont la convexity regarde Toc^an Pacifique. La mer Jaune,
ferm^e, k Test, par la longue peninsule rocheuse de la Goree,
entre peu profondement dans Tint^ricur du continent et ne con-
stitue pas& vrai dire une articulation. Le golfe dePetchiliy ou se
trouve Tien^Uin^ le port de P^kin; le golfe de Liaou-Toung, la
bale de Coree sont des enfoncements mieux marques. Entre la
frontifere cor^enne et les bouches du Yang-te-Kiang, la c6te
chinoise est basse en g^n^ral et ofTre peu d abris : seule la
presqu'ile de Chan-Toung, ancienne lie relive au continent
par les alluvions du Hoang-bo, fait exception et est decoupoc
de baies bien ramifiees. Au sud de Festuaire du Yang-tse-
Kiang, sur le Whampoa, s*est b^ti le comptoir europeen de
Shanghai. Au del^ se crcuse le golfe A'Han-tcheou que par-
s^ment les 400 lies de Tarchipel de Chousauy et au fond duquel
on trouve la capitale du Tche-Kiang, Han-tcheou, Puis les mon-
tagnes entrent en contact avec la mer, les articulations
deviennent nombreuses, les ports se pressent sur le littoral,
Ning-po^ Fou-TcheoUy Amoyj sur une rade magnifique et tr^s
sAre. Au nord de Testuaire du Si-Kiang s*ouvre la baie de
Canton. La ville est silu^e sur la rive gauche du Tchou-Kiang
ou riviere des Perles, branche orientale du P^-Kiang, qui
d6bouche dans la baie de Canton par la passe appel^e Boca-
Tigris, la Bouche du Tigre. A Tembouchure du Si-Kiang s'^leve
la ville portugaise de Macao^ rattachee au continent par un
isthme etroit. A Tentr^e de la mSme baie, les Anglais ont pris
possession du rocher de Hong-Kong. La superficie de Tile est
de 83 kilometres carr^s. Le detroit qui la s^pare du continent a
2 500 metres de large au goulet occidental.
Le detroit de FokieUf large de 150 kilometres au minimum^
separe du continent la grande lie de Fomio$e (38000 kil. car.).
Elle est travers^e, sur 400 kilometres, du nord au sud, par une
arete montagneuse ou certains sommets depassent 3600 metres.
L'ile d'origine volcanique, en grande partie, est frequemment
secouee par les tremblements de terre. La population est de
3 millions et demi d*habitants. Bans le detroit de Fokien sont
lesJles Pescadores, occupies parley Fran^ais, pendant la der-
LA CHINE. 401
ni6re guerre contre la Chine, excellent mouillage. Au sud, en
face d'un promontoire avance qui limite k Test le golfe du
Tonkin, s'etend la grande ile Hainauy de forme ovale, qui a
800 kilometres de tour. Entre elle et la cdte s'ouvre le canal des
Jonques, large de 20 kilometres.
Flore et Faune.— Avec ses 6t6s chiauds et pluYieux,la Chine,
sans connaitre Texuberante vegetation des tropiques, appartient
k la zone subtropicale, k la region mMiterraneenne, mais avec
tout ce que peuvent ajouter d'eclat et de vigueur k cette derni^re
d abondantes pluies d*ete. La Chine meridionale, qui se limite
nssez exactement au Nan-Chan et k laquelle se rattachent File
d'llainan et une moiti6 de Formose, n'est qu'un prolongement
de la zone tropicale ; toutefois, elle n'en a plus la richesse, sans
offrir encore les qualites qui distinguent la Chine v6ritable. C*est
une region bfitarde.Le doraaine du Yang-lse-Kiang est sans con-
tredit la zone la plus favorisee de la Chine. C*estl^ que r^ussis-
sent le mieux toutes les cultures qui font sa fortune, le riz, le
the, lasoie, la canne k sucre, le bambou. Les monts Jun-ling,
fortement arroses par des pluies d*et6 tres abondantes, ont
une vegetation luxuriante. On trouve a Taltitude de 2 500 me-
tres des azaiees de 5 ^ 6 metres. La vigne et le murier se ren-
contrent ^2600 metres. Au nord du Tsing-Ling et du Founiou-
Chan, la flore rappelle davantage TEurope. A 25 kilometres de
distance, on passe de la region des palmiers k celle des cereales.
Cependant toutes les plantes s'offrent, en Chine, associees les
unes aux autres. Gr^ce aux precipitations si abondantes et aux
chaleurs estivales si elevees, il y a comme une intrusion de la
vegetation tropicale tr^s loin vers le nord, en sorte qu'on
trouve le bambou vers le 40® degre et qu'en bien des cantons les
pommes de terre et les cereales du nord sont recoltees dans le
mSme champ que la canne k sucre et Tindigo. II est impossible
de determiner exactement ou finit le domaine des unes, ou com-
mence celui des autres.
Les recits des anciens voyageurs parlent d'espdoes animates
qui ont disparu de la Chine, comme le rhinoceros, Telephant et
le tapir. Les esp^ces sauvages sont rares a I'interieur.Les tigres,
les pantheres et autres carnassiers parcourent en petit nombre
les regions a demi desertes. On rencontre des singes jusqu'aux
alentours de Peking. La faune chinoise renferme un grand nom-
bre d'especes qui lui sont propres. Sauf Tanguille, lous les
GtOQ CL, 3". 26
402 ASIE.
poissons difT^rent de ceux de I'Occident. On ne compte pas
moins de 400 esp^ces d'oiseaux.
Populations. — La population de la Chine proprement ditc
depasse 580 millions d'habitants (en moyenne 95 par kil. car.).
Les provinces les plus peuplees sont celles de Ze-Tchouen (1 50 hab.
par kil. carr6) et de Chan-Toung. Cette p^ninsule, e^ale k la moi-
tie de Tltalie, compte 56 millions 1/2 d'habitants. U y apr^s de
8000 strangers residents, dont 500 Frangais.
La race chinoise est tr^s melangee. On y distingue unc
grande vari^t^ de types, parmi lesquelsle type mongol est un des
plus rares. D*une fa^on gen^rale, le Chinois est reconnaissable
k son visage rond, ses pommettes saillantes et ses yeux obliques.
Le lien entre toutes les populations de ce vaste empire vient,
non de la race, mais de la civilisation. Les traditions chinoises
attribuent les commencements de cette civilisation aux « Cent
families » qui se group^rent d'abord au coeur des terres jaunes,
au confluent du Hoang-ho et du Ouei-ho. Ici, comme en
%ypte, comme en Mesopotamie et dans Tlnde, la civilisation
prit naissance et se developpa le long des fleuves. Les Cent
families, n'osant affronter la mer, se dirig^rent, vers le
vni^* si^cle avant Jesus-Christ, dans la direction du Yang-tse-
Kiang, puis, s'avan^ant toujours dans la region basse des
fleuves, gagnferent la riviere des Perles. Le morcellement du
sol en petites propri^tes agricoles devint la base de la constitu-
tion politique et sociale de la Chine, de Tautonomie familiale et
rurale. L'unite politique fut faile au in« siScle avant Jesus*
Christ par un prince dc la dyiiastie des Tsin. Au moyen Age,
Tempire du Milieu fut desole, pendant des si^cles, par les inva-
sions des Mongols et des Tartarcs qui fond^rent successivement
plusieurs dynasties. Les Chinois reprirent possession du pouvoir
au xiv® siecle avec la dynastie des Ming. Celle-ci a 6le renversee
en 1644 et, depuis, ce sont des princes tartares d'origine
mandchoue qui regnent k Peking.
Le grand obstacle aux progres de la civilisation chinoise vient
dela langue qui estrestee a Tetal rudimentaire. La langue chi-
noise se compose demonosyllabes,aunombrede480 seulement.
II y a jusqu'^ 190 groupes de mots qui se prononcent i. LesChL
nois sont parvenus, k Taide de complications et de raflinements,
en variant presque k Tinfini le mode d'intonation, k multiplier
le sens dc ccs monosyllabes; cependant lis n'ont gu^replus de
1
LA CHINE. 403
1 000 mots usuels. II n*y a pas en Chine de langue nationistle
parl^e. On ne pent s*entendre que par la langue ^crite, langue
ideographique qui consiste h peindre la representation figuree
des objets et des id^es.
11 y a en Chine trois grandes religions officielles, pratiqu^es
souvent toutes par les mSmes individus : le confucianUmey issu
de Fancien culte national, le Taoume, qui se r^duit presque
aujourd*hui k la magie et le bouddhismey qui se rapproche du
culte des g^nies et des m^nes. Parmi les religions introduites
en Chine, la plus puissante est incomparablement Vislamisme,
II y a au moins 20 millions de mahom^tans. De nombreuses re-
voltes de 1850 k 1873 ont 6te causees par eux. Avec leur esprit
de solidarity, lour forte organisation communale, ils constituent
dans Tempire chinois un sMeux element de troubles et tendent
k devenir les arbitres de I'Extr^me Orient. Le christianisrae
compte plus d*un million de fiddles.
Giographie politique. — Le chef de TEtat est Tempereur.
L'administration centrale est plac^e sous la haute direction
d un cabinet compost de six ministres d*£tat. Au-dessous sont
sept bureaux ou minist^res. Celui de Tamiraute a et6 cr^e k la
fin del885.'
La Chine est divis^e en 18 provinces. A la t6te de ces provinces
sont des vice-rois dont quelques-uns sont k peu pr^s absolus.
Les provinces sont divisees en d^partements (/oms), en arrondis-
sements {Icheou) et en districts {yen).
Les villes sont des agglomerations auxquelles celles de I'lnde
peuvent seules 6lre compar^es en Asie. La capitale actuelle,
Peking n*est peut-^tre pas la plus populeuse ; les uns lui attri-
buent 500000 dmes, dautres 1700000. Canf on (1 600000) •
Tien-Tsin (950000), Han-Keou (750000), Fou-Tcheou (630000),
Shang-Hai (360 000) sont les plus considerables.
On lvalue & 100 millions de taels (environ 630 millions de
francs) le total des revenus annuels de I'empire chinois. L'imp6t
foncier rapporte 20 millions de taels, les dbuanes maritimes
20 millions et demi. La presque totalitedes revenus du pouvoir
central est employee k Tentretien de Tarm^e. Ceiie-ci se com-
pose d'un effectif total de 1 million d'homrries. Cependant il n y
a que 280000 hommes qui peuvent 6tre ulilis6s pour une cam-
pagne.
La marine de guerre comprend 64 navires pourvus de 489 ca-
404 ASIE
nons et months par 7 000 marins. Le vice-roi du Petchili a com-
mence les travaux d'un port de guerre k Port-Arthur,
Pr^s de Canton, les Anglais ont occupy et fortifi^ Tile de
Uong-Kongy qui est k la fois un vaste entrepdt commercial et
une citadelle, veillant aux int^r^ts de la Grande-Bretagne en
Extreme Orient.
Les Portugais poss^dent dans la m^me region le port de
Macao.
66ographie ^conomique. — Agriculture. — L'agriculture a
toujours ete consid^r^e en Chine comme Tunique source de la
richesse et du bien-^tre.
11 est vrai que toutes les conditions naturelles du sol, de cha*
leur, d*humidite, sont dans ce. pays exceptionnellement favora-
bles au developpement des cultures; les Chinois n'ont pas en
realite grand m^rite de passer pour les premiers agriculteurs du
monde. C*estpour gagner de la (derre jaune» que les Chinois
ont partout debois^ k outrance, au risque de rendre plus terri-
bles encore les inondations d^j^ si frequentes de leurs grands
fleuves.
Mais ces inondations m^mes, qui causent parfois tant de
ravages, deposent du moins le long des rives des couches ^paisses
de limon, qui accroissent encore la fecondile du sol en renou-
velant chaque ann^e les elements nutritifs qui le constituent.
Dans toute la Chine proprement dite, entre Peking et Canton,
il n*y a v6ritablement que des champs cultives. On ne rencontre
ni pr6s, ni forSts. Les forits abondent, il est vrai, dans les re-
gions montagneuses de la fronti^re du Thibet et notamment dans
les provinces du Z6-Tchouen et du Yunnan, mais elles sont pres-
que en pays sauvage.
Les cereales^ si necessair6s k Talimentation d'une population
aussi press^e, ont du de tout temps occuper en Chine une sur-
face de terrain considerable.
On salt que c'est le riz le met^ national. 11 occupe environ le
huiti^me de Tespace cultiv6.
La production totale, qu'il est difficile d'^valuer, n*est peut-
^Ire pas inferieure k 500 millions d*hectolitres.
La culture du riz ne s'etend gu6re vers le nord au del& du
cours inferieur du Hoang-Ho; elle est rcmplac^e par les c^reales
des pays temperes.
Les legumes jouent un grand r61e dans la nourriture des
LA CHINE. 405
Chinois. La pomme de terrcy introduite au si6c!e dernier par les
jesuites fran^ais, est cultiv^e en grand dans la zone centrale, au
nord el au sud du Yang-tse-Kiang.
C'est par I'abondance des cultures arborescentes qui couvrent
son sol, que la Chine ressemble surtout k notre zone m^diterra-
n^enne. La vegetation des arbres toujours verts est representee
par de tres norabreuses esp^ces : lauriers, rayrtes, cam^lias,
rhododendrons, buis, etc.
Les etes chauds et relativement sees de la Chine septen-
trionale sont tr^s favorables k la culture des fruits; ceux de la
zone tropicale se m^lent k ceux de nos climats: bananes, figues,
oranges, grenades, pommes, poires, p6ches, etc. La vigne n*est
en realite en Chine qu une culture de luxe et ne donne que des
fruits des plus mediocres. Le bambou est Tune des plantes les
plus precieuses aux Chinois. Conune le palmier en d'autres pays,
il sert k tous les usages: vdtement, habitation, marine. II four-
nit mSme un aliment estime.
Mais c*est le the qui fait surtout la gloire du pays et sa
richesse.
II est naturellement assez difficile d*6valuer la production
totale du the dans la Chine enti^re. On suppose n6anmoins que
les habitants consomment environ les 2/3 de la r^colte annuelle
et qu*ils n'en expedient a I'etranger que Tautre tiers. L'exporta-
tion atteignant a peu pr6s 140 millions de kilogrammes, il est
probable que la quantity annuellement recoltee ne reste pas
beaucoup au-dessous du chiffre 6norme de 400 millions de
kilogrammes.
La canne a mcrCy moins exigeante pour les qualites du sol et
du climat, a toujours 6t6 une des principals cultures de la
Chine. La production, qui est chaque ann6e plus abondante,
d^passe de beaucoup la consomraation locale. L'exportation
atteindra bient6t 2 millions de quintaux.
Le pavot et le tabac occupent aussi en Chine de grands espaces.
Les soci6t6s de temperance, n'ayant pas sensiblement remddi^ aux
ravages causes dans tout le Celeste Empire par la consomraation
de Y opium y les industriels chinois ont voulu du moins dimi-
nuer le raal, en s'affranchissant de plus en plus des envois de
rinde.
Parmi les cultures industrielles, le colon ne peut plus soutenir
la concurrence avec les produits indiens et americains; et Tim-
i06 ASIE.
portation toujours plus grande des colonnades anglaises res-
treindra tons les jours davantage la surface des champs consa-
cr^s k cette culture.
Les plantes tinctoriales sont nombreuses. Vindigo est une cul-
ture trds prospfere dans les provinces voisines de notre colonic
du Tonkin, Kouang-Si, Kouang-Toun, ile d*Hainan. — La laque
si fameuse n*est que la r6sine d'un arbre qu*on substitue partout
au colon, surtoul dans les provinces centrales.
Velevage n'esl pas une industrie prosp^re dans Tempire du
Milieu et il est compl^tement n^glig^ dans loule la Chine pro-
prement dite, ou les herbages manquenl lotalement et ou la pro-
priSte est trop raorcel^e. Les transports se font a dos d'hommes
dans une grande parlie de la Chine, ou Fassisfance des cours
d*eau rend d*ailleurs le service des b^les de somme raoins ne-
cessaire. Le bdtail enfin ne serl pas davantage k Talimentation ;
les indigenes n utilisenl ni la viande ni le lail ; ils ne fabriquent
ni beurre ni fromage.
Les animaux domestiques sonl done Ir^s rares dans loule la
Chine agricole; on rencontre pourtanl des boeufs et des buffles,
qui sont employes k quelques Iravaux des champs el aux trans-
ports les plus penibles.
La peche est passee en Chine k T^tat d'art veritable, le long
des cours d'eau, sur les etangs el les lacs. La pdche maritime
est 6galemenl trfes active parmi les insulaires de la cdte. Les lies
Chu-San sonl le centre de cette industrie, c'est ]k qu 'on sale
une grande parlie du poisson destine k etre vendu dans Tinte-
rieur du pays.
Mais c*esl k une branche loule sp^ciale de F^levage que les
Chinoisonl ddi surtout leur renom. La culture du verd soie est,
de temps immemorial, une sp6cialit6 de leur pays.
C'est le Tche-Kiang et le Kiang^Sou qui sont le principal centre
de la culture de la soie, el Shang-Hai I'enlrepdt central.
La production totale ne peul ^tre evalu6e que d'une fagon
tr6s approximative. Dans ces derni^res ann^es, I'exporlation a
atleint \ 86 millions de francs. La Chine conserve done incon-
teslablemenl le premier rang, mais elle aura toujours plus k
lulter centre la concurrence etrangfere.
Industrie; richesses uinerales. — Les Chinois commencent
loulefois k se porter de plus en plus vers I'industrie, el leur
pays n'esl pas k vrai dire moins bien pourvu de ce c6t6 en res-
LA CIIINE. 407
sources naturelles, qu*il ne Test pour Tagriculture. C'est d*abord
le pays du monde le plus riche en houille, et celui peut-^tre ou
I'exploitation de ce pr^cieux combustible est le plus ancienne.
Les gisements les plus riches, si bien explores par le professeur
von Richthofen, sont ceux du Petchili, du Chan-Toung, du Chan*
Si. Hs ne couvrent pas moins d'un million de kilometres carr^,
pr^s de deux fois la France, et renferment, sur une 6paisseur
moyenne de 40 k 50 pieds, des provisions in^puisables d*excel-
lent anthracite, qui pourraient suiiire aux besoins du monde
pendant plusieurs milliers d*annees. L'extraction est en g^n^ral
facile, mais Texploitation est encore trSs primitive.
La production annuelle, h peu pr^s stationnaire, ne paratt pas
d^passer 4 millions de tonnes.
Les principaux bassins actuellement exploit^s sont ceux de
Petchili (a quelques kilometres au nord de Peking) et du Chan-
Toung, qui fournissent un charbon de premiere quality ; les mines
du Zetchouen servent au ravitaillement des navires du Yang-ts^-
Kiang et celles de Formose commencent k rendre le m^me ser-
vice aux grands paquebots.
La Chine est riche en metaux de toute nature, mais elle tire
peu parti de ses richesses. On estime qu'elle produit environ an-
nuellement pour 25 millions de francs de metaux pr^cieux.
Les autres metaux sont localises dans deux grandes regions.
Le Chan-Si, dej^ si riche en charbon, poss^de encore d*immenses
gisements de /er, ou le minerai est de premiere quality. On pent
rattacher au Chan-Si le Chan-Toung, ou le fer, le cuivre, le plomby
abondent ^galement dans le voisinage des depdts de houille, tout
pr6s de la mer ; mais c*est jusqu'& present la region du sud-ouest,
du Yunnan, qui est le veritable pays k minerai de la Chine. L'in-
dustrie m^tallurgique, active depuis des si^cles, y a ete pouss^e
jusqu*^ une grande perfection. Tous les metaux utiles, fer, cui-
vre, etain, s*y rencontrent. Mais le Yunnan est loin de tous les
ports chinois; c*est le Tonkin qui en est le d^bouche naturel
beaucoup plus que Canton. L'exploitation de ces mines pent
etre pour notre jeune colonie une abondante source de ri-
chesses.
Le sel se tire k la fois des mines de sel gemme du Petchili,
des salines du littoral, des nappes souterraines d*eau sal^e du
Ze-»-Tchouen, qu'on exploite au moyen de puits art^siens.
Le kaolin s'extrait de preference aux environs du lac Poyang.
1
408 ASffi.
C*est m^ine d*une locality situ^e non loin de 1^, Kao-Ling, qiie
la terre de porcelaine a tir^ son nom.
Outre toules ces ressources naturelles, la Chine est riche aussi,
pour ainsi dire, de tous les avantages que lui assurent le grand
nombre de bras dont elle dispose, et de toutes Ics qualit^s qui
distinguent ses habitants; mais la concurrence europ^enne, qui
contrefait tout et k meilleur march6, a ruin6 en Chine plusieurs
branches d*industrie. C'est ainsi que les vases de bronze et les
porcelainesj si fameuses, n'ont pas su conserver leur renom.
Le tissage de la soie est au premier rang des industries ; on la
travaille un peu dans toutes les provinces, mais le principal
<^entre inanufacturier de ce produit est Hang-Tcheou, non loin
de Shang-Hai, qui est le grand entrepdt commercial.
Les naUes de paille et le papier fournissent chaque ann^e un
appoint notable k Texportalion. Les objets de tous genres, en
laques de toutes couleurs et les bijoux en jade, taill^s dans le
Yunnan, sont tr6s estim^s en Europe. Faut-il citer enfin, pour
son nom, Yencre de Chine, prepar^e a Ngan-King, avec un me-
lange de noir de fum^e et de coUe de poisson?
Commerce; voies de communicatiok. — Les voies de commu-
nication sont actuellement tres d^fectueuses dans toute Teten-
due de Tempire et les Chinois, qui voient le danger, ne semblent
pas presses de rem^dier k cet etat de choses.
Ce sont les voies navigables qui sont, dans toute la Chine, les
grandes routes du commerce interieur et ce sont elles qui trans-
portent la plus grande quantite des marchandises; toutcfois le
lioang-ho, sujet k des crues ou k des baisses tr^s caract^risees,
est peu propre k la navigation. Mais le Yang-tse-Kiang est une
des plus merveilleuses voies de communication du munde, une
des plus utiles k Thumanit^. Le mouvement de la batellerie y est
intense; Marco Polo comptait d^j^ 15000 embarcations amarr^es
dans un seul des ports. Aujourd*hui encore, k Han-Keou, les jon-
ques se suoc^dent sur une longueur de plus de 7 kilometres. Les
eaux du fleuve sont si profondes que les steamers europeens le
remontent sans transbordement jusqu*a une distance de 400 ou
500 kilometres de Tembouchure et vont chercher sur les lieux
mSmes les productions du bassin superieur. Nombre d'affluents
du Yang-tse-Kiang ne rendent gu6re moins de services que le
fleuve m^me, en etabiissant avec les cours d'eau du nord et du
sud, Ic lloang-Ilo, le Si-Kiang, des communications faciles.
LA CHINE. 409
Le r^seau des voies naturelles, qu'on ne connait encore que
bien imparfaitement, est d'ailleurs mervcilleusement compl^t^
par un syst^me dc canalisation savante qui date de plusieurs
si^cles. Mais le fameux a grand canal » qui s'^tend sur plus de
1 100 kilometres, de Hang-Tcli6ou k Tien-Tsin, pr6s Peking, est
une QBUvre trpp vantee. Sa construction n*a pas exig6 beaucoup
d*art, ce n'est qu un foss^ sans ecluses trac^ k travers des mar^-
cages; il a rendu toutefois des services immenses, en reliant Ic
nord et le sud et en permettant d'eviter les cdtes dangereuses de
la mer Jaune; c'est la grande voie qui a assure pendant des si6-
cles Falimentation de toute la Chine septentrionale. Mais il est
aujourd'hui dans un ^tat deplorable d*abandon, et les projets dc
restauration proposes par les ing^nieurs europeens ne semblent
pas pres d'etre mis k execution.
Au reste le developpenient du cabotage et les progr^s de la
marine chinoise Font rendu moins n^cessaire qu*autrefois. Le ca-
botage, favoris^ par une ^tendue de 5 000 kilometres de cdtes,
est surtout actif de Shang-Hai k Canton, tout le long de la region
montagneuse, ou les transports k Tinterieur sent rendus plus
difficiles par Tabsence de voies naturelles de communication.
Les routes sont difficiles k construire en Chine, aussi bien dans
la terre jaune, ou il faut creuser de profondes tranch^es, que
dans les plaines basses constamment inond^es de Test. La plu-
part des anciennes voies qui, au temps de la dynastie mongole,
relialent Peking aux grandes villes de Tempire et dont quelques<
unes avaient jusqu*^ 4000 kilometres, ne sont plus que des sen-
tiers accessibles seulement aux mulcts et aux porteurs de palan-
quins.
Peking est le point de depart des routes de caravanes qui vont
en Mongolie et gagnent la Siberie par Mai^Maichin et Kiakta; de
Lan-Tcheou partent celles qui se dirigent vers le Turkestan chi-
nois. C*est k Han-Keou que se ferment les caravanes du Thibet et
c'est enfin Talifou qui equipe les convois destines k la Birmanie
et au Laos.
La construction des lignes de chemin de fer ne pent manquer
d*exercer sur le developpement economique et social de la Chine
une influence euorme, et d'avoir par consequent pour le rostc
du monde des consequences immenses.
En 1888, a ete inauguree la ligne de Tien-Tsin a Kai-Ping
(150 kil.). Un decret imperial du mois d'aout 1889 a ordonne la
410 ASIE.
construction d'une voie ferr6e destin^e k relief Peking k Han-Keou,
mais le vieux parti chinois a r^ussi k. faire ajourner les travaux
ainsi que Touverture du Yang-tse-Kiang au commerce europ^en.
Par un traits sign6 en juin 1889, la navigation du fleuve Jaune
a 6te ouverte k TAngleterre jusqu'k Tchoung-King,
La paste d'fitat comprend environ 10 000 bureaux r^partis
ontre les Messageries qui font le service dans les dix-huit pro-
vinces, et le « courrier » qui embrasse tout le reste de Tempire.
Les lignes telegraphiques^ dont Tintroduction a soulev^ aussi
tant d'obgtacles, comptent environ 10 000 kilometres de fils. Le
si(^ge de Tadministration est Shang-Ha!, point d*attache des
cables.
Commerce interieur. — G*est le long des voies navigables que
tout le mouvement est concentre. Toutefois, c*est dans la r^*
gion du Yang-tse-pKiang, ou la population se presse k raison de
400 habitants par kilometre carr^, que le trafic local est le plus
intense; mais les relations avec la cdte sont encore relatiyement
peu developp^es. On evalue k 450 millions de francs seulement
le commerce qui s'est fait sur ce fleuve en 1886. II ne s'est accru
que d un cinqui6me dans Tespace de quinze ans. Le grand en-
trepdt de toute la Chine interieure est Ban-Keou.
Commerce ext^rieur. — Le relations par terre sont peu actives.
La plus grande partie des marchnndises qui sortent de Chine pour
venir en Europe par terre passe encore par Kiakia^ mais leur
valeur n'atteint gu6re qu'un vingti^me de Texportation totale.
Par les fronti^res du sud, les relations sont encore moins
actives; la seule route suivie r6guli6rement par les caravanes est
celle de Talifou k Bhamo.
Le commerce par mer a pris depuis quelques ann^es une
grande extension, mais peu proportionnelle encore aux richesses
du pays et k la density de la population.
Shang-Hai est de beaucoup au premier rang des ports chi-
nois. II reijoit les deux tiers des importations tolales, et participe
pour pr^s du tiers aux exportations. Sa situation k Tembouchure
du Yang-*tse-Kiang est excellente. II est le d^bouch^ de toute la
Chine centrale, oi^ sont accumul^es les richesses.
Canton^ auquel on pent joindre le port voisin de Kaouloune'r
vient ensuite en importance. Le chifTre d*afTaires de ces deux
ports r(^unis, k Timportation, n*est gu^re inf^rieur ^ celui de
Shang-Hai.
LA CHINE. 411
Ces trois ports font environ les trois quarts du commerce g6-
n^ral de la Chine. Le reste est dissemin^ entre tons les autres
ports; les plus actifs sont, par ordre d'importance : Atnoyj Fou-
Tcheou, SwatoWy Tien-Tsin^ le port de Peking, Ean-keou, dans
Fint^rieur.
On ne peut n^gliger de mentionner encore le port anglais de
Hong-Kong qui re^oit en transit une grande partie des denr^es
destinies k la m^tropole ou en provenant.
La valeur du commerce ext^rieur de la Chine s'61^ve k un
milliard et demi. C est k peine le cinquanti^me du mouvement
annuel des affaires dans le monde.
Ce sont les Anglais qui ont la plus grande part aux ^changes
avec la Chine (16 millions de tonnes sur un total de 23) ; les Am^
ricains, les Allemands, les Japonais, viennent ensuite. La France
occupe tout au plus le cinqui^me rang (500 000 tonnes).
II est incontestable que la Chine ne donne pas encore tout ce
qu*elle peut fournir. Les tresors qu'elle renferme en richesses
min^rales et agricoles, en activity huraaine, sont rest^s jusqu'a
present presque entierement ferraes aux autres peuples ; mais
un jour viendra ou Tacc^s en sera possible et Texploitation
ouverte. \\ n'est que sage pour les nations de TOccident de pr6-
voir ce moment et de se pourvoir en consequence.
Au nord-est de Tempire chinois, la Corecy p^ninsule monta-
gneuse de 220000 kilometres carr^s, peupl^e d*environ 15 mil-
lions d*habitants» a pu conserver une autonomic pr^caire, grdce
&la rivalite des Ghinois, des Japonais et des Russes qui desirent
^galenient s'enrendre maitres. Elle est travers^e du nord au
sud par une chaine dont le point culminant le Petenchan depasse
3000 metres. Son principal fleuve est le Salazi. Les cdtes sont
bord(^es d'iles rocheuses. La plus grande est Tile de Quelpaert.
La capitale, Seoul^ est une grande ville de J 50 000 ^mes,
La Cor^e, bien arros^e dans toutes ses parties, donne k peu
pr^s les mSmes productions que la Chine septentrionale. Le ri;^,
dont la culture est favoris6e par de nombreux canaux d*irriga-
tion, est, comme en Chine, la prin^ipale npurriture des habi-
tants, qui plantent encore quelques cere'ales : bl6, mais, millet.
41 f ASTE.
Les arbres futtien sont nombreux, la vigne r^ussit mieux qu*en
Chine. Le colon, le chanvre, le tabaCf sont les principales cul-
tures industrielles. II y a dans tout le pays de vastes et bons pd-
turages qui nourrissent un be'tail nombreux.
Les forels couvrent une partie de la superficie du pays. Outre
les bois de construction, dont elles fournissent d*abondantes quan-
tit^s, elles sont riches en gibier. La presence de quelques ani-
maux h fourrure dans le nord anndhce Tapproche de la Siberic.
Hais la grande richesse de la Cor^e, ce sont ses mines, Vor ct
Vargent sont tr^s abondants dans tout le royaume. La production
annuelle d^passe 7 millions de francs. Les metaux precieux
entrent pour les deux tiers dans Texportation totale du pays. II y
a des montagnes entieres de mineral de fer, dont I'exploitation ne
pr^sente aucune difficult^.
Uindmtrie des Goreens est assez d^veloppee, mats elle a ete
jadis beaucoup plus brillante. Ge sont eux qui ont appris aux
Japonais Tart de la fabrication des poteries et des porcelaines.
Trois ports sont ouverts depuis 1883 aux Europ^ens : Chi-
moulpOy Fusan et Geman, Le mouvement y a atteint, en 1887,
360 000 tonnes, et celui du commerce 43 millions de francs,
dont 25 environ pour importation (cotonnades, soieries, me-
taux) et le reste k Texportation (metaux precieux, legumes,
peaux).
La Gor^e a conclu, en aout 1888, avec la Russie un traits de la
plus haute importance. LesRusses obtiennentle privilege de con-
struiredcs etablissements et des factoreries dans le port deHeng-
Kong, situe a I'cmbouchure de la riviere Tumen. lis ont desor-
mais sur le Pacifiquc un port qui n'est pas, comme Vladivuslock*
bloque par les glaces durant Fhiver.
Bibliographie.
Bermirs (He). Le fleuve Bleu.
Courcy (de). L'empire du Milieu,
David. Journal de mon 3' voyage d'exphration dam tempire chinoU,
Halde (du). Description de la Chin^.
Hubner(de). Promenade autour du monde.
Hue. L' Empire chinois,
Metchnikotf. ha civilisation et les grands fleuves historiques, Paris. 1880.
Von Richthofen. China.
Robin. Les institutions de la Chine.
Rochechouart (de). Peking el I'intdrieur de la Chine,
IE JAl'ON. 415
Rocher. La province ehinaUe du Yunnan,
Rousset. A travera la Chine,
Simon. R&cit d'un voyage en Chine.
— La cdte chinoise.
E. Ueelus. Giographie univeraelle^ t. VII, p. 2I8«
Sujetd de dovoirs»
Les fleaves de la Chine.
Imporlance commerciale de la Chine.
Les diverses regions naturelles de I'empire chinois.
CHAPITRE Xni
LE JAPON
Le Japon est le plus important des archipels qui forment, k
Tost ct au Slid, unc ccinture au continent asiatique. 11 se
compose d*une s^rie d*iles se developpant suivant trois lignes
courbes dont la concavite est tournee vers le continent. Les
quatre iles principales sont Yeso, Hondo ou Nippon, Sikok et
Kiou-^iou. Elles se relient au Kamtchatka par le chapelet des
KourUes, k Formose par le grpupe des Liou-Kiou. Le nombre
des petites iles atteindrait 3800, au dire des geographes japo-
nais. La superficie totale est de 580 000 kilometres carres.
Relief. — Ces iles sont essentiellement montagneuses et
volcaniques. Elles marquent I'ar^te d'un talus escarp6 qui
plonge, k Test, k 8000 metres au-dessous du niveau de la mer.
On compte une cinquantaine de volcans dans les KourUes,
quelques-uns d^passeraient 4 000 r.ctres. Yeso en a onze; cer-
tains somraets ont de 2 500 k 3000 metres. Les derniferes erup-
tions ont eulieu en 1867 et 1874.
Dans Nippon, la superficie des plaines n'est que le huitieme
de la surface totale. Plusieurs rang^es paralleles se developpent
dans le sens de la longueur. La chaine mediane a une altitude
moyenne de 1 500 metres. Les cols s'ouvrent k 600 et
1
414 ASIE.
1 000 metres. Les plus haules cimes sont des volcans dont les
laves ont rev^tu les granits et les scliistes qui forment Tossa-
ture. La plupart des somraets ont des contours arrondis et des
pontes faciles. Les volcans sont situes sur des alignements per-
pendiculaires k Taxe des chafnes. Au nord s*^l^vent les massifs
volcttuqucs de Nikko ou le iVan/at atteint 2540 metres. Dans
la region cftutrale sont VAsama-Yama et le Fousi-Yamay le pic
culminant de IHb (3 700 mM.). L*eruption de TAsama en 1783
engloutit 48 villages. Le Fousi Yama est la montagne sacr^e par
excellence. La base du cdne a 150 kilometres de tour. Le
sommet est convert de neiges persisSantes. La derni^re explo-
sion a eu lieu en 1707. Les campagnes d'alentour sont recou-
vertes de cendres sur une epaisseur de 3 metres. La cbaine de
mdayh plus escarp^e de Tile, porle ses cols k 2400 metres.
Le plus haut sommet d^passe un peu .3 000 metres. Huit era-
teres se succ^dent le long de Tarete.
L*ile de Slkok est moins haute. La chaine maitresse a
1 400 metres environ, mais les cols se tiennent k 1 000 metres.
Kiou-Siou a un volcan actif VAso-Yamat dont le cdne aux parois
verticales s'eleve de 200 k 500 metres.
Les tremblements de terre sont frequents au Japon. En 1855,
le port de Nippon fut soulev^ au point de n*Stre plus uti-
lisable.
Climat. — Le climat du Japon, dont la position k Test de
Fancien continent rappelle celle des iles firitanniques a I'aile
occidentale de TEurope, est un climat oceanique et insulaire.
A latitude ^gale, il est vrai, la temperature est inferieure de
4^6 degres k celle de I'Europe, les c6tes orientajes des conti-
nents etant moins chaudes que les parlies occidentales. A Yeso,
le thermom6tre descend jusqu*^ — 16, et dans Tile de Nippon, on
a vu 1 metre de neige. Mais cette lie doit au voisinage du Kouro
Sivo un climat beaucoup plus doux que celui de la Blandchourie
et de la Chine septentrionale. Tokio, sous la merae latitude que
Peking, est beaucoup phis temper^ en ete, commc en hiver
(moyennc d'hiver H- 3, d'ete -f- 24). Le Japon est un pays de
moussons. En hiver, soufflent les vents polaires, tellement vio-
lents que la navigation est perilleuse sur les c6tes occidenlales.
En avril ou mai arrivent les tiedes moussons du sud-ouest qui
apportent les pluies. Tokio en regoit annuellement 1 m6tre 86
en moyenne. Souvcnt les averses durent des joui*neies enti^ries
LE JAPON. 415
En septembre, k Yokohama, une pluie de trente heures a donne
1 m. 76 d*eau. Nippon se trouve ainsi temporairement trans-
formee en une contree tropicale. Cependant il se produit une
p^riode daccalmie au printemps et une autre en automne, de
sorte que le Japon, sauf les ifes de Textr^me sud, a dej^ quatre
saisons assez nettement d^limit^es comme dans nos regions.
Hydrographie. — La distance des montagnes a la mer est
trop courle pour qu*il y ait de longs fleuves. Le plus important
est le Tone-Gawa, au nord de Tokio, qui se ramifie en d'innom-
brables canaux et dont les alluvions ont comblS une echan-
crure du littoral.
Cdtes. — L'archipel japonais est une merveille d'articulation
littorale. Les cdtes y sont decoupees et dentelees k l*6gal de
eelles de la Grande-Bretagne et de la Gr6ce. Citons la Mediter-
ran6e qui s*ouvre entre Nippon, Sikok et Kiou-Siou, formee
d une succession de fiords et de bassins partiels, ^tendue de
400 kilometres, parsemee d*iles et d*ilots, les rades de Hako-
hade dans Yeso, les fiords de Nippon, les baies de Tokio et de
Yokohama, A^Ohosaka, de Nagasaki, de Kagosima et tant
d*autres. Les ports sont innombrables et excellents.
Flore ei Faune. — L'abondance des pluies, la temperature
r^lativement moder^e des hivers et Thumidit^ des ^t^s donnent
au Japon une Hore d*une richesse et d'une vigueur extraordi-
naires. On y a comple environ 5 000 especes v6getales, dont
44 propres au Japon. Les cultures de zones diff^rentes s'accli-
matent tr6s facilement, gr^ce au d^veloppement considerable
de Tarchipel dans la direction du sud au nord, des parages
tropicaux aux latitudes temp6rees et presque a la region froide.
La vegetation des tropiques, la flore mediterranecnne, les
plantes de TEurope centrale, s'y rencontrent successivement.
(( Le riz y croit k c6te des cer^alcs et le banibou tropical ticnt
corapajinie aux coniferes du Nord (Marischal).. L'influence de
la mer, penetrant partout, fait enfin sentir k Test comme k
Touest son influence moderatrice et adoucissante, et permel a
nombre de plantes de depasser scnsiblemenl vers le nord les
limites que leur assigne le climat du continent. Les forfits de
cypres s*el6vent jusqu'a 1 300 metres, les sapins et les melezes
jusqu'a 2000, les coniferes jusqua 2400; Sur le Fousi-Yama,
la iimite des arbres est a 2 225 metres.
Au Japon, comme en Chine, beaucoup d'especes animates out
416 ASIE.
dispaiTi. La faune sauvage est representee par les ours, les
loups, les renards, ceux-ci tr^s nombreux. Le Japon est le pays
le plus septentrional ou Ton trouve le singe. Les serpents sont
presque tons inoffensifs.
Populations. — L*empire du « Soleil Levant » renferme
40 millions d'habitants, soit en moyenne 100 par kilometre
carr6. La density n'est que de 2,3 dans Yeso et dans les Kouriles.
L*excedent des naissances en 1889 a ete de 400000 habitants.
La race japonaise est une des plus homogenes du monde. Les
autochtones sont les Ainosy de race mongole, au front large,
h la chevelure abondantc, au teint clair, au nez saillant et aux
paupi6res largement ouvertes. Us habitent la partie septen-
trionale de Nippon ou ils se livrent k la chasse et k la p^che.
Deux types distincts se rencontrent dans la societe japonaise.
Les paysans se rapprochent des Asiatiques orientaux, tandis
que les nobles ont plus de ressemblance avec les Polyn6siens,
mais les uns et les autres ont regu Icur civilisation de la Cbine.
U y a 800 strangers, parmi lesqueis 300 Fran^ais.
G^ographie politique. — Le souverain porte le nom de
Kotei ou Mikado. Le Japon est aujourd'hui une monarchic con-
stitutionnelle. L'empire, y compris File de Yeso et les Kouriles,
est divise en 44 Ken ou districts ruraux ct 3 fou ou districts de
residence. Les principales villes sont : Tokio (1300000 hab.),
Osaka (440 000), Kioto (275000), Nagoya, Yokohama
(120000), etc.
Les recettes totales du Japon sont evaluees k 76 millions de
yen ou 300 millions de francs. L'armee compte environ
220 000 hommes. Les d^penses militaires sont annuellement de
48 millions de francs. Le Japon est aussi dote d une marine de
guerre sur le module europeen.
Geographic iconomique. — Peu superieur k FAngleterre
en superficie, mais peupie comme la France, le Japon, couvert
de montagnes sur une grande partie de son etendue, ne sera
jamais un grand pays d'approvisionneraent. Et, d'autre part,
gagne de bonne heure k la civilisation occidentale, il sait s*af-
franchir peu k peu et sans bruit des Europeens, sans recourir
aux mesquines et defiantes precautions de ses voisins de Touest.
Sa situation dans le monde en fait de plus Tintermediaire
naturel entre I'Amerique et FAsie. 11 n'entretient gufere avec le
premier de ces deux continents de relations moins actives
IE JAPON. 417
qu'avec le notre, ct sc trouvc aussi sur la limite d*influence des
deux mondes. G*est a cela sans nul doute qu*est due en grande
partie la rapidite si reniarquable de son d^veloppement ^cono-
mique.
Agriccltdre. — Le Japon, montagneux, d^pourvu de grandes
plaines d*alluvions et de terre jaune, n'ofTre pas k Texploitation
agricole des conditions particulierement favorables.
Toiitcfois elles sont bien rachet^es, tant par la bont^ du
climat que par les qualit^s remarquables de la population
agricole.
Les for^ts couvrent 40 pour iOO de la superficie totale. Les
principaux bois sont le c^dre, le pin, Tilex, T^rable, le mdrier
et le cam^lia g^ant.
Le Ws, qui fait le fond de la nourriture japonaise, occupe
plus de la moiti^ des cultures. La consommation du riz est de
120 kilogrammes annuellement par tdte.
Le hle\ Vorge, le sarrasin sont par consequent bien moins
repandus ; ils servent surtout, comme en Chine, k la prepa-
ration des p^tes alimentaires.
La culture maraich^re est tr^s avanc^e. Les Japonais sont
roaitres dans Tart du jardinage, et les environs des grandes
villes produisent en abondance les primeurs et les fruits. Ceux-
ci sont diiT^rents des ndtres qui degenerent au Japon.
Les plantations du the s^^tendent bien au nord de la latitude
qu*elles ne d^passent pas en Chine ; ce n'est toutefois que jus-
qu'au 36* que la culture de cet arbuste est vraiment produc-
tive, bien qu*on la rencontre encore exceptionnellement jusqu*au
39<» sur la cdte occidentale de Tile Nippon. La production reste
stationnaire si Ton en juge du moins par Texploitation, qui ne
dcpasse pas, ann^e moyenne, 23 millions de kilogrammes.
La canne a sucre ne rencontre pas au Japon des conditions
d*existence aussi favorables et les Japonais sont sur ce point
tributaires de la Chine. (Production, 35 millions de kilogram-
mes ; importation, 29 millions de francs.)
La culture du tabac prend de vastes proportions, et la r^collc
depasse dej^ sensiblement la consommation locale, pourtant
Considerable.
Parmi les cultures industrielles, le coton cultiv^ au sud de
Nippon est de qualite secondaire et ne suffit pas k la consom-
mation.
c£oG. CL. 3*. 27
418, ASIE.
Velevage n'est pas au Japon une Industrie beaucoup plus
prospere qu'en Chine. Les herbages ne son! abondants que dans
l*ile,de Yeso, qui est peu habitee et encore en grande partie
couverte de bois ; il n y avait en 1890 que 1 million de t^tes de
b^tail et 1 million 1/2 de chevau^p.
La peche est ires active sur toutes les c6tes, depuis les LIou-
Kiou jusqu'aux Kouriles et la recolte est parfois si abondante le
long du littoral de Yeso, que Texcedent est vendu a vil prix
dans rile centrale pour servir k la furaure des terres. Le nom-
bre total des Japonais s*occupant de p^che surpasse celui des
pecheurs de TEurope entiere (865000).
Mais rindustrie d'origine animale, de beaucoup la plus impor-
tante, est la recolte de la soie. La production atteindra bientdt
la nioiti6 de tout ce que recolte le Celeste-Empire. On Fevalue
approximativement k 3 millions et demi de kilogrammes. L*ex-
portation de la soie atteint 110 millions de francs.
Le Japon est le 5® pays producleur de soie du globe. II vient
apr^s la Chine et Tltalie.
Industrie. Richesses mijjerales. — Le merveilleux « Zipangu i>
etait au treizieme si^cle la terre de Vor par excellence. Mais les
lavages du Nippon et les mines de Tile Sado sont aujourd'hui
presque abandonn^s. La recolte atteignait pourtant, il y a quel-
ques ann6es encore, 1 000 kilogrammes (1882), grdce h Temploi
des m^thodes de traitement modernes. C est k la m^me cause
que la production de Y argent doit d'avoir pass6 de 10000 kilo-
grammes en 1876 a plus de 350000 en 1888.
Mais le Japon possede d'aulros richesses plus importantes. La
houille s'y rencontre dans trente-cinq d^partements sur trente-
huit, et rile de Y^so renferme les gisements les plus riches du
monde peut-^tre, apres ceux de la Chine. On n'evalue pas k
moins de 200 milliards de tonnes la provision de charbon qu'ils
contiennent. Plusieurs mines sont dej^ s^rieusement exploitees
k Y^so, pres de Tokio, a Nagasaki. Le Japon, qui ne fournis-
sait pas 400000 tonnes en 1878, en produit aujourd'hui 3 mil-
lions.
Le charbon est exports dans tout Texlreme Orient.
Cette richesse en combustible est doublee par la presence
dans le meme pays d'abondants minerais. Cependant les Japo-
nais doivent importer le fer. Le aoufre ne pouvait manquer
dans ce pays de volcans; la terre a porcelaine est retiree du
LE JAPON. 419
sol en grande quantity; lo petrole, lo sel gemme^ les autres
inetaui ue donnenl que des produits insigniilants.
Vindtutrie proprement dite est tr^s ancienne au Japon ; elle y
a atteint de bonne heure un grand developpement, etles vieilles
traditions nationales ne sont pas encore perdties. Les bronzes
artistiques merveilleusement ciseles, les laque$ de toutes cou.
leurs, les porcelaines de Kiou-Siou, les arme9^ les papiers de
toutes sortes, servant a tous usages, cloisons, carreaux, para*
pluies, chaussures ; toutes ces industries sont encore actives, et
les produits en sont souveut sup^rieurs k ceux de la Chine meme.
Les Japonais ont su de plus se plier aux coutumes et s*initier
aux proc6des de la civilisation europeenne, et ils adoptent volon-
tiers les industries de rOccident.
Commerce. Voies db commorication. — Dans un pays insulairc
comme le Japon, ou aucun point de Tinterieur n est ^loigne de
la c6te de plus de 100 kilometres, la grande voie de communi-
cation, c*est naturellement la mer.
A rint^rieur, les routes postales sillonnent le pays sur une
etendue de 60000 kilometres. Quelques-unes sont macadamisees,
burdees d'arbres et bien entretcnues. Les plus iraportantes de
ces routes sont celles qui unissent la capitate aux deux extr^-
mites du croissant que forme le Japon: Nagasaki au sud, Hako-
kadi au nord.
Le Japon ne s*est pas montre aussi refraclaire que le Celeste-
Empire k Tetablissement des voies ferre'es, Les lignes actueilc-
ment en exploitation s'etendent dej^ sur une longueur do
2700 kilometres, 250 kilometres sont en construction.
On comptait en 1886 dans tout Tempire plus de 4000 bureaux
de poste et pres de 10 000 kilometres de lignes telegraphiques
(25000 kil. de fils). Deux cdbles sous-marins relient Nagasaki k
Vladivostok d'une part, k Shang-Hai de Tautre ; 8 cables unissent
entrc elles les differenles iles.
La plupart des grands paquebots europeens qui desservcnt
les mers de Chine poursuivent leur route jusqu'au Japon.
Le commerce interieur se fait au moyen du cabotage.
Le commerce exterieur n*a pris une extension considerable
que depuis 1854, 6poque k laquelle les Occidentaux obtinrent
Faeces d'un certain nombre de ports japonais.
Aujourd*hui huit ports sont ouverts aux Europeens. Le com-
merce exterieur est concentre dans les 2 ports de Yokohama et
420 ASIE.
de Kobe par lesquels passcnt plus de 90 pour 100 des impor-
tations et des exportations. Yokohama est le grand march^ des
spies. Nagasaki n'a qu'une part de 5 pour 100 dans le commerce
ext^rieur.
Les autres ports, Hakodadi^ dans Tile de Yeso, Niigata sur la
cote occidentale, etc., sont peu fr^quentes par les grands navires,
lis ne sont importants que pour le cabotage.
Le commerce exlerieur du Japon progresse rapidement. II a
double de valeur en moins de dix ans et s'est 61ev^ en 1887 k
plus de 500 millions de francs dont 280 pour Texportation,
230 pour rimportation.
Ce sont les fitats-Unis qui entrent pour la plus forte part dans
ce commerce (38 pour 100). L'Angleterre, qui les suit de pres,
importe au contraire au Japon beaucoup plus de marchandises
(tissus) qu'elle ne lui en achete (31 pour 100 des importations).
La Chine (1 10 millions) se fournit dans le meme pays de riz, de
poisson sec, de bois et de m^taux ; elle y envoie du sucre. La
France (19 pour 100 des exportalions) s*y approvisionne de sole,
inaiselle n'y vend que peu de produits (draps), 4 pour 100 d
rimportation. L'Allemagne prend 7 1/2 pour 100 des importa-
tions, 1 1/2 pour 100 des exportations.
Bibliographie*
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London, 1889, in-8.
E. Reclus. Geographic universclle^ t. VII.
Marischal. Le Japon^ son terriloire, sa population^ ses produits et son
commerce {Bulletin de la Socic'lc beige de geographic 1 1893, mars,
avril, mai et juinj.
EXPANSION EUR0P£ENNE EN ASIE. 421
Sujets de devoirs.
Les ports du Japon.
Gomparaison de I'archipel japonais avec les aatres archipels du globe.
GUniat et productions du Japon.
Recapitulation.
Gomparaison du relief de TAsie et des autres continents.
Les fleuves de I'Asie.
Les climats et les productions de I'Asie.
Gomparaison de I'Asie et de I'Europe au point de vue des avantages eom-
merciaux.
Grandcs voies de communication de I'Asie.
CHAPITRE XIV
EXPANSION EUROPEENNE EN ASIE
Ce sont les Portugais, les d^couvreurs de la route du Cap, qui
ont les premiers tent^ de coloniser TAsie, mais ils ont aborde
rinde par le mauvais c6t6, de dos si Ton peut dire. Leurs eta-
blissements, condamnes par cette faule premiere a une perpe-
tuelle faiblesse, ne se sont pas maintenus : Diu et Goa ne sont
plus, avec Macao en Chine, que de tristes vestiges.
Les Frangah etaient mieux places pour r^ussir dans llnde.
Nos conqu^tes, oper^es si rapidement, etaient n^anmoins solides.
n n*a tenu qu*& la fortune que nous ne conservions pas ce
magnifique domaine; et les Anglais, qui en sont aujourd'hui
les heureux possesseurs n'ont fait que suivre, dans la colonisa-
tion de ce pays, I'impulsion premiere donnee par un Fran^ais.
Si on ajoute que les Russes se sont empares, d6s le xvi« si6cle,
de la Siberie qui ^tait k leurs portes, on aura enumer^ h peu
pres toutes les grandes tentatives de colonisation dont TAsie a
^6 le th6^tre durant les si^cles pr6c6dents.
Hais c*est dp. nos iours surtout aue les convoitises sont
423 ASIE.
ardentes. G*est aux entreprises coloniales que les peuples euro-
peens, sous le coup de n^cessites imperieuses, demandenl la
solution des crises redoutabies qu'iis subissent. L'exc6s de la
production qui chez presque toutes les nations industrielles
d^passe la consommation, la rivalit^ des Etats europeens qui sc
ferment de plus en plus les uns aux autres, ne laissent d'autrc
ressource que celle de chercher ailleurs des debouches.
Or, c'est incontestablement TAsie qui est de tons les conli-
nents le plus apte k fournir le remade, grftce k la densite de sa
population. C'est sur elle que comptent FAngleterre et la Russie
pour 6couler les produits toujours plus abondants de leur
Industrie cotonniere, et ce n'est pas une des dernieres raisons
d'etre du chemin de fer transcaspien. Les colonies asiatiques
sont 6minemraent destinies k nous fournir directeraent des
marches et k nous permettre d'atteindre plus facilement ceux
des pays voisins plus importants.
Nous n'en sorames plus au teraps ou Ton pouvait dire qu'il
n'y a de place en Asie que pour les Russes et. les Anglais; et
nous sommes, en France, particuli6reraent fondes a ne pas
adraettre la v6racite de cette parole. On ne saurait contester
toutefois le r61e preponderant que jouent dans le continent
FAngleterre et la Russie.
La Russie occupe tout le nord de TAsie. L'Angleterre est mai-
tresse dune bonne partie du sud. C'est k Touest et k Test que
les rivalites sont en jeu.
A Fouest, ces deux grandes puissances sont en lutte ouverle
pour s'assurer la libre possession des voies de passage qui ont
fait de tout temps Timportance de cette contr^e. Les Russes ne
convoitent pas du tout Tlnde, mais ils cherchent la mer libre
du sud que ne leur ouvre pas suffisamment Vladivostock. Les
Anglais de Tlnde pr^tendent de leur c6t6 conserver le mono-
pole des communications terrestres avec I'Europe. Les deux
directions se croisent. De 1^ nait le conflit. Les Anglais n'ont
rien neglig6 pour enrayer les progr6s de leurs rivaux ou du
moins, faute de mieux, pour les surveiller. Leurs interventions
en Crimee et dans la p^ninsule des Balkans, en figypte et m^me
au Soudan, leurs intrigues en Perse, la prise de possession de
Chypre et la creation annoncee d un kablissement k Port-
Hamilton, devant Vladivostock, toute cette politique n'a pas
d'autre but que de tenir et de former toutes les passes qui
EXPANSION ETROP£&NNE EN ASIE. 4S3
conduisent dans I'Oc^an Indien. Actuellement encore, on peut
dire que « r6l6phant est bloqu^ par la baleine')). Mais les
Russes font des progr^s incontestables. C'est un peuple coloni-
sateur de premier ordre. Moins etrangers que les Anglais par
la race et par les moeurs aux populations demi-barbares avec
Icsquelles ils se trpuvent en contact, ils savent, k Foppos^ des
Anglais qui les rebutent par leur raideur mercantile, se les atta-
cher serieusement au moyen dune politique bienveillante et
douce; et, k Taide du cosaque qui est lui-mSme un excellent
colon, ils reussissent k transformer tous ces indigenes en
agents devoues de la colonisation russe. En somme, la Russic
avance, k pas lents, mais siHrs, dans toute TAsie centrale et
occidentale, aussi bien en Arm^nie qu'en Perse, et dans TAfgha-
nistan mSme.
A I'autre bout de I'Asie, la Chine est Tobjet de convoitises
plus ardentes encore et les rivaux sont plus nombreux. On
Tassi^ge de toutes parts. C*est en effet le grand pays d'avenir,
celui ou toutes les nations industrielles et maritimes esperent
trouver k bon compte la richesse par T^coulement facile d une
immense quantite de produits. II serait sans doute tem6raire
de se bercer d*illusions. La Chifie, ou ne r^gne pas la mode, ce
stimulant si actif du commerce, ne foumira pas de longtemps
aux Europ^ens un march6 proportionnel k son innombrable
population, et les Chinois, d'autre part, sont decides k opposer
k la penetration europ^enne dans leur pays une resistance
vigoureuse. II est neanmoins prudent d'etre pr^t a toute aven-
ture; et ce n*est que sagesse pour les nations qui ont pris k
Tavance leurs mesures et surveillenl de pres cet empire dont
le developpement economique occasionnera peut-etre tant de
crises.
Quoi qu'il en soit, ce sont encore les Russes qui ont, sur les
frontieres de Chine la position la plus forte et la plus intacte.
Au sud, I'Angleterre ne retire aucun avantage de sa longue
frontiere de I'Himalaya, k peu pr^s infranchissable et qui
n'ouvre d'ailleurs de communications que sur une region peu
fertile et peu peupiee. Dans Tlndo-Chine, elle se trouve en com-
petition avec la France. Les Anglais possedent en outre uno
station tres importante a Hong-Kong, qui est en quelque sorte
la capitale curopeenne dc toutes les mers de Chine. Mais les
Russes, les Anglais, les Fran^ais ne sont pas sculs a se disputer
424 ASIE.
le commerce de la Chine et en gSn^ral de FAsie. On ne saurait
passer sous silence les efforts pers^v^rants et couronnes de
succes que font les Allemands et les Ghinois eux-mdmes pour
coloniser en Asie.
Les Allemands prennent une part Ms grande, bien supe-
rieure a celle de la France au commerce g6n6ral de TExtr^me-
Orient. Mais c'est de preference dans TAsie occidentale, dans le
Levant, qu'ils affluent, au grand detriment de Tinfluence fran-
Qaise qui perd chaque jour du terrain. L'Asie-Mineure, I'Arme-
nie, la Syrie sont envahies par des bandes de colons allemands
qui s'adonnent de pr6f6rence k la culture de la vigne.
Les Chinois, chassis de chez eux par la faim et la mis^re,
^migrent en foule. Dou^s de qualites modestes qui en font
d'excellents colons, ils s'6tablissent partout et sont en train de
conqu6rir TAsie orientale tout enti^re. L'Indo-Chine en est
pleine et TEmpire de Siam est entre leurs mains. On les signale
en grand nombre dans la depression Aralo-Caspienne et les
Russes etudient, dit-on, les mesures h prendre h leur egard.
Gependant, ils peuvent rendre, dans certains pays et sous cer-
taines conditions de surveillance, d'inappreciables services. Nos
colonies de Tlndo-Chine ne sauraient se passer de leurs bras.
En resume, les nations civilisees se disputent entre elles avec
achamement, moins encore les lambeaux de terrain que la part
d'influence k exercer. La lutte n'est pas pr6s de toucher h son
terme et les champs de bataille sont nombreux, mais le prin-
cipal reste celui de I'Extreme-Orient. C'est autour du Japon, de
la Chine et de I'lndo-Chine que se porleront les plus grands
coups, dans la lutte 6conomique qui mettra aux prises toute
I'Europe avec presque toute I'Asie, avant que T^quilibre entre
Tune et Tautre puisse 6tre definilivement atteint*
TROISltlME PAMiE
oc£anie
AperQQ gindral. — L*Oc^anie n*est pas, h proprcmcnl
parler, un monde k part : ^tendue sur un tr^s vaste espace, dans
toutes les regions du grand Ocean, elle comprend des iles de
toutes dimensions et de toutes natures. Au sud-est et k Test de
FAsie, les grandes iles Malaises sont une d^pendance de ce con-*
tinent et forment le lien entre TAsie et TAustralie. Cette terre
immense n'est pas plus s6par6e de TAsie par les petites M^diter-
ran^es de TArchipel malais que TAfrique de TEurope par notre
Mediterran^e. Aussi beaucoup de geographes ont-ils coutume
de designer les iles grandes et petites qui font suite au monde
cbinois et indo-chinois sous le nom d'Asie australe ou « Austra--
lane ». Prenons Thabitude de considerer Tancien continent
dans son ensemble et avec toutes les d^pendances qui Ten-
tourent, et disons que I'Australie et la Malaisie prolongent en
r^alit^ Tancien continent dans Th^misph^re austral aussi bien
que TAfrique.
Mais outre ce groupe, FOceanie se compose d'un grand
nombre d'autres iles sem^es k la surface du Paciiique dans les
deux hemispheres, tr^s diff^rentes de climat, de flore, de faune,
et ne se rattachant par leur voisinage h aucun continent. EUes
reposent sur plusieurs plateaux sous-marins et ont ^t^ form^es
les unes par des soul^vements s^culaires, les autres par des
eruptions volcaniques, un grand nombre enfin par Taccumu-
lation de r6cifs corallifferes.
On a essay^ de les classer en plusieurs categories par F^tudc
des peuples qui les habitent. De \k les noms de Malaisie et de
Melanesiey suivant qu*elles sont habitoes par des Malais ou par
420 OCfiANIE.
des n^gres. On y a ajout^ rappellation de Micron^ie, que Ton
applique aux agglomerations de petites iles.
Mais c'est 1^ une classification insuffisante. La consideration
du cliinat ne permet point davantage d'etablir des regions natu-
relies, puisque Textension des iles oc^aniennes en latitude du
sud au nord est extr^mement considerable.
Les Europ^ens ayant occupS ou colonist la plus grande partie
de rOceanie, on pent etudier successivement le domaine de cha-
cune des grandes puissances maritimes.
/
CHAPITRE I
INSULINDE OU MALAISIE
engOGRAPHIE e^N^RALE
L'Insulinde, qu'il est difficile de delimiter d'une fa^on bien
precise, couvre un espace 6gal aux trois quarts de TEurope,
mais les terres ne s*etendent gu^re que sur 2 millions et demi
de kilometres carres.
Situation. — Les iles qui la composent ont entre elles de
grands points de ressemblance ; elles forment un tout geogra-
phique. L*unite existe en eifet, grdce k la communaute d*origine
geologique, k I'uniformitedu climat et k la proximity des rivages
qui a facilite les relations et att^nue les contrastes. L'archipel
malais etait appeie par sa situation k servir de trait d'union
entre FAsie et I'Australie, de mSme que Tarchipel grec rap-
proche TEurope et TAsie et que les Antilles relient entre elles
les deux Ameriques.
Les Mediterranees qui se developpent entre les archipels de
rinsulinde sont, en general, de faible profondeur; il est rare
qu'entre plusieurs iles du mdme groupe la sonde descende k
plus de 90 metres. C'est comme la Manche entre la France et
I'Angletcrre. Toutes.ces eteiiduos marines ont des noms parti-
mSDUNDE OU HALATSIE. 427
cullers : mer de Java, mer de Banda, mer de Soulou ou dc
Celebes. Les detroits sont nombreux et ramifies ^ I'infini : on cite
Ic detroit de la Sonde entre Sumatra ot Java, de Makassar cnlrc
Borneo et C^l^bes, le passage des Moluques entre C6I6bes et les
Moluques.
II est ioutefois une distinction k ^tablir entre toutes ces lies.
I/Insulinde se partage nettement en deux regions :
1<> Vlndo-Malaisie, compos^e des grandes lies de Sumatra, de
Java et de Borneo. Celles>ci regardent TAsie, dont elles ne sont
separeesque par une depression marine profonde de 60 metres.
2*" VAustro-Malaisie comprenant Celebes, les Moluques et la
partie orientate des Ues de la Sonde. Ces lies reposent sur un
plateau sous-marin qui, k 100 metres au-dessous de la surface
marine, va s*adosser au continent australien.
Ces deux groupes sont coupes Tun de Fautre par une veri-
table fosse de 36 kilometres de large et de 1000 metres de
profondeur : c'est le detroit de Lombok qui s*ouvre sur lo
detroit de Makassar. Quant aux Philippines, elles sont presquo
isolees du reste de Tlnsulinde par des abimes de 4500 metres.
Relief. — L'archipel malais fait partie du cercle de feu qui
entoure tout le grand Oc^an. Le trait earacteristique du relief
est la longue trainee de volcans qui s'etend presque sans discon-
tinuity de Sumatra k Timor et de 1^, par les Moluques et les
Philippines, jusqu'i Formose, en laissantApart Celebes ou il n'y
a qu'un seul volcan et Borneo ou il n'y en pas. L'Insulinde est
le pays du monde ou les volcans sont proportionnellement le
plus nombreux. On en compte jusqu*^ 49 en activite. Les formes
du relief sont tr6s vari6e6; quelques-unes des iles sont medio-
crement 61ev6es el plongent dans la mer par des pentes douces;
d*autres se dressent brusquement en hautes montagnes au-
dessus d'une mer profonde. 11 en est qui tiennent le milieu
comme Borneo et Sumatra et ou les plaines se melangent aux
montagnes. On a souvent remarqu6 que les iles volcaniques de
Tarchipel malais 6taient generalement de formes allongees,
tandis que les autres sont mieux proportionn^es et de contours
plus harmonieux.
Hydrographie. — Les fleuves aboutissent presque tons a
des mers fermees. Ce ne sont pour la plupart que des torrents.
Quelques-uns sont de vrais fleuves, comme ceux de Borneo qui
en poss^dc de plus longs que le Rhin.
418
OC^ANIE.
CAtes. — Leg c6tes tournent leurs pentes douees vers I'int^-
rieur de la courbe, tandis qu'elles se redressent sur Toc^an
Indien. Beaucoup d'iles sont envelopp^es d*une bordure de
r^cifs coraliens. A Texception de Sumatra et de Borneo, qui ont
une architecture relativement massive, las lies sont d6coup^es
h l*infini. L'Insulinde est plus articul6e que TEurope elle-mSme.
Fig. 18. — Cercle dc feu du Grand Oc^an.
(Qualre proupes en Asle, six en Occ'anie, huit en Am^rique.)
Climat. — La position des iles de Tlnsulinde au milieu de
mers tr6s chaudes, la diversity du relief, et surtout Taltitudc
des monlagnes qui cause Tabondance des pluies, ont fait de cet
archipel la region la plus riche et la plus vari6e du globe. 11
apparlient au dpmaine des raoussons australiennes. La saison
des pluies dure de Janvier ^mars; mais, grace au voisinage des
mors equatorialeset aux orages, il n*y a pas, & propreraent parler,
de saison s6che. Tandis que, dans I'lnde, pendant lesmois sees,
on a moins.de 1 pour iOO do pluie annuelle, h Batavia le mois
le plus sec fournit encore 3 pour 100 de la quantite totale de
Tannic, et, dans les montagnes, les orages et le soleil alterncnl
continuellcmenl. 11 tombe par an h Java, k Borneo, aux Molu-
INSULINDE OU UALAISIE. 429
qucs, elc, de 2 ii 3 metres de pluie; sur la c6te occidcntale
de Sumatra plus de 4 metres ; k rinterieur de Java jusqu^a
4 m. 80. Par contre, la partie orientale de Java et les lies voi-
sines de l*Australie sont beaucoup plus s^ches (i m. 50 envi-
ron). La division en mousson s^che et mousson humide s*ac-
cuse davantage.
La temperature de Tlnsulinde est la plus maritime du monde.
Nulle part Tinfluence mod^ratrice de la mer ne la rend plus
egale. Dans bien des plaines de Java, de Sumatra et de Borneo, il
n*y a pas plus d*un degr^ de diiTi^rence entre la moyenne du mois
le plus froid et celle du mois le plus chaud. Cette moyenne est
de 25 k 27<*. L'^cart devient sensible k mesure qu*on s avance
vers Test.
Flore. — Un pareil climat chaud et humide engendre une
merveilleuse fecondit^. On pent dire que la flore des iles malaises
est comme une transition entre TAsie et TAustralie. Dans Tile
de Timor, ou Thumidit^ est moins abondante et la tempe-
rature plus in^gale, la vegetation a d^ja le caract^re australien.
L*acacia et Teucalyptus apparaisscnt. G*est dans les iles occi-
dentales que se pressent les richesses v^getales. Les bam-
bous peuvent atteindre jusqu'^ 40 metres de haut, certaines
fleurs ont Jusqu*^ 2 m. 80 de tour. Toutcs les graiidcs tics sont
couvertes de fordts vierges oA les plantes parasites, de leurs
rameaux multiplies, unissent tons les arbres en une masse
solide.
Fanne. — Le roSme constraste enti'e la partie occidentajle et
la partie orientale se retrouve dans la faune. Le ddtroit de Lom-
bock separe le domaine de la faune asiatique de celui de la faune
australienne. D'un cdte sont les grands mammif&res du vieux
monde, elephants, rhinoceros, tigres ; de Tautre, se montre une
faune tout k fait differente, caracterisee par certaines esp6ces
comme les marsupiaux et les kangurous.
Races. — Les races humaines sc sont m^lang^es dans ces
iles. On croit que la population primitive se composait de n6gres
oc^aniens et que les Malais ne les ont soumis qu*au xu® siecle.
Aujourd*hui les noirs (Negritos, Alfourms) ne se trouvent plus
en grand nombre qu*aux Philippines, k Djilolo et k Ceram. Les
vrais Indonesiens se rapprochent du type de la race blanche
{Dayaksde Borneo, Battasde Sumatra, TagcUs de Lui^on, Bizayas
de Mindanao, Boughis de Celebes]. Toute la population est d'ail-
430 OC£aNIE.
«
lenrs m61^e d*^l^nients hindous et arabes. Les Chinois sont envi*
ron 100000.
Colonisation. — La colonisation portugaise est la plus
ancienne dans ces parages. Cast en 1511 que Albuquerque
s*empara de Malacca et en 1529 que les Portugais prirent posses-
sion des Moluques. L*Espagnol Magellan avait touch^ aux Phi-
lippines en 1521, mais il p^rit de la main des indigenes. Au
xvii<' si^cle, les Hollandais d^pouill^rent de ses colonies le Por-
tugal, alors uni k TEspagne. En 1602 fut cr^^e la compagnie
neerlandaise des Indes orientates. En 1611 Batavia devint la
capitale des etablissements hollandais. Les Portugais n*ont con-
serve que la moiti^ de Timor. Les Philippines sont possession
espagnole.
CHAPITRE n
COLONIES EUROP^ENNES DE LA MALAISIE
Colonies hollandaises. — Les Hollandais occupent encore
le plus grand nombre des iles de la Sonde ; Sumatra y Banca^
BUliton^ Java, Madoura, Lombok, Soumbava, Flores, la plus
grande partie de Borneo, Celebes, les Moluques, la moitie de
Timor et la partie occidental de la Nouvelle-Guinee, C'est nn
empire colonial de 1850000 kilometres carres (Pays-Bas :
52 989kil. carres).
Les Hollandais et autres Europ^ens sont an nombre de 65000»
presque autant que les Anglais dans les Indes. L'armee compte
environ 30000 soldats dont 13 000 Europeens. II y a en outre
des gardes civiques et des corps arraes indiens.
L*archipelest divise en treizc provinces subdivisees elles-m^mes
en quarante residences. On distingue : 1 •* les possessions directes,
Java et Madoura ; 2® Les possessions exterieures, comprenant les
autres iles, les pays proteges ou tributaires. A la tfite de lad-
ministration est le gouvemeur gefiercd assists du conseil des
Indes.
Sumatra mesure 440000 kilometres carres de superficie, soit
treize fois Fetendue des Pays-Bas. Sa longueur est de 1 600 kilo-
GOlOmES EUR0P£BNKES 0E la tf ALAISIE. 451
metres, sa largcur de 400 environ. Par la forme de ses rivages
et par son relief, elle rappelle la grande ile de Madagascar. Elle
est travers^e dans toute sa longueur par une haute chaine de
montagnes voisine de la cdte de TOc^n et qui s'abaisse k Test
sur une large z6ne d'alluvions. Ce soul^vement, dont la base est
de granit et que couronnent des roches stratifies, presente tour
a tour Taspect d une arMe simple et celui de deux ou trois
rameaux parallMes avec chainons secondaires transversaux. Au
nord-ouest le plateau HAtchin a pour bordure occidentale les
monts de Barisan, qui sont le prolongement des montagnes des
iles Andaman et Nicobar. Sur la c6te s'^l^ve la haute cime vol-
canique de Selawa-Djanten ou mont Goudberg (1726 m.) ; au
dela, vers Tou^st, commence la chaine principale ou certains
sommets atteignent, dit-on, 5 400 et 3 700 metres. Elle se r^soud
en chaines paralleles qui embrassent le plateau de Toba, pour
revenir ensuite aux formes simples. Sur un promontoire lateral
se dresse le geant de File le Pasaman ou mont Ophir (2900 m.).
Au sud d'une coupure transversale s'alignent plusieurs rang^es
de volcans en mines, disposes suivant un axe parall^le k lorien-
tation de Java. Tels sont le Singalang (2600), le Merapi (2800),
le Sago (2240) et le volcan de Talang (2500 ra.). G'est egalement
sur une arSte perpendiculaire k la direction de Sumatra que
sont situes les volcans des Iles de Sebesi et de Krakatau. Cette
derni^re a ei& en 1885 le theatre d'une eruption formidable. Le
bruit en fut repercute jusque dans la Chine meridionale, dans
le golfe du Bengale et dans une moiti^ de I'oc^an indien. La pluie
de cendres sorties du crat^re s'epandit jusqu'^ 1200 kilometres,
jusqu'^ Madagascar. La commotion souleva une vague de 50 metres
de haut qui engloutit des villes, des villages et des for^ts enti^res.
Plus de 40000 personnes furent noyees. L*ancienne ile fut k
moitie detruite, mais de nouvelles terres surgirent en des
endroits ou il y avait auparavant 70 metres d'eau.
Sumatra est Tile de Tarchipei malais la plus riche en pluies
(4 m. 80 k Padang). Aussi a-t-elle des fleuves puissants dont les
alluvions ont cree le sol de la moitie de Tile. Les principaux sont
le Siak et le Kampar navigables sur 100 kilometres, le bjamdi
que les bateaux k vapeur remontent jusqu'^ 600 kilometres de
i'cmbouchure. A 100 kilometres de la mer, il a encore 400 metres
de large et 5 de profondeur, le Moesi qui se termine dans une
plaine basse k demi noyee. Sumatra possede plusieurs grands
45t 0G6ANIE.
lacs, comme la mer de Toba (1 500 kil. car.) et Ic lac ou mer
de Singkara.
De toute les iles de I'lnsulinde, Sumatra est celle qui renferme
le plus d*essences r^sineuses. On y trouve jusqu'^ dix esp^ces
de canneliers, Les for^ts et les jongles du nord-est servent de
repaire aux ^l^phants. On rencontre aussi le tapir et le rhino-
ceros. L*orang-outang ne se trouve que dans un district du
nord-est.
La population de Sumatra est de 3 ou 4 millions. Les habitants
i'Atjeh ou Atchinois se consid^rent comme une nation k part.
Les nobles pr^tendent descendre d'^migrants arabc^. Des le
xn*' si^cle ce pays etait pour Tlslam un foyer de propagande. Ce
petit Etat qui occupe la partie nord-occidentale de Tile n*a pu
kre compl^tement conquis par les Hollandais, malgre la guerre
de 1875. Les hostilites durent toujours entre les garnisons
neerlandaises et les indigenes. Le sultan d^Atjek a done conserve
quelque independance. Tout le reste de Tile est au pouvoir des
Hollandais. Les principales villes sont Benconlen au sud-ouest»
Pdembang k Test (40000 bab.).
Java est, par son etendue, la quatri^me des iles de llnsulinde
(150000 kil. Carres, c'est-a-dire plus du quart de la la France).
L'altitude moyenne de Ttle est de 500 metics. La partie occiden-
tale est la plus ^lev^e. Les trois cinqui^mes de Java se composent
de terrains sMimentaires. Le reste est d'origine volcanique. On
ne compte pas moins de45 volcans dont 50 en activity. Quelques-
uns de ces cdnes d'eruption depassent la hauteur de 550 metres.
Le point culminant de Tile est le volcan de Semeroe (3670 m.).
Ces volcans ne ferment pas une chaine continue. Ce sont des
massifs insulaires disposes suivant un axe parallele k celui de
Sumatra. Leurs coulees ont sonde entre elles les diff^rentes iles
autrefois distinctes dont se compose Java. Les montagnes com-
poshes de cendres et de scories, profondement ravin^es par les
pluies, pr^sentent sur leurs fiancs des couloirs qui ont jusqu*^
200 metres de profondeur. Elles ressemblent ainsi k de gigan-
tesques edifices supportes par d^^normes arcs-boutants. En
1792, un volcan, le Papandayang ^clata. La cime dispainit en
poussi^re ; depuis, un ruisseau de boue jaillit de la bouche
mSme du crat^re k 2350 metres d'altitude.
Le d^veloppement de cdt6s de Java, sans Tile de Hadoura et
sans les petites indentations, d^passe 5 500 kilometres.
COLONIES EtTROPfiENNES DE U HALAISIE. 455
Le versant le mieux arros6 de Tile est le versamt occidental.
L'humidit^ varie de 1 m. 14 k Sitoebondo, k 5 metres h Buitenzorg;
Le fleuve, le Kali-Solo, qui d^bouche en face de Madoura, a
500 kilometres de cours.
Les aires v^g^tales s'^tagent en hauteur suivant les climats.
La flore tropicale ne d^passe pas 600 metres. G*est au-dessus,
entre 690 et 2 000 metres, que croissent les plus beaux arbres.
On y rencontre k la fois les esp^ces europeennes et des essences
sp6ciales k Java. A mesure qu'on s'M^ye la v^g^tation diminue ;
plusieurs volcans ont des cimes nues.
Java ne poss^de ni T^l^phant, ni le tapir, ni Torang-outang.
Le tigre habite les jungles et les plaines basses. Le rhinoceros
existe ainsi que le boeuf sauvage et cinq ou six mammif^res
propres k Tile.
La population de Java repr^sente plus des deux tiers de la
population totale de Tlnsulinde. Avec Madoura qui en depend,
die contient 21 millions d*habitants, soit plus de 1 70 habitants
par kilometre carr^. En certaines provinces la density est de
400 habitants.
Les Mcdais dominent seulement dans une moiti^ de la pro-
vince de Batavia. Le fond de la population se compose de Java-
nais, Les Ghinois sont environ 200000. Massacres et chassis k
plusieurs reprises, ils sont toujours revenus en nombre. lis
sont en effet indispensables dans le pays oil ils servent d'inter-
mediaires entre les propri^taires hoUandais et les indigenes agri-
culteurs. II y a 30000 colons europ^ens. Ceux-ci ont beaucoup
de peine k s acclimaler dans ce pays chaud et humide. La mor-
talite est toujours tr^s forte (1 dec6s sur 20 residents). La
capitale des ^tablissements hoUandais est Batavia (100 OOOhab.).
A une cinquantaine de kilometres et k prfes de 300 metres d'al-
titude se trouve la residence d*ete Buitenzorg ou Sans-Souci.
La rade de Sourabaya est le grand arsenal n^erlandais de ces
mers (127000 hab. ).Semaraw^ compte 70000 habitants. Sou-
rakarta et Djokjo-Karta sont les capitales de princes ind^pen-
dants. La premiere a 126000 habitants.
LovfiocK a un volcan qui s'eleve k 2400 mMres. Sumbava a
ete ruinee par la catastrophe de 1825. Le Timboro vomit jusqu'iii
1 000 milliards de metres cubes de laves en fusion. La cendre
fut emportee jusqu*^ 500 lieues, dans Tile de Sumatra.
Borneo est, aprfes la Nouvelle-Guinee, la plus grande ile du
GicoG. CL. 5% 28
434 OC^ANIE.
globe (740840 kil. carr6s» 1 fois 1/2 la France). Sa foraie est
celle |d*un triangle. Le littoral, peu articul^, mesure 6 420 kilo-
metres de long. A quelque distance des c6tes, qui sont gen^ra-
lement basses, le pays devient ondule et montagneux. Le rcliel
se compose d'une arete orientee du sud-ouest au nord-est, dans
la direction des Philippines. De la partie m^diane se detachent
trois rameaux divergents qui vont se terminer aux principaux
promontoires de Tile. Au nord le Kina-Balou est le sommet le
plus 6leye de Tile et probablement de I'lnsulinde. Les estima-
tions de sa hauteur varient entre 5400 et 4100 metres. Plus au
sud le mont Malu a 2400 metres. Au centre de Tile, le Batoe-
Radjah, s^el^ve k 2500. Independamment des chaines que nous
avons indiqu^es, Borneo compte beaucoup de massifs Isolds.
D*ailleurs une grande partie de Tile est encore inexplor^e. On
n*a pas encore trouv^ de volcans. Entre les massifs s*^tendentde
grandes plaines d*argile, de cailloux et d'alluvions.
Le climat de Borneo est rafraichi par les brises marines. La
temperature varie entre 22 et 32 degres. Sur le littoral, les
moussons alternent reguli^rement, mais dans Tint^rieur la repar-
tition des saisons est h peine sensible. On a constats 4 et 5 metres
de pluies par an sur la c6te de Sarawak. Le plus long fleuve de
Borneo est le Mahakkan, Sur les 960 kilometres de son cours,
600 sont navigables. La region m^ridionale la plus arrosee
est parcourue par la Barito ou Bangei^ qui forme un delta dc
2 000 kilometres carr^s. Un autre fleuve, le Kapoeas^ se termine
aussi par un delta considerable.
La flore de Borneo est extremement riche. L'ile entiere est
une vaste foret. La faune ressemble d celle de Sumatra. On y
trouve Torang-outang, Teiephant et le rhinoceros.
La population est tres clairsemee puisqu'on y compte k peine
1 million d'habitants. La grande majorite se compose de Dayak,
Outre les HoUandais qui regissent un grand nombre d'Etats
Yassaux et les Anglais etablis au nord, un sultan independant
possede au nord un territoire assez etendu. La partie hoUan-
daise comprend deux residences, Pontianak ei Banjemuusing.
Celebes est la troisieme lie de Tlnsulinde pour la superficie
(170000 kil. Carres). Elle est constituee par quatre presqu'iles
qui se rattachent k un tronc commun assez etroit. Avee une
eiendue un peu superieure au tiers de la France, elle a jusqu*^
5 900 kilometres de cdtcs. Le relief est forme d*une ossature de
COLONIES EDROPfeNNES DE U MAUISIE. 435
montagnes comme k Borneo, mais ici lesplainesd'alluvionsman-
quent. Le sommet culminant, le pic de Bouihatn, k I'extr^mite
m^ridionale, atteint 3130 mfetres. On n*a signal^ aucun volcan
dans la parlie centrale ni au sud. La presqu'ile septentrionale
ou le Minahassa, relive au reste de File par un isthme large de
50 kilorafetres, forme une terre presque distincte. Elle porte k son
exlr6mit6 une montagne qui depasse 2 000 metres le Klabat.
L'ile de Satigi, au nord, contient un volcan de boue, le moni
Aboe. L'explosion de 1856 causa 2 800 victimes.
La temperature oscille entre 32 degres, le jour, et 21 degr6s
la nuit. Les pluies varient de 1 m6tre k 4 metres. Les pentes
d'6coulement, partout rapides, favorisent F^coulement des eaux.
Celebes est une ile tr6s salubre.
L'ile renferme un grand nombre de lacs. Le plus considerable
est, au centre, le lac Posso.
La flore est tr6s riche, surtout dans la p^ninsule de Minahassa
qui est un veritable Eden. La faune presente des caract^res
sp^ciaux. Certaines esp^ces ressemblent plusi la faune africaine
quk celle de Tlnde et de TAustralie.
L'ile est presque deserte. On compte seulement 1 million
d'habitants. Les deux points de Tile serieusement exploit6s par
les HoUandais sont la province de Makassar et la province de
Menado, Lacapitale Menado a une bonne rade.
L'archipel de Soela forme la jonction entre Celebes et les
Moluques, Une fosse profonde de 200 metres s6pare cet archipel
de Boeroe.
Les MoLUQDES appartiennent k deux groupes distincts entre
lesquels se creusent des abimes de 3000 m^res. Ce sont •
!• les Moluques du sud, ay eo Boeroe, Ceram, Banda et Amboine
Coram a des montagnes de plus de 2000 metres. La plus pros-
p6re de ces iles est Amboine. La ville de ce nom a environ
20 000 habitants. La mer de Banda, qui s'ouvre au sud, a dea
profondeurs de 6000 metres. 2<» les Moluques du nord. Ce son^
GiloU) ou Halmahera, dont la capricieuse architecture rappeUn
Celebes, Tidor, dominie par un volcan de 800 metres et 7>^.
nate, qui a aussi un volcan, haut de 1 500 metres. Obi, Ajan ei
Moroiax. La capitale, Temate, compte de 5 ^ 6 000 habitants.
Colonies espagnoles. — Les colonies espagnoles des Philip-
PINES sont aussi une partie de la ceinture insulaire de TAsie et
86 developpent sur une longueur do plus de 1 500 kilometres
4^ OGEANIE. ^
entre les arbhipels hollandais de la< Sonde et Ttle de Formode.
Des profondeurs de 5000 metres les en s^parent, il est vrai,
mais les Philippines se.rattachent cependant Ji Tlnsulinde par
trois bras en partie Emerges, la longue lie de Paragua, Tarchipel
de Jolo ou Soulou et les iles Sangui, Elles se composent d*une
douzaine de grandes iles et de 1200 petites environs. Elles
couvrentune superficie d'environ 300000 kilomMres carr6s.
Une seule ile, Lugon ou Manillej a plus de 100 000 kilometres
carr6s: Mindanao n*est guere moindre. Cinq autres ont cha-
cuneplus de 10000 kilometres carr^s. Le sol est gen^ralement
montueux; Les monts crateriformes sont presque aiissi nombreux
que dans I'lnsulinde. La grande activity eruptive s*est localis^e
h LuQon et dans ses peninsules. Les Philippines sont une des
regions du globe U plus fr^quemment ebranl^es par les trem-
blements de terre. Le plus connu de ces volcans est le Tool
(2300 m.) all pied duquel se deploie le magniflque lac de Bay.
Le climat est essentieilement maritime et tropical. Les
extremes de temperature sont 36 et 15<^. L*ecart total est done
d*environ 20°. Les pluies fournissent annuellement de 2 m. 27
^ 2, m. 76. Les vents d6crivent un cycle complet, suivant les
^aisons. Aux epoques des changements de direction, Tequilibre
des airs etant rompu, se produisent les typhous. En 1882, k
Manille, un de ces ouragans qui marchait avec une vitesse de
237 kilometres k Theure coula de nombreux navires et engloutit
des milliers de personnes.
Le plus long cours d*eau, le Cagayan ou Tajo ou rio Grande^
a 550 kilometres. ; ;
Pour la flore, les Philippines sont une transition entre Tlnsu*-
linde el Tile chinoise de Formose. A cdte d'especes nombreuses
de palmiers, se voit Tarbuste h the. Les iles ne renferment pas
de betes feroces. Peut-etre le tigre et le leopard hantent-ils Tile
de Paragua. Les especes les phis communes sont les singes, les
antilopes et de grandes varietes d*oiseaux.
. La population est de 9 millions dliabitants. La race primitive
est celle des Negriios (environ 20000). Les nombreuses peu-*
plades, Btco/s, TagalSy Bisayas, ManthroSy offrentune transition
entre les Negritos et les Malais. Ceux-ci, nombreux surtout dans
Tarchipel de Sou/ou, sont des mahometans fanatiques. Partni eux
SQ recrutent ces a junimentados » qui, ayant fait le sacrifice
de leur ;vi6, se jettcnt, le. kriss en main surles Chretiens. Lee
COLONIES EUROP£eKKES DE LA MALAISIE. 437
Chinois sent environ 50000. Cette immigration, qui a pris une
tr&s grande extension, est fort mal vqe de la population indigene.
Les Espagnols sont 14000 seulement. Jusqu'^ present il n*existe
d'organisation municipale qu*^ Manille, mais un arrM^ recent
permet au gouverneur de cr^er des conseils dans les localites
les plus importanles. Les ordres religieut sont rest^s^ peu pr^s
les seuls intermediaires entre le gouvernement de la metropole
et les indigenes qui avaient jusqu*ici conserve une certaine ind^
pendance.
De cette colonie des Philippine^ dependent les groupes des
lies PalaoSy des Carolinet et des Mariannes,
Les Gauolines sont un archipel de 500 lies se d^veloppant sur
une longueur de 2800 kilometres, et une superficie marine de
I 600 000 kilometres carr^s. Mais la superficie terrestre est de
977 kilometres carr6s seulement. Ce sont des lerres de forma-
tion coralligene, afTectant generalement une regularity parfaite.
II y a de 20 k 50000 habitants.
Les Mariannes sont separees des Philippines par un detroit
de 2000 kilometres, profond de 2500 k 3000 metres. Gomme
les Kouriles et les lies Aiebutiennes, elles se depioient suivant un
arc die cei*cle regulier, long de 4 000 kilometres, marque par
qne rangee continue de Yolcans. On compte dix-sept lies ayant
une superficie de 4 440 kilometres carres. La flore et la faune
sont singulierement pauvres. La population est de 9 000 habi-
tants.
Les Carolines, les Mariannes et les lies Palaos appartiennent k
cette portion du Pacifique qu'on appelle la Micronesie. Les autres
archipels de cette region sont les iles Marshally les iles Gilbert;
E lice J etc.
Colonies anglaises. — Les Anglais se sont etablis dans la
partie septentrionale de Borneo k cause de ses mines de houille.
C'est en tout un territoire de 60 000 kilometres carres, avec
200 000 habitants. II faut ajouter aussi que le royaume de Sara-
waky fonde par un Anglais, est entierement sous Tinfluence
anglaise, et que le sultanat de Brouniy deja si reduit, ne tardera
pas lui-meme k devenir un simple pays de protectorat. L'ile
Labouan (80 kil. car.) fait partie des possessions anglaises.
G^ographie dconomique. — L'Insulinde est, en premiere
ligne, Fintermediaire entre les deux continents du nord et du
8ud, FAsie et FAustralie, de meme qu*e Foppose du monde, les
458 OCJgAjNiE.
Antilles entre les deux Am6riqucs. Mais elle a jou6 dans Tliis-
toire 6conomique de cetle parlie du monde un rdle bien autrc-
raent important par sa position intermediaire entre les mers dc
rinde et TOcean Pacifique. Au reste, le caract^re insulaire dc
cette region, le grand nombre des mers interieures, rarticu-
lation si remarquable des c6tes, les d^coupures du littoral,
devaient rendre n^cessairemcnt les habitants de ces lies, marins
et commerQants. C'est sur la mer, c*est dans la direction de
Test k I'ouest que s*est oper^e leur expansion. Les Malais ont
6t6 durant des siecles, avant les Arabes, les intermediaires de
tout le commerce maritime dans les mers de llnde.
Pour les Europeens, rinsiilinde a toujours et6 un point de
passage d'une importance capitale.
Mais ce n'est pas k cette position seule que ce pays a du
d'etre, un des premiers du monde, colonist et^exploite par des
Occidentaux; il est aussi par lui-mdme un vaste et important
pays de production. Les nombreuses iles qui 1^ constituent
occupent au total une superficic triple de celle de la France, et
dont le dixi^me k peine est utilise. On sait d'ailleiirs le r61e qu'a
Joue autrefois le « pays des Apices » dans les relations commer-
ciales de TEurope avec TExtr^me Orient. L'archipel malais a
conserve presque intact le monopole de ces pr6cieuses denrees ;
mais il a soufifert de vicissitudes nombreuses.
Llnsulinde ne retrouvera jamais Timportance qu'elle eut
jadis dans les transactions du monde, k une epoque ou les Euro-
peens ne demandaient aux pays tropicaux que quelques produits
exotiques. Car ce qu'ils recherchent aujourd'hui avant tout, ce
sont les objets de premiere necessite. L'archipel malais, gardera
comme sp^cialite la production de quelques mati^res d*alimen-
tation du second ordre : sucre, cafe, epices. Son rdle k ce point
de vue n'est done, k tout prendre, que secondaire.
Agricdlture. — L'archipel malais convient k merveille aux
cultures epuisantes, aux sues concentres, aux odeurs fortes,
qui exigent k la fois beaucoup de chaleur, d'humidite et de
lumi^re*
La geologie contribue d*abord k donner au terroir des qua-
lites exceptionnelles de fertility. Le sol est presque partout de
nature volcanique sur les pentes; tandis que les terres basses
sont des plaines alluviales, qui ne sont pas moins riches ni
moins favorables k Texploitation agricole.
COLONIES EUR0P£ENNES DE LA MALAISIE. 439
Le relief est une autre cause de prosp^rit^. II est tr^s vari^.
Les stages de v^g^tation se succ^dent sur les pentes, permet-
tant ainsi a des cultures tr^s diverses de prosp^rer ^galement
sur le m^me sol et sous la mdme latitude.
Les terres d'alluvions, qui occupent de si vastes ^tendues
daus Sumatra et k Borneo, sont un pays d*^lection pour les
rizi^res et les plantations de Cannes k sucre» cultures qui r^«
clament beaucoup de chaleur et d*eau. Sur les pentes inf§rieures
des coUines viennent les Apices, le tabac, le cafS. De bonnes
prairies couvrent les regions plus hautes ; et les sommets des
montagnes sont occup^s par d*immenses for^is.
Le climat complete admirablement ces conditions naturelles.
Cependant llnsulinde n'a jamais ^t^ et ne sera pas dans Tavenir
une colonic de peuplement ; TEurop^en n'y vit que difficilement
et ne peut, en tout cas, s'y adonner k des travaux p^nibles.
Mais c'est une admirable colonic d*exploitation, grkce au voisi-
nage de la Chine ; les Ghinois ont ete de tout temps tr^s nom-
breux dans Tarchipel.
C*est grkee k eux surtout que les Anglais sont arrives en si
peu d'annees dans Borneo k des r^sultats tout a fait merveil-
leux. Une grande compagnie, « North-Born^o-Gompany », a^te
autorisee en 1881 k mettre en exploitation toute la partie septen-
trionale de Tile. Loin de repousser les (( Jaunes », elle a favorise
leur immigration.
Les HoUandais n'ont pas ^te si heureux k Java et dans plu-
sieurs autres iles avec leur trop cel6bre « syst^me de cultures » .
Ce syst^me, imaging par Van den Bosch en 1832, avait trans-
form6 Java en une immense ferme que TEtat-proprietaire faisait
exploiter directement, k son profit, par les indigenes ^oumis au
travail force. II a donn6 de bons resultats tant que le gouverne-
ment colonial a trouv^ pour ses produits des d^bouch^s assures.
Mais les colonies des HoUandais sont devenues, de nos jours,
incapables de lutter centre la concurrence des Etats-Unis ou du
Bresil ; ils ont rendu peu a peu, bien k contre-coeur, la liberty
aux cultures. Le monopole ne porte plus que sur le sucre et le
cafe; il n*est plus. applique, depuis 1890, qu'k cette derniere
denree et ne peut tarder k disparaitre complkement.
Les forets vierges couvrent encore une immense ^tendue de
terrain. Ces forets, qui ferment le plus souvent un fourre impe-
netrable, sont encore inexplor^es et inexploit^es ; mais elles
440 OGfiANIE.
reorient d*in^puisables richesse^ et pourront fournir en abbn-
dance toutes sortes de bois de construction, d'^b^nisterie ou
de teihture : 6b^ne, acajou, teck ou bois de fer, bois de santal.
Nos essences sont representees par le pin, ie ch^ne, le ch^tai-
gnier au-dessus de Taltitude de 1 500 metres.
Parmi les plantes (dimentaires, c'est encore le m qui est,
comme dans les pays Yoisins d'Asie, le grain noiirricier par
excellence des habitants. Les rizi^res occupent plusi6urs millions
d'hectares (plus de 2 millions dans Java seule). La production
annuelle est relativement considerable, mais elie ne depasse
guere les besoins de la consommation locale.
Le mdi8 k Madura, le ble dans les Philippines et h Timor son!
ensuite les c^r^ales les plus r^pandues ;
Les cultures plus proprement industrielles sont encore en
majority des plantes d*alimentation : cafe, sucre, the, epiccs.
La vogue est actuellement au tabac, au detriment de la canne
k Sucre et du cafe, en raison mdme de la crise generale qui sevit
sur ces deux derniers produits.
Le cafe Si ete pourtant, durant de longues annees, la culture
la plus prospere et la plus generale. II n*y a plus maintenant
que 155 millions de pieds a peine et le nombre des families
qui les cultivent est descendu k 500 000. La production annuelle
qui atteignait encore, en 1884, plus de 100*000 tonnes (dont
75000 pour Java seule), n'a pas depasse la moitie de ce chiiTre
en 1887. La part de Java est tombee a 20000; les Philippines
qui produisent des bales estimees, le cafe « Manille », sont au
contraire en progres (10 000 tonnes) ; la c6te occidentale dc
Sumatra, les Celebes, Bali, fournissent le reste.
Dans Tensemble, les iles Malaises, qui entraient jadis pour
un septieme dans le chifTre total de production annuelle^
ne produisent plus que 80000 tonnes.
La culture de la canne d, sucre a beaucoup soufTert aussi dc
la crise, mais dans des proportions moins sensibles. On calcule
qu'en 1887 la production a depasse 180000 tonnes k Java,
210 000 aux Philippines. L*archipel malais se trouve ainsi, con-
curremment avec cette derniere ile, au premier rang des pays
producteurs de sucre; il fournit environ un cinquieme de la
recolte annuelle.
Le thCy introduit k Java depuis plus d'un demi-siede, ne joue
pas k beaucoup pres un rdle aussi considerable sur les marches.
GOLONIBS EUROPEEKNES DE LA IIALAISIB. 441
lA r6colte/ qui atieiht parfois 5 millions 1/2 de kilos/ tie
depasse pas en general 2 millions.
Mais cie sont les epices qui ont fait de tout temps la gloire de
FArchipel, bien qu*au total le chifTre des affaires dont elles sont
Tobjel soit reflativement minime. Amboine de r^colte plus
qu'une faible partie de ces boutdns de fleurs non encore 6pa-
nouis, qui dbnnent le clou de girofle; Banda a conserve davan-
tage son ancien renom, grSce h son sol volcanique, qui convient
parfaitement du muscadier. La r^cblte du clou de girofle oscille
entre 25 et 150 000 kilogrammes, celle des noix de muscade
depasse de beaucoup 1 million. Sumatra fournit k elle seule
plus de la moiti^ du poivre r^colte sur le globe. G*iBst d^ns
cette He encore qu'on recueille de pr^f&rence la vanille et la
cannelle.
Le tabac est, k Theure actuelle, la seule culture vraiment
prospere et r6mun6ratrice de tout I'Archipel. Le poids de la
recolte annuelle atteignait, en 1884, 30 millions de kilos, qui
se repartissaient k peu pr6s egalement entre les Philippines,
Sumatra et Java. U est probable que ce chifTre, qui n'est depass^
en diehors d'Europe que par les Etats-llnis, doit s'fitre encore
depuis sensiblement accru, gr^ce k I'apport de Borneo.
Pour le tabac, comme pour le sucre, llnsulinde correspond
aux Antilles ; la Havane et Hanille fournissent toutes deux des
cigares Egalement estim^s.
Parmi les plantes textileSf le coton, le jute, la ramie n^ont
qu*une importance locale. L*exportation s^ atteint, en 1888^
450 millions de kilogrammes.
h'indigo a resists vigoureusemenl k la concurrence des cou-
leurs min^rales d^rivees de la houille. C'est Java qui en produit
encore la plus grande quantite apr^s Tlnde (800 000 kilogr.).
Vdevage ne rencontre pas dans Tlnsulinde un champ beau-
coup plus favorable que dans Tlnde mSme. Mdis la population
peu dense reclame beaucoup plus qu*e& Chine le secours des
bdtes de trait : on compte k Java 5 millions de buffles et boeufs,
un demi-million de chevaux. Les p&turages sont dej^ plus abon-
dants dans les lies de Test qui touchent k TAustr^ilie.
La p^he ne fournit qu'^ la consonunation locale. — On
recueille aux Philippines les perles et la nacre. ,
Ge sont les productions agricoles qui font la richesse de
llnsulinde comme de la plupart des pa^s tropicaux. Les res^
443 OCEAME.
sour€e$ minerales et Yindustrie noni qu'une importance tout k
fail secondaire.
Piusieurs ties sont pourtant riches en minerais. L'or et les
diamants se rencontreni k Borneo, dans la concession de la
Compagnie anglaise ; mais les giscmcnts ne sont pas exploit^s.
Gette mSme lie, Lu^on, Sumatra, renferment d'abondantes pro-
visions de houiUef qui ne sont pas davantage utilis^es.
Velatn seul constitue jusqu*^ ce jour pour TArchipel une
veritable richesse miniSre; les ties de Banca et de Billiton sont
c^i^bres comme pays p'roducteurs de ce m^taL La production
annuelle d^passe 8000 tonnes.
V Industrie propfement dite est fort peu active; elle est entii-
rement subordonn^e k la production agricole du pays.
Commerce : Yoies de communication. — Dans ce pays d*iles
ou presque nuUe part on ne perd de vue la c6te, c*est, bien
entendu, la mer qui est la grande voie de communication. Tout
le trafic a lieu par cabotage, Au reste, I'int^rieur des grandos
lies, comme Sumatra et Borneo, est tr^s facilement p^n^trable
grdce aux longs fleuves navigables qui les siilonnent.
11 u^existe de routes carrossables qu'k Java, qui possMe, il
est vrai, un r^seau complet de chemins excellents ; les autres
lies, et m^me Lui^on, n*ont que de mauvais sentiers.
Par une coincidence curieuse, les Holiandais ne se sont pas
montr^s moins refractaires dans leurs colonies que dans la
in^tropole elle-memc a T^tablissement die voies ferries; mais
depuis qu*un regime de liberty plus^and a pr^valu, les chemins
de fer ont pris une rapide extension. Les premiers datenf de
1872; ils siilonnent aujourd'hui le pays sur 1200 kilometres.
Sumatra possMe elle-m^me 60 kilometres en exploitation et
plus de 150 en construction; mais k Lu^on les voies ferries
sont toujours k Tetat de projet.
Les lignes telegraphiques s*etendent h Java sur 5700 kilo-
metres, k Sumatra sur 2000, Lugon en a 1 200 ; les lignes hollan-
daises sont relives k Singapour, les fils espagnols k Hong-kong.
Le commerce exterieur dans I'lnsulinde entiere d^passe
900 miUions de francs, dont 650 reviennent aux colonies hol-
landaises et 230 aux possessions espagnoles. Sarawak a un trafic
de 20 millions, la compagnie de North-Borneo fait dejk pour
plus de 8 millions d affaires ; mais le territoire portugais de
Timor atteint k peine 4 millions.
GOLONIES EUROP££NNES i)E U MALAISIE. 443
Dans ces divers pays les exportations' d^passent en g^n^ral
de plus d*un quart les importations. Dans les Indes hoUandaises
les ventes k T^tranger comprenneht surtout le sucre (170 mil-
lions), le caf^ (60 au lieu de 80 en 1882), le tabac (40), T^taiii
(15), les gommes (14), les epices (12), Tindigo (8). Dans les
Philippines, le sucre est encore au premier rang (43 millions) ;
le chanvre de Hanille (30), le tabac (12) et le cafS (7) viennent
ensuite.
Les importations de part et d*autre sont representees surtout
par les cotonnades, les machines et objeis manufacturies, les
vins.
La plus grande part de ce commerce est monopolis^e dans
deux ports, qui sont tous deux sur le revers interieur de ]*Ar-
chipel toumes vers TAsie : Batavia et Manille. Le plus impor-
tant des deux, mais non le meilleur, est le port hoUandais, qui
fait un chiffre d'affaires de pr6s de 500 millions et dont le mou-
vement maritime atteint 800000 tonnes. Sourabaya, Makasmr
et Padang meritent aussi d'etre cit6s. Le mouvement total des
ports hollandais n*est pas de beaucoup sup^rieur k un million
de tonnes ; les entrees et les sorties dans les ports espagnols ne
depassent pas 650000 tonnes.
Les lies Malaises sont avant tout un pays d'exploitation agri-
cole.
Toutefois cette region subit depuis plusieurs ann^es une
crise redoutable. La depreciation des principales denr^es colo-
niales sur les marches d'Europe et particuli^rement du sucre et
du cafe a rendu leiir culture tr6s precaire et peu r^munera-
trice.
Ge sont naturellement les vieilles colonies, la Hollande et
TEspagne, qui ont le plus a souffrir de cette situation si pre-
caire. Au reste, elles ont bien un peu contribue au mal par leur
mauvaise administration, leur negligence, la frequence des
guerres.
Des sympt6mes r6cents annoncent pourtant une sorte de
renaissance. Pour pouvoir lutter conlre TAmerique, les colons
de Java et de Lugon ont developpe beaucoup dans ces derniers
temps leur outillage agricole et industriel, un indice certain do
ce mouvement.
Mais ce sont surtout les Anglais qui font de tr^s grands pro-
gres. Etablis au centre m^me de I'lnsulinde, ils «xploitent acti-
iMU OcSANIB.
Veiheht leui^ nouvelles colodies, qui ne.peuveut mdnquer dc
prendre entre leurs mains une haute valeur. Le voisinage de la
Cihin^ leur ofTre un magnifique debouch^, notamment pour les
fcois. '
" Notons enfin que la France ne doit k aucun prix se d^sinte-
rieiSser de la lutte ^conomique dans cetfe partie dii monde. EUe
h'est etablie sans doute sur aucun point; et le trafic qtie nous
f aisons avcc ces iles est jusqu*^ present minime. Mais ne posse-^
dons-nous pas les rives oppos^es dc celte mer de Chine, vers
laquelle sont pench^es la plupart des terres de Tlnsulinde? iet
ne devons-nous pas esperer que le jour ou toutes nos colonies
indo-chinoises seront paciOecs et serieusernent mises en riapport,
nous Irouverons dans leur voisinage Telement d'un trafic im-
portant?
BIbliographio.
Ad. Bastian. Indonetien. Berlin, 1886, in-^.
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' B. Reclus. Gioqraphie universelle^ t. XIV.
liOCTEI.I.E-«CIM]fiB
\
La NouveUe-Guinee forme la transition entre Flnsulinde et le
continent australien. C*est la plus grande lie du monde, si on
considfere I'Australie corameun continent (785362 kil. carr6s).
EUe mesure 2390 kilometres du nord-ouest au sudnsst et 660
dans le sens de la, largeur. Un d^troit profond de 100 metres
seulement la s^are de TAustralie, tandis qu'd Touest, au nor etd
NOUyEUE-(»0IlVf!B. 445
au sud^est, la sonde plonge jusqu'^ i 000 metres. Assez massivOQii
centre, elle projette ap norid-ouest une p^iiinsule rattaehee par
un isthme tr^s etroit et se prolonge au 3ud-est par une .trainee
d'lles.
Lea montagnes ie Tile sont imparfaitement connues. Sur la
c6te septentrionaie se dressent les monts i*Arfak qui atteignent
2 900 metres k Tentr^e de la bale de Geelwink. Pr^s de la bale
d'Argoeni s*§l^ve le mont Genoffo (1500 m.)- La chaine cdti^re
qui porte le nom de Charles-Lottis et ou Ton rencontre un sommet
d^passant 5000 metres, se relie am chatnes bordi^res du littoral
oceanique, ^lev^es au minimum de 2000 m. En face de la Nou-
velte-Bretagne, au sud de la baie de TAstrolabe, sont les monts
Finistere (3500 metres.). "Enfin dans la p^ninsule du sud-cst les
monts Albert renferment deux sommets importants : le mont Yule
(5062 m.) et le Owen-Stanley (4024 m).
Le climat est chaud et humide. La temperature varie entre
20 et 32 degres. Les pluies atteignent 2 m. 30.
Les fleuves sont abondants. Les principaux sont VAmhermo
qui finit par un large delta, le Baxter-tiver et le Fly qui a ^t^
remonte sur une longueur de &00 kilometres.
La vegetation est moins riche que dans Tlnsulinde. Dans la
partie orientale, les arbres k feuilles effiiees, les eucalyptus
annon^ent FAuslralie. En depit des differences de climat, de la
grande humidite et des forets de la iNouvelle-Guinee, la faune
ne differe pas de la faune australienne. On n*y trouve pas de
felins. 11 y a jusqu'^ trente especes de marsupiaux. Par un phe-
nomene curieux, le kangourou originaire d*Australie s'est accom-
mode k ce nouveau milieu et de sauteur est devenu grimpeur.
La population ne depasse pas 2 millions. Les differentes peu-
plades sont tres differentes d*aspect. Les indigenes, chaquc jour
refouies par les Halais envahisseurs, sont les Papons.. lis sont
caracterises par le teint brun fence et surtout par le developpe-
ment de leur chevelure crepue.
L'Angleterre, la Hollande et TAUemagne se sont partage la
Nduvelle-Guinee.
Depuis le mois d*octobre 1888 la Nouvelle-Guinee anglaise
(230000 kq., 13000 hab.) est devenue une colonie de la cou-
ronne. Plusieurs stations y ont ete fondees. La capitate est
Port^Moresby.
. : Les possessions allemandes, fidministreesdepuis 1885 par uuc
416 OC^ANIE.
eompagnie de commerce, sont regies depuis le 1^' octobre 1889
parun commissaire imperial qui reside k Finschafen. Un service
bi-mensuel met cette vilie en communication avec Sourabaya.
Un autre port est Friedrich-Wilhelmshafen, La « Terre de TEm-
pereur Guillaume » compte 180000 kil. carr. avec une popula-
tion de 110 000 habitants.
CHAPITRE ni
AUSTRALIE ET NOUVELLE - ZELANDE
PREMIERE SECTION
AUSTRALIE
Contours et superflcie. — L'Australie rappelle par ses con-
tours TAfrique m^ridionale. Ses proportions sont comparables
k celles de TEurope, car elle a une superficie de 7 700000 kilo-
metres cafr^s; sa longueur d'est en ouest atteint presque
3800 kilometres, son d^veloppement du sud au nord plus de
2000 en moyenne. Le socle qui la porte est bien plus ^tendu
encore. Tandis (pie les iles africaines ne sont pas k vrai dire des
parties du continent africain, dont elles sont s^parees par des
ablmes, les iles de la Papouasie, la Louisiade, la Tasmanie,
s'^l^vent sur le m6me haut-fond; des seuils d'une profondeur
mediocre la r^unissent mSme d'une part k Timor, de Tautre k
Tile Norfolk et k I'lle nord de la Nouvelle-Z^lande.
Relief. — Le relief de TAustralie n'est pas encore parfaite-
ment connu; on pent dire cependant dfes aujourd'hui que T^le-
vation la plus remarquable de ce continent est une cordiil^re
qui se dirige du nord au sud, comme les soul^vements amen-
cains, dans la region orientale et assez pr^s de la mer. Elle
forme ainsi, du cap Wilson au sud k la p^ninsule du cap York,
une sorte de grand croissant qui reproduit la convexity de la
AUSTRALIE ET NODYELLE-ZfLANDE. 447
c6te. On la d^signe sous plusieurs noms. Dahs le sud, la multi-
plicity des chalnes paralleles, des massifs et leur altitude rela-
tive, lui a valu le nom d*Alpes austfaUennes (environ 400 kilom.
de Test de Melbourne^ la riviere Yass). Les crates, faciles h
gravir, ne sont du reste pas comparables h celles de nos Alpes ;
le mont Holham^ les monts Bogong ne depassent pas 1 900 metres ;
le massif culminant des monts Koscimzko n'en a que 2 240.
Les montagnes volcaniques qui prolongent les Alpes austra-
liennes dans Touest de Victoria, les Pyrenees y les Grampiam,
sont encore moins ^lev^es (mont William 1700 m^t.). Au nord,
la cordillere continue par les chaines parall^les des Blue
Mountains (Montagues Bleues), dont les crates, hautes de 1500
et 1800 mMres seulement (Sea-view 1800 m6t.), pr^sentent des
escarpements k pic du c6t^ de la mer, et ont ainsi longtemps
arrSt6 les colons de la Nouvelle-Galles du Sud. De Tautre c6te,
elles ne sont plus que le rebord d*un plateau qui s*abaisse dou-
cement vers le Murray. Dans le Queensland, le faite s*abaisse
encore (600 m^t. environ) et les communications sont faciles
entre la c6te et Tinterieur; par contre, la chaine granitique
du Quendand septentrional se relive au-dessus de 1000 metres
et garde une hauteur de 5 & 600 metres jusqu'^ la p^ninsule du
cap York.
Au dela de cette ^pine dorsale du continent, le terrain
s*abaisse d'une fa^on continue vers Touest : sur la ligne qui
reunit les deux grandes echancrures de FAustralie, le golfe de
Carpentarie et le golfe d*Adelaide, il est rare de rencontrer une
altitude sup^rieure 2)1 150 metres, et les premiers exploraleurs
pouvaient supposer plus loin une mer int6rieure au centre du
continent. La hauteur est en general peu considerable et les
saillies peu prononc6es qu'on y remarque ne sont que ler^sullat
de Taction in^gale de Ferosion atmosph^rique ; au centre seule-
ment se dressent quelques v^ritables massifs de rochers, monts
Musgravey monts Mac-Donald ei autres qui depassent 1000 metres
d*altitude. Enfin dans TAustralie occidentale, quelques aretes
granitiques de 6 ^ 800 mfetres separent la cdte du plateau de Ti n-
t^rieur. La masse du continent australien, si peu articul^e dans
ses contours, est done egalement beaucoup moins variee dans
son relief que les iles qui I'environnent. La Nouvelle-Guinee, les
iles Salomon, la Nouvelle-Zelande, lui sont sup6rieures comme
altitude. Quant a la Tasmanic, ses monts do 1400 k 1 500 metres
448
OGtANIE.
{Cradle-Mountain f540m^t.) ne sontque le prolongement des
Alpes australiennes. . . >
Climat. — L'Australie, tr^s 6tendue du nord au sud, est
soumise k plusieurs regimes de cliraats. Par sa position sur le
globe, elle se trouve plac^e entre la zone subtropicale au sud et
celle des pluies tropicales k laquelle appartient sa c6te nord; en
mdme temps, comme clle est de forme encore plus massive que
TAfrique, elle offre h Tinterieur tous les nconv6nient8 d'un
P}ff* 19. — Comparaison de deux eontfneuts dans Tinl^rieur desquelt
se trouve un desert.
(IsoUiermes de Janvier en Ausiralie et de juillet en Afrlque.)
climat continental pousse h TextrSme. II faut done y distinguer
trois zones climat^riques dilT6rentes : 1° lenord, 2*» les cdtes est,
sud et sud-ouest ; 3<* Tint^rieur.
do Le nord de TAustralie, a peu pr6s jusqu au J 7® degre de
latitude sud, forme avec les iles malaises et la Nouvelle-Guinec
une region k deux saisons reguliercs, qu*on appelle le domainc
des moussons australiennes. Pendant V^i& austral, tandis que
dans notre hemisphere Tair froid s'accumule en fortes pres-
sions sur le continent asiatique, Tint^rieur du continent austra-
lien s^ecliauffe plus que T^quateur lui-m^me, et Fair se d^place
AUSTRALIE ET NOUYELLE-Z^LATtDE. 449
d'unc fa^^on reguliere des c6tes asiatiques vers les cdtes iiuslra-
llennes : c est la mousson pluvieuse d'ete, qui arrose tour k tour
Hong-Kong, les iles de la Sonde et la cdte de TAustralie, du
nord-ouest au golfe de Carpentarie. Pendant Thiver austral, la
mousson se renverse. L'interieur de TAustralie se refroidit bien
plus, que la mer, qui elle-mtoe est moins chaude que Tinterieur
de TAsie. L*air se d^place done de TAuslralie vers TAsie, non
moins reguli^rement que dans la saison prec^dente : c*est la
mousson d*hiver; seulement, comme elle vient de Tint^rieur du
continent australien, c'est une mousson seche.
2® Sur les cdtes est, sud et sud-ouest de TAustralie, la diffe-
rence de pression barom^trique entre la mer et le continent
est en general beaucoup moins marquee, et les saisons n*ont pas
celte simplicity. Les vents de mer y dominent bien aussi en et6
et les vents de I'interieur en hiver, mais des pluies apport^es de
la mer tombent dans tous les mois de Tannic, et la grande bor-
dure des Alpes australiennes, qui arr^te les nuages k Test et au
sud-est, y. am^ne des condensations particuli^rement abon-
dantes : dans les valines montagneuses ou s'engouffrent les vents
marins, les precipitations depasscnt 1 m^tre de chute annuelle.
Mais rirr6gularit6 du regime des vents sur ces cdtes se revele
aussi par de longues secheresses, qui ont mis plus d'une fois les
recoltes et les troupeaux en peril.
3® L'interieur de TAustralie est un desert. Ni les pluies de la
mousson tropicale, ni les vents de mer de Test, ni Talize du sud-
est n'apportent de pluies reguli^res bien loin de la cdte.
L'influence des montagnes, qui entourent le plateau australien
a Test, au sud-est et k Touest, est pour beaucoup dans cette rare-
iaction reguliere des condensations vers le centre du continent.
De I'aulre cote des Alpes australiennes, la quantite annuelle de
pluie tombee passe brusquement do plus de 1 m6tre k 40 centi-
metres et au-dessous. Pourtant, le continent australien etant
plus petit que FAfrique, la s^cheresse y est aussi moins extreme
que dans le Sahara. On n'a pas trouv6 jusqu'ici de region aus-
tralienne ou Tannee s'ecoule sans pluie aucune. Du 17® au
30® degre de latitude, il en tombe partout moins de 20 centi-
metres par an : c*est tout ce qu'on peut affirmer jusqv'ici.
Temperature. — La temperature est natureliement tres elev^e
dans rinterieur, et, a ce point de vue, le desert australien no
parait pas le ceder au Sahara. C'est que, si TAustralie est plus
Gi:o6. GL. 5*. so
450 OCfiANlE
petite, il ne faut pas oublier que I'et^ austral est plus chaud d
cause de la plus grande proximity du soleil; il y a done com*
pensation. La station d' Alice-Springs, dans I'int^rieur, sous le
tropique, a eu des moyennes niensuelles de -h 3i*,8, et encore
faut-il observer qu'elle se trouve pr6s d'un massif de mon-
tagnes ou Taltitude et la presence de Teau abaissent un peu la
temperature. On estime que, dans le desert m^me, le thei-mo-
m6tre varie de — 9 ^ -f- 50<> et au deli. C*est dans Tint^rieur de
TAustralie occidentale, dans ces plaines ou Taltitude ue modifie
pas heureusement la temperature, et ou les explorateurs For-
rest, Giles, Warburton ont failli p6rir, qu*on trouvera les tem-
peratures les plus extremes du continent australien.
Les c6tes est et sud-est de FAustralie ont des temperatures
quasi mediterraneennes, mais elles sont desolees trop souvent
par le sirocco ou vent de I'interieur. G'est ainsi qu'avec une
temperature moyenne de 19<» pour le mois le plus chaud, Mel-
bourne a des journees de 41<> k Tombre et plus, et Ton a pu dire
que la capitale de Victoria a Thiver delltalie m^ridionale, I'ete
de rAliemagne moyenne, et des maxima plus eleves que TAJgerie
ot FEgypte ! Adelaide, situee plus pr^s du centre de TAustralie,
a le sirocco encore plus souvent (parfois -+- 44® k Tombre). II
est arrive plusieurs fois que le vent brOlant du desert a detiniit
en quelques heures, en les dessechant, les moissons sur pied et
les fruits sur les arbres; il ne contribue done pas peu k dimi-
nuer les avantages que les cdtes retirent de leur climat mari-
time. Les seules parties vraiment temper4es de TAustralie sont
les contours que les montagnes abritent completement de Tin-
fluence du desert, comme Sidney ou Brisbane.
CoHpARAisoN AVEG l*Am£riqu£ DU SuD. — La grande diffe-
rence entre I'Amerique du Sud et I'Australie, dit le savant
russe Woeikof, c*est qu'en Amerique aucune chaine de mon-
tagnes ne separe Tinterieur de la cdte orientale sous les lati-
tudes temperees. Les vents dominants de Test y apporlent ainsi
Tair plus frais de la mer, des nuages et de la pluie : en Auslralie,
au contraire, une chaine abrupte intercepte tout cela, de \k la
chaleur et la sedieresse plus grandes de Tinterieur.
Hydrographie. — Les cours d'eau australiens se ressentent
de la difference des climats. A Test, des rivieres abondantes,
mais courtes, descendent les flancs bien arroses des Alpes aus-
tralicunes. Les principales sont le Snowy (Victoria), le Fitiroy
AUSTRALIE ET NOUVELLE-ZELAMDE. 451
et le Burdekin, Au nord et k Touest^ Talternance de la saison
s^che et de la saison humide a cr^e des fleuves intermittents,
Mitchell, Roper, VicloriUy Grey, Gascoyne, etc., quelquefois rem-
plis d un flot considerable, le plus souvent r6duits a un chapelet
de mares.
Le versant occidental des Alpes australiennes se deverse
presque tout entier dans un seul fleuve : le Murray 6gale par
Fetendue de son bassin le Gange et le Danube, mais telle est la
secheresse de ce versant que son debit n'est m^rae pas celui de
la Seine (350 m^t. cubes k la seconde). Le Murray proprement
dit nait h la frontiere de Victoria, et son cours sup^rieur est
aliraente par Tappoint de lous les ruisseaux des Alpes, des Pyre-
nees et des Grampians de cette province; mais son grand
affluent, le Darling, qui vient du nord le rejoindre par une
courbe immense, devient moins abondant k mesure qu'il se
rapproche du confluent.
A rinterieur, le plateau australien, comme le plateau saha*
rien, renferme dans ses parties les plus basses des lagunes ou
s'^vaporent les rivieres temporaires formees par les orages ; les ^
lacs Torrens, Gairdner, le lac Eyre, la lagune Ame'dee sent de
veritables chotts, tant6t inondes, lant6t remplis de boue demi-
liquide et reconverts d'une couche de sel : I'identite du climat a
eu pour resultat la reproduction des mtoes ph6nomenes. De
meme le Coopers-creek ou Victoria, dont le lit, k sec, s'etend du
versant occidental du Queensland jusqu'au lac Eyre, est un ouadi
comme I'oued Djedi qui se perd dans le Melrir.
Cdtes. — Les cdtes de TAustralie sont peu d^coupees en ge-
neral. Les principales articulations se trouvent naturellement
au sud-est et k Test, ou la bordure montagneuse touche de pr6s
la raer, y envoie des rameaux, y forme des golfes et des lacs.
Une vaste baie de forme triangulaire, le port Phillip, ouverte
sculement par le goulet de Queenscliff, abrite au sud de Vic-
toria les avant-ports de Melbourne, Sandrige et Williamstown,
ainsi que le port de Geelong. A Test des pointes sud-occiden-
tales de TAustralie, le cap Wilson et le cap Howe, Victoria n'a
qu'unport peu sur, Eden, dans Toow fold-bay, Mais plus au nord
s'ouvrent Botany-Bay et surtout Port-Jackson, ce golfe merveil-
leux dont le rivage sinueusement decoupe a vu naitre Sidney,
le grand centre de TAustralie orientale : plus loin, Port-Hunter
avcc Newcastle, la baie Moreton, rade admirable protegee par
45S OCfiANIE.
deux lies, et ou s'est developpee Brhhaney le premier port du
Queensland. Au dela les abris sont nombreux encore : Marybo-
rough dans la bale de Hervey, h I'abri de Tile Sandy, Roc-
khamptotiy k Tembouchure du Fitzroy, Makay^ Bowetiy etc;
mais un obstacle particulier rend Facets de toutes ces havres
difficile : c*est le r6cif de corail, la « Grande-Barriere » qui
partant du cap Sandy au sud, fait a TAustralie une ceinture de
2500 kilometres, coupee seulement de place en place par des
chenaux soigneusement etudies de nos jours Entre le cap York
et la Nouvelle-Guinee, le detroit de Torres n'cst qu'une « mer
de corail » profonde de 12 a 15 metres en moyenne, de 22 metres
au plus, semee d'ilots rocheux qui continuent la chaine des
hauteurs du Queensland, «t d*innombrables recifs de corail. Pcu
de parages ont et^ plus feconds en naufrages.
Le vaste golfe de Carpentarie est enferm^ entre la presqu'ile
du m^me nom et la peninsule d'York; ses rivages sont en
grande partie des vases a demi noyees par le flot et manquent
de ports; mais plus a I'ouest, le Port-Darwin avec Palnierstony
ou aboutira le chemin de fer transcontinental, est un des plus
vastes et des plus surs de TAustralie. Les iles Melville et
Bathurst, les bales Victoria et Cambridge, les caps Talbot et
Leveque, enfm le golfe A'Exmouth et lo cap nord-oucst ou
Vlaming sont les principaux accidents de la cdte nord-ouest.
La c6te occidentale est bien moins decoupee. Une ligne presque
droite s6pare la bale de Requin (Shark-bey) et le Port-Frey-
cinet de la bale des Geographes et de la pointe sud-occidenlale
de TAustralie. L'embouchure du Swan-river y qui sert de port
k Perth, n'est qu'une rade peu sure. Le seul port veritable de
toute la cote australienne jusqu'au golfe Spencer est King-
George-Sound y au sud-ouest du continent. Le golfe Spencer^ la
bale 6! Adelaide ou golfe de Saint-Vincent sont au contraire
deux echancrures profondes, autour desquelles se sont groupes
les centres comraerc^ants de TAustralie du sud (Port Wekeficld,
Adelaide, Glenelg, etc.). Enfm la Tasmanie doit peut-etre aux
^ glaciers qui I'ont recouverte, d'avoir conserve sur toute la c6le
meridionale des fjords profonds qui rappellent la Norvege.
Mais on n'en peut pas moins dire d une maniere gen^rale que
TAustralie rappelle le continent africain par la pauvrete de ses
articulations cotieres.
Flore et Faune. — La flore et la faune de TAustralie son>
AUSTRALIE ET NOUVELLE-ZfiLANDE. 453
remarquables par leur originality. D'une part, sur 12 300 especes
de plantcs, plus de 7 500 sont exclusivement australiennes ; de
m^me, ies 160 mammif^res trouv^s h Torigine sur le continent,
appartiennent presque tous a des types speciaux, marsupiauxy
phalangerSj omythorynques (maramif^res ovipares), etc. U y a
done \k un ph^nom^ne de localisation extrSraement remarquable,
qui s*explique par le long isolement du continent australien peut-
6tre s^pare de FAsie depuis Fage tertiaire.
D*autre part, animaux et plantes ont du s*accommoder au cli-
mat australien, c'est-a-dire s*armer contre la s6cheresse et F^va-
poration etcela n*a pas peu contribu^ k leur donner un caract^re
d'^tranget^. Les arbres Ies plus comrauns sont ceux qui ne don-
nent point d'onnbre, comme Y eucalyptus y Yacaxiiay aux feuilles
minuscules, le casuarina, qui n'a pas de feuilles du tout; la sur-
face d*^vaporation est ainsi reduite au minimum. Les plantes
qui caracterisent la flore indigene sont ^galement remarquables
par leur puissance extraordinaire d^absorption. Lors des averses
dies emmagasinent rapidement une quantite d'eau considerable,
qui pourra servir durant de longues semaines au developpement
normal de leurs tissus. Aussi, par un contraste bizarre avec ce
qui se passe en Europe, les colons australiens ont-ils partout d^-
truit les eucalyptus pour augmenter Thumidit^ du sol et pour
rendre a la vegetation herbeuse toutc Feau dont ces arbres ab-
sorbaient sans utility la meilleure partie. Les fourr^s ^pineux,
ou scrub, formes d'acacias nains et surtout de Fhorrible plante
tranchante appel^e spinifex (triodia irritans), couvrent des es-
paces immenses sur le plateau de Fint^rieur. Enfin le desert aus-
tralien a aussi ses sables mouvants, sans vegetation aucune : la
zone des dunes s'etend dans FAustralie du nord-ouest sur en-
viron 600 kilometres de longueur.
Population. — Au moment de Finvasion europeenne, FAus-
tralie ne nourrissait que 150000 k 200000 indigenes, race spe-
ciale, restee bien loin en arriere des Polynesiens neo-zelandais
et autres, par suite de Finferiorite des conditions du continent
australien, si peu favorise de la nature. Ces noirs ne sont plus
maintenant que quelques milliers, vivent miserablement de la
chasse et sont appeies h disparaitre au milieu de Faffiux des
colons europeens.
L'origine de la colonisation Vemonte a Fannee 1778, oil sir
Arthur Philip debarqua k Botany-bay un millier de con-
454 OCEAN IE.
damn^s. Les Emigrants libres ne vinrent qu'en 1820, mais au
milieu du siecle iis n*6taienl encore que 300000. La « fi6vre de
Tor )), prec6dant la colonisation syst^matique, a brusqueiiient
porl6 leur nombre k pr6s d un million en 1860, plus de deux
millions en 1880, et plus de 5 millions k Theure qu'il est.
Quant k la race de ces immigrants, Timmense majority sont Aur
glaiSf Ecossais, Irlandais. Parmi les aiitres peuples de TEuropc,
les Allemands seuls viennent en assez grand nombre ; mais ils ne
vivent pas groupSs comme dans I'Am^rique du Nord, et sont par
suite assez promptement assimil^s. Les Chinois par contre, im-
port's en masse au d'but pour le travail des mines, ont forme
un 6l6ment ethnique important, et d'autant plus dangereux pour
les blancs qu'ils ferment une classe k part, devenue puissante
par sa sobri't' et son dpret' au travail. Ces Celestes 'taient 50 000
en 1888. Mais, comme les Etats-Unis, les Australiens ont pris des
mesures legislatives pour emp^cher Timmigration de ces con-
currents devenus g^nants.
Des differentes parties de TAustralie, les plus favoris'es de la
nature, la Nouvelle Galles et I'Etat de Victoria, sont aussi de beau-
coup les plus peupl'es : elles comptent chacune pr6s d'un million
d'habitants, dont 750 000 group's en deux grandes villes, Mel-
bourne et Sidney. 11 n'y en a que 40 000 dans toute TAustralie
occidentale.
Actuellement, gr^ce k la salubrit' du climat qui donne une
mortalite exceptionnellement restreinte (16 pour 1 000), et gr^ce
d'autre part k la natalite qui est relativement forte (35 pour
1 000), — bien que TAustralie ait bcaucoup plus d'hommes que
de femmes •— Fexc'dent des naissances sur les morts contribue
k augmenter la population plus que Timmigration m'mc :
Gxc'dent des naissances en 1887 : 72487
— de rimmigration — 64 800
L'accroissement de la population australienne suivra done une
marclie rapide, quand merae le courant de T'migration se d6-
tourneraitailleurs.
66ographie politique. — Au point de vue politique, TAus-
Iralie se divise en six Ktats : la Nouvelle-Galles du Sud, le Vic-
toria, le Queensland, TAustralic meridionale, TAustralie occiden-
tale, la Tasmanie. Us sont du reste soumis a des regimes Ir's
differents.
AUSTRALIE ET NOUVEUE-ZELANDE 455
WAtistralie occidentale, si faiblement peupl^e, est encore une
« colonic de la couronhe », c'est-&-dire que le gouverneur, le
conseil ex^cutif et mSme une partie du conseil l^gislatif sont
nomm^s par le gouvernernent de Londres. La capitale adminis-
trative est Perthy petite ville situ^e sur le Swan-river ; Frcmawf/c
et Rockingham en sont les centres commerciaux, King-George^
Soundf le port d'escale des paquebots venant d'Europe, a ^t^ for-
tifi^ k frais communs par les six colonies et TAngleterre.
UAustralie du Sud (South-Australia) est raal nomm^e, puis-
qu'elle s*6tend sur toute la largeur du continent australien entre
le 429* et le 138* de longitude est de Greenwich, coraprenant
ainsi la grande peninsule h Touest du golfe de Garpentarie. A
part le gouverneur, nomm6 par la reine, comme dans toutes les
colonies australiennes, TAustralie du Sud jouit du self-govern-
ment, Elle a un Parlement compost d'une chambre basse (house
of assembly) nomm^e au suffrage universel, et d'une chambre
haute, nomm^e au suffrage restreint. La capitale est Adelaide
(150000 hab.) sur le golfe Saint-Vincent. Palmerston^ sur le
port Darwin, au nord du continent, aura une grande importance
slrat^gique et coramerciale comme point de depart du chemin de
fer transcontinental. L'Australie du Sud est, aprfes TAustralie oc-
cideritale, la plus faiblement peupl^e par rapport k son ^tendue :
520000 habitants pour 2500 000 kilometres carr6s, soit 0,14
par kilometre carr6.
La colonie de Victoria est la plus petite du continent (229000
kil. Carres), mais aussi relativement la plus peupl^e : 1 040000
habitants, soit 4,5 par kilometre carr6. Aussi, bien que de fon-
dation recente (1851) est-elle de toutes celle qui poss6de le plus
d'autonomie. Seul le gouverneur est nomm^ par la m^tropole.
Le conseil legislatif est 61u au suffrage restreint, Tassemblee le-
gislative ou chambre basse par le suffrage universel. La capitale
est Melbourne^ actuellement la premiere ville d'Australie (392 000
habitants en 1888).
La TasmaniCy encore plus petite que Victoria, vient au second
rang par la population relative : 142000 habitants, soit 2,1 par
kilometre carr6. Rest^e une colonie p^nitentiaire jusqu*en 1855,
elle s'est d6tach6e alors de la Nouvelle-Galles du Sud, et possedc
maintenant un gouvernement semblable h celui de Victoria. Le
chef-lieu est Hobart-Town (28000 hab.) au sud de Tile. La capir
tale coramerciale est Launceslon (20000 hab.) en face de Victoria.
456 OGfiANIE.
La NouvelleS'Galleg du Sud (New South Wales) est la plus an-
cienne colonic de TAustralie, comrae sa capitale, Sidney , en est la
plus vieille cit6. Elle vient apres Melbourne par le chiffre de la
population (550000 hab.), raaiselle estrcstee la capitale scienti-
flque, litteraire et strat^gique de TAustralie. Des forts d^fendent
Facets du Port-Jakson. Le gouvernement est encore en partie aux
mains de la couronne : outre le gouverneur, le cotiseil l^gislatif
est nomme par elle.
Lc Queensland, d6tach6 de la Nouvelle-Galles en 4859 seule-
luent, est soumis k un regime analogue. Son chef-lieu est Bris^
bane (74000 hab.) six autres villes ont de 5000 i 11 000 hab.
Les Australiens, bien que r^partis en des colonies diverses,
ont la conscience tr6s nette de leurs int^rSts communs, et une
federation unira les Etats tdt ou tard. En attendant, il existe d^j^
une (( politique australienne b . Elle a pour but d'englober dans
la future confederation non seulement l*Australie et la Nouvelle-
Zelande, mais la Nouvelle-Guinee anglaise, ainsi que tons les ar-
chipels britanniques de rOc6anie. Les colops australiens, fiers de
ieur accroissement rapide, affectent de]h depuis quelques annees
de vouloir dominer sur toute la surface du Pacifique, et d'emp^-
cher le d6veloppement des domaines coloniaux des autres puis-
sances europ^ennes.
DEUXlfeME SECTION
nouvelle-z£lande
La Nouvelle-Zelande, situee k 400 lieues de TAustralie, est
gi-ande coname la moilie de la France (272189 kilometres).
Elle se compose de plusieurs iles dont deux principales, ile du
Nord et ile du Sud, separ^es par le detroit de Cook.
Relief. — L'ile m^ridionale est travers6e par une veritable
chaine alpestre. C'est d'abord, au sud, un plateau de 1 000 k
1 200 metres d'eievation qui, k la hauteur du Milford-Sound, se
retrecit et se contracte en une arete montagneuse. Le mont
Eamslaw a 2 795 metres, le mont Aspiring 3 023. Au deli de
la breche eievee de 490 metres seulement, que forme la riviere
Haast, la chaine se reieve et atteint 3 768 metres au mont Cook.
Plus au nord, se presentent le mont Franklin 3 000 metres et
l3 pic Arthur 1 760.
AUSTRALIE ET NOUYELLE-Z^LANDE. 457
LML septentrionale n'offre que des soul^vements isoles. Les
gants de la contree sont le Tongainro, le Ruapehu (2 760 in.) et
le Taranaki ou mont Egmont (2500 m.).
Les deux iles out 6te le thedtre de longues commotions vol-
caniques. Dans Tisthme d^Auckland, sur un espace de 600 kilo-
metres carr6s, on a compte 61 volcans independants, ayant en
inoyenne de 160 4 200 metres de hauteur. Les uns sont de
simples c6nes de tuf, d'autres des amas de scories. L'activite
eruptive se manifeste dans les nombreuses sources volcaniques,
dans les geysers. Entre le volcan toujours actif de Tongariro et
rile fumante de Whakari, les eaux thermales et les fontaines
de boue abondent. Sur 2 kilometres de longueur, une partie
du lac de Taupo bouillonne et fume. La temperature des eaux est
de 58<* centigrades. Le lac de Rotomahana contient egalement
des eaux chaudes. Au-dessus de la rive, un crat^redc 75 metres
de circonf^rence lance des vapeurs, de la boue et des gaz sul-
fures. Le volcan de Ruapehu n'a pas moins de 100 kilometres
de circonference h la base.
Climat. — La Nouvelle-Zeiande a, selon les regions, des cli-
mats varies. 11 ne faut pas oublier que plus de 1 500 kilometres
separent les deuxextremites de TArchipel. Au nord, c*est le climat
de ritalie, au sud celui de I'Ecosse. A Aucldand, le maximum est
de 29°, le minimum de 2, ecart 26. A Christchurch le maximum
est 55°, le minimum — 6. L*ecart estici de 41*>. — La predomi-
nance des vents d'ouest qui soufflent presque sans relache sur
la cdte occidentale, apportent une forte quantity d-humidite. La
moyenne est de 0,83 centimetres k Auckland et k Dunedin, de
1 m. 38 h Wellington. La limite inferieure des neiges est A
2400 metres environ. Les glaciers descendent tres bas. Le
Tasraan, qui a 19 kilometres de long, a son extremite inferieure
h 715 metres. Sur le versant occidental, ils sont k 240 metres
d'altitude seulement.
Hydrographie. — La Nouvelle-Zelande est tres riche en lacs.
On en compte une soixantaine dans Tile meridionale. Le Te-Anan^
a 340 kilometres carres de superficie. Le Wakalipu mesure 80 ki-
lometres de long et 425 metres de profondeur. Dans Tile du Nord,
le lac Taupo^ situe k 558 metres d'altitude a une superficie de
775 kilometres carres. Les cours d'eau sont tres abondants. La
riviere Wailaki a 200 kilometres de long.
CAtes. — Le littoral est tres decoupe en ports profonds, en
458 OCfiAmfi.
anses nombreuses qui offrent en grand nombre d'excellents
mouillages. Le d^veloppement des c6tes, sans tenir compte de
toutes les sinuosit6s, est de 5 000 kilometres. L'ile du Nord se
termine par une p^ninsule effiI6e qui commence k Tisthme
strangle d'Auckland. La cdte sud-ouest de Tile m6ridionale
presente des fiords comparables h ceux de la Norv^ge. Le plus
septentrional, le Milford-Sound a 560 metres de profondeur.
L'un d'eux a 207 kilometres carr6s d*6tendue. La c6te orientale
parait Hre en voie dB soulevement. En dix annees, les plages
de Lytleton se seraient eiev^es de 1 metre. Au sud de la Nouvelle-
Zelande, s6paree par le detroit de Foveaux est Tile Rakioura ou
ile Stewart.
Flore et Fanne. — La flore est relativeraent pauvre. Elle
oflre beaucoup d'analogies avec I'Australie et I'Amerique du Sud,
mais les deux tiers des v^getaux appartiennent en propre k la
Nouvelle-Zeiande. On a compte 130 especes'de foug^res arbores-
centes, -— La faune n'a qu'un seul quadrupede, la loutre. Quan-
tity d'anciennes especes ont disparu comme le dinornis de la
famille des autruches. Le rat maori a ete externiiine. II ne reste
ni serpents ni tortues. Par contre, il y a 150 especes d'oiseaux,
parmi lesquels on pent ranger le kiwi, oiseau sans ailes qui a la
taille d'une poule. Les especes importees, cerfs, chevreuils,
lievres prospereht.
66ographie politique. — La population est evalu^e h
620 000 habitants, y compris 4500 Chinois.
La Nouvelle-Zelande, decouverte par Tasman, reconnue par
Cook, puis par Dumont-d'Urville ne fut reellement occupee
qu*en 18.39. Les immigrants eurent k soutenir une guerre de
vingt-trois ans contre les Maoris. Encore aujourd'hui I'interieur
de l'ile du Nord appartient aux anciens habitants, mais leur
nombre va sans cesse en d^croissant. De 120000 qu'ils etaient
en 1840, ils sont tombes [i 42-000.
. La Nouvelle-Zelande est administree par un gouverneur
general et des gouverneurs particuliers. Le systfeme parlemen-
taire fonctionne depuis 1853. II y a 10 provinces. La capitale
est Wellington (30 000). Elle est depassee par DunediUf Au-
ckland ci Chrhtchnrch .qid ont environ (50000 hab.).
AUSTRALIE ET NOUVELLIS-ZIJlANDE. 459
troisiSme section
QtOORAPHIE £CONOMI0Ue
Condition g6nirale et situation. — Au point de vue de la
geographie econoinique, TAustralie pr^senle un caraclere tres
original. C'est un pays extraordinairement pauvre en ressources
naturelleset spontan6es, surtout si on le compare aux regions
voisines si riches de la Chine, de Tlnde et de la Malaisie.
, C'est k r^tablissement des Europeens que ce pays a dA toute
sa prosp^rite. Les richesses qu'il renfermait a 1 etal latent, si
Ton pent dire, n'ont en eifet pris valeur que du jour ou on a su
les exploiter: cela n'est pas vrai seulement des gisementsminiers,
de Tor et de la houille, mais on peut le dire surtout des pStu-
rages qui font actuellement la fortune de I'Australie. N*est-ce pas
en effet le betail qui fait toute leur importance? or ce b^tail est
entierement d'origine etrangere.
D ailleurs TAustralie, si tard venue a la civilisation, a su reo-a-
gner vite le temps perdu. On a romarque qu'elle a passe en
moins d*un si^cle de Vkge de pierre a celui de la vapeur. Elle
est aujourd'hui plus avanc^e que les pays si vieux de la Chine et
de rinde. Ce n*est qu'un prolongement de la terre d'Europe.
Agriculture. Aptitude natdrelle. — Ce n'est pas k propre-
nient parler la culture, mais I'exploitation agricole qui est la
principale Industrie des colons australiens et la premiere source
de leurs richesses. lis ne peuvent utiliser toutefois qu'une
minime partie du continent.
C est moins au sol qu'au climat que TAustralie est redevable
de son inferiorite agricole. Les terrains seraient susceptibles
d*exploitation s*ils 6taient suffisarament arros6s. C'est Teau qui
irianque.Les chutes d'eau, tres inegalement r^parties entre les
diverses saisons de Tannic, sont en general r(^duites k quelques
mois et le reste du temps la terre n'est arros^e que par des pluies
d'orages, qui ne saurgient nulleraent compenser par une sur-
abondance de quelques heur^s les s^cheresses k longues p^riodes.
On comprend aisement qu'en presence de pareils ph^nomehesy
les cultures proprement dites ne puissent reussir. L'agriculture
ne trouye un terrain favorable que le long des c6tes orien-
talcs, dans les yallees montagneuses. Cost encore dans ces
4M ocfcunE.
cantons que s'eat concentr^e la v6g^lation foresUfere. Lea rS-
gions du nord, sur le golfe de Carpentaric, quoique apparle-
nant encore k la zone des pluies Iropicales, ne sont guSre plus
ravoriK^es, Les vents dess^ctiants de i'inl^rieur y sont frequents
et enUvent k cette contrte la plupart des avantages qu'elle
Z&NZa 0EVE6ETATI0N DC L' AUSTRAL IE
Fie.w
devrait retirer de sa position. Maia en revanche, la Nouvelle-
Z^lande n'a pas k redouter I'influence du desert, et comme le
voisinage des eaux marines lui assure d autre part une humidity
plus abondante, ellc olTre un champ bien plus favorable k I'ex-
ploitation du sol par la culture. C'est sans doutc h. celte situatiou
plus favoris^e que les populations de cet arcliipel ont dA d'arri-
AUSTRALIE ET NOUVELLEZfiLANDE. 461
ver h un fHat de civilisation bien superieur k celui des misera-
bles indigenes du continent.
Les pdturages exigent une humidity moins abondante que les
champs cultives. Mais ils doivent surtout leur extension en
Australie aux qualit^s du sol, qui compensent largement les
d^fauts du climat. Les terrains argileux qui jconstituent en grander
majority la region des prairies conservent mieux que les sols
sablonneux ou calcaires de Tinterieur et du littoral riiumidit^
si pr^caire que leur d^versent h de grands intervalles les averses
orageuses; et pourvu que ces averses ne se fassent pas trop
attendre, I'herbe pent aussi conserver durant de longues
semaines une vigueur suffisante pour servir de nourriture aux
animaux. Ces paturages, que la presence d^herbes salines rend
encore meilleurs, peuvent s'6tendre ainsi sur de vastes espaces.
lis ne sont pas concentres, corame sous nos climats, le long des
cours d'eau et dans les vallees fluviales.
La secheressereste d'ailleurs le grand fl^au. Un retard de quel-
q.ues jours dans la succession des orages a suffi bien souvent k
bruler les moissons et a faire p^rir des centaines de milliers
d*aniniaux. C'est pour prevenir ces desastres que les colons ont
execute k grands frais des travaux d'irrigation, dans le voi-
sinagc des cours d'eau. Partout ou Teau des flcuves nc sau-
rait fitre amende, ils ont creus6 des puits art^siens en grand
nombre.
. Mais ils ont aussi k lutter contre une autre calamity. Les
lapins, introduits comme gibier, ont pullul^ dans des propor-
tions inouies et causent dans certains cantons de v6ritables
desastres. Ils tondent I'herbe jusqu'S la racine sur de vastes
espaces. Des fermes enti^res et des vignobles mdme ont 616 deji
compl6tement ruin6s.
Les forets australiennes ne rappellent en general ni les for^ts
tropicales, ni les bois de nos regions. On ne rencontre de veri-
tables forets que sur les flancs arroses des montagnes le long de
la c6te, mais les plus belles se trouvent dans la Tasmanie et la
Nouvelle-Zelande. Les principales essences sont les eucalyptus,
les acacias, les cedres, les pins. Quelques arbres atteignent des
hauteurs prodigieuses. Le mahagoni, le c6dre rouge fournissent
des bois de construction, qui r^sistent aux vers. On recolle
dans la Nouvelle-Zelande differentes esp6ces de gommes tr^s
recherchees pour la preparation du vernis; et dans File du
462 OCfiANIE.
Sud, on exploile m^me des giseraents abondants de gomme
fossile.
Ce que nous savons d^ji des aptitudes agricoles de I'Australie
nous permet de ne pas insister sur la repartition de la culture
des cereales. Le Queensland et la Nouvelle-Galles du Sud ne
suflisent pas h leur consommation. L'Australie m^ridionale et le
pays de Victoria ofTrent une situation meilleure, mais le rende-
ment moyen est encore tr^s faible, Dans Tile septentrionale de
la Nouvelle-Zeiande, dont le sol volcanique ajoute aux qualites
du climat, on obtient un rendement de 26 hectolitres de ble a
I'hectare. C'est presque le r^sultat auquel on arrive en Angle-
terre, le pays par excellence de la culture intensive (28).
C*est le fromeni qui occupe la majeure partie de ces terrains
reserves aux cereales.
Vavoine, la cer6ale des pays froids fourriit deja dans le Victoria
et dans la Tasraanie d'abondantes r6coltes ; mais c'est la Nouvelle-
Zelande qui est au premier rang. VorgCy si necessaire dans un
pays qui consomme beaucoup de bi6re, ne fournit pourtant
qu'un million d'hectolitres, riecueillis surtout dans la Nouvelle-
Z61ande. La recolte de mdfi's, qui 'est un peu plus abondante,
vient des pays plus chauds de la Nouvelle-Galles du Sud et du
Queensland.
Ce sont encore les regions temper^es de la Nouvelle-Zelande et
de la Tasmanie qu'il faut citer en premiere ligne pour les
pommes de terre, EUes fournissent plus des 7/10 de la r<5colte
to tale.
La plus grande partie de ces productions sont consommees sur
place. L'Australie n'ecoule guere h F^tranger que ses sucres,
ses tabacs, ses vins.
La culture de la canne a sucre n*en est pourtant qu'^ ses debuts
dans les colonies anglaises ; mais elle a ete organisee de prime
abord en grand par les soins d une compagnie puissante. C*est
naturellement dans la region la plus chaude du nord aux environs
du tropique que les champs de Cannes sont le plus nombreux. Le
Queensland est jusqu'& present le seul Etat qui prenne une' part
importante au commerce de cette denree.
La vigne reussit bien en Australie; forte chaleur estivale, doux
hivers, humidite mediocre, toutes les qualites climat^riques
requises se trouvent reunies. C'est surtout dans les districts
mei idionaux des Etats de Victoria et de TAustralie meridiouale
AUSTRALIE ET NOUVELLE-ZfiLANDE. 463
qu'on a fait le plus grand nombre de tentatives. Mais il ne
semble pas que tous ces efforts aient ^t6 couronn^s de succ^s.
Los vignobles australiens ont beaucoup a souffrir de Tinvasion
du phylloxera; les produits sont toujours tres m6diocres, sans
bouquet, apprecies surtout par les planteurs eux-m^mes, et
riraportation depassc encore de beaucoup I'exportation.
La culture du tabac a et6 introduite dans plusieurs colonies;
mais I'Etat de Victoria seul en produit une quantite considerable
(un million de kilogrammes). L'accroissement de la production
locale n'arr^te pas d'ailleurs I'importation, qui atteint une
valeur toujours plus grande. La consommation est en connexion
tr6s intime avec les progr6s de Tdevage, puisque la plus
grande partie des feuilles recolt6es sur place ou import6es sont
employees au lavage des laines.
Quelques plantes textiles, le coton dans le nord, une sorte de
chanvre, le Phormium tenax de la Nouvelle-Zelande, raeritent
encore d'etre cit6s ; mais ils ne sont pas Tobjet d'une exploitation
serieuse.
Au reste tous ces divers produits, c^r^ales, cultures indus-
trielles, n'ont d'importance que pour les colons australiens eux-
raemes, puisqu*ils ne d6passent gu6re les besoins locaux.
Elevage. — Comme pays producteur de laines, de viandes et
en g6n6ral de mati^res animates, TAustralie joue dans le
raonde un r61e de premier ordre. Nous savons d6j& qu elle est
particuli^rement favorable au developpement de Velevage.
On pent toutefois distinguer deux regions, qui doivent aux
differences d'humidit6 un mode d'exploitation special. L'int6-
rieur du continent, au climat sec, aux herbages maigres, qui
forcent Taniraal k parcourir beaucoup d'espace pour trouver sa
nourriture, favorise de pr^f^rence I'^levage du mouton k laine
iSne. Les pdturages meilleurs, plus humides, plus abondants de
la Nouvelle-Zelande, ou les troupeaux peuvent plus facilement
rester sur place, produisent des animaux a la laine plus gros-
siere, mais gras, riches en viande, plus propres par consequent
a la boucherie. II r^sulte de ce double caraclere que la Nouvelle-
Galles du Sud, le Queensland, le pays de Victoria sont surtout
des centres producteurs de laines; la Nouvelle-Zelande exporte
de preference les viandes et les. produits secondaires qu'on retire
des animaux abattus, peaux, cornes, graisse, etc. II faut ajooter
d'ailleurs que rabaisscment considerable du prix des laines
461 OG^ANIK.
brutes a force de norabreux ^leveurs, sur le continent m6me, h
developper cette seconde branche dindustrie aux depens de la
premiere.
Depuis 1880 le nombre des t^tes de b6tail es' restda.peu pr^s
stationnaire ; il a plutdt 16g6rement dteru k la suite d'une serie
d'annees de s^cheresse. II est encore bien minime eu 6 ard k
rimmense etendue du continent; mais il est plus exact de le
niettre en regard du chiffre mSme de la population et la compa-
raison devient frappante. On a calcule en effet qu'il y avait en
moyenne en Australie quatre boeufs et vingt-cinq moutons par
t^te dliabitant. Pour cette dernifere categoric d animaux la pi^o-
portion atteint merae 40 et 50 dans certains Etats, alors qu'elle
ne depasse pas 1/2 en France.
Grdce h des croisemeiits heureux qui ont amelior^ la race, les
eleveurs australiens ont su mettre leurs produits au premier
rang sur les marches du monde. Mais c'est surtout la secheresse
du climat qui donne a leurs laines ces qualites de blancheur,
de resistance, de finesse, si appreciees par les industriels d*Eu-
rope. Les toisons deviennent en general de plus en plus gros-
si^res k mesure qu'on s*avance dans le sud vers des regions plus
humides. L'Australie expedie en Europe chaque ann^e et produit
par consequent pour plus de 550 millions de francs de laine.
C'est environ les 2/3 de ce que fournit TEurope enti6re et
presque le quart de la production totale du monde. La produc-
tion des laines australiennes se repartit naturellement entre les
diverses colonies suivant le nombre des tetes de betail que pos-
S(!jde chacune d'elles. La Nouvelle-Galles du Sud et Victoria sont
au premier rang. La Nouvelle-Z61ande ne vieut que bien loin
derriere ces deux Etats pour la quantite et la quality.
Mais c'est Tarchipel n6o-zelandais qui vient en tete pour Tex-
porlatibn des viandes, Cette branche d'industrie, toute recente,
a pris en peu d'annees d'immenses proportions. Les moutons
congeles sont exportes sur des navires sp^ciaux, ou la tempera-
ture est maintenue pendant les quarante jours a — 6®; et ^
Londres on a construit des docks souterrains organises dans les
memes conditions. — Le nombre des moutons ainsi exp^di^s
d'Australie en Angleterre ne d^passait pas en 1882 60000; il
montait en 1887 au chiffre enorme de 850000, dont prfes de
800000 sortis de la Nouvelle-Zelande seule.
Notons pour terminer qu'on a tente, non sans succes, I'elevage
AUSTRALIE ET NOUYELLE-ZfiLANDE. 4C5
de Yautruche dans Tftat de Victoria et du chameau dans I'Aus-
tralie du Sud.
Lcs armateurs de Melbourne envoient de nombreux bateaux k
la recherche de la baleine dans les mers du Sud. On p^che les
huitres sur la cdte de Sydney et la recolte annuelle de nacre aux
lies Thursday atteint 700 tonnes, d une valeur de 5 millions de
francs.
Ce court expose suffit k montrer quelles ressources agricoles
les colons australiens ont su tirer d un sol naturellement ingrat.
G*est, jusqu'i present, Televage leur principale richesse.
Industrie. — L'Australie est favorisee de toutes mani^res
au point de vue des richesses minerales : k cdt6 des m^taux
precieux, qui ont attire sur elle Tattention du monde, elle pos-
sede d'abondants gisements de combustible, qui permettent k
I'industrie manufacturi^re de prendre une grande extension.
Bien qu*ayant perdu la moitie de leur importance, les mines
d*or de TAustralie conservent neanmoins une place considerable
dans la production du monde. Elles sont dissemindes sur tout le
continent et dans la Nouvelle-Zelande, associees aux differents
etages du terrain tertiaire; mais c'est TEtat de Victoria (Balla-
rat), qui a produit les quantites de metal de beaucoup les plus
considerables. De 1851 h 1885, I'Australie a contribue pour un
tiers k la provision d'or recueilli dans le monde. Les Etats-Unis
depassaient un peu cette proportion (38 pour 100); la Russie,
rAm6rique du Sud, ont donne le reste. Aujourd'hui la propor-
tion diminue d'une fa(?on constante, et la decouverte de nou-
veaux gisements dans le Queensland et dans TAustralie occiden-
t^le ne compenseront pas cette diminution. La recolte annuelle
n'atteint plus 40000 kilogrammes, dont la moitie est fournit
encore par I'Etat de Victoria.
G'est en raison meme de cet ^puisement des mines d'or, qu'on
a fonde plus d'esp^rances sur les mines Hargent^ recerament
decouvertes dans la Nouvelle-Galles du Sud et dans le Queens-
land; mais on ne connait pas encore Timportance de ces nou-
veaux gisements.
Ge sont d'ailleurs les mines de houUle qui ont le plus gagng
k la depreciation des metaux precieux. G'est dans la Nouvelle-
Galles du Sud qiie se trouvent les champs de charbon les plus
abondants : nouvelle source de richesses pour cette colonic, et
qui lui assure la preeminence sur toutes lcs autres. I^a prdduc-
g£og. cl. 3*. 30
466 OGlfeANIE.
tion atteint presque 5 millions de tonnes, dont les deux tiers
sont exportes dans les colonies voisines par Newcastle, le port
attitr^ du charbon, en Australie, comme son homonyme en
Angleterre.
G*est encore la iNouvelle-Galles du Sud la colonie la plus riche
en min^raux de fer, et c'est la seule ou I'extraction soit dejii de-
veloppee (7000 tonnes).
Le Queensland fournit actuellement pour plus de 5 millions
de francs d'e'tem, et TAustralie m^ridionale pour 8 millions de
cuivre. Le sel abonde sur les lacs de Tint^rieur,
Vindustrie proprement dite n'est pas encore tr6s developp^e
dans ce pays ou I'exploitation directe du sol ouvre h Tactivite
des habitants un champ presque illimite; en attendant, les
industries deriv6es de Fagriculture ont pris un grand develop -
peraent. G'est ainsi que se sont fondles en grand nombre des
tanneries, fonderies de suif, fabriques de viandes conserv6es et
de noir animal, filatures, tissages. Les minoteries, distilleries et
brasseries se rencontrent surtout dans les Etats meridionaux;
le Sucre de canne est prepare dans le Queensland; et la Nou-
velle-Z61ande, aux riches for^ts, est renomm^e pour ses chan-
tiers de construction navales. L'Australie fabrique mdme d^j4
une partie de ses machines.
Commerce. Voies de communication. — L'etablissement
de voies de communications nombreuses et faciles s'impose au
premier chef dans un pays qui vit du commerce de matieres
encombrantes.
Or, il n*y a pas en Australie de voies navigables fluviales k pro-
prement parler : c*est a peine si quelques petits vapeurs sillon-
nent le cours inferieur du Murray et du Darling; mais il faut re-
marquer en revanche que la configuration du pays favorise
extraordinairement le cabotage entre les di verses colonies.
On a commence de bonne heure a construire un reseau de
routes qui devait sillonner les di verses colonies; mais Tetablis-
sement des chemins de fer etant survenu avant qu*il fAt ter-
mini, on a neglige de le pousser plus loin.
Ce sont les voies fen*ees qui ont veritablement ouvert Finte
rieur et permis de I'exploiter dans toutes ses parties. Les voies
les plus importantes sont done celles qui, perpendiculaires h la
c6te, franchissent la barriere montagneuse du littoral et par-
coji^j'eul cnsuitc les vastes espaces des savanes; mais elles nc
AUSTRALIB ET NOUVELLE-Z^LANDE. 4C7
depassent encore le Darling que sur un petit nombre de points.
Toutes ces lignes viennent s'amorcer sur une sorte de « Grand
Tronc » qui court parall61ement h la c6te, reliant entre elies les
di verses colonies d' Adelaide ^ Brisbane par Melbourne et Sydney.
Adelaide doit devenir enfin le point d*attache de deux grandes
lignes transcontinentales qui jolndront cette ville k Palmerston
(port Darwin) a(u nord, k Perth k Touest, mais dont on a seule-
ment construit les premiers trongons.
On compte actuellement tant sur le continent que sur la Tas-
manie et la Nouvelle-Zelande pr6s de 17 000 kilometres en ex-
ploitation et 3000 en construction. Cela repr^sente, si Ton s*en
tient aux lignes actuellement exploitees, une proportion de plus
de 40 kilometres par 10000 habitants.
Les lignes telegraphiques s*etendent sur 65 000 kilometres et
comprennent 120 000 kilometres de fils.
Palmerston est le point d'attache du cAble qui, par Batayia et
Singapour, relie TAustralie k I'Europe; un autre csible sous-ma-
rin joint au continent la Nouvelle-Zelande. Deux nouvelles lignes
doivent relier directement TAustralie occidentale k Ceylan, et
Sydney a Vancouver, sur la c6te canadienne.
Le commerce inlerieur est aussi actif qu'entre les differents
pays d'Europe, Comme en Europe en effet, la nature des pro-
duits est tres vari^e et sollicite necessairement un grand mouve-
ment d*echanges.
Le commerce exte'rieur proprement dit, qu*il est difficile d'^va-
luer d*une fagon precise, depasse 3 milliards.
Les exportationsy qui sont un peu inferieures aux impor-
tations*, comprennent avant tout, bien entendu, les produits
agricoles et les metaux. La laine est au premier rang des mar-
chandises vendues a I'etranger; elle represente une valeur de
550 millions de francs (1888). L'or ne vient que bien loin der-
riere. Les viandes et les animaux de boucherie prennent une
grande importance; les peaux, le suif, et depuis quelques
annees les cereales meritent d'etre cites.
A Vimportation affluent en retour de la metropole et de I'Eu-
rope les objets manufactures de tout genre : tissus, quincaille-
rie, etc., et des denrees alimentaires, bieres, vins, eaux-dc-vie;
* — Importations en 1889 : i 712 millions.
Exporlations — : 1 5t0 —
I'i
468 OC£aNIE.
les pays voisins de. FAsie envoient en outre quelques produits
coloniaux : sucre, th^, tabac.
VAngleterre occupe un rang h part dans le commerce austra-
lien. Elle y participe h elle seule pour la moitie, tant aux impor-
tations qu*aux exportations. C*est Londres qui est le plus grand
march6 des laines australiennes et c*est dans les docks de la
Tamise que les autres nations de I'Europe vont s'approvi-
sionner. Les Anglais inondent d*autre part leur colonie des pro-
duits divers de leurs manufactures.
Les relations de la metropole avec sa colonie ont perdu nean
moins dans ces derni^res ann^es de leur importance relative ; et
c'est le commerce allemand qui a gagn6 en g6n6ral k ce recul.
Uambourg expedie r^gulierement vers le continent australien
des cargaisons considerables de produits allemands.
Par un ph^nomene bizarre, la France, c'est-^ dire le pays qui
consommait le plus de laines de toute I'Europe, n*entretient
avec le pays producteur par excellence de cette matifere qu'un
trafic insignifiant (35 millions). G*est que nos industriels ont
conserve I'habitude de se fournir k Londres, et c'est une des
raisons qui expliquent pourquoi Dunkerque est notre grand port
d'imporlation de laines. On remarque toutefois, depuis quelques
annees, une tendance tr^s marquee des produits australiens a pas-
ser par Suez et Marseille, pour gagner directement nos manufac-
tures du Nord. Notre commerce avec I'Australie ne peut qu'cn reti-
rer de grands profits. Nous achetons surtout h ce pays des cereales
pour une vingtame de millions de francs et nous lui vendons,
pour un chilTre bien moindre, des vins et des eaux-de-vie.
Les Etats-Unis entretiennent aussi avec I'Australie un com-
merce actif alimente surtout par importation dans ce dernier
pays d*objets manufactures.
La Chine enfin fournit du th^; Maurice et Java, du sucre;
VInde envoie du riz et des mati(!;res textiles.
Sydney et Melbourne sontles deux grands ports de TAustralie.
Ce sont eux qui expedient k peu prc^s la totality des marchan-
dises destinies k T^tranger et dont ils rcQoiventune partie, parle
cabotage, des autres ports de second ordre sont : Brisbane,
Adelaide et Hobart.
11 convient de citer k part les ports de la Nouvelle-Z^lande :
Auckland, Wellington, Dunedin, dont le mouvement ne d^passe
pas 1 million de tonncaux.
AUSTRALIfi ET NOUVELLE-ZISlANDEI. m
Les ports australiens sont en relations reguliferes avec la me-
tropole par 2 lignes de paquebots, Tune desservant d'abord
TAfrique occidentale et la colonic du Cap, Tautre passant par le
canal de Suez. Ceite derni6re se bifurque k Pointe-dc-Galles,
pour gagner Sydney par le nord, et Melbourne par le sud du con-
tinent. Une troisiferae compagnie dessert la Nouvelle-Zelande et
rejoint San Francisco.
Les paquebots des Messugeries maritimes de France, allant
k la Nouvelle-Caledonie, touchent egaleraent aux ports aus-
traliens, de m^me que les navires du Norcldeutscher Lloyd.
L'Australie a vu sa puissance ^conomique se developper d'unc
fa(?on merveilleuse depuis un demi-siecle. A peine connue il y
a cent ans, elle est aujourd'hui un des pays les plus riches, les
plus prosp6res du monde. Ce n'est du reste ni k la laine, ni k
Tor, ni aux quelques autres produits que fournit son sol qu'ello
doit exclusiveraent une aussi brillante fortune. A toutes ces
causes derichesse, il convient d en ajouter une autre. C'est que,
k I'oppose de Tlnde, I'Australie est une excellente colonie de
peuplement.Les Anglais, retrouvant dans ce pays des occupations
en rapports avec leurs gouts, s'y sont portes en foule et ce mou-^
vcment d'emigration n*a pas ete Teffet d'un engouement passar
ger. II a persiste jusqu'i T^poque actuelle, ou 200000 individus
gagnent, annee moyenne, TAustralie pour s'y ^tablir sans esprit
de retour.
Ainsi pourvues en hommes, les colonies australiennes ont su
donner au sol maigre, dont elles sont en bonne partie consti-
tutes, une valeur ^norme. L'elevage est arrive k son plein d^ve-
loppement : la culture proprement dite est en progr6s marque.
Mais TAustralie a de nos jours une autre ambition. Gomme les
Etats-Unis, dont elle a suivi d'une mani^re remarquable la mar-
che historique, elle tend k devenir un pays manufacturier ; et k
vrai dire elle possede tous les elements d'un grand developpe-
ment industriel. Elle tend en d*autres termes a produire chez
elle la s6rie complete des objets n^cessaires a la vie d un peuple
civilise. Les colons esp^rent ainsi se passer peu a peu de TEu-
rope. Nul doute que cette situation 6conomique et cette arabi-
. tion pacifique n'entrent pour beaucoup dans les tendances sepa-
ratistes des colonies australiennes et dans leur desir, bien haute-
ment accuse, de se grouper en une confederation plus ou moins
independante, qui deviendrait maitresse du reste de I'Oceanie
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470
OCfiANTE.
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De Quatrefages. Hommes fossiles el hommes sauvages.
CHAPITRE I¥
POLYNESIE
Entre la Nouvelle-Guin6e et les archipels qui en dependent
d une part, et le continent americain d'autre part, s'6tendeiit les
iles polynesiennes. Ces lies doivent leur origine soit aux erup-
tions volcaniques, soit aux constructions madr^poriques. Dans
rileB2rara(Nouvelle-Bretagne) un volcan actif atieint 2000 me-
tres. Dans File Bougainville (archipel des Salomon) se succMe
une rangee de volcans. Le mont Balbi, point culminant, d^passe
1800 metres. On distingue d?ins ce dernier archipel deux axes de
soulevement oil les sonimets ont de 1 000 k 1 500 metres. Dans
la partie intertropicale du Grand Ocean, entre les iles Carolines
POLYNfislE. 47!
et les lies Tuamolou, sur une longiieur de 2500 lieues, s*^tcnd
une zone d afTaissement. G'est la region par excellence des Atolls.
Ce sont des ilots en forme d anneaux ou de fers k cheval
entourant une lagune peu profonde. Gomme on les trouve k une
grande distance au-dessous de la surface marine, il est clair que
le sol s'est affaiss^. En certains parages, les infusoires ont relie
les Hots par des r^cifs mesurant jusqu*^ 400 lieues de long sur
des centaines de metres d*^paisseur. Les iles basses corallig^nes
occupent en Oceanic plus de 4 millions d'hectares.
La Polyn^sie est dans la zone des aliz^s du sud-est. Ces vents
dominent pendant les deux tiers de Tannic, puis vient la mous-
son d ouest et du nord-ouest. Dans les iles occidentales, il pleut
en moyenne un jour sur trois. Les montagnes expos^es aux
vents du sud-est regoivent jusqu'i 3 m. 75 de pluie. Mais par-
fois des annees enti^res se passent sans pluies dans les iles
basses ou rien n'arr^te le vent. C*est dans le voisinage de Td-
quateur qu*il pleut le moins, h cause de la grande chaleur des
bancs de corail ou de sable.
La flore polyn6sienne est pauvre en especes, mais la vegeta-
tion est exuberante. On ne trouve gu6re qu*un seul maramifSre,
le rat.
Les iles polyn^siennes sont habitues par une race de mSme
origine. Le groupe des iles Samoa a ^t^ le centre d'expansion de
ces peuplesqui, montes sur leurs pirogues, ont colonist toutes
les lies du Pacifique oriental.
Colonies frangaises. — Noovelle-Caledonie. — La Nouvelle-
Caledonie est trois fois grande comme la Corse, mesurant
309 kilometres de longueur sur 60 de largeur moyenne.
Sa superficie est de 21 000 kilometres carres. II faut y joindrc
Vile des Pins et les Ues Loyaute ou Loyalty qui appartiennent au
meme groupe geographique. ^
Plusieurs massifs montagneux la couvrent k Tinterieur ; ils
sont separes par des plaines horizontales. Le plus elev^ est le
massif de Humboldt (i 634 metres). La dentde Saint- Vincent
s'eleve k 1 445 moires. Tout le littoral est borde d'une ceinture
de coraux de 200 k i 000 metres de largeur, les passes sont
rares et dangereuses.
Situ6e dans la zone torride, la Nouvelle-Cal^donie a une tem-
perature fort eievee. La moyenne k Noumea est de 23® centi-
grades, mais les hearts sont assez considerables. Les sautes de
472 OGEANIE.
vent, fr^quentes en Janvier et en f^vrier, amSnent des ouragans
et des cyclones. — Les pluies, qui torabent T^tedonnent environ
i m^tre par an. Le climat est trfes salubre.
La flore varie suivant la nature des terrains. L'essence la plus
commune dans les forSts est le santal. La faune est assez pauvre.
Les seuls mammiferes sent les chauves-souris et les rats, mais
les espfeces europeennes se sont propagees rapidement.
Les naturels qui sont de ra^me race que les Papous onl garde
le nom de Canaques. De 60 000 environ qu'ils etaient au milieu
de ce si6cle, ils sont tombes h 23 000.
Decouvertc en i776 par Cook, la Nouvelle-Caledonie a 6te
occup^e par la France en 1853-54. Elle a et6 ^ I'origine un lieu
de deportation. Les forgats sont aujourd'hui environ 9000,
les lib6res 4000. Les etablissements penitenciers ont ^te rele-
gu^s dans File Nou et la presqu*ile Ducos. Le nombre des
colons libres a beaucoup augments. Ils sont 2600, sans compter
les fonctionnaires et leurs families dont le nombre est de 3 400.
Les soldats et policiers comptent pour 2 900. La capitale est
Noumea.
Les lies Loyaute qui dependent du gouverneur de la Nouvelle-
Caledonie sont au nombre de trois, Lifouj Mare et Ouvea,
Les colons de la Nouvelle-Cal6donie ont occup6 et mis en
valeur Tarchipel voisin des Nouvelles-Hebrides. Ces iles sont
d'origine volcanique et renferment un volcan en activity. Le
climat chaud et tr^s humide produit une vegetation toufFue
mais il est insalubre aux Europeens. Les Anglais intriguent
depuis longtcmps pour y etablir le gouvernement de la reine.
Les habitants de Franceville, fatigues de voir repousser les
demandes des colons en vue dune annexion k la France, ont
proclame leur independance, mais les gouvernements interesses
ne sauraient y consentir.
L'archipel des Nouvelles-H6brides est complete au nord par
Tarchipel de Santa-Cruz, L*ensemble repr^sente une superficie
de 13 a 14000 kilometres carres avec 70000 habitants.
Taiti. — Dans le groupe des iles de la Societe, la France
possede Taiti et son annexe Moorea. Taiti est formee de
deux lies jointes par un isthme etroit. La plus grande est
remarquabiement circulaire. C'est un bloc volcanique qui porte
k son sommet de nombreux crat^res. La cime culminante, le Dia-
detne^ a 2450 metres. Taiti mesure environ 12 & 13 licues de
L
POLYN^SIE. 473
long sur 7 de large, line ceinture de recifs la protege centre les
ouragans et les tempdtes.
En 1774, Cook estimait sa population k 240 000 hab. En
1797, d'apr^s les missionnaires, elle etait de 50000 seulement.
Citte decroissance, causae surtout par Tusage des liqueurs fortes,
continue sans cesse. II n*y a plus aujourd'hui que 9000 indi-
g<3nes. Us passent pour les plus beaux et les plus doux des Ocea-
niens.
Placee sous le protectorat de la France depuis 1842, Taiti a
^te annex^e k Tempire colonial fran^ais en 1880, k la suite
d*un traite avec la reine Pomar6 Y. I^a capitale est Papeete
(3600 hah.)-
La France a pris possession des Iles sous le vent situ^es k
20 lieues au nord-ouest de Taiti. Les indigenes voudraient,
parait-il, conserver leur autonomic avec le drapeau du protec-
torat plut6t qu'avec le pavilion fran(?ais.
Depuis 1887 les iles Wallis situees au nord-est des iles Fidji
elaient placees sous notre protectorat. Les deux principales sont
Wallis ou Ouvea et Fotouna. La population , est d'environ
5000 habitants. La seconde des deux iles est occup^e depuis le
mois de juin 1889.
Leur importance vient de leur situation sur la route de la
Nouvelle-Caledonie, vers Fisthme de Panama. Ouvea poss6de un
port naturel assez sur.
La France possede encore Farchipel des Marquises, chef-lieu
Nouka-Hivay les Toubouai, les iles Tuamotou et les iles Gam-
bier. En 1889, le protectorat a ete organise k RouroutoUy Rima-
tara, Maria, Ranouna et Manihiki. Toutes ces iles prendront
une grande importance le jour ou le canal de Panama sera
perc6.
On considerait jusqu'ici conune frangaise la petite ile de
Pdqiies ou un marchand frangais avait arbore notre pavilion.
Cehii-ci ayant et6 assassin^, il y a dix ans, son associe a vendu
Tile au gouvernement chilien.
En resume, Tenserable des possessions frangaises en Oceanic
represente une superficie de 25000 kilometres carres avec une
population de 90 000 habitants.
Colonies anglaises. — L*Angleterre possede, dans le voisi-
nage de i'archipel Tonga, le groupe des iles Vifi ou Fidji. II
se compose de 200 k 250 ilots (environ 20000 kil. carr.), dont
•^fcj
< -i
474
OGfiANIE.
80 sculement sont habitus. Les deux principales iles sont Viti
Levou qui est aussi grande que la Jamaique et Vamia LevoUf
qui est trois fois plus ^tendue que File Maurice. Elles sont
ceintes d*une barriere de coraux qui depasse 600 metres d'6pais-
seur. — L'ann^e se partage en deux saisons : Tune fraiche de mai
k octobre, Tautre chaude et pluvieuse. La temperature moyenne
est de 25<^. Le contingent des pluies est annuellement de 9 m. 13
i 2 m. 72. — La flore est celle des regions tropicales. La faune
est extr^mement r^duite. — Le dernier d^nombrement a donn^
152 700 habitants. Les indigenes, remarquablement robustes,
ont embrass^ le protestantisme. Le port principal est Mbau^ k
Tembouchure de la riviere Lewa
Entre I'Australie et les lies Fidji, FAngleterre d^tient Tile
Norfolk (44 kil. carr. ; 700 hab.) qui fut colonisee par des habi-
tants de File Pitcaim^ laquelle, situ6e dans le groupe des Tua*
motou, avait et^ jadis mise en culture par des marins anglais
revoltes.
L'Angleterre a annexe en 1888 les iles Christmas y Fanning ^
Penchyn et Echiqnier en vue de r^tablissement d'un cAble de
FAustralie au Canada et une autre ile Christmas au sud-ouest de
Java pour servir de point d*attache au c&ble de TVnde h FAus-
tralie.
En 1888 elle a pris sous son protectorat Farchipel Cook ou
Herveyy compost de 4 Iles et de 6 ^ 7 ilots. La population est
d*environ 700 habitants. C'est un dep6t de charbon sur la route
du Canada k FAustralie.
En 1889 elle a annexe les lies Souvarow^ Humphrey, Roka-
houga et Phcenix.
Les conventions de 1885 ont laiss^ aux Anglais la moitie de
Farchipel Salomon,
Le total des colonies anglaises de FOceanie donne une super-
ficie de 200000 kilometres carres avec une population de
280 000 habitants, en y comprenant la Nouvelle-Guinee an-
glaise.
Colonies allemandes. — Les Allemands ont occupy les Iles
Marshall et Navodo (110 kil. carr.), Farchipel Bismarck
(52000 kil. carr.) et les iles Salomon du nord (22 000 kil.
carr.); au total, en comptant la Terre de Fempereur Guillaume,
un doraaine colonial de 250 000 kilometres carres avec 580 000
habitants.
POLYNfiSIE. 475
Colonies des ^tats-Unis. — Les Etats-Unis ont occupe au
'centre du Pacifique les iles de Wnion et Gilbert^ qui sont
plutdt des ports de ravitaillement que des colonies proprement
dites.
£tats prot6g68. — L'archipel des lies Tokga , situ6 dans
la partie m^ridionale du Grand Ocean, comprend trois groupes
formes d'une centaine d'iles. Sa population est de 23 000 habi-
tants de religion chr^tienne. C'est un royaume dont la capitale
est Noukoualofa, Des trait6s d*amitie conclus en 1876 et en i879
avec TAUemagne et TAngleterre leur accordent des avantages
sp6ciaux. Le vieux roi n'a pas d'enfants et il a perdu en 1889
Iheritier du tr6nc. On craint que des troubles n'eclatent a sa
mort et ne justifient une intervention etrangSre.
Les iles Samoa ou iles des Navigateurs forment un groupe de
la Polyn^sie compose de 14 iles, dont 3 importantes.
Sawat (700 milles carres) est dominie par de hautes montagnes.
Elle renferme un seul port Saluafata ou les AUemands ont ^tabli
un depdt de charbon.
Vpolu (550 milles carres). C'est une ile rieutre. Depuis 1879
elle est administree par un roi et une Assemblee, sous la direc-
tion des consuls d'Allemagne, d'Angleterre et des Etats-Unis. La
capitale Apia, sur la c6te nord, est un excellent port.
Tutulla (55 milles carres) est coupee en deux par le port de
Pago-Pago qui a toujours ^te consid^re comme appartenant aux
Eats-Unis.
En 1872 la compagnie allemande avait absorbe tout le com-
merce des iles Samoa et cherchait k s'assurer la direction du
gouvernement. Deux princes se disputaient le pouvoir. L*un
d*eux Malietoa Tavait emporle. Les AUemands le renverserent et
le firent prisonnicr, puis ils installerent une sorte de Parlement
avec un AUemand pour premier ministre. Les indigenes se
r6volterent, iTinsligation des Etats-Unis. La guerre recommen^a ;
mais, au mois demai 1888, deux navires allemands et americains
ayant ete coules par un cyclone, les hostilites cesserent. Une
conference se reunit a Berlin. Aux ternies de Taccord public au
mois de juin 1890, Malietoa est r^tabli, I'independance et la
neutralite de Samoa sont consacrees.
£tat ind^pendant. — Au centre du Pacifique, se trouve le
royaume des iles Havai ou des iles Sandwich. Ces 8 iles ont une
superficie d*environ 17000 kil. carres. Au Nord se creusent des
I
470
OG^ANIE.
abirnes de 2000 et 4000 metres de profondeur ; au Sud, la sonde
descend jusqu'i 8 500 mfetres.
La plus grande de ces lies, Hawat a 50 lieues de long sur
autant de large. Un chenal de iO lieues de large la separe de
Tile Maui. A 80 lieues de 1^ s'el6ve Tile Kauai. Entre Maui et
Kaul, se rencontre la petite ile Oahu, qui renfcrme la capitale
Honolulu.
Ces lies sent d*origine volcanique. Dans Tile d'Hawai se
dresse le Mauna-Loa (4145 m.). Le' grand cratere a un dia-
metrc de 2 kilometres et demi, une profondeur de 300 metres.
En 1880 une eruption dura 6 jours et deversa 700 millions de
metres cubes de laves. Surles flancs duMauna-Loa, k 1 000 metres
d'altilude s'ouvre le cratere du Kilauea. C'est un abime circu-
laire de 15 kilometres de tour. Le fond est rempli par un lac de
lave. En 1840 ce lac s*ecoula par un courant de 5 millions de
metres cubes. Le Mauna-Kea atteint presque Taltilude du Mauna-
Loa (4200 m.), le Mauna-Eualaldiy a 2500 metres.
Les iles Sandwich sont comprises dans la zone torride. Les
extremes de temperature sont 52 et 11**. Les pluies donnent par
an de 1 m^tre et demi k 2 metres. Certains endroits de la c6te
orientale regoivent jusqu'i 7 metres.
La flore n'est pas tres riche. La zone foresti^re s'6tendjusqu*i
2000 metres; plus haut vient la zone des arbustes, puis la zone
alpine. La faune est pauvre en mammiferes.
L'ile de Kauai fut d^couverte au mois de Janvier 1 778 par
Cook, qui trouva la mort, Tannee suivante, dans la baie do
Kcalakekua. Sous Tinfluence des missionnaires et des colons
americains, les Hawaiens ont repudie leurs dieux, leurs super-
stitions, leur barbaric pour adopter les coutumes, les moeurs
et les lois de la civilisation moderne. Mais le contact des etran-
gers, I'importation des spiritueux, les ravages de la lepre ont
porle alteinte a leur vitality. En soixante-quatorze ans, de 1779
h 1853, 1'excedent des dec^s sur les naissances a ete de 525000.
Les indigenes ne comptent plus que pour 40 000 dans une popu-
lation totale de 86 000 habitants. A mesure que la race primi-
tive decroit, la race blanche se multiplie. U y a 18000 Ghinois
et 17 000 Wanes dont 192 Frangais.
Le roi Kalakaua est mort le 20 janvier 1891. Le pouvoir doit
passer k sa soeur qui est mariee k un Americain. Une femme
saura-t-elle sauvegarder Tindependance nationale et defendre
POLYNfiSIE. 477
i'archipel contre les convoitises ^trangeres, en particulicr celle
des Etats-Unis? La grande r^publique distante de 2100 milles,
exerce deji sur le royaume d'Hawai une sorte de suzerainete
nominale. Ce sont les capitaux americains qui en ont developp6
ses ressources et Honolulu est relie au continent am^ricain par
des lignes de paquebot. La capitale (20 000 hab.) ne doit son
independance qu*au d^sir ^gal qu*ont plusieurs Etats civilises
de la supprimer, de sorte qu'aucune entente n*a pu se faire
encore k cet egard.
Geographic Aconomique. — Ce n'est ni par Tetendue de
leurs territoires ni par la densite de leur population que les
innombrables iles de TOcean Pacifique soUicitent I'attention des
Europ^ens. Elles ne couvrent pas une superficie siiperieure au
tiers de la France (175000 kilomq.) et leur population totale
(environ 900000 hab.) ne d^passe pas celle de deux ou trois de
nos departements. Et pourtant elles sont h Theure actuelle, pour
des raisonsqu*on dira plus loin, Tobjet de convoitises acharn^es
de la part de toutes les puissances colonisatrices, qui s*em-
pressenl de planter leur drapeau et de proclamer solennellement
leur prolectorat sur les rochers demeures libres.
Ressouuces maturklles. — Ce sont les produits spontan^s
du sol, plus encore que ceux de Tagriculture, qui constituent
jusqu*^ present la principale richesse de toutes ces iles. Le ter-
rain, d'ailleurs, forme de la decomposition de mati^res volca-
niques, est en general tr6s fertile, et les conditions climateriques
favorisent encore sa f6condit6.
En g6n6ral, les iles du Pacifique sont recouvertes d'une vege-
tation luxuriante. Sur toutes les pentes bien arrosees, de vastes
forels a peine exploit^es masquent les hauteurs. Elles sont
riches en essences utiles aux constructions navales, cedres,
kaori, ou propres k Teb^nisterie, bois de santal, ebenier. De
nombreux arbres fournissent le caoutchouc et d'autres gommes
estimees. Les habitants retireqt epfin de certains d'entre eux
des fibres dont ils font quelques (issus.
Des plantes plus pr^cieuses encore suffisent amplement aux
besoins de Talimentation des indigenes; ils n'ont queTembarras
du choix : goyavier, bananier, arbre hpain^ sagoutier, cocotier.
Dans certaines iles, ils cultivent pourtant, ou plut6t entretien-
nent quelques champs de legumes. Vigname est, dans les Fidji
et les Nouvelles-Hebrides, la plante alimentaire par excellence.
478 OGfiANIE.
Les patatest le taro sont aussi des racines tr^s rSpandues.
Mais en somme, dans toutes les iles du Pacifique, le travail
est inutile. Aussi les indigenes sont-ils en general paresseux,
indolents, et particulieremeni rebelles au travail dans les grandes
plantations. Partout les bras manquent et la depopulation lente
de la plupart des ties ne peut que rendre cette situation toujours
plus critique, tant qu'un mouvement d'immigration s^rieux ne
viendra pas compenser les pertes et pourvoir k Finsufdsance du
travail indigene.
La noix de coco dessech6e ou koprah est le principal objet de
commerce. Elle sert en Europe k la fabrication des savon^ et des
matieres grasses, et de nombreux navires vont la recolter chaque
annee dans differents archipels. Ce sont les iles Fidji et les
groupes voisins des Tonga et des Samoa qui en fournissent les
plus grandes quantites, pr6s de 20000 tonnes. Les Tuamotou et
les Carolines, aux deux extremites du Pacifique, en donnent
aussi de fortes cargaisons. La valeur totale de cette denree n'est
pas inf6rieure peut-6tre k 25 millions de francs. Les oranges de
Taiti sont c616bres sur le marche de San Francisco ; et les rrnis-
cades de la Nouvelle-Guinee et des iles voisines m6ritent 6gale-
ment une mention.
Parmi les cultures proprement dites, le riz est la principale
nourriture des habitants dans I'archipel de Havai; et le maU
occupe, dans la Nouvelle-Caledonie et dans de nombreuses iles
plus fertiles, des centaines d'hectares.
La ponime de terre et divers legumes europ6ens, import^s par
les missionnaires, ont prosper^ presque partout.
La canne h sucre a une veritable importance economique;
bien qu'un grand nombre de plantations aient ete delaissecs,
cette culture fait encore la richesse des iles Havai* et des Fidji ;
mais tandis que dans ces derniferes la production n'atteint plus
9000 tonnes, elle est montte aux Ilawai de 18000 en 1875, a
pres de 80 000 dans les annees dernieres, donnant ainsi a cot
archipel, parmi les pays producteurs de sucre, une place hono-
rable. La Calif ornie et les regions voisines des Etats-Unis sont
pour les produits havaiens des debouches assures.
La canne a sucre est une des cultures qu'on pourrait tenter
avec le plus de fruit, sur toutes les terres de TOcean Pacifique.
Le sol* et le climat lui sont egalement favorables. Elle pourrait
couvrir k Taiti, dans la Nouvelle-Cdedonie, des milliers d'hec-
POLYNESIE. 479
tares. C*est k peine si Ton en rencontre encore quelques champs
dans celte derni^re colonie. En revanche plus de 400 hectares
y sont consacres au cafe\ et Farchipel voisin des Nouvelles-
H6brides en renferme 100 000 plants, app.irtenant a une colonie
frangaise. Taiti, qui eut jadis des plantations prosperes, n*en
conserve plus trace.
La culture du colon avait pris une grande extension aux iles
Fidji lors.de la guerre de Secession; mais la plupart des champs
sont abandonnes. Taiti, Samoa, les ilesHavai ont aussi quelques
plantations de coton.
Le tabac, dont les feuilles servent aux indigenes pour se ra-
cheter de I'impdt, n'est pas tres r^pandu; le the\ qu'on avait
essay6 d'acclimater, n*a pas r^ussi.
Ue'levage est une industrie prosp6re dans quelques iles, ou
les prairies abondamment arrosees i'avorisent surtout la crois-
sance du gros b^tail. Havai doit etre citee en premiere ligne.
On compte aussi 100000 betes a come a la Nouvelle-Galedonie ;
mais les moutons y sont tres rares. Les chevatix sont pen nora-
breux en general et rendent peu de services.
La peche fournit aussi aux indigenes une nourriture abondante
dans un grand nombre de lieux.
Taiti poss6de enfln des bancs d'huitres perlieres et nacrieres
d'une haute valeur et d'une r6elle importance pour la bijouterie
et I'industrie frangaises.
De toutes les iles oceaniennes, on ne connait encore que la
Nouvelle-Galedonie comme pays riche en produits miniers. Mais
des vastes gisements qu'elle contient, un petit nombre seule-
ment sont exploites, faute de capitaux et d'esprit d*entreprise.
Ii*or est peu abondant; mais on a reconnu de nombreuses mines
de houille, Les minerais de cuivre sont particulierement riches
en metal pur ; Yantimoine^ le chrome y le cobalt existent aussi en
depdts importants. Mais c'est jusqu'i present le nickel qui est
Tobjet de I'exploitation la plus active et la plus reguliere. On en
retire annuellement pres de 12000 tonnes; les mines les plus
riches sont celles de Ganala et de This.
L'industrie est dans I'enfance. Les indigenes fabriquent des
nattes, des poteries, quelques armes; mais ils sont surtout
habiles dans la construction des pirogues. Les Papons ont un
gont particulier pour la decoration, la sculpture, la ciselure.
Les raffineries de sucrc des lies liavai, des Fidji, de Taiti ont
480 OCAaNIE.
seuls une importance 6canomique, avec les hauts fourneaux de
Noumea.
La pirogue est le mode de communication par excellence;
mais les plus grandes lies ont aussi quelques routes. Les plus
longues et les mieux entretenues se trouvent aux Havai et dans
la Nouvelle-Caledonie. L'Archipel havaien poss^de mtoe 50 kilo-
metres de voies ferrees ; des lignes de tel^graphes et de telephones
le sillonnent sur pr6s de 400 kilometres.
Commerce. — On comprend qu'il est difficile de donner a\ec
precision le chiffre total du commerce des lies oc^aniennes. On
pent r^valuer approximativement 4 160 ou 175 millions de
francs. Les iles Havai entrent k elles seules dans ce total pour la
moitie (80 millions). Les colonies fran^aises, qui viennent
ensuite, mais tr6s loin derri^re, bien que leur superficie soit
beaucoup plus considerable, font un conunerce d'environ 12 mil-
lions, pour la Nouvelle-Caledonie et 6 pour Taiti. Le chiffre
des affaires dans les etablissements anglais et particuli^-
rement aux Fidji nie d^passe pas 52 millions. Les colonies
allemandes de Tarchipel Bismarck et les lies Salomon sont
encore peu exploit^es. Elles participent peut-6tre pour une
dizaine de millions au mouvement des ^changes. Le groupe des
Samoa et des Tonga fait un trafic de 9 millions, les Carolines,
de5.
En general ces regions n'offrent pas au commerce europ^en
de grandes ressources en debouches. Les indigenes sont sans
besoins, et comme ils ne travaillent pas, ils sont incapables de
fournir autre chose que des produits spontanSs du sol, en
echange des objets qu'on leur vend. Les Wanes sont d*autre part
trop peu nombreux encore pour solliciter de grands apports, el
donner lieu h. un commerce important. Les cotonnades et les
autres tissus, les objets en fer et les machines, sont les princi-
pales marchandises apportees d'Europe ou d'Am^rique par les
navires qui frequentent ces parages. Ajoutons des armes, des
boissons, des drogues et mati^res chimiques, du tabac.
Le Sucre est au premier rang des denrees exportees. Les
ventes atteignent peut-^tre 50 millions, dont plus de 45 aux ties
Havai. Le coprah fournit environ 25 millions. Le nickel de la
Nouvelle-Caledonie, le riz des iles Havai, le coton de Taiti et des
Fidji, les peaux de differei^tes iles peuvent etre ensuite places
sur Ic meme rang.
polyn£sie. m
Ce soot les Am^ricains qui, grdce k Tarchipel des Sanwich.
prennent la plus grande part k ce commerce. Tous les produits
de ces lies sont dirig^s sur San^Francisco et sous pavilion des
£tats-?Unis. Les AUemands jouent aussi un grand rdle dans ces
parages. L«^ navires de Hambourg drainent le trafic de la plu*
part des autres terres. Les Anglais se sont laiss^ distancer.
Quant k la France, son pavilion n'est gu^re represents dans
rOcSan Pacifique que par les vapours des Hessageries maritimes
qui font le service postal de la Nouvelle-CalSdonie, ou par les
croiseurs de TEtat, qui visitent k Spoque fixe nos principales
stations; nous ne prenons qu une part insignifiante au commerce
de nos propres colonies, surtout k Texportation, un dixieme
tout au plus.
Nous sommes pourtant en possession de deux excellents ports.
Noumea et Papeete ont respectivement un mouvement de
100 000 et 50 000 tonnes. Leport d' Honolulu est beaucoup plus
actif (225 000 tonnes. Levuka et Suva dans les lies Fidji ont
55 000 tonnes. Les rades d*Apia dans les Samoa et de Nukua--
hfa dans les Tonga sont des points derelache impor-
tante sur la route de Sydney, ou d*Auckland k San-Francisco,
parcourue rSguliSrement par les steamers anglais, amSricains
ou aUemands (Pacific Hail Line, New-Zealand Shipping-Com-
pany; Norddeutsches Lloyd, etc.). Honolulu est k vingt jours de
navigation de Sydney, k huit de San-Francisco. ^
Quatre puissances se disputent aujourd*hui Tinfluence dans
les lies du Pacifique ou s'en partagent les terres.
La France doit 6tre cit6e en premiere ligne, beaucoup moins
d'ailleurs pour le rdle effectif que jouent nos nationaux dans ces
parages que pour le nombre, TStendue et TanciennetS de nos
possessions. Nous occupons 25000 kilometres carrSs, peuplSs
de 100000 habitants; mais, bien .que le commerce de ces lies
attei^ne dt\k une valeur appreciable, 11 s*en faut qu'elles rendent
tout ce qu'elles peuvent donner.
l/Angleterre et les itats-Vnis occupent aux deux extrSmites
du Grand OcSan une situation symetri<iue. Bien que le royaume
de Sandwich soit politiquement independant, il n/est guSre^ au
point .de. vue , conunercial, qu'une colonio amSricdine, coi*res-
pondaqt aiix lies Fi4ji> qui. n^ sont ^eUes-mSmes qu'une^ d^pen*
•ddneede llAusti^alie* Ces^deuxarchipels jouent au reste le m6m«
rdle vis-Si-vis des deux continents qui leurtont face;
«<oo. CL. 9*, 31
482 0G£a1HIE.
La NouTelle-Guin^e anglaise, situ^e dans la zone tropicale, pent
fournir en outre k bon compte au continent voisiri tons les pro-
duits propres k cette zonej les Apices, le cafe, L'Angleterre pos-
s6de encore quelques autres ilots, mais ils n'ont d'importance
que par leur position comme dep6ts de charbon, ou points de
ravitaillement.
Dans le reste du Pacifique les Anglais et les Am^ricains sont
d'aiUeurs moins disposes, semble-t-il, k annexer r6ellement des
terres qu*k emp6cher les autres puissances de toucher k tout ce
qu*ils ne jugent pas opportun de prendre.
Les Allemands, les derniers venus, ne sont ni les moins actifs
ni les moins heureux. Ils occupent aujourd'hui officiellement
une des I'^gions les plus riches et les plus peuplees du Pacifique.
Ces possessions ont toutefois un grand d^savantage, c'est qu elles
sont en dehors de toutes les routes suivies; et rien ne pent
faire pr^voir qu'elles soient jamais sur le chemin d un grand
courant commercial. On comprend par suite ais^ment la raison
des convoitises de TAUemagne sur Samoa. Ce serait le centre de
ses etablissements oc6aniens, Tentrepdt general de son com-
merce. Mais les autres puissances n*ont pas moins de motifs
pour maintenir la neutrality de ces territoires.
En somme, des influences nombreuses et hostiles se par-
tagent le Pacifique. Mais, tandis que les Anglais et les Ameri-
cains peuvent s'appuyer au sud-ouest et au nord-est sur les
continents voisins qui leur appartiennent, la France et TAlle-
magne au sud-est et au nord-ouest sont beaucoup plus isolees,
la France surtout, si Ton en excepte la Nouvelle-Cal6donie,
puisque la plupart de ses possessions sont diss^min^es en plein
oc^an, k une 6gale distance de TAustralie et de TAmerique. Ce
n'est que Touverture du canal de Panama qui nous permettra
d'exploiter s6rieusement ces colonies et de lutter, plus avanta-
geusement que jusqu'a ce jour^ contre la concurrence de .no3
rivaux.
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1
POLYNjfiSIB. -483
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Jouan. Les iles du Pacifigue,
Deschanel. La France en Oceanic.
Sujets de devoirs.
Qomparer I'lnsulinde et I'lnde continentale : climat, production, com-
merce, etc.
Les diver ses regions naturelles de I'Australie.
lies colonies frangaises en Oceanie.
Ppncipaux produits et principales routes de commerce de TAustralie etde
la Polynesie.
Ciasserles iles de I'Australie et de la Polynesie suivantleur climat et leurs
produits.
Comparer I'Australie avec les autres continents de Th^misph^re austral.
4M OCEAKIE.
CHAPITRE V
COLONISATION DE L'OGl^ANIS
La domination des Portugais^ qui furent les premiers explo-
rateurs de FOc^anie, ne surv6cut pas k leur empire de I'lnde^
Ge sont les Hollandais qui ont pris leur succession dans le
Pacifique : les noms de Nouvelle-Hollande, Nouvelle-Z^lande»
Tasmanie rappellent encore leur passage. Mais ils n'ont pas su
mieux coloniser que leurs deyanciers. Jaloux d'un pr^cieux
monopole, ils ont ferm^ tous leurs ^tablissements h. Timmigra-
tion et ont concentre les cultures dans quelques iles les plus
peupl^es, mais ils n*ont jou^ eux-mfimes que le rdle du propri6-
taire qui vit du revenu de ses domaines tout en n*y envoyant
que des r^gisseurs et des g^rants. Ce n'^tait done pas aux Hol-
landais qu'il 6tait r6serv6 de coloniser TAustralie vide d'habi-
tants. D*ailleurs c'est par le cdt6 oppose aux lies de la Sonde
qu*il fallait I'attaquer et c*est une des raisons qui expliquent le
merveilleux succ^s des Anglais, Les vastes solitudes offraient un
excellent d^bouch^ au trop-plein de la m^tropole qui n*avait pu
longtemps se deverser que sur FAm^rique. C^est aujourd'hui
encore un des pays du monde ou s^^tablissent de prSf^rence les
colons anglais. — Dans le reste de FOceahie, les Espagnoh^ les
Anglais encore, les Frangais, les AmericainSy les AUemands occu*
p^nt des positions diverses dont on a vu la repartition. Ge sont
les grandes puissances qui se sont partag^ la Polyn6sie; elles
ont eu pour but de s'assurer qk et 1^ dans cet inunense espace
des points de ravitailleihent, des ports de rel&che, des d^pdts
de charbons, des stations militaire^. La question ^cbnomique
n'est venue qu*en second rang et c'est pr6cis6ment ce.qui a
permis k celle de ces puissances qui est entr6e k ce point de
vue la derni^re en lice, de prendre dans les possessions de toutes
les autres une preponderance commerciale qu*on dMaignait de
lui disputer.
Si Fon excepte le royaume des iles Hawai et quelques sul-
tanats de Borneo ou de Sumatra, toutes les terres oceaniennes
sont en realite colonies europ^ennes ou americaines; mais h
COLONISATION DE L'OCfiANIE. ^^
quelque puissance qu*eUes appartiennentt elles se distingu'ent
toutes par un certain nombre de caract^res commnns.
Dans toutes le d^peuplement est gSn^ral et les bras manquent.
C'est & peine si, dans Tile de Java, les indigenes sont assez
nombreux pour suflQre k Texploitation du sol. En beaucoup
d endroits, il serait pu^ril de le nier, ce sont les EuropSens qui
ont ^ih Yolontairement les premiers auteurs du mal. II suffit
de rappeler coinment les Espagnols ont compris leur mission
civilisatrice k I'egard des naturels des Mariannes et des Caro-
lines, les Anglais vis^k-vis des Australiens, des Fidjiens, des
Taaoianiens. Ceux-ci ont disparu jusqu*au dernier. Les Fran^ais,
par contre, se sont toujours honoris en traitant avec douceur les
populations indigenes et en cherchant k enrayer les progr^s du
d^peuplement. Mais en d^pit de toutes les mesures pr^serysi*
trices, les indigenes fondent au contact des blancs. lis nous
prennent surtout nos vices qui les tuent; nos habitudes qulls
adoptent, comme celle du v^tement, leur sont tout aussi d^sas-
treuses. II est hors de doute qu*une diminution ^norme s'est
produite dans le chiffre de la population et que ce mouvement
retrograde quoique moins rapide, continue n^anmoins de nos
jours. Ajoutons que ceux qui demeurent sont en gSn^ral pares-
seux et indolents et se refusent k tout travail, du moins dans les
lies polyn^siennes, que de grandes lies comme Borneo et la
Nouvelle Guin^e, presque vierges encore, sont particuli^rement
pauvres en travailleurs et ne sont encore ouvertes que sur un
petit n(»nbre de points ; on conviendra alors que la question du
peuplement est d'importance vitale dans tout ce continent.
Les Europeens ne pourront pas r^ussir partout : dans toute
la Halaisie, dans un grand nombre des ties du Pacifique, les
plus tastes et les plus riches, situ^es sous T^quateur, le climat
ne saurait leur convenir. C est en particulier le cas de toutes
les nouvelies colonies allemandes de la M^lanesie. L'Australie
se pr^e beaucoup mieux k Fetablissement des blancs, surtout
dans la partie mSridionale, La Nouvelle-Z^lande est encore plus
favorable au d6veloppement de lai colonisation ^urop^enne.
Dans le Pacifique meme, de^nombreuses lies situ^es dans le
Yoisinage des tropiques pourraient recevoir sans danger deS mil-
liers de colons europeens. La plupart de nos possessions, la
Nouvelle-CalMonie, Taiti appartiennent k cette cat^gorie.
Partout ailleurs, il faut recourir k d*autres elements. G*est la
486 OGlilANIE.
Chine qui les fournit. Les Ghinois sont actuellement plus de
50000 en Australie, 20000 aux iles Hawai, soit le quart de la
population, plusieurs milliers dans nombre d autres iles. C'est
une veritable invasion pacifique qu'on se flatterait vainement
d^enrayer et qu'il serait sans doute peu sage de vouloir impitoya-
blement refouler. Quel que soit le danger qui en r^sulte pour les
bl&ncs, les coolies r^pondent aujourd'hui dans toute T^tendue
de Toc^an' Pacifique k un besoin reel. Eux seuls peuvent mettre
en valeur la plupart des innombrables terres qui couvrent cet
espace.
L'ouverture du canal projete de Panama aurait de grandes
consequences pour Tavenir commercial de TOceanie. Toutes les
colonies dissemin^es sur le Pacifique verraient bientdt doubler
leur prosperity. Les colons s'y transporteraient plus voloutiers,
surs de trouver desormais vers TEurope un debouch^ plus facile
et moins long. Nos possessions des mers du sud, Taiti, les Mar-
quises seraient parmi les plus favoris^es. Toutes proportions
gard^es et si Ton ne tient compte que du nombre des habitants,
rOc6anie est le continent ou le commerce est le plus actif. Les
lies de la Sonde forment un groupe k part et se rattacheut k
TAsie. Mais dans tout le reste du Pacifique, TAustralie occupe
une place prepond6rante. Tournant vers TOrient sa zone pro-
ductive, developpee en demi-cercle, elle semble vouloir, par
cette position seule, ^tendre sa protection et son hegemonic
sur toutes les terres disseminees au large jusqu*aux extremites
de rOcean. La Nouvelle-Caledonie seule est un point noir. Elle
g^ne singuli^rement les Australiens qui ne negligent aucune
occasion de manifester leur mauvaise humeur. Les Nouvelles-
Hebrides leur en ont fourni dernierement le pretexte ; ils notis
orit emp6ch6 de les annexer, bien qu'elles soient sans contekte
dans la « sphere de notre influence ». Toui cela n'est pas fait
pbur nous permettre de detourner notre affection de nos colo-
nies oc6aniennes. EUes sont precieuses k divers titres e\; ont
l^uV raison d'etre. EUes n'attendent que des colons aui les" met-
tent en valeur pbur prendre une part active au conamerce c(e la
miStropDle.
TABLE DES MATlfiRES
PREMlfiRE PARTIE. ~ ilLFBIQUE.
CoAp. I. — Descriptioic gMn&ale de l'Afrique •• • m -5
> II. — L'AfRIQDE lONEUfiE ••>• 19
Premitre section, — Pays de TAlIas ou Maghreb. . • 20
§ i. Atlas mai*ocain . 21
§ 2. Atlas alg6rien 22
g 3. Atlas tunisien 27
Deuxihme section. — Autres pays de l'Afrique rai-
neure : C6te tripolitaine, cyrenaifque 46
Troisitme section. — Geographie ^conomique de
l'Afrique mineurc 49
t III. — Le Sahara 64
> lY. — £gipte et Kubie 78
9 y. — Abtssihie 92
» VI. — Le- Soudan 105
[ Pretniire section. — Soudan proprement dit. • . . 105
Deuxitme section. — Soudan maritime : S^n^gambie
^ etGuinee 136
» YII. — Afriqce £qcatoriale • i5g
9 YIII. — Afrique adstrale 200
» IX. — Afrique rasuLAiRE • 225
Premitre section. — Archipels du nord-ouest. . , , 225
Deuxihne section. — - lies du golfe de Quince.. . . . 231
Troisthne section. — lies de I'Atlantique meridional. 232
Q^atrihne section, — Madagascar et d^pendances. . 234
Cinquihne section. — Autres lies da I'oc^n Indien. 239
^ X, — L'bxpahshhi mao^BBoxE ts ahuqce. « 345
488
TABLE DES HATlfiRES.
D£DXI£ME PARTIE.
A9IE.
CBAf.
L
n.
III.
IV.
V.
VI.
VII.
VIII.
IX.
X.
XI.
m
XII.
•
XTII.
XIV.
— Dbsgririoh a^irfBALB DB l'Asii.
25i
— SmiRiB 264
— TuausTAN 276
Iban,
287
Anii^inE. — Pats Dir GAircASfi.. . • 298
Anatolib ou Asib mineubb 306
MtiSOPOTAMIB ET SVRIB 317
Ababie.
328
L'Ikdb 336
Ikdo-Ghinb « 361
asie centbale. 381
La Chine. 302
Cor6e.. .:.,.. 411
Lb Japon, ^ 413
EXPAHSIOB BUROPiiBllIIB BB ASB • 421
TROISlfiME PARHE. -^ OCiBANIE.
Cbap
1
i. — ImuLiBDE ov Malaisie. — G^ographie g^n^rale 426
II. — GOLOHIBS EUBOP^ENNES DE LA MaLAISIE 430
NouTeUe-GuiH^e 444
III* — AUSTBALIE ET NOUTELLE-Z^LAHDB . . • 440
' Premiire section. — Australie 446
* ' Deuxikme section. — NouTelle-Z^lande 456
Troiffi^m^ <ec^2on.— Geographic ^conomique. . . . 459
IV. — PoLTBlgSIE 470
.... -..■.-.-> » ' *
V« — GoLOKiSATiOH DB l'Og^amib ••••••. 484
...
» * »
•» kd •■
»^ -^ - i -
Hris. — Imp. LataN, nu d« Flmnt. ••
^